Skip to main content

Full text of "Vigouroux, Dictionnaire de la Bible"

See other formats


«AT 
If 



DICTIONNAIRE 



DE LA BIBLE 



TOME QUATRIEME 

PREMIÈRE PARTIE 

L — MEZUZA 



ENCYCLOPEDIE 

DES 



SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES 

•RÉDIGÉE PAR 

LES SAVANTS CATHOLIQUES LES PLUS ÉMINENTS 

DE FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 



1° DICTIONNAIRE DE LA BIBLE 

Publié par F. VIGOUROUX, prêtre de Saint-Snlpice 

Ancien professeur à l'Institut catholique de Paris, Secrétaire de la Commission biblique 



2° DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE 

Commencé sous la direction de A. VACANT, prol. au Sém. de Nancy, 
Continué sous celle de Eug. MANGENOT, professeur à l'Institut catholique de Paris. 



3° DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE 

ET DE LITURGIE 

Publié par le R me dom Fern. CABROL, abbé de Farnborough et dom H. LECLERCQ. 



DICTIONNAIRE D'HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE 

ECCLÉSIASTIQUES 

Publié par Mgr Alfred BADDRILLART, recteur de l'Institut catholique de Paris, 
Albert VOGT, docteur es lettres, et Urbain RODZIÈS. 



5° DICTIONNAIRE DE DROIT CANONIQUE 

(En préparation) 



DICTIONNAIRE 

DE LA BIBLE 

CONTENANT 

TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLANTES, D'ANIMAUX 

MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES 

LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES 

RELATIVES A L'ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT 

ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES 

PUBLIÉ PAR 



F. YJjGOUROUX 

PRETRE DE SAINT-SULPICE 



AVEC LE CONCOURS D'UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS 



DEUXIÈME TIRAGE 



TOME QUATRIÈME <JV ,'•' 

tu i! ' 

PREMIERE PARTIE £ ( 

L — MEZUZA % 




PAftiï 

LETOUZEY ET ANE, ÉDITEURS 

76 bis , RUE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis 

1912 

TODS DROITS RÉSERVÉS 



Imprimatur 
Parisiis, die 6 Januarii 1908. 



f Franciscus, Card. RICHARD, 
Arch. Par. 



Aleph 

Beth 

Ghimel 



TRANSCRIPTION DES 

n > (esprit doux) 



CARACTÈRES HÉBREUX EN CARACTÈRES LATINS 



Daleth 
Hé 
Vav 
Zaïn 
Heth 
Teth 
Iod > 

Caph -), 3 
Lamed h 



g (doit se prononcer 

toujours dur) 
d 
h 



h (aspiration forte) 
t 

y (consonne), i 
k 

l 



' (esprit dur) 



Mem d, a m 

Nun ], i n 

Samech d s 

Aïn y 

Pé s f> 

Phé i, S f 

Tsadé y, s ? (ts) 

Qoph p q 

ReschT i r 

Sin \s i 

Schin tf s (ch, comme dans 

cheval) 

Thav n f 



Eamets -^r~ 

Patach — — 

Tséré -^- 

Ségol — 

Chirek gadol < — 

Chirek qaton — — 

Cholem i 

Kamets katouph ~T~ 

Schoureq i 

Kibbouts —r~ 

Scheva mobile ~T~ 

Chateph patach —~ 

Chateph ségol ~7T 

Chateph kamets tt 



i 

Û 

o 

û (ou long) 

u (ou bref) 

e 



TRANSCRIPTION DES CARACTÈRES ARABES EN CARACTÈRES LATINS 



w 

Q 
O 



1 
2 
3 
4 
5 

6 

7 

8 

9 

10 

11 

12 

13 

14 

15 
16 
17 
18 
19 
20 
21 
22 
23 
24 
25 
26 
27 
28 



NOM 



Élif . 
Ba. . 
Ta. . 
Ta. . 
Djim. 

Ha. . 
lia. . 
Dal . 
Dal . 
Ra. . 
Za. . 
Sin . 
Schin 
Sâd . 

Dâd . 
Ta. . 
Zâ. . 
'Aïn . 
Ghaïn 
Fa. . 
Qoph 
Kapb 
Lâm 
Mîm. 
Noun 
Ha . 
Ouaou 
Ya* . 



Fatha . . 
Kesra . . 
Dhamma. 



FORME 



<• > 

c 

i . 
> 

j 

J> 

Jp 
k 

k 

f- 

i 
3 

J 

f 
o 

3 



> 

i 

i 

J 

-O 

-ô 

k 
k 

£ 

è 
s 

s 

i 

J 

j 






.42 

k 
k 



JL 






J. 

i } 

k 

k 

è 
(3 
J- 
o- 



6 
ih ou £ 

h ou kh 
d 
d 

r 

z 

s 

sch ou s 



gh ou g 
1 
1 
k 
l 

/n 
h 
u 

y, » 



PRONONCIATION 



esprit doux. 

b. 

t. 

th anglais dur, le 8 grec. 

g italien de giorno. En Egypte et dans quelques 

parties de l'Arabie, comme g dans garçon. 
aspiration forte. 

aspiration gutturale,,; espagnol, ch allemand, 
d. 

th anglais doux, le 8 grec, 
r. 

z, 

s dur. 

ch, dans cheval. 

s emphatique, prononcée avec la partie antérieure 

de la langue placée contre le palais, 
d emphatique, 
t emphatique, 
z emphatique. 

esprit rude : y hébreu, son guttural, 
r grasseyé. 

r. 

k explosif et très guttural, 
k. 



aspiration légère. 

ou français, w anglais. 

i, y- 



VOYELLES 

a, é avec élif, = à. 

i, é avec ya, = 1. 

ou, o avec ouaou, = où. 



LISTE DES COLLABORATEURS 

DU TOME QUATRIÈME 



MM. 

Apollinaire (le R. P.) (f), de l'ordre des Capucins. 

Bertrand Louis (f), prêtre de Saint-Sulpice, biblio- 
thécaire du grand Séminaire de Bordeaux. 

Beurlier Emile (f), docteur es lettres, curé de Notre- 
Dame d'Auteuil, à Paris. 

Bihl (R.P.M.) Franciscain, à Fulda. 

Bliard Pierre, bibliographe, à Paris. 

Bonaccorsi Joseph, missionnaire du Sacré-Cœur, à 
Florence. 

Broise (Bené de la) (f), docteur es lettres, ancien pro- 
fesseur à l'Institut catholique de Paris. 

Ermoni V., prêtre de la Mission, docteur en théologie, 
ancien professeur d'Écriture Sainte au séminaire de 
Saint-Lazare, Paris. 

Fillion Loûïs-Claude, prêtre de Saint-Sulpice, profes- 
seur honoraire à l'Institut catholique, Paris. 
Foiaetête, curé de Sagnelegier (Suisse). 

Heidet Louis, ancien professeur à l'École biblique de 
Jérusalem. 

Heurtëbize (le R. P. dom Benjamin), bénédictin de la 
Congrégation de France, à RaTenswood Ryde (Angle- 
terre). 

Hy Félix, professeur de botanique à la Faculté catho- 
lique d'Angers. 

Ingold Aug., à Colmar (Alsace). - 

Lagier (B. P. Camille), S. J. au collège de la Sainte- 
Famille, au Caire (Egypte). 

Lagrange (R. P. J. M.), professeur â l'École des 
Études bibliques de Jérusalem. 

Larrivaz (R. P.), S. J. au collège de la Sainte-Famille, 
au Caire (Egypte). 

Legendre Alphonse (Ma'), docteuren théologie, professeur 
d'Ecriture Sainte et d'archéologie biblique, doyen de 
la Faculté catholique d'Angers. 

Le Hir Daniel, chanoine de Notre-Dame de Paris. 

Lepin Mar., professeur au grand séminaire de Lyon. 



MM. 

Lesètre Henri, curé de Saint-Étienne-du-Mont, Paris 

Levesque Eugène, prêtre de Saint-Sulpice, professeur 
d'Ecriture Sainte à l'école supérieure de théologie, 
Paris. 

Mangenot Eugène, professeur d'Écriture Sainte à l'Ins- 
titut catholique de Paris. 

Martin François, professeur d'assyrien à l'Institut catho- 
lique de Paris. 

Martinez y Vigil fM« r Raimondo), évêque d'Oviédo. 

Mécmineau (R. P. Lucien), S. J., professeur d'Ecriture 
Sainte à l'Université grégorienne à Rome. 

Michels (R. P.), Franciscain, à Metz. 

Miskgian Jean, (Me 1 ), à Constantinople. 

Molini (R. P. Augustin), Frère mineur, à Rome. 

Montagne (J.), à Blackburn (Angleterre). 

Nau François, professeur à l'Institut catholique de Paris. 

Palis Eugène(f), aumônier, à Béziers. 

Pannier Eugène, professeur d'archéologie et de langues 
orientales à la Faculté catholique de Lille. 

Parisot (R. P. Jean), à Plombières-les-Bains. 

Prunier, professeur au grand séminaire de Séez. 

Prat Ferdinand, ancien professeur d'Écriture Sainte, 
à Borne. 

Régnier Adolphe, bibliothécaire à l'Institut de France, 
à Paris. 

Renard Paul, docteur en théologie, supérieur du grand 
séminaire de Chartres. 

Rey Octave, du clergé de Paris. 

Sedlàcek Jaroslaus, professeur à Prague. 

Toussaint, professeur au grand séminaire de la Rochelle. 

Van den Gheto (le R. P. Joseph), de la Compagnie de 
Jésus, bollandiste, conservateur des Manuscrits de la 
Bibliothèque royale, à Bruxelles. 

Van Kasteren (R. P. P.), de la Compagnie de Jésus 
à Maastricht (Hollande). 



DICTIONNAIRE 

DE LA BIBLE 



L, douzième lettre de l'alphabet hébreu. Voir Lamed. 

LAABIM (hébreu : Lehâbim; Septante : A«6tei'jji, 
Aaëefv), nom d'un peuple descendant de Mesraïm. 
Gcn., x, 13; I Par., i, 11. La plupart des exégètes 
pensent que ce mol, qui n'apparaît pas ailleurs dans 
la Bible, est le même que Lûbim. Voir Libyens. Ce- 
pendant S. Bochart, Opéra, 4 9 édit., in-f<-, 1712, t. I, 
p. 279, nie cette identification. Il fait remarquer que 
Phut ou Lùbim est le frère de Mesraïm et non son fils. 
Son argument est sans valeur, car Pût ou Phut et 
Lûbim (Vulgate : Africa et Libyes) désignent deux 
peuples différents, Nahum, III, 9, et c'est Phut qui est 
le frère de Mesraïm. On n'a aucun renseignement 
précis sur les Laabitn, s'ils sont distincts des Lûbim. 
Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'ils sont une nation 
africaine, du groupe égyptien. E. Beurlier. 

LAAD (hébreu : Lâhad; Septante : AaâS), fils de 
Jahath de la tribu de Juda. I Par., iv, 2. 

LA AD A (hébreu : La'edâh; Septante : AaaBi), se- 
cond fils de Séla et petit-fils de Juda. Il est appelé père, 
c'est-à-dire fondateur ou restaurateur de la ville de Ma- 
résa. I Par., iv, 21. Voir Marésa. 

LAADAN (hébreu : La'edân; Septante : AaaBiv), 
Éphraïmite, fils de Thaan et ancêtre de Josué, successeur 
"de Moïse. I Par., vu, 26. — Un lévite, qui porte le même 
no n dans le texte hébreu, est appelé par la Vulgate 
Léédan dans I Par., xxiii, 7, 8, 9, et Lédan dans I Par., 
xxvi, 21. Voir Léédan. 

LABAN (hébreu : Ldbân, « blanc »), nom du frère 
de Rébecca et d'une localité dans le voisinage de la mer 
Rouge. 

1. LABAN (Septante: Aa6av), frère de Rébecca et beau- 
père de Jacob. — Quand Jacob se fut attiré la colère 
d'Ésaù, en se faisant attribuer le droit d'aînesse par son 
père Isaac, Rébecca lui conseilla de fuir à Haran, près 
de Laban. Gen., xxvn, 43-44. Voir Haran, t. m, col. 424- 
426. Laban, frère de Rébecca et par conséquent oncle 
de Jacob, avait jadis bien accueilli le visiteur d'Abraham, 
Éliézer, qui venait chercher une épouse pour Isaac, 
Gen., xxrv, 29-33; il avait donné, conjointement avec 
son père Bathuel, voir Bathuel, t. i, col. 1508, son 
consentement au mariage de Rébecca avec Isaac et avait 

DICT. DE LA BIBLE. 



reçu des présents à cette occasion. Gen., xxiv, 50-60. 
Rébecca suggéra elle-même à Isaac d'ordonner à son 
fils d'aller prendre pour épouse une des filles de Laban. 
Celui-ci résidait à Paddan-Ararn. Gen., xxvm, 2-5. Jacob 
partit et arriva dans le pays de Haran, près d'un puits 
autour duquel les bergers se réunissaient pour abreuver 
leurs troupeaux en commun. Il apprit d'eux que Rachel, 
fille de Laban, allait arriver avec les brebis de son père. 
Quand elle fut venue, Jacob fit passer au puits les pre- 
miers les troupeaux de la jeune fille, puis salua sa cou- 
sine et se fit connaître à elle. Averti par Rachel, Laban 
accueillit Jacob, qui lui raconta tout ce qui pouvait l'in- 
téresser au sujet de son voyage. Au bout d'un mois de 
séjour, Laban apprécia les services que pouvait lui 
rendre son neveu, très expert dans le soin des trou- 
peaux. Pour le retenir, il lui fit donc cette proposition : 
« Puisque tu es mon parent, faut-il que tu me serves 
pour rien? Dis-moi donc quel sera ton salaire? » Jacob 
était venu pour demander en mariage une des filles de 
Laban; il était obligé en conséquence de payer au père 
de la jeune fille une dot, le mohar. Voir Dot, t. n, col. 
1495-1496. Il offrit donc à Laban de le servir pendant sept 
ans, afin d'obtenir en mariage Rachel, sa fille cadette, 
qui lui plaisait bien, mieux que l'aînée, Lia, dont les yeux 
étaient délicats. Laban répondit : « Mieux vaut que je la 
donne à toi qu'à un autre, » et la convention fut acceptée. 

Au bout de sept ans de service, Jacob réclama son 
épouse. Laban voulut que le mariage fût accompagné 
d'un festin, el, le soir, il amena à son neveu non pas 
Rachel, mais sa sœur aînée, Lia. La nuit et fe repas 
qu'il venait de faire, dit Josèphe, Ant. jud., I, xix, 6, 
empêchèrent Jacob de reconnaître la vérité. Ce fut seu- 
lement le lendemain qu'il s'aperçut de la substitution 
frauduleuse dont il avait été la victime. A sa juste plainte, 
Laban répondit : « Il n'est point d'usage en ce pays-ci 
de donner la cadette avant l'aînée. » Il promit cependant 
à^Jaeob de lui donner Rachel au bout de sept jours, s'il 
' s'engageait à le servir encore pendant sept autres an- 
nées. Celui-ci accepta et Laban réussit de la sorte, bien 
que tort malhonnêtement, a assurer le sort de ses deux 
filles. Gen., xxix, 9-30. 

Pendant quatorze ans, Jacob prit soin des intérêts de 
son beau-père et lui acquit une grande prospérité. 
Aussi, quand au bout de ce temps il demanda à partir, 
Laban le pria de rester encore, en lui offrant de fixer 
lui-même son salaire. Jacob avait appris, à ses dépens, 
à connaître l'avarice de son beau-père. Il fit donc avec 
lui une convention qui devait le mettre personnelle- 

IV. - 1 



LABAN — LABOURAGE 



4 



meut en possession de ce qu'il gagnerait. Voir Jaoob, 
t. m, col. 1063, et Brebis, t. i, col. 1917-1918. La ma- 
nière ingénieuse dont Jacob traita dès lors les trou- 
peaux "de Laban fit peu à peu passer la richesse de son 
côté. Laban et ses fils s'en émurent; Jacob donna à en- 
tendre qu'il y avait là un juste retour des choses et une 
marque de la faveur divine envers celui qui avait été 
traité avec si peu de loyauté. Puis, jugeant qu'il ne pou- 
vait rester davantage chez Laban, auprès duquel il avait 
vécu quatorze ans pour obtenir ses épouses, puis six 
nouvelles années pour répondre au désir de son beau- 
père, il se disposa à retourner en Chanaan. Lia et Rachel 
approuvèrent sa résolution et lui dirent : « Y a-t-il en- 
core pour nous une part et un héritage dans la maison 
de notre père? Ne nous a-t-il pas traitées comme des 
étrangères, en nous vendant et ensuite en mangeant le 
prix que nous avions rapporté? » Elles connaissaient 
par expérience la cupidité de leur père; elles la consta- 
taient en remarquant qu'il avait tout reçu sans rien leur 
donner. Jacob profita du moment où Laban était allé 
tondre ses brebis, pour partir avec sa famille et ses 
troupeaux. Gen., xxx, 25-xxxi, 21. 

Trois jours après, Laban, informé de ce départ, se 
mit à la poursuite de Jacob, qu'il atteignit au bout de 
sept jours, près de la montagne de Galaad. 11 était dou- 
blement mécontent, et de ce départ inopiné, et de la 
disparition de ses teraphim, espèces d'idoles domestiques 
qui lui servaient d'amulettes. Voir Idole, t. lu, col. 822, 
et Théraphim. Rachel les lui avait emportées sans rien 
dire à personne. Laban attachait grand prix à la pos- 
session de ces objets, qui semblent avoir eu pour lui 
une signification plutôt superstitieuse qu'idolâ trique. 
Comme il était animé de sentiments assez malveillants 
à l'égard de Jacob et avait amené avec lui ses frères et 
leurs gens, Dieu se montra à lui en songe pour lui si- 
gnifier de ne tenir à son gendre aucun propos désobli- 
geant. Laban n'en manifesta pas moins son dépit, parla 
de son amour pour ses fils et ses filles et des fêtes par 
lesquelles il eût été heureux de les saluer au départ. 
Puis il ajouta : « Ma main est assez forte pour te mal- 
traiter; mais le Dieu de votre père m'a dit hier : Garde- 
toi d'adresser à Jacob de dures paroles. » Cette expres- 
sion, « le Dieu de votre père, » indique que, comme 
Jacob, Lia et Rachel servaient le Dieu d'Abraham . et 
d'isaac. Laban se mit ensuite à faire grand éclat à propos 
de ses théraphim ; Jacob, qui ne savait rien, lui dit de 
les chercher dans toutes les tentes et Rachel usa d'un 
subterfuge pour empêcher son père de les trouver dans 
la sienne. Voir Rachel. Jacob, que cette scène avait ir- 
rité, querella son beau-père au sujetde ses perquisitions, 
de sa poursuite hostile, de la manière dont il l'avait 
traité quand il était à son service. Laban fut réduit au 
silence. Pour tout conclure, il demanda à son gendre de 
faire alliance avec lui, afin que leur séparation fût ami- 
cale. « Que Jéhovah, dit-il, veille sur toi et sur moi... 
Que le Dieu d'Abraham, le Dieu de Nachor, le Dieu de 
leur père soit juge entre nous! » 11 faut conclure de ces 
formules que Laban était un adorateur du vrai Dieu, 
bien qu'à son culte il mêlât des pratiques superstitieuses. 
Jacob dressa une pierre comme monument de l'alliance 
contractée; Laban fit apporter un monceau de pierres 
par ses frères, et sur elles on prit un repas en commun, 
On donna au monument le nom de Gal'êd, ou Galaad, 
« monceau témoin. » Voir Galaad, t. m, col. 45. Un sa- 
crifice fut ensuite oftert sûr la montagne, le serment 
d'alliance fut mis sous la sauvegarde du Dieu d'isaac, 
et, le lendemain matin, après avoir baisé et béni ses fils 
et ses filles, c'est-à-dire Jacob, ses femmes et leurs en- 
fants, Laban reprit le chemin de son pays: Gen., xxxi, 
22-55. — Laban parait avoir été dominé par une cupi- 
dité excessive, qui le portait à ne tenir aucun compte de 
la parole donnée, quand son intérêt était en jeu. Il 
manqua odieusement à sa promesse envers Jacob, quand 



celui-ci l'eut servi fidèlement durant sept ans. Josèphe. 
Ant. jud., I, xix, 9, l'accuse même d'autres méfaits: 
« Voyant que Dieu l'aidait en ce qu'il entreprenait, il 
lui promettait de lui donner tantôt ce qui naîtrait de 
blanc, tantôt ce qui naîtrait de noir. Quand augmentaient 
les animaux qui devaient appartenir à Jacob, au lieu de 
tenir sa parole dans le présent, Laban promettait de les 
lui abandonner, l'année suivante ; jaloux de l'accroisse- 
ment de ses biens, il promettait, quand il comptait que 
le produit serait médiocre, puis trompait, quand ce pro- 
duit était sous ses yeux. » Il faut avouer que ces accusa- 
tions ne font que détailler le reproche que Jacob adresse 
lui-même à son beau-père : a Dix fois tu as changé mon 
salaire, et si je n'eusse pas eu pour moi le Dieu de mon 
père,... actuellement tu m'aurais renvoyé les mains 
vides. » Gen., xxxi, 41, 42. La Sainte Écriture ne dit 
plus rien de Laban, à partir de sa dernière entrevue avec 
Jacob à Galaad. H. Lesêtre. 

2. LABAN (Septante : Aoêo'v), localité située sur la 
route que suivirent les Israélites en se rendant dans la 
Terre Promise. Deut., I, 1. L'écrivain sacré la nomme 
entre Tophel et Haséroth, '&■ dans le désert, dans la 
plaine, vis-à-vis de la mer Rouge. » C'est probablement 
le campement qui est appelé Lebna dans les Nombres, 
xxxm, 20-21. Voir Lebna. 

LABANA (hébreu : Libnâh; Septante : Asëvà), ville 
de la tribu de Juda. Jos., xv, 42. La Vulgate l'appelle 
ordinairement Lebna. Voir Lebna 2. 

LABANATH (hébreu : Libnât ; Septante : AaêavâO), 
dans la tribu d'Aser. Jos., xix, 26. La Vulgate, à la suite 
des Septante, fait de Labanath une ville différente de 
Sihor, mais, d'après le texte hébreu, Sihor-Labanath 
n'était qu'une seule et même ville. Voir Sihor-Labanaiii. 

LABORDE (Léon-Emmanuel-Simon-Joseph, comte 
de), érudit français, né à Paris le 12 juin 1807, mort 
à Beauregard (Eure) le 25 mars 1869. Après de sérieuses 
études à l'Université de Goettingue, il fit un voyage en 
Orient et parcourut l'Asie Mineure, la Syrie, l'Egypte et 
l'Arabie Pétrée.A son retour, il fut attaché d'ambassade; 
mais en 1836 il renonça à la diplomatie pour se livrer 
entièrement aux études, et en 1842, il était élu membre 
de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Trois 
ans plus tard, il était nommé conservateur des Antiques 
au Musée du Louvre; enfin, le 4 mars 1857, il devint 
directeur général des Archives. Le comte de Laborde 
a publié de nombreux ouvrages, mais nous n'avons à 
mentionner que les suivants : Voyage en Arabie Pétrée, 
in-f», Paris, 1830-1833; Voyage en Orient, publié en 
fascicules, in-f», Paris, de 1837 à 1864; et surtout le 
Commentaire géographique sur l'Exode et les Nombres, 
in-f°, Paris, 1842. — Voir Revue des questions histo- 
riques, 1869, t. vu, p. 292; Polybillion, 1869, t. m, 
p. 233; Annuaire- Bulletin de la Société de l'histoire de 
France, 1869, t. vu, p. 117. B. Heurtebize. 

LABOURAGE (hébreu : hdriS ; Septante : àpotpt'ao-ic), 
travail qui consiste à ameublir le sol, à l'aide d'instru- 
ments (fig. 1), avant d'y jeter la semence. Les verbes 
qui désignent ce travail sont les suivantes : gûb, hdraS, 
pàtah, <s ouvrir » la terre avec la charrue; àporptôto, 
arare. La terre qu'on laboure s'appelle yâgêb, 1er., xxxix, 
10 (Vulgate, faussement, cisternx); ôypô;, YeûSpyiov, 
I Cor., m, 9, agricultura. Le labourage ne constitue que 
le travail préliminaire de la culture de la terre. Sur l'en-- 
semble du travail agricole, voir Agriculture chez les Hé- 
breux, avec les figures, t. i, col. 276-286. Sur les instru- 
ments employés pour le labourage, voir Charrue, avec les 
figures, t. m, col. 602-605; Herse, t. m, col. 655; Houe, 
t. m, col. 766-767. — Le labourage était rigoureusement 



LABOURAGE — LABOUREUR 



6 



interdit le jour du sabbat. Exod., xxxiv, 21. — La Pa- 
lestine était un pays fertile ; le labourage y était facile 
dans les grandes plaines, mais plus malaisé dans les ré- 
gions montagneuses. On se servait, pour labourer, de 
bœufs, Jud., xiv, 18; Job, i, 14, et quelquefois d'ânes. 
Is., xxx, 24. Elisée labourait avec douze paires de bœufs 
et conduisait lui-même la douzième paire. III Reg., xix, 
19. Le champ qu'il cultivait de la sorte et dans lequel il 
pouvait faire manœuvrer un pareil attelage, était situé à 
Abelméhula, dans la vallée du Jourdain, au sud-est de la 
tribu d'Issachar. Voir Abelméhula, t. i, col. 33, et carte 
d'Issachar, t. m, col. 1008. Les grasses terres d'alluvions 
ne pouvaient être remuées que par une puissante char- 
rue. Les terrains trop rocheux étaient rebelles au la- 
bour. Am., vi, 13. Certains animaux, comme l'aurochs, 
étaient trop sauvages et trop dangereux pour qu'il fût 
possible de les employer au labourage. Job, xxxix, 10. 
Voir Aurochs, t. i, col. 1260. La loi, qui défend souvent 
de mêler ensemble des choses différentes, interdisait de 
labourer avec un bœuf et un âne attelés ensemble. Deut., 
xxii, 10. Sur les motifs de cette prohibition, voir Ane, 
t. i, col. 572. Les Israélites peu aisés n'avaient souvent à 
leur disposition qu'un bœuf et un âne, et ils auraient été 



leurs terres. Samuel, en énumérant devant le peuple 
les charges qu'un roi fera peser sur lui, ne manque pas 
de dire qu'il prendra des (ils du peuple pour labourer 
ses terres. I Reg., vin, 12. C'est ce qui se réalisa. L'his- 
torien sacré le signale à propos de David, I Par., xxvii, 
26,et d'Ozias, II Par.,xxvi, 10, qui avaient des laboureurs 
enrôlés pour la culture de leurs domaines. Quand les 
Chaldéens envahirent le royaume de Juda, ils détrui- 
sirent le laboureur et ses bœufs, Jer., li,- 23, et furent 
ensuite obligés de laisser aux plus misérables du pays 
le soin de cultiver les champs et les vignes. IV Reg., 
xxv, 12; Jer., lu, 16. Les prophètes promirent qu'après 
la captivité les laboureurs reprendraient leurs travaux. 
Jer., xxxi, 24; Ezech., xxxvi, 9. A l'époque évangélique, 
on prenait à gage des cultivateurs, yewpYot, agricoles, 
pour les envoyer travailler dans les vignes et dans les 
champs. Matth., xxi, 33-41; Marc, xii, 1, 2. — 2» La 
Sainte Écriture fait encore quelques remarques sur la 
vie des laboureurs. Ils ne sont pas toute l'année à labou- 
rer, Is., xxviii, 24, mais ils ont soin de le faire au temps 
voulu s'ils veulent obtenir une récolte. II Tim., Il, 6. 
Leur travail accompli, ils attendent la pluie bienfaisante, 
Jacob., v, 7, et vivent dans l'espérance. I Cor., ix, 10. Ils 




1. — Labourage en Egypte. D'après Wilkinson, Manners and Customs oj the anc. Egtjptians, 1878, t. n, flg. 165, p. 391. 



tentés de les atteler ensemble à la même charrue. C'est 
ce que font aujourd'hui sans scrupule les laboureurs 
syriens. Voir t. il, flg. 215, col. 605. — Dans les temps 
de grande et persistante sécheresse, le labourage deve- 
nait impossible et la famine en était la conséquence. 
<}en., xlv, 6. L'Ecclésiastique, vu, 16, recommande la 
culture de la terre : « Ne dédaigne pas les pénibles 
labeurs, et le travail des champs (fewpYÎa, iiisticatio) 
institué par le Très-Haut. » Cf. Gen., n, 15. — Les 
prophètes annoncent que Sion sera labourée comme 
un champ, Jer., xxvi, 18; Mich., m, 12, et par là ils 
-veulent montrer combien sa ruine sera complète. — 
Au point de vue spirituel, l'âme du chrétien est une 
terre que Dieu laboure, Y«ipY'° v J agricultura. I Cor., 
m, 9. H. Lesëtre. 

LABOUREUR (hébreu : 'ikhâr, yogbîm ; Septante : 
"YEMpyôç, S-j-poixo;; Vulgate: arator, agricola), celui qui 
laboure la terre. — Voir Agriculture, t. i, flg. 45, col. 
"277; lig. 46, col. 283; sur ceux qui, d'une manière géné- 
rale, s'adonnent aux travaux agricoles, voir Cultivateur, 
t. Il, col. 1158. — 1» Les laboureurs proprement dits sont 
des gens du peuple qui travaillent soit pour leur compte, 
soit pour le service d'un autre. Tels sont le paresseux 
qui ne veut pas labourer sous prétexte que le temps est 
mauvais, Prov., xx, 4, et l'esclave qui, après avoir 
labouré, a encore à servir son maître. Luc, xvn, 7. Les 
taux prophètes, convaincus de mensonge et menacés 
du châtiment, veulent se ( faire passer pour de simples 
laboureurs, des esclaves achetés pour cultiver la terre. 
Zach., xui, 5. Il fallait qu'une calamité fût bien grande 
„pour que les laboureurs eux-mêmes fussent appelés à 
prendre part à un deuil public. Am., v, 16. — Les grands 
propriétaires du sol avaient des laboureurs pour cultiver 



sont consternés quand la pluie tarde à tomber, Jer., xiv, 
i, ou quand les sauterelles s'abattent sur les moissons. 
Joël, i, 11. Pour marquer l'abondance extraordinaire des 
récoltes, Amos, îx, 13, dit que le laboureur talonnera le 
moissonneur. La moisson était habituellement terminée 
à la Pentecôte, vers la fin de mai; les semailles se fai- 
saient avant la première pluie qui tombait vers la fin 
d'octobre. Le labourage précédait les semailles de quel- 
ques semaines. Pour se heurter au laboureur, il fallait 
donc que le moissonneur eûtà prolonger son travail près de 
quatre mois plus longtemps que de coutume. Leprophète 
parle d'ailleurs ici d'une récolte figurative. Le laboureur 
n'a ni le temps ni le goût de s'occuper d'autre chose que 
de son œuvre agricole. « Celui qui mène la charrue et 
est fier de manier l'aiguillon, excite les bœufs de la 
pointe, s'occupe de leurs travaux et ne parle que des 
petits des taureaux. Il met tout son cœur à retourner 
les sillons et ne songe qu'à engraisser les vaches. » Ec- 
cli., xxxviii, 26, 27. — 3» Dans le sens métaphorique, les 
laboureurs qui « labourent le dos » et y tracent de longs 
sillons sont les persécuteurs du juste. Ps. cxxix (cxxvin), 
3 r JLaiourer l'iniquité ou le mal, Job, iv, 8; Ose., x, 3 
(hébreu), c'est avoir une conduite impie qui donnera en- 
suite une récolte de péchés et de malheurs. Sur l'expres- 
sion : « Juda labourera, Jacob hersera, » Ose., x, 11, voir 
Herse, t. m, col. 655. Isaïe, lxi, 5, dit qu'après la venue 
du Messie les fils des étrangers seront les laboureurs et 
les vignerons d'Israël, c'est-à-dire que les peuples, au- 
trefois ennemis et persécuteurs d'Israël, se feront les 
serviteurs de l'Église et travailleront dans un champ 
spirituel. Il est recommandé de venir à la sagesse comme 
le laboureur et le semeur, Eccli., vi, 19, par conséquent 
en se donnant de la peine pour la posséder et en obte- 
nir les fruits. — Enfin, Notre-Seigneur dit qu'il est lui- 



7 LABOUREUR 

même la vigne, et son Père le cultivateur, yetspfâc, agri- 
cola. Joa., xv, 1. Voir Vigneron. H. Lesètre. 

LAC (grec : X(u.v7i), grand amas d'eau enclavé dans 
les terres. La langue hébraïque n'a pas de mot spécial 
pour désigner un lac proprement dit : elle appelle ydm, 
« mer, s le lac de Génésareth, Nom., xxxiv, 11; Jos., 
"Xili, 27, de même que le lac Asphaltite, Xiu,vn 'A<jipaX- 
Tïtts, Josèphe, Ant.jud., I, IX, etc., qu'elle désigne sous 
le nom de « mer de sel », mare salis, Gen., xiv, 3, etc., 
de « mer de l'Arabah », mare solitudinis, Deut., iv, 
49, etc. Pour d'autres appellations, voir Morte (Mer). 
Le lac Mérom est appelé « eaux de Mérom », mê Mêrôtn, 
aquse Merom. Jos., xi, 5, 7. Pour les étangs, voir Étang, 
t. h, col. 1996. Voir aussi Piscine. — Dans le Nouveau 
Testament, les écrivains sacrés, habitués à parler dans 
leur enfance une langue sémitique, donnent aussi au 
lac de Tibériade, à l'exception de saint Luc, le nom de 
8a>â<T<ja, « mer, » mare Galilmse. Matth., iv, 18; Marc, 
i, 16; etc., mare Tiberiadis, Joa., vi, 16; xxi, 1, etc. 
Le troisième Évangéliste est le seul qui, grâce à sa con- 
naissance plus exacte de la langue grecque, l'ait désigné 
par le mot propre de Xî|xvr„ « lac. » Luc, v, 1, 2; vin, 
22-23. La Vulgate porte : stagnum, « lac, étang, s dans 
tous ces passages. Pline emploie le terme lacus pour dési- 
gner le lac de Génésareth : lacus quem plures Genesaram 
vocant, H. N., V, xv, 2, comme pour la mer Morte : 
Asphaltites lacus, H. N., II,'cvij4; V, xv, 2; VII, xiii, 3. 
— Saint Jean, dans l'Apocalypse, se sert métaphorique- 
ment du mot>t'[j.vï| pour désigner l'enfer qu'il appelle "klpvn 
toO Ttupo'ç. La Vulgate traduit : stagnum ignis, qu'on a 
coutume de rendre par « étang de feu », quoiqu'il fallût dire, 
d'après l'original, « lac de feu. » Apoc, xix, 20; xx, 10 
(Vulgate, 9), 14-15; xxi, 8. Voir Enfer, t. n, col. 1796. — 
Saint Jérôme a aussi employé le mot stagnum, Lev., xi, 9, 
pour traduire l'hébreu ydm, « mer, » transformant ainsi 
en poissons dé lac ou d'étang les poissons de mer. — Le 
second livre des Machabées, xn, 16, mentionne le lac ou 
plutôt l'étang de Casphin (Xfjxvri; Vulgate, stagnum). 
C'est probablement le marais qui est au sud-ouesl de 
Kisphin. Voir Casphin, t. n, col. 331-332. 

Le mot lacus se lit plusieurs lois dans notre Vulgate 
latine, mais il y est employé le plus souvent — 1° dans 
le sens dé « fosse », Ps. vu, 16; xxvii (xxvm), 1, etc. 
(hébreu : bôr; Septante : Xdbocoç). Voir Fossk, t. il, 
col. 2329. — 2° Il a la signification de « pressoir » dans 
Marc, xii, 1 (ûra>Xï|viov); Apoc, xiv, 19, 20, Xï|v6ç, parce 
que le pressoir formait un creux ou fosse. — 3° Mais il dé- 
signe aussi un amas d'eau (hébreu : miqvêh), Exod., vu, 
19; un réservoir d'eau (hébreu : miqvâh), Is., xxii, 11; 
une citerne ou une piscine, I Mach., ix, 33 (grec : Xâxxoç). 
Voir Asphar, t. [, col. 1123. — Pour lacus Asan, tra- 
duction, dans la Vulgate, de l'hébreu Kôr 'ASân, voir 
Asan, t. i, col. 1035. " F. Vigourôux. 

* LACÉDÉMONIENS (grec: Aax68asu.oveoi,E7tap ; nàTac; 
Vulgate iLacedœmones, Spartiatse, Spartiani), habitants 
du principal État du Péloppnèse (fig. 2). On les appe- 
lait aussi Spartiates et c'est le nom qui leur est partout 
donné dans les livres des Machabées, excepté II Mach.,v, 
9,où ils sont appelés Lacédémoniens. La Bible mentionne 
les relations des Juifs et des Lacédémoniens à l'époque 
des Machabées. 

1» Onias I", qui exerça les fonctions de grand-prêtre 
de 323 à 300 avant Jésus-Christ, écrivit au roi Arius 
ou Aréus I» de Sparte (voir Arius, t. î, col. 965) et re- 
çut en réponse une lettre dans laquelle ce prince décla- 
rait avoir trouvé dans un écrit relatif aux Spartiates 
et aux Juifs l'affirmation que ces deux peuples étaient 
frères et descendaient d'Abraham. Il en concluait que 
Tes Juifs feraient bien de lui écrire « sur leur prospé- 
rité », c'est-à-dire de lé tenir au courant de leurs affaires. 
Lui-môme leur déclarait que les troupeaux et les biens 



LACEDEMONIENS 8 

des deux peuples seraient communs. Un envoyé du roi 
était chargé de développer ces propositions. IMach., xu, 




2. — Tétradrachme d'argent de Lacédémone. 
Tête casquée de Pallas, à droite. — r$. Hercule nu, assis, à gauche, 
sur un rocher recouvert d'une peau de lion; la main droite 
appuyée sur la massue : il est accosté des lettres AA(x65atjAimoi). 

19-23; Josèphe, Ant. jud., XII, rv, 10. Arius régna à 
Sparte de 309 à 265 avant Jésus-Christ, l'échange- de ces 
lettres eut donc lieu entre 309 et 300. A ce moment-là 
les Spartiates étaient opprimés par les rois de Macé- 
doine, il était donc naturel qu'ils cherchassent un appui 
auprès des Juifs qui dépendaient alors des Ptolémées. 

2° Le grand-prêtre Jonathas chercha à son tour l'amitié 
des Spartiates. 11 écrivit en son nom, au nom des anciens, 
des prêtres et de tout le peuple une lettre adressée à la 
nation Spartiate. Il y rappelait la lettre d'Arius à Onias, 
dont il donnait une copie. Onias avait reçu avec honneur 
l'envoyé d'Arius et les lettres où il était question d'alliance 
et d'amitié. Sans doute les Juifs n'avaient pas besoin de 
cela, car ils avaient pour consolation les Saints Livres. 
Néanmoins ils avaient voulu envoyer une députation vers 
Sparte, pour 1 renouveler la fraternité et l'amitié entre 
les deux nations, car il s'était déjà écoulé un temps assez 
long depuis la venue des ambassadeurs d'Arius. Ils 
n'avaient du reste pas oublié les Spartiates et s'étaient 
souvenus d'eux dans les sacrifices,comme il convient de 
le faire à l'égard de frères. Ils se réjouissent de leur 
gloire. Pour eux, ils avaient traversé de nombreuses 
tribulations et des guerres, mais ils, n'avaient pas voulu 
être à charge à leurs amis et alliés. Dieu les avait se- 
courus et sauvés. Jonathas envoyait à Sparte Numénius, 
fils d'Antiochus, et Antipater, fils de Jason, qui après 
avoir porté dans cette ville les lettres relatives au renou- 
vellement de l'amitié et de l'alliance, devaient se rendre 
à Rome dans le même dessein. I Mach., xu, 2, 5-18. 

La plupart des commentateurs croient que l'opinion 
énoncée dans ces deux passages, à savoir l'origine com- 
mune des Spartiates et des Juifs, n'est pas soutenable* 
Cf. B. Haneberg, Histoire de la révélation biblique, 
trad. franc., in-8°, Paris, 1856, t. n, p. 107. Quoi qu'il en 
soit,cela n'importe pas à la véracité de la Bible. L'écrivain 
sacré rapporte simplement les deux documents, il en 
constate l'existence sans garantir l'exactitude des opi- 
nions qu'ils expriment. F. Vigourôux, Les Livres Saints 
et la critique rationaliste, 5 e édit., in-12, Paris, 1902, 
t. iv, p. 625. M. Vigourôux croit qu'il pouvait exister en 
réalité un lien de parenté, sinon entrela nation Spartiate, au 
moins entre quelques Spartiates et les Juifs. Il en donne- 
pour preuve le fait que Jason se réfugia à Lacédémone- 
pour y trouver un asile, à cause de sa parenté. II Mach., 
v. 9. Cf. F. Vigourôux, Manuel biblique, il' édit., t. il, 
p. 227. Cf. Les Livres Saints, p. 626, n. 4. En fait, dans 
ce passage l'auteur rapporte le motif qui détermina Jason 
sans en garantir le bien fondé. Cf. R. Cornely, lntrod. 
in libros saeros, in-4«, Paris, 1885-1887 ,t. u, part. 1, p. 462. 
E. Stillingfleet, Origines sacrée, in-4», Londres, 16H2, 
m, 4, 15, suppose que les Juifs regardaient les Spar- 
tiates comme représentant les Pélasgesqu'ils supposaient 
descendre de Péleg (Vulgate, Phaleg), fils t. ^'Héber. Gen. t 
x, 25; xi, 16. Cf. H. Ewald, Geschichte des Volkesîsrael, 



9 



LACÉDÉMONIENS — LA CERDA 



10 



3» édit., in-8», 1868, t. IV, p. 277, note. On trouvait une 
tradition analogue à Pergame,dont les habitants faisaient 
remonter leur amitié avec les Juifs jusqu'au temps 
d'Abraham. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 22. Il est du 
reste très probable qu'il y avait une colonie juive à 
Sparte, car cette ville est nommée parmi celles à qui le 
consul Lucius envoya une copie de la lettre qu'il adres- 
sait à Ptolémée, à tous les rois et à toutes les cités chez 
qui se trouvaient des communautés israélites, afin qu'ils 
les respectassent comme appartenant à un peuple allié 
des Romains. IMach., XV, 23, La croyance à la parenté 
des deux nations persistait encore au temps de Josèphe. 
"Voir Bell, jud., I, xxvi, 1. Cf. G. Wernsdorff, Commen- 
tatio de Fide Librorum Maccabxortim qua Frœhlichii 
Annales Syrise eorumque Prelogoniena ex instituto 
examinantur, in-4», Breslau, 1747, § 94, p. 145. 

3° Que les Juifs suent été ou non liés aux Spartiates 
par les liens du sang,cela n'a rien à faire avec l'authen- 
ticité des lettres elles-mêmes. Aussi la réalité de l'al- 
liance est-elle admise par l'immense majorité des his- 
toriens, bien qu'elle ne nous soit pas connue par d'au- 
tres documents. H. Palmer, De Epistolarum, quas 
Spartiani atque Judei invicem sibi misisse dicuntur, 
verilate, in-4°, Darmsladt, 1828, p. 21, pense, et c'est 
l'opinion que nous avons adoptée, que l'alliance remon- 
tait à l'an 302 avant Jésus-Christ. A cette époque Démé- 
trius Poliorcète, roi de Macédoine, après avoir conquis 
le Péloponèse, marchait au secours de son père Anti- 
gone contre Cassandre, Lysimaque, Ptolémée et Séleu- 
cus, confédérés contre lui. Les Spartiates cherchaient 
à augmenter le nombre des ennemis d'Antigone et 
de Démétrius. Arius I ' était alors, comme nous l'avons 
dit plus haut, roi de Sparte, et Onias I er , fils de Jaddus, 
grand-prêtre. Comme les noms d'Arius et d'Onias repa- 
raissent simultanément dans l'histoire, d'autres com- 
mentateurs ont placé ces lettres à d'autres dates. H. Ewald, 
Geschichte, t. iv, p. 276, suppose que la lettre d'Arius I e ' 
fut adressée à Onias II durant sa minorité, entre 290 et 
265, alors que les Juifs étaient en guerre avec Démétrius. 
Cette hypothèse est très peu vraisemblable, car les 
grands-prêtres en exercice étaient alors Éléazar et Ma- 
rnasse, oncles d'Onias H, et c'est avec eux qu'eût été échan- 
gée la correspondance. On pourrait aussi songer à 
Arius II et à Onias II qui furent contemporains pen- 
dant quelques années, 264 à 243, mais ce roi était un 
■enfant qui mourut à 8 ans. Plutarque, Agis, 3; Pausa- 
uias, III, VI, 6. Josèphe, Ant. jud., XII, IV, 10, croit 
que la lettre a été adressée à Onias III, au temps d'An- 
tiochus IV, entre 175 à 164, mais à cette époque, il n'y 
avait pas à Sparte de roi du nom d'Arius. Voir Aftius, 
t. I, col. 965. E. Schûrer, Geschichte des Jùdischen 
Volkes im Zeitalter Jesu-Christi, in-8», Leipzig, 1890, 
t. i, p. 186, n. 32. 

4» L'auteur du I er livre des Machabées ne cite pas 
textuellement les documents qu'il rapporte, il se sert 
évidemment d'une traduction grecque, faite elle-même 
sur une traduction hébraïque de l'original. C'est pour 
cela qu'on y trouve des mots qui n'appartiennent pas à 
la langue dorienne: etp^vï), ki^vt], xii, 22-25; àSéXçoi, 
xrv, 20. Il n'y a pas lieu de tenir plus de compte de l'ab- 
sence du nom du second roi de Sparte que de l'absence 
du nom du second consul dans la lettre de Lucius. 
I Mach., xiv, 16. C'est qu'Arius était le personnage im- 
portant. L'autre roi de Sparte, soit Archidamus IV, soit 
Eudamidas II, n'eut qu'un rôle effacé. Au temps où fut 
écrite la lettre de Jonathas, il n'y avait plus de roi à 
£parte, le dernier roi de la famille des Agides avait 
été Agésipolis III en 221. Après lui, on avait vu à Sparte 
des tyrans, dont le dernier,Nabis,avait péri en 192. Tite- 
Xive, xxxv, 35. La cité était gouvernée par les Éphores 
et par le sénat. Antigone avait rétabli ces magistrats et 
le sénat, supprimés par Cléomène. Polybe, IV, xxxv, 5. 
.Après la conquête romaine, la ville de Sparte avait gardé 



son indépendance et avait reçu des Romains le titre de 
Civitas fœderata. Strabon, VIII, v, 5; cf. J. Marquardt, 
Manuel des Antiquités romaines de Th. Mommsen et 
J. Marquardt, trad. franc., t. IX, Organisation de l'Em- 
pire romain, in-8°, Paris, 1892, t. il, p. 224. Elle pouvait 
encore être de quelque utilité aux Juifs. On ne peut 
donc rien alléguer de sérieux contre celte correspondance. 
G, Wernsdorff, qui a le plus attaqué les livres des Ma- 
chabées, le reconnaît. « Dans la lettre de Jonathas, dit-il, 
je ne trouve rien qui n'ait pu être écrit par un grand- 
prêtre juif. Elle parait certainement écrite par un homme 
pieux, grave, prudent et assez versé dans les affaires 
civiles. J'y remarque des mots bien enchaînés et des 
pensées justes. Je n'y trouve rien qui puisse être repris 
à bon droit, si' ce n'est qu'il y parle trop souvent de 
l'ancienne alliance entre Arius et Onias et de -la parenté 
supposée entre les deux nations. Mais il était homme et 
il put être trompé. » G. Wernsdorff, Comment., § 96 et 
111, p. 148, 169-170. W. Grimm, Kungefasstes exege- 
tisches Handbuch %u den Apocryphen des Alten Tes- 
taments, in-8», Leipzig, part, m, 1853, p. 211; C. F. 
Keil, Commentai' iïber die Bûcher der Makkabâer, 
in-8», Leipzig, 1875, p. 201-206, défendent l'authenticité 
de tous les documents. 

5° Les deux lettres paraissent citées plus complète- 
ment dans Josèphe. Celle d'Arius, d'après lui, était 
écrite en caractères carrés et portait un sceau repré- 
sentant un aigle porté^sur un dragon. Elle fut apportée 
à Onias par un certain Demotélès. Ant. jud., XII, IV, 
10; cf. XIII, v, 8. La lettre de Jonathas portait en titre: 
« Le grand-prêtre Jonathas, le sénat et la communauté 
des Juifs aux éphores des Lacédémoniens, au sénat et 
au peuple, leurs frères, salut. » Ant. jud., XIII, V, 8. A 
cette époque, en effet, les premiers magistrats de Sparte 
étaient les éphores. Il ajoute que les ambassadeurs juifs 
furent reçus avec bienveillance et que les Spartiates 
votèrent un décret d'amitié et d'alliance. Lacédémone 
fat au nombre des villes qui eurent part aux générosités 
d'Hérode le Grand. Josèphe, Bell, jud., I, xxi, 11. 

6° Mentionnons seulement à titre de curiosité l'opi- 
nion qui suppose que le mot Sparte est une transcription 
erronée pour Sepharad, Separalini ou Sefaradim, et 
qui place en Lycie le peuple dont il est question dans 
les Machabées. Hitzig, dans la Zeitschrift des deutschen 
morgenland. Gesellschafts, t. ix, 1855, p. 731-737; KL, 
Geschichte des Volkes Israël, in-8°, Leipzig, 1869, t. Il, 
p. 345-349, et celle de Frankel, Monalschrift fur Ge- 
schichte und Wissenschaft des Judenthums, 1853, p. 456, 
qui fait du mot Spartiate la désignation d'une colonie 
juive àNisibeen Arménie. Il n'est pas admissible qu'une 
colonie juive eût besoin de rappeler sa parenté avec les 
Israélites de Palestine, et les détails concordent si bien 
avec la constitution de Sparte qu'il est inutile de cher- 
cher ailleurs. E. Beurlier. 

1. LA CERDA (Gonzalve de), prêtre de l'ordre d'Al- 
cantara et secrétaire de Philippe II, vivait dans lé cours 
du xvi e siècle. Il a composé Commentaria in Epistolas 
D. Pauli ad Romanos, in-f», Lisbonne, 1583. — Voir 
N. Antonio, Bibliotheca Hispana nova, t. I, p. 553; 
Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques du xri' siècle, 
pM242. B. Heurtebize. 

2. LA CERDA Joseph, bénédictin, né à Madrid, mort 
à Badajoz le 12 juin 1645. Profès du monastère de Saint- 
Martin de Madrid, il fut professeur de théologie à Sala- 
manque et successivement évêque d'Almeria et de Bada- 
joz. On lui doit un commentaire sur le livre de Judith, 
In sacram Judith Bistoriam commentarius litteraliset 
moralis, 2 in-P-, Alineria, 1641. — Voir N. Antonio, 
Bibliotheca hispana nova, t. i, p. 803; Ziegelbauer, 
Historia rei literarite ordinis sancti Benedicli, t. iv, 
p. 29, 179. B. Heurtebize. 



11 



LACET — LÂCHETÉ 



12 



LACET, ou LACS, lien de corde disposé pour 
prendre une proie sans qu'elle s'y attende et la retenir 
comme dans un piège. Plusieurs mots hébreux servent 
à désigner le lacet, toujours d'ailleurs dans un sens 
figuré : — 1° Hébél, a^oivi'a, funes, le piège de corde que 
l'on tend pour s'emparer d'un ennemi. Ps. cxix (cxvm), 
61; cxl (cxxxtx), 6. Ce piège saisit par le talon. Job, 
xvm, 9. Le même nom est donné aux lacs de la mort 
qui surprend sa proie, II Reg., xxn, 6; Ps. xvii (xvm), 
5(hébreu), et à ceux du ie'ôl qui la détient. Ps. xvn (xvm), 
6; cxvi (cxiv), 3 (hébreu). Voir Corde, t. h, col. 964. — 2° 
Malkodét, de lâkad, « prendre au piège, » o^oiviov, pe- 
dica, le iacet caché sur le sol pour prendre le passant par 
ie pied. Job, xvm, 10. Cf. Is., vin, 15; xxviu, 13. Les 
nations tombent dans la fosse qu'elles .ont creusée et 
leur pied est pris au lacet, nilkedâh, miveX^flï], com- 
prehensus est. Ps. ix, 16. — 3" Môqês, le lacet servant 
à prendre un gros animal. Job, XL, 19 (24). L'oiseau ne 
peut se prendre au filet s'il n'y a pas de môqês, IÇeti-r-oî, 
auceps. Am.,. m, 5. Le môqês n'est pas l'oiseleur, comme 
traduisent les versions, mais le lacet invisible qui met 
le filet en mouvement. Voir Filet, t. n, col. 2245. Le 
moqês est l'image des embûches que le méchant dresse 
contre le serviteur de Dieu. Ps. lxiv (lxih), 6; cxl 
(cxxxix), 6. — 4° Sammim, le lacet qui accompagne le 
piège. Job, xvm, 9. A la place de ce mot, les versions 
ont lu èemêyim, êi<}«SvTeî, silis. — 5° C'est avec le lacet, 
laqueus, qu'on suspend au gibet. Gen., XL, 19, 22; xli, 
13; Num., xxv, 4; Jos., vm, 29; x, 26; I Reg., xxxi, 
10; Esth., vu, 10; ix, 13, 14 ; I Mach., I, 64, etc. Judas 
se pendit de la sorte. Matth., xxvn, 5; Act., i, 18. — 
6° Les lacets du diable sont ses tentations de toute na- 
ture. I Tim., m, 7; vi, 9; II Tim., h, 26. 

H. Lesêtre. 
LA CHETARDYE (Joachim Trotti de), né le 23 no- 
vembre 1636, au château de la Chetardye, sur la paroisse 
d'Exideuil (Charente), autrefois du diocèse de Limoges, 
mort à Paris, le 9 juin 1714. Sa famille était originaire 
d'Italie. Admis au séminaire de Saint-Sulpice en 1657 et 
dans la Société des prêtres de ce nom en 1663, il alla 
d'abord enseigner la morale au séminaire du Puy, où 
l'évêque le chargea du soin des conférences ecclésias- 
tiques, dont M. de la Chetardye rédigea ensuite et fit 
imprimer les résultats. En 1679, sur le désir de l'arche- 
vêque de Bourges qui venait de confier son séminaire 
aux prêtres de Saint-Sulpice, il fut adjoint aux nouveaux 
directeurs et chargé de desservir la paroisse de Moutier- 
Moyen qui était unie au séminaire. Celle de Saint-Sul- 
pice, à Paris, l'eut pour pasteur depuis le 13 février 1696 
jusqu'à sa mort; et il s'y appliqua surtout au soin des 
congrégations religieuses, des pauvres et des enfants, 
pour lesquels il multiplia les écoles gratuites jusqu'au 
chiffre de 28. En même temps, il était supérieur de plu- 
sieurs couvents de religieuses. De concert avec Fénelon 
et M. Tronson, il négocia et obtint, en 1696, de 
M m8 Guyon, un désaveu formel des erreurs contenues 
dans ses écrits, et lut même appelé à la diriger pendant 
sa détention à Vaugirard. 11 dirigea aussi la princesse de 
Condé et la princesse de Conti qui habitaient sur sa pa- 
roisse; et, à partir de 1709, M mc de Maintenon, aprèe la 
mort de Godet des Marais, évêque de Chartres. M. Les- 
chassier, supérieur de Saint-Sulpice, écrivait le 21 avril 
1702 : « Le jour de Pâques, M. de la Chetardye lut 
nommé à l'évêché de Poitiers par le roi. Il écrivit aussi- 
tôt à Sa Majesté pour le prier d'agréer ses excuses. Sa 
lettre a été bien reçue, et Sa Majesté en a été si édifiée 
qu'il l'a fait voir à plusieurs courtisans. M. le Prince, 
M mes les princesses de Condé et de Conti sont venus le 
voir pour témoigner de la joie qu'ils avaient de sa no- 
mination et de son refus. Ses paroissiens en sont char- 
més. » On a de lui : Explication de l'Apocalypse par 
l'histoire ecclésiastique, Bourges, 1691, in-8°; réimpri- 
mée à Paris, de format in-4», en 1701, 1702 et 1707, sous 



ce titre : L'Apocalypse expliquée par l'Histoire ecclé- 
siastique, avec les Vies de quelques Empereurs ro- 
mains, auteurs de la dernière persécution dont il est 
parlé dans cette explication de l'Apocalypse. Cf. Jour- 
nal des Savants, année 1695, in-4», p. 129, 130, et 
année 1701, p. 353, 354; Mémoires de Trévoux, novem- 
bre 1702, p. 63-78, et décembre 1707, p. 2022-2031 ; Bible 
de Vence, Préface (par Rondet) sur l'Apocalypse, art. vi,- 
Le système de M. de la Chetardye a été complété et per- 
fectionné dans l'ouvrage suivant : Histoire générale de 
l'Église chrétienne, depuis sa naissance jusqu'à son, 
dernier état triomphant dans le ciel; ouvrage traduit 
de l'anglois de M« r Pastorini (Charles Walmesley), par 
un religieux bénédictin de la congrégation de Saint- 
Maur (Jacques Wilson); Rouen et Paris, 1777, 3 in-12. 
Enfin, l'ouvrage de M. de la Chetardye a servi de base, 
concurremment avec celui d'Holzhauser sur le même 
sujet, au travail de l'abbé Lafont-Sentenac intitulé : Le 
plan de l'Apocalypse et la signification des prophéties 
qu'elle contient, pour avertir les honjmes des événe- 
ments qui, de nos jours à la fin des temps, doivent in- 
téresser l'Église et le monde, in-8°, Paris, 1872. — 
M. de la Chetardye a encore composé des Homélies sur 
les Évangiles des dimanches de l'année, qui, imprimées 
séparément de format in-4°, aussitôt qu'elles étaient 
prononcées, de 1706 à 1713, ont été réunies en 3 vol. 
in-8°, à Avignon en 1848, et à Paris en 1854. Cf. Ber- 
trand, Bibliothèque Sulpicienne, 3 in-8°, Paris, 1900, 
t. i, p. 170-207. L. Bertrand. 

LACHETE, vice opposé au courage et à l'énergie de 
la volonté. Dans le sens de manque de courage, la 
lâcheté n'a pas de nom spécial en hébreu ; dans celui 
de manque d'énergie, de nonchalance, elle est désignée 
dans l'Écriture par le mot remîyâh qui signifie aussi 
« fraude », et qui n'est employé dans l'acception parti- 
culière de lâcheté, que comme complément d'un sub- 
stantif, ce qui équivaut à un qualificatif : néféS remîyâh, 
littéralement « âme de lâcheté » pour « homme lâche, 
nonchalant». Prov., xix, 15 (Septante : à^pyoç; Vulgate : 
anima dissoluta). Les conséquences de cette espèce de 
lâcheté, indiquées dans l'Écriture, sont le dénuement 
et la faim qui en découle. Prov., x, 4; xix, 15; cf. xxxi, 
27. Le lâche est prêt à subir toutes les servitudes, 
Prov., xn, 24; il ne sait faire aucun effort pour obtenir 
le moindre résultat, même lorsqu'il lui est imposé, 
comme ces sept tribus d'Israël auxquelles Josué reproche 
de n'avoir pas encore occupé la terre de Chanaan. 
Jos., xvn, 3. La Vulgate emploie ici le mot ignavia, 
mais le texte hébreu a seulement mifrappîm , «s négli- 
gents. » La lâcheté est surtout repréhensible, quand il 
s'agit du service de Dieu. C'est pourquoi Jérémie voue 
à la malédiction celui qui fait lâchement 1' « œuvre de 
Dieu ». 'jer., xlviii, 10. Dans ce dtrnier passage, où 
il s'agit de la destruction de Moab, la nonchalance, 
remîyâh, touche de près à la lâcheté, produite par la 
peur, qui fait fuir le danger, par la crainte de la mort. 
Parce que la mort inspire à l'homme une crainte instinc- 
tive, c'est le fait du lâche de fuir, quand il se trouve 
en danger, par exemple au combat, tandis que l'homme 
courageux affronte le danger jusqu'à mourir. L'Écriture 
appelle simplement le lâche « un homme peureux et 
craintif », 'îs hay-yârê' vc-rak, Deut., xx, 8; yârê' ve- 
hdrêd, Jud., vu, 3 (Vulgate : fsrmidolosus et cordepavido, 
formidolosus et timidus). Dans ces passages, le lâche est 
invité à ne pas se battre et à quitter l'armée. Mais si Dieune 
voulait point de lâches parmi les combattants israélites, 
ii n'en désapprouvait pas moins ceux qui manquent de 
courage. Le texte sacré blâme tous ceux qui sont sans 
courage et sans confiance en Dieu; les Israélites trem- 
blant devant les Égyptiens, malgré la merveilleuse assis- 
tance de Dieu, Exod., xiv, 10-12, et regrettant l'Egypte, 
en face des difficultés de la conquête de Chanaan, Num.» 



13 



LÂCHETÉ — LACHIS 



14 



xm, 27-34; xiv, 1-3; cf. Deut., l, 27-28; Saûl tremblant 
de peur en face des Philistins, -I Reg., xxvm, 4-5 ; les 
Apôtres s'endormant et abandonnant Jésus au jardin 
des Olives, Matth., xxvi, 56; Marc, xiv, 50; Pierre le 
reniant, Matlh., xxvi, 69-75; Marc., xiv, 66-72, Luc, 
XXII, 56-59; Joa., xvm, 17-27; Pilate le livrant malgré 
la conviction <le son innocence. Matth., xxvii, 24. — 
D'après la traduction de la Vulgate, l'élégie de David 
sur la mort d'Abner commence par ces mots : « Ce n'est 
pas comme meurent les lâches {ignavi) qu'est mort Ab- 
ner. » II Reg., m, 33. Cette traduction est difficile à 
justifier. Abner, ayant été tué par trahison, n'avait suc- 
combé ni en hrave ni en lâche. Le mot que saint Jérôme 



illteTestaniene,Giessen,1833,p.2S7; II. Winckler, Oie 
T/tontafeln, von Tell el-Amarna, Berlin, 1896, p. 306, 
310, 338, 340, lettres 180, 181, 217, 218. 

I. Situation. — Lachis appartenait au midi de la Pa- 
lestine, Jos., x, 3, 5, 23; xii, 11, au deuxième groupe des 
villes de e. la plaine » ou de la Séphélah, d'après l'énu- 
mération du livre de Josué, xv, 37-41. Eusèbe et saint Je- 
rôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 135, 274, 
la mentionnent comme étant encore de leur temps un 
village, x<a|U|, situé à sept milles (un peu plus de 
10 kilomètres) d'Éleuthéropolis (aujourd'hui Beit Dji- 
brîn), en allant vers le Daroma ou le sud. Dans cette di- 
rection, mais vers le sud-ouest et à une distance un peu 




S. — Colline de Tell el-Hésy. D'après une photographie. 



a rendu par ignavi est en hébreu nâbdl, qui signifie 
« insensé ». Les Seplante l'ont pris à tort pour un nom 
propre et y ont vu une allusion à la mort de Nabal, 
l'époux d'Abigaïl. I Reg., xxv, 38. La paraphrase chal- 
daïque a pris nâbdl dans le sens d'impie (et. Ps. xiv 
[xln, lJ),et]'on traduit généralementaujourd'hui l'hébreu: 
« Abner devait-il mourir comme un criminel, » que l'on 
met à mort pour lui faire expier ses crimes ? 

P. Renard. 
LACHIS (hébreu: LâMs, Jos.,x, 3, 5, 23, etc.; avec 
hé local, LâkiSâh, Jos., x, 31; IV Reg., xiv, 19; xvm, 14; 
II Par., xxv, 27; Septante: AajrCç), ville importante de la 
tribu de Juda, dont le véritable site (fig. 3) a été retrouvé 
de nos jours. Jos., x, 3; xv, 39, etc. Les documents cunéi- 
formes nous en ont conservé la représentation (fig. 4) et le 

nom. On lit *~r~"i JH1 "ïîn'l, La-ki-su, sur un bas- 
relief de Ninive relatif à Sennachérib; La-ki-si, La-ki-sa, 
sur les tablettes de Tell el-Amarna. Cf. F. Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., Paris, 1896, 
t. iv, p. 41 ; E. Schrader, Die Keilimchriften und dus 



plus éloignée, on trouve un site dont le nom UmmLâqh 
ou Lâkîs rappelle celui de l'ancienne cité chananéenne. 
Aussi jusqu'à ces dernières années, y voyait-on l'empla- 
cement de cette ville. Cf. V. Guérin, Judée, t. n, p. 299- 
303. Cependant Robinson, Biblical researches in Pa- 
lestine, Londres, 1856, t. H, p. 47, remarquait justement 
que les restes observés en cet endroit ne sont certaine- 
ment pas ceux d'une antique place forte qui fût capable 
de^résister, pour un temps du moins, aux assauts d'une 
/armée assyrienne. Dès 1878, Conder signalait à 4 ou 
5 kilomètres au sud-est une colline, nommée Tell el- 
Hésy, dont le nom et la position stratégique le frap- 
pèrent. Cf. Palestine Exploration fund, Quarterly Sta- 
tement, Londres, 1878, p. 20. Le rapprochement onomas- 
tique qu'il voulut faire entre Lâkîs et el-Hésy est 
inadmissible, mais son coup d'œil ne l'avait pas trompé 
dans les autres observations. En apparence rien ne dis- 
tinguait le tell de tant d'autres monticules naturels ou 
artificiels de la Palestine, mais sa situation à proximité 
des confins de l'Egypte et de la Syrie, dans cette plaine 
des Philistins qui, de tout temps, a servi de passage aux 




"S * 
CQ a. 



•° * 



P 
II 



M 



LACHIS 



18 



armées venues de l'Assyrie ou de l'Egypte, les sources 
qui alimentent à ses pieds un ruisseau abondant, faisaient 
soupçonner une place importante autrefois. Des fouiïles 
seules pouvaient confirmer ces conjectures, qui cepen- 
dant s'accréditèrent encore par un rapide examen d'ÏTmm. 
LâkU, où l'on ne découvrit que des ruines de date ré- 
cente et de minime importance. Cf. Pal. Explor. Fund, 
Quart. St., 1890, p. 161. En 1890, un habile explorateur, 
M. Flinders Pétrie, pratiqua des tranchées, des intersec- 
tions dans les flancs de Tell el-Hésy, et y fit d'intéres- 
santes découvertes, qui sont consignées dans le Pal. Expl. 



peu près sec en été. Voir fig. 5. Depuis que la ville 
est bâtie, il a entamé la face orientale du monticule, 
dont la pente escarpée descend assez brusquement sur 
ses bords. Le tertre, aux contours plus ou moins arron- 
dis au sud et au nord, est pénétré par une légère dépres- 
sion à l'est et au sud-ouest. De ce dernier côté est une 
crête faite d'une hauteur naturelle et d'un rempart arti- 
ficiel, qui dépasse de près de 3 mètres le sommet de 
la colline. Cette crête continue sa ligne courbe vers l'est. 
Le point le plus important du tell est celui de la cité, 
au nord-est. En dehors de ce coin où sont accumulées 




.W.StBsGiïiwvre 3aa. 



5. — Carte de Lactis et de ses environs. D'après Bliss, A Mound of many Citiee, pi. i. 



Fund, Quart. St., 1890, p. 459-166, 219-246, et dans son 
ouvrage intitulé Tell el-tîesy (Lachish), in-4°, Londres, 
1891. Mais il n'avait eu que le temps de creuser quelques 
pieds. Après lui, M. Bliss put opérer des fouilles plus 
complètes et arracher au monticule de précieux secrets 
archéologiques. Cf. Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1891, 
p. 282-298; 1892, p. 36-38, 95115, 192-196; 1893, p. 9-20, 
103-119; et F. J. Bliss, A Mound of many Cities, in-8°, 
Londres, 1898. C'est le résultat de ces travaux que nous 
donnons ici dans un simple aperçu. 

II. Description. — La colline de Tell el-Hésy (voir fig. 3), 
appelée aussi Tell el-Hélu, « la douce colline, » à cause 
du voisinage de sources d'eau douce, s'élève à 103 mètres 
au-dessus du niveau de la mer, et à 36 mètres au-des- 
sus de l'ouadi de même nom, qui la longe à l'est puis se 
dirige an nord et à l'ouest en faisant de nombreux zig- 
zags. Torrent en hiver, Youadi el-Hésy, qu rejoignent 
en cet endroit Youadi Djizâir et Youadi Muleihah, est à 



les ruines dont nous allons parler, le plateau n'a qu'une 
légère profondeur de terre : après 50 centimètres en cer- 
taines parties, de 1 à 3 mètres dans d'autres, on arrive 
à une couche d'argile restée intacte. Ce fut peut-être là 
la première assiette de la ville; on y a trouvé de très 
anciennes poteries. Un grand pan de murailles au nord 
/est un reste de vieilles fortifications. 

L'enceinte irrégulière de la cité est parfaitement mar- 
quée au nord, à l'ouest et au midi. Trois murs à peu 
près parallèles au nord, mais à un niveau différent, re- 
présentent trois époques différentes, peut-être celle des 
premiers Chananéens, celle de Roboam et celle de Ma- 
nassé. Le coin nord-ouest semble avoir été prolongé le 
plus possible pour renfermer un puits, dont on voit les 
vestiges. C'est dans une partie de cet espace qu'ont été 
retrouvés les restes d'au moins huit villes superposées, 
dont l'âge a été déterminé par les objets découverts dans 
les diverses couches. Celte accumulation de ruines, 



19 



LAGHIS 



20 



fruit des ravages de douze siocles au moins, s'explique 
facilement d'après la manière de bâtir en Orient, et 
principalement dans cette contrée de la Palestine. Dès 
les temps les plus anciens, les constructions étaient 
faites de briques séchées au soleil, de blocs d'argile 
mêlée de paille hachée. Qu'une guerre ou les éléments 
de la nature viennent à renverser les premiers édifices, 
le sol s'exhaussera des débris épars, et pour peu que le 
site reste un certain temps abandonné, lèvent et la pluie 
auront bientôt fait de niveler le terrain. Les nouveaux 
habitants, ne trouvant pas de matériaux à utiliser comme 
dans les villes bâties en pierre, élèveront leurs demeures 
de même façon que leurs devanciers, mais à un niveau 
supérieur. Une nouvelle civilisation s'établira sur les 
ruines de la première, quelque catastrophe l'enfermera 
plus tard dans un tombeau, et c'est ainsi que se forme- 



mais dont la nature et l'usage ne sont pas bien connus. 
Fragments de poterie peinte. 

troisième ville, à 13 m. 70 : série de chambres à l'ap- 
pui du mur septentrional. C'est là qu'a été découverte la 
pièce la plus importante, une tablette avec inscription, 
cunéiforme, dont nous parlons plus loin; avec cela, 
différents objets en bronze, pointes de lances, poinçons, 
épingles à cheveux, aiguilles, couteaux, etc. —Au-dessus 
de cette cité s'étend un lit de cendres, qui se trouve 
ainsi à peu près au milieu de la colline. Des couches 
alternées de poussière noire et blanche, de charbon et 
de chaux, rayent la face du monticule sur une épaisseur 
qui varie de 1 à 2 mètres. Des os et des débris de pote- 
rie se rencontrent dans cet amas mystérieux. 

quatrième ville. — Cité int'. iv, à 11 m. 27: murs 
bâtis sur le lit de cendres; petite idole de bronze avec 













6. — Tablette de Lachis. D'après la Revue biblique, 1894, p. 433. 



ront par couches successives les pages de l'histoire; ainsi 
le sol s'est élevé de 18 mètres à Tell el-Hésy. L'Egypte 
nous offre plus d'un exemple de ces monticules produits 
ou accrus par la démolition de maisons en brique, à Da- 
manhur, à Tanis et ailleurs. M. Bliss ne reconnaît que 
huit villes bien caractérisées, mais il croit pouvoir en 
distinguer jusqu'à onze. Il suit, en les décrivant, l'ordre 
chronologique, c'est-à-dire en allant de bas en haut. 
Nous donnons dans un simple tableau le résumé de ses 
découvertes, en maintenant ses propres distinctions: 

première ville. — Cité inf. i, à 19 m. 80 au-dessous 
du sommet de la colline; elle renferme, au coin nord- 
est, une tour d'angle avec deux chambres, mais n'a ré- 
vélé aucun objet caractéristique. — Cité i, à 16 m. 75, 
dans le quartier sud-est du tell: on y a découvert des 
objets en cuivre et en bronze, pointes de lances, hermi- 
neltes, etc., une figurine en bronze, et de nombreux dé- 
bris d'une poterie que les explorateurs appellent « amor- 
rhéenne ». 

deuxième ville. — Cité inf. il, à 16 mètres environ: 
chambres bâties avec de l'argile brun foncé mélangée 
d'un peu de paille. — Cité n, à 14 m. 60: chambres bâties 
avec de l'argile jaune rougeâtre, pleine de paille. On y 
a trouvé un fourneau circulaire, avec scories et cendres, 



collier d'or, chèvre de bronze avec chevreaux, figurine 
en terre; pressoir à vin avec plusieurs cuves, pavé ci- 
menté, çà et là. — Cité iv, à 9 m. 75: ruines d'un large 
édifice, avec chambres symétriques. Dans les deux ont 
été trouvés des objets importants, scarabées, cylindres, 
petites pointes de lances, couteaux, aiguillas, etc. Pote- 
ries phéniciennes, dont un fragment avec trois lettres 
phéniciennes. 

cinquième ville, à 6 m. 70 : grandes constructions, 
représentées par des pierres placées à distance â peu prés 
égale et servant de bases à des piliers ou à des colonnes. 

sixième ville, à 5 m. 50: large muraille d'enceinte 
au nord, retrouvée par Flinders Pétrie, constructions à 
l'est, fosses circulaires et fours. Entre cette cité et la 
suivante, le sol est argileux, d'un gris verdàtre et très 
résistant; on y a découvert un fragment de poterie avec 
inscription phénicienne. 

septième ville, à 2 m. 40 : traces d'un violent incen- 
die; au côté est, curieuse stratification de sable fin, 
jaune clair; pavement couvert de sable. On y remarque 
des fosses qui servaient de greniers ou de magasins ; on 
y a retrouvé des grains de froment et d'orge, du sésame 
brûlé, des grains de raisin. A la partie nord, maisons 
dont les fondements sont encore nettement tracés. 



21 



LACHIS 



22 



huitième ville, à 1 m. 50, dans un état de destruc- 
tion pitoyable. Elle renferme une douzaine de tanmirs 
ou « fours » de forme circulaire, qui attestent que les 
anciens habitants, 400 ans avant notre ère, faisaient 
leur pain de la même manière que les Syriens et Ara- 
bes d'aujourd'hui. Les pierres à bâtir sont brutes, quel- 
ques-unes seulement, de forme carrée, indiquent un 
certain travail. Jarres et nombreuses poteries. 

La chronologie du tell peut être approximativement 
établie d'après les objets trouvés in situ, que l'on ra- 
mène aux quatre classes suivantes : 

1° Objets avec inscriptions. — 1. En premier lieu 
vient la tablette cunéiforme, découverte dans la troi- 
sième ville. Voir fig. 6. Par sa forme et ses dimen- 
sions, elle ressemble à celles de Tell el-Amarna; 
l'écriture et les formules employées sont celles des 
scribes du sud de Chanaan dans les lettres adressées 
aux rois d'Egypte. Zimrida était gouverneur de Lachis 
sous le règne d'Amenhotep IV, Khu-n-Aten, de la 
XVIII 8 dynastie. On peut donc la l'aire remonter à environ 
1450 ans avant notre ère. — 2. Nous avons en second 
lieu deux inscriptions phéniciennes. Sur un fragment 
de poterie, mis à jour vers le sommet de la IV e cité, on 
lit : ïbs, de bâla\ « absorber. » M. Sayce ne croit pas 
l'écriture plus ancienne que le XI e siècle. Sur un autre 
(vi e cité), M. Clermont-Ganneau lit "jDnb, le-hassêk, « ad 
libandum, » ce qui indique un « vase à libation », Cf. 
1er., XLIV, 19, 25. Palestine Exploitation Fund, Quart. 
St., 1892, p. 126-128. Quelle que soit la différence de 
lecture (cf. Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1891, p. 70, 158, 
240, 250, 311), les archéologues lui assignent comme 
date 700 ou 800 av. J.-C. 

2° Scarabées et cylindres. — 1. Aux cités H et m ap- 
partiennent deux scarabées portant le nom A' Amen lia 
et pouvant remonter à la XVIII e ou peut-être la XIX e dy- 
nastie égyptienne (fig. 7-8). A la cité inf. iv : un avec le 
cartouche de la reine TU, mère d'Amenhotep IV, 
XVIII e dynastie (fig. 9); un autre avec le nom d'Osi- 




7 8 9 10 

7-8. — Scarabées portant le nom de Âmen-Ra. 

9. — Scarabée portant te nom de la reine TH. 

10. — Scarabée portant le nom de Ah^Hotep. 

D'après Bliss, A Mound of many Cities, fig. 116, 117, 119 et 123. 

TiSfUm-nefer ; d'autres sont des copies de modèles 
égyptiens. Cité ]v : un porte le nom de Ah-Hotep, qui 
fut celui de la femme d'Amenhotep I er , de la XVIII e dy- 
nastie (fig. 10). — 2. Les cylindres, trouvés dans les 
cités inf. IV et iv, sont assignés à une période qui va de 
1400 à 1000 avant l'ère chrétienne. 

III. Objets en métal. — 1° Le bronze a été trouvé dans 
toute l'épaisseur du monticule. Les objets les plus carac- 
téristiques sont les plus anciens, mais comme ils dil- 
fèrent, au point de vue de la forme, des instruments et 
des armes rencontrés en Egypte et ailleurs, ils ne peu- 
vent par eux-mêmes conduire à des dates précises. — 
2° Le fer se révèle depuis le sommet de la colline jus- 
qu'au sommet de la cité rv, où il cesse, ce qui peut 
mener jusque vers l'an 1100. 

IV. Poteries. — Les poteries offrent non seulement 
un nombre considérable d'échantillons, mais des types 
spéciaux en rapport avec les groupes de villes. Bans les 
premières couches apparaissent les poteries dites 
« amorrhéennes », qui diffèrent de celles trouvées en 
Egypte et en Syrie. Le type phénicien commence avec 



les cités il et m, devient prédominant dans les cités 
IV inf. et IV, et diminue progressivement dans les par- 
ties supérieures. De la cité v à la vin e , le terrain est 
caractérisé par le style juif, c'est-à-dire une grossière 
imitation de l'ancien type phénicien. Enfin, dans les 
deux dernières villes, vn e et viii=, on rencontre la po- 
terie grecque, avec le poli et les couleurs rouge et noir, 
tait important qui parait dater ces assises de 5C0 à 400 
avant l'ère chrétienne. Voir de nombreux dessins dans 
Flinders Pétrie, Tell el-Hesy, pi. v, vi, vu, vm, ix, et dans 
Bliss, A Mound of many Cities, pi. 3, 4, p. 118,119, 120. 

De toutes ces données, M. Eliss tire les conclusions 
suivantes au point de vue chronologique, en assignant 
à chaque ville une date évidemment approximative : 
Cité inf. r, 1700; cité i, 1600; cité inf. n, 1550; cité H, 
1500; cité m, 1450; cité iv inf., 1400; cité iv, 1300; 
cité v, 1000; cité vi, 800; cité vu, 500; cité vm, 400 av. 
J.-C. L'absence de monnaies et de restes des époques 
séleucide et romaine montre que Tell el-Hésy fut aban- 
donné après 400. 

III. Histoire. — 1» Les ruines de Tell el-Hésy répon- 
dent parlaitement à l'histoire de Lachis. Cette ville fut 
dés les origines une place importante du sud de Cha 
naan. Vassale de l'Egypte sous les rois de la XVIII e dy- 
nastie, elle payait un tribut en nature, et deux de ses 
gouverneurs, Zimrida et Jabni-ilu, nous sont connus 
par les tablettes de Tell el-Amarna. Ct. H. Winckler, 
Die Thontafeln von Tell el-Amarna, p. 306, 310, 338, 
340. Le premier, nous l'avons vu, est également men- 
tionné sur la tablette cunéiforme trouvée à Tell el-Hésy, 
et dont nous donnons la traduction d'après le P. V. 
Scheil, dans la Revue biblique, Paris, 1894, p. 435 : « Au 
chef... j'ai dit : à tes pieds je me prosterne. Sache que 
Daian Addi et Zimrida se sont réunis et que Daian Addi 
a dit à Zimrida : Pisyaram envoie vers moi et me fait pré- 
senter deux chevaux (?), 3 glaives et 3 poignards. Si donc 
j'envahis le pays du roi et si tu m'aides à m'en emparer, 
je te rendrai plus lard la principauté dont il (t') avait 
donné le principat. J'ai dit : envoie donc (des troupes) 
au-devant de moi et... j'ai dépêché Rabil... Tiens 
compte de ces avis. » 11 s'agit ici sans doute d'une de 
ces tentatives d'émancipation si fréquentes parmi les 
gouverneurs de provinces. Le déchiffrement du P. Scheil 
diffère assez sensiblement de celui de Sayce, publié dans 
le Pal. Expl. Fund, Qu. St., 1893, p. 27, et dans Bliss, 
A Mound of many Ciliés, p. 185. 

2° Lorsque Josué envahit la Palestine, Lachis avait 
pour roi Japhia, qui s'unit à ceux de Jérusalem, d'IIc- 
bron, de Jérimoth et d'Églon, pour marcher contre 
Gabaon et la punir de son alliance avec les Israélites^ 
Vaincu comme les autres confédérés, il vint se cacher 
dans la caverne de Macéda, fut pris, mis à mort et sus- 
pendu à un gibet. Jos., x, 3, 5, 23. Sa ville tomba en- 
suite entre les mains du conquérant. Jos., x, 31-33; 
xii, 11. Elle fit partie du territoire assigné à Juda, Jos., 
xv, 39. Plus tard, Roboam, roi de Juda, répara ou aug- 
menta ses fortifications, HPar., xi, 9, et Amasias, chassé 
de Jérusalem par une conspiration, vint s'y réfugier, 
mais ne put échapper à la mort. IV Reg., xtv, 19; II Par. v 
xxv, 27. Le prophète Michée, i, 13, la presse de fuir de- 
vant l'invasion : « Attache les coursiers au char, peuple 
déLachis, » s'écrie-t-il (d'après l'hébreu). La suite du 
Verset semblerait placer là « le début du péché pour la 
fille de Sion », et faire de cette ville comme l'instiga- 
trice des péchés d'Israël. Qu'elle ait été adonnée à l'ido- 
lâtrie, les touilles l'ont prouvé, mais on ne comprend 
guère l'influence qu'elle a pu avoir sous ce rapport sur 
Jérusalem, à moins que celle-ci ne lui ait emprunté 
quelque pratique idolàtrique. 

3» L'importance de Lachis ressort encore de la cam- 
pagne de Sennachérib contre Juda. C'est là que le mo- 
narque assyrien vint s'établir avant de diriger ses troupes 
vers Jérusalem. C'était pour lui une excellente base 



27 



LACHIS — LACHMANN 



28 



d'opération contre l'armée égyptienne d'un côté, et, de 
l'autre, contre les places fortes du midi de la Palestine. 
11 fit représenter lui-même sur les monuments de 
l'époque le siège de cette ville. Voir fig. 5, col. 15-16, 
d'après Layard, M onuments of Ninevek, 2 e série, pi. 21. 
L'image est d'une parfaite exactitude au point de vue 
topographique et correspond à la vue de la cité prise 
du sud. Cf. Flinders Pétrie, Tell el-Sesy, p. 37-38. C'est 
là qu'Ézéchias effrayé envoya des ambassadeurs au roi 
de Ninive et lui remit le tribut demandé. IV Reg., xvm, 
14-16. Sennachérib fit plus tard reproduire cette scène 
et la reddition de Lachis à Ninive sur un bas-relief qui 
nous a été conservé. Voir fig. 11 et 12. Le roi est assis sur 
son trône, en un lieu planté d'arbres ; des Juifs s'avancent 
vers lui, les mains suppliantes. Au-dessus du tableau on 
lit l'inscription cunéiforme suivante : « Sennachérib, 
roi des nations, roi d'Assyrie, sur un trône élevé est 
assis, et les dépouilles de Lachis devant lui viennent. » 
Cf. G. Smith, History of Sennachérib, 1878, p. 69; 
F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
t. iv, p. 41. Le monarque assyrien ne se contenta pas de 
ce tribut de guerre, et exigea la reddition de Jérusalem. 
Informé des préparatifs de résistance que faisait la ville, 
il envoya de Lachis trois de ses principaux officiers, son 
tartan, son rab-saris et son rab-êaqêk, avec une escorte 
imposante, espérant ainsi intimider Ézéchias et l'obliger 
à se rendre sans coup férir. IV Reg., xvm, 17; II Par., 
xxxii, 9; Is., xxxvi, 2. Confiant en Dieu et fortifié par la 
parole prophétique d'Isaïe, le roi de Juda repoussa avec 
fermeté les demandes de Sennachérib, qui, du reste, 
avait déjà quitté Lachis, pour commencer son mouve- 
ment en arrière, lorsque ses envoyés revinrent. IV Reg., 
xix, 8; Is., xxxvn, 8. Lorsque plus tard Nabuchodonosor, 
roi de Babylone, détruisit le royaume de Juda, Lachis 
fut au nombre des places fortes qui tombèrent sous ses 
coups. Elle fut de nouveau habitée par les Juifs au retour 
de la captivité; II Esd., xi, 30. Mais elle ne retrouva 
jamais son antique puissance. Il n'en est plus question 
dans la Bible à partir de ce moment. 

A, Legendre. 

LACHMANN Karl, philologue allemand protestant, 
né à Brunswick le 4 mars 1793, mort à Berlin le 13 mars 
1851. 11 étudia à Leipzig et à Gœttingue où, au lieu de 
suivre les cours de théologie qu'il négligea complètement, 
il s'adonna exclusivement à l'étude de la philologie. En 
1816 il devint professeur au gymnase Friedrich-Werder, 
puis à l'Université de Berlin, plus tard à Kœnigsberg. 
En 1825 il revint à Berlin, où dès 1827 il fut nommé 
professeur ordinaire. Deux ans plus tard on lui confia 
la section latine du séminaire philologique et en 1830 
il devint membre de l'Académie des sciences à Berlin. 

En dehors de ses travaux sur les classiques allemands, 
il étudia avec le plus grand soin le texte du Nouveau 
Testament. Il exposa les principes de sa critique : 
Rechenschaft ûber seine Ausgabe des Neuen Testa- 
ments, dans les Theologische Studien und Kritiken, 
1830, p. 819-845. Ce traité rend compte de la nouvelle 
édition du texte sacré qu'il venait de terminer et qu'il 
édita peu après sous le titre Novum Testamentum 
grsece, in-12, Berlin, 1831. Cette édition comprend la 
recension du texte (sans indication des sources) avec 
des notes marginales citant différentes leçons et une 
table des variantes du textus receptus. — Dans cet ou- 
vrage et dans le mémoire qui le précéda Lachmann 
entre dans une voie toute nouvelle de la critique 
du texte. Comme point de départ les critiques avant 
Lachmann avaient pris le textus receptus et cherché à 
l'amender. Lachmann remonta aux manuscrits les plus 
anciens) aux traductions et citations des Pères. Les an- 
ciens critiques considéraient comme leur tâche de ne 
restituer la leçon originale que pour les passages en 
litige et avaient recours, à défaut de témoignages extrin- 
sèques, avec une chance très douteuse, à des arguments 



purement subjectifs. Comme il s'agissait des Écritures 
Saintes, Lachmann remit dans la mesure du possible à 
l'arrière-plan son propre jugement, il n'eut pas la pré- 
tention de restituer dans chaque cas particulier la véri- 
table leçon. Il ne se mit pas même en quête de la plus 
ancienne, mais se contenta des plus anciennes entre 
celles qui étaient le plus répandues, guidé par cette pensée 
qu'un texte de ce genre se rapprocherait plus sûrement 
du texte primitif que celui des « recepta corrigés » et 
que ce serait le meilleur point de départ pour atteindre 
par des opérations critiques ultérieures le texte primitif 
lui-même. Jusqu'alors lès critiques se servaient indistinc- 
tement d'anciens et de nouveaux manuscrits. Lachmann 
abandonna ces complications en majeure partie inutiles et 
sans valeur pour la pratique et ne choisit qu'un nombre 
restreint d'anciens témoins pour découvrir la piste cher- 
chée. Quelques règles, peu nombreuses et d'autant plus 
simples, devaient régulariser la marche dans ses opéra- 
tions. Son premier axiome était que, entre les leçons 
existantes, il fallait toujours donner la préférence à 
celle quj se trouverait dans les documents les plus an- 
ciens arrivés jusqu'à nous. Lachmann fonda ses prin- 
cipes sur la doctrine de Richard Bentley (mort en 1742) 
et sur celle de saint Jérôme. Le fameux critique anglais 
avait depuis de longues années l'intention d'éditer une 
recension du Nouveau Testament grec, concordant avec 
les manuscrits grecs les plus anciensetceux de la Vulgate, 
conjointement avec une recension nouvelle de la Vulgate 
elle-même. Après de nombreux travaux préparatoires 
en ce sens il publia en 1720 ses Proposais for printing 
a new Edition of the Greek Testament and S* Hierom's 
Latin Version, dans lesquels il explique le plan et l'im- 
portance de l'édition projetée. Malheureusement celte 
édition ne put être publiée, à cause des attaques d'un 
certain nombre de théologiens anglais. Voir l'écrit de 
Bentley, imprimé dans Tischendorf, Novum Testamen- 
tum, edit. vu, Proleg., p. 87-96. Lachmann s'en tient à 
saint Jérôme, parce que celui-ci pour la rédaction de la 
Vulgate avait puisé dans les anciens, sans s'occuper des 
manuscrits grecs de date plus récente et parce que la con- 
cordance d'un manuscrit avec les anciennes traductions 
lui était un garant de leur authenticité, et le témoignage 
harmonisant avec les anciens manuscrits grecs et les an- 
ciennes traductions, Un critérium certain pour la justesse 
d'une leçon. Lachmann dit des axiomes critiques desaint 
Jérôme, qu'ils sont « très raisonnables » et « excellents» 
et qu'ils seront « toujours la règle qu'on devra suivre pour 
déterminer le texte du Nouveau Testament » (p. 823). 
Encouragé par l'approbation donnée à ses idées et prin- 
cipes, Lachmann se mit en devoir de publier une édi- 
tion plus considérable. Soutenu dans ses travaux par 
Philippe Buttmann, fils du célèbre grammairien grec, 
il édita le Nouveau Testament avec des prolégomènes 
détaillés, avec indication des sources et le texte de la 
Vulgate, sous le titre : Novum Testamentum grs.ce et 
latine, in-8°, Berlin, 1. 1, 1842 ; t. il, 1850. Le texte grec n'a 
guère subi de modification et reste semblable à celui de la 
petite édition, réimprimée à plusieurs reprises (1837, 
1846). La grande édition de Lachmann est une preuve de 
plus de la valeur de son système; mais son appareil cri- 
tique est assez médiocre, le nombre des témoins qu'il 
produit est trop restreint. Le Vaticanus, YEphrsenii re- 
scriptus, le Claromontanus, VAmiatinus et d'autres, bien 
que très importants, ne lui étaient accessibles que par 
des collations imparfaites, souvent fautives ou dou- 
teuses. Lachmann méconnut la nécessité d'une base 
généalogique construite par Griesbach pour la critique 
du Nouveau Testament. Il a été dépassé depuis par 
Tischendorf, Tregelles et autres, mais il eut le mérite 
d'inaugurer une époque nouvelle dans ' l'histoire des 
études néo-testamentaires. Voir Scherer, dans Allge- 
meine deutsche Biographie, t. xvn, p. 471-81; Hund- 
hausen, dans le Kirchenlexicon, 2 e édit., Fribourg, 



2$ 



LACHMANN — LADANUM 



30 



-1883-1901, t. h, p. [620-623; M. Hertz, Karl Lachmann, 
Berlin, 1851 ; Jakob Grimm, Rade auf Lachmann, Kleine 
Schriflen, t. i, col. 145; G. Heinrichs, Lachmanniana, 
dans Anzciger fur deutsches Allerthum, t. vi, p. 354; 
t. v, p. 289; Westcottand Hort, The New Testament in 
the original greek, Cambridge, 1881, t. H, p. 13; Tischen- 
dorl, Nov. Test, griec., edit. vn a min., p. 102-112. 

E. Michels. 
B.ACHMI (hébreu : Lahmî; Septante : Aaxi«')> frère 
de Goliath. I Par., xx, 5. La Vulgate a traduit « Bethléhé- 
mite ». Pour l'explication de ce passage, voir Adéodat, 
t. i, col. 215. 

LADANUM (hébreu : lot; Septante : (jraxrr,; Vul- 
gate : stade, Gen., xxxvn, 25; xliii, 11), substance rési- 
neuse aromatique. 

I. Description. — Le Ladanum est une oléorésine 
gluante et aromatique produite par exsudation des feuilles 
de diverses espèces de cistes. Le genre Qistus de Linné, 
qui a donné son nom à la famille des Cistacées, se com- 
pose d'arbrisseaux de petite taille, répandus dans les 
lieux incultes de toute la région méditerranéenne. Les 
feuilles persistantes, opposées et sans stipules, sont le 
siège principal d'une sécrétion si abondante, pendant la 
saison chaude, que la surface du limbe en devient vis- 
queuse, et que l'air ambiant est tout imprégné de va- 
peurs balsamiques. Les fleurs sont formées de cinq pé- 
tales réguliers, larges, tordus dans le boulon et très 
caducs, d'étamines nombreuses, et d'un ovaire simple 
qui devient à la maturité une capsule polysperme, à 
déhiscence valvaire. — L'espèce que Linné a nommée Cis- 
tus ladaniferus, très abondante dans la péninsule Ibé- 








13. — Cistus salviifolius. — Dessin d'après nature. Hameau 
cueilli à Bethlêhem par le Frère Jouannet-Marie, des Écoles 
chrétiennes (avril 1890). 

Tique, ne dépasse pas la Sicile vers l'Orient, mais plu- 
sieurs autres, qui sécrètent la même résine, habitent 
TAsie Mineure et spécialement les lies de Crète et de 
Chypre. Les plus remarquables sont le Cistus villosus, 



qui se distingue de ses congénères à fleurs roses par la 
longueur du style égalant au moins les étamines, et 
parmi les espèces à fleurs blanches, le Cistus laurifo- 
lius à trois sépales caducs, le Cistus monspeliensis dont 
les feuilles sont longues et étroites, tandis que celles 
du Cistus salviifolius (fig. 13) ont un limbe court et for- 
tement rugueux à la surface. F. Hï. 

II. Exégèse. — Les marchands ismaélites auxquels 
Joseph fut vendu par ses frères, allaient de Galaad en 
Egypte pour y porter des aromates et en particulier du 
lot. Gen., xxxvn, 25, Jacob chargeant ses fils de présents 
pour le premier ministre d'Egypte, leur remet entre 
autres produits du pays du lot. Gen., xliii, 15 (hébreu). On 
reconnaît généralement dans ce nom le ladanum. Le 
mot lot est apparenté avec les noms des langues sémiti- 
ques et indo-européennes qni désignent certainement le 
ladanum ou la résine odorante des Cistus : il suffit de 
comparer l'arabe lâdlian, le sabéen ladan, l'assyrien la- 
dunu, le persan lâd, le grec \tSov, ou X^Savov, ou XâSa- 
vov, et le latin ladanum ou labdanum. D'après les textes 
de la Genèse que nous venons de citer, le ladanum est 
donné comme un produit de Galaad et de Palestine, im- 
porté en Egypte. Il ne paraît pas avoir été recueilli, du 
moins en quantité suffisante, dans la vallée du Nil, où ce- 
pendant on l'employait fréquemment dans les embau- 
mements. Fr. Wônig, Die Pflanzen im alten Aegypten, 
in-8°, Leipzig, 1886, p. 386. Il venait en Egypte par terre 
de la Palestine, de l'Arabie, de la Syrie, et doit être 
compris dans l'expression générale qui revient souvent 
dans les textes, « les parfums de Syrie. » Mais le nom 
sous lequel il était connu dans la vallée du Nil n'a pas 
encore été trouvé. Il pouvait venir aussi par mer de i'ile 
de Chypre. Le ladanum d'Arabie, Hérodote, m, 112; 
Pline, Hist. nal., xn, 37, celui de Chypre et de Syrie, 
Pline, xxvi, 30, sont en effet les espèces les plus renom- 
mées chez les anciens. Le ladunu est mentionné dans 
les tributs que Teglathphalasar tirait de Damas. E. Schra- 
der, Die Keïlinschriften und das Alte Testament, in-8°, 
Giessen, 1883, p. 151. Les Cistus, soit le villosits, soit le 
salviifolius, sont encore très abondants sur les collines 
de Palestine. 

Comme cette résine exsudait des feuilles du Cistus 
pendant les grandes chaleurs, on la recueillait, dit 
Pline, xn, 37; xxvi, 30, en peignant la barbe et le poil 
des chèvres qui en broutant en étaient bientôt toutes 
chargées. Dans son Voyage au Levant, Amsterdam, 
3 in-12, 1727, t. I, p. 329, J. Thévenot nous décrit le 
même procédé : « Il y a aussi en ces quartiers plusieurs 
bergers qui gardent des chèvres et les montagnes y 
sont pleines d'une certaine herbe, que Mathiole appelle 
Ledum, et les Grecs d'aujourd'hui Kissaros; quand 
les chèvres paissent de cette herbe, il s'attache à leur 
barbe une certaine rosée visqueuse et gluante, qui se 
trouve sur cette herbe, cette rosée se congelant en une 
espèce de gomme, qui a fort bonne odeur, qui s'ap- 
pelle Ladanum et pour la recueillir, il faut couper (ou 
plutôt peigner) la barbe aux chèvres. » 

On obtient plus communément cette résine en pro- 
menant sur ces arbrisseaux des fouets ou lanières de cuir. 
Pline, H. N., xxvi, 30, indique ce procédé que Tour- 
nefort, Relation d'un voyage au Levant, 2 in-4°, Paris, 
1^07>tri, p. 74-75, nous expose en détail tel qu'il le vit pra- 
tiquer dans l'Ile de Candie : « Tirant du côté de la mer, 
nous nous trouvâmes sur des collines sèches et sablon- 
neuses, couvertes de ces petits arbrisseaux qui four- 
nissent le ladanum. C'était dans la plus grande chaleur 
du jour, et il ne faisait pas de vent. Cette disposition 
du temps est nécessaire pour amasser le ladanum. Sept 
ou huit paysans roulaient leurs fouets sur ces plantes : 
à force de les secouer et de les frotter sur les feuilles 
de cet arbuste, leurs courroies se chargeaient d'une 
espèce de glu odoriférante, attachée sur les feuilles; c'est 
une partie du suc nourricier de la plante, lequel trans- 



31 



LADANUM —LAGARDE 



32 



sude au travers de la tissure de ces feuilles comme une 
sueur grasse, dont les gouttes sont luisantes, et aussi 
claires que la térébenthine. Lorsque les fouets sont bien 
chargés de cette graisse on en ratisse les courroies avec 
un couteau, et l'on met en pains ce que l'on en détache : 
c'est ce que nous recevons sous le nom de ladanum. 
Un homme qui travaille avec application en amasse par 
jour environ une oque (trois livres deux onces) et même 
davantage, lesquelles se vendent un écu sur le lieu. 
Cette récolte n'est rude que parce qu'il faut la faire dans 
la plus grande chaleur du jour et dans le calme. Cela, 
n'empêche pas qu'il n'y ait des ordures dans le ladanum 
le plus pur, parce les vents des jours précédents ont 
je té de la poussière sur ces arbrisseaux.» Cf. Celsius, Hiero- 
botanicon, in-8», Amsterdam, 1748, t. i, p. 280-288;E. F. 
K. Rosenmuller, Handbuch der biblischen Alterthums- 
kunde, in-8», Leipzig, 1830, t. rv, 1" part., p. 156-159; 
Trislram, The Nalural history of the Bible, in-12, 
Londres, 1889, p. 458-460. — Comme les Septante tra- 
duisent par o-raxT-f, le lot hébraïque, ou ladanum, il 
pourrait être question de cette gomme aromatique dans 
Eccli., xxiv, 21 où on lit uTaxT-rj (Vulgate, gutta); mais 
on ne saurait l'affirmer, parce qu'ils traduisent plus sou- 
vent par le même mot l'hébreu nalaf, le styrax; et mal- 
heureusement ce passage de l'Ecclésiastique n'est pas 
du nombre des parties retrouvées en hébreu. 

E. Levesque. 

LADVOCAT Jean-Baptiste, érudit et hébraïsant 
français, né à Vaucouleurs le 3 janvier 1709, mort à 
Paris le 29 décembre 1765. Il commença ses études au 
collège des jésuites de Pont-à-Mousson et alla les termi- 
ner à Paris. Il entra ensuite dans la Société de Sorbonne. 
Docteur en théologie, il fut d'abord curé de Domrémy. 
En 1740, il obtint une chaire à la Sorbonne, en devint 
bibliothécaire et en 1751 fut choisi comme professeur 
d'hébreu. Parmi ses nombreux ouvrages nous avons à 
mentionner : Dissertation historique et critique sur le 
naufrage de saint Paul, in-12, Paris, 1752 : l'apôtre 
n'aurait pas fait naufrage sur les côtes de l'île de Malte, 
mais à Meléda près de Raguse ; Gramntaire hébraïque, 
in-8°, Paris, 1755, ouvrage qui eut de nombreuses édi- 
tions ; Jugement et observations sur les traductions des 
Psaumes de M. Pluche et de M. Gralien et en particu- 
lier sur celle des RR. Pères capucins et de M. Laugeois, 
à l'usage des écoles de Sorbonne, in-12, Paris, 1753 : il 
réfute le système de l'abbé Villefore et des capucins qui 
l'avaient adopté. On lui répondit par l'écrit suivant : 
Appel du jugement rendu par M. Ladvoçat dans la 
cause où il s'est constitué juge des quatre traductions 
des Psaumes, par M. de Saint-Paul, in-12, Paris, 
1763; Notice d'un manuscrit original apporté à Pans 
en 1764, dans le Journal des Savants, août 1765, 
p. 540 : il s'agit d'un manuscrit du Pentateuque; 
Lettre dans laquelle l'auteur examine si les textes 
originaux; de l'Écriture sont corrompus et si la 
Vulgate leur est préférable, in-8°, Amsterdam, 1766 : 
les fautes du texte hébreu n'en détruisent ni l'authen- 
ticité, ni l'intégrité; Interprétation historique et critique 
du Ps % lxmii : Exsurgat Deus, in-12, La Haye, 1767. — 
"Voir Éloge historique de l'abbé Ladvoçat, dans l'Année 
littéraire, t. n; Picot, Mémoires pour servir à l'histoire 
ecclésiastique pendant le xyiii> siècle, t. iv (1855), 
p. 449; Quérard, La France littéraire, t. iv, p. 386. 

B. Heurtebize. 

LAEL (hébreu : Ld'êl, « {appartenant] à Dieu ; » Sep- 
tante : Aori)).; A lexandrinus : \a.r{k), père d'Éliasaph qui 
fut le chef de la famille de Lévites descendant de Gerson 
du temps de Moïse. Num., m, 24. 

LA FAYE (Antoine de), théologien protestant, né à 
Châteaudun, mort à Genève vers 1618. Il fut professeur 
au collège de Genève, puis enseigna la philosophie à 
l'université de cette ville, dont il devint recteur en 1580. 



Vers cette date, il fut nommé pasteur et quatre ans plus 
lard professeur de théologie. Il composa la préface de 
la traduction française de la Bible à laquelle il avait 
travaillé avec d'autres pasteurs de Genève et qui fut 
publiée en 1588 après avoir été revue par Théodore de 
Bèze. Il accompagna ce célèbre réformateur au synode 
de Montbéliard. Parmi les nombreux écrits d'Antoine de 
La Faye nous mentionnerons : De vernaculis Biblio- 
rum interpretationibus et sacris vernacula lingua pera- 
gendis, in-4», Genève, 1572; Commentarii in Èpistolam 
ad Romanos, in-8°, Genève, 1608; Commentarii in 
Ecclesiasten, in-8», Genève, 1609; Commentarii in 
Psalmos xlix et lxxxvii, in-8», Genève, 1609; Commen- 
tarii in priorem Epistolam ad Timotheum, in-8», 
Genève, 1609. — Voir Lelong, Riblioth. sacra, p. 348, 722; 
Walch, Biblioth. theologiea, t. iv (1765), p. 522, 685. 

B. Heurtebize. 
LAGARDE (Paul Anton de), orientaliste protestant 
allemand, né le 2 novembre 1827 à Berlin, mort à Gœt- 
tingue le 22 décembre 1891. Son vrai nom était Bôtticher; 
il emprunta à sa mère celui de Lagarde à partir de 1854. 
11 étudia à Berlin et à Halle la théologie, la philosophie 
et les langues orientales et se livra ensuite à des études 
scientifiques à Londres et à Paris, en 1853-1854. Après 
avoir enseigné dans diverses écoles, il devint en 1869, à 
Gœtlingue, le successeur d'Ewald comme professeur de 
langues orientales et il conserva cette chaire jusqu'à sa 
mort. Ses publications sont innombrables. Voici celles 
qui se rapportent à l'exégèse : Epistolse Novi Testamenti 
coptice, Halle, 1852; Didascalia Aposlolorum (en sy- 
riaque, fruit du voyage à Paris et à Londres), in-8°, 
Leipzig, 1854; Analecta syriaca, Leipzig, 1858; Hip- 
polytï Romani qux feruntur omnia grsece, Leipzig, 
1853; Libri Veteris Testamenti apocryphi syriace, 
Leipzig, 1861; Constitutiones Apostolorum, Leipzig, 1862 ; 
Anmerkungen zur griechischen Vebersetzung der Pro- 
verbien, Leipzig, 1863; Die vier Evangelien arabisch, 
Leipzig, 1864; Gesammelte Abhandlungen, Leipzig, 
i866;Materialien zur Kritik und Geschichte des Penta- 
teuchs, Leipzig, 1867 ; Hieronymi Qusestiones hebraicse 
in libro Geneseos, Leipzig, 1868; Onomastica sacra (de 
saint Jérôme et d'Eusèbe etc.), Gœttingue, 1870; 2 e édit., 
1887; Der Pentaleuch koptisch, Leipzig, 1871 ; Prophétie 
chaldaice, Leipzig, 1872; Hagiographi chaldaice, 
Leipzig, 1873; Psalterium juxta Hebrseos Hieronymi, 
Leipzig, 1874; Ankûndigung einer neuen Ausgabe 
der griechischen Vebersetzung des alten Testaments, 
Gœttingue, 1881; Orientalia, 2 in-4% Gœttingue, 1879- 
1880; Prsetermissorum libri duo (écrits divers en sy- 
riaque), Gœttingue, 1879; Psalmi 1-49 arabice, Gœt- 
tingue, 1875; Psolterii versio memphitica, Gœttingue, 
1875; Psalterium, Job, Proverbia arabice, Gœttingue, 
1876; Semitica, 2 in-4% Gœttingue, 1878; Symmicta, 
2 in-8% Gœttingue, 1877-1880; Veteris Testamenti ab 
Origene recensiti fragmenta apud Sijros servata quin- 
que. Prxmittitur Epiphanii de mensuris et ponderi- 
bus liber, nunc primum integer et ipse syriacus, Gœt- 
tingue, 1880;^5fypftaca,Gœttingue, 1883; 2 e édit., 1896;. 
Catenx in Evangelia xgyptiacx qux supersunl, in-4% 
Gœttingue, 1886; Librorum Veteris Testamenti canoni- 
corum pars I, grsece édita, Gœttingue, 1883 ; Probe einer 
neuen Ausgabe der lateinischen Vebersetzungen des 
alten Testaments, Gœttingue, 1885; Novm PsalteHi 
grseci editionis spécimen, in-4% Gœttingue, 1887; Ueber* 
sicht uber die im Aramâischen, Arabischen und He- 
brâisclien ûbliche Bildung der Nomina, in-4% Gœttin- 
gue, 1889 ; Nachtrâge zu der Uebersicht, in-4", Gœttingue, 
1891; Septuaginta-Studien, in-4% Berlin, 1892; Psal- 
teHi grseci quinquagena prima (publié après la mort 
de P. de Lagarde, par A. Rahlfs), in-4% Gœttingue, 1892; 
Bibliothecse syriacse collectx qusé ad pkilologiam sa- 
crum pertinent (contient VEvangeliarium Hierosoly- 
mitanum), in-4% Gœttingue, 1892 ; Altes und Neues ùber- 



33 



LAGARDE — LAINE 



34 



das Weihnachtsfest, extrait des Mittheilungen (1884- 
1890), Gcsttingue, 1891. — Voir R. Gottheil, Bibliogra- 
phy of the Works of P. A. de Lagarde, dans les Pro- 
ceedings of the American Oriental Society, "1892 ; Anna 
de Lagarde, Paul de Lagarde, Erinnerungen aus seinem 
Leben, Gœttingue, 1894. F. Vigouroux. 

LAGIDES, nom donné à la dynastie égyptienne des 
Ptoléniëes. Voir Ptolémée. 

LA HAYE (Jean de), né à Paris, le 20 mars 1593, 
d'une famille qui, au dire du bibliographe Jean de 
Saint-Antoine, portait le nom de Sapin, se rendit dans 
sa jeunesse en Andalousie. Il y prit l'habit des Frères 
Mineurs de la réforme de saint Pierre d'Alcantara, dans la 
province dite de Saint-Gabriel, et y prononça ses vœux, 
dans le couvent de Séville, le 9 janvier 16l3, entre les 
mains du B. Jean de Prado, plus tard martyr. La pro- 
vince de Saint-Didace ayant été ensuite formée d'une 
partie de celle de Saint-Gabriel, il appartint à celle-là, 
et y enseigna pendant sept ans la philosophie et la théo- 
logie. Après ce temps, Anne d'Autriche, se rendant en 
France pour devenir la femme de Louis XIII, voulut 
être accompagnée du Père de La Haye, qu'elle lit son 
prédicateur, et qui devint ensuite celui du roi son époux. 
Dans la capitale de la France, î>ù il mourut le 15 octo- 
bre 1661, il acquit une immense réputation de savoir, et 
publia une quarantaine de volumes, parmi lesquels nous 
avons à signaler : 1. Sancti Francisci Assisiatis, Mino- 
rum Patriarchse, nec non sancti Antonii Paduani opéra 
omnia postillis illustrata, în-f°, Paris, 1653. Nous ne 
signalons cet ouvrage que parce que le P. de La Haye y 
a édité divers commentaires mystiques de saint Antoine 
de Padoue sur certains livres de la Sainte Écriture. — 

2. Apocalypsis B. Joannis elaborata ab irrefragabili 
doctore nostro B. Alexandro de Aies, additis illustra- 
tionibus, indicibus, ac vita authoris, in-f», Paris, 1647. — 

3. Commentarii littérales et conceptuales in Genesim, 
sive Arbor vitse concionatorum, 4 in-f», Paris, 1636; 
2 8 édit., Paris, 1647; 3 e édit., Paris, 1651. Dans une pensée 
poétique, l'auteur trouve que le livre de la Genèse est 
la racine de son arbre de vie ; l'exposition littérale en est 
le tronc ; la variété des versions en forme les branches 
et les feuilles; leur concordance en est la fleur, et le 
fruit est dans son interprétation appuyée sur celle de 
très nombreux Pères de l'Église. — 4. Commentarii 
littérales et conceptuales in Exodum, vel Concionato- 
rum virga, percutiens peccatores, 3 in-f», Paris, 1641. 
— 5. Commentarii littérales, et conceptuales in Apo- 
calypsim B. Joannis Evangelistx, omni lectionum 
grsecse, arabicse, syriacse, etc. varietate, earumque 
concôrdia, innumeris animi conceptibus plus quam 
septingentorum Patrum authoritate confirmatis et 
concatenatis illustrati, 3 in-f», Paris, 1648. — 6. Biblia 
Magna commentariorum litteralium Joannis Gagnai, 
doctoris Parisiensis, Gulielmi Estii, doctoris Duacen- 
sis, Emmanuelis Sa, Joannis Menochii et Jacobi Tirini, 
S. J., erudite et intègre Sacra/m Scripturam exponen- 
tium, prolegomenis, chronico sacro, indicibus locuple- 
tissimis illustrata, 5 in-f», Paris, 1643. — 7. Biblia 
Maxima versionum ex linguis orientalibus, pluribus 
sacris mss. codicibus, innumeris fere SS. et veteribus 
Patribus et interpretibùs orthodoxis collectarum, ea- 
rumque concôrdia cum Vulgata, et ejus expositione 
litterali, cum annotationibus Nicolai de Lyra, mino- 
rilx Joannis Gagnsei, doctoris Parisiensis, Gulielmi 
Estii, doctoris Lovaniensis, Jo. Menochii, ac Jacobi Ti- 
rini, S. J., additis amplissimU prolegomenis, universa 
quee possunt agitari circa S. Scripturse ma/estatem, 
antiquitatem, autoritatem, obscuritatem, sensuum di- 

yersitatem, indicem, canonem, versionum originem, 
antilogiam, etc., decidentibus. Non omissis chronico 
sacro, tractatu de ponderibus, mensuris, nwnetis, idio- 
mes. DE LA BIBLE. 



tismis linguarum, amplissimis indicibus, 19 in-f», Pa- 
ris, 1660, dédiés au cardinal Mazarin. Dans son livre sur 
les Études monastiques, chap. ir, § 2, dom Mabillon 
exprime, pour la Biblia Magna, plus d'estime que pour 
la Biblia Maxima. P. Apolinaire. 

LAHÉLA, nom donné par la Vulgate, dans I Par., 
v, 26, à la ville qu'elle appelle plus exactement Hala, 
IV Reg., xvii, 6; xvm, 11. La est une préposition qui a 
été prise ici à tort comme formant partie intégrante du 
nom. Voir Hala, t. m, col. 400-401. 

LAHEM, nom d'une localité, d'après la Vulgate. 
I Par., iv, 22. Le texte original de ce verset fort obscur 
porte : « Et Yoqîm et les hommes de Kôzêba' et Yô'âs 
et Sâràf qui dominèrent sur Mo'âb et sur Yâsubi 
Lâhém, » ce que la Vulgate a traduit, en rendant en 
partie les noms propres par des noms communs : « Et 
celui qui a fait arrêter le soleil et les hommes du 
Mensonge et le Sûr (Securus) et l'Incendiaire (Incendens) 
qui furent princes dans Moab et qui retournèrent à 
Lahem. » Voir Incendiaire, t. m, col. 864. D'après 
quelques-uns, YâSubi Lâheni ou Léhem serait un nom 
d'homme, comme Yôqîm, etc., mais d'après le plus 
grand nombre, c'est une localité, ville ou région, comme 
Moab. La situation en est d'ailleurs inconnue. On peut 
dire seulement qu'il faut la chercher dans la plaine des 
Philistins (Séphéla) ou dans son voisinage, si ce n'est 
pas simplement une corruption du nom de Bethléhem. 

LA H U ERG A (Cyprien de). Voir Huerga, t. n, 
col. 768. 

LAINE (hébreu : gêz, sémér; Septante : £ptov; Vul- 
gate : lana), poils qui recouvrent le corps de certains 
animaux, particulièrement de la race ovine. La laine se 
compose de filaments longs et plus ou moins contournés 
en spirale; elle est naturellement imprégnée d'une ma- 
tière oléagineuse qui la rend souple et élastique. La laiae 
se distingue par là du poil des chèvres, des chameaux, etc., 
du crin des chevaux, des soies du porc, du pelage des 
fauves, etc. La laine a été utilisée de toute antiquité; on 
la tondait sur le dos de l'animal et après un nettoyage 
et un dégraissage sommaire, on la cardait, on la filait 
et on la tissait pour en faire des couvertures, des man- 
teaux, des vêtements, etc. Dans la Sainte Écriture, il est 
question de la laine sous trois aspects différents. 

1» Laine à l'état de toison. — La toison est la laine de 
l'animal accompagnée de la peau à laquelle elle adhère, 
ou déjà détachée de cette peau par la tonte. La tonte des 
brebis était une des opérations importantes de la vie 
agricole. Gen., xxxi, 19; xxxvm, 13; I Reg., xxv, 2; II 
Reg., xin, 23, etc. Voir Tonte. C'est en se servant d'une 
toison que Gédéon obtint le signe miraculeux qu'il récla- 
mait avant de partir en guerre contre les Madianites. Jud., 
vi, 37-40. Voir Gédéon, t. m, col. 147. Dans la première 
épreuve, il n'était point extraordinaire que la toison fût 
couverte d'une rosée abondante, mais il l'était que cette 
rosée ne se fût pas écoulée en partie sur le sol pour 
l'arroser, d'autant plus que la laine, toujours un peu 
grasse, n'absorbe pas l'humidité. La seconde épreuve fut 
pluVsignificative encore; le sol seul était détrempé, bien 
j^ue protégé par la toison contre le rayonnement nocturne, 
et la toison était restée sèche, bien qu'exposée comme la 
veille à ce rayonnement. Job, xxxi, 20, réchauffait les 
reins des indigents avec les toisons de ses brebis qu'il 
leur donnait. Dans le tribut de cent mille agneaux et cent 
mille béliers que Mésa, roi de Moab, paya à Joram, roi 
d'Israël, il est bien spécifié que les animaux étaient 
amenés « avec leur laine ». IV Reg., m, 4. La Loi pres- 
crivait de consacrer au Seigneur les prémices de la 
laine. Deut., xvm, 4. La quantité de laine à offrir en 
prémices n'était pas déterminée; suivant les docteurs 

IV. -2 



35 



LAINE — LAÏSA 



36 



juifs, elle variait d'un trentième à un soixantième. Voir 
Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 203. La 
laine apportée à Damas par les pasteurs du désert était 
de là dirigée sur les marchés de Tyr. Les Tyriens la tei- 
gnaient et la travaillaient. Le texte hébreu appelle cette 
laine sémér sahar. Ezech., xxvii, 18. Le mot sal.iar si- 
gnifie probablement « blanchâtre », d'un blanc un peu 
rougeàtre, comme la couleur du sol du Sahara. Buhl, 
Gesenius' Handworterbuch, Leipzig, 1899, p. 700. Les 
Septante traduisent : ëpia èx Mouron. La laine de Milet 
était célèbre chez les anciens. Pline, E. N., vin, 73; 
Virgile, Géorgie., m, 306; iv, 334; Tertullien, De cultu 
feminarum, ï, 1, t. i, col. 1305. Il se pourrait cependant 
que, dans le texte des Septante, McXiqtoç ait été transcrit 
fautivement au lieu de p)Xw"ri), « peau de mouton, » qui 
devient mêlât dans l'hébreu rabbinique. Buxtorf, Lexicon 
chald. talmud., Bâle, 1640, p. 1215. Le mot iMr)Xo>T7| est 
le nom que les Septante donnent par deux fois au man- 
teau d'Élie. III Reg., XIX, 13; IV Reg., n, 13. Aquila et 
Théodotion ont tait de sahar un nom propre, Soor, dé- 
signant quelque région du désert arabique dont la laine 
était plus renommée. La Vulgate traduit par « laine 
d'excellente couleur », et le Syriaque par « laine blanche ». 
Les Égyptiens recueillaient la laine des troupeaux qu'ils 
élevaient, Hérodote, n, 42; m, 81; Diodore, i, 36; mais 
cette laine était de qualité inférieure. Pline, H. N., "VIII, 
lxxiii, 3. Les meilleures laines provenaient d'Arabie. 
Pline, H. N., vm, 72. Parfois on enveloppait les agneaux 
de couvertures ou de peaux, afin de rendre leur laine 
plus parfaite. Pline, H. N., VIII, lxxii, 3; Varron, De 
re rustic, II, n, 18; xi, 7; Horace, Od., (I, vi, 10. — 
La couleur de la laine a donné lieu à quelques com- 
paraisons. Par l'effet du pardon divin, les péchés, rouges 
comme la pourpre, deviennent blancs comme la laine, 
c'est-à-dire sont effacés. Is., i, 18. Certains personnages, 
dans les visions prophétiques, ont les cheveux blancs 
comme la laine. Dan., vu, 9; Apoc, i, 14. En Orient, où 
la neigeât rare, on peut dire que Dieu « donne la neige 
comme de la laine », Ps. cxlvii, 16, les flocons de neige 
ressemblant beaucoup à ceux de la laine, et cette der- 
nière servant de terme de comparaison pour décrire un 
phénomène plus rare. 

2° Les étoffes de laine. — La laine était filée pour être 
ensuite tissée et servir à la fabrication des étoffes. Prov., 
xxxi, 13. Même à Rome, dans les maisons riches, les 
femmes tissaient elles-mêmes la laine. Plaute, Merc, 
V, n, 46; Vitruve, vi, 10; Tite Live, ï, 57; Ovide, Fast., 
n, 74. On teignait parfois la laine en cramoisi ou en 
pourpre. Dans l'Épître aux Hébreux, ix, 19, il est dit que 
Moïse, après avoir lu la Loi au peuple, l'aspergea avec 
l'eau et « la laine cramoisie », c'est-à-dire avec des 
branches d'hysope liées par un ruban de laine cramoisie. 
Il n'est pas question de ce détail dans l'Exode, xxiv, 8, 
mais il est parlé du ruban cramoisi à l'occasion d'autres 
aspersions. Lev., xiv, 4, 6, 49, etc. On faisait des vête- 
ments de laine. Ose., n, 5, 9; Ezech., xxxiv, 3. L'usage 
de ces sortes de vêtements remontait très haut, puisque 
déjà le Lévitique, xm, 47, s'occupe de la lèpre des vête- 
ments de laine, c'est-à-dire d'une moisissure particulière 
qui peut les ronger, et il prescrit les précautions à prendre 
en pareil cas. Voir LÈPREj iv. Isaïe, Li, 8, dit qu'Israël 
infidèle sera rongé par le châtiment comme le vêtement 
de laine par la moisissure. 

3° Les étoffes mélangées de laine et de lin. — La Loi 
défendait expressément aux Israélites de porter des vête- 
ments en tissus mélangés de laine et de lin. Lev., xix, 
19; Deut., xxil, 11. Ces sortes d'étoffes s'appelaient 
Sa'atnêz. Ce mot, comme la chose qu'il désigne, est cer- 
tainement d'origine égyptienne, puisque l'étoffe en ques- 
tion se trouve mentionnée dès l'époque de Moïse et que 
son nom n'est point hébraïque. On l'explique par les 
deux mots coptes sascht, «"tissu, » et nous, « faux .» Cf. 
Buhl, Gesenius' Eandwbrlerbuch, p. 865. Septante: 



xi'ëôrjXoç, «falsifié; ■» Vulgate : ex duobus textum. Les 
traducteurs grecs qui connaissaient bien la chose et le 
sens de son nom égyptien, marquent le vrai sens de ce 
nom. La Sainte Écriture n'indique nulle part la raison 
pour laquelle l'usage des étoffés tissées de laine et de lin . 
était interdit. Il y avait là, sans doute, une leçon desti- 
née à rappeler continuellement au peuple choisi qu'il 
ne devait exister aucun mélange entre lui et les nations 
idolâtres. Ci. De Hummelauer, In Exod. et Levit.', Paris, 
1897, p. 492. Ézéchiel, xuv, 17, dans sa description du 
service du Temple, dit que les prêtres seront vêtus de 
lin et ne porteront rien qui soit en laine. Cependant Jo- 
sèphe, Ant. jud,, IV, vm, 11, dit formellement, dans son 
résumé de la Loi : « Que personne d'entre vous ne porte 
de vêtement tissu de laine et de lin; car cela n'est établi 
que pour les- prêtres. » Le texte sacré ne fait pas men- 
tion de l'usage du Sa'atnêz par les prêtres. Cf. Exod., 
xxxix, 1-30. Mais la tradition des Juifs note expressé- 
ment que la laine entrait avec le lin dans la confection 
de ce qu'on appelait les « vêtements d'or » du grand- 
prêtre ou de leurs accessoires : la tunique, l'éphod, le 
pectoral et les attaches de la lame d'or. La ceinture du 
grand-prêtre et celle des simples prêtres était également 
formée de ce tissu. Il est probable que les parties colo- 
rées que le texte sacré mentionne dans ces divers orne- 
ments, étaient' obtenues au moyen de laines teintes en 
hyacinthe, en cramoisi ou en pourpre. D'ailleurs, les 
prêtres ne sortaient jamais du Temple avec ces orne- 
ments, et, dans la vie privée, ils étaient soumis, comme 
les autres Israélites, à la prescription du Lévitique, xix, 
19. Cf. Reland, Antiquitates sacrse, p. 77, 78, 95; Iken, 
Antiquitates hebraicx, Brème, 1741, p. 113. 

H. Lesêtre. 
LAIS (hébreu : Lavé), nom d'un Israélite et d'une 
ville de Palestine. 

1. LAÏS (Septante : 'AjiJç, I Reg., xxv, 44; SeXXîjç. 
II Reg., m, 15), père de Phaltiel à qui Saiil donna pour 
femme sa fille Michol qu'il avait fait épouser auparavant 
par David. I Reg., xxv, 44; Il Reg., m, 15. 

2. LAÏS (hébreu : LaïS, Jud., xvm, 14,27, 29; avec le 
hé local : Làyesâh, Jud., xvm, 7) nom primitif de la 
ville de Dan. Voir Dan 3, t. n, col. 1200. 

LAISA (hébreu : LayeSâh; Septante : Aaë<râ dans 
Isaïe, et 'EXeomtoï dans I Mach.), localité mentionnée deux 
fois dans l'Écriture. Is., x, 30, et I Mach., ix, 5. — 1" Le 
prophète, décrivant la marche de Sennachérib sur Jéru- 
salem, s'écrie : « Fais retentir ta voix, fille de Gallim t 
Prends garde, Laïsa ! Malheur à toi, Anatoth ! » Quelques 
commentateurs ont cru que Laïsa n'est pas autre que 
Laïs-Dan, avec le hé local, et suppose que les cris 
poussés par les habitants de Gallim devaient être si forts 
qu'on les entendrait à Dan, à l'extrémité septentrio- 
nale de la Palestine. Mais cette opinion n'est pas soute- 
nable. Les deux villes entre lesquelles est nommée 
Laïsa, c'est-à-dire Gallim et Anatoth, se trouvaient dans 
le voisinage de Jérusalem. Voir Gallim 2, t. m, col. 98, 
et Anatoth 3, t. ï, col. 550. Laïsa était donc probable- 
ment située, comme ces deux localités, dans la tribu de 
Benjamin, mais le site n'en a pas été retrouvé. On a 
pensé cependant à l'identifier avec El-Isaniyét, un peu 
au sud d'Anathoth. Cf. J. P. von Kasteren, Aus der Um- 
gegend von Jérusalem, dans la Zeitschrit des Deut. 
Pal. Vercius, Leipzig, t. xm, 1890, p. 101. 

2» La Vulgate, I Mach., ix, 5, appelle Laïsa l'endroit 
où campait Judas Machabée avant la funeste bataille où 
il perdit la vie en combattant contre Bacchide. On peut 
conclure de là que le traducteur latin identifiait cette 
localité avec la Laïsa d'Isaïe, x, 30. Cependant cette iden- 
tification n'est pas certaine. Le texte grec porte 'EXeairà 
{Alexandrinw : 'AXaaà) et plusieurs pensent qu'il s'agit 



37 



LAÏSA 



LAIT 



38 



de P'ASaaà (Vulgate : Adarsa et Adazer) où Judas 
Machabée remporta sur Nicanor une éclatante victoire. 

I Mach., vu, 40, 45. Voir Adarsa, t. i, col. 213. Cette 
explication s'appuie sur la facilité de confondre en grec 
AAASA et AAASA et sur le témoignage de Josèphe 
qui, Bell, jud., I, i, 6, dit que Judas Machabée périt à 
Adasa, mais le récit de Josèphe ne mérite aucune con- 
fiance, car il place la mort de Judas sous Antiochus V 
Eupator (164-162 av. J.-C), tandis que cet événement 
eut lieu en 161 avant J.-C, sous Démétrius I er Soter, qui 
s'était emparé du trône de son cousin en 162. Voir C. L. 
W. Grimm, Dos erste Buch der Maccab&er, 1853, 
p. 134. La situation de Bérée, où campaient les géné- 
raux syriens Bacchide et Alcime pendant que Judas Ma- 
chabée se trouvait à Laïsà, est également inconnue. Voir 
Bérée 1, t. i, col. 1606. De la sorte, il est impossible de 
déterminer avec certitude l'endroit où campait Judas. 
On peut dire seulement qu'il était à l'ouest de Jérusa- 
lem, puisque I Mach., ix, 15, raconte que le général 
juif poursuivit les Syriens jusque dans le voisinage de 
la montagne d'Azot. Mais l'identification de cet Azot 
avec l'ancienne ville philistine est elle-même contestée. 

II existe à l'est et près de Béthoron-le-Bas des ruines 
appelées ll'asa. Conder croit y reconnaître ]"A>auâ du 
texte grec. Voir Survey of Western, Palestine Memoirs, 
t. m, 1883, p. 36, 115. Ce même explorateur propose de 
reconnaître le ■ mont d'Azot dans la colline du village 
moderne de Bir ez-Zeit, près de Djiméh, l'ancienne 
Gophna, à 16 kilomètres au nord-est i'Ilasa. Memoirs, 
t. H, 1882, p. 293-294. Bir ez-Zeit est ainsi identifié avec 
la B-fjO^J) nommée par Josèphe, au lieu de Béthoron, 
dans ses Antiquités judaïques, XII, XI, 1. Cl. R. Con- 
der, Judas Maccabœus, in-12, Londres, 1879, p. 155- 
158. Fi Vigouroux. 

LAISNÉ, sieur de la Marguerite, mort en 1678, écri- 
vain français, conseiller-clerc au Parlement, a publié un 
Commentaire sur Isaïe avec une méthode pour bien 
entendre et lire les prophètes, in-4°, Paris, 1654. — Voir 
Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques du XVII e siècle, 
col. 2371. B. Heurtêbize. 

LAIT (hébreu : frâMô; Septante : -fàXa; Vulgate : lac), 
liquide sécrété par les glandes mammaires, chez la 
femme et les femelles des mammifères, et destiné à la 
nourriture des enfants et des petits des animaux. Le lait 
est d'un blanc opaque, d'où le nom de lében, « blanc, » 
que lui donnent les Arabes. Il est composé d'eau, tenant 
en dissolution ou à l'état d'émulsion du lactose ou sucre 
de lait, du beurre, de la caséine et certains sels qui 
entrent comme éléments dans la constitution des os et 
des tissus vivants. C'est donc un aliment complet, qui 
suffit à lui seul à la nourriture et au développement de 
l'enfant durant les premières années. Par certains pro- 
cédés, on dégage du lait le beurre, voir Beurre, t. I, 
col. 1767-1769, et la caséine ou caillé, voir Fromage, 
t. il, col. 2406-2408. Les peuples pasteurs et les peuples 
agricoles ont toujours fait grand usage du lait. Il con- 
stituait pour eux un aliment abondant, agréable, aisé à 
recueillir, utilisable sans aucune préparation, nutritif à 
tous les âges de la vie et de facile digestion, même dans 
la vieillesse et dans la maladie. Aussi la Sainte Écriture 
le suppose-t-elle habituellement employé chez les Israé- 
lites qui, tant en Egypte et au désert qu'en Palestine, 
élevaient les troupeaux en si grand nombre. 

I. Les usages du lait. — 1» On servait le lait parmi les 
tnets qu'on offrait à un hôte. Abraham présente du lait 
à ses trois visiteurs. Gen., xvm, 8. A Sisara, qui lui de- 
mande de l'eau, Jahel offre du lait contenu dans une 
outre, afin de mieux gagner sa confiance. Jud., iv, 19; 
y, 25. Josèphe, Ant. jud., V, v, 4, prétend que c'était 
<du lait aigre, SiaçOopoç; ce détail est étranger au texte 
sacré. Voir Jahel, t. m, col. 11Q6. Parmi les. biens que 



Dieu a départis à son peuple, Moïse mentionne le lait 
des vaches et des brebis. Deut., xxxn, 14. Celui des 
chèvres était également utilisé. Prov., xxvn, 27. En gé- 
néral, chez les anciens, le lait des brebis et des chèvres 
était plus en usage que celui des vaches. Varron, De re 
rustic, il, 11. Le lait comptait parmi les aliments quo- 
tidiens, Eccli., xxxix, 31, et le pasteur vivait naturelle- 
ment du lait de son troupeau. I Cor., rx, 7. Dans sa des- 
cription des ravages qu'exerceront en Palestine les 
Égyptiens et les Assyriens, Isaïe, vu, 21-22, dit qu'en ces 
jours chacun entretiendra une vache et deux brebis et 
qu'il y aura une telle abondance de lait qu'il deviendra, 
avec le miel, la base de la nourriture de tous ceux qui 
seront restés dans le pays. Saint Jérôme, In 1$., m, 8, 
t. xxiv, col. 113, explique ce passage en disant que, sur 
cette terre dévastée, le blé fera défaut, que les champs 
non cultivés deviendront des pâturages et que les quel- 
ques habitants laissés dans le pays n'auront plus pour 
se nourrir que le lait et le miel, mais l'auront à satiété. 
Cette abondance est donc ici une marque de désolation. 
— 2» Par trois fois, Exod., xxm, 19; xxxiv, 26; Deut., 
xiv, 21, la Loi défend de cuire le chevreau dans le lait 
de sa mère. Il est question du chevreau, plutôt que de 
l'agneau, parce que c'est le premier de ces animaux qui 
servait le plus habituellement de nourriture. Voir Che- 
vreau, t. il, col. 696. Cette défense suppose que le che- 
vreau cuit dans le lait constituait un mets particulière- 
ment délicat, dont les Israélites étaient exposés à faire 
usage à l'exemple soit de leurs ancêtres, soit de leurs 
voisins. Or, on ne trouve mention de cet apprêt culinaire 
chez aucun peuple ancien, pas plus en Egypte que chez 
les Asiatiques : Chananéens, Phéniciens, Babyloniens ou 
Assyriens. Aben Ezra paraît avoir été seul à l'attribuer 
aux Arabes. Mais son témoignage si tardif est très suspect, 
et, si le chevreau cuit dans le lait avait un tel attrait, on 
trouverait encore aujourd'hui, au moins en Orient, des 
peuples qui le prépareraient ainsi. Or, il n'en est rien, 
et nulle part la viande cuite dans du lait ne semble avoir 
tenté le goût de personne. La plupart des commentateurs 
s'en sont tenus, sur ces textes, à la traduction des Sep- 
tante et de la Vulgate. Mais le mot que les versions ont 
lu hdlâb, « lait, » peut aussi bien se lire hèléb, 
« graisse, » et cuire un chevreau, dont la chair est 
tendre et maigre, dans la graisse de chèvre, est une 
opération culinaire plus naturelle et d'un meilleur ré- 
sultat que la précédente. Elle est aussi plus conforme 
aux habitudes des Arabes. Ceux-ci cuisent volontiers un 
chevreau ou un agneau tout entier dans un chaudron 
couvert, après avoir farci l'animal de graisse de mouton 
et de différents condiments. Quelquefois, ils font aussi 
bouillir des boulettes de viande et de blé, qu'ils servent 
ensuite avec du lait aigre; mais ils ne font pas cuire de 
viande dans du lait. Cf. de la Roque, Voyage dans la 
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 198-200. Il est donc pro- 
bable que la prohibition de la Loi visait le chevreau cuit, 
non dans le lait, mais « dans la graisse de sa mère ». 
Cf. Fr. von Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 
1897, p. 244. Il est à remarquer qu'au Psaume cxvm 
(cxix), 70, où le texte massorétique lit : « Leur cœur est 
insensible comme la graisse, » hèléb, les versions ont lu 
hâldb, « comme le lait, ï alors que, si la graisse est 
parfois le symbole de l'inintelligence, voir Graisse, 
t 1 . m, col. 292, jamais le lait n'est mentionné pour servir 
de terme à une pareille comparaison. Quel que soit le 
sens adopté, l'intention de la Loi est la même. Il y 
aurait une sorte de cruauté, une méconnaissance des 
sentiments naturels les plus doux et les plus délicats, à 
se servir, pour cuire le chevreau, de quelque chose qui 
provient de sa mère. — 3» Sur l'allaitement des enfants, 
voir Enfant, 5», t. h, col. 1786-1787. Sur celle qui 
allaite l'entant, voir Nourrice. La Sainte Écriture men- 
tionne aussi les animaux qui allaitent leurs petits, les 
ânesses, Gen., xxxn, 15; les brebis et les vaches, Gen., 



39 



LAIT 



LAMBRIS 



40 



xxxm, 13; I Reg., vr, 7, 10; Is., XL, 11, et les cétacés. 
Lam., iv, 3. Voir Cachalot, t. h, col. 6. 

II. Lk lait dans les comparaisons bibliques. — 1° A 
raison de ses riches qualités nutritives, le lait est, con- 
jointement avec le miel, la caractéristique d'un pays 
fertile. Telle était la terre de Gessen, paç opposition au 
désert. Num., xvi, 13, 14. Une vingtaine de fois, les 
auteurs sacrés donnent au pays de Chanaan le' nom de 
« terre où coulent le lait et le miel ». Exod., m, 8, 17; 
xni, 5; xxxiii, 3; Lev., xx, 24; Num., xm, 28; xiv, 8; 
Deut., vi, 3; xi, 9; xxvi, 9, 15; xxvn ; 3; xxxi,20; Jos., 
v, 6; Eccli., xlvi, 10; Jer., XI, 5; xxxn, 22; Bar., i, 20; 
Ezech., xx, 6, 15. Le lait et le miel étaient des produits 
naturels qu'on se procurait sans peine; ainsi la terre de 
Chanaan produisait comme d'elle-même ce qui était né- 
cessaire aux Israélites. Le lait et le miel étaient des ali- 
ments agréables. Voir Miel. Les Arabes les prennent 
même à l'état de mélange. « Un des principaux régals 
qu'ils aient pour leur déjeuner, c'est de la crème ou du 
beurre Irais, mêlé dans un plat de miel. Cela ne parait 
pas s'accommoder fort bien ensemble ; mais l'expérience 
apprend que ce mélange n'est pas mauvais, ni d'un goût 
désagréable, pour peu qu'on y soit accoutumé. » De la 
Roque, Voyage dans laPalestine, 1718, p. 197. Juda « a les 
dents blanches de lait » (d'après l'hébreu), Gen., xlix, 12, 
parce que son sol aura de riches pâturages où abonderont 
les troupeaux et le lait. « Les fils de l'Orient mangeront le 
lait des Ammonites, » Ezech., xxv, 4, c'est-à-dire s'empa- 
reront de toutes leurs richesses. — 2° La couleur du lait 
donne lieu à deux comparaisons. Les yeux de l'Épouse 
sont « comme des colombes se baignant dans le lait », 
Cant., v, 12, et les princes de Jérusalem sont « plus 
blancs que le lait ». Lam., iv, 7. Ces expressions se rap- 
portent au teint clair des personnes qui ne vivent pas 
habituellement en plein air, comme les travailleurs des 
champs, et qui n'ont pas la figure hâléc par le soleil. 
— 3° Le lait désigne encore certains biens d'un ordre 
supérieur": les charmes de l'Épouse, Cant., iv,ll; v, 1, 
, et les biens spirituels promis à tous les peuples par le 
Messie : « Venez, achetez du vin et du lait, sans argent, 
sans rien payer. » Is., lv, 1. Dans un autre passage, le 
même prophète invite les nations à accourir auprès de 
Jérusalem régénérée et à se rassasier à « là mamelle de 
ses consolations ». Le mot zîz, employé dans ce seul 
passage, Is., lxvi, 11, désigne en effet l'extrémité de la 
mamelle, Septante : |iaar<Sç ; Vulgate : ut sugeatis, « afin 
de traire. » Ce qui sort de cette mamelle, c'est le lait 
des consolations. — 4° Dans le Nouveau Testament, le 
lait est le symbole de la doctrine spirituelle, simple et 
élémentaire, telle qu'on la présente aux néophytes, qui 
ne sont encore que des enfants dans la loi. I Cor., m, 2; 
Heb., v, 12, 13; I Pet., n, 2. H. Lesêtre. 

LAITUE, plante herbacée de la tribu des chicoracées. 
La Vulgate rend par lactucse agrestes, « laitues sauvages, » 
Exod., xn, 8; Num., ix, 11, le mot hébreu merôrîm, qui 
désigne des herbes amères. Voir Herbes amères, t. in, 
col. 601-602. 

LAMBERT François, connu aussi sous [le nom de 
Jean Serranus, théologien protestant français, né en 
1487 à Avignon, mort à Marbourg, le 18 août 1530. Son 
père, qui était catholique, était secrétaire de légation 
du pape. Lui-même fut élevé dans la religion catho- 
lique et il se crut même la vocation sacerdotale. 
Entré de bonne heure chez les cordeliers, il fut 
ordonné prêtre, mais il ne tarda pas à être dégoûté 
de la vie monacale. Il prêcha néanmoins pendant 
quelques années, et non sans succès. Mais, ayant songé 
à se faire chartreux, il rencontra chez ses supérieurs 
une opposition et une défiance qui lui inspirèrent du 
dépit, et bientôt après, en 1522, il abandonna le couvent 
des cordeliers. Il se rendit alors à Lausanne, puis à 



Fribourg, à Berne, à Zurich, à Bâle, à Eisenach, et ar- 
riva enfin à Wittenberg au printemps de 1523. Dans le 
cours de ces voyages, il s'entretint d'abord, à Zurich, 
avec Zwingle, qui commença à modifier assez profondé- 
ment ses idées religieuses pour qu'il entreprit dès lors 
de prêcher la Réforme, sous le pseudonyme de Jean 
Serranus. A Wittenberg, il vit Luther, qui le gagna 
tout à fait aux- idées nouvelles. Il épousa cette même 
année la fille d'un boulanger d'Hertzberg. Comme ses 
leçons sur l'Évangile de saint Luc ne lui fournissaient 
pas de quoi vivre, il partit pour Metz, qu'il quitta au 
bout de peu de jours pour se rendre à Strasbourg, où 
il fit encore des cours de théologie. Il retourna à Wit- 
tenberg en 1626; mais il quitta bientôt cette ville, appelé 
à Hombourg par Philippe, landgrave de Hesse, qui avait 
besoin de son assistance pour introduire, le luthéra- 
nisme dans ses États. Ce prince ferma les monastères et 
s'empara de leurs revenus, avec lesquels il fonda à Mar- 
bourg une académie dont Lambert fut le premier pro- 
fesseur de théologie. Il mourut de la peste dans cette 
ville. Parmi ses ouvrages, qui sont nombreux, nous- 
nous contenterons de citer : Commentarius in Evan- 
gelium Lucx, in-8°, Wittenberg, 1523; in-8°, Nurem- 
berg et Strasbourg, 1525 ; in-8°, Francfort, 1693. — In 
Cantica canticorum Salomonis libellum quidem sen- 
sibus altissimis, in quo sublimia sacri conjugii myste- 
ria, quse in Christo et Ecclesia sunt, pertractantur, 
in-8°, Strasbourg, 1524; in-8", Nuremberg, 1525. — Com- 
mentarii in Oseàm, in-8°, Strasbourg, 1525; in-8°, Nu- 
remberg, 1525. — In Johelem prophetam commenta- 
rii, in-8°, Strasbourg, 1525. — In Amos,Abdiam et Jo- 
ram prophetas commentarii. Ailegorise in Jonam, 
in-8", Strasbourg, 1525; in-8°, Nuremberg, 1525. — 
Commentarii in Micheam, Naum et Abacuc, Stras- 
bourg, 1525; Nuremberg, 1525. — Commentarii in 
Sophoniam, Aggeum, Zachariam et Malachiam, in-8», 
Strasbourg, 1526. — Exegeseos in Apocalypsim lïbri 
vu, in-8°, Marbourg, 1528; in-8», Bâle, 1539. — Com- 
mentarii in quatuor libros Regum et in Acta Aposto- 
lorwm, in-8», Strasbourg, 1526; in-8», Francfort, 1539. 

LAMBETH (LES ÉVANGILES DE), BookofMac- 
Durnan, manuscrit des Évangiles selon la Vulgate, da- 
tant du x» siècle, et appartenant aujourd'hui à la biblio- 
thèque du palais archiépiscopal deLambeth. 216 feuillets; 
dimensions : m 16 X O m ll ; colonne unique de 20 à 
25 lignes. Jolie écriture irlandaise, peintures grossières. 
On lit au f° 3 v° : Mseielbrithus Mac-Dumain istum. 
textum per triquadrum Deo digne dogmatizat. Ast 
JEtheUtanus Anglosaxona rex et rector Doruvernensi 
metropoli dat per eevum. Le roi ou demi-roi (half- 
king) Ethelstan mourut en 962. On trouve des fac-simi- 
lés dans Westwood, Palœogr. sacra, Londres, 1843, 
pi. xni-xv, et Anglo-Saxon and IrishManuscr., pi. xu. 

F. Prat. 

LAMBRIS (hébreu : siffûn; Septante : <ç Aïvo>\i.<x. ; 
Vulgate : laquear), revêtement des plafonds et des murs 
intérieurs d'une salle, ordinairement à l'aide de plan- 
ches plus ou moins ouvragées. La Sainte Écriture men- 
tionne le lambrissage de certains édifices avec des pan- 
neaux de cèdre ou de cyprès. Voir Cèdre, t. n, col. 378; 
Cyprès, col. 1174. — 1» Les murs intérieurs du Temple 
de Salomon furent lambrissés de cèdre (ixoi\o<rtâQ\).rioi, 
operuit), de telle sorte que la pierre n'apparaissait nulle 
part, et ces lambris étaient ornés de sculptures repré- 
sentant des coloquintes et des fleurs épanouies. III Reg., 
vi, 15, 18. Cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, m, 2. Il y eut 
aussi des parties lambrissées en cyprès, avec des orne- 
ments d'or et des sculptures. II Par., n, 57. On employa 
le bois de cèdre dans la construction du second Temple, 
I Esd., m, 7; mais le texte sacré ne dit pas si l'on s'en 
servit pour faire des lambris; tout au moins, les pla- 
fonds devaient être construits en poutres de ce bois. 



41 



LAMBRIS — LAME D'OR 



42 



Dans le Temple d'Hérode, les plafonds étaient lambris- 
sés en bois et sculptés en haut relief. Josèphe, Ant. 
jud., XV, XI, 5. — 2» Les palais de Salomon furent éga- 
Jement parés de lambris de cèdre ou de cyprès. Le por- 
tique du trône, où se rendait la justice, était lambrissé 
de cèdre du haut en bas. III Reg., vu, 7. Ce même 
genre de décoration fut adopté pour le palais du roi 
•et celui de la reine. III Reg., vu, 8-12. L'Épouse du 
Cantique, i, 16 (17), fait allusion à des lambris de cyprès, 
dans le palais où elle habite. Le roi Joachaz fit lam- 
irisser sa maison en bois de cèdre. Jer., xxil, 14. A 
JBabylone, on avait aussi adopté cet usage de revêtir 
l'intérieur des palais de bois précieux. Les rois se van- 
tent, dans leurs inscriptions, d'avoir fait apporter dans 
leur capitale des bois de cèdre, de pin et de chêne tirés 
de l'Amanus et du Liban. Cf. Rabelon, Archéologie 
orientale, Paris, 1888, p. 72-73; F. Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6" édit., t. m, p. 288-291. 
Ils durent en utiliser une partie à faire des lambris, car 
Sophonie, n, 14 (hébreu), annonce à Babylone que ses 
lambris de cèdre, 'arzdh, seront arrachés. — 3° L'usage 
des lambris passa des palais aux maisons des particuliers 
plus aisés. Dès le retour de la captivité, les grands de 
Jérusalem restaurèrent leurs maisons et les firent lam- 
brisser, ce qui leur attira cette apostrophe d'Aggée, i, 4 : 
« Est-ce le temps d'habiter vos demeures lambrissées 
{sefûnim, xotXôora9[j.ot, laqueatœ), quand le Temple est 
détruit? » Cf. Pline, H. N., xxxm, 18; xxxv, XL, 1, 2. 

H. Lesêtre. 
LAMECH (hébreu : Lémék ; à la pause : Lâmék; 
Septante : Aâu.ex), norn de deux patriarches antédiluviens. 
L'étymologie de ce nom est inconnue et les explications 
qu'on a essayé d'en donner ne sont pas satisfaisantes. 

1. LAMECH, le cinquième descendant de Caïn, fils 
de Mathusaël et père de Jabel, de Jubal, de Tubalcaïn 
et de Noéma. Gen., iv, 18, 22. Il est, avec Hénoch, le 
seul Caïnite sur lequel la Genèse donne quelques détails 
biographiques. Elle nous apprend qu'il eut deux 
femmes, Ada et Sella, peut-être pour indiquer qu'il fut 
le premier qui pratiqua la polygamie. C'est à elles 
qu'il adressa les vers suivants qui sont le plus ancien 
morceau poétique contenu dans la Bible : 

Ada et Sella, écoutez ma voix, 

Femmes de Lamech, prêtez l'oreille à mes paroles : 

J'ai tué un homme pour ma blessure 

Et un jeune homme pour ma meurtrissure. 

Sept fois sera vengé Caïn 

Et Lamech soixante-dix-s.ept fois. Gen., iv, 23-24. 

A quels faits ces vers font-ils allusion? II est 
impossible de le dire, mais plus ils sont obscurs, plus 
on a fait d'hypothèses à leur sujet parmi les Juifs et 
parmi les chrétiens. Saint Jean Chrysostome, Boni, 
xx. In Gen., 2, t. un, col. 168; Exp. in Ps. vi, 2, t. lv, 
col. 73, voit en lui un meurtrier repentant qui obtient 
le pardon de son crime. Cf. S. Basile, Epist., cclx, 2-5, 
t. xxxu, col. 936-964; Théodoret, Quxst. in Gen., q. xi.iv, 
t. lxxx, col. 145; Cornélius a Lapide, In Gen., rv, 23, 
dans Migne, Curs. compl. Script. Sacr., t. v, col. 300. 
D'après une tradition rapportée par saint Jérôme, 
Epist. xxxvi, ad Damas., 4, t. xxn, col. 455, Lamech 
aurait tué accidentellement Caïn, le prenant, ajoute 
Jarchi, pour une bête fauve, lorsqu'il était à la chasse. 
Que Lamech ait été le meurtrier de Caïn, c'est ce que 
semblent dire en effet les mots : « sept fois sera vengé 
Caïn, » qui rappellent les paroles de Dieu au meurtrier 
d'Abel. Gen., rv, 15. Beaucoup de commentateurs mo- 
dernes, à la suite de Herder, Histoire de la poésie des 
Bébrettx, traduct. Carlowitz, dial. x, 1855, p. 241, croient 
que le patriarche, mis en possession, par les inventions 
métallurgiques de son fils Tubalcaïn, d'armes inconnues 
avant lui, brave dans ce chant tous ses ennemis, parce 



qu'ils seront incapables de résister aux coups des épées 
forgées par les siens, et ils donnent à ces vers le nom de 
<r chant du glaive ». Cette opinion, quoiqu'elle ait 
trouvé grande faveur, ne s'appuie sur rien de précis 
dans le texte. Il n'est pas dit, Gen., IV, 22, que Tubal- 
caïn ait forgé des armes et Lamech ne parle point 
d'épée. H. Gunkel, Genesis, in-8», Gœttingue, 1901, p. 47. 
Le seul point qui ressorte clairement de ses paroles, 
c'est que le sang versé doit être vengé. Dans ces temps 
primitifs, la loi de la vengeance du sang étant le seul 
moyen d'empêcher les meurtres. Voir Goël, h, zv, t. n, 
col. 261. Lamech était le chef de la tribu des Caïnites; 
il semble avoir été célèbre par sa force, ses fils le 
rendirent plus célèbre encore par leurs inventions et 
son nom resta populaire, quoique enveloppé d'obscu- 
rité, grâce à tous ces souvenirs et au vieux chant qu'on 
se transmit d'âge en âge. Ce chant est adressé à ses deux 
femmes. On trouve, chez les Arabes, plusieurs poèmes 
qui sont pareillement adressés aux femmes du poète. 
Avec Lamech et ses fils finit l'histoire des descendants 
de Caïn. « Combien cette conclusion de l'histoire pri- 
mitive des Caïnites est significative! Un chant de 
meurtre couronnant une histoire inaugurée par un 
meurtre! » H. J. Crelier, La Genèse, 1888, p. 75. —Voir 
Hase, De oraculo Lamechi, Brème, 1712; Schrôder, De 
Lamecho homicida, Marbourg, 1721. 

F. Vigouroux. 

2. LAMECH, le septième descendant de Set h, dans 
la généalogie de Gen., v, 25-31. Il était fils de Mathu- 
sala et devint le père de Noé. Gen., v, 25, 30; I Par., 
i, 3; Luc, m, 36-37. Il était âgé de 182 ans quand il 
engendra Noé et mourut à l'âge de 777 ans, c'est-à-dire 
595 ans après, d'après les chiffres du texte hébreu. S'il 
fallait en croire certains exégètes rationalistes, le père 
de Noé serait le même que Lamech, père de Jabel, de 
Jubal et de Tubalcaïn. Comme ce nom, ainsi que celui 
d'Hénoch, se trouve tout à la fois dans la généalogie 
caïnite et dans la généalogie séthite, Philippe Buttmann 
(1764-1829), le premier, soutint en 1828, Mythologus oder 
gesammelte Abhandlungen ûber die Sagen der Alter- 
ihums, 2 in-8», Berlin, 1828, t. i, p. 152-179, que les 
deux généalogies n'en formaient primitivement qu'une. 
Mais de la présence fortuite de deux noms semblables 
dans les deux listes à des places différentes, on n'a pas 
le droit de conclure à leur identité. On rencontre des 
noms qui sont pareils dans les généalogies de tous les 
pays. Ici, les différences sont nombreuses entre les 
deux tables généalogiques. Nous avons dix générations 
dans la descendance de Seth; il n'y en a que huit dans 
celle de Caïn. Les détails historiques donnés sur les deux 
Hénoch et sur les deux Lamech sont complètement diffé- 
rents ; l'ordre des noms n'est pas le même ; la généalogie 
séthite seule marque la durée de la vie des patriarches. 
Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique ratio- 
naliste, 5 e édit., 1902, t. rv, p. 218-221; Fr. von Humme- 
lauer, Comm.in Gènes., 1895, p. 184-189 ; Fr. Lenormant, 
Les origines de l'histoire, 1880, 1. 1, p. 176-181 ; K. Budde, 
Die biblische Urgeschichte, in-8°, Giessen, 1883, p. 89-182. 

3, LAMECH, livre apocryphe. Voir Apocryphes, 7, 1. 1, 
col, 771. 

LAMED, nom de la douzième lettre de l'alphabet 
hébreu. Ce mot signifie aiguillon de bœuf, comme 
malmàd. Jud., m, 31. Sa forme, dans l'écriture phéni- 
cienne, est considérée comme représentant grossière- 
ment un aiguillon : 7, £. 

LAME D'OR (hébreu : sîs; Septante : ité-ra).ov; Vul- 
gate : lamina), ornement d'or que le grand-prêtre por- 
tait sur le front, en avant de la tiare. Voir t. in, fig. 64, 
col. 296. — 1° Le mot sîs a ordinairement le sens de 
t feuille » ou de d pétale », Is., XL. 6-8; Job, xrv, 2; Ps. 



43 



LAME D'OR — LAMENTATIONS 



Cil (Cin), 15, et quelquefois celui de fleurs formant cou- 
ronne ou guirlande. III Reg., vi, 18, 29, 32, 35 (Vul- 
gate : eminentes, protninentes) ; Is., xxviii, 1. La lame 
d'or est appelée sîs, « teuille, » moins à cause de sa 
forme, que de sa faible épaisseur et de la place qu'elle 
occupait sur la tête du grand-prêtre, auquel elle 
servait comme de diadème ou de couronne. Sur cette 
lame d'or pur étaient gravés, comme sur un cachet, 
par conséquent en creux, les deux mots : qodéê la- 
Yehôvâh, à"fîa<ru.a xupfou, sanctum Domino,, « sainteté 
à Jéhovah, » ou « consacré de Jéhovah », comme tra- 
duisent les Septante. Cette lame était attachée sur le 
devant de la tiare par des cordons couleur d'hyacinthe. 
Quand le grand-prêtre se présentait devant Jéhovah, 
chargé des iniquités d'Israël, Jéhovah, à la vue de cette 
lame d'or, se montrait propice. Exod., xxvm, 36-38; 
xxxix, 29-30. Ailleurs, la lame d'or est appelée nèzér 
hag-qôdéS, « diadème de sainteté, » x'o iclîaXov xà «y(a<in«, 
lamina sancta, Exod., xxix, 6, et sis hazzàhdb nèzér 
haq~qodés, to Tté-raXov ta ^pù^oOv to xaOrçyiaa^évov aytov, 
lamina aurea cùnsecrata in sànctificatione. Lev., vin, 
9. Dans ce dernier passage, le diadème, nèzér, est claire- 
ment identifié avec la lame, sis. Il y a une évidente allu- 
sion à la lame d'or du grand-prêtre dans ce verset du 
Psaume cxxxi (cxxxii), 18, où Dieu dit du Messie fu- 
tur : 'alâî yâsîs nizerô, « sur lui brillera » ou « fleurira 
son diadème », l% y aùtov èSavGJjirsîTÔ ôtylaonû (iou, super 
ipsutn efflorebit sanctificatio mea. Le fils de Sirach 
parle avec admiration de la lame d'or : « La couronne 
d'or qui était sur sa mitre portait l'empreinte du cachet 
de la sainteté, ornement d'honneur, ouvrage de puis- 
sance, délices des yeux, parure magnifique; il n'y en a 
pas eu de semblable et il n'y en aura jamais. » Eccli., 
xlv, 14, 15. Cf. Sap., xviii, 24. — 2» Josèphe, Ant. jud., 
III, vu, 7, donne du diadème d'or une description très 
détaillée. Il était composé de trois rangs et orné de 
fleurs d'or dont la forme rappelait celle des fleurs de la 
jusquiame. 11 entourait toute la partie postérieure de la 
tête, tandis que le front était recouvert par la lame d'or, 
« qui porte gravé en caractères sacrés le nom de Dieu. » 
LTÎistorien juif dit ailleurs, Bell, jud., V, v, 7, que, sur 
la tiare, le grand-prêtre avait « une autre couronne 
d'or, sur laquelle étaient gravées les lettres sacrées, à 
savoir les quatre consonnes ». Il désigne sous ce nom 
le tetràgrammaton, mais sans vouloir prétendre, sans 
doute, que de son temps il n'y eût plus sur la lame 
d'or que le nom de Jéhovah. Il atteste d'ailleurs que la 
lame d'or, gravée par l'ordre de Moïse, fut conservée 
jusqu'à l'époque où il vivait lui-même. Ant. jud., VIII, 
m, 8. Ce qu'il dit du diadème, qui entourait la partie 
postérieure de la tête et se reliait à la lame d'or, corres- 
pond vraisemblablement à une réalité qu'il avait eue 
sous les yeux. Si cette addition a été vraiment faite par 
Jes grands-prêtres de la dernière époque, elle ne s'appuie 
sur aucune prescription de la Loi. Munk, Palestine, Pa- 
ris, 1881, p. 177, pense que cette couronne d'or fut proba- 
blement adoptée par les grands-prêtres de la race royale 
des Machabées. Les docteurs juifs disent que la lame 
d'or n'avait que deux doigts de largeur et qu'elle allait 
d'une tempe à l'autre. Cf. Gem. Succa, 5, 1 ; Joma, 39, 1 ; 
41, 3; Jer. Megilla, 71, 4; Braun, De vestitu sacerdot. 
hebrmor., Leyde, 1680, p. 630-644; Reland, Antiquitates 
sacrée, Utrecht, 1741, p. 78; Bè'hr, Symbolik des- mo- 
saischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. n, p. 112-115. — 
3° La signification mystérieuse de la lame d'or est indi- 
quée par le texte sacré. Exod., xxvm, 38 : « Aaron por- 
tera l'iniquité des choses saintes qu'auront sanctifiées 
les enfants d'Israël dans tous les dons de leurs sanctifica- 
tions, » c'est-à-dire les fautes que les enfants d'Israël 
auront commises dans l'exercice du culte de Jéhovah, 
fautes qui pourraient empêcher leu'rs prières d'être 
exaucées. Pour bien marquer qu'il ne s'agit ici que des 
manquements liturgiques, le texte sacré répète trois fois 



le mot qui exprime la sainteté. Dieu se montre miséri- 
cordieux en apercevant sur le front d' Aaron la marque 
de cette sainteté qu'il exige dans son culte. Cette marque 
sur le front est un signe auquel Dieu reconnaît ceui 
qui lui appartiennent. Ezech., ix, 4; voir Front, t. il, 
col. 2410. Comme le mot siè signifie également « ce qui 
brille, ce qui est éclatant », la lame d'or est faite pour 
briller aux yeux de Dieu, comme pour frapper les regards 
des hommes. Les mots qodéS la-Yehovâh peuvent être in- 
terprétés de différentes manières : « la sainteté convient 
à Jéhovah, » il ne veut devant lui que ceux qui sont 
saints; ou : « la sainteté appartient à Jéhovah, » lui seul 
est saint; ou : « sainteté pour Jéhovah, » c'est-à-dire 
consacré à Jéhovah, en pariant du grand-prêtre ; ou : 
« la sainteté vient de Jéhovah, » c'est lui qui sanctifie 
ses adorateurs. Le sens le plus probable est : « sainteté 
pour Jéhovah, » ces mots signifiant que la sainteté est 
exigée dans les rapports de l'homme avec Jéhovah, et 
que celui-là en est le médiateur qui porte ces deux mots 
écrits sur le front. Cf. Bâhr, Symbolik, t. n, p. 142-146. 

H. Lesètre. 

LAMENTATIONS. — I. Nom et but du livre. — 
Les Lamentations portent dans le texte hébreu le nom de 
'Êkâh, qui signifie « comment » ; c'est le mot par lequel 
elles commencent. Lam. ,i,l ; n,l ; iv, 1 . L'usage de désigner 
un livre par le premier mot n'est pas propre aux Lamen- 
tations ; on sait que quatre livres du Pentateuque, la Ge- 
nèse, l'Exode, le Lévitique, le Deutéronome, sont dési- 
gnés en hébreu par le premier mot de chacun d'eux. Le 
mot 'êkâh paraît avoir été un terme consacré pour le 
début d'une élégie. Cf. II Reg., i, 19, 25, 27 (forme 
abrégée : 'ék). En s'appuyant sur le contenu du livre, les 
rabbins, cf. tr. Baba Bathra, 14 b , ont donné aux Lamen- 
tations le nom de Qinôf, « Lamentations. » Ce mot se 
trouve dans d'autres passages de la Bible; cf. II Reg., i, 
17; II Par., xxxv, 25; Jer., vu, 29; ix, 10, 20 (hébreu, 9, 
19); Ezech., h, 9; xix, 1, 14; xxvi, 17; xxvn, 2, 32; 
xxvm, 11 (hébreu, 12); xxxn, 2, 16; Am., v, 1; vm, 10. 
— Les Septante adoptèrent le mot grec équivalent à ce- 
lui des rabbins, ©pî|vo[. Cette même dénomination a été 
adoptée par la Vulgate latine : Threni, id est, Lamenta- 
tiones Jereniise prophetœ. La Peschito porte un titre 
analogue: 'Ûlyto', « hurlements » (ululatus). — D'après 
un vieil usage on composait des élégies sur la mort de 
personnes aimées. Cf. II Reg., i, 18 b -27 (élégie de David 
sur la mort de Saûl et de Jonathas). Cette coutume fut 
étendue aux malheurs publics. Cf. Jer., vu, 29; ix, 2,19; 
Ezech., xix, 1; xxvi, 17; xxvn, 2; Am., v, 1. Ce fut à 
l'occasion de la ruine de Jérusalem et du temple que Jé- 
rémie fit entendre ses Lamentations, bien que saint 
Jérôme, In Zach., xn, 11, t. xxv, col. 1515, suppose 
qu'elles lurent composées à l'occasion de la mort de Jo- 
sias, dont il est fait mention dans II Par., xxxv, 25. 

IL Division et analyse du livre. — Toutes les La- 
mentations ont pour objet la ruine de Jérusalem par les 
Chaldéens. Le livre contient cinq élégies ou lamentations 
selon le nombre des chapitres. — 1» La première décrit 
la désolation de Jérusalem; la ville est déserte et soli- 
taire ; elle est comme une veuve, i, 1 ; abandonnée de ses 
amis et assaillie par ses ennemis, elle a perdu toute sa 
splendeur passée, et gémit dans la tristesse et la misère, 
f. 2-11 ; dans une touchante prosopopée,la ville elle-même 
décrit sa triste situation et se lamente sur les malheurs 
que ses péchés lui ont attirés, t- 12-22. — 2° Le second 
poème décrit la ruine du royaume de Juda, et en par- 
ticulier de la ville de Jérusalem ; le prophète commence 
par tracer un saisissant tableau de la colère et du juge- 
ment de Dieu, n, 1-12; la désolation de Jérusalem dé- 
passe tout ce qu'on peut imaginer, f. 13; les prophètes 
ont fermé les yeux sur ses égarements, les passants et 
ses ennemis en ont fait l'objef de leurs railleries, f. 14- 
16; c'est Dieu qui est l'auteur de tous ces malheurs, c'est 
donc vers lui que la ville doit se tourner pour implorer 



45 



LAMENTATIONS 



son secours, f. 17-19; supplication de la ville à Dieu, 
f. 20-22. — 3° Le troisième poème roule spécialement 
sur les malheurs personnels du prophète; tableau de 
ses souffrances et de ses misères, m, 1-18; le souvenir 
des miséricordes de Dieu tait renaître l'espoir dans son 
cœur, f. 19-39; le prophète reconnaît les justes juge- 
ments de Dieu, qui a voulu punir les péchés du peuple, 
f. 40-54; il s'adresse à Dieu et invoque son secours, es- 
pérant qu'il le vengera de ses ennemis, f. 55-66. — 
4» La quatrième élégie montre que la cause de ces mal- 
heurs,ce sont les péchés du peuple ; les habitants de Sion 
sont tombés dans la misère parce que leur péché était 
plus grand que celui de Sodome, iv, 1-11; Jérusalem a 
été livrée à ses ennemis parce que ses prophètes et ses 
prêtres ont versé le sang des justes, f. 12-16; et aussi 
parce que le peuple, trompé par ses chefs, a mis sa con- 
fiance dans le vain secours des hommes, f. 17-20; tou- 
tefois Dieu punira les ennemis de Sion et mettra fin à 
ses malheurs, t. 21-22. — 5° La cinquième élégie est une 
ardente prière du prophète; c'est pourquoi elle porte 
dans la Vulgate le titre de : « Prière de Jérémie le pro- 
phète. » Le prophète énumère tous les maux que souf- 
fre le peuple juit depuis la prise de Jérusalem, y, 1-18; 
il supplie Dieu d'y mettre fin et de rétablir le peuple 
dans son ancienne splendeur, f. 19-21, il termine pour- 
tant par une pensée de découragement, y. 22. 

III. Unité d'auteur. — L'unité du livre a été contestée 
ou niée par un certain nombre de critiques. Thenius 
soutint que les chapitres II et IV sont de Jérémie, mais 
que les chapitres i, m, v appartiennent à des auteurs diffé- 
rents. Dans Kurzgef. exegetisch. Handbuch zum alten 
Testament, xvi, Leipzig, 1855, p. 117. — Pour Kuenen, 
Einleitung in die Bâcher des A. Test., Fribourg-en-Bris- 
gau, 1887-1894, § 147.9, les chapitres n, m, v sont, sous 
le rapport de la poésie, bien supérieurs aux chapitres i, 
iv; il en conclut que ce n'est pas le même auteur qui 
parle dans tout le livre. Budde, dans Zeitschrift fur 
die Alttest. Wissenschaft, 1882, p. 45, pense que le 
chapitre v n'est que le couronnement des chapitres i, II, 
IV et n'attribue à un auteur différent que le chapitre m. 
Stade, Geschichte des Volkes Israël, Berlin, 1888-1889, 
t. I, p. 701, est du même avis. Lbhr, dans Zeitschrift 
fur die Alttest. Wissenschaft, 1894, p. 31, attribue les 
chapitres II, iv à un auteur écrivant vers l'an 570 avant 
J.-C, les chapitres i, v à un second auteur écrivant vers 
l'an 530 avant J.-C, et le chapitre m à un troisième au- 
teur écrivant à la même époque ou peu de temps après. 
Cf. Driver, Introduction, p. 464-465. — L'unité d'auteur 
est prouvée : 

1° Par l'unité de plan. — « Cette analyse succincte fait 
voir clairement que ces poèmes sont écrits d'après un 
plan très clairement conçu et exécuté avec une véritable 
science. L'idée se développe avec unité, et il est impos- 
sile de partager l'opinion de Thenius et de ceux qui, 
après lui, veulent voir dans cette œuvre les traces de 
mains différentes. Il n'y a qu'un seul auteur à pouvoir 
concevoir ce plan et à l'exécuter avec tant de vigueur et 
d'émotion. » Trochon, Jérémie, in-8», Paris, 1878, p. 340. 

2° Par le vocabulaire. — On trouve des -expressions 
communes à différents poèmes ou chapitres; les prin- 
cipales sont: 'ônï, « affliction, » i, 3, 7, 9; m, 1, 19; 
mô'êd, « solennité, » i, 4, 15; h, 6, 7, 22; Sàmam, « dé- 
vaster, » i, 4, 13, 16; m, 11 ; yâgâh, « affliger, » i, 4, 5, 
12; m, 32, 33; sûr, « ennemi, » i, 5, 7, 10; IV, 12; mà- 
rûd, « pleur, » i, 7; m, 19; mahâmudîm, « désirs, » 
« choses désirables, i> i, 7, 10, 11; u, 4; nibat, « regar- 
der, » i, 11, 12; m, 63; rv, 16, v, 1; dâvdh, « languis- 
sant, » i, 13; v, 17; 'âdôn, « Seigneur » (seul, sans ap- 
position), i, 14, 15; n, 1, 2, 5, 7, 18, 19, 20 b ; m, 31, 36, 
37, 38; mê'ay hômarmârû, « mes entrailles sont trou- 
blées, » i, 20; il, 11; 'âlal, « faire, » i, 22; n, 20; m, 
51; lô' hdmal, « il n'a pas épargné, » n, 2, 17, 21; m, 
43; zànah, « rejeter, » n, 7; m, 17, 31; gillàh 'al, «. dé- 



voiler » (l'iniquité, le péché), n, 14; rv, 22; Se pour 
'âsér, a qui, » n, 15, 16; iv, 9; v, 18; pdsahpi 'al, « ou- 
vrir la bouche sur, » n, 16; m, 46; fùgdh, « cessation, i 
n, 18; m, 49; ro'S kôlbûsôf, « tête [= coin] de toutes les 
rues, » il, 19; iv, 1; negînâh, s modulation, » « chant, » 
m, 14; v, 14. Driver, Introduction, p. 463, 464. 

IV. Authenticité du livre. — Les premières atta- 
ques contre l'authenticité des Lamentations commen- 
cèrent en 1712. Herman von der Hardt, dans un pro- 
gramme publié â Helmstadt, attribua les Lamentations 
à Daniel, à ses trois compagnons Sidrach, Misach et 
Abdénago et au roi Joakim ; chacun aurait écrit un des 
cinq chapitres. Enl819,un auteur anonyme attaqua aussi 
l'authenticité des Lamentations dans la Theologische 
Quartalschrift de Tubingue, p. 69. J. Ch. W. Augusti, 
Einleitung in's Alte Testament, Leipzig, 1806, 1827, 
p. 227, Conz et Kalkar, dans Knabenbauer, p. 367, 
marchèrent dans la même voie. Ewald, Poetische Bûcher 
des Alten Bundes, 2» édit., 1854, t. i, 2 e partie, p. 326; 
Geschichte Israël, 3 e édit., 1864, t. IV, p. 25-26, attribua 
les Lamentations à un des disciples de Jérémie. Bun- 
sen, Gott in der Geschichte, 1857-1858, t. i, p. 426; Nâ- 
gelsbach, dans le Bibelwerk de Lange, 1868, et Nœldeke, 
Histoire littéraire de l'Ancien Testament, trad. Derem- 
bourg et Soury, Paris, 1873, p. 209, soutinrent la même 
thèse. Enfin Schrader, Vatke, Reuss et Wellhausen se 
sont ralliés à la même opinion. Cf. Trochon, Jérémie, 
p. 334-335; Knabenbauer, In Danielem, in-8°, Paris, 
1891, p. 367, 368. 

/. preuves de l'authenticité. — 1° Externes. — 
La tradition, sous ses formes multiples, est unanime â 
attribuer les Lamentations au prophète Jérémie : — 
1. La croyance des Hébreux nous est attestée par les 
mots placés en tête du livre dans les Septante et la Vul- 
gate : « Lorsque Israël eut été mené en captivité et que 
Jérusalem fut demeurée déserte, le prophète Jérémie, 
fondant en larmes, s'assit et fit ces Lamentations sur 
Jérusalem, soupirant dans l'amertume de son cœur et 
disant avec de grands cris. » Ce titre manque, il est vrai, 
dans le texte hébreu, mais il exprime une croyance 
générale; quelques auteurs pensent même que ce pas- 
sage a été traduit de l'hébreu, qu'il se trouvait origi- 
nairement dans quelque manuscrit hébreu, et qu'il a 
disparu dans la suite ; de plus, à l'origine, les Lamen- 
tations étaient unies au livre de Jérémie dans le texte 
grec. Cf. Knabenbauer, In Daniel., p. 368, 369. — 2. Le 
Targum de Jonathan fait précéder les Lamentations de 
ces mots : « Jérémie prophète et grand-prêtre a dit. » — 

3. Le Talmud, Baba Bathra, 15% dit : « Jérémie a écrit 
son livre, le livre des Rois et les Lamentations. » — 

4. L'historien Josèphe dit aussi, Ant. jud., X, v, 1 : 
« Jérémie le prophète composa une élégie (un chant de 
lamentations), (iiXo; 8pï)Vï]Ttxciv, sur lui (Josias); » il 
faut reconnaître cependant qu'il n'y a là qu'une vague 
allusion. — 5. La tradition chrétienne nous est attestée 
par les Pères. Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, 
t. xx, col. 580, 581, où il parle d'après la tradition juive : 
« Comme les Hébreux nous l'ont transmis; » In Ps. I, 
t. xii, col. 1085, 1086; S. Épiphane, Hier., vin, 6, 
t. xli, col. 213; S. Jérôme, Prologus galeatus; In Zach., 
511,11, t. xxv, col. 1515. 

/ 2° Internes. —1. Citations de l'Ancien Testament. On 
sait que Jérémie dans ses prophéties se plaît à citer le 
Lévitique et le Deutéronome; on constate cette même 
tendance dans les Lamentations; cf. Lam., i, 3; et Deut., 
xxvin, 65; Lam., i, 5, et Deut., xxviii, 44; Lam., i, 7, 
et Lev., xxvi, 34; Lam., i, 10, et Deut., xxm, 3; Lam., 
i, 20, et Deut., xxxu, 25; Lam., n, 8, et Deut., xxvm, 
52; Lam., n, 17, et Lev., xxvi, 14, 18, 24; Deut., xxvm, 
15; Lam., il, 20, et Lev., xxvi, 29; Deut., xxvm, 57; 
Lam., iv, 10, et Deut., xxviii, 53; Lam., iv, 11, et Deut., 
xxxii, 22; Lam., iv, 12, et Deut., xxvm, 52; Lam., iv, 16, 
et Deut., xxvm, 50; Lam., rv, 19, et Deut., xxvm, 49; 



17 



LAMENTATIONS 



48 



Lam„ v, 11, et Deut., xxvtii, 30». — 2. Identité de pen- 
sées entre le livre de Jérémie et les Lamentations; 
cf. Lam., I, 17", et Jer., iv, 31 b ; Lam., iv, 2 b , et Jer., 
Xxiii, 4, 6; Lam., iv, 6», et Jer., xxm, 14 e ; Lam., îv, 
12, et Jer., xxi, 13 b ; Lam., y, 6, et Jer., h, 18; Lam.. v, 
7, et Jer., xvi, 11; Lam., v, 14», 15, et Jer., xvi, 9; 
xxv, 10; Lam., v, 16», et Jer., xm, I8 b ; Lam., v, 21", 
et Jer., xxxi, 18 e . — 3. Même sensibilité. L'auteur des 
Lamentations fait paraître la même sensibilité que 
Jérémie en présence des malheurs de la nation; cf. Jer., 
xiv, xv. — 4. Mêmes causes aux malheurs de la nation; 
l'auteur des Lamentations assigne aux calamités du 
peuple juif les mêmes causes que Jérémie : — a) Les 
péchés de la nation; cf. Lam., i, 5, 8, 14, 18; m, 42; 
iv, 6, 22; v, 7, 16, et Jer., xiv, 7; xvi, 10-12; xvn, 
1-3; — b) Les fautes des prophètes et des prêtres; 
cf. Lam., il, 14; iv, 13-15. et Jer., n, 8; v, 32; xiv, 13; 
Xxm, 10-40; xxvu ; — c) La vaine confiance du peuple 
dans les alliés; cf. Lam., I, 2, 19; iv, 17, et Jer., H, 18, 
36; xxx, 14; xxvu, 5-10. — 5. Similitude d'images : « la 
"vierge fille de Sion opprimée, » Lam., 1, 15 b ; il, 13, et 
Jer., vm, 21, 22; xiv, 17 b ; « larmes coulant des yeux » 
du prophète, Lam., i, 16* ; n, 11», 18*; m, 48, 49, et Jer., 
IX, 1, 18 b ; xm, 17 b ; xiv, 17»; « les terreurs l'entourent, » 
Lam., il, 22», et Jer., vi, 25 b ; xx, 10»; « l'appel à la jus- 
tice du juge, » Lam., m, 64-66, et Jer., xi, 20; xx, 12; 
« désolation des nations qui se sont réjouies de la chute 
de Jérusalem, » Lam., iv, 21, et Jer., xlix, 12; « les 
chaînes au cou, » Lam., i, 14, et Jer., xxvu, 2. —6. Iden- 
tité de sentiments : « véhémence de la douleur, » Lam,, 
1,20; h, 11 ; m, 1-20, et Jer., iv, 19; ix,l, 10; xv,18; xx, 
18; « que Dieu exerce sa vengeancesur les nations, » Lam., 
i, 22, et Jer., x, 25; xvn, 18; xvm, 23; « la prière n'est 
pas exaucée, » Lam., m, 8, et Jer., vu, 16; xi, 14; xiv, 
11; « tu (Dieu) nous as rejetés, » Lam., v, 22, et Jer., 
xiv, 19». — 7. Vocabulaire. On remarque beaucoup d'ex- 
pressions^ identiques ou presque identiques : « elle a 
pleuré beaucoup, » Lam., i, 2»; « elle pleurera beau- 
coup, » Jer., xm, 17 b ; tous ses amis « l'ont méprisée », 
Lam., I, 2 b ; tes amants « t'ont méprisée », Jer., iv, 30 b ; 
ils ont vu son « ignominie », Lam., I, 8 b ; ton « igno- 
minie » a apparu, Jer., xm, 26 b ; « j'ai appelé mes amis 
et ils m'ont trompée, » Lam., i, 19»; « tous tes amants 
t'ont oubliée, » Jer. , xxx, 14» ; « je suis devenu la risée, » 
Lam., m, 14», et Jer., xx, 7 e ; il m'a enivré « d'absinthe », 
Lam., III, 15»; je nourrirai ce peuple « d'absinthe », 
Jer., ix, 15 b ; souviens-toi... de « l'absinthe et du fiel », 
Lam., m, 19; je les nourrirai « d'absinthe » et les 
abreuverai de « fiel », Jer., xxm, 15; « une frayeur, un 
piège, » Lam., m, 47; « la frayeur,... et le piège, » Jer., 
xlviii, 43; ils m'ont pris « à la chasse », Lam., m, 52; 
j'enverrai de nombreux « chasseurs et ils les chasse- 
ront », Jer., xvi, lô 1 »; « le calice, » Lam., iv, 21 b ; 
prends « le calice », Jer., xxv, 15; boire « le calice », 
Jer., xlix, 12. — 8. Répétitions. On sait que les Prophé- 
ties de Jérémie se distinguent par des répétitions des 
mêmes pensées et parfois des mêmes mots ; ce phéno- 
mène se produit aussi dans les Lamentations : « il n'y 
a pas de consolateur, » Lam., I, 2 b , 9 b , 17», 21»; sûb 
néfès, « convertir l'âme, » Lam., i, 11, 16, 19; « vois. 
Seigneur, » Lam., i, 9«, 11 e , 20»; n, 20»; « la colère 
de la fureur, » Lam., i, 12 h ; n, 3»; « la fureur, la 
colère de l'indignation, » Lam., iv, 11»; « la contrition de 
la fille de mon peuple, s Lam., n, 11 1 »; m, 48; iv, 10 b ; 
« tous tes ennemis ont ouvert la bouche contre, » Lam., 
H, 16» (toi); m, 46 (nous); cf. aussi i, 16»; n, i&>; m, 
48»; il, 20 b , et iv, 10»; n, 2», 17 b , et m, 43 b (& pas épar- 
gner »). Cf. Flôckner, Ueber den Verfasser der Klage- 
lieder, dans Theologische Quartalschrift de Tûbingue, 
1877, p. 187-280; Knabenbauer, In Dan., p. 370-372; 
Driver, Introduction, p. 462. 

//. objections. — Elles sont de plusieurs sortes. — 
1° Littéraires. — On prétend en général que le point 



de vue de l'auteur des Lamentations est tout à fait diffé- 
rent de celui de Jérémie ; on dit même qu'il y a contra- 
diction entre les idées de l'un et celles de l'autre. Ainsi : 
1. Dans xxxi, 29, 30, Jérémie dit : « En ces jours on ne 
dira plus : Les pères ont mangé le raisin vert, et les 
dents des Sis ont été agacées. Mais chacun mourra dans 
son iniquité, et celui qui mangera le raisin vert aura 
lui-même les dents agacées. » Au contraire, l'auteur des 
Lamentations dit, v, 7 : « Nos pères ont péché, et ils ne 
sont plus ; et nous, nous avons porté leurs iniquités. » 
— Mais il n'y a aucune contradiction entre ces deux 
passages; le prophète énonce une espèce de maxime; le 
texte des Lamentations n'est pas en opposition avec 
celui de la Prophétie, car les enfants, qui portent les 
iniquités de leurs pères, sont eux-mêmes pécheurs, 
comme on le voit, f. 16 b : « Malheur à nous parce que 
nous avons péché. » En portant les iniquités de leurs 
pères, ils portent aussi les leurs propres, selon Jér., 
xxxi, 30. Le langage de Lam., v, 7, n'est donc pas 
exclusif, mais compréhensif, c'est-à-dire qu'il dit d'une 
manière générale que tout le monde est coupable, comme 
Exod., xx, 5; Jer., xvi, 11-13. — 2. On soutient aussi 
que Lam., i, 21, 22; m, 59-66, ne peut pas convenir à 
Jérémie ; le prophète était persuadé que les Chaldéens 
exécutaient les desseins de Dieu sur Juda. Comment 
donc peut-il dans les Lamentations demander leur châ- 
timent? — Mais ces deux points de vue peuvent se con- 
cilier. Quoique le prophète fût convaincu que les Chal- 
déens exécutaient les desseins de Dieu, il a pu cependant 
demander leur châtiment, car les Chaldéens étaient eux 
aussi coupables et avaient gravement péché. — 3. On 
prétend également que Lam., n, 9° : « Il n'y a pas de 
loi, et ses prophètes (de la fille de Sion) n'ont pas reçu 
de visions du Seigneur, » est déplacé dans la bouche de 
Jérémie et ne peut convenir qu'à quelqu'un qui n'était 
pas lui-même prophète. — Mais on peut s'expliquer 
cette manière de parler. Après la ruine du Temple, les 
lois n'étaient plus observées; c'est ce que veut dire 
l'auteur des Lamentations lorsqu'il affirme qu'il n'y a 
plus de loi; quand il ajoute que les prophètes ne reçoi- 
vent plus de visions, il faut entendre cela de visions 
consolantes et de bon augure, qui étaient un signe de 
l'amour de Dieu; après la prise de Jérusalem, le Sei- 
gneur n'enverra plus des messages de consolation et 
d'espérance ; le cycle de ces messages est désormais 
fermé. — 4. On ajoute que Lam., iv, 17, est impossible 
dans la bouche de Jérémie; dans ce passage l'auteur se 
place parmi ceux qui attendent le secours de la part des 
Égyptiens; or Jérémie ne compte jamais sur le secours 
des Égyptiens, mais au contraire il fait tout son possible 
pour tirer le peuple de cette illusion, Jer., xxxvn, 5-10; 
si donc Jérémie était l'auteur des Lamentations, il aurait 
écrit, IV, 17, « eux » et « leur », au lieu de « nous » et 
« nôtre ». — On peut répondre qu'il n'y a là qu'une 
simple fiction ou figure de langage; l'auteur ne se met 
pas au nombre de ceux qui attendent la délivrance de 
l'Egypte, mais il traduit les impressions et les espé- 
rances des Israélites ; il n'est qu'un écho, un rapporteur, 
pour ainsi dire ; il les lait parler par sa bouche, et c'est 
pourquoi il emploie la première personne. — 5. Enfin 
on affirme que Jérémie ne peut pas parler, Lam., IV, 20, 
en termes si élogieux de Sédécias, après ce qu'il en 
avait dit dans Jer., xxiv, 8-10. — Mais rien ne prouve 
que les mots : « le souffle de notre bouche, le Christ 
Seigneur (l'oint de Jéhovah), » dans Lam., iv, 20», dési- 
gnent le roi Sédécias; quelques auteurs pensent qu'il 
s'agit de Josias ; d'autres croient qu'il est question du 
roi théocratique en général, du roi modèle ; enfin d'au- 
tres et en plus grand nombre appliquent ces paroles au 
Messie lui-même. 

2» Objection tirée de l'ordre alphabétique. — Jéré- 
mie, dit-on, dans ses Prophéties, suit toujours une 
marche vive, naturelle et spontanée; c'est là comme la 



49 



LAMENTATIONS 



50 



caractéristique de son style; au contraire, en employant 
l'ordre alphabétique; i-iv, l'auteur des Lamentations se 
soumet à une disciplina rigoureuse; on ne reconnaît 
plus l'allure franche et libre de Jérémie. — On peut 
répondre en premier lieu avec Ed. Riehm : dans la 
2 e édit. de Hnpfeld, Die Psalmen, 4 in-8», Gotha, 1867- 
1871, t. i, p. 31 : « Dans la poésie lyrique, l'emploi de 
cette forme artificielle est justifié naturellement et in- 
trinsèquement quand une idée unique remplit l'âme du 
poète : il revêt cette idée de lormes différentes, et en 
compose ainsi une élégie. » En second lieu : « D'ailleurs 
le poète est libre d'employer la forme qui lui convient 
et le critique n'a pas le droit de lui reprocher le choix 
de son instrument. » Trochon, Jérémie, p. 338. 

3" Objection tirée de la variation de l'ordre alphabé~ 
tique. — Cette objection vise autant l'unité que l'authen- 
ticité des Lamentations. Dans le premier poème, i, l'ordre 
de l'alphabet hébreu, dont chaque lettre est le commen- 
cement d'un verset, est régulier, tandis que dans, n, ni, 
iv, l'ordre de deux lettres est renversé; la lettre phé 
précède toujours la lettre aïn; ainsi : n, 16 {phé), 
17 {aïn); m, 46, 47, 48 (phé), 49, 50, 51 {aïn); iv, 
16 (phé), 17 (aïn); on en conclut que ces poèmes ne 
sont pas du même auteur. — L'interversion des lettres 
de l'alphabet ne prouve pas qu'on ait affaire à des 
auteurs différents; cette interversion peut s'expliquer et 
de tait on l'a expliquée de diverses manières : 1° Grotius 
pensa que les Chaldéens avaient dans leur alphabet un 
autre ordre que les Hébreux; dans Lam., I, Jérémie 
parlerait comme un Hébreu, et dans n, m, iv, comme 
sujet des Chaldéens; mais cette raison n'est pas sé- 
rieuse. — 2» Houbigant et Kennicott attribuèrent cette 
interversion à la négligence des copistes ; il est vrai 
qu'un certain nombre de manuscrits, ci. De Rossi, Variée 
lectïones V. Test., t. m, p. 242, et la Peschito conservent 
l'ordre naturel; toutefois cette hypothèse ne parait pas 
probable, car cette interversion est suivie : 1. Par les 
Septante; la version grecque observe l'ordre naturel 
des lettres aïn, phé, mais pour les versets, elle suit 
l'ordre du texte hébreu. — 2. Par la "Vulgate latine. — 
3. Elle est exigée par le contexte : ainsi n, 16, continue 
naturellement n, 15 ; cet ordre serait brisé si l'on met- 
tait le f. 17 avant le f. 16; de plus le il. 17 sert de tran- 
sition au il. 18; de même dans m, le % 46 suit naturel- 
lement le il. 45, et le f. 48 sert de transition au f. 49 ; 
pareillement dans iv, le f. 16 suit le f. 15 et le jl. 17 
prépare le f. 18. — 3° J. D.Michaëlis, Bibliotheca orien- 
tons, t. XX, p. 34, et notes à R. Lowth, De sacra poesi 
HebrSBorum, praelect. xxii, 2« édit., 1770, p. 453-455, 
Tegarde comme probable que la lettre phé, ayant une 
double prononciation, une dure, p, l'autre douce, f, 
selon qu'elle est dagueschée ou non, occupait diffé- 
rentes places dans l'alphabet hébreu. — 4» L'opinion la 
plus probable est que les poètes hébreux jouissaient 
d'une certaine liberté dans l'arrangement des lettres de 
l'alphabet; cf Pareau cité par Rosenmùller, In Jer., 
t, il, 1826, p. 464; de cette liberté on constate bien des 
exemples dans la Bible ; ainsi : Ps. ix (hébreu) manque 
du daleth, et, au f. 20, au lieu du caph il a qoph; 
Ps. xxv (hébreu), manquent beth et vav;qoph est omis; 
resch se trouve, deux (ois, il. 18, 19; après thav, le f. 22 
commence par pé; Ps. xxxiv (hébreu), vav manque, et 
après thav, le f. 23 commence par pé; Ps. xxxvm 
(hébreu), t. 25, aïn est remplacé par tsadé, qui est répété 
à sa place naturelle, f. 32, après pé; Ps. cxlv (hébreu), 
manque nun ; Prov. , xxxi, 24, 25 (texte grec) , suit l'inter- 
version des Lamentations : il met <rr6|j.a, « bouche » (hébreu 
pi), avant \a-/y v > " puissance » (hébreu, 'ôz). Cf. Trochon, 
Jérémie, p. 338, 339; Knabenbauer, In Dan., 365, 366. 

4" Objection tirée de ce que l'auteur des Lamentations 
"connaîtrait Ézéchiel. — A cet effet on cite : Lam., n, 4: 
kôl mahâmmadê 'âin, « tout ce qui est beau à voir; » 
ci. Ezech., xxiv, 16, 21, 25; mais cette expression se 



trouve aussi dans III Reg., xx, 6; Lam., n, 14: hâzâh 
sâve', « voir la vanité, » cf. Ezech., xm, 6, 9, 23; xxi, 
34; xxn, 28 (cf. aussi, avec légère variante, xn, 24 : 
hâzôn Sâve', « vision vaine; » XIII, 7 : mahâzêh sâve', 
« vision vaine »); ces deux mots réunis ne se trouvent, 
il est vrai, que dans Lam. et Ezech., mais, séparés, ils 
se trouvent dans Jérémie, xxih, 16 (/.làzôn); u, 30; iv t 
30; vi, 29; xvm, 15; xlvi, 11 (Sâve' avec le préfixe la); 
de plus, Jer., xiv, 14, nous fournit une locution équi- 
valente : hâzôn séqér, « vision mensongère; » Lam., 

11, 14 : tâfêl, « insanité, folie, » cf. Ezech., xm, 10, 11, 
14,15; xxn, 28; mais ce mot se trouve aussi dans Job, 
vi, 6; Jer., xxm, 13, a la même racine {iflâh; cf. aussi 
Job, i, 22; xxiv, 12; Lam., n, 15 : kelilat yofî, « par- 
faite en beauté, » cf. Ezech., xvi, 14, légère variante : 
yôfi kâlîl, « beauté parfaite; » xxvn, 3, 4, 11; xxvin, 

12, même variante que Xvi, 14 : kelîl yôfî, « parfaite 
beauté ; » mais cette expression se trouve aussi, avec 
une très légère variante, dans Ps. L, 2, appliquée à 
Sion, comme dans Lam., tandis qu'Ézéchiel l'applique 
à Tyr et à son roi; Lam., iv, 11 : killâh Yehôvâh 'ét- 
hâmâf, « Jéhovah a accompli [sa] fureur, » cf. Ezech., 
v, 13 avec variante ; vi, 12; xin, 15; cf. aussi xx, 8, 21, 
avec 'af; cette locution est très rare dans la Bible. — 
Au surplus : « Quand bien même il y aurait des emprunts 
faits par l'auteur des Lamentations à Ézéchiel, en quoi 
cela empêcherait-il Jérémie d'en être l'auteur? Pour- 
quoi, ajoute Keil, quelques-unes des prophéties d'Ézé- 
chiel n'auraient-elles pas été Connues de Jérémie? Les 
rapports entre les exilés à Babylone et les habitants de 
Jérusalem et de la Judée étaient assez fréquents pour 
que les prophéties d'Ézéchiel aient pu être connues à 
Jérusalem, bien avant la prise de cette ville. » Trochon, 
Jérémie, p. 337. 

5° Objections lexicographiques. — On prétend que les 
Lamentations contiennent un certain nombre de mots 
inconnus à Jérémie. Ces mots, relevés par Nâgelsbach, 
sont, outre quelques-uns que nous avons déjà signalés, 
m, 2°, col. 45, les suivants : Lam., I, 1 : rabbâfî, 
« pleine; » mais ce mot se trouve aussi dans Jer., Ll, 

13, sous la forme abrégée rabbâf, Lam., I, 2 : léhî, 
« joue; » mais ce mot, dit Driver, Introduction, p. 463, 
peut être un simple accident, ainsi que Sêbét, « verge, » 
Lam., m, 1, et sippôr, « oiseau, » Lam., ni, 52; Lam., i, 
4 : sâbêl, « pleurant; » on trouve le susbtantif sêbél, 
« pleur, » dans Jer., VI, 26; xvi, 7; Lam., I, 7; m, 19 : 
mdrûd, « pleur ; » ce mot ne se trouve que dans Lam. ; 
Lam., I, 7 : mahâmûdim, « choses désirables; » on lit le 
verbe hdmad, «. désirer, » dans Jer., m, 19; xn,10; xxv, 
34; Lam. i, 8 : hêttë, « péché; » le verbe hâta', « pé- 
cher, » est dans Jer., xxxu, 35 (forme régulière); Lam., 
i, 9 : tumâ'h, « impureté; » tdmê', « se souiller, souil- 
lés, » est dans Jer., n, 7, 23; vu, 30; xix, 13; xxxu, 34; 
Lam., i, 9 : pélâh, « chose admirable; » Jer., xxi, 2; 
xxxu, 17, 27, emploie le verbe pâlâ', « être admira- 
ble. » Cf. Lohr, dans Zeitschrift fur die Alttest. Wis- 
senschaft, 1894, p. 31 ; Driver, Introduction, p. 463, 464; 
Knabenbauer, In Dan., p. 372, 373. 

Y. Époque de lu. composition. — 1» H. Ewald, Ge- 
schichte des Volkes Israël, l re édit., Gœttingue, 1843-1852, 
t.lV;-p. 25, soutient que les Lamentations turent compo- 
sées en Egypte, à l'époque où Jérémie y résidait. Il s'ap- 
puie sur Lam., i, 3. Mais ce passage ne prouve nullement 
la thèse qu'il soutient, car il peut très bien se rapporter 
au temps visé dans Jer., xli, 17, 18, et dont il est ques- 
tion dans Lam., v, 6, 9. — 2° Tout porte à croire que 
les Lamentations furent écrites peu de temps après la 
prise et la destruction de Jérusalem. En effet : 1. La vi- 
vacité des descriptions, la véhémence de la tristesse et 
de la douleur du prophète indiquent que la terrible 
catastrophe était encore récente. — 2. La famine est dé- 
crite comme étant très grande, Lam., i, 11, 19; n, 19, 
20; iv, 3-5, ce qui convient au temps de détresse et de 



5.1 



LAMENTATIONS 



m 



désolation qui suivit immédiatement la ruine de Jéru- 
salem. L'époque de la composition peut être, jusqu'à un 
certain point, déterminée en comparant Lam., i, 3: v, 
6, et Jer., xli, 1; lu, 6, 12; IV Reg., xxv, 8. Cf. Bleek, 
Eirileitung in das Alte Testament, 1878, p. 503; Tro- 
chon, Jérémie,p. 340 ; Knabenbauer, In Dan.,p. 374, 375. 

VI. Canonicité. — On n'a jamais soulevé de contesta- 
tion sur la canonicité des Lamentations. Ce livre a tou- 
jours fait partie du canon juif, et du canon chrétien. 
Voir Canon, t. n, col. 137-162. Cf. Eaulen, Einleitung, 
3« édit., p. 372. 

VII. Texte. — Le texte original est l'hébreu; cependant 
ce n'est pas un hébreu pur et absolument classique; il 
présente parfois quelques formes irrégulières et chal- 
daïsantes. Les Lamentations se trouvent dans toutes les 
versions. 

VIII. Style. — Le style des Lamentations est d'une 
poésie et d'une beauté remarquables; il présente toutes 
les qualités qu'on peut désirer dans ce genre littéraire : 
vif, imagé, expressif, grave, en un mot en harmonie 
avec les idées qu'il exprime etles malheurs qu'il retrace. 
Aussi a-t-on toujours admiré les beautés littéraires des 
Lamentations. Pour les éloges qu'on a toujours faits des 
Lamentations,cf. Lowth,De sacra poesi Hebrxorum, prae- 
lect. xxii, p. 458-4-60; Trochon, Jérémie,p. 341, 342, § vi. 

IX. Forme littéraire des Lamentations. — /. le 
rythme. — Tout le monde admet que les cinq élégies 
des Lamentations sont en vers ; mais on n'est pas d'ac- 
cord sur le caractère de la métrique ou ia nature du 
vers. Cf. Maldonat, Comment, in Jer., Mayence, 1611, 
p. 248. Ainsi, d'après Bickell, Carniina hebraïca me- 
irice, p. 112-120, les quatre premiers poèmes sont des 
vers de douze syllabes; Gietmann, De re metrica He- 
brseorum, p. 58, pense que les quatre premiers poèmes 
se composent de vers de neuf [— onze] syllabes ; quant 
au cinquième poème, ils reconnaissent tous les deux 
qu'il se^xompose de vers de sept syllabes. Dans ces 
derniers temps, K, Budde, Das hebrâische Klagelied, 
dans Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1882, 
p. 1-52, a fait une étude approfondie de la métrique 
des Lamentations. Il observe que le rythme de Lam., i- 
iv, se rencontre dans d'autres endroits de l'Ancien 
Testament, qui sont aussi des élégies; il en conclut que 
c'est le rythme propre aux élégies. Le vers se compo- 
serait d'un ou plusieurs membres; mais chaque membre, 
qui ne contient en moyenne pas plus de cinq ou six 
mots, serait divisé par une césure en deux parties iné- 
gales : la première ayant la longueur ordinaire d'un 
membre, la seconde étant plus courte, et très souvent 
sans parallélisme d'idées avec la première. On peut voir 
l'application de cette théorie dans les exemples suivants : 

i, 1. Comment la ville est-elle assise solitaire, — elle 
■qui était pleine de peuple? Elle est devenue comme une 
veuve, — elle qui était la maîtresse des nations : La 
reine des provinces, — elle est devenue tributaire. 

n, 3. Il a brisé dans l'ardeur de sa fureur r- toute la 
corne d'Israël : 11 a ramené en arrière sa main droite — 
de devant l'ennemi : Il a allumé dans Jacob comme un 
feu brûlant — qui a dévoré tout autour. 

m, 1-3. Je suis un homme qui voit son affliction — 
sous la verge de son indignation : Il m'a conduit et fait 
marcher — dans les ténèbres et non dans la lumière : 
Il a tourné et retourné sa main contre moi — tout le jour. 

Le premier membre est quelquefois d'une longueur 
démesurée, par exemple : n, 13 a ; m, 56; iv, 18 b , 20»; 
quelquefois il ne contient que deux mots, quand ces 
mots sont très longs, par exemple : I, l b , c , 4 e , 9 b ; quel- 
quefois, ce qui arrive plus rarement, il y a une légère 
collision entre le rythme et la pensée, par exemple : i, 
10 e , 13"; h, 8 b . Cependant certains vers ne peuvent pas 
se ramener à ce type ; Budde suppose, Zum liebrâische 
Klagelied, dans Zeitschrift, 1892, p. 264, que dans ces 
cas le texte ne nous est pas parvenu intact. Les morceaux 



de l'Ancien Testament qui se ramèneraient au type mé- 
trique des Lamentations seraient surtout : Is., xiv, 4 b -21 
(élégie sur le roi de Babylone); Ezech., xix; xxvi, 17 (à 
partir de 'êk, « comment »)-18; xxvm, 18, 19; Jer., îx, 
9 b (à partir de mê-'ôf, « depuis l'oiseau »)-10, 18, 20-21 
(dabbêr koh ne'um Yehôvâh, « dis : ainsi parle Jéhovah, » 
élant omis [Septante] ou regardé comme une parenthèse) ; 
xxii, 6 (à partir de Gil'âd, « Galaad »)-7, 21-25; Am., v, 2. 

//. LA stropbiqVe. — Elle n'est pas partout uniforme. 
Dans les trois premières élégies (Mi), la strophe a trois 
vers; dans la quatrième et la cinquième (iv, v) elle se 
compose de quatre vers. Dans i, n, iv, le nombre des 
strophes est de vingt-deux selon le nombre même des 
lettres de l'alphabet hébreu ; m a vingt-deux strophes et 
66 versets (membres), chacun des trois vers d'une même- 
strophe commençant par la même lettre de l'alphabet; 
v se compose aussi de vingt-deux strophes. En outre la 
cinquième élégie est un remarquable exemple d'asso- 
nance; sur les quarante-quatre vers et les vingt-deux 
versets dont elle se compose, la syllabe nù se rencontre 
trente-trois fois : l a , •>, 2<s\ 3% b . 4», b , 5», h , 6", 7 a , b , 9% 
10», Ils 15», b , 16V, 17 a . b , 20», b , 21% b , 22% b . 

m. LE caractère acrostiche. — Les quatre pre- 
miers poèmes (i-rv) sont acrostiches ou alphabétiques, 
c'est-à-dire que chaque strophe commence par une let- 
tre de l'alphabet hébreu, Aleph, Beth, etc. On a cherché 
la raison de cette forme alphabétique, et l'on a fait plu- 
sieurs hypothèses. 1° Les uns n'y ont vu qu'un expédient 
mnémonique, un moyen d'aider la mémoire. 2° Bickell 
pense que cette forme indique qu'on traite le même su- 
jet depuis le commencement jusqu'à la fin. 3° On y voit 
plus généralement une simple disposition, propice à un 
genre particulier de poésie : c'est lorsque le sujet qu'on 
y traite est un, mais d'autre part non susceptible d'un 
développement logique et régulier; on supplée alors à 
ce défaut par la répétition qui donne de l'intensité à 
l'expression des sentiments et des émotions. Cf. Driver, 
Introduction, p. 459 ; Knabenbauer, In Dan., p. 366, 367. 

X. Usage liturgique des Lamentations. — La Syna- 
gogue et l'Église ont toujours fait le plus grand cas des 
Lamentations. Dans les circonstances les plus doulou- 
reuses, elles empruntent les accents du prophète pleurant 
les malheurs de sa patrie pour exprimer leurs émotions. 
Après la captivité, les Juifs rentrés dans leur patrie vou- 
lurent perpétuer la mémoire des maux qu'ils avaient 
soufferts. Chaque année, le neuf du mois A'Ab (juillet) 
ils jeûnèrent et lurent dans les synagogues les Lamenta- 
tions de Jérémie. Cet usage se perpétua dans la suite. Cf. 
Rosenmûller, In Jeremiee Threnos proœmium. L'Église 
catholique a emprunté aux Lamentations les leçons de 
l'office des trois derniers jours de la Semaine sainte. 

XI. Bibliographie. — Origène, Selecta in Threnos, 
t. xiii, col. 606-652 ; Théodoret de Cyr, In Threnos, 
t. lxxxi, col. 779-806; S. Éphrem, S. Ephrxm Syri hymni 
et sermones, dans Lamy, t. n, in-4°, Malines, 1886, 
p. 217-228; Olympiodore, In Jer. Lament., t. xcni, 
col. 725-761 ; Raban Maur, Expositio super Jer., t. CXI, 
col. 1181-1272; Paschase Radbert, In Threnos, t. cxx, 
col. 1059-1256 ; Guibert, TropologiminLam.Jer., t. clvi, 
col. 451-488; Rupert, In Jer., t. cxxvil, col. 1378-1420; 
Hugues de Saint-Victor, In Threnos Jer., t. clxxv, 
col. 255-322; Albert le Grand, In Threnos Jer., t. VIII 
de ses œuvres, Lyon, 1651, p. 1-39; S. Bonaventure, 
Expositio in Lam. Jer., t. x de ses œuvres, Paris, 
1867, p. 138-206; dans les œuvres de saint Thomas, 
t. xiii, se trouve un petit commentaire que les critiques 
attribuent à Thomas de Galles; del Rio, Corn. Utter. 
in Threnos, in-4°, Lyon, 1608; *Tarnow, Comment, 
in Threnos, in-4», Rostock, 1642, et Hambourg, 1707; 
*Lessing, Observationes in tristitiaJer., in-8°, Leipzig, 
1770 ; * Pareau, Threni Jer. philologice et critice illu- 
strati, in-8°, Leyde, 1790; *Neumann, Jeremias und 
Klageheder, in-8°, Leipzig, 1858; L. A. Schneedorfer, Die 



53 



LAMENTATIONS 



LAMPE 



54 



Klagélieâer des Propheten Jeremxa, in-8°, Prague, 1876 ; 
* M. Lôhr, Die Klagelieder Jeremias, 1891 ; et dans 
Hand Komment. de Nowack, 1894; S. Minocchi, Le La- 
mentazioni di Geremia, in-8°, Rome, 1897; *K. Budde, 
dans Kurzer Handkomment., Abth. xvn, Fribourg-en- 
Brisgau, 1898. V. Ermoni. 

LAMIE, nom par lequel la Vulgate désigne deux ani- 
maux différents. — 1° Dans une description de ridumée 
réduite à l'état de désert, Isaïe, xxxiv, 14, dit : « La Ulîf y 



mamelle et allaitent leurs petits. » Ces tannin ne sont 
pas les chacals, qui n'ont nul besoin d'extraire leur 
mamelle pour allaiter leurs petits, mais les grands cé- 
tacés, qui extraient de l'eau leur mamelle pour la don- 
ner à téter. Voir Cachalot, t. il, col. 6. Les Septante 
traduisent par SpâxovTeç et la Vulgate par laniise. II 
n'est pas vraisemblable que saint Jérôme ait eu en vue 
ici un monstre fabuleux, comme dans le passage d'Isaïe. 
La Xâ(ua est dans Âristote, Hist. anim., V, v, 3, une 
sorte de requin, et dans Pline, H. N., IX, xxiv, 40, une 




14. — Lampes primitives de Palestine : les deux premières d'après les originaux du Musée judaïque du Louvre; 
la troisième d'après Ch. Warren et Conder, The Survey of Western Palestine, Jérusalem, 1884, p. 535. 



aura sa demeure, elle trouvera là son lieu de repos. » Le 
mot Ulît, en assyrien lilîtu, de lilaatuv, « soir, » Schra- 
der, Die Keilinschriften und des A. T., Giessen, 1872, 
p. 11, veut dire la « nocturne ». On a cru que la Ulît 
était une sorte de fantôme nocturne. Buhl, Gesenius' 
Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 409. Les Septante 
ont traduit par èvoxsvTaupoç et saint Jérôme par lamia. 
La Xâpua, lamia, était pour les anciens une espèce de 
monstre féminin qui dévorait lés hommes et les enfants. 
Aristophane, Pax, 757 j Vesp., 1035; Plutarque, Curios., 



espèce de poisson plat. C'est plutôt au sens d'Aristote 
que se sera référé saint Jérôme. Ce sens est le plus con- 
forme à l'hébreu. H. Lesëtre. 

LAMPE (hébreu : nér; Septante : ),i5^voc; Vulgate : 
lucerna), appareil d'éclairage, composé d'un récipient 
à huile dans lequel trempe une mèche qu'on allume. 

I. Les lampes dans l'antiquité. — 1" Fabrication des 
lampes. — La lampe des anciens, tant en Orient que 
dans les pays grecs et romains, a toujours été essen- 






K. 



- Lampes trouvées à Jérusalem. D'après The Survey of Western Palestine, Jérusalem, 1884, p. 539, 1S2. 
Sur celle du milieu e st représenté le chandelier à sept branches. 



2; Diodore, xx, 41; Strabon, I, 19; Horace, Epod., v, 
20; Ars poet., 340; Ovide, Fast,, vi, 131. Cf. Rich, Dict. 
des ant. grecques et romaines, trad. Chéruel, Paris, 
1873 p. 347. Comme le mot lîlîf n'apparaît que cette 
seule fois dans la Bible hébraïque, saint Jérôme a cru 
devoir le traduire, d'après le sens populaire qu'on lui 
prêtait, par un équivalent. Sur la traduction des Sep- 
tante, voir Onocentàure. Il est plus probable que, dans 
Isaïe, la Ulît est un oiseau nocturne. Voir Chat-huant, 
t. il, col. 627. — 2° On lit dans Jérémie, Lam., rv, 3 : « Les 
tannin même mettent dehors {hàlsû, « extraient ») leur 



tiellement formée d'un récipient destiné à contenir une 
certaine quantité d'huile. A ce récipient étaient adaptés 
un ou plusieurs becs plus ou moins allongés, ordinai- 
rement dans le même plan horizontal que le récipient 
lui-même, et servant à conduire au dehors l'extrémité 
de la mèche imbibée d'huile. Les becs de lampe étaient 
ainsi disposés parce que l'expérience avait montré que 
l'huile, toujours imparfaitement épurée chez les anciens, 
montait très difficilement dans des mèches qui étaient 
elles-mêmes assez peu conductrices. Voir Mèche. Le 
récipient, primitivement à air libre, tut ensuite nabi- 



55 



LAMPE 



56 



toellement muni d'un couvercle adhérent, dans lequel 
on ménageait un ou plusieurs trous pour verser l'huile. 
De petits couvercles mobiles servaient parfois à fermer 
ces trous. Les premières lampes furent en terre cuile. 
Elles avaient la forme très rudimentaire de petites 
«cuelles ou de coquilles contenant l'huile dans laquelle 



fine, Samarie, Paris, 1875, t. n, p. 91 ; Survey, Jéru- 
salem, pi. XLY-Lxvr. Les lampes ont pris peu à peu des 
formes moins primitives (fig. 15 et 16). On les a cou- 
vertes, arrondies ou allongées, aplaties, munies de becs 
plus saillants, d'anses, de crochets ou d'appareils de 
suspension. On a multiplié les becs, de manière à obte- 






- Lampes juives chrétiennes de Jérusalem. Celle de droite a été trouvée dans la piscine de Béthesda. 
D'après The Survey of Western Palestine, Jérusalem, 1884, p. 539, 640. 



trempait la mèche. Le bord avait été pincé pour ménager 
à cette dernière un passage fixe (fig. 14). On n'a point 
trouvé ce genre de lampes en Egypte, bien que Clément 
d'Alexandrie, Strom., i, 16, t. vin, col. 809, dise que 
les Grecs ont emprunté la lampe aux Égyptiens. Héro- 
dote, il, 62, 130, 133, parle des lampes égyptiennes. 




' : > 



> i » »1M » 






■^- -ffi* 






i 1 -.'■ 






■ ../. .'.-teisî' 



17. — Moule de lampes. 

Au-dessus, lampe fabriquée avec ce moule. 

D'après l'original. Musée judaïque du Louvre. 

Mais en Phénicie, et dans les pays de fondation phéni- 
cienne, Gypre, Carthage, Sardaigne, on a rencontré une 
quantité de <;es lampes à forme rudimentaire. Cf. Renan, 
Mission de Phénicie, Paris, 1874, p. 489-490; A. L. De- 
lattre, Lampes antiques du musée de Saint-Louis de 
Carthage, Lille, 1889. La Palestine en a également fourni 
un grand nombre. Cf. Guérin, Description de la Pales- 



nir une lumière plus intense. Puis on a donné au réci- 
pient toutes sortes de formes plus ou moins élégantes et 
commodes, comme celles du pied humain, de quadru- 
pèdes accroupis, d'oiseaux, etc. On y a ajouté des orne- 
ments, des inscriptions, le nom du potier ou du des- 
tinataire. Les lampes primitives, en Egypte et dans 
l'Afrique du Nord, ont été faites au tour. Aristophane, 
Ecoles., 1, les appelle à cause de cela 'zçoyJ\X«zii, « tour- 
nées à la roue. » Plus tard, les potiers modelèrent les 
lampes à la main et les fabriquèrent avec des moules. 
On a retrouvé de ces derniers, en terre cuite très dure 
(fig. 17). Le moule se composait de deux parties, sur le 
fond desquelles le potier étalait l'argile ; il rapprochait 
ensuite les deux parties, l'argile se soudait par les bords, 
se détachait aisément du moule au bout de quelque 
temps et n'avait plus qu'à recevoir les derniers apprêts 
avant la cuisson. On faisait aussi des lampes en bronze, 
dont la façon réclamait naturellement plus de soins. La 
forme générale des lampes d'argile n'a guère varié. Des 
lampes de terre cuite, du genre le plus simple, sont 
encore- en usage en Syrie et à Tyr. Cf. Lortet, La Syrie 
d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 144. Les anciennes lampes 
égyptiennes (fig. 18) sont simples ou diversement ornées, 
suivant la fantaisie du potier. Les lampes chaldéennes 
(fig. 19), assyriennes (fig. 20) ont des formes plus lourdes 
et moins régulières. Les potiers israélites se sont inspi- 
rés des modèles égyptiens et phéniciens. Voir t. n, 
fig. 186, col. 546. L'industrie phénicienne fournissait 
d'ailleurs à la Palestine une grande quantité de lampes, 
et on en a retrouvé un bon nombre que conservent les - 
musées, spécialement celui du Louvre (fig. 21), Les 
lampes palestiniennes, postérieures à l'ère chrétienne, 
ne s'éloignent pas des types des anciens céramistes. 
Plusieurs sont décorées d'inscriptions grecques (fig. 22) 
ou arabes. Cf. Revue biblique, 1892, p. 260; 1893, p. 632; 
1898, p. 486, 487. Des lampes analogues, à emblèmes 
chrétiens (fig. 23), ont souvent été découvertes en Occi- 
dent et en Afrique. Cf. Martigny, Dictionnaire des an- 
tiquités chrétiennes, 3 e èdit., Paris, 1889, p. 406, 408, 
426, etc. ; A. L. Delattre, Lampes chrétiennes de Car- 
thage, 5 fasc, Lille, 1890-1893. 

2» Usage des lampes. — Les lampes servaient avant 
tout aux usages domestiques. Naturellement très basses, 
on aurait pu les placer sous un lifc Marc, iv, 21. Mais, 
pour qu'elles fussent utiles, on les posait à un endroit 
d'où elles pouvaient éclairer toute la demeure, dans une 
petite niche ménagée dans la muraille, sur une tablette, 



57 



LAMPE 



58 



sur un meuble et plus habituellement sur un support ou 
chandelier qui permettait à la lumière de se répandre 
dans toute la pièce. Matth., v, 17; Marc., iv, 21; Luc, 
vin, 16; xi, 33. Voir Chandelier, t. u, col. 546. On pre- 
nait la lampe à la main quand on voulait explorer des 
endroits obscurs et retrouver un objet. Luc., xv, 8. So- 



crales. De Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Pa- 
ris, 1853, t, il, p. 223, a trouvé dans les tombeaux des 
rois, à Jérusalem, de petites niches triangulaires desti- 
nées à recevoir des lampes dont la trace est encore visi- 
ble. Les catacombes chrétiennes furent éclairées de la 
même manière. Cf. Marucchi, Éléments d'archéologie 



l~ ^**-«^» v-*» ■'^^ -iW- ^.V 



r *.■?!*="-,«<: 





18. — Lampes égyptiennes. D'après les originaux du Musée du Louvre. 



phonie, I, 12, parlant du jugement rigoureux que le 
Seigneur s'apprête à exercer contre Juda et Jérusalem, 
dit que Dieu « fouillera Jérusalem avec des lampes ». — 
Les lampes servaient encore, chez les anciens, dans cer- 
taines cérémonies publiques, Suétone, Cxsar, 37, dans 



chrétienne, Paris, 1899, 1. 1, p. 343-344. — Sur les lampes 
dans l'antiquité, voir Licetus, De lucernis antiquorum 
reconduis, Udine, 1652; Santi Bartoli et Bellori, Le 
antiche lucerne sepolcrali, Rome, 1691 ; Montfaucon, 
L'antiquité expliquée, Paris, 1722, t. v, 2 me part. ; Birch, 





19. — Lampe chaldéenne placée sur un porte-lampe. 

Figurée sur la pierre-borne de Nabuchodonosor 1". 

D'après Brown, Besearches on primitive Constellations, 

2 in-8% Londres, 1899-1900, t. II, p. 233. 

les jeux du cirque, Suétone, Domit., 4, dans les ther- 
mes, Lampride, Alex. Sever., xxiv, 6, et surtout dans 
le culte rendu aux dieux. Apulée, Metam., xi, etc. Ba- 
ruch, vi, 18, parle des lampes nombreuses allumées de- 
vant des idoles qui ne voyaient rien. Josèphe, Cont. 



20. — Lampes assyriennes. 
D'après les originaux du Musée du Louvre. 



History of ancient pottery, Londres, 1873; Blûmmer, 
Technologie und Terminologie der Gewerbe, Leipzig, 
1879, t. u ; De Rossi, Roma sotlerranea, Rome, 1877, 
t. m; Toutain, Lucerna, dans le Dict. des antiq. grecques 
et romaines de Daremberg et Saglio, t. m, p. 1320-1339. 




Lampes phéniciennes. D'après les originaux du Louvre. 



Apion., Il, 39, dit que la plupart des villes grecques et 
barbares avaient adopté l'usage juif des lampes dans les 
cérémonies religieuses. — Enfin on [mettait des lampes 
daDS les tombeaux. Les monuments égyptiens n'en ren- 
ferment pas, il est vrai ; mais elles se rencontrent abon- 
damment dans ceux de la Phénicie, d'où l'usage passa 
dans les pays grecs et romains. En général, les becs de 
ces lampes ne portent aucune trace de combustion. Par 
contre, on éclairait avec des lampes les salles sépul- 



II. Les lampes dans la Bible. — 1° Les lampes du chan- 
delier du sanctuaire. — Il y avait sept lampes d'or sur le 
chandelier à sept branches. Il en est question souvent 
dans la Sainte Écriture. Exod., xxv, 37; xxx, 8;xxxv, 14; 
xxxvii, 23; xxxix, 37; xl, 4, 25; Lev., xxiv, 4; Num., 
rv, 9; vin, 2, 3; III Reg., vn, 49; I Par., xxvm, 15; 
II Par., rv, 20; xxix, 1; I Mach., iv, 50; II Mach., I, 8; 
x, 3. Cf. Zach., rv, 2. Voir Chandelier, t. n, col. 542- 
543. La beauté de la femme vertueuse est comparée à 



59 



LAMPE 



60 



l'éclat de la lampe placée sur le chandelier sacré. Eccli., 
xxvi, 22. On ignore quelle forme avaient ces lampes. 
Elles étaient mobiles, et le chandelier à sept branches 
de l'arc de Titus représente seulement les cavités dans 
lesquelles on les plaçait. Voir t. h, col. 544, fig. 184. 

2° Les lampes dans l'usage ordinaire. — 1. On con- 
servait une lampe allumée dans la maison ou sous la 
tente pendant la nuit, tant pour conserver du feu que 
pour être en mesure de parer à toute alerte. Cette cou- 
tume est encore en vigueur. « S'il arrive au voyageur 
de traverser de nuit les campagnes de la Palestine ou 
de la Syrie, il est tout surpris de voir quantité de lu- 
mières sur les coteaux et dans les vallées. C'est que 
l'Oriental, pauvre ou riche, ne dort jamais dans sa mai- 
son sans lumière. Dire d'une personne qu'elle dort dans 
l'obscurité, c'est, en Syrie, une manière d'exprimer 
qu'elle est dans l'extrême pauvreté. Le domestique sy- 
rien ne resterait pas chez un maître qui lui refuserait 



laquelle saint Paul parla à Troade, Act., xx, 8, étaient 
de même nature que les précédentes. — Plusieurs mé- 
taphores sont empruntées par les écrivains sacrés à la 
lampe. — a) La lampe est le symbole de la prospérité. 
Dieu la fait briller sur les bons, Job, xxix, 3; Ps. xvin 
(xvn), 29; cxxxn (cxxxi), 7; Prov., xm, 9, tandis qu'il 
éteint la lampe des méchants. Job, xvin, 6; xxi, 17; 
Prov., xxiv, 20, — b) La lampe désigne le principe qui 
préside à la vie et à la conduite de l'homme, le souffle 
de Dieu, Prov., xx, 27 ; la parole de Dieu, Ps. cxlx (cxvm), 
105; II Pet., i, 19; sa loi, Prov., vi, 23; le péché, pour» 
le méchant. Prov., vi, 23. L'œil est la lampe du corps, 
il en dirige les mouvements, Matth., vi, 22; Luc.,xi, 3i. 




22. — Lampes chrétiennes trouvées en Palestine. 
D'après la Revue biblique, 1898, p. 485. 

une lampe de nuit ; ce serait lui refuser le sommeil et 
l'humilier. Le petit enfant qui s'éveille et voit la lampe 
prête à s'éteindre, appelle sa mère pour qu'elle renou- 
velle la flamme. » Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. 256. 
Aussi est-il noté, dans l'éloge de la femme forte, que « sa 
lampe ne s'éteint pas pendant la nuit », Prov., xxxi, 
18, parce que cette femme diligente a pris le soin né- 
cessaire pour que cette lampe fût suffisamment alimen- 
tée pour la nuit. Si, au contraire, il s'agit du méchant, 
c'est une malédiction pour lui que sa lampe s'éteigne 
dans sa tente, Job, xvin, 6, et au milieu des ténèbres. 
Prov., xx, 20. Pour annoncer la destruction de Baby- 
lone et des nations ennemies, les auteurs sacrés disent 
que la lumière de la lampe cessera d'y briller. Jer., xxv, 
10; Apoc, xvin, 23. — 2. Le fidèle serviteur avait la 
lampe allumée à la main pour recevoir son maître, quand 
celui-ci rentrait tard à la maison. Luc, xn, 35. — 3. Ce 
sont encore des lampes que les jeunes filles ont avec elles 
pourattendre l'arrivée de l'époux qu'elles doivent accom- 
pagner, bien que saint Matthieu, xxv, 1-8, appelle ces 
lampes, non plus des Xûxvot, lucernm, mais des luy.T:àbzç, 
lampades. Il est en effet question de vases dans les- 
quels on verse de l'huile qui doit alimenter la flamme de 
là mèche. — 4. Orner les lampes, Matth., xxv, 7, c'était 
les garnir d'huile et disposer la mèche de manière qu'elle 
fournît une lumière brillante. — 5. Les lampes nom- 
breuses, Xau.mt8e«, lampades, qui éclairaient la salle dans 



23. — Lampe chrétienne. 

D'après Bellori, Li antiche lucerne sepolcrali, 

in-i', Rome, 1691, part, m, pi. 29. 

— c) Saint Jean-Baptiste a été la lumière, 6 Xû^voç, 
ardente et brillante, envoyée par Dieu devant son divin 
Fils, pour lui préparer la voie. Joa., v, 35. Dans le ciel, 
c'est le Seigneur qui est lui-même la lampe des élus. 
Apoc, xxi, 23; xxu, 5. — d) La lampe, alors appelée 
nir, désigne spécialement la descendance royale, sem- 
blable à une lampe que Dieu ne peut laisser s'éteindre 
au sein de son peuple. III Reg., xi, 36; xv, 4; IV Reg., 
vin, 19; xxi, 17 ; II Par., xxi, 7. 

III. La lampe improprement dite. —Elle prend le nom 
de lapîd, Xaputaç, lampas. C'est plutôt une sorte de 
flambeau ou de torche, consistant en une matière com- 
bustible imbibée d'huile ou de résine. Les Grecs don- 
naient le nom de Xa^itôtSsç aux flambeaux que les cou- 
reurs se passaient les uns aux autres. Hérodote, vi, 105; 
Aristophane, Vesp., 1203, etc. Avec des lampes de ce 
genre, on allait au-devant d'HoIoferne dans les villes de 
Syrie. Judith, m, 10. Ces réceptions aux flambeaux 
étaient analogues à certaines processions nocturnes qui 
se taisaient en Egypte. Hérodote, n, 62. Le mot lapîd 
sert à désigner, dans la Sainte Écriture, les flammes 
qui parurent au milieu des, victimes immolées par 
Abraham, Gen., xv, 17; les feux qui brillaient sur le 
Sinaï, Exod., xx, 18; les lampes des soldats de Gédéon, 



Gl 



LAMPE 



LAMY 



62 



Jud., vu, 16, voir Cruche, t. n, col. 1138; les torches 
attachées par Samson à la queue des chacals, Jud., xv, 
4-5, voir Chacal, t. n, col. 477, 478; la vapeur brillante 
qui s'échappe de la gueule du crocodile, Job, XLI, 10, 
■voir Crocodile, t. n, col. 1125; l'aurore de la délivrance 
qui apparaît comme un flambeau qui s'allume, Is., lxii, 
1; le ibrillant aspect des chérubins d'Ézéchiel, i, 13, 
voir Chérubin, t. n, col. 668, et des yeux du personnage 
qui se montre à Daniel, x, 6; l'éclat des chars qui mar- 
chent contre Ninive, Nah., il, 4, et enfin l'ardeur victo- 
rieuse des chefs de Juda.qui, aux jours de la grande 
restauration messianique, seront au milieu des peuples 
« comme des torches enflammées au milieu des gerbes ». 
Zach., xn, 6. Le mot lapîd embrasse donc, dans sa si- 
gnification, différentes sortes de lumière et même de 
simples apparences lumineuses. "Voir Torche. 

H. Lesêtre. 
LAMPSAQUE (grec: San^M ouSa[A^âi"i; Vul- 
gate : Lampsacos), ville de Mysie (fig. 24). — Le nom de 




Vk. — Monnaie de Lampsaque. 

Tôte présumée d'Ulysse, coiffé du pileus laurë, à gauche. — 

^. Protomé de cheval ailé à droite. 

Lampsaque a été introduit par conjecture dans la Vulgate, 
I Mach., xv, 23, à la place du nom grec Sa^âx») ou 
Sajjn|/à|*v], dans la liste des cités auxquelles est envoyée 
la lettre du consul Lucius. On ne connaît pas de ville 
du nom de Sampsaque ou Sampsame. Winer, dans son 
Realwôrterbuch, au mot Sampsake, 3 e édit., 1848, t. n, 
p. 375, pense qu'il s'agit de Samsun, petit port situé entre 
Sinope et Trébizonde et qui porte maintenant le nom 
d'Abulféda. L'auteur de la Vulgate suppose au contraire 
qu'il est question de la ville de Mysie, très florissante à 
l'époque des Machabées. Lampsaque résista à l'attaque 
d'Antiochus le Grand et vota une couronne d'or aux Ro- 
mains qui reçurent la ville au nombre des cités alliées. 
Polybe, xxi, 10; Tite Live, xxxin, 38; xxxv, 42; xliii, 6. 
Cette dernière circonstance rend très vraisemblable la 
conjecture de la Vulgate. 

La ville de Lampsaque était située sur la côte de 
l'Hellespont, entre Parium et Abydos, en face de la ville 
de Callipolis, qui s'élevait sur le rivage opposé de la 
Chersonèse. Comme celle-ci, elle était bâtie à l'extré- 
mité d'un cap, en sorte que la distance entre les deux 
n'était que d'environ 7 kilomètres. Lampsaque couvrait 
une superficie considérable et avait un port excellent. 
Cette ville conservait une fameuse statue de Lysippe, 
représentant un lion couché. Agrippa la fil transporter 
à Rome. Strabon, XIII, i, 18-19. Lampsaque était une 
colonie de Milet ; ses habitants honoraient tout spécia- 
lement Priape, c'est dire que leurs mœurs étaient très 
corrompues. Athénée, Deipnosoph., i, 54; Pausanias, 
IX, xxxi, 2; Ovide, Fast., VI, 345; Virgile, Georg., iv, 
110. Parmi les habitants illustres de la cité, on compte 
l'historien Charon, le rhéteur Anaximène, et le philo- 
sophe Mélrodore, disciple d'Épieure. Strabon, XIII, i, 
19. Le territoire voisin était célèbre par ses vignobles. 
Strabon, loc. cit. Aujourd'hui la ville ancienne a com- 
plètement disparu. Une petite localité du voisinage, 
Lapsaki, a conservé son nom, mais on n'y a treuvé aucune 
ruine ancienne. C'est une bourgade qui compte à peine 
deux cents maisons. Le voisinage est toujours couvert 
de vignes et d'oliviers. Cf. Choiseul-Gouffier, Voyage 
pittoresque en Grèce, in-î", Paris, 1809, t. ir, p. 449. 

E. Beurlier. 



LAMUEL (hébreu: lemû'êl; Vulgate : Lamuel), nom 
d'un roi auquel sa mère jlorina des conseils qui furent 
ensuite consignés dans le livre des Proverbes, xxxr, 1-9. 
Ces conseils tendent à le détourner des femmes, qui 
perdent les rois, et du vin, qui les empêche de juger 
sainement et de prendre en main la cause des oppri- 
més. Le mot lemû'el peut se décomposer en lemô, 
forme poétique de le, et 'êl, et il signifie « à Dieu », 
c'est-à-dire consacré ou dévoué à Dieu, comme Lael. 
Num., m, 24. Les Septante traduisent littéralement par 
ÛTtô ©Eoû pa<7tXéwç, paroles dites « par Dieu roi ». Dans 
les autres versions, le nom propre est conservé; 
Aquila: Aa^fioûv, Symmaque: 'la^ou^X, Théodotion: 
'Ptêovfr, Syriaque: Muel. Quel est ce roi? Son nom. 
est inconnu dans l'histoire. D'après un certain nombre 
d'exégètes modernes, c'était un roi de Massa en Arabie. 
Ils traduisent l'hébreu: « Paroles de Lamuel, roi de 
Massa, » Prov., xxxi,l, prenant pour un nom de lieu le 
mot Massa, que la Vulgate a traduit comme substantif 
commun par « vision ». Voir Agur, t. i, col. 288. Le 
nom de Lamuel n'est vraisemblablement qu'un pseu- 
donyme. Suivant les différents commentateurs, ce 
pseudonyme lui-même désignerait un roi connu, Salo- 
mon, Ézéchias, un roi arabe, etc. Rien ne permet de 
justifier ces identifications d'une manière satisfaisante. 
Il se peut que Lamuel et sa mère soient des person- 
nages supposés, destinés à faire passer, sous le voile de 
l'anonyme, une leçon donnée aux rois par un sage 
d'Israël. H. Lesêtre. 

LAMY Bernard, savant oratorien, né au Mans en 
juin 1640, et mort à Rouen, le 29 janvier 1715. Son père, 
Alain Lamy, sieur de la Fontaine, le fit entrer comme 
élève, à l'âge de douze ans, chez les Oratorjens du Mans : 
il y montra de remarquables dispositions, aussi bien pour 
les lettres que pour la philosophie et les sciences les plus 
diverses. En 1658, il entra dans la congrégation de l'Ora- 
toire. Il étudia la philosophie à Paris, puis à Saumur; 
ensuite il enseigna dans les collèges de Vendôme, en 
1661, et de Juilly, en 1664; ordonné prêtre en 1697, il 
fut pendant deux ans professeur au Mans; puis, après 
un nouveau séjour à Saumur, il alla enseigner à Angers. 
Là, comme ses doctrines philosophiques, jugées trop 
exclusivement cartésiennes, avaient suscité des discus- 
sions passionnées, le recteur de l'université d'Angers, 
nommé Rebous, s'en émut et obtint contre lui un arrêt 
du Conseil d'État, qui fut rendu le 2 août 1675. Ses su- 
périeurs jugèrent à propos de l'envoyer à Grenoble, où, 
grâce à la protection du cardinal Le Camus, il put re- 
prendre ses cours de philosophie. En 1686, il revint à 
Paris, où il fit un séjour au séminaire de Saint-Ma- 
gloire. Enfin, en 1689, il se fixa à Rouen, où .il passa 
ses dernières années. Les ouvrages du P. Lamy sont 
nombreux et très variés. Nous citerons seulement parmi 
eux : Apparatus ad Biblia sacra per tabulas disposi- 
tus, in quibus quœ ad illa intelligenda in génère ne- 
cessaria sunt, oculis subjiciuntur ac dilucide expli- 
cantur, in-f», Grenoble, 1687. Ce livre fut traduit en 
français, sur l'ordre de l'évêque de Châlons, par l'abbé 
Fr. Boyer, sous le titre de : Introduction à la lecture de 
l'Écriture Sainte, in-12, Lyon, 1689. — Rarmonia, 
siv& eoncordia quator Evangelistarum, in qua vera 
séries actuum et sermonum Jesu Christi, hoc est vera 
viia ejus, historia restituitur, adjecta locis suis novi 
ordinis ratione, in-12, Paris, 1689. Dans ce livre, le P. 
Lamy soutient que saint Jean-Baptiste fut emprisonné 
deux fois, d'abord à Jérusalem, par ordre du grand San- 
hédrin, ensuite en Galilée, par Hérode. Il y soutient 
également que Jésus-Christ ne mangea pas l'agneau 
pascal dans la dernière cène et qu'il fut crucifié le 
jour où les Juifs célébraient la Pâque; il y défend enfin 
l'identité de Marie-Magdeleine, de Marie, sœur de La- 
zare, et de la femme pécheresse. Ces opinions furent la 



63 



LAMY 



LANCE 



64 



source de longues discussions, principalement avec Bul- 
teau, curé de Rouen, Jean Piénud et Lenain de Tille- 
mont, puis avec les PP. Hardouin, Mauduit, Rivière, 
Daniel. — Traité historique de l'ancienne Pâque des 
Juifs, in-12, Paris, 1693. — Apparatus biblicus, sive 
manuductio ad sacram Scripturam tum clarius tum 
facilius intélligendam, nova edïtio aucta et locupletata 
oninibus quse in apparatu biblico desiderari possunt, 
in-8°, Lyon, 1696; in-12, Iéna, 1709; in-12, Amsterdam, 
1710, etc. C'est le développement de Y Apparatus ad Bi- 
blia. 11 fut traduit en français, par l'abbé de Bellegarde, 
in-12, Paris, 1697; in-4°, Lyon, 1699, et par l'abbé Boyer, 
in-4», Lyon, 1709. Dans son Apparatus, Lamy attaque 
le caractère historique des livres de Tobie et de Judith. 
Il prétend aussi à tort que, même après lé décret du 
Concile de Trente sur les livres canoniques, il existe 
entre les protocanoniques et les deutérocanoniques cette 
différence que ces derniers ont une autorité moindre. — 
Défense de l'ancien sentiment de l'Église latine tou- 
chant l'office de sainte Madeleine, in-12, Rouen et 
Paris, 1497. — ' Commentarius in harmonium sive con- 
cordiam qv&tuor Evangelistarum, cum, apparatu 
chronologico et geographico, 2 in-4°, Paris, 1699. — 
De tabernaculo fœderis, de sancta civitate Jérusalem et 
de templo ejus libri septem, in-f°, Paris, 1720 (avec 
planches), ouvrage posthume, publié par le P. Des- 
mollets, qui mit en tête une vie de l'auteur. Voir 
A. M. P. Ingold, Essai de bibliographie oratorienne, 
in-8°, Paris, 1880-1882, p. 64-70. A. Régnier. 

LANCE, arme offensive servant à transpercer l'en- 
nemi (flg. 25). 

I. La lance chez les Hébreux. — 1° Noms. — Les 
Hébreux désignent par deux noms différents l'arme que 
nous appelons du nom générique de lance : 1. Hânit, 

I Sam. (Reg.), xm, 19, 22; xvn, 7, 45, 47; xvm, 10, 
11; xix^ 9, 10; xx, 33, etc.; II Sam. (Reg.), i, 6; h, 
23, etc.; I Par., xi, 25; xli, 34, etc. Ce mot est traduit 
ordinairement dans les Septante par Sôpu. Cependant 
on trouve quelquefois le mot otc),ov, « arme, » Ps. [lvi 
(lvu), 6; Nahum, m, 3; Çi6ûvy], Is., u- 4; ailleurs, par 
suite de la confusion qu'on rencontre souvent entre les 
différentes armes, le mot lance est remplacé par uctpo- 
nâ<rtï]ç, sorte de pique, IV (II) Reg., xi, 10; po^çaîa, 
glaive, I Par., xi, 11, 20; Ps. xxxiv (hébreu, xxxv), 3; 
nâx at P a > <( sabre, s II Par., xxiu, 9 ; Job, xxxix, 23. La 
Vulgate se sert habituellement du mot hasta, I Reg., 
xvn, 7, 45; xxi, 8; xxn, 6, etc., ou du mot lancea, I Reg., 
xm, 19, 22; xviii, 10, etc. En comparant ces passages, 
on voit que les deux mots îont employés indifférem- 
ment. Elle rétablit la traduction exacte là où les Sep- 
tante avaient substitué le mot vague d'arme ou le nom 
d'une autre arme. — 2. Rômah, Num., xxv, 7; Jud., v, 
8; I (III) Reg., xvm, 28; II Par., xi, 12, etc. ' Les Sep- 
tante traduisent par 86pu, II Par., xi, 12; xrv, 8; xxv, 
5; Jer., xlvi, 4; ou par X&yxIi II Esd., iv, 13, 16, 21; 
Èzech., xxxix, 9. Dans quelques passages, ils traduisent 
par <7Eipo|«ier"]ç, Num., xxv, 7; Jud., v, 8; III (I) Reg., 
xvm, 28; Joël, m, 10. La Vulgate traduit par hasta, 
Jud., v, 8; II Par., xi, 12; xiv,,8; etc.; par lancea, 

II Esd., rv, 13, 16, 21; mais aussi par pugio, « poi- 
gnard, » Num., xxv, 7; culter et lanceolus, III (I) Reg., 
xvm, 28. 

2° Description et usage. — La Bible ne donne au- 
cune description de la rômah. Dans le récit du combat 
de David contre Goliath, nous trouvons au contraire 
une description assez minutieuse de la }}ânit. Il s'agit, 
il est vrai, de l'arme du Philistin, mais celle des Hé- 
breux devait être pareille. La hânit se composait d'une 
hampe de bois, 1}ês; grec, xovtôç, Çfoov; Vulgate, has- 
tile, lignum; cette hampe est comparée à l'ensouple 
ou rouleau du tisserand. I Sam. (Reg.), xvn, 7; 
II Sam. (Reg.), xxi, 19; xxni, 7; I Par., xx, 5. Au 



bois était fixée une pointe de fer, que le texte hébreu 
appelle lahébéf, « flamme, » pointe brillante du ter, ou 
barzel, « fer; » grec : >oyxi> l'SVipoç; Vulgate : ferrum. 
I Sam. (Reg.), xvn, 7 ; II Sam. (Reg.), xxm, 7. Lorsque 
les guerriers dormaient dans leur tente, ils fichaient 
leur lance en terre, à leur chevet. I Reg. (Sam.), xxvi, 
7, 11. La lance a figuré dès le temps de Moïse dans l'ar- 
mement des Hébreux- Num., xxv, 7. Aussi, dans son 
cantique, Débora, pour marquer qu'à l'époque de Jaël 
Israël était désarmé, dit-elle : « On ne voyait ni bou- 
clier ni lance chez quarante milliers en Israël. » Jud., 
v, 8. Pour empêcher les Israélites de fabriquer des 
épées et des lances, les Philistins leur avaient interdit 
le métier de forgeron. I Reg. (Sam.), xm, 19. Quand 
Saûl souleva le peuple de Dieu contre ses oppresseurs, 
lui-même et son fils Jonathas étaient les seuls à possé- 




25. — Têtes de lances, en bronze, trouvées dans les fouilles 

de Tell el-Hésy. — D'après Bliss, A Mound of many Cities, 

p. 36, 37. 

derune épée et une lance. IReg. (Sam.), xm, 22. Dans 
l'énumération des troupes de David, les guerriers de la 
tribu de Juda et ceux de la tribu de Nephthali sont in- 
diqués comme armés du bouclier et de la lance. I Par., 
xn, 24, 34. Ceux de Juda ont la hânit et ceux de Neph- 
thali la rômah. Les Septante traduisent l'expression 
hébraïque nâsa' rômah par Sopocrdçopo;. I Par., XII, 
34. Les chefs combattaient avec la lance comme les 
simples soldats; la Bible mentionne les lances de Saûl, 
d'Abner, de Jesbaam. I Reg. (Sam.), xvm, 10; xix, 9, 
10; xx, 33; xxvi, 7, etc.; II Reg. (Sam.), n, 23; I Par., 
xi, 11. C'est en se précipitant sur le fer de sa lance que 
Saùl se donna la mort. II Reg. (Sain.), i, 6. Roboam 
établit dans les villes qu'il fortifia des arsenaux où il 
déposa des lances et des boucliers. II Par., xi, 12. Asa 
avait dans son armée trois cent mille hommes de Juda 
portant le bouclier et la lance, tandis que les deux 
cent quatre-vingt mille de Benjamin portaient le bou- 
clier et l'arc. II Par., xrv, 8. Amasias trouve le même 
nombre de lanciers. II Par., xxv, 5. La lance figure 
également dans l'armement des troupes d'Ozias. II Par., 
xxvi, 14. Il en est de même après le retour de la capti- 
vité. Néhémie, pour défendre les ouvriers qui reconstrui- 
sirent les murs de Jérusalem, place dans des enfonce- 
ments, derrière la muraille, des guerriers armés d& 
lance8,d'épées et d'arcs. II Esd.,iv, 13, 16, 21.Al'époque 



65 



LANCE 



66 



des Machabées, les lances figuren toujours dans l'arme- 
ment des Juifs. II Mach., xv, 11. Les cavaliers qui appa- 
raissent dans le ciel à Jérusalem, au temps de la seconde 
expédition d'Antiochus IV Épiphane en Egypte, portent 
des lances. II Mach., v, 2. La lance jouait un tel rôle 
dans les batailles, que s'emparer de vive force d'une ville 
se dit Xa|i6âvstv irôXiv SopuâXwrav. II Mach., Y, II; x, 
24. Lorsque les prophètes veulent exciter à la guerre ils 
disent : <r De vos serpes faites des lances. » Joël, m, 10. 
Au contraire le temps de la paix est celui où avec les 
fers de lances on fabrique des serpes. Michée, rv, 3. 



qu'un bâton, il arracha à l'Égyptien sa lance et l'en 
transperça. II Reg., xxm, 21. Le bois de cette lance est 
comparé, comme le bois de lance de Goliath, à l'ensouple 
du tisserand. I Par., xi, 23. Dans les armées égyptiennes, 
dès les temps les plus anciens, figurent des corps de 
troupes armées de lances et de boucliers. G. Wilkinson, 
The Manners and customs of the ancient Egyptians, 
■2» éd., in-8», Londres, 1878, t. i, p. 456; G. Maspero. 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique, 
in-4», Paris, 1895, t. i, p. 352. On les voit souvent re- 
présentées sur les monuments figurés. Cf. Maspero, i/isf. 




20. — Le pharaon Ramsès II armé de la lance. D'après Champoïïion, Monuments de l'Egypte, pi. xvn. 



II. La lance chez les peuples en rapports avec les 
Hébreux. — 1° Philistins et Moabites. — Nous avons 
signalé plus haut la description de la lance du Philis- 
tin Goliath. Le fer de cette arme pesait six cents sicles 
de 1er, soit 8 kil. 250. C'était, il est vrai, l'arme d'un 
géant. I Reg. (Sam.), xvn, 7, 45; II Reg. (Sam.), xxi, 
19 ; I Par., XX, 5. Il n'est pas question dans la Sainte 
Écriture de la lance des Moabites, mais un bas-relief 
conservé au musée du Louvre qui représente un guerrier 
de cette nation armé de la lance est le monument qui 
peut le plus exactement nous donner l'idée de la forme 
de cette arme chez les Hébreux et chez les peuples voi- 
sins. Voir t. n, fig. 125, col. 390. 

2° Égyptiens. — La Bible mentionne plusieurs fois 
la lance parmi les armes des Égyptiens. Banalas, fils de 
Joiada, au temps de David, attaqua un géant égyptien 
qui venait à lui, la lance à la main. Banaïas n'avait 

D1CT. DE LA BIBLE. 



anc.,t. t, p. 457; t. n, p. 213, 391. Les rois eux-mêmes 
portaient cette arme. Ramsès II est représenté perçant 
de sa lance un chef libyen (fig. 26). Maspero, Hist. anc, 
t. il, p. 414; Rosellini, Monumenti dell' Egitto e délia 
Nubia, Monumenti storici, in-f», Florence, 1833-1838, 
pi. Lxxxm. L'arme est munie à la base d'une pomme or- 
née d'un gland. Voir Armées étrangères, 2, m, Armée 
égyptienne, t. i, fig. 267, 268, 270, col. 991-993; Bou- 
clier, t. i, fig. 581, col. 1882. 

3° Assyriens et Babyloniens. — Fantassins et cava- 
liers, les Assyriens se servaient de lances. Celle des fan- 
tassins avait un peu moins de deux mètres de long, 
celle des cavaliers était longue de trois mètres à trois 
mètres vingt centimètres. La hampe était en bois, la 
pointe en métal, d'abord en bronze, puis en fer. Sa 
forme était celle d'un triangle, d'un losange allongé 
ou d'une feuille. G, Raftiinson, The five great monar- 

IV. -3 



67 



LANCE 



C8 



chien of the ancient Eastern World, 4» édit., Londres, 
1879, t. h, p. 456 ; cf. p. 425, 426. L'extrémité intérieure 
était ornée d'un cône ou d'une grenade. L'arme était 
trop lourde pour pouvoir être utilisée comme javelot, 




27. — Lance assyrienne. 
D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. u, pi. 20. 

on ne pouvait s'en servir que pour transpercer l'ennemi. 
Les fantassins armés de la lance portaient en même 
temps un bouclier rond (flg. 27). G. Maspero, Hist. anc, 
t. Il, p. 627; t. ni, p. 47. Cf. G. Perrot et Ch. Chipiez, 
Histoire de l'art dans V 'antiquité, in-4», Paris, 1884, t. n, 
pi. xiv. Voir d'autres lances, t. i, fig. 224, 261, 262, 
col. 902, 982, 985; t. n, fig. 91, 430, 431, 540, col. 313, 
1151, 1153, 1635. Ceux qui combattaient dans des chars 
portaient leur lance attachée à l'arrière du char. Maspero, 
Hist. anc, t. n, p. 626. La lance servait à la chasse aussi 
bien qu'à la guerre. Maspero, Hist. anc., t. n, p. 621, 623. 
4° Années de Gog. — Ézéchiel, xxxix, 9, nomme la 




28. — Scythes armés de lances. 
D'après le vase de Koul-Oba. 

lance parmi les armes des soldats de l'armée de Gog. 
On pense généralement que l'invasion décrite par le 
prophète est celle des Scythes qui eut lieu en Asie, dans 
les dernières années du vir 3 siècle avant J.-C. Un vase 
du musée de l'Hermiiage nous représente les Scythes ar- 
més de lances (flg. 28). Voir Gog 2, t. m, col. 265; 
G. Maspero, Hist. anc, t. m, p. 342. 
5° Mèdes et Perses, — Les lances des Mèdes étaient 



semblables à celles des Assyriens, le fer avait la forme 
d'un losange ou d'une feuille et l'extrémité inférieure 
se terminait par une pomme on une grenade, t. n, fig. 93. 
Hérodote, vu, 41 ; C. Rawlinson, The five great monar- 
chies, t. ii, p. 314. Celles des Perses étaient relativement 
courtes, Hérodote, v, 49 ; vu, 61, et terminées aussi par 
une pomme à l'extrémité inférieure. Hérodote, vu, 41. 
Les piquiers mèdes et perses sont représentés sur les 
monuments figurés. G. Maspero, Hist. anc, t. m, p. 466. 
Les Mèdes sont reconnaissables à leurs longues robes et 
portent des boucliers ; les Perses sont vêtus de tuniques 
courtes et n'ont pas de bouclier (fig. 29). Voir Darius 1, 




29. — Fantassins mèdes et perses armés de lances, 
D'après Coste et Flandin, La Perse ancienne, pi. ci. 

t. n, fig. 479, col. 1303. Les gardes placés derrière Da- 
rius sur le bas-relief de Behistoun sont armés de lances, 
G. Maspero, Hist. anc, t. m, p. 681 ; ses archers sont 
de même porteurs d'une lance sur la fameuse frise de 
Suse qui est au musée du Louvre. Ci. G. Maspero, Hist. 
anc, t. m, p. 694. Lui-même est représenté perçant un 
prisonnier de sa lance sur une intaille de Saint-Péters- 
bourg. G. Maspero, Hist anc, t. m, p. 677. 

6» Grecs. — Les soldats qui accompagnent Héliodore 
sont appelés SopvçcSpoi, c'est-à-dire lanciers. II Mach., 
m, 23, 28. La Vulgate traduit ce mot par satellites, 
gardes. du corps; le mot grec indique l'arme que por- 
taient ces gardes. Voir t. i, fig. 588, col. 1887. 

III. La sainte Lance. — Après la mort de Notre- 
Seigneur, un des soldats qui gardaient les crucifiés lui 
perça le côté de sa lance. Joa., xix, 34. Cette arme, que 
le grec appelle Xôyx T l e * l a Vulgate lancea, se composait 
d'une longue hampe de bois, munie d'un fer terminé 
en haut par une pointe et" en bas par une douille dans 
laquelle entrait le bois. Voir t. i, fig. 594, col. 1898. A. 
Baumeister, Denkniâler des klassischen Altertums» 



69 



LANGE — ' LANGE 



70 



in-4», Leipzig, t. ni, 1888, p. 2077, fig. 2308-2311. Voir 
Croix, t. n, fig. 414, col. 1133. D'après saint André de 
Crète, Orat., x, t. xcvii, col. 1025, la Lance (X<5yx*i) fat 
enterrée avec les autres instruments de la passion. C'est 
une pure conjecture et l'on ne conçoit pas bien pour- 
quoi on aurait enterré l'arme d'un soldai. Aucun auteur 
ne fait mention de la découverte de la sainte Lance. Cas- 
siodore, In Is., lxxxvi, concl., t. lxx, col. 621, dit 
qu'elle était conservée à Jérusalem. En 570, Antoine le 
Martyr la vit dans la basilique de Sion. T. Tobler, Itinera 
hierosolymitana, in-8°, Genève, 1877, t. i, p. 103. Saint 
Grégoire de Tours, De gloria martyrum, ix, t. lxxi, 
col. 712, la cite parmi les reliques de la passion vénérées 
à Jérusalem; il annonce qu'il en parlera plus au long, 
mais il n'en dit rien ailleurs. En 614, nous apprend la 
Chronique Pascale, Patr. Gr., t. xcn, col. 990, après la 
prise de Jérusalem par les Perses, la pointe de la Lance 
-^it donnée par eux au patriarche de Constantinople, Ni- 
cétas. Celui-ci la plaça à Sainte-Sophie. Cf. Th. Nœldeke, 
Geschichte der Perser undAraber zur Zeit der Sasani- 
den, aus arabischen Chronih des Tabari, in-8°, Leyde, 
1879, p. 290. D'autre part, en 670, Arculfe, visitant Jéru- 
salem, vit le reste de la Lance dans la basilique Constan- 
tinienne. Adamannus, De lotis sanctis, i, 9, t. lxxxvin, 
col. 785. Après cette date il n'est plus question de la 
sainte Lance à Jérusalem. Au contraire, elle est honorée 
à Constantinople. Constantin Porphvrogénète, Cérémo- 
nial, il, 34, Patr, Gr.,\. cxn,çol. 11-32; Riant, Exuvise 
sacrœ Constanlinopolitanœ, in-8», Paris, 1878, t. n, p. 212, 
213, 216, 231. La pointe, qui avait été insérée dans 
l'Ycona de Mursuphle, fut prise par Pierre de Bracieux, 
lorsque les croisés pillèrent Constantinople en 1201, 
mais elle fut restituée à l'empereur latin Beaudouin II, 
qui la céda à saint Louis en 1241 ; Chronica Alberici mo- 

nachi, dans Pertz, 
Script, reruni Ger- 
tnan., t. xxm, p. 
883, cf. E. Miller, 
dans le Journal des 
Savants, 1878, p. 
299-302. Le roi de 
France la fit dépo- 
ser à la Sainte-Cha- 
pelle (fig. 30). En 
1793, cette relique 
fut transportée à la 
Bibliothèque natio- 
nale où l'abbé Co- 
terel la vit en 1796. 
Gosselin, Notice 
historique sur la 
sainte Couronne, 
in-8°, Paris, 1828,' 
p. 161. Cette reli- 
que a disparu de- 
puis lors. Le reste 
de la sainte Lance 
demeura à Cons- 
tantinople. Elle est 
mentionnée dans 
les itinéraires rus- 
ses et on peut la, sui- 
vre jusqu'en 1422. 
B. de Khitrowo, Iti- 
néraires russes en 
Orient, in-8», Ge- 
nève, 1889, p. 162, 
205; Ph. Brunn, 
Constantinople, ses 
sanctuaires, ses reliques, fragments de l'Itinéraire de 
Clavijo, in-8», Odessa, 1883, p. 17; Bucoléon, Patr. Gr., 
t. cxxxiii, col. 701. En 1492, Bajazet II envoya la relique 
au pape Innocent VIII qui, après quelques hésitations, 




30. — Reliquaire de la sainte Lance, 

à la Sainte-Chapelle de Paris. 

D'après Morand. Voir la Revue 

de tort chrétien, 1897, p. 9. 




provenant de ce que parmi les cardinaux, quelques-uns 
soutenaient que la vraie lance était à Nuremberg, tandis 
que d'autres la croyaient à Paris, le pape la fit porter 
solennellement à Saint-Pierre. J. Burchard, Diarium, 
1483-1506, in-4», Paris, 
1883, t. i, p. 472-486. Il 
existe à la Bibliothèque 
ambrosienne de Milan 
un dessin de la sainte 
Lance de Rome fait en 
1599, par G. Grimaldi, 
clerc de la Basilique 
Vaticane. Le fer est re- 
présenté (fig. 31) privé 
de sa pointe. Il a été re- 
produit par F. de Mély, 
dans la Revue de l'art 
chrétien, t. xlvi, 1897, 
p. 8. L'histoire de la 
lance soi disant décou- 
verte à Antioche par les 
croisés est très sujette 
à caution. F. de Mély, 
Revue, ibid., p, 120-126. 
La lance d'Estchmiazin, 
celle de Nuremberg, au- 
jourd'hui à Vienne, en 
Autriche, celle de Cra- 
covie, les fragments de 
Cologne, d'Ancône, et 
celui que conservent les 
dominicains à Smyrne 
ont tous les caractères 
de reliques apocryphes. 
Cf. F. de Mély, Revue, 
ibid., p. 122-127, 287- 
302; J. H. Friedlieb, Ar- 
chéologie de la Passion 
de Notre-Seigneur Jé- 
sus-Christ, trad. franc., in-8°, Paris, 1895, p. 343-359; 
Rohaut de Fleury, Mémoire sur les instruments de la 
Passion, in-4», Paris, 1865, p. 272. E. Beurlier. 

LANGE Joachim, grammairien et théologien protes- 
tant allemand, né à Gardelegen, le 26 octobre 1670, mort à 
Halle, le 7 mai 1744. Il fit ses premières études avec son frère 
Nicolas, puis fréquenta les écoles d'Osterwick en 1685, 
de Quedlinbourg en 1687, de Magdebourg en 1789. En- 
suite, sous la direction d'àug. Herm. Francke, il étudia 
à Leipzig, puis à Erfurt et à Halle. A partir de 1693, il 
fut quelque temps précepteur à Berlin et exerça diverses 
fonctions à différents endroits. Enfin, en 1709, il fut créé 
professeur de théologie à l'université de Halle et il de- 
meura dans cette place jusqu'à sa mort. Il fut l'un des 
adversaires de la philosophie de Wolf. Ses ouvrages, tant 
philologiques que théologiques,.sont nombreux ; mention- 
nons seulement : Sciographia sacra, quse in mémorise 
mbsidium Ubrorum utriusque Testamenti historicorum 
Sttructuram et analysin succincte exhibet, in-8", Halle, 
1712; Isagoge exegetica generalis in primant sancti 
apostoliJoannis Epistolam, generalia totius Epistolx 
mowiienta ejusdemque analysin continens, Halle, 1712; 
Exegesis Epistolarum apostoli Pétri, in-4», Halle, 1712; 
Exegesis Epistolarum Joannis, Halle, 1713; Commen- 
tatio historico-hermeneutica de vita et Epistolis Pauli, 
isagogen generalem et specialem historico-exegeticam 
prsebens in Acta Apostolorum et Pauli Epistolas, una 
cum compendio hermeneuticse sacrée, in-4°, Halle, 1718; 
Historia ecclesiastica Novi Testamenti, Halle, 1722; 
Epitome historise ecclesiaslicx Veteris et Novi Testa- 
menti; Apokalyptisches Licht und Recht, das ist Erklà- 
rung der Ofjenbarung Johannis, in-f», Halle, 1730; 
Mosaisches Licht und Recht, das ist Erklârung der 



81. — La sainte Lance. 
D'après le manuscrit A. 168 
de l'Ambrosienne de Milan. 



71 



LANGE 



LANGUE 



72 



sâmmtliehen historischen Bûcher des alten Testaments, 
voni Buch Josua bis Hiob, in-f°, Halle, 1734; Evange- 
lisches Licht und Recht, in-f , Halle, 1735; Erklârung 
der Apostelgeschichte, Halle, 1735; Davidisches und 
Sqlomonisches Licht und Recht, in-f°, Halle, 1737; 
Prophetisches Licht und Recht; Hermeneutica sacra, 
in-8°, Halle, 1733; Urim et Thummim, seu exegesisEpi- 
stolarum Pétri et Joannis cum appendice dissertatio- 
num anti Poiretianarum, in-f°, Halle, 1734 ; Hermeneu- 
tische Einleitung in die Offenbahrung Johannis, und 
dadwch in die Propheten, in-8°, Halle, 1738; Biblia 
parenthetica, oder Bausbibel, in-f°, Leipzig, 1743. 

A. Régnier. 

LANGES (hébreu : hâtulldh; Septante : onipytxwv; 

Vulgate : parmi, involumenta), linges dans lesquels on 

enveloppait les enfants nouveau-nés. — L'auteur de 

Job, xxxvm, 9, compare le brouillard qui entoure la 




32. — Enfant emmailloté. 

. D'après un bas-relief romain représentant probablement 
la naissance de Télèphe. 

mer aux langes qui enveloppent les enfants. Le person- 
nage royal qui est censé parler dans la Sagesse, vu, 4, 
dit qu'il a été élevé dans les langes, comme tous les 
autres enfants. L'enfant Jésus fut enveloppé de langes 
par sa mère à sa naissance, et les anges annoncèrent 
aux bergers qu'ils trouveraient un enfant « enveloppé 
de langes et couché dans une crèche ». Luc, n, 7, 12. 
— Chez les anciens Égyptiens, on n'emmaillotait pas les 
enfants; on les laissait grandir, comme aujourd'hui 
encore, sans leur faire porter de vêtements. Cf. Maspero, 
Lectures historiques, Paris, 1890, p. 15; Lady Gordon, 
Lettres d'Egypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 37. En 
Chaldée, le climat réclamait plus de précautions dans le , 
soin des jeunes enfants. Les monuments y représentent 
d'ailleurs les personnages de tout âge beaucoup plus vê- 
tus qu'en Egypte. Chez les Spartiates, on couvrait légè- 
rement le corps de l'enfant, mais sans le serrer dans un 
maillot. A Athènes, on traitait l'enfant avec plus de déli- 
catesse. Le OTrapyavov est ordinairement nommé au plu- 
riel, ce qui le suppose composé de plusieurs pièces. 
Cf. Hymn. honieric., Merc, 237; Eschyle, Choeph., 
755, etc. Les Romains enveloppaient le nouveau-né dans 
la fascia, cf. Plaute, Truc., v, 13, longue et étroite bande 
d'étoffe qu'on repliait autour du corps, de la tête aux 




33. — Enfant romain 
dans les langes. D'a- 
près Auvard et Pingat, 
Hygiène infantile 
ancienne et mo- 
derne, in-18, Paris, 
1889, flg. 3, p. 9. 



pieds, et qui ne laissait à découvert que la figure. Un 
bas-relief romain (fig. 32) représente un entant ainsi 
emmailloté. Dans une autre figure (flg. 33) l'enfant est 
enveloppé dans un linge étroit 
qui fait plusieurs tours et assu- 
jettit les membres dans une po- 
sition droite et raide, de peur 
qu'ils se déforment. Dans les 
anciens monuments chrétiens, le 
divin Enfant apparaît emmailloté 
de la même façon que l'enfant 
du bas-relief (iig. 34). Voir t. i, 
fig. 146, col. 573. C'est par excep- 
tion que l'enfant Jésus du cime- 
tière de Priscille, cf. 1. 1, fig. 102, 
col. 394, est représenté sans vê- 
tement, au moins dans ce qui 
reste de la peinture. Les Juifs 
n'admettaient pas qu'un enfant 
fût dépouillé de tout vêtement 
pour être porté, ni même pour 
être mis au berceau ou en être 
retiré. Cf. Iken, Antiquitates 
hebraicse, Brème, 1741, p. 516. 
De petits enfants juifs de Lachis 
sont cependant représentés nus. 
Voir t. il, fig. 637, 638, col. 2189. 
C'était du reste une malédiction, 
à leurs yeux, que de naître sans 
les soins ordinaires et d'être 
privé de langes. Ezech., xvi, 4. 
Saint Jérôme, In Ezech., t. xxv, 
col. 128, dit que les langes sont 
mis aux petits enfants pour empê- 
cher leurs membres de se déformer, et qu'ils y restaient 
jusqu'à l'âge de deux ou trois ans. Actuellement, les 
petits enfants de Palestine ont des langes. Les femmes 
du Liban placent les leurs dans des berceaux spéciaux, 
dont les langes ne sont changés que toutes les vingt- 
quatre heures, et dans lesquels les enfants demeurent 
jusqu'à l'âge de deux ans. Les femmes de Bethléhem 
couchent les leurs dans des espèces de filets de laine à 
longues franges, qu'elles peuvent porter sur leur dos et 
accrocher n'importe où. Cf. Lortet, La Syrie d'aujour- 
d'hui, Paris, 1884, p. 84, 347. L'enfant Jésus fut donc 
enveloppé de langes et sa mère fut elle-même en état de 
prendre ce soin. Quand l'ange donne comme signe aux 
bergers qu'ils trouveront un enfant emmailloté et couché 
dans une crèche, Luc, n, 12, ce n'est pas l'emmaillo- 
tement qui singularisait l'Enfant, c'est bien plutôt la 






34. — L'Enfant Jésus enveloppé, de langes. 
.D'après le sarcophage d'Adelphia. Musée de Syracuse. 

nature de son berceau. La Sainte Vierge avait, selon 
toute apparence, apporté avec elle ces langes de Nazareth, 
où ses mains virginales les avaient préparés. Ils servirent 
à Jésus pendant ses premiers jours, à sa présentation au 
Temple et durant son voyage et son séjour en Egypte. 

' H. Lesêtke. 
1. LA NGUE (hébreu : IdSôn, mot commun aux langues 
sémitiques sous la forme lisôh, assyrien : lisânu; Sep- 
tante : y\ûi<i<:a; Vulgate : lingua), corps charnu et 



73 



LANGUE — LANGUES (DON DES) 



71 



mobile, qui est fixé par sa base au fond de la bouche, 
et est l'organe principal du goût et, chez l'homme, de la 
parole. 

I. Langue des animaux. — La langue des chiens a sa 
part des ennemis vaincus. Ps. lxviii (lxvii), 24. La langue 
des chiens lèche le sang de Naboth, III Reg., xxi, 19, 
d'Achab, III Reg., xxii, 38, et de Jézabel que ces ani- 
maux ont dévorée. IV Reg., ix, 36. Elle lèche également 
les ulcères du pauvre Lazare. Luc, xvi, 21. Pendant la 
dixième plaie d'Egypte, pas même un chien ne devait 
remuer la langue au milieu des Hébreux. Exod., xi, 7. 
Sur ces deux derniers passages, voir Chien, t. n, col. 702. 
La langue de la vipère donne la mort. Job, XX, 16. Voir 
Vipère. Il est impossible de prendre le crocodile avec 
une corde par la langue. Job, XL, 20. 

II. Langue de l'homme. — 1° Au sens littéral. — 1. La 
langue sert à laper l'eau, à la manière des chiens, c'est- 
à-dire à boire non plus en taisant couler l'eau dans la 
bouche, mais en l'aspirant avec la langue. C'est ce que 
firent les soldats de Gédéon. Jud., vu, 5-7. — Dans la 
soif ardente, la langue se dessèche et s'attache au palais. 
Ps. xxii (xxi), 16; Is., xli, 17; Lam., IV, 4. C'est pour- 
quoi le mauvais riche, torturé dans l'enfer, demande que 
Lazare vienne humecter sa langue avec l'extrémité de 
son doigt trempée dans l'eau. Luc, xvi, 24. — L'exilé 
proteste que sa langue s'attachera à son palais avant 
qu'il oublie Jérusalem. Ps. cxxxvi (cxxxv), 6. — On dit 
aussi que la langue s'attache au palais pour signifier que 
l'on est silencieux et attentif. Job, xxix, 10. — Moïse 
avait la langue embarrassée, il était kebad IdSôn, (3poc- 
S\>yXu>a<soç, tardions linguse, et le Seigneur lui substitua 
son frère Aaron pour prendre la parole. Exod., iv, 10. 

— Notre-Seigneur guérit un muet en lui touchant la 
langue, qui alors se déliait, c'est-à-dire devenait capable 
de parler. Marc, vu, 33, 35; et. Luc, i, 64. C'est une 
des merveilles messianiques qu'Isaïe, Xxxil, 4; xxxv, 6, 
avait annoncées. — 2. Parmi les plaies qui frapperont les 
ennemis de Jérusalem, Zaicharie, xiv, 12, mentionne la 
langue tombant en pourriture. Saint Jean, Apoc, xvi, 10, 
parle des hommes que Dieu trappe et qui se mâchent 
(ê[j.a<Tâ>vTo, commanducaverunt) la langue de douleur. 

— Antiochus fit couper la langue à l'aîné et au troisième 
des sept frères Machabées. II Mach., vu, 4, 10. — Après 
la mort de Nicanor, sa langue tut coupée en morceaux et 
livrée en pâture aux oiseaux. II Mach., xv, 33. La bar- 
barie des anciens peuples prenait plaisir à couper !a 
langue des prisonniers et des vaincus. Ct. Masperi), 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient, Paris, 189!), 
t. m, p. 423, 545. Une scène chaldéenne, voir t. i, 
fig. 266, col. 989, représente des prisonniers que l'on 
torture et auxquels on arrache la langue. 

2° Dans le sens métaphorique. — La langue désigne 
très fréquemment la parole elle-même et la manière 
bonne ou mauvaise de s'en servir. Les livres des 
Psaumes, des Proverbes et de l'Ecclésiastique renterment 
un très grand nombre de sentences qui se rapportent à 
ce sujet. — 1. La langue est l'instrument de la parole. 
Job, xxxin, 2; Ps. xxxrx (xxxym), 5; xlv (xliv), 2; 
cxxxix (cxxxv.m), 4; II Reg., xxm, 2; Is., xlv, 24, etc. 
La parole est tantôt bi-leSônî, « sur ma langue, » 
Job, vi, 30; Ps. xv (xiv), 3 ; Prov., xxxi, 26, etc.; tan- 
tôt fahaf laSôn, « sous la langue, » Ps. x, 7; lxvi 
(lxv), 17, les deux expressions ayant d'ailleurs le même 
sens. L'épouse a sous la langue du miel et du lait, 
Cant., iv, 11, c'est-à-dire de douces et aimables paroles. 

— 2. Selon les paroles qu'elle profère, la langue est 
douce ou perverse, Prov., xv, 4; arrogante, Ps. xn 
(xi), 4; mensongère, Ps. crx (cvm), 3; Prov., vi 17; 
trompeuse, Ps. lu (li), 6; méchante. Prov., x, 31. C'est 
pourquoi il est dit que « la mort et la vie sont au pou- 
voir de la langue ». Prov., xvm, 21. — 3. La langue, sans 
qualificatif, est ordinairement prise en mauvaise part. 
Le « fléau de la langue » désigne la médisance et la 



calomnie, ce que nous appelons des « coups de langue », 
Job, v, 21; Eccli., xxvi, 9. Les ennemis de Jérémie 
veulent le tuer « avec la langue ». Jer., xvm, 18; 
cl. Ezech., xxxvi, 3. Aussi la langue est-elle comparée 
au serpent, Ps. cxl (cxxxix), 4; à l'arc, Jer., ix, 3; à la 
flèche. .Ter., ix, 8. — 4. L' « homme de langue », 'iS 
Idsôn, y' ws<n£3ïiî, linguosus, Ps. cxl (Cxxxix), 12; 
Eccli., rx, 25, ou linguatus, Eccli., vin 4, et la lemme 
yXw<t<t(Ô8ïi<, linguata, Eccli., xxv, 27, sont des personnes 
de mauvaise langue. Les versions appellent U-^Xuxsaai;, 
bilinguis, « double langue, » celui qui parle mal, disant 
le pour et le contre et blessant la vérité et la charité. 
Prov., vin, 13; xvm, 8; Eccli., v, 17; vi, 1; xxvm, 15. 
Saint Paul ne veut point de diacres qui soient SiXôyoi, 
bilingues. I Tim., m, 8. La troisième langue ou triple 
langue, ■jXSxnra rpiT»), lingua tertia, est quelque chose 
de pire encore. Eccli., xxvm, 16, 19. « Donner de la 
langue, » lô'éên, c'est calomnier, xaTaXaXoïv, detrahere. 
Ps. ci (c), 5. — 5. Saint Pierre recommande d'empêcher 
sa langue de mal parler, I Pet., m, 10, et saint Jacques, 
i, 26, taxe d'irréligion celui dont la langue est sans 
frein. Ce même apôtre compare la langue au gouvernail 
qui, malgré sa petitesse, imprime la direction au vais- 
seau, au petit feu qui peut incendier une grande forêt, 
aux bêtes sauvages qui sont moins indomptables qu'elle. 
Il rappelle les biens et les maux dont elle peut être la 
cause et veut qu'elle ne soit pas autre chose qu'une 
source de biens. Jacob., m, 4-12. — Sur les péchés de 
la langue, voir Médisance, Mensonge, 

III. Langue au sens figuré. — 1. Le nom de « langue 
d'or », lesôn zâhâb, yXSiaaa. -/puirÉa, est donné à une 
barre d'or, régula aurea, ayant la forme de langue. 
Jos., vu, 21, 24. — 2. La pointe que tait la mer Morte 
tant au sud qu'au nord est appelée « langue ». 
Jos., xv, 2, 5; xvm, 19. C'est de la langue du sud que 
partait la frontière de Juda, pour rejoindre au nord 
l'autre langue de la mer. Celle-ci s'avançait comme une 
langue au milieu des terres; elle y formait des golfes. 
Aujourd'hui le nom A'El-Lisân est donné au contraire à 
la langue de terre qui se rattache à la rive orientale de la 
mer Morte et s'avance vers le nord en forme de langue. 
Voir Morte (Mer). Isaïe, xi, 15, appelle aussi « langue 
de la mer d'Egypte » soit l'embouchure du Nil, soit la 
pointe septentrionale de la mer Rouge. Les géographes 
arabes donnent également le nom de « langues » aux 
golfes. Cf. Rosenmûller, Jesaise vatidn., Leipzig, 1811, 
t. I, p. 450. — 3. Isaïe, v, 24, dit que « la langue de ieu 
dévore le chaume ». Ailleurs, xxx, 27, il compare la 
langue de Jéhovah à un feu dévorant. La flamme affecte 
en effet la forme d'une langue, elle en a la mobilité et 
semble lécher les objets qu'elle atteint. Quand le Saint- 
Esprit descendit sur les apôtres, il apparut sous forme 
de « langues séparées, comme de teu », SiaiispiÇôpievat 
Y^âddai rixrsl nupdç, dispertitœ linguse tanguam ignis. 
Aet., n, 3. Ces langues, ayant l'apparence du feu, sym- 
bolisaient la prédication évangélique, et ce teu représen- 
tait la grâce qui purifie et qui embrase. Cf. Deut., iv, 24; 
Is., vi, 6-7; Matth., m, 11; Luc, ni, 16; xn, 49. 

H. Lesêtre. 

2. LANGUES (CONFUSION DES) à Babel. Voir 
CpwrtrsiON DES LANGUES, t. n, col. 920. 

3. LANGUE8 (DON DES), faculté surnaturelle de 
parler des langues étrangères sans les avoir apprises. 
Notre-Seigneur avait mentionné, parmi les signes qui 
devaient accompagner ceux qui croiraient en lui, le don 
de « parler des langues nouvelles », Marc, xvi, 17, 
c'est-à-dire inconnues de ceux qui s'en serviraient. On 
appelle quelquefois ce don « glossolalie ». 

1° A la Pentecôte. — 1. Quinze peuples de langues di- 
verses sont représentés à Jérusalem au moment de la 
descente du Saint-Esprit. Act., n, 9-11. A peine ont-ils 
reçu cet Esprit, que les Apôtres et les disciples, au 



75 



LANGUES (DON DES) 



7G 



nombre d'environ cent vingt, Act., 1, 15, se mettent à 
parler des langues étrangères, éiépat.; yXa><r<raiç, variia 
linguis, selon que l'Esprit-Saint leur donnait de le 
taire. La multitude rassemblée autour du Cénacle était 
stupéfaite, car chacun les entendait parler sa propre 
langue, t»j I8(a ScaXéxTto XaXoûvTOV atarâv, lingua sua 
illos loquentes. Ils parlaient tous ensemble ou un grand 
nombre à la fois, si bien qu'aux yeux des malveillants 
ils ressemblaient à des hommes ivres. Leurs paroles ne 
s'adressaient pourtant pas directement aux auditeurs, 
mais à Dieu dont ils célébraient les louanges dans des lan- 
gues différentes que comprenaient ceux qui les entou- 
raient. C'est ce qu'exprime la réflexion de ces derniers : 
« Nous les entendons dire dans nos langues les gran- 
deurs de Dieu. » Act., n, 4-13. Saint Pierre prend alors 
la parole, non plus en langue étrangère, mais en ara- 
méen, compris également par les Juifs de Judée, et par 
la majeure partie de ceux de la dispersion et des pro- 
sélytes; il leur montre, dans, ce phénomène surnaturel, 
l'accomplissement d'une prophétie de Joël, leur prêche 
Jésus-Christ et convertit trois mille Juifs. Act., n, 15-41. 
— 12. Il résulte de ces textes, que le don de parler les 
langues étrangères venait aux Apôtres et aux disciples 
du Saint-Esprit lui-même, de qui dépendaient exclusi- 
vement le choix de la langue que chacun devait parler, 
le moment où il devait parler et les choses qu'il avait 
à dire. Il faut en conclure encore que le don résidait 
objectivement dans ceux qui parlaient et non dans ceux 
qui écoutaient. Saint Grégoire de Nazianze, Orat., xli, 
15, t. xxxvi, col. 449, cite et rejette avec raison l'opi- 
nion de ceux qui pensaient que les Apôtres parlaient 
leur langue naturelle, mais étaient miraculeusement 
compris par des hommes qui n'entendaient pas cette 
langue. Enfin le texte restreint l'usage des langues 
diverses à la louange de Dieu et ne l'étend pas à la 
prédication elle-même. Saint Thomas, Sum. theol , Il a 
11*, q. clxxvi, a. 1, dit que les Apôtres ont reçu le don 
des langues pour pouvoir prêcher l'Évangile aux diverses 
nations. L'opinion qu'il en a été ainsi est même assez 
répandue. Elle ne s'appuie pourtant sur aucune donnée 
scripturaire. A l'aide de l'araméen, les Apôtres ont pu 
communiquer aisément avec la plupart des Juifs répan- 
du» dans le monde, et le grec a servi à saint Paul pour 
convertir les Gentils. Les Apôtres ont-ils appris et parlé 
d'autres langues, ou ont-ils été favorisés, comme 
saint François-Xavier, du don de prêcher l'Évangile en 
des langues inconnues d'eux? Ou bien étaient-ils com- 
pris de tous, même quand ils ne parlaient que leur 
langue habituelle, comme il arrivait pour saint Vincent 
Ferrier? Cf. Fages, Histoire de S. Vincent Ferrier, 
Paris, 1901, t. I, p. 161. Il est possible qu'il en ait été 
ainsi : mais les textes se taisent à ce sujet, et, toutes les 
fois qu'il est parlé du don des langues, dans les Actes 
et les Épltres, c'est dans le sens restreint que nous 
venons de voir. Le don des langues, en rapport avec la 
forme que le Saint-Esprit choisit pour manifester sa 
présence, Act., il, 3, symbolise l'universalité de la pré- 
dication apostolique, par l'effet de laquelle Dieu sera 
loué dans toutes les langues de l'univers. Rom., xiv, 
11 ; Phil., h, 11. — 3. On s'est demandé quelles langues 
avaient parlées les cent vingt personnes, apôtres et dis- 
ciples, qui reçurent le Saint-Esprit au Cénacle. Diffé- 
rentes réponses ont été données : chaque disciple parlait 
toutes les langues (S. Augustin), chacun parlait la 
langue du pays qu'il était appelé à évangéliser plus tard 
(S. Jean-Chrysostome), chacun parlait une langue diffé- 
rente, etc. La question n'est pas de haute importance; 
on manque d'ailleurs d'éléments pour la résoudre. 
Toujours est-il qu'il y eut au moins quinze langues par- 
lées, puisque quinze peuples divers comprenaient ce 
qui était dit. Act., n, 8-11. Il y avait là comme une con- 
tre-partie de la confusion des langues à Babel; autrefois 
des hommes parlant la même langue avaient cessé de se 



comprendre; maintenant des hommes parlant des 
langues diverses comprenaient ce qui était dit à la gloire 
de Dieu. C'était le symbole de la prochaine conversion 
des hommes à la même foi, malgré la diversité de leurs 
nationalités et de leurs langages. Dans son discours, 
saint Pierre signale ce phénomène de glossolalie comme 
l'accomplissement de la prophétie de Joël, n, 28 (in, 1), 
disant qu'aux jours du Messie les fils et les filles 
d'Israël prophétiseront, nibb'ou,itpo<?/iit\)<Tov<3i,propfie- 
tabunt. Saint Paul, comme nous allons le voir plus loin, 
fait de la prophétie et du don des langues deux choses 
nettement distinctes. I Cor., xiv, 5. Mais ce n'est pas 
dans le même sens que saint Pierre prend le mot pro- 
phétie. Il s'agit, dans son discours, de la prophétie telle 
qu'on l'entendait dans l'Ancien Testament, c'est-à-dire 
de la manifestation extérieure d'une action extraordi- 
naire exercée par Dieu à l'intérieur de l'âme. L'exercice 
du don des langues était une prophétie dans le même 
sens que les actes inspirés par l'Esprit de Dieu à Saùl 
et aux prophètes de Béthel, I Reg., x, 5-13, aux envoyés 
de Saùl à Ramatha, I Reg., xïx, 20-24, à Asaph et à Idi- 
thun dans le Temple. I Par., xxv, 2, 3. 

2° Dans la primitive Eglise. — Le don des langues 
ne fut pas accordé exclusivement à ceux qui se trou- 
vaient dans le Cénacle, le jour de la Pentecôte. Il devint 
fréquent et presque coutumier dans la primitive Église. 
A Joppé, où il était venu surl'ordre de Dieu, saint Pierre 
instruisait le centurion Corneille et ceux de sa maison, 
quand tout d'un coup le Saint-Esprit descendit sur 
eux, avant même qu'ils fussent baptisés, et on les enten- 
dit parler les langues, XaXoiivrwv y)(i<7<jat{, loquentes 
linguis. Act., x, 46. A Éphèse, saint Paul baptisa des 
disciples de Jean et il leur imposait les mains quand, à 
la venue du Saint-Esprit en eux, ils se mirent à parler 
les langues, èXâXouv yXôxnran;, loquebantur linguis. 
Act., xix, 6. A Corinthe, le don des langues était com- 
muniqué à beaucoup de fidèles. Saint Paul appelle ce 
don de différents noms : yêvr) yXoxnjwv, gênera lingua- 
rum, « diversité des langues, » I Cor., xn, 10, 28; xiv, 
10, ou simplement yXtS<r<ja, lingua, « langue, » I Cor., 
xiv, 2, ou yXw<j<rai, lingual, « les langues. » I Cor., xm, 
8; xiv, 5, 22. Il exprime le désir que tous puissent rece- 
voir ce don, etXaXeîv yXw<r<rat; ou yXw<r<nr), linguis ou 
lingua loqui, parler « en langues » ou « en langue ». 
I Cor., xiv, 2, 5, etc. Il ne reproduit pas complètement 
l'expression de saint Marc, XVI, 67 : XaXsïv xatvaïc yXwa- 
(jaiç, novis linguis loqui, « parler en langues nouvelles,» 
ni celle des Actes, n, 4, è-répatc yXw<j<jacç XaXîïv, aliis 
linguis loqui, « parler en d'autres langues. » Mais 
toutes ces formules paraissent équivalentes. Saint Paul 
emploie le mot langue tantôt au singulier, quand il 
s'agit d'un seul fidèle ne parlant qu'une seule langue, 
I Cor., xiv, 4, tantôt au pluriel, quand il s'agit de plu- 
sieurs fidèles parlant plusieurs langues différentes. 
I Cor., xiv, 5, 22. Dans les deux cas, il s'agit du même 
don spirituel. Ce don fut accordé, sans nul doute, à bien 
d'autres chrétientés. Saint Irénée, Adv. hmres., V, vi, 
1, t. vil, col. 1137, atteste qu'il avait encore vu de son 
temps des chrétiens qui, par la grâce du Saint-Esprit, 
parlaient toutes sortes de langues, itavToSa-jratçyXûddaiç. 
Cf. Eusèbe, H. E., v, 7, t. xx, col. 448. La glossolalie 
disparut peu à peu, quand l'effet qu'elle était destinée 
à produire put être suppléé par des moyens moins 
extraordinaires. Dans tous les cas précédents, le don des 
langues apparaît comme une aptitude d'ordre spirituel, 
xâpidiia, I Cor., xii, 31, mais nullement comme moyen 
de prédication. 11 n'est pas la spécialité de ceux qui 
enseignent; il est accordé à tous les fidèles indis- 
tinctement. 

3° Nature du don des langues. — Le mot « langue » 
peut désigner soit l'organe de la parole, soit le langage 
particulier à chaque peuple, soit la manière de parler 
propre à chacun des individus qui se servent de la même 



77 



LANGUES (DON DES, 



78 



langue. Ces trois sens du mot ont donné lieu à diverses 
interprétations du don des langues. — 1. Plusieurs 
auteurs se sont arrêtés au premier sens. D'après eux, le 
don consistait à parler de la langue, XaXetv ylÛMja-ri, à 
émettre au moyen de la langue des sons confus et inar- 
ticulés, comme ceux des enfants qui commencent à 
parler (Eichhorn, Néander, Schmidt, etc.), ou bien des 
exclamations incohérentes et des mots sans suite 
(Meyer, etc.), ce qui faisait ressembler la glossolalie à 
l'inspiration des pythonisses, ou enfin des sons imper- 
ceptibles, à voix basse, qu'il fallait ensuite interpréter, 
c'est-à-dire traduire à haute voix (Wiseler). On ne voit 
pas la nécessité d'une grâce spéciale pour obtenir un 
pareil résultat, qui est une déformation et non un per- 
fectionnement du langage humain. D'autres ont voulu 
s'appuyer sur certaines expressions de saint Paul pour 
identifier plus ou moins la glossolalie avec les langues 
des anges, I Cor. , xm, 1 , les paroles qu'on entend dans le 
ciel, II Cor., xn, 4, les discours accompagnés d'instru- 
ments, I Cor., xiv, 7, 8, comme le kinnôr dont se ser- 
vaient les anciens prophètes, I Reg., x, 5, les chants en 
esprit, I Cor., xiv, 15; Eph., v, 19, les cris inspirés par 
l'EsprikSaint, Rom., vm, 15; Gai., iv, 6, les soupirs 
inexprimables de l'Esprit. Rom., vin, 26, etc. Tontes 
ces explications se heurtent à ce fait que l'Apôtre parle 
de langues, et qu'il est inadmissible qu'il se soit servi 
de ce mot dans un autre sens que son sens habituel 
sans en avertir ses lecteurs. Le mot « langue » a ici sous 
sa plume la même signification que dans les passages 
de saint Marc, xvi, 67, et des Actes, II, 4, où il est ques- 
tion de « langues nouvelles » et d' « autres langues ». 
D'autre part, saint Paul avait trop présent à l'esprit le 
phénomène du don des langues â la Pentecôte, pour 
parler dans les mêmes termes et avec le même mot 
« langue » d'un don qui eût été différent. Saint Luc fut 
d'ailleurs longtemps son compagnon d'apostolat, et 
l'on ne conçoit pas le disciple et l'Apôtre se servant l'un 
et l'autre d'expressions identiques pour faire connaître 
des faits extraordinaires dont la nature n'eût pas été la 
même. Du reste, saint Paul établit clairement l'identité 
du don des langues dont parle saint Marc avec ce qui se 
passa à la Pentecôte et à Corinthe, quand lui-même, I Cor. 
xiv, 21, cite le texte d'Isaïe, xxvm, 11, dans lequel Dieu 
promet de parler à son peuple en langues étrangères, iv 
£tepoY>.t»aaoiç et qu'il applique cette prophétie à la glos- 
solalie corinthienne. — 2. D'autres préfèrent le troisième 
sens du mot langue et font consister le don dans l'usage 
d'un langage archaïque, poétique, métaphorique à l'excès, 
semblable à celui qui rendait si obscurs les oracles du 
paganisme (Bleek, Heinrici, etc.). C'est ce qu'ils appellent 
parler en « gloses ». On a dit aussi que « parler en 
langue », c'était parler avec franchise, à découvert, ce 
que les disciples ne firent qu'à dater de la Pentecôte 
(Van Hengel). Les textes s'opposent encore à ces inter- 
prétations; il y est question de langues parlées et de 
diverses langues et nullement d'idiotismes de langage 
ou de publicité de la parole. — 3. Reste le troisième sens 
du mot « langue », celui qu'imposent les textes et que 
tous reconnaissent, à l'exception de quelques commen- 
tateurs non catholiques. Il en est cependant, parmi les 
catholiques (Bisping, etc.), qui croient que le don portait 
seulement sur l'usage de la langue primitive de l'huma- 
nité, que les Apôtres auraient parlée à la Pentecôte, et 
qui, par miracle, aurait été comprise de chaque auditeur, 
comme si elle était sa langue propre. Pour expliquer 
l'intelligibilité de cette langue primitive, on suppose 
qu'elle renfermait toutes les racines des langues posté- 
rieures. D'autres (Billroth, etc.) ont imaginé que dans 
la glossolalie on parlait une langue composée de mots 
empruntés à toutes les autres langues. Les expressions 
du texte sacré ne permettent pas d'admettre ces expli- 
cations: il y est question non d'une seule langue, mais 
-de langues variées; non d'un assemblage quelconque de 



mots divers, mais d'un ensemble formant ce qu'on 
appelle une langue ; non d'une langue primitive, mais 
de langues que les contemporains peuvent comprendre. 
Act., H, 11. Il n'y a donc qu'une manière d'entendre les 
textes : ceux qui étaient favorisés du don spirituel par- 
laient soit une, soit plusieurs langues étrangères. — 
4. A part quelques Pères grecs (saint Cyrille d'Alexan- 
drie, Théodoret, etc.) qui ont pensé que celui qui par- 
lait une langue étrangère, en vertu du don spirituel, la 
comprenait lui-même, la plupart des anciens ont cru au 
contraire qu'on recevait le don de parler une langue 
étrangère sans recevoir en même temps celui de la 
comprendre. C'est ce qui ressort des explications de 
saint Paul. I Cor., xiv, 1-25. Celui qui parle les langues 
a besoin qu'on interprète ses paroles ; il doit prier pour 
qu'un interprète lui soit donné. S'il se comprenait com- 
plètement lui-même, il lui serait aisé de traduire ses 
paroles en langage ordinaire. — 5. Il est assez difficile 
de savoir quel était l'état psychologique de celui qui 
était favorisé du don des langues. L'Apôtre dit que celui 
qui parle en langue s'édifie lui-même, I Cor., xiv, 4, 
par conséquent travaille à son propre bien spirituel et 
à son union avec Dieu. Mais dans quelle proportion la 
grâce divine et l'activité humaine concouraient-elles à 
la production de cet heureux résultat? D'après Dôl- 
linger, Le christianisme et l'Église, trad. Bayle, Paris, 
1861, p. 444, « l'état de ceux qui parlaient sous l'in- 
fluence du don des langues était complètement un état 
d'enthousiasme et d'extase, qui interrompait la réflexion, 
la pensée discursive. Ils éclataient en témoignages 
d'actions de grâces, en hymnes, en prières. Mais ils ne 
restaient pas libres de choisir la langue dans laquelle 
ils voulaient se faire entendre ; une force intérieure \eé 
obligeait à parler dans une langue déterminée, qui 
pouvait leur être entièrement étrangère. Ils avaient bien 
conscience, dans une certaine mesure, du contenu de 
leurs discours; il en avaient une idée générale; mais 
d'ordinaire ils éprouvaient une grande difficulté ou une 
incapacité absolue pour les répéter dans leur langue 
habituelle. » Saint Paul dit formellement que l'intel- 
ligence, voûç, ne tirait pas de profit de la glossolalie, 
I Cor., xiv, 14, sans nul doute parce qu'elle ne compre- 
nait rien ou du moins ne saisissait que très peu de 
chose dans ce qui était dit. La même inintelligence se 
produisait d'ailleurs assez souvent chez les prophètes, 
cf. S. Thomas, Sum. theol., II a II*, q. clxxiii, a. 4; 
il n'est donc pas étonnant qu'elle se retrouvât chez ceux 
qui ne recevaient qu'un don inférieur. Ces derniers 
cependant avaient certainement conscience de leur état 
el de l'impulsion divine dont ils étaient l'objet. Il faut 
même conclure des paroles de saint Paul, I Cor., xiv,27, 
28, qu'ils pouvaient soit régler, soit arrêter les effets de 
cette impulsion. 11 est d'ailleurs possible que, dans le 
don des langues, l'action surnaturelle variât selon les 
sujets, et que dans ces derniers l'état d'intelligence et 
de conscience fût assez différent, suivant les circons- 
tances, les aptitudes naturelles, etc. Les textes ne per- 
mettent pas de conclure d'une manière plus précise au 
sujet d'un phénomène transitoire et depuis si longtemps 
disparu. On ne peut dire non plus si le don était per-* 
maitent dans celui qui l'avait reçu, ou s'il n'était que 
momentané. Cette seconde hypothèse parait plus vrai- 
semblable. Act., il, 4. — 6. Enfin il est hors de conteste 
que le don des langues était accordé non pour l'ensei- 
gnement, mais pour la célébration des louanges divines. 
Les Apôtres, le centurion Corneille, les disciples de 
Jean ne reçoivent le don des langues que pour glorifier 
Dieu. Act., il, 4-13; x, 46; xix, 6. Les auditeurs s'ins- 
truisent si peu en les écoutant qu'ils les prennent pour 
des fous. Act., h, 13; I Cor., xiv, 23. C'est en vertu d'un 
don tout différent que saint Pierre parla aux Juifs dans 
la langue qu'ils comprenaient et les convertit. Act., n, 
14-37. 



79 



LANGUES (DON DES) 



80 



4° Usage du don des langues. — Saint Paul s'étend 
avec détail sur l'usage qui doit être lait dans l'Église du 
don des langues et en même temps il en complète la 
notion. — 1. Le don des langues est inférieurs la pro- 
phétie, par laquelle on parle aux hommes au nom de 
Dieu pour les instruire et les encourager. Par la glosso- 
lalie on parle â Dieu, non aux hommes. On n'édifie que 
soi, ce qui suppose que, même en ne comprenant pas 
ce qu'on dit, on reçoit cependant, en même temps que 
le don, une grâce intérieure qui unit l'âme à Dieu. 
C'est pourquoi l'Apôtre souhaite ce don à tous ; mais il 
préfère la prophétie, à moins que quelqu'un ne soit là 
pour expliquer ce qui a été dit en langue étrangère et 
ainsi édifier l'Église. I Cor., xiv, 1-6; cf. S. Thomas, 
Sum theol., II» II*, q. clxxvj, a. 2. — 2. S'il est isolé, 
le don des langues n'a donc pas grande utilité. Ceux qui 
désirent les dons spirituels doivent aspirer à de plus 
utiles. I Cor., xrv, 7-12. Pratiquement, celui qui a la 
glossolalie doit prier pour qu'un autre auprès de lui 
obtienne le don de l'interprétation. Saint Paul a dit 
plus haut que le possesseur de ce don s'édifie lui-même. 
Ici, il distingue: c'est le ■mvj^.a, spiritus, qui prie, c'est- 
à-dire que la iaculté affective de l'âme, sous l'impulsion 
de l'Esprit-Saint, s'élève utilement à Dieu et s'unit à 
lui; pendant ce temps, le voû;, mens, la faculté intel- 
lectuelle de l'âme, ne comprenant à peu près rien à ce 
qui est dit en langue étrangère, demeure sans profit, 
axapitoc, sine fructu. Ainsi en e^t-il, par exemple, de 
celui qui récite un psaume en latin sans comprendre 
cette langue; son âme tend vers Dieu par des senti- 
ments affectifs, mais son intelligence ne trouve aucun 
aliment dans les paroles latines. Le mot mvsûfia ne 
saurait avoir ici un autre sens. Le irveûu.a de l'homme 
est, dans ce passage, le siège du sentiment et de l'intui- 
tion de l'amour divin, sous l'action du izvzvy.a âytov, 
par opposition au voûc, qui est le siège de la connais- 
sance consciente et réfléchie. Le voûç et le icvevijj.a repré- 
sentent ainsi dans l'homme une image de ce que sont 
en Dieu le Fils, voû< ou 16yo<; , et le Saint-Esprit, 
icveOaa. Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psycho- 
logie, Leipzig, 1861, p. 184-186. Dans son Épître aux 
Éphésiens, iv v 23, l'Apôtre réunit les deux mots, quand 
il dit qu'il faut se renouveler râ 7tveij(iau toû vo<5ç, spi- 
ritu mentis. Ces deux mots désignent l'âme elle-même, 
mais en deux de ses facultés, et c'est par le Ttveûjia, en 
communication par la grâce avec l'Esprit-Saint, que 
doit se renouveler le vo0«, l'intelligence, qui autrement 
ne recevrait ses inspirations que de la chair et serait 
un voï; tï)Ç erapx<Sç. Eph., M, 18. Cf. S. Augustin, 
De Trinitate, XIV, xvi, 22, t. xlh, col. 1053. Le «vêtira 
dont parle saint Paul n'est donc ni l'essence intime de 
l'âme (Bisping), ni la partie la plus profonde de l'intel- 
ligence |Bengel, Meyer, etc.), ni la faculté imaginative, 
ni la raison inspiratrice, ni le souffle physique qui fait 
proférer la parole, ni l'Esprit-Saint lui-même qui pousse 
à la prière. Saint Paul veut qu'on prie et qu'on chante 
à la lois avec le itve0(ta et avec le voûç, par conséquent 
avec tout ce qui doit rendre l'acte religieux affectif et 
intelligent. Il conclut en disant qu'il préfère cinq paroles 
dites avec le voû;, de manière à instruire les autres, que 
dix mille avec le ïuve-j|kx, qui intervient seul dans la 
glossolalie. I Cor., xrv, 13-19. — 3. Même en présence 
des infidèles, le don des langues ne peut être utilisé 
qu'imparfaitement. Ce don est un signe pour les infi- 
dèles, signe qui peut les édifier en les étonnant, lors- 
qu'ils comprennent ces langues étrangères, comme à la 
Pentecôte, Âct., h, 11, mais signe qui d'ordinaire n'at- 
tire leur attention qu'en les déconcertant. Ainsi arrive- 
t-il que si, dans une assemblée où s'exerce la glossolalie, 
entrent des infidèles ou même une personne qui ignore 
ce genre de manifestations spirituelles, un tSwàrriç, 
idiota, ils prendront pour des fous, pour des agités du 
démon, naivciOe, ceux qui ont le don des langues. Ces 



infidèles seront, au contraire, touchés et convertis si le 
fidèle qui a le don de prophétie et qui parle au nom 
de Dieu leur tient des discours qui vont au fond du 
cœur et y portent la conviction. I Cor., xiv, 20-25. — 
4. Il faut donc régler l'exercice du don des langues, 
aussi bien que celui des autres dons spirituels, afin que 
tout se passe à l'édification générale. Quand des fidèles 
reçoivent le don des langues, deux seulement et trois 
au plus peuvent prendre la parole, et encore ils ne doi- 
vent le faire que tour à tour. Mais comme oatte parole a 
besoin d'être interprétée, si l'interprète lait défaut, que le 
fidèle qui a le don des langues garde le silence. Toutefois, 
la glossolalie comporte une grâce d'édification person- 
nelle, I Cor., xiv, 4; il ne convient donc pas d'en priver 
le fidèle. Celui-ci parle alors en langue étrangère, mais 
en silence et seulement pour deux auditeurs, lui-même 
et Dieu. En terminant ce qu'il a à dire sur ce sujet, 
l'Apôtre résume tout en deux mots: « Souhaitons le 
don de prophétie, » parce que c'est un don des plus 
utiles à l'Église; mais « n'empêchez pas de parler en 
langues », parce que, malgré son infériorité, ce don 
profite à tous quand l'interprétation accompagne la glos- 
solalie, et il profite au fidèle qui le possède, même 
quand celui-ci ne peut l'exercer publiquement. I Cor., 
26-28, 39. — 5. De ces remarques de l'Apôtre, il suit 
que le don des langues ne différait pas à Corinthe de 
ce qu'il avait été à Jérusalem, à Joppé et à Éphèse. Il 
ne s'agissait pas de langues créées de toutes pièces, ni 
de cris inarticulés, ni d'exclamations extatiques, ni 
même seulement d'expressions figurées et enthousiastes, 
mais de langues connues et parlées par d'autres 
hommes, dont le Saint-Es.prit communiquait l'usage 
momentané à certains fidèles, dans l'unique but de 
louer Dieu. Cette louange de Dieu en langue étrangère 
ne pouvait être comprise et ne devenait utile que si 
on la traduisait à l'usage des auditeurs. C'est pourquoi 
le don des langues avait à être complété par un autre, 
que l'Apôtre appelle èp|ievesa yX^aa-ûv, interprétatif) 
sermonum, « interprétation des langues, » I Cor., xii, 
10, et ce don d'interprétation dépendait du Saint-Esprit, 
I Cor., xii, 11, mais n'était pas toujours accordé en 
même temps que le premier. ICor., xiv, 28. Il est à 
noter que, dans l'énumération des dons spirituels, la 
glossolalie et l'interprétation viennent en dernière ligne, 
à raison sans doute de leur moindre importance. I Cor., 
xii, 8-10. Le don d'interprétation était même beaucoup 
plus rare que le don des langues. Le Saint-Esprit ne 
devait pas communiquer le don d'interprétation quand 
il n'y avait rien à interpréter, et, de plus, ce don faisait 
assez souvent défaut, alors que le premier s'exerçait. 
I Cor., xiv, 28. 

5° Caractère surnaturel du don des langues. — El» 
pfusieurs circonstances, on a vu des personnes parler 
des langues qu'elles n'avaient jamais apprises. Le fait se 
constate fréquemment dans les cas de possession diabo- 
lique, si bien que le Rituel romain, De exorcizandis 
obsessis a dsemonio, range parmi les signes de la pos- 
session la faculté de parler une langue inconnue ou de 
comprendre celui qui la parle. Il est de toute évidence 
que le don des langues accordé aux Apôtres et aux pre- 
miers fidèles ne provient pas d'une pareille source. 
Les textes l'attribuent formellement à l'action du Saint- 
Esprit, Act., il, 4; x, 44, 46; xix, 6; I Cor., xiv, 2, et 
saint Paul n'aurait pas pris pour la manifestation de la 
puissance divine une faculté due à la présence du. 
démon. On a également constaté chez certaines per- 
sonnes soumises à l'influence hypnotique cette même 
facufté de parler ou de comprendre des langues qui 
leur étaient étrangères. Mais on a remarqué aussi que 
les hypnotisés, ou les esprits qui sont censés agir en 
eux, ne pouvaient parler ou comprendre que des lan- 
gues connues du médium ou des assistants, ce qui parait 
ramener cette faculté à un simple phénomène naturel- 



81 



LANGUES (DON DES) — LAODICÈE 



82 



de suggestion ou de lucidité. Cf. A. Arcelin, La disso- 
ciation psychologique, dans la Revue des questions 
scientifiques, Bruxelles, avril 1901, p. 452. Le don des 
langues était certainement de tout autre nature chez 
les premiers chrétiens, puisqu'il se manifestait d'ordi- 
naire dans des milieux où les langues parlées étaient 
si bien ignorées qu'on ne trouvait pas toujours d'inter- 
prètes, tels que le Saint-Esprit pouvait seul en susciter, 
pour Iraduire ce qui avait été dit. I Cor., XIV, 13, 28. Ce 
qui prouve encore le caractère surnaturel du don des 
langues, tel qu'il s'exerçait à Corinthe, c'est la iacilité 
qu'il avait d'être réglé par l'obéissance. I Cor., xiv, 27. 
Or, en théologie mystique, on a toujours regardé l'obéis- 
sance du sujet comme la garantie la plus sûre de l'action 
divine. Cf. Ribet, La Mystique dÏOT«e,Paris, 1883, t. ni, 
p. 66. Voir Dons surnaturels, t. n, col. 1484-1486; J.Frd. 
Melville, Observationes theologico-exegeticse de dona 
linguarum in Novo Testamento commemoralo, in-4°, 
Bàle,1816;Bleek, Veber die Gabe des y\û>aaait XaXeîv in 
der ersten christlichen Kirche, dans les Theologische 
Sludien und Kritiken, t. n, 1829, p. 379; Ad. Hilgen- 
feld, Die Glossolalie in der alten Kirche, in-8», Leipzig, 
1850; Ëd. Reuss, La Glossolalie, dans la Revue de 
théologie de Strasbourg, t. ni, 1851, p. 65-97; Dollinger, 
Le christianisme et Vhglise, trad. Bayle, Tournai, 1863, 
p. 442-446; Corluy, Langues (dans la primitive Église), 
dans le Dictionnaire apologétique de Jaugey, Paris, 
1889, col. 1785-1800; Cornely, In S. Pauli prior. Epist. 
ad Corinthios, Paris, 1890, p. 410-447; Le Camus, 
L'œuvre des Apôtres, Paris, 1891, p. 16-23; Fouard, 
Saint Paul, ses missions, Paris, 1892, p. 241-247. 

H. Lesétrb. 
LANTERNE (grec : <pav6<i; Vulgate : laterna), sorte 
de boîte, dont les parois de vessie, de corne ou de verre, 
protègent une lumière portative contre le vent tout en 
la laissant transparaître. La Bible n'en parle qu'une 
fois, dans le Nouveau Testament. Quand Judas marche 
vers Gethsémani, il est accompagné d'une cohorte et de 
serviteurs du Temple, (letà tfmmv xaî XajjutâSiov, « avec 
des lanternes et des torches. » Joa., xvm, 3. Il était en 
effet nécessaire, bien qu'on fût à l'époque de la pleine 
lune, d'avoir des lumières pour éclairer l'ombre épaisse 
des oliviers du jardin. Le <pav<Sç, qui désigne ordinaire- 
ment un flambeau ou une torche, est aussi le nom de 
la lanterne, bien qu'assez 
tard, dans Athénée, Deipno- 
soph., 700. La mention des 
torches, XotfnràSeç, dans ce 
passage de l'Évangile, per- 
met d'affirmer qu'ici les <pa- 
vot sont bien des lanternes, 
conformément à la traduc- 
tion de la Vulgate. Les lan- 
ternes paraissent avoir été en 
usage chez les Égyptiens 
(flg. 35). En tout cas, elles 
étaient bien connues à l'épo- 
que romaine. Cf. Rich, Dict. 
des Antiq. romaines et grec- 
ques, trad. Chéruel, Paris, 
1873, p. 352. Les lanternes 
étaient employées à bord des 
navires. Cf. Xénophon, Hel- 
len., V, i, 6; Diodore de Si- 
cile, xx, 75; Tite Live, xxix, 
25. On a retrouvé, à Hercu- 
lanum et à Pompéi, des lan- 
ternes de bronze, cylindriques, avec des parois de corne, 
ouvrant seulement par le haut (flg. 36, col. 83). Les sol- 
dats romains de l'Antonia avaient certainement des lan- 
ternes à leur usage. Les Juifs de l'époque évangélique se 
servaient aussi très probablement de lanternes, au moins 
dans le Temple et dans les demeures importantes. Il 




35. — Lanterne égyptienne. 

D'après Wilkinson, Man- 
ners and Customs of 
the ancient Egyptians, 
édit. Birch, t. n, flg. 385. 



n'est donc pas étonnant d'en trouver dans l'escorte noc- 
turne de Judas. H. Lesètre. 

LAODICÈE (grec: AaoStxec'a ; Vulgate : Laodicia), 
ville de Phrygie, située sur la rive gauche du Lycus 
(fig. 37). 

1° Laodicée dans le Nouveau Testament. — 1. Une 
Église chrétienne fut créée dans cette ville dés le temps 
des Apôtres. Saint Paul, Col.,ii, 1, la mentionne comme 
étant étroitement unie à celle de Colosses. Comme 
celle-ci, elle n'avait pas été établie directement pat* 
l'Apôtre; elle était de celles qui « n'avaient pas encore 
vu son visage de chair », mais pour lesquelles il sou- 
tenait « un grand combat ». Col., n, 1. La chrétienté de 
Laodicée avait été très probablement fondée, comme 
celles de Colosses et d'Hiérapolis, par le Golossien Épa- 
phras. Saint Paul nous montre en effet, celui-ci qui avait 
été son disciple, probablement à Éphèse dans l'école de 
Tyrannus, s'occupant avec grande sollicitude des fidèles 
de Laodicée et d'Hiérapolis. Col., IV, 13. Voir Épaphras, 
t. il, col. 1819. Il avait eu pour collaborateur Nymphas 
dans la maison de qui était le lieu de réunion des 
fidèles de Laodicée. Col., iv, 15. Voir Nymphas. En même 
temps qu'il demandait aux Colossiens de communiquer 
à l'Eglise de Laodicée la lettre qu'il leur envoyait, il 
leur recommandait de lire eux-mêmes publiquement 
celle qui leur parviendrait de Laodicée, c'est-à-dire, selon 
toutes les vraisemblances, une lettre que lui-même avait 
écrite ou devait écrire aux Laodicéens. Col., îv, 16. Voir 
Laodicéens (Épitre aux). — 2. L'Église de Laodicée est 
une des sept aux évêques desquelles sont adressées les 
lettres par lesquelles débute l'Apocalypse. Apoc, I, 11. 
La lettre à l'Ange de Laodicée (voir Ange, 8, t. i, 
col. 591) contient des reproches sur sa tiédeur. Son 
amour des richesses l'a aveuglé. Il ne voit pas qu'en 
réalité devant Dieu il est misérable, pauvre, aveugle et 
nu. Il doit acheter du Seigneur : de l'or éprouvé par le 
feu, pour être riche; des vêtements blancs, pour que la 
honte de sa nudité ne paraisse pas et un collyre (voir 
Collyre, t. u, col. 842) pour oindre ses yeux afin de voir. 
En d'autres termes, il faut qu'il ait du zèle et se 
repente. Apoc, ni, 14-21. La première Épîtreà Timothée 
se termine sur un certain nombre de manuscrits grecs 
par ces mots : « écrite à Laodicée, métropole de la 
Phrygie Pacatienne. » La Vulgate n'a pas inséré cette 
mention. 

2° Histoire. — La ville de Laodicée portait originaire- 
ment le nom de Diospolis ou de Rhoas. Pline, H. N., 
V, xxix, 105. Sur le même emplacement, Antiochus II 
Théos établit entre 266 et 246 une des colonies que les 
rois syriens multiplièrent dans leur royaume pour as- 
surer leur domination. Il lui donna le nom de sa temme 
Laodicé. Etienne de Byzance, 1825, 1. 1, p. 272. La popula- 
tion grecque fut toujours très peu nombreuse et ne con- 
sista guère que dans les ionctionnaires et la garnison; 
les habitants restèrent en immense majorité syriens. La 
principale divinité de la ville est désignée sous le nom 
de Zsjç 'A<reîç. Le mot Aseis ne paraît être autre chose 
que la transcription grecque d'un mot sémitique, Aziz, 
qui signifie puissant et qui est traduit dans les inscrip- 
tioBa de Laodicée par û^iaxo;. C. Waddington, Voyage 
en Asie Mineure au point de vue numismatique, in-4°, 
Paris, 1853, p. 25-26 ; W. Ramsay , The Cities and Bishop- 
rics of Phrygia, in-4°, Oxford, 1895, p. 78, insc. 14. La 
ville de Laodicée était située sur un des contreforts des 
monts Salbacus, sur la rive gauche du Lycus, entre 
l'Asopus et le mont Cad m us. Le territoire de la cité 
s'étendait entre le Lycus et le Caprus. Laodicée était 
donc sur la frontière de la Carie donl le Caprus formait 
la limite. Pline, H. N., V, xxix, 118; Strabon, XII, 
vm, 16. La ville fit partie des États d'Eumène, roi de 
Pergame; elle souffrit beaucoup durant la guerre de 
Mithridate contre les Romains. Appién, Bell. Mithr., 20; 



83 



LAODICÉE 



84 



Strabon, XII, vin, 16; mais elle recouvra bien vite, 
sous la domination romaine, une prospérité qui alla se 
développant. Strabon tait dater sa splendeur de son 
propre temps, c'est-à-dire de la fin du premier siècle 
avant J.-C. A celte époque, en effet, Laodicée devint 
une des villes les plus importantes de l'Asie mineure 



également renommées. Talmud, Kelim, xxix, 1 ; NitMa, 
vm, 1. Cf. Buchenschûtz, Die Haupstàtten des Gewerh- 
fleisses im klassichen Altertlmm, Leipzig, in-8°, 1869, 
p. 61, 65; Blûmner, Technologie und Terminologie 
der Gewerbe und Kûnste bei Greichen und Rômern. 
in-8», Leipzig, 1875-1884, p. 26-28. Il est encore 







*&>&■ 



80. — Lanternes romaines trouvées à Herculanum et à Pompéi. D'après une photographie. 



par ses richesses et son commerce. Les environs pro- 
duisaient une race de moutons dont la laine était très 




37. — Monnaie de Laodicée de Phrygie. 
ÏÏEPQN KAIEAP. Tête de Néron jeune, à droite. Grénetis au pour- 
tour. — 3. TAIOE nOETOMOr AAOAIKEQN. Jupiter debout à 
gauche. Dans le champ, la lettre B dans une couronne. 

recherchée à cause de sa finesse et de leur belle teinte 
noire qu'on appelait coraccine, ou noir de corbeau. 
Strabon, XII, vm, 16. Les sandales de Laodicée étaient 



question de ces produits dans l'édit de Dioclétien sur le 
maximum. Le Bas et Waddington, Voyage archéologique 
en Asie Mineure, in-f°, Paris, 1847-1863, t. m, p. 164, 
174. 

Un certain nombre d'habitants de Laodicée étaient 
parvenus à une très grande richesse, avaient embelli leur 
ville et lui avaient légué des sommes considérables. 
Parmi ces citoyens opulents et généreux, Strabon cite 
Hieron, Zenon et son fils Polémon qu'Antoine etAuguste 
élevèrent à la dignité royale et à qui furent attribués le 
Pont qui porta le nom de Polémoniaque, l'Arménie et 
la côte autour de Trébizonde. Voir Dion Cassius, xlix, 
25, 33, 34; cf. Th.Mommsen et J. Marquardt, Manuel 
des Antiquités romaines, t. ix (.T. Marquardt, Organi- 
sation de l'Empire romain, t. n), trad. franc., in-8°, 
Paris, 1892. p. 279. De nombreux banquiers étaient 
établis à Laodicée. Cicéron, Ad. fam., ni, 5; cf. h, 17. 
Cette prospérité de la ville explique la nature des 
reproches que saint Jean adresse à l'évêque de Laodicée 



85 



LAODICÉE — LAODICÉENS (ÉPITRE AUX) 



80 



et des conseils qu'il lui donne : « Achète-moi l'or 
éprouvé par le feu, » par opposition à l'or qu'on trouve 
chez les banquiers. Apoc., in, 17, 18. 

Laodicée avait reçu de Rome le privilège de ville 
libre. Corpus inscript, latin., t. I, n. 587. Le district 
judiciaire ou conventus dont elle faisait partie, quoique 
appartenant à la province d'Asie, en avait été détaché 
du temps de Cicéron et soumis au gouverneur de 
Cilicie. Cicéron, Ad. fam., xm, 67, 1. Les vingt-cinq 
cités du conventus se réunissaient à Laodicée où se te- 
naient les assises judiciaires. Pline, H. N.,V, xxiv, 105; 
Cicéron, Ad. Attic., V., 21, 9; Ad famil., III, vin, 5; 
XV, iv, 2. Toute cette région était fréquemment boule- 
versée par des tremblements de terre. Celui qui eut 
lieu en 60 après J.-C., sous le règne de Néron, fut 



the East and sonie others countries, Londres, 1745, 
t. il, part, il, p. 71 ; Chandler. Travels in Asia Minor, 
in-8», Oxford, 1775, p. 224; F. V. Arundell, A visit to 
the seven Churches in Asia, in-S°, Londres, 1828, p. 84; 
Id., Dixcoveries in Asia Minor v in-8", Londres, 1834, 
t. Il, p. 180; W. J. Hamilton, Researches in Asia Minor, 
in-8", Londres, 1842, t. i, p. 514; W. Ramsay, The Cities 
and Bishoprics of Phrygia, in-4», Oxford, 1895, t. I, 
p. 32-84; J. B. Lightfoot, Epistles to the Colossians and 
to Philemon, 3 e édit., in-8», Londres, 1879, p. 5-9, 42-43; 
E. Le Camus, Voyage aux Sept Églises de l'Apocalypse, 
in-4°, Paris, 1896, p. 196-202; Anderson, dans le Jour- 
nal of Hellenic Studies, 1897, p. 404; Weber, dans le 
Jarhrbuch des k. deutschen arcliâologischen Instituts, 
t. xm, 1898, p. 1. E. Beurlier. 




38. — Ruines de Laodicée. D'après une photographie de M. H. Camboumac. 



l'un des plus terribles; mais les désastres qu'il pro- 
duisit turent vite réparés, Strabon, ibid.; Tacite, Ann., 
xiv, 27. 

Il y avait à Laodicée une colonie juive considérable. 
Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 20, publia une lettre des 
autorités de Laodicée à un magistrat romain, probable- 
ment le proconsul d'Asie, dans laquelle ils s'engagent à 
ne pas troubler les Juifs dans l'observance du sabbat et 
4e leurs usages religieux. Les Juifs de Laodicée 
envoyaient régulièrement leur tribut au temple de 
Jérusalem. Le proconsul Flaccus, durant son adminis- 
tration en 62 avant J.-C., confisqua ce tribut qui pour 
Laodicée s'élevait à vingt livres d'or. Cicéron, Pro 
Flacco, xxviii. — Certains auteurs font d'Archippe, 
dont il est question dans Col., iv, 17, et de Nymphas, 
Col., iv, 15, les premiers évêques de Laodicée. Voir Ar- 
chippe, t. m, col. 932, et Nymphas. Diotrèphe, III Joa., 
9, aurait été le troisième, mais cela n'est pas prouvé. 

3» Site. — Le site de Laodicée a été souvent décrit 
par les voyageurs. Ils signalent parmi les ruines qui 
subsistent celles d'un stade, d'un gymnase, d'un aque- 
duc, de théâtres, d'odéons, de temples, et enfin celles 
des murailles de la ville (fig. 38). La plus ancienne des- 
cription est celle de Smith, Survey of seven churches 
of Asia, in-8°, 1678, p. 250. Cf. Pococke, Description of 



LAODICÉENS (ÉPITRE AUX). A la fin de l'Épitre 
aux Colossiens, saint Paul exhorte ceux-ci à envoyer aux 
Laodicéens la lettre qu'il leur adresse et à lire celle qui 
leur viendra de Laodicée. Col., iv, 16. S'agit-il d'une 
lettre de l'Apôtre aux Laodicéens ou d'une lettre des 
Laodicéens à l'Apôtre? il est difficile de le dire, Winer, 
Grammatik des Neutestamentlich Sprachidioms, in-8». 
Leipzig, 1830, p. 434, pense ^qu'il s'agit d'une lettre 
écrite aux Laodicéens et envoyée de Laodicée à Colosses. 
En effet s'il agit d'une lettre des Laodicéens à saint Paul, 
il aurait fallu que celui-ci l'envoyât aux Colossiens. De 
plus, on se demande à quoi eût pu servir cette lettre aux 
Colossiens? A cette question ceux qui prétendent qu'il 
s'agit d'une lettre de saint Paul répondent qu'elle pouvait 
contenir des renseignements qui auraient amené 
l'Apôtre à écrire certains passages de son Epltre aux 
Colossiens et qu'à cause de cela il leur dit de la lire 
après qu'ils auront lu celle qu'il leur adresse. Ce sont 
là de pures hypothèses, et le plus vraisemblable est qu'il 
s'agit d'une lettre de saint Paul aux Laodicéens. Un 
grand nombre d'auteurs pensent que l'Épitre aux Laodi- 
céens était la même que l'Épitre aux Éphésiens. — 
Celle-ci, en effet, est une sorte d'encyclique et, si elle 
porte dans le recueil canonique le nom d'Éphèse, c'est 
qu'elle a été copiée d'après l'exemplaire conservé dans 



87 



LAODICÉENS (ÉPITRE AUX) — LAPIDATION 



cette ville, métropole de l'Asie. Marcion prétendait qu'il 
iallait lire en tête de la lettre : Ad Laodicaros. Il est 
possible que ce fût une simple conjecture de sa part. 
Tertullien, Adv. Marcionem, v, 11, 17, P. L., t. n, 
col. 500-502. Cf. S. Épiphane, Hier., xliii, 9, t. xli, 
col. 708, el t. xlviii, col. 721; E. Jacquier, HistQire des 
Livres du Nouveau Testament, in-18, Paris, 1903, t. i, 
p. 286, 289; Éphésiens (Épitre aux), t. n, col. 1849-1851. 
— Il existe une épître apocryphe qui porte le nom 
d'Êpître aux Laodicéens et dont on n'a qu'une version 
latine et une version arabe faite d'après le latin. C'est 
un centon de passages empruntés à l'Epltre aux Galates 
et à l'Epître aux Éphésiens. Le texte arabe a été publié 
dans la Revue biblique, 1896, p. 221. Voir ÉpitbES apo- 
cryphes, 7, t. il, col. 1899. Cf. R. Anger, Ueber den Lao- 
dicenerbrief, in-8°, Leipzig, 1843; A. Sartori, Ueber den 
Laodicenserbrief, in-8", Lûbeck, 1853. 

E. Beurlier. 

LAOMIM (hébreu: Le'ummîm, « peuples; » Sep- 
tante: Aa<i>[US(i); nom ethnique du troisième fils de Da- 
dan. Il était petit-fils de Jecsan et arriére-petit-fils d'Abra- 
ham et de Cétura. La Vulgate écrit son nom Loomim 
dans Gen., xxv, 3, et Laomim dans I Par., i, 32. L'hé- 
breu et l'édition sixtine des Seplante omettent Laomim 
et ses deux frères dans I Par. La forme plurielle du nom 
semble désigner la tribu ou les tribus dont Laomim a 
été la souche. Laomim, dit saint Jérôme, Quœst. heb. 
in Gen., xxv, t. xxm, col. 976, cfiXapyoi, id est, principes 
multarum tribuum et populorwm. — Les Laomim n'ont 
pas été jusqu'ici identifiés. Voir Arabie, 1. 1, col. 860. On 
à rapproché hypothétiquement leur nom de divers noms 
géographiques, tels que celui des 'A».o-j|AiwTçts de Pto- 
lémée, vi, 7, 24, qui étaient voisins des Gerrhéens (Ge- 
senius, Thésaurus, p. 737), en supposant Le'ummîm 
précédé de l'article arabe al. On l'a rapproché aussi de 
Aou|xâ, ville de l'Arabie déserte mentionnée dans Pto- 
lémée, vj-19. Voir Ch. Forster, The historical Geogra- 
phy of Arabia, 2 in-8», Londres, 1844, t. i, p. 335-336. 
D'après Fresnel, les Le'ummîm ne sont pas autres 
que les Oumayyîm, leur nom étant précédé de l'ar- 
ticle dans la forme hébraïque. Les Oumayyîm sont 
une des plus anciennes tribus arabes, dont la généa- 
logie est inconnue aux plus anciens écrivains du pays. 
Sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, dans 
le Journal asiatique, 3 e série, t. vi, 1838, p. 217-218. On 
a trouvé dans une inscription sabéenne un nom qui 
ressemble à celui des Le'ummîm. D. S. Margoliouth 
dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. m, p. 99. Ed. 
Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie A rabiens, 
t. n, 1890, p. 460, place les Laomim dans la péninsule du 
Sinaï, et il fait, p. 401, la remarque qu'un certain Ahiya- 
baba, dont il est question dans une inscription d'Assur- 
nasirhabal, i, 75, pouvait appartenir à la tribu des Lao- 
mim, car il est appelé mârlaam-man, « homme de 
Lâamman. » Steiner, dans Schenkel, Bibel-Lexicon, 
t. iv, 1872, p. 29, émetl'hypothèsequele moi Le'ummîm 
est un nom d'artisans et signifie s soudeurs de métaux ». 
Frd. Keil, Genesis, 2 e édit., 1866, p. 174, identifie les 
Le'ummîm avec les BanuLâm qui s'étendaient jusqu'à 
Babylone et à la Mésopotamie. Une telle diversité d'opi- 
nions montre que la question n'est pas résolue. 

F. Vigodrocx. 

LA PEYRIÈRE (Isaac de), érudit français, né à 
Bordeaux eu 1594, mort à Paris le 30 janvier 1676. Il 
suivit d'abord la carrière des armes et s'attacha à la 
fortune du prince de Condé qui le chargea d'une mission 
particulière en Espagne; il l'accompagna ensuite dans les 
Pays-Bas. Ce fut en Hollande que Isaac de la Peyrière fit 
paraître sans nom d'auteur son fameux livre : Prœada- 
fiiitse sive exercitatio super versibus 12, 13 et 14 capi- 
tis v Epistolse D. Pauli ad Romanos quibus indicantur 
primi homines anle Adamum condili, in-4», s. 1., 
1655; in-12, s. 1., 1656. D'après l'auteur, il y eut deux créa- 



tions, l'une du monde physique, l'autre pour le peuple 
juif dont Adam fut le chef. Certaines nations sont plus 
anciennes qu'Adam. Le déluge ne submergea que la 
Judée et n'engloutit pas tous les hommes à l'exception 
de Noé et de sa famille. Le parlement de Paris condamna 
le livre au feu etl'archevéque de Malines fit arrêter l'auteur 
à Bruxelles. Mis en liberté, il se rendit à Rome, rétracta 
ses erreurs et abjura le calvinisme. Il rejoignit ensuite 
le prince de Condé dans les Pays-Bas, rentra en France 
avec lui et devint son bibliothécaire en 1659. Il se retira 
au séminaire de Notre-Dame-des-Vertus, près de Paris, 
où il mourut. Nous citerons encore les ouvrages suivants 
d'Isaac de la Peyrière : Traité du rappel des Juifs, 
in-8», Paris, 1643: tous les Juifs finiront par se convertir 
et un roi de France les rétablira en Terre-Sainte; Sys- 
tetna theologicum exPreeadamitarumhypothesi,in-io, 
s. 1., 1655; Epislola ad Philotitnum qua exponit rationes 
propter quas ejuravit sectam Calviniquamprofitebatur 
et librum de Prseadamitis quem ediderat, in-4°, 
Rome, 1657 : une traduction française en a été publiée 
sous le titre : Apologie delà Peyrière faitepar lui-même, 
in-12, Paris, 1663. 11 était en outre l'auteur des notes de 
la Bible française de l'abbé de Marolles dont l'impression 
fut arrêtée par ordre du chancelier Pierre Séguier. — 
Voir Lelong, Bibliolh. sacra, p. 332; Walch, Biblioth. 
theologica, t. I, p. 755, 756. B. Hedrtebize. 

LAPIDATION, supplice infligé à certains coupables 
que l'on tuait à coups de pierres. Le nom de la lapida- 
tion ne se lit pas dans la Sainte Écriture; on n'y ren- 
contre que les verbes qui signifient « lapider », sâqal 
et rdgam, auxquels s'ajoute quelquefois le complément 
bâ'ébén, « avec la pierre, » ou bâ'âbdnîm, • « avec des 
pierres. » Septante : XiOoêoXecv, XiOâÇeiv ; Vulgate : 
lapidare. 

I. La lapidation populaire. — Quand le peuple entre 
en fureur contre quelqu'un qui l'offense ou le contrarie, 
il cherche à le frapper. Chacun saisit alors ce qui se 
rencontre le plus facilement sous la main : des pierres; 
il les jette de loin ou de près contre celui qui a excité 
sa colère, et souvent arrive ainsi à le mettre à mort. 
Cf. Thucydide, v, 60; Pausanias, Vm, 5, 8; Elien, Var. 
kist.j v, 19 ; Strabon, m, 155; Ctésias, Persic, 43; 
Quinte-Curce, vi, 11, 38. La Sainte Écriture fournil un 
certain nombre d'exemples de ce genre d'exécutions : 
1° Quand le Pharaon d'Egypte permet à Moïse et à Aaron 
d'offrir des sacrifices à leur Dieu, mais dans le pays 
même et non dans le désert, Moïse objecte que les Égyp- 
tiens seront tentés de lapider les sacrificateurs en les 
voyant immoler des animaux que l'on vénère sur les 
bords du Nil. Exod., vin, 26. Dans les monuments et 
les textes égyptiens jusqu'ici connus, il n'est jamais 
question de lapidation. Il est donc probable que dansca 
passage, sâqal signifie simplement « tuer, faire mourir 
de mort violente ». — A Raphidim, quand le peuple se 
révolte contre Moïse, celui-ci dit au Seigneur : « Encore 
un peu et ils me lapideront. » Exod., xvn, 4. De fait, 
dans une nouvelle révolte au désert, les Hébreux par- 
lèrent de lapider Moïse et Aaron. Num., xiv,10. — 2» Les 
habitants de Siceleg songèrent à lapider David, auquel 
ils attribuaient la responsabilité des ravages exercés dans 
leur pays par les Amalécites. I Reg., xxx, 6. Pendant sa, 
fuite devant Absalom, David fut poursuivi par Séméï, qui 
l'injuriait et lui jetait des pierres. II Reg., xvi, 6, 13. 
Adoniram (Aduram), intendant des impôts sous David et 
sous Salomon, fut lapidé par les hommes des dix tribus 
révoltées, auxquelles Roboam l'avait envoyé. 111 Reg., 
xti, 18; II Par., x, 18. Voir Adoniram, t. i, col. 227. — 
3» La lapidation était encore familière aux Juifs à l'époque 
évangélique. Josèphe, Ant. jud., XIV, n, 1, raconte que 
quelques années auparavant, sous Aristobule II, ua 
saint homme, du nom d'Onias, avait été lapidé à Jéru- 
salem par des Juifs révoltés, dont il ne voulait pas épou- 



89 



LAPIDATION 



90 



ser la cause. Les contemporains du Sauveur tentèrent 
plusieurs fois de le lapider dans le Temple. Joa., vin, 
59; x, 31, 33; xi, 8. Les docteurs eux-mêmes craignirent 
d'être lapidés dans le Temple par le peuple, s'ils 
disaient que le baptême de Jean venait des hommes et 
non de Dieu. Luc, xx, 6. Ce Temple, dont Hérode avait 
commencé la restauration en l'an 19 avant Jésus-Christ, 
ne fut complètement achevé que sous Agrippa II, l'an 
64 après Jésus-Christ. Cet achèvement, au dire de 
Josèphe, Ant. jud., XX, ix, 7, laissa plus de dix-huit 
mille ouvriers inoccupés. On comprend que les déchets 
d'appareillage et de sculpture aient mis longtemps aux 
mains des Juiis toutes les pierres qu'ils pouvaient désirer 
pour lapider quelqu'un dans le Temple même. Sous 
Archélaûs, au cours d'une émeute qui avait eu lieu dans 
l'édifice sacré contre la garnison de l'Antonia, un grand 
nombre de soldats avaient été lapidés. Josèphe, Ant. 
jud., XVII, ix, 3; Bell, jud., II, i, 3. — 4» Quand les 
Apôtres, délivrés de prison par un ange, se remirent à 
prêcher dans le Temple, le chef des gardes vint les 
reprendre, mais sans violence, parce qu'il avait peur 
d'être lapidé par le peuple. Act., v, 26. — 5° La lapida- 
tion de saint Etienne fut une exécution populaire à 
laquelle les Juifs s'efforcèrent de donner des apparences 
légales. Act., vu, 57, 58. Voir Etienne, t. n, col. 2035. 

— 6" Paul et Barnabe faillirent être lapidés à Ico- 
nium. Act., xiv, 5. Paul le fut réellement à Lystres par 
des Juifs, qui le crurent mort. Act., xiv, 18; II Cor., 
xi, 25. 

II. La lapidation judiciaire. — i. la législation. — 
La lapidation était la peine capitale la plus ordinairement 
appliquée chez les Hébreux. On croit que quand la loi 
portait la peine de mort, il s'agissait toujours de la mort 
par lapidation, si quelque autre supplice n'était indiqué. 
Lev., xx, 2-27. La loi indique les différents crimes qui 
la méritaient : 1° L'idolâtrie. Deut., XIII, 10; xvii, 5. — 
2» La consécration des enfants à Moloch. Lev., xx, 2. — 
3» Le blasphème. Lev., xxiv, 14. — 4° La divination. 
Lev., xx, 27. — 5° La fausse prophétie, c'est-à-dire la 
prétention injustifiée de parler au nom de Dieu. Deut., 
xiii, 5. — 6° La transgression du sabbat. Num., xv, 35. 

— 7° L'indocilité opiniâtre d'un enfant à l'égard de ses 
parents. Deut., xxi, 21. — 8° L'adultère. Deut.j xxn, 22- 
24. — 9° La fornication de la jeune fille. Deut., xxn, 21. 
Les Juifs comptaient dix-huit cas passibles de la lapida- 
tion : trois cas d'inceste, la sodomie, deux cas de bes- 
tialité, l'adultère, le blasphème, l'idolâtrie, l'offrande des 
enfants à Moloch, la pythomancie, la divination, la 
magie, la propagande publique et la propagande privée 
en faveur de l'apostasie, la profanation du sabbat, la 
malédiction contre les parents et, enfin, l'indocilité opi- 
niâtre envers eux. Iken, Antiquitates hebraicx, Brème, 
1741, p. 424. Ces dix-huit cas ne font que reproduire 
ou appliquer les prescriptions de la loi mosaïque. — 
En dehors de ces cas généraux, la lapidation dut être 
infligée à tout homme et à tout animal qui toucherait le 
Sinaî, au delà des limites marquées, pendant que Moïse 
y était en colloque avec Dieu. Exod., xix, 12, 13; Heb., 
xii, 20. Quand un bœuf tuait quelqu'un à coups de cornes, 
il fallait le lapider et il était défendu de manger sa 
chair. Exod., xxi, 28. 

II. application DE LA loi. — 1° Au désert, le fils d'une 
Israélite et d'un Égyptien blasphéma et maudit le nom 
de Dieu. Sur l'ordre de Moïse, on le fit sortir du camp, 
les témoins posèrent la main sur sa tête et ensuite 
toute l'assemblée le lapida. Lev., xxiv, 10-14. — 2° Un 
Israélite fut surpris à ramasser du bois le jour du sabbat; 
toute l'assemblée le lapida encore hors du camp. Num., 
xv, 32-36. — 3° Après la prise de Jéricho, Achan, de 
la tribu de Juda, se permit de prendre pour lui quelques 
objets de valeur, alors que la ville, avec tout ce qu'elle 
renfermait, avait été youée à l'anathème. Sur l'ordre de 
Josué, il lut lapidé, et tout ce qui lui appartenait dut 



être consumé par le feu. Jos., VII, 24, 25. Voir Achan, 
t. i, col. 128-130. — 4" Pour se débarrasser de Naboth, 
Jézabel le fit accuser par deux faux témoins d'avoir 
maudit Dieu et le roi. En conséquence, le malheureux 
fut condamné, conduit hors de la ville et lapidé. III Reg., 
xxi, 10-14. — 5° Après la mort du grand-prêtre Joïada, 
son fils, Zacharie, reprocha au peuple ses transgressions 
et le menaça de la colère divine. Le roi Joas, circonvenu 
par des conseillers impies, fit lapider Zacharie dans le 
parvis même du Temple. II Par., xxiv, 21. Cette odieuse 
exécution laissa de profondes traces dans les souvenirs 
du peuple de Dieu. Notre-Seigneur la rappela dans sa 
parabole des vignerons homicides, Matth., xxi, 35, et 
dans ses reproches à Jérusalem infidèle à toutes les 
grâces de Dieu. Matth., xxm, 37; Luc, xiii, 34; cf. Heb., 
xi, 37. — 6° Un jour, des scribes et des pharisiens ame- 
nèrent à Notre-Seigneur une femme surprise en adul- 
tère et lui demandèrent s'il fallait la lapider, conformé- 
ment à la loi de Moïse. Joa., vm, 4, 5. Cette demande, 
à elle seule, prouvait déjà que la loi invoquée n'était 
plus appliquée; d'ailleurs, depuis l'occupation romaine, 
les Juifs ne pouvaient plus exécuter aucune sentence de 
mort, le procurateur ayant seul le droit de condamner 
à la peine capitale et de la faire exécuter. Ézéchiel vise 
la loi contre l'adultère, quand il dit que Jérusalem 3t 
Samarie seront lapidées l'une et l'autre, c'est-à-dire 
ruinées par les ennemis du dehors, à cause de leur 
idolâtrie qui constitue une infidélité, semblable à l'adul- 
tère, à l'égard du Seigneur. Ezech., xvi, 40; XXIII, 47. 
— 7° D'après la Vulgate, Eccli., xxn, 1, 2, le paresseux 
est lapidé avec une pierre souillée et de la bouse de 
bœufs, pour marquer tout le dégoût qu'inspire sa 
paresse. Dans les Septante, il est dit seulement qu'il est 
semblable à ces deux objets. Il est probable que le tra- 
ducteur latin a lu dans le texte primitif un verbe comme 
mâial, « assimiler, » au lieu de sâqal, « lapider, » ou 
dans le texte grec, xaTegXïjOï], « il a été jeté à bas, » au 
lieu de <ruveëXi^6ri, « il a été comparé. » 

m. LE MODE d'exécution. — 1° La Sainte Écriture n'in- 
dique que quelques-unes des conditions dans lesquelles 
on lapidait les coupables. L'exécution se faisait hors du 
camp ou de la ville. Lev., xxiv, 14, 25; Num., xv, 36; 
III Reg., xxi, 10, 13; Act., vu, 57. Les témoins devaient 
jeter les premières pierres, puis le peuple achevait le 
supplice. Lev., xxiv, 14; Deut., xiii, 9; xvn, 7; Joa., 
vm, 7. On pouvait ensuite suspendre le cadavre à un 
poteau, mais il fallait l'en détacher et l'inhumer avant la 
nuit. Deut., xxi, 23; cf. Jos., x, 26. — 2» La tradition 
juive est plus explicite; Quand le condamné était arrivé 
à quatre coudées du lieu du supplice, on le dépouillait 
de ses vêtements, ne laissant aux hommes qu'un caleçon 
et aux femmes que le vêtement de dessous. On choisis- 
sait, pour l'exécution, un endroit au bas duquel il y eût 
à pic une dépression ayant deux fois la hauteur d'un 
homme; au besoin, on construisait un échafaud dans 
ces conditions. Le condamné y montait, accompagné des 
deux principaux témoins du crime. Là, on lui liait les 
mains, de manière qu'il ne pût s'en servir pour atté- 
nuer l'effet de sa chute, et le premier témoin le poussait 
par le milieu du corps. Le malheureux tombait ainsi 
sur la tête ou sur le dos. Si cette chute amenait la mort, 
on s'en tenait là. S'il en était autrement, le second 
témoin saisissait, avec l'aide du premier quand c'était 
nécessaire, une grosse pierre constituant à peu près la 
charge de deux hommes, et la laissait tomber sur la 
poitrine ou sur la tête du coupable. Si ce dernier sur- 
vivait, le peuple intervenait alors pour l'achever à coups 
de pierres. Voilà pourquoi on profitait, pour procéder 
à ces exécutions, des fêtes à l'occasion desquelles le 
peuple se rassemblait. Quand ensuite il avait été ordonné 
d'attacher le cadavre au poteau, « pour qu'il fût vu de 
tous, » Josèphe, Ant. jud., IV, vm, 24, on l'y suspendait 
par les mains, le visage tourné en avant pour les 



91 



LAPIDATION — LARME 



92 



hommes et du côté du poteau pour les femmes. Le 
cadavre ne pouvait être inhumé dans le sépulcre de 
famille, mais dans un lieu ordinairement désigné par 
le sanhédrin. On enterrait près de lui la pierre qui lui 
avait donné le coup fatal et qui ne pouvait plus désor- 
mais servir convenablement à un autre usage. Enfin, il 
était défendu de porter le deuil du supplicié. Cf. Sanhé- 
drin, iv, 4; vi, 1-5; Iken, Antiq. hebraic, p. 423; 
Fr. Baringius, De 7tapa5eifiiaTicr|jiâ sponsm adultérée, 
24, 25, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, 
t. ii, p. 103, 104; F. S. Ring, De lapidatione Hebrœorum, 
Francfort, 1716. Dans la lapidation de saint Etienne, il 
semblé que l'on ait suivi au moins l'essentiel de ces 
règles; dans les lapidations populaires, les assistants, 
sous l'empire de la colère, se contentaient d'atteindre 
leur victime avec les traits qu'ils avaient sous la main. 
Comme la précipitation était le prélude ordinaire de la 
lapidation, il ne serait pas impossible que les gens de 
Nazareth, en cherchant à précipiter Notre-Seigneur du 
haut d'un rocher, aient eu l'intention de le lapider 
ensuite comme blasphémateur. Luc, iv, 29. 

Tï I , Pt:Ê* , rTiTr 

LAPIDE (CORNÉLIUS A). Voir Cornélius a La- 
pide, t. ii, col. 1014. 

LAPIDOTH (hébreu : Lappidôf, « torches; » Sep- 
tante : Aaqji8<&8), époux de la prophétesse Débora. 
Jud., iv, 4. On ne connaît que son nom, mais c'est sans 
raisqn qu'on a contesté son existence et qu'on a voulu 
l'entendre, soit d'un nom de lieu, soit d'un qualificatif 
de Débora qui aurait été « une femme d'éclat 9, d'après 
les uns, une marchande de lampes ou de torches, ou 
bien chargée de l'entretien des lampes du sanctuaire, 
d'après les autres. Voir Fr. de Hummelauer, Conim. in 
Jud., 1888, p. 93. 

LAPIN, quadrupède du genre lièvre, dont il se dis- 
tingue par une taillé plus petite et par son habitude de 
creuser des terriers pour s'y abriter. Plusieurs auteurs 
ont cru que le lapin est désigné dans la Bible par le 
mot sâfdn. Lev., xi, 5; Deut., xiv, 7. Cette identifica- 
tion est inexacte. Le sâfân est le daman ou chœrogrylle. 
Voir Chœrogr'ïlle, t. h, col. 712-714: Le daman res- 
semble extérieurement au lapin, il est vrai, mais il 
appartient à un genre différent et, au lieu de se terrer, 
il habite dans des trous de rochers. Il n'existe aucune 
espèce de lapins en Arabie et en Palestine, ou du moins 
on ne rencontre que très rarement cet animal dans ce 
dernier pays. Le silence de la Bible indique qu'il en 
était de même autrefois. Tristram, The natural History 
of the Bible, Londres, 1889, p. 75; Chauvet et Isambert, 
Syrie, Palestine, Paris, 1882, p. 94. H. Lesètre. 

LARCIN. Voir Vol. Voleur. 

LARDNER Nathaniel, théologien anglais, né le 
6 juin 1684 à Hawkhurst dans le comté de Kent, mort 
dans la même ville le 24 juillet 1768. Il fit ses premières 
études à Londres et alla les terminer dans les universités 
étrangères. En 1703, il était de retour en Angleterre et 
se consacra entièrement aux travaux théologiques qui 
lui valurent la réputation d'être un des meilleurs théolo- 
giens de son temps. Son principal ouvrage est : Crédi- 
bilité of the Gospel History, 5 in-8», Londres, 1727- 
1743, réfutation des objections soulevées contre l'authen- 
ticité desÉvangiles. Toutefois ses doctrines le rapprochent 
beaucoup des sociniens. Ses œuvres ont été réunies et 
publiées en 11 in-8°, Londres, 1788, par Kippis, qui les a 
fait précéder d'une vie de N. Lardner, — Voir Kippis, 
Life of Nat. Lardner, in-8°, Londres, 1788; Memoirs 
of the Life and Writings of the late Rev. N. Lardner, 
in-8», Londres, 1769 ; Walch, Biblioth. theolog., t. i, 
p. 797, 841; t. n, p. 492. B. Heurtebke. 



LARGEUR (Vulgate : Lalitudo), nom d'un puits. 
Gen., xxvi, 22. La Vulgate traduit ainsi le nom d'un 
puits, appelé en hébreu Rehoboth, et creusé par les 
gens d'Isaac. Voir Rehoboth. 

1. LARME (hébreu : bâkût, bekîf, bêkéh, bekî, 
dim'âh, marzêah; Septante : Sâxpu, Bâxpuov; Vulgate : 
lacryma,fletus,ploratus), goutte limpide et transparente, 
de saveur amère, sécrétée par la glande lacrymale et 
s'échappant de l'œil sous l'action d'excitations diverses. 
Quelquefois, l'excitation est purement physique, comme 
un coup donné sur l'œil, Eccli., xxii, 24, le contact de 
la fumée. Prov., x, 26, etc. Le plus souvent, cette exci- 
tation provient du système nerveux ébranlé plus ou 
moins fortement par une sensation ou uu sentiment. 
Les larmes coulent ordinairement avec quelque abon- 
dance. Verser des larmes ou pleurer s'exprime par les 
verbes suivants : hébreu : bâkâh, dâlaf, ddma' ;Sep- 
tante : Saxp-Sw, xXaiM, UTaïw; Vulgate : lacrymari, 
ftere, plorare. 

I. Causes des larmes. — Il est très souvent parlé dans 
la Sainte Écriture de personnes qui pleurent. Leurs 
larmes sont excitées par des causes assez* différentes. 
Voici les principales. 1" La mort de quelqu'un qu'on 
aime. On pleure la mort de Sara, Gen., xxm, 2, de 
Joseph qui passe pour avoir été dévoré, Gen., xxxvn, 
35, de Jacob, Gen., L, 11, 17, de Moïse, Deut, xxxrv, 8, 
de Saùl, II Reg., i, 24, d'Amnon, II Reg., xm, 36, d'Ab- 
salom, II Reg., xix, 1, du jeune homme de Naïm, Luc, 
vu, 13, de la fille de Jaïre, Luc, vin, 52, etc. Les dis- 
ciples, Marc, xvi, 10, et Marie-Madeleine, Joa., xx, 11, 
13, 15, pleurent la mort du Sauveur. Rachel pleure ses 
enfants qui ne sont plus. Jer., xxxi, 15; Matlh., ii, 18. 
En beaucoup d'autres passages, il est parlé des larmes 
que la douleur fait verser au sujet des morts. Deut., 
xxi, 13; Job, xxvn, 15; Ps. lxxviii (lxxvii), 64; Jer., 
xvi, 5, 6; xxn, 10; Ezech., xxiv, 16; Eccli., xxii, 10; 
xxxvih, 16; II Mach., iv, 37; Act., ix, 39, etc. Voir 
Deuil, t. ti, col. 1397. Il y avait même des personnes 
qui faisaient métier de pleurer aux funérailles. Marc, 
v, 38. Voir Pleureuses. — 2" Les malheurs publics. 
Les malheurs futurs ou passés d'Israël excitent les pleurs 
des prophètes ou du peuple lui-même. Lev.; x, 6; Num., 
xxv, 6; Is., xxn, 4; Jer., m, 21; îx, 1, 18; xm, 17; 
xiv, 17; Lam., i, 2, 16; n, 18; Joël, n, 12; Mich., i, 
10; Zach., vit, 3; I Reg., xi, 5; Judith, vi, 14, 16; 
vu, 18, 22; xiv, 14; I Esd., m, 13; x, 1, etc. Ces 
larmes seront séchées quand Dieu restaurera son peuple. 
Is., xxv, 8; xxx, 19, Jer., xxxt, 16. Les peuples étran- 
gers ont aussi à pleurer leurs malheurs. Sap., xvm, 10 ; 
Is., xv, 3; xvi, 9; Ezech., xxvn, 31. Aux derniers 
jours, on pleurera sur la ruine de la grande Babylone. 
Apoc, xvm, 9, 11, 19. — 3" Les épreuves particulières. 
Agar pleure à la vue de son enfant qui va mourir. 
Gen., xxi, 16. La fille de Jephté pleure sa jeunesse qui 
va être sacrifiée. Jud., xi, 37. Job, xvi, 17, verse des 
larmes à cause des maux qui le frappent. Les crimes 
d'Absalom font pleurer ceux qui en sont les témoins 
ou les victimes. II Reg., xm, 36; xv, 23, 30. Ézé- 
chias pleure dans sa maladie à cause de l'issue 
fatale qu'il redoute. IV Reg., xx, 3, 5; Is., xxxvih, 3, 5. 
La mère de Tobie ne cesse de verser des larmes en atten- 
dant le retour de son fils. Tob., x, 4. Esther et les Juifs 
du royaume de Perse pleurent en songeant aux 
épreuves qui les menacent. Esth., iv, 3; xiv, 2. Les 
pleurs sont le lot de tous les affligés. Eccle., rv, 1; 
Ps. cxxxvii (cxxxvi), 1 . Les larmes inondent leur couche, 
Ps. vi, 7, et sont parfois tellement abondantes que Dieu 
pourrait les recueillir dans une outre. Ps. lvi (lv), 9. 
Elles se mêlent au breuvage du malheureux, Ps. en (ci), 
10, et deviennent comme un pain dont il se nourrit. 
Ps. xlii (xli), 4; lxxx (lxxix), 6, C'est Dieu qui essuie 
ces larmes en écartant l'épreuve. Ps. cxvi (cxrv),8 — 



93 



LARME 



LARRON 



94 



4° Les peines de l'enfance. L'enfant pleure en nais- 
sant. Sap., vu, 3. Le petit Moïse pleurait dans son 
berceau sur le Nil. Exod., H, 6. Notre-Seigneur parle 
des enfants qui, dans leurs jeux, disent à leurs compa- 
gnons : « Nous nous sommes lamentés et vous n'avez 
pas pleuré. » Luc, vu, 32. Ces enfants jouent à imiter 
des tunérailles et se plaignent de leurs compagnons qui 
n'entrent pas dans leur rôle. Voir Mo r Le Camus, Les 
enfants de Nazareth, in-8», Paris, 1900, p . 63, 101 . — 5° Les 
ardents désirs. Ésaù pleure en demandant à son père 
une bénédiction comme celle qu'a obtenue Jacob. Gen., 
xxvii, 38. Les Israélites pleurent dans le désert en 
demandant de la viande à manger. Num., xi, 4, 10, 13. 
Saint Jean pleuré, dans sa vision, parce qu'il ne se trouve 
personne pour ouvrir le livre scellé. Apoc, v., 4, 5. 
— 6° L'attendrissement affectueux. Des larmes sont 
versées dans les rencontres de Jacob et de Rachel. 
Gen., xxix, 11, d'Esaù et de Jacob, Gen., xxxm, 4, de 
Joseph et de ses frères, Gen., xlii, 24; xliii, 30; xlv, 2, 
14, 15, de Jacob et de Joseph. Gen., xlvi, 29, etc. Job, 
xxx, 25, a des larmes pour l'infortune. Raguël, Anne et 
Sara versent des larmes en voyant le jeune Tobie. Tob., 
vu, 6, 8, 19. Les femmes de Jérusalem pleurent en 
voyant Jésus conduit à la mort. Luc, xxm, 28. Les 
disciples de saint Paul pleurent en le retrouvant. Act., 
xx, 37; xxi, 13; II Tim., i, 4, et lui-même verse des 
larmes en les rencontrant ou en leur écrivant. Act., xx, 
31; II Cor., n, 4; Phil., m, 18. C'est encore un atten- 
drissement mêlé d'amour et de regrets qui excite les 
pleurs des disciples, Marc, xvi, 10, et de Marie-Made- 
leine, Joa., xx, 11, 13, 15, après la mort du Sauveur. — 
7° Le repentir. Quand il est profond, il est accompagné 
d'une douleur qui se traduit souvent par des larmes. 
Les prêtres doivent pleurer dans le sanctuaire pour 
demander le pardon des péchés du peuple. Joël, n, 17. 
La pécheresse, Luc, vu, 38, 44, et saint Pierre, 
Matth., xxvi, 75; Marc, xiv, 72; Luc, xxii, 62, se re- 
pentent de leurs péchés avec larmes. Saint Paul sert 
Dieu avec humilité et avec larmes, à cause de sa fai- 
blesse et de ses fautes. Act., xx, 19. — 8° La prière. 
La prière instante s'adresse à Dieu avec des larmes, qui 
marquent à la fois l'ardeur du désir, la confiance, 
l'amour et le sentiment que le suppliant a de son indi- 
gnité. Jud., xx, 26; Job, xvi, 21; Ps. vi, 9; xxxix 
(xxxvm), 13; xcv (xciv),6; Bar., i, 5; Mal., n, 13; Tob., 
m, 1, 22; vu, 13; xn, 12; Judith, vu, 22, 23; vm, 14; xin, 
6;'I Esd., x, 1; II Mach., xf, 6; xm; 12; Eccli., xxxv, 18, 
etc. Le père qui demande à Notre-Seigneur la guérisou 
de son fils épileptique supplie avec larmes. Marc, IX, 
23. (Ces larmes ne sont pas mentionnées dans quelques 
manuscrits grecs.) Le don des larmes, signes de dou- 
leur, de désir et d'amour, a été accordé à plusieurs 
saints pour accompagner leurs prières, et probable- 
ment à sainte Madeleine, à saint Paul, peut-être aussi à 
d'autres personnages de l'Ancien ou du Nouveau Testa- 
ment. Cf. Ribet, La mystique divine, Paris, 1879, t. n, 
p. 432-433. — 9° L'hypocrisie. Le méchant semble 
pleurer, mais c'est pour mieux tromper et frapper sa 
victime. Eccli., xn, 16, 18. Par pratique idolâtrique, 
les lemmes de Jérusalem pleurent Adonis (Thammouz). 
Ezech., vm, 14. Voir Thammuz. — 10» Le châtiment 
éternel. Il est accompagné de pleurs et de grincements 
de dents. Matth., vm, 12; xm, 42,50; xxn, 13; xxiv,51; 
xxv, 30; Luc, xm, 28. 

II. Les larmes de Notre-Seigneur. — Les Évangé- 
Iistes ne disent pas que le Sauveur ait jamais ri; mais 
ils racontent qu'en plusieurs circonstances il a pleuré. 
Auprès du tombeau de Lazare, pendant que Madeleine 
pleurait, Joa., XI, 31, 33, Jésus pleura, Joa., XI, 35, et les 
Juils en conclurent qu'il aimait beaucoup Lazare. 11 
pleura encore, le jour de son entrée triomphale à Jé- 
rusalem, lorsqu'en face des murs de la Ville il pensa à 
son infidélité et à sa ruine prochaine. Luc, xix, 41. 



Enfin, dans l'Épitre aux Hébreux, v, 7, il est dit qu'aux 
jours de sa chair il présenta des prières et des suppli- 
cations à grands cris et avec larmes, et mérita ainsi 
d'être exaucé. 

III. Remarques sur les larmes. — 1° Les larmes ne 
coulent pas toujours. Il y a « un temps pour pleurer et 
un temps pour rire ». Eccle., m, 4. « On sème dans les 
larmes, et on moissonne dans l'allégresse. » Ps. cxxvi 
(cxxv), 5. Notre-Seigneur proclame « bienheureux ceux 
qui pleurent, parce qu'ils riront », c'est-à-dire seront 
consolés par la grâce et la récompense éternelle, si 
leurs larmes ont été versées pour Dieu. Luc, VI, 21; 
cf. Matth., v, 5. tandis que « ceux qui rient mainte- 
nant seront dans le deuil et les larmes ». Luc, vi, 25. 
Les disciples pleureront sur la mort du Sauveur, puis 
se réjouiront de le revoir. Joa., xvi, 20. — 2» C'est seu- 
lement dans l'éternité que Dieu essuiera à jamais les 
larmes de ses enfants. Apoc, vu, 17; xxi, 4. En vue de 
cet avenir, saint Paul recommande aux fidèles de 
« pleurer comme ne pleurant pas », c'est-à-dire de mêler 
l'espérance et la joie à leurs larmes. I Cor., vu, 30. En 
attendant, les enfants de Dieu doivent « pleurer avec 
ceux qui pleurent », en compatissant aux maux des 
autres. Eccli., vu, 38; Rom., xn, 15. — 3° Les larmes 
versées ont déterminé le nom de certaines localités. Le 
lieu où Débora, nourrice de Rébecca, fut inhumée sous- 
un chêne, près de Bethel, fut appelé 'attôn bâkô(, êiXavoc 
TtévOouc, quercus fletus, le « chêne des pleurs ». Gen., 
xxxv, 8. Voir Bethel, t. i, col. 1678. — Le mot « larmes » 
entre dans deux noms de lieu. Voir l'article suivant. 

H. Lesètre. 

2. LARMES (LIEU ET VALLÉE DES). 1° Dans la 
Vulgate : Locus flentium sive lacrymarum, « le Lieu 
des pleurants ou des Larmes, » traduit l'hébreu Bokim, 
dans Jud., n, 5. Voir Bokim, t. i, col. 1843. — 2» Vallis 
lacrymorum, « Vallée des Larmes, » Ps. lxxxiii (lxxxiv), 
7, traduit 'Êniéq hab-bâkâ\ Voir Baca, t. I, col. 1372. 

LARRON (Matth., Marc. : Xr^ifa; Luc. : xaxo'jp*roç; 
Vulgate : lalro), malfaiteur qui exerce le brigandage et 
vole les passants à main armée. Voir Voleur. En fran- 
çais, le nom de « larrons » est réservé aux deux crimi- 
nels qui furent crucifiés avec Notre-Seigneur. — 1° Ces 
criminels étaient probablement du même genre que Ba- 
rabbas, bien que moins coupables que ce dernier, qui 
fut mis en parallèle avec le Sauveur pour que le con- 
traste fût plus saisissant, indignât le peuple et le déter- 
minât à réclamer la grâce de Jésus. Voir Barabbas, t. I, 
col. 1443. Les deux malfaiteurs furent conduits au sup- 
plice en même temps que le Sauveur, et dans les mêmes 
conditions que lui, puis crucifiés l'un à sa droite et 
l'autre à sa gauche, pour signifier que celui qui occu- 
pait le milieu méritait la même réprobation que ses 
deux compagnons. Les trois croix étaient probablement 
semblables, comme le suppose le récit légendaire de 
l'invention de la Croix du Sauveur. Voir Croix, t. n, 
col. 1130. Les deux larrons devaient, eux aussi, être atta- 
chés par des clous. Matth., xxvii, 38; Marc, xv, 27, 28; 
Luc, xxm, 33. D'après les deux premiers évangélistes, 
les larrons se mirent l'un et l'autre à insulter le Sau- 
veur, à l'exemple des princes des prêtres et de la foule 
qui entourplflè Calvaire. Matth., xxvn, 44; Marc, xv, 
32. Saint Luc, qui raconte avec plus de détail l'épisode des 
voleurs, rapporte seulement que l'un des deux blasphé- 
mait et disait : « Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même 
et nous » avec toi. Luc, xxm, 39. Pour rendre compte 
de cette divergence apparente, saint Augustin, De consens. 
Evangelisl., m, 53, t. xxxiv, col. 1190, dit que saint Mat- 
thieu et saint Marc parlent des voleurs d'une manière gé- 
nérale, comme dans l'Épître aux Hébreux, si, 33, 37, H 
est marqué que les saints ont fermé la gueule des lions, 
ont été lapidés, etc., quand il ne s'agit que de Daniel, de 
Zacharie, etc. Toutefois, dans l'Évangile, il n'y a pas 



95 



LARRON — LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



96 



une narration oratoire, mais un récit très circonstan- 
cié. Aussi pourrait-on dire que les deux larrons ont 
commencé par blasphémer, mais qu'à un moment l'un 
d'eux est rentré en lui-même. C'est à ce moment que 
prend le récit de saint Luc. Le bon larron interpelle 
son compagnon et lui dit : « Tu ne crains donc pas 
Dieu, alors que tu es dans la même condamnation 
(xpipiaTt) » que moi, et que le même supplice va nous 
conduire l'un et l'autre au tribunal de Dieu. « Pour 
nous, c'est justice, car nous recevons ce que nous avons 
mérité. Mais celui-ci n'a rien fait de repréhensible. » Le 
grec ouSèv êÎTojtov, « rien qui ne soit à sa place, » rien 
d'inconvenant, est plus respectueux que le latin- niliil 
mali, « rien de mal, » car un acte peut être fait mal à 
propos sans être mauvais. Cette remarque du bon larron 
témoigne en lui d'une foi éclairée en Notre-Seigneur, et 
d'une connaissance de sa mission divine qui suffit à lui 
inspirer confiance. Les Juifs croyaient qu'un homme 
pieux pouvait introduire avec lui en paradis celui qui 
assistait à son dernier soupir. Ketuboth, f. 103. Peut- 
être le larron partageait-il cette croyance. Toujours est- 
il que, convaincu de la puissance et de la sainteté du 
Sauveur qu'il voyait sur le point d'expirer, il lui dit : 
« Souvenez-vous de moi, Seigneur, quand vous arriverez 
dans votre royaume. » Une telle prière suppose que le 
larron reconnaît en Jésus le Messie, celui qui vient 
fonder le grand royaume attendu de tout Israël. Il va 
mourir lui-même, comme celui qu'il implore; mais il 
est manifeste que, pour lui, la mort n'est un obstacle ni 
à l'établissement de ce royaume par Jésus, ni au bienfait 
qu'il espère retirer personnellement de cet établisse- 
ment. Il va de soi que cette foi du bon larron a pour 
cause principale la grâce qui émane du divin crucifié. 
Jésus lui répondit: « En vérité, je te le dis : aujourd'hui 
tu seras avec moi dans le paradis. » Luc, xxm, 40-43. 
Le corps du Sauveur et celui du larron vont bientôt 
rester inanimés sur leurs croix; c'est donc l'âme du 
larron qui suivra dans le paradis l'âme du Sauveur. Ce 
paradis, c'est le séjour dans lequel les âmes. des justes 
attendent les effets de la rédemption. Voir Enfer, t. n, 
col. 1795; Paradis; S.Augustin, Ep. cxxxru, ad Dar- 
dan,, 6-9, t. xxxin, col. 834. C'est ainsi que « le larron 
échange sa croix pour le paradis et du châtiment de 
son homicide fait un martyre i>. S. Jérôme, Ep. lviii, 
1, t. xxn, col. 580. Cf., dans les Sermons attribués à 
S. Augustin, Serm. clv, De cruce et latrone, t. xxxix, 
col. 2047-2053. — 2» Comme, d'après la loi juive, Deut., 
xxi, 23, un corps ne pouvait demeurer sur la croix 
après le coucher du soleil, les Juifs _ demandèrent à 
Pilate d'infliger aux trois crucifiés un nouveau supplice, 
le crurifragiuni ou brisement des os des jambes, qui 
devait les achever cruellement. Ce supplice était en 
usage chez les Romains. Sénèque; De ira, ni, 18, 32; 
Suétone, Octav., 67; Tiber., 44; Ammien Marcellin, xiv, 
9. Le brisement s'exécutait à coups de massue. Les deux 
larrons, qui n'étaient pas encore morts quand arrivèrent 
les soldats, eurent à le subir. Joa., xix, 31, 32. — 
3° Comme les Évangélistes ne donnent aucun détail sur 
le passé des deux larrons, la légende a cherché à com- 
pléter leurs récits à ce sujet. Les deux larrons se seraient 
appelés Desmas et Gismas, ou Dimas et Gesmas, d'après 
les Acta Pilali, ix, Gênas et Gestas, d'après l'Évangile 
de Nicodème, Titus et Dumachus, d'après l'Évangile de 
l'Enfance, xxm. Cf. Le Camus, La %ie de N.^S. J.-C, 
6» édit., Paris, 1901, t. m, p. 376. Le bon larron aurait 
été le fils d'un chef de brigands qui arrêta la Sainte 
Famille au cours de son voyage en Egypte. Émerveillé 
de la splendeur qui illuminait le visage de l'Enfant, le 
fils du chef délivra la Sainte Famille. C'est lui qui, plus 
tard, serait devenu le bon larron. Cf. S. Aelredus Rhie- 
vallensis, De vita eremitica, 48, dans les Œuvres de 
S. Augustin, t. xxxii, col. 1466. Au moyen âge, les pèle- 
rins latins ont cru que Ja localité appelée Lafrûn, près 



d'Emmaûs (voir la carte, t. n, col. 1757), n'était autre 
que le village du bon larron, Castrum boni latronis. 
Roland, Palsestina illustrata, Utrecht, 1714, p. 429. Cf. 
Liévin, Guide de la Terre-Sainte, Jérusalem, 1887, 
t. i, p. 123; Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, 
Paris, 1900, p. 237. Mais Pétymologie qui l'ait venir 
Lafrûn de latro est absolument inacceptable. Si des 
souvenirs de brigands se rattachaient primitivement à 
cette localité, peut-être faudrait-il les faire remonter jus- 
qu'à un certain berger nommé Athronges, 'A6p6frï;c, 
qui se proclama roi après la mort d'Hérode, et qui, aidé 
de ses quatre frères, arrêta une cohorte romaine près 
d'Emmaûs, et fil périr son chef, Arius, avec quarante de 
ses soldats. Varus vengea cette aggression en brûlant 
Emmaûs. Josèphe, Ant. jud., XVII, x, 7, 9; Bell, jud., 
II, iv, 3. Voir Emmaûs, t. n, col. 1746. Il se pourrait 
alors que le nom de el-Latrûn ou eUAlrùn dérivât de 
celui d'Athronges. Cf. Le Camus, Notre voyage aux pays 
bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 185. Celte seconde étymo- 
logie n'est que probable; il lui manque d'être appuyée 
par d'anciens documents. H. Lesêtre. 

LASTHÈNE (AoktOiqvi];), ministre de Démétrius II 
Nicator, roi de Syrie. Ce roi, dans une lettre qu'il 
écrit à Jonathas Machabée, appelle Lasthène « notre 
parent », aufTevri; -finâv, I Mach., xi, 31 (Vulgate : pa- 
rens noster), et dans une lettre qu'il lui avait adressée 
à lui-même, il le qualifie de « père », ica-crip (Vulgate, 
parens, I Mach., xi, 32). C'était donc un grand person- 
nage de la cour d'Antioche, comme l'indiquent ces titres. 
D'après Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 3, il était Cretois 
d'origine et s'était concilié la faveur de Démétrius en 
lui fournissant un contingent de troupes mercenaires 
considérable, lorsque ce prince se rendit de Crète en 
Syrie, cf. I Mach., x, 67, pour arracher le pouvoir royal 
à Alexandre I er Balas. Voir t. n, col. 1362. Lasthène était 
probablement à leur tête (148 ou 147 avant J.-C). Quand 
Démétrius II fut devenu roi, il fit de lui son principal 
ministre, et lorsqu'il accorda à Jonathas Machabée di- 
verses faveurs que celui-ci lui avait demandées, il notifia 
ses concessions à Lasthène, dans une lettre qu'il lui 
écrivit et dont il envoya à Jonathas lui-même une copie 
que nous a conservée l'auteur du premier'livre des Ma- 
chabées, xi, 30-37, ainsi que Josèphe avec quelques lé- 
gères variantes. Lasthène fut ainsi chargé de diminuer 
les charges des Juifs envers la Syrie, mais il est sim- 
plement nommé à cette occasion dans l'Écriture. Quand 
Démétrius eut triomphé de ses ennemis, ce fut lui sans 
doute qui le poussa à renvoyer son armée, à l'exception 
des forces étrangères « qui lui venaient des îles des 
Gentils ». Mach., xi, 38; Josèphe, Ant. jud., XIV, iv, 9. 
Ce renvoi suscita un tel mécontentement qu'il fut une 
des causes de la révolte qui éclata contre Démétrius II 
et qui eut pour résultat l'avènement de Tryphon au 
trône. Cf. Diodore, Reliq., xxxm, 4, édit. Didot, t. n, 
p. 522. On ne sait plus rien de l'histoire de Lasthène. 

F. Vigouroux. 

LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE. On peut 
distinguer, en suivant l'ordre même des temps, trois 
classes de versions latines. — 1° La première en date 
comprend tous les textes antérieurs à saint Jérôme, 
que l'on appelait autrefois d'un nom commode, bien 
qu'inexact, la version italique. A cette classe se rattache 
cette partie des anciens textes qui furent soumis à revi- 
sion, tels, par exemple, les Évangiles et les Psaumes 
de notre Vulgate que saint Jérôme corrigea d'après le 
grec. — 2° La seconde, c'est la version que le même 
saint docteur fit directement soit sur l'hébreu soit sur 
le chaldéen et qui est connue sous le nom de Vulgate. 
— 3° Il a paru, à partir de la Renaissance, ain certain 
nombre de versions latines, faites les unes sur les 
Septante, les autres sur les textes originaux. Elles 
forment une troisième classe. 



97 



LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JÉRÔME 98 



1. LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉ- 
RIEURES A SAINT JÉRÔME. — I. La LANGUE DES 
anciennes 'versions latines. — Ces versions sont écrites 
en une langue particulière. Ce n'est pas le latin des 
classiques de la belle époque, mais le bas latin, qui a 
cours dans l'usage populaire, à Rome, en Italie, dans 
les Gaules, en Afrique et partout où l'on trouve quelque 
colonie romaine. — Les particularités linguistiques 
de ce latin biblique concernent tantôt l'orthographe, 
tantôt le vocabulaire et tantôt la syntaxe. Les mots en 
effet ne s'écrivent pas et sans doute ne se pronon- 
çaient pas toujours comme à l'époque classique : on 
trouvera, par exemple, vinis, que, dispargam, fobeas, 
scribsit, locuntur, sepellierunt, etc., pour venis, quse, 
dispergam, foveas, scripsit, loquuntur, sepelierunt. Le 
vocabulaire s'est surchargé de mots composés, ou bien 
de mots portant soit des préfixes soit des suffixes jus- 
qu'alors inusités; d'autres fois, il acceptera des expres- 
sions populaires ou des vocables d'importation étran- 
gère : longanimitas, multiloquium, gaudimonium, 
capillatura, superextollo, particulatim, seruginare, 
amaricare, anathematizare, agonizare, sabbatum, etc. 
Je ne dis rien des sens nouveaux que l'on donne même 
aux expressions classiques; car c'est un phénomène lin- 
guistique général que les mots prennent à l'usage des 
significations nouvelles. Mais ce qui est sans doute le 
plus surprenant dans ce latin de décadence, c'est trop 
souvent le parfait dédain des conventions grammaticales 
concernant es genres, les cas, les conjugaisons, et ce 
que l'on appelle les règles d'accord ou de compléments. 
On dira, par exemple, cubilis tuus, fodire, odire, mise- 
reor super, posuistis in carcerem, dico vobis quod, co- 
gnovit quia, etc. Inutile de faire remarquer que toutes ces 
particularités sont restées dans notre latin de moyen âge. 
Cette langue déplaisait fort aux anciens rhéteurs, quand 
pour la première lois ils entraient en contact avec nos 
Écritures. Arnobe de Sicca (f 327), Advers. nat., I, 45, 
t. v, col. 775, avouait, non seulement que le Christ par- 
lait un langage simple, avec « des termes populaires 
et de tous les jours », popularibus et quotidianis ver- 
bis; que les Apôtres avaient écrit « dans une langue 
triviale et sordide » : trivialis et sordidus sermo est, 
i, 58, t. v, col. 796; mais encore, ce qui semble bien 
cette fois viser les versions usuelles, que la langue des 
Écritures est remplie « de barbarismes, de solécismes et 
des vices les plus difformes » : barbarismis, solœcismis 
obsilss sunt, inquit, res vestrse et vitiorum pollutse. 
Ibid., I, 59, t. v, col. 797. A cela, Arnobe répond qu'il 
faut préférer l'utilité à l'agrément. Ibid,, col. 797-798. 
Saint Augustin, de son côté, fut longtemps choqué par 
le style incorrect et la langue triviale de la Bible latine. 
Confess., m, 5, t. xxxn, col. 686. Mais, dans la suite, 
il jugea que la simplicité de l'Écriture était une 
raison de plus de la trouver vénérable. Confess., vi, 5, 
t. xxxn, col. 723. Il savait du reste, comme Arnobe, que 
l'utilité prime l'agrément, quand il s'agit de rendre 
exactement une idée, de la faire entendre à ses audi- 
teurs, De doctr. Christ., m, 3, t. xxxiv, col. 68; et lui- 
même, un jour, il préféra le barbarisme à la correction 
(fenerat à feneratur), afin de se faire mieux comprendre. 
Enarr. in Ps. xxxn, serm. m, 6, t. xxxvi, col. 386. 
Voir sur le latin biblique : Huré, Dictionnaire universel 
de l'Écriture Sainte, 2 in-i'°, Reims, 1715; réédité par 
Migne sous le titre de Dictionnaire universel de philo- 
logie sacrée, 4 in-4», Paris, 1846 (c'est un dictionnaire 
complet de la Vulgate; et quoiqu'il ne s'occupe directe- 
ment que de la Vulgate, comme plusieurs des ouvrages 
suivants, il est utile pour l'étude du latin post-classique) ; 
Weitenauer, Lexicon biblicum, in quo explicantur Vul- 
. gatse vocabula et phrases quœcumque propter linguse 
grœcseque peregrinitatem injicere moram legenti pos- 
sunt, in-12, Augsbonrg et Fribourg-en-Brisgau, 1758; 
Venise, 1760; in-12, Rome, 1846; Kaulen, Handbuch zur 

DICT. DE LA BIBLE. 



Vulgala. Eine systematische Darslellung ihres lateinis- 
clien Sprachcharakters, in-12, Mainz, 1870; Goelzer, 
Étude lexicographique et grammaticale de la latinité de 
saint Jérôme, in-8», Paris, 1884; C. Paucker, De latv- 
nitate B. Hieronymi observationes ad nominum verbo- 
rumque usum pertinentes, 2 e édit. in-8», Berlin, 1880 
(travail de pure philologie lexicographique); Hagen, 
Sprachliche Erôrterungen zur Vulgata, Fribourg-en- 
Brisgau, 1863; Cavedoni, Saggio délia latinitd biblica 
dell'antica Volgata Itala, Modène, 1869; G. Koffmane, 
Geschichte des Kirchenlateins, tome i : Entstehung 
und Entwickelung des Kirchenlateins bis Augustinus- 
Hieronymus, in-8", Breslau, fasc. i, 1879 ; fasc. h, 1881 ; 
Rônseh, Itala und Vulgata. Dos Sprachidiom der ur- 
christlichen Itala und der katholischen Vulgata unter 
Berûcksichtigung derrômischen Volksprache erlâutert, 
Marbourg, 1869; 2 8 édit., 1875; Id., Studien zur Itala, 
' dans la Zeitschrift fur wissenschaftl. Théo logie, 1875, 
p. 128, 425; 1876, p. 287, 397; 1881, p. 198; Id., Zur 
vulgâren uni biblischen Latinitât, dans la Zeitschrift 
fur die ôsterreichischen Gymnasium, Vienne, t. xxx, 
p. 806-811, 1879 (reproduit dans la collection pos- 
thume Collectanea, philologa, p. 212-216, in-8°, Brème, 
1891); Id., Die âltesten lateinischen Bibelàbersetzungen 
nach ihrem Werte fur die lateinische Sprachivissen- 
schaft, dans les Collectanea, p. 1-20; Id., Grammatisches 
und Lexicalisches aus dem Urkunden der Itala, dans 
les Collectanea, p. 20-32; Ph. Thielmann, Veber die Be- 
nuizung der Vulgata zu sprachlichen Untersuchungen, 
dans le Philologus ; t xlii, 1884, p. 319-378; P. Mon- 
ceaux, Le latin vulgaire d'après les dernières publica- 
tions, dans la Revue des deux mondes, 15 juillet 1891, 
p. 429-448; Id., Les Africains, étude sur la littérature 
latine d'Afrique, Paris, 1894; Gaston Boissier, Les 
Africains, étude sur la littérature latine d'Afrique par 
Paul Monceaux, dans le Journal des savants, 1895, 
p. 35-46; P. Monceaux, Histoi7-e littéraire de l'Afrique 
chrétienne depuis les origines jusqu'à l'invasion arabe, 
t. i, Tertullien et les origines; t. n, S. Cyprien et son 
temps, Paris, 1901 ; Sittl, Die localen Verschiedenhei- 
ten der lateinischen Sprache mit besonderer Berûck- 
sichtigung des afrikanischen Lateins, in-8", Erlangen, 
1882; Hauschild, Einige sichere Kennzeichen des afri- 
kanischen Lateins, Francfort, 1889; Ehrlich, Beitrâge 
zur Latinitât der Itala. Programm d. Realschule Roch- 
litz, in-4°, 1895; P. Corssen, Bericht ûber die latei- 
nischen Bibelàbersetzungen, dans Jahresbericht ûber 
die Fortschritte derclassischen A Iterthumswissenschaft, 
xxvii f Jahrgang, 1899, t. ci, i Heft, p. 1-83, Leipzig, 
1900 (la quatrième partie de cet ouvrage concerne la 
langue de la Bible latine). Dans Archiv fur lateinischen 
Lexikographie 'und Grammatik publié à Leipzig par 
Wolfflin, on trouvera aussi nombre de travaux concer- 
nant le latin post-classique. Nous signalerons notam- 
ment les articles suivants: 1. Thielmann, Lexicogra- 
phisches aus dem Bibellatein. Archiv, t. 1, 1884, p. 68- 
81. — 2. Hartel, Lucifer von Cagliari und sein Lalein, 
t. m, 1886, p. 1-58; — 3. Schepss, Die Sprache Pri- 
scillian's, t. m, 1886, p. 309-328. — 4. Wolfflin, Die 
ersten Spuren des african. Lateins, t. vi, 1889, p. 1-8. 
— 5. Sittl, Die Heimath der Appendix Probi, t. vi, 
1889, p. 557-561 — 6. Wolfflin, Minucius Félix. Ein 
Beitrag zur Kenntnis des african. Lateins, t. vil, 1892, 
p. 467-484. — 7. Kûbler : Die lateinische Sprache auf 
africanischen Inschriften, t. vin, 1893. p. 161-202. — 
8. Thielmann, Die europàischen Bestandtheile des 
latein Sirach., t. rx, 1894, p. 247-284. — 9. Geyer, 
Spuren Gallischen Lateins bei Marcellus Empiricus, 
t. vin, 1893, p. 469-481. Dans Jahresbericht ûber die 
Fortschritte der classischen Alterthumswissenschaft 
de Bursian et Iwan Mùller, voir aussi : 1. K. Sittl, 
Jahresbericht ûber Vulgâr- und Spâtlatein, t. lxviii, 
1891. — 2. C. Weyman, Die christlich lateinische Lite- 

IV. - 4 



LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JEROME 100 



raturvon 1886-1881 bis ende 1894, ibid., 1896. — 3. L. 
Bayard, Le latin de saint Cyprien, in-8», Paris, 1902. 

II. Énumération des textes de nos anciennes ver- 
sions. — Nous sommes encore loin de posséder toute 
la Bible dans son vieux texte latin, s'il s'agit du moins 
de l'Ancien Testament. Nous allons énumérer ici les 
textes connus jusqu'à ce jour. On en trouve dans la 
Vulgate, dans les œuvres des premiers Pères latins et 
surtout dans les manuscrits bibliques qui ont échappé 
aux ravages du temps. 

/. dans la vulgate. — Saint Jérôme a inséré dans 
sa propre version, et sans en faire la revision, un cer- 
tain nombre de livres et fragments de l'ancienne ver- 
sion, à savoir tous les livres et fragments deutérocano- 
niques de l'Ancien Testament, à l'exception de Tobie et 
de Judith traduits par lui. La Vulgate contient donc, 
tels qu'ils étaient avant saint Jérôme, les textes suivants : 
la Sagesse, l'Ecclésiastique, Baruch, I et II des Mâcha-' 
bées, dans Esther le fragment x, 4rXVi, dans Daniel m, 
24-100, et xih-xiv. M. Ph. Thielmann, sur l'invitation de 
l'Académie royale de Munich, prépare une édition cri- 
tique des deutérocanoniques du "Vieux Testament selon 
l'ancienne version. Il a dans ce but exploré déjà les 
manuscrits, les éditions, les citations des Pères et tous 
les documents qui peuvent éclairer sa route. 11 a exposé 
le résultat de ses premières recherches dans un travail 
que l'Académie royale a publié dans ses Comptes ren- 
dus (Section de phil. et d'hist., t. xm, Heft n, p. 205- 
243), et dont il a paru un tirage à part : Eericht ûber 
das gesammelte handschriftliche Material zu einer 
kritischer Ausgabe der latéinischen Vebersetzungen 
biblischer Bûcher des alten Testamentes, Munich, 1900. 

Outre les textes non revisés de l'ancienne version, on 
trouve encore dans la Vulgate un certain nombre de 
livres que saint Jérôme a revus et corrigés sur le grec, 
à savoir : les Psaumes (2 e revision faite à Bethléhem) et 
le Nouveau Testament, peut-être revu en entier. Ces 
textes revisés appartiennent plutôt à l'histoire de la 
Vulgate; il n'en sera pas autrement question ici. 

II. DANS LES ŒUVRES DES PÈRES LATINS. — Tous les 

Pères latins antérieurs à la version de saint Jérôme, et 
même un certain nombre de ceux qui vécurent après 
lui, ont utilisé dans leurs œuvres les anciennes versions 
latines. C'est pourquoi l'on doit avoir recours à leurs 
écrits, soit pour retrouver la teneur de ces versions, 
soit surtout pour juger de leur origine et de leur diver- 
sité. Les principaux parmi les écrivains ecclésiastiques 
qui ont été étudiés au point de vue de nos anciens 
textes, ou qui mériteraient de l'être, sont les suivants : 
1° En Italie et au nord de la Péninsule. — L'auteur 
de la version latine de / Cor. de saint Clément de 
Rome, version retrouvée par dom Morin et publiée par 
lui dans les Anecdota Maredsolana, t. n, Maredsous, 
1894; l'auteur de la plus ancienne des deux versions du 
Pasteur d'Hermas, dite Vulgate, et remontant peut-être 
au II e siècle (dans Migne, Patr. Or., t. il); — Novatie.n, 
qui écrivait en 252 (t. m); — Victorin de Pettau, en 
Pannonie, f vers 303 (t, v) ; Firmiçus Maternus, écrivait 
vers 347 (t.xn); — Lucifer de Cagliari, f 371(t.xm); — 
Eusèbe de Verceil, f 371 (t. xn) ; — Philastre de Brescia, 
écrivait en 380 (t. xn) ; — l'auteur de la traduction latine 
des Deux Voies, c'est-à-dire de la première partie de la 
Didachè, AiSax'n ™v Swêsxa 'Airo(rrô).(ov, Doctrina XII 
Apostolorum, una cum antiqua versione latina prioris 
partis de Duabus Viis, primum edidit J. Schlecht. 
Fribourg-en-Brisgau, 1900. Cette traduction latine « a été 
faite par un Africain, avant l'an 200 », dit le Bulletin 
critique, 1902, p. 425. Si cette dernière remarque était 
vraie, il faudrait classer la présente version parmi les 
ouvrages africains (voir plus bas); nous la laissons ici 
à cause du lien qui la rattache à la Didascalie; — l'auteur 
de la version latine de la Didascalia sive Doctrina xn 
Apostolorum, Cette version est peut-être du IV e siècle 



et d'origine milanaise. Cf. Batiffol, Anciennes littéra- 
tures chrétiennes. Littérature grecque, in-12, Paris, 
1897, p. 74. Découverte dans un palimpseste de Vérone, 
elle a été publiée par E. Hauler, Eine lateinische Pa- 
limpsestûbersetzung der Didaxc. Apost., Vienne, 1896; 

— s.iint Ambroise, évêque de Milan de 374 à 397, t. xiv- 
xvn ; Ambrosiaster ou Pseudo-Ambroise, vers la fin du 
IV e siècle (identifié à tort avec Hilaire, diacre de Borne; 
Bardenhewer, Palrologie, Fribourg-en-Br., 1894, p. 386; 
c'était un Juif converti, appelé Isaac et contemporain 
du pape Damase, d'après D. Morin, dans la Bévue d'his- 
toire et de littérature religieuses, 1899, p. 97, t. XXI); 

— saint Jérôme lui-même, dans ses œuvres, utilise l'an- 
cien texte ou le discute, t. xxn-xxx; — l'auteur du livre 
Depromissionibus attribué par erreur à Prosper d'Aqui- 
taine. Le véritable auteur écrivait peut-être en Campanie 
vers le milieu du v« siècle, pense Kennedy, Dictionary 
of the Bible, 1900, t. m, p. 53. Mais Bardenhewer, Pa- 
trologie, p. 485, en fait un Africain ; — l'auteur de la ver- 
sion latine de l'Épître dite de Barnabe, version qui peut 
être de la fin du y siècle. Il est douteux que l'auteur 
appartienne à l'Italie. Le texte de cette version a été pu- 
blié par Gebhardt et Harnack dans Patr. apost. Opéra, 
Leipzig, 1875, fasc. i, part. 2; 2" édit, 1878. Voir aussi 
Patr. Gr., t. n. 

2» En Gaule. — Saint Irénée, f202, dans la version 
latine de ses œuvres qui est peut-être de la fin du 
II e siècle (voir Batiffol, Littérature^. 106), t. vu; — Lac- 
tance, né probablement en Afrique, mort à Trêves, vers 
260-340, t. vi-vn; — saint Hilaire de Poitiers, f 368, t. IX- 
x; — saint Victrice, évêque de Rouen vers 408, t. xx; — 
Cassien, f 435, t. xlix; — Salvien; florissait vers 450, 
t. lui; — saint Avit devienne, vers 450-517, t. lix; — 
Gildas le Sage, vers la fin du vi e siècle (voir Bardenhewer, 
Palrologie, p. 593), t. i.xix. 

3° En Espagne. — Juvencus, écrivait en 330, t. xix; 

— Priscillien, évêque d'Avila, fin du IV e siècle. Ses œu- 
vres onl été découvertes et publiées par Schepss : Pris- 
cilliani quss supersunt, maximam partent nuper de- 
teccit adjectisque commentariis criticis et indicibus 
primus edidit G. Schepss, Vienne, 1889 (Corpus script, 
eccl. lat., t. xvm) ; — Bachiarius, moine, vers l'an 400, 
t. xx ; l'auteur du Liber de divinis Scripturis ou Spé- 
culum, du vme-ix» siècle. C'est un recueil de textes de 
l'Ancien et du Nouveau Testament, qui n'est pas dans 
Migne. Il a été publié: 1. par l'oratorien Viguier en 
1654 (voir Bardenhewer, Palrologie, trad. française, 
Paris, 1898-1899, t. h, p. 426) ; 2. par Mai, partiellement 
dans le Spicilegium Bomanum, Rome, 1843, t. ix, ap- 
pend. 2, p. 61-75 et 75-86; 3. par le même, au complet 
dans Patrum nova collectio, t. i, part. 2, Rome, 1852; 

4. par Weihrich, en 1887, t. xii du Corpus script, de 
Vienne. On l'avait attribué à tort à saint Augustin, 
trompé par ce fait que saint Augustin a publié en effet 
un ouvrage analogue, appelé aussi Spéculum, qui se 
trouve dans Migne, t. xxxiv, p. 887-1040. Malheureu- 
sement, dans cet ouvrage d'Augustin, on a substitué le 
texte de la Vulgate àl'ancienne version que portait l'ou- 
vrage primitif. Notre Spéculum anonyme, au contraire, 
porte bien toujours l'ancienne version. Parlant du Codex 
Sessorianus, qui est le principal manuscrit de cet ou- 
vrage, Gregory estime que le texte biblique du Spéculum 
est parent du texte de Priscillien, et confirme son opi- 
nion en mentionnant l'avis de Hort qui rangeait cet ou- 
vrage parmi les textes de recension espagnole. Gregory, 
Prolegomena à l'édit. 8 a major du Nouv. Test, grec de Ti- 
schendorf,p.961,et rexf ftritift, Leipxig, 1900-1902, p. 606. 

4° En Afrique. — Tertullien, 150-240, t. i-ii ; — saint Cy- 
prien, f 258, t. m-iv; — l'auteur du De Pascha Computus, 
en 243. Inter opéra S. Cypriani, t. iv; — l'auteur du De 
Aleatoribùs, vers le temps de saintCyprien. Inter opéra 

5. Cypr., t. iv ; — l'auteur de VExhortatio ad pœni- 
tentiam, attribuée à tort à saint Cyprien. Inter opéra S. 



101 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JÉRÔME 102 



Cypr., t. iv; — Commodien, vers le milieu du III e siècle, 
t. v. Mais il est douteux que Commodien soit Africain ; 

— Arnobe de Sicca, commencement du iv« siècle; t. v ; 

— Optât de Milève, écrivait en 368, t. xi; — Tyconius, 
donatiste; écrivait en 390, t. xvm; — saint Augustin, 354r- 
430, t. xxxii-xlvii; — Capreolus, évêque de Carthage; 
écrivait en 431, t. lui; — Vigile de Thapse; écrivait en 
484, t. lxii; — Fulgence, évêque de Ruspe, vers 458-533, 
t. txv; — Primasius d'Adrumète, milieu du VI e siècle, 
t. lxvih; — Victor de Tunis, milieu du VI e siècle, t. Lxviii. 

5° Auteurs qui ont étudié les Pères du point de vue 
des anciennes versions latines. — Les citations bibli- 
ques des premiers écrivains latins ont été étudiées, dans 
ces derniers temps, avec beaucoup d'attention. Sans 
doute, les Pères ne citent pas toujours leurs textes mot 
à mot, comme nous le taisons aujourd'hui, et c'est pour- 
quoi il est assez difficile de retrouver avec certitude chez 
la plupart d'entre eux le texte fixe des versions latines de 
leur époque. Il n'en esl pas moins vrai que pour arriver 
à démêler l'écheveau des versions ou recensions latines, 
à connaître parfaitement leurs origines, leur mode de 
propagation, il est indispensable de tenir le plus grand 
compte des citations des Pères. Les travaux faits dans 
ce sens méritent donc d'être signalés. Dès le xvi» siècle, 
. Flavius Nobilius, dans sa traduction latine des Septante, 
Vêtus Testamenlum secundum lxx latine reddilum, 
in-f°, Home, 1588, avait donné l'exemple. Dans des 
notes placées en renvoi à la fin de chaque chapitre, on 
trouve semés çà et là quelques passages des anciennes 
versions, simples extraits des œuvres des Pères. Au 
xvin e siècle, P. Sabatier, bénédictin de la congrégation 
de Saint-Maur, publiait en 3 in-f° une collection de 
textes et de fragments embrassant toute la Bible, pris 
non seulement des manuscrits, mais encore des écrits 
des Pères : Bibliorum Sacrorum latinse versiones an- 
tiques seu vêtus Italica et cxterse qusecumque in co- 
dicibus manuscriptis et antiquorum libris reperiri 
potuerunt, quse cum Vulgata latina et cuin textu grseco 
comparantur, Reims, 1743-1749. Le même ouvrage se 
rencontre avec un simple changement dans le titre: 
Paris, François Didot. 1751. On a dit avec raison que 
cet immense travail est « un de ceux qui l'ont le plus 
d'honneur, à l'érudition française ». Revue critique, 
28 mai 1870, p. 342. Cf. Mangenot, Les travaux des béné- 
dictins de Saint-Maur, de Saint-Vanne et de Saint-Hy- 
dulphe, sur les anciennes versions latines de la Bible, 
Amiens, 1888. Au XIX e siècle et dans ces premières années 
du XX e , de nombreuses publications ont paru dans ce 
genre d'études. Citons les suivantes : 1852, Mai, Patrum 
nova collectio, Rome, t. i, part. 2, où il pu,blia en entier, 
comme nous l'avons dit plus haut, le Spéculum composé 
d'extraits de l'Ancien et du Nouveau Testament. — 1860- 
1864, Vercellone, Variée lectiones Vulgattc latinse, 
Rome, où l'auteur a inséré divers fragments dont quel- 
ques-uns sont tirés des Pères. — 1871, Ronsch, Bas 
Neue Testament Tertullian's,Leipii$. — 1875, le même, 
Die alltestamentliche llala in den Schriften des Cy- 
prian. Vollstândiger Text mit krilischen Beigaben, 
dans la Zeitschrift fur historische Theoloyie, p. 86-161. 
Dans cette même revue, Rœnsch avait déjà publié : Bei- 
trâge zur patristichen Bezeugung der biblischen Texges- 
talt und Latinitàt. I. Aus Ambrosius, 1869, p. 433-479, 
«t 1870, p. 91-150. H. Aus Lactantius, 1871, p. 531-629. 

— 1885, P. de Lagarde, Probe einer neuen Ausgabe der 
lateinischen Uebersetzungen des A. T., Goettingue. L'au- 
teur apporte sur les psaumes i-xvn les citations bibliques 
de vingt-deux Pères de l'Église. — 1887, Zingerle, Kleine 
philologische Abhandlungen, Inspruck, IV Heft, p. 75- 
SQ, où il étudie les citations bibliques de saint Hilaire. 

— 1889, Wunderer, Bruchstûcke einer africaniscfien 
Bibelûbersetzung in der pseudocyprianischen Schrift 
Exhortatio de pœnitenlia, Erlangen. — 1890, J . M. Bebb, 
Ilte Evidence of the early Versions and patiistic Quo- 



tations on the text of the Books of the New Testament, 
dans Studia biblica et ecclesiastica d'Oxford, t. n, p. 1S5- 
240. — 1892, P. Corssen, Der Cyprianische Text der 
Acta Apostolorum, Berlin. — . 1893, J. B. UUrich, De Sal- 
viani Scripturse Sacrée versionibus. Programm der 
kgl. Studienanstalt zu Neustadt, Neustadt. — 1893, 
Franz Weihrich, Die Bibelexcerpte de divinis Scrip- 
turis und die Itala des Augustinus, dans Sitz-Ber. d. 
Wien. Akad.,\. cxxix, philos, histor. Klasse (tirage à part). 

— 1894. F. C. Burkitt, The booh of Rules of Tyconius 
edited from the Mss. with an inti'oduction and an 
examination into the text of the biblical quotations, 
dans Texts and Studies, t. m, n. 1, Cambridge. — 
1895, Tougard, Saint Victrice. Son livre De laude San- 
ctorum, Paris. On trouve dans cet ouvrage des frag- 
ments ou citations d'une ancienne version latine. — Voir 
pour d'autres travaux du même genre, parus dans des 
revues françaises ou étrangères, Nestlé, Urlextund Ueber- 
setzungen der Bibel, Leipzig, 1897, p. 90-91, 94-95. 

m. dans les manuscrits BIBLIQUES. — Les manus- 
crits bibliques ont sur les citations des Pères cet avan- 
tage de nous offrir un texte fixé, arrêté, des versions 
latines. C'est pourquoi, quand on se propose de déter- 
miner le véritable texte suivi communément dans l'an- 
tiquité, ce sont les manuscrits qu'il fout mettre en 
œuvre les premiers, comme fournissant les matériaux 
les plus sûrs. — Depuis l'époque où Sabatier rassemblait 
dans son grand ouvrage tous les vieux textes latins con- 
nus de son temps, on a fait de nombreuses et précieuses 
découvertes de manuscrits. Nous sommes encore rela- 
tivement pauvres pour l'Ancien Testament; mais pour le 
Nouveau nous avons le droit d'être satisfaits de nos ri- 
chesses. Dans l'énumération que nous allons donner, 
nous suivrons l'ordre canonique des livres de la Bible, 
indiquant pour chaque livre ou groupe de livres les 
manuscrits qui les renferment au complet ou en partie: 
et les éditions qui en ont été publiées. Pour plus de 
détails, voir Samuel Berger, Histoire de la Vulgate 
pendant les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893; 

— Gregory, Prolegomena du Novum Test, grœce de 
Tischendorf, edit. 8» major, t. m, 1894, p. 948-971. et 
Textkritik des neuen Testamentes, t. il, Leipzig, 1902, 
p. 594-613 (textes du Nouveau Testament); — Scrivener, 
A plain Introduction to the criticism of the New Testa- 
ment, 3 e édit., par Miller, London, 1894, t. n, p. 41-56, 
Le chapitre où il est question des versions latines n'est 
pas de Scrivener, mais de H. J. White; — Corssen: Be- 
richtûber die lateinischen Bibelûbersetzungen, dans Jah- 
resbericht ûber die Fortschritte der classischen Alter- 
tumswissenschaft fondé par Conrad Bursian, Leip- 
zig, 1899, t. ci, fasc. i, p. 1-83; — Ph. Thielmann, Be 
richt ûber dos gesammelte handschriftliche Material 
zu einer kritischen Ausgabe der lateinischen Veberset- 
zungen biblischer Bûcher des alten Testamentes. Ex- 
trait des Comptes rendus de l'Académie royale de Bavière, 
sect. de phil. et d'hist., t. xm, fasc. h, p. 205-243. Mal- 
gré son titre général, cet ouvrage ne s'occupe que des 
deutérocanoniques de l'Ane. Test. ; — Nestlé, Lateinische 
Bibelûbersetzungen, dans Vrtext und Uebersetzungen 
der Bibel, Leipzig, 1897, p. 86-95 (tirage à part d'ar- 
ticles parus dans la 3 e édit. de la Realencyhlop&die fur 
protestantiscke Théologie undKirche); — Kennedy, La- 
tin Versions (The Old), dans le t. m du Dictionary of 
the Bible, de Hastings, Edimbourg, 1900, p. 47-62. 

1° Manuscrits complets ou fragmentaires de l'Ancien 
Testament; leurs éditions diverses. — 1. Pentateuque: 
Lugdunensis (codex), y-vr siècle, à Lyon, ms. 54. Con- 
tient le Pentateuque à partir de Genèse, xvi, 9, et aussi 
Josué et les Juges. Lord Ashburnham a publié de ce ma- 
nuscrit le Lévitique et les Nombres, qui faisaient alors 
partie de sa bibliothèque : Librorum Levitici et Nume- 
rorum versio antiqua Itala, e codice Ashburnhamiense, 
in-l", Londres, 1868. A son tour, M. U. Robert a pu- 



103 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JÉRÔME 104 



blié, en 1881, les parties suivantes du Pentateuque: Ge- 
nèse de xvi, 9 à la fin; Deut., depuis i, 1 jusqu'à xi, 
4>>; après quoi, il a ajouté comme complément les deux 
livres déjà édités par Ashburnham : Pentateuchi versio 
latina antiquissima e codice Lugdunensi, Paris, 1881. 
Enfin, en 1900, le même auteur nous a donné la fin du 
Pentateuque à partir de Deut., xi, 4 b , avec Josué et Juges 
du même manuscrit qui formait donc un Heptateuque : 
Heptateuchipartis posterioris versio latinaantiquissima 
e codice Lugdunensi, Lyon, 1900; — Oltobonianus, vm e 
siècle, au Vatican, n. 66. Fragments de la Genèse et de 
l'Exode, publiés par Vercellone, Variée lectiones Vulgatœ 
latines, Rome, 2 in-4», 1860-1864, au t. I, p. 183 et 307. 
Cf. Apparatus, p. lxxxvi; — Wirceburgensis (pa- 
limpseste), vi 8 siècle, à Wurzbourg, ms. 64 a . Fragments 
de Gen., Exod., Lévit.,Deut., publiés par Ranke, Parpa- 
limpsestorum Wirceburgensium. Antiquissima Veteris 
Testamenti versionis latines fragmenta, Vienne, 1871. 
Cet ouvrage contient aussi les fragments renfermés dans 
le même manuscrit des prophètes suivants : Osée, Jonas, 
Isaïe, Jérémie, Lamentations, Ezéchiel et Daniel. Voir 
ci-dessous Prophètes; — Monacensis (palimpseste), 
v 8 -vi 8 siècle, à Munich, lat. 6225. Fragments d'Exode, 
Lévit., Nombres et Deut., publiés par Ziegler, Bruch- 
stûcke einer vorhieronymianischen Uebersetzung des 
Pentateuch aus einem Palimpseste der Bibliothek zu 
Mïtnchen, Munich, 1883; — Vindobonensis (palimp- 
seste), V e siècle, à Vienne (Autriche). Fragment de Ge- 
nèse, publié par Belsheim, Palimpsestus Vindobonensis. 
Anliquissimse Veteris Testamenti translationis latines 
fragmenta e codice rescripto, Christiania, 1885; — Me- 
diolanensis (palimpseste), à Milan, c. 73. Fragments du 
Pentateuque. Peyron en a publié quelques versets seu- 
lement : M. lulli fragmenta ex membranis palim- 
psestis, Stuttgart et Tubingue, 1824, p. 131. Cf. Cors- 
sen, Bericht, p. 36. 

2. Josué. —JMgdunensis. Voir ci-dessus, Pentateuque ; 

— Ottobonianus, n. 66. Fragments. Voir ci-dessus, Penta- 
teuque. Publiés par Vercellone. Varies lect., t. Il, passim; 

— Gothicus, x' siècle, en Espagne, à Léon, dans les 
archives de la collégiale de San-Isidro. Quelques fragments 
des anciennes versions dans les marges du manuscrit. 
Voir S. Berger, Hist. de la Vulgate, p. 18-19. Publiés 
par Vercellone, Varies lect., t. n, passim. 

3. Juges. — Lugdunensis. Voir ci-dessus, Pentateuque; 

— Ottobonianuç, n. 66. Fragments. Voir ci-dessus, 
Pentateuque. Publiés par Vercellone, Varise lect., t. n, 
passim; — Gothicus. Voir ci-dessus, Josué. Fragments 
dans les marges du manuscrit. Publiés d'après une copie 
qui est à la Vaticane par Vercellone, ibid. ; — Fritzschiana 
fragmenta. Publiés par Fritzsche, Fragmenta libri 
Judicum post Petrum Sabatier paullo auctiora, Zurich, 
1867. 

4. Ruth. — Complutensis, rx» siècle, à Madrid, biblio- 
thèque de l'Université, ms. 31. Publié par S. Berger, 
Notice sur quelques textes latins inédits de l'Ancien 
Testament. Paris, 1893. Tiré des Notices et extraits des 
mss. de la Bibliothèque Nationale, t. xxxiv, 2 e partie. 
Cf. du même sur ce ms. : Hist. de la Vulgate, p. 22. 

5. Rois. — Gothicus. Voir ci-dessus Josué. Fragments 
des quatre livres, aux marges du manuscrit. Publiés 
par Vercellone d'après la copie du Vatican, Varise lect., 
t. il, passim; — Vindobonensis (palimpseste). Voir ci- 
dessus, Pentateuque. Fragments de I et II Reg. Publiés par 
Belsheim en 1885 (op. laud., ibid.); — Fragments de 
I, II et IV Reg., publiés d'après quelques anciens mss. 
de Corbie et de Saint-Germain par Sabatier, Bibliorum 
latinse versiones, Reims, 1743-1749, t. i; — Fragments 
de I, II et III Reg. sur deux feuillets de Magdebourg et 
de Quedlinbourg. Les fragments du I Reg. ont été 
publiés par Schum, Dos Quedlinburger Fragment einer 
illustrirteti Itala, dans Theologische Studien uni Kri- 
tiken, 1876, p. 121-134; le tout par Weissbrodt, Index 



lectionum Brunsburgensis, 1887. — Autre fragment de 
Quedlinbourg, fragment du III Reg., publié par A. Dûning, 
Ein neues Fragm. d. Quedl. Italacodex, 1888; — Frag- 
ments du I Reg. dans le ms. n. 2 d'Einsiedeln, XV e siècle. 
Publiés par S. Berger, Notice, etc. Voir ci-dessus, Ruth; 

— Fragments du II Reg. dans un ms. de Vienne, publiés 
par Haupt, Veteris versionis antehieronymianss libri 
II Reg. sive Samuelis fragmenta, Vindobonensia, 
Vienne, 1877. 

6. Paralipomènes. — Gothicus. Fragments aux marges 
du ms. Voir ci-dessus, Josué. 

7. Esdras. — Deux mss. d'après lesquels Volkmar a 
publié le texte : Esdras propheta, ex duobus manu- 
scriptis Haies, Tubingue, 1863. 

8. [727 Esdras, apocryphe.] — On trouve le texte latin de 
cet apocryphe : 1» dans la Vulgate; 2° à la Bibl. Nat., à 
Paris, latin 111 (publié par Sabatier); 3° à la Mazarine, 
à Paris, 29; 4» à Douai, n. 7; 5» à Vienne, n. 1191; 6° à 
Madrid, E. R. 8. 

9. [IV Esdrse, apocryphe.] — Le texte est dans la 
Vulgate. Un fragment perdu, qui est à placer entre f. 35 
et 36 du c. m, a été retrouvé, puis publié en 1875, par 
Bensly. Depuis, le livre complet a paru dans Texts and 
Studies de Cambridge, t. ni, n. 2 : The fourth Book 
of Ezra. The latin version edited from the mss., Cam- 
bridge, 1895. 

10. Tobie. «- Se trouve dans beaucoup de manuscrits : 
1» A Paris, Bibl. Nat., latin 6 (dit Bible de Rosas. Voir 
S. Berger, Hist. de la Vulg., p. 24-25); 93, publié par 
Sabatier; 161; 11505 et 11553, ces deux derniers encore 
dans Sabatier. Cf. S. Berger, Hist. de la Vulg., p. 65. — 
2°AMetz,ms. 7. — 3° En Espagne, àLéon, codex Gothicus 
(voir ci-dessus, Josué); à Madrid, Complutensis (voir ci- 
dessus, Ruth); de nouveau, à Madrid, musée archéolo- 
gique, Bible de Huesca. Voir Berger, Hist. de la Vulg., 
p. 20. — 4» A Munich, ms. 6239 du IX e siècle, publié par 
Belsheim, Libros Tobise, Judith, Ester... ex codice Mo- 
nacensi, Trondhjem, 1893. Cf. S. Berger, ibid., p. 67- 
68, 95-96, 101. — 5» A Milan, bibliothèque Ambrosienne, 
ms. E 26 inferior. Ct. S. Berger, ibid., p. 138. — 6» Au 
Vatican, codex Regio-Vaticanus, n. 7, dans Sabatier. 
Sur Tobie et les autres deutérocanoniques on consul- 
tera surtout l'ouvrage de Thielmann indiqué en tête de 
notre énumération des manuscrits : Bericht, etc. 

11. Judith. — Se trouve : 1° A Paris, Bibl. Nat., n. 6, 
93, 11505, 11553, comme Tobie (voir ci-dessus), et de 
plus n. 11549 aussi utilisé par Sabatier. — 2° A Metz, 7. 

— 3° En Espagne, dans les mêmes manuscrits que Tobie 
(ci-dessus). — 4° A Munich, n. 6239 même manuscrit 
que Tobie (ci-dessus). — 5° En Angleterre, Oxtord, 
Bibl. Bodléienne, Auctarium, E infra 2. 

12. Esther. — Se trouve : 1° dans la Vulgate, pour le 
fragment deutérocanonique non revisé par saint Jérôme, 
x, 4-xvi. — 2° A Paris, Bibl. Nat., latin 11549, utilisé 
par Sabatier. — 3° A Lyon, n. 356, qui contient le com- 
mencement et la fin d'Esther. Publié en partie par 
S. Berger, Notice, etc. (ci-dessus, Ruth). Cf. Hist. de la 
Vulgate, p. C2. — 4° Dans le codex Pechianus, ainsi 
nommé du nom du chanoine dé Narbonne, Pech, auquel 
il appartenait. Ce manuscrit aujourd'hui perdu contenait 
des fragments d'Esther, de ni à la fin. Sabatier s'en est 
servi dans sa grande publication. — 5° A Madrid, Codex 
Complutensis (voir ci-dessus, Ruth). — 6° A Munich, 
n. 6239, même manuscrit que Tobie (voir ci-dessus); 
n. 6225. Voir Thielmann, Bericht, etc., p. 217. — 7» A 
Rome, Biblioth. Vallicellane, B 7. Contient c. i-n. 
Publié par J. M. Carus (nom que prenait par dévotion 
pour la Vierge le cardinal Tommasi), Sacrorum Biblio- 
rum... veteres tituli sive capitula, sections» et sticho- 
metrise, in-4», Rome, 1688, p. 92-93. Utilisé aussi par 
Sabatier; par Bianchini, Vindictes, 1740. 

13. Job. — Fragment de Fleury. Contient xliii, 3-9. 
Dans Sabatier, t. 1, p. 904. Cf, S. Berger, Hist. de la. 



105 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JEROME 106 



Vulg., p. 86; — Gothicus. Fragments dans les marges 
du manuscrit. Publies par S. Berger, Notice, etc. (voir 
ci-dessus, Ruth), p. 20-23. Cf. Hist. de la Vulg., p. 18 sq. 

14. Psaumes. — Veronensis, à Vérone. Publié par 
Bianchini, Psalterium duplex, dans ses Vindicise, 1740. 
— Sangermanensis, à Paris, Bibl. Nat., latin n. 11947. 
Publié par Sabatier, t. n. — Fragments dans des pa- 
limpsestes de Carslruhe, sur lesquels voir F. Mone : 
Lateinische und griechische Messen, Francfort-sur-le- 
Main, 1850, p. 40 ; et du même auteur : De libris pa- 
limpsestis tam latinis quant grsecis, Carslruhe, 1855, 
p; 48. — Sur les trois psautiers du Codex Cavensis, voir 
S. Berger, Hist. de la Vulgate, p. 14-15. 

15. Proverbes. — Fragments, à Vienne, Biblioth. 
Impériale, palimpseste, n. 954. Publiés par Vogel : 
Beitrâge zur Herstellung der alten lateinischen Bibel- 
Vebersetzung. Zwei handschriftliche Fragmente ans 
dem Bûche des Ezechiel und aus SpHchwôrleh Salo- 

- mos zum ersten Maie herausgegeben, Vienne, 1868. — 
Fragments sur deux feuillets palimpsestes conservés au 
monastère de Saint-Paul, Lavantthal, en Carintbie. Pu- 
bliés par Mone, De libris palimpsestis, Carlsruhe, 1855. — 
Codex 11 de Saint-Gall., vrii e siècie. Extraits del'ancienne 
■version, publiés par S. Berger, Notice, etc. (voir ci- 
dessus, Buth) ; du même, cf. Hist. de la Vulg., p. 121- 
122. — Quelques leçons marginales dans le manuscrit 
latin 11553, Paris, Biblioth. Nat. Cf. S. Berger, Hist. de 
la Vulg., p. 65-66. 

16. Ecclésiasle. — Leçons marginales dans le ma- 
nuscrit latin 11553, Bibl. Nat., Paris. Voir ci-dessus, 
Proverbes. — Codex 11 de Saint-Gall. Extraits de l'anc. 
version, publiés par S. Berger, Notice, etc., comme ci- 
dessus, Buth. Du même, voir Hist. de la Vulg., p. 121- 
122. 

17. Cantique des Cantiques. — Mêmes manuscrits 
que pour l'Ecclésiaste, mêmes publications de M. S. 
Berger. 

18. Sagesse. — Dans la Vulgate, texte non revisé de 
l'ancienne version. Paul de Lagarde a donné une édition 
du texte de la Sagesse, dans ses Mittheilungen, Gœttin- 
gue, 1884, p. 241-282. 

19. Ecclésiastique. — Dans la Vulgate, texte non re- 
visé de l'ancienne version. Voir ici encore l'édition de 
Lagarde, ibid., p. 283-378. — Fragment de Toulouse. 
Publié par M9 r Douais, Une ancienne version latine de 
l'Ecclésiastique, Paris, 1895, gr. in-8"> de 36 p. Cl. Her- 
Jcenne, De veteris latinse Ecclesiastici capitibus 1-XLI1I 
una cum notis ex ejusdem libri translationibus sethio- 
pica, armeniaca, copticis, latina altéra, syro-hexaplari 
depromptis, Leipzig, 1899. 

20. Prophètes divers. — Wirceburgensis (palimp- 
seste), VI" siècle, à Wurzbourg, bibliothèque de l'Uni- 
versité, ms. 64». Contient des fragments des prophètes 
Osée, Jonas, Isaïe, Jérémie, Lamentations, Ezechiel, 
Daniel (où l'on trouve Oratio Azariie, Bel et Draco). 
Publiés en partie par Mûnter, Fragmenta versionis 
antiques latinse antehieronymianss Prophetarum Jere- 
mise, Ezechielis, Danielis et Hosese, e codice rescripto 
Wircehurgensi, Copenhague, 1819. Publiés au complet 
par Ranke, Par palimpsestorutn Wirceburgensium. 
Antiquissimœ Veteris Testanienti versionis latinx 
fragmenta, Vienne, 1871. Cf. ci-dessus, Pentateuque, 
Wirceburgensis. — Ms. de Weingarten, dont on a les 
divers fragments à Fulda, Darmstadt, Stuttgart et au 
monastère de Saint-Paul en Carinthie, Lavantthal. Ils 
contiennent des passages des prophètes suivants : Osée, 
Amos, Michée, Joël, Jonas, Ézéchiel, Daniel. M. Ranke 
■a publié : Fragmenta versionis sacrarum Scriptura- 
rum latinse antehieronymianss e codice nianuscripto, 
2 in-4», Marbourg, 1860 (fragments d'Osée, Amos, 
Michée, Joël, Jonas, Ezechiel et Daniel), 2 e édit., Vienne, 
1868, avec un appendice de Vogel, contenant les frag- 
ments d'Êzéchiel, du même manuscrit, retrouvés par 



Sickel, au monastère des bénédictins de Saint-Paul, 
Lavantthal, en Carinthie : Beitrâge zur Herstellung, etc. 
(voir Proverbes), Vienne, 1868. Ranke retrouva plus 
tard, à Stuttgart d'autres fragments des prophètes 
Amos, Ezéchiel et Daniel : Ernesti Ranke, Antiquis- 
simse Veteris Testanienti Versionis Latinse fragments. 
Stuttgardiana, in-4 , Marbourg, 1888. Enfin, en 1897, 
M. Corssen ayant découvert à Darmstadt d'autres frag- 
ments du manuscrit, les a publiés sous ce titre : Zwei 
neue Fragmente der Weingartener Prophetenhands- 
chrift, in-4», Berlin, 1899. Ce sont encore des frag- 
ments d'Êzéchiel et de Daniel. — Lectionarium Bob- 
biense, à Turin. Contient des fragments d'Isaie et 
de Jérémie, découverts par Amelli. Non publiés. Voir 
Ziegler, Die lateinischen Bibelûbersetzungen, Munich, 
1879, p. 105, n. 2. 

21. Cantiques de divers prophètes. — Sous ce titre 
groupons les publications de cantiques faites par les 
auteurs suivants : Sabatier, t. n. — Bianchini, dans 
ses Vindicise, où il publie 7 cantiques d'après un ma- 
nuscrit des Psaumes de Vérone. — Fleck, Fragmenta 
Italx velustissimm V. T. e codice reg. Armamentarii 
parisiensis(Cantica:Dmt.,xxxn; Habac.,m; IBeg.,li; 
Isaias, xxvi; Daniel, m). Dans WissenschaftlicheBeise 
durch das sûdliche Deutschland, t. n, part. 3, p. 337, 
Leipzig, 1837. — Hamann, Canlicum Moysi, Iena, 1874. 

22. Jérémie. — Sangallensis, à Saint-Gall, n. 912. 
Fragments, publiés par Tischendorf, Anecdota sacra et 
profana, 2 a edit., 1861, p. 231; et plus complètement 
par Burkitt dans son ouvrage : The Old latin and the 
Itala, Cambridge, 1896, dans Texts and Studies, 
t. iv, n. 3. 

23. Baruch. — On le trouve : 1° dans la Vulgate, texte 
non revisé; — 2° à Paris, Bibl. Nat., latin 11, 161, 
11951, ce dernier publié par Sabatier; — 3° de nouveau 
à Paris, Bibl. de l'Arsenal, n. 65 et 70; — 4° à Reims, 
n. 1, voir encore Sabatier; — 5° à Rome, Vallicellane, 
B 7. Publié par Sabatier; par Bianchini, Vindicise ; par 
Carus, op. laud. (voir ci-dessus, Esther), p. 147-150; — 
6° Cassinensis, 35; — 7" à Léon, en Espagne, codex Go- 
thicus. Voir Hoberg, Die atteste lateinische Ueberset- 
zung des Bûches Baruch, 2 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 
1902, p. 22. Cf. ci-dessus, Josué. 

24. Daniel. — Dans la Vulgate, fragments deutéroca- 
noniques non revisés, m, 24-100 et xm-Xiv. 

25. 1 Machabées. — 1° Dans la Vulgate, texte non re- 
visé. — 2° Complutensis, ix e siècle, à la bibliothèque 
de l'Université de Madrid, n. 31. Des fragments en ont 
été publiés par S. Berger, Notice (comme ci-dessus, 
Ruth). Cf. Histoire de la Vulgate, p. 22. — 3" Frag- 
ments dans le codex 356 de Lyon. S. Berger en a donné 
quelques-uns dans Notice. — Fragments, I-XIII, à 
Paris, Bibl. Nat., latin, n. 11553. Publié par Sabatier. 

26. Il Machabées. — 1° Dans la Vulgate, texte non 
revisé. — 2° A Milan, Bibl. Ambrosienne, ms. E 26infer. 
Publié par A. Peyron, M. Tullii Ciceronis Orationum 
fragmenta inedita, Stuttgart, 1824, p. 70. Voir S. Berger, 
Hist. de la Vulg., p. 138. — 3° Complutensis, et 4° Co- 
dex 356 de Lyon. Des fragments de ces deux manuscrits 
ont été publiés par S. Berger, Notice (ci-dessus IMach.). 
— 5° Fragments à Rome, Vaticane, lat. 474. Publiés par 
G. Mercati, l'fagrtlenti Urbinati d'un' antica versione 
latina del libro II de' Maccabei editi ed illustrait, 
dans la Bévue biblique, \<* avril 1902, p. 184-211. 

2» Manuscrits complets ou fragmentaires du Nou- 
veau Testament ; leurs éditions diverses. — i. Évan- 
giles. — a. Vercellensis, IV e siècle, à l'église cathédrale 
de Verceil. Contient les quatre Évangiles presque en 
entier. Publié par J. Irico, Sacrosanclus Evangeliprum 
codex S. Eusebii Magni, Milan, 1748; par Bianchini, 
Evangeliarium quadruplex latinœ versionis antiques, 
Rome, 2 in-fol., 1749; réimprimé par Migne, Patr. Lat., 
t. xii ; de nouveau édité par Belsheim, Codex Vercellen- 



107 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JÉRÔME 103 



sis, Quattuor Evangelia, Christiania, 1894. — a 3 . Cu- 
riensia fragmenta, v*-vl e siècle, en Suisse, à Coire, 
Reetisches Muséum. Fragments de Luc. Publiés par 
Ranke, Curiensia Evangelii Lucani fragmenta lalina, 
Vienne, 1874; par Wordsworth, Sanday et White dans 
Old latin bibiical Texts, n. il, Oxford, 1886. — a 2 (au- 
trefois n). Sangallensia fragmenta, ye-vi' siècle, en 
Suisse, au monastère de Saint-Gall, ms. 1394, vol. i ; 
ms. 172, fol. 256; item, à la bibliothèque de la ville ou 
Vadiana bibliotheca, 70. Publié par Batiffol, Fragmenta 
Sangallensia, Contribution à l'histoire de la Vêtus Itala, 
Paris, 1885. Voir du même auteur : Note sur un évan- 
géliaire de Saint-Gall, Paris, 1884. Publié aussi 
comme le précédent dans les Old latin bibiical Texts, 
ibid. Les feuillets de ces fragments appartenaient autre- 
fois au même manuscrit que les Curiensia fragmenta 
ci-dessus. — a 2 (autrefois o). Sangallense fragmen- 
tum, vii e siècle, encore dans le ms. 1394, t. i. Édité 
par Batiffol avec le précédent (ancien n) et de même 
dans les Old latin bibiical Texts, ibid. — a 2 (autrefois 
p). Sangallense fragmentum, vii^vm 8 siècle, toujours 
dans le manuscrit 1394, mais cette fois t. n. Publié par 
Forbes dans Arbuthnott Missal, préface, p. xlviii, 
Burntisland, 1864; par Haddan et Slubbs dans Councils 
and ecclesiaslical documents relating to Great Britain 
and lreland, t. i, appendix G, p. 197, Oxford, 1869; et 
de nouveau avec les précédents dans OUI latin bibl. 
Texts, ibid. ; enfin, par Batiffol dans Note sur un évan- 
géliaire de Saint-Gall, Paris, 1884. — b. Veronensis, 
IV-V siècle, à Vérone, bibliothèque du chapitre de la 
cathédrale. Les quatre Évangiles. Publié par Bianchini, 
Evangelium quadruplex. — c. Colbertinus, xi-xm e siècle, 
à Paris, Bibl. Nat., latin 254. Les quatre Évangiles; le 
reste du manuscrit est de la Vulgate. Publié par 
Sabatier, Bibliorum sacrorum latinse versiones; par 
Belsheim, Codex Colbertinus Parisiensis. Quatuor 
Evangelia antç Hieronymum latine translata post edi- 
tionem Pelri Sabatier cum ipso codice collatam 
denuo edidil J. B., Christiania, 1888. — d. Cantabri- 
giensis, grceco-latinus (appelé autrefois Claromontanus, 
et plus connu aujourd'hui sous le nom de Codex 
Bezse = D grec des Évangiles; ne pas le confondre avec 
le Claromontanus Parisiensis, autre gréco-latin, qui 
est le D grec des Épîtres paulines et le d. latin de ces 
mêmes Épitres), VI e siècle, à Cambridge, Bibl. de 
l'Université, n.2.41. Contient Évangiles et Actes. Publié 
par Kipling, Codex Theodori Bezse Cantabrigiensis, 
2 in-fol., 1793; par Sorivener, Bezse Codex Cantabri- 
giensis, being an exact copy, in ordinary type, of the 
celebrated uncial grssco-lalin maniiscript of the four 
Gospels and Acts of the Apostles, wrilten early in the 
sixth century, and présentée to the university of 
Cambridge, by Théodore Beza. A. V. 1581, in-4°, 
Cambridge, 1864. — e. Palatinus, iv«-v« siècle, à Vienne, 
latin 1185. Quatre Évangiles. Publié par Tischendorf, 
Evangelium palatinum ineditum sive reliquise textus 
Evangeliorum latini ante Hieronymum versi ex codice 
Palatino purpureo quarti vel quinti post Christum 
seculi, Leipzig, 1847, — Fragment de e. Matth., xm, 13- 
23, à Dublin, Trinity Collège, n. 4-18. Publié par 
Abbot, Par palimpsestorum Dublinensium, Londres, 
1880. — Autres fragments de e, à Rome, Bibliothèque 
Vallicellane, U. 66, mais cette fois simple copie faite en 
1762 pour Bianchini. Publiés d'après cette copie par 
H. Linke, Neue Bruchstûcke des Evangelium Palati- 
num, dans Sitzungsberichte der bayerisclien Akade- 
mie, Munich, 1893, t. i, p. 281-287. Belsheim a réédité 
le tout, c'est-à-dire le codex Palatinus et les fragments, 
Evangelium Palatinum, Christiania, 1896. — f. Brixia- 
nus, vi» siècle, à Brescia, bibliothèque du chapitre. 
Quatre Évangiles. Publiés par Bianchini (voir a); par 
Migne, Pair. Lot., t. su; par Wordsworth et White dans 
leur édition du Nouveau Testament selon saint Jérôme : 



Novum Testamentum D. N. Jesu Christi latine, se- 
cundum editionem sancti Hieronymi, Oxford, fasc. 1, 
1889; fasc. 2, 1891; iasc. 3, 1893; iasc. 4, 1895; iasc. 5, 
1891. — ff 1 . Corbeiensis primus, vm e -x e siècle, autrefois 
au monastère de Corbie en Picardie, maintenant à 
Pétersbourg, Bibl. Impériale, D 326. Contient saint 
Matthieu. Publié par Martianay, Vulgata antiqua latina 
et ltala versio evangelii secundum Matthseum, Paris, 
1695; par Sabatier; par Bianchini; par Migne d'après 
Bianchini, P. h., t. xn ; par Belsheim, Bas Evangelium 
des Matthus nach dem lateinischen Codex ff 1 Cor- 
beiensis auf der kaiserlichen Bibliothek zu Sanct Pe- 
tersburg von neuem in verbesserter Gestalt herausge- 
geben. Nebst einem Abdruck des Briefes Jacobi nach 
Martianays Ausgabe von 1695, Christiania, 1881. — 
ff 2 . Corbeiensis secundus, vi e -vn e siècle, à Paris, Bibl. 
Nationale, lat. 17225. Les quatre Évangiles. Les leçons 
de ce manuscrit ont été données par Aug. Calmet, 
Nouvelles dissertations importantes et curieuses sur 
plusieurs questions qui n'ont point été touchées dans 
le Commentaire littéral sur tous les livres de l'Ancien 
et du Nouveau Testament, Paris, 1720; item, par Sa- 
batier; par Bianchini. Le texte a été publié au complet 
par Belsheim : Codex ff 2 Corbeiensis sive Quatuor 
Evangelia ante Hieronymum latine translata, Chris- 
tiania, 1888. — g 1 . Sangermanensis primus, vm°- 
IX e siècle, à Paris, Bibl. Nat., latin 11553, ancienne 
version latine seulement pour Matthieu et texte mêlé 
d'anciennes leçons pour les autres Evangiles. Cité par 
Robert Estienne dans sa Bible latine de 1538-1540 et 
dans celle de 1546; collationné et utilisé par Martianay 
dans son édition de ff 1 (ci-dessus); utilisé d'après Mar- 
tianay par Bianchini ; publié par Wordsworth dans Old 
lalin bibiical Texts, n. 1 : The Gospel according to saint 
Matthew from the Saint Germain ms. g 1 , Oxford, 
1883. — g 2 . Sangermanensis secundus, s* siècle, à 
Paris, Bibl. Nat., latin 13169. Cf. S. Berger, Histoire 
de la Vulgate, p. 48. — h. Claromontanus, iv e -vn e siècle, 
à Rome, au Vatican, latin 7223. Ancienne version latine 
seulement pour Matthieu. Utilisé par Sabatier; publié 
par Mai, Scriptorum veterum nova collectio, t. m, 
p. 257, Rome, 1828; et de nouveau par Belsheim, 
Evangelium secundum Matthseum e codice olim Cla- 
romontano nunc Vaticano, Christiania, 1892. — i. Vin- 
dobonensis, 'v«-vii e siècle, à Vienne, lat. 1235. Contient 
en grande partie Marc et Luc. Utilisé par Bianchini; 
publié pour la partie de Marc, par Alter dans Neues 
Repertorium fur bibl. und morgenl. Literatur, Iéna, 
t. m, p. 115-170, 4791 ; et, pour la partie de Luc, dans 
les Memorabilia de Paulus, t. vu, p. 58-95, Leipzig, 
1795 ; au complet, par Belsheim, Codex Vindobonensis 
membranaceus purpureus. Antiquissimx Evange- 
liorum Lucse et Marci translatants latinss fragmenta, 
Leipzig, 1885. — j. Voir plus loin z. — k. Bobbiensis, 
v-vi» siècle, à Turin, Bibl. de l'Université, G. VII, 15. 
Grands fragments de Marc et de Matthieu. Publié par 
Fleck, Anecdota sacra, Wissenschaftliche Reise, Leip- 
zig, 1837, t. H, part. 3, p. 1-109; par Tischendorf, dans 
Jahrbûcher der Literatur, Anzeige-Blatt, Vienne, 1847- 
1849, vol. 120, 121, 123, 124 et 126; par Words- 
worth, Sanday et White, dans Old latin bibiical Texts, 
a. n : Portions of the Gospels according to saint Mark 
and saint Matthew, from the Bobbio ms. k, Oxtord, 
1883. — 1. Rehdigerianus (non Rhed.), vn« siècle, à 
Breslau, église Sainte-Elisabeth. Quatre Évangiles. Pu- 
blié partiellement par Scheibel, Codex quatuor evan- 
geliorum latinus Rehdigerianus,Matthseus et Marcus, 
Breslau, 1763. Leçons du manuscrit insérées par David; 
Schulz dans sa troisième édit. du Nov. Tes. gr. de 
Griesbach, Berlin, 4827, t. i. Publié par Haase, Evan- 
geliorum quattuor vêtus latina interpretatio ex codice 
Rehdigerano nunc primum édita, Breslau, 1865-1866. 
— m. Sessorianus, vw'-ix' siècle, à Rome, Bibliothèque 



109 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JÉRÔME 110 



dite Sessorienne du monastère de Sainte-Croix de Jéru- 
salem, manuscrit principal du Liber de divinis Scrip- 
turis, ou Spéculum dit de saint Augustin, contenant 
des extraits de presque toute l'Ecriture. Peut-être eût-il 
été préférable de ne point classer ce codex parmi les 
manuscrits bibliques à texte continu. Voir ci-dessus ce 
qui a été dit du Spéculum, quand nous avons énuméré 
les Pères d'Espagne. — n, o, p, devenus a a . Voir ci- 
dessus — q. Monacensis (autrefois Frisingensis), VI e - 
vir e siècle, à Munich, Bibl. Royale, latin 6224. Quatre 
Évangiles. Publié par White dans Old latin bibl. Texts, 
n. m, Oxford, 1888. — r 1 . Usserianus primus, vi e - 
VII e siècle, à Dublin, Trinity Collège, A. iv, 15. Quatre 
évangiles. Publié par Abbot, Evangeliorum versio an- 
tehieronymiana, ex codice Usseriano (Dublinensi), 
adjecta collalione codicis Usseriani alterius, Dublin, 
1884. — r 2 . Usserianus secundus, ix e -x B siècle, à Dublin, 
Trinity Collège, A. IV, 6. Quatre Évangiles. Leçons pu- 
bliées par Abbot, avec r 1 . — s. Ambrosiana fragmenta, 
VI" siècle, à Milan, Bibl. Ambrosienne, C 73 int. Publié 
par Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. i, fasc. 1, 
Milan, 1861, p. 1-8; Fragmentum Evangelii sancti 
-Lucie ex vetere latina versione seu recensione; par 
Wordsworth, Sanday et White dans Old latin bibl. 
Texts, n. n, Oxford, 1886. — t. Bernensia fragmenta, 
palimpseste du v»-vi e siècle, à Berne, bibliothèque de 
l'Université, ms. 611, foll. 143 et 144. Publiés par Hagen, 
Ein Italafragnient aus einem Berner Palimpsesl des 
VI Jahrhunderts, dans la Zeitschrift fur wùsenschaf- 
tliche Théologie, Leipzig, a. 1884, p. 470-484; par 
Wordsworth, Sanday et White dans Old latin bibl. 
Texts, n. n, Oxford, 1886. — v. Vindobonense fragmen- 
tum, vn= siècle, à Vienne, au commencement du latin 
502, qui est intitulé : Pactus legis ripuariie. Publié 
par White, Old latin Texts, n. m, Oxford, 1888. — 
z (j chez plusieurs auteurs). Sarzannensis Saretianus, 
v 8 siècle, découvert à Sarezzano, près de Tortone, par 
Amelli. Voir G. Amelli, Un antichissimo codice biblico 
latino pm-pureo conservato nella Chiesa di Sarezzano 
presso Tortona, Milan, 1872; 2 e édit., 1885, où l'auteur 
ne donnait qu'un passage des longs fragments de Jean 
contenus dans ce manuscrit. Le manuscrit est mainte- 
nant au Mont-Cassin et a été publié par le même édi- 
teur : Un antichissimo codice biblico latino purpureo, 
Mont-Cassin, 1893. Voir Archiv fur latein. Lexikogr. 
und Grammatik, Leipzig ,1894, p. 323, et Kennedy, 
article cité, p. 51, contrairement à Corssen, Bericht, 
p. 23, et Gregory, Textkritik, p. 608, où il se réfère à 
Corssen. 

2. Actes des Apôtres. — A. Cantabrigiensis. Le même 
que pour les Évangiles. Voir ci-dessus. — e. Laudia- 
nus. Manuscrit gréco-latin (= E des mss. grecs pour 
les Actes), VI e siècle, à Oxford, Bibl. Bodléienne, 35. 
Publié par Thomas Hearne, Acta Apostolorum grxco- 
laline e codice Laudiano, Oxford, 1715; par Sabatier (op. 
cit.), d'après Hearne; par Andr. Christian Hwiid, Li- 
bellus criticus, Copenhague, 1785, probablement d'après 
Hearne ; par Tischendorf, dans Monumenta sacra ine- 
dita. Nova collectio, t. IX, 1870, après deux collations 
distinctes faites en 1854 et 1865; par J. Belsheim, Acta 
Apostolorum ante Hieronymum latine translata, ex 
codice latino-grœco Laudiano Oxoniensi, Christiania, 
1893. — g. Gigas Holmiensis, xm e siècle, à Stockholm. 
On]y trouve une ancienne version pour les Actes et l'Apo- 
calypse, la Vulgate pour le reste. Publié par Belsheim, 
Die Apostelgeschichte und die Offenbarung Johannis 
m einer alten lateinischen Uebersetzung, Christiania, 
1879. Voir Gigas Librorum, t. m, col. 238. — g 2 . Medio- 
lanense fragmentum, x e -xi e siècle, à PAmbrosienne de 
Milan. Publié par Ceriani, Monumenta sacra et pro- 
fana, t. i, fasc. 2, p. 127-128, Milan, 1866. — h. Floria- 
cus codex. Palimpseste de Fleury-sur-Loire, vi«-vn e siè- 
cle, aujourd'hui à Paris, Bibl. Nat., lat. 6400 G. Publié 



en partie par Sabatier (op. cit.); par Vansittart, dans 
Journal of Philology, Londres, t. H, 1869, p. 240-246; 
t. _iv, 1872, p. 219-222; par Omont, Bibliothèque de 
l'École des Chartes, 1883, t. xuv. Publié au complet 
par Belsheim, Appendix epistularum Paulinarum ex 
codice Sangermanensi Petropolitano in quo contine- 
tur i Collatio Ep. Paulinarum cum codice Claromon- 
tanoParisiensi;lI Palimpsestus Parisiensis, fragmenta 
Act. Apost., Ep. Pétri, Ep. Joh. primx, Apocalypseos 
Joh., ex codice rescripto Parisiensi, Christiania, 1887; 
enfin par S. Berger, Le palimpseste de Fleury, Paris, 
1889. — m. Sessorius ou Spéculum. Voir m. des Évan- 
giles. — p. Parisiense fragmentum, xm e siècle. Com- 
prend i-xiii, 6 et xxviii, 16-31. A la Bibl. Nat., latin 321. 
Découvert et publié par S. Berger, Un ancien texte latin 
des Actes des Apôtres retrouvé dans un manuscrit pro- 
venant de Perpignan. Tiré des Notices et extraits des 
mss. de la Bibl. Nat., Paris, t. xxxv, l ra partie, 1895. 
Le même auteur a également publié xxvm, 16-31, dans 
les Mélanges Julien Havet, Paris, 1895, p. 9-14 : De 
quelques anciens textes des Actes des Apôtres. Cf. du 
même, Hist. de la Vulgate, p. 77. — s. Bobbiensis pa- 
limpsestus, y-w siècle, à Vienne, latin 16. Publié par 
Tischendorf, Jahrbùcher der Literatur, Anzeige Blatt, 
Vienne, t. cxx, 1847, p. 36-44; par Belsheim, Fragmenter 
af apostlernes Gjerninger, Jakobs Brev og 1 st Pelri 
Brev i den seldste lalinske Bibeloverseettelse efter en 
Palimpsest i det keiserlige Hofbibliothek i Wien, dans 
Theol. Tidskrift for den evang. luth. Kirke i Norge, 
3 Reihe, Christiania, 1886, t. i, fasc. 3, p. 307-326; par 
White dans Old lat. bibl. Texts, n. iv, Oxford, 1897; — 
w. Au château de Wernigerode, dans le Harz (Bohême), 
chez le comte de Stolberg, manuscritt Za 81, XV e siècle. 
Blass en a publié les leçons : iVeue Texteszeugen fur 
die Apostelgeschichte, dans Theologische Studien und 
Kritiken, année 1896, p. 436-471. — x. Bodleianensis, 
fonds Selden 30, vn e -vm e siècle, à Oxford. Voir S. Ber- 
ger, Hist. de la Vulgate, p. 44 et 398; — Bibl. de Ro- 
sas, à Paris, Bibl. Nat., latin 6. Leçons et passages de 
l'ancien texte. Voir S. Berger, Hist., p. 24-25. 

3. Épîtres catholiques. — n". Corbeiensis, X e siècle, 
à Pétersbourg, Q. v, i, 39. Épître de saint Jacques. Pu- 
blié par Martianay, en 1695 avec ff 1 . des Évangiles (voir 
plus haut); par Sabatier (Op. laud.); par Belsheim, une 
première fois d'après Martianay : Dos Evangelium des 
Malthieus nebst einem Abdruck des Briefes Jacobi 
nach Martianays Ausgabe, Christiania, 1881; par le 
même, une seconde lois, d'après le manuscrit : Der 
Brief des Jakobus in aller lateinischen Uebersetzung, 
Christiania, 1883; par Wordsworth, dans les Studia bi- 
blica et ecclesiastica, t. i, Oxford, 1885. — h. Le même 
que pour les Actes. Voir ci-dessus. — m. Le même que 
pour les Évangiles et les Actes. Voir ci-dessus. — q (g 
dans Nestlé). Monacense fragmentum, vi e -vn e siècle, à 
Munich, Clm. 6436. Fragments de I Pétri, II Pétri, 
I Joan. Ziegler a publié les fragments de Pierre dans 
Bruchstûcke einer vorhieronymianischen Uebersetzung 
der Petrusbriefe, Munich, 1877; et ceux de Jean dans 
Italafragmente, Marbourg, 1876. — s. Contient frag- 
ments de Epist. Jacobi et del Pétri. Le même que pour 
les Actes. Voip eiTdessus. Voir aussi S. Berger, Hist. de 
la Vulgate, n^ 8-10, sur un texte de I Joa., dans un pa- 
limpseste conservé aux archives de la cathédrale de 
Léon (Espagne). 

4. Épîtres de saint Paul. — d. Claromontanus, 
grœco-latinus (= D paul.; ne pas confondre avec le Co- 
dex Bezse, D evang.), VI e siècle, à Paris, Bibl. Nat., gr. 
n. 107. Publié par Sabatier; par Tischendorf, Codex 
Claromontanus, Leipzig, 1852. — e ( =E paul.). Sanger- 
manensis, grseco-latinus, ix e siècle, maintenant à Pé- 
tersbourg. Publié par Sabatier; par Belsheim, Epislulse 
Paulinx ante Hieronymum latine translatx ex codice 
Sangermanensi. gr.-lat.; olim Parisiensi, nunc Petro- 



111 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JÉRÔME 112 



politano, Christiania, 1885. — f (= F paul.). Augien- 
sis, grxco-latinus, IX e siècle, à Cambridge, Triuity col- 
lège, B, 17, 1. Publié par Scrivener, An exact transcript 
of the codex Augiensis, Cambridge, 1859. — g (= G 
paul.). Sœrnerianus, grseco-latinus, IX e siècle, à Dresde, 
A. 145 b . Publié par Matthsei, Tredecim Epistolarum 
Pauli Codex grsecus Bœrnerianus, Misniae (Meissen), 
1791. Une seconde édition a paru en 1818. — gue. Guel- 
ferbytanus palimpsestus, VI e siècle. Fragments de l'Ép. 
aux Romains, à Wolfenbûttel, Weissemburg, 64. Publié 
par Knittel avec des fragments de la version gothique, 
Vlphilse versio Gothica nonnullorum eapitum Ep. 
Pauli ad Rom., Brunswick, 1762; par Tischendorf, 
Anecdola sacra et profana, Leipzig, 1835, p. 153-158. 

— r. Frisingensis, v e -vi e siècle. Fragments de diverses 
Épîtres, à Munich, Clm. 6436. Publié par Ziegler, Itala- 
fragmente der Pauttnischen Sriefe, Marbourg, 1876. 

— Deux autres fragments du même manuscrit trouvés 
par Schnorr von Karolsfeld en 1892, ont été publiés par 
Wôlfflin, Neue Bruchstùcke der Freisinger Itala, dans 
Sitzungsberichte der Mùnchener Akademie, 1893, 
I Band, p. 253-280. — r 2 . Fragments de Philipp. et 
1 Thess., vip siècle, à Munich, Clm. 6436. Publiés par 
Ziegler avec r, Italafragmente comme ci-dessus. — 
r 3 . Fragments de Rom., Gai., vv-yiv siècle, au monas- 
tère de Gôttweig sur le Danube. Publiés par Rônsch, 
dans la Zeitschrift fur wissenschaftlichè Théologie, 
Leipzig, 1879, p. 224-234. — x 2 . Oxoniensis, IX e siècle, 
à Oxford, Bibl. Bodléienne, Laud, lat. 108, E, 67. Texte 
corrigé trois fois. 

5. Apocalypse. — g. Gigas Holtniensis. Voir g des 
Actes. — m. Sessorianus ou Spéculum. Voir m des 
Évangiles et des ictes. Cf. H. Linke, Studien zur Itala, 
I. Die vorhieronymische Ueberlieferung der Offenba- 
rung Johannis. u. Zum Codex Sessorianus. m. Mœnia- 
num, Breslau, 1889. — h (reg chez Gregory). Floria- 
cum fragnientum. Voir h des Actes. C'est le latin 6400 G, 
Bibl. Nat., Paris. Il contient, aux folios 115 v° et 118 v°, 
les fragments suivants : i, 1-n, 1 ; vm, 7-ix, 12. Publiés 
par Omont dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, 
t. xliv, 1883, p. 445-451; par Vansiltart, Journal of 
Philology, London et Cambridge, t. iv, 1872, p. 219- 
222; par Belsheim et S. Berger (op. cit.). Voir ci-des- 
sus, h des Actes. 

II. A QUELLE ÉPOQUE SE FIT LA TRADUCTION DES ÉCRI- 
TURES EN latin. — Les textes que nous venons d'énu- 
mérer donnent lieu à un certain nombre de questions 
que nous allons maintenant examiner. La premiers 
concerne l'époque où fut faite la traduction en latin de 
nos textes sacrés. Les plus anciens manuscrits que nous 
ayons rencontrés sur notre route sont des IV e et V e siè- 
cles seulement. Mais grâce aux écrits des Pères, il nous 
est possible de remonter beaucoup plus haut. Saint Cy- 
prien, dont la vie s'étend du commencement du m» siè- 
cle à l'an 258, avait certainement sous la main, quand 
il écrivait, une Bible latine, on peut dire complète; car 
il cite à chaque instant et dans les mêmes termes, des 
textes pris de presque toute l'Écriture; il a même publié 
des ouvrages, comme l'Epistola ad Fortunatum de 
Exhortatione Martyrii et les Testimoniorum contra lu- 
dseos libri très (Patr. Lat., t. iv), qui ne sont autre chose 
que des collections de textes sacrés en latin. Aussi peut- 
on parler en toute rigueur de la Bible latine de Cyprien. 
Voir P. Monceaux, La Bible latine en Afrique, parue 
dans la Revue des Etudes juives, 1901, surtout p. 152-172. 

— Avant saint Cyprien, Tertullien, qui naît en plein 
II» siècle pour prolonger sa longue carrière jusque vers 
l'an 240, cite également presque tous les livres de 
l'Écriture et plusieurs même de ceux que nous ne 
rencontrons pas sous la plume de Cyprien. A peine s'il 
en est quatre ou cinq que Tertullien n'ait employés. Il 
est vrai que ses citations ne se reproduisent pas toujours 
dans les mêmes termes, ce qui a fait penser à plusieurs 



que peut-être il traduisait directement le texte grec 
qu'il avait certainement en sa possession et auquel plu- 
sieurs fois il se réfère. Mais comme précisément il se 
réfère au grec pour discuter certaines interprétations 
admises dans l'Église de Carthage, il est donc évident 
que ces interprétations ou versions latines existent. Voir 
De monog., 11, t. n, col. 946; Advers. Marc, n, 9, 
col. 294. C'est aussi des versions latines, croyons-nous, 
malgré la nouvelle explication que l'on a essayé de don- 
ner à ce passage (Voir Corssen, Bericht, p. 13) que 
parle Tertullien quand il dit : Heec sunt enim duo 
Testamenla, sive duse ostensiones, sicut invenimus 
interpretatum (Adv. Marc, v, 4, t. n, col. 478). Cf. P. 
Monceaux sur Tertullien, loc. cit., p. 138-151. — Bien 
antérieurement à Tertullien, nous trouvons encore un 
témoignage formel que l'on avait traduit des livres de 
l'Écriture en latin dès le milieu, sinon dés le début du 
II e siècle. Les Acta Martyrum Scillilanorum, qui 
sont le plus ancien document chrétien de l'Église 
d'Afrique (voir Harnack, Geschichte der altchristlichen 
Literatur, t. I, lasc. 2, Leipzig, 1893, p. 817-819; Bar- 
denhewer, Les Pères de l Église, trad. franc., t. I, Pa- 
ris, 1898, p. 234-235), nous rapportent qu'en l'an 180, 
douze martyrs furent décapités à Scillium, en Numidie, 
par ordre du proconsul Saturninus. Or dans l'interro- 
gatoire des saints martyrs, nous lisons ceci, d'après le 
texte original latin (British Muséum, n. 11880) [publié 
par Armitage Robinson : * Le proconsul Saturninus 
dit : Qu'y a-t-il dans vôtre boîte? — Speratus (l'un des 
martyrs) dit : Les livres et les Épîtres de Paul, homme 
juste : Libri et Epistulsa Pauli, viri justi. » Voir A. 
Robinson, Texts and Sludies, t. i, n. 2, Cambridge, 
1891, p. 114. Selon la version grecque du manuscrit 
de la Bibl. Nat. daté de 890 (Fonds grec, n. 1470, 
Marlyrium S. Sperali), la réponse du martyr serait : 
« Les livres en usage chez nous et les Épîtres de Paul, 
homme saint : Ai xa6' T]|i5{ pîëXoi, xai ai Kpoatià tou- 
tocç 'EttuttoXoi ITauXou toû ôctov àvôp<Sç. Cité dans Ro- 
binson, ibid., p. 115. Plus clairement selon un texte 
latin de Baronius, reproduit par Ruinart et Robinson : 
Quatuor Evangelia Domini Nostri Jesu Christi, et 
Epistolas sancti Pauli apostoli, et omnem divinitus 
inspiratam Scripturam. Ruinart, Acta martyrum, 
édit. de Ratisbonne, 1859, p. 132; Robinson, ibid., 
p. 120. Et enfin un autre texte latin (Bibl. Nat., fonds 
latin, nouvelles acquisitions, n. 2179) fait dire plus sim- 
plement au martyr : Libri Evangeliorum et Epistolse 
Pauli viri sanctissimi apostoli. Texte reproduit aussi 
par Ruinart, ibid., p. 133, et par Robinson, ibid., p. 119. 
Comme on le voit, quant au fond, l'accord est complet, 
les martyrs de Scillium possédaient les Épîtres de Paul 
et d'autres livres sacrés, qu'il est plus difficile de déter- 
miner. Or ces martyrs étaient des gens du peuple et des 
esclaves, qui ne pouvaient évidemment comprendre les 
Écritures que dans leur propre langue. Il n'est donc 
pas douteux que dès cette époque, en l'an 180, « les li- 
vres et les Épîtres de Paul » ne fussent traduits et 
même répandus parmi le peuple chrétien d'Ahique. Cl. 
P. Monceaux, loc. cit., p. 137-138. Faut-il, avec saint 
Augustin, remonter plus haut encore et parler « des 
premiers temps de la foi », comme étant ceux où l'on 
commença à traduire les saintes Lettres en latin? En 
vérité, il n'est guère possible d'en douter, si l'on veut 
bien, à détaut de textes plus anciens que les précédents, 
examiner cette question en dehors de tout esprit de 
parti. Chacun sait que l'Écriture en langue vulgaire est 
pour l'évangélisation d'un peuple un objet de première 
nécessité. Les premiers apôtres de l'empire Tomain 
durent traduire ou faire traduire de bonne heure les 
Livres saints, dans cette langue latine que parlait le 
peuple romain, en Italie, dans les Gaules, en Espagne 

i ou en Afrique. 

i On a dit, il est vrai, qu'à cette époque le grec était 



413 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JEROME 114 



partout connu dans la société romaine, et qu'à Rome 
même les premiers monuments de la civilisation chré- 
tienne, la liturgie, Pépigraphie, les documents émanés 
des apôtres Pierre et Paul, et de tous les papes jus- 
qu'au milieu du rv» siècle, sont écrits en grec. Il est 
vrai que les premiers apôtres prêchèrent tout d'abord 
dans le milieu hellène de la diaspora, et c'est ce qui 
explique qu'ils écrivirent en grec et que la liturgie, à 
l'origine, fut grecque. Mais le II e siècle n'était pas com- 
mencé que déjà l'Église avait brisé les premiers cadres 
de son action devenus trop étroits, débordé le cercle 
restreint des synagogues, pénétré enfin dans la société 
romaine où l'hellénisme juif n'était qu'un point perdu 
dans l'espace. On parlait grec, dit-on, dans la société ro- 
maine et à Rome surtout. La vérité est que lé peuple 
parlait latin. On sait, à n'en pas douter, [par le témoi- 
gnage de Tertullien, Apolog., xxxvii, t. i, col. 462- 
463, que de son temps déjà les masses populaires chré- 
tiennes inondaient toute la société romaine et que, par 
conséquent, l'évangélisation du bas peuple, parlant uni- 
quement le latin, devait remonter jusqu'aux origines. 
On peut donc conclure que vers la fin du v siècle, à 
Rome comme en plusieurs autres contrées de la pénin- 
sule ou de l'empire, on devait posséder déjà quelque 
traduction de l'un ou de l'autre des trois premiers 
Évangiles. Peu à peu, les autres documents, Évangile 
de saint Jean, Épltres de saint Paul ou des autres 
apôtres, arrivent à la connaissance du monde d'Occident 
et sont pareillement traduits en latin pour l'usage soit 
du peuple, soit des prêtres et des évêques eux-mêmes. 
L'Ancien Testament, lui aussi, dut être bientôt traduit, 
non pas de l'hébreu, mais, comme le prouvent nos an- 
ciens textes, du grec des Septante que les Juifs hellènes 
avaient déjà semé sur tous les rivages de la Méditerra- 
née, alors que le christianisme était encore à son ber- 
ceau. C'est dans la première moitié du II e siècle, de 
l'an 100 à 150 environ, que se fit la plus grande par- 
tie de ce travail, et sur la fin du même siècle que le 
reste s'acheva. Cf. Kaulen, Einleitung, 1899, § 145-146; 
Westcott, dans le Dictionary of the Bible de Smith, 
article Vulgate, n. 5, t. m, p. 1690. 

IV. De ia pluralité des versions latines anté- 
rieures a. saint Jérôme. — Dans la question présente 
nous n'avons pas à nous demander si la Bible latine 
antérieure à saint Jérôme est l'œuvre d'un ou de plu- 
sieurs auteurs; la pluralité des traducteurs de nos 
textes n'est contestée par personne. Il ne s'agit pas non 
plus de rechercher si la Bible fut traduite plusieurs 
fois en entier; les renseignements et les textes qui nous 
restent ne sont pas assez nombreux pour qu'on puisse 
trancher cette question. Nous nous demandons simple- 
ment si pour un certain nombre de livres, et en par- 
ticulier pour ceux dont nous possédons des textes di- 
vers, il taut reconnaître une seule version fondamen- 
tale avec des recensions subséquentes qui expliqueraient 
la diversité de ces textes, ou bien au contraire s'il y eut 
des versions multiples dès l'origine, entreprises par 
des traducteurs différents. A la question ainsi posée 
tous ne répondent pas de la même manière. Des 
auteurs éminents, tels que Sabatier et Bianchini au 
xvm e siècle, "Vercellone et Tischendorf de nos temps, 
plus près de nous encore Kennedy, Scrivener, Gregory 
(bien que ce dernier fasse une grave concession dans 
son récent ouvrage Textkritik, t. n, 1902, p. 597), sont 
pour l'unité de version. Voir Sabatier, Bibliorum sacr. 
lat. versiones antiques, t. i, p. vi; Bianchini, Evan- 
gelium quadr., proleg., p. 29; Vercellone, Disser- 
tazioni accademiche , Roma, 1864, p. 21; Tischen- 
dorf, Novum 'lest, triglottum, Leipzig , 1854, proleg., 
col. xlvii-li ; Kennedy, dans Dictionary of the Bible, art. 
Latin Versions [The old], t. m, p. 48-49; Scrivener, 
A plain Introduction, 4 e édit v t. n, p. 41-43; Gregory, 
Proleg., p. 949-952, et Textkritik, loc. cit. D'autres, 



au contraire, surtout depuis les derniers travaux qui 
ont été faits, admettent la thèse de la pluralité. De ce 
nombre sont, chez les Allemands. Gams, Rônsch, Ziegler, 
Nestlé, Kaulen, et chez nous, L. Delisle, U. Robert, 
Gaston Paris, P. Monceaux. Voir Gzm%Kirchengeschichte 
Spaniens, 1879, t. n, p. 501; Rônsch, Itala und VmZ- 
gata, p. 2; Ziegler, Die latein. Bibelûbersetzung vor 
Hieron., p. 1; Nestlé, Urtext und Vebersetzungen der 
Bibel, Leipzig, 1897, p. 85-86; Kaulen, Einleitung, 
1899, § 146; L. Delisle, Notice sur un manuscrit de 
Lyon, dans la Biblioth. de l'École des Chartes, 1878, 
t. xxxix, p. 428; U. Robert, Pentat. versio, introd., 
p. cxxxii, et Heptateuchi versio latina, p. xxv; G. Paris, 
dans le Journal des savants, 1883, p. 387; P. Monceaux, 
La Bible latine en Afrique, dans la Bévue des Études 
juives, 1901, p. 15-17. Cette seconde opinion nous 
parait l'emporter en probabilité ; nous allons en donner 
nos raisons. 

H est à propos de remarquer tout d'abord qu'aux 
époques reculées où remonte la traduction latine , I er et 
il" siècles, avons-nous dit, il n'y eut pas évidemment 
de version pour ainsi dire officielle, élaborée par au- 
torité ecclésiastique pour être ensuite communiquée 
identiquement aux différentes communautés chré- 
tiennes. Les premiers pasteurs des églises n'avaient 
ni le temps ni les moyens de constituer une sorte de 
commission savante, chargée de préparer pour tous les 
peuples de langue latine une traduction officielle et 
unique de nos livres sacrés. Saint Augustin a dit en 
peu de mots comment l'Écriture parvint aux Églises 
latines : « Aux origines de la foi, le premier venu, s'il 
lui tombait entre les mains un texte grec et qu'il crût 
avoir quelque connaissance de l'une et de l'autre langue, 
se permettait de le traduire. » De doct. christ., n, 11, 
t. xxxrv, col. 43. Donc pas de texte officiellement éla- 
boré, arrêté pour tous, mais une série de travaux privés, 
entrepris sans aucune entente préalable par des écri- 
vains que séparent de longues distances et que sollici- 
tent les mêmes besoins. Dès lors il est probable qu'un 
certain nombre de livres ont dû être traduits par plu- 
sieurs travailleurs. 

Les premiers Pères, en effet, qui se sont servis des 
textes antérieurs à la Vulgate, semblent tous d'accord 
pour nous attester l'existence, non pas seulement de 
variantes dans les manuscrits d'un même texte, mais 
encore de traducteurs multiples pour les mêmes livres. 
Tertullien parait déjà avoir eu connaissance de plusieurs 
versions : Quidam de grseco interprétantes... pro 
afftatu spiritum ponunt. Adv. Marc, it, 9, t. n, 
col. 294. — Saint Hilaire, à différentes reprises, nous 
parle aussi de traducteurs multiples d'un même pas- 
sage : Aliqui translatores nostri ; latini quidern in- 
terprètes transtulerunt. In Ps. Liv, 1, t. ix, col. 347; 
m Ps. cxvni, littera xn, 3, t. ix, col. 577. Cl. De 
Trinit., 1. VI, 45, t. x, col. 194. — Saint Ambroise se 
sert bien souvent d'expressions du même genre, et il 
n'est pas rare de le voir discuter les traductions discor- 
dantes. In Ps. xxxvj, 56, t. xiv, col. 994; ïn Ps. cxvill, 
Serm., xn, 7, t. xv, col. 1362; Serm., xv, 3, col. 1410; 
Serm., xx. 10, col. 1486. Ct. Ambrosiaster, Conim. in 
Bom., v, 14, t, xvii, col. 96. — Le langage de saint Jé- 
rôme suppose aussi notre thèse, notamment dans sa 
Préface aux quatre Évangiles, t. xxix, col. 525, et dans 
la lettre xvm, 21, au pape Damase. Prsef. in quatuor 
Evang., t. xxix, col. 525; t. xxn, col. 376. 

Mais de tous les Pères aucun n'a parlé plus claire- 
ment que le grand évêque d'Hippone , saint Augustin. 
C'est au livre second de son traité De doctrina christiana 
surtout (t. xxxiv), qu'il a dit sa pensée sur ce sujet. 
Après avoir énuméré les livres canoniques (c. vm), et 
indiqné ce que l'on doit chercher avant tout dans les 
Écritures, il signale au travailleur les difficultés d'ordre 
philologique qu'il rencontrera sur sa roule (c. ix-x), 



115 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JEROME 116 



puis (c. xi) arrive aussitôt aux moyens de les vaincre : 
« Les hommes de langue latine, dit-il, ont besoin pour 
la connaissance des Écritures du secours de deux autres 
langues : la langue hébraïque et la langue grecque, afin 
que, si l'infinie variété des interprètes latins les jette dans 
le doute, ils puissent recourir aux deux autres textes. » 
Ce secours, poursuit-il, leur sera utile, non seulement 
pour entendre certains mots hébreux restés dans le latin, 
tels que : « Amen, Alléluia. Racha, Hosanna..., mais 
encore et surtout, comme je l'ai dit, à cause des diver- 
gences des interprètes. Car on peut bien compter ceux 
qui ont traduit les Écrijures de l'hébreu en grec, mais 
non ceux qui les ont traduites en latin. » Le cardinal 
Wiseman, qui était partisan de l'unité, a essayé d'éluder 
la force de ces dernières paroles, en disant que saint 
Augustin opposait ici aux traducteurs grecs les recen- 
seurs et non les traducteurs de la version latine. 
Lettres au Catholic Magazine, dans Migne, Démons- 
trations évangéliques, t. xvi, p. 272. Mais n'est-ce 
pas là solliciter les textes à plaisir, pour en obtenir ce 
qu'ils se refusent d'eux-mêmes à donner? Du reste, pour 
couper courte toute hésitation, saint Augustin lui-même 
précise sa pensée, en expliquant comment il s'est lait 
que l'on ait pu avoir des versions multiples. Car c'est à 
cet endroit qu'il écrit les célèbres paroles citées plus 
haut : « Aux origines de la foi, le premier venu, s'il lui 
tombait entre les mains un texte grec, et qu'il crût avoir 
quelques connaissance de l'une et de l'autre langue, se 
permettait de le traduire. » Très évidemment le sens 
de ces dernières paroles n'est pas « se permettait d'en 
faire la recension », mais bien « d'en l'aire la version ». 
Et ce n'est pas tout encore. Au chapitre suivant (xn), il 
nous dit que cette multiplicité de traductions a d'ail- 
leurs un avantage, celui de nous faire connaître de 
combien de manières on a compris les Écritures avant 
nous, ce qui permet au travailleur d'étudier, de compa- 
rer les opinions diverses et de faire ainsi un choix 
éclairé. Après quoi (c. xm), il ajoute les paroles suivantes 
qui sont bien significatives dans la question : « Mais 
parce que la pensée que plusieurs interprètes se sont 
efforcés de rendre, chacun selon sa capacité et sa ma- 
nière de voir, ne se montre bien que dans la langue 
même de laquelle ils traduisent, et aussi, parce que le 
traducteur, à. moins d'être très docte, trahit souvent le 
sens de l'auteur, il faut, ou bien apprendre les langues 
d'où l'Écriture a passé en latin , ou bien consulter les 
traductions les plus littérales; non qu'elles suffisent, 
mais parce qu'elles serviront à découvrir l'exactitude ou 
l'erreur de ceux qui se sont attachés à traduire le sens 
plutôt que les mots. » Enfin, pour rendre ses conseils 
plus pratiques, le grand docteur (c. xiv-xv), après avoir 
une fois de plus recommandé comme très utile le 
recours aux textes des nombreux traducteurs latins : 
Juvat interpretum numerositas collalis codicibus in- 
specta atque discussa, indique lui-même parmi tant de 
versions celle qu'il croit préférable aux autres, parée 
qu'il la juge à la fois plus littérale et plus claire. Cette 
version, il lui donne un nom, par lequel il la distingue 
nettement des autres, c'est l'Italique : In ipsîs autem 
interpretationibus, Itala cseteris prxferatur; nam est 
verborum tenacior cum perspicuitate sententix. Ces 
dernières paroles sont si manifestement en taveur de la 
pluralité des versions latines, que les partisans de l'unité 
n'ont cru pouvoir les expliquer qu'en accusant les 
copistes d'avoir altéré le texte. Ce n'est pas Itala qu'il 
faudrait lire, mais Ma, ou bien encore usitata, le copiste 
ayant par distraction combiné le commencement de ce 
mot avec la fin du précédent : interpretationïbusitata. 
En vérité, la critique est souvent contrainte de s'en 
prendre aux copistes pour défendre ses propres droits 
et ceux du simple bon sens; mais du moins faut-il, 
quand on a recours à ce procédé , pouvoir le justifier 
par quelque raison plausible, et le seul désir de faire 



triompher une opinion contestable n'en est pas une. 

Qu'était-ce en somme que la version italique? Si le 
mot Itala est authentiquement d'Augustin, comme nous 
le croyons, il est évident que l'Italique était pour le 
docteur d'Hippone une version en usage en Italie, ou, 
si l'on tient à donner à ce dernier mot plus de précision, 
une version répandue dans la circonscription politique 
appelée diocèse d'Italie, qui comprenait le nord de 
la péninsule, et dont Milan était la capitale. Cf. Gaston 
Paris, dans le Journal des savants, 1883, p. 287 et 
388; S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. 6; P. Mon- 
ceaux, dans la Revue des Études juives, juillet 1901, 
p. 16. Et ainsi l'on est induit à penser que l'Italique de- : 
vait être la version latine qu'Augustin avait sous les 
yeux, quand , à Milan, il allait entendre les commen- 
taires d'Ambroise ou qu'il se rendait à l'église pour y 
pleurer au chant des Psaumes. Nous essaierons de dire 
plus loin quels textes représentent l'Italique; pour le 
moment il nous suffit de bien constater que, dans la 
pensée d'Augustin, l'Italique n'est pas l'unique version 
latine, mais parmi les diverses versions dont il a con- 
naissance, celle qu'il recommande.de préférence. On 
voit du même coup que c'est par erreur que l'usage a 
prévalu durant quelque temps de se servir de cette dé- 
nomination pour désigner toutes les traductions latines 
antérieures à saint Jérôme. 

Après avoir montré par le témoignage des Pères com- 
bien est plus vraisemblable la thèse de la pluralité des 
versions, il nous resterait à établir la même thèse par 
l'étude directe des textes que nous avons encore entre 
les mains. Mais pour être démonstrative, cette preuve 
nécessiterait de longues citations; il faudrait mettre en 
regard sous les yeux . du lecteur nombre de passages 
des Écritures puisés aux différentes sources, les compa- 
rer les uns avec les autres, relever leurs divergences et 
alors montrer que ces divergences trouvent leur expli- 
cation, leur raison suffisante dans la multiplicité des 
traductions et non pas dans la multiplicité des recen- 
sions, comme le voudraient les défenseurs de l'opinion 
contraire. Comme il n'est pas possible de transcrire ici 
toutes les pièces du procès, ce qui demanderait des vo- 
lumes, nous renverrons d'abord le lecteur aux auteurs 
qui, de notre temps, ont démontré la pluralité des ver- 
sions latines par les plus larges citations : M. Ziegler, Die 
lateinischenBibelûbersetzungenvor Hieronymus, in-4> 
Munich, 1879 (antidaté), p. 102-123; M. U. Robert, 
Pentateuchi versio lalina, in-4°, Paris, 1881, p. cxxxh- 
CXLi; M. P. Monceaux, dans les deux articles déjà cités 
de la Revue des Éludes juives, avril 1901, p. 129-172; 
juillet, p. 15-49. Sur le premier ouvrage, celui de 
M. Ziegler, et à l'appui de la même thèse, on peut aussi 
voir Desjacques : Les versions latines de la Bible avant 
saint Jérôme, dans les Études, décembre 1878, p. 721-744. 
Cela fait, nous allons dire cependant ici le nécessaire 
dans la question, en appuyant particulièrement sur la 
méthode à suivre pour donner à l'argument toute la 
force qu'il peut et doit avoir, mais sans rien exagérer de 
sa valeur. Car, on le comprend bien, si la preuve était 
absolument péremptoira, nous n'aurions pas contre 
nous tant d'hommes éminents. 

Plusieurs parmi ceux-ci réclament d'abord contre 
l'emploi de textes empruntés aux ouvrages des anciens 
Pères pour prouver notre thèse, et en cela ils n'ont pas 
tout à îait tort. Il est, en effet, très délicat d'argumenter 
ici d'après les citations des Écritures que l'on.rencontre 
chez les premiers écrivains ecclésiastiques. Que Tertul- 
lien, saint Hilaire ou quelque autre raconte une des 
touchantes histoires de l'Évangile, il est tout aussitôt ma- 
nifeste qu'à cette époque le tait évangélique se rencon- 
trait dans le texte; mais la teneur même du récit, qui 
se trouve dans Hilaire ou Tertullien, est-ce bien celle 
des Évangiles d'alors ? En d'autres termes, a-t-on affaire 
à une citation littérale des Évangiles, tels qu'on les 



117 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JEROME 11? 



avait alors en manuscrit, ou bien n'est-ce qu'un récit 
fait de mémoire et en gros, peut-être une traduction 
nouvelle de ce passage improvisée sur le texte grec qu'on 
a sous les yeux ? On le voit, les citations scripturaires 
des anciens doivent être examinées de près et jusque 
dans les détails, si l'on veut être sûr que l'on tient entre 
les mains une version dont le texte était à l'avance fixé, 
une version enfin que l'écrivain rapporte fidèlement, 
littéralement, sans commentaire comme sans omission. 
En négligeant cette précaution, on s'exposerait à trouver 
chez un même Père plus de versions qu'on n'en vou- 
drait. D'autre part, et pour ne rien perdre des avantages 
auxquels ils ont droit, les partisans de la pluralité doi- 
vent surveiller les éditions des Pères dont ils se servent 
à défaut de manuscrits, parce que trop souvent il arrive 
que l'éditeur maladroit remanie les citations scriptu- 
raires pour les rendre conformes à quelque texte reçu, 



Mais, si nous sommes relativement pauvres en manus- 
crits du Vieux Testament, il n'en est plus tout à fait de 
même pour les livres du Nouveau. C'est pourquoi nos- 
adversaires ont ici le droit d'exiger que nous leur prou- 
vions, d'après les textes qui nous restent des Évangiles, 
des Actes ou des Epitres de saint Paul, la pluralité des 
anciennes versions latines. Cette preuve, on peut la 
faire, et, à notre avis, elle est à tout le moins suffisante 
pour établir solidement notre thèse, encore qu'elle ne 
force pas la conviction de tous les critiques. 

Nous donnerons un exemple qui permettra au lecteur 
de voir à peu près dans quelle mesure nos textes s'éloi- 
gnent ou se rapprochent les uns des autres. Voici en 
quels termes les trois manuscrits a. Vercellensis, b. Ve— 
ronensis et f. Brkcianus racontent la visite des saintes 
femmes au sépulcre, le matin de la résurrection, d'après- 
saint Luc, xxiv, 1-11 : 



o. Vercellensis. 

1. prima autem die sabbatorum 

2. venerunt ante lucem valde ad monu- 
mentam 

3. adferentes qure paraverunt 
4. 

5. invenerunt autem lapidem revolutum 
a monumento 

6. ingressœ autem non invenerunt cor- 
pus 

7. et factum est dum stuperent de hoc 

8. ecce virî duo adstiterunt juxta illas 
in veste tulgenti 

9. timere autem adprehensae inclinan- 
tes taciem ad terram 

10. dixerunt ad illas quid quœritis vi- 
vum cum mortuis 

11. 

12. memoramini sicut locutus est vobis 

13. dum adhuc esset in galilœa 

14. dicens quoniam ûlium hominis opor- 
tet tradi 

15. 

16. et tertia die resurgere 

17. et memoratae sunt verborum horum 

18. et reversée renuntiaverunt hœc om- 
nia illis omnibus et céleris omnibus 

19. erat autem magdalena 

20. et maria iacubi et iohanna 

21. et reliquat cum eis quai dicehant ad 
apostolos h«ec 

22. et visa "sunt illis tanquam délira 
verba baec 

23. et non credebant eis 



b. Veronensis. 

1. una autem sabbati 

2. venerunt valde tempore ad monu- 
mentum 

3. portantes quœ paraverant 
4. 

5. et invenerunt lapidem revolutum 

6. ingressae autem non invenerunt cor- 
pus 

7. et factum est dum mente consternatœ 
essent de facto 

8. et ecce duo viri steterunt secus illas 
in veste Mgente 

9.. cum timerent autem et declïnarent 
vultum in terram 

10. dixerunt ad illas quid quœritis vi- 
ventem cum mortuis 

11. 

12. rememoramini qualiter locutus est 
vobiscum 

13. cum adhuc in galilœa esset 

^4- dicens quia oportet fllium hominis 
tradi - 
,15. in manus hominum et cruciflgi 

16. et die tertia resurgere 

17. et rememoratœ sunt verborum ho- 
rum 

18. et regressae renuntiaverunt haec om- 
nia illis xi et ceteris omnibus 

19. erat autem maria magdalenœ 

20. et iohanna et maria iacobi 

21. et cetera? quse cum ipsis fuerant haec 
dicebant ad apostolos 

22. et visa sunt ante illos sicut delira- 
mentum verba ista 

23. et non credebant illis 



f. Brixianus. 

1. una autem sabbati 

2. valde diluculo venerunt ad monumen- 
tum 

3. portantes quœ paraverant aromata 

4. et aliae simul cum eis 

5. et invenerunt lapidem revolutum a. 
monumento 

6. et ingressae non invenerunt corpus 

7. et factum est dum haesitarent de hoc 

8 ecce duo viri adstiterunt juxta illas- 
in veste tulgenti 

9. cum timerent autem et declinarent 
vultum in terram 

10. dixerunt ad illas quid quœritis vî- 
ventem cum mortuis 

11 . non est hic sed surrexit 

12. recordamini qualiter locutus est vo- 
bis 

13. cum adhuc in galilssam esset 

14. dicens quia oportet lilium hominis- 
tradi 

15. in manus hominum peccatorum et 
cruciflgi 

16. et tertia die resurgere 

17. et recordatae sunt verborum ejus 

18. et régressas a monumento nuntiave— 
runt haec omnia illis undecim et ceteris. 
omnibus 

19. erat autem maria magdalena 

20. et iohanna et maria iacobi 

21. et ceterœ quœ cum eis erant qujjo 
dicebant ad apostolos hsec 

22. et visa sunt coram illos quasi dcli- 
ramentum verba illarum 

23. et non credebant illis. 



et fait ainsi disparaître toutes les divergencee Au total, 
l'emploi de textes pris dans les ouvrages des Pères est 
parfaitement légitime, mais le maniement en est fort 
délicat, si l'on ne veut ni exagérer ni affaiblir la valeur 
des arguments puisés à cette source, et il est préférable, 
quand on en a la facilité, de recourir directement aux 
textes continus des Écritures, que l'on rencontre dans 
les manuscrits ou dans les éditions qui en ont été 
publiées. 

Mais est-il possible d'établir d'après les seuls manus- 
crits la pluralité des anciennes versions latines pour 
chacun des livres de l'Écriture? Évidemment non; car 
nous sommes loin de posséder, en particulier pour 
l'Ancien Testament, le nombre de textes qui seraient 
requis pour faire une telle démonstration. Aussi bien, 
selon ce quia été dit en commençant, n'est-il pas néces- 
saire de prétendre que l'antiquité ait possédé plusieurs 
versions latines de tous les Livres saints sans exception. 



Les trois récits qu'on vient de lire sont-ils l'œuvre de 
différents traducteurs, ou bien n'étaient-ils à l'origine^ 
qu'une seule et même version qui s'est modifiée dans la 
suite entre les mains de divers recenseurs? Telle est 
exactement la question qui se pose en face de ces textes 
et tant d'autres semblables. Pour nous, il nous paraît 
que les variantes^de nos manuscrits sont trop nombreu- 
ses pour qu'on puisse les expliquer autrement que par- 
l'existence de plusieurs versions. De plus, si nous 
n'avions afiaire qu'à des recensions, les divergences 
trahiraient la préoccupation qu'a toujours un recenseur 
de rendre son texte ou plus exact ou plus littéraire. Or 
nous ne voyons aucun souci de ce genre se trahir dans 
nos trois rédactions. 

Une difficulté reste toutefois. On nous dit : Si nous 
admettons que ces textes viennent d'auteurs différents, 
comment expliquer qu'il s'y rencontre encore tant 
d'expressions semblables, absolument les mêmes? Nous. 



«9 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JÉRÔME 120 



pourrions d'abord répondre que ce sont les recenseurs 
peut-être qui ont ainsi rapproché les textes, car enfin, 
quand on a plusieurs textes d'un même ouvrage entre 
les mains, une recension a pour consAifuence tout aussi 
bien de les rapprocher que de les éloigner les uns des 
autres. Mais n'insistons pas sur cet argument, qui n'est 
après tout qu'un argument ad komineni, et venons à la 
réponse directe. Or, nous disons que la rencontre des 
mêmes mots sous la plume des divers traducteurs était 
inévitable. Les Livres saints ont été pensés, puis écrits 
par des Sémites qui ont toujours suivi la syntaxe de 
leur propre langue, même quand ils ont écrit en grec. 
De là cette perpétuelle succession de petites phrases 
•courtes, sans aucun lien qui les réunisse pour former 
quelque chose qui ressemble à nos périodes latines. 
Saint Luc lui-même, le meilleur écrivain grec du Nou- 
veau Testament, n'a pas d'ordinaire échappé à cette loi. 
Or, un livre ainsi composé ne peut être traduit fidèle- 
ment que si l'on coule presque constamment sa propre 
phrase dans le moule de la phrase sémitique; autre- 
ment, on ne semble pas traduire, mais paraphraser. 
Ajoutons à cela que le principal souci, et, pour ainsi 
dire, l'unique souci du traducteur des saints Livres a 
toujours été l'exactitude, la fidélité stricte. Il devait en 
être ainsi; ce qui importe par-dessus tout dans l'étude 
des Écritures, c'est de savoir d'une manière précise ce 
que Dieu a dit. Car il s'agit d'une parole révélée et fai- 
sant loi, à laquelle on ne peut donc rien ajouter, rien 
retrancher, sans forfaire aussi bien à la science qu'au 
respect de la foi. C'est ce qui nous explique pourquoi 
toutes les versions approuvées dans les Églises sont 
des versions en somme littérales. Une version de la 
Bible doit pouvoir faire autorité comme un texte juri- 
dique; or, elle ne le peut que si elle est littérale et 
rend l'affirmation divine telle quelle, rien de moins 
rien de plus. Dans ces conditions, il est absolument 
inévitable que les traducteurs se rencontrent souvent. 
Le lecteur est ^ même d'en faire l'expérience. Qu'il 
prenne un chapitre des Évangiles grecs, ou simple,- 
ment le passage de saint Luc donné plus haut d'après 
nos trois manuscrits, et qu'il se mette lui-même à le 
traduire fidèlement, littéralement en latin; il consta- 
tera que sa traduction se rapproche ou s'éloigne des 
anciennes versions qui datent de dix-sept à dix-huit cents 
ans, dans la mesure même où celles-ci s'éloignent ou 
se rapprochent les unes -des autres. Et ainsi, l'examen 
intrinsèque de nos textes, comme aussi les témoignages 
des anciens écrivains ecclésiastiques, nous amènent à 
cette conclusion que partout où l'on rencontre des 
textes aussi divergents que le sont ceux de nos trois 
manuscrits, on a affaire, non pas à de simples recen- 
sions, mais bien à des traductions différentes. 

VI. DU CLASSEMENT DES TEXTES PAR GROUPES DE VER- 
SIONS ou recensions diverses. — Les anciens textes 
latins ont été classés, mais pour la partie du Nouveau 
Testament seulement, par les deux célèbres critiques 
anglais Westcott et Hort, The New Testament in tlïe 
original Greek, Introduction, p. 78-84, Cambridge, 1881, 
et l'on peut dire que leur système a été universellement 
accepté. Voir par exemple Scrivener, A plain Introd., 
p. 55-56; Gregory, Prolegomena, p. 948-949, et Text- 
kritik, p. 598; Kenyon, Our Bible, London, 1895, p. 78; 
P. Monceaux, Revue des Eludes juives, avril 1901, 
p. 130-131; S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. 5; 
Nestlé, dans Urtext und Uebersetzungen, p. 87-88; 
Kennedy, Diclionary of the Bible, t. m. p. 55-60. Se 
plaçant au point de vue de la diversité des versions ou 
recensions, Westcott et Hort en ont distiugné trois 
groupes : groupe africain, groupe européen, groupe 
italien. Il' va sans dire que cette classification ne com- 
prend ni les textes alors insuffisamment étndiés ou 
même inconnus, ni les textes par trop mêlés pour qu'on 
puisse discerner leur groupe originel. Mais que faut-il 



entendre par textes africains, européens, italiens, si 
l'on veut rester dans le vrai, sans préjuger la question 
d'origine première de chaque version ou recension, et 
quels sont les textes à ranger daus chaque groupe? 

/. textes africains. — Par textes africains il faut 
entendre tous les textes, d'où qu'ils viennent, princi- 
palement apparentés avec ceux dont se servirent les 
Pères d'Afrique, Tertullien et surtout saint Cyprien. 
Car, nous l'avons dit, Cyprien a pour nous cet avantage 
qu'il cite souvent la Bible et la cite dans les mêmes 
termes ; c'est évidemment qu'il possédait une collection 
de textes déterminés, fixés, une véritable Bible latine 
qui peut par conséquent servir de point de départ ou 
de terme de comparaison pour retrouver la teneur des 
textes usités en Afrique à l'origine des Églises. Or on 
regarde comme se rapprochant particulièrement des 
citations de Tertullien et de Cyprien, pour les Évan- 
giles : le Codex Bobbiensis (k), le Palatinus (e); pour 
les Actes et pour l'Apocalypse : le palimpseste de Fleury- 
sur-Loire (h). 

il. textes européens. — Par textes européens on 
entend ceux qui ont été en usage dans les anciennes 
Églises latines d'Occident et sont restés en dehors des 
textes revisés par saint Jérôme. Les textes de cette ca- 
tégorie sont fort nombreux. On cite, par exemple, pour 
les Évangiles les manuscrits suivants : Vercellensis (a), 
Curiensia fragmenta (a 2 ), Sangallensia fragmenta (an- 
ciens n, o, p, qui ont fait retour au a 2 ), Veronsnsis (b), 
Golbertinus (c), Corbeiensis (ff 2 ), Claromontanus (h) 
Vindobonensis (i), Usserianus primus (r 1 ); pour les 
Actes : Gigas Holmiensis (g), fragmentum Mediola- 
nense (g 2 ), Bobbiensis palimpsestvs (s); pour lesÉpitres 
catholiques : le Corbeiensis (ff) de Pétersbourg, conte- 
nant l'Êpître de saint Jacques ; enfin, pour l'Apocalypse : 
le Gigas Holmiensis (g). 

///. textes italiens. — Les textes italiens sont, 
comme nous l'avons expliqué plus haut, en parlant de 
l'opinion de saint Augustin sur la pluralité des versions, 
les textes ainsi dénommés par ce Père, et qui, avons- 
nous dit encore, devaient être en usage, sinon dans 
toute l'Italie, au moins dans la partie nord du pays, ap- 
pelée « diocèse d'Italie », comprenant entre autres les 
villes de Vérone, Aquilée, Brescia, Ravenne et Milan. 
Cf. S. Berger, Hist. de la Vulgate, p. 6. Les textes ita- 
liens sont donc eux aussi des textes d'Europe ; on les a 
mis pourtant dans une classe à part, à cause du mot 
célèbre d'Augustin. Comme le grand docteur les préfé- 
rait aux autres et s'en servait dans ses propres écrits, 
que d'autre part il apprit vraisemblablement à les con- 
naître quand il était à Milan, on les retrouvera facile- 
ment en voyant s'ils sont apparentés avec les citations 
bibliques d'Augustin, avec celles d'Ambroise ou des 
autres écrivains du nord de l'Italie. 

Il faut cependant noter ici une opinion spéciale qui 
vient de se produire. Jusqu'à ces derniers temps, pres- 
que tous les auteurs avaient considéré l'Italique ou les 
textes italiens comme absolument différents des textes 
hiéronymiens. On citait pourtant saint Isidore de Sé- 
ville, qui avait appliqué aux travaux de saint Jérôme 
l'éloge donné par Augustin à l'Itala. Presbyter quoque 
Hieronymus, trium linguarum peritus, ex Hebrœo in 
Lalinum eloquium easdem Scripturas convertit elo- 
quenterque transfudit, cujus interpretatio merito cete- 
ris antefertur ; nam est et verborum tenacior et per- 
spicuitate sententise clarior atque utpote a Christiano 
interprète verior. Etym.,6. 4, t. lxxxiii, col.236. Dans 
les Prolégomènes à la Glose ordinaire de Walafrid Stra- 
bon (Patr. Lat., t. cxiii, col. 26), on lisait aussi quelque 
chose de semblable. Plus récemment, C. A. Breyther, 
Biss. de vi quam antiquissimte versiones, quse extant 
latime, in crisin Evang. 1 V Aa&eant^Mersebourg, 1824, 
8», cité par Nestlé, Urtext, p. 87, avait parlé dans le 
même sens, et de même enfin Ed. Reuss, dans la 2 e et 



121 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JEROME 122 



la 3 e édition de sa Geschichte der heil. Schrifte des 
If. T., au § 452, en entendant cela pourtant de la re- 
cension hesaplaire faite par saint Jérôme. Or voici que 
tout dernièrement M. Burkitt, The Old Latin and the 
ltala, Cambridge, 1896, p. 55-65, Texts and Studies, t. rv, 
n. 3, a tenté à son tour de démontrer que l'Italique 
pour Augustin serait la Vulgate et la traduction même 
de saint Jérôme. Plusieurs graves auteurs inclinent à 
donner raison à Burkitt, entre autres Th. Zahn, dans 
le Theologisches Literaturblatt, 1896, t. xvn, n. 31; 
S. Berger, dans le ( Bulletin critique, 1896, 5 sept., 
p. 481-485; Corssen, Bericht ûber die latein. Bibelû- 
bersetzugen, Leipzig, 1899, p. 5. Mais cette opinion 
trouve aussi des opposants d'autorité : Mercati, dans la 
Revue biblique, 1897, p. 474-478, ou Rivista bibliogra- 
fica italiana, 10 nov. 1896, p. 257; P. Monceaux, 
dans la Revue des Études juives, juillet 1901 , p. 16 ; 
Kennedy, Dictionary, p. 57; P. Lejay, dans la Rev. 
d'hist. et de litt. religieuses, 1900, p. 175-176. L'opinion 
de ces derniers auteurs nous paraît seule vraisemblable 
et voici pourquoi : Dans le célèbre passage d'Augustin 
sur l'Itala, De doctr. christ., il, 15, il ne peut s'agir 
tout d'abord de la version de Jérôme sur l'hébreu. Le 
livre II du De doct. christ, est de 397. Or, à cette époque, 
la version de Jérôme était loin d'être achevée et, de 
plus, Augustin la combattit jusque vers l'an 405, comme 
nous l'avons raconté dans les Etudes, nov. 1895, p. 386- 
392. — Il ne s'agit pas non plus de la recension de 
l'Ancien Testament faite par Jérôme sur les Septante. 
Car, de tout l'Ancien Testament, Jérôme ne fit en Italie 
que la première revision du Psautier (Psautier romain), 
qu'il recommença plus tard à Bethléhem (Psautier gal- 
lican) d'après les Hexaples d'Origène. C'est aussi à 
Bethléhem qu'il continua et acheva sa recension sur 
les Septante. Pourquoi dès lors Augustin eùt-il appelé 
version italienne cette recension de Bethléhem? De plus, 
Augustin ne connaissait guère, en 397 du moins, quand 
il parlait de l'Itala, qu'une très minime partie de la 
recension achevée à Bethléhem en 390. En effet, en 394, 
il ne possède encore que le livre de Job, et en 397, 
quand il parle de l'Itala, à peine en a-t-il fait l'éloge 
qu'immédiatement après il recommande aux Latins de 
corriger leurs textes sur les Septante : Et latinis qui- 
buslibet emendandis grseci adhibeantur, in quibus 
Septuaginta interpretutn, quod ad Vêtus Testamentum 
attinet, excellit auctoritas. De doctr. christ., 'n, 15, 
t. xxxiv, col. 46. Pourquoi cette recommandation, si 
l'Itala est pour lui précisément un texte déjà revu sur 
les Septante par saint Jérôme, dont les recensions 
étaient si appréciées d'Augustin? — Enfin l'Itala n'est 
pas non plus, semble-t-il, la recension du Nouveau Tes- 
tament faite à Rome par saint Jérôme de 383 à 385. 
Augustin, en effet, dans le célèbre passage sur l'Italique, 
paraît viser surtout l'Ancien Testament, puisqu'il re- 
commande, comme nous le voyions à l'instant, de cor- 
riger le latin sur les Septante. Mais quand il viserait 
aussi bien le Nouveau Testament, quelle raison de 
croire qu'il entendait par ltala la recension de Jérôme? 
On ne le voit pas. M. Burkitt appuie son opinion sur 
l'accord frappant que les citations d'Augustin dans le 
De Consensu Evangelistarum et dans le livre Contra 
Felicem ont avec le texte de la Vulgate. Mais d'abord on 
remarque un accord à peu près semblable entre la Vul- 
gate du Nouveau Testament et certains manuscrits 
{&-) qui sont pourtant indépendants de la recension hié- 
ronymienne. S'il est vrai d'autre part, comme le croient 
Kaulen, Einleitung, § 146, et M. P. Monceaux, Revue des 
Etudes juives, juillet 1901, p. 48, que Jérôme ait pris 
pour base de sa recension du Nouveau Testament pré- 
cisément un texte italien, l'accord des citations d'Au- 
gustin avec le texte hiéronymien s'explique très bien, 
sans qu'il soit nécessaire de supposer que la célèbre 
Italique soit la recension même de Jérôme. Enfin, on l'a 



dit et répété, c'est à Milan, dans le « diocèse d'Italie », 
qu'Augustin a dû faire connaissance avec son texte pré- 
féré. Selon toute probabilité, c'est donc celui-là qu'il a 
nommé texte italique, et non point la recension romaine 
de Jérôme, qui était du reste encore peu répandue. 
Telles sont les raisons pour lesquelles on ne doit pas, 
croyons-nous, identifier la recension romaine de Jérôme 
avec les textes italiques ou milanais. 

Il nous reste à dire quels sont les textes classés parmi 
les italiques. On cite comme étant de ce nombre, pour 
les Évangiles : le Brixianus (!), le Monacensis, ancien 
Frisingensis (q) ; pour les Épltres catholiques, le frag- 
mentum Monacense (q); pour les Épîtres paulines, le 
codex Frisingensis (r), les fragments de Munich (r 2 ), les 
fragments de Gôttweig (r 3 ). — Sur tous ces classements, 
voir en ce qui concerne le Nouveau Testament, après 
Westcott et Hort {pp. cit., n. 113-116), principalement 
S. Berger, Hist. de la Vujgate,p.5; Kennedy, Dictionary, 
p. 55-56; P. Monceaux, Revue des Études juives, avril 
1902, p. 130 ; juillet, p. 42. — Pour l'Ancien Testament, 
nous n'avons cité aucun manuscrit. Cette' partie ayant été 
jusqu'à présent fort peu étudiée, il est assez difficile de 
donner des exemples assurés. Kennedy a cependant 
essayé un premier classement, Dictionary, p. 58-60. 

VII. Lieu d'origine de l'ancienne Bible latine. — 
Dans quel pays se fit la première traduction des Écri- 
tures en latin ? Presque tous les défenseurs de l'unité 
de version placent en Afrique l'origine de cette version 
unique, surtout depuis les lettres célèbres du cardinal 
Wiseman, Two letters on some parts of the controversy 
concerning 1 Joh., v, 7, etc., parues dans le Catholic 
Magazine, 1832-1833, reproduites dans Migne, Démonstr. 
évang., t. xvi, p. 287-299. Cette opinion fut partagée par 
des critiques du plus haut mérite, tels que Lachmann, 
Tischendorf, Davidson, Tregelles, et aujourd'hui encore 
elle est suivie par un certain nombre d'écrivains, tels que 
Cornely, Introduclio generalis, t. i, p. 363; Gregory, 
Prolegomena, p. 949-950, et Texthritik, p. 596-597. Scri- 
vener soutenait aussi cette thèse; mais le continuateur de 
son œuvre, M. White, ne semble pas partager son avis. 
A plain lntrod., 4= édit., Londres, 1894, t. il, p. 44, note 1. 

On lait valoir tout d'abord en faveur de cette opinion 
des raisons externes. C'est en Afrique en effet, comme 
on l'a vu, que nous trouvons les premières traces cer- 
taines et positives d'une version latine, dans les œuvres 
de Cyprien, de Tertullien et jusque dans les Actes des 
martyrs de Scillium. A Rome, au contraire, tout est 
grec, liturgie, épigraphie, épistolographie, et cela durant 
plus de trois siècles. — Que l'Afrique ait possédé de 
très bonne heure une version latine même complète de 
la Bible, on ne peut songer à le nier, mais qu'il n'y en 
ait pas eu au même temps dans les pays d'Occident, et 
spécialement en Italie, et à Rome même, c'est ce qui 
n'est aucunement démontré. Nous avons dit plus haut, 
en traitant de l'antiquité de la traduction latine, pour- 
quoi nous pensions qu'à Rome aussi bien qu'en Afrique 
il dut y avoir de très bonne heure une version latine. 
Scrivener lui-même, qui croit à la seule origine afri- 
caine, ne craint pas de dire que l'argument apporté 
d'ordinaire à la suite de Wiseman, et qui conclut de 
l'usage du grec dans l'Église de Rome durant les trois 
premiers siècles contre l'origine romaine d'une version 
latine, n'est pas un argument convaincant pour un lec- 
teur réfléchi. A plain lntrod., p. 43. 

Mais il est une autre preuve en faveur de l'origine 
africaine, et, ajoute-t-on encore, contre l'origine romaine 
ou occidentale de nos versions latines, c'est la preuve 
tirée des africanismes de nos textes. On nous dit que nos 
anciennes versions regorgent de locutions populaires 
et rustiques, qui sont propres aux écrivains latins 
d'Afrique des II e et in» siècles et ne se rencontrent 
pas dans les écrivains romains. C'est l'argument qu'a 
fait valoir de nouveau avec science et talent le cardinal 



123 



LATINES (VERSIONS) NON DERIVEES DE LA VULGATE 



124 



Wiseman, et que Rônsch lui-même a accepté pour 
l'Itala dans laquelle il croit retrouver des africanismes 
caractérisés. Italaund Vulgata, Marbourg, 2 e édit., 1875, 
p. 5. — Encore ici cet argument est loin de satisfaire 
tous les esprits; et des savants tels que White, dans Scri- 
vener, op. cit., t. h, p. 44, note 1; Kennedy, Dictio- 
nary, p. 54; Corssen, Bericht, p. 82, ne craignent même 
pas de dire que la preuve tirée des africanismes est de 
moins en moins goûtée dans, le monde de la science. Il 
est vrai que des mots, des locutions, des phrases de 
notre vieille Bible latine se retrouvent chez les écrivains 
d'Afrique et ne se recontrent guère que chez eux. Seule- 
ment l'on doit observer que durant cette époque, 11 e et 
III e siècles, presque tous les représentants de la litté- 
rature latine chrétienne sont Alricains. Il n'est donc 
pas étonnant que le vocabulaire des textes bibliques ne 
se rencontre guère que chez eux. C'est la réponse de 
White et de Kennedy (loc. cit.). En outre, on a fait 
remarquer que certains mots souvent donnés pour 
•exclusivement africains sont des composés ou des déri- 
vés formés par des procédés en usage chez tous les 
■auteurs latins de la décadence. M. Misset; U. Robert, 
Heptat., p. xxu-xxrv. Mais il y a plus; pendant que, au 
nom de la philologie, tel savant conclut à l'africanisme 
■d'un document, au nom de cette même philologie un 
autre savant conclura à l'origine gauloise ou peut-être 
lyonnaise de ce même document. « Les grammairiens 
.anciens, dit M. Gaston Boissier, ne paraissent pas avoir 
réussi à découvrir bien sûrement quels étaient les signes 
•distinctifs de la latinité d'Afrique. Ceux d'aujourd'hui 
ont-ils été plus heureux ? Je ne le pense pas. » Journal 
des savants, 1895, p. 38-39. 

D'autres auteurs, parmi ceux surtout qui sont parti- 
sans de la pluralité des versions latines, placent en 
Italie les tout premiers commencements d'une traduc- 
tion latine. Tel est, par exemple, l'avis de Gams, dans 
sa Kircliengeschichte von Spanien, Ratisbonne, 1862- 
1879, t. i, p. 86-Î02. Ct. t. m, 2* Abth., p. 501. Kaulen 
va plus loin. C'est à Rome même qu'il fait apparaître 
la plus ancienne, d'après lui, de toutes les versions, à 
•savoir la célèbre Italique. Einleitung, § 146. — Nous ne 
voyons pas, quant à nous, la nécessité de décider en 
.quel pays parut le premier essai d'une version latine dé 
la Bible. Convaincu, comme on peut l'être en matière 
probable, de la' thèse que nous avons défendue plus 
haut, de la pluralité des vecsions, nous disons simple- 
ment que la Bible fut traduite, partiellement au moins, 
dans différents pays et d'une façon indépendante, sans 
que nous voyions clairement quel pays commença le 
premier. L'Afrique avait déjà son texte complet ou à 
peu près dès le ir> siècle; c'est ce qui résulte des té- 
moignages historiques que nous avons apportés, en 
traitant de l'antiquité des versions latines. Nous ne 
■doutons pas qu'il ne faille en dire autant de Rome ou 
■de l'Italie, et peut-être aussi de plusieurs autres Églises 
d'Occident, en Espagne, dans les Gaules. Le lecteur n'a 
■qu'à se rappeler, en effet, ce qui a été dit précédemment 
sur la pluralité des versions, et même sur le classe- 
ment des textes. Car il y a tout lieu de croire que si 
nous avons des textes d'Afrique, d'Europe, d'Italie, ce 
n'est pas seulement parce qu'ils étaient usités dans ces 
pays, mais bien encore parce que beaucoup d'entre eux 
y avaient pris naissance. — Kennedy, Dictionary, 
p. 54-55, à la suite de Sanday, place dans la province 
■de Syrie l'origine première de nos versions latines, Cette 
hypothèse n'a aucune vraisemblance. 

L. MÉCHINEAU, 

2. LATINE (VERSION) DE SAINT JEROME. Voir 

"VULGATE. 

3. LATINES (VERSIONS) NON DÉRIVÉES' DE LA 
VULGATE. 

I. Catholiques. — 1» La Polyglotte de Ximénès, Alcala 



de Hénarès, 1522, contient la Vulgate entre le texte 
hébreu et le texte grec. Mais on y trouve aussi une 
version latine interlinéaire du texte grec alexandrin et 
une version latine de la paraphrase chaldaïque d'On- 
kélos. Une traduction latine interlinéaire accompagne 
tous les textes grecs, protocanoniques ou deutérocanc- 
niques, sauf pour le Psautier, où il n'y a que la Yulgate 
et la version de saint Jérôme. Voir Polyglotte. 

2° Santés Pagninoa fait une traduction latine du texte 
hébreu, Nova Translatio, Lyon, 1527. On reproche à 
cette traduction d'être trop servilement littérale, parfois 
inexacte et trop habituellement dans la dépendance des 
interprétations rabbiniques. Voir Pagnino. 

3" Cajetah professait que ce n'était point entendre 
l'Écriture qu'entendre l'interprète lalin, et qu'il fallait 
en conséquence recourir au texte hébreu pour l'Ancien 
Testament et au grec pour le Nouveau. Cf. P. Sarpi, 
Hist. du concile de Trente, trad. Amelot, Amsterdam, 
1683, p. 142. Dans ses différents commentaires, il s'ap- 
pliqua donc à donner une version latine des textes pri- 
mitifs. Mais comme il n'avait de l'hébreu et du grec 
qu'une connaissance fort imparfaite, il fit appel à la 
collaboration d'un juif, expert en langue hébraïque, et 
d'un chrétien possédant à fond le grec. Une telle mé- 
thode était trop aventureuse pour donner de bons résul- 
tats, et les libertés que l'auteur prenait si volontiers à 
l'égard de la tradition scripturaire ne donnèrent pas 
grand crédit à son œuvre. Voir Cajetan, t. H, col. 47. 

4° Isidore Clario, dans sa Vulgata editio Novi ac Ve- 
teris Testamenti, Venise, 1542, 1557, sous prétexte de 
corriger le Vulgate, se permit d'en changer arbitraire- 
rement le texte, et en parla en tels termes dans sa pré- 
face, que son ouvrage fut mis à l'Index. Ses corrections 
sont d'ailleurs en général assez peu judicieuses. Voir 
Clario, t. u, col. 793. 

5° Arias Montano revit la traduction de Pagnino et 
l'inséra dans la Polyglotte d'Anvers, Hebraicorum £i- 
bliorum V. T. lalina interpretatio, Anvers, 1572. Il y 
exagère encore la littéralité de Pagnino, au point de 
rendre inexactement le sens d'un bon nombre de pas- 
sages. Voir Arias Montano, t. i, col. 954. 

6° Thomas Malvenda, pour défendre la Vulgate, en- 
treprit une version latine du texte hébreu, mais fut 
interrompu par la mort pendant qu'il traduisait Ezé- 
chiel. Thomas Turcus a publié l'ouvrage : Commentaria 
in S. S. una cum noua de verbo ad verbum ex hebrœo 
translatione, Lyon, 1650. Malvenda se sert des versions 
antérieures et des travaux de différents auteurs, mais 
sans jamais indiquer de références. De plus, sous pré- 
texte de rendre plus littéralement l'hébreu, il forge de 
nouveaux mots latins, ce qui donne à son œuvre un air 
barbare. 

7° Houbigant, dans sa Siblia hebraica cum notis cri- 
ticis et versione latina ad notas crilicas facta, Paris, 
1743-1754, n'a donné qu'une œuvre imparfaite, parce 
qu'il n'a pu avoir sous la main tous les manuscrits 
hébreux qu'on a recueillis depuis, et parce que trop 
souvent il pousse la hardiesse jusqu'à la témérité dans 
ses corrections du texte massorétique. Voir Houbigant, 
t. m, col. 765. 

8" J. de la Haye a réuni dans sa Biblia maxima, Paris, 
1660, les traductions latines d'une foule de versions an- 
ciennes. Elles sont au nombre de vingt ou trente pour 
certains passages, ce qui produit une confusion inutile 
et une accumulation indigeste de documents qui se 
répètent sans profit appréciable. 

II. Protestants. — 1° S. Munster, cordelier devenu 
luthérien, publia à Bâle, 1534 et 1546, une traduction 
latine de l'Ancien Testament faite sur l'hébreu. Il s'y 
inspire des explications des rabbins et ne tient pas assez 
compte des anciennes versions. Il est cependant littéral 
et ordinairement exact. Sa traduction est préférée à 
celles de Pagnino et d'Arias Montano. 



425 



LATINES (VERSIONS) — LAUDIANUS (CODEX) 



126 



2° Léon de Juda, du parti de Zwingle, a traduit l'An- 
cien Testament sur l'hébreu, Zurich, 1543 ; Paris, 1545. 
Comme il mourut avant la fin de son travail, Bibliander 
acheva Ezéchiel et traduisit Daniel, Job, PEcclésiaste, 
le Cantique et les quarante-huit derniers Psaumes; 
P. Cholin traduisit du grec les livres que les protestants 
nomment apocryphes. Ces traductions sont assez bonnes; 
elles évitent la littéralité excessive et la paraphrase; on 
y signale cependant certaines inexactitudes et quelques 
passages peu intelligibles. 

3° La traduction de Castalion, Biblia V. et N. Tes- 
tant., Bàle, 1551, d'après l'hébreu et le grec, vise à 
l'élégance et ne l'atteint qu'aux dépens de la fidélité. 
Bien des passages sont ainsi affaiblis, modifiés ou rendus 
par des équivalents oratoires qui dénaturent plus ou 
moins l'original. Voir Castalion, t. h, col. 340. 

4° Emm. Tremellius et F. Junius ou du Jon sont les 
auteurs d'une autre version latine de la Bible : Biblio- 
rum, i. e. libri latini recens ex hebrseo facti, pars i-iv, 
Francfort-sur-le-Main, 1575-1579, et Apocryphi, 1579, par 
Junius. Convaincus d'inexactitude en beaucoup d'en- 
droits, ils ont donné une autre édition, Londres, 1581. 
Ils prennent bon nombre de libertés avec le texte sacré, 
quelquefois paraphrasent et ajoutent des mots qui ne 
sont pas dans l'original. Voir Jon, t. m, col. 1602. 

5° Le Polyglotte de Walton contient aussi des tra- 
ductions latines des textes et des versions orientales, 
Londres, 1657. Ces traductions sont dues à différents 
auteurs. 

6» Luc Osiander et son fils André, mort en 1552, donnè- 
rent chacun une édition de la Vu! gâte, mais en la cor- 
rigeant d'après le texte hébreu. Dans ses traductions de 
la Bible, Robert Estienne inséra, en 1545, la version de 
Léon de Juda, et en 1557, celle de Pagnino. — Cf. Richard 
Simon, Histoire critique du Vieux Testament, Rotter- 
dam, 1685, p, 313-329, 416-418; Mariana, Pro editione 
Vulgatadissertatio, xxv, dans le Scripturm Sacrse Cur 
sus completus de Migne, 1. 1, col. 685-691 ; Cornely, Intro- 
duct. gênerai, in N. T. libros sacros, Paris, 1885, t. i, 
p. 505, 508, 668, 669, 682, 688, 696. H. Lesêtre. 

LATRINES (hébreu : mahârâ'âh; Septante : Xu- 
Tpûvat; Vulgate: lalrinie), endroit destiné à recevoir les 
déjections humaines. La Loi prescrivait qu'un empla- 
cement particulier, hors du camp, fût réservé à cet 
usage pendant le séjour du peuple dans le désert; elle 
imposait certaines précautions intéressant à la fois la 
décence et l'hygiène, en vertu de ce principe supérieur 
que rien d'impur ne doit offenser la sainteté divine. 
Deut., xxiii, 12-14. Le contact d'une souillure humaine, 
quelle qu'elle fût, produisait une impureté légale. Lev., 
v, 5. Les précautions imposées par la Loi avaient l'avan- 
tage de préserver la population contre bien des germes 
de maladies meurtrières, le sol étant le meilleur désin- 
fectant des matières putrides. Cf. Guéneau de Mussy, 
Elude sur l'hygiène de Moïse et des anciens Israé- 
lites, Paris, 1885, p. 12. Une fois établis dans la terre 
de Chanaan, les Hébreux durent demsurer fidèles aux 
usages que leurs pères avaient appris à suivre dans le 
désert. Pour obéir à l'esprit de la Loi, ils ne man- 
quaient pas, quand ils étaient obligés de s'arrêter dans 
la campagne, de se couvrir entièrement de leur man- 
teau. De là l'expression hébraïque hêsêk raglâî, « cou- 
vrir ses pieds. » (Vulgate : purgare alvum, ventreni.) 
Jud., m, 24; I Reg., xxrv, 4. Cf. Josèphe, Ant. jud.,~Vl, 
xin, 4. Le Talmud interprète de même ces passages. Cf. 
Gesenius, Thésaurus, p. 951. On s'explique ainsi com- 
ment David put aisément couper un pan du manteau 
traînant de Saûl, dans la caverne d'Engaddi. I Reg., 
xxiv, 5. Dans les villes et les agglomérations de quelque 
importance, la nécessité dut obliger les habitants à se 
réserver certains endroits, soit publics, soit privés. 
Toujours est-il qu'à Samarie, Jéhu, pour souiller et dés- 



honorer à jamais le temple de Baal, en fit des latrines 
publiques. IV Reg., x, 27. De même plus tard, à Rome, 
on fit une latrine publique de la salle de la curie de 
Pompée, dans laquelle César avait été frappé à mort. 
Dion, xlvii, 19. Le mot que le texte sacré emploie 
pour nommer cet édifice, mahârâ'âh, parut inconve- 
nant à partir d'une certaine époque, et on le rem- 
plaça par le mot môsâ'dh (voir le qerî), de yâfd, « sortir, » 
l'endroit où l'on sort. Le mot dont se servent les Sep- 
tante, iuTpôvoti, n'est pas grec et ne semble qu'une re- 
production du mot latin latrinss, qu'on lit ici dans la 
Vulgate. Le mot latin n'est qu'une contraction de lava- 
trina, parce que la salle qui servait au bain passa peu 
à peu à un autre usage hygiénique. Il est question de 
ces endroits dans les auteurs latins. Plaute, Curcul., iv, 
4, 24; Suétone, Tib.,58; Columelle, x, 85, etc. Il y avait, 
chez les anciens Grecs et .Romains, des latrines publi- 
ques, en hémicycle, ou rectangulaires, comme on peut 
en voir dans les ruines de Timgad, en Afrique; les 
maisons particulières en étaient pourvues. Élagabale fut 
tué dans l'un de ces endroits. Lampride, Elag., xvii. 
Cf. Rich, Dict. des antiq. rom. et grecq., trad. Chéruel, 
Paris, 1873, p. 353; H. Thédenat, dans le Dict. des antiq. 
grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. m, 
p. 987-991. Ils existaient certainement chez les Israélites 
de l'époque évangélique. Ils sont désignés par saint Mat- 
thieu, xv, 17, et saint Marc, vil, 19, sous le nom de 
àtpeSpwv, secessus. Ce mot, qui n'appartient pas au grec 
classique, a peut-être été suggéré par le mot atpsSpoc, 
dont les Septante, Lev., xv, 19, et le médecin Diosco- 
ride, il, 85, se servent pour désigner un certain genre 
d'impureté. — Les latrines étaient d'ordinaire ménagées 
hors de la maison et en plein air; on les établissait de 
telle façon que, pour s'en servir, on eût toujours le 
visage tourné vers le midi. Cf. Iken, Antiquitates he- 
braiese, Brème, 1741, p. 539. H. Lesètre. 

LATUSIM (hébreu: LetuHm; Codex Samaritanus: 
LotM'îm; Septante: Aa-rouiriei'n), nom ethnique du se- 
cond fils de Dadan.il était petit-fils de Jecsan et arrière- 
petit-fils d'Abraham et de Cétura. Gen., xxv, 3; I Par., 
i, 32 (dans la Vulgate seulement, où leur nom est 
écrit Latussim). On s'accorde à reconnaître dans ce nom 
celui d'une tribu arabe, mais sans pouvoir la déterminer 
avec précision. Steiner, dans Schenkel, Bibel-Lexicon, 
t. iv, 1872, p. 28, explique le nom comme dérivant de 
lâtaS, « marteler, » et signifiant « forgerons », de même 
que Le'ummim signifierait « soudeurs de métaux ». 
Cf. S. Jérôme, Qusest. hebr. in Gènes., xxv, 3, t. xxm, 
col. 976, seris ferrique metalla cudentes. Voir Laomim. 
On a cru retrouver des traces des Latusim dans quel- 
ques inscriptions nabatéennes. M. A. Levy, Ueber die 
nabatâischen Inschriften, dans la Zeitschrift des deut- 
schen morgenlàndischen Geseïlschaft, t. xiv, 1860, 
p. 403-404. Cf. Ed. Glaser, Skizze der Geschichte Ara- 
biens, 1890, t. n, p. 460-461. Frd. Keil, Genesis, 2= édit., 
1866, p. 194, les identifie avec les Banu Leis habitant le 
Hedjaz. Ch. Forster, The historical Geography of Ara- 
bia, 2 in-8°, Londres, 1844, t. i, p. 334, suppose que les 
Latusim sont compris, dans les écrits des prophètes, 
sous la désignation générale de Dadan, leur père (voir 
Dadan 2, t. n, COH203), et qu'ils habitaient dans le dé- 
sert à l'est du Jiays d'Édom. F. Fresnel, dans le Journal 
asiatique, III e série, t. VI, 1838, p. 217-218, identifie les 
Latusim avec les Tasm, ancienne tribu éteinte de l'Ara- 
bie. Ce sont là tout autant d'hypothèses qu'on n'a pu 
prouver jusqu'à présent. F. V/GOuroux. 

LATUSSIM, orthographe de Latusim dans la Vul- 
gate, I Par., i, 32. Voir Latusim. 

LAUDIANUS (CODEX). - I. Description. - Le 
Laudianus est un manuscrit grec-latin des Actes, écrit 



427 



LAUDIANUS (CODEX) — LAUNAY 



128 



vers la tin du VI e siècle, en lettres onciales, sur un par- 
chemin fort et grossier. Il comprend 226 feuillets hauts 
de 0™27, larges de m 22 ; il est à deux colonnes, de 23 à 
26 lignes chacune. L'encre blanchie et presque effacée 
par le temps a été renouvelée par endroits. L'écriture est 
plus grosse et moins élégante que dans les grands codex 
Sinaiticus, Vaticanus et Alexandrinus. En général, 
les mots ne sont pas séparés. Pas d'accents ni d'esprits, 
sauf l'esprit rude, la barre horizontale ou le tréma sur 
l'y initial (y, û, v) et le tréma sur l'i initial (ï). Ponc- 
tuation très rare ; un point de temps en temps : les deux 
points servent à séparer le grec du latin quand les deux 
textes arrivent presque à se toucher. Par-ci par-là une 
lettre plus grande, placée en vedette, indique un alinéa. 
— Point d'iota souscrit ou adscrit. On remarque le 
changement fréquent de ei en i, de ai en z, plus rare- 
ment de oi en u, quelquefois de o en w, et réciproque- 
ment. Dans les composés, l'assimilation des consonnes 

est souvent négligée. — Les abréviations sont : 02, 12, 

X2, K2, 0TN02, IINA, ANOS, HPQN, IIP A, MPI, 

AAA, IAM, IHA, M (pour [tau); <xt final est souvent 
contracté, v final remplacé par une ligne horizontale 
placée à l'extrémité supérieure de la lettre précédente. 
En latin, pas d'abréviations. Jésus est écrit Jhesus. — 
Dans son état actuel le codex a une lacune de Act., xxvi, 
29 (eùÇ<xi'|M|v), à Act., xxvm, 26 (Xé^wv). — Il est désigné 
en critique, par la lettre È ou E mt pour le distinguer 
du Basiliensis (E. des Évangiles) et du Sangermanensis 
(E. de Paul). 

II. Histoire. — Tout porte à croire que le Laudianus 
fut copié en Occident, probablement en Sardaigne, par 
un scribe plus familier avec le grec qu'avec le latin. En 
tout cas, le manuscrit est passé par la Sardaigne, car il 
contient à la fin, d'une écriture plus récente, un 
décret d'un duc de Sardaigne, Flavius Pancratius : 
$X[autoc] itavxpaTioc o-uv 6ew axo enap'/cav Sou!; o-apSiviaç 
x. t. X. Des ducs gouvernèrent la Sardaigne de 534 à 
749. Nous y lisons encore d'autres noms propres, mais 
qui ne nous apprennent rien sur l'âge ni sur l'histoire 
du manuscrit. On ignore à quelle époque il a été apporté 
en Angleterre; il est seulement très probable, comme 
nous le verrons plus bas, que le vénérable Bède (673-735) 
s'en est servi pour ses derniers travaux d'exégèse. A 
cette époque, il était complet, car Bède cite trois pas- 
sages compris dans la lapune actuelle. En 1636, il ap- 
partenait à l'archevêque Laud et était déjà mutilé. Laud 
en fit présent à l'Université d'Oxtord, dont il était alors 
chancelier. Fell l'utilisa en 1675 pour son édition du 
Nouveau Testament. Le manuscrit se trouve maintenant 
à la Bodléienne (Oxford) où il est conservé sous la cote 
Laud, 35. 

III. Particularités. — 1° Une des singularités de ce* 
codex c'est que le latin occupe la place d'honneur, à la 
gauche du lecteur, tandis que le grec est à la droite. 
Comme il estécritstichométriquementetque les stiques 
sont très courts (un ou deux mots, rarement trois ou 
quatre), le latin répond au grec presque mot pour mot. 
On a pensé que le grec était adapté au latin, pris pour 
base. Hais cette hypothèse a priori ne résiste pas à 
l'examen des faits. Au contraire, c'est le latin qui est 
adapté au grec sans en être toutefois une, traduction 
nouvelle. La version préhiéronymienne, représentée par 
le Laudianus, se rapproche plus dé la Vulgate que 
celle du codex de Bèze. Le texte grec se distingue par 
des leçons excellentes, qu'on retrouve en partie dans 
le codex 218 des Actes (minuscule du xiv» siècle). — 
2» Un autre fait curieux, c'est que le vénérable Bède 
s'est servi de ce manuscrit ou d'un autre tout semblable. 
Il en prit occasion pour composer son Liber Relra- 
ctationis in Actus Apost., t. xcii, col. 995-1032, où il 
complète et modifie son Exposition des Actes, publiée 
plusieurs années auparavant, par les leçons du texte 



grec qu'il a remarquées depuis. Plus de soixante-dix 
leçons qu'il mentionne sont conformes au Laudianus 
et souvent lui sont spéciales. Mill, Nov. Test, grxcum, 
Hotterdam, 1710, Prolegom., p. 98, conclut de cette 
comparaison que le codex employé par Bède aut illum 
ipsum esse aut ejus plane gemellum. Woide, Notitia ' 
Cod. Alexandr., Leipzig, 1788, p. 160, s'exprime dé 
mêmeaprès une comparaison plus complète. — 3° On 
peut remarquer dans le fac-similé (lig. 38) la forme 
des lettres déjà en décadence par rapport à la. pureté 
et à l'harmonie de l'écriture onciale du iv" siècle. En 
grec : B ouvert par le haut ressemble parfois au (1 mi- 
nuscule, avec un trait oblique pour remplacer la boucle 
supérieure ; A a quelquefois les barres prolongées hors 
du triangle et terminées par des crochets; M est trop 
large; la barre supérieure du II est amincie et ne dé- 
passe pas les montants ; <ï> est très aplati; S contourné 
a l'aspect de \ minuscule ; P, Y, 4>, *F, descendent au- 
dessous de la ligne; la partie supérieure de E et de 2 
est formée par un trait distinct. En latin : b et h sont 
minuscules; d a le bout crochu; l se termine par un 
trait exagéré; m a le premier trait recourbé; p a la 
boucle petite; dans le t, la barre perpendiculaire est 
courbe au fond, la barre transversale se termine par 
deux crochets ; f, p, q, r descendent au-dessous dé la 
ligne (fig. 39). — 4° Quelques mots sont grattés au 
couteau ou effacés à l'éponge; plus fréquemment des 
points, placés au-dessus d'une lettre ou d'un mot, équi- 
valent à une rature. D'après Gregory, il y a eu trois 
correcteurs : l'un est probablement le scribe lui-même; 
le second est un contemporain, qui inscrivit en outre le 
Symbole des Apôtres, en latin, sur le feuillet 226; le 
troisième, qui parait avoir vécu au vil» siècle, ajouta, 
le titre des chapitres, lesquels ne coïncident ni avec 
la capitulation de YAmiatinus ni avec celle du Fui- 
densis. En effet, le chap. lviii (commençant Act., xxvi, 
24) correspond au chap. lxvi de YAmiatinus et au 
chap. lxxi du Fuldensis. 

IV. Bibliographie. — 1» Éditions : T. Hearne, Acte 
Apost... e Codice Laudiano, Oxford, 1715; Hansell, Nov. 
Test, grœce, Oxford, 1864, t. u, p. 2-227 (donne en 
quatre colonnes parallèles Y Alexandrinus, le Vaticanus, 
le Codex rescr. Êphrœmi, le Codex Bezse et, au tond des 
pages, le Laudianus), édition médiocre; Tischendorf, 
Monumenta sacra inedita, t. ix, Leipzig, 1870 (fruit de 
deux collations, en 1854 et en 1863). — Pour le latin, 
Sabatier, Biblior. sacr. Lat. version, antiques, Paris, 
1751, t. m, part. I, p. 493-588. — 2» Fac-similés. rAstley, 
Origin and progress of writing, Londres, 1784, pi. ' v > 
Copinger, The Bible and its transmission, Londres, . 
1897, p. 126; The Palœographical Society, Faoimile* 
of Manuscr. and Inscript., Londres, 1873-1883, t. l, taç- 
sim. n° 80 (c'est celui que nous reproduisons). — Voir 
encore : Gregory, Prolegomena(de la vni e édit. crit. de 
Tischendorf), Leipzig, 1894, p. 410-413; Textkritik de» 
N. T., Leipzig, 1900, t. ï, p. 97-99; Scrivener, Intro- 
duction, 4» édit., Cambridge, 1894, t. ï, p. 169-171; de 
plus, Mill et Woide cités plus haut. F. PRAT. ' 

LAUGOIS Benoit, de Paris, mort le 18 juin 1689. 
Voir Franciscains (Travaux des) sur les Saintes Ecri- 
tures, t. u, col. 2385. 

LAUNAY (Pierre de), sieur de la Motte et de Vau- 
ferlan, théologien protestant, né à Blois en 1573, mort * 
Paris le 27 juin 1661. Contrôleur général des guerres ea 
Picardie, il abandonna cette charge, en 1613, pour se- 
livrer entièrement à l'étude, ne conservant que le titre 
honorifique de conseiller-secrétaire du roi. Il fut n * 
des membres les plus importants du parti protestant a 
cette époque. Il assista à plusieurs synodes régionaux 
et pendant quarante ans fut membre du consistoire*» 
Charenton. Pendant quelque temps il enseigna le greo 



Dict. dk la Bible 



Letouzicy El' Ane, L.DIT. 



KposToU 

GTS 6141 OH 135 
6Tf£AT|tliS 

htSuuisuHTM4Tioch 

auOHIAOD 
luàiui COLIS 
UIA 

fuiôAûn 
\ nruitbAuefujui: 

| ucxs 

* herbus 

jléuejiTeKiTe^ 




HroyMeMoyc 

6HTOIGUe4<Mc 

rp^vJ^AMTeo 
AUXeipoc 
WTum 

OunocroKoi 
Kxioi ripecbyrt^i 

RA10|XAi3A<i>(ii 

KAlCVpiAM* ICAMcï^Kia* 
\M>KO>OIC 

r fOioe^et>McuM 
xxipem 

HKOyCiM6H 
OTI 

TiKiec 

C:\ H M (JUKI 

6 r\p^ 
yMAG 

\ororc 

aj-jagi <ey ^om^ 

' r 

1 









LAUDIANUS CODLX (VII" siècle) 
(Act., XV, ii-iï.J 



129 



LAUNAY 



LAVAGE 



* 130 



à l'Académie de Saumur. Il a publié : Paraphrase et 
Exposition du prophète Daniel, in-8», Sedan, 1624 ; 
Paraphrase et claire Exposition du livre de Salomon, 
vulgairement appelé VEcclésiaste, in-8», Saint-Maurice, 
1624 ; Paraphrase et Exposition de VEpitre de saint 
Paul aux Romains, in-8», Saumar, 1647; Paraphrase 
et Exposition des Proverbes de Salomon et du premier 
chapitre du Cantique des Cantiques, 2 in-8°, Charenton, 
1650; Paraphrase sur lesEpitres de saint Paul;i iri-4», 
Charenton, 1650; Paraphrase et Exposition de l'Apoca- 
lypse, in-4», Genève, 1650, sous le pseudonyme de Jonas 
le Buy de la Prie : les opinions de l'auteur sur le règne 
de mille ans furent combattues par Àmyraut, ce qui 
donna lieu à Launay de publier : Examen de la Réplique 
de M. Amyraut, in-8°, Charenton, 1658; Traité delà 
Sainte Cène du Seigneur avec l'explication de quelques 
passages difficiles du Vieux et du Nouveau Testament, 
in-12, Saumur, 1650; Remarques sur le texte de la Bible 
ou Explication des mots, des phrases et de* figures 
difficiles de la Sainte Écriture, in-8», Genève, 1667. — 
Voir Walch, Bibliotheca tlteologica, t. iv, p. 770. 

B. Heurtebize. 
LAURELLE. Voir Laurier-Rose. 

LAURIER. Quelques interprètes ont voulu voir le 
laurier dans le mot 'ézrâh du Ps. xxxvn (Vulg., xxxvi), 
35, qui en réalité signifie indigène. On y compare l'im- 
pie au comble de la puissance à un arbre vert, ra'&nân, 
qui se dresse dans le sol qui l'a vu naître, 'éirdh. C'est 
un arbre qui croit dans son sol natal, qui n'a pas été 
transplanté et par conséquent n'en tient que plus fer- 
mement à la terre. Le même mot s'emploie des hommes, 
pour signifier « un indigène ». Exod., xii, 19; Lev., xvi, 
29, etc. Il s'agit donc en général d'arbres verts et non pas 
spécialement du laurier. Les Septante, suivis par la Vul- 
gate et les versions arabe et éthiopienne, ont lu une autre 
leçon dans leurs manuscrits hébreux : ils traduisent : 
« comme les cèdres du Liban, » ce qui suppose la lecture 
|mS >n«, 'arzê Lebdnôn, au lieu de ]an mw, "ézrdh 
ra'àndn. E. Levesque, 

LAURIER-ROSE (grec: (çutà fo'&'ou, péiov; Val- 
gaie : plantatio rosse, rosa, Eccli., xxiv, 14 [Vulgate,18]; 
xxxix, 13 [Vulgate, 16]), arbuste aux belles fleurs roses. 

1. Description. — C'est l'espèce typique du genre 
Nerium, de la famille des Apocynées, qui abonde sur 




Iferium Oleander. 



le bord des eaux dans toute la partie chaude de la région 
méditerranéenne. Le Nerium Oleander de Linné 
{fig. 40) est un arbrisseau à suc laiteux, à feuilles co- 

DICT. DE LA BIBLE. 



riaces et persistantes, dont le limbe lancéolé est porté 
par un court pétiole, verticillées par trois, sauf les infé- 
rieures de chaque rameau qui sont opposées, légèrement 
pubescentes sur les deux faces, avec des nervures laté- 
rales très rapprochées et presque à angle droit avec la 
côte médiane. L'inflorescence terminale et ramifiée en 
cymes a ses pédoncules un pen veloutés, comme les sé- 
pales; les cinq pétales d'un beau rose, à limbe étalé, 
portent à la gorge des appendices liguliformes, dentés; 
les cinq éta mines ont le filet velu et l'anthère garnie de 
poils sur le dos. A la fleur succède un fruit formé de 
deux follicules rapprochées et laissant échapper à ma- 
turité de nombreuses graines soyeuses. F. Ht. 

II. Exégèse. — Le laurier-rose est tellement répandu 
en Palestine, qu'il y a lieu de s'étonner de ne point 
trouver dans la Sainte Écriture le nom d'un arbuste qui 
attire autant les regards. Et en effet aucun nom hébreu : 
des plantes mentionnées dans la Bible hébraïque ne pa-v 
ratt s'y appliquer. Mais peut-être dans les livres denté- . 
rocanoniquès, serait-il désigné quelquefois sous le nom 
de £48ov, qui comprendrait et le rosier proprement-dit 
et le laurier-rose. On lit dans l'éloge de la sagesse, Eccli., 
xxiv, 13, 4 : 

Je me suis élevée comme le cèdre sur le Liban 
Comme le cyprès sur la montagne d'Hermon. 
Je me suis élevée comme le palmier à Engaddi 
Et comme les f »t» fête» à Jéricho, 
Comme on bel olivier dans la plaine 
Et j'ai grandi comme un platane. 

Le parallélisme demande ici un arbuste dont le port 
est bien plus celui dû laurier-rose que du rosier. Et il 
faut remarquer que le laurier-rose est très abondant à 
Jéricho : ce qui n'a pas lieu pour lé rosier. —Au 
chapitre xxxix, 13, du même livre, il est dit : 

Ecoutez-moi, fils pieux, 

Et croissez comme le poSov sur le bord d'une eau courante. 

. Cette situation sur le bord de l'eau convient mieux 
encore au laurier-rose qu'au rosier. « Du site de Jé- 
richo, et de la situation au bord des eaux) dit, au sujet 
de ces deux passages, H. B. Tristram, The Naturel llis- 
tory of the Bible, in-12, Londres, 1888, p. 477, ce jWSo» 
est plus probablement VOleander, le laurier-rose, une 
des plus belles et charmantes plantes de la Palestine, 
qui abonde dans toutes les parties plus chaudes de la 
contrée, sur le bord des lacs ou des cours d'eau, et fleu- 
rit spécialement à Jéricho, où je n'ai point vu notre 
rose. » J. Kitlo, Cyclopmdiaof Biblical Literaturë, Edim- 
bourg, 1866, t. m, p. 681, et plusieurs exégètes sont de 
cet avis. On ne pourra décider la question que par la 
comparaison avec l'original hébreu de ces passages, qui 
malheureusement n'a pas encore été découvert. On 
peut cependant fortifier les raisons données par cette 
remarque que le mot grec £68ov désignait plusieurs es- 
pèces de plantes et s'appliquait au £o6o8âf v»j, appelé 
aussi £oSoS£vSpov. Dans les écrivains arabes, in materia 
medica, rodyon est donné comme le nom syrien de 
VOleander. Le nom syriaque du podoSotçvij est .9o>>0f 
harduf. Quant à Eccli., L, 8, dans l'éloge où Simon, 
fils d* Onias, est comparé « à la fleur des rosiers aux jours 
du printemps », l'hébreu découvert présente un tout 
autre sens; il s'agit de la floraison des arbres en général 
au printemps, « comme la fleur aux branches à l'époque 
du printemps. » Et dans la Sagesse, xi, 8, il s'agit de 
vraies roses. Voir Rose. E. Levesque. 

LAVAGE, nettoyage d'un objet au moyen de l'eau. 
L'action de laver est exprimée par les verbes ràhas, 
vfamiv, lavare. — On peut laver le corps tout entier, 
voir Bain, t. i, col. 1386-1388, les mains, voir Laver 
(Se) les mains, les pieds, voir Lavement des pieds. On 
employait dans les lavages une sorte de savon végétal 

IV. - 5 



131 



LAVAGE — LAVEMENT DES PIEDS 



132 



le bnrît, voir Borith, 1. 1, col. 1852, et un savon minéral 
le néfér, voir Natron. Jer., n, 22. Différents objets sont 
mentionnés par la Sainte Écriture comme soumis au 
lavage. — 1° Le visage. Après avoir pleuré, Joseph se 
lave le visage pour que ses frères ne s'aperçoivent de 
rien. Gen., xliii, 31. Notre-Seigneur recommande à 
ceux qui jeûnent de se laver le visage, pour que les 
hommes ne sachent rien de leur pénitence. Matth., vi, 
17. — 2° Les yeux. Notre-Seigneur met de la boue sur 
les yeux de l'aveugle-né et l'envoie se laver à la piscine de 
Siloé; sitôt qu'il se lave, l'aveugle recouvre la vue. Joa., 
ix, 7-15. La lotion ne fut pour rien dans le miracle, pas 
plus que les bains de Naaman dans la guérison de sa 
lèpre. IV Reg., v, 14. Mais, de part et d'autre, il y avait acte 
d'obéissance et confiance en Dieu qui guérit. — 3° Des 
plaies. A Philippes, le geôlier de la prison lave les plaies 
que saint Paul et Silas ont reçues dans leur flagellation. 
Act., xvl, 33. — 4» Un mort. Quand Tabitha fut morte à 
Joppé, on lava son corps avant de l'ensevelir. Act., ix, 
37. — 5" Différents objets qui ont besoin d'être purifiés 
ou nettoyés, le vase d'airain dans lequel a été cuite une 
victime d'expiation, Lev., VI, 28, le vase ou ustensile de 
bois touché par une personne impure, Lev., xv, 12, un 
char souillé du sang d'un blessé, III Reg., xxu, 38, des 
filets de pêcheurs, qu'il faut débarrasser de la vase, des 
herbes et des détritus restés dans les mailles. Luc, v, 
2, etc. — 6° Les victimes des sacrifices. On lave les 
entrailles et les jambes du bélier offert en holocauste 
pour la consécration des prêtres, afin de purifier les 
unes et les autres du sangetde toute souillure, Exod., xxix, 
17; les entrailles et les jambes des victimes de tous les 
holocaustes. Lev., i, 9, 13; VIII, 21; IX, 14; II Par., iv, 6. 
Ézéchiel, XL, 38, parle d'une chambre spéciale dans 
laquelle s'exécutaient ces lavages. Dans le second Temple, 
cette chambre était située au nord du grand parvis. Mid- 
doth, v, 2; Tamid, iv, 2. Les entrailles étaient lavées 
au moins trois^fois dans la chambre du parvis, puis on 
les rapportait sur des tables de marbre placées au nord 
de l'autel et là, on les lavait encore avec un plus grand 
soin, ainsi que les autres parties de la victime. Cf. Iken, 
Antiquitates hebraicss, Brème, 1741, p. 181. — 7» Les 
vêtements. Le peuple dut laver ses vêtements avant l'ap- 
parition du Seigneur sur le Sinaï. Exod., xix, 10, 14. Il 
fallait laver le vêtement taché par le sang d'une victime 
expiatoire, Lev., vi, 27, les vêtements de ceux qui por- 
taient les cadavres de bêtes impures, Lev., xi, 25, 28, ou 
qui mangeaient de la chair des animaux purs morts 
naturellement, Lev., xi, 4Û, ceux des dartreux, Lev., xm, 
6, des teigneux, Lev., xiii, 34 ; les vêtements ayant appa- 
rence de lèpre, Lev., xm, 54, 56, 58, voir Lèpre, iv; ceux 
des lépreux guéris de leur mal, Lev., xiv, 8, 9, des per- 
sonnes qui avaient couché dans une maison atteinte de 
la lèpre, voir Lèpre, v, qui avaient été atteintes d'une 
impureté quelconque ou qui avaient touché quelqu'un 
ou quelque chose d'impur. Lev., xv, 5, 8, 10, 11, 13, 
17, 21, 22, 27. Celui qui menait dans le désert le bouc 
émissaire et celui qui brûlait les restes des deux victi- 
mes immolées au jour de l'Expiation, devaient ensuite 
laver leurs vêtements. Lev., xvi, 26, 28. Les lévites étaient 
tenus de faire la même chose avant leur consécration. 
Num., vin, 7, 21. La même précaution était prescrite 
dans l'accomplissement des rites de la vache rousse et 
de l'eau de purification. Num., xix, 7, 8, 10, 19, 21. — 
Au retour de la bataille contre les Madianites idolâtres, 
les soldats eurent l'ordre de laver leurs vêlements. 
Num., xxxi, 24. — En signe de deuil, on ne lavait pas 
ses vêtements. II Reg., xix, 24. Comme on le voit, le 
lavage des vêtements était prescrit soit pour assurer la 
pureté physique, soit pour symboliser la pureté morale 
nécessaire à l'accomplissement des rites sacrés. — Dans 
sa prophétie sur Juda, Jacob dit qu'il lave son vêtement 
dans le vin et son manteau dans le sang des raisins, 
Gen., SLix, 11, pour marquer la fertilité des vignobles 



qui occuperont les coteaux de la tribu de Juda. — Saint 
Jean dit des saints qu'ils ont lavé leur robe et l'ont 
blanchie dans le sang de l'Agneau, Apoc, vu, 14; xxu, 
14, parce que c'est le sang du Sauveur qui purifie l'ârne 
des souillures du péché. Apoc, i, 5. H. Lesëtre. 

LAVAL Antoine, sieur de Belair, littérateur français, 
né dans le Bourbonnais le 24 octobre 1550, mort en 
1631, en son château de Belair, près de Moulins. Il fut 
capitaine du parc et du château de Beaumanoir-lez- 
Moulins et, en 1583, reçut le titre de géographe du roi. 
Ardent catholique, il prit part à diverses controverses, 
pour essayer de ramener les protestants à l'Église ro- 
maine. Parmi ses écrits, nous remarquons : Para^ 
phrase des cl Psaumes de David, tant littérale que 
mystique, avec annotations nécessaires, in-4°, Paris, 
1612; 2 e édition, in-4", Paris, 1614. 

B. Hedrtebize. 

LAVATER Louis, théologien calviniste, né le 
1er mars 1527, mort le 15 juillet 1586. Il étudia à Stras- 
bourg, puis à Paris et devint archidiacre, puis premier 
pasteur de Zurich. Nous avons de lui plusieurs com- 
mentaires : Commentarius in librum. Proverbiorum 
sive sententiarum Salomonis. Accessit et concio Salo- 
monis quam Ecclesiasten Vocant de sumrno bono, in-4°, 
Zurich, 1562; Homilix lxiii in librum Josue, in-4», 
Zurich, 1565; Homilix in Ezechielem, in-f°, Zurich, 
1571 ; Homilix in librum Judicum, in-4°, Zurich, 1576; 
Homilix in Ruth, in-8°, Zurich, 1578 ; Homilix in Hie- 
remiam et Threnos, in-f°, Genève, 1580; Commenta- 
rius in Ecclesiasten, in-8°, Zurich, 1584; Homilix in 
Job, in f°, Zurich, 1585; Homilix in Esdram, Nehe- 
miam et Estheram, in-4», Zurich, 1586; Commentarius 
in libros Paralipomenon sive Chronicorum cum tabulis 
de Genealogia Christi, de Summis Pontijicibus He- 
brxorum, in-f°, Zurich, 1599; Commentarius in ocio 
postrema capita Geneseos, in-f°, Zurich. Ce dernier 
ouvrage a été publié pour compléter les commentaires 
de Pierre Vermigli sur les premiers chapitres de la Ge- 
nèse, — Voir Walch, Biblioth. theolog., t. iv, p. 455, 
479, 514, etc. B. Heurtebize. 

LAVEMENT DES PIEDS (hébreu :rdhas raglaîm ; 
Septante : viirretv toù; rcdBai;; Vulgate : lavare pedes), 
action de laver ses pieds ou les pieds d'un autre. Le 
substantif ral_ias n'est employé qu'une fois dans le texte 
hébreu : Ps. lx (lix), 10, répété Ps. cvin (cvn), 10 : 
« Moab est le bassin de mon lavage, » c'est-à-dire dans 
lequel je me lave les pieds, expression par laquelle 
David veut marquer qu'il a réduit les Moabites à une 
humble servitude. II Reg., vin, 2; 1 Par., xvm, 2. Les 
Septante et la Vulgate traduisent : « Moab est le bassin 
de mon espérance, » ce qui n'a guère de sens. Le mot 
rahas ne signifie « espérance » qu'en cbaldéen. La version 
syriaque traduit plus justement ; « Moab est le lavage 
de mes pieds. ?) 

A? Dans l'usage ordinaire . — Si l'on marche habituelle- 
ment nu-pieds ou avec de simples sandales sur un sol 
desséché et naturellement poudreux, il devient néces- 
saire de se laver souvent les pieds. C'est le cas en Pales- 
tine et dans lés pays voisins. Voir Chaussure, t. i, 
col. 633. Aussi le premier devoir de l'hospitalité était-il de 
procurer au nouveau venu le moyen de se laver les 
pieds, pour les débarrasser de la poussière, les rafraîchir 
et les délasser. Nous trouvons cet usage fidèlement 
suivi par Abraham à l'égard de ses trois visiteurs à 
Mambré, Gen., xvih, 4, par Lot à Sodome à l'égard 
des deux anges, Gen., xix, 2, par Laban à Haran à 
l'égard d'Éliézer, Gen., xxiv, 32, par l'intendant égyptien 
à l'égard des frères de Joseph, Gen., xun, 24, par le- 
vieillard de Gabaa à l'égard du lévite d'Éphraïm, Jud., 
xix, 21, etc. Le fils de Tobie se lavait lui-même les pieds 
dans le Tigre au cours de son voyage. Tob., VI, 2. Quand. 



433 



LAVEMENT DES PIEDS 



134 



David veut persuader à Urie de passer la nuit dans sa 
maison et d'y coucher, il lui dit : « Descends dans ta 
maison et lave tes pieds, » c'est-à-dire prends-y la pré- 
caution par laquelle commence tout hôte qui veut être 
reçu quelque part. II Reg., xi, 8. Aussi, lorsque l'Épouse 
endormie dans sa maison entend l'Époux frapper à la 
porte, elle lui répond : « J'ai ôté ma tunique, comment 
la remettre ? J'ai lavé mes pieds, comment les salir? » 
Cant., v, 3. Le devoir de présenter à l'hôte de quoi se 
laver les pieds, encore en vigueur dans les pays d'Orient, 
cf. Shaw, Reisen, Leipzig, 1765, p. 208; 1 losenmûller, 
Schol. in Gènes., Leipzig, 179Ô, P- 196, l'était aussi au 
temps du divin Maître. Invité par le pharisien Simon, 
Notre-Seigneur put lui adresser ce reproche : « Je suis 
entré dans ta maison et tu ne m'as pas donné d'eau pour 



présenter qu'avec une pureté parfaite. Cette pa*eté 
devait surtout paraître aux pieds et aux mains, parce qBû 
les pieds les conduisaient dans le sanctuaire, où les 
prêtres ne pouvaient pénétrer et servir que pieds nus, 
et les mains leur servaient à offrir les sacrifices. 
Cf. BShr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 
1837, t. i, p. 491-492. Les prêtres avaient à se soumettre 
à ces lotions liturgiques alors même qu'ils étaient en 
état de pureté légale. Yoma, m, 3. A la fête de l'Expia- 
tion, le grand-prêtre était astreint par le cérémonial 
traditionnel à cinq ablutions complètes et à seize change- 
ments de costume, ce qu'il ne pouvait faire sansase 
laver autant de fois les pieds et les mains. Voir Ex«i- 
tion (Fête de l'), t. H, col. 2137; Reland, Antiquita&es 
sacrœ, Utrecht, 1741, p. 249. Les prêtres se lavaientles 



<V» %/ 




41. — Antiphata lavant les pieds d'Ulysse. Vase de Chinai. 
D'après Mçnumenti inediti dell' Instituto di Correspondenza archeologica, t. îx, 1869-1873, pi. 42. 



laver mes pieds. » Luc, vu, 44. C'était l'affice des es- 
claves de laver les pieds de leurs maîtres (fl'g. 41). 
Demandée pour épouse par David, Abigaïl répond, en 
témoignage de son entière soumission : il Ta servante 
sera une esclave pour laver les pieds des serviteurs de 
mon seigneur. » I Reg., xxv, 41. Madeleine remplit cette 
fonction auprès de Notre-Seigneur; elle baigne ses pieds 
de ses larmes et les essuie avec ses cheveux. Le Sei- 
gneur fait ressortir le contraste qui existe entre cet acte 
et la négligence du pharisien, qui a manqué au premier 
devoir de l'hospitalité. Luc., vu, 38, 44. Saint Paul 
veut qu'une veuve, pour être admise par l'Église, ait 
« exercé l'hospitalité et lavé les pieds des saints ». 
I Tim., v, 10. — « Se laver les pieds dans le beurre, » 
Job, xxix, 6, marque l'abondance de tous les biens. Les 
« baigner dans le sang des méchants », Ps. lviii (lvii), 
11, c'est voir ces derniers subir le châtiment de leurs 
crimes. 

2» Dans la liturgie mosaïque. — Avant d'entrer dans 
le Tabernacle, Moïse, Aaron et ses fils devaient se laver 
les mains et les pieds. Exod., xxx, 19, 20; xl, 29. Cette 
loi fut suivie plus tard par tous les prêtres. En entrant 
dans le sanctuaire, ils devenaient comme les hôtes du 
Seigneur, devant lequel ils ne pouvaient d'ailleurs se 



pieds et les mains avec l'eau d'une grande cuve d'airain 
qui était placée entre le Tabernacle et l'autel, Exod., 
xxx, 17, et qui, dans le temple de Salomon, pritlé.nom 
de mer d'airain. III Reg., vu, 23-26. Voir Merd'ai- 
raitj. 

3° A la dernière Cène. — Avant d'instituer la sainte 
Eucharistie, Notre-Seigneur veut bien exercer lui-même 
l'office de l'esclave en lavant les pieds à ses Apôtres. Il 
ôte son vêtement de dessus, se ceint d'un linge, met de 
l'eau dans un bassin, lave les pieds des Apôtres et lés 
essuie avec le linge dont il est ceint. Il ajouté cette 
remarque, à l'adresse de Pierre, que celui qui a pris un 
bain, 6 >e),ou|iévo<, qui lotus est, n'a plus besoin que de 
se laver les pieds, toû; itôSaç vtyauSat, ut pedes lavel, 
s'il vient du dehors. Joa., xm, 4-10. Notre-Sëigpear 
indique lui-même la triple leçon qu'il entend donner : 
leçon d'humilité, probablement pour répondre à la 
compétition sur la préséance qui a eu lieu ayant le 
repas, Luc., xxii, 24-30; cf. Luc, xxn, 26, 27, et'Joa., 
xm, 13-15; leçon de charité, Joa.,xm, 14, et leçon de 
pureté. Joa., xm, 8-10. Ces trois dispositions conviennent 
très spécialement avant la participation au banquet 
eucharistique. 

4° Dans la liturgie chrétienne. — Il était d'usage," < 



435 



LAVEMENT DES PIED;S — LAVER (SE) LES MAINS 



130 



les églises des Gaules et de Milan, de laver les pieds des 
néophytes, avant ou après la cérémonie du baptême. Ce 
lavement des pieds se faisait le jeudi-saint, en souvenir 
de l'exemple donné par Notre-Seigneur. Saint Augustin, 
Ep. lit, ad Januar., 7, 10, t. xxxm, col. 204, attribue à 
ce rite un but purement physique. Comme le bain était 
incompatible avec le jeûne du carême, il convenait que 
le catéchumène eût les pieds lavés avant de descendre 
dans le baptistère. Saint Ambroise, De viyster., 6, t. xvt, 
col» 398, fait au contraire du lavement des pieds un rite 
complémentaire du baptême, et il ajoute même que le 
baptême remet les péchés personnels, et le lavement des 
pieds les péchés héréditaires, ce qu'on entend de la 
concupiscence qui provient du péché originel et qui 
est atténuée par ce rite religieux. Cf. Franzelin, Desacra- 
mient. in gen., Borne, 1873, p. 290-293. La coutume de 
laver les pieds avant ou après le baptême n'existait 
guère en dehors des Gaules et de Milan. On ne la suivait 
certainement pas à Rome. Cf. De sacrament., m, 1, 4, 5, 
dans les œuvres de saint Ambroise, t. xvi, col. 432-433. 
Les Grecs tentèrent d'imposer le lavement des pieds 
comme rite obligatoire et même lui attribuèrent une 
efficacité sacramentelle. En 306, le concile d'Elvire, 
can. 48, mit l'Occident en garde contre cette exagération 
eh prohibant le rite lui-même. Saint Augustin, Ep.Lr, 
ad Januar., 18, 33, t. xxxm, col. 220, atteste que, de 
son temps, beaucoup s'abstenaient du lavement des 
pieds liturgique et le combattaient, pour bien marquer 
<(u'il ne tenait en rien au sacrement de baptême. 
Cf. Kraus, Hist. de l'Église, trad. Godet-Verschaffel, 
Paris, 1891, t. i, p. 366. Néanmoins, le rite persista 
dans l'Église et même s'étendit partout comme mémo- 
rial de ce que le Sauveur avait accompli le jeudi-saint 
■et comme leçon de charité envers le prochain et surtout 
l'étranger. Dans le passage de sa lettre Lrv Ad Januar., 
citée plus haut, saint Augustin dit que le lavement des 
pieds du jeudi-saint était aussi considéré comme prépa- 
ration à la communion qui allait suivre, et que, cet 
acte emportant la rupture du jeûne, beaucoup commu- 
niaient dès le matin de ce jour. L'évêque lui-même 
faisait le lavement des pieds et rappelait la leçon de 
charité fraternelle qui ressort de cette cérémonie. 
L'auteur du Sermo Cxlix, 1, attribué à tort à 
saint Augustin, t. xxxix, col. 2035, dit que le lavement 
des pieds peut effacer, chez celui qui l'accomplit avec 
humilité et charité, même les péchés graves. En 694, un 
concile de Tolède, can. 3, constatant que le lavement 
des pieds le jeudi-saint tombait en désuétude, ordonna 
de le rétablir partout. Cf. Chardon, Histoire des sacre- 
ments, Paris, 1874, p. 60, 61, 140; Martigny, Diction, des 
antiq. chrétiennes, Paris, 1877, p. 3-4; Duchesne, 
Origines du culte chrétien, Paris, 1899, p. 314. Dans la 
liturgie romaine, cet acte liturgique prit le nom de 
Mandatum, premier mot d'une phrase qui résume la 
pensée de Notre-Seigneur à ce sujet. Joa., xiii, 34. Dans 
le Liber responsalis attribué à saint Grégoire le Grand, 
t. lxxviii, col. 848, les répons à chanter pendant la 
cérémonie commencent, comme dans la liturgie actuelle, 
par les mots : Mandatum novum do vobis. On y rappelle 
même le lavement des pieds du Sauveur par les larmes 
de Marie-Madeleine, la veille des Rameaux. Ce dernier 
souvenir était plus spécialement célébré, dans la province 
ecclésiastique de Rouen, par un lavement des pieds qui 
se faisait solennellement le samedi d'avant les Rameaux. 
Cf. t. lxxviii, col. 887. Les Ordines romani, x, 12; xi, 
M; xii, 25; xiv, 84; xv, 69, t. lxxviii, col. 1013,- 1041, 
1074, 1207, 1311, parlent souvent du lavement des pieds 
fait par le pape à douze sous-diacres. A l'exemple du 
pape, l'empereur de Constantinpple lavait les pieds à 
douze pauvres le jeudi-saint. Beaucoup de princes 
chrétiens ont depuis agi de même. Le Mandatum se 
célèbre actuellement dans toutes les églises catho- 
liques. Ce qui se chante pendant cette cérémonie rap- 



pelle d'abord l'acte accompli par le Sauveur la veille 
de sa mort, et ensuite fait ressortir d'une manière 
très instante la leçon de charité et d'union fraternelle 
qui en découle. Cf. Missal. roman., In Cœn. Dont. 

H. Lesêtbe. 
LAVER (SE) LES MAINS (hébreu : sdlaf ydddv; 
Septante : toc; -/eîpa; vfaretv ; Vulgate : lavare manus 
suas), se passer les mains à l'eau pour les nettoyer. — 
1° Dans l'Ancien Testament, cet acte est prescrit en 
quelques circonstances. Aaron et ses . fils, par consé- 
quent les prêtres leurs successeurs, doivent se laver les 
- mains avant de remplir leur office dans le sanctuaire. 
Exod., xxx, 19, 21. Ce soin leur est même prescrit sous 
peine de : mort. Le Seigneur y attachait donc grande 
importance, moins sans doute à raison de la pureté 
extérieure que de la pureté intérieure signifiée par la 
première. Exod., XL, 29. Cf. I Tim., h, 8. Tout homme 
touché par un autre homme atteint d'impureté devait se 
laver les mains, sous peine d'avoir à laver ses vête- 
ments, à se laver lui-même et à rester impur jusqu'au 
soir. Lev., xv, 11. De ses mains non lavées la souillure 
pouvait en effet passer à ses vêtements et à toute sa per- 
sonne. Dans le cas où un homicide avait été commis 
par un inconnu, les anciens de la localité la plus voi- 
sine devaient immoler une génisse dans des conditions 
déterminées, et se laver les mains au-dessus d'elle en 
disant : « Nos mains n'ont point répandu ce sang. » Deut., 
xxi, 6,7. Voir Homicide, t. m, col. 742. C'était une ma- 
nière de se déclarer pur du meurtre. Cette action sym- 
bolique entra dans les usages du peuple hébreu. Se 
laver les mains constituait en certains cas une protestation 
d'innocence. Ps. xxvi (xxv), 6; lxxiii (lxii), 13. Bien 
que la signification d'un tel acte soit naturelle et que 
d'autres peuples l'aient employé parfois dans des cir- 
constances analogues, c'est très vraisemblablement à 
l'usage juif que Pilate se réfère, quand il se lave les 
mains devant le peuplé et dit: « Je suis innocent du 
sang de ce juste. » Matth., xxvn, 24. La formule dont il 
se sert ressemble trop à celle du Deutéronome pour 
que le procurateur n'ait pas eu l'intention de suivre ici 
le rite mosaïque, qu'il avait dû voir souvent pratiqué par 
ses administrés. — 2° Dans le Nouveau Testament, 
l'usage de se laver les mains avant le repas apparaît re- 
vêtu d'une importance extraordinaire aux yeux des Juifs. 
Un jour, des pharisiens et des scribes s'aperçoivent que 
les disciples de Notre-Seigneur s'abstiennent de se laver 
les mains avant de prendre leur nourriture. « Car les 
pharisiensettouslesJuifs ne mangent pas sans s'être lavé 
les mains, conformément à la tradition des anciens; et, 
quand ils viennent du dehors, ils ne mangent qu'après 
des ablutions. » Ils s'adressent donc à Notre-Seigneur 
et lui disent: « Pourquoi vos disciples transgressent- 
ils la tradition des anciens? En effet, ils ne lavent pas 
leurs mains pour manger leur pain. » Matth., xv, 1, 2; 
Marc, vu, 1-4. Une autre fois, un pharisien qui reçoit 
chez lui le Sauveur s'étonne qu'il ne se soumette à au- 
cune ablution avant le repas. Luc. , xi, 38. Pour prescrire 
cette formalité, les docteurs juifs s'appuyaient sur le 
texte du Lévitique, xv, 11, qui vise un cas tout parti- 
culier. Tout le traité talmudique Yadaim est consacré 
à expliquer la manière de se laver les mains. Le Talmud 
comprend plus de six cents ordonnances à ce sujet. 
Négliger l'ablution des mains, c'était encourir l'excom- 
munication et la lapidation. Babyl. Berachoth, 46, 2. 
Si peu qu'on eût d'eau pour se désaltérer, il fallait en 
garder une partie pour se laver les mains. Le rabbin 
Akiba aima mieux mourir de soif que de se dispenser 
de l'ablution traditionnelle. Des démons particuliers 
nuisaient aux transgresseurs de ce devoir, etc. Cf. Ya- 
daim, i, 1-5; H, 3; Berachoth, vin, 2-4; Chagiga,u,5- 
6; Eduioth, m, 2; Taanith, xx, 2-; Schûrer, Geschichte 
des jûdischen Volkes ira Zeilalt. J. C, Leipzig, t. n, 
1898, p. 482-483. On comprend qu'il soit bon de se laver 











7 



'•■ 



_ - 



rr i 



/ 



137 



LAVER (SE) LES MAINS — LAZARE 



138 



les mains avant le repas dans un pays où les convives ont 
l'habitude de manger avec les doigts en prenant au 
même plat. Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, 
Amsterdam, 1718, p. 202-203; Jullien, L'Egypte, Lille, 
1891, p. 258. Cette coutume avait dû être en vigueur dès 
les anciens temps. IV Reg., m, 11. Aussi voyons-nous, à 
la porte de la maison de Cana, des urnes destinées à 
contenir de l'eau pour les ablutions. Joa., n, 6. Mais 
contrevenir à cet usage n'était en soi qu'une infraction 
aux règles de l'hygiène et du savoir-vivre, pour le cas 
où l'on avait à prendre son repas en compagnie. Cf. Ci- 
céron, De orat., n, 60. Malgré la prétention des docteurs, 
cette négligence n'impliquait aucune faute morale. Notre- 
Seigneur réagit donc énergiquement contre leur ensei- 
gnement. Il déclara que la vraie souillure est celle qui 
atteint l'âme, quand le mal procède d'elle en pensées ou 
en actions. « Mais manger sans se laver les mains ne 
souille pas l'homme. » Malth., xv, 3-20; Marc, vu, 8-23; 
Luc, xi, 39, 40, 46. Dans le texte de saint Marc, vu, 3, la 
Vulgate dit que les Juifs ne prennent leur repas qu'après 
s'être fréquemment lavé les mains, nisi crebro laverint. 
Cette traduction répond à la leçon mjxvà vi'iî/uvtai de 
quelques manuscrits grecs. Ce multiple lavage des mains 
avant le repas n'est mentionné nulle part. Le texte grec 
porte dans la plupart des manuscrits, itây|i>j W+omai, 
« ils se lavent avec le poing, » ce qui doit signifier tout 
simplement qu'avec le poing d'une main on frotte le 
creux de l'autre main. Cf. KnaCenbauer, Evang. sec. 
Marc, Paris, 1894, p. 187, 188. Peut-être même faudrait- 
il voir là l'indice de ces prescriptions méticuleuses des 
docteurs, qui réglaient jusque dans les moindres dé- 
tails les actions les plus simples. Les versions copte et 
syriaque traduisent iz\iy\i.-ç par « soigneusement », et la 
version éthiopienne par « intensivement ». C'est tout ce 
que semble vouloir dire le texte grec. 

H. Lesètre. 
LAVOIR (hébreu: rahsàh; Septante: XoOtpov; Vul- 
gate: lavacrum), « lieu où l'on se lave. » On lit deux fois 
dans le Cantique des Cantiques, IV, 2, et vi, 5: « Tes dents 
sont comme un troupeau de brebis (tondues, iv, 2), qui 
remontent du lavoir. » Pour exprimer que les dents de 
l'Épouse sont blanches et bien rangées, l'Époux les com- 
pare à des brebis qui sont éclatantes de blancheur au 
sortir du lavoir et qui se pressent les unes contre les 
autres, selon leur coutume, pour se réchauifer. 

LAWSONIA, arbrisseau dont les Orientaux tirent la 
poudre colorante du henné. Voir Henné, t. in, col. 590. 

LAZARE (AàÇapoç; dans le Talmud, L'âzâr, forme 
abrégée de 'El'âzàr, « Dieu aide; » Vulgate : Lazarus). 
VoirÉLÉAZAR,t. il, col. 1649. La forme AiÇapoçse lit dans 
Josèphe, Bell.jud., V, xm, 7. Nom du frère de Marthe et 
de Marie et du pauvre de la parabole de Notre-Seigneur. 

1. LAZARE de la parabole, Luc, xvr, 19-31, nom du 
pauvre dont la misère est mise en opposition avec la 
fortune et l'insensibilité au mauvais riche, comme sa 
glorieuse récompense après cette vie est opposée au châ- 
timent de son contempteur; le riche sans entrailles est 
précipité dans l'enfer et Lazare est reçu dans le « sein 
d'Abraham » (t. i, col. 83). C'est le seul exemple d'un 
nom propre dans une parabole, et peut-être a-t-il été 
choisi parce qu'il était très répandu à cette époque dans 
la classe des pauvres. D'après l'opinion commune, ce 
nom aurait été pris par Jésus comme personnification 
de la misère, pour graver plus vivement dans l'esprit de 
ses auditeurs sa doctrine sur la conduite de Dieu à 
l'égard des élus méprisés en ce monde. Il en est qui 
croient que le nom du Lazare de la parabole n'est pas 
une contraction: d'Éléazar, mais un composé de lu nù., 
lô*'êzér, 4 sans secours, » à6oT,8>]i:oç. Cf. J. Stockmeyer, 
Exegetische und praktische Erklàrung ausgewâhller 



Gleichnisse Jesu, in-8», Râle, 189'/, p. 365; A. Jùlicher, 
Die Gleichnissreden Jesu, 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 
1888-1899, t. Il, p. 622. Suivant quelques autres, Lazare 
serait un personnage réel et Jésus raconterait une histoire 
véritable. On ne peut nier que cette opinion a pour elle 
une très ancienne tradition. Cf. S. Irénée, Cont. hier., IV, 
n, 4, t. vu, col. 977; II, xxxiv, l,col. 834-835; Tertullien, 
De anim., 7, t. n, col. 697. Plusieurs commentateurs af- 
firment que Lazare était un mendiant très connu dans 
Jérusalem, assertion peu fondée en autorité. Quelques- 
uns ont été jusqu'à prétendre spécifier, d'après le texte, 
la nature de sa maladie. Luc, xvi, 20, 21. C'est là une 
entreprise vaine. Cette parabole met en lumière la réalité 










r - I ""-JE.-"» - îT .*- j- - -- = - 









*E- 



'„ — *: KriZi^ 



I! 



^ J +1 : 

.ëE- 7j U f 

£ ï m=- ' 



— -'-A-. 

m 

jhJ'T 



i\ 



T-> 



S i 












i%r 






*r 

V 



IV J 






42. — Lazare de la parabole. 
D'après les Heures de Pigouchet, 1497. 

des récompenses et des châtiments de l'autre vie et la 
justice rémunératrice de Dieu, f. 25. Elle insinue l'éter- 
nité des peines, f. 26, et la résurrection des morts, f. 31» 
Il est digne de remarque que Lazare, dans le récit de 
la parabole, ne prononce pas un seul mot. On peut con- 
clure, de son silence, que, le mauvais riche n'est pas 
puni à cause de ses richesses, mais parce qu'il n'en a 
pas fait bon usage^L§zare n'est pas récompensé à cause 
de sa pauvreté, niais à cause de la patience et de la ré- 
signation avec lesquelles il a supporté son état. — Au 
moyen âge, la désignation latine du mauvais riche, Dives, 
était devenue comme un nom propre. D'après Euthymius 
Zigabène, In Luc., xvi, 20, t. cxxix, col. 1037, le mauvais 
riche se serait appelé Ninevis. D'après d'autres , il s'appe- 
lait Phinées. A. Jùlicher, Gleichnissreden, t. il, p. 621. On 
prétend montrer à Jérusalem la maison qu'il habitait. 
Le Lazare de la parabole a toujours été très populaire 
(flg. 42). Il fut au mc-en âge le patron des mendiants 
et des pauvres, qui furent désignés par le mot ladre, 
dérivé ds (cure; contraction de Lazare, plus spécia- 



139 



LAZARE 



140 



lement il devint le patron des lépreux et de tous les 
affligés de maladies infectieuses, à cause des ulcères 
dont son corps était couvert. Luc, XVI, 20, 21. De là 
aussi les noms de ladrerie donné autrefois aux hô- 
pitaux et de lazaret donné aux établissements de dé- 
sinfection. L'ordre hospitalier de Saint-Lazare se récla- 
mait du même patronage d'après Ch. Cahier, Caracté- 
ristiques des saints, Paris, 1867, t. n, p. 503, 621, Il est 
certain qu'il soignait lgs lépreux, mais ses origines 
nef sent pas bien connues et l'on ne sait pas exactement 
pourquoi ses fondateurs lui avaient donné ce nom. 



thanie. Du récit évangélique on conclut que Lazare 
mourut le jour même où l'envoyé de Marthe et de Ma- 
rie rejoignit le Sauveur, car après ce message, Jésus 
demeura deux jours en Pérée, jf. 6; il consacra le jour 
suivant à parcourir les 16 milles qui le séparaient de 
Béthanie, où il arriva probablement le soir. Alors il 
fut vrai de dire que Lazare était mort depuis quatre 
jours, y. 39. Le miracle de la résurrection de Lazare est 
raconté en détail dans saint Jean, xi. Les synoptiques 
l'ont omis à dessein, comme ils ont omis toutes les œu- 
vres de Jésus en Judée, à l'exception de celles de la der- 




43. - Tombeau de Lazare à Béthanie. Extérieur et porte d'entrée. D'après une photographie. 



Voir P. Hélyot, Dictionnaire des ordres religieux, édit. 
Mjgne, 1848, t. Il, col. 742; Stork, dans Wetzer et 
Welte, Kirchenlexicon, 2 e édit., t. vu, col. 1559. 

P. Renard. 
2. LAZARE de Béthanie, frère de Marthe et de Marie, 
Juif de haute condition que Jésus honora de son amitié 
et de ses visites. La maison de Larare à Béthanie était 
la , résidence habituelle du Sauveur, quand il venait à 
Jérusalem. Matlh., xxi, 17; Marc, xi, 11; Luc, x, 38; 
Joa,, xi. Pour obtenir la guérison de Lazare, atteint d'une 
grave maladie, que l'Écriture ne détermine pas, Marthe 
et Marie envoyèrent vers Jésus, qui se trouvait alors 
dans la Pérée, lui faisant dire que « celui qu'il aimait » 
était malade. Joa., xi, 1-6. Par un dessein secret qui de- 
vait merveilleusement manifester la gloire de Dieu, 
Joa-, xi, 4, Jésus ne se rendit que trois jours après à Bé- 



nière semaine de sa vie, se bornant à raconter le minis- 
tère du Sauveur en Galilée et au delà du Jourdain. Us 
mentionnent d'autres résurrections. Matth., ix, 25 ; Marc, 
v, 41; Luc, vu, 14; viii, 54. Nul doute qu'ils n'eussent 
mentionné celle-ci, si ce récit fût entré dans leur des- 
sein. La haute situation et les nombreuses relations de 
Lazare, Joa., XI, 19, contribuèrent à donner à ce miracle 
un grand retentissement. La mission du Sauveur en fut 
accréditée auprès d'un grand nombre, qui dès lors cru- 
rent en lui, f. 45. La haine des Sanhédrites, qui d'ail- 
leurs ne contestaient pas le miracle, redoubla à cette 
occasion, Joa., xi, 47, d'autant plus que la présence de 
Lazare était une preuve indéniable et permanente de la 
puissance de Jésus. L'Évangile mentionne spécialement 
la présence de Lazare ressuscité au festin qui eut lieu à 
Béthanie, six jours avant la Pâque, chez Simon le 1$. 



141 



LAZARE 



LEANDRE 



142 



preux, Joa., xn, 1, 2; cf. Matth., xxvi, 6; Marc, sn, 3, 
où une grande foule vint constater que Lazare était bien 
vivant. Joa., xn, 9. Et comme de cette constatation résul- 
taient de nombreuses adhésions à la doctrine de Jésus, 
les Sanhédrites cherchèrent tous les moyens de faire 
mourir Lazare. Joa., xn, 10, 11. Rien n'indique que ce 
projet ait été exécuté ; il semble plus probable que leur 
haine étant satisfaite par la mort du Sauveur, les San- 
hédrites laissèrent Lazare vivre en paix. 

Le tombeau où avait été enseveli Lazare a toujours été 
fixé par la tradition au même endroit (voir S. Jérôme. 
De situ et nominibus, t. xxm, col. 884), sur le flanc 
sud-est du mont des Oliviers, au haut d'un village qui 
porte maintenant le nom d'El-Azariéh, « village de 
Lazare. » Voir Béthanie 1, t. i, col. 1655. Le tombeau 
{fig. 43) a subi, dans la suite des temps, divers change- 
ments qui en ont modifié l'aspect, mais dont la plupart ont 
été nécessités par le besoin de consolider l'édifice. C'est 
une grotte souterraine creusée dans un rocher friable qui 
a l'apparence d'une terre argileuse, excepté dans là partie 
avoisinant l'entrée où il a conservé sa dureté primitive. 
Le monnment est revêtu d'une maçonnerie, dont la 
voûte est en ogive ; cette maçonnerie fut sans doute 
destinée à soutenir l'oratoire qu'on éleva au-dessus et 
qui, sans cet appui, aurait été exposé à s'effondrer. La 
porte d'entrée actuelle regarde le nord, on descend par 
un escalier de 24 marches construit en 1337. On arrive 
ainsi à une chambre carrée, ayant à peu près 3 mètres 
de long sur autant de large et revêtue d'une maçonnerie 
assez grossière. C'est là que devait se tenir Notre-Sei- 
gneur quand il commanda à Lazare de se lever. On y 
remarque, à l'est, une porté cintrée, aujourd'hui murée, 
qui devait être l'entrée primitive du tombeau. Par nne 
ouverture pratiquée dans la paroi du nord on a vue 
dans le sépulcre proprement dit. C'est une chambre 
pareille à la première, où l'on descend par 3 marches. 
Le corps de Lazare avait été déposé là, probablement 
sur une couche en forme de banc. La chambre sépulcrale 
était destinée à recevoir trois corps; chacune des trois 
parois a son banc ; seule, celle où se trouve la porte d'en- 
trée reste libre. Ce tombeau est également vénéré par les 
musulmans et par les chrétiens. Voir Liévin de Hamme, 
Guide indicateur de la Terre-Sainte, 4 e édit., Jérusalem, 
1897, t. n, p. 317-323. Cf. Béthanie 1, t. i, col. 1658. 

Les archéologues remarquent que la manière dont 
avait été enseveli Lazare témoigne de sa haute situation 
sociale , car les riches seuls étaient ainsi déposés dans 
un tombeau creusé dans le roc et fermé par une pierre. 
Ils ajoutent que le deuil des riches durait sept jours et 
que cette durée des funérailles explique comment, le 
quatrième jour après la mort de Lazare, beaucoup de 
Juifs se trouvaient encore à Béthanie. Cf. Gen., L, 10; 
I Reg., xxxi, 13, ; Judith, xvi, 29; Eccli., xxii, 13; Josèphe, 
Ant. jud., XVII, vm, 4. Voir Funérailles, t. n, col. 2416, 
Tombeau. 

Une tradition fait venir Lazare en Provence avec 
Marthe et Marie. Il aurait prêché la foi chrétienne à 
Marseille, dont il serait devenu l'évêque. Fabricius, Co- 
dex Apocr. N. Test., t. m, p. 475; Thilo, Apocryph., 
p. 711. Cf. Launoy, De commentitio Lazari appulsu in 
Provinciam, in-8°, Paris, 1660 (dans ses Opéra omnia, 
in-f°, Cologne, 1731, t. n, part. I, p. 202-373); Faillon, 
Monuments inédits sur l'apostolat de sainte Marie-Ma- 
deleine en Provence, saint Lazare, etc., 2 in-4°, Paris, 
1848. D'après une autre tradition, les reliques de La- 
zare auraient été découvertes en 890 dans l'île de Chy- 
pre. Tillemont, Mémoires pour servir à l'histoire ecclé- 
siastique, 2 e édit., 1701, t. n, p. 34. Saint Lazare est 
mentionné au martyrologe romain, le 17 décembre. 

P. Renard. 

LAZARISTES (TRAVAUX DES) SUR LES 
SAINTES ÉCRITURES. L'étude des saintes Écri- 
tures a toujours été en honneur parmi les prêtres de la 



Mission, appelés communément lazaristes. Pour ins- 
pirer à ses enfants l'amour de la parole de Dieu, saint 
Vincent de Paul, leur iohdateur, prit soin de les obliger 
par un article de la règle à lire chaque joar au moins 
un chapitre du Nouveau Testament, à genoux et tête 
nue. Le directoire des grands séminaires, élaboré par 
les assemblées générales de la congrégation, accorde, 
parmi les sciences sacrées, la première place à l'Écri- 
ture sainte. Fidèles à ces prescriptions, les enfants de 
saint Vincent ont toujours cultivé l'étude des saintes 
Lettres dans la mesure compatible avec l'esprit de leur 
vocation et la fin de leur Institut. Qu'il nous suffise 
d'énumérer les travaux les plus importants : 

1° Travaux divers. — 1. En langue latine : A. Puti- 
jatycki, lazariste polonais (1787-1862), Enchiridion Her- 
meneuticx sacrœ, in-8°, Varsovie, 1859; A. Pohl, autre 
lazariste polonais (1742-1820), Scriptura Sacra per quse- 
stiones exposita, responsionibus explicata, contra incre- 
dulos defensa, 5 in-8», Vilna, 1810-1812 ; E. Ber- 
sani, lazariste italien, Propsedeutica ad Evangelia, 
in-18, Plaisance, 1898. — 2. En langue française : 
J. Barbé, Prières touchantes et affectives où sont ex- 
pliqués en peu de mots les Évangiles des dimanches 
de l'année, 3 in-12, Paris, 1712-1720; J. Compans (1748- 
1835), Histoire de la vie de Jésus-Christ, 2 in-12, Paris, 
1786, 1788; P. F. Viguier (1745-1821), Exposition du 
sens primitif des Psaumes, 2 e édit., 2 in-8», Paris, 1818- 
1819; la première édition avait paru en 1806, 2 in-12, 
sous le titre de : De la distinction primitive des Psaumes 
en monologues et dialogues; Id., Le vrai sens du 
Psaume Lxrw Exurgat Deus, in-8», Paris, 1819; E. 
Bore, Jugement sur la traduction nouvelle de la Bible 
par J. Cahen, dans les Annales de philosophie chré- 
tienne, août, 1836 ; E. Guillaume, Tableaux synoptiques 
pour servir à l'étude de l'Écriture Sainte, in-4», Cam- 
brai, 1876. — 3. En langue italienne ; L. Biancheri, 
L'Apocalisse spiegata, in-8», Rome, 1836; J. Buroni, 
Del voto di Gefte e degli lstituti monastici del Vecchio 
Testamento, in-8», Florence, 1866; Id., Délia concordia 
Evangelica, in-8°, Florence, 1868; Id., 1 quattro Evan- 
geli delV 'ultima cena, in-12, Turin, 1869; Ceresa, L'Apo- 
calisse e rivelazione dei destini e del corso storico del 
génère umano, 2 in-8», Gênes, 1869 ; G. F. Dassano„ 
Spiegazione dei Salmi, 3 in-8°, Gênes, 1874. — 4. En 
langue éthiopienne : M9 r Touvier, Psalterium Ungua 
xthiopica idiomate Ghez, in-12, Keren, 1883; J.-B. 
Coulbeaux, Psalmi davidici Ungua œthiopica idiomate 
Ghez, in-12, Keren, 1893. — 5. En langue chaldéenne : 
P. Bedjan, Liber Psalmorum, in-§», Paris, 1886. 

2» Traductions. — 1. En italien : J. Buroni, L'archeolo- 
gia del Passio ovvero la scienza délV antichità adope- 
rata a spiegare la storia délia passions di N. S. G. C. 
(traduction de l'ouvrage allemand de L. H. Friedlieb), 
in-12, Turin, 1870. — S. En grec : A. Elluin, EùaTfeXia 
tûv xùpiaxoov (traduction en grec des Évangiles des di- 
manches et des principales fêtes), in-16, Smyrne, 187-L 

— 3. En turc : Sinan, Le saint Évangile selon saint 
Matthieu traduit en langue turque, in-16, Paris, 1885. 

— 4. En français : R. Flament, Les Psaumes traduits 
en français, in-8», Montpellier, 1897; Paris, 1898. 

V. Ermoni. 
LEANDRE dé Dijon, capucin français, né à Dijon et 
mort en cette ville, en 1669. Habile théologien, prédi- 
cateur zélé, et définiteur de son ordre, il a publié les 
ouvrages suivants : Veritates evangeliese in quibus con- 
tinentur et comprehuntur mysteria vitse Jesu Christi, 
veritates fidei catholicœ, perfectiones deiparx virginis 
Mariée et sanctorum, miracula sanctissimœ Euchari- 
sties, sécréta sublimiora vitse triysticœ et materim. ad 
mores spectantes cum exemplis, reflexionibus , morali- 
latibus practicis et affections devotis, 3 in-f", Paris, 
1659; Les vérités de l'Évangile ou l'Idée parfaite de 
l'amour divin exprimée dans l'intelligence du Cantique 



143 



LÉANDRE - LÉCHA 



144 



des Cantiques, 1 ! in-f°, Paris, 1661-1662; Commentaria 
in orttnes epîstolas S, Pauli Apostoli, 2 in-f°, Paris, 
1663. — Voir Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques 
du xvw siècle, col. 2472; Jean de Saint-Antoine, Biblio- 
thèque univ. franciscaine, t. il, p. 279. 

B. Heuktebize. 
LEBANA (hébreu : Lebânâh, « la lune ; » Septante : 
Aaëavti, I Esd., H, 45; Aagavi, II Esd., vu, 48), Nathi- 
néen dont les descendants retournèrent de la captivité 
de Babylone en Palestine avec Zorobabel. I Esd., h, 45; 
II Esd., vu, 43. 

LEBAOTH, ville de la tribu de Siméon, dont le site 
est inconnu. Jos., xv, 32. Son nom complet est Beth- 
lebaoth. Voir Bethlebaoth, t. i, col. 1688. 

LEBBÉE (grec : AeSgaîoç), surnom de l'apôtre saint 
Jude. Voir Jude l,t. m, col. 1806. Aeg6aîoç se lit en grec, 
Matth., x, 3, dans un certain nombre de manuscrits 
et d'éditions imprimées. Voir C. Tischendorf, Nôvûm 
Teslamentum grsce, edit. octava major, 1869, 1. 1, p. 47. 
D'autres portent ©aSStxîo? et la Vulgate a Thaddmùs. 
Dans le textus receptus, on lit : Atëêaïoç 6 èutxV^siç 
©oeoSatoç, a Lebbée, surnommé Thaddée, » leçon peu 
justifiable, car Lebbée est un surnom comme Thaddée 
et peut-être le même surnom sous une. forme différente. 
En saint Marc, m, 18, la forme ordinaire est ©àSSaïoç et 
elle est assez généralement préférée aujourd'hui par les 
critiques. Ce surnom avait dû être donné à saint Jude 
pour le distinguer de Judas Iscariote, Lebbée parait 
dériver de l'hébreu lêb, « cœur, » et signifier par con- 
séquent cordatus, « ayant du cœur, courageux, » cor- 
culum, comme l'interprète saint Jérôme. In Matth., x, 
4, t. xxvi, col. 61. On a donné du surnom de Thaddée 
de nombreuses explications. La plus vraisemblable est 
peut-être celle qui considère cette forme -comme la 
forme araméenne de Lebbée et la rattache au syriaque 
"tn, équivalent de^ Thébreu tv, sad, « mamelle, » en 
donnant à in le sens de pectus, « poitrine. » A. Resch, 
Aussercanonische Paralletexte zu den Evangelien, 
iii"> s Heft, 1895, p. 827. Mais les critiques sont extrême- 
ment divisés sur ce point. F. Vigouroux. 

LEBNA (hébreu : Libndh; Septante : Atëuva, AeSvà, 
Aoêvâ, etc.), nom d'une station des Israélites dans le 
désert et d'une ville de Palestine. 

11. LEBNA (hébreu : Libndh; Septante : Codex Vati- 
canus, Asjiwvâ; Codex Alexandrinus, Ae6t>>vâ), une 
des stations des Israélites dans le désert, du Sinaï à 
Cadès. Num., xxxm, 20, 21. Elle est inconnue. Si Ressa, 
qui la suit dans l'énumération, se trouvait à l'ouadi 
Suega (Sueiqa), on doit alors la chercher au nord- 
ouest d'Aqaba. L'étymologje de « blancheur » con- 
viendrait à tout le plateau de Tih où les Israélites 
étaient désormais certainement montés. Cf. M. J. La- 
grange, L'itinéraire des Israélites du pays de Gessen 
aux bords du Jourdain, dans la Revue biblique, 1900, 
p. 277; croquis ni, p. 281. Il est impossible, comme 
quelques auteurs l'ont fait, de la confondre avec Lebna. 
Jos., x, 29; xii, 15. Voir Lebna 2. 

A. Legendre. 

2. LEBNA (hébreu : Libndh; Septante : Codex Vati- 
canus, Asêvâ, Jos., x, 29, 31, 32; xii, 15; Codex 
Alexandrinus, Aeëjivoî, Jos., x, 29; xii, 15; Aaê^a, 
Jos., X, 3i, 32), nom d'une ville de la Palestine prise 
par Josué, et, d'après le contexte, située entre Macéda 
et Lachis. Jos., x, 29, 30 (Vulgate), 31, 32, 39 (Vulgate); 
xn, 15. Elle est appelée Labana, Jos., xv, 42, et 
Labna, Jos., xxi, 13; IV fieg., vin, 22, etc. Voir Lobka. 

A. Legendre. 

LEBNI (hébreu r Libnî, « blanc; » Septante : Ao6evi), 
fils aîné de Gerson et petit-fils de Lévi. Num., m, 18. 



Partout ailleurs, Exod., vi, 17; Num., xxvi,58; ï Par., vi, 
17, 20, la Vulgate écrit son nom Lobni. Il fut le chef 
de la famille Lébinite. Num., m, 21; xxvi, 58. Dans 
I Par., xxiii, 7, 8, 9; xxvi, 21, il est appelé par corrup- 
tion en hébreu La'eddn; Vulgate, dans I Par., xxiii, 7-9, 
Leedan, et xxvi, 21, Ledan. Il eut pour fils Jahath. 
I Par., VI, 20, 43. Dans ce dernier verset, la Vulgate 
écrit son nom Jeth. Voir Jahath et Jeth, t. In, col. 1105 
et 1519. Le chef de chœur Asaph fut un de ses descen- 
dants. Voir Asaph 1, t. ï, col. 1056. 

LEBNITIQUE (hébreu: hal-Lïbnx; Septante: Aoëevî; 
Vulgate : Lebnitica), famille de lévites descendant de 
Lebni bu Lobni, une des branches de la famille Gerson. 
Num., m, 21 ; xxvi, 58. Dans ce dernier passage, la Vul- 
gate l'appelle : familia Lobni. Voir Gerson, t. m, 
col. 214. 

LEBONA (hébreu : Lebônàh; Septante : Vaticanus, 
•riiî Ae6wvâ; Alexandrinus, toO Ai6avo0), ville de Pa- 
lestine, mentionnée une seule fois dans l'Écriture. 
Jud., xxi, 19. Elle se trouve comprise dans une glose 
destinée à préciser l'emplacement de Silo, aujourd'hui 
Seilûn, situé « au sud de Lebona ». Le mot négéb doit 
se prendre ici dans le sens de « sud-est », car la cité 
dont nous parlons est parfaitement identifiée avec le 
village actuel A'El-Lubbân, au nord-ouest de Seilûn. 
Voir la carte de la tribu d'Éphraïm, t. H, col. 1876. 
L'hébreu n:!! 1 } , Lebônâh, est exactement reproduit par 

l'arabe ,-yp, généralement prononcé Lubban ou Lubbân, 
^jUJ ; on rencontre cependant Lebben dans V. Guérin, 
Samarie, t. n, p. 164; Leban dans Van de Velde, Reise 
durch Syrien und Palâstina, Leipzig, 1855, t. H, p. 259. 
Cf. G. Kampffmeyer, Aile Namen im heutigen Palâstina, 
und Syrien, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâs- 
tina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 47. Lebona est 
l'ancienne Belh Laban, renommée pour ses vins dans 
le Talmud. Cf. A. Neubauer, La géographie duTalmud, 
Paris, 1868, p. 82. — Le village A'El-Lubbân consiste 
en un amas de petites maisons d'apparence misérable, 
qui s'élève sur les pentes d'une colline, à l'ouest et près 
de la route de Jérusalem à Naplouse. Dans la construc- 
tion de plusieurs de ces maisons, notamment aux portes, 
>n remarque un certain nombre de belles pierres régu- 
lières, évidemment antiques. Trois tronçons de colonnes, 
provenant également de quelque ancien édifice, ont été 
placés dans la cour d'une petite mosquée. Dans les flancs 
d'une colline voisine a été jadis creusée une nécropole. 
Parmi les grottes sépulcrales qu'on y voit encore, les 
unes ont pour ouverture une large baie arrondie en 
plein cintre; les autres, une baie bien moindre et de 
forme rectangulaire. Quelques-uns de ces tombeaux sont 
bouchés, et les habitants de Lubbdn s'en sont servis 
pour enterrer leurs morts. Cf. V. Guérin, Samarie, 
t. il, p. 164; E. Robinson, Biblical researches in 
Palestine, Londres, 1856, t. Il, p. 272; Survey of 
Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. Il, 
p. 286. A. Legendre. 

LÉCHA (hébreu : Lêkâh ; Septante : Ar,-/S), proba- 
blement ville de la tribu de Juda. Dans la généalogie de 
Séla, fils de Juda, Her, fils de Séla, est appelé « père 
de Lécha ». I Par., IV, 21, Dans ce verset, comme en 
plusieurs autres endroits, « père » signifie fondateur ou 
restaurateur d'une ville et c'est certainement ici le cas 
pour Marésa dont Laada, autre fils de Séla, est dit « la 
père ». Le sens du passage parait donc être que Lécha 
était une ville qui fut peuplée par les descendants de 
Her. La seule raison qu'on puisse alléguer pour consi- 
dérer Lécha comme un nom d'homme, c'est qu'on ne 
trouve nulle part de trace d'une localité appelée de ce 
nom. 



145 



LÉCHI — LECTEUR 



146 



LÉCHI (hébreu : Lehi, à la pause : Léhî ; ordinaire- 
ment avec l'article ; hal-Lehî, « joue, mâchoire ; » Sep- 
tante : Aeyf, Eiôyeov; Vulgate : Lechi, id est, maocilla), 
localité de la tribu de Juda , où Samson tua mille Philis- 
tins avec une mâchoire d'âne. Jud., xv, 15. 

1» Nom et histoire de Léchi. — Les Septante et la 
Vulgate ont tantôt conservé le nom hébreu et tantôt 
l'ont traduit par mâchoire. Le texte, Jud., xv, 17, sem- 
ble indiquer que ce lieu fut appelé Léchi ou Ramath- 
Léchi, en mémoire de l'exploit de Samson, qui avait 
dit : « Avec une mâchoire (bi-lehî) d'âne (ha-hâmôr), j'ai 
frappé une troupe [hâniôr), deux troupes (hâmôrâ- 
(âïm); avec une mâchoire d'âne j'ai frappé mille hommes, » 
ou, selon une autre Iraduction de ce passage que le jeu 
de mots rend obscur : « Avec la mâchoire d'un [âne] roux, 
rougissant (les Philistins), je les ai rougis (couverts de leur 
sang). » Jud., xv, 16. Le texte ajoute, f. 17 : « Et quand 
il eut achevé de parler, il jeta de sa main la mâchoire 
(hal-lehî) et il appela* (ou on appela) ce lieu Ramath 
Léchi. » Au f. 9, le texte hébreu n'est pas aussi précis 
que la Vulgate. Celle-ci dit expressément que les Philis- 
tins campaient « au lieu qui fut appelé plus tard (postea) 
Léchi », mais l'original dit simplement : « Les Philistins 
campèrent en Juda et s'étendirent jusqu'à Léchi. » Un 
certain nombre d'exégètes supposent que cette localité 
s'appelait déjà Léchi, à cause d'une colline ou d'un 
rocher ayant la forme d'une mâchoire, Gesenius, Thé- 
saurus, p. 752, mais ce n'est là qu'une hypothèse, et 
rien ne prouve que ce ne soit pas Samson qui ait le 
premier donné à ce lieu le nom de Ramath Léchi ou 
colline de la Mâchoire. 

Dieu fit jaillir en cet endroit une source pour désalté- 
rer Samson, 'En haq-gôrê' (Vulgate : « Fontaine de celui 
qui invoque, » t. n, col. 2304). La Vulgate traduit ce 
passage : « Le Seigneur ouvrit une dent molaire de la 
mâchoire d'âne et il en sortit de l'eau... C'est pourquoi 
ce lieu a été appelé jusqu'aujourd'hui la Fontaine de 
celui qui invoque, [sortie] de la mâchoire. » Jud., xv, 19. 
Saint Jérôme a traduit par « dent molaire »,le mot hébreu 
rnaktci, qui signifie « mortier » à piler et désigne dans 
Sophonie, i, 11 (Vulgate : Pilse), une localité voisine de 
Jérusalem. On s'accorde aujourd'hui universellement à 
traduire ainsi l'hébreu : « Dieu fendit le mortier (le 
rocher de ce nom, creux comme un mortier), qui est à 
Léchi et il en sortit de l'eau... C'est pourquoi on a ap- 
pelé [cette fontaine], la Fontaine d'haq-qorê' ; elle existe 
encore aujourd'hui à Léchi. » Le Targum de Jonathas 
expliquait déjà ainsi ce passage. De même Josèphe, Ant. 
jud., V, vin, 9; Calmet, Commentaire littéral, Jttges, 
1720, p. 239-210; de Hummelauer, In lib. Judicum, 
1888, p. 276. — Léchi est mentionné une seconde fois 
dans II Reg., xxm, 11, selon une interprétation très 
probable. « Les Philistins s'étaient assemblés à Léchi 
(hébreu : Lahayyâh, à lire Lehî, avec le hé local ; Vul- 
gate : in stations). Il y avait là une pièce de terre pleine 
de lentilles et le peuple fuyait devant les Philistins. 
Semma (un des braves de David) se plaça au milieu du 
champ, le protégea et frappa les Philistins. » 

2° Site. — La situation de Léchi est incertaine. Saint 
Jérôme dit que sainte Paule, en allant en Egypte, passa 
de Sochoth à la fontaine de Samson. Epist., cvm, ad 
Eustoch., 14, t. xxii, col. 889. D'autres la placent à 
Éleuthéropolis (Beit-Djibrin), Reland, Palsestina, 1714, 
p. 872, ce qui est inacceptable, comme on va le voir plus 
loin. Victor Guérin croit avoir retrouvé Léchi dans le 
Khirbet Ain el-Lehi actuel, au sud-ouest de Jérusalem, 
un peu au-dessous, au sud, d'Aïn Kar*m (voir sa carte), 
sur les flancs d'une montagne cultivée par étages. Il y a 
là, dit-il, Judée, t. n, p. 396-400, « une source abon- 
dante qui découle d'un petit canal antique dans un birket 
demi-circulaire; de là, elle se répand dans des jardins 
plantés de vignes, de divers arbres fruitiers et de lé- 
gumes. Plus haut, sont d'autres jardins, dont les murs 



sont fermés avec des matériaux provenant de construc- 
tions antiques, et où l'on distingue encore, au milieu 
des arbres qui y sont cultivés, les débris d'un ancien 
village presque complètement rasé. Je remarque aussi 
plusieurs tombeaux antiques creusés dans le roc, dont 
les entrées sont obstruées... La source que les Livres 
Saints désignent sous le nom d'En hak-Korê... me pa- 
rait être celle qui s'appelle aujourd'hui Aîn el-Lehi, et 
la montagne sur les flancs de laquelle se trouve le Kir- 
bet Aîn el-Lehi est, à mes yeux, le Ramath Lehi du 
livre des Juges. Les noms sont identiques et, en outre, 
il semble résulter de ce même chapitre que cette loca- 
lité n'était pas fort distante d'Étam. Or, Y Aîn el-Lehi 
n'est distant de YAïn Atan, regardée généralement 
comme étant située sur l'emplacement d'Étam, que 
d'un intervalle de deux heures de marche au plus. Je 
suis donc très disposé à reconnaître dans cette fontaine 
celle qu'a rendue célèbre l'histoire de Samson, au lieu 
de la chercher, conformément à une tradition assez an- 
cienne, mais peu en harmonie avec les données de la 
Bible, dans YAïn Lehi es-Safer, dont j'ai retrouvé le 
canal près de Beit-Djibrin. Comment supposer, en effet, 
que les Philistins, voulant se saisir de Samson retiré 
dans la caverne d'Étam, aient établi leur camp à une 
distance si grande de l'ennemi qu'ils voulaient sur- 
prendre, et que les Juifs, après avoir lié Samson, l'aient 
traîné jusqu'aux portes de Beth-Gabra, plus tard Éleu- 
théropolis, actuellement Beit-Djibrin? Six heures de 
marche au moins séparent ces deux points. D'ailleurs, si 
l'événement raconté par la Bible s'était passé près de 
Beit-Djibrin, c'est-à-dire sur le seuil seulement des 
montagnes de la Judée, l'écrivain sacré n'aurait pas 
dit que les Philistins étaient montés dans la terre de 
Juda, puisque Beth-Gabra devait faire partie de la Sêfê- 
lah, c'est-à-dire de la grande plaine occupée par ce 
peuple, et non de la montagne de Juda. » 

F. Vigouroux. 
LECI (hébreu : Liqhi; Septante : Aax£(j.; Alexandri- 
nus : Aaxeia), le troisième des fils de Sémida, de la tribu 
de Manassé. I Par., vu, 19. Voir Sémida. 

LECTEUR, celui qui faisait la lecture (àvâyvMaiî ; 
Vulgate : leclio) des passages de la Loi et des prophètes, 
dans les synagogues. — Aux réunions qui avaient lieu 
le jour du sabbat dans les synagogues, on commençait 
par la récitation du Sema', Deut., VI, 4-9; xi, 13-21 ; 
Num., xv, 37-41, et de prières déterminées. Puis venait 
la lecture d'un passage de la Loi. Le Pentateuque avait 
été divisé en cent-cinquante quatre parSiyôt ou sections, 
de telle façon que la lecture complète en fût faite en 
trois années. Il n'y avait pas de lecteur attitré ; le chef 
de la synagogue désignait pour remplir cet office ceux 
qu'il en jugeait capables. Dans les synagogues pales- 
tiniennes, l'usage était d'appeler sept lecteurs consécu- 
tifs; hors de Palestine, on se contentait habituellement 
d'un seul. Les sept lecteurs étaient appelés, autant que 
possible, dans l'ordre suivant : un prêtre, un lévite, un 
des principaux disciples des sages, un autre disciple des 
sages digne de cette fonction, un fils des précédents, 
un des principaux de la synagogue et enfin quelqu'un 
du peuple. Gittin, v, 8. Même un mineur pouvait faire 
la lecture. On lisait debout. Luc, iv, 16. Le premier et 
le dernier lecteur récitaient une formule de bénédiction 
au commencement et à la fin de la lecture. Le hazzân, 
ûrnipéTTjç, ou serviteur de la synagogue, Luc, iv, 20, ten- 
dait le rouleau au lecteur et le lui reprenait quand il 
avait fini. Il se tenait d'ailleurs auprès de lui pour 
veiller à ce que le texte fût lu correctement et à ce 
que l'on passât ce qui ne convenait pas à une lecture 
publique. Chaque lecteur devait lire au moins trois 
verseis, sans qu'il lui fût jamais permis de les débiter 
par cœur. Après ïa lecture de la Loi venait celle des 
prophètes, nebVîm, appellation qui comprenait Josué, 



147 



LECTEUR — LECTIONNAIRES 



148 



'les Juges, les livres de Samuel et des Rois et les pro- 
phètes proprement dits. Ces livres étaient également 
divisés en sections ou haf tarât, c'est-à-dire « finales », 
parce que cette lecture terminait la réunion. Nos Bibles 
hébraïques indiquent ordinairement les parHyôf dans 
le texte du Pentateuque et les haf tarât à la fin du 
volume. Il n'était pas obligatoire de lire à la suite, 
chacun pouvant choisir son passage. Luc, rv, 17. Ces 
lectures de la Loi et des prophètes ne se faisaient 
qu'à la réunion principale du sabbat ; elles n'avaient pas 
lieu aux réunions de semaine ni à celle de l'après-midi 
■du sabbat. Comme la langue originale des Livres Saints 
avait cessé d'être comprise, un interprète, mefûrgemân, 
traduisait l'hébreu enaraméen, verset par verset, quand 
il s'agissait de la Loi, et trois versets à la fois dans les 
prophètes, à moins que le sens fût complet dès le pre- 
mier ou le second. On ignore si l'interprète était un 
fonctionnaire attitré de la synagogue, ou si la charge de 
traduire le texte était dévolue à tour de rôle à ceux qui 
en étaient capables. A l'époque évangélique, l'usage 
s'était introduit d'expliquer ensuite le passage qui 
venait d'être lu. Philon, De septenario, 6, atteste que, 
de son temps, quelque assistant de grande expérience, 
ni tùv È|XTOiporaT<ûv, encourageait de son mieux l'audi- 
toire à rendre sa vie meilleure. Celui qui faisait cette 
exhortation s'asseyait. Luc.,iv, 20. Cf. Megilia, rv, 1-6; 
Reland, Antiquitates sacras, Utrecht, 1741, p. 66-67 ; 
Iken, Antiquitates hebraicss, Brème, 1741, p. 300-302; 
Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découv, ar- 
chéol. mod., 2« édit., Paris, 1896, p. 156-158; Schiirer, 
Geschi-chte des jûdischen Volkes, Leipzig, t. Il, 1898, 
p. 454-457. — Un jour, Notre-Seigneur se présenta dans 
la synagogue de Nazareth et y fit la lecture de deux ver- 
sets d'Isaïe, qu'il expliqua ensuite. Luc, rv, 16-22. Il 
devait procéder de manière analogue quand il entrait 
dans les synagogues pour y enseigner. Matth., iv, 23 ; 
Marc, i, 21 ; vi,\2^ Luc, rv, 15; vi, 6;xm, 10; Joa., 
VI, 60; xvin, 20. Il est possible qu'après avoir fait la 
, lecture du texte, il ait eu l'habitude de traduire lui- 
même l'hébreu en araméen, comme il eut sans doute 
celle de discuter sur le texte hébreu avec les docteurs. 
C'est du moins ce que peut donner à penser la réflexion 
des Juifs : «. Comment donc celui-ci sait-il les lettres, 
puisqu'il n'a pas appris? » Joa., vu, 15. Les Apôtres 
font plusieurs fois allusion aux lectures qui avaient lieu 
dans les synagogues. Act., xm, 27; xv, 21 ; II Cor., m, 15. 
— La fonction du lecteur s'est perpétuée dans l'Église. 
Elle y a même pris un caractère officiel et est devenue 
Je second des ordres mineurs. Le Pontifical romain, 
De ordinat. lectorum, indique la nature de la fonction : 
faire la lecture de ce qui doit servir de thème à la prédi- 
cation, s'acquiî'sr de ce devoir d'une voix haute et dis- 
tincte, de manière que les fidèles comprennent, et sans 
jamais altérer le sens des textes, enfin lire d'un lieu 
élevé, avec obligation pour le lecteur d'avoir une con- 
duite digne de son office. Il était naturel que l'Église en 
adoptant les textes sacrés comme base de ses enseigne- 
ments, eût, comme la synagogue, des ministres pour en 
faire la lecture publique. Seulement elle leur conféra 
une consécration spéciale, afin de pouvoir les employer 
aussi aux fonctions liturgiques qui accompagnent son 
enseignement dans l'assemblée des fidèles. — Au moyen 
âge, on croyait que Jésus-Christ avait exercé lui-même 
tous les ordres. On lit dans un manuscrit de Munich, 
6330, s. viii-ix, fol. 49 b : « Quando Christus implevit VII 
gradus Ecclesiae, primus gradus lector quando aperit 
librum Isaise prophetse et dixit : Spiritus Dei super me. f> 
Luc, îv, 17. Cf. Weyman, Jésus-Christ et les ordres, dans 
la Revue d'hist. et de littérat. relig., Paris, 1899, p. 93. 

H. Lesétre. 
LECTIONNAIRES. — I. Nom et espèces. — Les 
lectionnaires, lectionaria, sont des livres liturgiques, 
•contenant les passages détachés de l'Écriture Sainte qui 



sont lus dans les offices publics, notamment à la messe. 
Ces recueils ne reproduisent pas la Bible entière, mais 
seulement les âvafviisEic, «va-fvâxrjJiaTà, lectiones, leçons 
ecclésiastiques, désignées parfois sous les noms des an- 
ciennes sections bibliques : xspixoitat, TpïJt*aTa, xs<pi- 
Xata, segmenta. On nomme quelquefois àvaYvwo-tâpiov 
le livre rare des leçons extraites de l'Ancien Testament, 
de telle sorte que le nom générique de lectionnaire 
serait devenu le nom spécifique du recueil des sections 
liturgiques de l'Ancien Testament. Quant à celles du 
Nouveau Testament, elles ont été réunies en des volumes 
distincts, selon qu'elles appartiennent aux Évangiles ou 
bien aux Actes et aux Épîtres des Apôtres. Ces deux 
recueils sont diversement désignés par les Grecs et par 
les savants européens. 

1« Le recueil qui contient les leçons des Évangiles 
s'appelle strictement chez les Grecs EùayïAiov, ou 'ExXo- 
-fiSiov (parfois 'ExXoyâStM) to3 £.vxfye\iov. On ignore à 
quelle époque ce nom a été donné* dans l'Église grecque 
au lectionnaire évangélique. La plus ancienne désigna- 
lion connue jusqu'aujourd'hui se trouve dans l'Évangc- 
liaire grec 131, écrit en 980. On lit, en effet, dans la 
souscription : 'Eypâçri tô tî'jjuov xsî âfiov EùàYYéXiov. 
Celui qui a relié ou fait relier ce volume en 1049 a em- 
ployé le même nom. L'évangéliaire 330, qui est de 1185, 
a un titre analogue : EûaYYeXtorov x-rjv OsiîiveuaTOv 
Pi'6Xov 7]Y 0U v to âytov EùaYYÉXtov. Ce nom distingue le 
iectionnaire évangélique du xexpaevaYYÊXtov, ou manus- 
crit contenant le texte continu des quatre Évangiles. — - 
Les noms : Evangelarium ou Evangelislarium sont 
souvent employés par les savants européens pour dési- 
gner le lectionnaire évangélique. Le second de ces noms 
avait été usité avant Mill, à qui on en attribuait la pa- 
ternité, par dom de Montfaucon et par Fell. Cependant, 
dans quelques lectionnaires grecs imprimés, EùaYY E ^ l<J - 
xâpiov est le nom donné à la liste finale des jours et 
des leçons de chaque jour. Bien plus, dans les cata- 
logues des bibliothèques et dans les ouvrages des savants, 
on trouve ces mots employés à tort pour désigner les 
manuscrits grecs, de telle sorte qu'on appelle Evangeli- 
starium, Evangelarium ou Evangelium un Tctp«£u«y- 
Y^Xiov, et un EùaYyéXiov est nommé faussement TetpaeuaY- 
YÉXtov. 

2° Les livres qui contiennent les passages liturgiques 
des Actes des Apôtres, des Épîtres catholiques et des 
Épîtres de saint Paul sont nommés par les Grecs 'Aîio- 
(rxoXoç ou Hpai-aTiéo-ToXoç. Le premier de ces noms est le 
plus répandu. La dénomination de Ilpai;a7rôo-ToXo<; sert 
le plus souvent à désigner les textes continus et forme 
pendant au TerpasuaYYsXtov. Les manuscrits de ces livres 
liturgiques sont moins nombreux que ceux des Évangiles ; 
ils se distinguent moins nettement des manuscrits à 
texte continu; d'où il résulte que les dénominations 
sont employées indistinctement. — Dans l'Europe occi- 
dentale, on appelle fréquemment r'AuôirroXoç «Lection- 
naire » par excellence et par opposition à l'Évangéliaire. 
Cette désignation est tout à fait étrangère aux usages 
grecs. Les Grecs ne connaissent pas non plus le nom 
d"Av«YV(oortxov ou de BtëXîov àirooroXixov pour désigner 
l'EOaYYÉXiov et 1"A7to<jtoXoç, réunis en Un seul volume, 
que nous appellerions un lectionnaire complet. 

Ces livres liturgiques ne sont pas chez les Grecs les 
seuls qui contiennent soit des leçons ecclésiastiques 
soit des indications relatives à la lecture de la Bible 
dans les offices publics. Les livresde prière à l'usage des 
fidèles en contenaient plus ou moins. Ainsi Goar, Eùj<o- 
Xoyiov sive rituale Grœcorum, 2 e édit., Venise, 1730, 
p. 711-724, indique les 'Aicoo-roXoeuaYY £Ata de toute l'an- 
née, c'est-à-dire les Épîtres et les Évangiles du Méno- 
loge et les EOayYEXta êo>6ivà àvao-râ<ji[jia. Vdir E. A. 
Marcelli, Ménolnge, Rome, 1788. De même les Menées 
ou offices des saints, les TpnôSia, les IUvTïjxôo-râpia, les 
IlapaxXiiuxi, en un mot, la plupart des livres lilur- 



149 



LECTIONNAIRES 



150 



giques contiennent ou des fragments des Évangiles ou 
des rubriques concernant les leçons ecclésiastiques. 
Mais ces livres n'ont pas encore été étudiés au point de 
vue particulier qui nous occupe, et désormais nous ne 
parlerons plus que des EOaYY^)'» et des 'Ait<5<rtoXoi. Cf. 
Martinov, Annus ecclesiasticus, grxcoslavicus, Bruxelles, 
■1863. Sur les livres liturgiques des Grecs, on peut con- 
sulter L. Allatius, De libris ecclesiasticis Grsecorum; 
In libros ecrlesiasticos Grsecorum triodium, penteco- 
starium, paracleticum examen, Paris, 1644; ouvrages 
reproduits par Fabricius, Bibliotheca grseca, Hambourg, 
4712, t. v; G. Cave, Dissertatio secunda de libris et 
officiis ecclesiasticis Grsecorum, dans Script, eccl. hist., 
Genève, 1705, appendice, p. 179-193; Ducange, Glossa- 
rium ud scnplores médise et infimse latinitatis, Paris, 
1733, t. iv, col. 173-174; Kirchenlexikon, 2 e édit., Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1886, t. IV, col. 1034-1035; Realency- 
elopàdie de Herzog, 3 e édit., Leipzig, 1898, t. v, p. 652- 
659. 

II. Origine et uate des Lectionnaires. — Les plus 
anciens Lectionnaires qui nous restent sont un fragment, 
l'évangéliaire 1043, du iv* ou du V e siècle, et les évan- 
géliaires 348 et 349, du VI e siècle. Il y a peu de manus- 
crits de cette sorte antérieurs au viif siècle. Les Lection- 
naires sont cependant d'origine antécédente, et la 
lecture de l'Écriture aux offices liturgiques remonte au 
berceau même de l'Église. On estime généralement et 
non sans raison que l'usage de lire l'Écriture dans les 
réunions publiques a été emprunté par l'Église aux 
Juifs. S. Isidore, De eccl. nffie., I, x, 1, t. lxxxiii, 
col. 744-745. Ceux-ci lisaient chaque samedi à la syna- 
gogue une section du Pentateuque et un morceau détaché 
des livres prophétiques. Act., xm, 15, 27; xv, 12; Marc, 
xil, 26; Luc, iv, 16-21. Ils eurent d'abord un cycle de 153 
parsiyôf, suivant lequel le Pentateuque était lu chaque 
trois ans, puis un autre de 54 pour la lecture complète 
du livre pendant une année. Ils choisirent dans les livres 
prophétiques 85 haf tarât, destinés à être lus les jours de 
sabbat et de fêtes. Cf. du Voisin, Observaliones ad proœ- 
mium Pugionis fidei, dans Martini, Pugio fidei, Paris, 
1651, p. 97-103, 133-134; Vitringa, De synagoga vetere, 
2 e édit., 1726, p. 946-1015; O. Schmid, Ueber verschie- 
dene Eintheilungen derlieil. Schrift, Graz, 1892,p. 4-13; 
E. Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeitalter 
Jesu Christi, 3 e édit., Leipzig, 1898, t. ii, p. 455-456. 
Les cinq Megillôt étaient lus aux cinq grandes fêtes de 
l'année. Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, trad. 
Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 198. On n'a pas la 
preuve directe que les Apôtres empruntèrent eux-mêmes 
aux Juifs la pratique de lire l'Écriture et le sectionne- 
ment liturgique usité. F. Probst, Liturgie derdrex ersten 
christlichen Jahrhunderte, Tubingue, 1870, p. 23. Il est 
vraisemblable que, le service des lectures publiques s'est 
■organisé peu à peu dans l'Église. Ce qui est certain, 
c'est que les documents des trois premiers siècles té- 
moignent de la diversité des usages suivant les temps et 
les lieux. 

Saint Justin, Apol., i, 67, t. 71, col. 429, parle expli- 
citement des réunions que les chrétiens de son temps 
faisaient chaque dimanche à la ville et à la campagne 
€t dans lesquelles ils lisaient, autant qu'il fallait, les 
mémoires des Apôtres, c'est-à-dire les Évangiles, et les 
■écrits des prophètes. Tertullien, Apologetic., 39, t. 1, 
col. 468-469, rapporte aussi que dans les assemblées 
chrétiennes on lisait les lettres divines. Or, il dit, De 
prœscr., 37, t. 11, col. 49-50, que l'Église romaine joi- 
gnait la loi et les prophètes aux écrits des Apôtres et 
des Évangélistes pour y nourrir sa foi. On peut conclure 
de ces deux textes rapprochés que ces quatre sortes de 
livres étaient lus dans les réunions liturgiques. Saint 
Cyprien, Epist., xxxm, xxxiv, t. 11, col. 328, ordon- 
nait des lecteurs pour lire publiquement l'Évangile du 
■Christ. Les Canons d'Hippolyte et la Constitution apos- 



tolique égyptienne, qui sont du 111 e siècle, parlent du 
lecteur, àvayviifftriç, comme d'un ministre chargé d'un 
office public dans l'Église. Achelis, Die Canones Hip~ 
polyti, dans Texte und TJnters., Leipzig, 1891, t. vi, 
fasc. 4,' p. 70, 119, 122. Le VIII» livre des Constitutions 
apostoliques, qui est du IV e siècle, parle, à propos de 
l'ordination épiscopale, c. v, t. 1, col. 1076, de la lecture 
de la loi, des prophètes, des Épitres et des Actes des 
Apôtres et aussi des Évangiles. D'après le Testamentum 
D. N. J. C., édit. Rahmani, Mayence, 1899, p. 24, 58, 
les lecteurs lisaient les prophètes et les autres leçons en 
un lieu déterminé, peu dislant de l'autel, mais c'était 
un prêtre ou un diacre qui lisait l'Évangile. Les Con- 
stitutions apostoliques, 1. II, c. lvii, t. 1, col. 728-729, 
donnent les mêmes renseignements; elles indiquent, 
en outre, les livres de l'Ancien et du Nouveau Testa- 
ment, qui étaient lus par les lecteurs. L'Écriture était 
lue, non seulement aux messes du dimanche, mais en- 
core dans les vigiles et aux jours de station, le mercredi 
et le vendredi. Socrate, H. E., v, 22, t. lxvii, col. 636. 
Au IV e siècle, le samedi devint jour de synaxe. Constitu- 
tions apostoliques, 1. II, c. lix; 1. V, c. xx; 1. VII, 
c. xxvii ; 1. VIII, c. xxxiii, t. 1, col. 744, 904, 1013, 1133. 
Saint Épiphane, Exposit. fidei, 24, t. xlii, col. 832, dit 
que cet usage était particulier à certains lieux seulement. 
La Pérégrination de Sylvie mentionne les synaxes du 
samedi pour le Carême à Jérusalem, elle ne parle pas 
de celles du reste de l'année. Le concile de Laodicée 
(372), can. 16, prescrit d'ajouter, le samedi, la lecture 
de l'Évangile à celle des autres Écritures. Hardouin, Acta 
concil., t. 1, col. 783. Cf. Duchesne, Origines du culte 
chrétien, Paris, 1889, p. 218-221. Cet usage a probable- 
ment donné lieu aux leçons dites aaSëatoxupiixaî. Cas- 
sien, De cœnob. instit., n, 5-6, t. xnx, col. 83, 89, 90,. 
relate les usages de l'Egypte et de la Thébaïde. 

Pendant longtemps, les lectures étaient faites dans 
les livres bibliques eux-mêmes, soit isolés, soit groupés 
de diverses façons. Le président de l'assemblée déter- 
minait les passages à lire et arrêtait le lecteur quand il 
le jugeait à propos. Mais, vers la fin du IV e siècle, on 
constate à Antioche un sectionnement réglé, et il semble 
que, pour chaque dimanche et chaque fête, il y avait 
un texte assigné d'avance. Des renseignements précis, 
fournis par les homélies de saint Chrysostome, le mon- 
trent bien, La Genèse était lue dès le commencement du 
Carême jusqu'à la grande semaine. In Gen., Hom. 11, 
3; Hom. xxx, 1, t. lui, col. 27, 274; In Gen., Serm. 1, 
1, t. liv, col. 501. Un passage de la passion, Matth., 
xxvii, 27-29, était lu le samedi saint. In Matth., Hom, 
lxxxvii, 1, t. LVlll, col. 770. C'était une règle établie 
par les anciens qu'on lût le livre des Actes à la Pente- 
cote, parce que ce livre raconte les événements dont 
on célèbre alors l'anniversaire. C'est pour la même rai- 
son qu'aux jours de la croix, de la résurrection et des 
autres fêtes, on lit les récits qui s'y rapportent. Homil., 
CurinPentecoste...,n. 3-5, t. li, col. 101-105. Les Épitres 
de saint Paul étaient entendues trois ou quatre fois par 
semaine aux fêtes des martyrs. Comment, in Epist. ad 
Rom., t. lx, col. 391. Cf. In Reb.,Hom. vin, 4, t. lxiii, 
col. 75-76. L'Épitre de l'Epiphanie était tirée de Tit., 11, 
11-13. De baptismo Christi, n. 2, t. xnx, col. 365. 
Quand Chrysostome commente l'Évangile de saint Mat- 
thieu qu'on Ht alors à l'église, il recommande aux 
fidèles, comme il l'a fait pour les autres livres de l'Écri- 
ture, de lire d'avance la péricope qu'il doit expliquer. 
In Matth., Hom. 1, 6, t. lvii, col. 21. Cf. Hom. vi, 4, 
col. 66. La plupart des homélies de Chrysostome sur 
saint Matthieu et saint Jean coïncident a.vec les leçons 
de l'office. Il en est de même des homélies de saint 
Cyrille d'Alexandrie sur saint Luc. 

L'ordre des leçons adopté à Antioche a passé à Con- 
stantinople, et de cette dernière ville dans toutes les 
Églises grecques orthodoxes. Sans parler des divergences 



151 



LECTIONNAIRES 



-152 



provenant des usages locaux, cet ordre a subi au cours 
des âges des modifications qui n'ont pas encore été 
étudiées. Une des plus importantes est que la leçon pro- 
phétique qui, au temps de saint Chrysostome, précédait 
la leçon apostolique et la leçon évangélique, Hoin. in 
inscript, altaris, 3, t. u, col. 71; In Act., Hom. xxix, 
3, t. lx, col. 217, fut supprimée dans le courant du 
y siècle. Les plus anciens livres liturgiques du rite 
byzantin ne la connaissent plus, tandis que la liturgie 
arménienne, qui est une forme ancienne de la liturgie 
byzantine, l'a conservée. Quand le sectionnement litur- 
gique eut été fixé, on se servait encore de manuscrits 
à texte continu. On se contentait d'indiquer aux marges, 
à l'aide de rubriques, le commencement et la fin des 
leçons. Il reste encore aujourd'hui de ces manuscrits 
ainsi adaptés à l'usage liturgique. Le Codex Lugdu- 
nensis Pentateuchi (en latin) est de ce genre. Voir 
l'édition d'U. Robert, in-f», pars post, Lyon, 1900, 
p. XIII, etc. On trouve souvent au début une table des 
leçons afférentes aux dimanches et aux fêtes. Cette table 
est désignée en grec par le nom de <ruvà|aptov et en 
latin par celui de Capilulare. Cf. Duchesne, Origines 
du culte chrétien, p. 106, 160, .186;. S. Bàumèr, Ges- 
ckickte des Breviers, Fribourg-eri-Brisgau, 1895, p. 265- 
266; F. Probst, Liturgie des vierten Jahrhunderts und 
deren Reform, Munster, 1893, p. 161, 205. 

Mais on en vint bientôt à découper dans les livres 
bibliques les leçons des différents jours de l'année et à 
former des Lectionnaires proprement dits. Une feuille 
d'un Évangéliaire du V e siècle nous est parvenue. A. par- 
tir du vm e siècle, les Lectionnaires isolés sont nom- 
breux. Ils sont en écriture onciale ou en écriture cur- 
sive. Cependant, on n'en a pas fait, comme pour ." les 
manuscrits à texte continu, deux classes distinctes. Les 
listes qu'on en a dressées confondent les onciaux et les 
cursifs. Les premières de Matthâi et de Scholz : étaient 
bien incomplètes, Scrivener, A plain introduction :to 
tiie criticism of thé N. T., 4 e édit., Cambridge; p: 80-89; 
Gregory, Prolegomena, fasc. 2, Leipzig, 1890, p. 695- 
791 ; fasc. 3, 1894, p. 1313, les avaient complétées. L'abbé 
P. Martin a décrit ceux qui se trouvent à Paris, Des- 
cription technique des manuscrits grecs relatifs au 
N. T., conservés dans les bibliothèques de Paris (Hthog.), 
Paris, 1884, p. 136-174. Gregory, Texlkriiik des Neuén 
Testaments, Leipzig, 1900, t. i, p. 387-478, a publié 
•une liste de 1072 Évangéliaires et de 303 Épistolaires. 
Dès le XVI e siècle, on a imprimé des Lectionnaires grecs. 
Les premières éditions ne reproduisaient pas le texte 
des manuscrits, mais celui des éditions de Ximénès et 
d'Érasme. Voici quelques éditions signalées par Gre- 
gory, op. cit., t. I,p. 341-342 : Iipdv eùayYéXiov, Venise, 
1539; ©etov xcù tépov sùayYÉXto-j, Venise, 1614; 2 e édit., 
1645; ©etov xat lèpôv eùayYÉXiov, 1851; 'A7ci5<rToXo;, 1844; 
Athènes, 1885. Une édition in-folio de l'évangéliaire 
grec a paru à Rome en 1880, et une de 1"Atiô<jtoXo<; en 
-1882. 

III. Plan des Lectionnaires grecs. — Ne pouvant 
tenir compte des nombreuses divergences que présen- 
tent les manuscrits, nous nous contenterons de dé- 
crire le plan général et uniforme des Lectionnaires. 
L'Évangile et l'Apôtre sont divisés en deux parties : la 
première, qui commence à la fête de Pâques, contient 
seulement les évangiles et les épîtres des dimanches et 
constitue proprement l'année liturgique; la seconde, 
qui part du mois de septembre (ancien commencement 
de l'année), contient les leçons lues aux fêtes des saints, 
disposées mois par mois de septembre à août. 

La première partie n'a pas de nom distinct dans le 
Lectionnaire ; mais dans les listes préliminaires, elle 
est au début du SuvaÇâpiov. Pour l'Évangile, elle com- 
mence par celui de saint Jean, dont la lecture' se pro- 
longe, sauf quelques exceptions, pendant sept semaines 
jusqu'au dimanche de la Pentecôte. Dans le même in-. 



tervalle de temps, on lit, comme à l'époque de saint 
Chrysostome, les Actes des Apôtres. A partir du lundi 
de la Pentecôte, l'Évangile de saint Matthieu est lu dix- 
sept dimanches consécutifs. Durant les onze premières 
semaines, il fournit encore les évangiles de tous les jours 
de chaque semaine; mais à partir de la douzième, les 
évangiles du lundi au vendredi sont empruntés à saint 
Marc, ceux du samedi et du dimanche étant encore tirés 
de saint Matthieu. Le dimanche qui suit la fête de 
l'Exaltation de la Sainte-Croix (14 septembre), commence 
la lecture de l'Évangile selon saint Luc. Elle se poursuit 
pendant dix-huit semaines jusqu'au Carême. Les évan- 
giles de chaque jour sont empruntés à saint Luc pen- 
dant les douze premières semaines. A partir de la 
treizième, le troisième Évangile fournit encore les leçons 
du samedi et du dimanche ; mais celles des cinq autres 
jours sont dès lors prises en saint Marc. Dès le samedi 
qui précède, le dimanche du Tyrophage, ou premier 
dimanche de Carême, l'Évangile est emprunté à saint 
Matthieu. Les évangiles des samedis et dimanches de la 
sainte Quarantaine forment le groupe spécial, dont 
nous avons déjà, parlé, .les ;EiayysXîa CTaêêxrox-jptaxâ. 
Ceux de « la sainte et grande semaine » sont en partie 
constitués par des fragmentsrde divers Évangiles. Deux 
groupes, diversement placés dans les manuscrits, con- 
viennent encore à la semaine sainte : 1° les douze 
EÙayYsXia twv àytiov jrâOwv; 2° les quatre evayYÉXia twv 
mpwv. Enfin un dernier groupe, qui est peut-être la par- 
tie la plus ancienne du lectionnaire, comprend les onze 
eùayyéXia iu>biva.:àya.<rcàm\i.a, ou récits concernant la 
résurrection de Notre-Seigneur. Les Épltres de saint 
Paul et les Épîtres catholiques sont lues pendanttoutes 
les semaines durant lesquelles les évangiles sont tirés 
de saint Matthieu, de saint Luc et de saint Marc, c'est-à- 
dire à partir du lundi de la Pentecôte. 

La deuxième partie du Lectionnaire grec porte, dans 
les listes des Évangiles et des Épîtres, le nom de Mu]vo- 
X6y' ov - C'est un extrait du grand Ménologe. Celui-ci 
contient au complet les offices des saints. Le petit mé- 
nologe ne reproduit que les Épîtres et les Evangiles, 
lus aux jours des fêtes fixes, ou seulement leur indica- 
tion. Cette partie du Lectionnaire est la plus variable, 
chaque église ayant ses fêtes spéciales et ses usages 
locaux. Toutefois, elle contient des évangiles et des 
épîtres pour le samedi et le dimanche avant l'Exaltation 
de la Croix, pour le dimanche après cette fête, pour les 
samedis et les dimanches avant Noël, avant et après 
l'Epiphanie. Il y a enfin des évangiles eîç Siaipôpou? [ivir 
(iaç. Cf. Gregory, Textkrilik des Neuen Testaments, 
Leipzig, 1900, t. i, p. 343-386. 

IV. Forme des leçons. — Les leçons liturgiques ne 
reproduisent pas purement et simplement le texte inté- 
gral dont elles sont tirées. Elles présentent deux parti- 
cularités qu'il est important de signaler : 

1° Au commencement et -i la fin de la plupart, on a 
supprimé, dans les récits évangéliques surtout, des 
circonstances de temps et de lieu trop précises pour 
être maintenues dans la leçon liturgique, et on les a 
remplacées par des expressions plus vagues ou plus 
générales. C'est ainsi que les Évangiles commencent 
presque tous par ces formules : 'Ev xÇ xaipû âxeiW, 
ou : E'tcv 6 Kipioç. Celle-ci est parfois développée en 
une phrase entière, telle que : Eïirev 4 K-ipio; tt,v mxpa- 
ëoXïiv Ta'JTïjv ou 7tpo; toyç iXrjXuôfiTa; 7tpbç a-jxôv 'Iou- 
Satouç. Les exemples de ces additions abondent, et 
dans les manuscrits adaptés à l'usage liturgique, elles 
sont écrites aux marges. Lorsqu'une section est lue à 
des jours différents, les débuts varient selon les circons- 
tances. Des changements analogues sont encore, quoique 
moins fréquemment, opérés à la fin des sections. Dans 
ce cas, on se contente le plus souvent de modifier un 
peu la finale. Plus rarement, on ajoutait une phrase 
faite exprès pour la circonstance.. Or, souvent les modi- 



157 



LECTIONNAIRES — LE FÈVRE 



158 



attribuée à saint Jérôme et reproduite Pair. Lai., t. xxx, 
col. 487-532. Ranke avait reconnu que cette préface était 
antérieure à saint Léon le Grand. Dom Morin, Constan- 
tins évêque de Conslantinople et les origines du Cornes 
romain, dans la Revue bénédictine, 1898, t. xv, p. 241- 
246, s'est efforcé de montrer que le destinataire en était 
Constance, évêque de Cosenza au commencement du 
v 8 siècle. Le lectionnaire est aussi indiqué dans le Capi- 
tulare que contiennent beaucoup de manuscrits de la 
Vulgate latine. Voir S. Berger, Histoire de la Vulgate 
vendant les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893, 
p. 374-422 passim. Celui du Codex Adas, du IX e siècle, 
à Trêves, voir ibid., p. 420, a été publié, Die Trierer 
Ada-Handschrift, in-f", Leipzig, 1889, p. 16-27. On le 
trouve aussi dans des Évangéliaires séparés, tels que 
celui qui est conservé à la bibliothèque d'Arras, n. 1045, 
et qui a été signalé par M. Léopold Delisle, L'Évangé- 
liaire de Saint-Vaast d'Arras et la calligraphie franco- 
saxonne du ix" siècle, in-f°, Paris, 1888, p. 5-12. Voir 
aussi YAnliquus Ordo romanus, édité par Martène, Thé- 
saurus novus anecdotorum , Paris, 1717, t. v, col. 10"- 
110, et reproduit Patr. Lat., t. lxvi, col. SS9-1006. Cf. 
Gerbert, Monumenta veteris liturgise alemannicœ, 
Saint-Biaise, 1779, t. n, p. 175-177. Il faudrait aussi étu- 
dier les homiliaires, qui font connaître les épîtres et 
les évangiles lus, les jours de dimanches et de fêtes de 
toute l'année liturgique. Cf. F. Wiegand, Das Homi- 
liarium Karls des Grossen auf seine wspriingliche 
Gestalt, Leipzig, 1897. Â partir du X e siècle, il y a enfin 
des missels pléniers, qui réunissaient le sacramentaire, 
le lectionnaire et le graduel. Ce n'est qu'au nu" siècle 
que ces missels deviennent d'un emploi universel. — 
L'usage gallican nous est connu par le lectionnaire de 
Luxeuil, édité par Mabillon, De liturgia gallicana, 
Paris, 1685, 1. IT, P. L., t. lxxii, col. 171-216. Dom Mo- 
rin, Revue bénédictine, 1893, p. 438, a prouvé que ce 
lectionnaire pouvait être rapporté à la région parisienne. 
Les épitres et les évangiles se trouvent aussi dans le Sa- 
cramentaire gallican, édité par Mabillon,, Muséum ita- 
licum, 1. 1 b, p. 278-397, Patr. Lat., t. lxxii, col. 451-568. 
-*- L'usage mozarabe est représenté par le missel mêlé de 
Ximénès, reproduit Patr. Lat., t. lxxxv-lxxxvi. Dom 
Morin a édité le lectionnaire de Tolède, Liber comicus 
sive lectionarius misses quo Toletana ecçlesia ante annos 
mille etducentos utelaiur, dans Anecdota Maredsolana, 
Maredsous, 1893, t. i. L'appendice iv reproduit les Ca- 
pitula Evangeliorum Neapolilana, p. 426-435; cf. Re- 
vue bénédictine, 1891, t. vni, p. 481, 529. L'appen- 
dice v contient les leçons des Épîtres de saint Paul, 
usitées au vr> siècle dans l'Église de Capoue, p. 436-444. 
Ranke les avait déjà publiées, Codex Fuldensis, Mar- 
hourg, 1875, p. 165. Enfin dom Morin a étudié L'an- 
née liturgique à Aquilée antérieurement à l'époque 
carolingienne d'après le Codex Evangeliorum Rehdi- 
geranus, dans la Revue bénédictine, 1902, t. xix, p. 1-12. 
Il a réédité le Capitulare evangeliorum de ce manuscrit 
du vn e siècle, déjà publié par Haase, Breslau, 1865-1866. 
Sur le rite ambrosien, voir Mabillon, Muséum italicum, 
t. i b, p. 104-109 ; Dictionnaire de théologie catholique, 
Paris, 1900, t. I, col. 954. — Cf. Ranke, Dos kirchliche 
Pericopensystem aus den âltestender Rbniischen Litur- 
gie, Berlin. 1847; Schu, Die biblischen Lesungen der 
katholischen Kirche indem Officium und der Messe de 
fempore, Trêves, 1861. Pour les leçons de l'office, voir 
Patr. Lat., t. lxviii, col. 393-396; S. Bâumer, Geschichte 
des Rreviers, Fribourg-en-Brisgau, 1895, p. 619-622. 

E. Mangenot. 
LÉCUM (hébreu : Laqqûm; Septante : AcùSâgx; 
Alexandrinus : "A/.pov), ville de Nephthali. Jos., xix, 
33. Elle est nommée dans l'énumération des fron- 
tières de cette tribu, au nord-est, après Jebnaël, dans la 
direction du Jourdain. Le site en est inconnu. Elle est 
nommée, mais non localisée, sous la forme Actxoûp., dans 



YOnomasticon d'Eusébe, édit. Larsow et Parthey, 1862, 
p. 262-263. Reland, Palsestina, 1714, p. 875, pense que 
c'est la ville qui est appelée Lokim dans le Talmud de 
Jérusalem. Megilloth, 70, 1. La lecture &udi\i des Sep- 
tante doit être une altération de \wni\i. ou Ati>*o-j(i. 
Lécum était probablement dans le voisinage du lac 
Houléh. 

LÉDAN (hébreu : La'edân; Septante : 'ESâv dans 
I Par., xxm, 7, 9; AaSôv dans I Par., xxvi, 21), fils aîné 
de Gerspn, fils de Lévi. Ce nom est une corruption de 
Lebni ou Lobni. Voir Lebni. La Vulgate, qui écrit ce 
nom Lédan dans I Par., xxvi, 21, l'écrit Leédan dans 

1 Par., xxm, 7, 9, 

LEE Samuel, exégète anglican, né à Longnor (Shrop- 
shire), le 14 mai 1783, mort à Barley {Somersetshire), le 

2 décembre 1852. Il fut d'abord apprenti charpentier, 
mais, doué d'une rare aptitude p'our les langues, il en 
apprit seul un certaiu nombre, devint maître d'école et 
puis étudiant à Cambridge, où il prit ses grades en 1817. 
11 y fut nommé professeur d'arabe en 1819 et, en 1834, 
professeur d'hébreu. Il mourut recteur de Barley. Ses 
principaux ouvragés sont Grammar of the Hebrew 
Language, compiled from the best authorities, chieflff 
Oriental, in-8°, Londres, 1830; 6 e édit., 1844; Hebrew, 
Chaldaic and English Lexicon, in-8°, Londres, 1840; 
3 e édit., 1844 ; The Book of the Patriarch Job translatée, 
from the Hebrew, with Introduction and Commentary, 
in-8», Londres, 1837; An Inquiry into the Nature, Pro- 
gress and End of Prophecy, in-8°, Cambridge, 1849; 
The Events and Times of the Visions of Daniel and 
St. John investigated, identified and determined, in-8«, 
Londres, 1851. On lui doit aussi des Prolegomena in 
Biblia Polyglotta Londinensia minora (de S. Bagster), 
Londres, 1831. — Voir Th. Hamilton, dans le Dictio~ 
nary of National Biography, t. xxxn, 1892, p. 378. 

LEÉDAN, orthographe de Lédan dans la Vulgate. 
I Par., xxm, 7, 9. Voir Lédan. 

LEEWIS Denys. Il est plus connu sous le nom de 
Denys le Chartreux. Voir ce nom, t. n, col. 1385. 

LE FÈVRE Jacques, commentateur français, sur- 
nommé d'Étaples, Faber Stapulensis, du lieu de sa 
naissance en Picardie. Il naquit vers 1450-1455, et mou- 
rut à Nérac vers 1536. Il fit ses études à l'Université de 
Paris et eut pour maître de grec Jérôme de Sparte. Il 
habita de 1507 à 1520 l'abbaye de Saint-Germain des. 
Prés, devint en 1523 vicaire général de Briçonnet, évêque 
de Meaux, et alla enûn mourir en Guyenne à la cour de 
la reine Marguerite de Navarre qui le protégeait à 
cause de ses tendances protestantes. On a de lui : Quin- 
cuplex [(sic) dans la l re édit.; Quintuplex dans la 
2» et la 3») Psalterium, gallicum, romanum, hebrai- 
cum, vêtus, conciliatum, in-f», Paris, 1509, 1513; Caen^ 
1515; Epistolee Divi Pauli cum commentariis, in-f", 
Paris, 1513, 1515, 1531; Gommentarii iniliatorii in 
quatuor Evangelia, in-f°, Paris, 1522; Bàle, 1523; 
Cologne, 1541 ; Gommentarii in Epistolas catholicas,. 
in-f», Bâle, 1527; Anvers, 1540; De Maria Magdalena 
et tnduo Christi disceptatio, in-8°, Paris, 1816; la se- 
conde édition porte le même titre avec cette addition : 
et una ex tribus Maria, in-4», Paris, 1518; 3 e édit., 1519; 
De tribus et unica Magdalena disceptatio secunda,. 
in-4», Paris, 1519. Ces derniers opuscules, ainsi que les- 
Commentaires sur les Évangiles, sur les Épîtres de saint 
Paul et les Épîtres catholiques, furent mis, avec le Psal- 
terium quintuplex, à l'index du Concile de Trente, 
donec corrigantur. Le Fèvre traduisit aussi le Nouveau 
Testament en français et publia sa version en 1523. Plus 
tard, il traduisit également l'Ancien Testament en fran- 



159 



LE FÈVRE — LEGUMES 



-160 



çais d'après la Vulgate et son travail parut à Anvers, en 
1528, en quatre volumes in-8». Voici le titre de ces tra- 
ductions : Le S. Evangile selon S. Matthieu. — S. Marc. 

— S. Luc. — /S. Jottan. Simon de Colines, l'an de grâce 
mil cinq cens xxm. — Ceste seconde partie du N. T. 
contenant les Epistres de S. Pol, les Epistres catholi- 
ques, les Actes des Apostres, l'Apocalypse de S. Johan 
l'Évangéliste. Simon de Colines, l'an de grâce 1523. — 
Le Psaultier de David. Simon de Colines, Tan de grâce 
1525. — Le premier volume de l'Ancien Testament, 
contenant les chine premiers livres de Moyse translatez 
en francoys selon la pure et entière version de S. Hie- 
rosme, etc. Il parut trois éditions complètes de la Bible 
sous ce titre : La saincte Bible en francoys translatée 
selon la pure et entière traduction de Sainct Hierosme, 
conférée et entièrement revisitee selon les plus anciens 
et plus correetz exemplaires, in-f°, Anvers, 1530, 1534, 
1541. Sur le caractère et l'histoire de cette version, voir 
t. il, col. 2361-2362. — Voir Çh. A. Graf, Essai sur la 
vie et les écrits de Lefèvre d'Étaples, in-8», Strasbourg, 
1842; Id., Jacobus Faber Htapulensis, dans Zeitschrift 
fur hisloriche Théologie, t. xxn, 1852, p. 3-86; 165- 
237. F. Vigouroux. 

LÉGION (Vulgate : legio). Ce mot est plusieurs fois 
employé dans la Vulgate, mais jamais dans le sens tech- 
nique du mot, c'est-à-dire pour désigner le corps de 
troupes qu'on appelait de ce nom dans l'armée romaine. 

— 1° Il est question des légions des Céréthiens et des Phé- 
• lethiens. II Reg. (Sam.), xv, 18; IV (II) Reg., xi, 19 ; IPar., 

xvm, 17. Dans le premier de ces textes, l'hébreu emploie 
le mot kôl et les Septante le mot rcàç, c'est-à-dire l'en- 
semble. Dans les autres, il n'y a rien en hébreu et sim- 
plement l'article à dans les Septante. Dans I Mach., vi, 
35, 38, 45, le mot legio traduit le grec çocaocy? (çâpotv$ 
par suite d'une faute de copiste au t. 38). Les éléphants de 
l'armée syrienneYsont divisés en phalanges; cela veut 
dire simplement en troupes, sans que le mot désigne la 
phalange grecque avec son organisation particulière. — 
Dahs I Mach., ix, 12; x, 82, çdcXafE, l'armée de Bacchide 
est rangée en phalanges, Vulgate : legio. Ici il peut être 
question de la phalange proprement dite, c'est-à-dire 
d'une troupe profonde dont Philippe II de Macédoine 
avait emprunté l'organisation aux Thébains, Diodore de 
Sicile, xvi, 3, et qui subsista jusqu'à la conquête romaine 
dans les armées helléniques. 

2° Dans le Nouveau Testament on trouve le mot grec 
>sYei<5v ; Vulgate : legio, mais c'est pour désigner simple- 
ment une multitude. Notre-Seigneur dit à Pierre qui 
veut se défendre au jardin des Oliviers contre ceux qui 
viennent pour l'arrêter: « Penses-tu que je ne puisse 
invoquer mon Père qui me donnerait à l'instant plus de 
douze légions d'anges?» Matth., xxvi, 53. — Lorsque le 
démon interrogé par Notre-Seigneur sur son nom ré- 
pond: « Je m'appelle Légion. » il veut dire simplement 
qu'ils sont. un grand nombre dans le corps du possédé, 
Marc, v, 9; Luc, vm, 30, 36. Dans ce dernier verset, le 
mot « légion » n'est pas dans le texte grec — Sur la 
« légion » dans l'armée, voir Armées, t. i, col. 994. 

£. Beurlier. 

LEGIONENSIS (CODEX). Trois anciens manus- 
crits de la Vulgate portent ce nom, qu'ils doivent à 
leur lieu d'origine, Léon, en latin Legio (Espagne). 
Tous les trois sont datés, ce qui ajoute à leur valeur 
paléographique, et ornés d'abondantes et curieuses 
illustrations, d'un grand intérêt pour l'histoire de l'art 
visigothique. Un autre trait commun aux trois, c'est 
qu'ils intercalent l'Épître apocryphe aux Laodicéens 
entre Col. et I Thess. Comme texte, ils sont étroitement 
apparentés avec le Codex Mmilianus (Bible de San 
ïiillan, du IX e siècle, maintenant à l'Académie d'histoire 
de Madrid), la Bible d'Alcala (ix c siècle, actuellement à 
l'Université de Madrid) et autres manuscrits espagnols 



provenant de l'ancien royaume de Léon. « Les textes 
espagnols se montrent à nous, dès leur première appa- 
rition, avec un caractère absolument à part. Aucune fa- 
mille de textes, excepté les textes irlandais, ne montre 
une originalité aussi exclusive. » S. Berger, Histoire de 
la Vulgate, p. 8. Les nombreuses citations bibliques de 
l'évéque hérétique d'Avila Priscillien, dont nous possé- 
dons maintenant onze traités (Corp. Scriptor. eccles. 
latin., Berlin, 1889, t. xvm), nous montrent qu'avant 
saint Jérôme régnait en Espagne une version dont nous 
retrouvons la trace certaine dans le texte espagnol de 
la Vulgate. 

1» LEaiONENsis I. — Seconde partie d'une Bible du 
X e siècle (Isaïe-Apocalypse), conservée dans les archives 
de la cathédrale de Léon sous le n° 6. Berger a lu la 
date 968 de l'ère espagnole, répondant à l'an 920 dé 
notre ère. Une notice récente, insérée au début, atteste 
que le manuscrit provient du monastère des Saints-Côme- 
et-Damien. 11 s'agit du monastère d'Albarès, situé dans 
la banlieue de Léon et qui venait d'être fondé en 920, 
quand le codex fut écrit. Deux copistes se nomment : 
Jean, qualifié ordinairement de diacre, mais une fois de 
prêtre (f° 3), et Vimara, prêtre (f° 2), bu Vimaranus, pé- 
cheur (f° 233 v°). Les Canons de Priscillien et le Proœ- 
mium sancti Peregrxni episcopi, avant les Epîtres de 
saint Paul, sont la marque de fabrique espagnole. 

2° legionensis il. — Bible, entière conservée dans 
les archives de la collégiale de San-Isidro de Léon. Elle 
est datée de l'ère espagnole 998, correspondant à l'année 
960. Il y a sur les marges des notes arabes et de nom- 
breuses citations d'une ancienne version latine. Le Psau- 
tier est d'après l'hébreu ; Tobie et Judith présentent un 
texte différent de la Vulgate. Une collation (texte et marge) 
fut faite en 1587, en vue de la re vision de la Vulgate à 
laquelle on travaillait alors, et envoyée à Rome avec 
une lettre de l'évéque de Léon, Fr. Trugillo, qui décrit 
exactement le codex. Cette collation se conserve encore 
à la Vaticane, Cod. lat. 4859. La lettre de Trugillo a été 
publiée par Vercellone, partie dans ses Dissertazioni 
accademiche, Rome, 1864, p. 93-94, partie dans ses Va- 
riée Lectiones Vulgatse, t. i, p. ci-en. — Ce manuscrit 
est plus connu sous le nom de Codex Gothicus Legio- 
nensis ou simplement de Codex Gothicus'. 

3° legionensis ni. — N'est qu'une copie du codex 
précédent, faite en 1162. Voir S. Berger, Histoire de la 
Vulgate, Nancy, 1893, p. 17-21, 384-385; Egurén, Me- 
moria descriptiva de los côdices notables de Espana, 
Madrid, 1859, p. 46-47; Tailhan, dans Nouveaux Mé- 
langes du P. Cahier, 1877, t. iv, p. 306-307. 

F. Prat. 

LÉGISLATION MOSAÏQUE. Voir Loi mosaïque. 

LÉGUMES (hébreu : yârdq; Septante : \âx<t.tm; 
Vulgate : olus, III Reg., xxi, 2; Prov., xv, 17; Septante : 
X«x«vsi'a; Vulgate : omis dans Deut., xi, 10; hébreu : 
yéréq; Septante : Xer/avov; Vulgate : olus, Gen., IX, 3; 
Ps. xxxvh (Vulgate, xxxvi), 2; hébreu : 'ôrôf; Septante : 
àpiciô (simple transcription du mot hébreu); Vulgate : 
herbse agrestes, IV Reg., iv, 39; hébreu : zéro 'im et 
zêre'onim; Septante : ô'intpiov; Vulgate : legumina, 
Dan., i, 12, 16), partie que l'on cueille (legumen, de 
légère) sur une plante potagère pour l'alimentation, soit 
le fruit, soit les feuilles, soit la racine etc., et par exten- 
sion la plante potagère elle-même. 

1° Les mots yârâq, « vert,» et yéréq, « verdure, » dési- 
gnent les plantes potagères, que nous appelons légumes, 
surtout les légumes verts. Le nom zérô'îm ou zêre'ônîm 
(car ce doit être le même mot auquel est tombé ou a été 
ajoutée la lettre 2, nun, par faute du copiste) comprend 
tous les légumes. — Les légumes verts et les légumes secs 
entraient dans l'alimentation des Hébreux. La Genèse, re, 
3, les regarde comme donnés à l'homme pour sa nour- 
riture avant la chair des animaux. Ils passent pour une 



4G1 



LÉGUMES - LEIGH 



1G2- 



nourriture commune en regard de la chair des animaux 
gras, qui est un aliment de fête. Prov., xv, 17. 

Mieux vaut un plat de légumes avec de l'affection 
Qu'un bœuf gras avec de la haine. 

Dans la crainte de contracter une souillure légale en 
se nourrissant des viandes provenant de la table royale, 
Daniel et ses trois compagnons demandèrent au chef 
des eunuques de leur servir seulement des légumes et 
de l'eau. Dan , i, 12, 16. A Rome, certains fidèles convertis 
du judaïsme se faisaient scrupule de manger de la 
viande achetée au marché, craignant sans doute qu'elle 
n'eût été immolée aux idoles, et ne mangeaient que des 
légumes. Rom., xiv, 2. On faisait cuire les légumes au 
pot, IV Reg., iv, 38, dans l'eau, ou on les assaisonnait 
avec de l'huile et des condiments divers, on en faisait 
une sorte de purée. Gen., xxv, 29, 34. Il est fait mention 
de jardins potagers, où on les cultivait, Deut., xi, 10 
(hébreu); III Reg., xxi, 2; on les cultivait aussi en pleine 
campagne, IV Reg., IV, 39, où l'on en rencontrait des 
champs entiers. II Reg., xxm, 11. — Sous le ciel de feu 
de la Palestine, s'ils ne sont pas. arrosés, ils se dessè- 
chent promptement comme l'herbe et ils servent d'image 
de la prospérité passagère des méchants. Ps. xxxvii 
{Vulgate, xxxvi), 2. — De la graine si petite du sénevé 
s'élève une plante qui dépasse tous les légumes iu 
plantes potagères : et cette croissance qui paraît si dis- 
proportionnée avec ses origines est dans la parabole 
l'image de l'extension du royaume de Dieu. Matth., xin, 
32; Marc, iv, 32. — Pour faire parade de leur zèle à 
observer la loi, les pharisiens avaient étendu les pres- 
criptions au sujet de la dîme jusqu'aux moindres 
produits de leurs jardins, aux légumes, Luc, xi, 42, 
quoique la loi ne demandât la dime que du revenu en 
blé, vin, huile. Lev., xxvn, 30; Nom,, xvin, 12; Deut., 
xiv, 22, 23. 

2° Différents légumes verts ou secs entraient dans 
l'alimentation des Hébreux. Voici ceux qui sont désignés 
nommément : 

Ail, hébreu : sûm; Septante : Ta uxôpSa," Vulgate : 
allia. Num., xi, 5. Voir t. i, col. 310. 

Chicorée, une des plantes comprises sous le nom gé- 
néral d'herbes amères (hébreu : merôrîm). Exod., xii, 
S; Num., ix, 11. "Voir t. h, col. 697, et t. m, col. 600. 

Concombre, hébreu : qiSSu'im; Septante : aUvoc, Vul- 
gate : cucumeres. Num., xi, 5; Is., i, 8; Baruch, vi, 69. 
"Voir t. h, col. 890. 

Fève, hébreu : pôl; Septante : xi5au.oç; "Vulgate : faba. 
II Reg., xvii, 28; Ezech., iv, 9. Voir t. h, col. 2228. 

Laitue, une des herbes amères, merôrîm, du repas 
pascal. Exod., xn, 8; Num., ix, 11. Voir t. m, col. 600. 

Lentille, hébreu : 'âdâéim; Septante : œaxoç; Vul- 
gate : lens. Gen., xxv, 34; Il Reg.. xvii, 28; xxm, 11; 
Ezech., iv, 9. Voir col. 164. 

Melon, hébreu : 'âbattihini; Septante : jtsirwv ; Vulgate; 
pepones. Num., xi, 5. 

Oignon, hébreu : besalim; Septante : xp<5u,uAjov; Vul- 
gate : cèpe. Num., xi, 5. 

Poireau, hébreu, hâsîr; Septante : iupâ<rov; Vulgate : 
porrunt. Num., xi, 5. 

Vesce. Voir Fève, t. n, col. 2228. 

E. Levesque. 

LÉHÉMAN (hébreu : Lahmâs; Septante : Vatica- 
nus : Mor^ç; Alexandrinus : Aau.àî), ville de la tribu 
de Juda, mentionnée une seule fois dans l'Écriture, 
Jos., xv, 40. Au lieu de lahmâs, on trouve, dans un 
certain nombre de manuscrits hébreux, Lahmâm. D'au- 
tres offrent une lecture douteuse à cause de la ressem- 
blance du D, samech, et du D, mém final. Les Septante 
ont adopté la première leçon, comme on peut le voir, 
malgré la corruption du texte en certains manuscrits. 
Seule la Vulgate a Léhéman, et encore rencontre-ton 
en beaucoup de manuscrits et de vieilles éditions Léé- 

DICT. DE LA BIBLE. 



mas ou Lékémas. Cf. B. Kennicott, Vêtus Testamen- 
tum heb. cum variis leclionibus, Oxford, 1776, t. t, 
p. 465; J.-B.De Rossi, Variée lectiones Vet. Testamenli, 
Parme, 1785, t. n, p. 90; C. Vercellone, Varix lectiones 
Vulgatse latinx, Rome, 1864, t. n, p. 44. Léhéman fait 
partie du deuxième groupe des villes de ce la plaine » 
ou Séphélah. On l'identifie d'une manière satisfaisante 
avec hhirbet el-Lahm, au sud de Beit-Djibrîn. Cf. Sur- 
vey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881- 
1883, t, ni, p. 261. A. Legendre. 

LÉHETH (hébreu : Yahat; Septante : 'IÉ6), fils aîné 
de Séméi, de la tribu de Lévi. C'était le chef d'une l'a- 
mille gersonite Ju temps de David. I Par., xxm, 10-11. 
C'est par altération du nom que la Vulgate porte Léheth 
au lieu de Jahath. Voir Jahath, t. m, col. 1105. 

LE H1R Arthur Marie, né le 5 décembre 1811, à Mor- 
laix (Finistère), mort à Paris le 18 janvier 1868. Entré 
au séminaire de Saint-Sulpice le 10 octobre 1833, il 
devint professeur, au même séminaire, de théologie 
pendant les premières années de son enseignement, 
puis d'Écriture Sainte et d'hébreu jusqu'à sa mort. Peu 
de temps auparavant, le nonce du pape à Paris avait 
appris que Pie IX appelait M. Le Hir à Rome pour pren- 
dre part aux ravaux préparatoires du concile du Vati- 
tican. Voir sa notice, p. iv-xxiv de V Introduction aux 
Etudes bibliques. Cette introduction est de M. Grand- 
vaux, directeur au séminaire de Saint-Sulpice, lequel a 
publié, après la mort de M. Le Hir, les ouvrages que 
nous avons de lui, savoir : — 1. Études bibliques, avec 
Introduction et sommaires, 2 in-8°, Paris, 1869. Les 
articles qui composent ce recueil avaient presque tous 
paru, du vivant de l'auteur, dans les Etudes religieuses, 
publiées par des Pères de la Compagnie de Jésus, 
III» série, t. vm, ix, x, xi, xn, xm; IV» série, t. i, il. 
— 2. Le livre de Job; Traduction sur l'hébreu et com- 
mentaire, précédé d'un Essai sur le rythme chez les 
Juifs, et suivi du Cantique de Débora et Psaume ex, 
in-8°, Paris, 1873. — 3. Les Psaumes traduits de l'hé- 
breu en latin, analysés ef annotés en français, avec 
la Vulgate en regard et l'indication des différences 
entre les deux versions, in-12, Paris, 1876. — 4. Les, 
tris ogrands Prophètes, haïe, Jérémie, Ezéchiel; ana- 
lyses et commentaires, avec traduction de l'hébreu en 
français des parties principales, in-12, Paris, 1876. — 
5. Le Cantique des Cantiques, avec traduction spéciale 
sur l'hébreu et commentaires, précédé d'une Etude sur 
le vrai sens du Cantique, par M. l'abbé Grandvaux, 
in-8», Paris, 1883; fait partie de la grande Bible publiée 
par le libraire Lethielleux. — 6. Résumé chronologique 
de la vie du Sauveur, publié par M. Vigouroux dans 
L'Université catholique, mai et juin 1889, t. i, p. 6-27, 
189-202. Cf. Bibliothèque sulpicienne, 3 in-8», Paris, 
1900, t. n, p. 292-299. M. Renan, qui avait été l'élève de 
M. Le Hir, a ainsi résumé, dans ses Souvenirs d'enfance 
et de jeunesse, 1883, p. 273, les qualités de son ancien 
maître: « M. Le Hir était un savant et un saint; il était 
éminemment l'un et l'autre. » L. Bertrand. 

LEIGH Edouard, exégète protestant anglais, né 
le 23 mars 1602^ à Shawell, comté de Leicester, mort 
le 2 juin 1671', dans son domaine de Rushall Hall, dans 
le comté de Stafford. Il fit ses études à Oxford, où il 
s'adonna particulièrement à l'histoire, au droit et à la 
théologie. Après un court séjour en France, en 1625, il 
se. rendit à Banbury, dans le comté d' Oxford, où il sui- 
vit les prédications du ministre puritain William 
Wheatly, pour qui il professait une grande admiration. 
Le 30 octobre 1640, il fut nommé, par la ville de Staf- 
ford, membre du Parlement; il fit d'abord partie de 
l'opposition, puis il adopta des idées plus modérées ; 
mais il fut compris dans les membres du Long Parle- 

IV. - e 



153 



LEGTIONNAIRES 



154 



fications du début ou de la finale des Évangiles ont été 
introduites dans la trame du texte et ont pénétré ainsi 
dans le récit en nombre de manuscrits. 

2° La composition elle-même des sections liturgiques 
a occasionné dans les manuscrits à texte continu, em- 
ployés dans la liturgie, des modifications plus sensibles. 
Les leçons, en effet, ne se succèdent pas de telle sorte 
que tout le texte est lu à l'église. Trois cas se présentent : 
— l« r cas : les leçons restent séparées par des passages 
intermédiaires qui n'appartiennent à aucune section. 
Ces passages non lus ont plus ou moins d'étendue. Gé- 
néralement, ils ne se composent que de quelques lignes, 
de quelques mots, parfois d'un simple xai ou d'une par- 
ticule semblable. Ils couraient le risque de ne pas être 
transcrits, lorsqu'une copie était prise sur un manus- 
crit adapté à l'usage liturgique et muni des rubriques 
nécessaires. — 2« cas : les leçons, au contraire, enjam- 
bent les unes sur les autres, de telle sorte que la fin 
d'une section est le commencement d'une autre. Il y a, 
par suite, des versets qui sont communs à deux leçons 
consécutives. Ordinairement le nombre de ces versets 
n'est pas considérable et il ne dépasse guère deux ou 
trois phrases. Les notes indiquant le commencement et 
la fin de ces leçons se mêlent et s'enchevêtrent au point 
de causer parfois de la confusion, au moins pour un lec- 
teur inexpérimenté. — 3 e cas : une leçon n'est pas tou- 
jours formée par un seul texte; elle réunit parfois divers 
récits, tirés soit du même Évangile soit d'Évangiles dif- 
férents. Elle se compose donc de fragments agglutinés. 
Le cas est assez fréquent, non seulement dans les eûa-y- 
yéXia tûv àf iwv rai6wv, mais encore au cours de l'année. 
Ainsi l'évangile du premier dimanche après la Pentecôte 
comprend Matth., x, 32, 33, 37, 38 { xiv, 27-30. Dans un 
évangéliaire, ces divers fragments étaient juxtaposés de 
manière à constituer une leçon unique. Mais lorsqu'on 
se servait d'un manuscrit à texte continu, il fallait, au 
moyen de rubriques, renvoyer d'un passage à l'autre. 
Ces rubriques ont reçu le nom de îmepêiietç; elles sont 
marquées dans les manuscrits par des abréviations 
• accompagnées de notes indiquant les références. Elles 
compliquaient la transcription des textes et amenaient 
bien des erreurs qui se sont transmises dans les ma- 
nuscrits copiés l'un sur l'autre. 

V. Influence fâcheuse des Lectionnaires sur le 
texte grec du Nouveau Testament. — Les critiques ont 
signalé dans les manuscrits des altérations dues aux lec- 
tionnaires ecclésiastiques. On peut les ramener à trois 
classes : 1° à des additions; 2° à des omissions; 3° à des 
transpositions. 

1° Des additions, provenant du lectionnaire, ont été 
constatées dans le texte reçu ou dans des manuscrits. 
Dans le texte reçu, le nom de Jésus est ajouté, Matth., xiv, 
22; Luc, sur, 2; xxiv, 36; Joa., vi, 14; xm, 3, parce 
qu'on avait coutume de le suppléer au pronom dans les 
leçons liturgiques qui commençaient à ces passages. 
Pareille addition est possible encore : Matth., vm, 5; 
Joa., i, 29, 44; xxi, 1. Des formules entières, propres au 
texte reçu, dérivent de l'usage liturgique : Eine Se i xûpioc, 
Luc, VII, 31; xat arpaçetç npôç roùc (j.a9r,Tâc tint. Luc.,x, 
22. Des additions plus considérables se trouvent dans 
quelques manuscrits; elles ont vraisemblablement la' 
même origine. Cette phrase : KaX Ù7to<npéiJ/a; 6 IxawSv- 
•uap^o; et; tov oTxov aù^où ev au-rîj tï] <î>pa eupevTov ?raï8a 
OycaivovTa, suit Matth., vm, là, dans le Sinaiticus, 
VEphrsemiticûs, un certain nombre de cursifs, la ver- 
sion philoxénienne et l'Évangéliaire hiérosolymitain. 
VAlexandrinus reproduit deux fois Rom., xvi, 25-27, 
d'abord à sa place naturelle, puis après le chapitre xrv, 
où il se trouve dans l'épltre du samedi rrjç xupoqi âyov. 
Le Codex Bezse est remarquable par ses interpolations 
liturgiques. Luc, xvr, 19, insère ces mots : eïitev 8s été- 
pav nàpaëoXrjv, qui se lisent avec une légère variante au 
début de l'évangile du cinquième dimanche de saint 



Luc. Joa., xiv, commence ainsi : Kai ûtki toï? tiaôr.caïî 
otÙToy ; une phrase équivalente se lit en plusieurs ma- 
nuscrits de la Vulgate. J. Wordsworth et A. Whito, Ko- 
vum Testamentum D. N. J. C. laline, fasc. 4, Oxford, 
1875, p. 605. L'addition la plus curieuse est celle de -o 
■ziloi, Marc, X)V, 41; il est vraisemblable que -ciloç, in- 
diquant la fin d'une leçon liturgique, a glissé de la marge, 
dans le texte. On la trouve dans les cursifs 13, 47, 5i, 
56, 61, 69, 124, 439, 473, 511. On la lit aussi dans des 
manuscrits de la Peschito, de la philoxénienne et de la 
Vulgate latine. J. Wordsworth et H. White, Nov. Test., 
fasc. 2, Oxford, 1891, p. 258. 

2° Les rubriques qui, dans les manuscrits anciens, 
marquaient le commencement et la fin des sections litur- 
giques, surtout dans les cas d'enjambements ou d'ûmpêâ- 
<reic, ont amené certains copistes à supprimer les pas- 
sages, chargés de notes dont ils ne comprenaient pas le 
sens. Ainsi le Codex Bezse omet Luc, xxiv, 12. Or, ce 
verset termine le quatrième évangile èmâivôv àvccaràiTijAov 
et commence le cinquième,. Le Sinaiticus, le Vaticanus 
et le Codex Bezse omettent Joa., vm, 59, à partir de 
8tEi8(i)v. Or, la leçon du cinquième mardi après Pâques 
se termine avant ces mots et la leçon du dimanche sui- 
vant reprend Joa., îx, 1. Le Vaticanus, V Ephrmmiticus, 
le Codex Bezse, les cursifs 38 et 435, les manuscrits a, b, 
d, de la vieille Vulgate et quelques manuscrits de la tra- 
duction memphitique n'ont pas Luc, xxm, 34. Mais la 
leçon du jeudi tyj; -cupocpot-fou saute ce verset, qui figure 
cependant dans le huitième évangile tùv àyiiai notOtiiv. 
Le Sinaiticus, le Vaticanus et le Regius omettent 8tu- 
TepoTtpÛTM, Luc, vi, 1, remplacé dans les Évangéliaires 
par èv rot; aâêëaai. 

3° Les transpositions de textes, nécessaires pour cons- 
tituer certaines leçons liturgiques et indiquées par des 
rubriques spéciales, ont produit parfois des transposi- 
tions réelles et des déplacements de textes. On cite 
comme exemple Luc, xxii, 43, 44, transportés dans un 
groupe de cursifs après Matth., xxvi, 39, comme à 
l'évangile du jeudi saint, et Joa., xix, 31-37, transpor- 
tés dans les mêmes cursifs à la suite de Matth., xxvn, 
51, comme dans un des évangiles tùv àytwv itdcflwv. Cf. 
Mill, Novum Testamentum greecum, édit. Kuster, 
Leipzig, 1723, proleg., n. 1055-1057, p. 103-104; Burgon-, 
Miller, The Causes of the corruption of the traditional 
texl of the Holy Gospels, Londres, 1896, p. 67-88. 

VI. Valeur critique des Lectionnaires. — Jusqu'à 
présent, les lectionnaires n'ont guère été ulilisés par les 
critiques pour l'étude et la constitution du texte grec du 
Nouveau Testament. Les critiques les plus avancés les 
ont négligés de parti pris, les regardant comme des re- 
présentants de la plus mauvaise forme du texte, du texte 
dit syrien, reproduit dans quelques onciaux et la plu- 
part des cursifs. Sans aller jusqu'à prétendre, par un 
excès opposé, que les lectionnaires représentent la meil- 
leure forme du texte original du Nouveau Testament, il 
faut reconnaître à tout le moins que, de soi, un Évangé- 
liaire a, sous le rapport de la transmission du texte, au- 
tant de valeur qu'un manuscrit ordinaire de la même 
époque. Il va sans dire que le critique, en s'en servant, 
devra toujours tenir compte des changements que l'usage 
ecclésiastique introduit ordinairement au commence- 
ment et à la fin des leçons liturgiques. 

D'ailleurs, par leurs caractères propres, les lection- 
naires ecclésiastiques ont une autorité supérieure à un 
manuscrit ordinaire qui n'est qu'un document privé et 
ne représente souvent que le sentiment d'un indi- 
vidu, du copiste ou du premier possesseur. Les livres 
liturgiques sont, de leur nature, très conservateurs; les 
plus récents reproduisent les textes antérieurs et, sauf 
pour les fêtes locales ou nouvelles, écartent toute section 
nouvelle, toute expression récente; ils tendent plutôt à 
conserver les formes archaïques. C'est ainsi que long- 
temps après que l'écriture cursive était employée dans 



455 



LECTIONNAIRES 



156 



la transcription des manuscrits privés, un continuait en- 
core à se servir de l'onciale pour les manuscrits litur- 
giques. Cette tendance conservatrice des lectionnaires 
permet de conclure qu'ils ont retenu et transmis une 
ancienne torme du texte, alors que les manuscrits à 
L'usage des particuliers avaient adopté des textes diver- 
gents, retouchés ou corrigés. En fait, il est donc néces- 
saire d'examiner le texte transmis par les lectionnaires, 
et il ne faut pas les mettre absolument sur le même 
rang que les cursifs. D'autre part, les évangéliaires et 
les épistoliers sont des livres publics, des documents 
ecclésiastiques, transcrits pour l'usage d'une église, d'un 
couvent, pour le service liturgique. Leur transcription 
était par là même éloignée de toute nouveauté et elle 
était soignée et surveillée dans le dessein d'écarter des 
modifications, des usages nouveaux. Elle a donc de ce 
chef encore plus de chance de reproduire un texte ancien. 
Les savants qui font de la critique textuelle du Nouveau 
Testament l'objet de leurs travaux, si patients et si mé- 
ritoires, ne doivent pas dédaigner les lectionnaires grecs, 
dont l'examen fera progresser leur art et leur fournira 
peut-être des éléments de solution de certains problèmes 
critiques. 

Gt. F. H. Rheinwald, Kirchliche Archéologie, Berlin, 
1830, p. 273-278; E. Reuss, Vie Geschichte der heil. 
Schriften N. T., 6= édit., Brunswick, 1887, n. 384, p. 430- 
431 ; Caspari, Dissertation sur les péricopes, Strasbourg, 
1835; Scrivener, A plain introduction, 4" édit., t. i, 
p. 74-89; Smilh et Gheetham, Diclîonary of Christian 
antiquities, t. i, p. 740-745; Kirchenlexikon, 2 e édit., 
Fribourg-en-Brisgau, 1891, t. vu, col. 1593-1602; P. Mar- 
tin, Introduction à la critique textuelle duN. T., Partie 
théorique (lithog.), Paris, 1882-1883, t. i, p. 417-480; 
R. Gregory, Prolegomena, Leipzig, 1890, fasc. 2, p. 687- 
791; Id., Textkritik des N. T., Leipzig, 1900, t. i, 
p. 327-478. 

VII. Lectionnaires latins. — Sur les lectionnaires 
des diverses Églises arménienne, syriaque, copte, etc., 
il y aurait à dire à peu près les mêmes choses, sauf de 
nombreuses diversités de détails, que sur îes lection- 
naires grecs. Ajoutons seulement quelques mots sur les 
lectionnaires latins, qui nous intéressent: de plus près. 

1° A la messe, on lisait trois leçons : la leçon prophé- 
tique, tirée de l'Ancien Testament, la leçon apostolique, 
extraite des Épîtres des Apôtres, et l'Évangile. Saint 
Ambroise, Epist., xx, 13-15, t. xvi, col. 997-998, parle 
des leçons lues à l'église à l'occasion d'un passage de 
Job. C'était un enfant qui lisait le Ps. xxiii, 4,6. De ex- 
cessu fratris Satyri, i, 61, t. xvi, col. 1309. Au rapport 
de Grégoire de Tours, De miraculis S, Martini, i, 5, 
t. lxxi, col. 918-919, le lecteur avait coutume, à Milan, 
de venir, le livre en mains, demander à l'évêque l'auto- 
risation- de lire. Un dimanche, la leçon prophétique 
récitée, le lecteur étant déjà debout devant l'autel pour 
lire la leçon de saint Paul, saint Ambroise s'endormit 
sur l'autel. Au bout de deux heures, on l'éveilla pour 
qu'il permît au lecteur de lire l'Épître. Parmi les ser- 
mons attribués à saint Ambroise, le n«, t. xvn, col. 608, 
indique que l'Évangile de la fête de Noël était le récit 
de la naissance de Jésus dans saint Luc, h, 1 sq. Cf. 
Mabillon, Muséum Italie., Paris, 1687, t. i", p. 101-104; 
Magistretti, La liturgia délia Chiesa Milanese nel se- 
colo IV, Milan, 1899, t. r. A Rome, la messe comprenait 
ces trois leçons. La suppression de la leçon prophétique 
eut lieu au cours du v e siècle. Le Liber pontificalis, 
édit. Duchesne, Paris, 1886, t. i, p. 230, constate que 
sous le pontificat de Célestin I er (422-432), auquel il 
attribue l'institution de la psalmodie, on ne lisait à la 
messe que les Épilres de saint Paul et le saint Évangile. 
La leçon prophétique a cependant persévéré jusqu'au- 
jourd'hui à certains jours de Quatre-Temps et de Carême. 
Le graduel est placé entre cette leçon et Pépltre. On en 
conclut que ce Psaume était primitivement intercalé 



entre la leçon prophétique et la leçon apostolique, et 
que, la première ayant été supprimée, le graduel a été 
transporté après Pépître. Duehesne, Origines du culte 
chrétien, Paris, 1889, p. 159-160. — Saint Augustin parle 
plusieurs fois de trois leçons, mais il entend expressé- 
ment par l'épitre, le psaume intercalé et l'évangile. 
Serm., CLXV, 1, t. xxxvm, col. 902; Serm., clxxvi, 1, 
ïbid., col. 950. L'évêque commentait l'une ou l'autre 
et beaucoup d' Enarraliones in Psalmos sont de véri- 
tables sermons. Comme il explique l'Évangile selon 
saint Jean ex ordine lectionum, In Epist. Joa. ad Par- 
thos, prol., t. xxxv, col. 1977, nous en pouvons conclure 
qu'on lisait encore un livre tout entier, d'autant que si 
Augustin interrompt son commentaire, il se propose de 
reprendre l'ordre momentanément interrompu. D'ail- 
leurs, cette interruption s'est produite aux fêtes pascales, 
quibus cerlas ex Evangelio lectiones oportel in Ecclesia 
recitari, quse ita sunt annux, ut aliae esse non possint. 
Ïbid., prol., et tr. IX, col. 1977, 2045. En effet, on avait 
coutume de lire, ces jours-là, les récits de la résurrec- 
tion de Jésus-Christ ex omnibus libris sancti Evan- 
geùii. Serm., ccxxxi, 1, t. xxxvm, col. 1104. On lisait 
d'abord le récit de saint Matthieu, puis celui de saint 
Marc, ensuite celui de saint Luc. Serm., ccxxxn, 1, 
ibid., col. 1107-1103. On n'omettait pas celui de saint 
Jean, Serm., ccxxxiv, 1, col. 1115. Cf. Serm., ccxxxv, 

CCXXXIX, CCXL, CCXLIII, CCXLIV, CCXLV, CCXLVII, col. 1115, 

1117, 1118, 1127, 1130, 1143, 1147, 1151, 1156, 1157. On 
lisait en même temps les Actes des Apôtres. In Epist. 
S. Joa. ad Parthos, tr. II, t. xxxv, col. 1989. La passion 
n'était lue qu'une fois, le vendredi saint, et toujours se- 
lon saint Matthieu. Une année, saint Augustin, ayant 
voulu varier le récit évangélique, fit lire un autre évan- 
giliste; mais les fidèles, n'entendant pas la leçon accou- 
tumée, en furent troublés. Serm., ccxxxn. 1, t. xxxvm, 
col. 1108. Cf. Enar. in Ps. xxi, en. h, 2, t. xxxvi, 
col. 171. Le samedi-saint l'office comprenait beaucoup de- 
leçons. Serm., n, t, xlvi, col. 821. A Noël, on lisait 
le récit de la naissance de Jésus selon saint Luc. 
Serm., exem, t. xxxvm, col. 1013. A l'aide des Sermons, 
t. xxxvm, il serait facile de déterminer nombre de sec- 
tions évangéliques, lues à Hipponei et de fixer parfois 
l'épitre lue aux jours correspondants. — Les Sermons 
de saint Léon le Grand contiennent sur les leçons ecclé- 
siastiques des renseignements, dont quelques-uns con- 
cordent avec le sectionnement qui a prévalu dans 
l'Église romaine. Ainsi, le 1 er dimanche de Carême, 
l'épitre était la même qu'aujourd'hui. II Cor., yi, 2. 
Serm., XL, c. Il, t. lix, col. 268. Le samedi qui précède 
le second dimanche de Carême, l'évangile était celui 
d'aujourd'hui. Serm., Li, col. 308. Toute une série de- 
sermons sur la passion ont été prononcés sur les leçons 
faites les jours de dimanche et de mercredi et s'étendent 
jusqu'au samedi-saint. Serm., lii-lxx, col. 314-380, Le 
jour de Pâques, le récit de la résurrection servait 
d'évangile. Serm., lxxii, col. 390. — La liturgie galli- 
cane comprenait deux leçons à la messe, l'Évangile 
compris : la leçon prophétique était tirée de l'Ancien 
Testament, l'épitre de l'apôtre saint Paul. En carême, 
on lisait les livres historiques de l'Ancien Testament, et 
au temps pascal, les Actes des Apôtres et l'Apocalypse. 
S. Germain de Paris, Epist., I, t. lxxii, col. 90. Cf. Du- 
chesne, Origines du culte, p. 185-186. 

2° Peu à peu, il y eut un système déterminé de le- 
çons; mais les diverses Églises avaient leurs particula- 
rités. Les documents qui les reproduisent sont ou bien 
des lectionnaires séparés, qui portent différents noms, 
par exemple Cornes, Liber contiens, Lectiônnarium, 
ou bien des manuscrits à texte suivi et continu, surtout 
les quatre Évangiles, mais adaptés à l'usage liturgique 
au moyen d'une table des Évangiles, nommée CapUulare. 
Bornons-nous à quelques indications. — Le lectionnaire- 
romain se retrouve dans le Cornes, précédé d'une préface? 



163 



LEIGH — LENTILLE 



164 



ment qui, en 1648, sur l'ordre de Cromwell, furent 
chassés de cette assemblée, lorsqu'elle fut purgée de 
tous ceux qui s'opposaient à la politique du Protecteur. 
Il renonça dès lors à la vie publique. Ses écrits sont 
assez variés; parmi ses ouvrages théologiques, il con- 
vient de citer Annotations upon ail the books of the 
New Testament, philological and theological, in-f°, Lon- 
dres, 1650; Annotations on five poetical books of the Old 
Testament, in-f°, Londres, 1657; Critica sacra; or Ob- 
servations on ail the Radiées or primitive Hebrew words 
of the Old Testament in order alphabeticaïl, in-f", 
Londres, 1650; Critica sacra; or philological and theo- 
logical Observations upon ail the Greek words of the 
New Testament in order alphabeticaïl, in-4°, Londres, 
1639, 1646, 1650. Louis Wolzogue a traduit en français 
les Critica sacra sous le titre de Dictionnaire dé lan- 
gue sainte, contenant ses origines avec des observations, 
in-4°, Amsterdam, 1703. Voir W. Orme, Bibliotheca 
biblica, 1824, p. 287. A. Régnier. 

LE JAY Gui Michel, savant français, né à Paris en 
1588, mort le 10 juillet 1675, éditeurde la Polyglotte de 
Paris. Voir Polyglotte. 

LELONG Jacques, bibliographe français, né à Paris 
le 19 avril 1665, mort dans cette ville le 13 août 1721. 
Étant entré à l'Oratoire, en 1628, il enseigna pendant 
quelques années les humanités, puis devint bibliothé- 
caire de la maison Saint-Honoré. 11 remplit cette charge 
pendant vingt-deux ans, jusqu'au moment de sa mort. 
On lui doit la bibliographie la plus savante qu'on ait 
publiée sur l'Écriture, Bibliotheca sacra seu syllabus 
omnium ferme Sacres Scripturx editionum ac versio- 
num secundum seriem linguarum quïbus vulgatse sunt, 
nolis historicis eteriticis illustratus, adjunctis prsestan- 
tissimis codicibm manuscriptis, 2 in-8°, Paris, 1702; 
2 e édit., 1709; nouvelle édition augmentée par Frd. 
Chr. Boemer, 2 in-8», Anvers, 1709; in-f°, Paris, 1719; 
2inf°, Paris, 1723 (édition donnée par le P. Desmolets,qui 
a mis en tête une Vie de l'auteur); nouvelle édition 
augmentée par Ant. Gottlieb Masch, supérieure aux 
précédentes, 6 in-4°, Halle, 1778-1790. On a aussi de 
Lelong : Discours historique sur les principales édi- 
tions des Bibles polyglottes, in-8», Paris, 1713. — Voir 
A. M. P. Ingold, Essai de bibliographie oratorienne, 
in-8°, Paris, 1880-1882, p. 82. 

LE MAISTRE Isaac Louis, appelé communément 
de Saci (anagramme d'Isaac), janséniste français, né à 
Paris, le 29 mars 1613, mort le 4 janvier 1684. Ordonné 
prêtre en 1650, il devint le confesseur et le principal 
directeur des religieuses de Port-Royal. Il est surtout 
célèbre par sa traduction de la Bibie : La Sainte Bible 
en latin et en françois avec des explications du sens 
littéral et du sens spirituel, 32 in-8°, Paris, 1682-1702; 
la plus belle, édition est celle en 12 in-8", Paris, 1789- 
1804. Voir t. h, col. 2367. 

LENGERKE (Csesar von), théologien protestant alle- 
mand, né à Hambourg le 30 mars 1803, mort le 3 février 
1855. Il fut professeur de théologie et des langues orien- 
tales à Kœnigsberg. Ses écrits théologiques s'occupent 
en général de la Bible, Son premier ouvrage de ce genre 
fut le Conimentarius criticus de Ephrsemo Syro Scrip- 
iurse Sacrée interprète, in-8», Kœnigsberg, 1828, collection 
de leçons différentes du textus receptus syriaque em- 
pruntées aux commentaires bibliques de saint Éphrem. 
Lengerke admet avec Rœdiger que le texte syriaque de 
saint Éphrem a des gloses empruntées au texte primi- 
tif. Il lit suivre cet ouvrage d'une monographie : De 
Ephrxmi Syri arle hemieneutica, in-8°, Kœnigsberg, 
1831. L'auteur y parle des matériaux dont se servit saint 
JÉpiirem pour ses travaux exégétiqHes, de l'influence 



qu'eurent sur lui les écrivains juifs et grecs (voir Sieg- 
fried, Philo von A lexandria, Iéna,1875, p. 379), des écoles 
exégétiques d'alors, enfin de la doctrine de saint Éphrem, 
quant à l'Écriture Sainte et à sa méthode de l'interpréter. 
Voir Diestel, Geschichte des Alten Testamentes, Iéna, 
1869, p. 138. La première œuvre exégétique de Len- 
gerke est son Commentarius criticus de duplici 
Psalmi 22. exemplo, in-4°, Kœnigsberg, 1833. Sa tra- 
duction en allemand avec commentaire du livre de Da- 
niel est très importante pour son époque : Das Buch 
Daniel, verdeutscht und ausgelegt, in-8°, Kœnigsberg, 
1835. Il s'occupe en premier lieu de l'authenticité de 
ce livre, de ses idées fondamentales, de sa tendance et 
de la forme du livre, puis il en donne la traduction et 
une explication. Plusieurs opinions qu'y émet Lengerke 
ont été reconnues depuis insoutenables. Voir de Wette- 
Schrader, Einleitung in das alte Testament, 1869, p. 486; 
Bleek-Wellhausen, Einleitung, 1878, p. 468. Différentes 
parties cependant sont encore pleines d'intérêt, par 
exemple, ses recherches sur les divergences des Sep- 
tante et du texte massorétique, etc. — L'ouvrage principal 
de Lengerke, est un travail archéologico-historique, Ke- 
naan, in-8 ,' Kœnigsberg, 1843, l'histoire du peuple d'Is- 
raël et de sa religion jusqu'à la mort de Josué. L'ouvrage 
est dans sa totalité un commentaire des livres historiques 
de la Bible. Y figurent, un traité de la langue hébraïque, 
une méthode d'écrire l'histoire et une critique de l'hexa- 
teuque basée sur Bleek, Tuch, de Welte, Stâhelin et 
Ewald. Voir Bleek-Wellhausen, Einleitung in das alte 
Test., 1878, §§ 81-87, p. 152-178. Cet ouvrage ne fut pas 
continué, ce qui du reste n'est guère regrettable, parce 
qu'il fut bientôt surpassé par des publications appuyées 
sur des découvertes nouvelles. Le dernier ouvrage de 
Lengerke fut son commentaire des Psaumes : Die fûnf 
Bttcher der Psalmen, 2 in-8", Kœnigsberg, 1847. Cet 
ouvrage n'eut aucun succès et ne valut à son auteur que 
des critiques très sévères d'ailleurs bien méritées. — Voir 
Siegfried, Allgemeine deutsche Biographie, t. xvm, 
p. 252-255; Winer, Bandbuch der theol. Lilteratur, 
t. ii, p. 637; De Wette-Schrader, Einleitung in das alte 
Testament, p. 179. E. Michels. 

LENTILLE (hébreu : 'âdâSim; Septante : çctxic; 
Vulgate : lens, Gen., xxv, 34; II Reg., xvn, 28; xxm, 
11; Ézech.,iv, 9), plante légumineuse dont la graine est 
employée comme aliment. 

I. Description. — Ce genre de Légumineuses, de la 
tribu des Viciées, qui doit son nom à la forme arrondie, 
comprimée de ses graines, comprend un petit nombre 
d'espèces successivement rattachées, suivant l'apprécia- 
tion des botanistes, aux divers groupes Cicer, Ervum, 
Lathyrus et Vicia. Mais le genre Lens déjà adopté par 
Adanson et Tournefort mérite d'être conservé pour la 
forme caractéristique de ses graines d'abord et surtout 
de son style grêle, comprimé, creusé à la face supérieure 
d'un sillon longitudinal recouvert de poils courts. L'es- ' 
pèce principale, Lens esculenta de Mœnch (fig. 44), 
cultivée de temps immémorial comme plante alimen- 
taire pour ses graines charnues et farineuses, n'existe 
plus nulle part à l'état spontané. Toutes sont des herbes 
annuelles, à feuilles imparipennées dont la foliole ter- 
minale est remplacée par un mucron et même par une 
vrille simple et courte vers le haut de la tige. Les fleurs 
petites, en grappes pauciflores, ont un calice à dents 
sensiblement égales, un étendard obovale, les ailes sou- 
dées avec la carène ; la gousse courte et comprimée ne 
renferme à la maturité que 1 ou 2 graines. F. Hv. 

IL Exégèse. — Il ne saurait y avoir de doute sur 
l'identification des *âdàsîm avec les lentilles, Le nom 

arabe de ce légume, l ^ 3 *>><z, 'adas; la traduction cons- 
tante des Septante par <paic<5c et de la Vulgate par lens, 
l'interprétation rabbinique, rendent certaine cette iden- 



165 



LENTILLE — LENTISQUE 



160 



tification. Le nom sémitique est passé même chez les 
Berbères sous la forme adès. La couleur attribuée dans 
Gen., xxv, 20-34, aux 'âdâsîm ou plutôt à la bouillie 
ou purée d'âddsim convient bien aux lentilles. Ésaù 
revenant des champs épuisé de fatigue et apercevant 
Jacob en train de préparer de la bouillie d'âddsim, dit 
à son frère : « Laisse-moi manger de cette chose rou- 
geàtre. » Ces lentilles étaient sans doute d'une espèce 
commune en Egypte, et dont on voit quelques spécimens 
au Musée du Louvre, de très petite taille et semblables 
à la variété appelée Lentille rouge ou Lentillon. V. Lo- 
ret, Études de botanique égyptienne, dans Recueil de 
travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyp- 
tiennes, t. xvn, 1895, p. 192. Mais lorsque les graines 
sont dépouillées de leur écorce, comire les Égyptiens 
ont l'habitude de les préparer, elles ont plus encore, 
ainsi que la bouillie qu'on en fait, la couleur poiige pâle. 
Reynier, Économie publique et rurale des Arabes et 
des Juifs, in-8», Genève, 1820, p. 429. 
Les lentilles entraient dans l'alimentation des Hébreux. 




44. — Lens esculenta. 

Elles figurent à côté des fèves et des pois parmi les ali- 
ments que Sobi, fils de Naas, et Berzellaï de Galaad 
apportèrent à David, obligé de fuir devant Absalom ré- 
volté. II Reg., xvn, 28. C'est dans un champ de lentilles 
que Semma, fils d'Agé, un des vaillants guerriers de 
David, battit une troupe de Philistins. II Reg., xxm, 
11-12. Nous voyons dans Ézéchiel, iv, 9, que les lentilles 
étaient mélangées au froment avec des grains de nature 
inférieure, sans doute en temps de disette ou pour les 
indigents. C'est ce qu'Athénée, Deipnos., iv, 15, appelle 
apToç çâxtvo;. C'était aussi la première nourriture qu'on 
prenait dans le deuil : Les lentilles sont la nourriture 
du deuil et de la douleur, dit Rabbi Éléazar dans le 
Pirke,c.X\7L\. Windet, De vita functorum statu,\, daifs, 
Crenii Opuscula quse ad historiam ac philologiam spec- 
tant, fasc. 4, 1694, p. 74. Saint Jérôme y fait allusion 
dans sa lettre à Paula sur la mort de sa fille Blésilla, 
t. xxn, col. 470 : Dans le deuil, dit-il, les Juifs, « d'après 
une vaine tradition des pharisiens, prennent des len- 
tilles pour première nourriture, faisant voir par là que 
ce mets fatal leur a fait perdre le droit dlainesse. » Ce- 
pendant bieiv préparées, elles formaient et forment 
encore en Orient un, mets estimé et recherché. Robin- 
son, Diblical Researches, 3« édit., 1867, t. h, p. 167; 



t. m, p. 40. C'est pour une bouillie ou purée de len- 
tilles qu'Ésaû épuisé de fatigue céda à Jacob son droit 
d'aînesse. Gen., xxv, 32-34. Sans doute on préparait 
cette bouillie comme maintenant avec de l'huile et de 
l'ail. Les peintures du tombeau de Ramsès III, d'après 
Wilkinson, Manners and Customs, 1878, t. n, p. 32, 
nous font assister à la préparation de ce mets (fig. 45). 
On voit un homme occupé à faire cuire des lentilles, 
derrière lui son compagnon apporte du bois pour ali- 
menter le feu, et à côté se trouvent des corbeilles pleines 
de lentilles. Les Égyptiens, dit Théophraste, Hist. plant., 
iv, 5, faisaient grand usage de ce légume. Les lentilles, 
dit Raffeneau-Delile, Mémoire sur les plantes qui crois- 
sent en Egypte, dans Description de l'Egypte, Histoire 
naturelle, t. h, Paris, in-4°, 1812, p. 23, sont communes 
en Egypte comme elles l'étaient autrefois. Elles portaient, 
chez les Romains, le nom de lentilles de Péluse. Vir- 
gile, Georg., i, 228; Martial, xill, épigr. 9. On les sème 
aujourd'hui sans labour dans la haute et dans la 
basse Egypte, et on les récolte sèches en grande quantité; 
elles sont rougeàtres et fort petites. On les monde quel- 
quefois de leur écorce, en les broyant sous des meules 




45. — Égyptien occupé à faire cuire des lentilles. 
D'après Wilkinson, Manners and Customs, t. u, p. 32. 

à bras, afin de les rendre plus délicates quand on les 

fait cuire. Le nom hiéroglyphique est i ttttt Jk 

■v • , âarosana, arSana, d'où le copte xpcyin. 

Ce nom rie paraît pas égyptien, mais plutôt sémitique, 
importé sans doute avec la plante dans la vallée du Nil. 
On a fait remarquer qu'il pourrait bien êlre le nom sé- 
mitique 'âdâsîm, avec confusion facile du t, d, avec le "i, 
r. En écriture hiératique même les deux signes peuvent 
se prendre l'un pour l'autre. V. Loret, La flore pharao- 
nique, 2 e édit., 1892, p. 93. Cf. Ch. Joret, Les plantes 
dans l'antiquité, 1. 1, 1897, p. 103; Fr. Wœnig, Die P flan- 
zen im alten Aegypten, in-8°, Leipzig, 1886, p. 214-215. 

E. Levesque. 

LENTISQUE (grec : axïvo;; Vulgate : schinus, Dan., 
xm, 54), arbre commun en Orient. 

I. Description. — Le Pistacia Lentiscus de Linné 
est un petit arbre de la famille des Térébinthacées des 
plus répandus dans les lieux arides de toute la région 
méditerranéenne, où l'on recueille sur ses rameaux tor- 
tueux après incision la gomme-résine nommée mastic. 
Ses feuilles persistantes ont un pétiole ailé, pourvu de 3 
à 5 paires de folioles petites, coriaces, ovales ou lancéo- 
lées, obtuses avec un court mucron. Les fleurs sont 
agglomérées à l'aisselle des feuilles supérieures, en 
grappes spiciformes, dioïques et sans corolle. — Le ca- 
lice, à 5 divisions dans les fleurs mâles (fig. 46), n'en 
a que 3 ou 4 dans les fleurs femelles (fig. 47); les éta- 
mines, au nombre de 5 superposées aux sépales, ont de 
grandes anthères au sommet d'un filet très court; 
l'ovaire uniloculaire devient une toute petite drupe rouge, 
puis noirâtre, un peu comprimée, recouvrant un najau 
osseux sous une enveloppe membraneuse. F. Ilï. 



■367 



LENTISQUE — LENTULUS 



168 



II. Exégèse. — 1° Le lentisque n'est mentionné qu'une 
fois dans la Bible, dans la partie deutérocanoniqué du 
livre de Daniel, qui raconte l'histoire de Susanne. 



K A 




46. — Pistacia lentiscus. Rameau et fleur mâles. Fleur grossie. 

Cuand Daniel demanda à l'un des vieillards accusateurs 
de Susanne sous quel arbre il l'a vue commettre le 
crime, il répondit, xiii, 54 : « sous un lentisque, » Oirb 
cxïvov. « Tu mens pour ta perte, s'écria Daniel, car 
l'ange de Dieu qui a déjà reçu l'arrêt divin est prêt à te 
fendre par le milieu, oyjtni. » On a souvent mis en 
avant ce jeu de mot du texte grec, pour nier l'existence 




47.. 



- Pistacia lentiscus, rameau femelle avec fruits. 
Fleur femelle grossie. 



d'un original sémitique de cette partie deutérocanoniqué, 
le même jeu de mots ne pouvant s'y retrouver exacte- 
ment. Origène, Epist. ad Africanum de historia Su- 
■sannx, t. XI, col. 61, répondait déjà que dans l'ignorance 
■où l'on est relativement au nom hébreu de cet arbre, 
on- ne pouvait pas se prononcer ainsi contre l'authenti- 
cité d'un original hébreu. On peut ajouter qu'en sup- 



posant un original chaldéen, il serait facile de retrouver 
le même jeu de mots, avec NpriDS, pisfeqâ', nom ara- 
méen du lentisque, et le verbe pesaq, pDS, « couper en 
deux. » Ainsia traduit une des versions syriaques. Du 
reste, le traducteur grec a bien pu ne pas conserver les 
mêmes noms d'arbres, si la paronomase n'était plus pos- 
sible avec eux, et y substituer d'autres noms qui lui 
permettaient un jeu de mot équivalent. On peut voir des 
exemples nombreux dans Welte, Specielle Einleitung 
in die deuterocanonischen Bûcher des alten Testament, 
1844, p. 248; Wiederholt, Die Geschichte Susanna, dans 
la Tùbing. Quartalschrift, 1869, p. 296-308; Vigouroux, 
Mélanges bibliques, 2 B édit., Paris, 1889, p. 477-4E3. 

2° Plusieurs exégètes et naturalistes regardent la ré- 
sine du lentisque, connue sous le nom de mastic, en 
arabe mastaka, comme le son, Gen., xxxvn, 25, cette 
résine odorante que les marchands ismaélites portaient 
en Egypte. Plus communément on voit dans le son la 
résine du Pistacia Terebinthus. Il est vrai que les Arabes 
ont souvent confondu le lentisque et le térébinthe sous 
\e même nom »-è>, dirû, nom qui a une certaine ana- 
logie avec le sôri hébreu. Voir Résine. 

E. Levesque. 

LENTULUS Publius, personnage imaginaire auquel 
on a attribué une lettre apocryphe décrivant la personne 
de Notre-Seigneur. 11 est censé avoir été gouverneur de 
la Judée, avant Ponce Pilate, et avoir écrit la lettre qui 
suit au Sénat romain. 

I. Lettre de Lentulhs. — « Lentulus, gouverneur 
(presses) des Jérosolymitains, au sénat et au peuple ro- 
main, salut. » Ce préambule ne se lit pas dans tous les 
textes. Voici maintenant le texte de la lettre même d'après 
E. Dobschiitz, Christusbilder, Beilage vm, Leipzig, 1899, 
p. 319" : « Il a paru en ces temps-ci, et il vit encore, 
un homme d'une grande puissance (virtutis), appelé 
Jésus-Christ. Les peuples l'appellent prophète de vérité 
et ses disciples, fils de Dieu. Il ressuscite les morts et 
guérit toutes les maladies. C'est un homme d'une taille 
moyenne... (homo quidem slatura procerus mediocris 
et spectabilis). Il a une figure vénérable qui lui attire 
l'amour et la crainte de ceux qui le voient. Ses cheveux 
sont de la couleur de la noisette dans sa maturité, lisses 
jusqu'aux oreilles, et à partir des oreilles bouclés, frisés 
(circinos crispos), avec des reflets bleuâtres et brillants, 
ilottants au-dessous des épaules; ils sont partagés en 
deux au sommet de la tête à la manière des Nazaréens. 
Son front est uni et très serein, avec un visage sans ride 
et sans tache, et le teint d'un bel incarnat. Son nez et sa 
bouche sont sans défaut; sa barbe est abondante, de la 
couleur des cheveux, point longue et (un peu) divisée 
en deux au (milieu du) menton. Son air est simple et 
posé; ses yeux sont glauques et clairs. Il est terrible 
dans ses réprimandes; doux et aimable dans ses avertis- 
sements; de bonne humeur avec gravité. Il a pleuré 
quelquefois, mais il n'a jamais ri. Sa taille est droite, 
ses mains et ses bras beaux à voir. Sa conversation est 
grave, brève et modeste. De sorte qu'on peut dire juste- 
ment avec le prophète que c'est le plus beau des enfants 
des hommes. » — Voir l'énumération des manuscrits et 
l'Àpparatits anticus dans Dobschùtz, Christusbilder, 
p. 308"-324". UEpistola Lentuli se trouve en manuscrit 
dans de nombreuses bibliothèques. Elle fut imprimée 
d'abord dans la Vita Jesu Christi de Ludolphe le Char- 
treux, qui parut in-f", à Cologne, 1474, Proœmium, 14 
(t. i, p. 10, de l'édition de Paris, 1870), et à Nuremberg 
en 1491 dans l'Introduction aux œuvres de saint Anselme 
de Cantorbéry. E. von Dobschùtz, Christusbilder, p. 309"- 
310", et L. Hain, Repertorium bibliographicum, -t. i, 
1826, n. 1136, p. 126, ainsi que dans les Opuscula du 
même docteur» sans date. Voir ibid. Plus tard, elle fut 
reproduite dans YEcclesiastica historia per aliquot stttr 
diosos et pios viros in urbe Magdeburgica, connue 
sous le nom de Centuries de Magdebourg, 13 in-8°> 



169 



LENTULUS 



170 



Bâle, 1559-1574, t. I, p. 344. Elle a été souvent réim- 
primée depuis, en particulier dans plusieurs collections 
de livres apocryphes du Nouveau Testament. — L'auteur 
de cette lettre s'était visiblement proposé de satisfaire la 
pieuse curiosité des fidèles, avides de détails sur la 
personne sacrée du Sauveur. 

II. Opinions diverses sur la personne physique de 
Jésus. — Dès les premiers siècles de l'Église, les Pères 
s'étaient demandé ce qu'était physiquement Notre-Sei- 
gneur; mais comme tout renseignement direct faisait 
défaut, on eut recours aux prophéties. Isaïe, lui, 2, 
avait dit de lui : « Il n'a ni beauté ni agrément pour 
attirer nos regards, et son aspect n'a rien qui puisse 
nous plaire. » Sans faire attention que cet oracle se rap- 
portait à l'état dans lequel se trouvait le Messie pendant 
sa passion, plusieurs écrivains ecclésiastiques prirent 
ces paroles pour le portrait même de Notre-Seigneur et 
en conclurent qu'il était sans beauté : àei5o3ç, <oç aï 
rpaçori Ixrjpuatrov, dit saint Justin, Dial. cum. Tryph., 
88, t. vi, col. 688, et même laid : tov Kûptov auTÔv tï)v 
o^iv «[<r/pbv ysyovévac, Stà 'H<jatou to IIvsO[Aa [lapTVpei, 
dit Clément d'Alexandrie, Psedag., m, 1, t. vm, col. 557; 
cf. Strom., vi, 23, t. ix, col. 381 ; Celse, dans Origène, 
Cont. Cels., vi, 75, t. xi, col. 1409, affirme que « Jésus 
était, d'après ce que l'on dit, petit, laid, difforme », 
<S; çaat, fimpôv xa\ SixreiSèî -/.ai àïev^c ïjv. Saint Cyrille 
d'Alexandrie s'exprime dans le même sens, Glaphyr. in 
Exod., i, 4, t. lxix, col. 396 : « Le Fils a apparu sous un 
aspect très difforme, » 'Ev e"8e'. yàp néçrivev ô Yîbç tô Xîav 
àxaXXsdTÔoTip. Cf. aussi saint Irénée, m, 19, t. vu, col. 940 
(« homo indecorus »). En Afrique, Tertullien parle de 
la même manière : « Adultus, dit-il de Notre-Sei- 
gneur, De patientia, 3, 1. 1, col. 1252, non gestit agnosci, 
sed contumeliosus (digne de contuméiie, difforme, 
voir la note, ibid.) insuper sibi est. » II répète la même 
chose en d'autres termes, Adv. Marc, m, 17, t. Il, 
col. 344 : « Si inglorius, si ignobilis, si inhonorabilis, 
meus erit Christus. » De même, Adv. Judmos, xiv, t. n, 
col. 639 : « ne aspectu quidem honestus; » De carne 
Christi, 9, col. 772 : « Adeo nec humanae honestatis corpus 
fuit, nedum cœlestis claritatis. » Saint Augustin tient le 
même langage, Enarr. in Ps. mu, 16, t. xxxvi, col. 489 : 
« Ut homo non habebat speciem neque decorem... Ideo 
formam illam deformem carnis ostendens, etc. » 

Cependant, en Egypte même, on avait commencé de 
bonne heure à réagir contre cette opinion. Origène réfute 
Celse, Cont. Cels., vi, 75-77. t. xi, col. 1413-1416, en 
s'appuyant sur le Psaume xliv, 4-5 et sur le miracle de 
la Transfiguration. Matth., xvn, 2. A partir du IV e siècle, 
la croyance que Notre-Seigneur avait été « le plus beau 
des enfants des hommes » devint prédominante. c< Le 
seul aspect du Christ était rempli d'une grâce admirable, 
dit saint Jean Chrysostome, In Matth., Hom. xxvn, 2, 
t. lvii, col. 346; c'est ce que le prophète indique par ces 
paroles : Il était le plus beau des enfants des hommes. » 
Saint Jérôme dit à son tour : « Le Christ avait un regard 
qui lançait des rayons de feu et de lumière céleste, et 
la majesté divine brillait sur son front : Igneum quiddam 
atque sidereum radiabat ex oculis ejus, et Divinitatis 
majeslas lucebat in facie. » In Matth., xxi, 15, t. xxvi, 
col. 152. « Plus fort que l'aimant, il attirait tout à lui, » 
écrit le même saint docteur à un de ses correspondants. 
Epist., Lxv, 8, ad Princip., t. xxil, col. 627. « A l'exté- 
rieur, dit saint Bernard, le Christ était le plus beau 
des enfants des hommes. » Serai. // inDom. i post Oct. 
Epiph., 1, t. clxxxih, col. 157. « Selon le corps, dit 
saint Thomas, III, q. xlvi, art. 6; q. liv, art. 1, ad3 um , le 
Christ avait une complexion parfaite,... rien de désor- 
donné et de difforme n'était dans son corps : Secundum 
corpus, Christus erat optiine complexionatus... Nihil 
inordinatum et déforme fuerat in corpore Christi. » 

Il se forma ainsi peu à peu un type de Notre-Seigneur, 
qui finit par être accepté au moyen âge sans contestation. 



A vrai dire, il n'avait pour fondement aucun document 
authentique. Le langage de saint Irénée, Adv. hier., I, 
xxv, 6, t. vu, col. 685, et de saint Épiphane, Hser., 
xxvn, 6, t. xli, col. 373, lorsqu'ils parlent des Carpocra- 
tiens qui vénéraient un portrait de Jésus-Christ avec 
celui de divers grands hommes, montre que ces Pères 
ne connaissaient aucun témoignage formel et authen- 
tique sur la personne physique de Notre-Seigneur. Cf. 
aussi Eusèbe de Césarée, dans sa lettre à Constance 
(dans Labbe, Acta Concilii Nicasni II, ann. 787, art. vi, 
p. 494) et saint Augustin, De hœr., 7, t. xlh, col. 27. 
L'évêque d'Hippone dit, De Trinit., vin, 7, t. xm, col. 
951-952, qu'on ignore quelle était la figure {faciès carnis) 
du Sauveur. On peut dire : forte talem habebat faciem, 
forte non talem, en d'autres termes, on ne peut faire 
que des hypothèses. 

Toutefois malgré l'absence de documents, la pieuse cu- 
riosité des fidèles voulait avoir un portrait du Sauveur j 
il fut peint de bonne heure par des peintres religieux. 
De son côté l'imagination populaire ne resta pas inac- 
tive: elle se donna libre carrière, elle se fit peu à peu, 
un type idéal, qui après avoir passé de bouche en bou- 
che, fut consigné par écrit. Saint Jean Damascène (vers 
676-760) nous a laissé un portrait graphique dé Notre- 
Seigneur. Epist. ad Théoph. imp., 3, t. xcv, col. 349. 
L'auteur du Livre des peintres (du mont Athos) le reprit 
au XI e siècle. Kraus, Real-Encyklopâdie, t. Il, p. 15. 
Au XIV e , un historien grec, Nicéphore Calliste, Hist. 
eccl., i, 40, t. cxlv, col. 748, le développa, en s'appuyant 
sur la tradition populaire : « comme nous l'avons appris 
des anciens, » dit-il, col. 748. Tous ces premiers por- 
traits sont écrits en grec. Un latin voulut, à son tour, 
faire aussi connaître la figure du Sauveur à ceux qui 
parlaient sa langue et la décrivit dans la lettre qui o-st 
connue sous le nom d'Epistola Lentuli. 

III. La lettre de Lentulus est une composition 
apocryphe. — Le caractère apocryphe de cette lettre est 
indubitable. Les copistes ne savent trop quel titre donner 
à son auteur prétendu; ce titre varie dans la plupart des 
manuscrits qu'on en connaît; les uns l'appellent proconsul, 
d'autres gouverneur ou presses Hierosolymitanorum, etc. 
Leur embarras provient de ce qu'il n'y a jamais eu à 
Jérusalem ni en Judée de gouverneur du nom de Len- 
tulus. Il existait un presses ou un proconsul Syrise, 
et un procurator Judsese, mais on ne connut jamais aucun 
prseses Hierosolymitanorum, ni aucun proconsul Judmse. 
Bien plus, aucun procurateur de Judée ne s'est appelé 
Lentulus. Les auteurs classiques nous ont conservé 
le nom de plus de quarante Lentulus ; Cicéron, à lui seul, 
en mentionne dix-huit dans ses écrits. Dans ce nombre, 
quatre seulement ont vécu du temps de Tibère. L'un 
d'eux,^Eneas Lentulus Gaetulicus, fut consul avec Tibère 
en l'an 26, d'après Tacite, Ann., iv, 46, et,en 34, il com- 
manda les légions romaines dans la haute Germanie. Il 
pourait avoir été en Judée entre l'an 26 et 33, d'après 
Suétone, Caligula, 8, et Pline, Epist., v, 3, mais rien ne 
le prouve, et il n'a pas été, en tout cas, procurateur de 
Judée, et il ne s'appelait pas Publius, mais Enée. D'ail- 
leurs, un Romain n'aurait jamais pu employer plusieurs 
des expressions qu'on lit dans la lettre : propheta veri- 
tatis, filii honiinum; ce sont là des hébraïsmes et le 
dernier est emprunté au Ps. xliv, 3. La dénomina- 
tion de Jésus Christus trahit aussi une époque posté- 
rieure et est empruntée au Nouveau Testament. Enfin, 
sans relever d'autres détails, notons que, si elle avait été 
écrite par un procurateur de Judée, elle aurait été 
adressée, non au Sénat, mais à l'empereur, parce que 
la Syrie, dont faisait partie la Judée, était une province 
impériale, et non une province sénatoriale. « Il suffit de 
la lire, dit dom Ceillier, Histoire des auteurs ecclésiasti- 
ques, 1. 1, p. 498, pour être persuadé de sa supposition. » 

IV. Date. — Aucun ancien écrivain ecclésiastique n'a 
parlé de la lettre de Lentulus, quoiqu'ils aient si souvent 



m 



LENTULUS — LEOPARD 



172 



cité les autres écrits apocryphes connus de leur 
temps. On la trouve, comme nous l'avons dit plus haut, 
dans la Vita Jesu Christi de Ludolphe le Chartreux et 
dans l'Introduction aux œuvres de saint Anselme de Can- 
tarbéry (1033-1109), où elle est accompagnée d'un portrait 
graphique de la Sainte Vierge. Cette introduction comme 
la. Vita Jesu Christi sont du xv« siècle. La lettre de Len- 
tulus y a été jointe, mais elle n'y pas été mise par saint 
Anselme, et elle n'est pas l'œuvre de Ludolphe. Laurent 
Valla (1406-1457) est le premier écrivain connu qui ait 
fait mention de cette pièce, en la déclarant apocryphe, 
dans sa célèbre dissertation De falso crédita et emen- 
tita Constantini donatione declarnatio, composée vers 
1440. "Voir ses Opéra, in-f», Bâle, 1540, p. 786. Le ma- 
nuscrit d'Iéna qui contient VEpistola Lentuli porte à la 
fin ces mots : « Explicit Epistola Jacobi de Columpna, 
anno Domini 1421 reperit eam in annalibus Romae, in 
libre antiquissimo in Capitolio ex dono Patriarchae 
Gànstantinopolitani. » Si l'on peut s'en rapporter à cette 
note, la lettre aurait donc été envoyée de Constantinople 
au xv e siècle, comme présent à la cour romaine et un 
Jacques Colonna, de l'illustre famille de ce nom, l'au- 
rait trouvée en 1421 au Capitole et insérée dans les An- 
nales de Rome. Mais le patriarche de Constantinople 
n'avait pu envoyer en Italie que des manuscrits grecs 
et'le premier auteur de VEpistola Lentuli dut s'en servir 
nour la composer. Sa parenté avec le portrait tracé par 
Nicéphore est incontestable : l'un et l'autre, ont puisé à 
dès sources communes. D'après E. von Dobschiitz, 
Christusbilder, p. 330**, elle est probablement pour le 
fond d'origine grecque, mais elle a été rédigée en latin, 
en Occident, au XIII e ou au xiv» siècle ; elle a reçu de 
quelque humaniste du xv e ou du xvie siècle la forme 
nouvelle sous laquelle elle s'est répandue partout dans 
l'Église latine. Quant au type décrit, Wilhelm Grimm 
constate sa conformité, pour tous les points essentiels, 
avec le portrait Nie Notre-Seigneur, qui porte le nom 
d'Abgar (voir Abgar, t. i, col. 31), et qu'il reproduit en 
oouleur tel qu'il est conservé au Vatican. Christusbilder, 
dans- ses Kleinere Schriften, édit. G. Hinrichs, 8 in-8», 
Giitersloh, 1881-1890, t. m, p. 171, 183, et dans les 
Abhandlungen der Akademie zu Jierlin, Plril., 1842, 
pi. et p. 150, 161. Ce portrait est aussi reproduit en cou- 
leur dans L. Glùckselig, Studien ûber Jésus Christus. 
Voir Jésus-Christ, fîg. 264, t. m, col. 1423. — Frédéric 
Mlinler, Die Sinnbilder und Kunstvorstellungen der 
alten Ckristen, in-4», Altona, 1825, p. 9, fait remonter à 
torti VEpistola Lentuli jusque vers l'époque de Diocté- 
tien. « Telle que nous la possédons enjatin, dit F. X. 
Kraus, Real-Encyklopàdie der christlichen Alterthû- 
mer, t. n, 1886, p. 16,... elle ne peut être considérée que 
oomme un écho des siècles précédents. Je puis affirmer 
quelle est certainement traduite du grec, comme pa- 
raissent le démontrer aussi les diverses recensions, et 
qu'elle remonte à la même source où ont puisé saint 
Jean Damascène, le Livre des peintres (du mont Athos) 
et' Nicéphore Calliste : l'accord, malgré certaines diver- 
gences, est, en plusieurs endroits, littéral. » Portraits 
points et portraits écrits ont ainsi une commune origine : 
ils-ne nous font pas connaître d'une manière authentique 
le Sauveur tel qu'il a été, mais ils nous le montrent 
tel 1 que se l'est représenté la piété des fidèles. 

V. Bibliographie. — Michel Neander, Apocrypha, 
BMë, 1567, p. 410; J. J. Grynaeus, Monumenta S. Palruni 
orthodoxographa , in-f» , Bâle , 1569 ; Jor . Reiskius , 
Exercitationes historicmdeimaginibusJesu Christian, 
ih-4» 3 Iéna, 1685; Christophe Mylius, Memorabilia bi- 
biiothecœ académies Ienensis, in-8°, Iéna, 1746, p. 301 ; 
J. Aîlb. Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, 
2>édi, Hambourg, 2 in-8», 1719, t, i, p. 39i*-3Q2*; Fran- 
çois' Vavasseur, S. J., Déforma Chrhti dum viveret in 
terris, in-8», Paris, 1648; Rostock, 1666, et dans ses 
Opéra omnia. in-f», Amsterdam, 1709, p. 317-341 (ne 



parle pas de la lettre de Lentulus) ;N. Rigault, De pulchri- 
tudine corporis D. N. Jesu, Christi, à la fin de son 
édition des Opéra S. Cypriani, in-f», Paris, 1649, 
p. 235-246; Pierre Pijart, De singulari Christi Jesu 
D. N. Salvatoris pulchritudine, assertio, in-12, Paris, 
1651 ; J.-B. Carpzov, Programma : de oris et corporis 
Jesu Christi forma Pseudolentuli, Joannis Damasceni 
ac Nicephori prosopographise, in-4°, Helmstadt, 1774; 
J.' Ph. Gabier, In aulhentiam epistolœ Publii Lentuli, 
ad Senatum romanum de Jesu Christo scriptse, deux 
programmes de 1819 et 1822; (G. Peignot,) Recherches 
historiques sur la personne de Jésus-Christ, sur celle de 
Marie, in-8", Dijon, 1829, p. 11-32 (il reproduit, p. 96- 
130, avec quelques additions, la Dissertation de dom 
Calmet sur la beauté de Jésus-Christ) (Bibliothèque 
Nationale, Réserve, H 2068 A); Grimouard de Saint- 
Laurent, Guide de l'art chrétien, t. n, Paris, 1873, 
p. 205-289; H. Detzel, Christliche Ikonographie, 2 in-8°, 
Fribourg-en-Brisgau, 1894-1896, t. i, p. 76; Didron, 
Iconographie chrétienne, Histoire de Dieu, in-4°, Paris, 
1843, p. 251 (déclare avec raison la lettre de Lentulus 
apocryphe, mais la tait remonter à tort aux « premiers 
temps de l'Église »); W. K. Grimm, Die Sage von 
Ursprung der Christusbilder, Berlin, 1843, et dans les 
Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften zu 
Berlin, Philolog., 1842, p. 160-161 ; Legis Glùckselig, Stu- 
dien ûber Jésus Christus und sein wahres Ebenbild, 
in-4», Prague, 1863, p. 82^91; Ad. Harnack, Lentulus, 
dans Herzog, Real-Encyklopâdie ; 2 e édit., t. vm, 1881, 
p. 548; F. X. Kraus, Real-Encyklopâdie des christ- 
lichen Alterthùmer, 2 in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1882- 
1886, t. il, p. 16; E. von Dobschûtz, Christusbilder 
(Texte und Vntersuchungen, t. xvm), Leipzig, 1899, 
Beilagen, p. 308**-329*\ F. Vigodroux, 

LÉOPARD (hébreu : ndmêr, le nimru assyrien et 
le nim'r des Arabes; chaldéen : nemar; Septante : 
TOcpSaX'.; ; Vulgate : pardus), carnassier du genre Chat, 
long de 1 mètre à l m 50, haut de m 60 à 0°>80, et pourvu 
d'un long pelage jaune sur le dos, blanc sur le ventre, 
avec des taches noires groupées circulairement en 




Felis Leopardus. 



forme de roses sur tout le corps. C'est le Felis leo- 
pardus ou Leopardus varius des naturalistes (fîg. 48). 
On l'a souvent confondu, surtout dans l'antiquité, avec 
la panthère, Pardalis, qui a beaucoup de ressemblance 
avec le léopard, mais s'en distingue par une taille en 
général moins grande,- des taches plus larges et moins 
rapprochées et quelques détails anatomiques.'Au même 
genre appartiennent d'autres carnassiers qui diffèrent 
peu des précédents : le guépard, felis jubata, ou tigre 
des chasseurs, le chetah des Arabes, plus élancé que la 



473 



LÉOPARD 



m 



panthère, avec une tête plus petite et la peau d'un blanc 
jaunâtre parsemée de taches noires et rondes ; le lynx, 
l'élis lynx, qui- n'a que m 75 de long, porte un pelage 
d'un roux clair avec des mouchetures noires, et a un 
naturel très féroce, et l'once, Felis uncia, qui a la queue 
plus longue que celle de la panthère et le pelage blan- 
châtre avec de grandes taches noires irrégulières. — 
Les léopards, ou les carnassiers similaires, ont été jadis 
abondants en Palestine. Tristram, The natural History 
of the Bible, Londres, 1889, p. 113, pense qu'ils ont 
donné leur nom à Bethnemra, Num., xxxn, 3, 36, voir 
Bethnemra, 1. 1, col. 1697, qui voudrait dire « maison 
des léopards », appelée aujourd'hui Tell Nimrîm, sur le 
passage du torrent de Nimrim ou des Léopards, qui se 
jette dans le Jourdain, sur la rive gauche, à douze kilo- 
mètres de la mer Morte. Voir la carte de Gad, col. 28. 
De tait, les léopards sont encore nombreux aujourd'hui 
dans les forêts de Galaad, d'où ils font de grands ravages 
parmi les troupeaux. On peut constater leurs traces 
autour de la mer Morte, sur le Carmel et le Thabor, 




Nègres du haut Nil couverts de peaux de léopards. 
Thèbes, XVIf dynastie. 
D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. III, pi. 117. 

bien qu'ils soient rares en Galilée. On en rencontre sou- 
vent dans les épais fourrés qui remplissent les ravins 
aboutissant à la mer Morte, comme dans d'autres 
endroits pourvus d'eau vive et claire, dont ces animaux 
ne peuvent se passer. Cf. de Saulcy, Voyage autour de 
la mer Morte, Paris, 1853, t. H, p. 148. D'ordinaire, ils 
fuient l'homme, mais lui deviennent très redoutables 
quand ils sont blessés ou excités par un long jeûne. 
C'est surtout la nuit qu'ils sortent de leurs repaires 
pour se jeter sur les troupeaux et étrangler sur place 
un grand nombre de bêtes, n'en prenant qu'une en- 
suite pour la dévorer à l'écart. Aussi est-on obligé d'en- 
fermer les troupeaux dans des enceintes formées de 
iranchages épineux, pour les protéger contre les léo- 
pards. Les Bédouins ont un grand nombre de peaux 
de ces fauves, dont ils font des tapis ou dont ils parent 
leurs selles. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 
1884, p. 440. Le guépard ou chetah, moins terrible que 
le léopard, se voit quelquefois aux environs du Thabor 
■et dans les montagnes de Galilée ; il est plus abondant 
«n Galaad. Le l;nx, principalement le lynx caracal, se 
trouve aussi en Palestine, mais assez rarement. Tris- 
tram, The natural History, p. 111-114; Wood, Bible 
animais, Londres, 1884, p. 29-36. — La Sainte Écriture 
parle plusieurs fois du léopard en faisant allusion à ses 
différents caractères. Le Cantique des cantiques, îv, 8, 
appelle « montagnes des léopards » le Sanir et l'Her- 
mon, où ces animaux habitaient comme dans les mon- 



tagnes de Galilée. Le léopard joint la ruse à la force 
pour attaquer sa proie. Il se cache ordinairement dans 
les broussailles épaisses, d'où il épie les autres animaux 
au passage, surtout quand ils vont pour s'abreuver. Dès 
qu'il aperçoit sa proie, bœuf, mouton, chèvre ou autre 
quadrupède de cette espèce, il rampe vers elle avec les 
ondulations du serpent, et, parvenu à sa portée, il foud 
sur elle par un bond formidable, la terrasse et l'emporte 
à l'écart pour la dévorer. Le Seigneur dit à propos des 
Israélites qui l'ont oublié, après s'être « rassasiés dans 
leurs pâturages » : « Comme un léopard, je les épierai 
sur la route. » Ose., xm, 7. Jérémie, v, 6, dit des Juifs 
prévaricateurs : « Le léopard est aux aguets devant leurs 
villes, tous ceux qui en sortiront seront déchirés. » Le 
léopard est ici le Chaldéen qui va venir. « Ses chevaux 
sont plus rapides que les léopards, » Hab., I, 8, ils 
arrivent par bonds formidables et seront en Judée avant 




50. — Prêtre égyptien couvert d'une peau de léopard. 
D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. III, pi. 232. 

qu'on s'aperçoive de leur approche. Les médisants qui 
dévorent les autres avec leur langue seront à leur tour 
dévorés comme par un léopard. Eccli., xxvm, 27. Aussi 
pour qu'on voie un léopard couché inoffensif auprès 
d'un chevreau, Is., xr, 6, faudrait-il un changement tel, 
que le règne du Messie pourra seul en produire un 
semblable. Daniel, vu, 6, dans une de ses visions, dé- 
crit sous la figure du léopard l'empire gréco-macédonien 
d'Alexandre. Voir Daniel, t. h, col. 1273-1274. Saint 
Jean compare aussi à un léopard la bête qu'il voit mon- 
ter de la mer, Apoc, xiu, 2, et qui, selon quelques 
auteurs, représenterait l'Antéchrist. Voir Antéchrist, 
t. i, col. 658. Enfin Jérémie, xm, 23, pour stigmatiser 
les mauvaises habitudes qui étaient devenues, chez ses 
concitoyens, comme une seconde nature, apporte cette 
comparaison : « Un Éthiopien peut-il changer sa peau 
et un léopard ses taches ? » Ce pelage élégant du léopard 
servait de parure chez les anciens. Des nègres du Haut- 
Nil, prisonniers de Ramsès II, sont représentés avec un 
pagne en peau de léopard ou de panthère (fig. 49}. Ro- 
sellini, Monumenti storici, pi. lxxxv. Cf. Wilkinson, 
Manners and Customs, Londres, 1878, t. i, p. 259, n» 13, 
et t. n, fig. 619, col. 2009. La peau de léopard faisait 
partie du costume officiel de certains prêtres ou de per- 



175 



LÉOPARD — LÈPRE 



476 



gonnages accomplissant des rites particuliers (fig. 50). Cf. 
de Rougé, Notice sommaire des monuments de la ga- 
lerie égyptienne, Paris, 1872, p. 36, 38, 39, 44 ; Wilkinson, 
Manners and Customs, 1. 1, p. 181-182; Maspero, Histoire 
des peuples de l'Orient classique, Paris, 1895, 1. 1, p. 53- 
55. Les léopards étaient chassés en Egypte, Wilkinson, 
Manners and Customs, t. n, p. 90, et en Assyrie. Raw- 
'inson, Ancient monarchies, t. i, p. 223. Les Hébreux 
n'étaient pas assez grands chasseurs pour poursuivre de 
pareils animaux, et on ne voit nulle pari qu'ils aient uti- 
lisé les peaux de léopard comme vêtement ou ornement. 

H. Lesètre. 

LÈPRE (hébreu : sârâ'at; Septante : XÉTrpa : Vul- 
gate : lepra), maladie grave causée par la multiplication 
de bacilles spéciaux dans les tissus organiques (fig. 51). 

I. Nature de la lèpre. — 1° Sa cause. — On a 
ignoré jusqu'en ces dernières années la cause détermi- 
nante de la lèpre. C'est seulement en 1873 que le mé- 
decin norvégien Hansen découvrit le microbe de la 
lèpre, le Bacillus leprse, et en 1881 que Neisser, de 
Breslau, trouva le moyen de le reconnaître et de l'étudier. 




Lépreuse de Palestine d'après une photographie. 



Ce bacille a la forme d'un petit bâtonnet, long de trois 
à sept millièmes de millimètre et épais d'un demi- 
millième. Il est assez semblable d'aspect à celui de la 
tuberculose. Il se multiplie étonnamment dans le milieu 
qui lui est favorable. Les bacilles s'agglomèrent entre 
eux de manière à former des amas ou tubercules : ils 
fourmillent alors dans les tissus atteints et dans les 
liquides qui en découlent. Mais c'est seulement par 
exception qu'on les rencontre dans le sang ou dans les 
sécrétions des glandes. Ce microbe est spécial à l'homme ; 
il se montre absolument rebelle à la culture et il n'est 
pas inoculable aux animaux. Il faut même des circon- 
stances particulières pour qu'il puisse être inoculé à 
l'homme naturellement ou artificiellement. 

2° Conditions favorables à sa propagation. — La 
lèpre se rencontre sous tous les climats : elle sévit avec 
autant de violence en Norvège et dans les provinces bal- 
tiques que dans les îles équatoriales. Les pays à climat 
tempéré semblent cependant plus réfraclaires à ce mal 
que les contrées de froid ou de chaleur extrêmes. Le 
climat n'a donc qu'une influence restreinte sur la lèpre. 
L'alimentation en a bien davantage. On a constaté que 



la lèpre est de beaucoup plus fréquente dans tes lies et 
sur les côtes maritimes que dans l'intérieur des conti- 
nents. De sérieux observateurs en ont conclu que si le 
mal éprouve ainsi les populations ichthyophages, c'est 
qu'elles se nourrissent trop souvent de poissons plus 
ou moins en décomposition ou de salaisons avariées. 
On sait, d'autre part, que diverses affections cutanées 
sont fréquemment engendrées par l'usage des poissons, 
des crustacés ou des mollusques. De lait, la lèpre aban- 
donne progressivement les îles Féroë, depuis une 
soixantaine d'années, c'est-à-dire depuis que les insu- 
laires ont renoncé à la pêche et à l'usage de la chair 
de baleine pour se livrer à l'agriculture. Enfin, la mi- 
sère paraît favoriser éminemment la propagation de la 
lèpre, à cause des conséquences qu'elle entraîne : 
malpropreté du corps, des vêlements, des habitations, 
insuffisance ou nature très malsaine de la nourriture, 
défaut absolu d'hygiène, etc. Aucune de ces causes, ce- 
pendant, ne produit la lèpre par elle-même; elles ne 
font que mettre le sujet en état de moindre ou de nulle 
résistance en face du bacille, s'il arrive jusqu'à lui. II 
faut en dire autant de l'hérédité; elle ne transmet pas 
la lèpre, mais seulement les dégénérescences favorables 
au développement de la lèpre. 

3° Ses caractères. — Les lésions de la lèpre n'attei- 
gnent d'abord que deux organes, les nerfs ou la peau. 
De là, deux variétés de lèpre, la lèpre des nerfs, appelée 
antonine ou anesthésique, et la lèpre de la peau, appelée 
léonine, noueuse ou tuberculeuse. Ce ne sont pas là, 
d'ailleurs, deux maladies différentes, mais seulement 
deux manifestations distinctes du même mal, qui sou- 
vent se succèdent et habituellement coexistent. — La 
lèpre tuberculeuse apparaît tout d'abord sous forme de 
taches pâles ou colorées de la peau, bientôt suivies de- 
petites nodosités ou tubercules qui grossissent peu à 
peu et vont jusqu'à atteindre le volume d'une noix. 
Comme c'est surtout sur le visage que se multiplient 
ces tubercules, l'aspect du malade devient hideux par- 
la ressemblance vague de sa face avec celle du lion, 
d'où le nom de « léonine » donné à cette forme de la 
lèpre. En même temps, les doigts se déforment et sont 
bientôt hors d'usage. Le lépreux peut demeurer en cet 
état pendant des années, avec des accès violents mais 
intermittents. A un moment, les tubercules remplis de 
bacilles dégénèrent en ulcères sanieux et fétides, qui 
vont en se multipliant; les yeux sont rongés et se 
vident, les phalanges des doigts se détachent, parfois la 
main ou le pied tombent à leur tour, la bouche et le nez 
sont complètement rongés, le malade se sent consumer 
lentement, jusqu'à ce que les organes essentiels soient 
atteints et que le malheureux périsse soit par suffoca- 
tion, soit par épuisement, soit par l'altération progres- 
sive de son organisme tout entier. — La lèpre nerveuse 
ou anesthésique complique quelquefois la précédente ou 
apparaît seule la première. Elle commence aussi par- 
une tache sur la peau, puis des ampoules se forment et 
crèvent en laissant échapper un liquide répugnant. Des 
troubles graves se produisent dans la sensibilité et la 
motilité et le malade ne sent plus ce qui se passe dan» 
certaines parties de son corps. Par contre, il souffre, 
dans d'autres parties, des douleurs terribles et sans in- 
termittence, qui peuvent durer même des années. Le» 
moindres contacts deviennent alors intolérables. Les 
mêmes phénomènes de destruction organique que dans 
la lèpre tuberculeuse se succèdent progressivement. Le 
malade ne peut plus se servir de ses membres, même 
pour porter ses aliments à sa bouche. De vastes ulcères 
les dénudent jusqu'aux os. En proie à une soif inextin- 
guible, le lépreux tombe dans un marasme épouvantable 
et, devenu indifférent à tout, il passé ses jours assis ou 
couché, sans un mouvement, sans uné~ plainte, atten- 
dant la fin de son interminable agonie. Souvent, heu- 
reusement pour lui, l'épuisement, l'ulcération des voies- 



177 



LEPRE 



178 



respiratoires ou des complications provenant d'autres 
maladies amènent la mort. Il est même assez fréquent 
que le lépreux meure d'une autre maladie que la lèpre. 
Il faut six ans, huit ans et même dix ans à la lèpre tuber- 
culeuse, qui est la plus grave, pour tuer d'elle-même le 
malade. La lèpre anesthésique subit parfois de longs 
arrêts, qu'on pourrait prendre pour la guérison ; mais c'est 
pour reparaître presque infailliblement plus ou moins 
longtemps après. La rechute peut ne se produire qu'au 
bout de vingt ou trente ans et même plus. Ces longs 
arrêts ne présentent nullement des périodes d'incubation 
réelle, mais seulement des états de microbisme latent, 
dans lesquels le bacille attend que les conditions favo- 
rables à son développement viennent à se reproduire. 
4° Sa contagiosité. — De toute antiquité, la lèpre a été 
regardée comme contagieuse. Une maladie aussi essen- 
tiellement microbienne doit avoir, en effet, une facilité 
extrême à se propager. Sa contagiosité est cependant 
loin d'être aussi terrible qu'on pourrait l'imaginer. Les 
inoculations elles-mêmes ne réussissent pas toujours 
sur l'homme. C'est pourquoi beaucoup de médecins de 
haute autorité ne regardent plus la lèpre comme conta- 
gieuse. On cite un bon nombre de faits à l'appui de 
cette manière de voir. Dans certains mariages, le con- 
joint non lépreux reste sain, malgré une longue coha- 
bitation. Souvent, en dépit d'une promiscuité conti- 
nuelle, les parents ou les amis du malade demeurent 
indemnes. On le constate au Japon, où les lépreux vont 
et viennent en toute liberté, au milieu de la population. 
A Paris, on n'isole pas les lépreux dans les hôpitaux, et 
aucune contagion n'en résulte. D'autre part, les exemples 
de contagion sont indéniables. Ceux qui soignent les 
lépreux n'échappent pas toujours à leur mal; tel le 
Père Damien, à Molokaï. En 1831, dans la Guyane an- 
glaise, 431 lépreux nègres furent séquestrés sur un 
territoire occupé par des tribus indiennes. Celles-ci 
quittèrent la région, à l'exception des Warrows qui, 
restés en contact fréquent avec les lépreux, furent in- 
fectés à leur tour. Il paraît bien enfin que c'est par 
contagion que la lèpre s'est répandue à travers le 
monde, tandis que, quand on procède par la méthode 
d'isolement, la maladie finit par disparaître. Les pays 
d'Europe qui ont appliqué cette méthode avec le plus 
de rigueur et de suite sont aujourd'hui à peu près 
débarrassés du mal. En Norvège, où l'isolement n'est 
imposé que depuis 1885, la lèpre diminue, tandis qu'au- 
paravant elle se maintenait avec intensité. Ces faits, et 
beaucoup d'autres que citent les auteurs qui ont écrit 
sur la lèpre, paraissent contradictoires. Ils s'expliquent 
cependant. Dans les pays où la lèpre est combattue 
depuis longtemps et où le bacille a perdu de sa viru- 
lence, la contagion est presque nulle; elle est active, 
au contraire, dans les pays où la lèpre est endémique 
et peu efficacement combattue. Les conclusions sui- 
vantes s'imposent aujourd'hui : « La léprose ne sau- 
rait avoir plusieurs origines, puisqu'elle est exclusive- 
ment humaine... Elle est caractérisée par un élément 
pathogène, le bacille de Hansen ; or ce bacille ne peut 
s'éveiller spontanément, puisque les générations spon- 
tanées n'existent pas; c'est donc chez le lépreux, et 
uniquement chez le lépreux, qu'est la source de la 
maladie. Donc, la léprofe visnt toujours du lépreux, 
directement ou non. La k'prose a ravagé le monde en- 
tier; elle frappe encore de nos jours des centaines de 
mille de victimes; donc, elle se répand, elle se pro- 
page. » Dom Sauton, La léprose, Paris, 1901, p. 131- 
132. La contamination se produit très probablement 
par les muqueuses nasales et par les plaies acciden- 
telles des téguments, ce qui fait que les peuplades qui 
marchent pieds nus sont plus exposées à recueillir les 
bacilles par les blessures qui entament fréquemment 
l'épiderme et le derme de ces membres. Les follicules 
pileux servent aussi de porte d'entrée aux microbes; 



mais c'est surtout par les vaisseaux sanguins et lympha- 
tiques qu'ils s'introduisent dans l'organisme. Leur 
développement dépend de leur virulence et surtout de 
l'état de réceptivité du sujet atteint. Il y a tout lieu d& 
croire qu'ils agissent alors par leurs toxines, c'est-à-dire 
par les substances qu'ils sécrètent, et non par leur 
simple présence dans les téguments ou les viscères. 
Les bacilles peuvent être très nombreux, mais morts 
ou inertes; ils ne sont nuisibles que quand leur viru- 
lence commence à s'exercer ou qu'elle retrouve son 
activité après l'avoir perdue. 

5° Ses remèdes. — La lèpre a été jusqu'aujourd'hui 
considérée comme incurable. Le malade qui en est atteint 




52. — Visage et main du lépreux Petre J. Badea, berger âgé 
23 ans. D'après V. Bâties, Die Lepra, in-8% Vienne, 1901 , pi. 4 et 5. 

s'affaiblit peu à peu_et meurt fatalement de consomption. 
On a essayé toutes les médications, la cautérisation ou 
l'ablation chirurgicale des parties contaminées, l'inocu- 
lalion de virus divers, même de venins de serpents, soit 
pour enrayer le développement de la lèpre, soit pour lui 
substituer un autre mal moins rebelle aux efforts de la 
médecine. Ces diverses médications ont parfois exercé- 
une influence heureuse, mais éphémère, sans qu'on soit 
en droit d'affirmer qu'il y avait connexion entre l'action 
du remède et l'amélioration constatée. Le remède effi- 
cace ne viendra probablement que quand on aura trouvé 
l'agent destructeur du Bacillus leprse. Malheureusement^ 
jusqu'à ce jour, ce microbe n'a jamais pu être cultivé 



179 



LÈPRE 



180 



avec succès, ni dans des organismes vivants, ni dans 
les substances qui conviennent le mieux à la multiplica- 
tion et au traitement des autres microbes. — Si la mé- 
decine ne peut guérir lalèpre,» il est un fait d'expérience, 
c'est que souvent un climat sain, une alimentation choi- 
sie et la propreté semblent suffire pour produire des 
rémissions de deux, cinq, dix, quinze, vingt années, 
équivalant à une guérison. » Dom Sauton, La léprose, 
p. 445. Ces sortes de guérisons spontanées ont été cons- 
tatées 'de temps en temps, même dans les pires condi- 
tions hygiéniques. On a trouvé récemment, dans l'infecte 
léproserie de Siloàm, près de Jérusalem, plusieurs mal- 
heureux chez lesquels la lèpre était arrêtée depuis 
quinze et vingt ans, et qu'on aurait pu rendre à la vie 
ordinaire sans aucun inconvénient. Quand la maladie 
arrive à cet état neutre, le lépreux ne garde plus que les 
cicatrices de ses plaies antérieures, comme du reste 
garde les siennes celui qui a eu à subir des blessures ou 
des brûlures. Si le lépreux meurt pendant cette période 
d'inaction microbienne, on peut croire qu'il a été radi- 
calement guéri de sa lèpre. Il n'en était rien cependant; 
les bacilles pouvaient toujours reprendre leur virulence 
à un moment donné. 

6° Sa propagation dans le monde. — C'est dans le 
Pentateuque que se trouve la mention la plus ancienne 
et la plus détaillée de la lèpre. L'Egypte paraît avoir été 
le berceau de ce mal, Lucrèce, De nat. rerum, vi, 11-12, 
en attribue l'origine à l'action du Nil. Les Hébreux 
emportèrent avec eux la lèpre à leur sortie d'Egypte. Un 
roman égyptien, qu'enregistre Manéthon, Eistoric. 
Grsec. fragm., édit. Didot, t. Il, p. 578-581, fait des 
Hébreux un ramassis de lépreux que les Égyptiens 
auraient chassés des bords du Nil. Cf. Justin, xxxvi, 2; 
Tacite, Hist., v, 3 ; Maspero, Histoire ancienne des peu- 
ple» de l'Orient classique, Paris, t. H, 1897, p. 449-450. 
Josèphe, Cont. Apion., i, 26, s'élève avec raison contre 
cette allégation. Les Hébreux n'avaient pas la lèpre avant 
de venir en Egypte, car il n'en est nullement question 
dans l'histoire des patriarches; mais c'est en ce pays 
qu'ils furent contaminés au contact des indigènes. Les 
anciens auteurs signalent également l'Inde comme l'un des 
foyers de la lèpre. Ctésias, Persic, 41; Hérodien, I, 1,38. 
Mais là encore elle était probablement un legs des Egyp- 
tiens. Les Phéniciens furent contaminés à la même source 
que les Hébreux: ils semèrent le mal dans les pays avec 
lesquels ils avaient de fréquents rapports commerciaux. 
Les Syriens le gagnèrent rapidement, au contact direct 
des Égyptiens, des Hébreux ou des Phéniciens. La lèpre 
sévit chez les Israélites pendant tout le cours de leur 
histoire. La dispersion des Juifs, les campagnes des 
Grecs et des Romains en Asie favorisèrent sa propaga- 
tiou en Occident. La conquête arabe et ensuite les croi- 
sades contribuèrent à raviver le mal dans nos pays. Cf. 
G. Kurth, La lèpre en Occident avant les croisades, dans 
le Congres scient, internat, des catholiques, Sciences 
historiques, Paris, 1891, p. 125-147. Il n'a cédé depuis 
lors qu'aux précautions prises pour l'isolement des lé- 
preux. En Orient, les lépreux sont encore assez nom- 
breux aujourd'hui. A Jérusalem, ils ont une maison de 
refuge dans laquelle, en 1888, ils étaient près d'une cin- 
quantaine, vivant du pain et de l'eau que leur fournit 
le gouvernement et des aumônes que leur accordent les 
passants. Cf. E. Le Camus, Notre voyage aux pays bi- 
bliques, Paris, 1890, t. i, p. 375-376. La léproserie turque 
est située à Siloam. Il y en a encore deux autres à Ram- 
lèh et à Naplouse. Le séjour des autres villes et villages 
est interdit aux lépreux. On a remarqué que ces mal- 
heureux sont tous des paysans, venant de la campagne, 
et que les habitants des villes de Palestine, malgré les 
déplorables conditions hygiéniques dans lesquelles ils 
vivent, ne sont jamais atteints par le terrible mal. Lor- 
tet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 305; cf. dom 
Sauton, La léprose, p. 64-G6. 



7° Les maladies similaires. — On a longtemps con- 
fondu avec la lèpre un certain nombre d'affections cuta- 
nées, telles que scrofules, dartres, ulcères de diverge 
nature et d'autres maladies qui sont le fruit de l'incon- 
duite et dont les stigmates ressemblent parfois extrême- 
ment aux pires manifestations de la lèpre. On a rangé 
parmi les espèces de la lèpre l'éléphantiasis, dont les 
effets sont analogues. Voir Éléphantiasis, t. n, col. 
1662; Pline, H. N., xxvi, 5; C. Celse, De re medic.,m, 
25; Arétée, Morb. diut., h, 13. Les Grecs appelaient 
éléphantiasis la lèpre elle-même. Sous le nom de dar- 
tres, on a aussi désigné différentes maladies de peau 
que produisent les causes les plus diverses, ingestion de 
substances acres, suppression brusque de certaines éva- 
cuations, débilité générale, action des parasites, héré- 
dité, contagion, etc. Parmi ces maladies qui emprun- 
tent des caractères extérieurs à la lèpre, il faut signaler 
l'eczéma, maladie éruptive assez voisine de l'impétigo, 
voir Impétigo, col. 844; l'érysipèle, mal épidémique, 
dû à l'action de micro-organismes végétaux et produi- 
sant sur la peau des taches rouges à rebords saillants; 
l'exanthème, se manifestant par des accidents superfi- 
ciels, taches, éruptions ou ulcérations ; là gale, voir Gale, 
col. 82; la gourme ou maladie cutanée de l'enfance; le 
pityriasis, la lèpre des Grecs, que caractérisent des 
sécrétions abondantes de l'épiderme; le psoriasis, dans 
lequel se forment sur quelques parties du corps, spé- 
cialement aux articulations, des squames d'un blanc 
nacré qui se détachent; la rougeole, qui s'annonce à 
l'extérieur par des taches rouges de forme et de dimen- 
sions variées; la scarlatine, caractérisée par de larges 
plaques d'un rouge écarlate sur presque toute la surface 
du corps; la teigne, voir Teigne. La syphilis surtout 
et les maladies du même ordre ont été confondues avec 
la lèpre chez tous les anciens et jusqu'au XVI e siècle. 
La syphilis est une maladie cutanée contagieuse, qui 
doit son origine à l'inconduite. — Sur la lèpre, voir 
F. Pruner, DieKrankheitendes Orients, ih-8°, Erlangen, 
1847, p. 163 ; Trusen, Die Sitten, Gebrâuche und 
Krankheiten der alten Hebrâer, 2 e édit., Breslau, 1833; 
H. Leloir, Traité pratique et théorique de la lèpre, Pa- 
ris, 1886; Zambacopacha, État de nos connaissance, 
actuelles sur la lèpre, dans la Semaine médicale, Paris, 
10 juin 1893; M. Lefebvre, La lèpre, dans la Revue des 
questions scientifiques, Bruxelles, avril 1894, p. 437-479; 
Danielsen et Boeck, Traité de la Spédalskhed, Paris, 
1898; A. Dastre, Lèpre, dans la Revue des Deux Mondes, 
Paris, 1" juillet 1901, p. 198-218; D' dom Sauton, La 
léprose, Paris, 1901. 

II. La législation MOSAÏQUE SUR LA LÈPRE. — 1° Dia- 
gnostic de la lèpre. — Le Lévitique, xm, 2-46, indique 
minutieusement les signes auxquels on reconnaît la 
lèpre et les précautions à prendre en conséquence. — 
1. Lèpre en général. Lev., xm, 1-8. L'homme qui aura 
sur le corps une tumeur {sé'êf, o-jXtj aTHJuxciaç Tï)XavyYJç, 
« cicatrice de marque brillante, » diversus color, une 
partie qui n'est pas de même couleur), une dartre (sajm- 
haf.pustula), ou une tache blanche (bahérét, lucens 
quippiam) qui ressemblera à une plaie de lèpre, devra 
se présenter devant Aaron ou l'un de ses fils, par con- 
séquent devant un prêtre de rang supérieur, auquel la 
multiplicité des cas donnera une expérience suffisante. 
Le prêtre examinera la plaie : si le poil de la plaie a 
blanchi et si la peau forme à cet endroit une dépression, 
c'est la lèpre. Si la peau présente une tache blanche 
{bahérét, Xsûxï), lucens candor) sans dépression et sans 
coloration blanche des poils, le malade est mis en obser- 
vation pendant sept jours. Si au bout de ce temps aucune 
modification ne s'est produite, on attend encore sept 
jours. Si alors la plaie est devenue sombre L (kêhâh, 
à[iaupdt, obscurior) et ne s'est pas étendue, ce n'est pas 
la lèpre, mais une dartre (sapahat, arijuxat'a, scabies). 
Le malade n'a qu'à laver ses vêtements. La plaie pour- 



181 



LÈPRE 



182 



tant pourra s'étendre par la suite. Ce phénomène obli- 
gera à un nouvel examen et l'extension de la plaie sera 
un nouveau signe de la lèpre. — 2. Lèpre sous-cutanée. 
Lev., xin, 9-17. Quand on reconnaîtra sur la peau une 
tumeur blanche x se'ê{-lebànâh, oùXj] Xeûxi], color albus), 
avec coloration des poils en blanc et apparence de chair 
vive, c'est une lèpre invétérée. Si au contraire l'éruption 
de couleur blanche couvre tout le corps de la tête aux 
pieds, ce n'est pas la lèpre. Elle ne surviendrait en 
pareil cas que si la chair vive commençait à apparaître à 
travers l'éruption blanche. — 3. Lèpre après ulcère. 
Lev., xiii, 18-23. Quand un ulcère a été guéri et que sur 
la cicatrice apparaît une tumeur blanche ou une tache 
d'un blanc rougeâtre, le prêtre doit l'examiner. Une dé- 
pression de la peau et la coloration en blanc des poils 
indiqueront que la lèpre a envahi l'ulcère. S'il n'y a ni 
dépression ni poils blancs, le malade sera mis en obser- 
vation pendant sept jours. Si au boutde ce temps la tache 
s'est étendue, c'est encore la lèpre ; sinon, c'est simplement 
la cicatrice de l'ulcère.— 4. Lèpreaprès brûlure. Lev., xm, 
24-28. Le prêtre doit procéder exactement de même quand 
il y a eu une brûlure suivie de cicatrice. L'ulcère et la 
brûlure, en mettant la chair à nu, facilitaient l'inoculation 
de la lèpre, dans un pays où elle était endémique; aussi 
fallait-il surveiller de près les cicatrices de ces plaies. — 
5. Lèpre du cuir chevelu. Lev., xm, 29-37. Celui qui a 
une plaie à la tête, sous les cheveux ou sous la barbe, 
doit aussi être examiné. S'il y a dépression et poils jau- 
nâtres et minces, c'est la teigne (né(éq, 9p«0<j|i.a, inocula) 
appelée lèpre de la tête ou de la barbe. Quand il n'y a 
ni dépression de la peau ni décoloration des poils, le 
malade est mis en observation durant sept jours. S'il n'y 
a pas de modification apparente, le malade se rase au 
bout des sept jours, sans cependant toucher à la place 
atteinte de la teigne. Au bout de sept autres jours, on 
l'examine encore. Si la teigne ne s'est pas étendue sur 
la peau, le malade n'a qu'à laver ses vêtements et n'est 
pas impur. Si au contraire la teigne s'est étendue, cela 
sutfit pour que l'impureté soit déclarée. Il s'agit ici de 
la teigne, maladie très distincte de la lèpre, puisque 
cette dernière respecte le cuir chevelu. Cf. domSauton, 
La lêprose, p. 364. — 6. Fausse apparence de lèpre. Lev., 
xm, 38, 39. Les taches blanches (béhârôt lebânâf, «ùfi<j- 
(tata aÙYâÇovta Xsuxav6îÇ<mix, « éclats brillants blanchâ- 
tres, » candor) sur le corps, quand elles deviennent 
d'un blanc sombre (kêhôf lebânôf, subobscurus albor), 
indiquent une affection qui n'est pas la lèpre (bohaq, 
àXtpôç, macula). — 7. Lèpre des chauves. Lev.,xm, 40-43. 
Quand un chauve a sur la tête une plaie d'un blanc 
rougeâtre, comportant une tumeur (ie'êl) d'un blanc 
rougeâtre semblable à celles que la lèpre produit sur le 
corps, ce chauve est un lépreux. — 8. Évolution des 
signes de la lèpre. On voit que l'auteur sacré distingue 
différents degrés dans le développement des signes de la 
lèpre ou des maladies similaires : tout d'abord apparaît 
la tache ou tumeur blanche, qui par elle-même n'est 
pas caractéristique de la lèpre ; puis la tache évolue tan- 
tôt vers le blanc sombre, et alors ce n'est pas la lèpre, 
tantôt vers le blanc transparent, laissant voir la chair 
vive, et prenant en conséquence une teinte rougeâtre, 
ce qui caractérise la lèpre. Le mot àXtpdi; par lequel les 
Septante désignent le mal appelé bohaq en hébreu, Lev., 
xm, 39, est, dans Hippocrate, Aphorism., 1248, le nom 
d'une dartre blanche et farineuse; le mot Xe-Jxr], Lev., 
xm, 4, 10, est dans les auteurs grecs le nom de la lèpre 
blanche. Hérodote, i, 138 ; Aristote, Générât, animal., v, 
4, etc. Le législateur prescrivait que ces différents 
signes fussent examinés avec grand soin. Dès leur pre- 
mière apparition, celui qui était atteint devait se présen- 
ter au prêtre, sans avoir le droit de diagnostiquer lui- 
même sa maladie; les deux périodes consécutives de 
sept jours permettaient aux signes extérieurs de se dé- 
velopper suffisamment pour être sûrement reconnus, 



et, en cas de retour offensif, le malade avait à se repré- 
senter. — Moïse base le diagnostic de la lèpre sur des 
signes facilement reconnaissables. Les savants d'aujour- 
d'hui rangent aussi parmi les symptômes de la lèpre 
l'apparition de taches qui vont en grandissant, jusqu'à 
dépasser en largeur la paume de la main, et qui ont des 
colorations variées, d'un rouge pâle ou vineux, parfois 
livides ou violacées, puis d'un brun fauve et cuivré et 
d'un gris ardoise ou noir. Toutefois « il est certain que 
Moïse n'a jamais eu l'intention de faire un traité de pa- 
thologie, qu'il a parlé le langage du temps et que, par 
conséquent, il englobait, sous le nom de lèpre, toutes les 
maladies que l'on confondait alors avec elle : la gale, le 
psoriasis, la teigne, la syphilis, etc. D'autre part, l'étude 
attentive du texte mosaïque, les caractères attribués à 
cette maladie, qui s'attaque non seulement à l'homme, 
mais aussi aux animaux, aux vêtements, aux maisons, 
cette étude, dis-je, ne permet pas de croire que Moïse 
parlait uniquement de la léprose, en tant qu'espèce 
nosologique bien déterminée. Il semble même que, le 
plus souvent, la description des symptômes et les pres- 
criptions s'adressent à une maladie telle que la syphilis, 
et il est démontré aujourd'hui que la syphilis existait du 
temps des Hébreux ». Dom Sauton, La léprose, p. 4. 

2» Précautions imposées aux lépreux. — Moïse 
prescrivit aux lépreux l'isolement; c'était le moyen le 
plus simple et le plus efficace pour arrêter la propaga- 
tion du mal. Le lépreux, déclaré impur à la suite de 
l'examen fait par le prêtre, devait se retirer de la société 
de ses semblables. Pour qu'on le reconnût et qu'on pût 
l'éviter, il portait des vêtements déchirés, gardait la tête 
nue, se couvrait la barbe de son mante au et criait aux 
passants : tâmê', tâmê', « impur impur! » Il habitait 
seul, dans un endroit isolé. Lev., xih 1-46; Num., v, 
2-4; xii, 14, 15. Cet isolement avait pour but d'éviter 
tout danger de contagion. Il n'était pas défendu cepen- 
dant aux lépreux d'habiter ensemble pour s'entr'aider. 
Les Juifs pensaient que l'accès des villes enceintes de 
murailles au temps de Josué était seul interdit aux 
lépreux. Dans les derniers temps ceux-ci pouvaient 
même fréquenter les synagogues, à condition d'y entrer 
avant les autres, de s'y asseoir à part et d'en sortir les 
derniers. C. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, 
p. 266; Negaim, xm, 12. Mais ils n'étaient pas admis 
dans Jérusalem. Josèphe, Bell, jud., V, v, 6. — Quand 
un prêtre était atteint de la lèpre, il lui était défendu de 
manger des choses saintes, c'est-à-dire des aliments 
provenant des sacrifices. Lev., xxu, 4. — Dans le Deu- 
téronome, xxiv, 8, il est encore recommandé de bien 
observer toutes les prescriptions relatives à la lèpre et 
de suivre exactement ce que diront les prêtres et les 
lévites. La loi qui commande aux juges de déférer au 
tribunal de Jérusalem les cas embarrasants, range 
parmi ces cas, d'après la Vulgate, la distinction « entre 
lèpre et lèpre ». Deut., xvn, 8. Le texte hébreu dit 
seulement « entre plaie et plaie ». Les plaies, coups, 
blessures, etc.,étaientdu ressort des tribunaux composés 
de lévites et d'anciens, tandis que, seuls, les lévites et 
les prêtres avaient charge d'examiner la lèpre. 

3° Purification du lépreux. — 1. La guérison. — Le 
texte de la loi suppose le lépreux « guéri de la plaie de 
la lèpre », nirpd' néga'-hassâra'at, IStou r| âtpr, t-/|c 
Xéwpaç, lepram esse mundalam. Il est certain d'autre 
part que la lèpre est rebelle à tout remède et ne s'arrête 
que spontanément et pour un temps. La guérison dont 
parle le texte sacré doit donc s'entendre tout d'abord des 
fausses lèpres, c'est-à-dire des dermatoses qu'il n'était 
pas possible aux lévites de distinguer d'avec la lèpre 
proprement dite, et qui guérissaient au bout d'un cer- 
tain temps, soit d'elles-mêmes soit par application de 
remèdes. Il faut ensuite l'entendre de ces arrêts pro- 
longés qui se constatent dans l'activité du mal, et qui 
peuvent durer de longues années. Pendant ces périodes, 



183 



LÈPRE 



184 



le malade ne présente d'autres symptômes lépreux nue 
la défiguration ou la déformation des extrémités, pro- 
duites par des accès antérieurs. Bien que ces arrêts ne 
constituent jamais des guérisons radicales, ils rendent 
le commerce habituel des lépreux absolument inoffensif. 
On comprend donc que le législateur hébreux les ait 
traités pratiquement comme des guérisons. Il constate 
que la plaie (néga'), c'est-à-dire la chair à vif, n'est plus 
visible et qu'une couleur uniforme de la peau a succédé 
à la couleur sanguinolente formant tache sur une surface 
blanchâtre. Cette constatation lui suffit pour être assuré 
que le mal n'a plus son activité contagieuse et que le 
malade peut impunément rentrer dans la compagnie de 
ses semblables. Il eût été souverainement dur et inutile 
de séquestrer le lépreux, même pendant la période 
inoffensive de son mal. 11 restait d'ailleurs à celui-ci 
l'obligation de se représenter devant les prêtres, dès 
que les symptômes dangereux reparaissaient. 

2. La purification. — Quand le prêtre avait constaté 
l'état satisfaisant du lépreux, il procédait à sa purifica- 
tion légale, qui était assez compliquée. Elle comprenait 
une aspersion symbolique, des précautions hygiéniques 
et un sacrifice. La lèpre était considérée comme une 
sorte de mort, qui excluait le malade de la vie civile 
et de la vie religieuse. Il était donc naturel que le rite 
de purification symbolisât le retour à cette double vie. 
Voilà pourquoi la première partie de la purification s'ac- 
complit « hors du camp », et l'autre « devant Jéhovah », 
àl'entrée du tabernacle. Lev., xiv, 3, 11. — a) Aspersion. 
Le prêtre, s'étant transporté hors du camp ou de la ville, 
fait prendre deux petits oiseaux (sipôrîm, ôpvc'Oia, pas- 
seres) parmi ceux qui sont purs, un morceau de bois de 
Cèdre, un lien cramoisi et de l'hysope. Il immole un des 
oiseaux au-dessus d'un vase rempli d'eau vive, de ma- 
nière que le sang se mêle à cette eau. Ensuite il trempe 
l'oiseau vivant et les trois autres objets dans ce mélange, 
en asperge sept fo^s le lépreux et rend la liberté à l'oi- 
seau vivant. Le prêtre n'agit pas ici comme sacrificateur, 
mais comme représentant de la société civile, et l'immo- 
lation de l'oiseau n'est pas un sacrifice, puisqu'elle n'est 
pas faite devant !e tabernacle. Mais ce sang, cette eau 
vive, ce bois de cèdre, ce cramoisi et cet hysope sont 
des symboles de vie et de pureté. Voir Couleurs, t. il, 
col. 1070; Hysope, t. m, col. 796. L'oiseau trempé dans 
le mélange de sang pur et d'eau vive figure le lépreux 
purifié et rendu à la liberté, — b) Précautions hygiéni- 
ques. Aprèscette aspersion, le lépreux lave ses vêtements, 
rase ses poils et prend un bain. Il peut dès lors rentrer 
dans le camp ou dans la ville, mais ne doit pénétrer 
dans sa demeure que le huitième jour. Là veille, c'est-à- 
dire le septième jour, il a dû renouveler les précautions 
prises le premier jour. Le but de ces purifications phy- 
siques se comprend de lui-même; les moindres traces 
du mal devaient disparaître. Cf. Hérodote, n, 37. ïl est 
à remarquer, dans le poème de Gilgamès, que le héros 
atteint de la lèpre a aussi à se laver dans l'eau de la mer 
et à changer sa bandelette et son pagne, Haupt, Dos ba- 
bylonische Nimrodepos, Leipzig, 1884, p. 146. — c) Le 
sacrifice. Il a pour but de réintégrer le lépreux dans la 
société religieuse. Le huitième jour, le lépreux guéri se 
présente au prêtre devant le sanctuaire avec deux 
agneaux, une brebis d'un an, trois dixièmes d'éphi de 
ileur de farine pétrie à l'huile, et un log d'huile. Le 
prêtre immole un des agneaux pour le délit et l'offre 
avec le log d'huile. Puis il met du sang de cette victime 
au lobe de l'oreille droite, au pouce de la main droite 
et à l'orteil du pied droit du lépreux. Ayant versé l'huile 
dans sa main gauche, il en prend de sa main droite, 
fait sept aspersions devant le Seigneur et met de cette 
huile aux trois endroits où il a déjà mis du sang sur le 
corps du lépreux; il lui verse ensuite le reste de l'huile 
sur la tête. Enfin, il offre la brebis eu sacrifice pour le 
péché et l'autre agneau en holocauste. — Si celui qui 



est purifié est trop pauvre pour se procurer tout ce qui 
est prescrit, il ne présente qu'un seul agneau pour le 
délit, un seul dixième d'éphi de fleur de farine, le log 
d'huile, et deux touterelles ou deux pigeons à la place 
delà brebis et dû second agneau. Les mêmes cérémo- 
nies sont d'ailleurs accomplies avec ces victimes plus 
modestes. Lev., xiv, 1-32. — Ces onctions de sang et 
d'huile indiquent à la fois la purification du lépreux et 
une sorte de consécration par laquelle lui est rendu le 
droit d'entendre les paroles de la loi divine, de prendre 
part aux choses saintes et de venir au sanctuaire du 
Seigneur. Les sacrifices pour le délit, pour le péché, et 
l'holocauste sont l'exercice même du droit rendu au 
lépreux de se servir des moyens communs pour implorer 
la miséricorde de Dieu et lui rendre ses hommages. Cf. 
Bâhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 
1839, t. H, p. 512-522, et, dans la Mischna, le traité Ne- 
gaim, vi, 3. Dans le temple d'Hérode, les cérémonies de 
la purification des lépreux s'accomplissaient dans la cour 
ou chambre des Lépreux, située à l'angle sud-ouest du 
parvis des femmes. Cf. Ezech., xlvi, 22; Negaim, xiv, 8. 
III. Les lépreux de la Bible. — Quand les Hébreux 
sortirent d'Egypte, il y avait certainement parmi eux 
un certain nombre de lépreux, victimes du mal con- 
tracté dans le pays de Gessén et surtout au contact des 
Égyptiens, pendant les derniers temps de leur séjour. 
Les durs travaux, la misère et la promiscuité auxquels 
les condamnèrent alors leurs persécuteurs les placèrent 
dans les conditions les plus défavorables pour se pré- 
server de la contagion. Ils emportèrent la lèpre avec 
eux. Dès le séjour au désert, Moïse dut prendre des 
mesures pour circonscrire le domaine du mal, par un 
examen rigoureux des premiers signes de la lèpre, et 
par la séquestration hors du camp de ceux qui étaient 
atteints. Lev., xm, 45-46. Le mal resta endémique dans 
la nation. Il n'est pas inutile de remarquer que les Hé- 
breux, après avoir regretté les poissons d'Egypte, Num., 
xi, 5, mangèrent beaucoup de poissons venant de la 
mer, II Esd., xm, 16, ou du lac de Genésareth, Matth., 
vu, 10; xiv, 17; xv, 36; Marc, vi, 38; Luc, ix, 13; xr, 
11; Joa., vi, 9; xxi, 6, etc., surtout après la captivité. 
Il y avait une porte des Poissons à Jérusalem. II Par., 
xxxiii, 14; II Esd., m, 3; xii, 38. Les poissons salés ou 
desséchés servaient souvent d'aliment au peuple. Or ce 
genre de nourriture est particulièrement favorable au 
développement de la lèpre. — Un certain nombre de lé- 
preux sont signalés dans la Bible. — 1° Au désert 
même, Marie, sœur de Moïse, et Aaron tinrent des pro- 
pos irrespectueux contre leur frère, à cause de sa 
femme, Séphora, qu'ils traitaient d'étrangère, et surtout 
de l'autorité suprême dont il était revêtu. Pour punir 
Marie, Dieu la frappa de la lèpre et elle devint subite- 
ment « blanche comme la neige ». Aaron, qui avait été 
épargné à raison de son sacerdoce, s'humilia devant 
Moïse et celui-ci se hâta d'intercéder auprès du Sei- 
gneur, qui se laissa fléchir. Sur l'ordre de Dieu, Marie 
fut séquestrée pendant sept jours hors du camp ; elle 
rentra ensuite auprès des siens sans autre formalité, 
Dieu levant lui-même le châtiment dont il l'avait frap- 
pée. Num., xn, 1-15; Exod., iv, 6. — 2° David, juste- 
ment irrité contre Joab, à cause du meurtre d'Abner, 
appela sur sa maison plusieurs malédictions terribles, 
entre autres la lèpre. II Reg., m, 29. — 3° Quand Naa- 
man, chef de l'armée de Syrie, fut atteint de la lèpre, il 
n'avait naturellement aucun espoir de guérison. Une 
esclave israélite lui parla du prophète Elisée comme 
opérant des merveilles et capable de le guérir. Le roi 
de Syrie envoya donc Naaman à Joram, roi d'Israël, 
pour le faire guérir. Joram fut épouvanté de cette re- 
quête et s'écria : « Suis-je donc Dieu, ayant pouvoir de 
mort et de vie, pour qu'on m'envoie un homme à guérir 
de la lèpre? » Le roi regardait évidemment la lèpre 
comme une maladie pour laquelle l'homme n'a point 



185 



LÈPRE 



186 



de remède. Elisée guérit Naaman en vertu de son pou- 
voir surnaturel, mais en le soumettant à une épreuve 
qui, au jugement même de l'intéressé, n'était en rien 
capable de modifier son état. Bien d'autres lépreux de 
l'époque eussent demandé leur guérison aux eaux du 
Jourdain, si elles avaient eu une vertu curative de la lè- 
pre. Luc, rv, 27. Naaman attribua sa guérison au Dieu 
d'Israël. IV Reg,, v, 1-15. En punition de ses men- 
songes et de sa cupidité, Giézi, le serviteur du prophète, 
hérita pour lui et pour sa postérité de la lèpre de Naa- 
man. IV Reg., v, 21-27. — 4° Quand les Syriens, pris 
de panique, levèrent précipitamment le siège de Sama- 
rie, ce furent quatre lépreux, habitant à la porte de la 
ville, qui s'aperçurent de leur départ et avertirent leurs 
concitoyens. IV Reg., vu, 3-10. — 5° Le roi Ozias, pour- 
tant fidèle à Dieu, s'enorgueillit un jour de sa prospé- 
rité et de sa puissance et poussa la présomption jus- 
qu'à pénétrer dans le sanctuaire même pour y brûler 
les parfums sur l'autel. Les prêtres l'avertirent du sa- 
crilège qu'il commettait. Il s'irrita de leurs remon- 
trances, mais aussitôt la lèpre apparut sur son front. Il 
dut sortir et resta lépreux [jusqu'à, sa mort. 11 ne lui fut 
plus permis de pénétrer dans le Temple. Confiné dans 
une demeure écartée, ménagée sans doute dans les dé- 
pendances de son palais, il cessa d'exercer ses fonc- 
tions royales et abandonna le gouvernement à son fils 
Joatham. Ainsi un roi même était obligé de se plier aux 
prescriptions de la loi mosaïque. IV Reg., xv, 5; II Par., 
xsvi, 16-21. — 6° Il n'est plus question de lépreux 
marquants jusqu'à l'époque évangélique. Quand Notre- 
Seîgneur eut commencé son ministère, il donna à ses 
Apôtres, en les envoyant en mission, le pouvoir de 
purifier (xaOapi'Çeie, mundate) les lépreux, Matth., 
x, 8, et lui-même indiqua cette purification (xada- 
psCovrai, mundantur) comme la preuve de son carac- 
tère de Messie. Matth,., xi, 5; Luc, vu, 22. — 7° Un 
jour, en Galilée, un lépreux qui avait entendu parler de 
ses miracles fit appel à sa puissance en disant : « Si 
vous voulez, vous pouvez me purifier (xa6apîa , at, niun- 
dare). » Et Jésus lui répondit : « Je le veux, sois guéri 
(xa8apfo9ir)Tt, mundare). » Matth., vin, 2-4; Marc, I, 
40-45; Luc, v, 12. — 8» Une autre fois, alors qu'il lon- 
geait la frontière de la Samarie et de la Galilée pour se 
rendre à Jérusalem, il rencontra dix lépreux qui se te- 
naient à distance, selon les prescriptions de la Loi, et 
vivaient probablement ensemble. Ils implorèrent sa 
bonté et le Sauveur leur commanda d'aller se montrer 
aux prêtres, qui avaient à constater leur état. Cf. Matth., 
vin, 4. Chemin faisant, ils furent purifiés (êxa9apio8ir)<rav. 
mundati sunt). Luc, xvn, 11-19. Il est à remarquer 
que, toutes les fois que les Évangélistes parlent des lé- 
preux, ils emploient le verbe xaôaptCeïv, qui d'ailleurs 
n'est pas classique et ne se trouve que dans les Sep- 
tante. Eccli., xxvm, 10. Pour les autres guérisons, ils 
se servent des verbes 8spaTOueïv,lâ<î()ai, sanare, curare. 
Matth., x, 8; xv, 30; Marc., m, 2; Luc, rv, 40; vin, 43; 
ix, 2; xxn, 51, etc. On n'est pas autorisé à conclure de 
ià que le Sauveur se contentait de mettre les lépreux en 
état d'obteDir leur purification légale, en arrêtant à le 
cours du mal, mais en leur laissant les déformations 
corporelles qui en étaient déjà résultées pour eux. Il 
est bien plus vraisemblable que sa bonté allait jusqu'à 
les guérir complètement, comme si la lèpre ne les avait 
jamais atteints. Le verbe xaOapiCeïv signifie seulement 
que la guérison avait pour conséquence une purifica- 
tion, qui rendait au lépreux le droit d'être reçu dans la 
société de ses semblables et d'échapper ainsi à cet iso- 
lement si dur auquel le condamnait son mal. — 9° A la 
veille de son entrée solennelle à Jérusalem, Notre-Sei- 
gneur prit son repas à Béthanie, chez Simon le lépreux. 
Matth., xxvi,- 6; Marc, xrv, 3. Simon n'était certaine- 
ment plus lépreux â cette époque; autrement il n'eût 
pu recevoir personne dans sa maison. Avait-il été guéri 



par le Sauveur? Il semble qu'en pareil cas, les Évangé- 
listes auraient mentionné le fait pour expliquer le titre 
de lépreux donné à Simon ; de même que saint Marc, 
xvi, 9, en parlant de Marie-Madeleine, rappelle que la 
divin Maître a chassé d'elle sept démons. Il paraît donc 
plus probable que Simon était un de ces lépreux dont 
le mal subit un de ces longs arrêts qui font croire à 
une guérison. — 10° Dans sa prophétie sur le Messie 
souffrant, Isaï, lui, 4, dit de lui : « Nous l'avons consi- 
déré comme frappé, ndgûa', puni par Dieu et humilié. » 
Les Septante traduisent ndgûa' par sv jtôvo), « dans la 
peine, » et la Vulgate par leprosus, « lépreux. » Cette 
dernière traduction s'appuie sur ce que la lèpre est plu- 
sieurs fois mentionnée dans la Sainte Écriture à titre de 
châtiment divin, comme c'est le cas de Marie, sœur de 
Moïse, de Giézi, d'Ozias, et qu'elle est désignée par le mot 
néga', « plaie. » Lev., xiv, 3, etc. En réalité, le Sauveur 
a été vraiment traité comme un lépreux, puisqu'il a été 
frappé par Dieu et mis hors de la société des hommes. 

IV. Lèpre des vêtements. — Par analogie, le législa- 
teur désigne sous le nom de lèpre certains phénomènes 
qui se produisent sur les vêtements ou sur les pierres. 
Ces phénomènes n'ont absolument rien de commun 
avec la lèpre humaine. — 1» Quand un vêtement de 
laine ou de lin, une peau ou un ouvrage de peau pré- 
sente une tache verdâtre ou rougeâtre, il faut le mon- 
trer au prêtre. Celui-ci l'enferme pendant sept jours et 
s'il remarque au bout de ce temps que la tache a grandi, 
c'est qu'il y a là une lèpre niam'érét, s'(i(j,ovoc, perseve- 
rans. L'objet doit être complètement brûlé. Lev., xm, 
47-52. Le mot mam'érët veut dire « pernicieux ». Il 
s'agit donc ici d'une sorte de moisissure capable de ren- 
dre nuisible l'usage de l'objet atteint. — 2° Si la tache 
examinée n'a pas grandi, le prêtre la fait laver et en- 
ferme l'objet pendant sept autres jours. Quand au bout 
de ce temps la tache, sans s'étendre, n'a pas changé 
d'aspect, c'est que l'étoffe ou la peau a été « entamée » 
dans sa substance, pehéfét, limipix'cai, infusa. Il tant 
encore brûler l'objet en pareil cas. Lev., xm, 53-55. — 
3" Si la tache est devenue pâle et continue à paraître, 
c'est une lèpre éruptive, porahaf, è$av8o0c7a, volatilis et 
vaga. On déchire alors la partie attaquée et on la brûle; 
le vêtement ou l'objet de peau est lavé de nouveau et 
peut servir comme auparavant. Lev., xm, 56-59. Les 
trois mots hébreux que nous avons cités caractérisent 
probablement trois espèces de moisissures bien con- 
nues en Palestine. Ces moisissures provenaient ordi- 
nairement de champignons microscopiques, surtout de 
mucorinées et de mucédinées, qui étendent progressive- 
ment leur action sur les étoffes et les peaux, et les pé- 
nètrent assez profondément pour n'être pas détruits par 
un simple lavage à l'eau. Les précautions imposées par 
la Loi intéressaient la santé publique et rentraient dans 
ce système général de pureté physique et légale, au 
moyen duquel le législateur voulait inculquer la pureté 
morale à son peuple. 

V. Lèpre des maisons. — Le législateur intervenait 
encore ici pour les mêmes raisons que quand il s'agis- 
sait des vêtements. Son intervention était d'autant plus 
nécessaire qu'il y avait parfois à faire subir au proprié- 
taire de la maison des dommages au-devant desquels il 
ne serait pas toujours allé dans le seul intérêt de sa 
santé. — 1° Dès qu'une sorte de lèpre apparaît sur les 
murs d'une maison, on doit avertir le prêtre qui fait 
aussitôt évacuer la maison et enlever le mobilier som- 
maire qu'elle contient, puis procède à l'examen des par- 
ties attaquées. S'il aperçoit des taches verdàtres ou rou- 
geâtres, formant une sorte de dépression à la surface 
du mur, il ferme la maison pour sept jours. Le septième 
jour, il renouvelle son examen. Si les taches se sont 
étendues, il prescrit différentes mesures : enlèvement 
des pierres atteintes, raclage des murs, remplacement 
des pierres enlevées par des pierres neuves et recrépis- 



487 



LÈPRE — LETHECH 



188 



sage de la maison. Lev., xiv, 34-42. — 2° Si malgré ces 
précautions le phénomène se reproduit, on se trouve 
en face d'une lèpre pernicieuse (mam'éret, e'[i(J.ovo;, 
perseverans). Il n'y a plus qu'à abattre la maison et à 
jeter tous ses matériaux hors de la ville, dans un en- 
droit impur. Ceux qui ont habité la maison ou y ont 
pris leur repas doivent laver leurs vêtements. Lev., xiv, 
43-47. — 3° Quand, à la suite des réparations, la mai- 
son parait complètement assainie, le prêtre la déclare 
pure. Il prend alors deux oiseaux, un morceau de bois 
de cèdre, un lien cramoisi et de l'hysope, et il pro- 
cède dans la maison à une aspersion absolument iden- 
tique à celle qui se fait pour la purification du lépreux. 
Voir col. 183. L'oiseau survivant est à la fin relâché dans 
les champs, en signe de la liberté rendue aux habitants 
de la maison. Lev., xiv, 48-53. — 4» D'après plusieurs 
auteurs, la lèpre des maisons ne serait autre chose que 
le salpétrage de leurs murs. Dans les lieux humides et 
exposés aux émanations des animaux, il se forme en 
eflet, sur le calcaire des constructions, du nitre ou sal- 
pêtre qui a une certaine ressemblance extérieure avec 
la lèpre. Cette production de nitre présente de sérieux 
dangers pour la santé, moins par elle-même qu'à rai- 
son de l'humidité qui en est la cause. Cependant il est 
difficile d'admettre que le texte sacré fasse ici allusion 
au salpétrage des murs. Le salpêtre est d'un gris blanc, 
tandis qu'il est question dans le texte de taches verdâ- 
1 très ou rougeâtres. Lev., xiv, 37. Les taches qui ont ces 
colorations proviennent ordinairement des lichens 
(XeiXV, dartre), sortes de dartres végétales qui se déve- 
loppent sur toute espèce de support, spécialement sur 
les pierres humides. Les lichens sont des thallophytes 
qui tiennent à la fois de l'algue et du champignon. Cf. 
Hy, Observations sur la nature des lichens, dans le Con- 
grès scientif. internat, des catholiques, Paris, 1888, t. I), 
468-479. Leur nature comporte bien le développement et 
les colorations que v mentionne le texte sacré. Il est dit, 
il est vrai, que la lèpre des maisons forme des 
seqà'ârûrôt, y.oi).dc8s;, valliculss, des creux, Lev., xiv,37, 
taudis que les lichens ont plutôt l'aspect de croûtes. La 
même observation s'applique au salpétrage. Mais comme 
ensuite il est question de terre grasse, 'àfâr, xoSc> pul- 
vis, ou mortier dont on enduit la muraille, Lev., xiv, 42, 
45, il y a lieu de penser que le lichen, en végétant sur la 
pierre même, en faisait détacher l'enduit et ainsi se 
présentait en creux. Les espèces de lichens qui s'atta- 
quent aux murailles humides sont surtout la lepraria 
flava, qui est verdàtre, la leproplaca xantholyta et le 
leproloma lanuginosum. Les mêmes apparences sont par- 
fois produites par des champignons, ou par des algues 
filàmenteu ses ou cellulaires à coloration rouge. 

H. Lesêtre. 
LÉPREUX (hébreu : mesora'; Septante : ),s7rp<Sî, 
Lev., xiv, 2, etc.; XeXeTtpiottévo;, IV Reg., v, 1, 27; xv, 
5; ).ETtpwaa [conctraction de Xezpiouerot, dit de Marie, 
sœur de Moïse}, Num.,xii, 10; Vulgate : leprosus), ce- 
lui qui est atteint de la lèpre. Pour les lépreux mention- 
nés dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament, voir 
Lèpre, m, col. 184. 

LÉSA (hébreu :Li'Sa'; a la pause: LdSa'; « fissure, » 
d'après Gesenius, Thésaurus, p. 764; Septante : Aao-â), 
ville à l'est de la mer Morte. Elle est nommée une seule 
fois par l'Écriture, dans rémunération des frontières 
du pays qu'habitaient les Cliananéens. Gen., x, 19. 
D'après la tradition ancienne, attestée par le Targum 
de Jonathan (le texte porte >rn*Tp, mais il faut lire >mbp), 
par le Targum de Jérusalem et par saint Jérôme, Quœst. 
in Gen,, x, 19, t. xxni, col. 321, Lésa se trouvait sur le 
site ou dans le voisinage de Callirhoé. Callirhoé .devint 
Célèbre vers le commencement de notre ère par ses eaux 
thermales, que de nombreux exégèies croient être les 
«. eaux chaudes » dont parle la Genèse, xxxvi, 2i. On 



n'a aucune raison de rejeter la tradition juive. Voir 
Callirhoé, t. n, col. 69. 

LE SAVOUREUX Eugène, exègète protestant, né à 
Paimbeuf (Loire-Inférieure), le 2 novembre 1821, mort 
à Meschers près de Royan (Charente-Inférieure), le 
13 juillet 1882. Né catholique, il était devenu protestant 
et ministre calviniste. On a publié de lui, après sa mort, 
Études historiques et exégétiques sur l'Ancien Testa- 
ment, avec une Préface de J.-F. Astié (qui raconte la 
vie de l'auteur), in-12, Paris, 1887; Le prophète Joël, 
introduction critique, traduction et commentaire, pu- 
blié d'après les notes d'E. Le Savoureux par A.-J. Baum- 
gartner, in-4", Paris, 1888. V Encyclopédie des sciences 
religieuses de Lichtenberger contient un article de Le 
Savoureux : Massore, t. vm, 1880, p. 774-786. 

LESCALOPIER Pierre, jésuite français, né à Paris 
le 27 octobre 1608, mort à Dijon le 6 août 1673. Après 
avoir professé les humanités à Charleville et à Pont-à- 
Mousson, la rhétorique à Reims, il professa pendant 
treize ans l'Écriture Sainte à Dijon. Il nous reste de lui 
un pieux et savant commentaire sur les Psaumes : Scho- 
lia seu brèves elucidationes in librwni Psalmorum in 
usum et commodum omnium qui Psalmos cantant vel 
récitant, ut quse difficilia sunt intellîgant. Adduntur 
scholia in Cantica Breviarii romani, auctore Stephano 
Thiroux Societatis Jesusacerdote. Lyon, 1727. Quelques- 
uns ont cru que l'ouvrage entier était du P. Thiroux, 
mais l'explication seule des hymnes du bréviaire lui 
doit être attribuée. P. Bliard. 

LÉSEM (hébreu : Lésém; Septante, manque dans 
l'édition sixtine; Complute : Aserév; Alexandrinus : 
AEeré[/., A^aevêâv), forme particulière du nom de Laïs, 
appelée depuis Dan, dans Jos., xix, 47, où on la trouve 
deux fois. Voir Dan 3, t. n, col. 1240. 

LÉTHECH (hébreu : lé(ék), mesure de grains. L'éty- 
mologie de ce mot est inconnue. 11 n'est mentionné 
qu'une fois dans la Bible, Ose., m, 2 : « Je l'achetai (une 
femme) quinze sicles d'argent, un hômér. d'orge et 
un léiék d'orge. » Les Septante ont traduit : véêeX 
oïvou, « une outre de vin ; » la Vulgate : « un demi-cor 
d'orge. » Josèphe ne cite pas cette mesure dans ses 
ouvrages. Saint Jérôme,/»» Ose., I, m, t. xxv, col.842, se 
contente de dire : « Pour une outre de vin, on lit en 
hébreu : léthech seorim, mots que les autres interprètes 
ont traduit T)(j.(Kopov d'orge, c'est-à-dire la moitié d'un 
cor, ce qui fait quinze boisseaux. » Dans son Demensuris 
ac ponderibtis, saint Épiphane, t. xlhi, col. 273, lui 
attribue aussi la valeur de quinze boisseaux; selon lui, 
le mot léthech signifie Eîtapua, « élévation, » parce 
qu'un jeune homme peut lever quinze boisseaux et les 
placer sur un âne. Il dit encore qu'on appelle égale- 
• ment cette mesure le gomor, ou plutôt le grand gomor, 
car le petit gomor ne vaut d'après lui que douze bois- 
seaux. Cf. Frd. Hultsch, Metrologicorum scriptorum 
reliquise, Leipzig, 1864-1866, p. 260-261. Les rabbins ont 
vu dans le léféh la moitié du hômér et répété les 
explications de saint Épiphane sur le sens de ce mot, 
mais de plus ils l'ont assimilé à Vardeb arabe qu'ils 
appellent ardôb. Waser, De antiquis mensuris Hebrœ- 
orum, Heidelberg, 1610, p. 85-87. Partant de cette 
assimilation et de la valeur relative qui lui est généra- 
lement attribuée, M. E. Révillout, dans la Revue ègypto- 
logique, t. Il, 1882, p. 190, voit dans le léfék la mesure 
hébraïque correspondant, pendant la période des Pto- 
lémées, à la grande mesure thébaine ardeb, qui est 
la moitié du double ardeb, comme le léthech' est la 
moitié du cor, mais cette opinion n'est qu'une hypothèse. 
En tout cas, le léfék ne rentre pas dans le système^ 
sexagésimal qui est à la base du système des mesures. 



489 



LÉTHECH — LETTRE 



190 



hébraïques. Saint Jérôme, saint Épiphane et les rabbins 
n'ont eu, semble-t-il, d'autre raison pour lui attribuer 
la valeur d'un demi-cor (ou Ifômér) que la position du 
mot dans la phrase d'Osée. Cette absence de données 
positives et la djvergence des Septante permettent de se 
demander si le léték est véritablement une mesure déter- 
minée. S'il l'est et s'il vaut un demi-cor, sa contenance 
est de 194 lit. 40 ou de 181 lit. 80, selon la valeur qu'on 
reconnaît au cor.^ Voir Cor, t. u, col. 955. 

F. Martin. 

1. LETTRE, caractère d'écriture. Le rabbin Sadaja 
a compté combien de fois chaque lettre de l'alphabet 
hébreu est employée dans l'Ancien Testament : s, 42377; 
3, 38218; i, 29537"; i, 32530; n, 47554; i, 76922; t, 22867; 
n, 23447 ; b, 11052; >, 66420; =, 48253; h, 41514 ; n, 77778; 
3, 41696; d,13580; y, 20175; a, 22725; s, 21822; p, 22972; 
-i, 22148 ;ur, 32148; n, 59343. Dans I. Jaquelot, Disser- 
tations sur l'Existence de Dieu, in-4°, La Haye, 1697, 
p. 13. Voir Alphabet, t. i, col. 402; Écriture, t. n, 
col. 1573. Voir aussi le nom de chaque lettre. — Le mot 
Ypi[i|ia, Mitera, est employé dans le sens de caractère 
alphabétique, — 1» dans Luc, xxm, 38, où il est dit que 
le titre de la croix du Sauveur fut écrit en lettres grec- 
ques, latines et hébraïques; — 2° d'après plusieurs com- 
mentateurs, dans Gai., vi, 11, où saint Paul dit : «Voyez 
avec quels caractères (quelle écriture) je vous ai écrit. » 
D'autres expliquent ces mots en ce sens : « avec quelle 
main ferme » ou « quelle longue lettre ». — 3° Dans 
Rom., n, 27, 29; vu, 6, la « lettre » est opposée à 1' « es- 
prit ». -*- 4° Dans Joa., vu, 15; II Tim., ni, 15, t« ypôjji- 
(iona désignent la Sainte Écriture. —5» Dans Act., xxvi, 
21, cette même expression signifie la science, les con- 
naissances humaines consignées dans des écrits. — 
6° Enfin « lettre » se dit d'un écrit quelconque, Luc, 
xvi, 6, et spécialement d'une missive. Act., xxvm, 21. 

2. LETTRE MISSIVE (hébreu : sêfér, II Sam. (Reg.), 
xr, 14-15; I (III) Reg., xxi, 8, 9, U; II (IV) Reg., x, 
1-7; xix, 14; xx, 12; II Par., xxxn, 17; etc., miketâb, 
Il Par., xxi, 12; Esther, vin, 13; 'igérét, 1 Esd., v, 6; 

II Esd., n, 7-9; Esther, ix-26-29; niStevân, I Esd., îv, 
7, 18. Septante :piê).iôv, II Reg.,xi, 14, 15; III Reg., xxi, 
8-9, n, etc. ; Ypâçm, II Par., xxi, 12; àx-uypoeçov, Esther, 
vm, 13; imaxo).^, II Par., xxx, 1; Act., xv, 30; xxin. 
25, etc.; Vulgate : Epistola, II Reg., xi, 14-15; II Par., 
xxxn, 17, etc.; Act., xv, 30; xxm, 26, etc.; littéral. 
IV Reg., x, 1-7; xix, 14; II Par., xxi, 12, etc.), commu- 
nication envoyée par écrit à un correspondant. 

I. Lettres missives chez les Juifs. — 1» Dans l'Ancien 
Testament. — La première lettre dont il soit question 
dans la Bible est celle que David envoya à Joab et dans 
laquelle il lui ordonnait de placer Urie à un poste où il 
dût trouver la mort. Urie lui-même fut chargé par le 
roi de remettre cette lettre. IIReg.,xi, 14. On comprend 
trop pourquoi David n'avait pu faire transmettre orale- 
ment cet ordre. La réponse constatant l'exécution fut 
faite de vive voix. — C'est la même nécessité du secret 
qui explique l'envoi de la lettre par laquelle Jézabel 
demandait aux anciens et aux magistrats de Jezrahel un 
faux témoignage contre Naboth, afin de le faire condam- 
ner à la lapidation et de s'emparer de sa vigne. La reine 
scella la lettre du sceau de son mari, le roi Achab. 

III Reg., xxi, 8. Du même caractère sont les lettres de 
Jéhu réclamant des chefs d'Israël, des anciens et des 
gouverneurs des fils d' Achab, le massacre des soixante- 
dix fils de ce roi. IV Reg., x, 1-7, Dans des conditions 
différentes, le prophète Êlie envoya une lettre au roi 
Joram, pour lui annoncer que Dieu le châtierait de son 
impiété et de ses crimes. II Par., xxi, 12. Ézéchias écri- 
vit à Éphraïm et à Manassé pour les engager à venir faire 
la Pàque à Jérusalem. II Par., xxx, 1. À l'époque de la 
captivité appartient la lettre de Jérémie aux exilés 
de Babjlone. Jer., xxix, 1-32. Il y est fait mention 



d'une autre lettre envoyée par le faux prophète Séméia, 
au peuple de Jérusalem et aux prêtres. Jer., xxix, 27-29. 
Jusqu'à cette époque le terme usité dans la Bible 
pour désigner une lettre est celui de sêfér, (iiëXîov, « li- 
belle, » ou mikpâb, Y,oâp?), « écriture, » et c'est le con- 
texte seul qui montre qu'il s'agit d'une lettre missive. 

II est quelquefois fait mention du sceau qui sert à lui . 
donner un caractère d'authenticité et à empêcher qu'elle 
ne soit lue par d'autres que par le destinataire. 

III Reg., xxi, 8. Après la captivité, nous voyons appa- 
raître des termes plus précis et empruntés à la langue 
des peuples avec lesquels les Juifs étaient en relations. 
Tels sont le mot 'igérét emprunté à l'assyrien ou au 
persan et le mot d'origine persane nisfevdn. Mardo- 
chée et Esther écrivirent aux Juifs dispersés dans les 
127 provinces du royaume perse, pour les inviter à célé- 
brer la fête des Phurim, en souvenir de leur délivrance 
et du châtiment d'Aman. Esther, ix, 27, 29-30. De 
l'époque des Machabées datent la lettre des habitants 
de Galaad à Judas pour lui demander des secours contre 
les peuples voisins. I Mach., v, 10-14. La Bible ne nous 
donne aucun renseignement surla matière qu'employaient 
les Juifs pour leurs lettres missives. Il est vraisem- 
blable qu'ils se servaient des mêmes que les peuples 
avec lesquels ils étaient en relations aux diverses pê~ 
riodes de leur histoire. 

2° Lettres dans le Nouveau Testament. — Le Nou- 
veau Testament ne mentionne aucune lettre de Notre- 
Seigneur. La lettre à Abgar, roi d'Édesse, est apocryphe. 
Voir ABGAR, t. i, col. 37. Cf. Dictionnaire d/archëologie 
et de liturgie, t. i, col. 87. Dans les Actes, xv, 23-29, 
se trouve une lettre des Apôtres, écrite après le concile 
de Jérusalem, aux chrétiens d'Antioche et de Cilicie. 
— Les Juifs de Jérusalem étaient en correspondance 
avec les communautés de la dispersion. C'est pourquoi 
lorsque saint Paul vint à Rome, ses compatriotes lui 
dirent qu'ils n'avaient pas reçu de lettres à son sujet» 
Act., xxvm, 21. 

Les Épltres des Apôtres sont rédigées à la manière 
des lettres ordinaires. Elles commencent, à l'exception 
de l'Épître aux Hébreux et de la première Épltre de 
saint Jean, par le nom de ceux qui les ont écrites, et 
leur salut aux destinataires ; ce salut est un souhait de 
grâce et d3 paix au nom de Jésus-Christ. Rom., 1, 1-7; 
I Cor., i, 13; II Cor., i, 1-2; Gai., i, 1-5; Eph., i, 1-2; 
Phil.,1, 1-2; Col., i, 1-2; IThess., i,l; II Thess., i, 1-2; 
I Tim., î, 1-2; II Tim., I, 1-2; Tit., I, 1-4; Phil., i, 1-3; 
Jac, I, 1; I Pet., î, 1-2; II Pet., I, 1-2; II Joa., 1-3; 
III Joa., 1; Jud., 1-2 L'auteur aborde ensuite le sujet 
qu'il veut traiter. Il parle à la première personne 
tantôt au singulier, tantôt au pluriel. Dans les lettres 
profanes que nous possédons, dans celles de Cicé- 
ron, par exemple, les deux nombres sont de même 
indifféremment usités. Lorsque le rédacteur de la 
lettre a terminé ce qu'il veut dire, il conclut par de- 
nouvelles salutations à ses correspondants. Comme 
celles du début, ce sont des bénédictions et des priè- 
res. Rom., xvi, 1-27; I Cor., xvi, 19-24; II Cor., xih, 
13; Galat., vi, 18; Eph., vr, 23-24; Phil., iv, 20-23; 
Col., iv, 18; 1 Thess., v, 25-28; II Thess., m, 17-18; 
I Tim., vi, 21; II Jim., iv, 18-22; Tit., m, 15; Phil., î, 
23-25; Heb., xiii, 20-25; I Pet., v, 12-14; II Pet., m, 
18; II Joa., 13; III Joa., 14 (grec, 15); Jud., 20-25. Sou- 
vent aux salutations de l'auteur sont jointes celles de 
ceux qui sont en ce moment auprès de lui. Rom., xvi, 
16-21-23; I Cor., xvi, 19-20; II Cor., xni, 12; Phil., iv, 
22; Col., iv, 7-14; Phil., 24; Heb., xm, 24; I Pet., V; 
13; II Joa., 13; III Joa., 14 (grec, 15). Les Apôtres se 
servaient de secrétaires pour écrire leurs Épitres; plu- 
sieurs d'entre eux sont nommés, ce sont Tertius, pour 
saint Paul, Rom., xvi, 22; Silvain, pour saint Pierre. 
I Pet., v, 12. Voir Silvain, Tertius. Saint Paul ajoute 
parfois une phrase écrite de sa propre main; ce salut 



191 



LETTRE 



482 



autographe est sa signature. I Cor., xvi, 21; Col., iv, 18; 
II Thess., m, 17. L'Épitre aux Galates est écrite de sa 
propre main, d'après le sens le plus naturel de la 
phrase; il fait remarquer la grosseur des caractères. 
Gai., VI, 11. Une fois, le secrétaire ajoute son salut à 
celui de l'Apôtre. Rom., xvi, 22. Les Apôtres faisaient 
porter leurs lettres par leurs disciples; il est plusieurs 
fois question dans les Actes et dans les Épttres de ces 
envoyés. Jude, Barsabas et Silas sont chargés, avec Paul 
et Barnabe, de la missive de l'Assemblée de Jérusalem 
aux chrétiens d'Antioche et de Cilicie. Act., xv, 22, 27. 
Tychique porta l'épître aux Éphésiens, Eph., \i, 21; et 
avec Onésime, celle aux Colossiens. Col., IV, 7-8. — Nous 
n'avons aucun renseignement sur la matière dont se 
servaient les Apôtres. Ils usaient, selon toutes les vrai- 
semblances, de papyrus ou de parchemin comme le fai- 
saient les Grecs et les Romains de leur temps. Saint 
Jean mentionne seulement l'encre et le roseau avec les- 
quels 11 écrit. III loa., 13. Cf. J. Marquardt, La Vie 
privée des Romains, trad. fr., t. h (Manuel des anti- 
quités romaines de Th. Mommsen et J. Marquardt, 
t. xv), in-8», Paris, 1893, p. 476-498. 

II. Les leitres missives chez les peuples en rela- 
tions avec les Juifs. — 1° Égyptiens. — L'usage de 



émanent de rois de l'Asie occidendale, d'autres d'offi- 
ciers égyptiens gouverneurs de villes dont plusieurs 
sont nommés dans la Bible, par exemple, Gébal ou 
Byblos. A Guide to ttie Babylonian and Assyrian anli- 
quities (British Muséum), in-8", Londres, 1900, p. 160. 
n. 12-25; p. 164, n. 45; voir Gébal 1, t. m, col. 138; 
Tyr, p. 162, n. 28-31, voir Tïr; Accho, p. 162. n. 32; 
voir Accho, t. I, col. 108; Gézer ou Gazer, p. 165, 
n. 49-51, voir Gézer, t. m, col. 126; Ascalon, p. 165, 
n. 52-54; Gaza et Joppé, p. 166, n. 57; cf. p. 167, n. 71, 
voir Gaza, t. m, col. 118; Joppé, t. m, col. 1631 ; voir La- 
cbis, col. 13; A. Delattre, Proceedings of the Society of 
Biblical Archeeology, t. xin, 1891, p. 319. Cf. ïbid., 
p. 215, 219, 233, 317, 322, d'autres lettres où il est ques- 
tion de la Palestine et des pays environnants. Quel- 
ques lettres sont relatives aux guerres du roi de Jéru- 
salem, Abdikhipa contre les chefs des cités voisines, 
Zimmern, Palâstina um der Jahr 1400 n. Ch. nach 
neuen Quellen, dans la Zeitschrift des deustchen Palâs- 
tina Vereins, t. xm, 1890, p. 142. Une lettre d'un gou- 
verneur d'un district de Palestine est adressée aux rois 
de Canaan, A Guide, p. 166, n. 58. Les lettres de Tell 
el-Amarna contiennent des gloses où l'on rencontre 
souvent des mots palestiniens pour expliquer leurs 






"\ Jzz^ 


fhi 


7\ 








a 1—1 / 


i! 


Kâb 


llO Oft 


-■- 


1 / *"-^"~^-~-^ 


) i\t 




,/ /- — ^ v~r — 








j-3i 


=^=1 


-Z— — ) 1 


\ -^-— — ) 






^ — _.- ; ^ 


• A 


yy 



53. — Scribes égyptiens. Saqara, V dynastie. D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. II, pi. 62. 



la lettre missive date de la plus haute antiquité chez les 
Égyptiens. Les monuments nous représentent des scribes 
occupés â plier des lettres et à les cacheter (fig. 53). 
Lepsius, Denkmàler aus Aegypten, in-f°, Berlin, 1850- 
1858, t. H, pi. 9, 51, 56 a bis. Un grand nombre de ces 
lettres existent dans les musées ; ce sont des rouleaux 
de papyrus, liés d'un cordon et cachetés d'un sceau 
d'argile. Letronne, Papyrus grecs du Louvre, in-4°, 
Paris, 1838, p. 408. Au dos sont inscrits des noms pro- 
pres, accompagnés de titres religieux ou civils. Le roi 
et les fonctionnaires faisaient parvenir ces missives par 
des courriers réguliers, les riches employaient dans le 
même dessein leurs esclaves, les pauvres attendaient une 
occasion. La lettre contenait d'abord le nom de celui qui 
écrivait, puis un hommage au destinataire et des sou- 
haits religieux. Le contenu propre de la lettre était pré- 
cédé de ces mots: «il y a que. » Elle se terminait par un 
salut. Ces formules pouvaient s'allonger à volonté. Le 
style épistolaire était cultivé par les Égyptiens à un si 
haut degré qu'il était devenu un genre littéraire et que 
plusieurs traités ont été rédigés en forme de lettres. 
G. Maspero, Du genre épistolaire chez les anciens 
Égyptiens, in-8», Paris, 1872; A. Lincke, Beitrâge zur 
Kentniss der altâgyptischen Briefliteratur, in-8", Leip- 
zig, 1879. En 1887, on a découvert à Tell el-Amarna, 
dans la Haute Egypte, environ 320 lettres ou fragments 
de lettres adressées principalement à Aménophis III et 
à son fils Aménophis IV, vers 1508-1450 avant J.-C. Ces 
lettres sont écrites en caractères cunéiformes et pour la 
plupart en babylonien. Un certain nombre de ces lettres 



équivalents babyloniens. Elles commencent toutes par 
des formules de salutations qui varient suivant les per- 
sonnages qui les écrivent. Les rois appellent le roi 
d'Egypte leur frère et lui envoient leurs compliments à 
lui, à ses femmes, à ses parents et leurs sincères félici- 
tations au sujet de ses chevaux et de ses chars. Les 
gouverneurs ou les autres officiers royaux se proclament 
la poussière de ses pieds, le sol qu'il foule, et se préci- 
pitent sept fois aux pieds de leur seigneur, soleil du 
ciel, en se roulant sur le ventre et sur le dos. C'était 
donc un échange perpétuel de lettres entre les petits 
souverains voisins ou vassaux du roi d'Egypte et ce 
prince. La correspondance des rois d'Ethiopie se faisait 
sur papyrus et en égyptien, celle des rois d'Asie en 
caractères cunéiformes et sur des tablettes d'argile sé- 
chée. Les scribes de la cour égyptienne traduisaient 
ces dépêches. Les courriers auxquels on confiait les 
lettres étaient de très petits personnages, mais pour les 
missives importantes on avait recours aux messagers 
du roi, qui portaient les titres de messagers pour les 
régions du midi ou pour les régions du nord, selon 
qu'ils connaissaient les langues de l'Afrique ou celles de 
l'Asie. Quelques-uns s'appelaient messagers pour toute 
contrée. Le roi d'Egypte leur confiait parfois des pou- 
voirs très étendus. G. Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient classique, in-4», Paris, 1897, t. il, 
p. 275-276. Voir Courrier, t. n, col. 1089; British Mu- 
séum, a Guide to the Babylonian and Assyrian anti- 
quities, in-8", Londres, 1900, p. 153-168, n. 1-86; 
Winckler-Abel, Der Thontafelfund von El Amarna, 



193 



LETTRE 



194 



im Umschrift und Vebersetzung mit Anmerkungen, 
in 8°, Berlin, 1896. La traduction en français de ces 
lettres a été publiée par J. Halévy, dans le Journal 
asiatique, t. xvi-xx, 1890-1802, et Revue sémitique, 1. 1 
et II, 1899-1894, et par Delattre, dans les Proceedings of 
the Society of Biblical Archseology, t. xm-xv, 1891-1893. 
Cf. Delattre, La correspondance asiatique d'Améno- 
phis III et d'Amenophis IV, dans la Revue des ques- 
tions historiques, t. liv, 1893, p. 353-388. 

2» Assyriens, Babyloniens et Syriens. — La Bible 
mentionne une'lettre de Sennachérib à Ézéchias. Elle 
n'en donne pas le contenu, mais dit qu'elle fut portée 
par des messagers. IV Reg., xix, 14. Le roi de Baby- 
lone, Mérodach-Baladan, envoya également par des mes- 




64. — Lettre assyrienne 'eDfermée dans son enveloppe. 
D'après une photographie. 

sagers à Ézéchias une lettre à l'occasion de sa maladie. 
IV Reg., xx, 12. Il est aussi question d'une lettre de 
Bénadad, roi de Syrie, à Joram, roi d'Israël, pour lui 
demander la guérisondeNaaman, général de son armée. 
IV Reg., v, 5-7. 

L'organisation de messageries chez les Assyriens paraît 
remonter aux temps les plus reculés. On a découvert à 
Tell-Loh des monceaux de briques portant le sceau de 
Sargon I er , des marques de petites cordes et, sur la sur- 
face extérieure, à côté du sceau royal, les noms des gens 
à qui étaient adressés les messages. M. H. V. Hilprecht 
a trouvé à Nippour une lettre proprement dite qu'il fait 
remonter à 2300 avant J.-C. ; elle est scellée et adressée 
à Lustamar et encore renfermée dans son enveloppe, 
fig. 54. Die Ausgrabungen im Bêl-Tempel zu Nippur, 
in-8», Leipzig, 1903, p. 62. On a découvert un certain 
nombre de lettres qui remontent à environ l'an 2200. 
Elles datent des règnes d'Hammourabi et de ses succes- 
seurs. Ces lettres sont écrites sur des tablettes oblongues 
d'argile. Quand elles avaient été écrites, on les enfer- 
mait dans une enveloppe également de brique, après 

DICT. DE LA BIELE. 



les avoir saupoudrées de poussière de la même matière, 
pour empêcher le contact. L'enveloppe extérieure assu- 
rait le secret de la lettre et portait le nom et l'adresse 
du destinataire. Au moment de la découverte, quelques- 
unes de ces lettres étaient encore dans leur enveloppe 
et par conséquent n'avaient pas été lues. British Mu- 
séum, A Guide, p. 114. Les tablettes sont écrites en 
caractères cursifs et réglées horizontalement avec un 
stylet. Chacun des rois faisait écrire ses lettres par un 
seul scribe, car elles sont toutes de la même main pour 
le même prince. La plupart de ces messages se rappor- 
tent à l'administration de l'empire, mais il y a aussi 
des lettres de particuliers et les détails qui sont donnés 
sur les affaires commerciales et sur les incidents de la 
vie privée, prouvent que l'usage des lettres missives était 
courant. Les particuliers avaient aussi recours à des scri- 
bes, à qui ils dictaient leurs lettres. Les dépêches de 
cette collection sont d'un style bref et les formules ini- 
tiales ou finales qu'on trouve dans celles de Tell el- 
Amarna ne s'y rencontrent pas. L. W. King, The letlers 
and despatches of Hammurabi, together with other offi- 
ciai and private correspondance, in-8°, 1898-1900. Dans 
Luzac's Semitic Text and translation séries, t. n, m 
et vin, voir en particulier, t. vin, 1900, introduction, 
p. xxi-xxiv; British Muséum, A Guide, p. 114, 118-124, 
n. 36-105. Une autre collection de lettres trouvées à 
Koyoundjik date des temps de Sennachérib, d'Asarhad- 
don et de ses fils. Elles se rapportent elles aussi à des 
affaires publiques et privées. On y rencontre quelques 
longues formules de salut au début et quelquefois une 
courte salutation à la fin. R. F. Harper, Assyrian and 
Babylonian letlers belonging lo the Koyoundjick col- 
ection of the British Muséum, in-8°, Chicago, 1892- 
1900; British Muséum, A Guide, p. 56-63, n. 104-105; 
Fr. Martin, Lettres assyriennes et babyloniennes, 
dans la Revue de l'Institut catholique, 1901, p. 403-443. 
3° Perses. — Les rois de Perse communiquaient 
leurs instructions parlettres.il est question dans le livre 
d'Esther de dépêches envoyées par Assuérus aux satrapes, 
aux gouverneurs des cent vingt-sept provinces de son 
empire, pour signifier à ses officiers la permission ac- 
cordée aux Juifs par les rois de se rassembler, pour 
défendre de les attaquer et de piller leurs biens. Ces 
lettres contenaient une copie de l'édit du roi en faveur 
des Juifs. Elles étaient écrites par les scribes ou secré- 
taires du roi dans la langue de chacune des provinces et 
pour les Juifs en écriture et en langue hébraïques. 
Esth., vin, 9-13. Elles étaient scellées avec l'anneau du 
roi. Esth., vm, 10. Des courriers montés sur des che- 
vaux et des mulets portèrent ces lettres à leur destina- 
tion. Esth., vm, 10, 14. Voir Courrier, t. n, col. 1089. 
— Lorsque les Juifs à la suite de l'édit de Cyrus recons- 
truisirent Jérusalem, les chefs des colons établis dans 
ce pays écrivirent aux rois de Perse, Assuérus et Ar- 
taxerxès, pour se plaindre d'eux. I Esd., îv, 6-23. La 
lettre écrite à Artaxerxès fut transcrite en langue et en 
caractères araméens. I Esd., iv, 7. Une autre missive 
fut envoyée par le gouverneur pour informer Darius 
des travaux entrepris et lui demander si réellement un 
édit de Cyrus avait donné l'autorisation dont se préva- 
laient les Juifs. I^Esd., v, 6-17. Le roi leur répondit 
affirmativement. I Esd., vi, 6-12. Un peu plus tard Ar- 
taxerxès écrivit à Esdras pour lui confirmer l'autorisa- 
tion donnée par ses prédécesseurs. I Esd., vu, 21-26. 
Dans la transcription de ces lettres la Bible abrège les 
préambules. Josèphe, Ant. jud., XI, i, 3; n, 1, 2, 8; 
m, 7;rv, 9; v,l, publie aussi toute cette correspondance 
à laquelle il ajoute quelques autres lettres. L'étiquette 
demandait que les lettres fussent fermées, c'est pour- 
quoi Néhémie, II Esd., vi, 5, mentionne comme une 
impolitesse le fait que Sanaballat lui envoie une lettre 
ouverte par son serviteur. Néhémie avait fait placer 
dans la bibliothèque, où il conservait les Livres Saints, 

IV. - 7 



495 



LETTRE 



LEUSDEN 



196 



les lettres des rois, c'est-à-dire les édits de Cyrus, de 
Darius et d'Artaxerxès, autorisant les Juifs â reconstruire 
Jérusalem et le temple. II Mach., n, 13. 

4° Grecs. — Le roi de Sparte Arius écrivit au grand- 
prêtre Onias une lettre dans laquelle il qualifiait les 
Juifs de frères des Spartiates. I Mach., xii, 7. Une autre 
lettre fut adressée par les magistrats de Sparte à Si- 
mon. I Mach., xrv, 20-25. Voir Arius, t. i, col. 965; 
Lacédémoniens, col. 7. Il est aussi fréquemment ques- 
tion de lettres envoyées par les Séleucides ou par leurs 
officiers. Alcime écrit à ses partisans pour les exhor- 
ter à s'emparer de Jonathas. I Mach., IX, 60. Démétrius 
I er Soter écrit à Jonathas pour faire la paix avec 
lui. I Mach., x, 3. Le roi Alexandre fait de même. 

I Mach., x, 17. Les lettres de Démétrius à Jonathas sont 
citées intégralement. I Mach., xi, 29-37; xm, 35-40. Il 
en est de même de la lettre d'Antiochus V Eupator aux 
Juifs, II Mach., ix, 19-27; de celle de Lysias aux Juifs, 

II Mach., xi, 16-21, et de celles d'Antiochus V à Lysias, 
xi, 22-25 et aux Juifs, 26-33. Ces lettres commencent 
par une salutation très courte, par exemple : « Le roi 
Alexandre à son frère Jonathas, salut, » I Mach., x, 17; 
.xi, 29; xm, 35; II Mach., xi, 16, 22; « Aux excellents 
citoyens Juifs grand salut, portez-vous bien et soyez 
heureux, le roi et prince Antiochus. » II Mach., ix, 19. 
Parfois il y a une salutation finale: « Portez-vous bien. » 
II Mach., xi, 21, 33. Quelques-unes sont datées après ce 
dernier mot. II Mach., xi, 21, 33. Une seule lettre 
émane des Lagides, celle de Ptolémée VII Physcon à 
Antiochus VII Sidète, pour lui demander des secours 
contre Jean Hyrcan. I Mach., xvi. Josèphe, Ant. 
jud., XII, iv, 10, nous donne quelques détails sur la 
lettre d'Arius. Elle commence par le salut ordinaire. 
Elle était écrite en caractères carrés et le sceau repré- 
sentait un aigle, supporté par un dragon. Le même his- 
torien donne le texte de lettres échangées entre les 
Ptolémées et divers correspondants relativement aux 
affaires de Palestine : lettres de Ptolémée II Philadelphe 
et d'Éléazar, au sujet de la traduction des Septante, 
Josèphe, Ant. jud., XII, n, 4-5; lettre d'Antiochus III le 
Grand à Ptolémée IV Philopator, XII, iii, 3; du même à 
Xeuxis, gouverneur de Phrygieetde Lydie, XII, m, 4; d'un 
certain Josèphe aux Alexandrins, XII, iv, 8; d'Alexandre 
à Jonathas, XIII, n, 2; d'Onias à Ptolémée et à Cléopâtre, 
XIII, il, 4; réponse de Ptolémée à Onias, XIII, m, 2; 
lettre de Démétrius à Jonathas, XIII, iv, 9; lettre de Jo- 
nathas aux Lacédémoniens, XIII, v, 8. Les salutations pla- 
cées en tête de ces lettres sont courtes et simples comme 
celles qui sont dans les lettres de la Bible. Nous n'avons 
pas ici à discuter l'authenticité de ces documents. 

Le musée du Louvre possède un certain nombre de 
lettres écrites sur papyrus et datant de l'époque des 
Ptolémées, qui nous donnent une idée exacte de la fa- 
çon dont étaient rédigées les lettres missives à cette 
époque et de leur forme matérielle. Théod. Deveria, 
Catalogue des manuscrits égyptiens, in-12, Paris, 1881, 
p. 234-248, xiv, 3, 5, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 16-27, 29-40. Les 
n. xiv, 34-36, sont des billets roulés et fermés par un 
fil de papyrus sur lequel était appliqué le cachet. Le 
nom du destinataire est écrit au verso, comme dans la 
lettre du n» 34 (inventaire n» 2366) adressée par Sara- 
pion le 21 d'épiphi de l'an 28 de Philométor (145 avant 
J.-C.) à Ptolémée et à Apollonius (flg. 55). 

5° Romains. — Les livres des Machabées citent plu- 
sieurs lettres émanant de magistrats romains. Ce sont 
1» la lettre de Lucius, adressée au roi Ptolémée VII 
Physcon et à tous les peuples en relations avec les Juifs, 
pour leur demander leur bienveillance envers ce peuple, 
devenu allié de Rome. I Mach., xv, 16-23. Voir Lucius; 
2°la lettre des légats Q.MemmiusetT.Maniliusaux Juifs 
pour confirmer les concessions faites par Lysias' et An- 
tiochus V Eupator. II Mach., xi, 34-38. L'une et l'autre 
commencent par le salut ordinaire, la seconde seule se 



termine par les mots : « portez-vous bien, » suivis de la 
date. — Dans les Actes, xxm, 26-30, est insérée une/ 
lettre du tribun Claudius Lysias au procurateur Félix, 
pour lui annoncer qu'il lui envoie saint Paul, qu'il vient 
de faire arrêter. Voir Lysias; Félix, t. ii, col. 2186. 

6° Lettres de recommandation. — Les chrétiens re- 
commandaient à la charité de leurs frères ceux d'entre- 
eux qui allaient dans une autre ville où se trouvait 
une communauté chrétienne. C'est ainsi qu'Aquila et 
Priscille donnèrent à Apollo une lettre pour les chré- 
tiens d'Achaïe. Act., xvm, 27. Saint Paul, II Cor., m, 1, 
lait allusion à ces lettres : « Où avons-nous besoin, 
dit-il, comme quelques-uns, de lettres de recomman- 
dation auprès de vous ou de votre part? C'est vous qui 
êtes notre lettre, écrite dans vos cœurs, connue et lue 
de tous les hommes. » Les Pères des premiers siècles- 
iont souvent mention de ces lettres de recommandatioa 
et l'usage en a persisté jusqu'à nos jours pour les prê- 
tres; on les appelle litterse testimoniales. 

E. Beurlier. 

LEUSDEN, orientaliste hollandais, né à Utrecht le 
26 avril 1624, mort dans cette ville le 30 septembre 1699. 
Après avoir étudié les langues orientales à' l'université- 
d'Utrecht, d'abord et à Amsterdam ensuite, il fut nommée 
le 2 juillet 1650, professeur d'hébreu à l'université de- 
sa ville natale. li occupa sa chaire jusqu'à sa mort, sans; 
autre interruption qu'un voyage en Allemagne, en France 
et en Angleterre, où il aila recueillir des documents- 
pour ses travaux. On a de lui : Jonas illustratus, hebraice- 
chaldaice et latine, in-8», Utrecht,1656; Joël explicatus ; 
adjunctus Obadias illustratus, in-8», Utrecht, 1657;. 
Onomastieum sacrum, in quo omnia nomina propria 
hebrsea, chaldaica,grxca et origine latina tum in Velere 
quam in Novo Testamento occurrentia explicantur, 
in-8°, Utrecht, 1665, 1684; Philologus hebrseus, continens 
qusestiones hebraicas quse circa Vêtus Testamentum 
hebrseum moveri soient, in-4°, Utrecht, 1656, 1672, 
1695; Amsterdam, 1686; Philologus hebrseo-mixtus, in 
quo qusestiones mixtx scilicet de versione Vulgata, de 
versione Septuaginta interpretum, de Paraphrasibus 
chaldaicis, de variis Judssorum sectis et de aliis multis 
rébus prpponuntur, in-4°, Utrecht, 1663; Leyde, 1682, 
1699; Philologus hebrseo-grsecus, in quo qusestiones 
hebrœo-grsecie, cirea Novum Testamentum gi'iecum 
moveri solilse enodantur, in-4», Utrecht, 1670; Leyde, 
1685, 1695; les trois Philologus ont été réimprimés en- 
semble, 3 in-4», Bâle, 1739; Pirke Aboth, sive tractatus-. 
talmudicus, cum versione hebraica duorum capitum 
chaldaicomm Danielis, in-4°, Utrecht, 1665; 2= édit. r 
1675, augmentée de plusieurs autres chapitres de Daniel« 
et d'Esdras, traduits en hébreu, etc. ; Manuale hebrxo- 
lalino-belgicum, in-12, Utrecht, 1668; Grammatica 
hebrseo-belgica, in-12, Utrecht, 1668; Clavis hebraica et 
philologica Veteris Testamenti, in-8°, Utrecht, 1683; 
Clavis grœcaNovi Testamenti, in quo et themata Novi 
Testamenti secundum ordinem librorum referuntur, 
et ejusdem dialecti, hebraismi ac rariores constructiones 
explicantur, necnon variée observationes philologicse, 
antiquitates item sacrée et profanée annotantur, in-8°, 
Utrecht, 1672; Libellus de dialectis Novi Testamenti, 
singulatim hebraismis, extrait du Philologus hebreeo- 
greecus, par J. F. Fischer, in-8», Leipzig, 1754, 1792; 
Compendium grsecum Novi Testamenti, in quo 1829 
versiculi qui continent omnes et singulas totius Novi 
Testamenti voces asteriscis sunl annotati et a cgeteris 
versiculk distincti, in-8», Utrecht, 1674; in-12,. 1677; 
in-8», 1682; 1762 (la plus correcte de toutes); Compen- 
dium biblicum, in quo ex versiculis 23602 totius Ve- 
teris Testamenti, circiter bis mille tanty/m versiculi 
hebraice et latine sunt annotati et allegati, in quibus 
omnes universi Veteris Testamenti voces primitivse et 
derivatee, tant hebraicee quam chaldaicse, occurw.nl, 
quo omnes, sub Leusdenii prsesidio et ductione collegit 



197 



LEUSDEN 



LEVAIN 



198 



D. Daniel Van Vianen Vltrajectensis, in-8", Utrecht, 
1674; Halle, 1736; nombreuses éditions ; Psalterium he- 
braieum, hebrxo-latinum, hebrseo-belgicum, in-12, 
Utrecht, 1667; Novum Testamentum greecum, in-24, 
Utrecht, 1675; Biblia hebraïca cum prxfatione, in-8», 
Amsterdam, chez Joseph Athias, 166-1 ; 2 e édit.,'1661, cum 
lemmatibus latinis (cette Bible fut regardée comme la 
meilleure jusqu'à celle de Van der Ilooght en 1705; voir 
Journal des savants, 1707, Supplément, p. 219-238); 
Novum Testamentum syriacum, cum versione latina 
Tremelln paululum recognita, in-4°, Leyde, 1708 (édition 
achevée par Charles Schaaf). On doit aussi àLeusden les 
éditions suivantes : Samuelis Bocharli opéra omnia 
(avec la collaboration de Pierre Villemondi), 2 in-f», 
Leyde, 1675; 3 in-f°, 1692; Martini Pooli Synopsis criti- 
corum, 5 in-f°, Utrecht, 1686; Joannis Lightfoot opéra 
omnia, 3 in-f", 1699. « Leusden, dit' Michel Nicolas dans 
la Nouvelle Biographie générale, Paris, t. xxxi, 1862, 
col. 11, n'a été ni un esprit original ni un savant de pre- 
mier ordre; mais ses travaux ont été utiles, en rendant 
plus faciles les études philologiques nécessaires à l'in- 
telligence de l'Ancien et du Nouveau Testament. » — Voir 
le Journal des savants, 1707, p. 160; 1710, p. 141-142; 
C. Burmann, Trajectum eruditum, in-4°, Utrecht, 1738, 
p. 185-191 ; Laboudène, dans la Biographie universelle, 
t. xxiv, p. 385 ; Michel Nicolas, dans la Nouvelle Bio- 
graphie générale, t. xxxi, 1862, col 11. 

F. VlGOUROUX. 

LEVAIN (hébreu : ie'ôr; chaldéen : ie'ôr, Septante: 
ïO|jlti; Vulgate : fermentum; hébreu : hdmês, ce qui 
est fermenté, fermentatum), pâte aigrie servant à déter- 
miner la fermentation de la pâte fraîche. — 1° Le levain 
est une substance déjà fortement ferm entée qu'on 
ajoute à la pâte dont on veut faire le pain. Aujourd'hui, 
cette substance est ordinairement la levure de bière. 
Pline, H. N., XVIII, xi, 26, dit que, de son temps, on 
faisait lever le pain d'orge avec de la farine de lentille 
ou de cicerole ou pois chiche. Chez les Hébreux, on se 
servait communément de lie de vin ou de vin doux pour 
provoquer la fermentation de la pâte. Cf. Pesachim, ni, 
1. Le levain le plus facile à obtenir et le plus habituel- 
lement employé chez les anciens était emprunté à de la 
pâte antérieurement levée. C'était celui qu'on utilisait 
en Egypte. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 320. Pour l'ob- 
tenir, on prélève une partie de la pâte déjà préparée pour 
la cuisson; au bout de huit à dix heures, dans une en- 
ceinte à température assez douce, la fermentation se déve- 
loppe d'elle-même dans cette pâte; si à plusieurs reprises 
on l'additionne d'eau et de farine, au bout de quelques 
heures encore, cette masse se change en levain. On la 
mélange ensuite à la pâte nouvelle, dans la proportion 
d'un tiers à une moitié, selon que la température est 
plus ou moins élevée. La fermentation se produit dans 
la pâte aux dépens des matières sucrées de la farine; 
l'acide carbonique qu'elle dégage rend la pâte poreuse et 
légère et fait qu'ensuite le pain constitue une nourriture 
à la fois plus agréable et plus facilement assimilable. 

2° Il.est fait plusieurs allusions, dans la Sainte Écriture, 
à l'effet du levain sur la pâte. Le boulanger chauffe son 
four en attendant que sa pâte soit levée. Ose., vu, 4. Un 
peu de levain soulève une masse de pâte. I Cor., v, 6; 
Gai., v, 9. Il faut au levain quelques heures pour qu'il 
puisse produire son effet. C'est pourquoi les Hébreux, 
sortis à la hâte de la terre d'Egypte, durent faire cuire 
des pains sans levain à leur première station. Exod., 
xii, 39. Ils furent ainsi obligés, dès le début de leur 
voyage et à peu de jours du premier festin pascal, de se 
nourrir de pains azymes, comme ils auront à le faire 
désormais chaque année durant l'octave de la Pâque. 
Exod., xn, lS.Voir Azymes, t. i, col. 1311. Durant toute 
cette octave, aucune trace de levain ne devait subsister 
dans les demeures ni dans tout le pays d'Israël. Exod., 



xn, 19; xm, 7; Deut., xvi, 3. Il fallait éloigner toute 
tentation de violer la loi, en supprimant ce qui servait 
d'ordinaire à rendre le pain plus agréable. Les docteurs 
juifs veillèrent à l'accomplissement rigoureux de cette 
prescription. L'agneau pascal était immolé le 14 nisan, 
au soir, et alors seulement commençait le temps des 
azymes. Mais ils voulaient que, dès la nuit précédente, 
le père de famille inspectât toute sa maison le flambeau 
à la main, et que tout ce qui était fermenté fût brûlé vers 
le milieu de la journée. Vers dix heures du matin de ce 
jour, on prenait le dernier repas avec du pain levé. Cf. 
Iken, Antiquitates hebraicœ, Brème, 1741, p. 308. 

3° La raison principale qui faisait proscrire le pain 
fermenté dans l'octave de la Pâque et dans la plupart 
des offrandes, Exod., xxix, 2; Lev., n, 11 ; vu, 12; viir, 
2; Num., vi, 15, était que la fermentation implique une 
sorte de corruption. Dans les deux passages de saint 
Paul, I Cor., v, 6; Gai., v, 9, la Vulgate traduit Cuptot, 
« fait lever, » par corrumpit, « corrompt. » Cette idée, 
du reste, a été familière aux anciens. On n'offrait point 
aux dieux de pains fermentes, parce qu'on les regardait 
comme corrompus en quelque manière. Cf. Aulu-Gelle, 
X, xv, 19; Perse, Sat., i, 24; Plutarque, Quscst. rom., 
109. Les Hébreux n'emportèrent pas de levain d'Egypte, 
ce qui signifie symboliquement qu'ils laissèrent à l'Egypte 
sa corruption, sans en prendre rien avec eux quand ils 
partirent pour le désert. Cf. Bâhr, Symbolik des mo- 
saischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. il, p. 630, 631. Aux 
fêtes de la Pentecôte, Lev., xxm, 17, et dans les sacri- 
fices d'actions de grâces, Lev., vil, 13; Ami, iv, 5, on 
présentait des pains fermentes. Mais ces pains n'étaient 
pas offerts sur l'autel. Cf. Menachot, v,l ; Siphra, f. 77, 
1; Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 1741, p. 194; De 
Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 370. 
Il convenait qu'à la Pentecôte, fête destinée à remercier 
Dieu de la récolte, on présentât devant lui le fruit de la 
récolte dans l'état où l'homme l'utilisait d'ordinaire, par 
conséquent sous forme de pain fermenté. Une raison ana- 
logue explique l'offrande de pareils pains dans le sacrifice 
d'actions de grâces. Cf. Bâhr, Symbolik, t. H, p. 372 ,650; 
Iken, De duobus panibus Pentecostes, Brème, 1729. 

4° Il est à croire que, la plupart du temps, les Hébreux 
faisaient leur pain sans levain. C'est ainsi que procèdent 
Abraham et Gédéon vis-à-vis d'hôtes respectables. 
Gen.,xix, 3; Jud., vi, 19. Sans doute, dans l'un et l'autre 
cas, il fallait agir vite. Toujours est-il que les deux per- 
sonnages n'avaient pas habituellement de levain tout 
préparé ; car il n'eût pas été plus long de faire des pains 
levés que des pains azymes. Aujourd'hui encore, c'est 
la pratique commune en Orient, au moins dans les vil- 
lages d'Egypte, de Syrie et de Palestine, de pétrir la 
pâte sans levain et de la faire cuire immédiatement. Les 
Arabes font aussi leur pain avec de la pâte sans levain, 
qu'ils se contentent de délayer dans l'eau et d'appliquer 
ensuite avec le creux de la main sur la cruche qui leur 
sert de four. Ce pain sans levain ne vaut plus rien le 
lendemain. C'est seulement quand ils ont besoin d'en 
conserver plus longtemps et qu'ils ont le temps et la 
commodité de préparer du levain, qu'ils en mettent dans 
leur pâte. Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, 
Amsterdam, 1718, p. 192-194. 

5° Dans le Nouveau Testament, le levain représente 
aussi quelquefois un principe de corruption. Notre-Sei- 
gneùr avertit les disciples de se garder du levain des. 
pharisiens. Les disciples croient d'abord qu'il s'agit du 
levain avec lequel on prépare le pain. Le Sauveur leur 
explique que le levain dont il parle n'est autre que la 
doctrine des pharisiens, leur hypocrisie, leur méchan- 
ceté, leur attachement pour les traditions humaines au 
mépris de la loi de Dieu. Matth., xvi, 6-12; Marc., irai, 
15 ; Luc, xn, 13. Cette comparaison entre le levain et la 
mauvaise doctrine était familière aux docteurs juils. Cf. 
Buxtorf, Lexicon talmud., édit. Fischer, p. 1145. Saint 



199 



LEVAIN — LEVI 



200 



Paul, après avoir reproché aux Corinthiens l'inceste qui 
a été commis parmi eux, leur recommande de se débar- 
rasser de tout vieux levain de mal et de méchanceté, afin 
de célébrer la Pâque du Christ avec les azymes de la 
pureté et de la vérité. I Cor., v, 7, 8. — Dans une de ses 
paraboles, Notre-Seigneur mentionne le levain au point 
de vue de son action sur la masse de la farine : « Le 
royaume des cieux est semblable à du levain qu'une 
femme prend et mêle à trois se'âh de farine, jusqu'à ce 
que le tout soit fermenté. » Matth., nu, 33. Le Sauveur 
dut reproduire plusieurs fois cette parabole, puisqu'on 
la retrouve dans saint Luc, xm, 21, assignée à une 
autre époque. Le se'dh vaut un tiers du bath ou éphah, 
soit treize litres. Trois se'dh constituaient la contenance 
ordinaire d'un pétrin. Gen., xvm, 6; Jud., vj, 19; 
1 Reg., i, 24. Ce nombre n'a donc pis de signification 
particulière dans la parabole. Le royaume des cieux, 
c'est-à-dire l'Église, doit, par la prédication évangélique, 
produire dans le monde un effet analogue à celui du 
levain dans la pâte : être mêlée à toute l'humanité comme 
le levain à la pâte; agir sur elle, malgré sa iaiblesse nu- 
mérique, comme le levain agit sur la pâte; produire 
sur l'humanité une transformation qui la soulève, la 
transforme, lui donne de la valeur aux yeux de Dieu et 
l'aide à se conserver en bon état, de même que le levain 
soulève la pâte, la fait entrer tout entière en fermen- 
tation,, lui donne du goût et l'aide à se conserver. Les 
dernières paroles de la parabole, « jusqu'à ce que le 
tout soit fermenté, » indiquent que l'Église est destinée 
à agir sur toute l'humanité, dans l'universalité des temps 
et des lieux. Il est de toute évidence que, dans cette pa- 
rabole, le levain ne saurait être pris dans le sens péjo- 
ratif qui lui convient dans d'autres passages de la Sainte 
Écriture. Cf. S. Jérôme, In Evang. Matth., h, 13, t. xxvi, 
col. 91, 92; S. Augustin, Qusest. evang., i, 12, t. xxxv, 
col. 1326; Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 
1892, t. I, p. 533, 534; Jûlicher, Die Gleichnissreden 
Jesu, Fribourg-en-Brisgau, 1899, t. il, p. 577-581. 

H. Lesêtre. 
LEVANT, partie de l'horizon où le soleil se lève. 
Voir Cardinaux (Points), t. u, col. 257. 

LÉVI (hébreu : Lêvî; Septante : Aeue? ou Aeuî), nom 
d'un fils du patriarche Jacob, d'une tribu d'Israël et de 
trois autres Israélites. 

1. LÉVI, le troisième fils que Jacob eut de Lia. 
Gen., xxix, 34. Son nom, comme celui de ses frères, 
est un jeu de mots provenant de l'exclamation de sa 
mère lorsqu'elle le mit au monde : « Elle conçut de 
nouveau et engendra un fils, et elle dit : Maintenant 
mon mari s'unira (hébreu : yilldvéh) à moi, parce que 
je lui ai enfanté trois fils. C'est pourquoi elle l'appela du 
nom de Lêvî. » Gen., xxix, 34. Personnellement, Lévi 
n'est connu que par un épisode sanglant, raconté 
Gen., xxxiv. Pour venger l'honneur de sa sœur Dina, 
il ne craignit pas, avec Siméon, son frère, d'employer 
la ruse et la cruauté. Au mépris de la parole donnée et 
de l'alliance contractée, ils surprirent au milieu des 
douleurs de la circoncision Hémor et Sichem, chefs 
ehananéens, et leur ville, les mirent à mort, égorgèrent 
les hommes et emmenèrent en captivité les femmes et 
les enfants après avoir tout pillé et dévasté dans les 
maisons et dans les champs. Jacob adressa à Ses fils de 
durs reproches : « Vous m'avez troublé, leur dit-il, et 
vous m'avez rendu odieux aux Chananéens et aux Phé- 
rézéens, habitants de cette terre. Nous sommes peu 
nombreux;, ils se rassembleront et me frapperont, et je 
serai détruit, moi et ma maison. » Gen., xxxiv, 30. C'est 
sans doute parce que cette considération devait -produire 
le plus d'impression sur les coupables que le patriarche 
la tait valoir. Elle n'exclut pas l'horreur que dut lui 
inspirer le crime de ses enfants, comme on peut en 



juger d'après les paroles de la Bénédiction. Gen., xlix, 
5-7. Voir LÉvi 2. Lévi est le père de la tribu qui porte 
son nom. Ses fils furent Gerson, Caath et Mérari. 
Gen., xlvi, 11 ; I Par., vi, 1. A. Legendre. 

2. LÉVI (TRIBU DE), une des tribus d'Israël, spécia- 
lement consacrée au culte religieux. Nous en examine- 
rons le nom et l'origine, la division et les fonctions, 
les droits et les privilèges, et enfin l'histoire. Par là 
même se trouveront éclaircies plusieurs difficultés sou- 
levées par l'école critique contemporaine. 

I. Nom. — La Genèse, xxix, 34, interprète le mot 
rh, Lèvîj dans le sens de «. uni, attaché ». La racine 

rnb, lâvdh, est employée, à la forme niphal, avec la 

signification de « adhérer, s'attacher à quelqu'un », dans 
Isaïe, lvi, 3, 6, et Ps. lxxxii (hébreu, lxxxiii), 9. Dans 
les Nombres, xvm, 2, les Lévites sont représentés 
comme « attachés » (illdvû) à Aaron,, le grand-prêtre. 
Leur nom patronymique exprime ainsi en même temps 
leurs fonctions de ministres sacrés. Mais certains exé- 
gètes ne voient là qu'un procédé artificiel, au moyen 
duquel le patriarche Lévi eût été appelé ainsi à une date 
postérieure à l'organisation de la tribu. Lévi n'eût donc 
été à l'origine ni un nom d'homme ni un nom patro- 
nymique, mais un qualificatif indiquant une fonction ou 
une « attache » quelconque à une institution. De cette 
façon P. de Lagarde, Orientalia, Gœttingue, 1880, t. n, 
p. 20; Mittheilungen, Gœttingue, 1887, t. î, p. 54,'prend 
les Lévites pour les Egyptiens qui se joignirent aux Sé- 
mites lorsque ceux-ci quittèrent la contrée du Nil pour 
rentrer en Asie. Cf. Exod., xn, 38; Num., xt, 4. Voir 
aussi E. Renan, Histoire du peuple d'Israël, Paris, 1887, 
t. i, p. 149. Cette hypothèse est non seulement contre- 
dite par le texte sacré, mais elle manque de toute vrai- 
semblance; on ne peut admettre que les Israélites, 
avec leur amour-propre national, aient confié à des 
étrangers un ministère aussi important que celui du 
sacerdoce. — Maybaum, Die Entwickelung des altisrae- 
litischen Priesterthums, Breslau, 1880, p. iv, s'élevant 
contre l'opinion de P. de Lagarde, conclut de l'étymo- 
logie de làvàh que les Lévites portaient ce nom en leur 
qualité de « clients du temple ». Il est sûr que le par- 
ticipe lôvèh, « emprunteur, débiteur, » et, si l'on veut, 
« client, » a pour corrélatif malvéh, « prêteur, créan- 
cier » ou « patron ». Cf. Prov., xxn, 7; Is., xxiv, 2, etc. 
Mais le lévite n'est jamais nommé lôvéh, ni le temple 
malvéh. — Baudissin, Geschichte des alttestamentlichen 
Priesterthums, Leipzig, 1889, p. 50, s'appuyant sur Num., 
xvm, 2, 4, prétend que les Lévites, appelés à « s'ad- 
joindre » aux prêtres, ne devaient pas par là même leur 
vocation à leur naissance. Outre que cette conclusion 
pèche contre la logique, elle est condamnée par le texte 
biblique lui-même, où nous voyons Dieu présenter les 
Lévites à Aaron comme « ses frères, la tribu de Lévi, la 
race de son père ». L'auteur sacré marque simplement 
ici la supériorité des enfants d'Aaron sur les autres 
membres de la famille de Lévi, de même que la priorité 
de leur vocation et de leur consécration. Baudissin, 
ibid., p. 72, n'est pas plus heureux en expliquant l'hé- 
breu Leviim par « les attachés » ou « l'escorte de 
l'arche ». Être attaché à l'arche ou former son escorte 
n'était pas le privilège exclusif des Lévites, les prêtres 
tenaient de plus près au symbole sacré. Accompagner 
l'arche ne fut, du reste, qu'une fonction transitoire. 
Après l'établissement des Hébreux dans le pays de Cha- 
naan, les anciens leviim étaient devenus des kôhanîm 
ou € prêtres ». Comment ce dernier nom n'aurait-il pas 
supplanté le premier, donnant ainsi naissance à la tribu 
des Kôhanîm et au patriarche Kôhên plutôt qu'à celle 
des Leviim et au patriarche Lêvî? — F. Hommel, Auf- 
sàtze und Abhandlungen, Munich, 1893, p. 30; Die alt- 
israelitische Ueberlieferung, Munich, 1897, p. 278, fait 



201 



LËVI (TRIBU DE) 



202 



un rapprochement intéressant avec certaines inscrip- 
tions minéennes trouvées par Euting à el-Ola, au nord 
de Médine, et où il est question de personnes apparte- 
nant au Dieu Wadd, désignées sous le nom de lawi'u, 
féminin, lawVat, « prêtres, prêtresses. » Le rapport de 
ces mots avec l'hébreu lévi est accepté par Mordtmann, 
Beitrâge zur tninâiscken Epigraphik, Weimar, 1893, 
p, 43, et Sayce, Early history of the Hebrews, Londres, 
1897, p. 80. Mais en admettant que telle soit leur signi- 
fication exacte, leur emploi n'est pas conforme à celui 
de lêvî. Si l'on peut dire : « le prêtre, la prêtresse de 
Wadd, » on ne trouve nulle part dans l'Ancien Testa- 
ment : « le lévi de Jehovah. » L'idée de « prêtre » est 
exclusivement représentée en hébreu par kôhên. S'il y 
a eu emprunt, c'est plutôt du côté des Minéens, em- 
prunt qui s'expliquerait par l'établissement de colonies 
israélites dans le pays. — Wellhausen, Prolegomena 
zur Geschichte lsraels, Berlin, 1899, p. 146, prétend que 
Lêvi est simplement le nom ethnique dérivé de Lé'dh 
(Vulgate : Lia). Tel est aussi le sentiment de Stade, 
Lea und Rahel, dans la Zeitschrift fur die alttesta- 
mentliche Wissemchaft, Giessen; t. i, 1881, p. 116. 

II. Origine. — II y a là, on le voit, bien des subtilités 
pour échapper à l'autorité de la tradition biblique. C'est 
pourtant la seule qui réponde aux exigences de l'his- 
toire. Il est certain qu'à l'origine il a existé une tribu 
distincte, du nom de Lévi, Nous en avons la preuve 
dans la Bénédiction de Jacob, Gen., xlix, 5-7 : où elle a 
sa place marquée parmi les descendants du patriarche, 
à côté de Siméon. Voici, d'après l'hébreu, la traduction 
de ce très ancien morceau poétique. 11 est probable ce- 
pendant que le texte massorétique ne représente pas 
partout le texte primitif; de là certaines restitutions qu'il 
est permis de faire d'après les anciennes versions ou 
d'après des conjectures critiques. Cf. J. M. Lagrange, 
La prophétie de Jacob, dans la Revue biblique, Paris, 
t. vu, 1898, p. 525; C. J. Bail, The Book of GenesU in 
hebrew, Leipzig, 1896, p. 107. 

y. 5. Siméon et Lévi sont frères, 

Ils ont consommé la violence avec leurs ruses : 
t. 6. Que mon âme n'entre pas dans leur complot, 

Que mon honneur ne s'unisse pas à leur coalition, 

Car dans leur colère ils ont tué des hommes, 

Et dans leur caprice ils ont énervé des taureaux. 
y. 7. Maudite soit leur colère, car elle a été violente, 

Et leur fureur, car elle a été inflexible. 

Je les diviserai dans Jacob, 

Et je les disperserai dans Israël. 

Il est clair que ce passage fait allusion au récit de 
Gen., xxxiv, 25-31, à la fourberie et à la cruauté de 
Siméon et de Lévi à l'égard des Sichémites. Voir Lévi 1. 
C'est pour cela que, dans le premier vers, au lieu de 
'ab-im, « frères, » on propose de lire 'ôhîm, « hyènes » 
(Bail) ou « hurleurs » (Lagrange). Cf. Is., xm, 21. Des 
allusions semblables sont faites à propos de Ruben. Cf. 
Gen., xlix, 4; xxxv, 22. On remarquera que, dans la 
Bénédiction, Lévi, représentant réel ou simplement idéal 
de la tribu, n'apparaît pas comme type de l'ordre sa- 
cerdotal. Par conséquent, ce n'était pas non plus comme 
ministres du culte que les Levîîm portaient ce nom. 
. Par là même aussi, puisque nous trouvons, dès les 
premiers temps de l'histoire d'Israël, une vraie tribu de 
Lévi, qui n'est pas envisagée comme la tribu sainte, 
nous en conclurons qu'elle existait comme tribu poli- 
tique, au même titre que les autres, et indépendam- 
ment de sa consécration au service divin. 

Wellhausen et d'autres critiques admettent cette 
conclusion, mais prétendent qu'il est impossible de 
rattacher à cette tribu primitive celle des ministres sa- 
crés : la première aurait disparu de bonne heure, et la 
seconde, d'origine récente, aurait eu des débuts indé- 
pendants. Nous ne pouvons réfuter en détail ces asser- 
tions ni les raisons mises en avant. Qu'il nous suffise 



de dire que la prétendue disparition est une supposi- 
tion gratuite, que l'histoire ne nous montre nulle part 
ces débuts indépendants dont on parle. Ce qu'il y a de 
certain, c'est que le Deutéronome, quelle que soit son 
origine, suppose la tribu de Lévi en possession univer- 
sellement reconnue des prérogatives sacerdotales, et que, 
dans la Bénédiction de Moïse, Deut, xxxm, 8-11, la 
tribu sacerdotale de Lévi est bien, comme dans la Bé- 
nédiction de Jacob, sœur de Ruben, de Juda et des autres, 
par conséquent identique à la tribu primitive. Voici, du 
reste, le passage de Deut., xxxiii, 8-11; il nous appor- 
tera quelque lumière sur les origines de la famille lévi- 
tique : « Et [Moïse] dit à Lévi (c'est-à-dire au sujet de 
Lévi) : 

t. 8. Donne à Lévi (d'après LXX) ton Tummim 

Et ton Urtm à ton homme pieux, 

Que tu as tenté à Massa, 

Que tu as jugé aux Eaux de Mériba ; 
f. 9. Qui a dit de son père 

Et de sa mère : Je n'y ai point égard ; 

[Qui] n'a pas considéré ses frères 

Et n'a pas connu ses enfants. 

Parce qu'ils ont observé tes commandements 

Et gardé ton alliance, 
f. 10. Us enseigneront tes jugements à Jacob 

Et ta loi à Israël ; 

Es présenteront l'encens à tes narines, 

Et l'holocauste sur ton autel. 
f. M. Bénis, Jéhovah, sa lortune (ou sa force) 

Et agrée l'œuvre de ses mains ; 

Brise les reins de ses adversaires 

Et de ses ennemis, afin qu'ils ne puissent se lever contre lui. 

L'Urîm et le Tummîm représentent un des attributs du 
sacerdoce. Donner au peuple l'enseignement religieux, 
offrir l'encens et le sacrifice sont les principales fonctions 
du ministère sacré. Et tels sont les privilèges dont nous 
trouvons la tribu de Lévi déjà investie. Mais d'où lui 
vint cette prérogative? Elle la dut, non pas à un ache- 
minement graduel, comme on le prétend, mais à un 
choix spécial de Dieu, à une institution positive. Cf. 
Num., i, 50; m, 3, 6, etc. Cependant la raison de sa 
vocation est clairement indiquée ici : ce fut sa fidé- 
lité envers Dieu. Quelle que soit, en effet, l'obscurité de 
l'allusion par rapport à Massa et à Mériba (cf. Exod., xvii, 
1-7; Num., XX, 1-13; xxvn, 14), les paroles du f. 9 sont 
également l'écho d'un événement historique, raconté 
Exod., xxxn, 21-29. Moïse, après l'incident du veau d'or, 
voulant châtier les coupables, s'écria : « A moi qui- 
conque est pour Jéhovah! » Les Lévites seuls entendi- 
rent cet appel. Armés de glaives, ils parcoururent le 
camp d'un bout à l'autre, frappant tous ceux qu'ils 
rencontraient, « frères, amis, parents, » c'est-à-dire sans 
ménagement, sans distinction de personnes. C'est ce 
que le poète sacré rappelle en disant qu'ils ne connurent 
ni père, ni mère, ni frères, ni enfants. Il n'a donc pas 
voulu par là exprimer un principe abstrait, c'est-à-dire 
le détachement habituel des Lévites, le renoncement 
aux liens les plus chers, mais un fait réel, qui a mis en 
relief leur attachement absolu à la cause de Jéhovah. 
Aussi est-ce ce jour-là qu'ils reçurent la promesse de l'in- 
vestiture des fonctions saintes. Ils avaient, par leur zèle, 
changé en bénédiction la malédiction qu'avait attirée sur 
eux la conduite criminelle de leur père. Il est permis 
peut-être de remonter plus haut dans l'histoire et d'ex- 
pliquer les aptitudes spéciales des enfants de Lévi au 
culte religieux. On a remarqué parmi eux plusieurs 
noms propres égyptiens ou renfermant un élément égyp- 
tien; tels sont ceux de Phinéès (hébreu : Pinehés), 
Exod-, vi, 25; Num., xxv, 7; Phutiel (hébreu : Pûti'êl; 
et. Pûlîfar), Exod., VI, 25, et celui de Moïse (MôSëh}- lui 
même. Il est donc possible que des familles influentes 
de la tribu soient entrées en rapport avec les Egyptiens, 
pendant leur séjour dans la vallée du Nil. L'homme de 
Dieu qui s'adresse au grand -prêtre Héli, rappelle que 



203 



LÉVI (TRIBU DE) 



204 



les ancêtres de celui-ci avaient été « les serviteurs de la 
maison de Pharaon », I Reg., u, 27, formule qui n'est 
jamais appliquée à Israël dans son ensemble. Sous le 
coup de l'aversion dont furent l'objet les fils de Lévi 
par suite du crime de Sichem, ils se tournèrent 
peut-être plus que les autres Israélites vers les habitants 
de l'Egypte et acquirent dans ce commerce une culture 
plus élevée, une certaine connaissance de la religion 
égyptienne, ce qui ne les empêcha pas d'être les ar- 
dents défenseurs de leurs traditions religieuses. «Ainsi 
Lévi se préparait à prendre la direction spirituelle des 
autres tribus. Lorsque, après les jours d'oppression, 
l'heure de la délivrance sonna, ce fut un lévite qui fut 
choisi pour sauver ses frères de la servitude et pour 
leur donner leur organisation religieuse, principe de 
leur unité et de leur future puissance. Les lévites fu- 
rent tous désignés pour remplir, au sein de la nation 
nouvelle, les fonctions de ministres du culte; ils restè- 
rent attachés au service de Jéhovah, dont ils avaient 
assuré le triomphe. Les analogies que l'on a signalées 
entre divers éléments des institutions rituelles des Hé- 
breux et des Égyptiens s'expliqueraient très bien par 
les circonstances que nous venons d'exposer. » A. van 
Hoonacker, Le sacerdoce lévilique, Londres et Louvain, 
1899, p. 309. 

III. Division : Prêtres et Lévites. — La tribu de Lévi 
a compris de tout temps deux groupes distincts de mi- 
nistres sacrés : les prêtres et les lévites proprement dits. 
Les premiers appartenaient exclusivement à ia famille 
d'Aaron, les seconds se rattachaient aux autres descen- 
dants de Lévi. Voici, du reste, d'après Exod., vi, 16-25, 
un arbre généalogique qui fera mieux comprendre ce 
que nous dirons à ce sujet : 

Lévi 



1. Gèrson, 2. Caath, 3. Mérari. 



4. Amrsm, 2. Isaar, 3. Hébron, 4. Oziel. 



I 



1. Marie, 2. Aaron, 

I 



3. Moïse. 



1. Nadab, 2. Abiu, 3. Eléazar, 4. Ithamar. 1. Gersam, 2. Eliézer. 



Phinéès. 



Le sacerdoce existait même avant la vocation de la 
tribu de Lévi. Déjà, au moment de l'exode, Aaron est 
associé à Moïse, dont il est le porte-voix. Exod., rv, 14. 
Là, il est appelé « le lévite », titre qui nous le repré- 
sente comme le chef de l'ordre lévitique. Plus tard il 
est convoqué par Dieu sur le Sinaï avec ses deux pre- 
miers fils, Nadab et Abiu, en compagnie de Moïse et des 
70 Anciens. Exod., xxiv, 1, 9. Si Nadab et Abiu se 
trouvent ici associés à leur père, c'est qu'ils sont con- 
sidérés comme partageant ses fonctions et sa dignité. 
Il est probable même que les na'ârê benè Ysrâ'êl, « les 
jeunes gens » ou « les serviteurs des fils d'Israël », qui, 
en cetle circonstance, jp. 5, offrent les sacrifices, sont, 
non pas les fils aînés des familles ou en général « des 
jeunes gens », mais les ministres du culte constitués 
parmi les enfants d'Israël, regardés comme s les ser- 
viteurs du peuple » dans la célébration du service re- 
ligieux. Il est vrai qu'Aaron et ses fils ne sont pas en- 
core solennellement consacrés. Mais leur investiture 
solennelle, Exod., xxvm-xxix, est motivée par l'insti- 
tution du sanctuaire et l'organisation des cérémonies 
qui devaient s'y accomplir ; elle ne prouve pas qu'Aaron 
ne fut pas, avant sa consécration, attaché au service de 
Jéhovah. Le même motif s'applique au choix et à la 
consécration des Lévites, destinés a être les aides des 
enfants d'Aaron. 

Les deux groupes lévitiques étaient, comme nous le 
verrons, nettement distingués par leurs attributions, et 



jamais la classe inférieure, quelle qu'ait été sa situa- 
tion à telle ou telle époque de l'histoire, n'a pu s'élever 
à la hauteur de l'autre et se confondre avec elle. Cepen- 
dant la communauté d'origine devait parfois occasionner 
une certaine obscurité, le mot lévite désignant, dans 
son acception générale, la tribu tout entière, et, dans 
son sens restreint, une catégorie spéciale de ministres 
sacrés. C'est pour cela que, dans quelques livres de 
l'Écriture, la distinction entre les deux ordres n'est pas 
aussi bien marquée que dans d'autres. Dans les Nombres, 
par exemple, le titre de prêtre est réservé aux fils d'Aa- 
ron, Num., ni, 3; x, 8; xvi, 37, 39, etc.; les lévites « leur 
sont donnés » comme ministres inférieurs, m, 6-10; ils 
ne peuvent toucher les vases du sanctuaire sous peine 
de mort, le soin de les envelopper pour le transport 
n'appartient qu'aux prêtres, îv, 15, 19, 20 ; Dieu dit à 
Aaron : « J'ai pris pour vous du milieu des entants 
d'Israël les lévites vos frères, pour être un don à Jého- 
vah, afin qu'ils le servent dans le ministère du tabernacle; 
mais toi et tes fils avec toi, gardez votre sacerdoce 
à l'égard de tout ce qui concerne l'autel, etc. », xvm, 
6, 7. Dans le Deutéronome, au contraire, le lévite, c'est 
le membre de la tribu de Lévi, sans détermination ulté- 
rieure et sans aucune notion d'infériorité; le prêtre, 
c'est le lévite en tant qu'investi du droit à l'exercice des 
fonctions saintes. Deut., x, 8, 9; XII, 12, 18, 19; xvm, 
3-8. On trouve des expressions comme celle-ci : Kôhâ- 
nîm ha-leviyyîm, « les prêtres lévites, » Deut., xvm, 1; 
la Vulgate a mis la particule conjonctive, « les prêtres 
et les lévites, » mais ni le texte massorétique ni les Sep- 
tante ne la portent, ce qui est conforme à la termino- 
logie habituelle du Deutéronome. Il ne faudrait cepen- 
dant pas conclure de là que le Deutéronome ignore la 
distinction entre les fils d'Aaron et les autres membres 
de la tribu. On remarque, du reste, que, même dans 
les livres où la distinction est le plus clairement mar- 
quée, le mot lévite est parfois employé dans son sens 
général, sans détermination précise; ainsi Num., xxxv, 
2, 6, 8;Jos., xiv, 4; xxi, 8. 

Les Paralipomènes présentent à la fois les deux carac- 
tères que nous venons de constater dans le Pentateuque. 
D'un côté, la ligne de démarcation est nettement tracée 
entre prêtres et lévites au point de vue de l'origine. 
Ceux-ci sont parfaitement distingués de ceux-là dans 
une énumération des douze tribus avec leurs chefs res- 
pectifs : « Les Lévites avaient pour chef Hasabias, fils 
de Camuel, et les Aaronides, Sadoc. » I Par., xxvii, 17. 
Il en est de même pour les attributions spéciales à 
chacun des deux groupes. Cf. I Par., vi, 48, 49 (hébreu, 
33, 34); XVI, 39, 40; xxm, 13, 28, 20, etc. Voir ce que 
nous disons plus bas : Fondions. D'un autre côté cepen- 
dant, malgré ces titres distinctifs, les deux ordres sem- 
blent parfois se confondre sous la plume de l'auteur. 
Ainsi les Lévites sont aussi bien que les prêtres « saints, 
saints à Jéhovah »>.II Par., xxm, 6;. xxxv, 3; ils exercent 
comme eux le ministère sacré (Sùrêf) « devant l'arche, 
dans la maison de Jéhovah, envers Jéhovah lui-même ». 
I Par., xvi, 4, 37; xxvi, 12; xv, 2. Il semble, d'après 
I Par., ix, 32, que ce sont des lévites de la famille de 
Caath, non pas des Aaronides, qui doivent renouveler 
chaque semaine les pains de proposition, fonction que 
la Loi réservait aux prêtres. Les lévites et « les prêtres 
lévites » sont confondus, II Par., v, 4, comme « por- 
teurs de l'arche », du tabernacle, des meubles sacrés 
qu'ils introduisent dans le nouveau temple ; cependant, 
au *. 7, ce sont les prêtres qui placent l'arche dans le 
saint des saints. Dans la description d'une Pâque solen- 
nelle, célébrée sous le règne d'Ézéchlas, II Par., xxx, 
15, l'auteur, parlant des prêtres et des lévites, dit 
qu' « ils offrirent des sacrifices dans la maison de Jého- 
vah ». Il ajoute plus loin, ji. 23, que les lévites « man- 
gèrent durant la solennité, pendant sept jours, immo- 
lant des victimes pacifiques et louant Jéhovah le Dieu 



205 



LÉVI (TRIBU DE) 



200 



de leurs pères ». Déjà, dans le chapitre xxix, 4, 5, nous 
voyons les deux divisions du clergé traitées pas le roi 
sur le même pied; et cependant les prêtres proprement 
dits, les fils d'Aaron, sont, au coars des cérémonies, 
plus d'une fois soigneusement distingués des simples 
lévites, f. 12-16, 21-25, 26. Cette sorte d'égalité entre 
prêtres et lévites s'explique par la situation élevée que 
ces derniers possédaient à l'époque préexilienne. En 
tout cas, ce que nous venons de dire suffit pour mon- 
trer que les différentes manières de parler, chez les au- 
teurs sacrés, tiennent à leurs points de vue différents 
ou à certaines conditions historiques, mais que la dis- 
tinction fondamentale entre Aaronides ou prêtres et 
lévites proprement dits n'a jamais été méconnue. 

Le tableau généalogique que nous avons donné plus 
haut montre l'origine commune et la distinction des 
deux groupes lévitiques.Aaron,le premier grand-prêtre, 
decendait de Lévi par Caath. Le sacerdoce fut hérédi- 
taire dans sa famille exclusivement. Ses deux fils aînés, 
Nadab et Abiu, que nous avons vus partager dès le dé- 
but son ministère et sa dignité, moururent frappés par 
la colère divine, comme il est raconté Lev., x, 1-2. 
Les prérogatives sacerdotales passèrent alors à leurs 
frères, Éléazar et Ithamar, et leurs descendants. Les 
fils d'Aaron furent donc divisés en deux branches prin- 
cipales, et, après la mort de celui-ci, ce fut Éléazar qui 
revêtit les insignes du souverain pontificat. Num., xx, 
■25-28. Éléazar eut pour successeur son fils Phinéès. 
Num., xxv, 11-13. Pour le reste, voir Grand-Prêtre, 
t. m, col. 295. David partagea les deux branches sacer- 
dotales en 24 classes, dont 16 de la souche d'Éléazar, et 
8 de celle d'Ithamar. L'ordre de rang et de service fut 
déterminé entre ces classes par. le sort. I.Par., xxiv, 
4-19. Les Lévites, de leur côté, se trouvèrent divisés dès 
l'origine en trois grandes familles, celle de Gerson, de 
Caath et de Mérari. 

IV. Fonctions et consécration. — Les prêtres et les 
lévites, avons-nous dit, étaient nettement distingués par 
leurs attributions. Nous ne pouvons indiquer ici que 
d'une manière générale les fonctions sacerdotales. Pour 
les détails, voir Prêtres. Aux prêtres seuls appartient 
le . service de l'autel, oblation des sacrifices, offrandes 
et libations. Eux seuls peuvent entrer dans le taberna- 
cle, pour taire brûler l'encens sur l'autel des parfums, 
veiller au service de la table des pains de proposition, 
à l'entretien du chandelier d'or. Exod., xxx, 7, 20; 
Lev., xxiv, 2-9, etc. Leur mission près du peuple, 
dans ces fonctions mêmes, est de le réconcilier avec 
Dieu, de le bénir, de l'instruire dans la Loi, de le main- 
tenir dans la pureté légale. Lev., îv, v, x, 10, 11; xm, 
xiv; Num., vi, 22-27. Un de leurs privilèges est l'usage 
des trompettes sacrées dans les circonstances solennelles. 
Num., x, 8. Ils doivent être exempts de certains défauts 
corporels, se purifier des souillures légales avant de 
remplir leur ministère et de manger les choses saintes. 
Lev., xxi, 16-23; xxn, 2-7. Tous sont tenus de prati- 
quer les ablutions réglementaires, et de s'abstenir de 
boissons enivrantes chaque fois qu'ils doivent entrer 
dans le tabernacle. Exod., xxx, 19; Lev., x, 9. 

Les lévites sont les gardiens du sanctuaire et les ser- 
viteurs des prêtres, auxquels ils sont absolument subor- 
donnés. Num., i, 50; m, 6-10. Leur exclusion des 
offices et des droits sacerdotaux est indiquée d'une ma- 
nière saisissante dans le récit de la révolte et du châti- 
ment de Coré, de Dathan et d'Abiroh. Num., xvi, 1-35. 
Ils sont offerts à Dieu par Aaron pour remplacer les pre- 
miers-nés d'Israël. Num., m, 12, 45; vm, 11, 13-19. Au 
désert, ils sont chargés du transport du tabernacle et 
de son mobilier. Les attributions de chaque famille sont 
ènumérées d'une manière précise. Num., iv. Les fils de 
Caath, sous la conduite d'Éléazar, devaient porter les 
meubles sacrés, préalablement enveloppés par les prêtres 
en de précieuses couvertures. Les fils de Gerson, sous 



la conduite d'Ithamar, avaient pour mission de porter 
les rideaux et les tentures du tabernacle. Les fils de 
Mérari, également soumis à Ithamar, portaient les plan- 
ches, les barres et les colonnes qui formaient la char- 
pente du tabernacle, les piquets et les cordages de l'en- 
ceinte du parvis. Sous David, nous trouvons les Lévites 
divisés en quatre classes : 1» les gardiens du matériel 
et du trésor de la maison de Dieu, I Par., xxm, 4; 
xxvi, 20-28; 2» les magistrats et les juges, iôterîm û-Sô- 
fetim, I Par., xxm, 4; xxvi, 29-32; 3° les portiers, 
I Par., xxm. 5; xxvi, 1-19; 4» les chantres. I Par., xxm, 
5; xxv. Ces derniers, à leur tour, étaient partagés en 
trois groupes, sous la direction de trois chefs de chœur : 
Asaph, des fils de Gerson, avec quatre sections; Éthan 
ou Idithun, des fils de Mérari, avec six sections; Hé- 
man, des fils de Caath, avec quatorze sections; ce qui 
faisait en tout vingt-quatre sections, dont chacune était 
divisée en douze familles, d'où 288 familles de chantres. 
I Par., xxv, 1-7. Voir Chantres du Temple, t. h, col. 556. 
La classe des portiers comprenait quatre groupes suivant 
les quatre points d'orientation du sanctuaire. Voir Por- 
tiers. Il est probable que les « magistrats et juges » 
étaient divisés en six classes diversement dénommées à 
différentes époques suivant l'une ou l'autre des familles 
les plus éminentes. VoirCAATHiTES, t. h, col. 3; Gerson, 
t. m, col. 214; Mérari. Les Lévites entraient en fonc- 
tions à l'âge de trente ans, d'après Num., iv, 3, 23, 30, 
à vingt-cinq ans, d'après Num., vm, 24 (les Septante 
portent 25 dans tous les passages). Cet âge fut fixé par 
la constitution davidique à vingt ans. I Par., xxm, 24-28. 
Le service cessait à cinquante ans. Toute la période des 
rois fut la plus brillante pour les lévites. Après l'exil, 
nous les trouvons chargés de la surveillance des travaux 
du nouveau temple. I Esd., m, 8-9. Ils entourent Esdras 
pendant la lecture de la Loi, II Esd., vm, 4, 7, 9, et c'est 
dans leur bouche qu'est placée la confession qui précède 
le renouvellement de l'alliance avec Dieu. II Esd., IX, 5. 
Ils sont chargés, sous l'inspection d'un prêtre, de pro- 
céder au prélèvement des dîmes. II Esd., x, 37-38. Ce- 
pendant la classe des « magistrats et juges » disparaît 
presque complètement dans les documents qui se rap- 
portent à cette époque du second temple. 

Prêtres et lévites ne pouvaient entrer en fonctions 
sans une consécration spéciale, tant était grande la sain- 
teté de leur ministère. Et ici encore la différence des 
deux ordres est marquée par la différence des rites. 
Sans parler de la consécration du grand-prêtre, qui 
était la plus solennelle, celle des simples prêtres se 
composait essentiellement des cérémonies suivantes : 
purification corporelle, vêture, c'est-à-dire remise de la 
tunique de lin, de la ceinture et de la mitre, remise des 
offrandes entre leurs mains, imposition des mains sur 
la victime, une sorte d'onction avec le sang d'un bélier 
sur l'extrémité de l'oreille droite, sur le pouce de la 
main droite et le pouce du pied droit, une aspersion avec 
un mélange de sang et d'huile sainte, enfin repas sacré. 
Cl. Exod., xxix, 1-37; Lev., vm, 1-36. Quant à l'onction 
proprement dite, voir Huile, t. m, col. 776. — L'ordi- 
nation des lévites était beaucoup plus simple, comme la 
reconnaît lui-même le texte sacré. Il Par., xxix, 34. La 
cérémonie préliminaire comprenait aussi la purifica- 
tion, c'est-à-dire une aspersion « d'éau de péché » ou 
symbolisant fa rémission des péchés, puis purification 
du corps et des vêtements. Une double donation carac- 
térisait la consécration proprement dite : les lévites 
étaient donnés à Jéhovah par les enfants d'Israël, et 
Jéhovah de son côté les donnait aux prêtres. On dis- 
tingue quatre rites successifs : 1» Les princes du peuple 
imposaient les mains aux lévites, pour marquer qu'ils 
les substituaient aux premiers-nés que Dieu s'était ré- 
servés. 2» Le grand-prêtre les offrait à Dieu avec une 
cérémonie particulière que le texte hébreu exprime par 
les mots hênîf fenûfâh'. Num., vin, 11. Hénif signifie 



207 



LÈVI (TRIBU DE) 



208 



« agiter, balancer de côté et d'autre », et tenûfâh est le 
nom donné à l'offrande ainsi présentée à Dieu. Cf. Exod., 
xxix, 24, 26; Lev., vu, 30, etc. 3° Les Lévites à leur tour 
mettaient les mains sur la tête des deux bœufs qu'on de- 
vait immoler. 4° Enfin ils étaient remis aux prêtres, dont 
ils devaient être les serviteurs. Num., vin, 5-19. On voit 
parce rituel toute la distance qui les séparait des ministres 
de l'autel. Avaient-ils des insignes? La Loi ne renferme 
aucune disposition spéciale à ce sujet ; son silence ferait 
plutôt croire que non. Cependant les Paralipomènes nous 
présentent les lévites préexiliens revêtus de la tunique 
blanche comme les prêtres. I Par., xv, 27; II Par., v, 12. 
Était-ce en raison du caractère exceptionnel de certaines 
solennités ? La situation élevée qu'ils avaient à cette époque 
les avait-elle conduits à cette sorte d'usurpation? On ne 
sait. Le fait est qu'après l'exil, ils n'avaient plus d'uniforme 
distinctif. Dans le récit de la reconstruction du temple, 
I Esd., m, 10, on mentionne les ornements sacrés des 
prêtres, on ne parle pas de ceux des lévites. Josèphe, Ant. 
jud., XX, ix, 6, rapporte que, sous le règne d'Agrippa, 
les lévites-chantres demandèrent et obtinrent l'autorisa- 
tion de porter aussi bien que les prêtres une robe blanche. 
Dans son mécontentement, il s'écrie : « Toutes ces mesures 
étaient contraires aux usages nationaux, dont la violation 
devait attirer sur les Juifs de si justes châtiments. » 

V. Droits et privilèges. — La tribu de Lévi, consa- 
crée à Dieu, devait lui appartenir entièrement, sans 
souci des biens terrestres. Dieu seul était son héritage, 
Num., xviii, 20; mais, en retour, il lui cédait une partie 
de ses droits sur la terre d'Israël. Les familles sacerdo- 
tales et lévitiques n'eurent donc point, comme les autres, 
de territoire propre et distinct dans le pays de Chanaan. 
Jos., xili, 14, 33. Elles vécurent disséminées, ayant pour 
séjour garanti et privilégié certaines villes déterminées. 
Jos., xxi. Voir Lévitiques (Villes). Leur entretien tom- 
bait à la charge de la nation par là même qu'elles la re- 
présentaient auprès de Jéhovah. Des contributions de 
diverses natures étaient destinées soit aux membres de la 
tribu qui vivaient dispersés, soit à ceux qui étaient attachés 
au sanctuaire national pour l'exercice du ministère sacré. 
La dotation du clergé comprenait les revenus suivants : 

1° La dîme. — La loi mosaïque plaçait dans la dime la 
principale source de subsistance pour les prêtres et les 
lévites. Cf. Deut., xtv, 22-29. Voir Dime, t. h, col. 1431. 

2° Les premiers-nés et les prémices. — La même loi 
établit que les premiers-nés mâles des troupeaux appar- 
tiennent à Jéhovah et doivent lui être consacrés, que les 
prémices de tous les produits des champs doivent lui 
être données. Exod., xm, 11-16; xxm, 19; xxxiv, 19-20; 
Deut., xv, 19-23; xxvi, 1-10. Or, la part de la tribu de 
Lévi en Israël n'est autre que la part de Jéhovah. Num., 
xviii, 8-19; Deut., xviii, 1-2. Les ministres sacrés avaient 
donc un droit à prélever sur ces offrandes, mais en 
laissaient une partie aux donateurs pour leurs repas de 
fêtes. Voir Premiers-nés et Prémices. 

3° Les sacrifices et les offrandes. — L'autel lui-même 
constituait pour les prêtres une source abondante de 
revenus. Nous savons, d'après Num., xvm, 9-10, que 
« les choses très saintes » étaient exclusivement réser- 
vées aux prêtres, et qu'elles devaient être consommées 
dans le lieu saint, par les seuls membres mâles des 
familles sacerdotales. Sous ce nom étaient comprises 
les viandes des victimes offertes pour le péché (hattâ'f), 
dans les cas où ce qui restait après les parties consu- 
mées sur l'autel ne devait pas être brûlé, et les viandes 
des victimes offertes pour le délit ou la réparation ÇâSàm). 
Parmi ces mêmes choses était compté le sacrifice non 
sanglant (minhâh), c'est-à-dire l'offrande de farine fine 
avec de l'huile et de l'encens, ou de gâteaux sans levain 
pareillement trempés dans l'huile. Une partie était 
brûlée sur l'autel, le reste devait être consommé dans le 
lieu saint, par les prêtres. Lev., il, 1-11; Num., xv, 
1-15. Tous les membres des familles sacerdotales, les 



femmes comme les hommes, pouvaient prendre leur 
part de certaines offrandes, des prémices en particulier. 
Num., xvm, 11-19. Le Lévitique, vu, 29-34, détermine- 
ce qui revient au prêtre des victimes pacifiques. Dans 
l'holocauste, le sacrificateur ne prélevait que la peau de 
l'animal. Lev., vil, 8. Voir Offrandes, Sacrifices. 

4° Les choses consacrées à Dieu. — Dans la consécra- 
tion simple ou par vœu, il n'y avait point, semble-t-il, 
de bénéfice direct pour le prêtre; les dons revenaient au 
sanctuaire. Mais, dans la consécration absolue ou hêrém, 
l'objet consacré, n'étant soumis à aucune condition de 
vente ou de rachat, appartenait à Jéhovah comme 
« chose très sainte ». Lev., xxvii, 28. Or, d'après Lev., xxvn, 
21, cette chose revenait au prêtre : celui qui, après avoir 
consacré son champ, ne le rachète point et le vend 
malgré cela à un tiers, perdra son droit de rachat et soix 
titre de propriété, de sorte qu'en l'année du jubilé, le 
champ, au lieu de lui revenir, sera considéré comme- 
chose sainte de Jéhovah à l'instar d'un champ hêrém, et 
par conséquent « passera en la possession du prêtre ». 
— Pour le privilège de l'hérédité dans la tribu de Lévi, 
voir Prêtres. 

VI. Histoire. — 1» Du Sinaï à la conquête de Cha- 
naan. — La tribu de Lévi, par sa consécration même, 
était séparée des autres tribus d'Israël ; aussi ne fut-elle 
pas comprise dans le dénombrement du peuple ou plutôt 
des guerriers, fait au Sinaï. Num., i, 47, 49; n, 33, 
Mais, comme les Lévites avaient été substitués aux pre- 
miers-nés, ils furent comptés d'après un autre système, 
c'est-à-dire depuis un mois et au-dessus, et non pas 
depuis la vingtième année, selon le mode de recense- 
ment adopté pour les hommes en état de porter le» 
armes. Num., m, 15. Si l'on se fût restreint à ne les 
prendre que depuis l'âge de vingt ans jusqu'à soixante, 
leur nombre n'aurait pu égaler, à beaucoup près, celui 
de tous les premiers-nés des autres tribus. On trouva 
7 500 Gersonites, 8600 Caathites et 6200 Mérarites, 
Num . , m, 22, 28, 34 ; au total 22 300. La Bible, cependant, 
Num., m, 39, ne parle que de 22 000, ce qui tient sans 
doute à une erreur de transcription dans ce chiffre ou 
dans l'un des précédents. Dans les campements, la place 
des lévites et des prêtres était naturellement auprès du 
tabernacle : les fils de Gerson étaient à l'ouest, avec Élia- 
saph pour chef; ceux de Caath, au sud, ayant à leur tête 
Élisaphan; ceux de Mérari, au nord, sous la direction de 
Suriel ; Moïse, Aaron et ses fils occupaient le côté orien- 
tal. Num., m, 23-24,29-30, 35, 38. Pour porter les diver- 
ses parties du mobilier sacré, les Gersonites reçurent 
deux chars et quatre bœufs, et les Mérarites quatre 
chars et huit bœufs, le tout offert par les chefs des douze 
tribus. Les Caathites ne reçurent rien, parce que, en 
raison de la sainteté de leurs fardeaux, ils devaient les. 
porter sur leurs épaules. Num., vu, 6-9. Pour convo- 
quer le peuple devant le tabernacle, pour réunir les 
chefs de la nation, pour annoncer la levée du camp et 
le départ, les prêtres faisaient retentir les trompettes- 
sacrées. Il en était de même pour proclamer la guerre ou 
annoncer certaines solennités. Num., x, 3-10. Le privi- 
lège sacerdotal accordé à la lamille d' Aaron rut pour un 
certain nombre de Lévites un objet de jalousie et une 
occasion de révolte. Le Caathite Coré fut le chef des 
mécontents. Le châtiment des rebelles fut terrible. 
Num., xvi, 1-35. Voir Coré 3, t. n, col. 969. La verge 
fleurie d' Aaron confirma la dignité du grand-prêtre par 
un miracle. Num., xvn. Plus tard, dans les steppes de 
Moab, Phinéès, fils d'Eléazar, vengea la gloire divine et 
l'honneur du peuple, indignement outragés, en perçant 
de son glaive deux coupables dont le crime arrachait 
des larmes aux Israélites fidèles. Num., xxv, 6-8. Il 
reçut en récompense la promesse du souverain pontifi- 
cat pour lui et ses descendants. Num., xxv, 13. Il suc- 
céda, en effet, à Éléazar, et dans la suite, après une in- 
terruption momentanée, qui dura d'Héli à David, Sadoc* 



209 



LÉVI (TRIBU DE) 



210 



issu de sa race, ceignit la tiare pontificale, qui resta dans 
la maison de Phinéès jusque vers la ruine de l'État 
juif. Au recensement qui fut fait dans les plaines de 
Mcab, et d'après le même système qu'au Sinaî, les Lévites 
étaient au nombre de 23000, avec une augmentation de 
700. Num., xxvi, 57-62. Après la défaite des Madianites, 
ils reçurent leur part du butin. Num., xxxi, 30, 47. 
Cette première partie de leur histoire est ainsi marquée 
par leur vocation, leur consécration, leur zèle pour la 
gloire de Dieu, avec quelques défections, et l'accom- 
plissement de leurs fonctions dans le désert. 

2° De la conquête de Chanaan à David. — La tribu de 
Lévieutson rôle, dans la conquête de la Terre Promise, 
mais un rôle uniquement religieux. Les prêtres, portent 
l'arche d'alliance, se mirent à la tête du peuple pour tra- 
verser le Jourdain, et c'est au moment où leurs pieds 
touchèrent les eaux du fleuve que celles-ci se séparèrent 
pour livrer passage aux Israélites. Jos., Ht, 15-17. C'est 
aussi au son de leurs trompettes sacrées et devant 
l'arche qu'ils avaient promenée autour de Jéricho, que 
les murailles de la ville tombèrent. Jos., vi, 4, 9, 20. 
Dans la grandiose cérémonie qui eut lieu dans la vallée 
de Sichem, pour la prise solennelle de possession de la 
Terre Sainte, la tribu de Lévi se trouvait sur le Garizim 
pour les bénédictions. Deut., xxvii, 12. Les prêtres et 
l'arche sainte se tenaient au milieu des deux groupes 
de tribus, entre le Garizim et l'Hébal, et des membres 
de la famille lévitique, probablement des prêtres, pronon- 
cèrent les bénédictions et les malédictions. Deut., xxvii, 
14; Jos., vm, 33. Au moment du partage du pays chana- 
néen, la tribu de Lévi demanda, par l'intermédiaire de 
ses chefs, à être mise en possession des villes qui lui 
avaient été promises. Jos., xxi, 1, 3. 

Une fois installée dans ces villes, quelle fut sa situa- 
tion ? L'histoire fait à peine mention d'elle pendant la 
période des Juges, et les récits qu'elle nous donne sont 
plutôt de nature à dérouter nos idées. On connait les 
aventures du lévite Jonathan, qui loue ses services à 
un riche Éphraïmite, Michas, et se fait prêtre d'une 
idole dans un sanctuaire domestique, puis, quittant son 
maître, s'en va avec les Danites à Laïs, où il établit un 
sacerdoce idolâtrique. Jud., xvit, xviu. Ces aventures 
ont servi de prétexte aux théories dont nous parlions en 
commençant, relatives aux débuts de l'organisation du 
sacerdoce chez les Hébreux. La Bible nous dit que Jona- 
than était « un jeune homme de Bethléhem de Juda, 
de la famille (mispahat) de Juda ». Jud., xvil, 7. Donc, 
concluent certains critiques, il était de la tribu de Juda 
et lévite de profession, d'où il suit que la tribu de Lévi 
s'est conlituée artificiellement. Nous répondons sim- 
plement qu'il était de la tribu de Juda, mais non pas de 
la race de Juda, puisqu'il était « fils de Gersam, fils de 
Moïse », Jud., xviu, 30; il n'était pas originaire de 
Bethléhem, puisqu'il y était en étranger (gêr) ou en 
simple résidence. Jud., xvn, 7. Wellhausen, Prolego- 
mena, p. 130, croit remarquer une énorme différence 
entre la position d'Héli et celle de Jonathan. Le pre- 
mier représente un sacerdoce indépendant ; le second, 
lévite nomade, est pris à gages par le propriétaire d'un 
sanctuaire privé; celui-ci nous offre sans doute le type 
de ce qui se pratiquait en règle générale, celui-là repré- 
sente l'exception. Pourquoi ? « Un sacerdoce indépendant 
ne pouvait prendre pied qu'auprès d'un sanctuaire con- 
sidérable et public; celui de Silo semble avoir été seul 
de cette espèce ; les autres sanctuaires dont l'histoire fait 
mention étaient des propriétés privées. » Il est sur que 
le sanctuaire de Silo était le seul où put se pratiquer le 
culte officiel par le ministère ordinaire des prêtres. Il 
y avait d'autres endroits où l'on pouvait, où l'on devait 
même invoquer le nom de Jéhovah et répandre en son 
honneur, sur l'autel de terre ou de pierre hrute, le 
sang des animaux qu'on immolait, Exod., xx, 24, 25, 
mais les prêtres n'avaient pas à intervenir dans ces 



actes du culte populaire. Le contact avec les populations 
chananéennes amena un certain affaiblissement de l'unité 
religieuse. Peu à peu les dieux étrangers prirent place à 
côté de Jéhovah, et, à côté de son sanctuaire, on vit 
s'élever les bâmôt, développement abusif des autels po- 
pulaires. Les lévites, dispersés dans le pays, vinrent 
chercher là l'emploi de leurs prérogatives avec la consi- 
dération qui s'y attachait, et en même temps les res- 
sources que leur exclusion du partage du territoire et 
l'insuffisance des revenus de la maison de Jéhovah ne 
leur permettaient pas de se procurer autrement. Il ne 
s'agit donc point ici de règle générale et d'exception, 
mais plutôt de régulier et d'irrégulier. Les prêtres de 
Silo devaient réaliser aux yeux du peuple le type le plus- 
élevé et le plus pur du sacerdoce israélite. Van Hoonacker, 
Le sacerdoce lévitique, p. 228, à qui nous empruntons 
ces pensées, conclut justement : « Il nous semble que- 
les prêtres de Nob avaient plus de titres à se faire valoir 
devant Israël comme « types de la règle » que le lévite 
nomade Jonathan. » Aussi, tandis que les Danites emmè- 
nent Jonathan avec eux sans trop de façon, nous voyons 
les sicaires de Saûl, saisis de respect devant Achimélech 
et ses collègues, se refuser à exécuter les ordres du roi 
et à servir sa vengeance en les massacrant. I Reg. , xxu, 17. 

3» De David à la captivité. — Les livres des Parali- 
pomènes sont les seuls documents où nous trouvions 
de nombreux détails sur la tribu de Lévi, pendant la 
période de la royauté. Les livres de Samuel et des Rois 
ont surtout pour objet d'exposer la suite des événements 
politiques qui marquèrent la vie de la nation, sans 
préoccupation des institutions liturgiques. Le côté reli- 
gieux se résume pour eux dans la fidélité d'Israël 
envers Jéhovah ou sa défection, dans les prérogatives 
du Temple de Jérusalem. Les prêtres semblent plutôt 
appelés sur la scène par leurs relations avec tel héros 
ou tel fait historique. L'histoire d'Héli et de ses fils, qui 
jette pourtant un certain jour sur la vie intime du 
sanctuaire, sert d'introduction à celle de Samuel et par 
là à celle de Saûl. Les prêtres de Nob ne forment qu'un 
épisode dans le récit des rivalités entre Saûl et David. 
Abiathar et Sadoc n'apparaissent que dans le rôle qu'ils 
remplissent prés de David et de Salomon. Joïada a pour 
mission de renverser Athalie et d'élever Joas sur le 
trône. On observe le même silence chez les prophètes. 
S'ils parlent assez souvent des cérémonies du culte, 
c'est pour protester contre les manilestations purement 
extérieures de la piété, qui ne sont rien sans la vertu et 
la fidélité aux lois de la justice. Ils considèrent plutôt 
le prêtre d'une manière abstraite, au point de vue de sa 
situation morale vis-à-vis du peuple. Les Paralipomènes, 
au contraire, s'appliquent à montrer en toute occasion 
le rôle glorieux du clergé. On peut voir, en particulier, 
la différence des deux récits concernant le transport de 
l'arche sainte à Jérusalem, sous David. II Reg., vi; IPar., 
xv-xvi. Les mêmes documents nous révèlent, comme 
nous l'avons déjà dit, l'importance et le prestige que les 
lévites acquirentsous le premiertemple. Le lait s'explique 
par l'organisation nouvelle du service religieux, organi- 
sation qui associa ceux-ci d'une manière plus régulière- 
et plus intime aux prêtres proprement dits. Il s'explique 
encore par l'opposition que le schisme établit entre les 
droits légitimes et exclusifs de la famille lévitique tout 
entière et l'usurpation des ministres que Jéroboam 
plaça à la tête de ses sanctuaires officiels. Ceux-ci 
« n'étaient point des fils de Lévi », III Reg., xii, 31, et 
cette violation des prérogatives sacerdotales ne fit que 
mettre en relief l'origine et les aptitudes de la tribu de 
Lévi, et la distinction entre ministres de premier et de 
second rang, sans s'effacer jamais complètement, s'atté- 
nua beaucoup. 

A ces considérations générales il nous suffit d'ajouter 
quelques détails particuliers. David, avant d'organiser 
les lévites, en fit faire le recensement, et en trouva 



sa 



LÉVI (TRIBU DE) 



212 



38000 à partir de 30 ans et au-dessus. I Par., xxm, 3. 
.Nous savons comment il répartit leurs fonctions. Ils fu- 
rent chargés de la musique et du chant, de la garde 
•du temple, de ses portes et de ses trésors. I Par., xxv- 
jîxvi. Au moment du schisme, ils furent, comme les 
prêtres, chassés du royaume d'Israël et contraints d'aban- 
tdonner leurs possessions; ils vinrent se réfugier en 
-Tuda et à Jérusalem? II Par., xi, 13-14. Peut-être Jéro- 
boam les punissait-il de ne pas accepter, comme la plu- 
part de ses autres sujets, le culte sacrilège qu'il avait 
imposé au nouveau royaume. Josaphat, voulant répandre 
l'instruction religieuse parmi le peuple, constitua une 
commission composée de cinq princes, deux prêtres et 
•huit ou neuf lévites pour aller dans tout le royaume en- 
seigner la Loi. II Par., xvn, 7-9. Prêtres et lévites eurent 
leur rôle dans le plan de Joïada pour faire monter Joas 
sur le trône. II Par., xxm, 5-8. Voir Joïada 2, t. m, 
■col 1593. Ils eurent plus naturellement encore leur part 
•flans les réformes religieuses d'Ézéchias et de Josias. 
II Par., xxix-xxxi, xxxiv, xxxv. Voir Ézéchias, t. n, 
.col. 2141 ; Josias 1, t. m, col. 1679. 

4" De la captivité à la ruine du Temple. — La situa- 
tion des Lévites changea pendant l'exil ; elle se trouva 
-amoindrie, ou plutôt elle fut ramenée aux termes de la 
ILoi, à ce qu'elle était avant les privilèges de l'époque 
royale. Les ministres inférieurs furent, comme les 
prêtres, obligés de chercher leur subsistance ailleurs 
■que dans les revenus du Temple. Mais, au moment de 
la restauration, les premiers ne se trouvèrent plus dans 
les mêmes conditions que les seconds Ceux-ci allaient 
naturellement avant les autres vivre de l'autel. Les Lé- 
vites pouvaient craindre que, dans les misères qui de- 
vaient suivre le rapatriement, leurs intérêts ne fussent 
■sacrifiés à ceux des prêtres, et l'avenir, nous le verrons, 
justifia leurs appréhensions. On comprend donc que 
beaucoup d'entre eux aient hésité à reprendre le che- 
min de la Judée et\fu'un petit nombre seulement ait 
consenti à revenir. I Esd., vin, 15-19.Àutant les prêtres 
mirent d'empressement, autant les lévites en mirent 
peu, comme il est facile de le constater par les listes 
■officielles du retour. I Esd., h, 3C-42; II Esd., vu, 39- 
46. Pendant les deux premiers siècles de la restauration, 
ceux-ci occupèrent une position moins élevée sans doute 
.qu'avant la captivité, mais beaucoup plus importante 
<jue celle à laquelle nous les verrons réduits à la fin de 
l'histoire juive. Ils eurent leur part dans la reconstruc- 
tion et la dédicace du temple, I Esd., m, 8-12; vi, 15-20, 
•dans la reconstruction et la consécration solennelle des 
murs de Jérusalem. H Esd., m, 17; xn, 27-42. La ville 
sainte comptait parmi ses habitants 284 lévites et 
■chantres, et 172 portiers ; les autres s'établirent dans les 
cités de Juda. II Esd., xi, 15-19, 36. Il est probable que 
les prescriptions relatives au paiement de la dîme ne 
Jurent par toujours fidèlement observées. La mesure 
votée par la grande assemblée sous Néhémie, II Esd., 
je, 37-39, avait pour objet de remettre la Loi en vigueur, 
■sous ce rapport. Mais, aussitôt après le départ du gou- 
verneur juif, les abus recommencèrent. Néhémie le 
-constata à son retour : « Je reconnus, dit-il, que les 
parts des lévites n'avaient pas été données et que les 
lévites et les chantres, chargés du ministère, s'étaient 
retirés chacun dans sa terre. » II Esd., xm, 10. Il est à 
présumer que ces irrégularités avaient profité aux 
prêtres, que Malachie, i, 7-13; n, 1-10, accuse d'ava- 
rice, de spéculation sordide, d'attachement excessif à 
leurs intérêts matériels, au mépris de la Loi et des 
égards dus à leurs frères. Néhémie s'attacha à préserver 
les lévites de nouvelles injustices, II Esd., xm, 11-13, 
mais leur abstention significative au moment où Esdras 
revint en Judée montre le peu d'attraits qu'avait pour 
.eux Jérusalem. Cette attitude ne fit qu'aggraver la situa- 
tion des ministres inférieurs, contre lesquels on exploita 
la prétendue intelligence de leurs frères. Les prêtres 



accaparèrent les fonctions pour accaparer les revenus et 
réduisirent progressivement le rôle et le prestige des 
lévites. 

Durant les deux ou trois derniers siècles de l'État juif, 
nous ne trouvons nulle part vestige d'un rôle quelcon- 
que que les lévites, comme tels, auraient rempli dans les 
affaires publiques, dans l'exercice de la justice, dans 
l'enseignement de la Loi. A la différence des prêtres, 
dont l'influence était très grande, ils semblent n'avoir pas 
eu d'occupation en dehors du Temple. Cet abaissement 
nous explique pourquoi leur nom ne paraît pas une 
seule fois dans les deux livres des Machabées, où pour- 
tant l'occasion ne manquait pas de les mettre en scène, 
à côté des prêtres très souvent cités. Il n'est question 
d'eux ni à propos de la restauration du Temple sous 
Judas Machabée, I Mach., îv, 36-58, ni dans le récit de 
la découverte du teu sacré par Néhémie. II Mach,, i, 
18-36. Dans les Évangiles, où les prêtres et les scribes 
occupent une si grande place, ils ne sont mentionnés 
que deux fois : Luc, x, 32; Joa., I, 19. Bien que formant 
un corps distinct dans la tribu lévitique, ils n'étaient 
pas représentés dans le Sanhédrin, qui comprenait les 
trois classes des prêtres, des scribes et des anciens du 
peuple. La Mischna suppose en plusieurs endroits qu'ils 
ne recevaient plus la dîme. Josèphe, de son côté, ne pa- 
raît pas se douter que, selon le précepte formel de la 
Loi, la dime devait être donnée directement aux lévites 
par le- peuple. Dans les passages où il touche à ce sujet, 
il ne parle que des prêtres comme bénéficiaires de ce 
tribut. Ant. jud., XX, vin, 8; îx, 2; Vita, 12, 15; cf. 
Heb., vu, 5. D'autre part, il laisse de côté les Lévites là 
où il n'eût pas manqué de les mettre en scène, s'ils 
avaient encore eu une situation analogue à celle qu'ils 
possédaient sous le premier temple. Cf. Ant. jud., XI, 
iv, 5; Cont. App., II, 21, 23. — Ainsi finit dans l'obscurité 
cette branche de la tribu de Lévi, que nous avons sur- 
tout cherché à mettre en relief, sans perdre de vue la 
branche sacerdotale, Dans son ensemble, la tribu que 
nous avons suivie depuis son origine jusqu'à sa fin eut 
au sein du peuple israélite un rôle des plus importants, 
mais qu'il nous est impossible d'apprécier ici, en dehors 
d'une histoire détaillée du sacerdoce. Chacunedes autres 
tribus a eu son caractère particulier, sa part plus ou 
moins grande dans les événements nationaux, celle-ci a 
eu une place de choix dans le plan divin, dans la vie 
d'un peuple dont les destinées ont été surtout reli- 
gieuses. Comme les autres, elle a eu ses vicissitudes, ses 
gloires et ses défections, mais, en somme, elle a été 
l'âme de cette nation choisie, dont la raison d'être dans 
l'antiquité a été de rendre au vrai Dieu le culte qui lui 
est dû. Dispersée au milieu de ses frères, elle y a main- 
tenu l'unité, dont le châtiment et l'épreuve n'ont fait 
que resserrer les liens. Le sacrifice et la prière, qui 
furent son unique apanage, ont mis à son front une 
auréole dont l'éclat illumine toute l'histoire d'Israël. 
■ VII. Bibliographie. — J. Lightfoot, Mvnisterium 
Templi quale erat tempnre nostri Salvatoris, dans ses 
Opéra, Rotterdam, 1686, t. i, p. 671-758; G. Carpzov, 
Apparatus historieo-criticus antiquitatum sacri codi- 
cis, Francfort et Leipzig, 1748; H. Graf, Zur Geschichte 
des Stammes Levi, dans Merx, Archiv fur wissen- 
schaftliche Erforschung des Alten Testamentes, t. i, 
1867-1869, p. 68-106, 208-236; S. J. Curtiss, The Levitical 
Priests, a contribution to the criticism of the Penia- 
teuch, Edimbourg et Leipzig, 1877 ; W. Baudissin, Die 
Geschichte des alttestamentlichen Priesterlhums tinter- 
suckt, Leipzig, 1889; Id., Priests and Lévites, dans J. 
Hastings, Victionary of the Bible, Edimbourg, 1898-1902, 
t. îv, p. 67-97; J. Benzinger, Hebrâische Archâologie, 
Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 405-428;, W. Nôwack, 
Lehrbuch der hèbrâiscken Archâologie, Fribourg-en- 
Brisgau, 1894, t. il, p. 87-130; E. Schûrer, Geschichte des 
jùdischen Volkes im Zeitaller Jesu Christi, Leipzig, 



213 



LÉVI (TRIBU DE) — LÉVIRAT 



214 



t. ii, 1898, p. 214-299 ; A. van Hoonacker, Le sacerdoce 
lévitique dans la Loi et dans l'histoire des Hébreux, 
Louvain, 1899; Fr. von Hummelauer, Dos vormosaische 
Prieslerthum in Israël, Fribourg-en-Brisgau, 1899. 

A. Legendre. 

3. LÉVI (Aeuiç), nom de l'apôtre et évangéliste saint 
Matthieu dans Marc. , h, 14; Luc, v, 27, 29. Voir Matthieu- 

4. LÉVI (Aeui), fils de Melchi et père de Mathat, un 
des ancêtres de Notre-Seigneur, nommé le quatrième 
dans la généalogie de saint Luc, m, 24. 

5. LÉVI (Ae-jf), fils de Siméon et père de Mathat, an- 
cêtre de Notre-Seigneur, nommé le trente-deuxième 
dans la généalogie ascendante de Jésus-Christ en saint 
Luc, m, 29. 

LÉVIATHAN (hébreu : Uvyâtân), nom qui désigne 
des animaux divers dans l'Ancien Testament. Gesenius, 
Thésaurus, p. 747, fait dériver ce mot de livyâh, « cou- 
ronne, guirlande, » avec la terminaison adjective an, 
et lui attribue la signification d'animal sinueux, qui se 
roule en spirales. D'autres lexicographes lui donnent 
pour étymologie livyâh et tân, « monstre tortueux. » — 
On le lit six fois dans la Bible hébraïque. Les Septante 
l'ont rendu cinq fois par Spàfcwv et une, Job, m, 8, par 
liéya «îjwç. La Vulgate a conservé le nom de Léviathan 
dans Job, in, 8; xl, 20; ls., xxvn, 1 (deux fois); elle l'a 
traduit par draco, Ps. lxxiii (lxxiv), 14; cm (civ), 26, la 
traduction de ces deux derniers passages étant faite di- 
rectement sur le grec des Septante. Dans ces six pas- 
sages, le mot livyd(dn est employé dans trois sens diflé- 
rents. —1° Il désigne le crocodile dans Job, xl, 20-xi.i, 25 
(hébreu, xl, 25-xli, 26). Voir Crocodile, t. n, col. 1120. 
Livyâfân (draco) a aussi la signification de crocodile dans 
le Psaume lxxiv, 14, mais ce grand saurien qui habite 
les eaux du Nil est en cet endroit l'emblème du pha- 
raon d'Egypte. Cf. Is., li, 9; Ezech., xxix, 3. — 2» Dans 
le Ps. cm (civ), 26, livyâtdn est dit d'un monstre ma- 
rin « qui se joue dans les flots », c'est-à-dire la ba- 
leine, d'après plusieurs exégètes ; la grande et vaste- mer 
nommée f. 25, est la Méditerranée. — Isaïe, xxvn, 1, 
pour annoncer la chute du roi de Babylone, dit : « En 
ce jour, Jéhovah frappera de son glaive dur, grand et 
fort le léviathan, serpent (nâhâs) fuyant, le léviathan, 
serpent (nâhâS) tortueux, et il tuera le monstre qui est 
dans la mer. » Léviathan est ici un cétacé, emblème du 
roi de Babylone, et le mot nâhâs ne doit pas s'entendre 
d'un serpent proprement dit, mais d'un grand poisson 
dont les mouvements onduleux ressemblent à ceux du 
serpent. — 3» Enfin, Léviathan, dans Job, m, 8, est, 
d'après plusieurs commentateurs, la constellation du 
Dragon. Frz. Delitzsch, Bas Buch Job, 1864, p. 52. Cf. 
Dragon, t. n, col. 1505. D'autres pensent, au contraire, 
que léviathan doit s'entendre aussi du crocodile dans ce 
passage. Voir H. Zschokke, Das Buch Job, 1875, p. 19; 
3. Knabenbauer, Comment, in Job, 1886, p. 62. 

LÉVIRAT, loi hébraïque qui, par dérogation à la 
prohibition des mariages entre beau-frère et belle-sœur, 
Lev., xviu, 16; xx, 21, autorisait et même obligeait 
jusqu'à un certain point un beau-frère à épouser sa 
belle-sœur, quand celle-ci avait été laissée veuve sans 
entants. Le beau-frère qui se trouvait dans ce cas parti- 
culier portait le nom de yâbâm. La loi qui le concer- 
nait a reçu, dans nos langues modernes, le nom de 
lévirat, tiré du mot latin levir, qui signifie beau-frère. 

1° A l'époque patriarcale. — La première application 
d3 la coutume du lévirat est très antérieure à Moïse. 
E'un des fils de Jacob, Juda, avait pour fils Her, Onan 
et Séla. Il maria l'aîné, Her, à Thamar. Après la mort 
prématurée de Her, Juda dit à son second fils, Onan : 
« Va à la femme de ton frère, et comme yâbâm épouse- 



la, pour susciter une postérité à ton frère. » Onan, sachant 
que cette postérité ne serait pas pour lui, trahit son devoir 
de yâbâm et mourut comme son aîné. L'obligation d'épou- 
ser Thamar passait à Séla. Juda, prétextant que celui-ci 
était encore trop jeune, et espérant peut-être que Tha- 
mar trouverait un autre époux, lui dit d'attendre dans 
la maison de son père. C'est alors que Thamar, frustrée 
dans ses droits, Gen., xxxvm, 26, s'arrangea pour obte- 
nir criminellement de Juda lui-même la postérité qu'elle 
désirait. Gen., xxxvm, 6-11. Dans ce récit, le lévirat 
apparaît à l'état de coutume obligatoire dans le pays de 
Chanaan, et l'obligation en est reconnue par Juda lui- 
même, qui dit de Thamar, après son inceste : « Elle est 
moins coupable que moi, puisque je ne l'ai pas donnée 
à mon fils Séla. » Gen., xxxvm, 26. Cette coutume 
n'était pas particulière aux Chananéens. On l'a constatée 
chez d'anciens peuples d'Italie, Diodore de Sicile, xii, 18, 
chez les Arabes, les Indiens, les Perses, les Mongols, les 
Éthiopiens, les Druses, les Gallas d'Abyssinie, les Cau- 
casiens, etc. Cf. Winer, Bibl. Bealwôrterbuch, Leipzig, 
1838, t. il, p. 23; Fr. de Hummelauer, In Deuteron., 
Paris, 1901, p. 417. Le lévirat avait pour but évident d'as- 
surer une descendance au frère aîné mort prématuré- 
ment, afin que le nom de celui qui était arrivé à l'âge 
d'homme et avait déjà contracté mariage ne se perdît pas. 
Par le fait même, l'héritage du défunt, au lieu de passer 
à des collatéraux, était assuré à la descendance directe 
que lui procurait le lévirat. Enfin, l'exemple consigné 
dans la Genèse montre, qu'à défaut du second frère, 
c'était au troisième et aux suivants qu'incombait le 
devoir d'épouser la veuve. La chose était encore ainsi 
comprise au temps de Notre-Seigneur, puisque les saddu- 
céens lui proposent l'exemple de sept frères épousant 
successivement la même femme. Matth., xxii, 23-27; 
Marc, xii, 18-23; Luc, xx, 27-32. 

2° Dans la loi mosaïque. — Moïse inséra dans sa 
législation la loi du lévirat. Cette loi, qui n'apparait que 
dans le Deutéronome, n'a dû être promulguée que sur 
la fin du séjour au désert, peu avant l'entrée du peuple 
d'Israël dans ce pays de Chanaan où le lévirat était en 
usage depuis si longtemps. Rien ne permet d'affirmer 
que cette coutume ait été en vigueur parmi les Hébreux 
durant leur séjour en Egypte. Il est probable que si le 
lévirat avait été pratiqué alors, Moïse en aurait rappelé 
la loi dès le commencement du séjour au désert, en 
même temps que celles qui règlent les mariages. 
Lev., xvhi, 1-25. La loi mosaïque suppose des trères 
habitant ensemble, par conséquent des frères du même 
père, puisque entre des frères de même mère mais de 
pères différents il n'y a communauté ni d'héritage, ni 
d'habitation. Si l'aîné meurt sans entant, selon l'hébreu : 
« sans fils, » bên 'ên-lô, tandis que les Septante disent : 
« sans descendance, » et la Vulgate : « sans entants, » 
la veuve ne peut épouser un étranger; le trère du défunt 
doit la prendre en qualité de yâbâm, et le premier-né 
de cette union porte le nom et reçoit l'héritage de celui 
qui n'est plus. Il arrivait pour l'ordinaire que le second 
frère n'était pas encore marié au moment où l'aîné mou- 
rait sans laisser d'enfant. La loi, qui tolère la bigamie, 
ne dit rien du cas où le second frère était déjà marié 
quand mourait l'atné. La veuve ne pouvait donc accep- 
ter en mariage/ un autre que son beau-frére ; par contre, 
celui-ci pouvait se soustraire à l'obligation d'un pareil 
mariage. La veuve le citait alors devant les anciens, qui 
devaient chercher à le persuader. S'ils n'y réussissaient 
pas, la veuve s'approchait de lui en présence des anciens, 
lui était son soulier du pied, lui crachait au visage, ou 
peut-être simplement crachait devant lui, et disait : 
s. Ainsi en arrivera-t-il de l'homme qui ne relève pas la 
maison de son frère. » La maison de celui qui avait 
refusé d'être yâbâm était désormais appelée en Israël : 
bê( Ijtâlûs han-nâ'al, « maison de celui qui a quitté son 
soulier. s Deut., xxv, 5-10. Se laisser ôler son soulier, 



215 



LÉVIRAT — LÉVIT1QUES (VILLES) 



216 



c'était renoncer à un droit, se rendre incapable de mettre 
le pied sur un héritage, de même que jeter son soulier 
sur un pays, c'était s'en emparer. Ps. lx (lis), 10. La 
veuve crachait ensuite, pour signifier que le beau-frère, 
par son refus, devenait souverainement méprisable. "Voir 
t. n, col. 1099. Il suit de là que le mariage avec la veuve 
s'imposait au yâbâm comme un devoir de haute conve- 
nance et presque de justice à l'égard de l'aîné; s'il se 
refusait à le remplir, malgré les admonestations des an- 
ciens, il était disqualifié aux yeux de ses concitoyens. 

3" Le cas de Ruth. — Le livre de Ruth, îv, 1-3, montre 
en action les formalités prescrites pour le refus ou l'ac- 
ceptation du lévirat. Voir Booz, t. i, col. 1851. Booz était 
parent d'Élimélech, beau-père de Ruth, la Moabite veuve 
elle-même, qu'il désirait épouser. Il se rend donc à la 
porte de la ville, où arrive de son côté un autre parent 
plus rapproché de Ruth. Là, devant dix anciens, il pro- 
pose à ce dernier le droit de préemption pour un 
champ que possédait leur « frère » commun, c'est-à- 
dire leur parent, et que Noémi, veuve d'Élimélech, vou- 
lait vendre. Le parent rapproché consent à acheter le 
champ, mais quand Booz lui fait observer qu'il devra 
aussi épouser Ruth, l'héritière, pour relever le nom de 
son mari défunt, Mahalon, fils d'Élimélech, il se désiste, 
par crainte des inconvénients qu'il croit voir à ce ma- 
riage. Lui-même alors ôte son soulier, en signe de dé- 
sistement, et Booz conclut solennellement le contrat en 
présence des anciens. Il résulte de cet exemple que, si 
les frères avaient à épouser la veuve de leur aîné défunt, 
l'obligation était étendue, à défaut de frères, aux parents 
les plus proches. Mais alors l'obligation s'imposait sans 
doute moins impérieusement. De fait, ce n'est pas Ruth, 
mais Booz qui règle l'affaire avec le parent plus rapproché. 
L'acquisition du champ et le mariage avec Ruth semblent 
constituer pour ce dernier un droit plutôt qu'un devoir; 
il y renonce volontairement et ôte lui-même son soulier, 
sans que la veuve le lui retire, comme le prescrivait la 
loi du Deutéronome, xxv, 9. D'ailleurs, dans le livre de 
Ruth, IV, 7, l'abandon du soulier est formellement indi- 
qué comme le signe extérieur d'un contrat de vente ou 
d'échange passé devant les anciens; ce signe n'est pas 
considéré comme caractéristique de la renonciation au 
lévirat. Cf. Sagittarius, De nudipedalibus veterum, 3, 
dans le Thésaurus d'Ugolini, t. xxix; Rosenmûller, Das 
alte und das neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. m, p. 70. 
Josèphe, Ant. jud., V, ix, 4, complète le récit en disant 
que, sur l'invitation de Booz, Ruth retira le soulier de 
son parent et lui cracha au visage. L'historien se mé- 
prend visiblement en introduisant dans le récit des traits 
empruntés à la législation, mais non nécessairement 
applicables au cas de Ruth. — A part l'allusion des saddu- 
céens dans l'Évangile, il n'est plus question du lévirat 
dans la Sainte Écriture. Néanmoins la loi en dut être 
fréquemment appliquée dans le cours des âges. On estime 
qu'elle intervient trois fois dans la série des ancêtres du 
Sauveur, et c'est ainsi qu'on explique les différences qui 
existent entre les deux listes généalogiques de saint 
Matthieu et de saint Luc. Voir Généalogie de Jésus- 
Christ, t. ni, col. 170, et Cornely, Introd. in lib. N. T., 
Paris, 1886, t. m, p. 198-200. 

4» A l'époque évangélique. — La loi du lévirat était 
toujours en vigueur à cette époque. Le commentaire 
de cette loi fait l'objet du traité Jebamoth de la Mischna. 
Voici ce que les docteurs juifs avaient réglé à ce sujet. 
Le yâbâm ne pouvait épouser la veuve que trois mois 
au moins après la mort du premier mari, afin qu'on pût 
au préalable constater qu'elle n'était pas enceinte. 
Le mariage était même alors précédé des fiançailles, en 
présence de deux témoins, et moyennant la tradition 
d'une pièce d'au moins un prutah, de la valeur du 
Xsictôv, Luc, xn, 59, c'est-à-dire d'à peu près un cen- 
time. Si le parent se refusait au mariage, la veuve pro- 
cédait à son égard comme il est prescrit au Deutéro- 



' nome, xxv, 5-10. Les juges avaient d'ailleurs donné au 
yâbâm une consultation préalable pour l'exhorter soit 
à accepter soit à refuser le mariage. On avait un soulier 
tout préparé, dans des conditions spéciales, pour le 
mettre au pied du retusant. La veuve devait être à jeun 
pour l'accomplissement de la formalité officielle ; on 
avait même réglé la quantité de salive qu'elle devait 
émettre, quantité suffisante pour qu'on pût l'apercevoir 
à terre. Les juges criaient ensuite par trois fois : hâlûs 
han-nâ'al, « dépouillé de son soulier, » à celui qui n'ac- 
ceptait pas le mariage, et ils lui délivraient un certificat 
constatant le fait. Le yâbâm dépouillé de son soulier 
pouvait ensuite se marier comme il l'entendait; la veuve 
abandonnée par lui recouvrait aussi sa liberté, sans 
pouvoir cependant épouser un prêtre. Si elle épousait 
un autre homme, avant la renonciation du yâbâm, elle 
était passible de la flagellation, ainsi que son mari, et 
celui-ci devait la renvoyer avec une lettre de divorce. 
Le grand-prêtre, d'après la loi, Lev., xxi, 13, 14, ne 
pouvait épouser qu'une vierge ; il était donc par là même 
exempté de l'obligation du lévirat. Le premier fils qui 
naissait du mariage contracté en vertu du lévirat, pre- 
nait le nom du défunt, lui succédait dans ses biens et 
continuait sa race. Il est à remarquer pourtant qu'Obed 
est traité comme fils de Booz, et non comme fils de 
Mahalon. Ruth, rv, 21, 22; Matth., i, 5. La cause en est 
probablement que Booz n'était pas frère, mais seulement 
cousin de Mahalon. Les docteurs décidaient encore que 
dans le cas où il se trouvait plusieurs veuves, un frère 
n'en avait qu'une à épouser, que l'obligation passait du 
plus âgé au puîné, que cette nouvelle union entraînait 
les mêmes empêchements matrimoniaux avec les pa- 
rents de la veuve qu'une union normale, mais que 
l'obligation du lévirat n'existait qu'entre parents unis à 
un degré qui prohibait le mariage. Cf. Yebamoth, il, 3, 8; 
rv, 5, 7, 10; x, 1, 3. 

5° Cas où le défunt ne laissait que des filles. — Comme 
il a été dit plus haut, la loi suppose que le défunt n'a 
pas laissé de fils, bên. Il suivrait de là en rigueur que, 
s'il ne laissait que des filles, le lévirat s'imposait. Pour- 
tant les filles pouvaient être héritières, Num., xxxvi, 1-12, 
et le lévirat eût été d'une application bien - difficile si 
les frères puînés se trouvaient déjà mariés au moment 
de la mort d'un aîné ne laissant que des filles, ou s'il y 
avait trop grande disproportion d'âge entre eux et la 
veuve. Il est clair que le frère déjà marié était exempt 
du lévirat, autrement la loi eût prescrit la bigamie, au 
lieu de la tolérer simplement. D'après Josèphe, Ant. jud., 
V, ix, 4, le parent de Ruth refuse le mariage parce qu'il 
a déjà femme et enfants. Il est à croire que, dans le 
texte de la loi, le mot bên est à prendre dans le sens 
large. C'est ce que font les Septante : mzipyjx, « descen- 
dance; » la Vulgate : absque liberis, « sans enfants, » 
et Josèphe", Ant. jud., IV, vin, 23 : a-cexvot, « sans en- 
fant. » Dans l'exemple cité par les sadducéens, le dé- 
funt laisse la veuve [ati ëx wv <nrépfi.ce, « sans descendance, » 
Matth., xxn, 25; Marc., xn, 20, atexvoç, « sans entant. »* 
Luc, xx, 29. D'après l'interprétation juive, la loi du lévi- 
rat ne s'appliquait donc pas si, à défaut de fils, le défunt 
laissait une ou plusieurs filles. — Cf. Benary, De Hebrseo- 
rum leviratu, Berlin, 1835; Redslob, Die Leviratseke 
bei den Hebrâern, Leipzig, 1836; Iken, Antiquitates 
hebraicee, Brème, 1741, p. 504-507. H. Lesètre. 

LÉVITES, voir Lévi 2, col. 203. 

LÉVITIQUE, troisième livre du Pentatcuque. Voir 

Pentateuque. 

LÉVITIQUES (VILLES), villes assignées aux prêtres 
et aux lévites comme lieu d'habitation dans les différentes 
tribus d'Israël. Num., xxxv, 1-8; Jos., xxi; I Par., VL, 
54-81. Voir Lévi (Tribu de), col. 207. 



217 



LÉVITIQUES (VILLES) 



218 



1. Noms et croupes. — Ces villes étaient au nombre 
de 48. Num., xxxv, 7. Deux documents parallèles nous 
en ont conservé la liste, Jos., XXI, et I Par., VI, 54-81. 
Malgré des variantes et certaines lacunes dans les Para- 
lipomènes, nous avons, au fond, identité de renseigne- 
ments dans les deux endroits. Voici par familles lévi- 
tiques et par tribus la nomenclature de ces villes : 

/. fils db caate. — Cette ligne se divisait en deux 
branches : 

1° Aaronides ou prêtres. — Ceux-ci curent dans les 
deux tribus de : 

A) Juda et Siméon. — 1. Hébron (hébreu : ffébrôn; 
Septante : Xeêptiv), Jos., xxi, 11; I Par., vi, 57 (hébreu, 
40, 42), aujourd'hui El-Khalîl, au sud de la Palestine, 
dans la montagne de Juda. Voir Hébron 3, t. m, 
col. 554. 

2. Lobna (hébreu : Libnâh; Septante, Codex Vati- 
canus : Ae|*vâ ; Codex Alexandrinus ; Aeëvâ, Jos., xxi, 
13; Vat. et Alex. : Aoêvà, 1 Par., vi, 57 [hébreu, 42], 
appelée aussi Labana, Jos., xv, 42, et Lebna, Jos., x, 
29-32; xii, 15. L'emplacement est inconnu, mais devait 
se trouver dans les environs de Beit-Djibrîn. 

3. Jéther (hébreu : Yaplir; Septante, Vat. : A'ù,û,p, 
transposition fautive; Alex. : 'IéDep, Jos., xxi, 14; Vat. : 
'IeOOàp ;Alex. : 'léftep, I Par., VI, 58 [hébreu, 43], actuelle- 
ment Khirbet 'Attîr, au sud d' El-Khalîl, sur la frontière 
de Juda et de Siméon. Voir Jéther 6, t. m, col. 1519. 

4. Esthémo (hébreu : 'EStem ôa' ; Septante, Vat . : Teu.â ; 
Alex. : 'Ec6s(«o, Jos., xxi, 14; Vat. et Alex. : 'E<fian<i, 
I Par., vi, 57 [hébreu, 42], appelée ailleurs Istemo, Jos., 
xv, 50; Esthamo, I Beg., xxx, 28, et justement identifiée 
avec Ès-Semu'a, au nord-est de la précédente. Voir 
Esthémo, t. n, col. 1972. 

5. Holon (hébreu : B~ôlôn, Jos., xxi, 15; Biîlên, 
I Par., vi, 58 [ hébreu, 43] ; Septante, Vat. : ViWx ; Alex., 
'QXwv, Jos., xxi, 15; Vat. .-SeXvâ; Alex. : NrjXwv, I Par., 
vi, 58 [hébreu, 43; Septante, 57], appelée aussi Hélon, 
I Par., vi, 58, et Olon, Jos., xv, 51. Inconnue. Voir 
Hélon 2, t. m, col. 586. 

6. Dabir (hébreu : Debîr; Septante : AaSei'p), égale- 
ment appelée Cariathsehna, Jos., xv, 49, et Cariath- 
Sépher, Jos., xv, 15, peut vraisemblablement être placée 
à Edh-Dhâheriyéh, au sud-ouest d'Hébron. Voir Dabir 2, 
t. il, col. 1197. 

7. Aïn (hébreu : 'Ain; Septante, Vat..- 'Aai; Alex. : 
*Aîv), Jos., xxi, 17; Asan (hébreu : 'ÂSdn; Septante : 
'Aaàv), d'après I Par., vi, 59 (hébreu, 44). Position incer- 
taine. Voir Aïn 2, t. i, col. 315, et Asan, t. i, col. 1055. 

8. Jeta (hébreu : Yuttâh; Septante : Tavû), omise 
dans la liste des Paralipomènes. C'est aujourd'hui le 
■village de Yutta, situé au sud d'Hébron. Voir t. m, 
col. 1517. 

9. Bethsamès, Jos., xxi, 16; Bethsémès, I Par., vi, 59 
(hébreu, 44) (hébreu : Bêt-Sémés; Septante : BaiOaan'Jî, 
Jos., xxi, 16 ; I Par., vi, 59 [hébreu, 44] ; Alex. : Be6<j«|/,lî, 
Jos., xxi, 16), actuellement Ain Schems, sur la limite de 
Juda et de Dan. Voir Bethsamès 1, t. i, col. 1732. 

B) Benjamin. — 10. Gabaon (hébreu : Gib'ôn; Sep- 
tante : r<x6a<iv), omis dans la liste des Paralipomènes, 
correspond au village d'El-Djîb, au nord-ouest de Jéru- 
salem (t. m, col. 15). 

11. Gabaé, Jos., xxi, 17; Gabée, I Par., vi, 60 (héb., 
45) (hébreu : Géba'; Septante, Vat. : TaôsO, Jos., xxi, 
17; rà6ai, I Par., vi, 60: Alex. : VaUt, Jos., xxi, 17; 
I Par., vi, 60), appelée aussi Gabaa, 1 Reg., xiv, 5, au- 
jourd'hui Djéba', au nord nord-est de Jérusalem. Voir 
Gabaa 2, t. m, col. 3. 

12. Anathoth (hébreu : 'Ânâfôt; Septante : 'Avoi9<i8) 
= 'Anâta, au nord-est de Jérusalem. Voir Anathoth 3, 
t. 1, col. 550. 

13. Almon (hébreu : 'Almôn; Septante, Vat. : 
Td(iaXa; Alex, : 'AXjiuv), Jos., xxi, 18; Almath (hébreu : 
'AUémét; Septante, Vat.: ra.Uy.tf; Alex. : TaX^sS), 



I Par., vi, 60 (hébreu, 45) = Khirbet Almîêt, près 
u"Anàta, vers le nord-est. Voir Almath 2, t. i, col. 397. 
2» Lévites. 

C) Tribu d'Éphraïm. — 14. Sichem (hébreu : Se- 
kém; Septante : Su/ép.), Jos., xxi, 21; 1 Par., VI, 67 
(hébreu, 52), aujourd'hui Naplouse. 

15. Gazer (hébreu : Gézér; Septante, Vat. : raÇapà, 
Alex. : TàCep, Jos., xxi, 21; Vat. : TâCep, I Par., vi, 67 
[52])=TeU Djézer,au sud-estde Bamléh. VoirGAZER'l, 
t. m, col. 126. 

16. Cibsaïm (hébreu : Qibsaîm; Septante, Vat. : 
omis ; Alex. : Kaèaaein), Jos., xxi, 22 ; Jecmaam (hébreu ; 
Yoqrne'âm : Septante, Vat. : Ixaâp.; Alex. : Iexu.aâv), 
I Par., vi, 68 (53). Il y a peut-être ici une faute de co- 
piste produite par la confusion de certaines lettres, t. n, 
col. 749. En tout cas, la ville est inconnue. Voir cepen- 
dant Jecmaam 2, t. ni, col. 1212. 

17. Bethoron (hébreu : Bêp R~ôrôn; Septante, Bck- 
Swpwv) — Beit 'Vr et-tahta ou el-fôqâ, sur la frontière 
d'Ephraïm et de Benjamin (t. i, col. 1699). 

D) Tribu de Dan. — 18. Elthécon (hébreu : 'Élpeqê'; 
Septante, Vat. : 'EXxwOaîp.; Alex. .•'EXOexw), omise dans 
la liste des Paralipomènes (t. n, col. 1707). Cette ville 
est aussi appelée Êlthécé, Jos., xix, 44 (t. n, col. 1706), 
mais n'a pu jusqu'ici être identifiée. 

19. Gabathon (hébreu : Gibbepôn; Septante, Vat. : 
rs9e8àv; Alex. : TaëeSuv), omise dans les Paralipo- 
mènes, appelée ailleurs Gebbéthon, Jos., xix, 44, peut- 
être actuellement Qibbiyéh, à l'est de Ludd. Voir Geb- 
béthon, t. m, col. 142. 

20. Aïalon (hébreu : 'Ayyâlôn ; Septante, Vat. : AîXwv : 
Alex. : 'IaX<iv), Jos., xxi, 24 ; Hélon (hébreu : 'Ayyàlôn; 
Septante, Vat. : 'EyXâ|ji; Alex., 'HXtiv), I Par., VI, 69(54). 
Le premier nom est le vrai et subsiste encore dans ce- 
lui de Ydlô, village situé un peu au nord de la route de 
Jaffa à Jérusalem. Voir Aïalon 1, t. n, col. 296. 

21. Gethremmon (hébreu : Gat-Rimmôn; Septante, 
Vat. : r66epe[A[(,wv ; Alex. : re6pep.|ji(iv, Jos., xxi, 24 ; 
Vat. : TeOwptiv; Alex. : ri6pep.[Ativ, I Par., VI, 69 [54]). 
Inconnue. Voir Gethremmon 1, t. m, col. 229. 

2?) Demi-tribu occidentale de Manassé. — 22. Tha- 
nach (hébreu : Ta'nàk; Septante, Vat. .- T'avà/; Alex. : 
Oaavâx), Jos., xxi, 25; Aner (hébreu : 'Ânêr; Septante, 
Vat. : 'Ap.àp; Alex. : 'Eviîp), I Par., vi, 70 (55). Il y a 
probablement ici une corruption de mot ou un faute de 
copiste. Voir Aner 2, t. i, col. 575. Thanach a subsisté 
jusqu'à nos jours sous le même nom de Ta'annûk, au 
nord-ouest de Djenîn. 

23. Gethremmon (hébreu : Gap-Rimmôn; Septante, 
Vat. : 'Ie6a8i; Alex. : Bac9o«), Jos., xxi, 25; Balaam 
(hébreu : BU 'âm ; Septante, Vat. : omis ; Alex. : 'IëXaât».), 
I Par., VI, 70 (55). Il est probable que Gethremmon est 
une répétition fautive du même nom propre mentionné 
au verset précédent. D'autre part, on pense, d'après la 
leçon des Septante, 'IeêaOi, 'IeSXaâpi, que Balaam est 
identique à Jéblaani (hébreu : Yble'âm), aujourd'hui 
Khirbet Bel'améh, à deux kilomètres au sud de Djenîn. 
Voir Gethremmon 2, t. m, col. 229. 

il. fils de gebson. — F) Demi-tribu orientale de 
Manassé. — 24. Gaulon (hébreu : Gôlàn; Septante, 
Vat. : r<xvX<iv; Alex. : TwXâv, Jos., xxi, 27; Vat. : 
TwXâv; Alex. .-TacuX^v, I Par., vi, 71 [56]), aujourd'hui 
Sahem el-Djàûlân, au delà du Jourdain, à la hauteur du 
lac de Tibériade, sur Vouadi esch-Schéféil. Voir Gau- 
lon, t. in, col. 116. 

25. Bosra (hébreu : Be'eSperâh; Septante, Vat. : 
Booopâ; Alex. : BeeOâpa), Jos., ni, 27; Astaroth (hé- 
breu : 'Aêtârôp ; Septante, Vat. : 'AoripiàO ; Alex. : 
Pap.c')6), I Par., vi, 71 (56). Plus probablement Asta- 
roth, actuellement Tell el-Asch'ari on Tell 'Astara, au 
sud-est et au nord-est de Sahem. el-Djaûlàn. Voir 
Bosra 2, 1. 1, col. 1860. 

G) Tribu d'Issachar. — 26. Césion (hébreu : QiSyôn, 



219 



LÉVITIQUES (VILLES) 



220 



Septante, Vat. : Kucév ; Alex. : Kjoiùv), Jos., xxi,28 : 
Cédés (hébreu : Qédés; Septante, Vat. : KiSa; Alex. : 
KéSse), I Par., vi, 72 (57). A quel nom donner la pré- 
férence? On ne sait. Césion n'est pas connue. Cédés est 
identifiée avec Tell Abu Qudéis, dans la plaine d'Esdre- 
lon, au sud-est d'El-Ledjdjûn. Voir Cédés 3, t. n, col . 369. 

27. Daberetb (hébreu : Dâberaf, Jos., xxi, 28; Do- 
brat, I Par., vi, 57 [72] ; Septante, Vat. : Aeëëà ; Alex. : 
AîêpiB, Jos., xxi, 28; Vat. : Asêspet, I Par., vi, 72) = 
Debûriyéh,à l'ouest et au pied du Thabor (t. n, col. .1195). 

28. Jaramoth (hébreu : Yarmûf; Septante, Vat. : 
'Pemiâô; Alex. : 'Ieppuie), Jos., xxi, 29; Ramoth (hé- 
breu : Râ'môt; Septante, Tapiâô), I Par., vi, 73 (58). 
Les deux noms ne diffèrent que par la forme; la ville 
est inconnue. Voir Jaramoth, t. m, col. 1128. 

29. Engannim (hébreu : 'Ên-Gannim; Septante : 
IlriYÎi vpa(ii*aTft>v), Jos., xxi, 29; Anem (hébreu : 'Anêm; 
Septante : Alvàv), Par., VI, 73 (58). Le dernier nom est 
probablement une contraction du premier. Engannim 
s'appelle aujourd'hui Djénîn, au sud de la plaine 
d'Esdrelon. Voir Engannim 2, t. n, col. 1802. 

H) Tribu d'Asèr. — 30. Hasal (hébreu : Mis ai, Jos., 
xxr, 30; MàSàl, I Par., vi, 59 [74] ; Septante, Vat. : 
Ba<rsXXâ ; Alex. : Maaail, Jos., xxi, 30; Vat. : Maamt ; 
Alex. : Maa-â), I Par., vi, 74), peut-être Khirbet Misi- 
liyéh, au nord d'Athlit. 

31. Abdon (hébreu : 'Abdôn; Septante, Vat. : Aaëëœv ; 
Alex. : 'AêSiiv, Jos., xxi, 30; Vat. : 'Agapâ ; Alex. : 
"AëStiv, I Par., vi, 74 [59] = Khirbet 'Abdéh, au nord- 
est d'Ez-Zîb. Voir Abdon 5, t. i, col. 25. 

32. Helcath (hébreu : Jjiélqàt; Septante : Vat. : 
XêXxixt; Alex. .-©eXiuiû), Jos., xxi, 31; Hucac (hébreu : 
ifûqôq; Septante, Vat. ; 'Ixâx; Alex. : laxocx), I Par., 
Vi, 75 (60), appelée aussi Halcath, Jos., xix, 25, aujour- 
d'hui Yerka, au nord-est de Saint Jean-d'Acre. Voir 
Halcath, t. m, col. 403. v 

33. Rohob (hébreV: Rehôb., Septante, Vat. : 'Paie; 
Alex. : To<ië, Jos., xxi, 31; Vat. : 'Po<ië, 1 Par., vi, 
75 [60]), peut-être Tell er-Rahib. 

]) Tribu de Nephthali. — 34. Cédés en Galilée (hé- 
breu : Qe'déH bag-Gâlil ; Septante : KotSeç, KéJe; èv T7j 
raXiXafa) a subsisté jusqu'à nos jours sous le même 
nom de Qadès ou Qédès, au nord-ouest du lac Mérom 
ou Bahr el-Huléh. Voir Cédés 1, t. n, col. 360. 

35, Hammoth Dor (hébreu : ffammôf Dô'r; Sep- 
tante, Vat. : Nsnitie; Alex. : 'Ep.a68o>p), Jos., xxi, 32; 
Hamon (hébreu : JJammôn; Septante : Vat. : Xa(iwO; 
Alex. : Xauwv), I Par., vi, 76 (61). Les deux mots se 
rattachent à la même racine et représentent la même 
ville appelée ailleurs Émath, Jos., xix, 35, aujourd'hui 
la localité d'El-Hammâm, voisine de Tibériade (t. m, 
col. 408). 

36. Carthan (hébreu : Qartân; Septante, Vat. : 
©eupiàiv; Alex. : Noe[i(i<âv), Jos., xxi, 32; Cariathaïm 
(hébreu : Qiryâfaim; Septante : KapiaOa'i>), I Par., 
vi, 76 (61). C'est le même nom, malgré la différence de 
forme; la ville est inconnue. Voir Carthan, t. n, 
col. 324. 

///. fils DE mÈrari. — J) Tribu de Zabulon. — 37. 
Jecnam (hébreu : Yoqne'àm; Septante, Vat. : Maàv; 
Alex. : 'Exvàji), omise dans la liste des Paralipomènes. 
Elle est appelée aussi Jachanan, Jos., xn, 22, et Jéco- 
nam, Jos., xix, 11. On a cherché à l'identifier avec 
Tell el-Qaimûn, à la pointe sud du Carmel, position 
douteuse. Voir Jéconam, t. m, col. 1213. 

38. Cartha (hébreu : Qarfàh; Septante, Vat. : KiSr,c, 
Alex. : Kap8â), omise dans les Paralipomènes. Inconnue. 
Voir Cartha, t. h, col. 324. 

39. Damna (hébreu : Dimnâh; Septante, Val. : omis 
ou remplacé par SeXXà; Alex. : Aapwà), Jos., x-xi, 35; 
Remmono (hébreu : Rimmônô : Septante, Vat. : 'Pefi- 
tuiv), I Par., vi, 77 (62). La vraie forme du nom est 
probablement Rimmono ou Rimmônâh, dont Dimnàh 



ne serait qu'une lecture fautive. Dans ce cas, la ville 
serait actuellement représentée par Rummanéh, village 
situé au nord de Nazareth. Voir Damna, t. n, col. 1231. 

40. Naalol (hébreu : Nahâlol; Septante, Vat. : omis; 
Alex. : NoaXmX), Jos., xxi, 35; Thabor (hébreu : Tâbôr; 
Septante, Vat. : ©a^eià; Alex. : ©aëwp), I Par., vi, 
77 (62). Lé premier nom est identifié par plusieurs 
auteurs avec Ma'lûl, à l'est-sud -est de Semûniyéh. On 
ne sait au juste ce que représente le second. Voir 
Thabor. 

K) Tribu de Ruben. — 41. Bosor (hébreu: Bésér; 
Septante : Boaôp). Jos., xx, 8; I Par., vi, 78. Plusieurs 
l'identifient avec Qsûr el-Beschéir, au sud-ouest de 
Dhxbân. Voir Bosor 1, t. i, col. 1856. 

42. Jaser (hébreu: Yahsâh; Septante: 'Iaîijp), Jos., 
xxj, 36; Jassa (hébreu: Yahsâh; Septante: 'Iaoà),IPar., 
vi, 78 (63). Ce dernier nom est le vrai. Inconnue, malgré 
de nombreuses hypothèses. Voir Jasa, t. m, col. 1138, 

43. Jethson (hébreu : Qedêmôf; Septante, Vat. : 
Aex(i<ôv; Alex. : re8<r<£v), Jos., xxi, 36; Cadémoth 
(hébreu : Qedêmôf, Septante, Vat. : Ka8aua>«; Alex. : 
Ka(iri8ci8, sans doute pour Ka8Y)p.à>6), I Par., vi, 79 (64), 
Jethson est fautif, comme on le voit d'après l'hébreu; 
Cadémoth est inconnue. Voir Jethson, t. ut, col. 1523. 

44. Mephaath (hébreu : Mêfâ'af; Septante, Vat. : 
Maçà; Alex. .-Maa-tpà, Jos., xxi,37, Vat. .•MaKpXaj.Aiex. .- 
4>aà6, I Par., vi, 79 [64]). Inconnue. 

L) Tribu de Gad. — 45. Ramoth en Galaad (hébreu : 
Râmôt bag-Gil'âd; Septante : Tap.ù6 év rîj TaXaseî, 
Jos., xxi, 38; Vat. : Ta|i(juov; Alex. : 'Papià)8 TaXaàS, 
I Par., vi, 80 [65]). Position incertaine; peut-être Es- 
Salt. 

46. Manaïm (hébreu : Mahànaîm : Septante, Vat. ; 
Ka|ieiv; Alex. : Maval|i, Jos., xxi, 38; Vat. : Maavai'6; 
Alex. : Maavaip., I Par., vi, 80 [65]. Peut-être Mahnéh, 
au nord du Nahr ez-Zerqa. 

47. Hésébon (hébreu : JféSbôn; Septante : 'E<reët.'iv) T 
aujourd'hui Hesbân, au nord du mont Nébo (t. m, 
col. 657). 

48. Jazer (hébreu : Ya'zér; Septante : 'Io^p), Jos., 
xxi, 39; Jézer (hébreu Ya'àzér; Septante, Vat. : Tai;ép; 
Alex. : Ta^p), I Par., vi, 81 (66), probablement Khirbet 
Sâr, à l'ouest d'Amman (t. m, col. 1150). 

Comme on le voit, les deux documents se suivent 
d'assez près. Celui des Paralipomènes a des lacunes : 
six noms sont tombés de la liste, bien que l'énuméra- 
tion relative à chacun des groupes renferme les mêmes 
chiffres que le livre de Josué, c'est-à-dire treize villes pour 
les prêtres, I Par., vi, 60; dix pour les Lévites Caathites, 
f. 61; treize pour les Gersonites, f. 62; douze pour les 
Mérarites, f. 63. Les différences de noms s'expliquent 
soit par la confusion de certaines lettres, soit par la cor- 
ruption ou la contraction du mot, soit par une répétition 
fautive; dans quelques cas seulement, le choix est diffi- 
cile entre les deux textes. La version des Septante 
n'apporte que peu de secours. La Vulgate suit générale- 
ment bien l'hébreu; on se demande cependant pour^ 
quoi elle amis Hélon au lieu de Aîalon, jJ.69; Jethson 
pour Cadémoth, Jos., xxi, 36; Jaser pour Jassa, Jos., 
xxi, 36; de même Misor, Jos., xxi, 36, est une additioa 
fautive. — Parmi les villes lévitiques sont comprises 
les six villes de refuge : trois à l'ouest du Jourdain, 
c'est-à-dire Hébron, Sichem et Cédés de Nephthali; trois, 
à l'est, Bosor, Ramoth Gaalad et Gaulon. Jos., xx, 
7. 8. — On remarquera enfin comment on avait réservé 
aux prêtres la proximité de Jérusalem. Jos., xxi, 13-19. 

II. Dispositions légales. — C'est le livre des 
Nombres, xxxv, 1-8, qui renferme les prescriptions lé- 
gales concernant les villes lévitiques. Nous y voyons 
d'abord, f. 3, qu'elles n'étaient pas données à ta. tribu 
de Lévi comme un territoire, mais aux lévites comme 
lieu d'habitation, et non à titre de propriété; ils n'en 
étaient même pas les seuls habitants. Cependant Tel- 



221 



LÉVITIQUES (VILLES) — LÈVRE 



222 



clusion du partage de la Terre Promise n'entraînait 
pas pour eux l'incapacité de posséder des immeubles. 
Le Lévilique, xxv, 32-34, suppose que, dans leurs villes, 
ils possèdent des maisons, lesquelles, venant à être 
aliénées, pourront toujours être rachetées; sinon, elles 
reviendront à leurs anciens propriétaires en l'année du 
jubilé. Les pâturages qui leurs sont concédés dans le 
voisinage ne pourront jamais être aliénés; ils ont une 
affectation spéciale d'ordre public. Quant au mode 
d'établissement des Lévites, il est permis de croire, 
d'après les données de la loi, qu'il leur était réservé des 
quartiers plus ou moins étendus suivant leurs besoins 
et les ressources des localités. — Le même texte, f. 3-5, 
délimite ensuite strictement l'étendue des pâturages 
qui leur étaient accordés dans la banlieue des villes. On 
comptait d'abord « depuis le mur de la cité vers le 
dehors, tout autour », c'est-à-dire dans la direction des 
quatre points cardinaux, une ligne de 1000 coudées 
(525 mètres). Puis, à l'est, au midi, à l'ouest et au nord, 
on mesurait perpendiculairement à cette ligne une 
autre de 2000 coudées, ce qui déterminait comme 
quatre terrains rectangulaires, destinés aux troupeaux 
des Lévites. Tel est du moins le sens qu'il faut attribuer 
aux f. 4 et 5, et que le diagramme suivant aidera â com- 
prendre. 

N 



ci 

1000 c. 


1000 c. 


Ville. 


« 

*-< 


2000 c. 



Enfin, après avoir fixé le nombre des villes lévitiques, 
c'est-à-dire 48, dont 6 de refuge, f. 6-7, la Loi définit, 
f. 8, que la part à céder par les différentes tribus 
pour la demeure des Lévites sera en proportion de l'im- 
portance du territoire de chacune. Malgré cela, il est fa- 
cile de voir, d'après l'énumération donnée ci-dessus, que 
les villes sont assez uniformément réparties raison de 
quatre par tribu, à l'exception de Juda et de Siméon réunis 
qui en fournissent neuf, et de Nephthali, qui n'en fournit 
que trois. Mais il faut remarquer que le ji. 8 ne dit pas, 
à la rigueur, que le nombre des villes à céder par 
chaque tribu sera proportionné à l'étendue de son ter- 
ritoire; il porte, en effet, d'après l'hébreu : « Quant aux 
villes que vous donnerez de la possession des fils d'Israël, 
de la (tribu) grande, vous donnerez beaucoup et de la 
(tribu) petite, vous donnerez peu; chacun en propor- 
tion de son lot donnera (une part) de ses villes aux lé- 
vites. » Il y là une formule générale qui peut s'entendre 
de l'importance plus ou moins considérable des cités, 
de la place plus ou moins vaste qui y était laissée aux 
Lévites. A. Legendre. 

LÈVRE (hébreu : èdfâh; assyrien : Saptu; Septante : 
^es'Xo;; Vulgate : labium), partie charnue qui forme le 
contour de la bouche, et qu'on distingue en lèvre supé- 
rieure et lèvre inférieure. 

I. Au sens propre. — 1» Les lèvres recouvrent les 
dents. Job, xtx, 20. Les lèvres de l'Épouse sont comme 
un fil cramoisi, Cant., iv, 3, à cause de leur couleur 
vermeille; comme des SôSanîm- (Vulgate : lilia; voir 
Anémone, t. i, col. 575) d'où découle la myrrhe, Cant., 
v, 13, à cause de la beauté de leur forme et de la dou- 
ceur de leurs paroles. Les lèvres frémissent sous l'in- 
fluence de la crainte, Habac, m, 16, et elles remuent 
doucement chez celui qui prononce des paroles sans 



émission de voix. Job, xvi, 6; I Reg., i, 13; Judith, 
xiii, 6. — Les Assyriens passaient un frein en forme- 
d'anneau, méfég, dans les lèvres de leurs prisonniers. 
Voir Anneau, et la fig. 158, t. i, col. 636-637, qui montre 
des prisonniers d'Assurbanipal avec ce frein. De la part 
du Seigneur, Isaïe, xxxvn, 29, dit à Sennachérib, qui 
menace Jérusalem : « Je mettrai mon métég à tes lè- 
vres. ? IV Reg., xix, 28. — 2° Les lèvres sont un des- 
instruments du langage; elles concourent à la forma- 
tion de la parole, donnent leur caractère aux labiales et 
doivent nécessairement s'entr'ouvrir pour laisser passer- 
les sons. « Ouvrir les lèvres, » c'est donc parler. Job, 
xi, 5; xxxii, 20; Prov., vin, 6; xx, 19. Ouvrir les lèvres- 
à quelqu'un, c'est le faire parler. Ps. li (l), 17. « Fer- 
mer les lèvres, » Prov., xvn, 28, « retenir les lèvres, » 
Prov., x, 19; Ps. xl (xxxix), 10, c'est se taire. Celui quii 
ferme les yeux et « se mord les lèvres » pour ne rien 
dire, mais pense au mal qu'il veut commettre, est déjà, 
coupable. Prov., xvi, 30. Moïse dit de lui-même qu'il 
est 'âral sefdfayîm, incircumcisus labiis, « incirconcis 
des lèvres, » Exod., VI, 12, 30, pour signifier qu'il n'a 
pas les lèvres dégagées, qu'il parle difficilement, qu'il 
est, selon les expressions des Septante, aXoyoç, « sans 
parole, » îo^vdçwvo;, « de voix faible » ou « bégayant ». 
II. Au sens figuré. — Les lèvres sont habituellement 
prises pour la parole elle-même. 1° On attribue aux 
lèvres ce qu'énonce la parole, le serment, Lev., v, 4, le 
vœu. Deut., xxm, 23, etc. Cf. Job, xn, 20; xm, 6; 
xv, 6, etc. ; Prov., x, 21, 32, etc. ; Jer., xvn, 16. — 2» Elles 
sont mises pour la langue qu'on parle. Primitivement, 
les hommes n'ont qu'une seule lèvre et c'est à Babel que 
les langues se diversifient. G-en., xi, 1, 6, 7 (lingua), 9. 
Dans le texte hébreu, la lèvre de Chanaan, Is., xix, 18, la> 
lèvre obscure à entendre, Is., xxxm, 19; Ezech., m, 5,. 
C, les lèvres d'étrangers, Ps. lxxxi (lxxx), 6; I Cor., 
xiv, 21, désignent la langue chananéenne, une langue 
barbare et des langues étrangères, — 3° Les qualités 
morales de la parole sont souvent appliquées aux lèvres 
mêmes. Il y a des lèvres pures, Soph., m, 9, et des 
lèvres souillées, ls., vi, 5, perverses, Prov., xix, 1, ini- 
ques, Prov., xvn, 4, menteuses. Ps. su (xi), 3, 4; xxxi 
(xxx), 19; Prov., xn, 12; frauduleuses, Ps. cxx (cxix), 
2; Prov., x, 18; xvn, 4, 7, etc. — 4° Quand les lèvres- 
parlent seules, c'est que la pensée est légère, sotte ou 
hypocrite. S'exprimer légèrement des lèvres, c'est taire 
un serment répréhensible, Lev., v, 4, et parler inconsidé- 
rément. Ps. cvi (cv), 33. L' « homme de lèvres » est un 
bavard (verbosus). Job, xi, 2 (hébreu). Les paroles des 
lèvres, c'est-à-dire celles qui ne sont que sur les lèvres, 
ne mènent à rien de bon. Prov., xiv, 21; Is., xxxvi, 5 
(hébreu). Aussi Dieu réprouve ceux, qui l'honorent des 
lèvres quand leur cœur est loin de lui. Is., xxix, 13; Jer., 
xn, 2 (Vulgate : os) ; Matth., xv, 8; Marc, vu, 6.-5° Les 
effets de la parole sont attribués aux lèvres. En bonne 
part, les lèvres sont savantes, Prov., xx, 15, ou gardent 
la science. Mal., u, 7. Elles glorifient Dieu, Eccli., l, 
22; Heb., xm, 15. Job, i, 22; n, 10, n'a pas péché par 
ses lèvres. Sur les lèvres sont les chants d'allégresse, 
Job, vm, 21 ; les oracles du roi, Prov., xvi, 10; la grâce, 
Ps. xlv (xliv), 3; Eccli., xxi, 19, le miel et la myrrhe, 
Cant., iv, 11; v, 13, c'est-à-dire les paroles douces, ai- 
mables et sages/Ties lèvres des prophètes sont prépa- 
rées à la parole par des contacts qui les purifient, Is., 
vi, 7, et les inspirent. Dan., x, 16. Judith, ix, 13, de- 
mande à Dieu la grâce de frapper Holofeme avec ses 
lèvres, c'est-à-dire de le prendre par ses paroles. En 
mauvaise part, le miel que distillent les lèvres, ce sont 
les paroles qui invitent au mal. Prov., v, 3. Le venin 
des aspics sur les lèvres, Ps. cxl (cxxxix), 4; xiv (xm), 
3; Rom., m, 13, figure la calomnie et la méchanceté 
des discours. Le feu ardent sur les lèvres du pervers, 
Prov., xvi, 27, est celui de la malice. Des lèvres brû- 
lantes sur un cœur dépravé, Prov., xxvi, 23-24, sont ga 



223 



LÈVRE — LÉZARD 



224 



signe d'hypocrisie : elles marquent une affection que le 
cœur n'a pas. Les lèvres qui se font les instruments de 
la sottise, Prov., x, 8, 10; Eccle., x, 12, et de la mé- 
chanceté, Ps. cxl (cxxxrx), 10; Sap., i, 6; Eccli., xxvi, 
28, attirent le malheur sur le sot et le méchant. — 
6" Une réponse juste est comparée à un baiser sur les 
lèvres. Prov., xxiv, 26. Voir Baiser, t, i, col. 1389. — 
7° Les lèvres figurent aussi une porte qui donne passage 
à la parole et a besoin de surveillance. Ps. cxli (CXL), 
3. Saint Pierre recommande aux chrétiens de préserver 
leurs lèvres des paroles trompeuses. I Pet., m, 10. 

III. Par analogie, — En hébreu, on donne le nom 
de « lèvre » à ce qui constitue une bordure, parce que la 
partie vermeille des lèvres humaines borde les contours 
de la bouche. 1° On appelle donc ainsi la bordure d'or 
de la table de proposition, Exod., xxv, 24, 25; xxxvn, 
11, 12; Ezech., xl, 43; celle de l'autel du temple 
d'Ezéchiel, xliii, 13; les bords de la mer d'airain, 
III Reg., vu, 23, 24, 26 ; II Par., iv, 2, 5; la bordure d'un 
vêtement, Exod., xxvm, 32, et des tentures du Taber- 
nacle. Exod., xxvi, 4-10 ; xxxvi, 11 (ora). — 2° En pour- 
suivant l'analogie, on désigne eneore en hébreu sous le 
nom de « lèvre » le rivage de la mer, Gen., xxii, 17; 
Exod., xiv, 30 (31); Jos., xi, 4; Jud., vu, 12; la rive du Nil, 
Gen., xli, 3, 17; Exod., n, 3; vu, 15; celle du Jourdain, 
fV Reg., il, 13, celle d'un torrent, Deut., n, 36 ; iv, 48. 
Dans un autre passage, Jud., vil, 23, le mot sâfdh, cre- 
pido, est employé dans le sens de limite d'une localité. 

H, Lesêtre. 

LEWIN Thomas, historien anglais, né à Ifleld (Sus- 
sex), le 19 avril 1805. mort à Londres le 5 janvier 1877. 
Il fit ses études à Oxford et exerça la profession d'avocat. 
Parmi ses écrits, le plus important est The Life and 
Epislles of St. Paul, 2 in-12, Londres, 1851; 2 e édit, 
2 in-4 , 1874; 3 e édit., 1875; ces deux dernières avec 
illustrations archéologiques. Il consacra quarante an- 
nées de sa vie à lè'p'réparer et à le revoir et visita plu- 
sieurs fois les localités principales qu'il avait à décrire. 
Mentionnons aussi de lui : An Essay on the Chronp- 
logy of the New Testament, in-8°, Oxford, iS5i;Jerusa- 
lem, a Sketch of the City and Temple from the earliest 
Urnes to the Siège by Titus, in-8°, Londres, 1861; The 
Siège of Jérusalem by Titus : with the Journal of a 
récent Visit to the Holy City and a General Sketch of 
the Topography of Jérusalem from the earliest Urnes 
<town to the Siège, in-8", Londres, 1863; Fasti sacri; or 
a Key to the chronology of the New Testament, in-8°, 
Londres, 1865. 

LÉZARD, reptile de l'ordre des sauriens. Les sau- 
riens sont des reptiles ordinairement quadrupèdes, 
bien que plusieurs soient apodes. Ils ont les côtes et les 
vertèbres dorsales mobiles, la peau écailleuse, la bouche 
fortement dentée, la queue longue et les doigts pour- 
vus d'ongles crochus. .Les principales familles de l'ordre 
des sauriens sont les crocodiliens, voir Crocodile, t. n, 
col. 1120, les geckotiens, voir Gecko, t, m, col. 143, les 
caméléoniens, voir Caméléon, t. n, col. 90, les lacer- 
tiens ou lézards, les scincoïdiens, les varaniens, etc. 
Les lézards sont caractérisés par le prolongement des 
os du crâne formant bouclier sur le dessus de la tête, 
«ne double rangée de dents au fond du palais, quatre 
pattes courtes et grêles munies de cinq doigts avec 
ongles déliés, et une queue assez longue qui se désarti- 
cule très aisément et repousse ensuite. Les lézards sont 
pour la plupart ovipares; quelques espèces seulement 
sont vivipares. Il existe en Palestine de nombreuses 
espèces de lézards. Ces animaux abondent dans les ter- 
rains stériles ; ils habitent les rochers et les fissures des 
gorges et sont en nombre immense dans les, sables des 
déserts. Certaines espèces fréquentent les plaines culti- 
vées, d'autres les montagnes et les forêts de Galaad et de 
Galilée. Les enfants de Jérusalem disent encore aujour- 



d'hui dans leurs chansons : « Dis ta prière, ô lézard, ta 
mère est morte dans le four. i> Cf. G, H. Dalman, Paliis- 
tinischer Diwân, Leipzig, 1901, p. 174. Ces paroles 
font allusion à la posture que prend le gros lézard de 
Palestine, quand, penché au sommet des pierres, il lève 
la tête comme pour regarder le ciel. On trouve cinq 
noms dans la Bible pour désigner différentes espèces de 
lézards ou de sauriens similaires : 

1° Le Letâ'âh, (joc-jpoc, lacerta. Lev., xi, 30. C'est le 
lézard proprement dit, représenté en Palestine par un 
grand nombre d'espèces et abondant dans les parties cul- 
tivées du pays. On distingue spécialement le Lacerta vi- 
ridis, le lézard vert du sud de l'Europe (fig. 56), et le 




56. — Lézard vert. 

Lacerta Isevis. Us se nourrissent d'insectes, de sauterelles, 
de vers et d'ceuts de petits oiseaux dont ils atteignent 
les nids sur les branches des arbres. Ils sont absolu- 
ment inoffensîfs et restent tout l'hiver endormis dans 
des creux de rochers. Attaqués, ils se cramponnent avec 
grande ténacité au support qui se présente à eux. La Zoo- 




57. — Lézard des murailles. 

toca vivipara ou lézard des murailles (fig. 57) est très 
commune en Palestine et y compte plusieurs variétés. 
On la trouve partout dans les rocs, ou dans les murs. 
Ce lézard se prend aisément ; c'est le plus éveillé et le 
plus intelligent des animaux de son espèce, et il se laisse 
très docilement apprivoiser. Les Bédouins le mangent, 
bien qu'il soit un objet d'horreur pour tout rigide 
mahométan. A la famille des scinques appartient le 




68. — Plestiodon auratus. , 

Plestiodon auratus (fig. 58), de couleur jaune avec des 
taches rouges et orange. C'est le plus grand des sauriens 



225 



LÉZARD 



LIA 



226 



de Palestine. On le trouve peu dans les endroits culti- 
vés; il fréquente de préférence les régions arides et 
rocheuses, comme les environs de la mer Morte. A la 
différence des lézards, il ne grimpe pas, mais se cache 
dans le sable ou sous les pierres. Les pattes des scinques 
sont très courtes ; chez certaines espèces, elles sont ru- 
dimentaires ou même cachées sous la peau, ce qui fait 
que ces animaux se meuvent à la manière des serpents. 
Le Pseud/ipus pallasii, serpent de verre ou orvet, a les 
pattes invisibles et la peau noire, ce qui fait prendre ce 
saurien pour un serpent par les indigènes. Rien pour- 
tant de plus inoffensif que cet animal. Il est long 
de deux pieds à deux pieds et demi, sa queue comp- 
tant pour les deux tiers de sa longueur. Il vit surtout 
dans les plaines cultivées et s'y nourrit de petits lézards 
et de souris. Aux environs de Nazareth, on rencontre 
dans les herbes et dans les pierres d'énormes Pseudo- 
pus, dont plusieurs atteignent presque le diamètre du 
poignet. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, 
p. 176. 

2° Le homét, £aXot6ciT/)ç (àuxaXotëcîpTrK, « lézard mou- 
cheté, » Aristote, Hist. animal,, IV, xi, 9), stellio, 
Lev., XI, 30, est vraisemblablement un saurien du genre 
seps, le lézard des sables ou chulaca des Arabes, qui 
habite les lieux secs et sablonneux, surtout dans le dé- 
sert de Judée, la vallée du Jourdain et la presqu'île 
sinaïtique. Les animaux de ce genre sont généralement 
petits et ont la couleur du sable dans lequel ils se 
terrent. Plusieurs espèces n'ont pas de pattes visibles. 
Les Arabes les appellent « poissons de sable » et en 
mangent la chair qui est blanche et agréable. Il est 
assez à croire que Moïse aura voulu désigner par un 
nom particulier ce petit animal que les Hébreux ren- 
contrèrent à tout instant dans le désert et qui avait 
toutes les allures du serpent. 

3" Le sâb, xpox<îp8eiXoç, crocodilus, Lev., xi, 29, a été 
regardé par les versions comme un saurien de taille 
considérable, puisqu'ils le prennent pour le crocodile. 
C'est le dhabb des Arabes, YUromastix spinipes (fig. 59), 




59. — Uroma&tix spinipes. 

grand lézard commun dans le nord de l'Afrique, en 
Arabie et dans le désert de Judée. Il atteint quelque- 
fois une longueur de deux pieds. Il a une forte queue; 
large et massive, couverte par des rangées concen- 
triques d'écaillés très piquantes, dont il se sert avec 
succès comme d'une arme défensive. Il vit dans les 
trous de rochers et peut se terrer dans le sable. Il est 
de couleur verte, tachetée de brun, se fonçant quand 
l'animal est irrité. Il se nourrit d'insectes, mais ne 
craint pas parfois de s'attaquer même à des poulets. Les 
Arabes prétendent qu'il tient tête au céraste, et que, 
quand celui-ci envahit son trou, il a bientôt les ver- 
tèbres disloquées par les coups de la puissante queue 
du dhabb. Ce lézard a une allure lente, gauche et 
craintive en apparence. On peut l'apprivoiser et les 
Bédouins le mangent. Tristram, The natural History 
of the Bible, Londres, 1889, p. 255-256, 266-269. 

4° Le koah, Lev., xi, 30, dans lequel les versions 
voient un caméléon, bien que le nom de ce dernier soit 

DICT. DE LA BIBLE. 



tinsémét. Voir t. il, fig. 33, col. 90. Le mot koafy désigne 
probablement les sauriens appelés monitors ou varans, 
dont la taille est intermédiaire entre celle des croco- 
diles et celle des lézards ordinaires. Le Monitor terre- 
stris (fig. 60) et VHydrosaurus niloticus font la chassa 




60. — Monitor terrestris. 

aux œufs de crocodile et en détruisent un grand nombre. 
Le premier, appelé aussi Psammosaurus scincus, long 
parfois de quatre à cinq pieds, est commun dans les 
sables de l'Egypte, dans la presqu'île sinaïtique, la par- 
tie méridionale de la Judée et même dans la vallée du 
Jourdain. Les gens du pays le mangent. Le second est 
maintenant plus abondant en Egypte, où il était jadis 
un objet de respect. Il atteintl m 30 à l 1 » 65 centimètres de 
long. On le trouve en Palestine, mais assez rarement. Cf. 
Tristram, The natural History, p. 262; Fillion, Allas 
d'hist. nat. de la Bible, Paris, 188i, p. 6i. 

5» Le Seniâmif, xot>aMTr)t, stellio, est le lézard ordi- 
naire, le même que le letâ'âh. Il est dit de lui: « Le 
lézard saisit avec les mains et se trouve dans les palais 
des rois. » Prov., xxx, 28. Il est mis sur le même rang 
que la fourmi, le daman et la sauterelle, et tous quatre 
sont qualifiés de petits animaux fort sages. Le lézard 
justifie cette mention, parce qu'en grimpant il sait trou- 
ver un refuge jusque dans les palais des rois. En dehors 
de ce dernier passage, la Bible ne parle des lézards 
que pour défendre aux Hébreux de les manger. Cette 
défense avait sans doute pour motif la difficulté de dis- 
-cerner ceux qui sont comestibles et que les Bédouins 
pauvres sont d'ailleurs les seuls à manger, et aussi la 
ressemblance de certains d'entre eux avec les serpents. 

H. Lesêtre. 

LIA (hébreu : Lê'âh; Septante : Aeîa), fille de l'ara- 
méen Laban et sœur de Rachel. Gen., xxix, 16. Elle 
devint, par une supercherie de son père, l'épouse de 
Jacob, à la place de Rachel, qui était désirée par Jacob, 
et pour laquelle celui-ci avait servi Laban pendant sept 
années. Lia se prêta à cette fraude, s'appuyant, comme 
son père, sur une coutume d'après laquelle une fille 
cadette ne devait pas être mariée avant sa sœur aînée. 
Gen., xxix, 22-26. Moins favorisée de la nature que Ra- 
chel, elle avait de plus une infirmité d'yeux qu'il est 
difficile de déternjiner. C'était, d'après les Septante, une 
faiblesse de' vue, ô?6a>|io\ «uOsveîç; des « yeux chas- 
sieux », selon la Vulgate, dont la traduction ne semble 
pas justifiée. Gen., xxx, 17. Tant à raison de cette infir- 
mité que pour la fraude qui l'avait faite épouse de Ja- 
cob, Lia ne put jamais obtenir de son mari une grande 
affection. Au contraire, Rachel que, huit jours après son 
mariage avec Lia, Jacob avait prise comme seconde 
épouse, voir Polygamie, fut toujours l'objet de sa pré- 
dilection. Voir Rachel. C'est pourquoi, au moment 
critique où Ésàù s'avançait menaçant, à la tête d'une 
troupe armée, Jacob plaça le plus loin possible du dan- 

IV. - 8 



227 



LIA — LIBAN 



228 



ger Bachel et ses enfants, puis, devant elle, Lia et ses 
enfants, enfin en avant, et les plus exposées, les deux 
esclaves Zelpha et Bala. Gen., xxxui, 1, 2. Malgré cela, 
Lia semble avoir gardé à l'égard de Jacob une parfaite 
fidélité. Tandis que Rachel demeurait stérile, Lia donna 
tout d'abord à Jacob quatre fils : Ruben, Sitnéon, Lévi 
et Juda. Gen., xxix, 32-35; cf. xxxv, 23. Dans la suite 
elle cessa elle-même d'avoir des enfants, et comme Ra- 
chel, par la substitution de Bala, sa servante, avait 
trouvé moyen de donner deux fils à Jacob, Lia, devenue 
jalouse, employa le même procédé, et par le moyen de 
sa servante Zelpha, elle donna à Jacob Gad et Aser. 
Gen., xxx, 9-13. Ruben, l'alné des fils de Lia, fut pour 
sa mère l'occasion d'une nouvelle fécondité. Car, comme 
en revenant de la campagne, il apportait à sa mère des 
mandragores, celle-ci les ayant cédées à Rachel, 
Gen., xxx, 14-15, put devenir mère d'Issachar. Voir Man- 
dragore. Elle eut ensuite un nouveau fils, qu'elle appela 
Zabulon, puis enfin une fille nommée Dina. Gen., xxx, 
18-21. Il semble probable que Lia vivait encore lorsque 
sa fille Dina fut déshonorée, Gen.,xxxrv, et qu'elle sur- 
vécut à Débora, la nourrice de Rébecca, et à Rachel. 
Gen., xxxv, 8-19. Il est probable qu'elle mourut en 
Chanaan, car il n'est pas fait mention d'elle dans la 
nomenclature des émigrants en Egypte. Gen., xliv, 
8-27. Elle fut ensevelie dans le tombeau de famille à 
Hébron. Gen., xux, 31. P. Renard. 

LIBAN (hébreu : Lebânôn, avec l'article dans les 
livres historiques, excepté IV Reg., xix, 23; II Par., n, 7 
[Vulgate, 8]; plus sauvent sans article dans les livres 
poétiques et prophétiques; Septante : 'AvTt>i'6<xvoç, 
Deut., i, 7; in, 25; xi, 24; Jos., i, 4; ix, 1; partout 
ailleurs, Aië<ivo«), chaîne de montagnes de. Syrie, fron- 
tière septentrionale de la Palestine et renommée pour 
ses cèdres. Deut., i, 7; m, 25; los., i, 4; III Reg., rv, 33; 
v, 6, 9, etc. \ , 

I. No». — L'hébreu Lebânôn se rettache. à la racine 
lâban, « être ilanc. » La chaîne syrienne est donc le 
« mont blanc » de l'Asie antérieure, nom qui lui vient, 
soit de la couronne de neige dont elle est couverte une 
partie de l'année, soit de l'aspect blanchâtre que pré- 
sente la masse de ses roches. C'est cette dernière expli- 
cation qu'adopte E, Robinson, Physieal Geography of 
the Holy Land, Londres, 1865, p. 309 : « Près de la 
mer, dit-il, les dernières pentes du Liban s'abaissent 
d'une manière abrupte, de telle sorte qu'à celui qui le 
voit d'en bas, tout ce côté de la montagne semble uni- 
quement composé de masses immenses de roches nues 
et blanchâtres, sillonnées de ravins profonds qui des- 
cendent vers la plaine par des pentes rapides. Cette 
apparence blanchâtre de la montagne, quand la lumière 
est renvoyée par les roches de la surface, explique suf- 
fisamment l'ancien nom de Lebânôn, ou « montagne 
Blanche ». L'appellation ne vient pas de ses neiges; car 
en été la neige ne se trouve que dans des places abri- 
tées, voisines du sommet et que l'on n'aperçoit pas d'en 
bas, de sorte que les crêtes n'en sont pas blanchies. » 
Il suffit cependant, semble-t-il, que le Liban soit cou- 
ronné de ntige une bonne partie de l'année pour que 
ce fait ait frappé l'esprit des Orientaux autant et plus 
que l'éclat des roches calcaires et crétacées, et lui ait 
valu son nom. Les monuments assyriens ont conservé 
ce nom sous les formes Labnânu, Labnâna, Labndni. 
Cf. EL Schrader, Die Keilinschriften und das AUe Tes- 
tament, Giessen, 1883, p. 183, 209, 220; Fried. Delitzsch, 
Wo lag das Parodies? Leipzig, 1881, p. 103. Il subsiste 
peut-être dans l'égyptien Ramami. Cf. W. Max Mûller, 
Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmâlern, 
Leipzig, 1893, p. 197. La dénomination arabe est Djebel 
cl-Libnàn. 

IL Le Liban dans l'Écrtouke. — Le Liban est men- 
tionné plus de soixante fois dans l'Ancien Testament, 



pas une fois dans le Nouveau. Il détermine la frontière 
septentrionale de la Terre Promise. Deut., i, 7; m, 25; 
xi, 24; Jos., i, 4; ix, 1; xni, 5, 6. Mais il est surtout cité 
à cause de ses cèdres. Jud., ix, 15; III Reg., rv, 33; v, 
6, 9; IV Reg., xix, 23; II Par., n, 8; I Esd., m, 7; 
Ps. xxvm (hébreu, xxix), 5; xxxvi (xxxvil), 35; xci 
(xcii), 12: cm (crv), 16; Eccli., xxiv, 17; Is., u, 13; 
x, 34; xiv, 8; xxxvn, 24; lx, 13; Ezech., xvn, 3; 
xxvn, 5; xxxi, 3; Zach., xi, 1. Voir Cèdre, t. n, col. 374. 
La Bible parle aussi de ses pins, de ses cyprès, de 
ses bois et de ses forêts en général. IV Reg., xix, 23; 
II Par., il, 8, 16; Cant., ni, 9; Is., xxxvu, 24; XL, 16; 
des eaux qui l'arrosent, Cant., rv, 15; des bêtes sauvages 
qui l'habitent, IV Reg,, xiv, 9; II Par., xxv, 18; des 
fleurs qui y poussent, Nah., i, 4; du vin qu'il .produit, 
Ose., xiv, 8; des senteurs qui s'échappent de ses bois, Cant., 
iv, 11; Ose., xiv, 7; de la neige qui couvre ses sommets, 
Jer., xvm, 14; enfin de sa beauté ou de sa gloire. 
Cant., v, 15; Is., xxxv, 2; lx, 13. Elle compte les 
Hévéens parmi ses habitants. Jud., m, 3. Il semble que 
Salomon ait élevé certaines constructions, peut-être des 
maisons de campagne, sur le Liban. III Reg., ix, 19; 

II Par., vm, 6. Le palais qu'il se construisit à Jérusa- 
lem s'appelait « la maison de la forêt du Liban », à 
cause de ses colonnades en bois de cèdre, qui lui don- 
naient quelque zessemblance avec celte forêt si vantée. 

III Reg., vu, 2; x, 17, 21; II Par., ix, 20. La « vallée 
du Liban » (hébreu : biq'af hal-Lebânôn)j. dont il est 
question dans Josué, xi, 17; xn, 7, n'est pas, comme 
l'ont cru plusieurs auteurs, la Cœlésyrie ou la grande 
vallée qui s'étend entre les deux chaînes du Liban et de 
l'Anti-Liban, mais plutôt la plaine qui se trouve au sud 
et au sud-ouest de Banias, « sous l'Hermon. » Cf. Cœ- 
lésyrie, t. il, col, 820 : Baalgad, t. i, col. 1336. 

III. Description. — La chaîne du Liban commence 
au sud du Nahr el-Kebir, et se prolonge du nord-nord- 
est au sud-sud 7 ouest jusqu'à la brèche que s'est creusée 
le Nahr el-Qasimiyéh. Plus régulière encore que la 
côte de Syrie, dont elle est éloignée de 20 à 25 kilomètres 
en moyenne, 35 dans le nord, elle s'étend sur une lon- 
gueur de 150 kilomètres, s Vue de la mer, la longue 
crête du Liban, bleue en été, argentée de neige en hiver 
et au printemps, est d'un aspect grandiose ; les vapeurs 
de l'espace prêtent aux monts éloignes une transparence 
aérienne, mais à cette douceur se mêle la force que 
donnent les puissants contours des sommets et les es- 
carpements des pentes. De près, la montagne paraît 
moins belle. Le long rempart ne présente guère que 
des croupes jaunâtres et sans arbres, des vallées mono- 
tones, des sommets à rondeur uniforme. Dans le nord, 
principalement sur le versant cœlésyrien, on ne voit 
que parois nues dominant de longues pentes de terre 
rougeâtre, restes morainiques d'avalanches et de coulées 
de glace. Vers le sud, les vallées sont plus fertiles, plus 
riantes, mieux cultivées, et çà et là on rencontre des 
paysages pittoresques. » E. Reclus, L'Asie antérieure, 
Paris, 1884, p. 692. Le Liban s'abaisse vers la Méditer- 
ranée par une série de plateaux en gradins, et par des 
ramifications allant de l'est à l'ouest ou du nord-est au 
sud-ouest, entre lesquelles les rivières se sont creusé 
de profondes vallées. Le versant oriental, au contraire, 
est très abrupt : il borde comme un long mur la plaine 
de la Beqa'a. Aucun de ses sommets n'atteint la zone 
des neiges persistantes. Au nord, le Djebel Akhar a 
2129 mètres; le Djebel Aito, le point le plus élevé des 
chaînes latérales, 1936 mètres. Divers massifs se suc- 
cèdent ensuite vers le sud. Le Djebel M akmel prolonge, 
sur une étendue de 20 kilomètres, ses sommets aux 
formes aiguës et pyramidales; sa crête se hérisse de 
sept à huit pics, dont le plus septentrional, le jQhor eU 
Khodib, avec ses 3068 mètres, est généralement consi- 
déré comme le point culminant de la chaîne, à moins 
que, suivant certains voyageurs, le premier rang ne soit 



229 



LIBAN 



230 



attribué au Tiz-Marûn, situé plus au nord dans le 
même massif et auquel on assigne une hauteur de 
3212 mètres. Le Fum el-Mizab en a 3049. C'est dans 
ces parages que se trouvent les quelques cèdres encore 
subsistants. Voir t. n, fig. 120, col. 377. Plus loin se dres- 
sent les deux massifs du Djebel Akura et du Djebel Mu- 
néitirah, entre lesquels est un col de 1 982 mètres, puis le 
Djebel Sannîn, 2 490 mètres, et le Djebel Kenéiséh, 2 033 
mètres. C'est au sud dé ce dernier que passe le plus impor- 
tant des cols qui échancrent la chaîne, celui de Mughiltéh, 
que franchit, à l'altitude de 1 585 mètres, la route de Bey- 



perpétuels ou intermittents. Ces torrents sont, en des- 
cendant du nord au sud, le Nahr-Akkar, au-dessous du 
Nahr el-Kebir, le Nahr el-Arka, le Nahr el-Barid, le 
Nahr Abu Ali ou Kadischa, qui reçoit les eaux des 
plus hautes cimes et se jette dans la mer près de Tri- 
poli, le Nahr el-Djô 1 :, le Nahr Fedar, le Nahr Ibrahim 
(Adonis), dont l'une des branches sort delà grande grotte 
d'Afkâ, le Nahr el-Kelb (Lycus) (lig. 61), au nord de 
Beyrouth, le Nahr Béirût, \e Nahr ed Damur (Tamyras) ; 
enfin Vouadi el-Aulé (Bostrenus) et Youadi ez-Zaha- 
rdny, l'un au-dessus, l'autre au-dessous de Sidon, ne 




61. — Vallée du Nahr el-Kelb. 
D'après de Luynes, Voyage d'exploration à la mer Morte, Atlas, pi. 1. 



Touth à Damas. Les autres massifs, qui vont en dimi- 
nuant de hauteur vers le sud, sont le Djebel Barûk. 
2151 mètres; le Djebel Niha, 1890 mètres; le Djebel 
Rihan, 1 715 mètres. 

Les deux versants de la chaîne diffèrent par l'abon- 
dance des eaux. Celui de l'est n'a presque pas de sources, 
la neige à peine tombée s'évaporant très vite. La seule 
rivière perpétuelle est le Berdani, qui se jette dans le 
Léontès. Quelques lacs se rencontrent sur cette pente : 
celui de Yaniunéh est un profond entonnoir, où les 
eaux s'engouffrent pour reparaître probablement sur 
l'autre versant en sources abondantes. Le côté occiden- 
tal, au contraire, est bien arrosé. Grâce à l'humidité et 
aux vapeurs, qui montent de la mer, la neige tombe da- 
vantage, est plus persistante, et constitue de vastes ré- 
servoirs qui alimentent de nombreux cours d'eau ou 



sont que des rivières temporaires. En descendant des 
hautes cimes, les torrents ont découpé la montagne en 
énormes cirques d'érosion. Quand ils n'ont pu déblayer 
la roche, ils l'ont percée de manière à former de gi- 
gantesques açCàdés. Ainsi, au nombre des curiosités les 
plus intéressantes du Liban, on compte le pont nature) 
jeté sur le Nahr el-Lében, une des sources du Nahr 
el-Kelb. Situé au-dessus d'une gorge profonde, il me- 
sure cinquante mètres d'ouverture et vingt de hauteur. 
L'arche est si régulière qu'on se demande si elle n'a 
pas été rectifiée de main d'homme. De gros blocs ébou- 
lés dans le lit de la rivière font jaillir en écume des 
eaux glaciales qui, à la fonte des neiges, prennent une 
blancheur éclatante, d'où est venu le nom de Nahr el- 
Lében ou c< fleuve du lait ». Quelquefois les eaux dis- 
paraissent dans les fissures du sol, et des ruisseaux sou- 



231 



LIBAN 



232 



terrains s'échappent en sources magnifiques, descen- 
dent en cascades de rocher en rocher, remplissent du 
bruit de leur chute la solitude des hautes vallées. Ce 
sont là « les puits d'eaux vives, qui coulent avec im- 
pétuosité du Liban ». Cant., iv, 15. Un spectacle plus 
imposant encore est celui du cirque d'Afka et des cas- 
cades du Nahr Ibrahim. Voir Aphéca 1, t. i, col. 732. 
Au point de vue géologique, la chaîne du Liban est 
composée, dans son ensemble, de dolomites, de calcaires 
grossiers, de marbres, de grès et de marnes, que des 
basaltes ont percés sur d'innombrables points sans en 
déranger les assises. Les roches sont coupées par des 
fissures profondes, dirigées du nord au sud et de l'est à 



les empreintes dans les calcaires argileux, feuilletés, 
sans silex, de Saltel Aima, à 100 mètres au-dessus de la 
mer, et à Hakel, dans une vallée profonde. Cf. de Luynes, 
Voyage d'exploration à la mer Morte, Paris (sans date), 
t. m, Géologie, par Louis Lartet, p. 52-58. 

Trois noms spéciaux désignent, dans la bouche des 
habitants, les zones de climat et de végétation, sur les 
pentes occidentales du Liban. La région du littoral est 
le Sahil ou Sahel, étroite bande de terrain, d'une 
extrême fertilité, où s'élevaient les cités commerçantes 
de l'ancienne Phénicie. Au-dessus, jusqu'à 1200 mètres 
environ, s'étend la région moyenne, ou Wusut, moins 
peuplée que la précédente, mais encore parsemée de 




62. — Paysage des hautes régions du Liban. 
D'après Van de Velde, Le pays d'Israël, pi. 95. 



l'ouest, et qui partagent le Liban en massifs distincts. 
La partie centrale est constituée par des calcaires gris. 
compacts, caverneux ou oolithiques, avec polypiers, 
térébratules, grandes natices, nérinées et baguettes de 
Cidaris glandifera. Au-dessus de ces roches générale- 
ment rangées dans le terrain jurassique, viennent les 
grès rougeâtres, auxquels succèdent des calcaires et des 
marnes que tous les auteurs rapportent au terrain cré- 
tacé. Ces différentes couches, sur le versant occidental, 
inclinent vers la mer, tandis que, sur le versant opposé, 
elles plongent en sens inverse. « Le calcaire crétacé Unit 
par atteindre jusqu'à 3000 mètres d'altitude, formant au 
sommet un plateau horizontal et presque rectiligne, 
semé de déserts de pierres et de dolines, dont la masse 
se dresse comme un mur en face de la Méditerranée. 
L'élévation du calcaire s'est faite par une série de cas- 
sures parallèles, qui dessinent autant de terrasses. » 
A. de Lapparenl, Leçons de géographie physique', Paris, 
1898, p. 598. Parmi les fossiles recueillis dans le Liban, 
les plus remarquables sont les poissons dont on trouve 



villages; on y cultive le tabac, des céréales, les pommes 
de terre; les arbres y croissent en plus grand nombre : 
les pins (Pinus brutia), qui donnent à certaines pentes 
un aspect verdoyant; plus bas, les chênes nains; plus 
haut, les cyprès et les cèdres, auxquels se mêlent 
quelques chênes, des charmes, le pin d'argent de 
Cilicie, Je genévrier, le Rhododendron ponticum. La 
troisième zone, appelée le Djurd, est celle de la stérilité, 
des vents furieux etdes avalanches (fig. 62); cependant les 
cultures se montrent encore à 1800 et 2 000 mètres, mais 
seulement dans les vallons et les bassins abrités : çà et 
là, s'élèvent des bouquets de chênes aux troncs rabou- 
gris, des térébinthes, des érables, des poiriers sauvages, 
des genévriers, dont quelques-uns ont de puissantes 
dimensions. En été, les troupeaux de brebis et de 
chèvres montent des plaines vers le Djurd pour paître 
les herbages et les feuilles des arbrisseaux. En général, 
le Liban n'a ni forêts, ni pâturages, mais seulement de 
rares endroits où croît une herbe peu abondante, et le 
plus souvent des pentes nues. C'est dans la région, 



233 



LIBAN - LIBATION 



m 



supérieure, à plus de 2000 mètres d'altitude, près d'un 
col ouvert au sud du Djebel Makmel, que se trouvent 
les fameux cèdres, dont l'odeur pénétrante avait lait 
jadis du Liban la « montagne des Parfums ». — La 
faune du Liban n'a rien de remarquable : les ours n'y 
sont plus très nombreux; on rencontre encore l'once et 
la panthère, et plus souvent le sanglier, l'hyène, le 
loup, le renard, le chacal et les gazelles. — La popula- 
tion, qui descend pour la plus grande partie des anciens 
Syriens, est répandue dans de nombreux villages, accro- 
chés aux flancs des montagnes (fig. 63). Elle se distingue 
moins par l'origine et le sang que par la différence des 
cultes, sous le rapport desquels elle comprend les Druses, 



whilt Drake, Vnexplored Syria, Londres, 1872; Lortet, 
La Syrie d'aujourd'hui, dans le Tour du monde, 
t. xliv, p. 394-416; E. Reclus, L'Asie Antérieure, Paris, 
1884, p. 692-696. A. Legendre. 

LIBATION (hébreu : nésék, nêsék, nâsik; Septante : 
(ttovôti; Vulgate : libamen, libamentum, libatio), effusion 
de vin ou d'un autre liquide en l'honneur de la divinité. 
Quand Jacob consacra le monument de Bethel, « il fit 
une libation et y versa de l'huile. » Gen., xxxv, 14. Il est 
probable qu'il ne s'agit ici que d'une libation d'huile, 
d'une onction, comme dans une circonstance antérieure. 
Gen., xxviii, 18. Voir Bétyle, t. i, col. 1766; Onction. 




63. — Le village d'Arbeyh. (Mont Liban, au sud-est de Beyrouth.) 
D'après Van de Velde, Le pays d'Israël, pi. 2. 



les Métoualis et les Maronites. .— Le Liban a conservé peu 
de traces d'antiquités. Les roches calcaires sont percées 
de grottes nombreuses, dont quelques-unes se prolongent 
fort loin dans l'intérieur de la montagne, et où l'on 
trouve des restes d'animaux et d'habitations humaines. 
On voit encore, vis-à-vis de la source d'Afka, un peu au 
sud, les ruines du temple de Vénus Aphaca, dont les 
soubassements seuls sont restés à peu près intacts. Près 
de l'embouchure du Nahr el-Kelb, les rochers gardent, 
dans des inscriptions célèbres le souvenir des invasions 
étrangères en Syrie et en Phénicie. Les Égyptiens, les 
Assyriens, les Perses, les Grecs d'Alexandre, les légions 
romaines, les croisés, les Français de l'expédition de 
Syrie, ont franchi cet étroit défilé. 

IV. Bibliographie. — Col. Churchill, Mount Lebanon, 
3 in-8°, Londres, 1853; E. Robinson, Biblical Researches 
in Palestine, Londres, 1856, t. m, p. 421, 530, 546-548, 
624-625; Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, 
p. 411-414 f; W.M. Thomson, The Land and the Book, 
Londres, 1886, t. m, p. 1-316; R. P. Burton et C. F. Tyr- 



I. Libations liturgiques. — 1° Des libations devaient 
accompagner la plupart des sacrifices, chez les Hé- 
breux. Ces libations se taisaient habituellement avec 
du vin, « le sang du raisin, » Gen., xlix, 11; Deut., 
XXXII, 14, ce qui avait pour but de consacrer au Seigneur 
l'un des plus importants produits du pays de Chanaan. 
Pour justifier l'assimilation du vin avec le sang, on avait 
ordinairement soin qu'il lût rouge, et l'on écartait le 
vin vieux qui^avait perdu sa couleur. Cf. Menachoth, 
vin, 6; Sufyka, îv, 9; Bâhr, Symbolik des nwsaischen 
Cullus, Heidelberg, 1839, t. h, p. 303, 316. - 2» Les 
libations ne se faisaient jamais seules; elles accom- 
pagnaient les offrandes des holocaustes et des sacrifices 
pacifiques ou d'actions de grâces, mais elles étaient 
exclues des sacrifices pour le délit et pour le péché. 
Elles sont souvent mentionnées à ce titre. Lev., vi, 14; 
xxni, 18, 37; Num., vi, 17; xxvm, 31; I Par., xxix, 21; 
II Par., xxix, 35; I Esd., vu, 17; Ezech. , xlv, 17. Une 
libation suivait l'immolation de l'agneau du sacrifice 
quotidien, matin et soir, Num., xxvm, 7, 8, et pendant 



235 



LIBATION 



236 



cette libation, les trompettes sonnaient neuf fois. 
Cf. Suhka, v, 5. D'autres libations analogues se taisaient 
aux néoménies, Num., xxvm, 14, 15, au jour de 
l'offrande des prémices, Lev., xxm, 13, après le sacri- 
fice du nazir, Num., vi, 15, et en général après tous 
les sacrifices non expiatoires, sauf dans l'holocauste 
pour la purification du lépreux. Lev., xiv, 31. Il n'y 
avait pas non plus de libation après les sacrifices 
d'oiseaux, ni après ceux des premiers-nés, ou de 
l'agneau pascal. Cf. Menakhoth, ix, 6; Siphra, 109, 2. 

— 3» La quantité de vin à répandre dans les libations 
était ainsi réglée par la loi : un quart de hin de vin 
pour l'offrande des prémices, Lev., xxm, 13; la même 
quantité avec l'holocauste d'un agneau, un tiers de hin 
avec le sacrifice d'un bélier, ^t un demi-hin avec le 
sacrifice d'un bœuf. Num., XV, 5-10; Xxvifi, 7, 14. La 
quantité de vin nécessaire à la libation était donc de 
1 lit. 62, 2 lit. 16 ou 3 lit. 24, suivant la nature des 
victimes. Voir Hin, t. m, col. 714. Le lépreux ajoutait 
un quart de hin à chacune de ses offrandes de farine. 

— 4° Les libations se faisaient avec des vases d'or pur. 
Exod., xxv, 29; xxxvu, 16. D'après le Talmud, celui qui 
avait à offrir des libations en payait le prix à un préposé 
« au cachet » qui lui délivrait un jeton; celui-ci était 
remis à un préposé « aux libations » qui présentait le 
vin à l'autel. Cf. Schekalim, v, 3-5. Le prêtre le versai; 
à l'angle sud-ouest de l'autel, et de là le vin s'écoutait par 
un conduit intérieur et se perdait dans le sol. Cf. Eduyoth, 
VI, 1 ; Suhka, iv, 7. Il n'était pas nécessaire que la liba- 
tion suivit immédiatement le sacrifice; elle pouvait 
attendre jusqu'au dixième jour, pourvu que le vin ne 
passât pas la nuit dans les vases, ce qui l'eût rendu impur. 
Cf. Iken, Anliquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 209. Les 
libations ne pouvaient jamais se faire à l'autel des 
parfums, Exod., xxx, 9, mais seulement à celui des sacri- 
fices. — 5° Après avoir fait construire dans le Temple un 
autel conforme au modèle qu'il avait vu à Damas, le roi 
Achaz y monta lui-même et y offrit son holocauste, son 
offrande et ses libations; les libations continuèrent 
ensuite sur cet autel. II Reg., xvi, 13, 15. Osée, ix, 4, 
et Joël, i, 9, annoncent qu'Israël infidèle à Dieu ne 
pourra plus offrir ses libations. Après le retour de la 
captivité, le grand-prêtre Onias offrait lui-même la liba- 
tion, avec « lé sang du raisin », et cette libation parfu- 
mait le fondement de l'autel, c'est-à-dire descendait du 
coin, où "on la versait, jusqu'à la base de l'autel, où 
elle était absorbée. Eccli., h, 16, 17. — 6° Saint Paul 
fait allusion à la libation qui accompagnait le sacrifice, 
quand il dit de lui-même : <jravSou.ai lut t^ 6u<rîa, 
immolor supra sacrificium, ma vie est « une libation 
versée avec le sacrifice de votre foi ». Phil., n, 17. Sur 
le point de mourir, il dit encore : lyti yàp rfir^ cnrevSofj.ai, 
ego enim jam delibor, je suis moi-même comme une 
libation qui va être répandue. II Tim., iv, 6. — En 
plusieurs passages, Num., xxix, 11-29; Lev., vi, 14, etc., 
les versions mentionnent des libations là où le texte 
hébreu ne parle que d'offrandes. Les deux en effet 
allaient ordinairement ensemble. Le mot nesdkim dési- 
gnait même parfois les deux objets à la fois, et le pré- 
posé 'al han-nesdkîm délivrait les jetons pour les 
offrandes et les libations. Cf. Schekalim, v, 4. 

IL Libations d'eau. — 1" La libation d'eau est 
employée par Samuel à Masphath, comme symbole de 
pénitence; sur son ordre, les Israélites puisent l'eau, 
la répandent devant Jéhovah, jeûnent tout le jour et 
disent : « Nous avons péché contre Jéhovah. » I Reg., 
vil, 6. Samuel alors prie pour eux. — 2» Quand trois 
vaillants hommes rapportèrent à David l'eau qu'ils 
étaient allés chercher à la citerne de Belhléhem, à travers 
le camp de Philistins, le roi ne voulut pas la boire, 
mais il la répandit devant Jéhovah. II Reg., xxm, 16; 
1 Par., xi, 18. Il faisait ainsi hommage à Dieu d'une 
eau qui aurait pu coûter la vie à trois de ses guerriers. 



— 3° Il n'y avait pas de libations d'eau prescrites par la 
Loi pour le service liturgique du Temple. Néanmoins, 
Notre-Seigneur fait allusion à des libations de cette 
nature qui avaient lieu solennellement pendant l'octave 
de la fête des Tabernacles. Chaque jour un prêtre 
descendait à la fontaine de Siloé, y remplissait d'eau un 
vase d'or, de la contenance de trois logs, soit 1 litre 42, 
remontait au Temple, et pendant la libation qui accom- 
pagnait le sacrifice du matin, versait l'eau dans le 
conduit qui se trouvait le plus à l'ouest, à l'angle sud- 
ouest de l'autel. Cet angle en effet était muni de deux 
conduits d'argent pour recevoir l'un les libations de 
vin, l'autre les libations, d'eau. Les docteurs n'étaient 
pas d'accord sur l'origine de cette institution des liba- 
tions d'eau pour la fête des Tabernacles. Les uns 
croyaient que Moïse lui-même les avait prescrites, sans 
doute en souvenir de l'eau accordée au peuple dans le 
désert. Cf. Gem. Jer. Sukka, 54, 2. S'il en était ainsi, 
le Pentateuque en ferait mention. D'autres rattachent 
cette institution à David, II Reg., xxm, 16, cf. Midr. 
Ruth, 48, 3, ou aux prophètes, Is., xn, 3; Jo., m, 18; 
Zach., xm, 1; cf. Gem. Sukka, 50, 2; Midr. Ruth, 48, 




64. — Her-Hor, pharaon de la xxr> dynastie, offrant une libation. 
Thèbes. D'après Lepsius, Denkmaler, Abth. III, Bl. 245. 

2. Il est possible aussi que ce rite ait eu pour but de 
demander à Dieu les pluies qui allaient être nécessaires 
après les semailles prochaines. Toujours est-il que les 
sadducéens désapprouvaient ces libations. Un jour, un 
prêtre de cette secte ayant versé l'eau de la libation sur 
ses pieds, au lieu de la répandre dans le conduit de 
l'angle de l'autel, on lui fit un mauvais parti et la corne 
de l'autel fut brisée par les projectiles; on dut la 
remplacer par une corne de pierre. A partir de ce jour, 
le peuple criait au prêtre pendant la libation : « Lève la 
main, pour que nous voyions si tu verses l'eau dans le 
conduit. » Cf. Sukka, îv, 9; Gem., Yoma, 26, 2; Iken, 
Antiquitates hebraicse, p. 321; Reland, Antiquitates 
sacrée, Brème, 1741, p. 242,. 243. — 4° L'acte du prophète 
Élie faisant verser par trois fois quatre cruches d'eau 
sur son holocauste ne peut guère être considéra comme 
une libation : c'est plutôt une précaution que prend le 
prophète pour bien convaincre le peuple qu'il n'y a 
aucun feu naturel sur son autel, et que le feu du cieL 



237 



LIBATION — LIBYENS 



238 



seul consumera son sacrifice. III Reg., xvm, 34, 35, 38. 
III. Libations idolatriqces. — Les libations de 
vin ou d'eau, quelquefois avec mélange de sang, étaient 
fréquentes dans les religions païennes, en l'honneur des 
divers dieux. Cf. Odys., xn, 363; xvm, 151 ; Iliad., xi, 
775; Hésiode, Oper., 336; Sophocle, Elect., 270; 
Euripide, Elect., 512; Orest., 1322; Hérodote, î, 132; 
Salluste, Catil., 22; Silius Italicus, n, 360, etc. Chez les 
Assyriens, le roi, au retour de la chasse, ne manquait 
pas d'oftrir un sacrifice d'actions de grâces à Assur ou 
à Istar. Il prenait la coupe pleine de vin, l'effleurait de 
ses lèvres et en versait le contenu sur la tête des 
victimes immolées. Ct. Place, Ninive et l'Assyrie, t. m, 
pi. 57; Layard, The monuments of Nineveh, 1. 1, pi. 12. 
Voir t. i, col. 1160, fig. 321. Les monuments égyptiens 
représentent fréquemment des rois (lîg. 64) et des prêtres 
(voir Léopard, fig-. 50, col. 174) faisant des libations à 
leurs dieux. Les libations aux idoles sont prévues au 
Deutéronome, xxxn, 38, et reprochées aux Israélites par 
les prophètes. Isaïe, lvii, 6, parle de libations offertes 
aux pierres des torrents. Voir Bétyle, t. i, col. 1757. 
Jérémie, vu, 18; xix, 13, mentionne les libations faites 
par ses contemporains aux faux dieux. Il rapporte leurs 
propos au sujet de la volonté qu'ils ont d'oifrir des 
libations à la reine du ciel, à la lune, Jer., xliv, 17-19, 
25, et leur annonce que les Chaldéeus ruineront ces 
maisons sur le toit desquelles on faisait des libations 
aux dieux. .1er., xxxn, 29. Ezéchiel, xx, 28, parle aussi 
des libations idolàtriques. En quoi ces libations peuvent- 
elles servir aux idoles? Eccli., xxx, 19. En deux 
endroits, Ps. xvi (xv), 4; Zach., ix, 7, il est fait allusion 
aux libations que les idolâtres avaient coutume de faire 
avec le sang. — Sur l'emploi du sang dans le culte 
liturgique du Temple, voir Sang. H. Lesêtre. 

LIBER (grec : Aidvuaoç), nom k tin de Bacchus dans 
II Mach., vr, 7; xiv, 33. Voir Bacchus, t. r, col. 1374. 

LIBERTÉ. Ce mot a dans l'Écriture plusieurs sens 
distincts. — 1» Il désigne l'état d'une personne libre, par, 
opposition à servitude et à captivité. Cette liberté s'ap- 
pelle en hébreu hufsâk (Septante : éJ.sudepia; Vulgate : 
libertas), Lev., xix, 20; la mise en liberté se nomme 
derôr (Septante : açsoiç ; Vulgate : libertas, indulgentia), 
1er., xxxiv, 8 (hébreu), 15, 17; Is., lxi, 1; l'année jubi- 
laire, où l'on rendait la liberté aux esclaves, Sénat had- 
derôr, « l'année de la mise en liberté » (Septante : 
6T0J tt)ç àcpéuewç; Vulgate : annus remissionis). Ezech., 
xlvi, 17; cf. Lev., xxv, 10. L'homme libre, par opposi- 
tion à l'esclave ou au captif, est dit, en hébreu, hofU, 
Job, ni, 19; Deut., xv, 12, 13, etc.; en grec, èXeûCepoc; 
en latin, liber. Joa., vin, 33; I Cor., vu, 22, etc. Ct. Es- 
clavage, Esclave, t. n, col. 1918, 1921. — 2° Dans le 
Nouveau Testament les mots êXeutept'a, êXeûQepoç, ont 
pris un sens particulier; ils signifient dans plusieurs 
endroits la liberté de ne pas pratiquer la loi mosaïque, 
l'affranchissement du joug des pratiques rituelles des 
Juifs. Gai., il, 4; v, i, 13; iv, 26; I Pet., n, 16. Cf. I Cor., 
x, 29. Dans cette acception, la loi chrétienne est une 
loi de liberté vifto; i% iXsuSept'aç, Jac, I, 25; il, 12; et 
là où est l'esprit de Dieu, là est la liberté. II Cor., m, 
17; cf. Rom., vin, 21. Voir aussi Joa., vm, 36. — 3° La 
liberté morale, c'est-à-dire la faculté qu'a l'homme de 
choisir entre le bien et le mal, ce qu'on appelle aussi le 
libre arbitre, n'a pas de nom spécial dans le langage 
biblique. L'Écriture suppose partout son existence, 
puisqu'elle attribue toujours à l'homme la responsabi- 
lité de ses actes bons ou mauvais, Gen., IV, 7; Ps. xvii, 
21; l, 5-6, Ezech., xviii, 4-32; Joël, n, 12, etc., mais 
elle ne possède point de terme particulier pour l'ex- 
primer et" elle se sert de périphrases, d'ailleurs parfai- 
tement claires et précises. «; Vois, dit Moïse à son 
peuple, Deut., xxx, 15-20, je mets aujourd'hui devant 



toi la vie et la mort, le bien et le mal..., la bénédiction 
et la malédiction... Choisis la vie, afin que tu vives. » 
Cf. Lev., xvm, 5; Jos., xxtv, 15; Eccli., xv, 14-18; 
Matth., vu, 24, etc. — Voir J. C. Erler, Commentatio 
exegetica de libertatis christianse notione in Novi Te- 
stamenti libris obvia, in-4°, Sorau, 1830. 

LIBERTIN (SYNAGOGUE DES) à Jérusalem. 
Act., vi, 9. Voir Affranchis, t. i, col. 255. 

LIBONOTUS, nom latin du vent du sud-ouest. 
Quelques-uns l'ont confondu à tort avec le x&ç>oi corus, 
vent du nord-ouest, mentionné dans les Actes, xxvli, 
12. Voir Corus, t. n, col.J030. 

LIBRE ARBITRE. Voir Liberté, 3°. 

LIBYENS (Septante : At'êueç; Vulgate : Libyes). Sous 
ce nom les Septante et la Vulgate désignent deux 
peuples qui portent en hébreu deux noms différents 
Le premier s'appelle dans le texte original Lûbini (Le 




65. — Carte de la Libye et du Pût. 

bim, Dan., xi, 43), le second Phul ou Pût (fig. 65). La 
distinction entre les deux est clairement indiquée dans 
Nahum, m, 9, Ce prophète cite parmi les peuples au ser- 
vice de Thèbes, Pût et les Lùbim (Vulgate : Africa et 
Libyes). Les Septante ont mal lu le verset et ont rendu 
Pût par <piJYT)ç, qu'ils ont joint au membre de phrase pré- 
cédent : « Il n'y aura pas de terme à sa fuite (de l'Egypte). » 

1. LIBYENS (hébreu : Lûbini), peuple d'Afrique. Les 
Libyens sont nommés parmi les peuples qui composent 
l'armée de Sésac, roi d'Egypte, dans sa campagne contre 
Roboam, IL Par., xn, 3; ils figurent également dans 
l'armée égyptienne que vainquit Asa, roi de Juda. Voir 
Asa, t. i, col. 1051; Roboam, Sésac. La Libye était pour 
les Égyptiens le désert qui s'étendait à l'ouest de leur 
pays, depuis la Méditerranée au nord, jusqu'à l'Ethiopie 
au sud et dont les limites étaient mal définies à l'ouest. 
Les habitants de cette région sont représentés sur les 
monuments égyptiens comme des hommes grands, bien 
bâtis, plus blancs que les Syriens et les Européens, avec 
des yeux bleus, une chevelure et une barbe blonde. 
C'est tout à fait le type des Kabyles actuels qu'on a 
souvent regardés comme des descendants des Germains. 



239 



LIBYENS 



240 



Les peintures égyptiennes tendraient à faire croire 
qu'ils sont au contraire les fils des Libyens. Leur cheve- 
lure est ornée de plumes d'autruche; elle est liée des 
deux côtés en une queue, pendant par-dessus l'oreille, 
et, au contraire, coupée à moitié de la longueur derrière 
la tête; la barbe est pointue Jig. 66). Des tatouages bleus, 
variant selon les tribus, sont marqués sur leur corps. 
Leur vêtement consiste en un pagne et un long manteau 
de laine ou de toile teinte et rayée. C'est un peuple de 
guerriers (flg 67) et surtout de pasteurs, errant à travers 




- Libyen. 
D'après RoseUini, Monumenti, pi. cltx, 4. 

]e désert avec ses tentes de peaux et ses troupeaux. Fr. 
Lenormant, Histoire ancienne de l'Orienl, 9° édit.,t. H, 
p. 282; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient, t. il, 1897, p. 430-431. Cf. Champollion, Monu- 
ments de l'Egypte et de la Nubie, in-f", Paris, 1833-1845, 
pi. ccl, 1-2; CCLXXIH, 1; RoseUini, Monumenti deW 
EgittoedellaNubia, Monumenti s(o»ict,in-f°, Florence, 
1833-1838, pi. clvi, clviii, clix, clx, 4; clxi, 5 ; Lepsius, 
Denkmâler aus Aegypten, in-f°, Berlin, 1850-1858, 
t. m, p, 126, 204. Les tribus libyennes porlaient des 
noms différents, ta principale était celle des Labu, Lebu, 
ou Lubu qui figurent sur les textes de Ramsès II. Pa- 
pyrus Anaslasi II, pi. m, 1. 2. Cf. Chabas, Études sur 
l'antiquité historique d'après les sources égyptiennes 
et les monuments réputés préhistoriques, in-8°, Chalon- 
sur-Saône, 1872, p. 184; Brugscli, Geographische ln- 
schriften altâgyptischer Denkmâler, in-8°, Berlin, t. n, 
p. 79-80. Ces peuples avaient facilement repoussé la 
race de Phût ou Pût qui était établie dans le pays ou 
s'était incorporé la partie de ce peuple qui n'avait pas 
émigré. Fr. Lenormant, loc. cit. ; G. Maspero, Hist. anc, 
p. 431. Séti I er avait fait des invasions heureuses dans 
le désert libyque et à Karnak, il est représenté en 
vainqueur des Libyens en même temps que des Asia- 
tiques. Fr. Lenormant, Hist. anc.,ï. n, p. 238; G. Maspero. 
Hist. anc, t. il, p. 373. Les Libyens envahirent à leur 
tour l'Egypte sous Menephtah; Inscription triomphale 
de Menephtah, lig. 4, 13, 37; Champollion, Monuments 
de l'Egypte, t. n, p. 1A3; Lepsius, Denkmâler, t. m, 



p. 199 a; Brugsch, Geographische lnschriften, t, n, 
pi. xxxv; E v de Rougé, Inscriptions hiéroglyphiques 
copiées en Egypte, in-f», 1877-1879, pi. clxxxix-CXCViti. 
Ils furent vaincus près de Piriou; leur défaite fut un 
véritable massacre que chantèrent les poètes égyptiens 
et qui assura la tranquillité des Pharaons pour un temps 
assez long. Stèle de l'Amenophium de Thèbes, Flinders 
Pétrie, dans la Contemporary Review, 1896, n. 365, 
p. 362. Cf. Fr. Lenormant, Hist. anc, t. H, p. 285-290; 
G. Maspero, Hist. anc., t. n, p. 431-437. Les prisonniers 
libyens étaient employés comme matelots sur les 
vaisseaux égyptiens. Dès le temps de la reine Hates- 
pou et surtout à partir de Ramses III, les Pharaons 
les enrôlèrent dans leurs armées. G. Maspero, Hist. anc., 
t. n, p. 214, n. 4, p. 458. Les Libyens attaquèrent de 
nouveau l'Egypte la cinquième année du règne de ce 
prince. Celui-ci les battit, mais leur empire resta comme 
un péril redoutable pour l'Egypte. Fr. Lenormant, Hist. 
anc, t. h, p. 301-304; G. Maspero, Hist. anc. t. n, 
p. 459-461. L'invasion recommença quelques années 
plus tard et de nouveau les Libyens furent exterminés. 
Les tribus confédérées cessèrent d'être unies; elles 
furent refoulées au delà de la chaîne des monts Libyques, 
des forteresses leur barrèrent la route et leur pays ne 
fut plus qu'une réserve où les Pharaons levèrent chaque 
année des soldats. Fr. Lenormant, Hist. anc, t. h, 
p. 316-318; G. Maspero, Hist. anc, t. n, p. 470-474. La 
décadence de l'esprit mililaire chez les Égyptiens donna 
une importance de plus en plus grande aux Libyens. 
3ientôt ils furent les maîtres du pays. Ils avaient conservé 
leur armement et leur coiffure spéciale. Leurs chefs 
avaient une influence prépondérante à la cour, certains 
d'entre eux en profitèrent pour monter sur le trône, 
d'autres faisaient ou défaisaient les rois à leur gré. La 
dynastie Tanitequi avait cru se consolider ens'appuyant 
sur eux se trouva bientôt entièrement à leur merci. Les 
chefs libyens de Bubaste s'emparèrent du trône et fon- 
dèrent la vingt-deuxième dynastie. Sésac ou Scheschonq 
appartenait à cette famille libyenne. Fr. Lenormant, 
Hist. anc, t. n, p. 356; G. Maspero, Hist. anc, t. n, 
p. 765-769 j'Stern, Die xxil Manethonische Kôni-gs- 



l4 „;> 




67. — Guerrier libyen. 
D'après les Monuments Piot; t. IX, fasc. 2. 

dynastie, dans la Zeitschrift fur âgyptische Sprache, 
1883, p. 15-26. Le chef de la vingt-quatrième dynastie saïte, 
Tafnakti, était probablement de sang libyen. Fr. Lenor- 
mant, Hist. anc, t. n, p. 340. C'est donc à celte race qu'ap- 



241 



LIBYENS 



242 



partenaient les Pharaons de la période des prophètes. 
Sous l'influence des Grecs établis à Cyrène, des 
Carthaginois et plus encore des Romains, les Libyens se 
civilisèrent au moins superficiellement dans les cités, 
mais la partie de ce peuple qui continua à habiter le 
désert garda ses habitudes pastorales et nomades, se 
livrant à l'élève des troupeaux et à la chasse (fig, 68). Ils 
avaient adopté depuis longtemps le culte égyptien 
d'Ammon dont le principal temple était dans l'oasis de 
ce nom, au nord-est de la Libye. Daniel, xi, 43, annonce 
que le roi du Septentrion, c'est-à-dire de la Syrie, 
s'emparera de l'Egypte et que la Libye et l'Ethiopie lui 
seront soumises. C'est la prophétie des victoires des 
rois de Syrie contre les Ptolémées, dans le royaume 
desquels la Libye était comprise. J. G. Droysen, Histoire 
de l'Hellénisme, trad. franc., in-8°, Paris, 1883-1885, t. m, 
p. 310, 315, 337. — Parmi les Juifs de la dispersion 
qui entendirent le discours de saint Pierre, le jour 
de la Pentecôte, les Actes, il, 10, nomment les habitants 
de la Libye voisine de Cyrène. Les Romains désignaient 



Il cite un fleuve de ce nom en Mauritanie. Ce fleuve est 
également cité par Ptolémée, IV, i, 3, qui l'appelle 
Phthuth, et par Pline, H. N., V, I, mais les Égyptiens 
ne connaissaient pas la Mauritanie, il ne peut donc y 
avoir de rapport entre le fleuve et le peuple. C'est sans 
doute à cause de la tradition juive rapportée par Josèphe, 
que dans les prophètes les Septante traduisent Pût par 
Aïêveç et la Vulgate par Libyes. Jérémie, xlvi, 9 
(Septante, xxvi, 9), les nomme parmi les auxiliaires de 
l'Egypte armés du bouclier. Nahum, ni, 9, les distingue 
des Lûdim et la Vulgate traduit dans ce passage le mot 
Pût par Africa. Ézéchiel, xxvn, 10, les cite parmi les 
mercenaires au service de Tyr. Cela semble étonnant 
au premier abord, car il est difficile de comprendre que 
les Tyriens aient été si loin chercher des soldats, mais 
cela n'est pas plus invraisemblable que la présence des 
Perses nommés dans le même verset; un peuple 
commerçant devait recruter des soldats partout. Les 
Tyriens étaient en relations permanentes avec les Égyp- 
tiens et pouvaient avoir trouvé chez eux des esclaves ou 







8. — Chasseurs libyens. D'après l'original. Musée du Louvre. 



sous le nom de Libye la partie du désert libyque située 
sur les côtes, entre l'Egypte et la grande Syrte. Cyrène 
et les pays qui l'environnaient formaient la Libye grecque. 
Voir Ctoène, t. ii, col. 1177. Elle faisait partie de la 
province de Crète et Cyrénaïque. Le reste de la Libye 
était réparti entre la province d'Egypte et celle d'Aïuque. 
Les tribus y avaient conservé leur nom, leur culte et en 
partie leur autonomie. Henzen, dans les Annali dell' 
Inslituto archeologico di Roma, 1860, p. 54 ; 80-82. 

Bibliographie. — P. délia Cella, Viaggio da Tripoli 
di Barber, aile frontière occidentali dell' Egitto, in-8°, 
Gênes, 1819; J. R. Pacho, Voyage dans la Marmariqite 
et la Cyrénaïque, in-8°, Paris, 1827; Vivien de Saint- 
Martin, Le nord de l'Afrique dans l'antiquité grecque 
et romaine, in-8°, Paris, 1863; H. Kiepert, Manuel de 
géographie ancienne, trad. franc., in-8", Paris, 1887, 
p. 126-127. E. Beurlier. 

2. LIBYENS, nom, dans la Vulgate, Jer., xlvi, 9; 
Ezech., xxvn, 10; xxxvm, 5, des descendants de Phuth. 
Elle appelle aussi Libye le pays de Phuth dans Ézéchiel, 
xxx, 8. Elle n'a conservé le nom de Phuth que dans 
Gen., x, 6; I Par., i, 8. Dans tous ces passages, l'hébreu 
porte Pût. — Pût ou Phuth, comme transcrit la Vulgate, 
est le nom du troisième fils de Cham. Gen., x, 6; 
I Par., i, 8. Il est placé entre Mesraïm et Chanaan. 
Tandis que les descendances de Mesraïm et de Chanaan 
sont indiquées, celles de Phuth ne le sont pas. D'après 
Josèphe, Antiq. jud., I, vi, 2, Phoutès peupla la Libye. 



des matelots du pays de Pût. Enfin après le percement 
du canal de Néchao qui reliait le Nil à la mer Rouge, leurs 
vaisseaux avaient pu étendre leur commerce jusqu'au 
pays des aromates et de l'encens, c'est-à-dire jusqu'au 
Pût. Néchao lui-même avait lancé les capitaines phéni- 
ciens de sa flotte dans cette direction. C'est alors qu'ils 
firent le tour de l'Afrique de la mer Rouge à la Médi- 
terranée en passant par le sud. Hérodote, iv, 42. Cf. 
G. Maspero, Hist. anc., t. m, p. 532-533. Ézéchiel, xxxvm, 
5, place Pût dans les peuples qui formèrent l'armée de 
Gog. Cela parait plus surprenant encore, puisqu'il s'agit 
de l'armée d'un roi scythe, mais il est aussi question dans 
ce passage des Éthiopiens, autre peuple d'Afrique. Cela 
s'explique par la campagne que les Scythes firent en 
Egypte. Psammétique les arrêta par des présents. C'est 
là qu'ils durent recruter des soldats africains. Hérodote, 
i, 105; Justin, il, 3. Cf. G. Maspero, Hist. anc., t. m, 
p. 479. Dans la Version grecque de Judith, n, 23, $oyS 
est nommé près de Aoû8 parmi les peuples que battit 
Holoferne, c'est peut-être une interpolation due à 
l'habitude qu'avaient les copistes d'associer ces deux 
mots. La campagne d'Holoferne se passe en Asie et il 
ne peut s'agir d'un peuple africain. On peut aussi suppo- 
ser, sans que rien du reste prouve la vérité de cette 
hypothèse, qu'il y avait en Asie un peuple dont le nom 
se rapprochait de celui de $ov8. Isaïe, lxvi, 19, annonce 
que le Messie sera prêché à Pûl, il faut probablement 
lire Pût, c'est ainsi qu'ont lu les Septante qui traduisent 
par <I>oOS et la Vulgate qui traduit par Africa. 



243 



LIBYENS — LICORNE 



244 



Les textes de la Bible ne donnent aucune indication 
de quelque précision sur la situation géographique du 
pays de Pût, sinon qu'il est africain et dépend de 
l'Egypte. Fr. Lenormant, Hist. anc, t. il, p. 382 suppose 
que la nation de ce nom habitait originairement la 
Libye, d'où elle fut chassée par les Lûbim ; si cette hypo- 
thèse est vraie, la race de Phuth se serait retirée dans 
le pays que les inscriptions égyptiennes appellent Punt, 
Puent ou Pouanit. D'après la plupart des égyptologues 
c'est le pays des Somalis. Krall, Bas Land Punt, dans 
les Sitzungsberichte der Akademie der Wissenschaften 
zu Wien, t. xxxi, 1898 p. 1-81 ; G. Maspero, Hist. anc, 
t. H, p. 247; Naville, The Temple of Deir el Bahari, 
in-8°, Londres, 1894, p. 21-22. Cf. Egypl Exploration 
Fund, Archxological Report, 1894-1895, p. 34. Les pre- 
mières expéditions égyptiennes dans ce pays au temps 
de la douzième dynastie n'avaient pas dépassé Souakîn 
et Massouah. G. Maspero, Hist. anc, t. i, p. 495- 
496; Id., De quelques navigations des Égyptiens sur 
les côtes de la mer Erythrée, dans la Revue historique, 
t. ix, 1879. Le Pount proprement dit commençait au 
delà. Au temps de la reine Hatespou, la flotte égyptienne 
y aborda. Le principal fleuve du pays s'appelait la 
rivière de l'Éléphant. Les vaisseaux égyptiens le remon- 
tèrent et se trouvèrent dans un village dont les cabanes 
éparses au milieu des sycomores et des palmiers, étaient 
construites en tissus d'osier et posées sur des pilotis. Les 
indigènes étaient de couleur brune, leur barbe se ter- 
minait en pointe et leur chevelure était soit coupée 
court, soit étagée en petites mèches ou en nattes minces 
(fig. 69). Les hommes étaient vêtus d'un pagne, les 



CD. — Indigène du pays de Put. 
D'après Prisse d'Avesnes, Histoire de l'art égyptien, pi. 50. 

femmes d'une robe jaune sans manches, serrée à la 
taille et tombant jusqu'à mi-jambes. Voir t. i, fig. 145, 
col. 571, la reine de Pount et sa suite. Les Égyptiens 
échangèrent les produits de leur pays surtout contre de 
l'ivoire, de l'or, de l'ébène, de la myrrhe, des singes 
verts, et des arbres à encens. Les arbres turent plantés 
à Deir el-Bahari. G. Maspero, Hist. anc, t. Il, p. 247- 
253. Les prophètes ne distinguent pas entre les diverses 
tribus du pays de Pût, comme le font les Égyptiens, 
ils englobent probablement sous ce nom toute la cote 
est de l'Afrique située au sud de l'Egypte et de l'Ethiopie. 




La grande inscription perse de Nakhsch-î-Roustem dans 
la liste des vingt-huit pays tributaires de Darius le 
Mède, nomme Kutiya, Putiya et Masiya, en babylonien 
Pûta, KûSu et Massù. Cf. F. H. Weissbach-Beng, Die 
Altpersischen Keilinschriften, in-4°, Leipzig, 1893, 
lig. 22-30, p. 36-37. Ce texte confirme l'identification de 
Pût avec le Pount des Égyptiens. Ceux-ci prononçaient 
le t après \'n par un son que les Grecs rendraient par 
5 et les Sémites par t. Punt fait donc régulièrement 
Pût. Cf. G. Kbers, Aegypten und die Bûcher Mose's, 
in-8», Leipzig, 1868, t. i, p. 64. — Les Coptes appellent 
<J>xixt, Faiat, la Libye, spécialement la partie ouest 
du Delta; on ne connaît pas l'hiéroglyphe correspondant 
à ce mot, mais il parait probable que les Septante ont 
été influencés par le terme copte lorsqu'ils ont traduit 
Pût par At'êueç. E. Beuruer. 

LICORNE (Septante : u.ovo"xEptoç; Vulgate : unicor- 
nis), animal fabuleux, qui n'aurait eu qu'une corne au 
milieu du front. 11 est question de la licorne dans les 
auteurs profanes, Aristote, Générât, animal., m, 2; 
Hist. anim., h, 1, 32; Plutarque, Pericl., 6; Élien, 




70. — La licorne (Antilope). 
D'après Coste et Flandin, Perse ancienne, pi. cx.xx.vj. 

Nat. animal., xvi, 20; Pline, //. N., VIII, xxi, 30; Xt, 
xlvi, 106. Les Septante emploient le mot (iovinspwç 
dans huit passages, Num., xxiii, 22; xxrv, 8; Deut., 
xxxiii, 17; Job, xxxix, 9; Ps. xxi, 22; xxviii, 6; lxxvii, 
69; xci, 11, et la Vulgatè le mot unicornis dans les 
quatre passages des Psaumes et dans Isaïe, xxxiv, 7 (c/»i- 
noceros, dans les autres endroits). Dans deux passages, 
Deut., xxxiii, 17; Ps. xxi, 22, ces versions parlent au 
pluriel des cornes de la licorne. Dans tons ces textes, 
excepté Ps. lxxvii, 69, les versions traduisent ainsi 
l'hébreu re'êm, qui est le nom de l'aurochs. Voir Au- 



215 



LICORNE 



LIEN 



246 



iîochs, t. j, col. 1260. Le licorne n'est donc ni l'antilope 
oryx, voir Oryx, ni un animal à part, caractérisé par 
une seule corne. Les anciens auteurs qui mentionnent 
la licorne ne font que rapporter ce qu'ils ont entendu 
dire et, en réalité, personne n'a jamais vu ni licorne, ni 
antilope à une corne. Cf. Frz. Delitzsch, Die Psalinen, 
Leipzig, 1873, t. i, p. 259. Ce qui parait beaucoup plus 
probable, c'est que les traducteurs grecs de la Bible ne 
connaissaient le re'êm que par les représentations qui 
existaient dans les monuments de Persépolis et de Ba- 
bylone. Or, dans tous les monuments assyriens et chal- 
déens, le procédé de perspective adopté par les artistes 
fait que, quand deux objets symétriques sont placés l'un 
derrière l'autre, celui qui est au second plan disparaît, 
complètement caché par celui qui est au premier plan. 
Si un animal est représenté de profil, on ne lui voit 
qu'une corne, quelquefois une seule oreille, etc. Cf. 
t. i, fig. 235, col. 908; flg. 320, col. 1160; fig. 367, 368, 
col. 1264; flg. 563, 564, col. 1837; t. u, fig. 213, col. 602. 
Le même procédé était familier aux Perses (flg. 70). 
Cf. Flandin et Coste, Voyage en Perse, Atlas, 1843- 
1854, pi. cxxxvi; Dieulafoy, L'art antique de la 
Perse, Paris, 1884-1889, t. m, pi. xvm ; Perrot et Chi- 
piez, Histoire de l'art dans l'antiquité, t. v, 1890, 
p. 835, 841, 842, etc. On le retrouve quelquefois dans les 
représentations égyptiennes. Cf. t. n, fig. 148, col. 446, 
Il y a donc tout lieu de croire que les anciens traduc- 
teurs de la Bible n'ont pas connu d'autres animaux à 
une corne que ceux qui étaient ainsi figurés sur les 
monuments. — Voir Quatremère, dans le Journal des 
Savants, mai 1845, p. 273-280; W. Haughton, On the 
Unicom of the Ancients, dans Annals and Magazine 
of natural Ilislory, t. x, 1862,.p. 363-370, 416-417 (avec 
une bibliographie, p. 363-364); Schrader, Silzungsber. 
der kônigl. Preuss. Akadem. der Whsenschaft, 1892, 
p. 573. H. Lesêtre. 

LICTEUR (grec: p«66o\i-/oç ; Vulgate -.lictor). — 
1° Dans l'Ancien Testament. 
— La Vulgate emploie une 
fois le mot lictor pour tra- 
duire le mot hébreu malé'âk 
que les Septante traduisent 
par aiftloi. I Reg. (Sam.), 
xix, 20. Il s'agit des satellites 
ou envoyés du roi. Ailleurs 
elle traduit le même mot par 
nuntius, I Reg. (Sam.), xvi, 
19 ; satelles, xix, 11 ; appari- 
tor, xix, 14. 

2° Dans le Nouveau Testa- 
ment. — Le mot lictor, paë- 
8oû)( î> est employé dans son 
sens technique, c'est-à-dire 
pour désigner les appariteurs 
des magistrats romains. Les 
préteurs ou duumvirs de la 
colonie romaine de Philippes 
en Macédoine envoient leurs 
licteurs pour dire au geôlier 
de faire sortir de prison Paul 
et Silas. Saint Paul répondit 
aux licteurs que cela ne suffi- 
sait pas, qu'ils avaient affaire 
à des citoyens romains et que 
les magistrats devaient venir 
eux-mêmes pour les mettre 
en liberté. Act., xvi, 35-38. 
Nous savons en effet que les 
magistrats des colonies ro- 
maines avaient à leur service des licteurs, comme ceux 
de la capitale. Lex eoloniss Juliw Genetivai, c. lxii. Cor- 
pus inscriptionum latinarum, t. n, suppl., n. 5439; 




71. — Licteur romain. 

D'après ViscoDtï, Musée 

Pio-Clêmentino, t. v, pi. 32. 



t. xii, n. 4428. C'étaient par eux que ces magistrats fai- 
saient exécuter leurs ordres. Ils marchaient devant eux 
un à un dans les cérémonies publiques. Leur présence 
était le symbole du droit de commandement et de justice. 
Les licteurs étaient revêtus de la toge et portaient, comme 
emblèmes de leurs fonctions, des faisceaux. Les faisceaux 
des licteurs accompagnant les magistrats romains à l'ar- 
mée se composaient d'une hache mise à l'extérieur et 
de plusieurs verges ou bâtons réunis par une courroie 
rouge. Les verges étaient de bouleau ou d'orme. Le lic- 
teur portait le faisceau de la main gauche sur l'épaule 
gauche par le manche (fig. 71). Dans les funérailles ils 
portaient le faisceau renversé. Les licteurs des magis- 
trats municipaux étaient au nombre de deux et ne por- 
taient pas de hache, pour marquer que les magistrats 
n'avaient pas le pouvoir de vie et de mort sur les citoyens. 
Il en était du reste de même pour les, licteurs des ma- 
gistrats romains à Rome. E. Beurlier. 

LIE (hébreu : sémér; Septante : M;, rpuyiaç, « vin 
ayant un dépôt de lie ; » Vulgate : fœar), dépôt qui se forme 
dans le vin reposé et qui se compose de particules so- 
lides renfermant des ferments de vin, des débris de 
raisin, des sels, de la crème de tartre, etc. Ces diffé- 
rentes substances tombent d'elles-mêmes, après la fer- 
mentation, au fond du récipient qui contient le vin. Les 
anciens laissaient volontiers le vin reposer sur sa lie, 
afin de lui conserver son goût et sa force. Jérémie, xlviii, 
11, mentionne cet usage quand il dit de Moab : « Il re- 
posait sur sa lie, sans avoir été transvasé d'un récipient 
dans un autre, sans être allé en captivité. Ainsi son goût 
fui est resté et son bouquet ne s'est pas modifié. » Moab ' 
s'était maintenu fort et tranquille en restant toujours 
sur son même territoire. Sophonie, l, 12, parle des 
hommes de Juda « qui reposent sur leurs lies », c'est-à- 
dire qui vivent dans l'insouciance et ne s'inquiètent 
nullement de l'intervention de la Providence. Pour les 
châtier, Dieu va fouiller Jérusalem avec des lampes, 
comme quand on veut examiner un cellier pour voir en 
quel état se trouve le vin. Pour obtenir du vin clarifié, 
Is., xxv, 6, et complètement débarrassé de sa lie, on le 
transvasait, comme le suppose Jérémie, xlviii, 11, de 
manière que la lie restât au fond du premier récipient, 
ou bien on le filtrait au moyen d'un sac de linge à tissu 
serré que la Mischna appelle meSammëréf. Cf. Schàb- 
bath, xx, 1 ; Pirke Aboth, 5. La lie qui reste au fond du 
récipient ou qui se dépose au fond de la coupe, quand 
le vin est trouble, a un goût amer et désagréable. Il est 
dit des méchants qu'ils boiront jusqu'à la lie la coupe 
de la colère de Dieu, Ps. lxxv (lxxiv), 9, c'est-à-dire 
qu'ils subiront les effets de cette colère dans leur plé- 
nitude et leur amertume. Jérusalem boira aussi jusqu'à 
la lie la coupe de l'étourdissement, Is., u, 17, elle la 
sucera, de manière à n'en rien perdre; coupable envers 
le Seigneur, elle sera l'objet de sa colère, et cette colère 
produira en elle un étourdissement pareil à celui 
de l'ivresse et qui l'empêchera de marcher. — Au 
Psaume xxxix, 3, la Vulgate parle de « lie » quand il 
est questioi de « boue s dans le texte hébreu. Dans 
Isaïe, xlix, 6, elle appelle « lies d'Israël », ce qui reste 
du peuple d'Israël, ceux que l'hébreu nomme tiesûrê 
Ièrd'êl, « les préservés d'Israël, » ceux qui ont été délivrés 
de l'exil. Enfin, là où Ézéchiel, xxm, 34, parlant de la 
coupe de désolation qu'a vidée Samarie, dit à Jérusalem : 
« Tu la boiras, tu la suceras, » la Vulgate rend ce second 
verbe par : « Tu la boiras jusqu'aux lies. » Voir Vin. 

H. Lesêtre. 

LIEN, corde, courroie ou autre objet souple et solide 
dont on se sert pour attacher. En hébreu, le lien a dif- 
férents noms : — 1° 'âgudddh, qui désigne les liens du 
joug, oipa-ff»'-'», fasciculus, Is., lviii, 6, etunlien, c'est- 
à-dire un bouquet d'hysope, Exod., xn, 22; — 2» 'êsùr, 
xaXwSiov, vinculum, les cordes qui lient Samson, 



247 



LIEN 



248 



Jud.,xv, 14, et, au figuré, les liens de la passion, Eccte., 
vil, 27, en chaldéen, 'ësûr, Dan., iv, 12, 20; I Esd., vu, 
26; — 3f> môaêr, 8eir(iôç, vinculum, le lien avec lequel on 
attache les esclaves et les prisonniers, Job, xxxm, 16; 
xxxix, 5; Ps. il, 3; cvn (cvi), 14; cxvi.(cxv), 16; Is., xxviii, 
22; m, 2; Jer., h, 20; v, 5; xxvii, 2; xxx, 8; Nah., i, 13; 

— 4° ma'âdannôt, 8î<t|ju5;, conjungere, les liens qui 
unissent les étoiles de la constellation des Pléiades. Job, 
xxxvm, 31. Le plus souvent, l'idée de « lien » est expri- 
mée par les verbes qui signifient « lier » : 'âsar, lyâbas, 
qâSad, 'âsam, 'âqad, §âmad, l}âzaq, dont les quatre 
derniers ne sont employés qu'une seule fois ; chaldéen, 
kefat; Septante : êsirfieijeiv, 8etv, Sr)<rai, êraSeïv, xaTaSeïv, 
àipanTEÏv; Vulgate : Ugare, alligare, vincire. 

I. Au sens propre. — 1° Il y a des liens qui servent 
à attacher les animaux. Gen., xlix, 11 ; IV Reg., vu, 10; 
Matth., xxi, 22; Marc, xi, 2, 4; Luc, xix, 30. Mais cer- 
tains animaux, comme le buffle et le crocodile, ne peu- 
vent être attachés. Job, xxxix, 10; XL, 24. Au bœuf qui 
foule le grain, on ne doit pas lier la bouche. Deut., xxv, 
4; I Cor., ix, 9; I Tim., v, 18. Voir Bœuf, t. i, col 1830. 

— 2° Quelquefois on liait les victimes avant de les im- 
moler. Ps. cxvm (cxvii), 27 (hébreu). C'est ainsi 
qu'Abraham procéda à l'égard d'Isaac Gen., xxn, 9. — 
3° Il est question de liens pour faire des gerbes, Gen., 
xxxvn, 7; Judith, vin, 3; des bouquets d'hysope, Exod., 
XII, 22; des bottes de mauvaises herbes, Matth., xm, 
30; pour attacher différents objets, des coffres et des 
ballots de marchandises, Ezech., xxvii, 24; le rational, 
Exod., xxxix, 19; Lev., vm, 13; Ezech., xxiv, 17; un or- 
nement à la coiffure, Exod., xxvm, 37 ; une épée au côlé, 
II Reg., xx, 8; un objet à un autre, Judith, xm, 8; 
Is., lviii, 6; Jér., li, 63; ou enfin pour servir de signe 
Gen., xxxviii, 27; Jos., n, 18. Voir Ceinture, t. n, col. 389 ; 
Corde, t. n, col. 964. — 4» On liait de cordes ou de chaînes 
ceux dont on voulait s'emparer ou que l'on gardait pri- 
sonniers. La Sainte Écriture mentionne ainsi les liens 
de Joseph, Sap., x, 14; de Siméon, Gen., xlii, 16, 34, 
36; de Samson, Jud., xvi, 5, 6, 12, 13; de saint Jean- 
Baptiste, Matth., xi, 2 ; xiv, 3 ; de Notre-Seigneur pendant 
sa passion, Joa., xvm, 12, 24; de saint Paul, Act., xx, 
23; xxiii, 29 ; xxvi, 29, 31 ; Phil., i, 7, 13, 14, 17; Col., iv, 
18; II Tim., n, 9; Philem., 10, 13; des serviteurs de 
Dieu, Heb., xi, 36; des premiers disciples du Sauveur, 
Act., IX, 14; de prisonniers, Ezech., m, 25; iv, 8; de fous 
à châtier, Prov., vu, 22; de possédés furieux. Luc, vm, 
29, etc. Parfois on liait les mains et les pieds de ceux 
qu'on voulait maltraiter. Judith, VI, 9; Dan., m, 21 ; 
Matth., xxn, 13; Act., xxi,ll,13, 33; xxn, 29. Voir Chaîne, 
t. n, col. 481. — 5° Les liens devenaient encore des ban- 
deaux pour couvrir les yeux, Is., xxxm, 15 (hébreu) ; 
des bandages pour panser les blessures, Job, v, 18 
(hébreu); Is., xxx, 26; Jer., xxx, 13; Ezech., xxx, 21; 
xxxiv, 4, 16; Ose., vi, 1 (hébreu); Luc, x, 3't, et des 
bandelettes pour ensevelir les morts. Joa., xi, 44; xix, 
40. Voir Bandelettes, t. i, col. 1427. — 6° On lit dans 
l'Épitre de Jérémie, Baruch, vi, 42-43, que les femmes 
babyloniennes se tiennent assises sur les chemins 
« ceintes de liens », nepi6é".Evai u^oivs'a, circumdatx 
funibus, en signe de consécration au culte d'Istar. Voir 
Hérodote, i, 199; Strabon, xvi, 1. Un bas-relief trouvé à 
Charcamis (fig. 72) représente peut-être une de ces 
femmes. 

II. An sens figuré — 1» Les liens désignent d'abord 
toute contrainte physique, celle de la servitude, ls.,xxvm, 
22; lu, 2; Jer., n, 20; v, 5; xxvii, 2; xxx, 8; Nah., i, 
13; du châtiment, Ps. cxlix, 8; Is., xxvm, 22; de l'in- 
firmité qui empêche de parler, Marc, vii, 35, ou de se 
mouvoir. Luc, xm, 16.. II est dit qu'Abner n'avait pas 
les mains liées, pour signifier qu'il aurait pu se défendre. 
II Reg,, ni, 34. Les pires liens sont ceux des démons 
dans leur enfer. Judae, 6. — 2° Ils désignent ensuite la 
contrainte morale, de caractère odieux, celle qu'il faut 



imposer aux puissances spirituelles adverses, Matih., xn, 
29; Marc, m, 27; celle qu'une langue perverse exerce 
sur ses victimes, Eccli., xxvm, 23; celle qui résultait des 
minutieuses prescriptions des pharisiens, Matth., xxm, 
4; celle enfin à laquelle la sagesse soumet un sot. Ec- 
cli., xxi, 22. — 3° Les liens marquent encore les obligaf- 
tions morales imposées ou proposées à la volonté de 
l'homme. Ainsi sont mentionnés le lien du mariage, 
Rom., vu, 2; I Cor., vu, 27, 39; le lien de l'alliance, 
Ezech., xx, 37; le lien de la sagesse, Eccli., vi, 26; le 
lien de la paix, Eph., iv, 3; le lien de la perfection, qui 
est la charité, Col., m, 14; les liens d'amour qui attirent 
la créature au Créateur. Ose., xi, 4.-4° Enfin la Sainte 
Écriture marque sous cette forme l'attachement qu'il 
faut avoir pour la Loi. L'Israélite doit lier les comman- 
dements à ses mains et à son cou, Deut., vi, 8; xi, 18; 













^m 



■&&- 




72. — Femme . ■•' . !■_■? liens autour de la ceinture. 
D'après le Graphie, 11 décembre 1880, p. 608. 

Prov., ni, 3; vi, 21 ; vu, 3, c'est-à-dire qu'il doit les avoir 
sans cesse présents à la pensée afin de les pratiquer 
dans sa conduite. Les pharisiens prirent à la lettre cette 
prescription, et se crurent fidèles à la loi en portant sur 
eux des bandes d'étoffe ou de parchemin sur lesquelles 
étaient écrits des versets de la Loi. Voir Phylactères. 
III. Le pouvoir de « lier » et de « délier ». — Notre- 
Seigneur donne à Pierre les clefs du royaume des cieux, 
et ajoute : « Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans 
les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié 
dans les cieux. » Matth., xvi, 19. Il dit ensuite à tous les 
Apôtres : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié 
dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre 
sera délié dans le ciel. » Matth., xvm, 18. Comme dans 
le premier passage l'idée de lier et de délier semble 
dépendre du don des clefs, plusieurs auteurs ont pensé 
que la métaphore employée par Notre-Seigneur suppo- 
sait des clefs servant à lier ou à délier des cordes ou 
des courroies. Chez les Grecs, il est question d'un verrou 
ou clef, xXei';, que deux courroies font manœuvrer par 
ses extrémités, même du dehors, pour fermer ou ouvrir 
une porte. Iliad., xiv, 168; Odyss., i, 442; iv, 802, etc. 
D'autres fois, ce sont des courroies qui assujettissent un 
verrou, xXetépov, et qu'on délie pour ouvrir. Eschyle, 
Sept., 396. Il n'y a pas là, cependant, de clef ou de verrou 
liant et déliant; d'ailleurs, les serrures en usage chez 
les Hébreux étaient d'autre nature, et ne semblent pas 
avoir comporté de nœuds à faire ou à défaire. Voir Clef, 
t. n, col. 800. Il n'y a donc pas de dépendance entre les 
deux métaphores. Pierre reçoit les clefe du royaume 



249 



LIEN - LIEVRE 



20U 



des cieux, ce qui signifie symboliquement qu'il est 
. constitué le grand dignitaire de l'Église. Comme tel, il 
aura le pouvoir de lier ou de délier. Les Apôtres reçoi- 
vent ce même pouvoir, sans cependant recevoir les clefs, 
ce qui confirme encore l'indépendance mutuelle des 
deux symboles. Dans deux auteurs grecs, on lit les expres- 
sions : Iy<1) &t[<sv>, o-l»6s.Iç SyvaTai ïvaxi, « je lierai, per- 
sonne ne pourra délier, » paroles inscrites sur le tombeau 
d'Isis, d'après Diodore de Sicile, i, 27, et o\k lôéXoisv 
).'j£tv te xat Sstv, « nous voulons qu'ils aient pouvoir de 
délier et de lier, » paroles par lesquelles la reine Alexan- 
dra consacre l'influence politique des pharisiens. Josè- 
phe, Bell, jud., I, v, 2. Mais le sens de ces expressions 
ne parait nullement comporter une autorité souveraine. 
Dans une lettre des chrétiens de Gaule, citée par Eusèbe, 
//. E., v, 2, t. SX, col. 436, les deux mots Xusiv et 8e(T[Uijeiv 
sont pris dans le sens restreint de rejeter ou d'admettre 
le bien fondé d'une accusation. La même expression est 
fréquente dans le Talmud pour signifier « interdire » et 
« permettre ». Cf. Fillion, Évang. selon S. Matthieu, 
Paris, 1878, p. 326, 327. Il est certain qu'à l'époque de 
Notre-Seigneur les docteurs de la Loi jouissaient d'une 
très haute autorité en Israël. A eux appartenait de for- 
muler théoriquement le droit, de l'enseigner à leurs 
disciples et de l'appliquer pratiquement. Cf. Schûrer. 
Geschichte des jûdisehen Volkes, Leipzig, t. n, 1898, 
p. 320-328. Ils liaient et déliaient, c'est-à-dire imposaient 
des obligations morales ou en dégageaient, soit en droit, 
soit en fait. Notre-Seigneur fait allusion au pouvoir 
qu'ils exerçaient quand il dit d'eux : « Ils lient des far- 
deaux lourds et intolérables, » 5za\uio\iai çopxJa papéa 
xa\ SuffêâoraxTa, Matth., xxm, 4, paroles qui_ visent leur 
enseignement. De plus, ces docteurs prétendaient à un 
tel respect de leurs décisions qu'ils en étaient venus à 
déclarer leurs paroles plus « aimables que celles de la Loi, 
plus importantes que celles des prophètes ». Berachoth, 
f. 3, 2. La formule employée par le Sauveur s'explique 
dans un sens analogue, et plus étendu encore. Les Apô- 
tres reçoivent le droit de lier et de délier dans le nou- 
veau royaume. Ce droit n'est pas limité ; c'est ce que 
donnent à conclure les expressions : ô èàv Séduit, « ce que 
tu lieras, » ôaa. làv êr^Te, « ce que vous lierez, » dans 
lesquelles les pronoms &, 8<rix sont indéterminés. Le 
pouvoir de lier et de délier s'étend donc à la croyance, 
à la morale, à tout ce qui peut être du domaine religieux. 
Enfin Notre-Seigneur ne compare pas le pouvoir qu'il 
donne à ses Apôtres à l'autorité de Moïse ou des pro- 
phètes; il se contente de déclarer que l'exercice de ce 
pouvoir sera ratifié dans les cieux, ce qui le consacre 
par la plus haute autorité qui existe. Cette interprétation 
semble bien la plus naturelle. Elle s'appuie, du reste, 
sur des usages connus des Juifs et des idées qui leur 
étaient familières. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matth., 
Paris, 1893, t. n, p. 66, 67. H. Lesêtre. 

LIÉNARD Jacques-Antoine, théologien catholique, 
né à Douai en 1792, mort en cette ville dans la première 
moitié du xix e siècle. Il fut professeur à Douai et avait 
laissé des Elucidationes in Novum Testantentum qui 
furent publiés par Ledent, 4 in-8°, Douai, 1859. — Voir 
Hurler, Nonienclator literarius, t. m (1895), col. 1034. 

B. Heurtebize. 

LIERRE (Septante : xt<r<j6ç; Vulgate : hedera, 
plante grimpante. 

I. Description. — Le lierre, Hedera Hélix de Linné 
(fig. 73), famille des Araliacées, est un arbrisseau à tige 
rampante, appliquée contré le sol ou plus souvent le 
long d'un support vertical, tel que les murs ou les troncs 
d'arbres, auquel elle se fixe par de nombreuses petites 
racines latérales modifiées en forme de crampons, pou- 
vant atteindre ainsi la hauteur d'une vingtaine de mètres 
ou davantage. Quand les racines adventives plongent 
dans la terre, elles développent des ramifications nom- 



breuses et servent alors à l'absorption. La tige appliquée 
ou rampante reste stérile, pourvue seulement de feuilles 
pétiolées à limbe toujours vert, luisant, et échancré sur 
le pourtour de 5 lobes plus ou moins profonds. Mais les 




73. — Hedera Hélix. 

rameaux qui s'en détachent, surtout dans la partie éle- 
vée, pour flotter librement dans l'air sont munis de 
feuilles plus étroites, presque indivisêes, puis se ter- 
minent par des fleurs. L'inflorescence est une anthèle 
d'ombelles hémisphériques dont la terminale seule, 
formée de fleurs hermaphrodites, devient fructifère, les 
inférieures réduites à des fleurs mâles se détachant après 
l'anthèse. Les sépales peu distincts alternent avec 5 pé- 
tales jaunâtres et sont surmontés d'autant d'étamines. Un 
disque glanduleux entoure le style et couronne le fruit 
en baie globuleuse, ordinairement noire, mais parfois 
jaune, qui renferme sous sa pulpe un nombre variable 
de noyaux, souvent deux, charnus eux-mêmes, et au 
sein desquels est inclus un très petit embryon entouré 
d'un albumen ruminé. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le lierre est rare en Palestine, excepté 
le long des côtes et sur les montagnes. Il n'est mentionné 
nulle part dans la Bible hébraïque et seulement une fois 
dans la partie grecque. IIMach., vi, 7. Dans la persécu- 
tion d'Antiochus, lorsqu'on célébrait la fête de Bacchus, 
on contraignait les Juifs de suivre la procession solen- 
nelle, iro[«ceiieiv, ayant du lierre, xuraoùç £-/ovieç, c'est-à- 
dire portant des couronnes de lierre, et des thyrses ou 
tiges entourées de lierre. La Vulgate met seulement : 
« aller par les rues couronnés de lierre. » On sait que 
le lierre était une plante consacrée à Bacchus; Hedera 
gratissimaBaccho, dit Ovide, Fast., m, 767. — D'après le 
III» livre des Machabées, n, 29, Ptolémée Philopator fai- 
sait marquer les Juifs d'Egypte au fer rouge d'une feuille 
de lierre, marque de la consécration à Bacchus. Voir 
Bacchus, 1. 1, col. 1377. — Le mot hedera, « lierre, *> se lit 
aussi dans la Vulgate comme traduction du mot hébreu 
qîqdyôn, Jonas, iv, 6, 7, 9, 10, mais cette traduction n'est 
pas plus exacte que celle des Septante qui ont mis xoXo- 
xûv87], «courge. » Le qîqâyôn est le ricin. Voir COURGE 
et Ricin. E. Levesque. 

LIÈVRE (hébreu : 'arnébét, désignant le même animal 
que l'assyrien annabu et l'arabe 'arneb; Septante : 
SaoïjTtoui;; Vulgate : lepus), quadrupède de l'ordre des 
rongeurs et derla^fàmille des léporidés, comme le lapin. 
Les lièvres ont le museau arrondi, les yeux latéraux et 
saillants, la lèvre supérieure fendue et très mobile, les 
oreilles longues et molles, le poil long, rude, et ordi- 
nairement d'un gris roux. Timides et inoffensifs, ils 
sont avertis du danger par la subtilité de leur ouïe, et 
s'y soustraient grâce à la rapidité de leurs musculeùses 
et longues jambes. Us se nourrissent de végétaux; sont 
très féconds, ne terrent point comme le lapin, mais ne 
supportent pas la domesticité. Le lepus syriacus est 
commun dans le nord de la Palestine et dans les parties 
boisées ou cultivées du pays, notamment dans la plaine 



m 



LIÈVRE — LIGHTFOOT 



252 



d'Esdrelon. .Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, 
p. 185. Il est semblable à celui de nos pays, avec les 
oreilles plus courtes et la tête plus large. Le lepus Judseœ 
{dg. 74). fréquente les régions méridionales de la Ju- 




74. — Lepus syriacus. 

<lée et la vailée du Jourdain ; il abonde dans les lieux 
les plus arides. Il a la taille plus petite que le précédent, 
■de longues oreilles et le pelage fauve. On trouve des le- 
vrauts à toutes les époques de l'année, les deux espèces 
précédentes ayant quatre petits à chaque portée. D'au- 
tres espèces, peu différentes d'ailleurs, mais de moindre 
taille encore, se rencontrent accidentellement du côté de 
la frontière du sud-est, le lepus sinaiticus, qui est le lièvre 
d'Arabie, le lepus segyptiacus, commun en Egypte, et le 
lepus isabellinus, ainsi nommé à cause de sa couleur 
chamois. Cf. Tristram, The natural History of the Bible 
Londres, 1889, p. 99. Lortet, Là Syrie d'aujourd'hui, 
p. 413, 455, a constaté dans les environs de Jéricho la 
fréquence en nombre du lepus sinaiticus. Les Hébreux 
avaient connu dans la terre de Gessen le lièvre sinaïtique 
et le lièvre d'Egypte. Les monuments figurés les repré- 
sentent (fig. 75), et Je nome central de la. Moyenne- 




75. — Égyptien portant un lièvre et deux hérissons dans des 

cages. Beni-Hassan. XII' dynastie. 

D'après Lepsins, Denkmàler, Ahth. D, H. 120. 

Egypte s'appelait le « nome du lièvre ». Les Arabes 
estiment beaucoup la chair du lièvre. La loi mosaïque 
la défend aux Israélites, Lev., xi, 6; Deut., xrv, 7, sans 
doute parce que cette nourriture est lourde et facile- 
ment indigeste, surtout dans les pays chauds. Les Sy- 
riens d'aujourd'hui ne mangent pas la chair du lièvre, 
qui pourtant abonde autour d'eux; ils prétendent que 
cet aliment peut donner la fièvre. Cf. Vigouroux, Les 



Livres Saints et la critique rationaliste, 5» édit., Paris, 
1992, t. lv, p. 434. Pour permettre de distinguer le lièvre 
et de le ranger parmi les animaux impurs, le texte sacré 
dit qu'il rumine. Or, on sait que le lièvre ne peut prendre 
rang à aucun titre parmi les ruminants. De là une dit- 
flculté, soulevée déjà au sujet du daman, voir Chœro- 
gryllE, t. Il, col. 714, et qu'on ne se lasse pas de mettre 
en avant. Cf. L'encyclique et les catholiques anglais et 
américains, Paris, 1894, p. 36-37, traduction d'un ar- 
ticle de la Conteniporary Review, avril 1894. L'expres- 
sion hébraïque que la Vulgate rend par le mot rumi- 
nare est hë'élâh gêrâh, que les Septante traduisent par 
àvayeïv (t7)(>uxi<r[iiAv, « ramener en haut la rumination. » 
Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 161, 
rattache gêrâh à la racine gârâh, dont le sens n'est dé- 
terminable que par celui des dérivés gârôn, « gosier, » 
et l'arabe gêrn, « gosier. » Le mot gêrâh a donc un 
sens analogue, très probablement le même que (l'jxx»)- 
pifffidç; il marque l'acte de ruminer, ou ce qui remonte 
dans le gosier. L'expression hébraïque signifierait donc 
« faire remonter ce qui est dans le gosier », ou, en un 
seul mot, c< ruminer. » On arrive au même sens en ac- 
ceptant l'étymologie de Gesenius, Thésaurus, p. 305, qui 
rattache gêrâh à la racine gârar, à laquelle il attribue 
le sens de « ruminer ». Il est donc certain que l'auteur 
sacré n'entend pas donner à hë'ëldh gêrâh le sens de 
« remuer les lèvres », mais celui de ruminer. Toute- 
fois, on ne pourrait prétendre raisonnablement que par 
« ruminer » il veuille signifier « avoir plusieurs esto- 
macs et en faire remonter la nourriture pour la remâ- 
cher». Il caractérise la rumination par une marque 
extérieure, facile à reconnaître, le mâchonnement per- 
pétuel, sans affirmer qu'il y a rumination réelle. Il parle 
d'après les apparences, comme le font si souvent, et à 
si bon droit, les écrivains inspirés. C'est ici un de ces 
cas où, suivant l'enseignement de l'Encyclique Providen- 
tissimus, cf. 1. 1, p. xxtx, l'auteur sacré décrit un phéno- 
mène naturel « en se servant du langage communément 
usité de son temps, langage dont les plus grands savants 
se servent encore de nos jours dans la vie ordinaire ». 
Il est curieux de rapprocher de cette observation de 
l'Encyclique la manière dont Linné parle du lièvre dans 
son Systema naturee, Lyon, 1789, t. i, p. 160-161 : Victi- 
tat ruminans raniulis fruticum et cortice arborum, 
« il se nourrit, en ruminant, de rejetons d'arbrisseaux et 
d'écorce d'arbres. » Cf. Rosenmùller, In Levit-, Leipzig, 
1798, p. 62. Le savant s'exprime ici comme le législateur 
antique ; on ne l'accusera pas, cependant, d'avoir pris 
le lièvre pour un ruminant. Moïse exige deux conditions 
pour que les animaux puissent servir de nourriture : 
qu'ils soient ruminants, et qu'ils aient aux pieds une 
corne fendue. Lev., xi, 2. Le daman et le lièvre, qui 
semblent ruminer, sont exclus parce qu'ils n'ont pas 
aux pieds des cornes fendues. Les quatre doigts que le 
lièvre porte à chaque patte ne forment point de corne, et 
sont enfermés dans une peau qui ne laisse distinguer 
que les quatre ongles. H. Lesêtre. 

1. LIGHTFOOT John, théologien protestant anglais, 
né le 29 mars 1602, à Stocke, dans le comté de Staf- 
ford, mort à Ely, le 6 décembre 1675. Après avoir suivi 
les leçons du docteur Whitehead, à Congletori, dans le 
comté de Chester, il entra en juin 1617 à Ghrist's col- 
lège, à Cambridge. Après avoir achevé ses études, il 
passa deux ans à Repton, dans le comté de Derby, en 
qualité d'assistant de son vieux maître Whitehead, qui 
tenait une école dans cette ville. Puis il entra dans l'état 
ecclésiastique et fut nommé pasteur à Norton-in-Hales, 
dans le comté de Shrop, où il lit la connaissance de 
Rowland Cotton, dont il devint le chapelain, et "qui lui 
facilita l'étude des langues orientales, en particulier de 
l'hébreu. Il ne tarda pas à accompagner son protecteur 
à Londres, puis il fut, bientôt après, nommé ministre à 



253 



LIGHTFOOT — LILITH 



254 



Stone, dans le comté de Stafford, où il resta deux ans. 
En 1628, il alla habiter Hornsey, dans le Middlesex, où 
il espérait trouïer des ressources précieuses pour ses 
travaux; c'est en effet dans ce lieu qu'il commença à 
écrire. En septembre 1630, il fut nommé recteur à 
Ashley, dans le comté de Stafford, où il continua ses 
éludes avec ardeur. En 1643, il devint recteur de l'église 
Saint-Barthélémy de Londres; en 1644, recteur deGreat 
Munden, dans le comté de Hertford; en 1650, recteur 
du collège de Sainte-Catherine de Cambridge, et, 
en 1654, vice-chancelier de cette université. Créé cha- 
noine à Ely le 22 janvier 1667, il mourut dans cette ville. 
— Lightfoot prit souvent part aux discussions religieuses 
de son temps, soit dans l'assemblée de Westminster, soit 
ailleurs : ses principes sont ceux de l'Église anglicane; 
du reste on reconnaît généralement qu'il a beaucoup 
plus les qualités d'un érudit que celles d'un théologien. 
Ses principaux ouvrages sont : Horee hebraicm et tal- 
■mudicx, impensx in chorographiam aliquam terres 
israeliticse, in quatuor Evangelistas, in Acta Apostolo- 
rum, in quwdam capita Epistolm ad Romanos, in 
Epistolam primant ad Corinthios, 3 in-4°, Cambridge, 
1658 et 1679. C'est la traduction latine d'un livre qui 
avait paru d'abord en anglais (2 in-4°, Londres, 1644 
et 1650). L'auteur, qui, selon Gibbon, « était devenu 
presque un rabbin lui-même à force de lire les rabbins, » 
a une grande tendance à expliquer le Nouveau Testa- 
ment par les écrits rabbiniques et talmudiques. — Har- 
tnony of the four Evangelists among themselves and 
with the Old Testament, with an Explanation of the 
chiefest difflculties both in language and sensé, in-4°, 
Londres, 1644-1650. — Harmony, Chronicle and Order 
of the Old Testament, Londres, 1647. — Harmony, 
Chronicle and Order of the New Testament, Londres, 
1655. — A feiv and neu> Observations upon the Book of 
Genesis, the most of them certain, the rest probable, 
ail harmless, strange and rarely heard of before, Lon- 
dres, 1642. — A Handfull of Gleanings out of the Book 
of Exodus, in-4«, Londres, 1643; traduit plus tard en 
latin. — A Commentary upon the Acts of the Apostles, 
c. i-xii, in-4°, Londres, 1645. — Description of the 
Temple service as it stood in the days of our Saviour, 
in-4°, Londres, 1649. — On the canon of Scripture, 
1652. — Collatio Pentateuchi hebraici cum samaratico, 
Londres, 1660. — Rules for a Student of the Holy Scrip- 
ture, 1700. — On a imprimé plusieurs fois ses œuvres 
complètes, sous le titre de Lightfootii Opéra omnia; ses 
ouvrages anglais y sont traduits en latin, 2 in-f°, Rotter- 
dam, 1686 ; meilleure édition due à Jean Leusden, 3 in-f», 
Utrecht, 1699. Une édition anglaise a été donnée par 
George Bright, The Works of J. Lightfoot, 2 in-f», Lon- 
dres, 1684 ; elle est précédée d'une vie de l'auteur par 
J. Strype. Une nouvelle édition, supérieure à toutes les 
précédentes et plus complète, a été éditée par J. R. Pit- 
man, avec une vie de l'auteur, 13 in-8», Londres, 1822- 
1825. Voir aussi D. M. Welton, John Lightfoot, The 
English Hebraist, in-8», Londres, 1878. 

A. Régnier. 
2. LIGHTFOOT Joseph Barber, exégète anglican, né 
à Liverpool le 13 avril 1828, mort à Bournemouth le 
21 décembre 1889. Il fit ses études à Cambridge, devint 
professeur de théologie en 1861, dans cette université, 
puis, en 1871, chanoine de la cathédrale de Saint-Paul; 
de nouveau professeur de théologie à Cambridge, en 
1875 et enfin évêque de Durham en 1879. On lui doit 
des travaux importants sur les Pères apostoliques et les 
commentaires suivants : St. Paul's Epistle tlie to Gala- 
tians, in-8», Londres, 1865; 7« édit., 1881; St. Paul's 
Epistle to the Philippians, in-8», Londres, 1868; 4 e édit., 
1878; St. Paul's Epistles to the Colossians and to Phi- 
lemon, in-8», Londres, 1875; 6 e édit., 1882. Ces com- 
mentaires sont suivis de dissertations savantes sur 
divers sujets scripturaires. — Voir F. J. A. Hort, dans le 



Dictionary of National Biography, t. XXXI", 1893, 
p. 232-240. 

LIGURE (hébreu : lésera; Septante : Xiyûpiov; Vul- 
gate : ligurius, Exod., xxvm, 19; xxxix,12), pierre pré- 
cieuse du rational. 

I. Description. — Les minéralogistes ne sont pas 
d'accord pour identifier le ligure des anciens, XrpJpiov 
ou Xiyxûptov. Pour les uns ce serait la tourmaline mo- 
derne ; pour d'autres, en plus grand nombre et avec plus 
de raison, ce serait la pierre hyacinthe. Ce qui faisait 
hésiter à admettre ce dernier sentiment, c'est que Théc- 
phraste, rcepi ).i8wv, parlant des propriétés du ligure, dit 
qu'il attire à lui les parcelles de bois et de fer : or, sem- 
blait-il, l'hyacinthe n'avait pas cette propriété. Mais on 
a reconnu qu'elle l'acquérait, une fois frottée. Théo- 
phraste et Pline décrivent le ligure comme une pierre 
semblable à l'escarboucle et d'un éclat luisant comme 
du feu : il y a des hyacinthes qui ont celte couleur et 
cet éclat, en particulier celle qu'on appelle l'hyacinthe 
la belle. Voir Hyacinthe, t. ri, col. 787. 

II. Exégèse.— La pierre lésém n'apparaît que deux fois 
dans la Bible hébraïque, Exod., xxvm, 19 et xxxix, 12: 
c'est dans l'énumération des pierres du rational, la pre- 
mière pierre du troisième rang. Les Septante et Josèphe, 
Bell, jud, V, v, 7, traduisent ce mot parXepipiov, ce que 
la Vulgate transcrit par ligurius. Or saint Épiphane, 
De duodecim gemmis, vu, t. xlui, col. 300, identifie 
cette pierre ligure avec la pierre hyacinthe. La compa- 
raison avec les 12 pierres de l'Apocalypse, xxi, 19-20, 
confirme cette vue. On admet communément que les 
douze pierres de la Jérusalem céleste rappellent les douze 
pierres du rational : or, en comparant les deux listes, la 
pierre qui répond au l£sém, ligure, c'est l'hyacinthe. Voir 
Braun, Vestitus sacerdotum Hebrseorum, in-8°, Leyde, 
1680, 1. II, p. 694-703. Dans l'énumération d'Ezé- 
chiel, xxvm, 13, manifestement empruntée à la des- 
cription du rational dans l'Exode, le texte hébreu ne 
donne que neuf pierres : mais les Septante en ajoutent 
trois, conformément à l'Exode, et parmi elles le ligure. 

E. Levesqde. 

LILIENTHAL Michel, littérateur protestant, né à 
Liebstàdt le 8 septembre 16.86, mort à Kœnigsberg le 
23 janvier 1750. Il fit ses études à Kœnigsberg et à Iéna 
et fut professeur à Rostock et à Kœnigsberg. En 1714, il 
fut nommé sous-bibliothécaire de cette dernière ville, 
où il exerça ensuite les fonctions de diacre. En 1711, il 
avait été élu membre de l'Académie de Berlin et en 1733 
de celle de Saint-Pétersbourg. Parmi ses nombreux ou- 
vrages, nous devons mentionner Biblisch-exegelische 
Bibliothek, 3 in-8°, Kœnigsberg, 1740-1744 ; Biblischer 
Archivafius der heiligen Schrift, 2 in-4», Kœnigsberg, 
1745-1746 ; les commentateurs de la Bible sont classés 
d'après les passages à interpréter. Il publia en outre une 
dissertation De vocatis ab Adamo animalibus, dans les 
Selecta historica et litteraria, 2 in-8», Kœnigsberg, \ 711- 
1719. — Voir Lilienthal, Autobiographie, publiée dans 
le t. m des Acta Borussica, in-8°, Kœnigsberg, 1732; 
Walch, Bibliotheca theologica, t. i, p. 83, 121. 

B. Heurtebize. 

LILITH (hébreu : lîlî(), mot qui ne se lit qu'une 
seule fois dans la Bible hébraïque, pour désigner un 
oiseau nocturnç, très probablement le chat-huant. Voir 
Chat-huànt, t. il, col. 627. En le traduisant par Xâ[j.ia, 
Uxmia, Is., xxxiv, 14, les Septante et saint Jérôme sem- 
blent se conformer à une croyance populaire : le peuple, 
ignorant le sens primitif du mot lîlif, le prenait pour 
le nom d'une espèce de monstre nocturne. Les rabbins 
firent plus tard de Lilith une première épouse infidèle 
d'Adam, devenue la première des quatre femmes du 
diable et la persécutrice des nouveau-nés. Lilith en effet 
détestait la descendance d'Eve, qui l'avait remplacée au- 
près d'Adam. La croyance à son pouvoir néfaste devint 



255 



LILITH — LIMBES 



256 



si enracinée chez les Juifs superstitieux, que, quand 
une femme allait accoucher, le père de famille ou quel- 
que autre personnage connu pour sa piété attachait à la 
porte de la maison, aux murailles, au lit, des écriteaux 
avec ces mots : « Adam, Eve, dehors Lilith. » On ajou- 
tait parfois le nom de trois anges, Senoï, Sansenoï, San- 
manglof, qui, chargés de noyer Lilith dans la mer Rouge, 
l'avaient épargnée à condition qu'elle ne fit aucun mal 
aux enfants, là où elle verrait leurs noms écrits. La 
nuit qui précédait la circoncision de l'enfant, on écar- 
tait Lilith par des lectures pieuses. Cf. lien, Antiqui- 
tates hebraicse, Brème, 1741, p. 512; Drach, De l'har- 
monie entre l'Église et la synagogue, Paris, 1844, t. Il, 
p. 319-325. Voir Lamie, col- 53. 

H. Lesêtré. 
LIMAÇON, mollusque gastéropode de l'ordre des 
pulmonés, pourvu d'une coquille qui se déroule réguliè- 
rement jusqu'à une assez large ouverture, par laquelle 
l'animal sort la plus grande partie de son corps. Le 
type de la famille des limaçons ou hélicidées est Y hélix 
pomatia, escargot commun ou colimaçon qui se trouve 
dans tous les pays (flg. 76). Au même ordre des pulmo- 




76. — Hélix ïiomatia. 

V, 
nés, mais à la famille des limacidées, appartient la li- 
mace, qui diffère du limaçon surtout par l'absence de 
coquille. Ces deux sortes de mollusques sont hibernants; 
ils passent la mauvaise saison engourdis l'un dans sa 
coquille, et l'autre dans la terre. Tous deux, en rampant, 
laissent sur leur passage une trace brillante formée par 
une humeur visqueuse que leur peau dégage abondam- 
ment. Au Psaume lviii (lvii), 9, il est dit des impies : 
« Qu'ils aillent en se fondant, comme le Sablûl. » Ce mot 
ne se lit que dans ce passage. Les Septante et la Vulgate 
l'ont traduit par x-^poç, cera, « cire, » sens suggéré par 
le mot fe'més, « fusion, dissolution. » Mais la cire est 
déjà connue sous le nom de dônag. Voir Cire, t. n, 
col. 780. Pour les anciens Juifs, le sablûl est un mol- 
lusque. Le Targum traduit ce mot par zehïl tiblàlàh, 
« ver de limace, » et saint Jérôme par verniis tabefactus. 
Il est dit dans le Schabbath, 11 b, que Dieu a créé le 
sablûl pour panser les tumeurs, ce qui convient aux 
limaces et aux limaçons. Ce sont ces mollusques que l'on 
croit généralement aujourd'hui désignés par le mot 
sablûl. Tous deux, en effet, par la trace qu'ils laissent 
derrière eux, semblent bien se fondre et user leur sub- 
stance. Il n'y aurait là, d'ailleurs, qu'une manière de 
parler populaire, car le mollusque ne perd rien de sa 
substance en rampant; il ne fait que dégager une 
humeur que sécrètent ses muqueuses, et qui facilite 
son glissement sur les objets plus ou moins rugueux. 
Frz. Delitzsch, Die Psalmen, Leipzig, 1873, t. i, p. 421, 
pense qu'il s'agit, dans le Psaume, de la limace, et non 
de l'hélice ou escargot, actuellement appelé halezôn en 
Palestine. Tristram, The natural History of ihe Bible, 
Londres, 1889, p. 295, tout en admettant l'explication 
populaire qui suppose une consomption du mollusque 
à mesure qu'il rampe, en apporte une autre qui tient 
davantage compte de la réalité. Les limaçons de Pales- 
tine n'hivernent pas comme les nôtres pendant la sai- 



son froide; c'est, au contraire, durant la saison sèche 
qu'ils dorment' retirés dans leur coquille. Beaucoup 
d'entre eux peuvent ainsi rester longtemps sans humi- 
dité extérieure. Pour prévenir l'évaporation de celle 
qu'ils possèdent, ils s'abritent alors sous les pierres, 
sous les mousses, ou même dans la terre. Les fissures 
des rochers en sont remplies. Les limaçons du désert, 
qui souvent ne trouvent pas d'écrans contre les rayons 
du soleil, sont pourvus de coquilles très épaisses qui 
les protègent lorsqu'ils se collent aux branches des ar- 
brisseaux. Il arrive cependant très fréquemment que la 
chaleur dessèche les limaçons, malgré tous les soins 
qu'ils ont pris pour s'abriter. Quand la sécheresse a été 
longue et continue, ou quand les rayons du soleil ont 
pénétré dans leurs abris, les myriades de coquilles que 
l'on trouve adhérentes aux rochers sont à peu près vides ; 
le mollusque qu'elles contenaient a été desséché, con- 
sumé, « fondu, » comme s'exprime le Psalmiste qui, 
peut-être, fait allusion à ce fait si fréquent. On signale 
en Palestine plus de cent quarante espèces de mollusques 
aquatiques ou terrestres. Ils appartiennent aux genres 
hélix, bulimus,pupa, clausilia et cyclostoma. Par contre, 
les limaces, que ne protège aucune coquille, sont très 
rares, à cause de la sécheresse du climat. Il est donc tout 
à fait probable que le Psalmiste a eu en vue le limaçon. 

H. Lesêtre. 
LIMBES, séjour des âmes qui, n'ayant pas mérité 
l'enfer proprement dit, ne pouvaient, avant la rédemp- 
tion, entrer dans le ciel. — L'existence de ce séjour, 
ou de cet état particulier des âmes justes, se déduit 
logiquement et théologiquement des trois vérités sui- 
vantes : 1" les âmes qui ont quitté ce monde dans la grâce 
de Dieu ne peuvent être envoyées en enfer, séjour des 
damnés morts par leur faute dans l'inimitié de Dieu; 
2° les expiations à subir par les âmes justes qui ont em- 
porté avec elles des fautes légères ou les dettes résultant 
de fautes graves pardonnées, ne peuvent être que des 
expiations temporaires; 3° les âmes qui n'étaient pas 
en enfer ou qui étaient sorties du purgatoire avant la 
mort de Notre-Seigneur se trouvaient dans une condi- 
tion spéciale comportant pour elles un état et un séjour 
particuliers. — Ce séjour a reçu, dans la tradition catho- 
lique, le nom de « limbes », du latin Urubus, qui 
signifie « bordure, zone », parce que les limbes cons- 
tituaient comme une bordure de l'enfer, une zone entre 
l'enfer que ces âmes ne méritaient pas, et le ciel qui 
demeurait inaccessible pour elles avant l'entrée triom- 
phale de Jésus-Christ, au jour de son ascension. Les 
limbes sont mentionnées dans la Sainte Écriture sous 
des noms divers : le sein d'Abraham, voir t. i, col. 83; 
les enfers, voir Enfer, t. n, col. 1792; l'Hadès, voir 
t. m, col. 394; le paradis, voir Paradis; le se'ôl, voir 
Scheôl. C'est surtout dans le Nouveau Testament qu'il 
est fait allusion à ce séjour. Là, les justes seront au 
festin avec Abraham, Matth., vm, 11; Luc, xm, 29; 
xiv, 15; xxn, 30; le pauvre Lazare y aura sa place, 
Luc, xvi, 22-26; les vierges sages y serontreçues, Matth., 
xxv, 10; le bon larron y entrera aussitôt après sa mort. 
Luc, xxiii, 43. Saint Paul dit que le Sauveur « est des- 
cendu dans les régions inférieures de la terre », Eph. r 
iv, 9, [ce que saint Irénée, Cont. hxr., rv, 27, 1, t. vu, 
col. 1058; Tertullien, De anim., 55, t. n, col. 742, etc., 
entendent de la visite qu'il fit après sa mort aux âmes 
justes qui étaient dans les limbes. Cf. Petau, De incarn. 
Verbi, XIII, xvi-xvm. Saint Pierre, dans sa première 
Épitre, m, 18-20, est encore plus explicite. Il dit que le 
Christ, après avoir été mis à mort dans sa chair, alla 
prêcher, èxrip'jSev, aux esprits qui étaient en prison et 
qui autrefois, aux jours de Noé, s'étaient montrés incré- 
dules. Ces esprits en prison ne sont pas ceux de l'enfer, 
auxquels toute prédication serait inutile, mais ceux des 
limbes, parmi lesquels se trouvaient des âmes dans les- 
quelles le châtiment du déluge avait produit un repen- 



257 



LIMBES — LIN 



258 



tir salutaire. L'Évangile apocryphe de Pierre, 41-42', 
fait allusion à cette prédication du Christ aux limbes : 
« Ils entendirent des cieux une vois qui disait : As-tu 
prêché à ceux qui dorment? èxvîpuÇa; tosî xot[«t>fiivoiç; 
et une réponse fut entendue de la croix : Oui. » Cf. 
L'Évangile de Pierre, dans la Revue biblique, 1894, 
p. 529, 557. Saint Augustin, Ep. clxiii, ad Êvod., 21, 
t. xxxiii, col. 717, pense que la prédication aux esprits en 
prison, dont parle saint Pierre, est celle qui s'a'dresse aux 
infidèles. Cette explication n'est conforme ni au texte 
même ni à l'avis des autres Pères. Enfin, saint Jérôme, 
In Matth., xi, 3, t. xxvi, col. 70, et saint Grégoire le 
Grand, Hom. in Ezech., i, 5, et Hotn. in Evang., VI, 1, 
t. lxxvi, col. 788, 1096, émettent l'idée que quand saint 
Jean-Baptiste envoie demander à Jésus s'il est le Christ, 
Matth., xi, 3; Luc, vu, 19, c'est pour savoir s'il doit an- 
noncer sa venue aux âmes qu'il va bientôt rejoindre dans 
les limbes. Cette idée ne sort pas naturellement du texte. 
Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 11, t. xxxin, 
col. 470, dit plus justement que le Christ est allé aux en- 
fers pour annoncer la délivrance aux prophètes et parti- 
culièrement à celui qui avait dit : « Êtes-vous celui qui 
doit venir ou devons-nous en attendre un autre? » — On 
assigne encore les limbes comme séjour aux âmes des 
enfants morts sans baptême. La Sainte Écriture ne fait au- 
cune allusion directe au sort de ces âmes ni à leur séjour. 

H. Lesétre. 
LIMBORCH (Philippe van), théologien protestant 
hollandais, de la secte des arminiens ou remontrants, 
né à Amsterdam, le 19 juin 1633, mort dans cette ville le 
30 avril 1712. Après avoir fait ses études au collège des 
Remontrants, puis à Utrecht, où il suivit les leçons de 
Voët, l'adversaire de Descartes, il fut choisi, en 1657, 
pour être ministre de ses coreligionnaires à Goude, puis, 
en 1667, à Amsterdam. L'année suivante, il fut nommé à 
la chaire de théologie de cette ville, où il professa avec 
un très grand succès jusqu'à la fin de sa vie. Outre 
l'édition presque complète des œuvres de son grand- 
oncle Episcopius, on lui doit plusieurs écrits théolo- 
giques, parmi lesquels : Commenlarius in Acta Apo- 
stolorum et in Epistolas ad Romanos et ad Hebrxos, 
in-f°, Rotterdam, 1711. — Il a paru de cet ouvrage 
une traduction hollandaise, imprimée à Rotterdam, 
en 1715, in-4°. — L'oraison funèbre de Ph. de Limborch 
a été faite par Jean Leclerc. A. Régnier. 

LIME, outil de métal, dont les faces sont des stries ou 
des dents aiguës, pour user et polir le bois, la pierre ou 
des métaux moins durs. Il n'est pas fait mention de la 
lime en hébreu. Mais dans un texte d'Isaïe, xliv, 12, où 
il est dit que le forgeron fait une hache, ma'âsâd, les 
Septante traduisent par <iî$uvs, « il a aiguisé, » et la 
Vulgate par lima operatus est, « il a travaillé à la lime. » 
Il est possible qu'au lieu de tsyn, le traducteur ait lu 

un mot comme ansa, mushâb, « poli, * il a rendu poli, 

t :\ 

Dans un autre passage où Ézéchiel, xxi, 9, 10, 11, 15, 
28, représente l'épée sortant du fourreau, mit-ta'erâh, 
les Septante traduisent par (h>|i<&6r|xi, « menace, » 
irrite-toi, et la Vulgate par limatus, « limé, » poli, ce qui 
suppose, au lieu de (a'erdh, le mot (a'ar, <s tranchant » 
de l'épée. — La lime, mentionnée souvent par les auteurs 
classiques, Phèdre, IV, 7; Plaute, Menech., i, 1, 6; Pline, 
H. N., xxviii, 9, 41 ; etc., ne devait pas être inconnue 
des Hébreux. Ils polissaient et aiguisaient les outils au 
marteau, I Reg., xm, 20; Ps. vu, 13; Is., xli, 7, mais 
employaient aussi d'autres procédés pour le polissage 
des métaux, et parfois probablement se servaient de la 
lime. Cf. II Par., iv, 16; I Esd., vm, 27; Jer., xlvi, 4; 
Ezech., xxi, 14; Dan., x, 6 (hébreu). 

H. Lesétre. 
1. LIN (Âîvo;; Vulgate : Linus), chrétien de Rome 
dont saint Paul envoie les salutations à Timothée. 

DICT. DE LA BIBLE. 



II Tim., iv, 21. Il est simplement nommé par l'apôtre 
mais les anciens auteurs ecclésiastiques nous appren- 
nent qu'il tut le successeur de saint Pierre sur le siège 
pontifical. On peut conclure de la mention que fait de 
lui saint Paul que Lin était à Rome à l'époque de la 
rédaction de cette Épltre, puisqu'elle fut écrite dans 
cette ville. Eubule et Pudens étant nommés avant Lin, 
il en résulte que ce disciple n'occupait pas encore à cette 
époque une situation éminente dans l'Église. Saint Iré- 
née, III, m, 9, t. vu, col. 849, nous fait connaître dans 
le passage suivant à quelle haute destinée il était ré- 
servé : 0£U.s).i<à<ravT£; oùv xal oExo8o|nfi<ravTeç oî [laxâ- 
pcoi 'AttôstoXoi ttjv 'Exxiniffiav Aivw xr]V ttjç èiri<rxo5T7is 
XsttoupYfav ève^et'pt<rav. Toutou xoô Aêvov IlaOXoç èv xaîc 
Ttpoç Ti[i<S8eov éjtKrroXaîç (ié[ivY)Tai. AtaSé^exai Sï aùxôv 
'AvéyxXijxot, [texà toOtov SI xpîxw xô"7ra àrcô tûv 'Aiuoit- 
t<SX<i>v x»)v êiuKTxoTTTiv xX>ipoOxat KX^firiç. Saint Lin fut 
donc, d'après le témoignage de saint Irénée, le succes- 
seur immédiat de saint Pierre. Eusèbe, H. E.,\, 6, t. xx, 
col. 445, a reproduit ce passage, et il répète, en plu- 
sieurs autres endroits de son Histoire, que saint Lin fut 
le successeur de saint Pierre, H. E., m, 2, 4, col. 246, 
220-221; au chapitre 13, col. 248, il ajoute que ce pon- 
tile gouverna l'Eglise de Rome pendant douze ans, jus- 
qu'à la seconde année du règne de Titus (53^57). Lin 
est aussi nommé comme le second évêque de Rome par 
saint Jérôme, De vir. M., 15, t. xxm, col. 631; saint 
Augustin, Epist. lit, ad Generos., 2, t. xxxm, col. 196; 
saint Épiphane, Rser. xxvn, 6, t. xli, col. 372 (cf. la 
note ibid.); Théodoret de Cyr, In II Tim., iv, 21, 
t. lxxxii, col. 856. D'après les Constitutions apostoli- 
ques, vu, 46, Patr. gr., t. i, col. 1052, Lin, « fils de 
Claudia, » aurait été ordonné par saint Paul premier 
(repâxoç) évêque de Rome, mais ce témoignage est sans 
valeur. Voir la note ibid. Cf. ibid.'j Rufin, Prsef. in Reco- 
gnit., col. 1207 et la note). 

D'après le Bréviaire romain (lect. iv, 23 septembris), 
saint Lin était né à Volterra, en Étrurie. Il mourut mar- 
tyr après un pontificat de onze ans, deux mois et 
vingt-trois jours, et fut enterré au Vatican, près du 
tombeau de saint Pierre. D'après le Pseudo-Hippo- 
lyte, De lxx Apostolis, 39, t. x, col. 956, et le Pseudo- 
Dorothée, Chronic. Pasch., n° iv, t. xcxii, col. 521, 
Lin aurait été un des soixante-dix disciples du Seigneur. 
Mais son origine latine rend cette supposition peu croya- 
ble; son nom n'est probablement entré dans ces listes 
que parce qu'on le lisait dans une des Êpîtres de saint 
Paul. — Voir Acta sanctorum, 23 septembre, t. vi, 
1757, p. 539-545; L. Duchesne, Liber Pontificalis, 2 in-f», 
Paris, 1886-1892, t. i, p. 52, 121. 

2. LIN (hébreu : pêSéfetpi${âh; Septante :X(vov; Vul- 
gate : linum), plante dont les filaments servent à fabri- 
quer une toile fine, appelée également lin. 

I. Description. — Herbe cultivée de temps immémo- 
rial pour les fibres textiles que fournit sa tige, le Linum 
usitatissimum de Linné (fig. 77), n'existe plus aujour- 
d'hui nulle part à l'état spontané. Il est probable même 
que son origine doit être cherchée dans une des nom- 
breuses espèces du genre, modifiée profondément dans 
ses caractères par une culture prolongée. Cet ancêtre 
du lin serait % Linum angustifolium Hudson (fig. 78), 
qui possède comme lui une tige couverte de nombreuses 
feuilles linéaires et terminée par un petit groupe de 
fleurs à 5 pétales bleus auxquelles succèdent des cap- 
sules septicides à 5 loges. Mais la plante sauvage diffère de 
celle de nos cultures par sa tige plus grêle, plus rami- 
fiée, pouvant vivre plusieurs années et fleurir plusieurs 
fois. Elle est aussi plus réduite dans toutes ses parties, 
fleurs, fruits et graines, ses pétales sont entiers, etc. 
Mais ces différences en apparence tranchées s'effacent 
si l'on compare les formes de passage qui leur servent 
de trait d'union. La variété cultivée sous le nom de 

IV. -9 



259 



LIN 



2G0 



Lin d'hiver a déjà sa tige bisannuelle ; d'autre part, la 
forme distinguée par Jordan, sous le nom de Linum 
ambiguum, qui croît en touffes sur les coteaux arides 
du midi, bien qu'annuelle comme la plante cultivée, 




•77. — Linum 
usitatissimum. 



78. — Linum 
anRUslifolium. 



ressemble au type sauvage ordinaire par ses faibles di- 
mensions, ses fleurS'pâles à pétales non denticulés. Aux 
mêmes caractères correspond encore un lin subspontané 
dans les cultures de l'Egypte et de la Syrie que Miller 
avait jadis décrit sous le nom de Linum humile. 

F. Hy. 

II. Exégèse. — 1° Plante. — Il ne fait de doute pour 
personne que le nom du lin en hébreu ne soit pêiéf, 
pistâh. Les Septante rendent ce mot parXivovet la Vul- 
gate par linum. Saint Matthieu, xn, 20, citant un passage 
d'Isaïe, xlii, 3, où ce mot se rencontre, le traduit par 
Xtvov, linum. Le nom hébreu a deux formes, une mas- 
culine plus employée, pêSét, et une forme féminine, 
pistâh. Ce mot se rencontre dans Exod,, IX, 31, pour 
désigner la plante poussant dans les champs ; dans Jos., Il, 
6, pour exprimer les tiges coupées et réunies en bottes, 
ou gerbes, pisfê hâ'ês (Septante : XivoxâXa|jw]; Vulgate : 
stipula Uni); dans Prov., xxxi, 13; Is., xix, 9; Ose., u, 
5, 9 (hébreu, 7, 11), pour les filaments ou fibres déta- 
chées de là tige; dans Jud., xv, 14, et Ezech., xl, 3, 
pour la corde en fil de lin; dans Is., xlii, 3, et Matth., 
xn, 26, pour la mèche faite de ces fils ou de la filasse. 
L'étoupe de lin se nomme ne'ôi-êp. Jud., xvi, 9; Is., 
1,31. 

Le premier endroit où la Sainte Écriture mentionne 
le lin nous marque sa présence en Egypte. Exod., ix, 31. 
Dans la plaie de la grêle, le Un fut frappé par le fléau 
quand il était en fleur, ou selon d'autres en bouton. 
Dans sa prophétie contre l'Egypte, Isaïe, xix, 9, nous mon- 
tre « ceux qui travaillent le lin peigné dans la conster- 
nation ». Le lin était connu en Egypte depuis la plus haute 
antiquité : c'était un des principaux produits de ce pays. 
On le cultivait et le travaillait un peu partout, mais sur- 
tout dans la Basse Egypte. Pline, H. N., xix, 2, signale 
quatre espèces plus célèbres, le lin de Tanis,. celui de 
Péluse et celui de Bouto, tous les trois dans le Delta, . 
et celui de Tentyris dans la Haute Egypte. D'après Héro- 
dote, ii, 37, 81, 86, 105, on en consommait d'énormes 



quantités pour l'usage des vivants et pour les bandelettes 
des morts. On a reconnu en étudiant au microscope ces 
bandelettes que la plupart étaient en lin, un petit nom- 
bre seulement en coton. Les capsules de lin trouvées 
dans les tombeaux ont permis de reconnaître que l'es- 
pèce cultivée par les anciens Égyptiens était surtout le 
Linum humile : c'est encore celle qu'on cultive dans la 
vallée du Nil. V. Loret, La flore pharaonique, 2 e édit., 
Paris, 1892, p. 106. La mention du lin revient fréquem- 
ment dans les inscriptions funéraires soit sous la forme 

archaïque \ J^ " = ~ l II > hémâ, soit sous la forme plus 

récente et plus fréquente, _ ■ jj ■*""». | t )t mdhi, con- 
servée en copte, -«£.,£1. Dès la fin de la troisième dy- 
nastie, nous voyons Amten préposé comme « directeur 
de tout le lin du roi » pour le nome Xoïte. Lepsius, 
Denkrn., n, pi. 5; G. Maspero, Études égyptiennes, 
t. n, fasc. 2, 1890, p. 160-161. Les peintures des tom- 
beaux nous font souvent assister aux diverses opérations 
de la récolte et de la préparation du lin. Ici des ou- 
vriers, selon la façon actuelle, arrachent les tiges à poi- 
gnées sans les couper comme les céréales, et les lient en 
bottes (fig. 79). Rosellini, Monumenti delV Egitto, t. i, 
p. 133 et t. n, pi. 35, 36; Mariette, Les Mastabas, p. 337; 
Lepsius, Denkm., n, pi. 106-107. A côté, d'autres ou- 
vriers tenant une botte ou petite gerbe de lin de la main 
droite, en frappent la main gauche pour faire tomber 
les graines. Lepsius, ibid. ; G. Maspero, Etudes égyp- 
tiennes, t. il, fasc. 1, 1888, p. 85, 86. Les peintures de 
Beni-Hassan nous mettent sous les yeux les opérations 
du rouissage du lin qu'on fait ensuite sécher, du teil- 
lage et du peignage, Is., xix, 19; du filage et du 
tissage (fig. 80). Lepsius, Denkm., t. n, pi. 126; Rosel- 
lini, t. n, pi. 35, 41, 42; Wilkinson, t. m, p. 138, 
140; A. Erman, Life in ancient Egypt, traduct. 
Tirard, in-8», Londres, 1894, p. 448; Fr. Wœnig, Die 
Pflanzen im alten Aegypten, in-8", Leipzig, 1886, 
p. 184-186. 

La Palestine connaissait le lin avant la conquête des 
Hébreux. Jos., n, 6. Il est probable du reste que ce pays 
le cultiva avant l'Egypte : car selon Alph. de Candolle, 
Origine des plantes cultivées, in-8°, Paris, 1886, p. 102, 
les Égyptiens auraient reçu leur lin d'Asie. On sait que 
son usage en Chaldée se perd dans la nuit des temps : 
le lin a été retrouvé dans un tombeau de l'ancienne 
Chaldée, remontant à une époque très reculée. De Can- 
dolle, ibid. Quoi qu'il en soit de son antiquité, c'était un 
des plus importants produits de la Palestine. Ose., n, 5, 9 
(hébreu, 7, 11). D'après le Talmud, Kethouboth, v, 9, c'est 
en Galilée que le lin était le plus abondant. On trouve 
actuellement en Palestine diverses espèces de lin : 
à côté du Linum usitatissimum et de l'angustifoliimi, 
les espèces ou variétés, Linum humile, Linum orien- 
tale (fig. 81), Linnni spicatum (fig. 82), etc. Les Hébreux, 
qui avaient vu la culture et la préparation du lin chez 
les Égyptiens, leur ont sans doute emprunté leurs procé- 
dés, connus peut-être déjà du reste par les Chananéens. 
Cependant, l'eau étantplus rare en Palestine, ils pouvaient 
ne pas employer le rouissage et se contenter de faire 
sécher les chénevottes au soleil. Il y est fait allusion 
dans Jos., n, 6; Rahab cache les espions juifs sous des 
tiges de lin étendues sur le toit plat de son habitation : 
elle était alors occupée, explique Josèphe, Ant. jud., V, 
I, 2, à sécher des bottes de lin sur le toit de sa maison. 
On fait mention du filage du lin dans Prov., xxxi, 13, 
19; il y est dit de la femme laborieuse : 

Elle se procure la laine et le lin 
Et travaille de sa main joyeuse... 
Elle met la main à la quenouille 
Et ses doigts prennent le fuseau. 

Le Talmud parle fréquemment de l'ensemencement, 



■261 



LIN 



262 



.de la récolte et de la préparation du lin : Tr. Chilaim, 
ix, i; Peah, \i, 5; Baba bathra il, 40; Baba kama, 
X, 9, Therumoth, IX, 1, etc. 

Avec le fil de lin on fabriquait des cordes pour atta- 
cher, Jud., xv, 4, ou des cordeaux pour mesurer les 



général de ce tissu, Lev., xm, 47, 48, 52, 59 : il s'agit en 
ces passages de vêtements de lin, et du fil de lin destiné 
à la chaîne ou à la trame. Tandis que les Orientaux sont 
ordinairement vêtus de laine, les prêtres dans le service 
du temple doivent porter des habits de lin ; tunique, cale- 




79. — Egyptiens récoltant le lin. Sauiet el-Meitin. XII" dynastie. 
D'après Lepsius, Denkmâler, Abth. h, Bl. 106-107. 



grandes longueurs, Ezech., XL, 3; de la partie la plus 
grossière de la filasse on faisait des mèches : les enne- 
mis d'Israël devant Jéhovah sont comparés à une 
mèche de lin qui s'éteint, Is., xliii, 17; la douceur 
du Messie est représentée par ce trait qu'il n'éteindra 



çons, mitre; Ezech., xliv, 17, 18; ceinture. Jer., xm, 1. 
Il est défendu de faire des tissus de deux espèces de 
fils, de laine et de lin mélangés. Lev., xix, 19; Deut., 
xxii, 11. Outre cette appellation générale, les étoffes de 
lin portaient, suivant leur couleur ou leur qualité, diffé- 




'K&Wttiiï 




11 



$m&h P 
0=^ 



c=0 



80. — Égyptiennes filant et tissant du lin. Beni-Hassan. XII' dynastie. 
D'après Lepsius, Denkmâler, Abth. n, Bl, 126. 



pas la mèche qui fume encore. Is., xm, 3; Matth., xn, 
20. Le principal usage de lin c'est de servir à la fabri- 
cation de la toile et d'étoffes diverses. Celsius, Hierobo- 
tanicon, in-8», Amsterdam, 1748, t. il, p. 283-312; I. Lôw, 
Aramàische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, 
p. 232-233. 

III. Tissu de lin. — 1» Le nom de la plante de lin, 
pêiep ou au "pluriel pislim, comme dans beaucoup de 
Jangues, a passé à la toile elle-même : c'est le nom plus 



rents noms dont il faut traiter en particulier : bad, Ses, 
bùs. 

2° Le tissu appelé bad. — Le tissu bad, au pluriel 
baddim, était certainement un tissu, une toile de lin. 
Car les habits des prêtres : tuniques, caleçons, ceinture, 
mitre, qui, d'après Exod., xxvin, 42 ; Lev., xvi, 4, sont 
dits être de bad, sont désignés dans Ezech., xliv, 17,18, 
façonnés avec le pUfim, c'est-à-dire le lin. En étoffe bad, 
étaient l'éphod de Samuel, I Reg., il, 18; l'éphod de 



263 



LIN 



264 



David, II Reg., vi, 14; I Par., xv, 27; des simples prêtres, 
I Reg., XXII, 18 (car celui du grand-prêtre, Exod.,XXvm, 
7, est dit fait de SêS). Les vêtements des prêtres étaient 
de bad, Exod., xxviii, 42; Lev., mi, 3 (Yulgate, 10) : ainsi 




81. — Linum orientale. 

D'après l'original recueilli dans la vallée du Gédroû 

par le Fr. Jouannet Marie en août 1890. 

avait-il été prescrit à Aaron et à ses fils. Lev., xvi, 4, 
23, 32. L'homme de la vision d'Ezéchiel qui porte une 
écritoire à la ceinture est, comme les prêtres, vêtu de 
bad. Ezech., ix, 2, 3, 11 ; x, 2, 6, 7. L'homme à la cein- 
ture d'or qui est au-dessus des eaux dans la vision de 
Daniel sur les bords du Tigre, Dan., x, 5; xii, 6, 7, porte 
également des vêtements de bad. 

3° Le SêS. — Le ses est mentionné pour la première 
fois dans l'histoire de Joseph. Gen., xil,42. Pour paraître 
devant le Pharaon, il doit se revêtir de Ses. Cf. Hérodote, 
h, 37. Les tentures du Tabernacle et le voile de l'entrée 
étaient en SêS retors, c'est-à-dire formé de plusieurs fils 
tordus ensemble. Exod., xxvi, 1, 36; xxvn, 9, 16, 18; 
xxxv, 25, 35 ; xxxvi, 8 ; xxxix, 9, 16, 23. En SêS étaient 
les habits d'Aaron et de ses fils, Exod., xxvm, 5, 6, 33, 
39; l'éphod et la ceinture d'Aaron, Exod., xxxix, 2, 5; 
et les autres vêtements sacrés. Exod., xxxix, 27, 28. Le 
Ses fait partie des offrandes du peuple. Exod., xxv, 4. 
Ézéchiel, xvi, 16, 13, représente Jérusalem revêtue de 
Ses, avec un voile ou turban de Ses sur la tête. La 
femme laborieuse a des vêtements de sêS et de pourpre. 
Prov., xxxi, 22, Les voiles des vaisseaux de Tyr étaient 
faites de SêS d'Egypte, brodé de couleurs variées. Ezech., 
xxvn, 7. Le ses paraît bien être substantiellement de la 
même matière que le bad. Les mêmes vêtements des 
prêtres sont dits tantôt faits de ses, Exod., xxviii, 40, 
tantôt de bad. Levit., xvi, 4. L'un et l'autre mot sont 
également traduits par le chaldéen bûs, qui sert aussi 
à rendre pistim, le lin. Il parait donc que le ses est du 
lin comme le bad. « Partout dans le livre de la Loi, dit 
Maimonide, Halach. kelê ham-mikdasch, c. vin, 13 
(cité dans J. Braun, Vestitus sacerdotum Hebrteorum, 



Leyde, 1680, p; 25), Ses ou bad signifie lin (piHim) et 
c'est le byssus (bûs).. » Mais les auteurs ne s'entendent 
pas pour déterminer quelle différence existe entre ces 
deux espèces de lin. D'après les uns, le bad serait le lin 
ordinaire et le ses le fin lin, de couleur très blanche. 
D'après d'autres à la suite de Maimonide et Abarbanel, 
la différence viendrait non de la matière, mais du tissage ; 
le bad (cf. bad, « seul ») serait tissé d'un fil simple; le 
SêS (cf. SêS, « six ») de six fils tordus ensemble : ce serait 
pour cela qu'on ajoute souvent moSzâr, de lin retors. 
La difficulté est que dans l'Exode, xxxix, 28, on dit que 
les caleçons des prêtres sont de bdd Ses moSzâr. D'ail- 
leurs sêS, « lin, » ne parait pas se rattacher à la racine 
de Ses, « six, » mais faire allusion plutôt à la blancheur 
de l'étoffe (cf. ses, Esth., i, 6, « marbre blanc; » de même 
en Egypte Ses désigne une pierre blanche). Pour d'autres 
le SêS est le lin d'Egypte, comme le nomme Ézéchiel, 
xxvn, 7; bad, le lin de Palestine et de Syrie, appelé 
après la captivité bûs, lin que le même prophète, xxvn, 
16, fait venir de Syrie. Et comme l'un et l'autre étaient 
du lin, les interprètes chaldéens les rendirent également 
par 6ms, nom plus usité de leur temps pour désigner ce 
tissu. "Voir J. Braun, Vestitus sacerd.Rebrxor., 1. 1, c. n, 
p. 23-35 et c. vu, p. 138-142; et 1. II. c. n, p. 460; dans 
Ugolini, Thésaurus antiquitatum sacrarum, Venise, 
1751, t. xu, col. 798, 830; t. xm, col. 222; A. Dillmann, 
Exodus und Levilicus, in-8°, Leipzig, 1880 (sur Exod., 
xxv, 4), p. 274. Il est à remarquer qu'en égyptien le 
Ses est un tissu d'une spéciale finesse; le suten Ses est 




82. — Linum spicatum. 

D'après l'original recueilli sur le mont da Mauvais-Conseil 

par le Fr. Jouannet Marie en mars 1890. 

du lin très blanc et très fin. On sait que le lin d'Egypte 
était particulièrement estimé. Hérodote, n, 105; Silius 
Italicus, m, 25, 375 ; Trebellius, Vila Gallica, 6. 
4° Le bûs. — Ce nom ne se rencontre que dans les 



285 



LIN 



LINDA 



266 



derniers livres de la Bible hébraïque. David et les lé- 
vites qui portaient l'arche avaient un vêtement (me'îl) de 
bûs. I Par., xv, 27. Les lévites chargés de chanter dans 
le temple avaient aussi des robes de bûs. II Par., v. 12. 
Le roi Hiram envoya à Salomon un ouvrier habile à tis- 
ser le bûs . II Par., H, 13. Le voile à l'entrée du Saint des 
Saints était de bûs. II Par., m, 14. D'après Ézéchiel, 
xxvn, 16, parmi les produits que la Syrie apportait sur 
les marchés de Tyr se trouvait le bûs . Des cordons de 
bûs et de rouge pourpre soutenaient les tentures [de 
coton blanc et de pourpre violette dans le palais d'Assué- 
rus. Esth., i, 6. Mardochée portait un manteau jie bûs 
et de pourpre. Esth., vin, 15. Le mauvais riche, Luc, 
xvi, 19, avait une tunique de byssus. Les auteurs enten- 
dent très diversement quelle étoffe est désignée par ce 
mot, que le grec rend par p-j<jao; et le latin par byssus. 
Les uns y voient le coton, d'autres le lin, d'autres l'un 
et l'autre. Il faut remarquer que le mot bûs est d'usage 
plus récent que les noms précédents, et que le chaldéen 
traduit par ce mot pispim, Ose., u, 9 ; XLrv, 17, 18, etc., 
bad, Le v. , xvi, 4, etc., et 3êS,Gen. ,xu, 42 ; Exod. , xxv, 4, etc. 
Les Septante rendent également par |3i5<x<to; ou pûooivoi; 
le mot bad, I Par., xv, 27, et le mot Ses, Gen., xu, 42. Il 
parait donc que le bûs n'est qu'un nom araméen du 
bad, et aussi du Ses, c'est-à-dire du lin. D'après plu- 
sieurs même le mot byssus viendrait du mot égyptien 
ses précédé de l'article, pe-seS on pi-SeS. Le piWoc d'Hé- 
rodote, il, 86, bandelettes dont on enveloppait les mo- 
mies d'Egypte, était bien du lin, comme l'a montré 
l'étude microscopique de ces bandelettes. Il en est de 
même des baudriers de byssus que portaient les Perses. 
Hérodote, vu, 181. Mais les anciens ne paraissent pas 
avoir toujours nettement distingué dans leurs appella- 
tions les tissus de lin de ceux de coton. On signale, 
I Par., iv, 21, à Jérusalem ou aux environs une fabrique 
de byssus. 

5° On trouve probablement des allusions au lin dans 
Prov., vu, 16, où le mot 'êtûn signifie ou un fll de lin très 
fin dont on se senait pour fabriquer de belles couver- 
tures de lit, ou l'étoffe même faite de ce fil (cf. le grec 
ôOdvïi; voir t. n, col. 2243); également dans Is., m, 23, 
et Prov., xxxi, 24, où le motsôrfm désigne une tunique 
de dessous, faite de lin fin. Cf. le grec, <jiv8iàv. Voir Vête- 
«ents, Tunique. Dans le livre de l'Ecclésiastique, XL, 4, 
on parle du pauvre vêtu de toile de lin grossière, 
(LudXtvov, traduit exactement par la Vulgate, linumcru- 
durn. Celsius, Hierobotanicon, t. n, p. 94. Malheureuse- 
ment le texte hébreu découvert a une lacune à ce mot- 
là même. Dans l'Apocalypse, xv, 6, les anges sont vêtus 
de fin lin blanc. E. Levesque, 

LINCEUL (hébreu : sâdîn; Septante : <xiv8<iv; Vul- 
gate : sindon), pièce d'étoffe servant à envelopper le 
corps. — 1° Le mot hébreu sâdîn, qui se retrouve en 
assyrien sous les formes sudinnou et satinnu, désigne 
originairement un vêtement de dessous, une sorte de 
chemise de lin qui se mettait sur le corps même, par 
dessous les autres vêtements. Cf. Buhl, Gesenius' Mand- 
wôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 559. Le mot grec <nv8<ôv, 
reproduit par le latin sindon, indique un tissu de lin, 
primitivement fabriqué dans l'Inde, 'IvSô;. d'où lui est 
venu son nom. Cf. Hérodote, i, 200; n, 95; Thucy- 
dide, il, 49; Strabon, 693, 717, etc. Il est donc pro- 
bable que la traduction de sâdîn par <7tvSwv n'est 
qu'approximative et repose surtout sur une similitude 
phonétique. Samson proposa une énigme aux Philistins 
et leur promit, s'ils la devinaient, trente sedînîtn,b&6vioi., 
« tuniques de linge, s sindones, et autant de tuniques 
de rechange. Jud., XIV, 12, 13. Les sedînîm sont des 
. chemises de lin qui se portaient la nuit et se gardaient 
le jour comme vêtement de dessous. Cf. Rosenmûller, 
Jesaise Vaticin., Leipzig, 1810, t. I, p. 132. La femme 
louée dans les Proverbes, xxxi, 24, faisait elle-même des 



sedinîm, oivôôvaç, sindonem, et les vendait aux mar- 
chands. Isaïe, m, 23, cite ces sortes de chemises fines, 
ta pû<xoivo, les étoffes de byssus, sindones, parmi les 
objets de toilette dont s'enorgueillissaient les femmes de 
Jérusalem. — Dans le Nouveau Testament, le <riv8<5v 
n'apparaît qu'une seule fois avec le sens de vêtement 
de dessous. Au moment de l'arrestation du Sauveur, un 
jeune homme, réveillé sans doute par le bruit de l'escorte 
qui passait près de sa maison, revêtit à la hâte sa che- 
mise de lin, que les Juifs d'alors ne gardaient pas au lit, 
cf. lken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 544, 
et sortit pour voir ce qui se passait. La conleur blanche 
de son vêtement attira l'attention de l'escorte, désireuse 
avant tout d'éviter qu'on fût averti dans la ville de ce 
qui se préparait. On mit la main sur le jeune homme; 
mais celui-ci s'enfuit en abandonnant ce qui le couvrait 
et échappa à la faveur de la nuit. Marc, xiv, 51, 52. 
Comme le mot nudus, « nu, » s'appliquait souvent, 
chez les anciens, à celui qui n'avait quitté que ses vête- 
ments de dessus, cf. Joa., xxi, 7, il se pourrait que le 
jeune homme en question eût jeté, par-dessus sa che- 
mise, une sorte de drap qu'il abandonna ensuite pour 
s'enfuir. Mais, en Orient, on ne se sert guère, pour 
dormir, que de couvertures de couleur en laine, voir 
Laine, col. 34, Lit, et ces couvertures ne peuvent être 
désignées par le mot sindon, qui ne convient qu'à une 
étoffe de lin. La première explication est donc plus 
probable. 

2° Dans l'Évangile, il est surtout question du lin- 
ceul à propos de l'ensevelissement du Sauveur. Les écri- 
vains sacrés distinguent très nettement entre le a-tvSeàv, 
sindon, linceul qui enveloppait tout le corps, Matth., xxvli, 
59; Marc, xv, 46; Luc, xxm, 53, et le <jov8ipiov, suda- 
rium, pièce de lin beaucoup moins ample qui n'entou- 
rait que la tête du mort. Joa., xi, 44; xx, 7. Le linceul 
de Notre-Seigneur était une pièce d'étoffe de lin, toute 
blanche, qu'acheta Joseph d'Arimathie et dans laquelle 
fut enseveli le corps du Sauveur. Voir Ensevelissement, 
t. ri, col. 1816, 1817. A partir du XIII e siècle, on donna au 
mot sudarium, « suaire, » le sens qui appartenait pro- 
prement au mot sindon, linceul. C'est donc sous le nom 
de suaire qu'on parle le plus habituellement du linceul 
de Notre-Seigneur. Voir Suaire. — Les morts étaient 
ordinairement enveloppés dans un linceul ; mais on ne 
repliait sur eux cette pièce de lin qu'au sépulcre. C'est 
ce qui fait que le jeune homme de Naïm peut se relever 
dans son cercueil ouvert sans être embarrassé par son 
linceul. Luc, vn, 15. Quand Lazare ressuscité parut à 
la porte de son tombeau, il avait les mains et les pieds 
iiés de bandes d'étoffe et la tête entourée d'un suaire 
qui était attaché. Joa., xi, 44. Le linceul proprement 
dit enveloppait le tout; mais il avait dû rester sur la 
banquette de pierre du sépulcre, car l'Évangéliste ne le 
mentionne pas, et d'ailleurs le linceul eût empêché de 
voir les bandelettes des extrémités et le suaire de là tète. 
Le cadavre avait évidemment une autre enveloppe que 
ces bandelettes et ce suaire pour paraître aux yeux des 
assistants. Au moment des fiançailles, les deux futurs 
époux se donnaient mutuellement un vêtement de des- 
sous, un sindon ou chemise, qu'ils mettaient par 
dessus leurs autres vêtements le jour de l'Expiation 
et aux jours ^de jeûne, et avec lequel il était de règle 
qu'on les ensevelit. Cf. Iken, Antiq. hebr., p. 544, 610. 
Cette coutume, que les Juifs prétendent ancienne, était 
probablement déjà en vigueur à l'époque évangélique. 
En tout cas, Lazare ressuscité portait quelque chose 
d'équivalent. Il n'en est point question dans la sépulture 
de Notre-Seigneur, parce que son ensevelissement était 
provisoire et que les soldats avaient pris possession de 
tous les vêtements qu'il portait avant sa crucifixion. 

H. Lesêtre. 

LINDA (Guillaume Damase van), prélat catholique 
hollandais, né à Dordrecht en 1525, mort à Gand le 



207 



LINDA — LION 



268 



11 novembre 1588. Après avoir étudié à Louvain et à 
Paris, il fut ordonné prêtre et chargé d'enseigner l'Écri- 
ture Sainte à Dillingen. Il était inquisiteur de la foi 
dans les provinces de Hollande et de Frise, quand Phi- 
lippe II le désigna vers 1560, pour occuper le siège épis- 
copal de Ruremonde, dont il ne prit possession qu'en 
1567. En 1588, il fut transféré à Gand comme successeur 
de Cornélius Jansénius. Il mourut la même année. Voici 
ses principaux ouvrages : De optimo génère interpre- 
tandi Smpturas, in-8», Cologne, 1558; Panopliaevan- 
gelica, sive de Verbo Dei evangelico, in-f°, Cologne, 
1559; Paraphrasis in Ps. cxvui cum annotationibus 
pro vulgata Psalmorum versione contra judaizantes 
noslrm œtatis interprètes, in-8», Anvers, 1567; Psalte- 
rium vêtus a menais dc repurgatum et de grseco atque 
hebraico fontibus illustratum, in-8», Anvers, 1568; Pa- 
raphrasis in omnes Psalmos, in-8», Cologne, 1576; 
M ysticus Aquilo, in-8», Cologne, 1580, application d'une 
prophétie de Jérémie au schisme de l'Église protes- 
tante ; Glaphyra in Epistolas apocalypticas S. Joannis 
Apostoli cum Ecclesise prosopopœia ad easdem, in-8», 
Louvain, 1590; Paraphrasis in Psalmos pœnitentiales, 
in-8», Cologne, 1609. — Voir A. Havensius, Vita G, Lin- 
dani, in-4°, Cologne, 1609; Valère André, Bibliotheca 
Belgica, p. 323; Foppens, Biblioth. Belgica,t. I, p. 410; 
Dupin, Auteurs ecclésiastiques de i550 à la fin du 
xyi' siècle (1703), p. 473. B. Heurtebize. 

LINDISFARNE (LES ÉVANGILES DE), célèbre 
manuscrit de la Vulgate, maintenant au Musée britan- 
nique, Cotton, Nero D. IV. C'est, au jugement de S. Ber- 
ger (Hist. de la Vulg., p. 39), « le plus beau des manus- 
crits de la famille northumbrienne, le chef-d'œuvre de 
la calligraphie hiberno-saxonne. » En l'examinant, dom 
Morin a découvert qu'une petite liste de fêtes, placée 
en tête de chaque Évangile, est un calendrier d'origine 
napolitaine et voiciL^son explication. Adrien, abbé d'un 
monastère des environs de Naples, qui accompagnait, 
en 668, Benoit Biscop, aurait apporté à Lindisfarne son 
exemplaire des Évangiles, dont notre codex serait une 
copie. Cf. Revue bénédictine, t. vm, 1891, p. 481. — Pour 
le texte, le manuscrit de Lindisfarne a des rapports as- 
sez étroits avec le Codex Amiatinus, copié lui aussi en 
Angleterre, mais sur un original de provenance italienne. 
Il est accompagné d'une traduction interlinéaire en 
anglo-saxon, datant du x e ou du XI e siècle. Une note 
finale du prêtre Aldred nous apprend que le codex fut 
écrit par Eadfrith, évêque de Lindisfarne (698-721), 
orné et illustré par Ethilwald, aussi évêque de Lindis- 
farne (724-740), et relié par Billfrith. Aldred lui-même 
se déclare l'auteur de la glose northumbrienne. — Voir 
S. Berger, Histoire de la Vulgate, Nancy, 1893, p. 39- 
41, 385; Bond et Thompson, Palseogr. Soc, Londres, 
1873-1883, t. i, pi. 3-6, 22; Westwood, Miniatures and 
Ornaments of Anglo-Saxon and Jrish Manuscripts, 
Londres, 1868, pi. xii et xm. — Stevenson et Waring 
ont publié le texte latin et anglo-saxon, en 1854-1865 
(2« édit., 1887); Wordsworth, dans son Novum Te- 
stamentum secundum editionem S. Hieronymi, 
Oxford, 1889-1898, a collationné le texte latin sous le 
sigle y. F. Prat. 

LINGE. Voir Linceul, col. 265. 

LION (hébreu : 'ârî, 'aryêh, lâbi', au féminin : 
lebiyâ'; lebâ'îm, au féminin : lebdôf, employé seule- 
ment au pluriel; laiS, Sahal; chaldéen : 'aryêh; Sep- 
tante : Xéwv, Xéacva; Vulgate : leo), carnassier du genre 
chat, felis leo, dont il forme la plus grande espèce 
{Gg. 83). Pour le petit du lion, voir Lionceau. 

I. Histoire naturelle. — 1» La taille du lion est â 
peu près celle du tigre; elle peut atteindre plus de deux 
mètres, de l'extrémité du museau à l'origine de la 



queue, mais varie suivant les races et les pays; la hau- 
teur est d'un peu plus d'un mètre. Le lion a le poil ras, 
de couleur fauve; dans la plupart des espèces, une forte 
crinière couvre les épaules et la poitrine, et la queue se 




83. 



■ Le lion d'Asie. 



termine par une touffe de même nature. La femelle, 
d'un quart moins grande que le mâle, a la tête moins 
forte et ne porte qu'un poil ras par tout le corps. Après 
une gestation de cent huit jours, elle met bas trois ou 
quatre petits, gros comme des chats de moyenne taille, 
les allaite pendant six mois, veille sur eux avec un grand 
dévouement maternel et ensuite, avec leur père, leur 
apprend à chasser. Le lion tient la tête haute, ce qui 
lui donne beaucoup de majesté. Il vit jusqu'à une qua- 
rantaine d'années. — 2» Terrible carnassier, le lion fait 
une consommation énorme de gibier et d'animaux 
domestiques. On a évalué à 6 000 francs la valeur des 
chevaux, mulets, bœufs, chameaux et moutons qu'un seul 
lion enlève par an aux Arabes d'Algérie. Il est vrai que 
le lion du nord de l'Afrique est particulièrement fort et 
vorace. En général, le fauve ne sort pas pendant le 
jour; il reste indolemment couché dans sa tanière, au 
milieu des broussailles épaisses. Sur le soir, il va s'em- 
busquer, autant que possible, à proximité d'une source 
ou d'une mare, où viennent boire les antilopes, les 
gazelles et d'autres animaux semblables, qu'il né pourrait 
atteindre à la course. D'un bond énorme, il fond sur sa 
proie, lui brise l'épine dorsale par un formidable coup 
de patte ou l'entame à pleine gueule pour la mettre hors 
d'état de fuir. Dans l'une des scènes représentées sur 
l'obélisque noir de Salmanasar, on voit un lion qui se 
jette ainsi sur un cerf (fig. 84). Sur un bas-relief de 
Persépolis, c'est un taureau qui est attaqué. Cf. Babe- 
lon, Manuel d'archéologie orientale,Varis, 1888, p. 174. 
Si le lion n'a pas été heureux dans sa recherche, la 
faim le pousse dans les endroits où sont parqués les 
animaux domestiques. Il franchit en se jouant les plus 
hautes clôtures, saisit sa victime, bœuf, cheval, ou, à 
leur défaut, chèvre, mouton, et l'emporte pour la dévo- 
rer à l'écart. Même en plein jour, s'il n'a pas mangé 
depuis longtemps, il n'hésite pas à fondre sur un trou- 
peau, défendu par ses gardiens et ses chiens, pour y 
prendre ce dont il a besoin. Sa force musculaire lui 
permet non seulement d'emporter de pesants butins, 
mais encore de s'attaquer à toutes les autres bêtes. Le 
tigre seul est capable de lui tenir tête; le buffle ne se 
défend avantageusement avec ses cornes que si le lion 
l'attaque par devant. Le mâle et la femelle chassent 
quelquefois ensemble, surtout quand ils ont à élever 
leurs lionceaux; mais, en général, on ne voit guère plus 
d'un lion fréquenter le même district ; les exigences de 
son alimentation sont telles qu'il ne supporte pas de 
compagnon sur le sol qu'il exploite. — 3» Le lion a une 
certaine crainte de l'homme. Il ne l'attaque que quand 
il a été blessé lui-même ou que sa faim est irrésistible. 
D'ordinaire, s'il est rassasié, il laisse passer l'homme 



239 



LION 



270 



impunément et même s'éloigne à son approche. La 
réputation de générosité qu'on lui a faite ne parait 
guère méritée ; cette générosité n'est autre chose que de 
l'indifférence de la part d'un carnassier déjà repu. Le 



s'effrayer ni de l'odeur ni de la vue du carnassier. Ils le 
forçaient, le perçaient de flèches et l'achevaient à coups 
de lance (flg. 87). Voir diverses autres chasses au lion, 
égyptienne (flg. 88), assyriennes et perses, t. i, fig. 215, 



^ÊUffiÈ^ 













84. — Le lion chassant le cerf. Obélisque de Salmanasar. Brîtish Muséum. 



lion se laisse pourtant apprivoiser aisément (fig. 85). 
Les anciens monarques orientaux avaient des lions qui 
servaient ainsi à leur agrément. Ramsès II en possédait 
un qui l'accompagnait docilement dans ses expéditions 
et donnait avec furie contre les ennemis (flg. 86), Cf. Ro- 
sellini, Monumenti storici, pi. lxxxvh, cvii; Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique, 
t. n, Paris, 1897, p. 393. — 4° Le lion irrité ou affamé 
se bat les flancs avec sa queue et secoue violemment sa 
crinière* A ces indices, l'homme n'a qu'à se tenir à dis- 
tance. Les rugissements que le lion fait alors entendre 
■retentissent au loin, surtout pendant la nuit. Ce sont 
des accents profonds, mêlés par intervalles, de notes 
aiguës, qui terrifient tous les autres animaux, même 
ceux qui sont à l'abri dans des enclos. Ceux qui se sen- 
tent menacés s'enfuient, encore avertis d'ailleurs par les 
fortes émanations qui se dégagent du carnassier. Voir 
Rugissement. — 5° Pour prendre le lion, les anciens 
creusaient une fosse profonde, entourée d'un mur de 
pierres sèches, comme un parc à bestiaux; au sommet 
d'une poutre, plantée au milieu de la fosse, ils atta- 
chaient un agneau ou un chevreau dont les bêlements 
attiraient le fauve. Celui-ci, pour s'emparer de la proie, 
sautait par-dessus le mur et tombait dans le trou dont il 
ne soupçonnait pas l'existence. Les Arabes et d'autres 
peuples africains se servent encore du même procédé 
pour mettre sans danger le lion à portée de leurs coups. 
On laissait l'animal dans la fosse jusqu'à ce que la faim 
l'eût exténué. On y descendait alors une cage, voir t. Il, 
fig. 12, col. 31, au fond de laquelle se trouvait un mor- 
ceau de viande. Le lion une fois entré, on abaissait la 
porte, et la cage contenant le prisonnier était hissée à 
l'aide de cordes. Le lion passait alors dans les parcs 
royaux, où les princes se donnaient le plaisir de le 
chasser. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. m, p. 401- 
402. Les monarques orientaux considéraient la chasse 
des grands fauves comme un service rendu à leurs 
sujets; c'était un office de leur charge au même 
titre que Ja guerre contre les ennemis. Ils poursui- 
vaient le lion les armes à la main, à l'aide de chevaux 
et de chiens assez aguerris à cet exercice pour ne pas 



col. 898; fig. 321, col. 1159; fig. 326, col. 1163; t. n, 
fig. 477, col. 1300. Ils aiment à raconter dans leurs ins- 
criptions leurs exploits cynégétiques. C'est ainsi que, 
sur l'une des siennes, Théglathphalasar I er nous infoi'me 




85. — Lion offert en tribut par un Libyen 

au pharaon Toutankhamen. Thèbes. XVIII" dynastie. 

D'après Lepsius, Denkmaler, Abth. m, Bl. 116. 

qu'en cinq années seulement il a tué à pied cent vingt 
lions à coups de flèches et huit cents du haut de son 
char. Annales de Théglathphalasar 1", col. vi, 1. 58-81; 
Maspero, Histoire ancienne, t. n, p. 662; cf. t. i, p. 62, 
558; t. n, p. 621, 622; t. ni, p. 699. Voir aussi Ctésias 
Persic., 40. 



271 



LION 



272 



II. Les lions en Palestine. — 1" Le lion de Pales- 
tine n'appartenait pas à la même race que celui du nord 
de l'Afrique. Il avait la taille plus courte et plus trapue 
et la crinière moins développée. Il était de la variété des 
lions de Syrie. Aristote, Hùt. animal., vi, 31; ix, 44; 
Pline, H, N., vin, 17, 18. Les lions abondaient en Pa- 
lestine, comme dans le reste de la Syrie. Le roi 
d'Egypte Amenhotep III, qui venait chasser dans ces 
contrées, se vante d'y avoir tué cent douze lions dans les 
dix premières années de son règne, et fit graver à pro- 
lusion sur de gros scarabées d'émail vert le dénombre- 
ment de ses victimes. Cf. Birch, Scarabxi ofAmenophis 



supposer les fréquentes allusions de la Sainte Écriture. 
Il ne paraît pourtant pas qu'ils aient jamais été en me- 
sure de leur taire sérieusement la chasse. Toutefois plu- 
sieurs d'entre eux eurent l'occasion de se mesurer avec 
lui. Près des vignes de Thamnatha, Samson vit venir à 
sa rencontre un jeune lion rugissant et le mit en pièces 
comme un simple chevreau. Quelque temps après, il 
retrouva le corps du lion tout décharné, avec un essaim 
d'abeilles qui avaient fait leur miel à l'intérieur. Ce lut 
le sujet d'une énigme qu'il proposa aux Philistins. Jud., 
xrv, 5-15. Les Assyriens représentent souvent leur géant 
Gilgamès étouffant un lionceau sous son bras. Cette 




Ramsès n, accompagné de son L'on. D'après Champollion, Monuments de l'Egypte et de la Nubie, t. il, pi. xv. 



111, dans les Records of the Past., 1™ sér., t. xii, p. 40. 
La Bible mentionne les lions plus d'une centaine de 
fois, et plusieurs localités de Palestine paraissent avoir 
emprunté à ces animaux le nom qu'elles portent : Laïs, 
Jud., xvm, 29, voir Dan, t. h, col. 1240; Laïsa, Is., x, 
30, et Lebaoth ou Bethlebaoth, « demeure des lionnes, » 
Jos., xix, 6. Voir Bethlebaoth, t. i, col. 1688. Mais c'est 
surtout dans les épais fourrés de la vallée du Jourdain 
que les lions avaient leurs repaires. Jer., xlix, 19; l, 
44; Lam., m, 10; Zach., xi, 3. Ils disparurent peu à peu 
de Palestine, en même temps que les grandes forêts qui 
abritaient le gros gibier. Il en existait pourtant encore 
au v» siècle, S. Jérôme, In Zach., III, n, 5, t. xxv, 
col. 1500, et même au xn e . Jean Phocas, De lotis san- 
ctis, xxin, t. cxxxiii, col. 952; Reland, Palœstina illu- 
strata, Utrecht, 1714, t. i, p. 274; cf. p. 97. Il est dou- 
teux, malgré les dires des Bédouins, qu'il en reste 
aujourd'hui en Arabie. — 2° Les anciens Israélites se 
trouvèrent souvent en lace du lion, comme le laissent 



image se retrouvait entre les taureaux ailés du palais de 
Sargon à Khorsabad. Voir t. H, flg. 246, col. 667. — David 
raconte à Saûl que, quand il était berger, si un lion ou 
un ours lui ravissait une brebis, il courait après le 
fauve et arrachait la brebis de sa gueule; parfois le 
lion se dressait contre lui, mais il le saisissait à la 
gorge et le tuait. I Reg., xvn, 34, 35; Eccli., xlvii, 3. 
Une tablette chaldéenne représente un berger qui, la 
hache à la main, dispute à un lion le taureau qu'il 
vient de terrasser (flg. 90). — Un des chefs militaires 
de David, Banaïas, avait tué un lion dans une citerne. 
II Reg., xxiii, 20; I Par., xi, 22. Voir Banaïas, t. 1, 
col. 1424. — Un autre berger, le prophètç Amos, m, 12, 
parle du gardien du troupeau qui arrache à la gueule 
du lion deux jambes ou un bout d'oreille. Ces audaces 
réussissent ass_ez souvent avec le lion déjà rassasié, sur- 
tout avec le lion de Syrie. Celui d'Afrique était plus 
féroce et se fût montré moins accommodant. C'est en 
songeant à ce dernier que, pour détourner les Israélites 




o 

I 



275 



LION 



27G 



d'aller chercher un appui en Egypte, Isaïe, xxx, 6, dit 
que de ce pays sortent le lion, la lionne et d'autres bêtes 
dangereuses. Cf. Sap., xi, 18. — 3° Le lion, de son côté, 
fit des victimes en Palestine. Le prophète de Bethel s'en 
retournait, après avoir reproché à Jéroboam son culte 
schismatique, puis revenait sur ses pas malgré l'ordre 
du Seigneur, quand un lion le tua en chemin, sans ce- 
pendant faire de mal à son âne. III Reg., xm, 24-29. 
Pareil sort fut infligé à un fils de prophète qui ne sut 
pas obéir. III Reg., xx, 36. — Lorsque les colons en- 
voyés de la Babylonie vinrent occuper le territoire de 
Samarie, ils eurent à compter avec les lions qui s'étaient 
enhardis et multipliés, grâce à la dépopulation du pays. 
Ils s'imaginèrent alors que les ravages faits par les lions 
au milieu d'eux avaient pour cause la colère du dieu 
local, qu'ils ne savaient pas honorer. C'est pourquoi 
Sargon leur envoya des prêtres Israélites pour les in- 
struire. IV Reg., xvn, 25-27. Les colons se constituè- 
rent des dieux divers. Les Cuthéens se mirent à hono- 
rer Nergal, comme ils le faisaient déjà dans leur pays 
d'origine. Voir Cutha, t. n, col. 1161; Nergal. Cf. Schra- 



présence des admirables bas-reliefs de chasses d'Assur- 
banipal, transportés à Londres, où nous voyons amener 
sur le terrain, dans des cages, les lions gardés pour les 
plaisirs du roi. » Fr. Lenormant, La Divination chez 
les Chaldéens, Paris, 1875, p. 192. Voir t. n, fig. 12, 
col. 31. On sait que déjà Sargon gardait des lions dans 
son palais de Dour-Sarroukin, près de Ninive. Maspero, 
Histoire ancienne, t. m, p. 269. Ézéchiel, xix, 6-9, 
parle de l'endroit dans lequel on les enfermait. Il com- 
pare son peuple à un jeune lion qui, fier de sa force, 
se met à tout ravager, comme les autres lions, c'est-à- 
dire comme les autres peuples. Mais les nations d'alen- 
tour se rassemblent contre lui, tendent sur lui leurs 
rets, le prennent dans leur fosse, le mettent en cage et 
le conduisent au roi de Babylone, qui l'enferme dans un 
lieu fortifié, mesodôf, içnjXaxTÎ, carcer. Cette prison forti- 
fiée est la même chose que la fosse où fut jeté Daniel. 
Voir t. n, fig. 60, 61, col. 157. 

IV. Comparaisons tirées des lions. — La force et 
la majesté du lion, ses fureurs, sa cruauté, ont fourni 
maintes comparaisons aux auteurs sacrés. Ils assimilent 




88. — Chasse au lion en Egypte. XI' dynastie. Beni-Hassan. D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. n, BI. 13t. 



der, Die Keilinschriften tund das A. T., Giessen, 1872, 
p. 167. — 4° On trouve dans la Sainte Écriture différentes 
remarques au sujet des lions. Dieu prend soin de la 
lionne et de ses petits. Job, xxxvm, 39. « Le lion est sur 
le chemin ! y> dit le paresseux qui ne veut pas sortir. Prov. , 
xxn, 13; xxvt, 13. Le lion chasse l'onagre, Eccli., xm, 23 ; 
XXVII, 11 ; il rugit en saisissant sa proie. Am., m, 4. Les 
excavations minières lui sont inconnues. Job, xxvm, 8. 
Il est le roi des animaux, Prov., xxx, 30, et pourtant un 
chien vivant vaut mieux qu'un lion mort. Eccle., IX, 4. 
III. Les lions en Chaldée. — Les lions ont toujours 
habité en grand nombre dans les marais et le» buissons 
de Ja Mésopotamie. Ammien Marcellin, XVIII, vu, 5. 
Ils sont de deux espèces, que distinguent surtout l'abon- 
dance ou l'absence de la crinière. Les anciens rois assy- 
riens, chaldéens et perses étaient grands chasseurs de 
lions. On donnait au carnassier le nom de lik makh, 
« grand chien. » Cf. Layard, Nineveh and Babylon, 
Londres, 1853, p. 487. Par deux fois, Daniel fut jeté à 
Cabylone dans une fosse aux lions. La première fois, il 
avait continué à adorer son Dieu, malgré les ordres du 
roi. La seconde, il avait refusé d'adorer Bel et s'était 
vu mettre dans une fosse qui contenait sept lions affa- 
més. Le résultat fut le même dans les deux cas. Les 
fauves respectèrent le prophète, mais ensuite dévorèrent 
sur-le-champ ses accusateurs jetés à sa place. Dan., vi, 
16-24; xiv, 30-41; I Mach., n, 60; Heb., xi,33. La fosse 
aux lions est appelée gob ou gubbd' ; elle a une ouver- 
ture que l'on peut fermer solidement par une pierre et 
sur laquelle le roi appose son sceau. Voir Fosse, t. n, 
col. 2329. « La fosse aux lions devient pour nous un 
détail d'une exactitude et d'une précision topiques, en 



tour à tour au lion :1° Dieu lui-même. Dieu est terrible 
comme un lion dans l'exercice de sa justice vengeresse. 
Is., v, 29; xxxvm, 13; Jer., xxv, 38; xlix 19; l, 44; 
Lam., m, 10; Ose., v, 14; xm, 8; Am., m, 8; Eccli., 
xxvii, 31; xxvm, 27. Il poursuit Job comme un lion. 
Job, x, 16. Mais aussi c'est avec l'intrépidité d'un lion, 
inaccessible aux menaces des bergers rassemblés contre 
lui, qu'il prendra la défense d'Israël contre les nations. 
Is., xxxi, 4. — 2° Plusieurs tribus Israélites. « Juda 
est un jeune lion. » Gen., xlix, 9. Voir Juda 6, t. m^ 
col. 1770. Comme descendant de cette tribu, Jésus-Christ 
est appelé « le lion de la tribu de Juda ». Apoc, v, 5. 
« Gad repose comme une lionne, il déchire le bras et la 
tête... Dan est un jeune lion qui s'élance de Basan. » 
Deut., xxxiii, 20, 22. Voir Dan, t. n, col. 1240; Gad, 
t. m, col. 31. — 3° Le peuple d'Israël. Balaam dit 
de lui : « C'est un peuple qui se lève comme une lionne 
et qui se dresse comme un lion. » Num., xxiii, 24; 
xxiv, 9. Israël infidèle fait dire à Dieu : « Mon héritage 
est pour moi comme un lion dans la iorêt; il pousse 
contre moi ses rugissements. » Jer., xn, 8. Ézéchiel, 
xix, 1-6, compare les exploits et les malheurs de son 
peuple à ceux d'un jeune lion. Après la restauration 
messianique, le reste d'Israël sera au milieu des nations 
comme le lion au milieu des bêtes de la forêt, foulant 
aux pieds et déchirant sans que rien puisse lui résister. 
Mich., v, 7. — 4° Les nations étrangères. Nahum, 
il, 12-13, compare Ninive à un repaire de lions : là 
gîtaient le lion, la lionne et les lionceaux; le lion chas- 
sait pour ses petits et apportait des proies dans son 
antre. Le Chaldéen, comme un lion qui s'élance de son 
taillis, marche contre Jérusalem. Jer., iv, 7; cf. h, 15j 



277 



LION 



278 



v, 6; l, 17. Israël coupable est en face des nations 
comme celui qui fuit devant un lion. Am., v, 19. Mais, 
à leur tour, les grands de Babylone, poursuivis par le 
Seigneur, pousseront des rugissements de lions. Jer., 







89. — Berger défendant son troupeau contre un lion. 
D'après Lottus, Travela and Researches in Chaldsea, p.258. 

li, 38; cf. Ezech., xxxvm, 13; Zach., xi, 3. — 5° Les 
rois. Leur colère est terrible comme le rugissement du 
lion. Prov., xix, 12 ; xx, 2. Leur injustice n'est pas moins 
redoutable. Prov., xxvm, 15. Ézéchiel, xxxn,2, compare 
le roi d'Egypte à « vin lionceau parmi les nations ». 
Esther, xiv, 13, se prépare à paraître devant Asbuérus 
comme « en présence du lion ». Les monarques orien- 
taux aimaient à se comparer à des lions. Osortésen se 
fait appeler « un lion qui frappe de la griffe et ne 
lâche jamais son arme »; Thothmés III est qualifié de 
« lion fascinateur » dans un hymne du temps, et 
Sennachérib raconte qu'il partit à la guerre m en vrai 
lion ». Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 466; t. h, 
p. 270; t. m, p. 306. Saint Paul, épargné une première 
fois au tribunal de Néron, dit qu'il a échappé à la 
« gueule du lion ». II Tim., iv, 17. — 6" Les guerriers 
valeureux. Saûl et Jonathas étaient forts comme des 
lions. II Reg., 7, 23. Les Gadites qui se joignirent à 
David étaient « semblables à des lions ». I Par., xn, 8. 
Cf. Is., xv, 9. Même celui qui avait un cœur de lion 
tremblait devant David et ses braves. II Reg., xvn, 10. 
Judas Machabée est comparé à un lion qui rugit sur sa 
proie, I Mach., m, 4, et ses guerriers sont comme des 
lions. II Mach., xi, 11. — 7° Les persécuteurs. Dans 
Job, iv, 9-11, Éliphaz montre les méchants exterminés 
par le souffle de Dieu : 

Le rugissement du lion Çaryêh), la voix du lion (Sâfyar), 

Les dents des lionceaux (kefirîm) sont brisées, 

Le lion (taîS) périt faute de proie, 

Et les petits du lion (lâbV) sont dispersés. 

Presque tous les noms du lion sont réunis dans ce 
texte. Les ennemis du juste sont des lions qui se tien- 
nent aux aguets, rugissent, écrasent, déchirent et 
dévorent. Ps. vu, 3; x, 9; xvii (xvi), 12; xxxv (xxxiv), 
17; lvi (lv), 5; lviii (lvii), 7; xci (xc), 13; civ (cm), 
21. Le glaive des chefs d'Israël dévore les prophètes, 
« comme un lion destructeur. » Jer., n, 30. Les faux 
prophètes sont à leur tour des lions qui déchirent leur 
proie. Ezech., XXII, 25. Les chefs impies de Jérusalem 
sont qualifiés de même. Soph., m, 3. — Au Psaume 
xxn (xxi), 17, le texte massorétique actuel porte kâ'âri 
que beaucoup d'exégètes traduisent ainsi : 

Voici que des chiens m'environnent, 

Une-troupe de scélérats m'assiègent, 

Comme un lion (fcd'drî), mes mains et mes pieds, 

3a puis compter tous mes os. 



Au lieu de >-ito, kâ'âri, « comme un lion, » les 
anciennes versions ont toutes lu un verbe, probable- 
ment n»3, kà-ârù, « ils ont percé; » la différence entre- 
les deux mots n'est que d'un > à un i, si souvent écrits 
l'un pour l'autre. Septante : upul-av, « ils ont percé; » 
de même dans les versions syriaque, arabe, éthiopienne 
et copte. Aquila, d'abord îfaxtjvav, « ils ont souillé, » 
puis èiréôïio-av, « ils ont lié; » Symmaque : ciç ÇijToOvtes' 
Br^aat, « cherchant à lier ; » Vulgate : foderunt, « ils. 
ont percé; » saint Jérôme : fixerunt, « ils ont fixé, » et 
dans quelques manuscrits : vinxerunt, « ils ont lié. » 
La paraphrase chaldaïque réunit les deux leçons : « ils- 
mordent comme un lion mes mains et mes pieds. » La 
leçon kâ'ârû est donc bien établie, d'autant plus que les- 
notes massorétiques elles-mêmes indiquent la leçon 
kâ'ârû parmi les variantes de ce passage. L'idée qu'elle 
exprime est d'ailleurs conforme à ce qui est dit du Mes- 
sie dans d'autres passages. Is., lui, 5; Zach., xn, 10. Cf. 
Frz. Delitzsch, Die Psalmen, Leipzig, 1873, t. i, p. 225. 
Le parallélisme, que défigure totalement la traduction 




90. — Trône égyptien, avec des accoudoirs en forme de lions. 
D'après Charopollion, Monuments de VÉgypte, t ni, pi. CCI. vin. 

moderne, redevient parfait, quant à la forme et quant au 
londj si l'on traduit : 

Ils percent mes mains et mes pieds, 
Je puis compter tous mes os. 

Enfin la leçon kâ'ârû se retrouve dans la polyglotte 



279 



LION — LIQUEURS ENIVRANTES 



280 



de Complute et dans quelques manuscrits, et Buhl, 
Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 355, 
constate qu'elle s'harmonise mieux avec le contexte 
que celle des massorètes. Le mot vient d'une racine 
kâ'ar, ayant le même sens que kârâh, « creuser, per- 
cer. » Les lions ne sont donc pas en cause dans ce 
texte. Cf. Lesétre, Le Livre des Psaumes, Paris, 1883, 
p. 99-100. — A la restauration d'Israël, il n'y aura pas 
de lion sur le chemin de son retour, Is., xxxv, 9, et, au 
temps messianique, le lionceau et le veau vivront en- 
semble. Is., xi, 6-7; lxv, 25; — 8° Enfin la Sainte 
Écriture compare encore au lion différents êtres, soit 
en bien, soit en mal : le juste à qui sa bonne conscience 
donne une pleine sécurité, Prov., xxvin, 1; la senti- 
nelle de Babylone, Is., xxi, 8, et un ange des derniers 
jours, Apoc, x, 3, dont la voix retentit comme le rugis- 
sement du lion; la méchante femme, plus à redouter 
que le lion, Eccli., xxv, 23; la sauterelle, dont la dent 
ravage comme celle du lion, Joël, i, 6; le péché, dont 
les morsures sont comme celles du lion, Eccli., xxi, 3, 
et le démon, lion rugissant qui cherche à dévorer les 
âmes. I Pet., v, 8. 

V. Les lions symboliques. — 1° Dans les visions 
d'Ezéchiel, i, 10; x, 14; xli, 19, il est question de 
chérubins ayant une face, c'est-à-dire une apparence de 
lions et des formes rappelant celles de ces animaux. 
Plusieurs de ces êtres symboliques ont, en effet, un 
corps de lion. Voir t. i, fig. 69, col. 313, et Chérubin, 
t. il, col. 665, et fig. 247, col. 671. — 2° Dans sa vision 
des quatre animaux, Daniel, vu, 4, signale d'abord un 
lion avec des ailes d'aigle. C'était le symbole de l'em- 
pire assyro-babylonien, représenté par un animal fami- 
lier aux peuples de cet empire et caractéristique de la 
force et de l'activité conquérante. Voir Daniel (Le 
livre de), t. il, col. 1274. Une inscription d'Assurba- 
nipal mentionne les taureaux et les lions ailés, lamassi, 
qui ornaient son palais de Babylone. Cf. Talbot, dans 
les Transactions of the Society ofbiblic. Archœol., 1873, 
t. H, p. 363. — 3» Parmi les quatre animaux présents 
devant le trône de l'Agneau, saint Jean, s'inspirant de 
la description d'Ezéchiel, i, 5-14, en nomme d'abord un 
qui est semblable à un lion. Apoc, iv, 7. Plusieurs 
Pères voient dans ce lion la figure de saint Marc. S. 
Ambroise, Expos. Evang. S. Luc., Proœm., t. xv, 
col. 1532; S. Jérôme, In Ezech., i, 7; In Matth. 
Prol., t. xxv, col. 21; t. xxvi, col. 19; S. Grégoire le 
Grand, In Ezech., hom., I, IV, 1, t. lxxvi, col. 815, etc. 
Voir Marc (Saint). Cependant le symbole du lion est 
appliqué à saint Jean par saint Irénée, Cont. hseres., 
m, 11, t. vil, col. 887, et à saint Matthieu par saint 
Augustin, De consens, evang., i, 6; In Joan., xxvi, 5, 
t. xxxiv, col. 1046; t. xxxv, col. 1666. Saint Jean voit 
encore des sauterelles qui ont des dents comme celles 
des lions, Apoc, IX, 8, cf. Joël, i, 6, et des chevaux qui 
ont des têtes de lions. Apoc, ix, 17. Enfin il décrit 
une bête à sept têtes, dont les bouches ressemblent à 
celles du lion. Apoc, xm, 2. Ces divers animaux 
symboliques empruntent au lion ses caractères terribles 
et malfaisants. 

VI. Les lions sculptés. — 1° Salomon fit exécuter 
pour le service du Temple dix bassins d'airain, placés 
chacun sur un piédestal composé d'une partie carrée 
que surmontait uue partie cylindrique. Sur les champs 
de ces deux bases superposées étaient représentés en 
relief des lions, des bœufs, des chérubins et des palmes. 
III Reg., vu, 29, 36. Sennachérib fit fondre aussi 
douze grands lions de bronze pour la résidence qu'il se 
bâtit àNinive. Maspero, Histoire ancienne, t. m, p. 311. 
— 2° Salomon se fit encore exécuter un trône d'ivoire 
avec des ornements d'or. Il y avait deux lions près des 
bras et douze lions sur les six degrés de part et d'autre. 
III Reg., x, 19; II Par., ix, 18. Les anciens monuments 
représentent des sièges où des lions servent d'accou- 



doirs (fig. 90) Beaucoup d'autres sièges sont ornés de 
tètes ou de pattes de lions. Cf. t. il, fig. 72, col. 224; 
t. m, fig. 100, col. 411. On trouve même des lits dont 
les côtés longs sont formés de deux lions qui s'étirent, 
la tête au chevet et la queue aux pieds du dormeur. 
Voir Lit, fig. 93, col. 286. Les lions des degrés du trône 
de Salomon formaient une sorte d'allée qui s'inspirait 
sans doute des allées de sphinx ou de béliers qui 
menaient à certains temples égyptiens. Ces lions 
étaient des symboles de puissance et de majesté. Il 
est dit du trône de Salomon que rien de pareil n'avait 
été fait pour aucun royaume, ILI Reg., x, 20. Voir 
Trône. H. Lesêtre. 

LIONCEAU, jeune lion.La langue hébraïque distingue 
le lionceau du lion par des noms particuliers. Il est 
appelé gûr 'aryêh, « un jeune lion, » Gen., xlix, 9 
(Vulgate : catulus leonis); bén lâbV, ce fils de lion, » 
Job, iv, 11 ; mais il porte le nom spécial de kefir dans 
Ps. xvn (xvi), 12; civ (cm), 21 (Septante : cre0[ivo;; Vul- 
gate : catulus leonis); Is., xi, 6. et dans Ézéchiel, xix, 
2, 3, 5 (Septante : «xxiijivo;; Vuigate : leunculus). Dans les 
Juges, xiv, 5, nous lisons : kefir 'ârâyôt, « petit de 
lionnes. » — Kefir se dit aussi métaphoriquement, soit 
d'un homme puissant ou d'un ennemi dangereux, 
Ps. xxxiv (xxxm), 11 (Vulgate : divites); xxxv (xxxiv), 
17; lvih (lvii), 7; Jer., il, 15; Ezech., xxxn,2 (Vulgate : 
leo), soit d'un homme jeune et brave. Ezech., xxxvm, 
13 (Vulgate : leo); Nab., H, 14 (Vulgate : leunculus). — 
Saint Jérôme a traduit par leunculi ou « lionceaux » le 
mot 'àrîm qui signifie « lion » et qui désigne les lions 
sculptés,placés par Salomon sous les bras de son trône 
et sur les degrés par lesquels on y montait. III Reg., xi, 
20; II Par., ix, 19 ('ârdyôf;la. Vulgate a traduit ce même 
mot au verset précédent par leones). Dans I Par., xxvm, 
17, notre version latine parle de « lionceaux d'or » là où 
il est question de « vases à couvercle » ; elle a lu on>S2, 
kefirim, au lieu de omss, kefôrim, qui est la vraie le- 
çon, réclamée par le contexte. 

LIQUEURS ENIVRANTES, boissons fermentées 
qui, bues à l'excès, produisent l'ivresse. Les anciens 
n'ont pas connu les liqueurs proprement' dites, dans 
lesquelles on utilise les produits de la distillation des 
fruits ou des grains; car la distillation ne remonte pas 
au delà du XIV e siècle. Mais ils savaient fabriquer des 
boissons fermentées, le vin, avec ses différentes espèces, 
voir Vin, et d'autres liqueurs enivrantes généralement 
désignées sous le nom de ëêkdr, «n'xepa, sicera. 

1° La sicera. — Saint Jérôme, In Is., xxvm, 5, 
t. xxiv, col. 317, définit la sicera ce toute boisson capable 
d'enivrer et de bouleverser l'esprit, ce qui fait qu'Aquila 
traduit le mot par ce ivresse ». On la fabrique avec le 
froment, l'orge, le millet, le suc des fruits, le fruit du 
palmier et d'autres substances analogues ». Cf. S. Am- 
broise, De Elia et jejun., xv, 54, t. xiv, col. 717. Les 
Égyptiens fabriquaient avec de l'orge une sorte de bière, 
le Çûdoc ou oîvoc xpc8(voç, ce vin d'orge. » Cf. Hérodote, 
il, 77; Théophraste, De caus. plant., xi, 2; Strabon, 799; 
Diodore de Sicile, I, 20, 34 ; îv, 2, etc. Les Septante 
emploient le mot ?ii8o; dans la traduction d'Isaïe, xix, 10, 
et saint Jérôme, t. xxiv, col. 253, dit que le Çû6oç est une 
boisson faite de fruits et d'eau, ce qui donne un liquide 
trouble et comme mêlé de lie. En Dalmatie et en Pan- 
nonie, ajoute-t-il, on appelle cette boisson sabaium. 
Ammien Marcellin, xxvi, 8, nomme aussi sabaia le breu- 
vage que les pauvres de l'IHyricuna fabriquaient avec de 
l'orge ou du froment. La bière des Égyptiens fut bien 
connue en Palestine. Cf. Pesachim, m, 1. On ajoutait à 
l'orge certaines herbes, comme le lopin ou la berle, cf. 
Columelle, x, 114, de même que nous y-mêlons du hou- 
blon. Les Arabes mélangent à la bière des épices ou 
aromates qui en relèvent le goût. Cf. Burkhardt, Travels 



281 



LIQUEURS ENIVRANTES — LIS 



m 



in Aràbia, Londres, 1829, t. i, p. 213. Isaïe, v, 22, mau- 
dit ceux qui sont forts pour boire du vin et vaillants pour 
mélanger le êekâr. Il s'agit là d'un mélange de la bois- 
son avec des aromates de toutes espèces, destinées à la 
rendre plus agréable et plus forte. Cf. Rosenmûller, 3e- 
saiee vaticin., Leipzig, 1810, t. i, p. 78. Les Arabes font 
aussi une sorte de boisson composée avec de l'orge et 
de la réglisse. Cf. de la Roque, Voyage dans la Pales- 
tine, Amsterdam, 1718, p. 196. Saint Jérôme, Epist. lu, 
ad Nepotian.,ii, t. xxii, col. 536, 537, énumère encore, 
sous le nom de sicera, la boisson faite avec le suc des 
fruits, le breuvage doux et barbare obtenu en faisant 
bouillir les rayons de miel, et le liquide épais que pro- 
duisent les fruits des palmiers et les grains bouillis. Les 
grains bouillis donnent les différentes espèces de bière. 
Le suc des fruits fournit le cidre, dont il n'est question 
que dans la Mischna, Therumoth, XI, 2. Les Arabes font 
une boisson avec des abricots et des fruits secs, raisins 
ou autres, qu'on met infuser dans l'eau pendant un jour. 
Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, p. 195. 
Peut-être les Hébreux avaient-ils quelque chose d'ana- 
logue. Le miel entrait, avec le vin et des épices, dans la 
composition d'un breuvage appelé par les Grecs otvôjieXi, 
Polybe, xii, 2, 7; Dioscoride, v, 16, et mentionné sous 
le même nom dans la Mischna, Schabbath, XX, 2; Theru- 
moth, xi, 1. Saint Jérôme appelle « barbare » le procédé 
qui consiste à faire dissoudre le miel dans l'eau pour 
obtenir une boisson douce et sucrée. Les Romains et 
les Grecs préféraient en effet roiv<$(ie>i, dont le goût flat- 
tait davantage. Ils connaissaient cependant l'iSptfjAeXi, 
Dioscoride, v, 17; Gallien, VI, 274, ou |j.e)itxpaTov, Hip- 
pocrate, Aphor., 1254; Aristote, Metaph., xm, 6, 1, mé- 
lange d'eau et de miel ou hydromel, qui, après ébullition 
et refroidissement, entre en fermentation et devient un 
breuvage agréable au bout de quelques semaines. Il y 
avait aussi le [iyjXo[ieXc, Dioscoride, v, 39, mélange de 
jus de pomme ou de coing avec le miel, devenant l'iSpi- 
l«iXov par addition d'eau. Cf. Dioscoride, v, 30; Artémi- 
dore, I, 66. Les Hébreux recueillaient le miel à profu- 
sion, voir Miel; ils ont dû l'utiliser dé plusieurs ma- 
nières pour se procurer des boissons. Le vin de dattes 
était fabriqué en Egypte. Cf. Hérodote, n, 86; m, 20. On 
mélangeait les fruits écrasés avec une certaine quantité 
d'eau et la fermentation se produisait. Cf. Pline, H. N., 
xiv, 19, 3. Les Arabes modernes n'écrasent plus le fruit 
pour obtenir le vin de dattes. Cf. Burckhardt, Travels 
in Arabia, t. Il, p. 264. Les dattes fermentées four- 
nissent aujourd'hui une liqueur nommée nectar des 
dattes. Ce qu'on appelle le vin de palme provient de la 
fermentation de la sève des palmiers à fruit non comes- 
tible, comme le phœnix sylvestris. Los Hébreux n'ont 
certainement connu que la boisson faite avec les dattes 
macérées dans l'eau. 

2° Les liqueurs fortes dans l'Écriture. — Le via et les 
liqueurs enivrantes furent défendus à Aaron et à ses fils, 
Lev., x, 9, à celui qui faisait le vœu du nazirat, Num., 
vi, 3, à la mère de Samson, Jud., xm, 4, 7, 14, et à saint 
Jean-Baptiste. Luc, i, 15. Les Hébreux n'en burent 
point au désert. Deut., xxix, 6. Il leur était loisible 
d'en boire dans les festins, spécialement dans ceux qui 
accompagnaient le paiement des dîmes. Deut., xiv, 26. 
Il était conseillé de donner des liqueurs fortes à celui 
qui allait périr, afin d'atténuer sa sensibilité à la souf- 
france, Prov., xxxi, 6, et en général, d'après le parallé- 
lisme, à quiconque se trouvait dans une grande affliction, 
afin de le remonter. Cf. Marc, xv, 23. A une certaine 
époque, on abusa beaucoup des liqueurs enivrantes, 
qui engendrent le tumulte. Prov., xx, 1. Isaïe, v, 11, 
maudit les buveurs de boissons fortes; il accuse les 
prêtres, les prophètes et les chefs du peuple de se 
livrer à «et excès, ls., xxvin, 7; lvi, 12, et il leur prédit 
que, quand le châtiment va arriver, ils trouveront ces 
liqueurs bien amères, Is.,xxrv,9, et qu'ils chancelleront 



alors, même sans en avoir bu. Is., xxrx, 9. Miellée, 
il, 11, se moquant des prophètes de mensonge, dit. 
au peuple : « Qu'on vous parle de vin et de liqueur 
forte, et l'on est votre prophète ! » Voir Ivresse, t. ni, 
col. 1048. H. Lesètre. 

LIS (hébreu : SûSan deux fois, et sôëân deux fois; au 
pluriel Sôsannîni neuf fois, et à la forme féminine Sô- 
Sanndh, quatre fois ; Septante : xpîvov ; Vulgate : lilium), 
fleur et motif d'architecture. 

I. Description.— Entre toutes les Liliacées auxquelles 
il a donné son nom, le genre Lilium se distingue par 
son port majestueux qu'il doit à sa tige élancée et 
leuillée jusqu'au sommet, où elle se termine par une 
grappe de larges fleurs. Le type du genre, Lilium can- 
didum de Linné (fig. 91), est le seul de ses congénères- 




91. — Lilium candidum. 

dont les pétales soient d'un blanc pur avec une cour- 
bure légère à l'extrémité. Chez tous les autres, ces mêmes 
organes sont fortement révolutés avec des nuances pour- 
pres ou dorées. De son bulbe écailleux et jaunâtre 
monte une tige entièrement glabre ainsi que les nom- 
breuses feui-les dont elle est revêtue et qui vont en 
diminuant de taille progressivement. Les fleurs, d'une 
odeur suave, sont portées par des pédoncules dressés à 
sommet légèrement incliné. Les anthères oscillantes 
sont gorgées d'un pollen jaune abondant. Cette belle 
plante, cultivée partout, semble parfaitement spontanée 
sur les pentes du Liban. F. Hy. 

II. Exégèse. — 1° Fleur. — D'après les textes bibli- 
ques, le sôsân est une fleur qui croit dans les vallées, 
Cant., il, 1; dans les prairies où les bergers font paître 
leurs troupeaux, Cant., n, 16; vi, 3 (Vulgate, 2); dans les 
champs où broutent les gazelles, Cant., iv, 5; dans les 
jardins, Cant., vi 2 (Vulgate, 1); il vient en grande abon- 
dance, si bien qu'on lui compare Israël qui se multiplie 
et refleurit après l'exil, Ose., xrv, 6; il pousse même 



283 



LIS 



284 



•au milieu des épines, Cant., n, 2; le long des eaux 
courantes, Eccli., I, 8; il est d'une couleur éclatante, 
probablement rouge, d'après Cant., vu, 2, 3 et v, 13; 
quoique quelques-uns voient dans ce dernier passage 
une allusion à son parfum comparé à la myrrhe; en 
■fleurissant, il répand une odeur délicieuse, Eccli., xxxix, 
15; le Nouveau Testament, Matth., vi, 38-39; Luc, xn, 
27-28, fait allusion à la richesse de son coloris, près 
duquel pâlissent les vêtements royaux de Salomon. Quelle 
est la fleur de Palestine qui répond à toutes ces condi- 
tions? 

Les Targums et beaucoup d'auteurs rabbiniques tien- 
nent pour la rose, d'autres pour la violette. Mais les 
exégètes sont maintenant d'accord à voir dans le sûSan 
une fleur de la famille des Liliacées, ou d'apparence 
semblable. Si l'on cherche à préciser, la pensée se porte 
naturellement sur le lis blanc ; la traduction de la Vul- 
-gate, les applications mystiques du Cantique des Can- 
tiques y inclinent l'esprit. Mais la plupart des exégètes 
l'écartent, soit parce qu'il n'existe pas en Palestine, ou 
eu moins y est rare, soit parce qu'en grec le lis blanc ne 
se dit pas xpîvov, mais Xeîpiov. 

Le lis blanc est connu en Orient depuis les temps les 
plus anciens. :. on le trouve parfaitement sculpté sur des 
bas-reliefs assyriens (fig. 92), conservés au British Mu- 
séum (n. 76 et 72). G. Rawlinson, The ftve great mo- 
narchies, 2 e édit.,4871, t. i, p. 354. De nos jours, il 
abonde dans certaines parties du Liban, comme dans 
la région voisine de Ghazir en Kesroan, P. Julien, 
L'Egypte, in-8°, Lille, 1891, p. 280, et aussi près de Sidon 
■et de Tyr; mais il paraît être rare maintenant dans la 
Galilée et plus encore dans le reste de la Palestine. 
Sans doute il ne serait pas impossible qu'il y fût autrefois 
plus abondant : on ne saurait toutefois actuellement le 
prouver. Cette condition remplie, et quelques exégètes 
croient qu'elle l'est suffisamment, tous les traits de 
l'Écriture, à leur avis, lui conviendraient parfaitement. 
L. Fonck, Streifzûge durch die Biblische Flora, in-8», 
Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 53-77. D'ailleurs, les lis 
blancs Xeipia sont appelés <7oû<ra (susan) par les Phéni- 
ciens, dit VEtymologium magnum, au mot atâaa.. En 
Espagne le lis blanc se nomme Açuçena, mot d'im- 
portation arabe, alsusen. Il reste cependant des diffi- 
cultés, par exemple : le lis blanc peut sans doute 
s'appeler le lis des champs par opposition au lis des 
jardins; mais il ne convient guère de nommer lis 
des vallées une fleur qui croît surtout sur les hauteurs. 
Son habitat n'est pas non plus au bord des eaux. Enfin 
la comparaison que fait Notre-Seigneur du lis avec les 
vêtements royaux de Salomon éveille l'idée d'une couleur 
comme le rouge plutôt que le blanc. Ces raisons ont 
porté les exégètes à chercher une autre fleur qui rem- 
plisse les conditions. Les uns se sont arrêtés à l'ané- 
mone, Anémone coronaria, qui couvre les champs de 
la Galilée, H. B. Tristram, The nalural History of the 
Bible, in-&», Londres, 1889, p. 464; voir Anémone, t. i, 
col. 574; d'autres au glaïeul, G. Post, Flora of Syria, 
Palestine and Sinai, in-8», Beyrouth js. d.), p. 773; au 
lotus, J. Kitto, A Cyclopœdia of Biblical Lilerature, 
3° édit., Londres, 1866, t. m, p. 845; à la couronne im- 
périale, P. Souciet, Recueil de dissertations critiques 
sur les endroits difficiles de VÉcriture Sainte et sur 
dès matières qui ont rapport à l'Écriture, in-4°, Paris, 
1715, p. 158, etc. 

Pour résoudre celte difficulté de détermination, il est 
important de remarquer que chez les anciens, comme 
du reste chez nous encore parmi le peuple, les noms de 
plantes n'ont pas toujours une acception précise. Ainsi 
chez les Grecs, si le mot Xeîptov a un sens assez déter- 
miné et désigne le lis blanc (quelquefois cependant il 
s'applique au narcisse), le mot plus fréquemment em- 
ployé, xpfvov, a un sens plus général et embrasse avec le 
lis orangé plusieurs autres espèces de plantes. Dios- 



coride, m, 116, qui identifie le <roi3<nvov avec le Xec'pivov 
xpivov, range aussi parmi les xpt'vov la fritillaire impé- 
riale. Hérodote, n, 92, donne le nom de lis, xpivov, au né- 
nuphar blanc ou lotus. Chez les Sémites non plus le mot 




92. — Le lis sur les monuments assyriens. 

D'après C. Rawlinson, The ftve great monarchies, 1871, 
X. I, p. 354. 

susan n'a pas d'acception bien précise. Peut-être leur 
venait-il de l'Egypte où le mot susin désigne le lotus 
blanc. En ce cas il aurait ordinairement changé cette 
signification primitive. Du reste le nom peut avoir pour 
origine en Egypte, comme chez les Sémites, le nombre 
six commun à ces peuples, sans doute à cause du nom- 
bre des pétales de la fleur. Le lis blanc, qui était certai- 
nement connu en Egypte, V. Loret, Études de botanique 
égyptienne, dans Recueil de travaux relatifs à la philol. 
et archéol. égypt., t. xv, in^i°, 1895, p. 185, et servait 
à fabriquer des parfums célèbres, portait un nom diffé- 
rent de susin, « le lotus; » c'est peut-être houruru (cf. 
Xe/piov). Quoi qu'il en soit, le terme arabe susan com- 
prend non seulement le lis, mais, d'après Delille et 
Schweinfurth, le Pancratium Maritimum ou lis Ma- 
thiole, et d'après Ascherson, Die Herkunft des Namens 
Lilium convallium, dans Naturwiss. Wochenschrifl, 
t. ix, 1894, p. 310, l'iris bleu, etc. Cf. Ibn El-Beïthar, 
Traité des simples, dans Notices et extraits des mss. de 
la Biblioth. nation., t. xxv, l re part., 1881, p. 307. Ce 
mot a donc une assez grande élasticité. Il en était ainsi 
probablement pour le sùSan hébreu, il devait embrasser 
plusieurs espèces de plantes de la famille des liliacées, 
des iridées, des amaryllidées, des fritillaires, etc., comme, 
dans le langage vulgaire, nous donnons le nom de lis 
à diverses fleurs, le lis des eaux ou des étangs ou Né- 
nuphar, le lis des vallées ou Muguet, le lis de Saint- 
Jacques ou Amaryllis fortnosissima, le lis d'Espagne 
ou Iris Xyphium, le lis mathiole ou Pancratium mari- 
timum, etc. Ces fleurs, lis, iris, glaïeul répondent dans 
leur ensemble par leur coloris et leur parfum, aux carac- 
tères bibliques du sûsan. Faut-il y faire rentrer une 
plante d'une famille plus éloignée, l'Anémone corona- 
ria? Par son riche coloris et par son abondance dans 
les champs de la Palestine, elle répond à la plus grande 
partie des conditions bibliques. On objecte cependant 
que, contrairement aux autres plantes mentionnées ci- 
dessus, elle n'a pas le parfum que réclament les textes, 
Cant., v, 13, et Eccli., xxxix, 19, mais la comparaison 



285 



LIS — LIT 



286 



de Cant., v, 13, s'applique plus probablement à la cou- 
leur des lèvres de l'épouse qu'au parfum de myrrhe 
qu'elles distillent et celle de l'Ecclésiastique aux fleurs; 
« portez des fleurs comme le lis. » On ignore de plus, 
jusqu'à présent quel est, ians ce dernier passage, le mot 
hébrsu qui est traduit par xpivov et lilium. — Voir Cel- 
sius, Hierobotanicon, t. I, p. 383-392; H. B. Tristram, 
The natural History of the Bible, p. 462-465; L. Fonck, 
Streifzûge durch die Biblische Flora, ïn-8°, Fribourg, 
1900, p. 53-77, et dans les Stimmen aus Maria-Laach, 
t. liv (1898), p. 151-168. 

Le nom de Susanne est un nom propre formé du 
nom du lis biblique, de même que nous voyons dans la 
vallée du Nil plusieurs Égyptiens hommes ou femmes 
porter le nom semblable de susin, lis d'eau ou lotus. 
J. Lieblein, Dictionnaire des noms hiéroglyphiques, 
in-8», Christiania, 1871, n. 320, 1848, 1916, et supplé- 
ment, 426. 

2° Motif d'architecture. — Les chapiteaux des deux 
colonnes de bronze et la coupe de la mer d'airain étaient 
en façon de suSan ou sôSan, III Reg., vu, 19, 22, 26; de 
sôsannak. II Par., rv, 5. Les Septante ont rendu là aussi 
ce mot par xpt'vov et la Vulgate par lilium. On sait que 
les Juifs dans leur architecture ont été tributaires des 
Égyptiens et des Phéniciens. Or, parmi les motifs de 
décoration des chapiteaux de l'art égyptien et phénicien, 
on n'a pas retrouvé la forme proprement dite du lis 
blanc, tandis qu'on voit fréquemment celle du lotus ou 
lis des eaux. Voir Colonnes du Temple, dans la planche 
en couleurs, la colonne de droite, t. n, col. 856. On peut 
voir dans M. de Vogué, Le temple de Jérusalem, in-f», 
Paris, 1864, p. 34 et planche xiv, un essai de restitution 
de ces chapiteaux qui, il est vrai, ne présente que très 
imparfaitement la forme du lotus. Il faut remarquer que 
l'art égyptien est entré à Jérusalem par l'intermédiaire 
des Phéniciens; l'architecte du temple de Salomon était 
de ce peuple. Aussi l'art phénicien avait pu modifier 
l'idée égyptienne de ces chapiteaux. MM. Perrot et Chi- 
piez, Histoire de l'art, t. îv, pi. vi et vu, en combi- 
nant l'art punique avec l'art égyptien, donnent un essai 
différent mais qui n'est pas à l'abri de tout critique. 
Voir t. il, col. 850. Voir Lotus. — Dans Judith, x, 3, la 
Vulgate place, après les bracelets, des lilia comme une 
parure. C'était sans doute un bijou en forme de lis ou 
■de lotus. — Dans les titres des Psaumes, il est fait 
mention du sosan : Ps. xlv (xliv), 1,-et lxix (lxviii),1, 
« sur les sôsannim, les lis; » lx (lix), 1, sur sûsan 
'êdûf, « le lis du témoignage; » et lxxx (lxxix), 1, sur 
les iôiannim 'êdùt, « les lis des témoignages. » Est-ce 
un Psaume à chanter sur les lis, premiers mots d'un 
■chant populaire connu? ou bien, moins probablement, 
un instrument de musique en forme de lis? On ne 
sait. Les Septante ont rattaché le mot à la racine sânâh, 
« changer, » et ont donné cette traduction difficile à expli- 
quer l-ûrcèp tôv âX\ot<o&ria'0[jsvwv, ce que la Vulgate a 
rendu littéralement par : pro Us qui commutabuntur, 
« pour ceux qui seront changés (par la venue du Messie, 
d'après l'explication des Pères). » E. Levesque. 

LIT (hébreu : yâsûa', massa', miskâb, mittâh, 'érés ; 
chaldéen : milkab; Septante : xXtv^, xoît>i, xXivc'Stov ; Vul- 
gate : cubile, lectus, lectulus, stratum, thorus), meuble 
disposé de telle manière qu'on puisse s'y étendre pour 
s'y reposer et dormir. 

I. Les lits destinés au sommeil. — 1» Les lits des 
anciens. — Ces lits étaient quelquefois montés sur quatre 
pieds, affectant la forme de pieds d'animaux (fig. 93). 
D'autres fois les lits de bois étaient eu menuiserie assez 
simple, et très semblables à nos lits ordinaires d'aujour- 
d'hui mais toujours élevés au-dessus du sol. Il en était 
ainsi à l'époque évangélique. Notre-Seigneur suppose 
^u'on peut mettre une lampe sous le lit. Marc, iv, 21; 
Luc, vm, 16. On montait donc au lit et on en descen- 



dait, ce qui s'appliquait plus particulièrement à un lit 
royal, comme celui d'Ochozias. IV Reg., i, 4, 6, 16. Voir 
t. n, fig. 173, col. 517. Le roi de Basan, Og, qui était un 
géant, avait, d'après l'interprétation commune, un lit en 
fer qui mesurait neuf coudées de long sur quatre de 




93. — Lits égyptiens. — Au-dessus du lit inférieur est placé le chevet 
sur lequel reposait la tête. A côté, est l'escabeau qui servait à 
monter sur le Ht. D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, 
t. îv, pi. cccxxix. 

large, soit 4 m 05 sur l m 80. Cf. Coudée, t. n, col. 1064. Ce 
lit se voyait à Rabbath-Ammon. Deut., m, 11. Plusieurs 
croient cependant que le 'érés barzél, « lit de fer, » dont 
il est ici question, était plutôt un sarcophage de basalte, le 
mot barzél ayant aussi ce dernier sens. Voir Basalte, 1. 1, 
col. 1485. Mais comme 'érés n'a pas ailleurs le sens de 
sarcophage, et que les versions l'ont traduit par « lit », 
xXi'vri, lectus, les uns gardent au mot ce sens, von Hum- 
melauer, Deuteronomium, Paris, 1901, p. 205, tandis 
que d'autres font de ce 'érés un brancard ou une litière. 
Rosenmûller, In Deuteron., Leipzig, 1798, p. 383-384. 
Voir Og. — Pour signifier aux impies du royaume que 
leur domination ne se perpétuera pas, Isaïe, xxvm, 20, 
leur dit : « Le lit sera trop court pour s'y étendre et la 
couverture trop élroite pour s'en envelopper. » Il fallait 
un lit à la taille de celui qui s'y couchait. Les sangles 
étaient disposées sur le cadre de bois, avec des couver- 
tures pour s'étendre et se couvrir. On déployait parfois- 
un certain luxe dans ces parements du lit : « J'ai orné 
mon lit de couvertures, de tapis de fil d'Egypte; j'ai par- 
fumé ma couche de myrrhe, d'aloès et de cinnamome. » 
Prov., vu, ÎÇ^T?: Les parfums étaient exceptionnels, mais 
les riches couvertures constituaient un luxe assez com- 
mun. Chaque lit avait un chevet, « une tête, » r'oS, zo 
axpov, caput, Gen., xlvii, 31 (voir les fig. 93 et 94-95). 
Holoferne dormait dans un lit à colonnes qui soute- 
naient des draperies, et il attachait ses armes aux co- 
lonnes du chevet. Judith, xiii, 8, 10. 

2» Les lits dans l'Écriture. — 1. Les grenouilles de 
la seconde plaie montaient jusque dans les lits des Égyp- 
tiens. Exod., vin, 3. Voir Grenouille, t. m, col. 3i7. 
Quand David était poursuivi par Saûl, Michol le fit échap- 



287 



LIT 



288 



per pendant la nuit et mit à sa place, dans son lit, un 
theraphim, espèce d'idole sculptée, avec une peau de 
chèvre à son chevet et une couverture pour l'envelopper, 
comme s'il s'agissait de David lui-même. I Reg., XIX, 
11-17. — David fit vœu de ne pas monter dans son lit, 
pour y sommeiller, avant d'avoir trouvé un emplace- 



Dans l'insomnie, on y médite, Ps. iv, 5 ; lxiii (lxii), 7; 
on y change ses idées, la nuit portant conseil, Eccli., 
XL, 5; on y combine des desseins pervers, Ps. xxxvi 
(xxxv), 5; Mich., n, 1; on y tressaille de joie, Ps. cxux, 
5, ou l'on y verse les larmes de la douleur. Ps. vi, 7; 
III Reg., xxi, 4. — 4. Le paresseux se retourne dans son 




94. — Lits assyriens. D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 77. 



ment ponr y bâtir le Temple. Ps. cxxxn (cxxxi), 3. — 
Pendant qu'il fuyait devant Absalom, des amis dévoués 
lui apportèrent les ustensiles et les provisions néces- 
saires, et en premier lieu des lits. II Reg., xvh, 28. 
— Au lieu d'aller dans sa maison, Urie préféra dormir 
sur une simple couche, comme les serviteurs du roi. 



lit comme une porte sur ses gonds, sans jamais en 
sortir. Prov., xxvi, 14. — Le débiteur était en danger 
de voir son lit saisi par le créancier. Prov., xxn, 27. — 
Plusieurs personnages furent tués dans leur lit, Isbo- 
seth, II Reg., iv, 7; Joas, II Par., xxiv, 25; Holoterne. 
Judith, xm, 10, etc. — 5. Dans les temps de deuil, on 




95. — Lit romain en bronze, trouvé à Pompéi. 
D'après Nicolini, Case e Menumenli di Pompei, fasc. 3, pi. 35. 



II Reg., xi, 13. — Dans le palais d'Ochozias, il y avait 
une « chambre des lits ». II Par., xxn, 11. Cf. Luc, 
xi, 7. — On couchait quelquefois deux dans le même 
lit. Luc., xvh, 34. — 2. On devait purifier les lits qui 
avaient servi aux personnes atteintes de certaines ma- 
ladies. Lev., xv, 4-6, 24, 26. Les pharisiens exagéraient 
cette prescription. Marc, vu, 4. — 3. C'est sur son lit 
que celui qui sommeille est visité par les songes. Job, 
vu, 13; xxxiii, 15; Dan., il, 28, 29; iv, 2, 7, 10; vu, 1. 



couchait sur le cilice et la cendre. Esth., iv, 3. Isaïe, 
lvii, 7, reproche à Israël de dresser sa couche dans les 
montagnes où sont adorées les idoles, pour marquer 
qu'il s'y établit à demeure et s'adonne sans relâche à 
l'idolâtrie. Enfin, pour indiquer le séjour définitif qui 
lui est destiné, Job, xvn, 13, dit qu'il dressera son lit 
dans les ténèbres du Se'âl. 

3° Le lit nuptial. — Ruben est déshonoré pour avoir 
souillé le lit de son père. Gen., xlix, 4; I Par., v, 1. Le> 



289 



LIT 



290 



Cantique i, 15 (hébreu, 16); m, 1, fait allusion au lit, 
nuptial. Ct. I Mach., i, 28. Il est recommandé de le res- 
pecter Eccli., xxm, 25; xli, 27; Sap., m, 13, 16, et de 
le conserver sans souillure. Heb., xm, 4. 




96 — Lit romain. Peinture de Pompéi. 

D'après W. Smith, Dictionary of Greek and Roman Anttquities, 

3'édit., 18M, t. u, p. 18. 

II. Le lit de la maladie et de la mort. — Jacob, sur 
son lit de mort, s'assied les pieds pendants pour parler 
à ses fils, puis retire ses pieds dans le lit et expire. Gen., 
xlviii, 2 ; xlix, 32. — Le blessé est obligé de garder le 
lit. Exod., xxi, 18. — Job, xxxm, 19, parie de la douleur 
qui visite l'homme sur son lit pour le corriger. Amnon 
se met sur son lit pour faire le malade et attirer sa sœur 
Thamar. II Reg., xm, 5-8. — Élie signifie à Ochozias 



xi, 2. — Amos, m, 12, parle des Israélites de Samarie, 
assis au coin d'un lit sur des tapis de Damas. — 
Esther, vil, 8, se reposait sur un divan lorsque Aman 
se précipita vers elle. 

IV. Le lit des festins. — Dans les repas opulents, 
les anciens mangeaient à demi couchés sur des lits 
devant lesquels la table était servie. La coutume s'en 
introduisit chez les Israélites. Amos, VI, 4M5, montre les 
riches de Jérusalem et de Samarie reposant sur des 
lits d'ivoire, mollement étendus sur leur couche, pour 
manger les mets délicats, boire le vin, causer et faire 
de la musique. — Ézéchiel, xxai, 41, reproche à Jéru- 
salem de s'asseoir sur un lit magnifique devant lequel 
une table est dressée. — Dans le palais de Suse, il y 
avait des lits d'or et d'argent sur lesquels on prenait 
place pour les testins royaux. Esth,, 1, 6. Un lit d'Assur- 
banipal, prenant son repas avec la reine (fig. 97), peut 
donner quelque idée de la richesse de ces meubles, — 
A l'époque évangélique, on suivit eh Palestine l'usage 
de prendre sur des lits les repas plus solennels. Sur la 
forme de ces lits, voir et t. I, fig. 248, col. 935 ; t. il, 
fig. 393, col. 1083. Cf. Cène, t. n, col. 415. 

Voici comment ces lits étaient disposés. Ils avaient la 
forme de sofas, pouvant recevoir chacun trois personnes, 
d'où leur nom de lectm triclinarn. Cf. Varron, De ling. 
lat., VIII, xvi, 111. La place d'honneur sur les lits laté- 
raux était à gauche, et à droite sur le lit central, afin que 
le principal invité fût auprès du maître de la maison. 
On s'étendait de manière à n'être ni couché, ni assis, mais 
dans une position intermédiaire, le bras gauche s'ap- 
puyant, soit sur la petite balustrade qui bordait le lit, 




97. — Assurbanipal, assis sur un lit, prend son repas avec la reine. D'après Place, Ninive et l'Assyrie, pi. 57. 



qu'il ne descendra plus de son lit et y mourra. IV Reg., 

1, 4, 6, 16; Eccli., xlviu, 6. — La Sainte Écriture parle 
du lit de mort de David, III Reg., 1, 47; du fils de la 
veuve de Sarepta, III Reg., xvn, 19 ; du fils de la veuve 
de Sunam, IV Reg., iv, 10, 21 ; d'Alexandre le Grand, 
I Mach., j, 6; d'Antiochus, I Mach., vi, 8, etc. — La 
fille de la Chananéenne est guérie sur son lit. Marc, 
■VII, 30. — Le paralytique, qu'on descend par le toit de 
la maison, est sur un lit portatif, que saint Matthieu, ix, 

2, appelle xX£v<i, saint Luc, v, 18-25, iù.wiBtov, et saint 
Marc, il, 3-12, xpàëëaTov, un grabat. Voir Grabat; t. m, 
col. 289. — Saint Jean annonce que Dieu mettra l'impu- 
dique Jézabel sur le lit de mort. Apoc, n, 22. 

III. Le lit de repos. — C'est le divan oriental sur 
lequel on s'assied ou l'on se couche pendant le jour 
pour se reposer. Voir t. n, fig. 174, col. 518. Saûl effrayé 
se laissa tomber sur le divan de la magicienne d'Endor. 
I Reg., îxvni, 23. — David quittait un lit de ce genre, 
quand ses regards tombèrent sur Bethsabée. II Reg., 

mer. de la bible. 



pour le convive de gauche, soit sur des coussins, pour les 
autres convives. Le bras droit restait libre pour prendre 
les mets. La table était apportée à la tête du lit. Quand 
il y avait plus de trois convives, on disposait plusieurs 
lits autour de la table, en laissant cependant un espace 
vide pour accéder à cette dernière et taire le service. Pour 
neuf convives, les lits étaient placés comme le montre la 
figure 98. Les chiffres romains indiquent l'ordre des lits, 
et les autres^biffres les préséances sur chacun d'eux. La 
place 3 du/lit I était réservée au personnage le plus con- 
sidérable, et la place 1 du lit III au maître de la maison. 
Quand il y avait plus de neuf convives, on ajoutait d'autres 
lits, ce qui obligeait à modifier quelque peu la disposi- 
tion générale. Vers la fin de la République, les Romains 
adoptèrent les tables rondes ou ovales, autour desquelles 
on établit un seul lit en demi-cercle appelé sigma, parce 
que le S grec primitif avait la forme d'un C. Un coussin, 
faisant bourrelet et sur lequel les convives s'accoudaient, 
bordait le lit à ses deux extrémités et à sa partie concave 



IV. 



10 



29t 



LIT — LITIÈRE 



292- 



(fig. 99). Ces sortes de lits permettaient de fixer moins i 
strictement le nombre des convives. Les places d'honneur I 
étaient aux deux extrémités, la première à droite, la j 
seconde à gauche. On ne sait quel genre de lits servirent ! 



3 


S 


? 





93. — Disposition des lits de table pour neuf convives. 

à la dernière Cène. Suivant la première disposition, Notre- 
Seigneur aurait dû occuper, sur le lit I, la place 3 et 
saint Jean la place 2. Saint Pierre était sans doute à la 
place 1 du lit III, comme faisant office de maître de la 
maison. Le récit évangélique semble toutefois supposer 




99. — Lit en sigma. Peinture de Pompéi. 
D'après Nicolini, Case e Monumenti di Pompei, fasc. 15, pi. m. 

plutôt que Notre-Seigneur occupait la place 1 du lit I. 
On en est d'ailleurs réduit aux conjectures à cet égard 
et rien ne prouve que le divin Maître se soit astreint 
aux usages romains dans le placement de ses convives. 
Cf. Rich, Dicl. des antiquités grecques et romaines, trad. 
Chéruel, Paris, 1873, p. 6, 357, 583; P. Guiraud, La vie 
privée et la vie publique des Romains, Paris, 1896, 
p. 229-231 ; Ma r Le Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 
1901, t. m, p. 188. 

V. Le lit funèbre. — C'est celui qui sert à déposer et 
à transporter le corps d'un défunt. II Par., xvi, 14; Is., 




100. — Lit funèbre d'après une pierre tombale funéraire. 

D'après W. Smith, Dict. of Greek and Roman Antiquities, 

3- édit., t. H, p. 19. 

lvh, 2 (au figuré) ; Ezech., xxxii, 25. Voir iig. 100 et Cer- 
cueil, t. ii, col. 435, 436 ; Funérailles, t. n, col. 2422. 

H. Lesètre. 
LITHOSTROTOS (grec : AiBôorpuToç), nom grec 
du lieu où Pilate jugeait à Jérusalem. On l'appelait en 



araméen Gabbatha. Joa., xix, 13. Il est impossible de 
déterminer avec certitude ce qu'il était. Voir Prétoire. 
Le mot Xi66<rrpu>TO(;, composé de Xfdoc, « pierre, » et de 
orptoTOÇ, adjectif verbal de <rrpa>vvupu, « étendre, » ster- 
nere, signifie un pavé en mosaïque. Cf. Septante, 
II Par., vu, 3; Esther, i, 6; Wilke, Clavis N. T., 
2» édit. de Grimm, 1888, p. 263. Les Romains en faisaient 
partout. Les villas romaines que les touilles ont mises 
à découvert sur les flancs du mont Sion étaient pavées 
en mosaïque. C'est donc de la nature du pavé que 
ce lieu avait reçu son nom grec, tandis que son nom 
araméen Gabbatha, rtrai, « lieu élevé, » t. m, col. 22 r 
provenait de sa forme, et le mot grec n'est pas la tra- 
duction du mot araméen. Aussi saint Jean, xix, 13, 
ne dit-il pas, comme dans d'autres passages, cl. Joa., i, 
38, 41 ; ix, 7, que la seconde expression est l'interpré- 
tation de la première, mais il s'exprime ainsi : « Dans 
le lieu qui est appelé ().£Y<i|*evov) Lithostrotos en grec, 
et en hébreu (araméen) Gabbatha. » — C'est là que Pi- 
late, s'étant assis sur son tribunal (|3^p.ix), dit aux Juifs, 
en leur présentant Jésus : « Voilà votre roi, » et que, 
cédant à leurs clameurs homicides, il le leur livra pour 
être crucifié. Joa., xix, 13-16. — Il résulte des détails 
donnés par le texte sacré que Lithostrotos n'était pas 
dans l'intérieur du Prétoire, puisque les Juifs, qui ne 
voulaient pas contracter d'impureté légale, ce qui les 
aurait empêchés de célébrer la Pâque qui était proche, 
s'abstinrent d'entrer dans ce lieu païen et profane, 
Joa., xviii, 19, et qu'il est dit expressément quatre fois, 
Joa., xviii, 20, 38; xix, 4, 13, que Pilate sortit du Pré- 
toire pour parler avec les Juifs. Lithostrotos était donc 
en dehors du Prétoire ou dans une des cours qui le pré- 
cédaient. — Divers commentateurs ont pensé que litho- 
strotos signifiait une sorte de pavé mobile et transpor- 
table, ou d'estrade, en mosaïque, sur lequel on dressait 
les sièges d'où les chefs militaires romains rendaient la. 
justice. L'existence de cet usage est constatée par Sué- 
tone, qui raconte, Csesar, 46, que Jules César emportait 
avec lui ce meuble dans ses expéditions. Cette explica- 
tion est ingénieuse, mais elle est inconciliable avec le- 
texte de saint Jean. Outre qu'on ne peut établir que la 
coutume des chefs militaires ait été adoptée par les- 
gouverneurs des villes, qui devaient naturellement avoip 
un tribunal fixe, l'Evangéliste dit expressément que- 
Lithostrotos-Gabbatha était « un lieu » ainsi appelé, sic 
t<Stcov, in loco. Joa., xix, 13. — Voir Winer, Biblisches 
Realwôrterbuch, 3 e édit., t. n, p. 29; Cornélius a Lapide,. 
Comment, in quatuor Evangelia, édit. A. Padovani, 
Turin, t. iv, 1899, p. 442; Frz. Delitzsch, dans la Zeit- 
schrift fur lutherische Théologie, 1826, p. 105; Keim, 
Geschichte Jesu von Nazara, 3 in-8°, Zurich, 1867-1872, 
t. m, p. 365; Fillion, Évangile selon saint Jean, 1887, 
p. 347; B. von Haneberg, Evangelium nach Johannes» 
édit. P. Schegg, in-8», Munich, t. n, 1880, p. 441. 

LITIÈRE, sorte de petit lit ordinairement couvert, et 
porté par des hommes ou des animaux. Les litières 
étaient en usage en Egypte (fig. 101), en Assyrie (fig. 102) 
et elles le lurent aussi très tard chez les Romains 
(fig. 103). EtlSs sont plusieurs fois mentionnées dans, la 
Sainte Ecriture sous des noms différents. — 1° Mot, 
àvaçopei;, « portoir suspendu, » vectis, « traverse. » 
Les divers ustensiles du sanctuaire devaient être enve- 
loppés dans une couverture et transportés sur un mot. 
Num., iv, 10, 12. Comme le verbe mot signifie « vacil- 
ler, être balancé », il s'ensuit naturellement que le mot 
était une espèce de brancard dont la partie principale, 
suspendue aux traverses de bois, pouvait se balancer 
pendant la marche, et ainsi éviter certains mouvements 
trop brusques aux objets fragiles qu'on portait, chande- 
liers, lampes, vases à huile, etc. — -2° Sâb, Xap.TiTivcxiSv,, 
tectum. C'est un char tonnant litière ou une litière- 
montée sur un char. Pour la dédicace du Tabernacle» 



293 



LITIÈRE — LITTÉRAL (SENS) 



294 



les princes d'Iraël offrirent six chars de cette espèce et 
douze bœufs, chaque paire de ces derniers destinée sans 
doute à tirer un char. Num., vu, 3. lsaïe, lxvi, 20, fait 
revenir les captifs d'Israël dans toutes sortes de véhi- 
cules, parmi lesquels il mentionne les sabbîm, Xtxpvicrç- 




101. — Litière égyptienne. Beni-Hassan. XII' dynastie. 
D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. n, Bl. 126. 

v«i, lecticse. Quand Saùl poursuivait David dans le désert 
de Juda, il couchait dans un ma 'égal, mot que les Sep- 
tante traduisent par Xa|xro]V]rj,« char couvert,» et la Vul- 
gate par tento.rium. I Reg., xxvi, 5. — 3» Kar, uif p.«Ta, 
stranienta, Gen., xxxi, 34, selle de chameau, surmontée 
d'un pavillon pour protéger du soleil, et destinée aux 




102. — Litière assyrienne. 
D'après G. Rawlinson, Five great monarchies, 1864, t. n, p. 224. 

femmes. Le kar était assez considérable pour que fia- 
chel put y cacher les theraphiin de Laban. Voir Chameau, 
t. n, col. 526. — 4» Mittâh, « lit, » nom donné à la litière 
de Salomon, xXî'vyj, lectulus. Cant., m, 7. Etle est entou- 
rée de soixante vaillants hommes qui restent armés de 
l'épée, en vue des alarmes nocturnes. Le contexte autorise 
à penser qu'il s'agit bien ici d'une litière, puisque le cor- 
tège est en marche. Cette litière est large comme un lit, 
parce que l'épouse est appelée à y prendre place à côté 
de Salomon. — 5» 'Apiryôn, çopeîov, ferculum, autre 
nom donné à la litière de Salomon. Cant., m, 9. On a 
voulu faire du mot 'apiryôn, un dérivé du grec çopeîov, 
qui veut dire « litière ». Frz. Delitzsch, Biblischer Cont- 
inent, ïiber dos Hohelied, Leipzig, 1875, p. 59, a justifié 



son origine sémitique. Le texte sacré décrit ainsi cette 
litière : « Le roi Salomon s'est fait une litière en bois 
du Liban. Il en a fait les colonnes d'argent, le dossier 
d'or, le siège de pourpre ; le milieu en a été brodé avec 
amour par les filles de Jérusalem. » Cant., m, 9, 10. Giet- 
mann, In Ecoles, et Cant. cant., Paris, 1900, p. 488, 
pense que cette description ne peut se rapporter qu'à 




103. — Litière romaine incrustée d'argent. 
Nouveau Musée du Capitule. Rome. 

un somptueux lit nuptial. On admet plus communément 
qu'il s'agit d'une litière. Cf. Rosenmûller, Ecoles, et 
Cantic, Leipzig, 1830, p. 348. Au verset suivant, le texte 
ajoute en effet : « Sortez, filles de Sion, regardez le roi 
Salomon. » Le roi est donc dehors, par conséquent dans 
une litière, et non dans un lit. —6° KXivoc'piov, lectulus. 
Act., v, 15. Quand saint Pierre sortait, on lui apportait 
des malades sur des grabats et des xXtviptoc, de « petits 
lits », des civières. H. Lesètre. 

LITTÉRAL (SENS), sens que présentent naturel- 
lement les paroles des écrivains sacrés, d'après la va- 
leur des mots et les règles de la grammaire, de la 
syntaxe et de la logique. Le sens littéral est le sens de 
la lettre du texte, par opposition au sens spirituel ou 
mystique qui ne se tire pas des mots eux-mêmes, mais 
des choses exprimées par les mots et servant de types. 
Voir Spirituel (Sens). 

I. Les différentes espèces. — La pensée du Saint- 
Esprit s'exprimant dans la Sainte Écriture en langage 
humain, tel que le parlent et le comprennent les 
hommes, il faut s'attendre à trouver dans ce langage 
les formes que revêt habituellement la pensée même de 
l'homme. Or, la lettre du langage humain doit être en- 
tendue, tantôt dans le sens propre, et tantôt dans le 
sens figuré. 

1° Le sens propre est celui qu'énoncent directement 
les mots eux-mêmes, pris avec leur valeur ordinaire, 
comme dans les phrases suivantes : « Dieu créa le ciel 
et la terre, » Gen., i, 1; « David dansait de toute sa 
force itevant Jéhovah, » II Reg., vi, 14; « Jésus, éten- 
dant/la main, le toucha en disant : Je le veux, sois 
guéri. » Matth., vin, 3, etc. Ce sens est assez souvent 
appelé « historique », dans les Pères latins, par oppo- 
sition avec le sens « prophétique », qui se superpose en 
certains cas au sens littéral. Les Pères grecs l'appellent 
v.axk tô •ypâu.p.ac, « selon la lettre, » xxrà tô pirriv, « selon 
le mot, » xa^à T7|V iirropi'av, « selon l'histoire, » pour le 
distinguer du sens spirituel, xaià -cm voOv, « selon l'es- 
prit, » xaTÔ tïiv àvaïtt>Yiv, « selon la spiritualité, » etc. 
Quelques Pères, comme Origène, De princip., iv, 12, 
t. xi, col- 365; saint Jérôme, Adv. Lucifer., 2C, t. xxm, 



295 



LITTERAL (SENS) 



296 



col. 182; saint Augustin, De doctr. christ., m, 5; De 
Gènes, ad Ut., xi, 1, t. xxxiv, col. 68, 430; saint Gré- 
goire de Nysse, In Cant. prol., t. xliv, col. 736, etc., 
semblent bien réserver au sens propre le nom de sens 
littéral et donner au sens figuré le nom de sens spirituel. 
Cette confusion de termes ne doit pas étonner à une 
époque où la terminologie n'était pas fixée définitivement. 
Il suffit de tenir compte de ce que les Pères entendaient 
par sens « littéral » et « spirituel » pour ne pas se 
tromper sur leur véritable pensée. 

2° Le sens figuré ou métaphorique est un sens con- 
ventionnel, qui ne résulte pas de la valeur ordinaire des 
termes, mais qui part de ces termes pour formuler une 
idée ayant une certaine analogie avec le sens qu'ils ex- 
priment littéralement. Ainsi, c'est dans un sens figuré 
qu'il est dit : « Dieu se reposa le septième jour de tout 
ce qu'il avait fait, » Gen., Il, 2; « Je vous sauverai le 
bras étendu, »Exod., vi, 6; « Efforcez-vous d'entrer par 
la porte étroite, » Luc, xiii, 24; « Dieu te frappera, mu- 
raille blanchie. » Act., xxm, 3. Au sens figuré appar- 
tiennent l'allégorie, voir Allégorie, t. i, col. 368, et la 
parabole, voir Jésus-Christ, t. m, col. 1494. Toutefois, 
c'est au sens propre qu'il faut rapporter les comparai- 
sons expressément indiquées par le texte, comme dans 
les exemples suivants : « Comme le cerf soupire après 
les sources d'eaux, ainsi mon âme soupire après vous, 
ô Dieu, » Ps. xlii (xli), 2; « La fille de mon peuple est 
devenue cruelle comme les autruches du désert. » 
Lam., iv, 3; cf. Eccli., l, 6-11; Matth., xxm, 37, etc. 

3° Autres noms du sens littéral. — On donne par- 
fois au sens littéral, qu'il soit propre ou figuré, des 
noms qui indiquent l'objet que l'auteur sacré a en vue. 
Le sens littéral est historique dans le récit des faits 
du passé, prophétique dans l'annonce des faits de 
l'avenir, allégorique ou dogmatique dans l'exposition 
des vérités à croire, tropologique dans les prescrip- 
tions qui règlent les mœurs, anagogique dans la 
description des biens à espérer, etc. Ces dénominations 
n'ont qu'une importance secondaire. On les a résumées 
dans le distique suivant : 

Littera gesta docet, quîd credas allegoria, 
Moralis quid agas, quo tendas anagogia, 

qui ne fait que reproduire, sous une forme barbare, 
une division analogue à celle qu'a donnée saint Augus- 
tin, De Gen. ad lit., i, 1, t. xxxiv, col. 247 : « Il faut 
considérer, dans tous les Livres Saints, ce qui est dit de 
l'éternité, ce qui est raconté du passé, ce qui est an- 
noncé de l'avenir, ce qui est prescrit ou conseillé pour 
la conduite. » 

4 11 Sens conséquent. — Au sens littéral se rattache ce 
qu'on appelle le sens conséquent, sens qui résulte si 
logiquement de la pensée formulée par l'auteur sacré, 
que celui-ci n'a pu manquer de l'avoir en vue. Ainsi 
l'action exprimée par un même verbe a un tout autre 
caractère, selon qu'elle est faite par un être sans raison, 
par un homme ou par Dieu. Les êtres sans raison, 
astres, forces naturelles, animaux, sont invités à louer 
Dieu, Ps. cxlviii, 1-10, ce qu'ils ne peuvent faire que 
matériellement et inconsciemment; les hommes aussi 
ont à louer Dieu, Ps. cxlviii, 11, 12, et enfin le Sau- 
veur lui-même loue son Père. Matth., xi, 25; Joa., xi, 41. 
Il est clair, que, quand il s'agit des hommes, l'idée de 
louange a comme conséquence logique celle de louange 
consciente et raisonnable, et que, quand il s'agit de 
Notre-Seigneur, cette idée implique quelque chose de 
très supérieur à ce que peut produire un homme ordi- 
naire. De même encore, quand le Sauveur dit : « J'irai 
et je le guérirai, » Matth., vm, 7, l'idée de guérison en- 
traine celle d'intervention surnaturelle et infailliblement 
efficace, qui ne se trouve pas dans cette autre phrase : 
« Médecin, guéris-toi toi-même, » Luc, iv, 23. — D'au- 
tres fois, une pensée que ne formule pas l'écrivain 



sacré résulte cependant de ce qu'il dit, par voie de rai- 
sonnement, mais d'une manière logique et nécessaire, 
si bien que l'écrivain sacré, ou tout au moins l'Esprit- 
Saint qui l'inspire, n'ont pu manquer d'avoir cette pen- 
sée. Cf. S. Augustin, De doctr. christ., m, 27, t. xxxiv, 
col. 80. Ainsi Jérémie, ix, 23-24, dit qu'il ne faut pas 
se glorifier d'être sage, fort ou riche, mais seulement 
de connaître Dieu, et saint Paul en tire cette conclusion : 
« Comme il est écrit, que celui qui se glorifie, se glo- 
rifie dans le Seigneur. » I Cor., i, 31. Il cite la parole 
du Deutëronome, xxv, 4 : « Tu ne muselleras pas le 
bœuf qui foule le grain, » et, par voie de raisonnement, 
en conclut que l'Apôtre a le droit de vivre aux frais de 
ceux qu'il évangélise. I Cor., ix, 9-12. Ailleurs, il 
rappelle le même texte, et, sans faire de raisonnement, 
tire de suite la conclusion : « L'ouvrier mérite son sa- 
laire. » I Tim., v, 18. On voit que, dans ces deux der- 
niers cas, il conclut a fortiori, du moins parfait au plus 
parfait. Ce que fait saint Pau] pour les textes de Jérémie 
et du Deutéronome, peut se répéter pour beaucoup 
d'autres. Quand le roi Joram, à la vue de la disette qui 
affligeait Samarie, s'écrie tout d'un coup : « Que Dieu 
me châtie, si la tête d'Elisée reste aujourd'hui sur lui! » 
IV Reg., vi, 31, il s'ensuit qu'il regardait le prophète 
comme responsable des malheurs qui arrivaient. Quand 
Marie dit aux serviteurs de Cana : « Faites tout ce qu'il 
vous dira, » Joa., n, 5, il en faut conclure qu'elle s'at- 
tend à ce que Notre-Seigneur fasse quelque chose pour 
répondre à la remarque qu'elle lui a adressée. Les 
Juifs tiraient des sens conséquents absolument illogi- 
ques et illégitimes de différents textes : « Tu aimeras 
ton prochain comme toi-même, » Lev., xix, 18; « Tu 
enseigneras ces choses à ton fils et au fils de ton fils, » 
Exod., x, 2, etc., quand ils s'appuyaient sur ces textes 
pour prétendre qu'on devait haïr celui qui n'était pas le 
prochain, c'est-à-dire l'étranger, qu'il ne fallait pas ap- 
prendre la Loi aux filles, etc. 

II. Tout texte sacré a. un sens littéral propre ou 
figuré. — 1° Ce point n'a pas été toujours admis. Ori- 
gène, qui distinguait dans le texte sacré l'âme et le corps, 
c'est-à-dire le sens spirituel et le sens littéral ou obvie, 
irpo'xEtpoM, dit que « certains textes n'ont pas du tout de 
sens littéral » et que, dans quantité de passages, « il n'y 
a qu'une histoire fictive, qui n'est pas arrivée littérale- 
lement, » « des faits qui ne se sont pas produits selon la 
lettre, s II cite des exemples : la promenade de Dieu 
dans le paradis, la fuite de Caïn de devant la face de 
Dieu, les lois mosaïques sur la prohibition de manger 
certains animaux, sur la défense de faire du chemin le 
jour du sabbat, etc., les recommandations de l'Évangile, 
qui défendent aux Apôtres de saluer en route, etc., cer- 
taines sentences comme celle-ci : « Des épines naîtront 
dans la main de l'ivrogne. » Prov., xxvi, 9; Origène, De 
princip., rv, 11, 12, 16-18, t. xi, col. 375, 376. Il est 
clair que, parmi les exemples apportés par cet auteur 
pour appuyer son affirmation, quelques-uns se réfèrent 
à des passages mal compris, mais la plupart visent d'au- 
tres passages qui ont un vrai sens littéral, sinon propre, 
du moins figuré. — 2° Saint Jérôme paraît avoir une 
idée analogue à celle d'Origène, quand à propos de la 
seconde circoncision.du peuple prescrite à Josué, Jos., v, 
2j il observe qu'un homme ne peut être circoncis deux 
fois et que par conséquent ce passage n'a pas de sens 
littéral. S. Jérôme, Gont. Jovin., i, 21, t. xxm, col. 239. 
Il oublie ce qu'ajoute le texte sacré, que personne n'avait 
été circoncis au désert et que tous ceux qui avaient reçu 
la circoncision en Egypte étaient morts. Jos., v, 4, 5. Il 
tire une conclusion semblable du cas d'Abisag, la Su- 
namite, amenée à David. III Reg., i, 3, 4. S. Jérôme, 
Epist., lxx, Ad Nepotian., 2, 3, t. xxii, col. 527, 528. 
D'autres ont également conclu à l'absence de sens litté- 
ral dans les passages où ce sens leur paraissait inaccep- 
table. Cf. S. Ambroise, Expos, evang. Luc, v, 94, 95, 



297 



LITTERAL (SENS) 



298 



t. xv, col. 1661 : « Si la forme du sens simple répugne, 
cherchons la figure spirituelle; » Cassien, Collât, pair., 
vm, 3, t. xlix, col. 725 : « Si certains passages ne sont 
pas atténués par une explication allégorique et fondus 
au creuset du feu spirituel, ils sont plus nuisibles 
qu'utiles, » et il cite l'exemple de moines qui, prenant 
à la lettre la parole du Seigneur, Matth., x, 38, por- 
taient sur leurs épaules des croix de bois et faisaient 
rire d'eux. Dans la pensée de ces Pères, ce n'est pas, en 
somme, le sens littéral qu'il faut parfois exclure au 
profit du sens spirituel, mais le sens propre au profit du 
sens figuré. La chose est manifeste chez Nicolas de 
Lyre, Prol. 3 ad postill. Biblior., t. cxm, col. 34, qui, 
après avoir écrit : « Parfois l'Écriture n'a pas, à pro- 
prement parler, de sens littéral, » apporte comme 
exemple l'apologue de Joatham, Jud., IX, 845, qui n'a 
pas de sens propre, mais a certainement un sens figuré. 
— 3° En réalité, les Pères sont expressément opposés à 
la conception d'Origène, visiblement influencé sur la 
question par l'allégorisme de Philon. D'après saint Jé- 
rôme, In Is., xiii, 19, t. xxiv, col. 158, « il faut avant 
tout chercher et établir l'intelligence des mots de la 
Sainte Écriture, parce que l'interprétation spirituelle 
doit se conformer à l'ordre de l'histoire. » Saint Augus- 
tin réprouve ceux qui, dans les récits du déluge, pen- 
sent que rien de cela n'est arrivé, mais qu'il n'y a là 
que des figures de mots, De civ. Dei, xv, 27, t. xli, 
col. 474, et ailleurs, il dit : « Nous avertissons et, au- 
tant qu'il est en nous, nous prescrivons que, quand 
vous entendez un récit mystérieux de la Sainte Écriture, 
vous admettiez tout d'abord que la chose s'est passée 
comme elle est racontée, car, faute de cette base his- 
torique, c'est en l'air que vous chercheriez à bâtir. » 
De tent. Abrah., Serm., n, 7, t. xxxvm, 30. Saint Gré- 
goire le Grand, Moral., i, 37, t. lxxv, col. 554, ne veut 
pas que, pour élever l'âme au sens spirituel, on s'écarte 
du respect dû à l'histoire. Saint Thomas, Quodlib., vu, 
q. vi, a. 16, formule ainsi la vraie règle : « Le sens 
spirituel repose toujours sur le sens littéral et en pro- 
cède. » — 4° Cette règle est fondée sur la nature même 
des choses. Bien qu'écrivant sous l'inspiration de l'Es- 
prit de Dieu, l'écrivain sacré se sert d'un langage hu- 
main, qui doit être intelligible à ceux qui l'entendent 
ou le lisent. Sans doute, il n'est pas nécessaire que l'au- 
teur ou l'auditeur saisissent toute la portée de la pensée 
divine; mais la parole de Dieu se doit à elle-même 
d'avoir un sens humain, puisqu'elle s'adresse à des 
hommes, et, du moment que la personnalité de l'écri- 
vain n'est pas absorbée par le divin Inspirateur, il faut 
que cette personnalité accuse sa coopération, non par 
la simple transcription de phrases inintelligibles, mais 
par la rédaction intelligente de pensées exprimées pour 
être comprises. C'est ainsi que procède Notre-Seigneur, 
quand il déclare qu'il parle en paraboles, pour qu'en 
entendant, on ne comprenne pas. Matth., xm, 13. Le 
sens supérieur et profond de ses récits échappera à ses 
auditeurs; il n'en restera pas moins, à l'usage de ces 
derniers, un sens littéral merveilleusement net. D'autre 
part, si quelques passages n'avaient vraiment pas de 
sens littéral, ou bien ils seraient inintelligibles, comme 
certains versets de la traduction latine des Psaumes, ou 
bien le sens appelé spirituel serait lui-même le sens 
littéral, ou enfin il serait impossible de saisir l'analogie 
indispensable qui doit exister entre ce que dit un auteur 
et ce qu'il veut dire. Il faut noter aussi que, le sens 
littéral une fois sacrifié pour certains passages, ce serait 
la ruine de tout argument tiré des Saintes Écritures; 
car c'est seulement du sens littéral propre que l'on peut 
faire sortir une preuve théologique, à l'exclusion même 
du sens spirituel. Cf. S. Augustin, Epist. xcm, Ad Vin- 
cent., vm, 24, t. xxxiii, col. 334; S. Thomas, Summ. 
theol., I a , q. i, a. 10, ad 1. Ce dernier ajoute : «. Rien de 
nécessaire à la foi n'est contenu dans un sens spirituel, 



sans que l'Écriture ne l'exprime clairement quelque 
part sous forme de sens littéral. » Si donc on pouvait 
nier l'existence du sens littéral dans tel ou tel passage, 
les hérétiques ne manqueraient pas d'exciper de cette 
possibilité pour nier la force probante de tous les textes 
qui les gêneraient. 

III. Il n'existe pas de double sens littéral dans 
les textes sacrés. — 1° Saint Augustin, en divers 
endroits de ses écrits, a admis la possibilité de plusieurs 
sens littéraux pour les textes sacrés. -Il pense que les 
différentes explications données de Gen., i, 1, peuvent 
porter sur des sens également littéraux. Confess., xm, 
31, t. xxxii, col. 844. « Quand les mêmes paroles de 
l'Écriture, dit-il, sont entendues non seulement d'une 
seule manière, mais de deux ou davantage, même si l'on 
ignore comment les entend celui qui les a écrites, il n'y 
a pas d'inconvénient si, d'après d'autres passages des 
Saintes Écritures, on peut montrer que chacun de ces 
sens est conforme à la vérité. » De doctr. christ., m, 
27, t. xxxiv, col. 80. Il ajoute, au paragraphe suivant, 
qu'il est possible que, parmi ces sens multiples ne se 
trouve pas celui que l'auteur sacré a eu en vue, et il con- 
fesse que vouloir les déterminer sans le secours d'autres 
passages de la Sainte Écriture constitue une. pratique 
dangereuse. Il avait dit précédemment, De doctr. 
christ., m, 4, col. 68 : « Quand il s'agit des livres des 
divines Écritures, il est très rare et très difficile que 
l'ambiguité se rencontre dans les termes propres, in 
propriis verbis, sans qu'on puisse la lever à l'aide du 
contexte. » Le saint docteur n'est donc pas très affirma- 
tif. Il propose son système comme plus respectueux, 
religiosius, pour le texte sacré. Confess., xm, 31, 
col. 844. Il ne lui reste même pas toujours fidèle. Expli- 
quant le passage de l'Exode, m, 1-6, dans lequel celui 
qui apparaît à Moïse sur l'Horeb est appelé tantôt l'ange 
de Jéhovah et tantôt Jéhovah lui-même, il laisse l'audi- 
eur libre de choisir l'une ou l'autre des deux appella- 
tions, qui pourtant, à ses yeux, devraient être également 
littérales et maintenues au même titre. Serm., vu, 5, 
t. xxxvm, col. 63. — 2» Saint Thomas, Summ. theol., I», 
q. I, a. 10, s'appuie sur saint Augustin pour établir 
qu'au point de vue littéral plusieurs sens peuvent se 
trouver dans la lettre de l'Écriture. Selon lui, « toute 
vérité appartient au sens de la divine Écriture, quand 
elle peut s'adapter à l'expression de la lettre. » De po- 
tent., q. iv, a. 1. Il n'est pas démontré cependant que 
saint Thomas ait admis sans restriction la théorie de 
saint Augustin. Bon nombre de théologiens ont suivi 
saint Thomas et ont soutenu qu'au moins certains 
textes ont un double ou un multiple sens littéral. Bon- 
frère, qui les cite, Prseloq. in S. S., dans le Ctirs. conipl. 
S. S. de Migne, Paris, 1839, col. 211-214, prétend que cette 
pluralité de sens littéraux est toute à l'honneur de la 
sagesse divine, qu'elle prouve la profondeur et la fécon- 
dité des Saintes Écritures et qu'enfin elle est supposée 
par l'exégèse des auteurs sacrés du Nouveau Testament. 
Le Hir, Etudes bibliques, Paris, 1869, t. i, p. 81-83, ad- 
met un double sens littéral dans certaines prophéties. 
Parfois, dit-il, « le texte nous met sous les yeux deux 
objets faits sur le même modèle, et les dessine tous 
deux en même temps. C'est une question débattue entre 
les orthodoxes, et qui n'intéresse point l'apologie chré- 
tienne, mais seulement la rigueur du langage théolo- 
gique, de savoir si, dans les prophéties à double objet, 
on peut dire que les mêmes paroles les embrassent 
tous les deux dans leur sens immédiat et littéral, ou 
bien si l'un des deux objets n'est atteint que dans le 
sens spirituel. Les plus graves écrivains de notre temps 
se prononcent assez fortement contre la prétention de 
donner deux sens littéraux à la même phrase... Cepen- 
dant, n'est-ce pas la lettre même d'une prophétie, qui, 
par la magnificence, l'emphase et l'exagération de ses 
termes, vous avertit de regarder plus loin que l'objet 



299 



LITTERAL (SENS) — LITURGIE 



300 



immédiat et prochain? Et pourquoi ce sens ne sera-t-il 
pas appelé littéral, s'il est iondé sur la lettre même? » 
Cette admission d'un double sens littéral a pour but 'de 
donner à certaines prophéties une valeur dogmatique 
plus indiscutable. Mais, dans les oracles à double objet, 
il est toujours possible de restreindre le sens littéral 
tantôt à l'objet prochain, en réservant le sens spirituel 
pour l'objet éloigné, tantôt à ce dernier, quand par leur 
ampleur, les traits de la prophéties deviennent inappli- 
cables au premier, D'ailleurs ce n'est pas seulement le 
sens littéral qui « est fondé sur la lettre même », c'est 
aussi le sens spirituel, comme l'enseigne expressément 
saint Thomas dont nous avous reproduit plus haut la 
formule. — 3» On est d'accord aujourd'hui pour admettre 
qu'il n'y a pas de double sens littéral dans la Sainte Écri- 
ture. De même, en effet, qu'un homme qui parle ou qui 
écrit pour énoncer sa pensée ne donne qu'un sens litté- 
ral à sa parole, ainsi le Saint-Esprit, en se servant du 
langage humain selon les règles propres à ce langage, 
ne peut-il vouloir exprimer littéralement qu'une seule 
idée avec les mêmes mots. La pluralité des sens litté- 
raux n'apparaît donc pas comme une conséquence de 
la sagesse divine, ni comme une prérogative des textes 
sacrés. EJle ne ferait au contraire qu'engendrer contu- 
sion et ne servirait qu'à égarer celui qui, en possession 
du vrai et légitime sens littéral perdrait sa peine et son 
temps à en chercher d'autres. L "autorité de saint Au- 
gustin, seul de son avis parmi les Pères, n'a déterminé 
aucun courant traditionnel en faveur de l'idée qu'il pré- 
conise, et celle de saint Thomas, assez peu afflrmatif 
sur la question, a contre elle le témoignage très caté- 
gorique des anciens scolastiques, Alexandre de Halès, 
saint Bonaventure, Albert le Grand, etc., sur l'unité du 
sens littéral. Cf. Patrizi, De interpret. Biblior., Rome, 
1876, p. 35-38. Le double sens littéral constituant une 
dérogation importante aux règles ordinaires du langage 
humain, il faudrait de graves et nombreuses autorités 
pour en justifier l'existence ; or, on le voit, ces autorités 
font défaut. — 4° On ne peut tirer de la pratique des 
auteurs sacrés eux-mêmes une preuve en faveur de 
l'existence du double sens littéral. Ce qu'on présente 
quelquefois comme un second sens littéral, n'est qu'un 
sens conséquent compris dans le premier et en décou- 
lant naturellement. Ainsi le texte d'Isaïe, Lin, 4 : « Il a 
porté nos souffrances et s'est chargé de nos douleurs, » 
qui s'applique au mal de l'ordre moral, au péché, est 
cité par saint Matthieu, vm, 17, à propos des guérisons 
opérées par Notre-Seigneur, parce que la maladie est 
une conséquence directe du péché. Le texte du 
Psaume n, 7 : « Tu es mon Fils, aujourd'hui je t'en- 
gendre, » est cité dans le sens littéral, Heb., I, 5, et 
ailleurs dans le sens conséquent du souverain sacerdoce 
reçu du Père, Heb., v, 5, ou de la résurrection. Act.,xiH, 
33. Les paroles de Daniel, ix, 27, sur l'abomination de 
]a désolation dans le lieu saint sont appliquées par 
Notre-Seigneur à la période qui précédera la ruine de 
Jérusalem. Matth., xxiv, 15. C'est là leur sens littéral. 
En disant qu'Antiochus établit sur l'autel de Dieu une 
idole, abomination de la désolation, l'auteur du premier 
livre des Machabées, I, 57, se réfère simplement à d'au- 
tres passages de Daniel, xi, 31; xn, 11, dans lesquels la 
même expression est employée à propos des persécu- 
tions dont le peuple d'Israël sera l'objet de la part des 
princes idolâtres. Voir Abomination de la désolation, 
t. i, col. 70. Quand le Sauveur dit aux Juifs : « Détrui- 
sez ce temple, •>> Joa., n, 19-21, ceux-ci croient qu'il 
s'agit du temple de Jérusalem, tandis que Jésus parle 
de son corps. Il n'y a pas là de double sens littéral, 
bien que la phrase soit à dessein énigmatique. « Ce 
temple » ne désigne pas nécessairement le temple de 
Jérusalem, et, dans la pensée du Sauveur, alors obscure 
pour tous les auditeurs, « ce temple » est son corps et 
pas autre chose. Enta, les paroles de Caïphe : « Il est 



avantageux qu'un homme menfe pour le peuple, » 
Joa., xi, 50, sont vraies et n'ont qu'un seul sens littéral, 
celui qu'énoncent les mots. Saint Jean remarque que 
Caïphe ne les proféra pas de lui-même, mais que, en sa 
qualité de pontife, il prophétisa que Jésus mourrait 
pour son peuple. La mort rédemptrice du Sauveur est 
donc le sens littéral inspiré par l'Esprit-Saint ; mais 
Caïphe ne se rend pas compte de toute la portée de sa 
sentence et, par ignorance et malice, ne voit dans la 
mort du Sauveur qu'un moyen de se concilier la faveur 
des Romains, tandis qu'elle est destinée à concilier 
à l'humanité la faveur de Dieu. — 5» Parfois les Pères 
ont assigné à certains textes des sens assez divers. 
Ainsi dans les mots in principio qui commencent la 
Genèse, ils voient soit l'indication de temps assez diffé- 
rents, soit l'affirmation du rôle du Verbe dans la créa- 
tion. Les paroles d'Isaïe, lui, 8 : « Qui racontera sa 
génération? » sont appliquées par eux soit à la géné- 
ration éternelle, soit à la génération temporelle, soit 
à l'une ou à l'autre ou même ni à l'une ni à l'autre. 
Ces divergences n'impliquent nullement la pluralité 
des sens littéraux; elles montrent seulement que tous 
les Pères n'ont pas toujours fixé avec précision le vrai 
sens littéral de certains passages. Souvent, du reste, 
les sens multiples qu'ils assignent ne sont que des 
sens conséquents ou implicitement et nécessaire- 
ment compris dans le sens littéral. Ainsi les paroles 
de Notre-Seigneur : « Sur cette pierre je bâtirai mon 
Église, » Matth., xyi, 18, indiqueraient comme pierre 
fondamentale de l'Église soit le Christ, soit Pierre, 
soit la foi de Pierre, soit même la profession publique de 
cette foi. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Malth., Paris, 
1893, t. il, p. 54-60. Il n'y a pas là quatre sens littéraux 
présentés comme possibles, mais seulement quatre con- 
ditions constitutives du rôle de Pierre : l'Apôtre n'est 
la pierre fondamentale de l'Église qu'autant qu'il est 
uni à Jésus-Christ, fondement essentiel de l'édifice, et 
qu'il reconnaît, par une foi intime et explicite, qu'il 
n'agit que par la puissance du divin Maître. — Il n'y a 
donc pas de raison pour admettre que, dans les Saintes 
Écritures, Dieu ait voulu contrevenir aux lois ordinaires 
du langage, en exprimant par les mêmes mots plusieurs 
idées à entendre au sens littéral. — Sur la recherche du 
sens littéral, voir Herméneutique, t. m, col. 612-627. 
— Cf. Reithmayr, Lehrbuch des biblisehen Hertneneu- 
tik, Kempten, 1874, p. 36 ; Ch. Beelen, Dissert, theolog. 
qua sententiam... multiplicem interdum litteralem 
nullo fundamento niti, Louvain, 1845; Vigouroux, Ma- 
nuel biblique, 11 e édit., t. i, p. 274; Gilly, Précis d'in- 
troduction à l'Ecrit. Sainte, Nîmes, 1868, t. n, p.11-33; 
Cornely, Introductio generalis, Paris, 1885, t. i, p. 513- 
529;Trochon, /«frai. sréwé»'ate,Paris,1886, 1. 1, p. 506-513. 

H. Lesètre. 
LITURGIE (XsiToupyt'a ; Vulgate : officium, ministe- 
rium). Ce mot désigne, chez les Grecs, une charge, une 
lonction publique. Dans le langage biblique, le seul 
dont nous ayons â nous occuper ici, XeiTOup-f'a corres- 
pond au mot hébreu rrnsr, 'âbôdâh, qui se dit du mi- 
nistère des prêtres remplissant leurs lonctions sacerdo- 
tales, Num., vm, 22; xvi, 9, etc.,XsiToypY£ÏVTrjV XeeToup-pav, 
comme traduisent les Septante. Le ministère sacerdotal 
que remplit Zacharie dans le temple de Jérusalem est 
appelé par saint Luc, I, 23, XeiToupYia (Vulgate : offichcm). 
Saint Paul désigne sous le nom de t« <7xrJ7] ttiç Xsitoup- 
Yt'a« (Vulgate : vasa ministerii), Heb., îx, 21, tout ce 
qui sert aux prêtres pour l'oblation des sacrifices et, 
Heb., vm, 6, il applique au ministère sacerdotal du 
Christ l'expression de Xeiroupyïa (Vulgate : ministerium). 
Jésus-Christ, en tant que prêtre, est rûv àymv XeiTovp- 
Y<5ç, sanctorum minister. Heb., 7111, 2. Saint Paul se 
qualifie lui-même, Rom., xv, 16, Xenoufiyàv 'Ir ( CToO Xptu- 
toO ei; Ta e'Ovt), minister Christi Jesu in gentibus, com- 
prenant sous ce terme ses fonctions sacerdotales et 



301 



LITURGIE — LIVRE 



302 



apostoliques. Cet emploi restreint de XEitoup-fôç et de 
XeiTovpYi'a n'exclut pas d'ailleurs, çà et là, le sens plus 
général de ministre, Rom., xm, 6; Heb., i, 7; Phil., h, 
25, et de ministère de bienfaisance et de charité. 
II Cor., ix, 17; Phil., n, 30; cf. Rom., xv, 27. — Le verbe 
Xetto'jpfÉw, minwtrare, a pris naturellement dans le 
Nouveau Testament une signification analogue à celle 
de XsiTOvpyia et de Xerroup-yii;. Les Septante, dans leur 
version, l'avaient déjà appliqué au ministère sacerdotal 
etlévitique. Exod., xxvm, 35, 43; xxix,30;Num.,xviH, 
2; Ezech., xl, 46, etc.; cf. Heb., x, 11. Dans les Actes, 
xm, 2, XstTO'jpYO'JVTwv fie avTôv ™ Kupsw, ministranti- 
bus autem Mis Domino, est dit des fonctions sacerdo- 
tales des prêtres de la loi nouvelle, c'est-à-dire de Pobla- 
tion du sacrifice eucharistique. « L'addition tû Kupt'w 
détermine ici (le sens de XstToupyoïlvcwv) et lui donne la 
signification précise de célébrer le service divin. » A. 
Legendre, L'Église naissante et l'Eucharistie, in-8», 
Angers (1902), p. 10. Cf. Beelen, Comment, in Acta 
Apostolorum, Louvain, 1864, p. 324. L'Écriture ne nous 
a pas conservé les prières qui accompagnaient la célé- 
bration des saints mystères, mais nous en trouvons les 
formules les plus anciennes dans la Doctrina duodecim 
Apostolorum. ix-x, édit. Harnack, in-8°, 18S4, p. 28-36. — 
Plus tard le terme de « liturgie » a reçu des acceptions 
particulières et diverses qu'il n'y a pas lieu d'exposer 
ici, parce qu'elles ne sont pas bibliques. 

1. LIVRE, ouvrage d'esprit. Les questions relatives 
à la matière et à la forme extérieure des manuscrits 
anciens de la Bible, à leur disposition intérieure, à leur 
étendue, à leurs conditions diverses d'existence et de 
■durée, ne sont point une simple affaire de curiosité ar- 
chéologique; elles intéressent aussi, quelquefois très 
gravement, la critique et l'exégèse et ont même leur 
contre-coup sur l'histoire de la révélation. Nous réuni- 
rons dans ce travail, en nous tenant autant que possible 
sur un terrain exclusivement biblique, les notions les 
plus nécessaires à l'étude de l'Écriture. 

I. Définitions. — 1° Le mot « livre » en hébreu. — Le 
.mot nso, sêfér, employé 182 fois dans l'Ancien Testament, 

signifierait, selon l'étymologie reçue, « ce qui est poli, 
frotté, «c'est-à-dire « surface aplanie en vue de recevoir 
un écrit ». Cette.dérivation est très incertaine. Le verbe 
-sd, sâfar, aux modes personnels, veut dire simplement 

- T 

t< compter » et le participe nsto, sôfér (48 fois), ou bien 

n'est qu'un dénominatif de nso ou bien se rattache lui 

aussi à la signification ordinaire de « compter ». D'ail- 
leurs l'étymologie importe peu ; il suffit de savoir qu'on 
appelle nsD la moindre feuille volante : une lettre, 

II Sam. , xi, 14, 15 ; II Reg. , v, 5 ; x, 17 ; xx, 12 ; Is. , xxxix, 
1 ; Jer., xxix, 1, un contratde vente ou d'achat, Jer., xxxn, 
■10-12, un acte d'accusation, Job, xxxi, 35, le libellus 
vepudii qu'on devait remettre à la femme divorcée, 
Deut., xxiv, 1, 3, un document quelconque. Jos., xvm, 
9; I Sam., x, 25 ; Esther, n, 23. Ce mot a par exception le 
sens d'écriture dans Dan., i, 4; mais le sens habituel est 
celui de rouleau écrit quelle qu'en soit la longueur. 

2° Le mot « livre » en grec et en latin. — Liber, 
ainsi que fliëXoç ou fJu6Xo;, désignait primitivement 
l'écorce intérieure de certains arbres, comme le frêne, 
le hêtre et le tilleul, écorce dont on se servait pour écrire, 
faute de matériaux plus convenables. Ces noms furent 
ensuite appliqués par extension à la moelle du papyrus 
qu'on se représentait comme une série de pelures super- 
posées. Plus tard on appela liber, fJîëXoç, le rouleau de 
papyrus chargé d'écriture; le papyrus non écrit était 
appelé charta, xiptr]?- Le diminutif ftiëXi'ov se disait 
d'abord des écrits de peu d'étendue (comme libellus) 
des lettres par exemple; mais dans la suite il devint 
tout à fait synonyme de pî6Xos. — Dans les Septante et 



la Vulgate piëXsov ou pfëXoç et liber prennent naturelle- 
ment le sens correspondant de l'hébreu isd. L'usage du 

Nouveau Testament n'a de particulier que l'expression 
livre de vie, Apoc. (6 fois); Phil.,iv, 3; et le diminutif 
piëXapîSiov. Apoc, x, 2, 9, 10. 

II. Substances anciennement employées pour 
écrire. — 1° Matériaux divers. — 1. De tout temps on a 
cherché à éterniser la mémoire des grands événements 
en les écrivant sur le plus durable des matériaux, la 
•pierre. Cf. Job, xix, 24. Cet usage était fréquent en 
Egypte, en Chaldée et en Assyrie. Le décalogue était 
gravé sur des tables de pierre, Ex., xxiv, 12; xxxi, 18; 
xxxn, 15-19; Deut., îv, 13; ix, 10; x, 4; mais il est pro- 
bable que le Deutéronome fut simplement tracé sur de 
grandes dalles de pierre enduites de chaux. Deut., xxvil, 
2-8; Jos., vin, 32. — 2. Le métal a servi pour le même 
but. On sait qu'à Rome les lois et les traités étaient 
gravés sur le bronze. Cf. I Mach., vm, 22-29; xiv, 26. Les 
diplômes militaires des vétérans, dont on possède en- 
core une centaine d'exemplaires, étaient écrits sur deux 
tablettes d'airain reliées par des anneaux. On employait 
surtout le plomb pour des usages superstitieux : à Do- 
done, questions adressées à l'oracle; ailleurs, formules 
magiques, exécrations, etc. Pausanias, IX, xxxi, 4, ra- 
conte qu'on montrait à Hélicon les œuvres d'Hésiode 
gravées sur plomb; mais cet usage littéraire n'a pu être 
que très exceptionnel. — 3. Les Chaldéens et les Assyriens 
nous onf laissé de véritables bibliothèques d'argile. On 
écrivait au poinçon les tablettes récemment pétries, puis 
on les cuisait au four, enfin on les empilait selon leur 
numéro d'ordre comme les feuillets d'un livre. Pour les 
lettres et les contrats, on recouvrait la tablette une fois 
cuite d'une mince enveloppe d'argile, sur laquelle on 
gravait soit l'adresse du destinataire soit le résumé de 
l'acte avec le nom des témoins et on soumettait le tout à 
une nouvelle cuisson. Il n'est guère douteux que les Juifs 
n'aient connu ce mode d'écrire, puisqu'il était universel- 
lement usité en Palestine et dans tout l'Orient vers 
l'époque de l'Exode, comme le prouve la trouvaille de 
Tell el-Amarna. Cependant on n'en voit dans la Bible 
d'autre vestige que la brique où Ézéchiel, IV, 1-2, trace le 
plan de l'investissement de Jérusalem. — 4. Les tablettes 
de buis ou d'ivoire enduites de cire étaient très com- 
munes en Grèce et en Italie pour les notes, les comptes 
et la correspondance. Parfois on en réunissait deux ou 
plusieurs ensemble de manière à former une espèce de 
livre. L'exemple de Zacharie nous montre qu'elles étaient 
usitées en Palestine au temps de J.-C. Luc, i, 63. — La 
Bible n'offre pas trace des divers matériaux employés 
encore de nos jours en certains pays : écorces d'arbres, 
feuilles de palmier, planchettes de bois, tissus. Les écrite 
inspirés nous ont été transmis exclusivement dans des 
livres de cuir, de papyrus, de parchemin ou de papier. 

2" Peau préparée, cuir. — En dehors de l'Egypte, où 
le papyrus remonte aux origines, et de la Chaldée, qui 
connut de tout temps ses livres d'argile, la plupart des 
peuples anciens se servaient pour écrire de peaux pré- 
parées. Diodore de Sicile rapporte, sur la foi de Ctésias, 
que les livres sacrés des Perses ne remplissaient pas 
moins^de 1 200 peaux de bœuf. Diodore, n, 32. Héro- 
dote Jv, 58, affirme que de son temps encore les barbares 
continuaient à écrire sur des dépouilles d'animaux et que 
les Ioniens appelaient les rouleaux de papyrus SiopOépai, 
« peaux, » parce qu'autrefois ils se servaient de peaux 
pour écrire. Strabon, xx, 1, mentionne, d'après Nicolas 
de Damas, une lettre écrite sur peau, adressée par les 
Indiens à l'empereur Auguste. — Le peuple juif, dont 
l'Egypte était le berceau et qui entretint toujours avec 
l'empire des Pharaons des rapports de commerce et de 
voisinage, ne put ignorer l'usage du papyrus. Nul doute 
qu'il ne l'ait employé pour les écrits ordinaires. Le livre 
dicté à Baruch par Jérémie et que le roi Joakim, après 



303 



LIVRE 



304 



en avoir entendu lire deux ou trois colonnes, déchira et 
jeta dans un réchaud allumé était certainement un rou- 
leau et très probablement de papyrus. Jer., xxxvi, 21-23. 
Mais pour les écrits sacrés, regardés comme tels, il 
semble que l'usage le plus ancien ait exigé l'emploi de 
peaux travaillées. L'exemplaire de la Thora envoyé à 
Ptolémée Philadelphe par le grand-prêtre Éléazar était 
écrit en lettres d'or sur des peaux (SiçOépat) dont le 
pharaon admira la finesse et l'agencement. Josèphe, 
Antiq. jud., xn, 2. Du reste, cette coutume s'est main- 
tenue jusqu'à nos jours, comme il est aisé de le consta- 
ter par l'examen des livres liturgiques hébreux déposés 
dans les principales bibliothèques. — A proprement 
parler, la matière employée par les Juifs pour les rou- 
leaux des synagogues n'était pas le parchemin, mais un 
cuir véritable que le Talmud appelle gevil (Sm) et la 
Mischna simplement peau (i"iy). Le parchemin leur était 
connu et ils en distinguent deux espèces, le qelaf (^b-) 
et le doxostos (dtddiddvj), mot évidemment dérivé du 
grec, mais d'une étymologie incertaine. On se sert du 
parchemin pour les phylactères et on peut s'en servir 
pour les megilloth. Sur les passages du Talmud relatifs 
à ces matériaux et sur les règles à suivre pour le choix 
et l'assemblage des peaux destinées à former un rouleau 
sacré, voir Blau, Studien zum althebr. Buchwesen, 
Strasbourg, 1902, p. 22-29. 

3° Papyrus. — Bien que les papyrus les plus anciens 
parvenus jusqu'à nous ne remontent probablement pas 




104. — Scribe accroupi Musée du Louvre 

au delà de trois mille ans avant J.-C, nous pouvons 
affirmer avec certitude que le papyrus était connu bien 
auparavant. Le signe hiéroglyphique du rouleau de pa- 
pyrus, ^h>, pour désigner le livre, la science et les idées 
abstraites, paraît aussi ancien que l'écriture elle-même 
et on le trouve représenté dans les peintures et les scul- 
ptures des époques les plus reculées. On voit au Musée 
du Louvre un scribe accroupi de la cinquième dynastie 
déroulant sur ses genoux un livre en tout pareil à ceux 
que les tombeaux égyptiens nous ont livrés (fig. 104). Ce 
n'est pas ici le lieu de décrire la fabrication du papyrus. 
Pendant de longs siècles l'Egypte en eut le monopole. 
Plus tard elle l'exporta dans le monde civilisé par l'in- 
termédiaire des Phéniciens. La Grèce ne l'adopta qn'au 
vi • siècle avant notre ère. Auparavant on écrivait peu en 



pays grec. Les poésies se transmettaient oralement et il 
suffisait d'une copie d'Homère sur peau ou sur bois 
pour chaque école d'aèdes. Hésiode, d'après Pausânias, 
IX, xxxi, 4, était gravé sur plomb, comme on l'a dit 
plus haut. Les compositions en prose des logographes, 
des historiens et des philosophes, ne pouvant pas aisé- 
ment s'apprendre par cœur, firent la fortune du pa- 
pyrus. Au V e siècle, il se vendait à Athènes, très cher 
encore, sous le nom de z«pfr); (papyrus non écrit) qu'il 
gardera. Après la fondation d'Alexandrie, l'exportation 
du papyrus prit une nouvelle extension et il devint 
d'un usage général pour toutes les œuvres littéraires. 
C'est ce qui explique l'erreur de Varron et de Pline qui 
en fixent la [découverte à cette époque. Une fois adopté 
par les peuples civilisés comme matière à écrire, le pa- 
pyrus régna sans rival. Le parchemin, malgré ses in- 
contestables avantages, ne réussit que très lentement à 
le détrôner. Pratiquement, jusqu'au iv« siècle de notre ère, 
tous les ouvrages littéraires sont écrits sur papyrus. 
Quand la récolte de papyrus était mauvaise en Egypte, 
le commerce de la librairie était en souffrance dans le 
monde entier. Pline, R . N., xm, 13. Nous pouvons sup- 
poser avec grande probabilité que les originaux de tous, 
les livres du Nouveau Testament ont été écrits sur pa- 
pyrus et c'est ce qui explique leur disparition rapide. 
Saint Paul prie Timothée de lui rapporter de Troade 
les livres et surtout les parchemins ((j.eu.ëpàvaç) qu'il y 
a laissés, II Tim., rv, 13; mais saint Jean, quand il parle 
de lettre à écrire, ne songe qu'au papyrus. II Joa., 12. 
Or, les rouleaux de papyrus s'usaient assez vite : on. 
regardait comme très anciens les rouleaux de deux ou 
trois cents ans. L'usure était bien plus rapide pour les 
volumes souvent déroulés, tels que les livres canoniques. 
Aussi n'est-il resté des manuscrits bibliques des trois 
premiers siècles de notre ère que de rares et courts 
fragments, échappés comme par miracle à la destruc- 

• tion du temps. 

4» Parchemin. — Suivant la tradition, le parchemin 
est originaire d'Asie Mineure, comme le papyrus 
d'Egypte. Cette tradition, il est vrai, nous arrive escortée 
de détails controuvés. Au dire de Pline, qui s'appuie sur 
Varron, lorsque Eumène II (197-158 avant J.- C.), roi de 
Pergame, eut décidé la fondation d'une grande biblio- 
thèque rivale de celle d'Alexandrie, Ptolémée, pris de 

| jalousie, interdit l'exportation du papyrus sur les côtes 
asiatiques. Eumène fut donc obligé de se rejeter sur d'au- 
tres matériaux et de là naquit l'invention du parchemin. 
Pline, H. N. t xm, 68. Saint Jérôme fait allusion à cette 
histoire, mais il substitue Attale à Eumène. Epist., vu, 
Ad Chromât., t. xxn, col. 339. Cependant le nom de par- 
chemin, pergamena charta, évidemment emprunté au 
lieu d'origine, ne se rencontre pas, ce semble, avant un 
édit de Dioclétien de l'an 301. — Le perfectionnement 
ou, si l'on veut, l'invention attribuée aux rois de Per- 
game consistait en ceci : la peau au lieu d'être tannée, 
était d'abord débarrassée de ses poils, corrodée par la 
chaux, puis frottée et polie à la pierre ponce. — L'in- 
vention des Attales trouva d'abord peu de faveur auprès 
du public, des écrivains et des libraires. Le parchemin, 
fit concurrence aux tablettes de cire, mais non au papy- 
rus, considéré toujours comme une matière noble, dis- 
tinguée. Pas un des livres retrouvés à Herculanum, où 
ils étaient ensevelis depuis l'éruption de l'an 79 de notre 
ère, n'est en parchemin. Ce nouveau produit ne servit 
guère d'abord que pour les comptes, les brouillons, les. 
lettres familières, enfin pour les exemplaires qu'on vou- 
lait emporter en voyage. On l'employait aussi comme 
étui des rouleaux en papyrus (pœnuto,?aivôlT|ç ou <paclo'vr ( ç) 
et comme étiquette extérieure (index, metnbranula, 
ffîlluëoî). Ce ne fut guère qu'au IV e siècle que l'usage en 
devint général. Pratiquement sa diffusion coïncide avec 
la victoire du christianisme et ce furent les chrétiens 
qui, les premiers, l'employèrent en grand pour les. 



|),, r. UK I.A BlB '-KTOI ÏE1 l-:r AnÉ. EdIT. 









«2 



. 



! 






FRAGMENT ATTRIBUÉ A HYPERIDE (Papynu C\XXI\ 



305 



LIVRE 



306 



œuvres littéraires. Toute la bibliothèque de saint Maxime 
de Césarée, contenant entre autres ouvrages les écrits 
d'Origène, était encore en papyrus. Comme cette matière 
se détériore facilement, deux prêtres de Césarée, Acacius 
et Euzbïus, la firent transcrire sur parchemin. Sur l'ordre 
de Constantin, Eusèbe fit préparer cinquante exemplaires 
des Livres Saints écrits sur parchemin pour les églises 
de Constantinople. A partir de ce moment, le papyrus 
ne servit plus guère pour }a transcription de la Bible; 
et quand les Arabes, au vn e siècle, envahirent l'Egypte, 
le papyrus ne fut plus employé que par la chancellerie 
pontificale. Les papes continuèrent à en faire usage 
pour leurs bulles jusqu'au xi e siècle. 

5° Papier. — Dès l'antiquité la plus reculée, les Chi- 
nois ont connu le papier de riz, et les Espagnols, lors 
de la conquête de l'Amérique, trouvèrent les Mexicains 
en possession d'un papier indigène, fait d'agave. On 
s'accorde assez généralement à regarder les Arabes 
comme les inventeurs du papier dont nous nous servons 
aujourd'hui, mais la question du temps et du lieu de 
l'invention n'a jamais été tirée au clair. Ce que l'obser- 
vation microscopique permet d'affirmer aujourd'hui, c'est 
que le premier papier était fait de lin ou de chiffons et 
non de coton, comme on l'avait cru longtemps. Il ne 
faut donc pas se fier aux mentions de charta bomby- 
cina, gossypina, cuttunea, xylina, qu'on trouve fré- 
quemment dans les anciens catalogues et répertoires 
bibliographiques. Wattenbach regarde comme très pro- 
bable que toutes ces appellations dérivent par erreur 
de charta bambycina (fabriquée à Bambycé). Des Arabes, 
le papier passa en Espagne (Jativa, Valence, Tolède) et en 
Italie (Fabriano dans la marche à l'Ancône, Padoue, Tré- 
vise), puis en France et en Allemagne. Au X e siècle il 
était commun, mais on ne s'en servait guère poui*^ la trans- 
cription des Livres Saints; et, au milieu du xv« siècle, au 
moment de l'intention de l'imprimerie, il était loin d'avoir 
supplanté le parchemin. Son importance au point de 
vue de la critique biblique est donc assez restreinte. 11 
ne peut servir à déterminer l'époque des manuscrits; il 
ne donne pas non plus d'indication précise sur leur ori- 
gine. En eflet, il est difficile de distinguer la provenance 
du papier, car dès cette époque il était exporté au loin 
et les marques célèbres étaient souvent contrefaites. 

III. Forme des livres anciens. — La lorme qu'affecte 
le livre chez les divers peuples dépend principalement 
de la matière employée pour écrire. Là où l'on se sert 
d'olles ou feuilles de palmier, d'écorces d'arbre, de 
planchettes de bois, on taille ces sortes de pages sur 
un même format et on les tient unies ensemble par 
une ficelle passée à chaque extrémité, de façon que le 
livre ressemble à un éventail ou à une jalousie. En 
Chine, où on emploie de longues bandes de papier de 
riz écrit d'un seul côté, on replie cette bande sur elle- 
même et on assujettit un des bords, l'autre bord restant 
libre. — Mais, au point de vue biblique, nous n'avons 
à nous occuper que du rouleau ou volume et du codex 
ou livre carré. Bien qu'il y ait quelques exceptions, on 
peut dire en général que le cuir et le papyrus prennent 
la forme de rouleau, tandis que le parchemin et le pa- 
pier prennent la forme de codex. 

/. rouleaux ou volumes (volumina). — 1° Rou- 
leaux hébreux liturgiques. — Les anciens manuscrits 
hébreux, liturgiques et autres, avaient certainement la 
forme de rouleaux, presque exclusivement visitée jus- 
qu'au rv e siècle de notre ère. Le livre des prophéties 
de Jérémie que Joakim déchira à coups de canif et 
jeta dans un réchaud, après en avoir entendu lire 
trois ou quatre colonnes (delatôt), était un rouleau. 
Jer., xxxvi, 23. Rouleau aussi certainement était 
le livre présenté à Jésus dans la synagogue de Na- 
zareth, livre qu'il déroula pour le lire (àvaimjfrxç ou 
àvoi'ïa?) et qu'il enroula ensuite, la lecture achevée. 
Luc, iv, 17-20. Du reste les allusions bibliques suppo- 



sent toujours cette forme. Cf. Is., xxxiv, 4; Job, xxxi, 
35-36; I Mach., m, 48, etc. Noter que ibd, « livre, ïet 

nso rftia, « rouleau de livre, » sont deux expressions 

synonymes. Les livres présentés par les Juifs au roi 
Ptolémée étaient des rouleaux, d'après le faux Aristée. 
Josèpho, Ant. jud., XII, n, 10. Plus tard les manus- 
crits d'usage privé reçurent la forme de codex, mais le 
rouleau est resté jusqu'à nos jours la forme liturgique 
et c'est celle des livres destinés aux lectures publiques 
dans les synagogues. — Ces rouleaux ne contiennent 
absolument que le texte sacré, sans titres ni notes, sans 
voyelles ni accents. La transcription de ces manuscrits 
est soumise à des règles minutieuses qui sont surtout 
rigoureuses pour la Thora (Pentateuque), un peu moins 
pour les prophètes (nebi'îm) et beaucoup moins pour les 
cinq meghillôth (Esther, Lamentations, Cantique des 
Cantiques, Ecclésiaste, Ruth). L'écriture est disposée en 
colonnes parallèles, de dimensions à peu près égales, 
dans le sens de la largeur du rouleau. La colonne s'ap- 
pelle délét, « porte, » dans l'Écriture, pas, même sens, 
dans le Talmud, 'ammûd, « colonne, » ou daf, 
« planche, » chez les rabbins du moyen âge. Il doit y 
avoir une marge inférieure et une marge supérieure 
d'une largeur déterminée, différente suivant les écoles; 
entre les colonnes règne un espace blanc à peu près 
égal à la moitié d'une marge. Entre les divers livres de 
l'Écriture, y compris les cinq livres de la Thora, on 
laisse en blanc un espace de quatre ligues. Cet espace 
blanc est seulement de trois lignes entre les douze petits 
prophètes. Comme les peaux dont l'assemblage forme 
le rouleau ne sont pas toujours pareilles, la largeur des 
colonnes varie un peu d'une peau à l'autre; il y en a 
d'ordinaire trois ou quatre par peau. — Les rouleaux 
liturgiques ne sont'jamais écrits que d'un seul côté, le 
côté intérieur. Du reste les volumes opisthographes, ou 
écrits des deux côtés, même pour l'usage privé, parais- 
sent avoir été aussi rares chez les Hébreux que chez les 
Grecs et chez les Latins. Celui qu'aperçut Ezéchiel, n, 
10, et l'auteur de l'Apocalypse, v, 1 (j3[6Xtov Y£YP a t t l i ^ 0V 
&j(d9sv xai owicOev), est une exception expressément signa- 
lée. Chaque extrémité s'enroulait autour d'une tige appe- 
lée communément « arbre de vie ». — Quelques-uns do 
ces livres liturgiques, conservés dans nos bibliothèques, 
sont énormes. Le rouleau coté cod. hebr. 1 à la Casana- 
tense de Rome a 34 m 50 x 0" 69 et contient 207 colon- 
nes ; le rnan. hébreu 56 de la Bibliothèque nationale de 
Paris mesure 48 m 90 x m 585 et compte 247 colonnes; le 
manuscrit du Vatican hebr. 2 est formé de 73 peaux con- 
sues ensemble, a de 73 à 75 centimètres de largeur et 
le catalogue lui attribue 183 pieds 6 pouces de longueur. 
Il faut ces grandes dimensions pour que le rouleau ren- 
ferme tout le Pentateuque et soit lisible à une certaine 
distance. Mais nous avons des raisons de croire que ces 
immenses exemplaires n'existaient pas autrefois. L'écri- 
ture était très menue et très serrée. Saint Jérôme se 
plaint qu'il ne peut plus la déchiffrer la nuit et qu'il a 
beaucoup de peine à la lire en plein jour. In Ezech., 
lib. VII, prolog., t. xxv, col. 199. Il mentionne expres- 
sément la petitesse des caractères : litterarum parvitas. 
Tous les textes^ du Talmud supposent que les Livres 
sacrés étaient maniables et portatifs et le Pentateuque 
étant toujours écrit sur un seul rouleau, de même que 
les Prophètes, il fallait que l'écriture en fût assez fine. 
Cela explique les innombrables confusions de lettres 
pareilles qui ont été commises par les copistes, comme 
en témoignent les passages parallèles et les versions. 

2° Rouleaux ou volumes grecs et latins. — La forme 
nous en est bien connue par les descriptions des anciens, 
par les peintures et les sculptures contemporaines et par 
les exemplaires conservés. Aucun rouleau biblique, en 
grec ou en latin, n'est parvenu en entier jusqu'à nous; 
mais les tombeaux égyptiens nous ont conservé des livres 



307 



LIVRE 



308 



grecs du iii« siècle avant J.-C. et le Musée de Naples 
garde précieusement les 3000 rouleaux, la plupart assez 
fragmentaires, ensevelis à Herculanum, l'an 79 de notre 
ère, par l'éruption du Vésuve. — On écrivait sur la 
bande de papyrus toute préparée, en colonnes parallèles 
dont la hauteur était égale à ta largeur du rouleau. La 
première colonne, à gauche, restait libre pour le titre, 
la dernière, à droite, portait diverses indications : nom 
Ù3 l'auteur et de l'ouvrage, stichométrie. Voir flg. 105, 
le fac-similé du papyrus d'Hypéride (n« siècle avant J.-C). 
On collait ordinairement l'extrémité de la bande sur 
une tige cylindrique (ojmpaXo;, umbilicu») autour de 
laquelle s'enroulait le volume. A un des bouts renflés de 
la tige était suspendue une étiquette portant le titre 
<lu livre et son numéro d'ordre. — La bande de papyrus 
ne s'écrirait que d'un seul côté, celui où les fibres de la 
moelle étaient horizontales. L'écriture encore fraîche 
pouvait s'effacer à l'éponge, mais le grattage était peu 



tablettes pour le même office et on lui donna la même 
forme, la forme de cahiers juxtaposés et cousus ensemble. 
C'est l'origine de notre livre actuel. — Le codex ne 
supplanta le rouleau que lentement et pas avant la 
quatrième siècle de notre ère pour les ouvrages litté- 
raires. On l'employa d'abord pour les traités classiques, 
grammaires, dictionnaires, etc., où le rouleau, avec ses 
dimensions uniformes et son maniement toujours un 
peu long, était incommode. Puis vinrent les traités juri- 
diques, d'où le nom de codex, « code, » pour désigner les 
recueils de lois. Nous verrons que les chrétiens furent 
les premiers à adopter le codex pour leurs livres sacrés. 
1» Codex hébreux. — Les Bibles hébraïques à l'usage 
des particuliers sont en général des codex et non pas 
des rouleaux. La page est presque toujours divisée en 
plusieurs colonnes, trois le plus souvent. Le nombre de 
lignes dépend naturellement du format, mais comme 
le format in-octavo domine il est en moyenne de vingt- 




106. — Fac similé d'un manuscrit opistographe de la Politique d'Aristote. Papyrus du British Muséum. 



praticable. On possède cependant quelques papyrus opis- 
"thographes (Gg. 106) et même quelques palimpsestes. — 
Comme on pouvait toujours coller de nouvelles feuilles, 
la longueur de la bande était indéfinie. On a découvert 
dans les tombeaux égyptiens des bandes assez longues 
pour contenir tout le Livre des Morts : ainsi le papyrus 
■d'Orbiney a 21 mètres, le papyrus magique Harris atteint 
43 m 50. Sur ce dernier on pourrait écrire Y Odyssée en- 
tière. Mais les rouleaux destinés à l'usage des vivants 
étaient de proportions beaucoup plus modestes, car les 
longs volumes sont fragiles et peu maniables. On don- 
nait deux ou trois mètres à un livre de poésie; de 
quatre à six à un livre de prose. Dans les peintures 
gréco-romaines, les rouleaux remplissent à peine la 
main (fi g. 107) et ne paraissent pas avoir plus de 20 
ou 30 centimètres de largeur. Ceux d'Herculanum sont 
particulièrement petits. 

//. codex ou livre carré. — On appelait autrefois 
taudex ou codex l'assemblage de plusieurs tablettes de 
cire qui prenaient le nom de diptyques, triptyques et 
■en général polyptyques, suivant le nombre des planches. 
Sénéque, De brevit.vitœ, 13. On s'en servait surtout pour 
ccrire les comptes, d'où l'expression : labulse ou codex 
accepli et expensi, et on les conservait dans les archives 
de famille (tabulina). Pline, H. N., xxxv, 7. Quand le 
parchemin devint d'un usage commun, il remplaça les 



cinq ou trente. Les lignes, courtes, renferment rarement 
vingt lettres et quelquefois pas plus de dix. Le codex 
Oriental 1474, du Musée Britannique, avec sa colonne 
unique de cinquante-trois lettres, est un cas tout à 
fait exceptionnel. — A rencontre des rouleaux litur- 
giques, les codex sont accentués et munis de leurs 
points-voyelles. Les trois marges, supérieure, inférieure 
et extérieure, ainsi que les entrecolonnements sont garnis 
de notes diverses qui constituent la grande et la petite 
massore. Voir Massore. 

2° Codex grecs et latins. — A part quelques rares 
fragments de papyrus qui peuvent dater du m e siècle, 
mais dont l'époque n'est pas facile à préciser, les livres 
bibliques en grec et en latin ne nous ont été conservés 
que sous la forme de codex. Il y en a de toutes les dimen- 
sions, depuis l'énorme in-folio de Stockholm, surnommé 
Gigas librorum (voir t. m, col. 238), jusqu'aux jolies 
bibles de poche du xiu 8 et du xrv e siècle. Les plus 
anciens, le Vaticanus, le Sinaiticus et le Vercellensis 
(Évangiles selon l'ancienne version latine) datent du 
iv" siècle. C'est l'époque où la forme de codex devint 
générale pour tous les livres. Auparavant elle n'était 
qu'exceptionnelle, par exemple pour les livres destinés 
à être emportés en voyage ou pour les traités de 
grammaire, de lexicographie, de jurisprudence. Les 
chrétiens paraissent l'avoir adoptée de bonne heure et 



309 



LIVRE 



310 



relativement plus tôt que les auteurs païens. Elle se 
propagea très vite et à la fin du iv» siècle saint Jérôme 
nous parle plus souvent de codex que de rouleaux 
(volumina). 

Les exemplaires existants sont généralement composés 
de cahiers de trois ou quatre feuillets doubles (temianes, 
quaterniones, douze et seize pages respectivement). 
Quelqueiuis les cahiers ont cinq feuillets doubles ou 
vingt pages. Il en est ainsi pour le Vaticanus, le Mar- 
chalianus, le Rossanensis, etc. — Il est assez rare que 
les pages soient à une seule colonne, excepté pour les 
manuscrits gréco-latins, comme le Codex Bezx, t. i, 
col. 1768, le Laudianus des Actes, col. 127, le Claromon- 
lanus, t. il, col. 795, et YAugiensis de saint Paul, où le 
grec et le latin se font pendant sur les deux pages juxta- 




107. — Livres en forme de rouleaux. 
D'après Mazois, Palais de Sctmrus, pi. 8, p. 232. 

posées. Cependant le Codex rescriptus Ephrserni, ma- 
nuscrit unilingue, n'a qu'une seule colonne, t. ii, col. 1872. 
Le nombre des colonnes tant pour les manuscrits grecs 
•que pour les latins est généralement de deux, quelquefois 
de trois (Sinaiticits, Psautier d'Utrecht, Heptateuque de 
Lyon). Le Vaticanus, avec ses quatre colonnes à la page, 
présente une disposition unique en son genre. On a 
voulu voir dans la pluralité des colonnes un souvenir 
des rouleaux qui offraient toujours à l'œil du lecteur 
^plusieurs colonnes à la fois. Il est probable qu'il ne faut 
y chercher qu'une simple raison de commodité, les 
copistes préférant les lignes courtes où le regard s'égare 
moins facilement. Le Codex Ephrserni, avec son unique 
colonne, compte une quarantaine de lettres à la ligne; 
le Vaticanus en a seize, le Sinaiticus seulement douze, et 
YAlexandrinus, avec sa double colonne, environ vingt- 
deux. Il représente à peu près la moyenne des manuscrits. 
Bibles de luxe. — De bonne heure, artistes et calli- 
graphes rivalisèrent d'efforts pour orner la Bible et lui 
donner une magnificence extérieure en rapport avec la 
vénération dont elle était l'objet. Les cinquante exem- 
plaires qu'Eusèbe fit copier pour Constantin étaient d'une 
splendeur vraiment impériale. Vila Const., iv, 37, t. xx, 
■Col. 1185 : èv TtoXviTeXwç ^(rxr.fiévoiç Te-j-/e<ri. Le Vaticanus 
le Sinaiticus, qui datent peut-être de cette époque et 



sont en tout cas du iv s siècle, peuvent nous en donner 
une idée. Le parchemin du Sinaiticus provient de très 
fines peaux d'antilopes et les feuillets sont si grands 
(environ 0,34 X 0,37) que chaque animal, au dire de 
Tischendorf, n'a pas pu en fournir plus de deux, h' A lexan- 
drinus et le Claromontanus leur sont à peine intérieurs 
en beauté. Plus tard le parchemin nu parut trop vul- 
gaire : on le teignit de pourpre. Anciennement le par- 
chemin coloré ne servait guère que pour les gaines ou 
étuis dans lesquels on enfermait les rouleaux de prix, 
ou pour les étiquettes (index, o-O.Xvêoç) qu'on suspendait 
à l'extérieur pour indiquer le titre du livre et son nu-- 
méro d'ordre. Mais nous apprenons de Jules Capitolin 
que Maxime le Jeune encore écolier reçut d'une de ses 
parentes un Homère, écrit sur pourpre en lettres d'or. 
Ce luxe paraît avoir été assez fréquent pour les Livres 
sacrés, s'il faut en juger par les sorties de saint Jérôme, 
contre ces collectionneurs plus curieux du dehors que 
du dedans. Prsef. in Job, t. xxvm, col. 1142; Epist., 
cvii, ad Lselam, \% t. xxn, col. 876; Epist., xxii, ad 
Eustochium, 32, t. xxn, col. 418. Cf. S. Isidore, Etymol., 
vi, 11, t. lxxxii, col. 240. On sait avec quel esprit saint 
Jean Chrysostome, In Joa. Boni, xxu, t. lis, col. 187, 
raille, chez ses contemporains, le même travers. Il 
nous est resté d'assez nombreux spécimens de ces bibles 
luxueuses. On peut citer pour le grec : le Codex purpu- 
reus Rossanensis (Evangiles à peintures de Rossano), le 
Codex purpureus Beratinus (Évangiles de Bérat d'Alba- 
nie), le Codex purpureus Petropolitanus (Évangiles de 
Patmos ou de Saint-Pétersbourg), le Codex Sinopensis 
récemment entré à la Bibliothèque nationale de Paris; 
pour le latin : le Codex Ad» de Trêves, les Évangiles de 
Saint-Médard (Bibliothèque nat., lat. 8850); le manuscrit 
Hamilton 25i, maintenant à Oswego (États-Unis), les 
Évangiles de Vienne, appelés « Évangiles du sacre », 
parce que c'est sur cet exemplaire que les empereurs 
prêtent serment. 

Au point de vue du luxe et de l'art, aucun ouvrage 
n'a jamais été mieux traité que la Vulgate latine. Les 
scribes irlandais, anglo-saxons, français, allemands, 
italiens et espagnols, l'embellirent à l'envi. Comme 
types de Bibles anglaises, il suffit de mentionner le Book 
of Kells, le Book of Lindisfarne, le Codex aureus 
Holmiensis conservé à Stockholm mais provenant de 
Cantorbéry. L'Espagne offre de très beaux spécimens 
dans le Cavensis, le Toletanus, le Legionensis I, les trois 
Bibles d'Alcala (maintenant à l'Université centrale de 
Madrid). La France ne resta pas au-dessous, surtout à 
partir de Charlemagne. Deux célèbres écoles de calli- 
graphies se formèrent : l'une à Fleury, sous l'impulsion 
de Théodulfe qui en était abbé, l'autre à Saint-Martin de 
Tours qui avait pour abbé Alcuin. Les deux Bibles 
jumelles de Théodulfe, la Bible de Mesmes (Bibliothèque 
nat.,n° 9380) et la Bible du Puy sont des chefs-d'œuvre 
de calligraphie : « Rien ne dépasse, comme finesse et 
comme élégance, cette gracieuse minuscule écrite, en 
plus de soixante feuillets de l'un comme de l'autre 
manuscrit, sur parchemin pourpré, en des traits déliés 
d'argent rehaussé d'or. » S. Berger, Histoire de la 
Vulgate, p. 145. Les Bibles de Tours sont à peine infé- 
rieures. Nommons le Codex Vallicellianus (B 6 de la 
Vallicellîaha, Rome), la première Bible de Charles le 
Chauve (Biblioth. nat., lat. 1), la Bible de Bamberg, la 
Bible de Berne, la Bible de Zurich, la Bible de Grandval 
(Musée britannique, add. 10546), sans oublier la deuxième 
Bible de Charles le Chauve (Biblioth. nat., lat. 2) le Codex 
Paulinus (Saint-Paul-hors-les-Murs, Rome), les Évan- 
giles de Saint-Emmeran (Biblioth. royale de Munich, 
lat. 14000) « le plus luxueusement décoré peut-être des 
manuscrits des Évangiles. Il est écrit en entier en lettres 
d'or ». Berger, Histoire, p. 295. Il faudrait passer en 
revue, pour être juste, toutes les autres écoles de calli- 
graphie, Einsiedeln et Reichenau, Bobbio et Milan, 



311 



LIVRE 



312 



Luxeuil et Corbie, Saint-Gall, etc. — Ce luxe s'explique 
non seulement par la vénération envers les Livres Saints, 
mais aussi par le fait que plusieurs de ces exemplaires 
fastueux étaient destinés à de grands personnages. Ainsi 
VA miatinus devait être offert au Saint-Siège. On conserve 
au Vatican une Bible hébraïque (Urbin. hebr. 1) qui 
serait d'un usage fort incommode, à cause de ses dimen- 
sions gigantesques — 58 1/2 centimètres de haut, 40 de 
large, 28 1/2 d'épaisseur, reliure comprise — mais qui 
est une merveille pour la richesse des matériaux et la 
beauté de l'exécution. Elle comprend 979 feuillets de 
fort vëlin et renferme, outre le texte, le targum et les 
massores. C'est un présent des juifs au pape. 

V. ÉCRINS ET ARMOIRES A SERRER LES LIVRES. — Les 

livres sacrés des Juifs devaient être enfermés dans une 
gaine de cuir ou de parchemin, ou enveloppés dans 
une étoffe de soie, de lin ou de laine. Cette enveloppe 
appelée mitpahat (voile ou manteau, 1s., m, 22; Ruth, 
m, 15) participait à la sainteté du livre et devait être 
enterrée, elle aussi, quand elle devenait hors d'usage. 
C'était une profanation que de toucher une Thora « nue », 
c'est-à-dire dépouillée de son enveloppe. Le Talmud est 
plein de prescriptions relatives à ce point. Voir Blau, 
Studien, p. 173-177. — L'armoire où la Loi était con- 
servée dans les synagogues s'appelait 'drôn, « arche, » 
ou plus souvent fêbâh, x caisse, boite. » Saint Jérôme 
y fait souvent allusion. Chez les Grecs et les Romains 
les rouleaux de luxe, spécialement les livres de poésies, 
étaient aussi enfermés dans un étui de parchemin, 
d'étoffe ou de cuir. Mais en général on se passait de 
cette précaution; les rouleaux d'Herculanum et ceux 
qu'on « trouvés dans les tombeaux d'Egypte n'avaient 
pas cette enveloppe; on se contenait de les lier avec un 
cordon pour les maintenir plies. Quand un ouvrage avait 
plusieurs tomes, on les enveloppait ensemble dans une 
feuille de parchemin ou simplement dans nno espèce 
de papyrus d'emballage appelé par Pline charla empo- 
retica. Si le nombre des tomes était considérable ou s'il 
s'agissait d'un ouvrage précieux, on se servait d'une 
boite, capsa, scrînium, pandectes, bibliotheca, où chaque 
livre avait son casier distinct. On sait qu'à partir de 
saint Jérôme, le mot bibliotheca, et à partir de Cassiodore, 
le mot pandectes, sont très fréquemment employés pour 
désigner l'ensemble du Livre par excellence, la Bible. 
Le codex contenant tous les livres sacrés s'appelait 
corpus, en grec <j(â|ioc. Tous ces termes se trouvent 
réunis dans la Bible de Charles le Chauve. On lit dans 
le Codex Vallicellianus à la fin de l'Apocalypse : 

Nomine Pandectem proprio vocitare mémento 
Hoc Corpus sacrum, lector, in ore tuo, 

Quod nunc a multis constat Bibliotheca dicta 
Nomine non proprio, ut lingua pelasga docet. 

VI . Bibliographie. — Th. Birt, Dos antike Buchwesen, 
Berlin, 1882 (reste malgré des lacunes et quelques idées 
systématiques l'ouvrage fondamental sur la matière); 
Ém. Egger, Histoire du livre, Paris, 1880; H. Géraud, 
Essai sur les livres dans l'antiquité, partie, chez les 
Romains, Paris, 1840; V. Schultze, Rolle und Codex, 
ein archaol. Beitrag zur Geschichte des N. T., Gùtersloh, 
1895; W. Wattenbach, Bas Schriftwesen im Mittelalter, 
3 8 édit., Leipzig, 1896; K. Dziatzko, Untersuchungen 
ûber ausgewâhlte I'apitel des antïken Buchwesen, 
Leipzig, 1900; K. Dziatzko, dans Real-Encyclop. der 
classischen Alterthumswissenschaft de Pauly-Wissowa, 
art. Buch, t. m, col. 939-971 ; Buchhandel,ibid., col. 973, 
985; Bibliotheken, ibid., col. 405-424; Steinschneider, 
Vorles. ûber die Kunde hebrâischer Randschriften, 
Leipzig, 1897; Steglich, Schrift und Bùcherwesen der 
Hebràer, Leipzig, 1876; L. Blau, Studien zum althebr. 
Buchwesen, Strasbourg, 1902; G. Lafaye, dans le Dict. 
des antig. grecques et romaines de Daremberg et Saglio, 
art. Liber, t. in, p. 1177-1288. F. Prat. 



2. LIVRE (subdivision, partie d'ouvrage). — I. Deux 
innovations des Alexandrins. — 1° Division d'un ou- 
vrage en livres. — Les anciens ne connaissaient pas la 
division d'un ouvrage en plusieurs livres, d'un poème 
en plusieurs chants d'étendue à peu près égalé. L'Iliade 
et l'Odyssée comprenaient bien un certain nombre de 
rhapsodies qu'on pouvait réciter séparément, mais ces 
rhapsodies ne répondaient pas du tout à nos chants ac- 
tuels et nous apprenons d'un scholiaste qu'on les écri- 
vait à la file sans autre marque de séparation que le 
signe appelé coronis. Ni Hérodote ni Thucydide ne di- 
visèrent leur histoire en livres. Le scholiaste de ce der- 
nier le note expressément et, à défaut d'autre témoi- 
gnage, l'examen de l'œuvre d'Hérodote le démontre 
assez. Nous pouvons dire la même chose de Xénophon, 
de Platon, de Théophraste, en un mot de tous les au- 
teurs qui ont précédé l'ère d'Alexandre. Quand fut fon- 
dée, à Alexandrie, la grande bibliothèque du Bruchéion, 
avec ses écoles annexes de grammairiens et de critiques, 
on dut vite éprouver la vérité du mot de Callimaque : 
« Un gros livre est un gros embarras. » Qu'on se figure 
l'Iliade d'Homère ou les Muses d'Hérodote écrites sur 
un même rouleau de papyrus. Que de peine et de temps 
perdu pour retrouver un passage ou vérifier une citation ! 
On divisa donc chacun des deux poèmes d'Homère en 
vingt-quatre chants destinés à être écrits sur autant de 
petits rouleaux et désignés par la série des lettres de 
l'alphabet grec. Hérodote fut partagé en neuf livres qui 
prirent le nom des neuf Muses. Le même principe fut 
ensuite appliqué aux autres ouvrages. Nous ignorons 
quel fut l'auteur de cette innovation ; mais il doit avoir 
vécu sous les premiers Ptolémées, car, à partir de ce 
moment, tous les écrivains sectionnèrent eux-mêmes 
leurs ouvrages de longue haleine en livres de longueur 
uniforme. — Les rouleaux vendus dans le commerce ne 
variaient qu'entre certaines limites, ce qui imposait aux 
auteurs l'obligation de ne pas dépasser une certaine 
étendue. Pour les ouvrages purement littéraires, cette 
obligation devenait quelquefois gênante, mais elle l'était 
surtout pour les écrits où toute division logique parais- 
sait arbitraire : traités de lexicographie, recueils de lois, 
commentaires etc. Saint Jérôme se plaint maintes fois 
d'être obligé de couper ses livres contrairement au sens, 
pour ne pas dépasser le modus voluminis, la grandeur 
normale des rouleaux de commerce. In Ezech., lib. IV, 
1; lib. VII, 1; lib. IX, 1; lib. X, 1, t. xxv, col. 107, 199, 
265, 295, etc. — Ce morcellement d'un ouvrage en un 
grand nombre de livres avait deux autres inconvé- 
nients : 1° quand l'étiquette portant le titre venait à tom- 
ber on ne savait plus à quel livre on avait affaire; 2° un 
ou plusieurs rouleaux s'égaraient facilement et alors on 
avait un ouvrage dépareillé. La plupart des ouvrages de 
l'antiquité nous sont ainsi parvenus incomplets et les 
livres qni restent ne se suivent pas. Pour obvier au pre- 
mier inconvénient, plusieurs auteurs, entre autres Dio- 
dore de Sicile et saint Jérôme, avaient pris l'habitude 
de placer au début de chacun de leurs livres une petite 
préface indiquant son numéro d'ordre : Ne librorum 
numerus confundatur et per longa temporum spatia 
divisorum inter se voluminum ordo vitietur, prsefa- 
tiunculas singulis libris prmposui, ut ex fronte tituli 
statim lector agnoscat quotus sibi liber legendus. S. Jé- 
rôme, In Ezech., lib. V, 1, t. xxv, col. 139. On remédiait 
au second inconvénient en serrant les livres dans un 
même écrin, où ils étaient disposés comme des flacons 
dans une boite de pharmacie. Mais l'expérience n'a que 
trop prouvé que le remède était inefficace. 

2° Unité de mesure. Stichométrie. — Dans les ou- 
vrages de poésie, la longueur de la ligne était naturelle- 
ment celle du- vers et l'étendue d'un poème était propor- 
tionnelle au nombre des lignes. Vlliàde ayant 15693 vers 
et l'Odyssée 12118, les chants ont en moyenne 654 et 
504 vers respectivement. Le chant le plus long a, dans 



313 



LIVRE 



314 



Y Iliade, 909 vers, dans YOdyssée 847. C'est la mesure à 
laquelle les poètes, tant grecs que latins, se conformè- 
rent. A part Apollonius de Rhodes et Lucrèce, ils sont 
très rares les poètes épiques, lyriques ou- didactiques, 
dont les chants dépassent un millier de vers. Voir les 
statistiques dans Birt, p. 289-307. — Les livres de prose 
étaient plus considérables. Voici comment on les éva- 
luait. On convint de prendre pour unité de mesure 
l'hexamètre grec renfermant en moyenne quinze ou 
seize syllabes et trente-cinq ou trente-sis lettres. Cette 
unité s'appela stique, ou «rrtjcoç, « rangée, ligne, » ou 
encore ênoç, « vers épique, hexamètre, » en latin versus. 
On obtenait le nombre de stiques d'un ouvrage soit en 
écrivant un exemplaire type en lignes normales, soit 
par une évaluation approximative. On en consignait le 
résultat à la fin du volume. Les grammairiens anciens 
et les manuscrits nous ont conservé un grand nombre 
d'évaluations stichométriques qui concordent suffisam- 
ment avec les faits. Voir Birt, p. 162-209. — Les Muses 
d'Hérodote avaient de 2000 à 3000 stiques. C'est la me- 
sure qu'observèrent plus tard les prosateurs : historiens, 
philosophes, géographes, auteurs de traités didactiques. 
Quelques auteurs ne donnent exceptionnellement à leurs 
livres que 1500 ou même 1200 stiques, d'autres attei- 
gnent ou dépassent le nombre tout à fait anormal de 
4000 ou même de 5000 stiques, mais la très grande ma- 
jorité oscille entre 1 800 et 3000 stiques. — La sticho- 
métrie ainsi entendue — plus tard on désigna quelque- 
fois par ce mot l'habitude de terminer la ligne avec le 
sens, la colométrie — offrait un triple avantage. D'abord 
elle permettait les références. On renvoyait au stique 
comme on renvoie maintenant au chapitre et au verset. 
De plus elle fermait la porte aux suppressions et aux in- 
terpolations au moins trop considérables. Enfin elle 
servait à déterminer une fois pour toutes le prix de l'ou- 
vrage et la rétribution due au copiste. C'est même cette 
troisième raison d'ordre pratique qui contribua le plus 
sans doute à la généraliser. 

3° Stichométrie des livres de la Bible. — Beaucoup 
de manuscrits grecs et latins offrent, à la fin de chaque 
livre, des indications stichométriques et on possède en 
outre plusieurs listes donnant la stichométrie des di- 
vers livres. Ces listes se trouvent : 1. dans le Codex 
Claromontanus (D de Paul, Paris, Biblioth. nat. Grec 
107) entre l'Épître à Philémon et l'Épître aux Hébreux 
et en latin seulement; 2. dans le manuscrit de Freisin- 
gen (Munich, lat. 6243), publié par Turner en 0000; 
3. dans le manuscrit de F. Arevalo (Vatican, Reg. 199, 
fol. 84) ; 4. dans un manuscrit de la Bibliothèque Bar- 
berini, m, 36, maintenant au Vatican; 5. dans un ma- 
nuscrit du mont Athos (n. 507 du monastère de Vato- 
pedi) ; 6. enfin dans Nicéphore. Ces listes sont publiées 
en colonnes parallèles dans un article de M. D. Serruys 
paru dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire 
(École française de Rome), 1902, fasc, 2-3 p. 196-207. Les 
résultats sensiblement pareils, sauf les erreurs de scribe, 
confirment les recherches de Ritschl, Opusculaphilolog., 
Leipzig, 1866, et de Graux, Nouvelles recherches sur la 
stichométrie, dans la Revue de philologie, 1878, p. 97-143.. 
Le stique renferme en moyenne de 34 à 36 lettres et le 
etichisme devait être établi une fois pour toutes. — 
S. Berger, qui a spécialement étudié la stichométrie des 
Bibles latines arrive à cette conclusion que, si les ma- 
nuscrits latins copient quelquefois les résultats trouvés 
dans les manuscrits grecs, c'est l'exception : « Jusqu'à 
plus ample informé nous devons croire que le texte or- 
dinaire des manuscrits latins est en général indépen- 
dant de la stichométrie des Grecs. On peut établir que 
ce système a été, en grande partie, créé directement, sur 
les manuscrits latins, par les libraires. » Cf. S. Berger, 
Histoire de la Vulgate, 1893, p. 322 ; pour les listes, p. 323. 

II. Division actuelle des livres bibliques. .— Les 
■traducteurs grecs de la Bible se trouvèrent en présence 



de plusieurs ouvrages qui dépassaient de beaucoup 
l'étendue d'un volume normal. La Thora renfermait la 
matière de quatre ou cinq rouleaux de longueur moyenne. 
Quand on eut séparé la Genèse et le Deutéronome, qui 
se détachent naturellement, le reste fut divisé en trois 
rouleaux et on donna à chacun un titre, résumant assez 
bien le contenu, pour l'inscrire, suivant l'usage alexan- 
drin, sur l'étiquette (<x!XXyëa;), appendue à l'extérieur. 
Ces cinq volumes furent enveloppés ensemble dans une 
feuille commune ou disposés dans une même boite à 
compartiments : on eut ainsi le Pentateuque (71 îtsvrâ- 
■reuxoC) sous-entendu auyyptxpri, <n l'écrit aux cinq ca- 
siers, aux cinq compartiments »). La division du Penta- 
teuque est aussi logique qu'il est possible de le désirer. 
— Samuel, les Rois, les Paralipomènes, qui en hébreu 
ne formaient respectivement qu'un livre, furent aussi 
coupés en deux à cause de leur longueur. Le point de 
division de Samuel, à la mort de Saûl, et celui des Pa- 
ralipomènes, à la mort de David, fut bien choisi; mais 
celui des Rois, en plein règne d'Ochozias, ne fut pas 
heureux. Esdras et Néhémie, qui ensemble ne forment 
pas un volume de longueur- normale, ne furent point 
divisés par les Septante. Ils comptaient Esdras-Néhémie 
comme second livre d'Esdras ; celui que nous nommons 
troisième d'Esdras étant le premier dans les Bibles grec- 
ques. Esdras ne fut séparé de Néhémie que dans les co- 
pies de la Vulgate, et cela malgré l'autorité de saint Jé- 
rôme et de saint Isidore. Quant aux cinq divisions des 
Psaumes, appelées quelquefois livres, elles n'ont pas 
pour origine le sectionnement des Alexandrins : il est 
probable qu'elles représentent cinq collections diverses, 
entrées successivement dans le canon. — Les Juifs n'ac- 
ceptèrent pas en général les divisions nouvelles, intro- 
duites par les traducteurs de la Bible. Samuel, les Rois, 
les Paralipomènes continuèrent à être regardés par eux 
comme un seul livre respectivement. La division des 
Septante n'était encore indiquée que par un astérisque 
et une note dans la Bible hébraïque de Daniel Bomberg, 
Venise, 1516-1517. En revanche, les cinq livres de la 
Thora furent très anciennement connus des Juifs pales- 
tiniens; ils s'appelaient les « cinquièmes », J}ômesim, de 
la Loi et étaient désignés par les premiers mots hébreux : 
Berêsîp, la Genèse, etc. — C'est une question de savoir 
si le Livre de Ruth fut ajouté par les Septante aux Juges 
et les Lamentations à Jérémie afin d'avoir des rouleaux 
complets, ou si, au contraire, Ruth fut détaché des Juges 
et les Lamentations de Jérémie à l'époque où les Juifs 
rangèrent ces deux écrits parmi les Megillôth. Le Tal- 
mud favorise expressément la première alternative, 
celle de l'autonomie primitive de Ruth et des Lamenta- 
tions, qui est admise par la plupart des érudits contem- 
porains. La seconde nous parait plus probable. En effet, 
l'ancien canon palestinien, au témoignage de Josèphe, 
d'Origène et de saint Jérôme, ne comprenait que vingt- 
deux livres et il semble que les Lamentations ne devin- 
rent un écrit indépendant que lorsqu'on commença à 
les lire publiquement, le jour anniversaire de la ruine 
du Temple. Nous croyons que le chiffre de vingt-quatre 
représente plutôt la tradition de l'école de Jamnia qui 
fut le berceau du rabbinisme; et voilà pourquoi leTal- 
mud l'a adopté. — Nous pensons du reste que les nom- 
bres fatidiques exercèrent un certain rôle sur l'admission 
et la classification des livres du canon. On ne voulait avoir 
que quatre rouleaux de prophètes, et Daniel, qui aurait 
fait le cinquième, fut relégué parmi les hagiographes. De 
même, le nombre de douze petits prophètes était sacra- 
mentel. — Les volumes se rouvraient quelquefois pour 
recevoir des additions admises dans le canon. Sans 
parler des Psaumes, formés de cinq collections distinc- 
tes, et, semble-t-il, successives, le Livre des Proyerbes 
comprend des parties assez hétérogènes : 1. un petit 
traité sur la sagesse, i-ix ; 2. les Proverbes de Salomon, 
ix-xxrv; 3. les Proverbes recueillis du temps du roi 



LIVRE 



LIVRES APOCRYPHES 



31G 



Ezéchias, xxv-xxix; 4. les paroles d'Agur, xxx; 5. les 
paroles de Lamuel, xxxi, et le fragment xxv, 23-34. 

III. Ordre des livres de la Bible. — Les éditions 
imprimées de la Bible, en hébreu, en grec et en latin, 
rangent les livres sacrés dans un ordre différent pour 
chaque langue, mais à peu près le même pour la même 
langue. Les manuscrits sont loin de présenter cette uni- 
formité. La place des livres bibliques y varie à l'infini. 
La raison de ce phénomène s'explique facilement. Long- 
temps les livres eurent une existence pour ainsi dire au- 
tonome et occupèrent chacun un rouleau à part. Quand 
on les réunit dans un même codex, il fallut leur assi- 
gner une place fixe et l'on partit pour cela de points de 
vue très différents, lors même que le hasard ne présida 
pas à la disposition. 

1» Ordre des livres dans les Bibles hébraïques. — En 
hébreu, les livres sont généralement rangés par séries, 
selon l'ordre d'admission dans le canon : 1. la Loi; 
2. les Prophètes; 3. les Hagiographies. La Loi vient 
toujours en tête et les Hagiograph.es ferment la marche. 
On rencontre des manuscrits où les cinq Megillôth 
(Cantique, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Esther) sui- 
vent immédiatement le Pentateuque. Les premiers Pro- 
phètes (Josué, Juges, Samuel, Rois) sont disposés par 
ordre chronologique. Mais au sein des derniers Pro- 
phètes et des Hagiographes la variation est grande. Les 
cinq premières éditions de la Bible entière (Soncino, 
1488; Naples, 1491-1493; Brescia, 1494; Venise, Bible 
rabbinique, 1517; Venise, Bible avec massore. 1524-1552) 
offrent l'ordre suivant, qui est Tordre ordinaire de nos 
Bibles hébraïques actuelles : Pentateuque, premiers 
Prophètes, Isaîe, Jérémie, Ezéchiel, 12 petits Prophètes; 
Psaumes, Proverbes, Job, Cantique, Ruth, Lamentations, 
Ecclésiaste, Daniel, Esther, Esdras-Néhémie, Paralipo- 
mènes. C'est, pour les Prophètes, l'ordre du fameux 
codex de Saint-Pétersbourg écrit en l'an 916. Mais le 
Talmud de Babytone préférait l'ordre de longueur : Jé- 
rémie, Ezéchiel, Isaïe, 12 petits Prophètes; et on trouve 
des manuscrits où ces derniers ouvrent la série ; d'autres, 
où Jérémie vient en troisième lieu. Quant aux orne Ha- 
giographes, Ginsburg, lntrod. to the masso>\ edit. of 
llte Hebrew Bible, Londres, 1897, p. 7, donne la liste 
de leur huit dispositions principales. Pour l'ordre relatif 
des Megillôth, quand elles sont à part, voir ibid., p. 4. 

2° Ordre des livres dans les Bibles grecques. — Les 
manuscrits des Septante débutent régulièrement par 
l'Octateuque (Pentateuque, Josué, Juges et Ruth) suivi 
des quatre Livres des -Rois et des Paralipomènes. A par- 
tir de là, l'ordre varie d'un exemplaire à l'autre. Voici 
celui qu'adopte Swete, The Old Test, in Greek, Cam- 
bridge, 2» édit., 1896 : I Esdras (notre troisième livre 
d'Esdras non canonique), II Esdras (Esdras et Néhémie 
réunis en un seul livre), Psaumes, Proverbes, Ecclé- 
siaste, Cantique, Job, Sagesse, Ecclésiastique, Esther, 
Judith, Tobie, 12 petits prophètes (Osée, Amos, Michée, 
Joël, Abdias, Jonas, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, 
Zacharie, Malachie), Isaïej Jérémie et Lamentations, 
Ezéchiel, Daniel, Machabées. Inutile de dire que cet 
ordre n'est ni le seul ni peut-être le plus commun. 
Ainsi, dans VAlexandrinus, les Prophètes, y compris 
Daniel, viennent après les Paralipomènes; ils sont suivis 
eux-mêmes par les autres livres historiques, et les livres 
sapientiaux terminent la liste. Il est impossible et assez 
superflu de classer les différentes dispositions des livres 
de l'Ancien Testament grec. — Pour le Nouveau, l'ordre 
le plus commun, en ne tenant compte que des séries, 
est le suivant : Évangiles, Actes, Epltres catholiques, 
Paul, Apocalypse. C'est l'ordre adopté par Westcott et 
Mort. Il est presque sans exemple que les Évangiles ne 
soient pas en tête : on cite quatre ou cinq exceptions et, 
une fois au moins, c'est la faute du relieur. Mais, assez 
souvent, Paul précède les Actes; fréquemment il les 
suit, comme dans la Vulgate actuelle. L'ordre des divers 



livres, dans les séries, est loin d'être fixe. On a par 
exemple Matthieu-Jean-Luc-Marc, dans le codex de 
Bèze, Jean-Luc-Matthieu-Marc, dans le codex de Fabri, etc. 
L'Épltre aux Hébreux est généralement la quatorzième 
de Paul, mais les quatre grands codex (Vaticanus, Si- 
naiticus, Alexandrinus, Ephrsemi) l'intercalent entre 
les neuf Épltres aux Églises et les quatre lettres aux 
particuliers. 

3° Ordre des livres dans les Bibles latines. — 1. An- 
cien Testament- — S. Berger, qui a étudié ce sujet avec 
le plus grand soin, - Histoire de la Vulgate, Nancy, 1893, 
p. 331-342, ne compte pas, pour l'Ancien Testament 
seulement, moins de 212 ordres différents, distribués en 
sept séries principales, et il déclare expressément que ce 
nombre pourrait être augmenté : — i"> série (16 subdi- 
visions) : Ordo Legis, Ordo Prophetarum, Ordo Ha- 
giographorum. C'est l'ordre hébreu indiqué par saint 
Jérôme dans son Prologus galeatus et qui fut adopté 
par Théodulfe, mais en intercalant les deutérocano- 
niques. — 2 e série (32 subd.). Cet ordre, qui semble être 
celui de Cassiodore et d'Alcuin, a le même point de 
départ que le précédent, mais il rapproche les livres 
similaires, Daniel des Prophètes, la Sagesse de l'Ecclé- 
siaste, etc. — 3 a série (43 subd.) : Ordo Veter. Test., 
Ordo Prophetarum, Ordo Historiarum (Job, Tobie, 
Esdras, Judith, Machabées). C'est l'ordre suivi dans 
VAmiatinus et peut-être dans les manuscrits italiens 
en général. — 4« série (63 subd.) : Livres historiques, 
doctrinaux, prophétiques, enfin Machabées comme trait 
d'union entre les deux Testaments. C'est l'ordre inau- 
guré, au xiii* siècle, par le Textus Parisiensis et qui 
est devenu l'ordre actuel. — 5 e série (13 subd.). Sous ce 
chef sont rangées les anomalies soit voulues soient ac- 
cidentelles. — 6 e série (25 subd.) : Job après Octateuque, 
C'est l'ordre signalé par saint Jérôme, Epist., lui, 8, 
t. xxn, col. 545, et suivi par Alcuin dans ses deux 
poèmes. — 7» série (20 subd.). Ordre des heures cano- 
niales : Isaïe, Paul, Jérémie, etc. Les livres qu'on ne lit 
pas dans l'offlce divin s'intercalent parmi les autres un 
peu au hasard. — 2° Nouveau Testament. — Pour le 
Nouveau Testament, S. Berger distingue 38 ordres, 
sans tenir compte des divers arrangements des Épitres 
catholiques, de celles de Paul, des Évangiles. Or les 
Épitres de saint Paul n'ont pas moins de 11 ordres par- 
ticuliers. Les dispositions les plus communes sont les 
quatre suivantes. — 1. Évang., Act., Paul, Cath., Apoc. 

— Canon de Muratori, Concile de Carthage, Amiatinus, 
Vulgate actuelle. — 2. Évang., Act., Cath., Paul, Apoc. — 
Saint Jérôme, Epist., lui, 8, t. xxii, col. 548; Cassiodore. 

— 3. Évang., Paul, Act., Cath., Apoc. — Fuldensis, Tex- 
tus Parisiensis. — 4. Évang., Paul, Cath., Act., Apoc. 

— Bibles espagnoles, Théodulfe. 

En résumé, « toutes les combinaisons possibles sem- 
blent épuisées. Le Pentateuque, en tête de l'Ancien Tes- 
tament, l'Évangile, au seuil du Nouveau, ont presque 
seuls une place fixe; encore cette place n'est-elle pas 
tout à fait invariable. La cause principale de ce désordre 
est certainement l'autonomie primitive des Livres sacrés, 
écrits sur autant de volumes distincts. Le vaste codex 
en encadrant chaque livre à une place déterminée, con- 
tribua beaucoup à l'exclusion des classements fantai- 
sistes. Il aida puissamment aussi à la conservation des 
écrits inspirés... Les deux petits billets de saint Jean 
seraient-ils parvenus jusqu'à nous si, de bonne heure,, 
on ne s'était accoutumé à écrire les sept Épitres catho- 
liques dans un même rouleau et aies considérer comme- 
un tout inséparable ? » Cf. F. Prat, Histoire du Livre- 
dans l'antiquité, étude d'archéologie et de critique 
bibliques, dans les Études religieuses, t. lxxvii, 1898, 
p. 194-214. F. Pra.t. 

3. LIVRES APOCRYPHES. Voir APOCRYPHES (LIVRES),. 
i. l, col. 767. 



317 



LIVRES PERDUS — LGBNA 



318 



4. LIVRES PERDUS. — Un certain nombre de livres 
mentionnés dans l'Ancien Testament sont aujourd'hui 
perdus. Ce sont les suivants : 

1° Le livre des guerres du Seigneur, Sêfér milha- 
môf Yehôvâh; BeëXfov nôXejxo; toO Kuptou; Liber Bel- 
lorum Doniini. Num., xxi, 14. 
, 2° Le livre du Juste, Sêfér hay-YdSâr; Bi6X(ov toO 
Ei8o0;; Liber Justorum. Jos., ix,13; II Reg., i, 18. Voir 
Juste (Livre du), t. m, col. 

3» Trois mille Paraboles de Salomon ( mâSâl; napot- 
6oXas, parabolse). III Reg., iv, 32 (hébreu, I Reg.,v, 12). 

4° Mille cinq Cantiques (Septante : itîvTax«r;/0,(at), 
du même roi (Sîr; <î>5a(; carmina). III Reg., iv, 32 
(hébreu, I Reg., v, 12). 

5° Une histoire naturelle de Salomon : « II parla 
des arbres, depuis le cèdre du Liban jusqu'à l'hysope 
qui sort de la muraille; il parla aussi des animaux, des 
oiseaux, des reptiles et des poissons » III Reg., iv, 33 
(hébreu, I Reg., v, 13). Pour ces diverses compositions 
de Salomon, le texte ne dit pas que le roi les écrivit, 
mais qu'il les « parla », va-yedabbêr. 

6° Les Annales des rois de Juda et d'Israël, Sêfér 
debarim, Dibrê hay-yâmîm, Sêfer ham-melakîm; 
BiëXt'ov pï]|).ituv,elc; Verba dierum ou sermonum, etc. 
III Reg., xi, 41, etc. Voir Historiographe, t. m, 
col. 723. 

7° Les livres de Samuel, de Nathan, de Gad, de Sé- 
méia, d'Addo, d'Ahias, d'Isaïe (histoire d'Ozias et 
d'Ézéchias), de Jéhu, d'Hozaï. Voir Historiographe, 
t. m, col. 723. 

8» La lettre du prophète Élie à Joram, roi de Juda, 
mikfàb; ypaçvi; litterx. II Par., xxi, 12. 

9° Le livre des jours du sacerdoce de Jean Hyrcan; 
BiêXfov ï][j.ep<ûv àpx'spt<>(TÛv»iç fluavyou]; Liber dierum 
sacerdotii [Joannis]. I Mach., xvi, 24. 

10° Les descriptions de Jérémie; 'Aitoypaçat; Des- 
criptiones. II Mach., il, 1. 

11° Histoire de Jason de Gyrène, dont le second livre 
des Machabées est l'abrégé. Voir Jason, t. m, col. 1139. 

— Sur le livre de l'Alliance, que certains commenta- 
teurs regardent à tort comme un livre perdu, voir Al- 
liance 3, t. i, col. 388. 

Certains commentateurs pensent que ces livres perdus 
étaient inspirés ; d'autres le nient. C'est là une question 
qu'il est impossible de résoudre. 

Quelques autres écrits profanes, aujourd'hui perdus,sont 
aussi mentionnés dans l'Ancien Testament : — 1° Lettre 
deJéhUjTOi d'Israël, aux habitants de Samarie,IVReg.,x; 

— 2» Lettres de Sennachérib, roi de Ninive, à Ézéchias, 
roi de Juda. IV Reg., xix, 14; II Par., xxxn, 17; 
Is., xxxvn, 14; — 3° Lettre de Mérodach-Baladan, à 
Ézéchias. IV Reg., xx, 12; Is., xxix, 1; — 4» Lettres du 
roi de Syrie, au roi d'Israël. IV Reg., v, 4; — 5° Lettre 
du faux prophète Séméia. Jer., xxxix, 25; — 6» An- 
nales des rois des Perses et des Mèdes. Esther, x, 2; 
I Esd., iv, 5; — 7° Lettre de Béselam et autres, à 
Artaxerxès contre les Israélites. I Esd., iv, 7. — Voir 
J.-B. Glaire, Introduction aux livres de l'Ancien et du 
Nouveau Testament, 3» édit., 5 in-8», Paris, 1862, t. i, 
p. 95-97. 

5. LIVRES SAINTS, nom donné à la collection des 
Saintes Écritures. Nous le lisons dans I Machabées, xn, 
9, sartcti libri; en grec : pt6Xîa ta âyux. On voit que le 
mot Bible n'est que le mot grec correspondant à liber 
et que « Sainte Bible » est exactement synonyme de 
« Livres Saints ». Voir aussi Josèphe, Ant. î'jA., I, vi, 
2; Cont. Apion., i. Voir Bible, t. î, col. 1775. 

LO-AMMI (hébreu : Lff 'ammi; Septante : où Xoeiîç 
(ioy ; Vulgate : non populus meus), nom symbolique 
donné par le prophète Osée au second fils qu'il eut de 
Gomer, fille de Débelaïm, et qui signifie «; non mon 



peuple », comme ont traduit les versions. Osée, i, 9-10, 
explique la signification figurée de ce nom. Dieu lui dit : 
« Appelle-le Lô' 'Ammî (non mon peuple), parce que 
vous n'êtes pas mon peuple (lô' 'ammî) et que je ne 
serai pas votre Dieu. » Le Seigneur annonce ainsi qu'il 
rejettera son peuple, à cause de son infidélité, et qu'il 
l'abandonnera à ses ennemis. Mais il aura pitié de lui 
et le ramènera de la captivité, et alors il ne sera plu» 
Là' 'ammî, « non mon peuple, » mais 'Ammî, « mon 
peuple. » Ose., il, 1, 24 (hébreu, 25). Saint Paul, Rom., 
ix, 24-26, et saint Pierre, I Pet., h, 10, ont appliqué la 
prophétie d'Osée à la conversion des Gentils, qui n'étaient 
pas auparavant le peuple de Dieu et qui par leur conver- 
sion sont devenus son peuple. — Avant Lô' 'Ammi, Osée 
avait eu déjà de Gomer un autre fils et une fille, portant 
aussi l'un et l'autre un nom symbolique, Jezrahel et Lo- 
Ruchama. Voir Jezrahel 2, t. m, col. 1544, et Lo-Ruchama. 

LOBNA (hébreu : Libnâh; Septante : Codex Vati- 
canus, Aejivdt, Jos., xxi, 13; Ao(ivi, IV Reg., xix, 8; 
II Par., xxi, 10; Ai] [«ci, IV Reg., xxm, 31; Aoëvâ, 
I Par., vi, 57 [hébreu, 42]; Aoêvav, Is., xxxvii, 8; Esvvi, 
IV Reg., vin, 22; Codex Alexandrinus, Atêvà, Jos., 
xxi, 13; Aojivâ, IV Reg., vin, 22; xxiv, 18; Aoëvô, 
IV Reg., xix, 8; I Par., vi, 57; Il Par., xxi, 10; 
Is., xxxvii, 8; Aoêevdt, IV Reg., xxm, 31), ville da 
sud-ouest de la Palestine, Jos., xxi, 13; IV Reg., vin, 
22; xix, 8; xxm, 31; xxiv, 18; I Par., vi, 57; II Par., 
xxi, 10; Is., xxxvii, 8, appelée aussi Labana, Jos., xv, 
42, et Lebna. Jos., x, 29-32; xn, 15. Antique cité royale 
chananéenne, elle fut prise par Josué, Jos., x, 29-32; 
xii, 15, assignée à la tribu de Juda, Jos., xv, 42, et 
donnée aux enfants d'Aaron. Jos., xxi, 13; I Par., vi, 
57 (hébreu, 42). Sous le règne de Joram, elle se révolta 
et parvint à se soustraire à la domination de Juda. 
IV Reg., vin, 22; II Par., xxi, 10. Elle semble avoir été 
une place forte, puisque le roi d'Assyrie, Sennachérib, 
l'assiégea après avoir quitté Lachis, pendant sa 
campagne contre Ézéchias. IV Reg., xix, 8; Is., xxxvii, 
8. La mère de Joachaz et de Sédécias, rois de Juda, 
était Amital, fille de Jérémie de Lobna. IV Reg., xxm, 
31 ; xxiv, 18. — L'emplacement de Lobna est jusqu'ici 
resté inconnu. Tout ce que nous savons, c'est qu'il 
devait se trouver dans les environs de Beit-Djiifrîn, 
l'ancienne Éleuthéropolis. Les données de l'Écriture et 
de la tradition nous conduisent, en effet, dans celte 
contrée. La conquête de Josué nous montre cette ville 
entre Macéda et Lachis (Tell el-Hésy). Jos., x, 29-32. 
Voir la carte de la tribu de Juda, t. m, col. 1755. Dans 
l'énumération des villes de la tribu, elle fait partie du 
troisième groupe de « la plaine » ou Séfêlâh, dont la 
plupart des localités sont bien ou suffisamment iden- 
tifiées : Ether (Khirbet el-'Atr), Esna (Idhna), Nésib 
(Beit-Nusib), Céila (Khirbet Qîla ou Kîla), Alarésa 
(Khirbet Mer'asch). Jos., xv, 42-44. Tous ces noms 
rayonnent autour de Beit-Djibrîn. La même conclusion 
s'appuie sur le témoignage d'Eusèbe et de saint Jérôme. 
Onomastica sacra, Gœtlingue, 1870, p. 135, 274, qui 
signalent dans la région d'Éleuthéropolis un village, 
xc&lii), appelé Lobna, AoSavà. Quelques auteurs, se 
tondant sur Pétymologie de Libnâh, « blancheur, » ont 
cherché 4 -identifier la ville avec Tell es-Sàflyéh, 
l'ancienne Blanche-Garde des croisés, au nord-ouest 
de Bèit-Djibrîn. Cl. Stanley, Sinai and Palestine, 
Londres, 1866, p. 258, note 1. D'autres réservent cette 
position stratégique remarquable pourGethouMasépha. 
Van de . Velde, Memoir to accompany the Map of the 
Holy Land, Gotha, 1858, p. 330, a pensé à 'Araq el- 
Menschiyéh, directement à l'ouest de Beit-Djibrîn. 
Enfin, Conder a proposé Khirbet el-Benaây, à 16 kilo- 
mètres au sud-est de Tell el-Hésy. Cf. Palestine Explo- 
ration Fund, Quarterly Statement, 1897, p. 69. Aucune 
de ces conjectures n'a d'appui solide; la dernière parait 



319 



LOBNA 



LOCH 



320 



difficile à justifier, malgré le rapprochement onomas- 
tique qu'on voudrait faire. A. Legendre. 

LOBNI (hébreu :Libnî,« blanc; » Septante: Ao6evi), 
nom de deux descendants de Lévi. 

1. LOBNI, orthographe, dans la Vulgate, Exod., vi, 
17; Num., xxvi, 58; I Par., vi, 17, 20, du nom du fils 
de Gerson qu'elle écrit Lelmi dans Num., m, 18. Voir 
Lebni, col. 143. 

2. LOBNI, lévite, fils de Moholi, fils de Mérari. 
1 Par., VI, 29. Quelques critiques croient que ce lévite 
est le fils de Gerson, et qu'il y a ici dans le texte quelque 
lacune, mais le lait n'est pas établi. 

LOCATION, mise à la disposition d'un autre, 
moyennant salaire, d'un objet qu'on possède ou de son 
propre travail. L'action de louer est exprimée par les 
verbes sâkar, èxSiSo'vou, locare, (iiaOïitrairtai, conducere. 

I. Louage des personnes. — Il se pratiquait chez 
les Hébreux. Jacob sert chez Laban pendant quatorze 
ans en vertu d'un véritable contrat de louage, dont le 
prix est la main de Lia, puis de Rachel. Gen., xxix, 20, 
27; xxxi, 41. Les Hébreux qui s'engageaient comme 
esclaves ne faisaient ea somme que se louer à leurs 
frères pour un temps restreint, puisqu'ils avaient le 
droit de se racheter eux-mêmes, Lev., xxv, 47-49, et 
qu'en tout cas ils redevenaient libres l'année sabbatique 
ou l'année jubilaire. Un salaire était assuré à celui qui 
se vendait ainsi par indigence, Lev., xxv, 39-47, ou qui 
vendait sa fille pour le même motif. Exod., xxi, 7-11. 
L'esclave hébreu recevait de plus des troupeaux, des 
céréales et du vin quand arrivait son affranchissement. 
Deut., xv, 13, 14. Voir Esclave, t. h, col. 1921-1923. 
L'esclavage de l'Hébreu n'était donc guère qu'un louage 
qu'il faisait de_sa personne pour un certain nombre 
d'années, et qui lui rapportait pour le moins la nourri- 
ture, le vêtement et le logement. Dans son cantique, 
Anne, mère de Samuel, parle de ceux qui, ayant eu 
jadis tout à satiété, en venaient à se louer pour du pain. 
I Reg., il, 5. — Michas avait loué un lévite pour lui 
servir de prêtre. Jud., xviii, 4. — On louait des ouvriers 
pour différents travaux. II Par., xxiv, 12. Voir Merce- 
naire. Au temps de Notre-Seigneur, les ouvriers dispo- 
nibles se rendaient sur la place de la ville, £v T7j âyopà, 
inforo, aux diverses heures de la journée et attendaient 
là qu'on vint les louer et les envoyer au travail. Matth., 
xx, 1-6. On convenait avec eux du prix qui leur serait 
accordé et on les payait le soir même. 

II. Louage des objets. — On louait aussi difiérents 
objets pour un usage temporaire. Chez les Hébreux, les 
ventes de terres et de maisons n'étaient que des loca- 
tions, puisque terres et maisons devaient revenir au 
premier propriétaire à l'année jubilaire. Aussi le prix 
de la vente était-il calculé d'après le temps qui restait 
à courir jusqu'à ce terme. Lev., xxv, 15-17. Seules, les 
maisons bâties dans les villes entourées de murs 
pouvaient être vendues définitivement, si au bout . d'un 
an le premier propriétaire ne les avait pas rachetées, 
changeant ainsi en simple location la possession de la 
première année. Voir Jdbilaire (Année), t. m, col. 1752, 
1753. — La loi règle que si un animal emprunté subit 
un accident en présence de son maître, il n'y a pas lieu 
à restitution; c'était au maître à veiller sur son bien. 
Le texte ajoute : 'im sâkîr hû' bâ' biskdrô, « s'il était 
loué, cela vient en salaire, » c'est-à-dire le prix de la 
location suffit à indemniser le propriétaire, dans le cas 
d'accident fortuit. La Vulgate ajoute maxime, « surtout, » 
qui n'est ni dans l'hébreu ni dans les Septante. Exod., 
xxii, 15. Le mot èdkîr ne désigne pas uniquement un 
mercenaire, de telle sorte qu'on doive interpréter le 
texte dans le sens d'une simple indulgence, quand l'acci- 



dent arrive pendant que l'animal est aux mains d'un 
mercenaire. Cf. Fr. de Hummelauer, In Exod. et Levit., 
Paris, 1897, p. 232. Il s'applique également à un animal 
ou à un objet, comme l'entend la Vulgate : conductum 
(jumentwn), animal loué. Cf. Buhl, Gesenius' Band- 
ivôrlerbuch, Leipzig, 1899, p. 801. Il suit de ce texte 
que, chez les Hébreux, les animaux pouvaient se louer. 
Le cas est d'ailleurs prévu dans le code babylonien. Si 
un bœuf pris en location mourait naturellement ou pé- 
rissait par accident, et si celui qui l'avait loué jurait qu'il 
n'y était pour rien, il n'avait rien à rendre. Dans le cas 
contraire, il devait une indemnité, bœuf pour bœuf, si 
l'animal périssait faute de soins ou par mauvais traite- 
ments, si on lui brisait le pied ou si on lui coupait la 
nuque ; moitié de sa valeur pour un œil crevé : le quart 
de la valeur pour une corne brisée, la queue coupée ou 
le dessus du museau tranché; un tiers de mine d'argent 
pour surmenage excessif de l'animal. On louait égale- 
ment des ânes. Cf. Scheil, Textes élamites-sérnitiques, 
Paris, 1902, p. 106-108. — Isaïe, vu, 20, parlant de l'in- 
vasion de Juda par les Assyriens, dit que ce jour-là le 
Seigneur rasera « avec un rasoir de location », beta'ar 
ttas-èekirâh, èv tw iivipw tw iiEiutr6(dii£v<d, in novacula 
conducta. Ce rasoir de location, c'est le roi de Babylone, 
qui n'est pas ordinairement au service du Seigneur, 
mais que celui-ci louera pour dépouiller Juda, et auquel 
il donnera un salaire. Ezech., xxx, 18, 19. Cette compa- 
raison montre qu'on pouvait louer différents ustensiles. 
— Si parfois on louait des ouvriers pour travailler à 
une vigne, il arrivait aussi qu'on louât une vigne à des 
cultivateurs. On pouvait louer soit à prix d'argent, soit 
à condition de partager les fruits, locare nummo ou 
partibus. Cf. Pline le Jeune, Epist., ix, 37. Les co- 
partageants s'appelaient alors partiarii. Cf. Gaii Dig., 
xix, 2, 25. C'est ce dernier mode d'exploitation que 
suppose la parabole de l'Évangile. Matth., xxi, 33-41; 
Marc, xn, 1; Luc, xx, 9. Au moment de la vendange, 
le maître envoie prendre les fruits qui lui reviennent; 
les vignerons s'imaginent que, s'ils tuent le fils du 
maître, la vigne sera pour eux; mais le maître les 
châtiera et louera sa vigne à d'autres. — Arrivé à Rome, 
saint Paul se loua un logement et y demeura deux 
ans, iv iSi'ft) (inr&MjiaTt, in suo conducto. Act., xxvm, 
30. Il y avait alors à Rome un grand nombre de maisons 
à loyer. On y trouvait des logements plus ou moins 
vastes, aux différents étages, à des prix assez élevés. 
De grands écriteaux indiquaient les logements à louer. 
Les lettres, atteignant parfois une coudée de hauteur, 
pour mieux attirer les regards, étaient peintes eh noir, 
sauf à la dernière ligne qui contenait le nom du pro- 
priétaire. En voici un spécimen : « Dans l'héritage de 
Julia, fille de Spurius Félix, soient loués un bain... et 
quatre-vingt-dix tavernes, des treilles, des cœnacula, à 
partir des prochaines kalendes d'auguste, au six des ides 
d'auguste, pour cinq années consécutives. Que celui qui 
ne connaîtrait pas la maltresse de ce lieu aille trouver 
Suettius Vérus, édile. » Écriteau de location trouvé à 
Pompéi. Dans Ch. Dezobry, Rome au siècle d'Auguste, 
lettre xvi, 5" édit., 4 in-8», Paris, 1886, t, i, p. 188. 
L'Apôtre ne fut donc pas embarrassé pour trouver à se 
loger. Il aima mieux sans doute avoir un logement à lui, 
plutôt que de recevoir l'hospitalité d'un chrétien, parce 
qu'il avait un soldat avec lui et qu'il tenait à recevoir, 
sans gêner personne, les nombreuses visites qui lui 
étaient laites. Act., xx, 16-31. H. Lesêtre. 

LOCH ValentiD, théologien catholique allemand, né 
à Bamberg le 24 septembre 1813, mort dans cette ville, 
le 14 juin 1893. Après avoir donné l'enseignement reli- 
gieux à Munich, il devint proijsseur d'exégèse à Amberg, 
de 1843 à 1863, et à Bamberg, del865àl884. Nommépré- 
lat domestique de Léon XIII, il termina ses jours dans sa 
ville natale. Outre plusieurs ouvrages historiques qu'il 



321 



LOCH 



LOG 



322 



publia, il s'occupa activement de la Bible, tant de son 
texte que de sa traduction. Le premier travail de ce 
genre, qu'il livra au public fut intitulé : Biblia sacra 
Vulgatse editionis, in-8°, Ratisbonne, 1849. L'édition ro- 
maine de 1592 servit de base à cette édition. — Deux ans 
après, il commença avec son collègue Reischl à traduire 
en allemand toute la Bible, Reischl se réservant la traduc- 
tion du Nouveau Testament. Cette œuvre ne fut achevée 
et publiée complètement, qu'en 1866 sous le titre : Die 
heiligen Schriften des alten und neuen Testamentes 
nach der Vulgata, mit sleter Vergleichung des Grund- 
textes, ùbersetzt und erlaûtert von V . Loch und W. 
Reischl, 4 in-8», Ratisbonne, 1851-1866 ; 2 e édit. , 1869-1870 ; 
3 e édit., illustrée, 1884-1885. — Les traducteurs suivent 
la Vulgate, tout en l'accommodant aux textes hébreux 
et grecs. L'ouvrage contient un grand nombre de notes 
explicatives solides et pratiques, peut-être même trop 
savantes pour un ouvrage de ce genre. Cette traduction 
est actuellement répandue en Allemagne, conjointement 
avec celle d'Allioli, mais ne réussit guère à éclipser 
cette dernière, malgré son langage plus châtié. — On 
doit aussi à Loch : Novum Testamentum. Textumgrœ- 
cum e codice Vaticano; latinum ex Vulgata editione, 
edidit Loch, in-12, Ratisbonne, 1862. En ce qui concerne 
le texte grec, il suit le Codex Vaticanus, avec discer- 
nement, cum selectu, n'ayant pas l'intention de publier 
une édition purement critique, mais un manuel (voir 
Nov. Test., p. ix-xix), utile aux étudiants en théologie. 

— Le texte latin reproduit la Vulgate et est accompagné 
seulement des variantes les plus remarquables. Quatre 
ans plus tard, il donna une édition correcte du texte 
grec : 'H muXaià Aia6*îxT) xarà tqÙ; 0\ Vêtus Test. 
grs.ce juxta LXX interprètes, in-8 , Ratisbonne, 1866 ; 
2 e édit., 1886. C'est une édition critique des Septante 
basée sur le Codex Vaticanus. Dans l 'avant-propos se 
trouve une dissertation sur les principales variantes 
(p. v-vil). Le texte même n'en fournit point. — Voir : 
Katzenberger, dans Jakresbericht 4892-4893, des kb- 
nigl. Bayer. Lyceurns in Bamberg, p. 18-22-24; Der 
Katholik, t. xliv, 1864, p. 755-756 ; t. xlvii, 1867, p. 114- 
116; Cornely, Cursus S. Script., Introductio, Paris, 
1885, 2= édit., t. i, p. 313; Hurter, Nomenclator litera- 
rius, 2« édit., Inspruck, 1895, t. m, col. 1293; Hûls- 
camp, dans le Literarlscher Handweiser, 1873, col. 494. 

E. Michels. 
LOD (hébreu : Lôd; Septante: AoS), ville de Palestine 
ainsi nommée dans I Par., vin, 12; I Esd., n, 33; 
II Esd., vu, 37; xi, 34. Dans I Mach., si, 34, et dans 
le Nouveau Testament, Act., ix, 32, 35, 38, elle est appe- 
lée Lyda et Lydda. Voir Lydda. 

LODABAR (hébreu : £<5' Debâr, « non pâturage; » 
Septante : Awôaëôp), ville du pays de Galaad. Son nom 
est écrit Lô Debâr, avec ib, « à lui, » dans II Sam., ix, 4, 
5, au lieu de vh, lô', « non, » qu'on lit II Sam., xvn, 27. 
Machir, fils d'Ammiel, qui habitait cette ville, y avait 
reçu dans sa maison Méphiboseth, fils de Jonathas, 
petit-fils de Saùl. II Reg., ix, 4-5. Plus tard, pendant la 
révolte d'Absalom, Lodabar est nommée de nouveau, 
parce que le même Machir envoya des vivres et des 
meubles à David fugitif. II Reg., xvn, 27. Voir Machir 2. 

— On croit généralement que Lodabar est la même 
ville que la Dabir transjordanique, dont le vrai nom était 
Lidbir. Jos., ziii, 26. Voir Dabir 3, t. n, col. 1200. 

LOG (hébreu : lôg; Septante : xotvXr); Vulgate : 
sextarius), mesure de capacité pour les liquides. Son 
nom vient probablement de la racine £l, qui signifie à 

la vm e forme, en arabe, « être grand, être profond. » 
Le syriaque ] A, t«\- a tout à la fois le sens de 
«c plat » et de « mesure s. Les documents démotiques et 
coptes mentionnent une mesure au nom à peu près iden- 

DICT. DE LA BIBLE. 



tique, le lok. Cf. E. Revillout, dans la Revue égyptolo- 
gique, 1882, p. 196. Le log n'est mentionné dans la Bible 
qu'au ch. xnr du Lévitique, 10, 12, 15, 21, 24. D'après les 
prescriptions contenues dans ces passages, le lépreux 
doit offrir entre autres choses, au jour de sa purifica- 
tion, un « log d'huile ». L'auteur sacré ne nous dit 
rien de sa valeur relativement aux autres mesures 
hébraïques ; nous devons donc recourir pour l'évaluer 
aux traductions des Septante, de la Vulgate et aux tra- 
ditions conservées et transmises par Josèphe et par les 
rabbins. De cette valeur relative nous essayerons de dé- 
duire approximativement la valeur absolue. 

Les Septante ont rendu le mot log par xotûX7); la 
Vulgate, par sextarius. Josèphe ne nomme pas le log, 
mais à propos de IV Reg., vi, 25, il traduit les mots 
« un quart de qab » du texte hébreu par ijéimiç. 
Ant. jud., ix, 4. Or, selon les rabbins, comme nous 
allons le voir, le quart du qab est le log, qui est lui-même 
la 72 e partie de Yéphi. D'autre part, Josèphe, Ant. jud., 
VIII, n, 9, assigne au bath-éphi la valeur de 72 xestes, 
et le xeste est la mesure grecque qui répond au sex- 
tarius romain de la Vulgate; le mot grec dérive 
même du mot latin. Il nous est donc permis de voir 
le log dans le xeste de Josèphe. D'après les rabbins, 
voir Waser, De antiquis mensuris Hebreeorum, 
Heidelberg, 1610, p. 74, 98, le log est la plus petite des 
mesures hébraïques, le 1/4 du qab, le 1/12 du hin, le 
1/24 du se'âh, le 1/72 de Yéphi. Ils lui attribuent donc 
la même valeur relative que celle que nous pouvons 
déduire des textes de la Vulgate et de Josèphe. — Seuls, 
les Septante semblent avoir reconnu au log une tout 
autre valeur, car la cotyle n'est que la moitié du xeste 
dans le système métrologique grec dit système nouveau. 
Voir Bailly, Dictionnaire grec-français, Paris, 1895, 
appendice sur les Mesures de capacité grecques 
(attiques). Le log ne serait donc que la 144° partie de 
l'éphi. La divergence n'est peut-être qu'apparente. 
Waser, loc. cit., fait remarquer qu'à l'époque où fut 
composée la traduction des Septante, au m e siècle avant 
Jésus-Christ, le xeste était encore inconnu aux Grecs. 
Ce n'est que plus tard qu'il s'est introduit dans le 
système métrologique nouveau, voir Bailly, Diction., 
comme une corruption du sextarius romain. Les Sep- 
tante auraient donc employé la mesure qui se rappro- 
chait le plus du log, non seulement par son contenu, 
mais par la signification du mot qui la désignait : 
xotûXti, comme log, signifie « creux ». 

Il n'est pas facile de fixer la valeur réelle du log. Les 
divergences d'opinions déjà signalées à propos des 
autres mesures hébraïques se reproduisent naturelle- 
ment ici. Voir Éphi, t. m, col. 1864. Ainsi les rabbins 
attribuent au log une contenance égale à celle de six 
œufs de poule, soil lit. 278 environ, comme ils ne 
reconnaissent à Véfâh qu'une capacité de 20 lit. 01. 
C'est aussi l'opinion de E. Revillout, dans la Revue êgyp- 
tologique, 1882, p. 191, qui prend la cotyle des Septante 
pour l'équivalent exact du log à l'époque où parut leur 
traduction, ce qui donne pour celte mesure la contenance 
de lit. 270. Mais la plupart des métrologistes admettent 
pour l'éphi une contenance qui varie, selon les auteurs, 
de 36 lit. 44 à 39 lit. 392; pour le hin, une capacité de 
6 lit. 49» Voir Hin, t. ni, col. 715. Le log, qui est la 72» par- 
tie de^I'épfci, la 12" du hin, a donc, d'après eux, une capa- 
cité de lit. 50 environ. Ce système a pour lui l'autorité 
de la Vulgate et celle de Josèphe, car le sextarius 
romain, comme le xeste grec, contient à peu près 
lit. 547, d'après Wex, Métrologie grecque et romaine, 
traduction Monet, Paris, 1886, p. 33. Voir Zuckermann, 
Dos jûdische Maassystem, Breslau, 1867; Hultsch, 
Griechische und rômische Métrologie, 2 e édit., Berlin, 
1882; Benzinger, Hebrâische Archâologie, Fribourg, 
1894; Nowack, Lehrbuch der hebrâischen Archâologie, 
Fribourg, 1894. F. Martin. 

IV. - 11 



323 



LOGENHAGEN 



LOGOS 



324 



LOGENHAGEN Jacques, théologien belge, prêtre 
de l'ordre du Saint-Sauveur, né à Anvers, mort en 1611, 
a publié : Annotaliones in Epistolam canonicam D. 
Jacobi, in-8°, Anvers, 1571; Commenlarius in Evange- 
Uum secundum Lucatn ex operibus S. Augustini ex- 
cerptus, in-8°, Anvers, 1574. — Voir Valère André, Bi- 
blioth. Belgica, p. 418; Dupin, Table des auteurs 
ecclésiast. du xrn* siècle, col. 1537. 

B. Heurtebize. 

LOGOS (grec : Aôyoç; Vulgate : Verbum). — I. Le 
problème. — Le mot Xô-j-o; signifie parole et raison, 
mais tandis que le second sens est très commun chez 
les écrivains profanes, la première acception est seule 
usitée dans la Bible. Il ne faut excepter que certaines 
phrases toutes faites comme Xôyov ScSdvat, rendre compte, 
Tivt )iôf(i), pour quelle cause, etc. Dans les Septante Xôyoç 
est la traduction ordinaire de l'hébreu dâbâr ou de ses 
synonymes poétiques 'ônier et millâh. C'est toujours ;< pa- 
role » ou « discours »; jamais « raison » : \6yoc toO ©soû 
désignera donc un oracle particulier ou l'ensemble de la 
révélation. Il en est de même dans le Nouveau Testa- 
ment. Seulement ici ô Xôyoç (sous-entendu to-j ©ee>0 ou 
to-j Xpioroû) devient une sorte de terme technique pour 
signifier l'Évangile. — On sait que la terminologie de 
saint Jean est tout à fait spéciale. Six fois dans ses écrits 
é Xoyoç tout court désigne un être divin préexistant à la 
création du monde et qui s'identifie avec Jésus-Christ. 
Joa., i, 1 (ter); î, 14; I Joa., i, 1; Apoc, xrx, 13. Il est 
impossible de douter que le Verbe de Dieu de l'Apoca- 
lypse, xix, 13, soit identique à celui de l'Évangile et si 
l'on tient compte du contexte et du parallélisme 
on affirmera sans hésitation la même chose du Verbe 
de vie de la première Épître. Cependant, pour la doctrine 
du Logos, nous ne sortirons pas de l'Évangile, les pas- 
sages de PÉpître et de l'Apocalypse ne nous offrant 
guère que le nom. — Nous avons à chercher quelle est 
la nature du Logos de saint Jean, comment il diffère du 
Logos de Philon, quelle est l'origine de cette concep- 
tion dans l'évangéliste comme dans le philosophe 
alexandrin, enfin quelle est la provenance du nom lui- 
même. 

IL Le Logos dans saint Jean. — 1° Prologue. — 
L'idée du Logos domine tout le Prologue. Il est tour à 
tour envisagé dans sa triple relation avec Dieu, avec le 
monde et avec l'humanité. —i.Le Logos et Dieu. — Trois 
affirmations résument son rôle au sein de la divinité : 
« Au commencement le Logos existait; » il est donc 
sans commencement, éternel. « Et le Logos était en 
Dieu, » résidait auprès de Dieu, Ttpbç tôv ©eov, par con- 
séquent était distinct de lui, é ®eô; avec l'article dési- 
gnant le Père. Enfin « le Logos était Dieu » : xai ©eo; 
\> à >.6yot. Il n'est pas dit que le Logos fût le Père, 
à ®e<5{, ce qui serait manifestement absurde; mais il 
est dit qu'il était Dieu, 0e6{, qu'il avait la nature divine; 
et cela est exprimé avec emphase par un procédé 
d'union' et de transition particulier à Jean, procédé qui 
consiste à renverser la place du sujet et de l'attribut 
et â mettre ce dernier en tête de l'incise. Il est à noter 
que les mots ï-i àpfâ, « au commencement, » allusion 
manifeste au début' de la Genèse, affectent les trois 
premières propositions et que le verbe -7,v, avec ses trois 
acceptions différentes « exister, subsister, être », 
indique un état contemporain de ce commencement, 
mais nécessairement antérieur. — 2. Le Logos et le 
monde. — Ici la doctrine de l'apôtre est la clarté 
même : « Tout a été fait par lui (St'aûtoû) et rien n'a 
été fait sans lui. » Absolument rien (où6è £v) de ce 
qui est soumis au devenir n'est arrivé à l'existence 
(ÈYévExb) indépendamment de lui (x<«>P^Ç aiitoO). La 
matière elle-même est comprise dans une .affirmation si 
générale et si catégorique. — 3. Le Logos et l'huma- 
nité. — « Et le Logos, s'est fait chair et il a fixé sa 
tente parmi nous et nous avons vu sa gloire. » i, 14. Il 



est évident que le Logos est ici identifié avec le Christ 
historique auquel Jean-Baptiste a rendu témoignage: 
c'est un même sujet d'attributions, un même agent, 
une même personne. 

2° Rapports du Prologue avec l'Evangile. — D'après 
une explication assez répandue, le Prologue ne serait 
pas la porte de l'Évangile, mais un vestibule destiné à 
y introduire sans soubresauts, insensiblement, les esprits 
imbus de la culture hellénique. Ce serait une façade 
appliquée après coup à l'édifice et qui ne lui convien- 
drait pas. La maison n'aurait pas de rapport avec la 
devanture (Harnack); tout au plus accorde-t-on au Lo- 
gos une place secondaire, subordonnée (Beyschlag). Les 
deux raisons qu'on donne pour séparer le Prologue du 
corps de l'ouvrage et en diminuer l'importance théolo- 
gique sont : 1" Que le Jésus du quatrième Évangile ne 
prétend point au titre et à la qualité de Logos. 2° Que ce 
mot de Xô-j-o; ne reparait plus dans son sens technique, 
en dehors du Prologue. — Nous croyons au contraire 

— et H. J. Holtzmann semble l'avoir établi à l'évidence 

— que le Prologue n'est pas un morceau composé après 
coup et séparable de l'Évangile, mais qu'il en est le pro- 
gramme et qu'il en livre la clef. L'Évangile entier a 
pour but de montrer que le Jésus historique possède 
toutes les propriétés du Logos fait chair du Prologue. 
En effet, le Logos est Lumière et Vie et il a pour fonc- 
tion de communiquer aux hommes la lumière et la vie, 
I, 4-9; mais Jésus lui aussi est la Vie, xiv, le pain de 
vie, vi, 48, la Lumière, vm, 12; îx, 5; xii, 46, el il pro- 
teste en vingt endroits qu'il apporte aux hommes la lu- 
mière, m, 19-21; vin, 12; xn, 35-36 et la vie éternelle, m, 
15,16, 36; v, 40, 47, 54, 68; x, 10,28; xvn, 2, 3; xx, 31. 
Le Logos du Prologue est préexistant d'une préexistence 
éternelle, tout-puissant, omniscient; mais ce sont là 
précisément les attributs que nous voyons appliqués à 
Jésus, avec le plus d'insistance, au cours de l'Évangile. 
Enfin le Logos est Dieu, i, 1, 18 (nous lisons avec les 
meilleures autorités : 6 [aovoysvïiç ©e<5; au lieu de vie;); 
mais Jésus se donne pour l'égal de Dieu, v, 18, pour 
le Fils de Dieu, xix, 7, pour Dieu, x, 33; il accepte 
ce nom de la bouche de saint Thomas, xx, 28; si saint 
Jean ne lui fait pas revendiquer le titre même de Logos, 
c'est que ce nom est notoirement étranger à la termi- 
nologie du Maître. On est donc obligé de reconnaître 
que le Prologue est soit un canevas tracé d'avance que 
l'Évangile remplit, soit un résumé qui condense en quel- 
ques lignes la quintessence de l'Évangile. Dans un cas 
comme dans l'autre, son importance, au point de vue de 
la théologie johannique, est capitale. « Le Prologue et 
le livre sont à expliquer l'un par l'autre,^ ils sont inin- 
telligibles l'un sans l'autre. » A. Loisy, Éludes évangé- 
liques, 1902, p. 127. 

3° Le Prologue et le reste du Nouveau Testavient. — 
Bien que le mot de Logos soit propre à saint Jean, 
car I Pet., i, 23, et II Pet., m, 5, ne peuvent pas s'en- 
tendre du Logos personnel, non plus que Heb., IV, 12, 
la doctrine elle-même lui est commune avec d'autres 
écrivains sacrés. Les Épîtres de saint Paul, Col., 1,13-20; 
il, 9; Phil., il, 5-11, ainsi que Heb., i, 1-4, expriment 
en substance toutes les idées essentielles du Prologue, 
relativement à la personne unique du Christ et à sa 
double nature, mais elles les revêtent d'une terminologie 
différente. Elles s'accordent avec saint Jean sur les points 
suivants : 1. Identification, avec la personne historique 
de Jésus, d'un être divin, préexistant d'une préexistence 
éternelle. Notez comme ils passent, sans changement de 
sujet, de la préhistoire du Christ à sa vie historique et 
ensuite à son état glorifié. — 2. Filiation divine en un 
sens tout spécial qui ne convient ni ne peut convenir 
à aucun autre. Il est le Fils par excellence, Heb., i, 2, 
5, 8; m, 6, etc.; Col., i, 13; le Monogène. Joa., i, 18. — 
3. Rôle actif dans la création et la conservation de tous 
les êtres sans exception. JJeb., i, 2-3; Col., i, 16-17; 



325 



LOGOS 



326 



Joa., I, 3. — 4. Enfin attributs divins et appellation divine 
décernés à cette personne. Joa., i, 1, 18; Heb., i, 8 (6 
®eô?), 10-12; Col., n, 9; Phil., il, 5 (la forme de Dieu et 
l'égalité avec Dieu). La formule de Paul, Col., il, 9 : 'Ev 
aÙTw xoltoixel 7rav to 7r).^pt*)(xà 6eûT/]tûç ffwjjiaTtxô;, « en 
liii habite toute la plénitude de la divinité corporelle- 
ment, » équivaut, pour l'expression théologique de l'in- 
carnation, à la formule de Jean, 'i, 14: 'O X6"yo? a*p% 
èyéveTO, s le Logos s'est fait chair. » 
III. Philon et saint Jean. — 1° Le Logos de Phïlon. 

— Il est malaisé de ramener à l'unité la doctrine de 
Philon au sujet du Logos, amalgame d'éléments irréduc- 
tiblement opposés. — 1. Il y a d'abord l'élément scrip- 
turaire et celui de la théologie judaïque contemporaine. 
Philon se souvient des personnifications bibliques de la 
Parole de Dieu, de l'Esprit de Dieu, de la Sagesse de 
Dieu, personnifications flottant entre l'hypostase réelle 
et la prosopopée poétique. Il tire de l'Écriture, Gen., i, 
27, sa théorie favorite du Logos image (eîxwv) ou ombre 
(axe») directe de Dieu, laquelle sert de modèle (mtpâ- 
èeiYfa) au monde et à l'homme. Leg. Alleg., m, 
édit. Mangey, t. i, p. 106. C'est aussi sur un texte des 
Septante, Gen., xxxi, 12 : 'Eyiâ sîjju à ©sôç à ôçfta'ç soi èv 
T<5îr<i> ©soû, qu'il s'appuie pour désigner Dieu par ô ©eô? 
avec l'article et le Logos par 0s6; sans article. De som- 
niis, t. î, p. 653. Les épifhètes du Logos àfSioç xaps^iP 
©êoO, De plantât., t. i, p. 332, et âv8r|Xtoç a\iyr\, De som- 
niis, t. I, p. 655, paraissent empruntées au Livre de la 
Sagesse. —La théologie judaïque est représentée surtout 
par les titres qui font du Logos le médiateur universel : 
àpxaYYsXoc, [ie8<îpioç,<' intermédiaire, » ixlrr]?, « interces- 
seur, » lp|iï]veiç, « interprète, » imap'/oc, « lieutenant, » etc. 

— 2. L'élément philosophique vient principalement de 
Platon et d'Heraclite, peut-être aussi des stoïciens. Pla- 
ton fournit sa théorie des idées, exploitée surtout dans le 
De mundï opif., t. i, p. 4-7 : le Logos est l'archétype 
^àpXSTUtov «apàSeiYjia), l'idée intelligible (voïjtti tSéa), 
l'idée des idées ftSéa tûv î8e<ïv), enfin le centre, le lieu 
et le monde des idées (4 èx t<5v ESewv x<5<7|aoç). Par con- 
séquent le À(5yoç de Philon correspond au voûç de Platon, 
appelé accidentellement X<5y°c dans le Timée : c'est l'en- 
tendement divin en acte ou, si l'on veut, l'acte de l'en- 
tendement divin, analogue au plan de l'architecte et à 
l'idéal de l'artiste. — Philon se réfère expressément à 
Heraclite, dont il admire fort le génie, pour sa théorie 
du Xôyo; TojiEÛç. Quis rerum divin, hseres, t. I, p. 503. 
Quant aux stoïciens, s'il s'inspire largementde leursidées 
morales, nous ne trouvons chez lui aucune trace certaine 
de leur panthéisme cosmogonique. Cependant il em- 
prunte souvent leur langage, par exemple quand il fait 
du Logos le lien ou la loi du monde, De fuga, t. i, 
p. 562; De plantatione, t. i, p. 330-331; Quis reruni 
divin, hxres., t. i, p. 499 (xôXXoc xai 8s<t[k5ç); De vita 
Mosis, ir, t. il, p. 155 (tou <Tuv6x< m o? *°" ïuvocxoOvto; 
rà navra, expressions techniques dans le système stoï- 
cien du Logos), etc. Mais il corrige leur monisme pour 
maintenir la transcendance du Dieu personnel, confor- 
mément à l'orthodoxie juive. — 3. Il y a enfin l'apport per- 
sonnel de Philon. Entraîné par sa fureur d'allégorisme, 
il reconnaît des figures du Logos dans l'épée flam- 
boyante des anges qui gardaient l'Éden, De Cherubïm, 
1. 1, p. 144, dans le grand-prêtre juif, De profugis, t. i, 
p. 662, dans la manne, Leg. Alleg., m, t. i, p. 120-122, 
-dans la tourterelle offerte en sacrifice, Quis rerum divin, 
haeres, t. i, p. 505-506, etc. Une fois en possession de 
son allégorie, il la poursuit jusque dans ses moindres 
détails, par une suite de rapprochements aussi forcés 
que puérils ; l'imagination l'égaré et il serait oiseux de 
chercher une doctrine suivie dans ces divagations. Il 
reconnaît, par exemple, dans le Logos les qualités de la 
manne, légère, brillante, pareille à la graine de corian- 
dre. Qu'on lise en particulier l'application au Logos du 
-mot Ti, traduction du nom hébreu de la manne, Leg. 



Alleg., III, t. I, p. 122, ou les rapprochements avec les 
prescriptions relatives au grand-prêlre, qui est tenu 
d'épouser une vierge, qui ne déchire pas ses habits en 
signe de deuil, etc. De profugis, t. i, p. 662. — Le 
Logos de Philon est souvent qualifié de divin (6etoc), il 
est même quelquefois appelé Dieu (®e6ç). Leg. Alleg., 
t. i, p. 128 ; De somniis, t. i. p. 655. D'après Eusèbe, 
Prmpar. Evang., vu, 13, t. xxi, col. 545, il serait aussi 
désigné par à 8sj«poç ©e<Sç, mais on ne sait pas si Eu- 
sèbe cite textuellement ou s'il interprète. Toujours est-il 
que cette expression ne paraît pas dans les Qusestiones 
et solutiones auxquelles Eusèbe se réfère et dont on 
possède le texte arménien, traduit en latin par Aucher. 
Il est vrai qu'elles commencent à Gen., n, 4, de sorte que 
le début, d'où la citation d'Eusèbe a pu être tirée, semble 
perdu. Nous avons exposé plus haut l'origine de cette 
théorie du Logos ©eoc. 

2° Le Logos de Philon et le Logos de saint Jean. 
— 1. Ressemblances. — Elles ressortent de ce qui pré- 
cède. Des deux côtés le Logos est appelé Fils de Dieu et 
Dieu; un rôle lui est attribué dans la formation du 
monde; il est médiateur entre Dieu et les hommes, il 
apporte aux hommes la révélation céleste. — 2° Diffé- 
rences. — A) Le Logos de Philon est une notion abstraite, 
vague et flottante, une idée constamment personnifiée, 
mais qui n'atteint pas la personnalité véritable. Jamais 
Philon n'a identifié son Logos avec le Messie et il aurait 
repoussé avec horreur la formule : 6 A4yoc <xàp? iflveto. 
Le Logos de saint Jean est un être concret, le Fils de 
Dieu incarné, Jésus-Christ, gardant sa personnalité 
immuable à travers sa double existence préhistorique et 
historique. — B) Le Logos de Philon est démiurge, le 
Logos de Jean est créateur. Le dernier produit la 
matière elle-même : tout a été fait par lui et rien n'a 
été fait sans lui. Le premier agit sur une matière pré- 
existante, rebelle, mauvaise : instrument de Dieu, il 
l'assouplit et la façonne; par lui l'univers est formé, 
èSr|(j.ioupYE'To, De monarch., t. Il, 225, ou préparé, 
xaTÊoxsuâffOï]. De Cherub., t. i, p. 162. Dans ce dernier 
texte, Philon expose les quatre causes du monde : la 
cause efficiente (ùç'ou), Dieu; la cause matérielle (èÇ ou), 
la matière incréée; la cause instrumentale (St'ou), le 
Logos divin; la cause finale (8t'ô), la bonté de Dieu. — 
C) Le Logos de Philon est fils de Dieu, mais au même 
titre que le monde. Il n'est pas fils unique, il est fils 
aîné, (ô itpsuêOTepoc ulôc, Quod Deus immut., 1. 1, p. 277), 
le monde étant le fils cadet (4 vswtspoc vilôs), si bien que 
le temps, lequel est lui-même fils du monde, se trouve 
être ainsi le petit-fils (•jïuvô';) de Dieu. Dans le même 
sens, il est appelé souvent npE<r6ÛTaTO{ \h4{ ou jtpono^ 
yovoç. De confus, linguar., t. i, p. 414. En saint Jean au 
contraire, le Verbe, identifié avec la personne de Jésus- 
Christ, est le Dieu monogène (ô [lovoyevrjç ©so'c) ou, 
d'après d'autres autorités, le Fils monogène (4 |Aovoyevï)C 
uié;). Joa., i, 18. Mais, dans tous les cas, sa filiation 
diffère infiniment de la production du monde, qui n'est 
pas une filiation, et de la filiation participée et analo- 
gique des enfants de Dieu. — En résumé, les différences 
sont profondes et portent sur les points fondamentaux ; 
les ressemblances sont superficielles et s'expliquent par 
l'usage «pmmun de l'Ancien Testament, y compris les 
Livres/deutérocanoniques. Nous croyons donc devoir 
conclure avec Cremer, Biblisch-theol. Wôrterbuch der 
neutest. Grâcitât, 9= édit., Gotha, 1902, p. 646 : « Il 
faut bien se garder d'interpréter le Logos de Jean par le 
Logos philonien; d'autant plus que le Prologue s'inspire 
de concepts empruntés à l'Ancien Testament et entendus 
dans un sens qui n'est pas celui de Philon. » 

IV. Origine de la notion et du nom de Logos. — 
1° Dans Philon. — On affirme souvent que Philon 
emprunte sa théorie du Logos à la philosophie grecque 
et que saint Jean, à son tour, tire sa doctrine du Logos 
des spéculations de Philon. Cette explication peut se 



327 



LOGOS 



328 



recommander par sa simplicité, mais elle ne résiste pas 
à un examen approfondi. Sans la Bible, Philon n'aurait 
jamais pensé au Logos. En effet la raison divine, centre 
et lieu des idées, s'appelle dans Platon voijç et non pas 
Xô-j-o?. Le >ôf o; toiasv; d'Heraclite, cette loi qui préside 
à l'évolution de l'univers en tirant les contraires de. 
l'unité primordiale, n'exprime qu'un aspect très parti- 
culier et très exceptionnel du Logos philonien. D'autre 
part, le Xd-yoç des stoïciens, c'est-à-dire l'intelligence et 
la force divines répandues dans la matière (Xd-j-o? craepua- 
tix(5;), l'âme du monde qui remue et vivifie la masse 
inerte (mens agitât molem et magno se corpore miscet, 
Virgile, JEneid., vi, 727), est nettement panthéiste. C'est 
le principe actif de la matière, principe passif : Ta &ï 
irâtr/ov eïvat rïiv anoiov où<rfavT7)v CX^v, to S^tcoioOvtov 
iv aÛTfj Xêyov tôv ©eôv. Voir tout le passage de Diogène 
Laërce, Vit. philosoph., VII, i, 68, édit. Didot, p. 188- 
191. Jamais Philon ne se fût inspiré de ces spécu- 
lations blasphématoires. Il peut être dualiste, mais il 
n'est ni matérialiste, ni panthéiste, ni athée. — Philon 
a pris sa première idée du Logos dans l'Écriture. Dans 
l'Ancien Testament le Verbe de Dieu (dâbâr) est assez 
souvent personnifié. C'est par lui que les cieux ont été 
créés. Ps. xxxiii (xxxn), 4, 6. Il fait surtout fonction de 
messager de Jéhovah. Is., îx, 7; Ps. cvn (cvi), 20; cxlvii 
(cxlvi), 15. — Isaïe, lv, 11, soutient plus longuement 
la prosopopée : « Le verbe qui sort de ma bouche ne 
reviendra pas à moi sans effet : il exécutera ma volonté 
et accomplira mes desseins. » Au Livre de la Sagesse, 
xviii, 15-16, la personnification fait un pas de plus : 
« Ton verbe tout-puissant du haut des cieux, des trônes 
royaux, s'élança guerrier impitoyable au milieu de la 
terre de perdition; portant, comme un glaive tranchant, 
ton ordre explicite, partout il semait la mort. Pendant 
qu'il touchait au ciel il marchait sur la terre. » — Ces 
passages et d'autres semblables préparaient les esprits 
aux spéculations du judaïsme sur le médiateur appelé 
Memra. Memra (quelquefois dibbura, même sens) 
veut dire « parole » et correspond exactement à la 
signification biblique de Xi-j-o?- Le Memra joue un très 
grand rôle dans la théologie judaïque et son emploi 
dans les Targums est continuel : 1. Pour éviter les 
anthropomorphismes. Quand Dieu regarde, entend, se 
lève, se repent, se met en colère, jure par lui-même, 
etc., c'est le Memra de Jéhovah qui le fait à sa place. — 
2. Pour servir d'intermédiaire entre Dieu et les hommes. 
Il est vrai que la rédaction des Targums est postérieure à 
Philon, mais on ne peut guère douter que l'esprit et la 
tradition n'en remontent à cette époque, et Weber, 
Jûdische Théologie, 2 e édit., 1896, p. 184, se prononce 
catégoriquement dans ce sens. Du reste Philon lui- 
même rapporte à la Bible, c'est-à-dire à sa manière de 
l'entendre, sa théorie du Logos dans ce qu'elle a de 
plus grec et de moins biblique : De mundi opif., t. i, 
p. 5 : Mutiaéwç Ècrri t<S& 8<5f|A« toûto, oùx 1(ji6v, il s'agit 
du Logos prototype des choses. Quis rer. divin, hssres, 
t.'ij p. 503. — Philon fut très heureux de rencontrer un 
terme également usité dans la philosophie grecque et la 
théologie judaïque. Il s'en empara et, avec le syncrétisme 
dont il était coutumier, il le chargea des acceptions 
qu'il avait reçues de part et d'autre, en essayant de se 
persuader et de faire croire qu'au fond ces notions 
opposées étaient identiques. Sa théorie hybride du 
Logos n'a pas d'autre source. 

2° Dans saint Jean. — Nous avons vu que le Logos 
de saint Jean est spécifiquement chrétien. Jean n'est ni 
l'auteur, ni le premier promulgateur du système qui 
applique au Christ ce que l'Ancien Testament dit de la 
Sagesse de Dieu, du Verbe de Dieu, de l'Ange de 
Jéhovah, etc., en accentuant encore les caractères divins 
et personnels de ces demi-hypostases. Il a été devancé 
dans cette voie par saint Paul et par le rédacteur de 
.I'Épitre aux Hébreux. Il n'a de propre que le nom de 



Logos. C'est un signe que la théorie du Logos — au 
nom près — remonte à la tradition apostolique et, plus 
haut encore, à la prédication de Jésus. Il est à noter 
que saint Jean rapporte à l'enseignement du Maître 
tous les traits constitutifs de son Logos : la préexistence 
au sein de Dieu, i, 30, vin, 38, 58, xvii, 5; l'origine 
céleste, m, 13-21, vi, 62, vu, 28-29, vin, 14, 23, 42, xvi, 
28; l'unité avec le Père, xii. 45-50, xiv, 7-11, xvi, 15, 
xvii, 21; la divinité, v, 19-30, x, 33-38, xx, 28-29; la 
lumière du monde, xil, 46, xvm, 37; la source de vie, 
vi, 57, xiv, 6, xvii, 2, xx, 31, etc. La question de savoir 
d'où provient la doctrine du Logos se trouve ainsi résolue. 
Reste la question du nom lui-même. Ici nous sommes 
réduits à des conjectures plus ou moins probables. — 
1. On ne saurait admettre que l'évangéliste emprunte 
directement le terme de Logos à Philon, car il ne 
montre aucune connaissance et ne semble pas avoir lu 
une seule ligne du philosophe alexandrin; mais on peut 
supposer qu'il lui en est redevable indirectement. Les 
écrits de Philon doivent avoir été assez répandus parmi 
les Juifs hellénistes. Il est curieux de noter qu'Apollos, 
évidemment imbu de philonisme, prêcha à Éphèse avant 
et après son baptême et ne dut pas manquer d'y 
exercer une influence égale à celle qu'il avait conquise 
à Corinthe. Ce mot de Logos peut avoir été vulgarisé par 
lui ou par un autre adepte de Philon et saint Jean se 
serait emparé de ce terme d'ailleurs très propre a 
exprimer sa conception du Christ. — 2. D'autres pensent 
que le Memra de Jéhovah jouait déjà dans les écoles 
juives de langue hébraïque le rôle prépondérant que 
nous lui voyons prendre à l'époque du Targum et du 
Talmud. L'évangéliste l'aurait traduit en grec, lui 
aurait conservé ses attaches avec les textes de l'Ancien 
Testament où il est question d'intermédiaire divin, l'au- 
rait appliqué au grand Médiateur de la nouvelle alliance 
en lui surajoutant les acceptions de la christologie chré- 
tienne. — 3. Enfin il n'est pas absurde de supposer que 
les premiers hérétiques, ces pères des gnostiques contre 
lesquels saint Jean, selon la tradition, dirigeait spécia- 
lement son Évangile, eussent déjà abusé de ce nom de 
Logos, comme les gnostiques postérieurs en abusèrent 
dans la suite sans cependant lui donner plus de relief 
qu'aux autres éons. Saint Jean leur aurait arraché ce 
terme avec ceux de vie, de lumière, de vérité, etc., et 
les aurait retournés contre eux. Beaucoup d'exégètes 
croient remarquer dans les Épltres de la captivité de 
saint Paul une semblable tactique. — Il nous parait plus 
vraisemblable que deux de ces causes ou même toutes 
les trois ont agi à la fois. Le mot Logos (Memra) 
était très fréquent dans la théologie judaïque contem- 
poraine; Philon l'avait vulgarisé dans les milieux juifs 
de langue grecque; sans doute des esprits curieux et 
inquiets en faisaient déjà le thème de leurs spéculations. 
D'autre part ce terme, commun aux Juifs et aux Gentils, 
était merveilleusement adapté à la personne de celui 
qui est la sagesse substantielle de Dieu, l'image par 
laquelle le Père s'exprime et se traduit, la révélation 
vivante et le médiateur de la révélation parfaite et défi- 
nitive, enfin celui qui réunit en lui-même, en un sens 
éminent, les propriétés du X(5yoç êvStaÔEtôç (immanent) 
et du Xo'yo? irpoçopixôç des philosophes. Il ne faut pas 
chercher au nom du Logos une autre origine : nous 
avons déjà dit que la doctrine même du Logos dans 
saint Jean est originale, sauf les points d'attache avec 
l'Ancien Testament. 

V. Le Logos dans les Pères de l'Église. — Il ne 
nous appartient pas de suivre l'histoire du Logos au 
delà du siècle apostolique. Nous remarquerons seule- 
ment que la doctrine du Logos a peu de relief chez les 
écrivains, du I er siècle et du n« à son début. Elle n'a 
pas une importance marquée dans les premiers sys- 
tèmes gnostiques : le Logos n'est qu'un éon comme 
les autres, formant avec Zoé, « la Vie, » le troisième 



329 



LOGOS — LOI MOSAÏQUE 



330 



couple du système de Valentin. C'est à partir de saint 
Justin et des apologistes philosophes que l'importance 
du Logos augmente. Tertullien l'a constamment sous la 
plume; il le traduit en latin par Sermo, par Ratio ou 
par Verbuni. Cl. Stier, Die tiottes- und Logos-Lehre 
Tertullians, Gœttingue, 1899. Ou connaît le rôle que lui 
font jouer Clément d'Alexandrie et Origène. Aall, Ges- 
chichte der Logosidee in der christlichen Litteratur, 
Leipzig, 1899. Eusèbe ouvre son Histoire ecclésiastique 
par une longue dissertation sur le Logos préexistant. 

VI. Bibliographie. — Les dissertations sur le Logos 
sont innombrables. Tous les commentateurs de saint 
Jean, Schanz, Knabenbauer, Meyer-Weiss, etc., traitent 
la question avec plus ou moins d'ampleur. Toutes les 
théologies bibliques du Nouveau Testament, Weiss, 
Beyschlag, Holtzmann, Bovon, Stevens, etc., consacrent 
un chapitre au Logos. — 1. Sur le Logos de Philon on 
peut consulter, outre les historiens de la philosophie, 
comme Zeller : Grossmann, Quxstiones Philonex. De 
t.ô-(iù Philonis, Leipzig, 1829; Niedner, De subsUtentia 
tû ®e:<j> Xi5y£ apud Philonem tributa, Leipzig, 1848; 
Delaunay, Philon d'Alexandrie, Paris, 2 e édit., 1870; 
Heinze, Die Lehre tiowi Logos in der griech. Philoso- 
phie, Oldenbourg, 1872; Siegfried, Philo von Alexan- 
■dria als Ausleger des A. T., Iéna, 1875 (ouvrage capital 
malgré quelques idées systématiques); H. Soulier, La 
■doctrine du Logos chez Philon d'Alex., Turin, 1876; 
Réville, Le Logos d'après Philon d'Alex., Genève, 1877; 
Aall, Geschichte der Logosidee in dm' griech. Philo- 
sophie, Leipzig, 1896; Herriot, Philon le Juif, Paris, 
1898; J. Drummond, Philo Judssus, Londres, 1888, t. n, 
•chap. vi : The Logos, p. 156-273. — 2. Sur le Logos de 
«aint Jean et ses rapports avec le Logos philonien : Ré- 
ville, La doctrine du Logos dans le 4 e Evangile et dans 
les œuvres de Philon, Paris, 1881 ; Baldensperger, Der 
Prolog des vierten Evangeliums, Fribourg-en-Brisgau, 
1898; W. Lùtgert, Die Johanneische Christologie, 
*hap. vi : Die Logoslehre, Gûtersloh, 1899, p. 115-139; 
K. Weiss, Der Prolog, des heiligen Johannes, Fribourg- 
en-Brisgau, 1899; Calmes, Éludes sur le prologue du 
4 e Evangile, dans la Revue biblique, 1900, p. 5-29, 378, 
399; 1901, p. 512-521; Loisy, Le prologue du quatrième 
Évangile, dans Études évangél., Paris, 1902. 

F. Phat. 

LOI MOSAÏQUE, législation formulée dans le Pen- 
tateuque, et qui a Moïse pour auteur et pour promulga- 
teur. Cette loi est appelée par excellence tôrâh, v6|xo<;, 
lex, « la Loi, » Deut., i, 5; iv, 8; Jos., i, 7; IV Reg., 
xvii, 13, etc., « la loi de Moïse, »IIIReg.,n, 3; IV Reg., 
xiv, 6; II Esd., vm, 1, pu « la loi de Dieu ». II Par., 
xvn, 9; I Esd., vu, 10; II Esd., vm, 18, etc. — Le 
mot tôrâh dérive du verbe ydrâh, dont la forme hiphil, 
Jiôrdh, signifie « 'montrer avec le doigt, enseigner ». 
JExod., xxxv, 34; Job, vi, 24; Mich., m, 11, etc. Il a donc 
le sens général d'enseignement, avec l'idée de doctrine 
impérative, destinée à régler la conduite. La tôrâh est 
quelque chose de plus étendu et de plus compréhensif 
que le mispât, décision portée par celui qui a autorité, 
le misvâh, le précepte particulier, et le hoq, prescrip- 
tion limitative du droit. La tôrâh comprend ordinaire- 
ment l'ensemble des lois. Exod., xm, 9 ; xvi, 4, 28, etc. 
■Quelquefois cependant ce nom est donné à des lois par- 
ticulières. Lev., vi, 9; xi, 46;Num.,v,29; vi,13, etc. Le 
mot tôrâh peut s'appliquer également à la loi mosaïque 
«Ile-même et au livre qui la contient. Les Hébreux don- 
naient le nom de fôrâh à tout le Pentateuque. C'était le 
Pentateuque tout entier qui était divisé en 154 parHyôt 
ou sections, pour être lu dans les synagogues le jour du 
sabbat dans le cours de trois années. Cf. Megilla, 29 b. 
Les prophètes fournissaient matière à une autre lecture. 
Voir Lecteur, col. 146. C'étaient eux en effet qui avaient 
à expliquer et à continuer l'œuvre législative de Moïse. 

I. Ses divisions. — La loi mosaïque ne se présente 



pas dans le Pentateuque sous la forme d'un code logi- 
quement ordonné. Les articles divers y sont rattachés 
occasionnellement aux faits historiques, ou bien vien- 
nent à la suite les uns des autres sans lien apparent. 
On peut les grouper ensemble sous quatre titres princi- 
paux, bien que quelques-uns d'entre eux puissent se 
rattacher à des titres différents. 

/. lois morales. — 1° Loi fondamentale : le Déca- 
logue. Exod., xx, 2-17; Lev., xix, 3, 11-18; Deut., v, 
1-33. 

2" Lois positives /sur la pratique de la justice, Exod., 
xxm, 1-8; Lev., xix, 35, 36; Deut., xxiv, 14, 15; xxv, 
13-16 ; — sur la restitution. Num., v, 5-10. 

3° Lois prohibitives : contre l'idolâtrie, Exod., xxn, 
20; xxm, 13, 24, 25; xxxiv, 17; Lev., xix, 4; xx, 1-5; 
Deut., xvi, 21, 22; — contre la malédiction de Dieu, du 
roi, des parents, Exod., xxii, 28; Lev., xx, 9; xxiv, 16; 
— cpntre les manquements envers les parents, Exod., 
xxi, 15-17; — contre l'homicide, Exod., xxi, 18-27; Lev., 
xxiv, 17 ; — contre les fautes opposées aux mœurs, Exod., 
xxn, 16-19; xxm, 26; Lev., xix, 20-22; — contre la 
prostitution, Lev., xix, 29; Deut., xxm, 17, 18; — contre 
les unions illicites et immorales, Lev., xvm, 1-30; xx, 
10-21; Deut., xxn, 30; — contre les pratiques supersti- 
tieuses, Lev., xix, 26-28, 31; xx, 6-8, 27; Deut., xrr, 1, 
2; xvm, 9-14; — contre les travestissements, Deut., 
xxn, 5; —sur les impuretés légales, Lev., xv, 1-33; 
Num., v, 1-4; — sur la distinction des animaux purs et 
impurs. Lev., xi, 1-47; xx, 25; Deut., xiv, 1-21. 

4° Lois de bienveillance : sur la part à laisser aux 
indigents, aux étrangers, aux passants, dans les champs 
et les vignes, Lev., xix, 9-10; Deut., xxm, 24, 25; xxiv, 
19-22; — sur la balustrade prescrite à la terrasse des 
maisons, Deut., xxn, 5; — sur le devoir de ramener à 
leur maître les animaux égarés, Exod., xxm, 4; Deut., 
xxn, 1-4; — sur la compassion envers les animaux. 
Exod., xxm, 5,19; Deut., xrv, 21; xxn, 6, 7. 

//. lois cérémonielles. — 1° Les personnes : les 
prêtres, Lev., xxi, 1-23; — leur consécration, Exod., 
xxix, 1-37; — leurs vêtements, Exod., xxvm, 1-43; — 
leurs droits dans les sacrifices, Lev., x, 12-15; xxn, 1- 
16; — revenus des lévites, Num., xvm, 8-32; — droits 
des prêtres et des lévites^ Deut., xvm, 1-18; — les pre- 
miers-nés, Exod., xm, 11-16; xxxiv, 19, 20; Deut., xv, 
19-23, les animaux compris; — le nazarét. Num., vi, 
1-21. 

2° Les lieux du culte : endroit assigné pour les sa- 
crifices, Lev., xvn, 1-9; — le Tabernacle et son mobi- 
lier. Exod., xxv-xxvn, xxx, 1-10, 17-38. 

3» Les temps sacrés ;le sabbat, Exod., xvi, 23-26; 
xxm, 12; xxxi, 12-17; xxxiv, 21; Lev., xix, 3; — la 
Pàque, Exod., xn, 1-11, 24-28; — les jours des azymes, 
Exod., xm, 3-10; xxxiv, 18, 25; — les trois grandes 
fêtes, Exod., xxm, 14-17; xxxiv, 22, 23; Lev., xxm, 
1-43; Deut., xvi, 1-17; — la fête de l'Expiation. Lev., 
xvi, 1-34. 

4° Les rites sacrés : les sacrifices, Exod., xxm, 18; 
Num., xv, 1-31; — leur époque, Num., xxvm, 1-39; — 
victimes à offrir, Lev., xxn, 18-30; — le sacrifice perpé- 
tuel, Exod., xxix, 38-42; — les holocaustes, Lev., i, 
1-17; vi, 1-6; — les sacrifices d'action de grâces, Lev., 
m, l 7 17yvn, 11-21, 28-36; xix,5-8; — les sacrifices pour 
différentes fautes, Lev., rv, 1-35; v, 1-19; vi, 1-7, 14-30; 
vil, 1-21; — les offrandes, Lev., n, 1-16; vi, 14-23; — la 
purification de la femme après ses couches, Lev., xn, 
1-8; — la purification de la lèpre, Lev., xiv, 1-32; — 
les autres purifications, Lev., xv, 29, 30, etc.; — le rite 
de la vache rousse. Num., xix, 2-22. 

5° Les choses saintes : les pains de proposition, Lev., 
xxrv, 1-9; — les vœux, Lev., xxvil, 1-29; Num., xxx, 
1-17; Deut., xxm, 21-23; — les prémices, Exod,, xxn, 
29, 30; xxm, 19; xxxiv, 26; Deut., xxvi, 1-5; — les 
dimes, Lev., xxvn, 30-33; Deut., xiv, 22-29; xxvi, 12-15; 



331 



LOI MOSAÏQUE 



332 



— le sang et la graisse soustraits aux usages profanes. . 
Lev., vu, 22-27; xvn, 10-14; xix, 26. 

///. lois civiles. — 1° Institutions de gouverne- 
ment : les anciens, Exod., xvni, 25, 26; — les juges et 
les magistrats, Deut., xvi, 18-20; xvn, 8-14; — la royauté. 
Deut., xvn, 14-20. 

2° Institutions sociales : la bigamie, Deut., xxi, 15- 
17; — les atteintes à la légitimité du mariage, Deut., 
xxn, 13-21, 28, 29; - le lévirat, Deut., xxv, 5-10; — le 
mariage des héritières, Num., xxxvi, 5-9 ; — le divorce, 
Deut., xxiv, 1-4; — la veuve et l'orphelin, Exod., xxn, 
22-24; — les esclaves, Exod., xxi, 1-11 ; Deut., xv, 12-18; 
xxi, 10-14; xxiii, 15, 16; — les étrangers, Exod., xxn, 
21; xxm, 9, 32, 33; xxxiv, 12-16; Lev., xix, 33, 34; — 
l'année sabbatique, Exod., xxm, 10, 11; Lev., xxv, 2-7; 
Deut., XV, 1-11; — l'année jubilaire. Lev., xxv, 8-55. 

3° Lois de police : les témoins, Deut., xix, 15-21 ; — 
le vengeur du sang, Num., xxxv, 16-34; — l'homicide 
inconnu, Deut., xxi, 1-9; — la femme soupçonnée 
d'adultère, Num., v, 11-31 ; — les prêts et les gages, 
Exod., xxii, 25-27; Deut., xxm, 19, 20; xxiv, 6, 10-13, 
17; — le respect des bornes, Deut., xix, 14; — les acci- 
dents fortuits et les imprudences, Exod., xxi, 28-36; — 
les dommages volontaires ou involontaires, Exod., xxn, 
1-15; Lev., xxiv, 18-22; — le siège des villes, Deut., xx, 
10-20; — l'exemption du service militaire, Deut., xx, 
5-9; xxiv, 5; — les villes lévitiques, Num., xxxv, 1-5; 

— les villes de refuge, Num., xxxvi, 6-15; Deut., xix, 
1-13. 

¥ Lois d'hygiène : les impuretés légales, voir t. m, 
col. 857; — la lèpre des hommes, des maisons et des 
vêtements, Lev., xm, 1-59; xiv, 34-57; Deut., xxiv, 8-9; 

— la propreté du camp. Deut., xxm, 9-14. 

5° Prescriptions symboliques : porter des franges 
aux vêtements, Num., xv, 37-41; Deut., xxn, 12; — ne 
pas mélanger ensemble des choses d'espèces différentes. 
Lev., xix, 19,\Deut., xxn, 9, 10. 

IV. lois pénales. — 1° La peine de mort: contre 
celui qui pratique l'idolâtrie, Exod., xxn, 20; Deut., xin, 
6-18; xvn, 1-7; — le blasphémateur, Lev., xxiv, 16; 

— les adorateurs de Moloch, Lev., xx, 1-5; — le profa- 
nateur du sabbat, Exod., xxxi, 14; — la magicienne, 
Exod., xxn, 18; — le fils indocile, Deut., xxi, 18-21; — 
celui qui frappe ou maudit ses parents, Exod., xxi, 15- 
17; Lev., xx, 9; — l'homicide, Exod., xxi, 12-14; Lev., 
xxiv, 17; — le meutrier d'une temme enceinte, Exod., 
xxi, 22-25; — l'Israélite qui réduit un de ses Irères en 
esclavage malgré lui, Exod., xxi, 16; Dent., xxiv, 7; — 
ceux qui se rendent coupables de fornication, Deut., 
xxn, 23-27; — d'adultère, Lev., xx, ^10; Deut., xxn, 22; 

— d'inceste, Lev., xx, 11, 12, 14; — de sodomie, Lev., 
xx, 13; — de bestialité. Exod., xxn, 19; Lev., xx, 15, 16. 

2» Le mode d'exécution : la lapidation, Lev., xx, 27; 

— la mort par le feu, Lev., xx, 14; xxi, 9 ; — exposition 
du Cadavre, Deut., xxi, 22, 23; — les pères ne sont pas 
punis pour les entants, ni les enlants pour les pères. 
Deut., xxiv, 15. 

3» Les autres peines : la flagellation, Deut., xxv, 1-3; 

— la mutilation, Deut., xxv, 11, 12; — le talion, Exod., 
xxi, 23-27; Lev., xxiv, 18-20; — le retranchement ou 
exclusion de la société israélite. Lev., xx, 17, 18; Deut., 
xxm, 1-8. 

v. lois antérieures. — A ces lois postérieures à 
l'époque du séjour en Egypte, il convient d'ajouter celles 
que Moïse a consignées dans la Genèse, comme instituées 
à l'époque patriarcale, encore en vigueur de son temps et 
consacrées par la mention qu'il en lait dans son récit : 
les lois du sabbat, Gen., h, 2, 3; — du mariage, Gen., n, 
23, 24; — du travail, Gen., h, 15; m, 17 ; — les préceptes 
noachides sur la multiplication du genre humain, l'ali- 
mentation animale et l'abstention du sang,' Gen., ix, 1-7; 

— la distinction des animaux purs et impurs, Gen., vu, 
2; vm, 20; — la loi de la circoncision, Gen., xvtt, 10- 



14; — la tolérance de la polygamie, Gen., iv, 19 ; xxix, 
31-35; xxx, 1-25; — la coutume de ne point manger le 
muscle ischiatique des animaux, Gen., xxxn, 32; — la 
loi du lévirat, Gen., xxxvin, 8-10; — la sanction contre 
le meurtre, Gen., ix, 6, et contre la fornication. Gen. ( 
xxxvin, 24. Voir dans le Dictionnaire l'article spécial à 
chacune des lois mosaïques. 

vi. autres divisions. — Les lois mosaïques sont en- 
core groupées sous différents titres, se rapportant soit 
à leur origine, soit à leur objet : 1 . Le « Livre de l'al- 
liance », Exod., xxiv, 7, qui comprend les lois édictées 
au Sinaï. Exod., xx, 22-xxm, 33; Lev., xi-xxvii. La 
partie de ces lois consignée dans le Lévitique est formel- 
lement rapportée à l'époque où Dieu parla à Moïse sur 
le Sinaï. Lev., xxvi, 46; xxvn, 34. — 2. La loi des sacri- 
fices, se composant d'une première partie, Lev., i, 1-vi, 
7, sur les différents sacrifices, et d'une seconde, Lev., 
vi, 8-vn, 38, qui règle certains détails concernant le 
même objet. — 3. La loi de pureté. Lev., xi-xv. — 4. La 
loi de sainteté, Lev., xvm-xxii, comprenant des pres- 
criptions diverses pour interdire certains actes et en 
commander d'autres, dans le but d'assurer le respect dû 
à la sainteté divine. — 5. Enfin les lois qui sont répétées 
dans le Deutéronome et celles qui y sont soit expliquées 
et complétées, soit formulées pour la première fois. — 
Le groupement appelé aujourd'hui <c code sacerdotal » 
est un groupement lactice, dans lequel on fait entrer 
toutes les prescriptions du Pentateuque concernant les 
prêtres, dans le but d'en faire descendre l'origine à une 
époque très postérieure à Moïse. On insère habituelle- 
ment dans ce groupement une partie ancienne, Lev., 
xvn-xxvi, qu'un rédacteur postérieur aurait refondue, 
puis les parties qu'on prétend assigner à l'époque 
d'Esdras. Exod., xxv-xxxi, xxxv-xl; Lev., i-xvi, xxvn; 
Num., i-x, xv-xix, xxv-xxxvi. Sur la valeur des affir- 
mations concernant le « code sacerdotal », voir Penta- 
teuque. 

II. Occasions historiques de sa promulgation. — 
La loi mosaïque n'a pas été présentée aux Hébreux 
comme un tout réglé et codifié à l'avance. C'est pendant 
le séjour de quarante ans au désert que Moïse, suivant 
les circonstances ou les nécessités, a promulgué les 
multiples articles de sa législation. -^ 1° La première 
loi qui apparaît dans le récit mosaïque est celle de la 
Pâque. Elle est rattachée naturellement à l'histoire de 
la délivrance de la servitude d'Egypte. Exod., xn, 14-20. 
Il est possible qu'en prescrivant la première Pâque, 
Moïse ait déjà ordonné que le souvenir en fût célébré- 
annuellement. Il est à croire toutefois qu'il n'entra dans 
le détail qu'au moment de la rédaction de son récit, plus 
ou moins longtemps après l'événement. Une multitude 
de gens de toute espèce accompagna les Hébreux dans, 
leur exode. Exod., xn, 38. Il importait de déterminer la 
place qu'ils occuperaient dans la société théocratique 
qui allait se fonder. La participation à la Pâque devant 
être le signe extérieur de l'agrégation au peuple nou- 
veau, Moïse règle que ceux-là seuls participeront à la 
Pâque annuelle qui auront été circoncis, et, en vertu 
de leur circoncision, admis dans la famille d'Abraham. 
Exod., xn, 42-49. La loi sur les premiers-nés vient im- 
médiatement après. Exod., xm, 1-16. Elle est comme 
une conséquence du droit que Dieu vient d'affirmer et 
d'exercer en immolant les premiers-nés des Égyptiens 
et en épargnant ceux d'Israël. — 2° Dès les premiers 
temps du séjour au désert, Moïse est débordé par le 
règlement des mille affaires sur lesquelles son peuple 
venait lui demander avis, dans une situation aussi im- 
prévue que celle où il se trouvait subitement placé au 
désert. Cette circonstance appelle tout naturellement, 
sur le conseil de Jéthro, l'institution des anciens. Exod., 
xvm, 13-26. — 3° La difficulté était grande pour Moïse 
de dominer, de discipliner et de conduire tout un 
peuple dans des conditions si anormales. Voilà pour- 



333 



LOI MOSAÏQUE 



334 



quoi Dieu affirme son autorité souveraine, au Sinaï, en 
promulgant solennellement le decalogue et en accrédi- 
tant Moïse comme le représentant de sa souveraineté. 
Exod., xx, 1-21. Suivent immédiatement des lois pour 
régler ce qui pressait le plus dans la circonstance, le 
culte de Dieu, Exod., xx, 22-26; xxm, 13-19, et les rap- 
ports des Israélites entre eux, au point de vue de 
l'esclavage, des violences et des querelles qui devaient 
se produire si naturellement dans une pareille foule, 
des accidents provenant des animaux emmenés d'Egypte 
en grand nombre, Exod., xii, 38, de la propriété et des 
mœurs. — 4» Les lois formulées ensuite instituent en 
grand détail ce qui concerne le culte et le sacerdoce. En 
Egypte, les Hébreux avaient gravement succombé aux 
tentations de l'idolâtrie. Jos., xxiv, 14. Pourtant ils 
avaient au milieu d'eux une sorte de sacerdoce patriar- 
cal dont les traces apparaissent dans le récit mosaïque. 
D'après l'usage primitif, c'était l'alné de la famille qui 
remplissait les fonctions de prêtre. Voir Aînesse, 2°, t. i, 
col. 318. Moïse, sur l'ordre de Dieu, institua un sacer- 
doce nouveau, auquel il donna des lois en rapport avec 
sa mission. De là, cette longue série de préceptes con- 
cernant le tabernacle, l'autel, les prêtres et les sacri- 
fices, et se rattachant à l'apparition du Sinaï comme au 
fait qui commandait tout un ordre de choses nouveau. 
Exod., xxv-xl. — 5° 11 faut au plus tôt réaliser le plan 
divin et constituer le nouveau sacerdoce. Comme il sera 
établi au mojen de sacrifices, les lois concernant les 
différents sacrifices sont énumérées en détail, Lev., 
i-vii, avant le récit de la consécration d'Aaron et de ses 
fils, Lev., viii-ix. — 6° L'attentat des deux fils d'Aaron, 
Nadab et Abiu, qui mettent sur l'autel un feu profane, 
Lev., x, 1-7, est l'occasion de la promulgation des lois 
de pureté et de distinction entre les choses pures et 
impures. Lev., xi-xv. La loi concernant la fête de 
l'Expiation est expressément rattachée à ce même atten- 
tat. Lev., xvi, 1. La loi sur le lieu des sacrifices et la 
prohibition de manger le sang est comme une annexe 
naturelle à ce qui a déjà été prescrit touchant les sacri- 
fices. Lev., xvii, 1-16. Les lois qui suivent, sur les unions 
illicites, sur la sainteté des mœurj, sur la justice et la 
charité qui doivent présider aux rapports des hommes 
entre eux, Lev., xvm-xx, celles qui concernentla tenue 
physique et morale des prêtres, le choix des victimes, 
les fêtes, Lev., xxi-xxiv, ou qui règlent bon nombre de 
détails de la vie pratique, Lev., xxv, 1-55, avaient pour 
la plupart à être immédiatement observées. Le législa- 
teur ne pouvait donc tarder à les formuler. Le cha- 
pitre xxvi du Lévitique, sur les bénédictions et les ma- 
lédictions, forme la conclusion de cette première partie 
de la législation mosaïque, avec un épilogue sur les 
vœux et les dîmes. Lev., xxvu, 1-34. Toutes ces lois se 
rattachent donc d'une manière très naturelle aux événe- 
ments racontés par l'historien sacré, de telle sorte qu'on 
ne pourrait contester sérieusement que, dans leur gé- 
néralité, elles occupent vraiment dans le récit la place 
qui convient à leur origine. — 7° On constate le même 
caractère occasionnel dans les lois formulées au livre 
des Nombres, à travers les différents récits, loi sur les 
fonctions des lévites, Num., rv, 1-49, à la suite du dé- 
nombrement des hommes appartenant à chaque tribu ; 
lois sur la restitution, sur la femme accusée d'adultère, 
sur le nazaréat, Num., v, 1-vi, 21, inspirées par des 
nécessités de chaque jour; lois sur les héritages, Num., 
xxvu, 1-11 ; xxxvi, 1-12, portées à l'occasion d'incidents 
survenus parmi le peuple; lois sur les sacrifices à offrir 
aux différentes fêtes, pour indiquer aux nouveaux 
prêtres par le détail ce qu'ils avaient à faire en ces cir- 
constances, Num., xxviii, 1-xxix, 39; loi sur les vœux, 
pour affirmer sur cette matière le pouvoir restrictif des 
pères et des maris vis-à-vis de leurs filles et de leurs 
femmes, Num., xxx, 1-17 ; enfin lois sur les villes lévi- 
tiques, sur les villes de refuge, et comme conséquence 



de ces dernières, loi sur le vengeur du sang, formulées 
vers la lin du séjour au désert, alors que les Hébreux 
allaient bientôt prendre possession de la terre de Cha- . 
naan. Num., xxxv, 1-34. — 8° Quant à la législation du 
Deutéronome, elle n'est que la récapitulation des prin- 
cipales prescriptions antérieurement promulguées, avec 
les compléments dont une expérience prolongée avait 
fait sentir la nécessité. 

III. Sources de la législation mosaïque. — 1° La 
volonté divine. — 1. Il est incontestable que Dieu a 
voulu faire du peuple hébreu un peuple à lui, qu'il 
est intervenu directement pour le tirer d'Egypte, qu'il a 
désigné Moïse pour en prendre la conduite et qu'il a 
manifesté son intervention par de très grands miracles. 
A ce peuple, il a fallu une loi religieuse et sociale; Dieu 
lui-même lui a donné cette loi par la main de Moïse, de 
manière à constituer au peuple choisi un caractère qui 
le distinguât nettement des autres peuples, le rendit 
apte à sa mission et en même temps le préservât, dans 
la mesure nécessaire, de tout contact compromettant 
avec des voisins idolâtres et immoraux. Le nœud de 
toute la législation mosaïque est dans la scène grandiose 
du Sinaï. Dieu y apparaît comme le législateur suprême, 
dictant à Moïse le Decalogue, Exod., xx, 1-17, et le 
mettant à même de rédiger en son nom 'd'autres lois 
d'une application immédiate. Exod., xx, 22-xxm, 33. 
Puis, Moïse est appelé à entendre, pendant quarante 
jours et quarante nuits, Exod., xxiv, 18, les prescrip- 
tions divines relatives au nouveau culte et au nouveau 
sacerdoce. Exod., xxv-xxxi. Même transmise par le 
ministère des anges, Act., vu, 53, cette législation pro- 
cède directement de la volonté divine et est présentée 
comme telle par Moïse. Les principales divisions en sont 
précédées de la formule significative : « Jéhovah parla 
à Moïse et dit. » Exod., xxv, 1; xxx, 11, 17, 22, 34; 
xxxi, 1, 12. A sa seconde ascension sur le Sinaï, après 
l'incident du veau d'or, Moïse reçoit encore dans les 
mêmes termes les communications divines, Exod., 
xxxiv, 1, 27; il porte sur son visage les traces glorieuses 
de son commerce avec Dieu, et, quand ensuite il pro- 
mulgue quelque loi nouvelle, il ne le fait qu'après 
s'être transporté « devant Jéhovah », dans le Tabernacle 
où Dieu lui révèle ses volontés. Exod., xxxiv, 29-35. — 
2. Les lois mosaïques sont fréquemment appuyées d'une 
autre formule qui est comme la signature de Jéhovah. 
La loi de la Pâque porte la clause : « Moi, Jéhovah. » 
Exod., xn, 12. Le Decalogue commence par la formule : 
« Moi, Jéhovah, ton Dieu. » Exod., xx, 2. Des formules 
semblables terminent ou précèdent les prescriptions sur 
les animaux purs et impurs, Lev., xi, 44, 45; sur les 
unions illicites, Lev., xvm, 2, 30; sur les devoirs moraux 
et sociaux, Lev., xix, 2, 3, 10, 12, 14, 16, etc.; sur la 
pénalité criminelle, Lev., xx, 7, 8, 24; sur les devoirs 
des prêtres, Lev., xxi, 8, 12, 15, 23; sur la participation 
aux victimes, Lev., xxii, 2, 3, 8, 9, 16, 30, 33; sur les 
fêtes, Lev., xxm, 22, 43; sur les années sabbatiques et 
jubilaires, Lev., xxv, 17, 38, 55; elles accompagnent le 
texte des bénédictions et des malédictions, Lev., xxvi, 
1, 2, 45, et se retrouvent dans le règlement relatif aux 
trompettes d'argent. Num., x, 10. 

2» Lois antérieures à Moïse. — 1. Rien absolument 
n'oblige à admettre que Moïse ait créé de toutes pièces 
une législation a priori pour le peuple qu'il avait à 
conduire et à constituer à l'état de nation. Ce peuple 
n'était pas sans racines dans le passé; par ses ancêtres, 
il tenait à la Chaldée. Il ne s'était pas développé en 
Egypte, pendant plusieurs siècles, sans se plier à une 
loi coutumière réglant les rapports des hommes entre 
eux. Dans la terre de Gessen, où ils étaient confinés 
sans presque aucun contact social et politique avec les 
Égyptiens, les Hébreux avaient très vraisemblablement 
des chefs et des juges, Exod., u, 14, par conséquent 
certaines lois auxquelles ils obéissaient. Il taut donc 



335 



LOI MOSAÏQUE 



336 



s'attendre à trouver, dans la législation mosaïque, un 
certain nombre de prescriptions déjà en vigueur parmi 
le peuple, consacrées par une expérience plus ou moins 
longue et simplement renouvelées et codifiées par 
Moïse. — 2. La Genèse suppose, déjà observées par les 
patriarches, des lois qui se retrouvent dans le code 
mosaïque. Le récit de la création a pour conclusion la 
sanctification du septième jour par Dieu lui-même, 
c'est-à-dire la mise à part de ce jour qui termine la 
semaine. Gen., h, 2, 3. On est d'autant plus fondé à 
penser que le repos sabbatique a été observé par les pa- 
triarches, que la formule même du Décalogue : « Sou- 
viens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier, »Exod., 
XX, 8, indique formellement le rappel d'une loi déjà en 
vigueur. La distinction des animaux purs et impurs est 
connue, avant le déluge. Gen., vu, 2 ; vin, 20. Moïse 
spécifie cette loi par rapport à l'alimentation, Lev., xi, 
2-47; on en retrouve les détails dans le Deutéronome, xi, 
4-21. La loi du lévirat, Deut.,xxv, 5-10, apparaît dans la 
famille de Jacob à l'état de coutume obligatoire et in- 
discutée. Gen., xxxvin, 8-9. Des lois naturelles, comme 
celle du mariage, Gen., n, 23, 24, la pénalité contre le 
meurtre, Gen., ix, 6, et la fornication, Gen., xxxvm, 24, 
et des lois positives, comme la prohibition du sang, 
Gen., ix, 4 - , la circoncision, Gen., xvii, 10-14, etc., ont 
également leur attache historique dans des temps bien 
antérieurs à Moïse. Il en faut dire autant de l'institu- 
tion des sacrifices, qui remonte aux premiers âges du 
monde. Gen., iv, 3-5; vu, 20. — 3. La législation égyp- 
tienne ne paraît pas avoir eu d'influence appréciable 
sur le droit coutumier des Hébreux, vivant à part dans 
la terre de Gessen, ni sur la législation mosaïque, bien 
que Moïse eût été élevé dans la connaissance des scien- 
ces de l'Egypte. Act., vu, 22, Moïse a seulement emprunté 
à la religion égyptienne quelques formes particulières de 
culte et l'idée d'un certain nombre d'objets qui devaient 
servir dans le sanctuaire de Jéhovah. Par contre, l'in- 
fluence de la législation chaldéenne est devenue indé- 
niable, depuis la découverte du code d'Hammourabi 
(fig. 108 et 109). Cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques, 
2 e série, Paris, 1902. Le monarque babylonien, qui vivait 
du xxm e au xx» siècle av. J.-C, n'a sans doute pas créé de 
toutes pièces, lui non plus, la législation dont son code 
nous a conservé une partie. Toujours est-il que ces lois, 
antérieures à Moïse d'au moins cinq siècles, et peut-être 
de huit, devaient être connues et observées par les ancê- 
tres d'Abraham, originaires d'Ur en Chaldée. Gen., xi, 
28-31. Elles ont servi de base au droit coutumier de la 
famille d'Abraham, puis de ses descendants, enfin des 
Hébreux établis en Egypte. Moïse n'a eu ensuite qu'à 
transcrire ces lois, déjà connues et observées par son 
peuple, en y apportant les modifications exigées par la 
religion de ce peuple et en vue de son futur séjour dans 
laterredeChanaan. Ces lois avaient déjà la consécration 
du temps, elles s'adaptaient aux besoins et au caractère 
de la race sémitique, et beaucoup d'entre elles étaient 
remarquables par le bon sens et l'équité dont elles fai- 
saient preuve. La législation mosaïque a conservé cer- 
tains usages chaldéens. Voir Mariage, Talion- Néan- 
moins des différences assez sensibles se manifestent 
entre les deux législations dans les articles qui leur 
sont communs. Le code babylonien est fait pour une 
société déjà avancée, dans laquelle la centralisation 
adminisfrative est très puissante, tandis que le code mo- 
saïque s'adresse à un peuple qui a gardé des coutu- 
mes plus primitives, se gouverne plus simplement et 
doit rester plus voisin de la vie nomade des ancêtres. 
Sur certains points, le code babylonien parait plus par- 
fait que celui des Hébreux : il favorise davantage la 
monogamie, autorise la femme à demanderle divorce, 
assure l'indépendance de la veuve vis-à-vis de ses 
enfants, fixe à trois ans seulement le service de celui 
qui s'est vendu comme esclave volontaire, alors que la 



loi mosaïque ne le libère qu'à l'année sabbatique. Par 
contre, il permet au mari de vendre sa femme pour 
payer une dette, ce dont la pensée ne viendrait même 
pas à l'Israélite. Au point de vue civil, la législation de 
Moïse peut paraître en retard sur la législation beaucoup 
plus ancienne d'Hammourabi. Elle reprend sa supériorité 
au point de vue religieux et ne connaît ni certaines in- 
famies morales, ni les ordalies superstitieuses, ni les 
pratiques magiques que sanctionne le code babylonien. 




108. — Bas-relief de la stèle d'Hammourabi, sur laquelle est gravé 
le code de ce roi. D'après l'original du Musée du Louvre, 

Cf. Lagrange, La méthode historique, surtout à propos 
de l'A. T., Paris, 1903, p. 160-171. 

3° Lois attribuables à Moïse. — Parmi les lois qui 
apparaissent pour la première fois à l'époque de Moïse, 
il en est dont il est l'auteur, en ce sens qu'il les a rédi- 
gées par l'ordre exprès et l'inspiration immédiate de 
Dieu, et qu'il a promulguées comme telles. De ce nom- 
bre sont les lois sur la Pâque, Exod., xii, 14-20, 43-49; 
xin, 3-10; sur les premiers-nés, Exod., xm,l, 11-16; le 
respect de la liberté et de la vie humaine, Exod., xxi, 
2-xxiii, 11 ; sur le culte nouveau et le sacerdoce d'Aaron 
et de ses descendants, Exod., xxm, 14-19; xxv-xxxi; 
Lev., i-vii; xvi; xvii; xix; xxi-xxiv, 9; sur les années 
sabbatiques et jubilaires, Lev., xxv, 1-55; sur les vœux 
et les dîmes, Lev., xxvn, 1-34; sur les lévites, Num., iv, 
1-33; sur la pureté du camp, la restitution, la femme 
soupçonnée d'adultère et le nazaréat,Num., v-vi; sur les 
lampes du sanctuaire, Num., vin, 1-4; sur la consécra- 
tion des lévites, Num., viii, 5-19; sur les trompettes 
d'argent, Num., x, 1-10; sur la verge d'Aaron, Num., 
xvii, 1-11; sur les revenus des prêtres et des lévites, 
Num., xvm; sur la vache rousse et l'eau de purification, 
Num., xix; sur les temps des sacrifices, Num., xxvm- 
xxix ; sur les villes lévi tiques, les villes de refuge et le 
vengeur du sang, Num., xxxv; sur les héritières. Num., 
xxxvi, 5-9. Il est assez probable que Dieu n'a luit con- 
naître à Moïse que le und même de ceslois, en lui 
laissant le soin de les rédiger et même d'en régler 
certains détails. — 2. D'autres fois, Moïse ordonne sans 
se référer directement à Dieu. Ainsi, il institue les an- 



TRADUCTION 
DU FRAGMENT D'INSCRIPTION 



DE LA 



STÈLE D'HAMMOURARI 

RELATIF AU MARIAGE CHEZ LES CHALDÈENS 

ET REPRODUIT CI-CONTRE 



§137. — Si un homme s'est disposé à répudier une concubine qui lui a procuré des enfants 
ou bien une épouse qui lui a procuré des enfants il rendra à cette femme son trousseau, et on 
lui donnera l'usufruit des champ, verger et autre bien, et elle élèvera ses enfants. Après 
qu'elle aura élevé ses enfants, on lui donnera une part d'enfant de tout ce qui sera donné aux 
enfants, et elle épousera l'époux de son choix. 

§ 138. — Si un homme veut répudier son épouse qui ne lui a pas donné d'enfants, il lui 
donnera tout l'argent de sa dot, et il lui restituera intégralement le trousseau qu'elle a apporté 
de chez son père, et il la répudiera. 

§ 139. — S'il n'y a pas de dot, il lui donnera une mine d'argent pour la répudiation. 

§ 140. — Si c'est un mouchktnou, il lui donnera un tiers de mine d'argent. 

§ 141. — Si l'épouse d'un homme qui demeure chez cet homme, était disposée à sortir, a 
provoqué la division, a dilapidé sa maison, négligé son mari, on la fera comparaître et si son 
mari dit : Je la répudie, il la laissera aller son chemin, et ne lui donnera aucun prix de répu- 
diation. Si son mari dit : Je ne la répudie pas, son mari peut épouser une autre femme, et cette 
première femme demeurera dans la maison de son mari comme esclave. 

§ 142. — Si une femme a dédaigné son mari et lui a dit : Tu ne me posséderas pas, son secret 
sur le tort qu'elle subit sera examiné, et si elle est ménagère sans reproche, et si son mari sort 
et la néglige beaucoup, cette femme est sans faute; elle peut prendre son trousseau et s'en 
aller dans la maison de son père. 

§ 143. — Si elle n'est pas ménagère, mais coureuse, si elle dilapide la maison, néglige son 
mari, on jettera cette femme dans l'eau. 

§ 144. — Si un homme a épousé une femme, et si cette femme a donné à son mari une 
esclave qui a produit des enfants, si cet homme se dispose à prendre une concubine, on n'fy] 
autorisera pas cet homme, et il ne prendra pas une concubine. 

§ 145. — Si un homme a pris une épouse et si elle ne lui a pas donné d'enfants, et s'il se 
dispose à prendre une concubine, il peut prendre une concubine, et l'introduire dans sa 
maison. Il ne rendra pas cette concubine l'égale de l'épouse. 

§ 146. — Si un homme a pris une épouse et si celle-ci a donné à son mari une esclave qui 
lui procure des enfants ; si ensuite cette esclave rivalise avec sa maîtresse parce qu'elle a 
donné des enfants, sa maîtresse ne peut la vendre : elle lui fera une marque et la comptera 
parmi les esclaves. 

§ 147. — Si elle n'a pas enfanté d'enfant, sa maîtresse peut la vendre. 

§ 148. — Si un homme a pris une épouse et si une maladie (?) l'a contractée (sic) et s'il se 
dispose à en prendre une autre, il peut la prendre, mais il ne répudiera pas son épouse que la 
maladie (?) a contractée (sic) ; elle demeurera à domicile, et aussi longtemps qu'elle vivra il la 
sustentera. 

' Traduction du P. Scbeil. 



Dict. de la Bible 



Letouzey et Ane. Edit. 




FRAGMENT D'INSCRIPTION DE LA STÈLE D'HAMMOURABI 

RELATIF AU MARIAGE CHEZ LES CHALDÊENS 



337 



LOI MOSAÏQUE 



338 



ciens sur le seul conseil de Jéthro. Exod., xvm, 13-24. 
D'une manière générale, toute la législation du Deuté- 
ronome est présentée comme rappelée directement par 
Moïse lui-même. C'est donc à lui qu'il faudrait rappor- 
ter les lois nouvelles contenues dans cette répétition, sur 
certaines dettes à ne pas exiger, Deut., xv, 2-11 ; le tri- 
bunal suprême, Deut., xvn, 8-13; la royauté, Deut., 
xvn, 14-20; la guerre, Deut., xx; le meurtrier inconnu, 
Deut., xxi, 1-9; la captive prise pour épouse, Deut., 
xxi, 10-14; le fils premier-né, Deut., xxi, 15-17; le fils 
rebelle, Deut., xxi, 18-21; et bon nombre d'autres dé- 
tails législatifs. Deut.,xxi, 22; xxn,5,6, 8, 13-21 ; xxm; 
15, 17. 24; xxiv, 1-4, 5, 16; xxv, 1-12, 17-19. - 3. Même la 
clause qui accompagne si souvent les textes législatifs : 
« Moi, Jéhovah, » n'exclut pas la part personnelle de 
Moïse dans la rédaction de la plupart de ces textes. En 
principe et en fait, Moïse parle au nom de Jéhovab. 
Parle-t-il ainsi comme un simple agent de transmission, 
qui a reçu de Dieu tous les détails d'une réglementation 
et se contente de les reproduire à la lettre? Ne légifère- 
t-il pas plutôt, dans la plupart des cas, en homme qui a 
reçu de Dieu une délégation et une inspiration générales, 
et use de cette autorité et de cette assistance divine au 
mieux des intérêts qui lui sont confiés ? La clause « Moi, 
Jéhovah » n'oblige pas à s'en tenir à la première inter- 
prétation. Déjà, avant le Sinaï, le peuple venait à Moïse 
« pour consulter Dieu », Exod., xvm, 15, manière de 
parler qui ne signifie pas que Moïse allait demander à 
Dieu la solution de chaque cas proposé, mais qui indi- 
que seulement au nom de quelle autorité il rendait ses 
décisions. Jéthro lui conseilla alors de se contenter per- 
sonnellement des affaires qui étaient du ressort divin, 
c'est-à-dire de celles que la sagesse humaine ne pouvait 
trancher par elle-même et auxquelles Dieu seul pouvait 
apporter une solution. Exod., xvm, 19, 20. 11 dut en être 
de même pour la législation mosaïque, Dieu prescri- 
vant directement à Moïse un certain nombre de points 
fondamentaux, et Moïse, de son côté, agissant à la lois 
avec l'assistance et l'approbation de Dieu, et aussi avec 
sa sagesse et son expérience personnelles. Il demeure 
d'ailleurs impossible de déterminer la part qui doit re- 
venir à chacun des deux éléments divin et humain. 
L'essentiel est que Dieu a couvert toute cette législation 
de son autorité et ainsi l'a faite sienne, sans qu'elle ces- 
sât par là même d'être mosaïque. 

4° Lois postérieures à Moïse. — 1. La loi mosaïque 
a reçu des additions et des retouches, d'après plu- 
sieurs commentateurs modernes. Cela est sans doute 
possible, mais on ne l'établit pas d'une manière certaine. 
On cite comme exemple de lois postérieures à Moïse les 
.règlements sur la fermeture des citernes, Exod., xxi, 
33, sur les dégâts faits dans le champ et dans la vigne, 
Exod., xxn, 5, sur les prémices de la moisson et de la 
vendange, Exod., xxn, 29, sur l'année sabbatique; Exod., 
xxm, 10, 11, et sur les prémices des Ivuits de la terre. 
Exod., xxm, 19. Rien n'empêche que ces lois n'aient été 
promulguées par Moïse dans le désert. La terre de Cha- 
naan lui était connue et les règles de l'agriculture lui 
étaient familières ; rien ne lui était donc plus facile que 
de prévoir les règles qu'on devrait y appliquer aux récol- 
tes, etc. La nécessité de boucher l'ouverture des citer- 
nes n'était pas moins pratique au désert du Sinaï qu'en 
Palestine. — Quant aux retouches et au manque d'ordre 
logique dans la promulgation de certaines lois, faits sur 
lesquels on s'appuie pour voir dans l'Exode et les livres 
suivants du Pentateuque des additions d'une époque 
postérieure, elles s'expliquent par le récit lui-même et 
par la manière dont a été édictée la loi : elle a été faite 
non d'un seul jet, mais au jour le jour, selon les circons- 
tances. De là des redites, des explications, des complé- 
ments qui ont été ajoutés lorsque l'occasion s'en est pré- 
sentée pendant les quarante ans de séjour dans le dé- 
sert. Il n'est pas toujours possible de déterminer d'une 



manière certaine la date de tous les textes législatifs. 
Mais il ne faut pas se hâter de décider que tel ou tel 
article n'est pas du premier législateur, en supposant à 
tort que celui-ci a créé sa législation tout d'une pièce 
et qu'en conséquence les additions et les retouches ne 
peuvent être de lui. On se demandait naguère comment 
Moïse avait pu suffire à la rédaction de sa législation, 
au milieu des occupations si multipliées que la conduite 
de son peuple dut lui imposer pendant les quarante ans 
du désert. La découverte du code babylonien montre 
que la tâche s'est souvent bornée pour lui à rédiger ou 
à modifier une législation déjà en vigueur à l'état cou- 
tumier. Moïse a donc eu tout le loisir nécessaire non 
seulement pour régler le présent, mais encore pour 
pourvoir, dans une assez large mesure, aux nécessités 
de l'avenir. — 2. On a cru pouvoir signaler des contra- 
dictions dans le code mosaïque et l'on prétend à tort 
établir par là soit la différence des auteurs, soit la diffé- 
rence des temps qui ont inspiré les articles que l'on 
compare. Ainsi il est marqué que l'esclave hébreu doit 
être libéré l'année sabbatique. Exod., xxi, 3; Deut., xv, 
12. Ailleurs, Lev., xxv, 40, sa libération est assignée à 
l'année jubilaire. Il y a là évidemment deux cycles dif- 
férents dont les eflets s'ajoutent, au lieu de s'exclure, en 
sorte que l'esclave peut être libéré, soit l'année sabba- 
tique, soit l'année jubilaire. Le rachat des premiers-nés 
des animaux impurs fait l'objet de trois articles, Exod., 
xiii, 13; xxxiv, 20; Num., xvm, 15, 16; Lev., xxvn, 27, 
qui diffèrent un peu entre eux, parce que les circon- 
stances ne sont pas les mêmes et que les détails de la 
loi vont en se précisant. Le service des lévites commence 
tantôt à trente ans, Num., IV, 3, tantôt à vingt-cinq. 
Num., viii, 24. C'est parce que, dans le premier cas, il 
s'agit des lévites qui doivent porter les ustensiles du 
temple dans les marches au désert, tandis que le second 
se rapporte au service ordinaire et moins pénible du 
culte divin. Il en est de même des autres passages, en 
petit nombre, dans lesquels on a cru reconnaître des 
dispositions législatives inconciliables entre elles. Cf. 
Vigouroux, -Les Livres Saints et la critique rationaliste, 
Paris, 5» édit., 1902, t. iv, p. 419-427; Munk, Palestine, 
Paris, 1881, p. 137-142. 11 ne faudrait pas non plus voir 
une difficulté dans ce fait que certaines lois sont for- 
mulées dans le Pentateuque, et qu'ensuite il n'en est 
plus fait mention dans la suite de l'histoire Israélite. 
Ce silence prouve simplement que l'application de cette 
loi n'a donné lieu à aucun incident saillant. Ainsi la loi 
du lévirat, Deut., xxv, 5-10, mentionnée au livre de 
Ruth, iv, 1-3, ne serait jamais rappelée dans la Sainte 
Écriture, sans un problème posé à Notre-Seigneur par 
les sadducéens. Matth., xxn, 23-27. Pourtant cette loi 
n'a jamais cessé d'être en vigueur. Voir Lévirat, col. 213. 
— 3. Voici donc ce qu'on peut conclure au sujet des ori- 
gines de la loi mosaïque : Par l'ordre et avec l'inspira- 
tion de Dieu, Moïse a codifié un ensemble de lois reli- 
gieuses et civiles, destinées à un peuple déjà ancien par 
la race, mais encore en formation au point de vue na- 
tional. Le code mosaïque n'est pas sorti tout d'une pièce, 
ni des révélations du Sinaï, ni du génie de Moïse. Le 
législateur a tenu compte des coutumes ancestrales qui 
avaient déjà force Je loi chez les Hébreux et qui étaient 
en vigueur chez les peuples sémitiques, particulièrement 
chez les Chaldéens, auxquels les Hébreux se rattachaient 
directement par leur origine. Moïse ne modifia ces cou- 
tumes que dans les cas où l'exigeaient la mission pro- 
videntielle assignée à Israël et la religion qui lui était 
imposée. Dieu intervint pour révéler à Moïse les grandes 
lignes de cette religion et l'assister dans le règlement 
des détails. Lui-même couvrit le législateur de son auto- 
rité suprême et lui enjoignit de parler et de commander 
en son nom. Moïse rédigea ses différentes lois à mesure ■ 
que se présentait l'occasion de les pratiquer; il les com- 
pléta, quand le besoin s'en fit sentir; il y inséra même 



339 



LOI MOSAÏQUE 



340 



certains détails minutieux, Exod., xxi, 6; xxm, 19; xxxiv, 
26; Lev., xix, 9, 19, 23-25; Deut., xiv, 21, etc., qui lui 
étaient probablement inspirés par des coutumes anté- 
rieures ; enfin, il ne fit pas une législation complète et 
capable de suffire absolument à toutes les époques de 
l'histoire d'Israël. Sa loi put recevoir, au cours des âges, 
quelques explications et quelques compléments néces- 
saires, comme nous le voyons, par exemple, par les règle- 
ments nouveaux que fit David dans le service du sanc- 
tuaire. I Par., xxm-xxvi. Mais ce qu'affirment certains 
commentateurs modernes sur l'origine post-mosaïque 
d'un nombre plus ou moins considérable de lois du 
Pentateuque n'est nullement démontré. Pelt, Histoire 
de l'Ancien Testament, Paris, 1897, t. i, p. 274-307. 

IV. Caractères de la législation mosaïque. — 
1° Institution de la théocratie. — La loi mosaïque est 
essentiellement une loi théocratique; elle place le 
peuple hébreu sous le gouvernement direct de Dieu. Le 
législateur agit au nom de Dieu et demeure en rapport 
étroit avec Dieu pour l'accomplissement de son œuvre. 
Dieu fonde une nation qu'il dirigera lui-même dans un 
sens déterminé. C'est sa volonté qui inspire toutes les 
lois, tant civiles que religieuses, qui les sanctionne et les 
maintient en vigueur. A proprement parler, le peuple 
n'a pas d'autre chef que Dieu ni d'autre règle que sa 
loi. Les chefs qu'il aura à sa tête dans le pays de Cha- 
naan ne viendront guère que pour le défendre contre 
ses ennemis et veiller à l'observation de la loi. Plus 
tard, les rois n'auront pas d'autre rôle, et les prophètes 
se tiendront auprès d'eux pour leur rappeler que l'uni- 
que maître de la nation, c'est Dieu. C'est ce qui fait dire 
à Josèphe, Cont. Apion., n, 16 : « Notre législateur a 
donné à notre république la forme de théocratie. En 
attribuant ainsi à la divinité la souveraine autorité, il 
est surtout parvenu à tourner vers elle tous les yeux et 
tous les esprits, comme vers la source et la cause de 
tous les biens qui surviennent à tout le genre humain, 
ou qu'obtiennent les particuliers par leurs vœux et leurs 
prières dans leurs crises difficiles. Il devint ainsi impos- 
sible d'écarter- la pensée de celui auquel n'échappent ni 
les actes ni les pensées mêmes des hommes... De plus, 
notre législateur voulut que les actes fussent en harmo- 
nie avec l'équité de ses lois, et, non content d'amener à 
sa manière de voir ses contemporains, il fixa inébran- 
lablement dans l'esprit de ses enfants et de leurs des- 
cendants la foi à la divinité. » Cf. Zschokke, Historia 
sacra antiq. Testant., Vienne, 1888, p. 97-103. 

2° Séparation du peuple hébreu. — Tout en laissant 
aux Hébreux les usages qui étaient traditionnels parmi 
les peuples sémitiques, la loi mosaïque avait pour but 
de iaire d'eux une nation à part. Dieu se plaît à appeler 
les Hébreux « mon peuple ». Exod., m, 7; v, 1, etc. Il 
leur dit : « Si vous gardez mon alliance, vous m'appar- 
tiendrez entre tous les peuples, car toute la terre est à 
moi. Vous serez pour moi un royaume de prêtres et une 
nation sainte. » Exod., xix, 5, 6. Pour que le peuple 
hébreu gardât ce caractère durant tout le cours de son 
histoire et restât fidèle dépositaire des vérités religieuses 
que Dieu voulait lui confier, il était nécessaire que sa 
législation le séparât nettement des nations idolâtres qui 
l'entouraient. De là les préceptes si formels sur la 
sainteté, sur la fuite de l'idolâtrie, considérée comme le 
crime capital contre Dieu, sur le culte si minutieuse- 
ment réglé, sur la pureté légale, devant conduire à 
l'idée de pureté morale et saisissant l'Israélite dans 
presque tous les actes de sa vie, etc. Pour que l'influence 
tuneste des nations idolâtres ne s'exerçât pas sur son 
peuple, Dieu défend toute alliance avec elles. Exod., 
xxm, 32 ; xxxiv, 12-16. Enfin, pour s'attacher les Hébreux 
par le lien qui leur était le plus sensible, il leur promet 
les bénédictions terrestres s'ils sont fidèles à sa loi et 
les menace des plus graves châtiments temporels s'ils 
n'obéissent pas. Exod., xxvi, 3-46. La législation mosaïque 



réussit si bien à feire des Israélites un peuple à part 
que, même dispersés à travers les autres nations du 
monde, ils continuent à rester Juifs, bien que nomina- 
lement citoyens de patries diverses. L'Église ne fait gue 
constater ce fait lorsque, dans une de ses oraisons du 
vendredi-saint, elle qualifie de « peuple » l'ensemble 
des Israélites. Voir Impureté légale, t. ni, col. 861. 

3° Douceur relative de la loi mosaïque. — Comparée 
aux autres lois anciennes, la loi mosaïque est remar- 
quable par l'esprit qui l'anime. Elle est bienveillante 
pour tous, autant du moins que le comportait la rudesse 
des mœurs de l'époque. Dans la famille, la polygamie 
et la répudiation sont tolérées. 11 eût été impossible de 
ramener le mariage à ses lois primitives sans imposer 
aux Hébreux un joug qu'ils eussent été incapables de 
porter. Mais la polygamie n'est permise que dans les 
formes légales et à l'exclusion de tout caprice. Deut., 
xxii, 28, 29. Le divorce est également soumis à des 
règles qui sauvegardent la liberté de la femme. Voir 
Divorce, t. n, col. 1449. L'esclavage continue à subsister. 
C'était une nécessité des temps. La loi mosaïque en 
atténue considérablement la rigueur. Voir Esclave, 
t. n, col. 1921-1926. L'autorité paternelle, base de la 
société, est sévèrement protégée. La peine de mort frappe 
l'enfant coupable du crime caractérisé d'outrages ou de 
coups vis-à-vis de ses parents. Exod., xxi, 15, 17. La 
rébellion opiniâtre de l'enfant est déférée au tribunal 
des anciens, qui décident de l'application de la peine 
de mort, et présentent ainsi une garantie contre l'empor- 
tement des parents. Deut., xxi, 18-21. On sait que, chez 
d'autres peuples et dans le vieux droit romain, le pou- 
voir de vie et de mort d'un père sur ses enfants était 
absolu et sans contrôle. Le châtiment mérité par un 
membre de la famille ne doit pas être étendu à un autre 
membre. Deut., xxiv, 16. Dieu s'était réservé ce droit. 
Exod., xxxiv, 7. La férocité des mœurs antiques englo- 
bait d'ordinaire tous les membres d'une famille dans la 
peine méritée par un seul. L'homicide était poursuivi 
et châtié par le « vengeur du sang » qui, chez les peuples 
orientaux même contemporains, est chargé de mettre à 
mort le meurtrier soit volontaire, soit par imprudence. 
Moïse est obligé de consacrer cette coutume, qui a des 
résultats avantageux et qui d'ailleurs s'imposait aux 
anciens Hébreux. Voir Goêl, t. in, col. 261-264. Il en 
atténue du moins la rigueur en ménageant au meurtrier 
involontaire des villes de refuge dans lesquelles il 
devient inviolable. Num., xxxv, 22, 23; Deut., xix, 4-6. 
Il réclame toujours deux témoins pour la condamnation 
d'un coupable. Deut., xvn, 6; xix, 15. Le voleur est 
condamné à la restitution du double ou du quintuple; 
quand il procède par effraction, si on le tue pendant 
qu'il fait nuit, on n'est pas coupable, mais si on le tue 
de jour, on est considéré comme homicide. Exod., xxn, 
1-4. La peine est ainsi toujours proportionnée au délit, 
sans qu'il soit permis à personne d'aller au delà. Les 
lois concernant l'année sabbatique et l'année jubilaire 
sont dictées par une haute bienveillance. Voir Jubilaire 
(Année), t. m, col. 1751, 1752; Sabbatique (Année). 
Enfin bon nombre de prescriptions, minimes en elles- 
mêmes, ont pour but d'adoucir la dureté naturelle du 
peuple hébreu. Telles sont les lois qui permettent le 
glanage et le grappillage, voir t. ni, col. 248, 308, qui 
autorisent à manger des raisins ou des épis dans la 
vigne ou le champ du prochain, Deut., xxin, 24, 25; qui 
défendent de faire cuire le chevreau dans la graisse de 
sa mère, Exod., xxm, 19; xxxiv, 26; Deut., xrv, 21, de 
prendre en même temps la mère et les petits oiseaux, 
Deut., xxn, 6, de faire labourer ensemble le bœuf et 
l'âne, Lev., xix, 19, de museler le bœuf qui foule le 
grain, Deut., xxv, 4, etc. D'autres lois prescrivent la 
charité en faveur des pauvres, voir Aumône, t. i, 
col. 1245-1249, des étrangers, voir Étrangers, t. n, 
col. 2040, etc. « Si nous séparons des coutumes antiques, 



341 



LOI MOSAÏQUE 



3a 



grossières et cruelles, les éléments supérieurs, ceux qui 
rapprochent ces lois de la civilisation chrétienne, nous 
pourrons en admirer la sagesse et la beauté. La justice 
est alliée à la charité, la stabilité des familles et des 
héritages est jointe à une certaine liberté de tran- 
sactions; les droits et les intérêts des pauvres sont 
soigneusement ménagés. C'est, en un mot, la législation 
imposée à un peuple grossier par un législateur infini- 
ment supérieur à ce peuple ; c'est une œuvre digne du 
Dieu des chrétiens, bien que très inférieure à la morale 
et à la législation inspirée de l'Évangile. » De Broglie, 
L'idée de Dieu dans l'Ane, test., Paris, 1890, p. 253. 
V. La loi mosaïque dans l'histoire d'Israël. — \«De 
Josué à la captivité. — Dès le temps de Josué, le livre 
de la loi de Moïse est mentionné et ses prescriptions 
obéies. Jos., vin, 31; xxn, 2. Josué lui-même écrit dans 
le livre de la loi de Dieu l'alliance renouvelée entre Dieu 
et le peuple, à Sichem, et les lois et ordonnances pro- 
mulguées à cette occasion. Jos., xxrv, 25, 26. Samuel 
écrit le droit de la royauté dans un livre qu'il dépose 
devant Jéhovah. I Reg., x, 25. Mais le roi, tel qu'il est 
conçu dans le Deutéronome, xvn, 18, 19, doit être le 
premier observaleur de là loi. Il a à en écrire lui-même 
une copie pour son usage, à y faire une lecture tous les 
jours et à se soumettre à toutes ses prescriptions. Sous 
David et Salomon, la loi mosaïque, commande manifes- 
tement toute la vie des Israélites. David mourant avertit 
formellement son flls d'avoir à se conduire « selon ce 
qui est écrit dans la loi de Moïse ». 111 Reg., h, 3; 

I Par., xxii, 13. Salomon, dans la construction du Tem- 
ple et l'organisation du personnel qui doit le desservir, 
s'en tient exactement aux prescriptions de Moïse. De- 
venu lui-même infidèle à l'alliance et aux lois prescrites 
par Dieu, il reçoit l'annonce que, en punition de ses 
propres fautes, son royaume sera divisé en deux. 

III Reg., xi, 11, Le pieux roi Josaphat envoie dans tout 
son royaume des chefs, des lévites et des prêtres, avec 
« le livre de la loi de Jéhovah », afin d'enseigner le peu- 
ple. II Par., xvn, 7-9. Sous Josias, on retrouve dans le 
Temple « le livre de la loi » et on en profite pour rame- 
ner le peuple à une pratique plus fidèle de cette loi. 

IV Reg., xxii, 8-13. Pendant toute cette période, la loi 
mosaïque est en pleine vigueur. Les rois pieux la sui- 
vent et la font observer. Elle est fréquemment et grave- 
ment transgressée sous les autres règnes; elle n'en 
subsiste pas moins toujours avec toute son autorité. 

2° La loi et les prophètes. — Cette expression revient 
plusieurs fois dans la sainte Écriture, mais seulement à 
partir du second siècle avant Jésus-Christ. Eccli., prol.; 

II Mach.,xv,9; Matth., vil, 12; xi, 13; xxn,40; Luc.,xvi, 
16; Act., xni, 15; xxrv, 14; xxvm, 23; Rom., ni, 21. Les 
prophètes sont ainsi mentionnés au même titre que la 
loi, parce que leur fonction consistait précisément à 
veiller au maintien de la loi de Moïse et de l'alliance 
avec Dieu qui en était la conséquence. Dieu les rendait 
en quelque sorte responsables de la manière dont le 
peuple observait la loi. Ezech., m, 17, 18. Même dans le 
royaume schismatique d'Israël, ils rappelaient la loi de 
Dieu. III Reg., xix, 10, 14; IV Reg., xvn, 13; Is., lvi, 
2, 6, 7; Jer., xvn, 20-27; xxxm, 18, 20-22; Ezech., xx, 
11, 12; xxii, 8; etc. Ils continuaient la fonction remplie 
par Moïse, expliquaient les passages de la loi qui en 
avaient besoin, I Reg., xv, 22; Is., lviii, 3-7; Ose., vi, 6; 
Am., v, 21-24; Mich., vi, 68, etc., et faisaient connaître 
au peuple et aux rois les volontés de Dieu, selon les cir- 
constances. Is., li, 16; lix, 21; Jer., i, 9; v, 14, etc. En 
réalité, leur ministère le plus ordinaire consistait à pro- 
curer l'obéissance à la loi. Voir Prophète. C'est pour 
punir le peuple et ses princes de leur rébellion perpé- 
tuelle à la loi mosaïque que la captivité fut décrétée par 
Dieu. II Par., xxxvi, 12, 14-16. 

3° De la captivité à l'époque évangélique. — 1. La 
captivité ramena les Israélites à une pratique sérieuse de 



la loi mosaïque. Baruch, ni, 9-iv, 4, console les exilés 
de Babylone en leur faisant l'éloge de cette loi. Ce thèms 
sera repris par l'auteur du Ps. cxvin, à l'imitation de 
l'un de ses devanciers. Ps. xix (xvin), 8-15. Au retour à 
Jérusalem, Esdras idit la lecture solennelle de la loi et la 
remet en vigueur. II Esd., vui, 1-18. A plusieurs re- 
prises, il en rappelle les prescriptions; des mesures 
énergiques sont même prises ensuite pour assurer 
l'exécution fidèle de la loi. II Esd., x, 29-39; xn, 43-47; 
xiii, 1-31. L'auteur de l'Ecclésiastique, xxiv, 32, 33, 
après avoir lait l'éloge de la sagesse, résume tout en 
disant : « C'est là le livre de l'alliance du Très Haut, la 
loi que Moïse a donnée, l'héritage des synagogues de 
Jacob » (d'après les Septante, que la Vulgate rend plus 
longuement). Ci. Eccli., xlv, 6. Les Machabées se soulè- 
vent et combattent vaillamment à ce cri de Mathathias : 
« Que tous ceux qui ont le zèle de la loi, pour mainte- 
nir l'alliance, viennent après moi! » I Mach., h, 27. 
Beaucoup de Juifs tendaient alors à substituer les mœurs- 
et la religion des Grecs à celles des ancêtres. L'insur- 
rection des Machabées fut une heureuse réaction contre 
cette tendance. En dehors de ceux qui prennent les 
armes pour la défense de la loi, le vieillard Éléazar, les. 
sept frères martyrs et leur mère donnent d'admirables 
exemples de fidélité à cette loi. II Mach., vi, 18-vn, 1-41. 

— 2. Notre-Seigneur fait profession d'obéir à la loi, et 
non de la détruire. Matth., v, 17, 18; Luc, xvi, 17. Il la 
cite comme une autorité incontestable. Matth., XII, 5; 
Luc, x, 26; xxiv, 44; Joa., vin, 17. Il reconnaît aux 
scribes et aux docteurs pharisiens le droit d'être assis 
dans la chaire de Moïse, c'est-à-dire d'exercer son au- 
torité. Il constate qu'ils imposent des obligations pesantes 
et insupportables, dont ils s'exemptent eux-mêmes, et il 
conclut : « Faites et observez tout ce qu'ils vous disent, 
mais n'agissez pas comme ils le font. » Matth., xxm, %-i. 
Or, ce que disaient les docteurs, c'était d'observer la loi 
de Moïse, les prescriptions des prophètes et celles que 
les docteurs eux-mêmes avaient formulées en tant que 
successeurs de Moïse et des prophètes. Us donnaient le 
nom de « haie à la loi » aux multiples et minutieuses 
ordonnances au moyen desquelles ils prétendaient iaire 
observer la loi elle-même. Cf. Pirke Aboth, i, 2. Pilate 
sait très bien que les Juifs ont une loi à eux, Joa., xvm, 
31, et c'est au nom de cette loi que ceux-ci font condam- 
ner Notre-Seigneur, Joa., xix, 7, et ensuite persécutent 
ses disciples. Act., vi, 13; xxi, 28. Saint Paul atteste 
qu'il a été élevé dans la connaissance exacte de la loi et 
dans le zèle pour Dieu, comme les meilleurs Juifs. 
Act., xxi, 20; xxii, 3. Au moment où la loi nouvelle 
commence à remplacer l'ancienne, il se trouve parmi 
les chrétiens d'anciens pharisiens qui pensent encore 
que les païens convertis doivent être assujettis à la loi 
de Moïse. Act., xv, 5. Voir Judaïsants, t. m, col. 1779. 

— 3. Dans toute la Sainte Écriture, il est fait de conti- 
nuelles allusions à la loi mosaïque. Elle est appelée 
« loideMoïse», IV Reg., xiv, 6; xxm, 21, 25; I Par., xvi, 
40; II Par., xxm, 18; xxv, 4; xxx, 16; xxxi, 3; xxxv, 
13; I Esd., ni, 2; II Esd., vin, 1; ix, 14; x, 34, 36; 
xiii, 1; Tob., i, 8; Eccli., xxiv, 33; Bar., il, 2; Dan., rx, 
13; xiii, 62; Mal., rv, 4; Luc, h, 22; Joa., i, 17,45; vu, 
19,23; vm, 5; I Cor., ix, 9; Heb., x, 28; « loi du Sei- 
gneur, «Is., i, 10; xxx, 9; li, 4; Jer., vm, 8; ix, 13; 
xltv, 10; Bar., iv,12; Dan.,vi, 5; Ose.,iv,6; Am., n, 4; 

I Mach., i, 55; n, 15; iv, 42; II Mach., rv, 2; vi, 1, 23; 
vu, 2; Luc, n, 23, 24, 39; «loi de nos pères, » IMach.,n, 
19, 20; II Mach.,vn,24,37;Act.,xxn,3; «t loi des Juifs, » 

II Mach., xi, 31 ; xu, 40; ou enfin simplement « la loi ». 
I Mach., n, 26-68; Joa., vu, 49; xn, 34; Act., vi, 13; 
xvm, 13; xxm, 3; Rom., h, 12; I Cor., tx, 21, etc. 

VI. Valeur religieuse de la loi mosaïque. — 1» Sa 
perfection relative. — La supériorité de la loi mosaïque 
lui vient surfont de sa partie religieuse. — 1. Au milieu 
de nations polythéistes, idolâtres et tirant de leurs dieux 



343 



LOI MOSAÏQUE 



344 



mêmes l'exemple de la corruption, elle affirme catégo- 
riquement l'unité et la sainteté de Dieu. Ce Dieu unique, 
qui a le nom de 'El chez les vieux peuples sémitiques, de- 
vient pour Israël Jéhovah ou Jahvéh, nom qui n'implique 
aucune attache aux choses de la nature, mais ne désigne 
que l'être pur, l'être mystérieux par excellence. Ce Dieu 
est au-dessus de tous les êtres; il les a tous créés sans 
exception. Pour l'honorer, il faut l'aimer et lui obéir. 
Il est sévèrement défendu d'en faire des représentations, 
pour ne pas tomber dans l'inconvénient des Égyptiens 
et des autres peuples, qui confondaient si facilement la 
divinité avec sa représentation matérielle, si grossière et 
abjecte qu'elle fût. Moïse n'empruntait pas ce dogme de 
la divinité aux peuples qui l'entouraient, puisque des 
idées contraires régnaient chez ces derniers. Il ne le 
trouvait pas non plus au sein de son propre peuple, qui 
fut toujours si porté à l'idolâtrie et à ses pratiques 
dégradantes. Les patriarches eux-mêmes, malgré les 
révélations dont ils avaient été l'objet, étaient loin d'avoir 
sur Dieu des idées aussi élevées que celles qui furent 
communiquées à.Moïse. Cf. Saint Cyrille d'Alexandrie, 
In Gen., xxvm, 16, t. lxix, col. 188. La législation reli- 
gieuse de Moïse dépasse en grandeur, en pureté, en per- 
fection, tout ce qui existait alors dans le monde. « Si 
l'on prend ces caractères dans leur ensemble, ils sont 
certainement transcendants, sinon tout à tait dans le 
sens métaphysique, au moins dans le sens historique, 
pour le temps. » Lagrange, La méthode historique, 
p. 64. — 2. Le culte prescrit envers Jéhovah avait pour 
condition principale l'imitation de sa sainteté. « Vous 
vous sanctifierez et vous serez saints, parce que je suis 
saint, » Lev., xi, 44, était-il dit, même à l'occasion d'une 
simple loi de pureté légale. Les cérémonies tendaient 
au" même but. Voir Cérémomies, t. n, col. 439, 440. La 
morale se résumait toute à aimer Dieu par-dessus tout, 
Deut., vi, 5, et ensuite son prochain comme soi-même. 
Si ces préceptes ne se dégagent que peu à peu des pre- 
mières formules} 'ils ne sont pas moins le fondde toute la 
loi et des prophètes. Matth.,xxn, 36-40; Marc.,xn, 30-33; 
Rom., xiii, 8-10; Gai., v, 14. De ce principe de l'amour 
découlait la pratique des autres vertus morales, Gal.,v, 
22-23, et la condamnation des vices. I Tim., i, 8-10. — 
3. Certaines croyances, il est vrai, étaient moins avancées 
chez les Hébreux que chez d'autres peuples. Mais il est 
des vérités qu'il fallait laisser un peu dans l'ombre pour 
empêcher un peuple grossier d'en tirer des conséquences 
funestes. Ainsi l'immortalité de l'âme apparaissait chez 
les Égyptiens avec une clarté beaucoup plus vive, tandis 
que Moïse semble éviter de parler de ce dogme. Mais 
cette espèce de silence était nécessaire pour que le 
culte des morts ne dégénérât pas, comme partout ail- 
leurs, en culte idolâtrique. Moïse se contente de pros- 
crire tout ce qui a trait à ce culte. Deut., xxvi, 13, 14. 
Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
Paris, 6 e édit., t. n, p. 524-528. Il est remarquable ce- 
pendant que, quand Notre-Seigneur veut prouver aux 
sadducéens l'immortalité de l'âme, c'est à un texte de 
l'Exode, m, 6, qu'il fait appel. Matth., xxii, 32. En 
somme, il n'y a pas eu dans l'antiquité de doctrine sur 
Dieu et sur les rapports de l'homme avec Dieu, qui ap- 
prochât en hauteur et en pureté de celle que Moïse a 
consignée dans sa loi. 

2° Son caractère figuratif . — 1. La loi de Moïse n'était 
faite ni pour tous les temps ni pour tous les lieux. Elle 
préparait une loi plus parfaite, définitive et univer- 
selle. Les Juifs attendaient un Messie ou envoyé de Dieu, 
devant réaliser les promesses de bénédiction pour toutes 
Jes nations de la terre, qui avaient été faites à Abraham, 
Gen., xxii, 18, un Messie qui naquit de Juda, Gen.,xux, 
J0, et fût le grand prophète promis par Moïse lui-même. 
Deut., xvm, 15; cf. Joa., i, 45; Act., m, 22; vu, 37. 
L'idée messianique alla en se développant et en se pré- 
cisant par l'action des prophètes. Mais toutes les insti- 



tutions de la loi mosaïque avaient pour but d'entretenir 
la grande espérance et de figurer la réalité future. Les 
lois civiles isolaient le peuple hébreu des autres peuples 
et concentraient son attention sur la mission qui lui 
était assignée de préparer la venue du Messie et de le 
donner un jour au monde. Les lois religieuses tendaient 
à représenter à l'avance ce que serait un jour le nou- 
vel ordre de choses établi par ce Messie. — 2. Notre- 
Seigneur témoigne lui-même de ce caractère de la loi 
mosaïque en disant que Moïse a écrit de lui, Joa., v, 46, 
et en déclarant que devait s'accomplir tout ce qui était 
écrit de lui dans la loi de Moïse, dans les prophètes et 
dans les psaumes. Luc, xxiv, 44. La loi était l'ombre 
des choses futures qui devaient être réalisées par le 
Christ. Col., n, 17; Heb., x, 1. « Le Christ est la fin 
de la loi, » Rom., x, 4, c'est-à-dire non pas seulement 
le terme auquel elle aboutit, mais le bien par excellence 
qu'elle prépare et qu'elle figure : « La loi est notre pé- 
dagogue vers le Christ. » Gai., m, 24. Le naiS!f{tùf6i 
était un esclave chargé de conduire l'enfant auprès de 
son maître. Cf. Hérodote, vin, 75; Euripide, Jon., 725; 
Elect., 287; Cicéron, De amie., 20; Sénèque, De ira, 
n, 22, etc. La loi mosaïque est ainsi clairement carac- 
térisée : elle a été une institution d'ordre subalterne, 
chargée de surveiller et de contenir un peuple indocile, 
pour le conduire à son véritable maître, le Christ. Voilà 
pourquoi saint Paul dit encore : « Avant que vînt la foi, 
nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de 
la foi qui devait être révélée. » Gai,, m, 23. Voir Jésus- 
Christ, t. m, col. 1427-1429. Cf. S. Thomas, Sum. 
theol., I a II e , q. xcvm-cill. 

3° Impuissance relative de la loi pour le salut. — 
1. La loi mosaïque ajoutait une charge à la loi naturelle. 
Les païens se contentaient de cette dernière et pouvaient, 
en la suivant consciencieusement, accomplir l'essentiel 
de ce que prescrivait la loi mosaïque. Rom., n, 14, 15. 
La loi mosaïque est présentée comme n'étant pas au-des- 
sus des forces et hors de la portée des Israélites. 
Deut., xxx, 11. Elle est bonne, juste et sainte, Rom., vu, 
12 ; mais, en multipliant les prescriptions, elle a mul- 
tiplié les causes de péché, par suite du penchant qui in- 
clinait au mal les sujets de cette loi. Rom., vu, 7-13. En 
provoquant la transgression, non par elle-même, mais 
par la faute de l'homme, la loi a provoqué la colère, 
Rom., iv, 15, et la malédiction. Gai., tu, 10. — 2. Les 
Juifs avaient pourtant grande confiance dans leur loi. Ils 
en exagéraient et en multipliaient les prescriptions, 
jusqu'à la rendre impraticable. Matth., xxm, 4; Luc, xi, 
46. Notre-Seigneur remarque que les Juifs sondent les 
Écritures, parce qu'ils pensent avoir en elles la vie éter- 
nelle. Joa., v, 39. Saint Paul interpelle le Juif qui se 
repose sur la loi, qui croit posséder dans la loi la règle 
de la science et de la vérité, qui se flatte d'être capable 
de conduire les autres, grâce à la loi, et qui cependant 
ne sait pas lui-même observer la loi. Rom., n, 17-20. — 
3. En réalité, « la loi n'a rien amené à l'état parfait. » 
Heb., vu,' 19. Elle n'a fait que donner plus de force 
au péché, I Cor., xv, 56, en multipliant les occasions de 
transgression. Israël, même en la pratiquant, n'a pu 
parvenir à la justice. Rom., ix, 31. C'est pourquoi saint 
Paul le déclare à plusieurs reprises : pas de justification 
possible par les œuvres de la loi de Moïse. Act., xm, 
38; Rom., ni, 20; Gai., n, 16. Voir Justification, t. m, 
col. 1877, 1878. — 4. Comme le salut ne peut venir aux 
hommes que par Jésus-Christ, Act., iv, 12, et que la jus- 
tice qui sauve n'est possible que par la foi en Jésus- 
Christ, Rom., m, 22, il reste à conclure que la loi 
mosaïque, impuissante par elle-même à sauver les 
âmes, ne pouvait que les disposer au salut, en leur ré- 
vélant le vrai Dieu et en leur faisant espérer le Messie, 
dont la grâce agissait à l'avance sur leurs âmes. C'est 
cette grâce qui, en vue des mérites futurs de la rédemp- 
tion, les aidait à pratiquer la vertu, à se repentir de 



3Ï5 



LOI MOSAÏQUE 



346 



leurs fautes et à s'assurer pour l'avenir la possession de 
l'éternité bienheureuse. Saint Pierre dit que Notre-Sei- 
gneur trouva dans les limbes, par conséquent sur le 
chemin assuré du salut, des incrédules du temps de 
Noé, qui avaient été engloutis par le déluge. I Pet., m, 
20. A plus forte raison faut-il regarder comme sauvés 
tant de saints patriarches et de pieux Israélites dont la 
Sainte Écriture fait l'éloge. Eccli., xliv-l; Heb., xi, 1- 
40, etc. A ce point de vue important, grâce à leur con- 
naissance du vrai Dieu et à leurs rapports avec lui, les 
Israélites se trouvaient donc dans une situation meil- 
leure que les païens. 

VII. Abrogation de la loi mosaïque. — 1. La loi mo- 
saïque se composait, comme on l'a dit, d'éléments 
divers. Elle comprenait des préceptes de morale natu- 
relle ou positive, et des prescriptions cérémonielles et 
civiles. Il est évident que les préceptes de morale natu- 
relle ne pouvaient être abrogés, puisqu'ils tiennent aux 
rapports essentiels de l'homme avec Dieu. Les précep- 
tes de morale positive se rattachent logiquement, pour 
la plupart, aux préceptes du Décalogue ; ils n'étaient donc 
pas davantage susceptibles d'abrogation. Cf. S. Thomas, 
Sum. theol., I a II*, q. c, a. 12. Ce sont ces préceptes 
que Notre-Seigneur déclare toujours en vigueur et dont 
il ne veut pas retrancher un iota. Matth., v, 17 ; Luc, xvi, 
17. — 2. Il y a dans la loi mosaïque d'autres préceptes 
concernant le culte, la vie religieuse et civile, qui ne 
devaient spécialement concerner que les Juifs, et dont 
la raison d'être et l'obligation allaient cesser à l'appari- 
tion de la loi nouvelle. Les Apôtres eux-mêmes eurent 
quelque peine à le comprendre. Ainsi saint Pierre hé- 
site beaucoup à passer par-dessus les lois de pureté 
légale pour aller baptiser le centurion Corneille. Les 
autres apôtres et les disciples lui surent mauvais gré de 
ce qu'ils regardaient comme une infraction à une loi 
intangible, et saint Pierre fut obligé de se justifier 
devant eux. Act., x, 13-xi, 18. L'observation de la loi 
mosaïque par les nouveaux chrétiens devint bientôt 
l'objet de vives discussions. La difficulté n'existait 
guère pour les Juifs qui se convertissaient et qui 
n'avaient pas de peine à continuer les anciennes prati- 
ques. Mais fallait-il assujettir aux prescriptions mosaï- 
ques les chrétiens venus du paganisme ? D'acharnés 
judaïsants le voulaient. Voir Judaïsaots, t. m, col. 1779- 
1782. Saint Paul s'y opposa énergiquement. Saint Pierre 
porta le premier coup à l'antique législation en procla- 
mant qu'on n'était sauvé que par la grâce du Sauveur 
Jésus, et que ce serait tenter Dieu que de vouloir mettre 
sur le cou des disciples un joug que ni les Juifs actuels 
ni leurs pères n'avaient pu porter. Act., xvj 10, 11. 
Sans déclarer l'ancienne loi absolument abrogée, les 
Apôtres se contentèrent d'imposer aux nouveaux con- 
vertis l'abstinence des viandes sacrifiées aux idoles, du 
sang des animaux étouffés et de l'impudicité. Act., xv, 
29. C'étaient les seuls préceptes anciens maintenus par 
saint Jacques. Act., xv, 20. Le dernier était de droit na- 
turel. Les deux premiers étaient conservés pour ménager 
les susceptibilités des Juifs. Mais tout le reste de la loi 
mosaïque était abandonné comme n'ayant plus de raison 
d'être. Bientôt même les restrictions concernant les ali- 
ments furent abolies en pratique dans les chrétientés 
de la gentilité, et saint Paul ne les maintint que dans 
les cas où il y eût eu scandale à passer outre. Rom,, 
xrv, 15; Col., il, 16. L'abrogation porta en définitive sur 
ce qui caractérisait essentiellement la vie juive : la cir- 
concision, la séparation d'avec les étrangers, les prati- 
ques de pureté extérieure, le choix des aliments, les 
sacrifices sanglants, la fréquentation du Temple, la célé- 
bration des fêtes, la fixation du sabbat au septième jour 
de la semaine, etc. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a II», 
q. cni, a. 3; q. civ., a. 3. — 3. La légitimité de cette 
abrogation est démontrée dans l'épître aux Hébreux. 
Jésus-Christ, Fils de Dieu, humilié dans son incarna- 



tion, puis glorifié à la suite de ses souffrances, est su- 
périeur à Moïse. Heb., m, 3. Son acerdoce est supé~ 
rieur à celui d'Aaron. Heb., v, 4-6. Prêtre selon l'ordre 
de Melchisédech, et non selon l'ordre d'Aaron, il rem- 
place le sacerdoce lévitique, qui était imparfait, par 
son sacerdoce à lui. Or, « le sacerdoce étant changé, il 
y a aussi nécessairement changement de la loi. » Heb., 
vu, 12. « Il y a ainsi abrogation de la législation anté- 
rieure, à cause de son impuissance et de son inutilité, 
— car la loi n'a rien amené à l'état parfait, — et intro- 
duction d'une meilleure espérance, par laquelle nous 
approchons de Dieu. » Heb., vu, 18, 19. Jésus-Christ 
est « le médiateur d'une meilleure alliance, établie sur 
de meilleures promesses, car si la première avait été 
sans défaut, il n'y aurait certes pas lieu à lui en subs- 
tituer une autre ». Heb., vm, 6, 7. Par ses prophètes 
le Seigneur a promis une nouvelle alliance. « Or, qui 
dit nouvelle, suppose une précédente qui est ancienne. 
Mais ce qui est ancien et a vieilli est bien près de 
disparaître. » Heb., vm, 13. La première alliance a été 
scellée par le sang des victimes, la seconde est scellée 
par le sang de Jésus-Christ. C'est ce sang qui assure 
« le rachat des transgressions commises sous la pre- 
mière alliance ». Heb., ix, 15. « La loi, qui ne possède 
que l'ombre des biens à venir et non la véritable repré- 
sentation des choses, ne peut jamais, par les mêmes 
sacrifices perpétuellement offerts chaque année, amener 
à la perfection ceux qui y prennent part. » Mais le Christ, 
« par une seule offrande, a amené pour toujours à la 
perfection ceux qui sont sanctifiés. » Heb., x, 1, 14. 
« Jésus est le médiateur de la nouvelle alliance. » Heb., 
xii, 24. Les paroles du prophète : « Encore une lois 
j'ébranlerai non seulement la terre, mais aussi le ciel, » 
indiquent le changement des choses provisoires et qui 
ont fini de servir, afin que demeurent les choses défini- 
tives. Accueillant donc le royaume qui ne doit pas 
changer, soyons reconnaissants en servant Dieu par un 
culte qui lui soit agréable. Heb., xu, 27, 28. L'abroga- 
tion de la loi mosaïque et son remplacement par la loi 
évangélique est ainsi une conséquence nécessaire de 
l'incarnation et de la rédemption. La Providence prit 
soin de rendre cette abrogation effective : le Temple fut 
définitivement détruit en l'an 70, les sacrifices et toute 
la partie rituelle de la loi ancienne devinrent dès lors 
impraticables, les Juifs furent dispersés loin de leur 
patrie et obligés de renoncer à la plupart de leurs usa- 
ges traditionnels. — 4. Non seulement les pratiques de 
la loi mosaïque ont été abrogées et sont devenues inu- 
tiles, mais même elles ne pourraient que rendre cou- 
pable celui qui continuerait à s'y attacher en leur suppo- 
sant encore quelque valeur. Saint Paul disait : « Si vous 
vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de 
rien... Vous êtes séparés du Christ, vous tous qui cher- 
chez la justification dans la loi ; vous êtes déchus de la 
grâce. » Gai., v, 2, 4. Du reste, l'abrogation de la loi ne 
se fit pas brusquement, ainsi que le montre la pratique 
des Apôtres qui continuent un certain temps à fréquen- 
ter le Temple, Luc, xxiv, 53; Act., ni, 1, et maintien- 
nent provisoirement certaines prescriptions mosaïques. 
Act., xv, 29. De leur conduite et de leurs paroles, il 
résulte que, jusqu'à la passion du Sauveur, les rites 
mosaïques furent obligatoires pour les Juifs et utiles; 
de la/passion du Sauveur à la propagation suffisante de 
l'Évangile, ils furent inutiles en eux-mêmes, mais res- 
tèrent facultatifs; enfin, après la prédication de l'Évan- 
gile, ils devinrent nuisibles et prohibés, pour autant 
qu'on prétendait leur attribuer de la valeur au point de 
vue du salut. Cf. S. Jérôme, Ep., an, 12-14; cxvi, 
18-20, t. xxn, col. 923-925; 944, 945; S. Augustin, Epist., 
xl, 3^7, t. xxxm, col. 155-157; S. Thomas, Sum. theol, 
I» II», q. cm, a. 4; Cornely, Epist. ad Galat., Paris, 
1892, p. 465-557. — Sur la législation mosaïque, voir 
J.H. Hottinger, Juris Hebrseorvm leges, Zurich, 1655;. 



347 



LOI MOSAÏQUE — LOI NOUVELLE 



348 



J. Selden, De jure nat. et gent. juxta disciplinant 
Bebrseorum, Londres, 1640; Spencer, De legibus He- 
brœorutn ritualibus et eorum rationibus, Cambridge, 
1685; Reland, Anliquitates sacrée, veterum Hebrseorum, 
Utrecht, 1741 ; H. S. Reimar, Cogitationes de legibus 
mosaicis ante Mosen, Hambourg, 1741 ; Iken, Antiqui- 
tates hebraicœ, Brème, 1741 ; Carpzov, Apparatus hi- 
storico-criticus antiquitatum sacri Codicis, Leipzig, 
1748; De institut, et ceremon. leg. mosaic. ante Mosen, 
Brème, 1751 ; J. D. Michaëlis, Mosaisches Recht, Franc- 
fort-s.-M., 1775-1780; Stâudlin, De legum mosaicarum 
momento et ingénia, Gœttingue, 1796; Purmann, De 
fontibus et seconomia legum mosaicarum, Francfort- 
s.-M,, 1789; Salvador, L'histoire des institutions de 
Moïse et du peuple hébreu, Paris, 1828 (très rationaliste) ; 
Bâhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 
1837; J. L. Saalschûtz, Dos mosaische Recht, Leipzig, 
1853; Dôllinger, Paganisme et Judaïsme, Bruxelles, 
1858, trad. J. de P., t. n, p. 165-220; P. Scholz, Die 
heiligen Alterthùmer des Volkes Israël, Ratisbonne, 
1868; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 123-219; de Bro- 
glie, Problèmes et conclusions de l'histoire des reli- 
gions, Paris, 1885, p. 202-215 ; Sur l'idée de Dieu dans 
l'Ancien Testament, Paris, 1892, p. 157-273 ; Vos, The 
mosaic origin of the pentateuchal Codes, Londres, 
1886; Zschokke, Historia sacra Ant. Test., Vienne, 1888, 
p. 95-146; Pelt, Histoire de l'Ancien Testament, Paris, 
1897, t. i, p. 206-264; Schûrer, Geschichte des jûdischen 
Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, 1898, t. n, p. 464-496, 
et les commentateurs cités à l'article Pentateuque. 

LOI NOUVELLE ou ÉVANGÉLIQUE, loi que 

Jésus-Christ a donnée aux hommes pour les conduire au 
salut éternel. On l'appelle « loi nouvelle », parce qu'elle 
remplace l'ancienne, « loi de grâce, » à cause de sa 
nature, « nouveau testament » ou « nouvelle alliance », 
à raison de sa substitution à l'alliance ancienne. 

I. Le législateur. — 1° Jésus-Christ, Fils de Dieu, 
est l'auteur de la loi évangélique. C'est à lui que la pro- 
phétie de Jacob promettait le respect et l'obéissance des 
peuples. Gen., xlix, 10. C'est lui que l'ange Gabriel 
annonça à Marie comme devant régner éternellement 
sur la maison de Jacob, Luc, i, 33, par conséquent 
comme devant commander et être obéi. C'est lui encore 
que Moïse avait prédit comme le prophète qu'il faudrait 
écouter, et qui serait comme lui législateur de son 
peuple. Deut., xvai, 15; Act., m, 22, 23. — 2» Par l'in- 
carnation, la rédemption et la résurrection, le Père a 
fait Jésus « Seigneur et Christ », Act., Il, 36, lui donnant 
ainsi le pouvoir de commander et de racheter. A la 
transfiguration, le Père dit de lui : « Écoutez-le. » Matth., 
xvii, 5; Marc, IX, 6; Luc, ix, 35. Lui-même affirme 
que tout pouvoir lui a été donné, Matth., xxvm, 18-20; 
Marc, xvi, 15, que le Père a tout remis entre ses mains, 
Joa., xiii, 3, qu'il lui a conféré la puissance sur toute 
chair, Joa., xvii, 2, et qu'un jour il jugera lui-même les. 
hommes auxquels il a reçu mission d'imposer la loi. 
Matth., xxv, 31. — 3° Notre- Seigneur exerce le pouvoir 
qui lui a été donné par le Père. Joa., x, 18; xii, 49, 50; 
xiv, 31. Il chasse les marchands du Temple, pour assurer 
au Père l'honneur qui lui est dû, Joa., ir, 14-19; Matth., 
xxi, 12-17; Marc, xi, 15-19; Luc, xix, 45-48, et affirme 
ainsi son autorité. Quand il formule sa loi, il s'exprime 
en législateur incontestable : « Il vous a été dit... Et 
moi, je vous dis. » Matth., v, 22, 28, 32, 34, 39, 44. Il se 
met ainsi au-dessus de celui qui a promulgué la première 
loi. Le peuple lui-même s'aperçoitqu'il enseigne « comme 
ayant autorité », Matth., vn, 29, c'est-à-dire qu'il parle 
et commande en vertu d'un pouvoir personnel et supé- 
rieur à celui des scribes et des pharisiens. Ce pouvoir 
est celui qui lui vient de son Père. — 4° Notre-Seigneur 
définit et promulgue lui-même la loi évangélique. Mais 
comme cette loi est destinée à tous les peuples du monde 



et à tous les temps, il faudra après lui une autorité qui 
la maintienne, l'explique, la développe et l'adapte aux 
besoins spirituels des hommes. Notre-Seigneur, suprême 
législateur, délègue donc le pouvoir nécessaire à ses 
Apôtres et à leurs successeurs, Matth., xvi, 19; xviii, 
18; il commande de leur obéir, sous peine de ne plus 
faire partie de la société fondée par lui. Matth., xviii, 
17; Luc, x, 16. Les Apôtres usent de ce pouvoir pour 
légiférer, Act., xv, 28,29; I Cor., vu, 10; xi, 17; I Tim., 
v, 7, etc., et après eux ce pouvoir n'a pas cessé d'être 
exercé dans l'Église, au nom de Jésus-Christ lui-même. 

II. Rapports entre la loi évangélique et la loi 
mosaïque. — 1° Points communs. — 1 . Les deux lois 
ont une commune origine divine. Moïse légifère au nom 
de Dieu; Jésus-Christ, Dieu lui-même, légifère en 
personne d'abord et ensuite par ses représentants, 
assistés du Saint-Esprit. Act., xv, 28. — 2, Notre- 
Seigneur déclare qu'il ne vient pas abolir la loi, qu'un 
seul iota n'en disparaîtra pas, que celui qui transgres- 
sera ou observera le plus petit des commandements, 
sera petit ou grand dans son royaume, que le ciel et la 
terre passeront, plutôt qu'un seul point de la lettre de 
la loi. Matth., v, 17-19; Luc, xvi, 17. Ces assurances 
ne s'appliquent évidemment qu'à la partie de la loi 
mosaïque qui comprend la loi naturelle. Quand il est 
question des commandements à observer par tous et 
toujours, Notre-Seigneur cite le Décalogue. Matth,, xix, 
18, 19; Marc, x, 19; Luc, xviii, 20. Dans sa loi, comme 
dans la loi ancienne, il met l'amour de Dieu et du pro- 
chain en tête de tous les commandements, Matth., xxn, 
37-40; Marc, xii, 29-31. — 3. Il ramène à leur véri- 
table sens les prescriptions de la loi ancienne que les 
pharisiens ont déformées par leurs interprétations et 
qui doivent être observées, même sous la loi nouvelle, 
mais dans le sens voulu de Dieu. Ces prescriptions 
portent sur les devoirs envers les parents, sur la 
pureté intérieure, Matth., xv, 1-20; Marc, vu, 1-23, sur 
la loyauté et l'humilité dans le service de Dieu, Luc, 
XI, 37-54, sur le jurement, le désintéressement et la 
fuite des vices. Matth., xxiii, 1-39; Marc, xn, 38-40; 
Luc, xx, 45-47. Il déclare d'une manière générale que, 
dans la loi nouvelle, il faudra entendre et pratiquer la 
justice d'une tout autre manière que ne font les scribes 
et les pharisiens. Matth., v, 20. 

2° Différences et additions. — 1. Notre-Seigneur 
reprend plusieurs des lois anciennes, et, tout en les 
conservant, les modifie ou y ajoute des obligations plus 
parfaites. La loi ancienne défend le meurtre; il y ajoute 
la défense expresse de tout ce qui blesse l'amour du 
prochain, colère, injures, dissentiments. Matth., v, 21-26. 
La loi ancienne détend la fornication; il condamne 
même la pensée et le désir du mal et veut qu'on sacri- 
fie tout plutôt que d'y succomber. Matth., v, 27-30. La 
loi ancienne permet le divorce; il ramène le mariage à 
sa loi primitive, ne permet que la séparation en cas 
d'adultère et réprouve sévèrement tout nouveau mariage 
du vivant des deux époux. Matth., v, 31, 32; xix, 3-12; 
Marc, x, 2-12; Luc, xvi, 18. La loi ancienne défend le 
parjure; il veut qu'on évite même de jurer, au moins 
sans grave nécessité. Matth., v, 33-37. La loi ancienne 
autorise la coutume du talion; il commande de rendre 
le bien pour le mal. Matth., v, 38-42; Luc, vi, 27-36. 
La loi ancienne ordonne d'aimer le prochain et, en cer- 
taines circonstances, commande ou autorise la haine 
envers les ennemis; il veut qu'on aime aussi ces der- 
niers et qu'on les traite avec bienveillance. Matth., 
v, 43-47. Dans la loi ancienne, on ne regardait comme 
prochain que l'Israélite; il montre que l'étranger 
même a droit à ce titre de prochain. Luc, x, 29-37. 
La loi ancienne autorisait, au moins dans l'idée des 
docteurs, à se contenter de la justice et à négliger la 
charité; il fait voir que celui qui procède ainsi encourt 
la condamnation éternelle. Luc, xvi, 19-22. Le pharisien 



349 



LOI NOUVELLE 



350 



orgueilleux se croyait en sûreté de conscience, grâce à 
la pratique de certaines vertus; Jésus-Christ déclare 
que l'humilité est de rigueur. Luc, xvm, 9-14. — 2. La 
loi mosaïque n'était destinée qu'aux seuls Israélites; 
elle ne devait durer que jusqu'à la venue du Messie et 
renfermait un grand nombre de prescriptions propres 
an gouvernement temporel de la nation. La loi nouvelle 
est faite pour tous les hommes de l'univers; elle doit 
durer jusqu'à la fin des siècles, Matth., xxvm, 19-20, et 
ne s'occupe que du gouvernement spirituel des con- 
sciences et de la société fondée par le Sauveur. 

3° Abrogations. — Jésus-Christ est né sous la loi, Gai., 
iv, 5, et il en a observé les prescriptions, même quand elles 
ne le concernaient pas. Matth., xvii, 24-26. Mais il a 
annoncé que les articles strictement mosaïques allaient 
être abrogés. Il déclare à la Samaritaine que ce n'est 
plus à Jérusalem que désormais l'on ira adorer, Joa., 
îv, 21, et il prédit l'abandon du Temple et sa destruction 
complète. Matth., xxm, 38; xxiv, 2; Marc, xm, 2; 
Luc, xxi, 6. Il se donne comme le maître du sabbat et 
prépare ainsi le remplacement de ce jour du Seigneur 
par le dimanche. Matth., xn, 8; Marc, m, 28; Luc.,vi, 5. 
11 refuse de condamner à là lapidation la femme adultère, 
passible de cette peine d'après la loi mosaïque. Joa., 
vni, 5-11. Il compare la loi ancienne à un vieux manteau 
incapable de supporter des pièces neuves, à de vieilles 
outres qu'un vin nouveau ferait éclater. Matth., ix,16, 
17; Marc, h, 21, 22; Luc, v, 36, 39. Le vieux manteau 
et les vieilles outres ne peuvent plus servir à rien. 
De même, la loi nouvelle ne saurait s'adapter aux cou- 
tumes de l'ancienne; celle-ci doit donc disparaître. Le 
Sauveur n'abroge pas lui-même formellement toutes 
les pratiques de la loi mosaïque. Sur ses indications, 
les Apôtres le feront après lui, mais sans rien brus- 
quer. Cf. A. Th. Hartmann, Die enge Verbindung des 
Alten Testaments mit dem Neuen, Hambourg, 1831. 
Sur l'abolition de l'esclavage , voir Esclavage, t. h, 
col. 1920. 

III. ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE LA LOI NOUVELLE. — 

1° La loi nouvelle comprend d'abord tous les préceptes 
de la loi naturelle et de la loi morale, telles que les 
connaît la raison de l'homme et telles que les a rap- 
pelées la loi mosaïque. Parmi ces préceptes, le Sauveur 
accentue surtout celui de l'amour fraternel. Il l'appelle 
un commandement nouveau, tant il était méconnu par 
les hommes; il en donne même la pratique comme la 
marque distinctive de ses vrais disciples. Joa., xm, 34- 
35 ; xv, 17. Saint Paul dit que l'amour du prochain 
constitue le parfait accomplissement de la loi. Rom., 
xm, 8, 10. Saint Jean appelle ce devoir un commande- 
ment à la fois ancien et nouveau. I Joa., n, 3-10; ni, 
22-24; rv, 21 ; II Joa., 4-6. Il était ancien, car la loi 
mosaïque le rappelait, Lev., xix, 18; il devait être nou- 
veau par la manière plus générale et plus fidèle dont il 
allait être observé. Sur la morale de la loi nouvelle, 
voir Jésus-Christ, t. m, col. 1486-1487. — 2° Elle a aussi 
ses préceptes particuliers. Pour entrer dans cette vie, 
il faut naître de nouveau, de l'eau et de l'Esprit, Joa., 
ni, 3, 5; avoir la foi à la prédication évangélique et être 
baptisé, Marc, xvi,16; obtenir la rémission des péchés, 
Joa., xx, 23; recevoir en nourriture le corps du Christ, 
Joa., vi, 54, 55; se mettre au nombre des brebis du 
Sauveur, Joa., x, 14-16; accepter l'autorité de celui qui 
«st chargé de paître les agneaux et les brebis, Joa., ïxi, 
15-17; prier de la manière que le divin Maître a 
enseignée. Matth., vi, 9-13; Luc, xi, 24. Dieu est le 
Père qu'il faut aimer par-dessus tout, mais on ne 
l'aime qu'autant qu'on obéit à ses commandements. 
Joa., xiv, 15, 21; I Joa., v, 2, 3; Rom., n, 13; Gai., vi, 
2. Des préceptes plus spéciaux sont adressés par Jésus- 
Christ à ceux qui parlent en son nom. Matth., x, 5-42; 
Marc, vi, 8-11; Luc, ix, 3-5; x, 1-10. Ses ministres 
ont surtout à continuer le sacrifice qu'il a offert la 



veille de sa mort, Luc, xxn, 19; I Cor., xi, 25, et à 
prêcher partout son évangile. Matth., xxvm, 19; Marc, 
xvi, 15. — 3° Aux préceptes, la loi évangélique ajoute 
des conseils, qui sont l'expression de ce que Dieu 
désire des âmes appelées à une plus grande perfection. 
Voir Conseils évangéliques, t. n, col. 922-924. 

IV. Esprit de la loi nouvelle. — Notre-Seigneur 
dit à la Samaritaine que le Père cherche des adorateurs 
en esprit et en vérité. Joa., rv, 23. Le service de Dieu, 
tel que le prescrit la loi évangélique, comporte des 
sentiments et des pratiques qui ont été plus ou moins 
complètement étrangers à la loi ancienne. — 1» Fidélité 
intérieure. — La loi ancienne multipliait les formalités 
extérieures; les Israélites avaient même fini par attacher 
à ces pratiques une importance exclusive. De là les 
plaintes du Seigneur : « Quand ce peuple s'approche de 
moi, il m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de 
moi. » Is., xxix, 13; Matth., xv, 8. Cf. Matth., vi, 7; 
Luc, xvn, 11-12. Le Sauveur ne veut pas qu'on pratique 
le bien pour être vu et loué par les hommes. C'est uni- 
quement pour le Père, qui voit dans le secret, que tout 
devoir doit être accompli, que ce soit celui de l'aumône, 
de la prière, du jeûne, etc. Matth., vi, 1, 3-6, 16-18. Les 
paroles mêmes de la prière ne servent de rien pour le 
salut, si l'on n'exécute pas loyalement et de tout cœur là 
volonté du Père. Matth., vu, 21; xii, 50; Marc, m, 35, 
Joa., ix, 31 ; Eph., v, 17; vi, 6; Col., iv, 12; I Joa.,n, 17. 
Or le Père n'est servi en esprit et en vérité que quand 
l'âme a des sentiments dignes de lui et en harmonie avec 
les actes extérieurs de religion. La pureté extérieure 
ne suffit donc pas; la pureté intérieure est essentielle 
dans la loi nouvelle. Matth., xv, 17-20; Marc, vii, 18-23; 
Matth., xxm, 25-28. Reprenant une parole d'Osée, vi, 6, 
Noire-Seigneur déclare que ce qu'il veut, c'est la misé- 
ricorde plutôt que le sacrificej Matth., ix, 13; xii, 7; 
Marc, xii, 33, c'est-à-dire la vertu sincère plutôt que la 
formalité religieuse purement extérieure. Du reste, c'est 
l'amour de Dieu qui constitue le fond essentiel de la vie 
nouvelle, et la pratique de la loi évangélique ne peut 
jamais exister sans cet amour. D'autre part, cet amour 
n'est véritable et sincère que s'il se manifeste extérieu- 
rement par l'observation des commandements. Joa., xiv, 
21, 24. Il suit de là que la loi évangélique commande 
une vie à la fois intérieure et extérieure : intérieure, 
parce qu'autrement on tombe dans un pur et inutile 
formalisme dont Dieu ne saurait être honoré, Matth-, vi, 
1-2 ; extérieure, parce que la loi nouvelle fonde une so- 
ciété spirituelle, mais visible, dont tous les membres 
doivent se soutenir par leurs bons exemples. Matth., v : 
15, 16. Marthe et Marie sont comme la personnification 
de cette double vie, chez l'une plus active, et chez l'autre 
plus contemplative et plus parfaite. Luc, x, 38-42. 

2° Aspiration aux biens spirituels. — 1. Dans la loi 
ancienne, la prospérité temporelle était promise à la 
fidélité envers Dieu. Lev., xxvi, 3-12; Deut., xi, 13-15. 
La loi nouvelle a un autre idéal : « Cherchez d'abord le 
royaume de Dieu et sa justice, et les autres choses vous 
seront ajoutées. «Matth., yi, 33; Luc,xm, 31. «Cherchez 
les choses d'en haut, là où le Christ est assis à la droite 
de Dieu ; aspirez aux choses d'en haut, non à celles de la 
terre. » Col., m, 1, 2. « Nos affaires publiques à nous, 
7](iûv To"nroX{Teu(jia, nostra conversalio, sont dans les 
cieux. » Phil., m, 20. « Nous n'avons pas ici-bas de cité 
permanente, mais nous cherchons celle qni est à venir. » 
Heb., xm, 14. Le chrétien doit donc regarder la vie prér 
sente comme un passage; il n'attachera aux choses de ce 
monde qu'un intérêt restreint; tous ses efforts iront à la 
conquête des deux grands biens proposés à ses désirs, ici- 
bas le royaume de Dieu et sa justice, c'est-à-dire la grâce 
divine et les vertus qu'elle aide à pratiquer, et plus tard 
le ciel. — 2. De là suit la nécessité du détachement plus 
ou moins effectif des biens d'ici-bas : des parents, 
Matth., x, 37; Luc, xiv, 26; des richesses, Matth., vi, 



351 



LOI NOUVELLE 



352 



24; Luc, xvi, 13; des honneurs, Matth., xvin, 4; 
Luc, xxii, 26; du repos, Matth., v, 10-12; Marc, x, 30; 
de la vie même. Matth., x, 28, 39; xvi, 25; Marc, vin, 
35. Ce détachement peut aller depuis la simple disposi- 
tion intérieure à sacrifier les biens temporels en vue du 
salut, ce que la loi évangélique impose à tous, jusqu'au 
renoncement réel à ces biens, ce qui fait l'objet du con- 
seil. — 3. La loi évangélique, en donnant la première 
place aux intérêts spirituels, ne condamne nullement la 
récherche et le soin des intérêts inférieurs. Les conseils 
du Sauveur sur la confiance en la Providence, qui donne 
la nourriture aux oiseaux et le vêtement aux plantes, 
Matth., vi, 25-34; Luc, xii, 22-31, ne tendent nullement 
à recommander l'insouciance et l'abstention du travail en 
vue des choses nécessaires à la vie. Le conseil peut 
aller jusque-là, pour le petit nombre de ceux qui sont 
appelés à une vie exceptionnellement parfaite. Mais nulle 
part Notre-Seigneur ne réprouve l'activité humaine. Il 
condamne au contraire très formellement celui qui a 
gardé son talent sans le faire valoir. Matth., xxv, 24-28 ; 
Luc, XIX, 20-24. Il emprunte ses paraboles à des formes 
très diverses de l'activité humaine, la culture, Matth . , xin, 
1-9; xx, 1-16, etc., la pêche, Matth. ,xiii, 47, 48, le labeur 
domestique, Matth., xm, 33; Luc, xv, 8, le commerce, 
Matth., xm, 45, 46, la banque. Luc, xix, 23, etc. Lui- 
même, après avoir travaillé comme les autres hommes, 
Marc, vi, 3, prend pour apôtres des travailleurs. 
Matth., iv, 18; ix, 9; Act., xvm, 3. C'est donc à tort que 
les païens reprochaient aux premiers chrétiens de se 
désintéresser totalement des intérêts de ce monde et 
ainsi de nuire à la prospérité de la société. Cf. Tertul- 
lien, Apologet., xm, t. î, col. 490-494. — 4. Enfin, la 
loi nouvelle ne préconise aucune forme spéciale de 
vie individuelle ou de vie sociale et politique. Elle se 
contente d'exiger l'obéissance à la volonté divine, dans 
les questions sur lesquelles cette volonté intervient, et, 
pour le reste, x prescrit seulement de faire tout en vue 
de la gloire de Dieu. I Cor., x, 31. 

3° Attitude patiente en face du mal. — 1. Notre- 
Seigneur établit sa loi pour que ses disciples la pra- 
tiquent au milieu du monde. Joa., xvii, 11, 15. Or, 
le monde obéit à l'influence du démon et il aime et 
fait le mal. I Joa., h, 16; v, 19. Il hait donc Jésus- 
Christ, qui condamne ses œuvres. Joa., vu, 7. Il haïra 
également ses disciples, parce qu'ils ne vivent pas de 
sa vie. Joa., xv, 18, 19. Il les persécutera. Joa., xv, 20; 
xvi, 33; Matth., v, 11, 12; xxm, 34; Luc, xxi, 12. Il ira 
même jusqu'à s'imaginer qu'il honore Dieu en les met- 
tant à mort. Joa., xvi, 2. — 2. Le divin Maître avertit 
ses disciples de ce qui les attend. Il les envoie comme 
des brebis au milieu des loups, en leur recommandant 
la prudence, la simplicité et la défiance. Luc, x, 16, 17. 
Il ne veut pas qu'ils craignent les persécuteurs, dont le 
pouvoir s'arrête à maltraiter le corps, mais ne saurait 
atteindre l'âme. Matth., x. 25, 26, 28, 31; Luc, xn, 5, 
7, 32. Il ordonne de prier pour eux. Matth., v, 44. Lui- 
même en donne l'exemple, Luc, xxm, 34, et cet exem- 
ple est suivi. Act., vu, 60; Rom., xn, 14, 21. Dans ces 
conditions, la persécution devient une béatitude, c'est-à- 
dire une source de bénédictions spirituelles. Matth., v, 
10-11; Luc, vi, 22; Jacob., i, 12; I Pet., m, 14; rv, 14. 
— 3. Ce n'est pas à dire que le disciple de Jésus-Christ 
soit abandonné à la haine des méchants comme une 
proie sans défense. Un cheveu de sa tête ne peut tomber 
sans la permission du Père. Matth., x, 30; Luc, xn, 7; 
xxi, 18; Act., xxvn, 34. Il y aura pour lui d'amples 
compensations dans l'autre vie, Luc, xvi, 25, et sa ré- 
compense sera infiniment supérieure à ses souffrances 
et à ses mérites. Matth., v, 12; x, 42; Marc, ix, 40; 
Luc, vi, 23, 35; Apoc, xxn, 12; Matth., xxv, 34-40. 
Ainsi, sans nuire en rien aux intérêts légitimes de la 
vie présente, la loi évangélique assigne à l'homme la 
vie future comme but de ses désirs et de son activité. 



V. Principes d'action de la loi nouvelle. — 1» La 
grâce. — 1. Le divin Maître enseigne que son disciple 
ne peut porter aucun fruit s'il ne lui est attaché comme 
la branche au cep de vigne, et il dit formellement : 
« Sans moi, vous ne pouvez rien taire. » Joa., xv, 1-27. 
« Celui qui n'amasse pas avec moi disperse. » Luc, xi, 

23. Nul ne peut même venir à lui si le Père ne l'attire. 
Joa., vi, 44. — 2. Au contraire, l'aide de Dieu met le 
disciple à même d'accomplir les prescriptions de la 
loi évangélique. « Nous avons tous reçu de sa plénitude 
et grâce sur grâce. » Joa., i, 16. « Comme le Père qui 
est vivant m'a envoyé et que je vis par le Père, ainsi 
celui qui me mange vivra par moi. » Joa., vi, 57. Inca- 
pables par nous-mêmes de concevoir le bien, tel que 
l'ordonne la loi nouvelle, « notre capacité nous vient de 
Dieu. » II Cor., m, 5; cf. Act., xiv, 25; Rom., m, 24; 
v, 15; I Cor., xv, 10; II Cor., xn, 9; Eph., rv, 7;ITim., i, 
14; Heb., xn, 15. — 3. De là vient que la loi nouvelle 
est appelée « la loi de grâce » ou simplement « la grâce », 
à cause de l'action indispensable de Jésus-Christ dans 
l'âme du disciple qui veut obéir à cette loi ou en suivre 
les conseils. Joa., i, 17; Act., xx, 24; Rom., vi, 14; 
Gai., i, 6; v, 4; Col., i, 6. On l'appelle aussi « la loi de 
Dieu », I Cor., xiv, 37; « la loi du Christ, » Gai., vi, 2; 
« la loi de la foi, » qui vient elle-même de Dieu, 
Rom., m, 27, 31; « la loi de l'esprit de vie en Jésus- 
Christ, » Rom., vin, 2; « le saint commandement, » 
II Pet., il, 21; « la loi parfaite, la loi de liberté, » Ja- 
cob., i, 25; il, 12, parce qu'elle n'est pas assujettie aux 
entraves de la loi mosaïque; « la loi royale, » Jacob., il, 
8, à cause du précepte de l'amour de Dieu et de l'amour 
du prochain qu'elle met à la tête de tous les autres. — 
4. Cette grâce essentielle à la loi nouvelle a été assurée 
à l'homme par les mérites de la rédemption. Aussi No- 
tre-Seigneur appelle-t-il le sang qu'il va verser sur la 
croix et qu'il donne à l'homme dans l'Eucharistie, « le 
sang de la nouvelle alliance, » xaivriç StaD^x»);, novi 
testamenti. Matth., xxvi, 28; Marc, xrv, 24; Luc, xxn, 
20; I Cor., xi, 25. C'est ce sang versé qui lui permet de 
satisfaire à la justice du Père, qui consacre le sanctuaire 
de la loi évangélique et communique à l'âme la force 
surnaturelle nécessaire à sa vie. Heb., ix, 12, 14, 15; 
x, 29. Par ce sang, qui satisfait à toutes les exigences 
de la justice et de la miséricorde, la loi nouvelle devient 
« l'alliance éternelle », qu'aucune autre ne remplacera. 
Heb., xm, 20. Enfin ce sang communique la grâce qui 
permet de vaincre le mal et de conquérir le ciel. 
Apoc, xn, 11; xxn, 14. 

2° La coopération de l'homme. — 1. Rien n'est plus 
îormel dans la loi nouvelle que les invitations de Notre- 
Seigneur à travailler pour correspondre à sa grâce. Il 
veut que l'âme chrétienne ne se contente pas d'écouter 
la parole de Bieu, mais qu'elle la mette en pratique,. 
Luc, XI, 28; qu'elle soit comme l'arbre qui porte de 
bons fruits, Matth., vu, 17-19; xm, 23; Marc, iv, 20; 
Luc, vin, 15; comme le serviteur toujours occupé à sa 
tâche et ne faisant ainsi que son devoir, Luc, xn, 43; 
xvm, 10 ; comme l'ouvrier qui travaille à la vigne T 
Matth., xx, 1-16; comme l'intendant qui fait valoir les 
dons reçus de son maître, Matth., xxv, 15-19; Luc, xix, 
13, 15-26 ; comme l'invité qui répond à l'appel qui lui a 
été adressé. Matth., xxn, 3-10; Luc, xiv, 17, 24. Les 
œuvres particulièrement recommandées sont celles de 
la pénitence, Marc, 1,15; Luc, xv, 18, 20; xxvi, 47, et 
de la charité. Matth., xxv, 34-45. Il faut porter sa croix. 
Matth., x, 38; xvi, 24; Marc, vin, 34; Luc, ix, 23; 
xiv, 27 ; Gai., n, 19. C'est en agissant ainsi qu'on s'amasse- 
des trésors dans le ciel. Matth., vi, 19. L'œuvre est 
difficile ; car la route et la porte qui conduisent à la vie 
sont étroites, il faut faire effort pour arriver et l'on 
n'arrive qu'avec peine. Matth., vn, 13, 14; Luc, xm, 

24. Mais avec la prière qui obtient la grâce, Matth., vu, 
7, 8; Luc., xi, 9, 10, et la vigilance qui tient en haleine,. 



353 



LOI NOUVELLE — LOMBROSO 



354 



Matth., xxiv, 42; Marc., xm, 35; Luc, xxi, 36, on réus- 
sit à se sauver, parce que rien n'est impossible à Dieu 
sous ce rapport, Matth., xrx, 26; Marc, x, 27; Luc, xvm, 
27; on. trouve même que le joug du Seigneur est doux 
et son fardeau léger. Matth., xi, 28-30; I Joa., v, 3. 
Avant de monter au ciel, le Sauveur donne à ses apôtres 
la mission de faire observer par les fidèles ce qu'il a 
commandé. Matth., xxvm, 20. — 2. Les Apôtres insis- 
tent sur cet enseignement de Notre-Seigneur. Faisant 
allusion à la sentence du divin Maître qui constate qu'il 
y a beaucoup d'appelés, xXtitoî, vocati, mais peu d'âmes 
d'élite, êxàexto!, électi, Matth., xx, 16; xxn, 14, saint 
Pierre recommande aux premiers chrétiens d'accomplir 
de bonnes œuvres, afin d'assurer leur appel, xX^u:;, 
vocatio, et leur élection, IxXoyïJ, electio, leur qualité 
d'âmes d'élite, d'élus. II Pet., i, 10. Saint Paul prescrit 
aux gentils qu'il convertit de faire de dignes œuvres de 
pénitence. Act., xxvi, 20. Il veut que les disciples du 
Sauveur abondent en toutes sortes de bonnes œuvres. 
II Cor., IX, 8; Col., i, 10; II Thess., n, 16; I Tim., Il, 10; 
v, 10; vi, 18; Tit., n, 7, 14; m, 1, 8; Heb., x, 24, etc. Il 
annonce qu'un jour ces bonnes œuvres passeront par 
l'épreuve du feu, et que celles-là seules qui n'en subiront 
pas l'atteinte mériteront la récompense. I Cor., m, 13-15. 
Saint Jacques, n, 14-26, enseigne très expressément que, 
sans les œuvres, la foi est morte et ne sert de rien. 
Voir Justification, t. m, col. 1878, 1879. Enfin saint 
Jean tient un langage analogue, I Joa., m, 18; Apoc., n, 
2, 5, 19; m, 1; il rappelle que les œuvres du chrétien 
le suivent au tribunal de Dieu, Apoc, xiv, 13, et que 
Dieu rendra à chacun selon ses œuvres. Apoc, n, 23; 
xxn, 12. — La loi nouvelle prescrit donc un genre par- 
ticulier de vie, qui se superpose à la vie ordinaire sans 
gêner celle-ci en ce qu'elle a de légitime, qui porte 
l'homme à se préoccuper surtout du ciel et à le mériter, 
et qui est comme une résultante de deux actions très 
différentes dans leur nature, mais concordantes dans 
leur effet, la grâce de Dieu et l'effort de l'homme. — Cf. 
S. Thomas, Sum. tkeol., I a II», q. cvi-cviii; Dôllinger, 
Le christianisme et l'Église, trad.Bayle, Tournai, 1863, 
p. 452-538; Curci, La nature et la grâce, trad. Dureau, 
Paris, 1867, 1. 1, p. 362-387; Capecelatro, Exposition de 
la doctrine catholique, trad., Paris, 1884, t. n, p. 300- 
321; De Broglie, Problèmes et conclusions de l'histoire 
des religions, Paris, 1885, p. 212-367. 

H. Lesêtre. 
LOIS (grec : Awtç), aïeule de Timothée, disciple de 
saint Paul. II Tim., i, 5. On ne peut guère douter qu'elle 
ne fût la mère d'Eunice (t. Il, col. 2043), mère elle-même 
de Timothée, parce que le mari de cette dernière était 
gentil et que l'éloge que saint Paul fait de Lois suppose 
qu'elle était Juive. Il est probable qu'elle habitait Lystre, 
patrie de Timothée, et c'est sans doute d'elle, en même 
temps que de sa mère Eunice, que le disciple de saint 
Paul acquit la connaissance des Saintes Ecritures. 
II Tim., m, 15. L'éloge que l'Apôtre fait de sa foi sem- 
ble indiquer qu'elle était chrétienne. Il l'avait peut-être 
convertie lui-même dans son premier ou dans son se- 
cond voyage à Lystre. Tillemont, Mémoires pour servir 
à l'histoire ecclésiastique, 2 e édit., 1701, t. n, p. 142. 

LOMB Conrad, théologien allemand, né à Fulda, 
mort le 26 juin 1862. Chanoine et professeur de théolo- 
gie, il a publié : Commentarius in D. Pauli Apostoli 
Epistolam ad Hebrxos, in-8°, Ratisbonne, 1843; Bi- 
blische Hermeneutik nach den Grundsâtzen der katho- 
lisclien Kirche dargestellt, in-8», Fulda, 1847. — Voir 
Hurter, Nomenclator literarius, t. ni, col. 1024. 

B. Heubtebize. 

LOMBRIC, ou ver de terre, lumbricus, annélide au 
corps arrondi, allongé, nu, pouvant se contracter, com- 
posé , d'anneaux d'où sort une humeur muqueuse, qui 
facilite le glissement et empêche le dessèchement de 

DICT. DE. LA BIBLE. 



l'animal (fig. 110). Les lombrics, qui servent de proie â 
quantité de petits quadrupèdes, d'oiseaux, de mollus- 
ques, etc., se creusent des trous dans la terre pour y 
chercher leur nourriture et s'y abriter. Ils fréquentent 
de préférence les sols un peu humides. Parfois, ils se 
contentent de s'enfoncer dans la terre en la comprimanl 
au passage de leur corps. Le plus souvent, ils avalent la 
terre elle-même, en absorbent les éléments nutritifs, 
œufs, larves, spores, etc., et remontent à la surface 
pour y déposer leurs petits tas bien connus de traînées 
visqueuses. Leur trou fait, ils y entraînent, d'une façon 
très ingénieuse, des feuilles n'ont ils se nourrissent sans 
cesser toutefois d'absorber de la terre et de s'en débar- 




110. — Lombric. 

rasser au dehors. Grâce à ce travail continuel, ils 
ameublissent le sol, en ramènent périodiquement au 
grand air les parties plus profondes, recouvrent peu à 
peu les pierres et les menus débris qui gisent à sa Sur- 
face et font arriver jusqu'aux racines des plantes les 
détritus végétaux dont elles profiteront. Ils peuvent 
ainsi contribuer puissamment à rendre riche en humus 
un sol médiocre. Un lombric ne ramène guère à la sur- 
face qu'un demi-gramme de terre par jour; mais, dans 
un sol qui comple une douzaine de lombrics par mètre 
carré, on calcule, par hectare, 60 kilogrammes de 
terre ramenée chaque jour à la surface, et près de 
22 tonnes chaque année. Cf. Darwin, The formation of 
vegetable Mould through the action ofWorms, Londres, 
1881 ; Revue des questions scientifiques, Bruxelles, jan- 
vier 1883, p. 340-342. Les lombrics se trouvent dans 
tous les pays; on en compte plusieurs espèces en 
Palestine. Les services qu'ils rendent ont été ignorés 
des anciens, et l'on a toujours vu dans ces animaux le 
symbole de ce qui est petit, faible ou méprisable. C'est 
à ce point de vue que la Sainte Écriture y lait allusion. 
Elle n'a pas de nom particulier pour les lombrics ; elle 
leur donne ceux qui se rapportent aux vers en général. 
Pour représenter sa petitesse devant Dieu, Baldad com- 
pare l'homme au rimmâh, vcncpix (pourriture), putredo, 
et le fils de l'homme au tôl'dh, oxk>X?)Ç (ver de terre, 
Iliad., xm, 654); vermis. Job, xxv, 6. Les deux mots 
hébreux sont les noms du ver. Au Psaume xxn (xxi), 
7, le Messie souffrant dit de lui-même : « Je suis un 
ver, tôlâ', crxûXr)?, vermis, non un homme, l'opprobre 
des hommes, le méprisé du peuple. » Il est en effet 
dépouillé, faible, foulé aux pieds par ses ennemis, 
comme le lombric qui rampe lentement sur le passage 
du voyageur. Isaïe, xli, 14, dit à son peuple, en luipro-' 
mettant sa restauration : « Ne crains rien, vermisseau, 
tôla'at, oxtiÀrjÇ, vermis, de Jacob. » Le peuple d'Israël, 
foulé aux pieds des nations, n'est plus qu'un ver faible 
et méprisé, au secours duquel Dieu promet de venir. 
— Les vers dont il est question dans d'autres passages, 
I Mach., Il, 62, etc., ne sont pas des lombrics. 

H. Lesêtre. 
LOMBROSO Jacob, médecin espagnol juif, vécut 
dans la première moitié du xvn» siècle. Il était versé 
dans la connaissance de l'hébreu, et publia quelques 
ouvrages, parmi lesquels une Biblia hebraica cum 
commentario, in-4°, Venise, 1639. Cette Bible et son 
commentaire sont justement estimés des Juifs d'Es- 
pagne et du Levant, tant à cause de l'interprétation des 
textes que des notes grammaticales. Il est à remarquer 

IV. - 12 



355 



LOMBROSO — LONGÉVITÉ 



356 



que ce commentaire, bien qu'en langue espagnole, est 
écrit en caractères hébreux. A. Régnier. 

LONGÉVITÉ, longueur de vie extraordinaire attri 
buée à certains hommes, surtout aux plus anciens 
patriarches. 

I. Patriarches antédiluviens. — 1° Les patriarches 
antédiluviens sont au nombre de dix, comme les dix 
premiers rois chaldéens mentionnés par Bérose, dans 
Eusèbe, Chron. arm., i, 1, t. XIX, col. 107-108. La Genèse, 
v, 3-31, attribue aux premiers une vie de 365 à 950 ans 
d'après le samaritain, de 365 à 969 d'après l'hébreu et 
d'après les Septante. Bérose note non pas la durée de 
la vie, mais la durée du règne des dix rois chaldéens. 
Il la compte par sares. Le sare a une valeur astrono- 
mique équivalant à 3600 ans, et une valeur civile qui est 
seulement de 18 ans et demi. Cf. Historié, grœcor. frag- 
menta, t. xix, col. 113-114, 121j J Suidas, Lexicon, édit. 
Kuster, t. m, p. 289. Avec la première estimation, on a 
des règnes qui durent de 10800 à 64800 ans; avec la 
seconde, ils se réduisent de 55 ans et demi à 148. La 
Genèse n'indique pas seulement le nombre d'années 
qu'a vécu chaque patriarche; elle note aussi à quel âge 
il a mis au monde le fils destiné à continuer la race. Le 
tableau suivant résume les données fournies par la Bible 
et par Bérose au sujet des dix personnages en question : 



Mochus, Hestiée et Jérôme l'Égyptien pour la Phénicie, 
et en outre Hésiode, Hécatée, Hellanicus, Acusilaùs, 
Éphorus, et Nicolas. Il ajoute : « Que chacun, sur ce 
sujet, pense ce qu'il jugera bon. » Lucien de Samosate 
a consigné les anciennes traditions sur la longévité des 
premiers hommes dans son livre intitulé Maxp66tot. 

3° La vie des dix patriarches antédiluviens est résumée 
sous une formule à peu près uniforme : « Jared vécut 
162 ans et engendra Hénoch. Jared, après avoir engendré 
Hénoch, vécut 800 ans et engendra des fils et des filles, 
Tous les jours de Jared furent de 962 ans et il mourut. » 
Gen., V, 18-20. La biographie de chaque patriarche tient 
dans un cadre semblable : le nombre des années seul 
diffère. Le texte sacré paraît très clair et très affirmatif 
sur l'âge qu'avait le patriarche quand il engendra son 
principal héritier, sur le nombre d'années qu'il vécut 
ensuite et sur la totalité de son âge. La longévité de ces 
premiers hommes a été expliquée par la vigueur extra- 
ordinaire de leur tempérament, en ce premier âge de 
l'humanité, et par l'utilité qu'il y avait, d'une part, à 
favoriser la prompte multiplication du genre humain, 
et de l'autre, à maintenir les traditions fondamentales 
de ia religion primitive en laissant très longtemps les 
ancêtres en contact avec leurs descendants. Cf. De 
Hummelauer, In Gènes., Paris, 1895, p. 206-207; 
W. J. Thomas, Hwman longevity , its facls and its 



PATRIARCHES 


DURÉE 

DE LA VU 




AGE A LA NAISSANCE 

DU DESCENDANT PRINCIPAL. 




j 


5- 
a 


KO IS 










"^^ 




■■■ 


o; 




y. 


CHALDÉENS 


de la 

GENÈSE. 


ébreu 

et 

jlgate. 


Ï 

6 

es 

en 


fi. 


•ë -s j? 


'S 


1 


ai 




ci 


de 
Bérose. 




as p. 


Cfi 


a > 


si 
«ï 


Se 




ANS 

185 


ÎES. 

36000 






930 


930 


930 


130 


130 


230 


10 


Alorus. 




912 


912 


912 


105 


105 


205 


3 


551/2 


10800 


Alaparus. 




905 


905 


905 


90 


90 


190 


13 


2401/2 


46 800 


Almelon. 




910 


910 


910 


70 


70 


170 


12 


222 


43200 


Ammenon. 




805 


895 


895 


65 


65 


165 


18 


333 


64800 


Amegalarus. 


Jared 


962 


847 


962 


162 


62 


162 


10 


185 


36000 


Daonus. 


Hénoch 


365 


365 


365 


65 


65 


165 


18 


333 


64 800 


Edoranchus. 


Mathusalem . . - . 


969 


720 


969 


187 


67 


. 187 


10 


185 


36000' 


Ameiopsinus. 




777 


653 


777 


182 


53 


182 


8 


148 


28 800 


Otiartes. 




950 


950 


950 


500 


500 


500 


18 


333 


64 800 


Xisuthrus. 


8575 


8087 


8575 


1656 


1302 


2242 


120 


2220 


432000 



Il faut remarquer que le total dès années du règne 
des rois chaldéens, calculées en sares civils, a parfois 
quelque ressemblance avec celui des années que les 
Septante assignent à chaque patriarche, à la naissance 
du principal fils. Cf. Vigouroux, La Bible et les décou- 
vertes modernes, 6 e édit., t. ï, p. 293-296; Brunengo, 
L'Impei'o di Babylonia e di Ninive, Prato, 1886, t. ï, 
p. 115, 120; t. h, p. 523. 

2° La tradition des dix patriarches antérieurs au 
déluge, ou du moins pères primitifs de l'humanité, se 
retrouve dans le Phénicien Sanchoniaton, cl. Eusèbe, 
Prœp. evang., ï, 10, t. xxi, col. 76-77; chez les Iraniens, 
avec leurs dix monarques <i hommes de l'ancienne loi »; 
chez les Hindous, avec leurs dix Pîtris ou pères, com- 
posés de Brahma et des neuf Brahmadikas; chez les 
Germains et les Scandinaves, avec les dix ancêtres 
d'Odin; chez les Chinois, avec les dix premiers empe- 
reurs qui participent à la nature divine ; chez les Arabes, 
avec les dix rois primitifs des Adites, etc. Or, à ces 
anciens personnages, la tradition attribue toujours une 
longévité extraordinaire. Josèphe, Ar.t. jud., I, m, 9, 
cite les auteurs qui leur assignent mille ans de vie : 
Manéthon pour l'Egypte, Bérose pour la Chaldée (dont 
Josèphe prend ainsi les sares avec leur valeur civile), 



fictions, Londres, 1879; Pelt, Hist. de l'Ancien Testa- 
ment, Paris, 1897, t. ï, p. 63-65 ; Schervier, Ueber den 
hohe Lebensdauer der Urvàter, Aix-la-Chapelle, 1857;, 
Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888, p. 43. 

4° La longueur de vie attribuée aux patriarches anté- 
diluviens n'a pas laissé de causer de l'étonnement à. 
certains lecteurs de la Genèse. Saint Augustin, De civi- 
tate Dei, xv, 12, 14, t. xli, col. 451-457, parle de ceux 
qui, pour rendre plus croyable le récit biblique, faisaient 
les années patriarcales dix fois moins longues que les 
nôtres. Ils s'appuyaient surtout sur un passage de Pline,, 
H. N., vu, 49, qui, parlant d'hommes autrefois arrivés; 
à l'âge de 152, 300, 600 et même 800 ans, dit que cette 
longévité prétendue doit s'expliquer par l'ignorance des. 
temps, et que chez certains peuples l'année se composait 
d'une saison et même de trois mois. En divisant par dix 
le nombre des années de chaque patriarche au moment 
où il engendra, on obtiendrait encore des chiffres sor- 
tables, mais seulement d'après les Septante : les plus, 
jeunes auraient engendré à 16 ans, les autres de 17 à 
23 ans, Noé à 50 ans; Hénoch serait disparu à 36 ans, 
et les antres seraient morts de 77 à 97 ans. Le résultat 
serait au contraire inacceptable avec les chiffres de. 
l'hébreu et du samaritain : plusieurs patriarches 



357 



LONGEVITE 



358 



auraient dû engendrer dès l'âge de 6 ans, Lamech même 
à 5 ans. Saint Augustin montre avec raison que les 
années patriarcales ne différaient pas des années ordi- 
naires, puisque, dans le récit du déluge, il est question 
de second, de septième, de dixième mois, et, plus de 
54 jours après ce dixième mois, d'un premier jour du 
premier mois. Gen., vu, 11; vin, 4-13. Pour expliquer 
l'âge déjà avancé des patriarches un moment où naît le 
fils qui doit leur succéder, le saint docteur remarque 
avec raison que ce fils n'est pas nécessairement le 
premier-né, comme le prouve l'exemple de Seth occu- 
pant la première place après Adam, bien qu'ayant eu 
certainement pour aînés Caïn et Abel. 

5° On a cherché à résoudre autrement la difficulté que 
l'on croit voir dans la longévité des patriarches. Les 
noms des patriarches ne seraient que des noms de peu- 
ples issus les uns des autres, et la longueur de leur vie 
ne représenterait qu'une période de la vie de chaque 
peuple. La disposition du texte se prête fort peu à cette 
explication. Un peuple n'engendre pas un autre peuple 
à date fixe, et ensuite ne meurt pas régulièrement après 
avoir engendré aussi d'autres peuples. Pour éviter cet 
inconvénient, on dit que la plupart des chiffres mar- 
quant les années sont des additions postérieures au texte 
primitif. Cf. Ch. Bunsen, Aegyptens Stelle in der Welt- 
geschichte, Gotha, 1856-1857, t. iv, p. 443; t. v, part. 2, 
p. 72. On n'aurait écrit d'abord que l'âge du patriarche; 
les autre? chiffres marqueraient des cycles durant les- 
quels la race du patriarche a survécu à l'état distinct. 
Cf. Chevallier, L'année religieuse dans la famille d'A- 
braham on chronologie antique retrouvée dans la 
Bible, Paris, 1873. Bien que cette manière d'interpréter 
le texte offre une solution commode, elle ne parait guère 
conforme à la pensée de l'écrivain, qui parle comme on 
le fait quand il s'agit d'hommes, et non de peuples ou 
de périodes. Cf. de Broglie, Les généalogies bibliques, 
dans le Congrès scient, internat, des catholiques, Paris, 
1889, t. i, p. 105, 106. 

6° Pour justifier l'interprétation cyclique donnée aux 
chiffres de la généalogie patriarcale, on a encore ima- 
giné une corrélation entre le total des années attribuées 
aux dix patriarches et les 432000 ans des rois chaldéens. 
On suppose que le sare de la Genèse, évalué d'après un 
système duodécimal, valait 72 ans, soit 12 ans multipliés 
par 6, le nombre des jours de travail de la semaine. Le 
sare astronomique chaldéen aurait au contraire été cal- 
culé d'après le système décimal, et comprendrait 
60 sosses ou minutes de 60 ans ou secondes cosmiques, 
soit 3 600 ans. Moïse et Bérose donnent chacun 120 sares 
à la durée de la période antédiluvienne; seulement les 
sares de Moïse ne sont que la cinquantième partie des 
sares de Bérose. Or le cinquantième de 432000 ans 
donne 8640 ans, soit à peu près le total des années 
patriarcales d'après l'hébreu et les Septante. Cette res- 
semblance serait l'indice d'une tradition cyclique com- 
mune à Moïse et à Bérose, ressemblance d'autant plus 
frappante qu'elle se retrouve entre le total d'années des 
sares civils de Bérose et celui des années que les Sep- 
tante attribuent aux dix patriarches avant la naissance 
de leur héritier. Cf. Bourdais, Pat)*iarches {Chronologie 
des), dans le Dictionnaire apologétique de Jaugey , Paris, 
1889, p. 2360-2363; O. Zockler^ Die Lehre vom Urstand 
des Menschen, Gûtersloh, 1879, p. 244; Fr. Lenormant, 
Les origines de l'histoire, Paris, 1880, t. i, p. 214. 

6° L'examen attentif de la table généalogique des pa- 
triarches antédiluviens autorise à ne pas l'interpréter 
avec une littéralité absolue. Tout d'abord, la plupart des 
noms des patriarches sont des noms hébreux. Ils ne re- 
présentent donc pas les noms primitifs. Peut-être ne sont- 
ils qu'une traduction approximative des noms véritables, 
auxquels on aura tenu, comme il est d'usage en Orient, 
à donner un sens intelligible dans la langue parlée par 
ceux qui recueillaient l'antique tradition. Cf. Lagrange, 



La méthode historique surtout à propos de l'A. T., Paris, 
1903, p. 188-193. Ensuite, il ne paraît guère possible de 
soutenir la continuité des généalogies bibliques. Elles 
renferment très certainement des lacunes, et ces la- 
cunes sont probablement très considérables dans la 
série antédiluvienne. Cf. Chronologie biblique, t. H, 
col. 723, 724; Généalogie, t. m, col. 165, 166. Le 
nombre de dix patriarches a été choisi, d'après le nom- 
bre des doigts, pour aider la mémoire, et le narrateur 
primitif s'est préoccupé beaucoup plus de fixer la des- 
cendance que d'établir une chronologie exacte. « Il faut 
reconnaître qu'il y a eu, depuis une très haute antiquité, 
une erreur d'interprétation que toute la tradition des 
exégètes a suivie, d'après laquelle on a supposé d'une 
part la continuité des généalogies, et d'autre part l'in- 
tention, chez l'auteur sacré, de fournir les éléments 
d'une chronologie générale. La discontinuité est démon- 
trée par les nombreux exemples de sauts par-dessus 
plusieurs générations avec l'emploi des termes servant 
dans notre langue à désigner les relations d'un père 
avec son fils. L'emploi large des termes hôlid, yâlad, 
« il engendra, » ou benê, « fils, » même avec la mention 
de chiffre d'années, parait constituer le style technique 
des généalogies, style sur le sens duquel les interprètes 
se sont trompés. Quant à l'intention de faire une chro- 
nologie générale, elle ne doit pas être présumée, les 
procédés employés pour cela n'étant pas aptes à ce but... 
Observons que cet abandon de la chronologie antérieure 
à Abraham ne touche en rien ni au caractère historique 
de la Bible en général, ni à l'exactitude de la chronolo- 
gie postérieure : ce sont des questions toutes diffé- 
rentes. » De Broglie, Les généalogies bibliques, 1889, 
p. 111. S'il ne fa ut entendre d'une manière rigoureusement 
littérale ni les noms attribués aux dix patriarches, ni la 
descendance immédiate des uns par rapport aux autres; 
s'il faut voir dans les dix personnages mentionnés des 
repères destinés à jalonner la route et non à la mesurer, 
il s'en suit que le nombre des années assigné à chacun 
peut être pris également dans un sens très large. Il y a 
évidemment une tradition commune aux anciens peuples 
sur la longévité de leurs premiers ancêtres, et cette 
tradition se présente sous une forme particulièrement 
concordante chez les Hébreux et chez les Chaldéens. Mais 
il ne semble pas qu'elle permette de conclure au delà 
d'une longévité des premiers hommes, dépassant nota- 
blement celle de leurs descendants. Les chiffres, proba- 
blement établis à l'origine d'après une conception dont 
nous n'avons pas le secret, n'ont sans doute pas été con- 
servés plus exactement par la tradition orale qu'ils ne 
l'ont été ensuite par les textes écrits. Ils n'auraient donc 
qu'une valeur très relative au point de vue historique et 
biographique. Saint Augustin, De peccato origin., 23, 
t. xliv, col. 398, dit au sujet des patriarches antédilu- 
viens : « Pourquoi les anciens hommes ont-ils vécu 
aussi longtemps que l'atteste l'Écriture? Pourquoi n'ont- 
ils commencé à avoir des fils que très tard, relativement 
à leur vie plus longue? Comment a pu vivre Mathusa- 
lem, qui n'était pas dans l'arche, et qui, d'après la plu- 
part des textes grecs et latins, doit avoir survécu au dé- 
luge?... Qui ne comprend que dans ces questions et une 
foule d'autres semblables, qui se rapportent soit aux 
œuvres les plus mystérieuses de Dieu, soit aux secrets 
les plus profonds des Écritures, on peut ignorer beau- 
coup de choses sans risque pour la foi chrétienne, et 
même parfois se tromper sans avoir à être accusé d'hé- 
résie. » On ne peut donc que constater la longévité des 
premiers patriarches, mais il faut renoncer à la mesu- 
rer. Sa durée extraordinaire se justifierait, si elle est à 
prendre à la lettre, soit par miracle, soit plutôt par des 
conditions de vie humaine beaucoup plus favorables que 
celles qui ont prévalu depuis. 

II. Patriarches postdiluyiems. — 1° Comme les précé- 
dents, ils se présentent au nombre de dix, en y compre- 



359 



LONGÉVITÉ 



360 



nant Caînan, mentionné seulement par les Septante. 
Voir Caînan, t. h, col. 41. Voici les noms et l'âge de ces 
patriarches : 



des 34091 ans de la dynastie, légendaire, il ne reste que 
1909 ans pour les règnes suivants. Ici encore, Bérose a 
établi sa chronologie d'après un cycle astronomique. 





AGE A LA NAISSANCE 


ANNÉES DE VIE 


AGE TOTAL. 


APRÈS LE DÉLUGE. 


des 

PATRIARCHES. 


DU DESCENDAIT PRINCIPAL. 


APRÈS CETTE NAISSANCE. 




3 

'3 
a 

a 


a 


3 

X 




3 
» 

■s 
■«> 

X 


s 
*3 

(S 

I 


a 

"c. 


3 

a 


- d 

S 
s 
1 


1 

a. 


3 
V 

S 


ê 

a 
S 
a 


i 

a 
.3 
a. 




100 


îoo 


100 


500 


500 


500 


600 


600 


600 


500 


500 


500 


Arphaxad ... 


35 


135 


135 


403 


303 


400 


438 


438 


535 


438 


438 


535 




» 


» 


130 


» 


» 


330 


B 


» . 


460 


» 


» 


595 




30 


130 


130 


403 


303 


330 


433 


433 


460 


468 


568 


725 




34 


134 


134 


430 


270 


270 


464 


404 


404 


529 


669 


799 




30 


130 


130 


209 


109 


209 


239 


239 


339 


338 


638 


868 




32 


132 


132 


207 


107 


207 


239 


239 


339 


368 


768 


998 




30 


130 


130 


200 


100 


200 


230 


230 


330 


391 


891 


1121 




29 


79 


179 


119 


69 


129 


148 


148 


308 


339 


939 


1229 




70 


70 


70 


135 


65 


135 


205 


145 


205 


425 


1015 


1305 



Ce tableau présente une diversité de chiffres plus 
grande encore que le précédent. L'âge atteint par les 
patriarches va en décroissant assez brusquement d'une 
centaine 'd'années, d'après les Septante, entre Sem et 
Arphaxad, entre Héber et Phaleg, entre Nachor et 
Tharé. Les Septante attribuent à quatre patriarches une 
centaine d'années de plus que les autres textes; l'écart 
va jusqu'à cent soixante ans pour Nachor. L'âge des 
patriarches à la naissance de leur héritier principal, 
qui d'ailleurs n'est pas nécessairement leur .fils aîné, 
est encore assez avancé, sauf d'après le texte hébreu. — 
2° On reconnaît généralement que cette chronologie est 
incertaine, et que le temps qui se serait écoulé entre le 
déluge et Abraham, fils de Tharé, serait beaucoup trop 
court pour s'accorder avec les données positives de l'his- 
toire des anciens peuples. Voir Chronologie biblique, 
t. h, col. 725-727. Il y a donc là encore discontinuité 
dans les généalogies, sauf entre Noé et Sem, Tharé et 
Abraham, dont les relations de père à fils sont affirmées 
par des détails historiques dont il serait difficile de ne 
pas tenir compte. Les 1305 ans que les Septante comp- 
tent entre le déluge et la naissance d'Abraham seraient 
acceptables dans l'hypothèse d'un déluge partiel, qui 
n'aurait atteint ni les Égyptiens, antérieurs à Abraham 
de trente ou quarante siècles, ni plusieurs autres anciens 
peuples. Cf. Ch. Robert, La chronologie biblique, dans 
la Revue biblique, Paris, 1894, p. 609-612. Mais si, en 
s'en tenant aux données fournies par les Septante, on 
fait vivre Sem 1305 ans avant Abraham, et par consé- 
quent 3450 ans seulement ayant Jésus-Christ, on se heurle 
à une grave difficulté tirée de la longévité de ce patriar- 
che et de ses descendants. Cet âge de 600 à 200 ans 
qu'ils atteignent ne devait évidemment pas leur être 
particulier. Dans le xxxiv siècle avant Jésus-Christ, on 
devrait retrouver trace en Egypte ou en Chaldée de vies 
aussi prolongées. Or on n'en voit aucune. Dans les dy- 
nasties chaldéennes postérieures au déluge qu'énumère 
Bérose, il y en a d'abord une comprenant 86 rois ayant 
régné 34091 ans, soit une moyenne d'environ 409 ans 
pour chacun. Mais immédiatement après cette première 
dynastie légendaire, la seconde dynastie n'a que 8 rois 
ayant régné 224 ans, soit 23 ans par règne; la troisième 
en a 11 ayant régné 248 ans, soit 22 ans et demi par 
règne; la quatrième en a 49 ayant régné 458 ans, soit 
moins de dix ans par règne, etc. La somme de tous ces 
règnes, allant du déluge à la conquête perse, atteint un 
total de 36000 années, soit la douzième partie des 
432000 ans attribués aux rois antédiluviens. En dehors 



Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient 
classique, Paris, t. I, 1895, p. 591-592. Les princes des 
premières dynasties chaldéennes n'avaient donc pas une 
longévité extraordinaire. L'examen des dynasties égyp- 
tiennes conduit à une conclusion analogue. D'après les 
listes de Manéthon; le plus long règne est de 62 ans 
dans la première dynastie, de 48 dans la seconde, de 42 
dans la troisième, de 66 dans la quatrième, de 44 dans 
la cinquième, et de 100 dans la sixième. D'après les 
listes monumentales, le plus long règne est de 83 ans 
dans la première dynastie, de 95 dans la seconde, de 38 
dans la troisième, de. 24. dans la quatrième, de 30 dans 
la cinquième et de 90 dans la sixième. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, t. I, p. 786, 787. Or ces dynasties 
remontent à 4800 ans environ avant Jésus-Christ, et la 
durée des règnes ne suppose nullement une longévité 
comparable à celle qui est attribuée à la plupart des pa- 
triarches postdiluviens. Il reste donc à conclure que la 
seconde liste généalogique a pour but, comme la pre- 
mière, de déterminer la descendance beaucoup plus 
que de mesurer le temps. Dans l'hypothèse du déluge 
restreint, la longévité attribuée à chaque patriarehe 
dépasse trop notablement celle des autres hommes de 
cette époque. Dans l'hypothèse du déluge universel, 
le temps laissé entre le déluge et Abraham est beaucoup 
trop court pour satisfaire aux exigences de l'histoire. 
Dans les deux cas, les chiffres indiqués n'ont qu'une 
valeur relative et représentent une conception chronolo- 
gique dont le secret nous échappé. 

III. Autres cas de longévité. — 1» En annonçant le 
châtiment du déluge, Dieu dit que les jours de l'homme 
seront de 120 ans. Gen., VI, 3. Ces mots ne signifient 
pas, comme l'ont cru Josèphe, Ant. jud., I, m, 2; Lac- 
tance, Divin. Instit., il, 13, t. VI, col. 325, etc., que dé- 
sormais les hommes ne vivront plus que cent vingt ans, 
ce que la suite de la Genèse dément aussitôt, mais que 
le genre humain ne sera plus laissé sur la terre ,que 
durant cet espace de temps. Cf. S. Jérôme, Quœst. in 
Gen., vi, 3, t. xxm, col. 948. Il n'y a donc pas là une 
limitation de la vie individuelle. — 2° Voici l'âge atteint 
par un certain nombre de personnages bibliques qui 
ont dépassé les limites ordinaires : Sara, 127 ans, 
Gën., xxm, 1 ; Abraham, 175 ans, Gen., xxv, 7; Ismaël, 
137 ans, Gen., xxv, 17; Isaac, 180 ans, Gen., xxxv, 28; 
Jacob, 147 ans, Gen., xlvii, 28; Joseph, 110 ans, Gen., L, 
25; Lévi, 137 ans, Exod., vi, 16; Caath, 133 ans, Exod., vi, 
18; Amram, 137 ans, Exod., vi, 20; Aaron, 123 ans, 
Num., xxxui, 39; Moïse, 120 ans, Deut, xxsiv, 7; 



361 



LONGEVITE — LORIN 



362 



Josué, 110 ans, Jos., xxiv, -29; Héli, 98 ans, I Reg., îv, 
15; Joïada, 130 ans, II Par., xxiv, 15; Tobie, 99 ans, 
Tob., Xiv, 16; Judith, 105 ans, Judith, xvi, 28. Jacob, qui 
avait 130 ans quand le pharaon d'Egypte l'interrogea, ne 
se trouvait pas extraordinairement âgé, puisqu'il répon- 
dait : « Les jours des années de ma vie ont été peu 
nombreux et mauvais ; ils n'ont pas atteint les jours des 
années de la vie de mes pères. » Gen., xlvii, 9. Abraham 
et Isaac avaient en effet notablement dépassé cet âge. 
Après ses épreuves, Job, qui avait eu déjà sept fils et 
trois filles, vécut encore 140 ans. Job, i, 2; xlii, 16. — 
3° Les Hébreux regardaient la longévité comme un 
bienfait de Dieu, Ps. xxi (xx), 5; xci (xc), 16, et comme 
la récompense de la vertu. Prov., m, 2; Eccli., i, 12; 
xxm, 38. Aussi Baruch, m, 14, dit-il aux Israélites : 
« Apprends où est la prudence, la iorce, la sagesse, et 
tu sauras par là-même ouest la longévité, » [tocxpoëiWii:, 
longiturnitas vitse. Gabélus souhaitait au jeune Tobie et 
à son épouse de voir les entants de leurs enfants jus- 
qu'à la troisième et la quatrième génération. Tob., IX, 11. 
Ce vœu s'accomplit, car Tobie le jeune vécut 99 ans et 
vit la cinquième génération de ses enfants. Tob., xiv, 15. 
— 4° Les longues vies des patriarches postdiluviens, au 
moins depuis Phaleg, ne sont pas des phénomènes abso- 
lument exceptionnels, échappant aux lois de la nature. 
Si l'auteur du Psaume xc (lxxxix), 10, dit que le nom- 
bre des années de l'homme va jusqu'à 70, et pour les 
plus robustes à 80, c'est qu'il ne parle que des cas ordi- 
naires. L'Ecclésiastique, xvm, 8, porte à 100 ans le 
terme de la vie humaine. Hérodote, m, 22-23, raconte 
que quand les envoyés de Cambyse, roi des Perses, 
arrivèrent chez le roi d'Ethiopie, celui-ci leur demanda 
la durée de la vie humaine chez les Perses. Ils répon- 
dirent qu'elle était au plus de 80 ans, sur quoi l'Éthio- 
pien leur réplique que, grâce à leur genre de vie, la 
plupart de ses sujets atteignaient 120 ans et que quel- 
ques-uns même dépassaient cet âge. On a remarqué que, 
chez les mammifères, l'âge normal égale à peu près cinq 
fois le temps de la croissance. Or l'homme n'atteint son 
plein accroissement qu'à vingt ans ou plus. Il doit donc 
normalement vivre une centaine d'années. Il atteindrait 
cet âge si mille causes, dont il est la plupart du temps 
responsable, n'abrégeaient sa vie. On constate également 
un certain nombre de cas dans lesquels la vie normale 
peut se prolonger dans une vie extra-normale d'égale 
durée. Des exemples de vies très longues ont été authen- 
tiquement constatés dans les temps modernes. En An- 
gleterre, on cite le paysan Effingham, mort à 144 ans, 
un autre paysan, Thomas Parre, mort à 152 ans sous 
Charles I er et inhumé à Westminster, le pêcheur 
Henri Jenkins, mort à 169 ans. Le vétéran allemand, 
Miltelstedt, mourut à 112 ans en 1792. En Norvège, le 
marin Draakenberg atteignitl46anset Joseph Surrington 
alla jusqu'à 160 ans, en laissant un fils de 103 ans. En 
1750, le Hongrois Bowin mourut à 172 ans, en laissant 
une veuve de 164 ans et un fils de 115 ans. En Hongrie, 
Pierre Czortan mourut à Témœsvar, âgé de 195 ans, 
laissant derrière lui un fils de 155 ans. Un Livonien, qui 
avait assisté à la bataille de Poltava, en 1709, mourut à 
l'âge de 168 ans. Un vétéran russe s'éteignit en 1825, à 
l'âge bien constaté, dit-on, de 202 ans. En 1838, Marie 
Priou mourut à 158 ans dans la Haute-Garonne. Le 
peintre baron de Waldeck, qui exposait encore en 1870, 
mourut cinq ans après, à l'âge de 111 ans.- En 1878 est 
mort, au Venezuela, Burgos, âgé de 119 ans. En 1893, à 
Zsombolyi, dans le comitat de Torontal, en Hongrie, 
deux vieillards ont célébré le centenaire de leur ma- 
riage. En 1894, il y avait a Bogota un cultivateur âgé de 
180 ans. En 1898, on voyait encore à Buenos-Ayres un 
nègre, Bruno Cotrin, de 150 ans, en Serbie trois vieil- 
lards de 135 à 140 ans, dix-huit de 126 à 135 et 290 de 
115 à 125 ans, et en France, à Fay-le-Froid, un homme 
de 111 ans. La comtesse irlandaise Desmond mourut à 



145 ans. N. Savin, ancien officier de hussards, fait pri- 
sonnier à la Bérésina, professa jusqu'à 110 ans et mou- 
rut à plus de 126. Cf. W. Hufeland, Macrobiotique, trad. 
franc., Paris, 1796; Flourens, De la longévité humaine, 
Paris, 1876; P. Foissac, De la longévité humaine, Paris, 
1874 ; D r Saffray, Les moyens de vivre longtemps, Paris, 
1878, p. 31-41. Ces exemples, et beaucoup d'autres qu'on 
pourrait alléguer si des observations avaient été authen- 
tiquement faites à tous les temps et dans les diverses 
parties du monde, montrent que les longues vies de la 
plupart des patriarches postdiluviens n'ont rien eu que 
de conforme aux lois actuelles de la nature. On constate 
du reste qu'aujourd'hui encore la longévité est plus consi- 
dérable qu'ailleurs dans certaines parties de l'Asie, et la 
vie simple et au grand air que menaient les patriarches 
hébreux, leur sobriété et la pureté de leurs mœurs consti- 
tuaient des conditions éminemment favorables à la prolon- 
gation de leur existence. Josèphe, 'Bell, jud., II, vm, 10, 
dit que, parmi les esséniens, beaucoup dépassaient la 
centaine, ce qu'il attribue à la simplicité de leur nourri- 
ture et de leurs habitudes. On tend aujourd'hui « à attri- 
buer au phénomène du vieillissement le caractère d'ua 
accident remédiable... Dans un organisme qui vieillit, il 
y a des éléments jeunes, des éléments de tout âge à côté 
des éléments séniles. Tant que la désorganisation de 
ceux-ci n'est pas poussée trop loin, ils peuvent être ra- 
jeunis. Il suffit de leur rendre un milieu ambiant appro- 
prié ». Dastre, La vie et la mort, Paris, 1903, p. 318- 
319. Si l'accident est remédiable, on conçoit que, de 
temps en temps au moins, se produisent naturellement 
les conditions favorables à l'arrêt de la désorganisation. 

H. Lesêtre. 
LOOMIM, descendants de Dadan. Gen., xxv, 3. La 
Vulgate les appelle Laomim dans I Par., i, 32. Voir 
Laomim, col. 87. 

LORICH Gerhard, théologien allemand du xvi s siè- 
cle. Né à Hadamar, il exerça dans cette villeles fonctions 
de pasteur protestant. Ayant reconnu ses erreurs, il se 
convertit au catholicisme. Parmi ses ouvrages : Compen- 
dium textus et glossemalum in omnes libros Novi et 
Veteris Testamenti, 2 in-f", Cologne, 1541-1546. — Voir 
Lelong, Bibl. sacra, p. 833; Hurter, Nomenclator lite- 
rarius, 1. 1, p. 1201. B. Heurtebize. 

LORIN (Jean de), jésuite français, né à Avignon, en 
1559, mort à Rome le 26 mars 1634. Il entra au noviciat 
de la Compagnie de Jésus, le 2 octobre 1575. Ses études 
terminées, il enseigna d'abord la philosophie et la théo- 
logie, puis l'Écriture Sainte à Rome, Paris et Milan. Il l'ut 
longtemps le théologien attitré du général de son ordre. 
Ses ouvrages d'exégèse sont fort nombreux et eurent pour 
l'ordinaire plusieurs éditions. C'est : 1° In Acta Apo- 
stolorum commentaria, in-f", Lyon, 1605, Cologne, 1609, 
1617, 1621. 2° Commentarii in Ecclesiasten. Accessit 
expositio in Psalmum hxvu, in-4°, Lyon, 1696, 1613 et 
1619; Cologne, 1624, 1629, 1642. 3° Commentarii in Sa- 
pientiam, in-4», Lyon, 1607; Mayence, 1608; Cologne, 
1624, 1629, 1642. 4° In catkolicas très B. Joanniiet duas 
B. Pétri Epistolas commentarii, in-f°,Lyon, 1609; in-4°, 
Mayenee r -1610; Lyon, 1621; Cologne, 1623; Lyon, 1644. 
5° Gommentariorum in Librutn Psalmorum tomi très, 
in-f", Lyon, 1612-1616. De nouvelles éditions de ce savant 
ouvrage furent successivement données à Cologne, 1619; 
Wurzbourg, 1677; Mayence, 1688; Venise, 1714-1720 et 
1737. 6° Commentarii in Leviticum, in-f», Lyon, 1619; 
Douai, 1620. 7. In catkolicas BB. Jacobi et Judœ Apo- 
stolorum Epistolas Commentarii, in-f", Lyon, 1619; 
Mayence, 1622 ; Cologne, 1623. 8° Commentarii inLibrum 
Numeri, in-f», Lyon, 1622. 9° Commentarii in Deutero- 
nomium, in-t", Lyon, 1625. 10° Disputatio de Sacra 
Scriptura a R. P. Lorino dictata in Collegio Claromon- 
tensi, in-4», 1589-1590. P. Bliard. 



363 



LO-RUCHAMAH — LOT 



364 



LO-RUCHAMAH (hébreu : Lff Ruhâmâh; Sep- 
tante : Oùx 'HXEi)|iivT|; Vulgate : Absque misericordia), 
nom symbolique donné, sur l'ordre de Dieu, par le pro- 
phète Osée à la fille qu'il eut de Gomer. Ose., i, 6, 8; 
il, 23 (hébreu, 25). Lo-Rucliamah signifie « celle pour 
laquelle on n'a point de pitié », et représente le peuple 
infidèle d'Israël pour lequel Dieu sera sans miséricorde 
à cause de son idolâtrie. Ose., i, 6. Cependant le Sei- 
gneur pardonnera aux Israélites qui se convertiront et 
se réuniront â Juda et il les appellera Ruchamah, niise- 
ricordiam consecuta, « celle qui a obtenu miséricorde. » 
Ose., H, 3,23. — Saint Paul; Rom., ix, 25, et saint Pierre, 

I Pet., il, 10, ont vu dans Je nom donné aux filles d'Osée 
une prophétie de la conversion des gentils à qui Dieu a 
fait miséricorde. La sœur de Lo-Ruchamah porte en 
effet comme elle un nom également symbolique. Voir 
Lo-Ammi, col. 317, et aussi le nom du fils d'Osée, 
Jezrahel 2, t. m, col. 1544. 

LQSSIUS ou LOSS Lucas, érudit et théologien pro- 
testant allemand, né le 18 octobre 1508, à Fack, non 
loin de Furth, mort à Lunebourg, le 8 juillet 1582. Fils 
d'un paysan, il fit ses études d'abord dans l'école de son 
village, puis à Mûnden, à Gœttingue (1525), à Lune- 
bourg (1528). Mais, l'année suivante, l'école de Lune- 
bourg ayant été licenciée à la suite d'une contagion, il 
se rendit à Munster, où il résida un an. Il étudia en- 
suite à l'université de Leipzig, d'où il ne tarda pas à 
être chassé par la peste. Il se rendit alors à Wittenberg, 
où il se lia avec Luther, Mélanchthon et d'autres per- 
sonnages importants. C'est sur leur recommandation 
qu'il fut, en 1532, proposé par Urbain Rhegius pour la 
place de recteur de l'école de Saint-Jean, à Lunebourg. 

II mourut dans cette ville après avoir occupé ce poste 
pendant cinquante ans. Outre beaucoup d'ouvrages pé- 
dagogiques, historiques, philosophiques, et même sur la 
musique, on a ^fe lui :Annotationes inÉvangelia, in-8°, 
Leipzig, 1560; Annotationes in Novam. Testamenturn, 
5 in-8°, Francfort, 1558 sq. A. Régnier. 

LOT (hébreu : Lot ; Septante : A<it), fils d'Aran, frère 
d'Abraham. Gen., xi, 27, 31. Quand Abraham et Tharé, 
père d'Abraham, quittèrent, sur l'ordre de Dieu, Ur en 
Chaldée, leur patrie, pour aller demeurer à Haran, Lot 
les accompagna. Son père Aran était déjà mort à Ur. 
Gen., si, 28, 31. Tharé mourut à Haran. Abraham, sur 
un nouveau commandement de Dieu, se rendit alors 
dans la terre de Chanaan, et amena avec lui son neveu 
Lot. Gen., xu, 4. Celui-ci suivit Abraham dans ses di- 
vers campements à Sichem et dans les montagnes, entre 
Bétbel et Haï, 6, 8, 9. Le texte sacré ne dit pas expres- 
sément qu'il le suivit aussi en Egypte, lors de la di- 
sette, 10-20, mais il le suppose, puisque nous lisons 
Gen., XIII, 1 : « Abraham monta donc de l'Egypte avec 
sa femme et tout ce qu'il possédait, et il se dirigea avec 
Lot, vers le Négeb. » Abraham, de retour de l'Egypte, 
fixa de nouveau son séjour avec son neveu entre Béthel 
et Haï. Tous les deux possédaient alors de nombreux 
troupeaux; les pâturages et les puits du pays avaient 
peine à suffire à l'entretien de tant de bétail. lien résulta 
qu'une dispute s'éleva entre les bergers d'Abraham et 
ceux de Lot. Abraham, ami de la paix, proposa alors à 
Lot de se séparer, et lui laissa généreusement le choix 
de la région que celui-ci préférerait. Lot choisit la ré- 
gion située sur le Jourdain, la vallée de Siddim, où se 
trouvait la Pentapole, région fertile et bien arrosée. 
Et il fixa sa tente dans les alentours de Sodome. Gen., 
xm, 8-12. Là l'attendait un grave malheur. Les cinq 
villes de la région du Jourdain, Sodome, Gomorrhe, 
Adama, Séboïm et Bala, après une soumission de 
douze ans à Chodorlahomor (voir t. Il, col. 711), roi des 
Élamites, s'étaient enfin révoltées contre lui. Chodorla- 
homor, avec trois rois alliés, vint leur faire la guerre 



soumettant les peuples qu'il rencontrait sur son passage. 
Les rois de la Pentapole se rencontrèrent avec lui dans 
la vallée de Siddim. Ils furent battus. Les rois de Sodome 
et de Gomorrhe périrent dans le combat, les autres prirent 
la fuite; les villes turent livrées au pillage, et Lot, qui 
se trouvait à Sodome, fut emmené en esclavage. Gen., xiv, 
1-12. Dès qu'Abraham, qui séjournait alors dans le voisi- 
nage d'Hébron, eut appris cet événement, il emmena 
avec lui trois cent dix-huit de ses plus vaillants servi- 
teurs, et se mit à la poursuite des rois alliés. Il surprit 
ceux-ci, la nuit, dans la contrée de Dan, les battit, et les 
poursuivit jusqu'à Hoba, non loin de Damas, leur enle- 
vant toute leur proie, en particulier Lot et ses biens. 
Gen., xiv, 13-16. 

Mais les Sodomites étaient une race perverse, de 
mœurs corrompues, et Dieu envoya trois anges pour 
détruire Sodome ainsi que les autres villes de la Pen- 
tapole. En vain Abraham, auprès duquel les trois anges 
avaient reçu l'hospitalité avant de se rendre dans la Pen- 
tapole, avait intercédé auprès du Seigneur : il ne se 
trouva pas dix justes dans Sodome. Gen., xvm. Les anges, 
non plus au nombre de trois, mais de c'eux, arrivèrent - 
à Sodome vers le soir ; ils avaient l'aspect de voyageurs 
étrangers. Lot, assis aux portes de la ville, le lieu 
public par excellence en Orient, se leva et les invita à 
accepter l'hospitalité dans sa demeure. Mais ceux-ci, 
soit pour éprouver la sincérité de l'offre, soit pour 
mieux se taire remarquer par les Sodomites, refusèrent 
d'abord, et n'acceptèrent que sur des instances réité- 
rées. Lot les traita avec générosité. Gen., xix, 1-3. Ce- 
pendant les Sodomites, dont les passions avaient été 
excitées à la vue de ces deux jeunes hommes, se ren- 
dirent en très grand nombre à la maison de Lot, afin de 
demander à celui-ci de leur livrer les deux étrangers, 
pour leurs honteuses débauches. Lot ne voulut pas con- 
sentir à pareille infamie. Et plutôt que de violer les lois 
de l'hospitalité, lois si sacrées en Orient, il offrit, par 
une faiblesse coupable (voir S. Augustin, Lib. cont. 
mena,., 9, t. XL, col.530;cf. S. Ambroise, De Abraham, 
i, 6, t. xiv, col. 440; S. Jean Chrysostome, Hom. xuu 
in Gen., t. Liv, col. 400401), de leur abandonner ses 
deux filles vierges. Mais les Sodomites ne voulurent 
point de l'offre, et cherchèrent à obtenir par la force 
ce qu'on leur refusait; Déjà ils s'attaquaient à Lot même, 
et voulaient enfoncer la porte. Mais les anges survinrent, 
firent entrer Lot et, d'une manière prodigieuse, empê- 
chèrent les assaillants de voir la porte de la maison. 

Les anges se manifestèrent alors à Lot, et lui firent 
connaître le but de leur venue. Ils lui conseillèrent de 
fuir avec les siens de cette cité, qui allait être bientôt 
ruinée. Mais les gendres de Lot, ou les fiancés (ainsi 
dit la Vulgate, et les meilleurs interprètes; d'autres 
interprètent, mais à tort, par maris) de ses deux filles, 
rirent de l'avertissement, Lot lui-même se montrait 
hésitant; et quand, le matin venu, les anges le pressèrent 
de nouveau de partir, il ne pouvait se décider; alors les 
anges le prirent par la main, ainsi que sa femme et.ses 
deux filles, et les conduisirent hors de la ville, leur re- 
commandant toutefois de ne pas regarder en arrière, 
et de ne pas s'arrêter dans la région avoisinante, mais 
de se réfugier dans les montagnes. Lot, craignant de ne 
pouvoir y arriver à temps , demanda à l'ange de se 
réfugier dans une petite ville, qui se trouvait assez 
proche. L'ange le lui permit, et Lot entra, vers l 'heure 
du lever du soleil, dans la ville appelée, en souvenir 
de ce fait, $ô'ar, Vulgate : Segor. Voir Ségor. Et 
subitement la Pentapole fut détruite par le feu du ciel. 
La femme de Lot, restée un peu en arrière, se retourna 
pour voir, malgré l'ordre de l'ange, ce qui se passait, 
et elle fut changée en statue de sel. Gen.,xix, 12-26. 

Lot, se croyant peu en sûreté à Ségor, se retira avec 
ses filles dans les montagnes, à l'orient de la mer Morte, 
et se réfugia dans une caverne. Là ses deux filles, pour 



365 



LOT — LOT (LA FEMME DE) 



3G6 



avoir une postérité, devinrent criminelles. Voir S. Au- 
gustin, Cont. Faust., xxn, 42-45, t. xlii, col. 426-427; 
cf. S. Irénée, Hasr., iv, 31, t. vit, col. 1008-1070; Origène 
Hom v in Gen.,t. xii, col. 190-194; Cont. Celsum, iv, 45, 
t. xi, col. 1101-1104; S. Jean Chrysostome, Hom. xliv in 
Gen., t. liv, col. 411-412; Théodoret, Quxst. x in Gen., 
t. lxxx, col. 117-130; S. Ambroise, De Abraham, i, 6, 
t. xiv, col. 441, etc. Elles enivrèrent leur père pendant 
deux nuits consécutives, et elles eurent chacune de lui 
sans qu'il s'en aperçût, un fils ; l'aînée eut Moab, duquel 
descendent les Moabites; la seconde eut Aminon, père 
des Ammonites. 

L'Ancien Testament ne nous dit plus rien sur la vie 
■de Lot; il ne fait pas même mention de sa mort. Une 
fois séparé entièrement d'Abraham, Lot devient sans 
importance pour l'histoire du peuple élu. Parfois on 
parlera de ses descendants, quand ceux-ci entrent en 
relation avec les Israélites, et c'est à cause de ces rela- 
tions qu'on a raconté l'origine de ces peuples. Le nom 
de Lot se retrouve plusieurs fois dans l'Ancien Testament, 
dans cette phrase : les fils de Lot, dans le Deutéro- 
nome, H, 9, pour indiquer les Moabites; dans le même 
livre, h, 19, pour signifier les Ammonites et dans le 
Psaume lxxxiii, 8, pour désigner les deux peuples à la 
fois. Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur rappelle 
la catastrophe de Sodome «aux jours de Lot», Luc, xvu, 
28-29, et saint Pierre la manière dont Dieu le sauva de ce 
■désastre. II Pet., h, 7-9. — La sépulture de Lot serait, 
selon la tradition orientale, à l'est d'Hébron, près du 
village de Beni-Naïm. Ed. Robinson et E. Smith, Pa- 
lœstina, Halle, 1841, t. n, p. 413. 

Le caractère de Lot se montre bien différent de celui 
d'Abraham. Lot, comme l'a dit Grotius, est un honnête 
homme, mais de peu de foi; Abraham, au contraire, est 
croyant au plus haut point. De plus, Abraham nous appa- 
raît énergique, constant, intrépide ; Lot, sans force d'âme, 
se laisse dominer par l'amour des choses terrestres ; il 
«lait, selon le mot de Philon, àêéêMOf v.a\ ùuaixtpîéoXoç. 
Il est enfin à remarquer que, selon la Genèse, Lot a dû 
son salut, lors de la destruction de Sodome, surtout 
aux mérites d'Abraham. Gen., xix, 29. 

J. Bonaccorsi. 

2. LOT (LA FEMME DE). L'Écriture ne nous fait 
connaître de la femme de Lot que la punition qu'elle eut 
à subir pour avoir regardé en arrière, malgré les ordres 
de l'ange, lorsqu'elle quitta Sodome. Gen., xxi, 26. « Et 
la femme regarda derrière lui (Lot), et elle devint une co- 
lonne de sel. » Dans la Vulgate on lit : respiciensque uxor 
ejus post se; c'est inexact. Le texte hébreu laisse sup- 
poser que la 'femme non seulement regarda en arrière, 
mais qu'elle resta en arrière de son mari. Son châtiment 
«st rappelé par l'auteur de la Sagesse, qui, x, 7, parle 
d'une colonne de sel (o-r/jX-r) iXo'ç), monument d'une 
âme infidèle ((j.vïi().eïov àmazoàorn tyvyÀi), et par Notre- 
Seigneur lui-même. Luc, xvu, 32. D'après la tradition 
juive et chrétienne, la colonne ou statue de sel se serait 
longtemps conservée. Josèphe, Ant. jud., I, xi, 4, assure 
avoir vu lui-même la femme de Lot changée en sel. 
Saint Clément de Rome, I Cor., 11, t. i, col. 232, et 
saint Irénée, Adv. hœr., iv, 31, t. vin, col. 1070, par- 
lent aussi de cette statue comme existant encore. On 
lit dans le Carmen de Sodoma, faussement attribué à 
Tertullien, t. il, col. 1104, plusieurs détails fabuleux : 

Ipsaque imago sibi formam sine corpore servons 
Durât adhuc, etenim nuda statione sub eethram, 
Nec pluviis dilapsa situ, nec diruta ventis. 
Quin etiam si quis mutilaverit advena formam, 
Protinus ex sese suggestu vulnera complet- 
Bon nombre de pèlerins affirment aussi avoir vu la 
statue. A noter néanmoins le témoignage de la Peregri- 
nâtio Sylviee, où nous lisons que l'évêque de Ségor 
dit à l'illustre pèlerine, que la statue de sel ne pou- 
vait plus se voir depuis quelques années, et qu'elle avait 



disparu sous les eaux de la rner Morte (édit. Gamurrini, 
p. 55). 

Cependant l'histoire de la femme de Lot changée en 
une stèle ou statue de sel a paru trop invraisemblable 
à beaucoup de critiques. Depuis le xvu» siècle, on a cher- 
ché à interpréter de diverses manières le texte sacré. 
Calmet, Commentaire littéral, Genèse, 1715, p. 446, 
entend statue de sel dans le sens de cadavre salé, dé- 
nomination donnée par les Grecs aux momies égyp- 
tiennes, parce que dans la momification, le nitre jouait 
un grand rôle. Cela étant, on peut facilement supposer 
que cette femme soit morte suffoquée par la fumée et 
les flammes, et que les fibres de son corps aient été 
pétrifiées par la pénétration du nitre, ce que plusieurs 
exemples nous montrent. — D'après d'autres la femme 
de Lot serait morte parce que les masses de sel qui se 
trouvaient dans le sol, échauffées et fondues par la 
chaleur de l'incendie, se seraient amassées autour d'elle 
jusqu'à la couvrir complètement (Kaulen). — Le P. von 
Hummelauer, Comment, in Gen., Paris, 1895, p. 417, 
lait remarquer qu'aujourd'hui encore la mer Morte, en 
temps de tempête, inonde la plage et la recouvre 
tout entière d'écume et d'une croule de sel. Comme la 
tempête dut être excessivement violente au moment 
de la catastrophe, il n'y aurait donc rien d'étonnant que 
la femme de Lot, restée un peu en arrière, fût saisie 
par les flots, recouverte d'eau safée et étouffée, et lors- 
que à ses cris Lot et les siens regardèrent en arrière,, 
ils ne virent plus qu'une masse informe toute couverte 
de sel. 

La punition infligée à la femme de Lot est certaine- 
ment en harmonie avec les conditions physiques de la 
contrée, où facilement les objets se recouvrent d'une 
croûte de sel ; les pierres de sel, comme il résulte de la 
relation faite par les explorateurs envoyés par le gouver- 




111 Colonne de eel à Usdum. D'après une photographie. 

nement fédéral d'Amérique, Narrative of M. S. Expé- 
dition to the Jordan and Dead Sea, 1849, p. 307 et 
passim, et de la narration des autres explorateurs, s'y 
trouvent en grande quantité. Aujourd'hui encore, vers 
la partie sud-ouest de la mer Morte, non loin de la rive, 
s'élève un promontoire, appelé le mont d'Usdum, long, 
haut de 100 à 150 pieds, entièrement de pierre de sel, nu, 
découpé. Sur son flanc oriental, du côté de la mer Morte, 
au bord d'un précipice étroit et profond, se trouve une 
colonne massive de sel, de forme ronde et haute de 
15 mètres environ, qu'on appelle « la femme (d'après les 
Arabes, la fille) de Lot » (fig. 111). Cette colonne est 
crue être la statue de sel dans laquelle avait été trans- 
formée la femme de Lot. Cf. Ed. Robinson et E. Smith, 
PaUeUina, Halle, 1841, t. h, p. 435, t. m, p. 22. 



3G7 



LOT (LA FEMME DE) — LOTUS 



368 



Est-ce là la statue dont ont parlé saint Clément, saint 
Irénée, et le Carmen de Sodoma? Il est difficile de le 
savoir. La femme de Lot est appelée par les anciens Juifs 
n>"W, Edith, « le témoin, » et une de ses filles rwibr, 

Plutilk. J. BONkCCORSI. 

LOTAN (hébreu : Lôtân; Septante: AwTtiv), fils aîné 
de Séir l'Horrééen. Voir Séir 1. Il avait une sœur qui 
s'appelait Thamna et il eut pour fils Hori et Héman ou 
Homam. Gen., xxxvi, 20, 22; I Par., i, 38-39. Lotan fut 
un des chef ( 'allûf) du pays de Séir, avaut que la famille 
d'Ésaû fùl devenue maîtresse du pays. Gen., xxxvi, 29. 
Thamna, sa sœur, est nommée, dans sa généalogie, pro- 
bablement parce qu'elle est la même que la Thamna qui 
devint la seconde femme (pîlégés) d'Éliphaz, fils d'Ésaû. 
Gen., xxxvi, 12. Il s'établit ainsi des liens de parenté 
entre les anciens habitants de Séir et les descendants 
d'Ésaii. Voir Horréen et Iduméens, t. m, col. 757,834. 

LOTUS (hébreu : SûSan; Septante : xpivov; Vulgate: 
Ulium), fleur et motif d'architecture. 

I. Description. — Sous ce nom les anciens Égyptiens 
désignaient les fleurs de diverses Nymphéacées habitant 
les eaux tranquilles et chaudes de leur pays. Ces grandes 
herbes aquatiques sont fixées au sol par des rhizomes 
charnus qui se ramifient dans la vase où ils enfoncent 
de nombreuses racines latérales, et qui produisent sur 
leur face dorsale des pétioles et des pédoncules assez 
allongés pour que les fleurs et les limbes foliaires 
viennent s'épanouir à l'air libre, malgré la profondeur 
des eaux. La fleur se compose d'un réceptacle charnu, 
étalé ou même creusé en forme de coupe, logeant en 
son milieu les carpelles avec leurs nombreux ovules. 
Les graines à maturité renferment un embryon recou- 
vert par un périsperme charnu doublé extérieurement 
par un albumèfr'farineux. Les sépales, au nombre de 




■112. — Nymplixa Lotus. 

4 ou 5, bordent la coupe réceplaculah'e,puîs en dedans, 
suivant une spirale continue, une série de larges pétales 
passe insensiblement à des staminodes rétrécis pour se 
terminer par de vraies étamines à filets minces et an- 



thères fertiles. Les fleurs sont blanches dans le Nym- 
phsea Lotus (flg. 112) de Linné, dit lotus blanc, et les 
feuilles bordées de dents aiguës. Dans le lotus bleu, 
Nymplixa stellata de Wïlldenow (fig. 113), les pétales 




113. — Nymphœa stellata. 

sont azurés, plus étroits, et les anthères pourvues 
d'un long appendice. Enfin, le lotus rose, Nymphiea 
Nelwnibo de Linné (fig. 114), est placé aujourd'hui dans 
un genre distinct, Nelumbium, pour ses feuilles qui 
se dressent en l'air au lieu de reposer à la surface de 
l'eau, et dont le limbe est pelté-orbiculaire au lieu 
d'être échancré en cœur comme dans les précédents. En 
outre, à la maturité, ses fruits libres indéhiscents et 
réduits chacun à une seule graine font saillie hors des 
alvéoles du réceptacle qui prend une forme comparable 
à celle d'une pomme d'arrosoir. Ce Nelumbium specio- 
sum semble aussi avoir une origine plus orientale et 
n'être en Egypte que naturalisé. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le nom égyptien du lotus blanc, 
Nymphxa Lotus, est intéressant à noter à cause de sa 
ressemblance avec le nom hébreu du lis. Il se. présente 

fréquemment dans les textes sous la forme ■— ^-. \\ "^^ 
seSni, suSin : c'est bien le même mot que le SùSan hé- 
breu. Seulement ce dernier s'applique d'ordinaire à 
d'autres plantes que le lis des eaux ou lotus. Voir Lis, 
col. 283. Il paraît cependant retenir ce sens de lotus 
dans III Reg., vil, 19, 22, 26, 49, où il s'agit d'un motif 
d'architecture. — Le lotus blanc se trouve représenté 
sur les monuments les plus anciens de l'Egypte ; ses 
fleurs bien conservées, disposées en guirlandes se ren- 
contrent souvent dans les tombeaux; elles servaient 
d'ornement aux Égyptiennes. « Il n'est pas rare de voir, 
dit V. Loret, La Flore pharaonique, 2 e édit., Paris, 
1892, p. 114, surtout à l'époque des Ramessides, des 
femmes coiffées d'un diadème d'or autour duquel s'en- 
roulent en spirale des pédoncules du Nymphxa Lotus, 
dont les fleurs viennent gracieusement retomber sur le 
front. » Est-ce à cet ornement que fait allusion le tra- 
ducteur latin de Judith, x, 3, qui, parmi les parures- 
de l'héroïne, signale les lilia, ce mot pouvant s'appli- 



369 



LOTUS 



370 



quer au lis des eaux, ou lolus? Le sens du mot grec, iéXta, 
il est vrai, est plutôt celui de bracelet ou de collier. 

Parmi les motifs de décoration de l'art égyptien re- 
vient fréquemment le lotus dont on représente la feuille, 




décorations du temple et des monuments hébreux, étant 
tirées surtout du règne végétal, ces fleurs épanouies 



114. — Nymphdsa Nelumbo ou Nelumbium, speciosum. 

le bouton et la fleur. Avec le mélange de ces différentes 
parties de la plante, il sert souvent de bordure aux ta- 
bleaux funéraires. Ce motif de décoration se trouve non 
seulement en Egypte (lig. 115), mais en Chaldée (fig. 116), 







""L" = Z— s u. .1 -" ~;=.=jitg^j= . 



-J-J.._~J*fc,-- 



115. • 



- Bordure de fleurs et de boutons de lotus. Thèbes. 
XVHP dynastie. D'après Prisse d'Avesne. 



en Chypre, en Phénicie et à Carlhage (fig. 117). G. Per- 
rot, Hist. de l'art, t. h, p. 319-331 ; t. ni, p. 109, 460; t. iv, 
p. 325. Il est à croire qu'il a dû passer, avec tant d'autres 
emprunts, d'Egypte et de Phénicie en Palestine. Les 



- Fragment du seuil d'une porte de Khorsabad. 
D'après l'original. Musée du Louvre. 

dont parle III Reg., n. 30, devaient être quelque chose 
de semblable. — Le lotus bleu, appelé en égyptien sarpat, 
se retrouve joint au lotus blanc dans les guirlandes des 



117. — Stèle punique, avec fleurs et boutons de lotus. 
Bibliothèque nationale. Paris. 

momies, et sur les tableaux funéraires. Sa ressemblance 
de forme avec le précédent pouvait lui faire donner par 



:371 



LOTUS — LOUP 



372 



des étrangers le même nom de Sûsan comme au 
lotus blanc, et il pouvait également être emprunté par 
la décoration hébraïque. — Mais le lotus sacré des Égyp- 
tiens était le lotus rose, le Nelumbium speciosum, 
appelé Neheb ou Nescheb dans les textes, qui a main- 
tenant disparu de la terre des Pharaons. C'est ce lotus 
qu'Hérodote, n, 92, nomme le lis rose du Nil. Précisé- 
ment parce que c'était une plante sacrée, on ne le trouve 
pas en nature dans les tombeaux comme les deux 
autres. Mais c'est lui que l'on remarque le plus fré- 
quemment employé comme motif de décoration, et dans 
la forme des chapiteaux. Il est vrai que cette représen- 
tation n'est pas semblable à la réalité : la fleur sacrée 
ainsi peinte ou sculptée sur les monuments est un type 
de convention. V. Loret, La Flore pharaonique, p. 112 ; 
G. Perrot, Histoire de l'art, t. I, p-577-585. Dans l'archi- 
tecture légère on retrouve cependant une imitation plus 
fidèle du lotus réel. Perrot, ibid., fig. 312, 317, 318 p. 541- 
543, 585. C'est dans tes chapiteaux égyptiens en forme 
de lotus qu'il faut aller chercher l'explication des f. 19 et 
22 du chap. vu du III' livre des Rois. « Les chapiteaux 
qui étaient sur la tête des colonnes étaient en forme de 
SvSan. » « Sur la tête des colonnes il y avait un ou- 
vrage en forme de Sûsan. t> Le SûSan paraît bien être ici 
le lis d'eau, le lotus et non pas le lis proprement dit 
dont la forme ne se retrouve pas dans les chapiteaux 
égyptiens et phéniciens. Les descriptions de ce cha- 
pitre, éclairées par l'art égyptien et phénicien, permettent 
de reconstruire les chapiteaux des colonnes de bronze. 
M. de Vogué l'a tenté dans Le Temple de Jérusalem, 
in-f°, Paris, 1864, p. 34 et pi. xiv. Mais si le chapiteau 
a des pétales de lotus sculptés sur son pourtour, en lui- 
même il n'a pas l'aspect d'une fleur aux divisions de la 
-corolle nettement accusées; il est plutôt campaniforme. 
L'Histoire de l'art, t. iv, pi. vi et -vn, et p. 318-320, 
donne une autre restitution qui répond mieux de ce 
côté aux conditions du problème. Le chapiteau a une 
partie bombée et celle sorte de bulbe ou de boule s'épa- 
nouit en fleur de nénuphar ou lotus. Les divisions de 
la corolle sont nettement accusées par les profondes 
échancrures du contour. Mais les pétales étant tron- 
qués, l'ensemble ne représente encore qu'assez impar- 
faitement le calice ou la corolle du lotus. Voir Lis, 
col. 285. La mer d'airain était en forme de SoSavnah, 
II Par., IV, 5. La restitution qu'en donne VHistoire de 
l'art, t. iv, fig. 172, p. 327, est plutôt campaniforme. 
Voir Mer d'airain. Fr. Wœnig, Die Pflanzen in alten 
Aegypten, 2 e édit, Leipzig, 1886, p. 17-74. 

E. Levesqxie. 
LOUAGE. Voir Location, col. 319. 

LOUIS DE LÉON, augustin espagnol, né à Belmonte, 
dans la Manche, province de Cuença, en 1527 (non à Gre- 
nade), mort à Madrigal le 6 août 1591. Il fit ses études 
dans cette dernière ville et entra en 1543 dans l'ordre 
des augustins. En 1561, il devint professeur de théolo- 
gie scolastique à l'Université. Ses leçons et ses livres 
eurent un grand succès, mais une de ses publications, 
le Commentaire du Cantique des Cantiques, qu'il ex- 
pliquait allégoriquement, fut mal accueillie et déférée à 
l'Inquisition, qui lui reprocha aussi certaines proposi- 
tions sur la Vulgate. Louis de Léon tut emprisonné à 
Valladolid de 1572 à 1577. 11 supporta cette épreuve avec 
beaucoup de courage et de patience. Remis en liberté, 
\\ reprit sa chaire à l'Université et devint plus tard 
vicaire général de la province de Castille et enfin pro- 
vincial de son ordre. Voir Gr. Mayans y Siscar, Vida 
y juicio del M. Fray Luis de Léon, en tête de ses 
<Euvres, dans la Biblioteca de autores espanoles de 
Bibadeneyra. 

Ses œuvres scripturaires sont contenues dans les trois 
-premiers tomes de l'édition complète de ses écrits en 
langue latine, Mag, Luyssi Legionensis, Augusliniani, 



divinorum librorum primi apud Salmaticenses Inter- 
prètes Opéra, nunc primum ex MSS. ejusdem omni- 
bus P.P. Augustiniensium studio édita, 7 in-4», Sala- 
manque, 1891-1895. Le tome premier contient : 
Proœmium et Expositio in Canticum Moysis : In 
Psalmosproœm ium; Expositio in Psalm osxx vi, xxvill, 
lvii, et lviii; In Ecclesiastem proœniium, argurnen- 
tum et expositio : quant Magister non absolvit, sed à 
vers. i3 capitis ix perfecta fuit à P. Didaco de Tapia, 
Ord. S. Augustini. Continet etiarn hoc volumen appen- 
dicem in Psalmos xr, xri, xvm et civ, quorum expo- 
sitio Magistro Legionensi falso adscripta est. — Tome 
second : In expositionem Cantici Canticorum intro- 
ductio, et in quodlibet caput ipsius Cantici triplex 
explanatio. — Tome troisième. In Abdiam Prophetam 
explanatio : In Epistolam B. Pauli ad Galatas expo- 
sitio; Commentaria in Epistolam 11 B. Pauli Apostoli 
ad Thessalonicenses, quse versiculo 4, capitis il, abrum- 
pit, et P. Tapia resumpsit usque ad reditum Magislri, 
quum tamen hujus continuatio inventa fuerit. Scripsit 
etiam, in lucemque edidit paulo ante mortem opus- 
culum: De utriusque Agni immolatione legitimo tem- 
pore, quo Ludovicus magnam inter doctos circa 
Paschse tempus disceptationeni promovit. Vernacula 
lingua edidit : Los Nombres de Cristo (De nominibus 
Christi); Exposicion de Job (Job commentaria); La 
Perfecta Casada (De perfectae uxoris exemplari). 

Louis de l.éon fut un grand écrivain, en langue espa- 
gnole et en latin; il connaissait l'hébreu et le grec. 
— Comme beaucoup de ses œuvres furent dictées à ses 
élèves, et plus tard corrigées et développées par lui avant 
de les livrer g l'impression, les manuscrits qui nous en 
ont été conservés diffèrent les uns des autres. Il corrigea 
lui-même plusieurs fois ses écrits, toujours mécontent 
de son travail, sévère et très difficile pour la iorme lit- 
téraire. L'édition de Salamanque (1891-1895) est la plus 
correcte et la plus sûre. 

Les commentaires du Cantique de Moïse, des Psaumes 
et de YEcclésiaste sont littéraux, fondés sur le texte 
original, avec de nombreuses concordances bibliques et 
une grande érudition profane : le tout entremêlé d'ap- 
plications morales. — Quant à son Exposition du Can- 
tique des Cantiques, il en publia d'abord une traduction 
espagnole avec des notes. Elle est dans la Biblioteca 
de Autores espanoles, de Ribadeneyra, Escritores del 
siglo xvi, t. 11, Madrid, 1855, p. 247-284. C'est elle qui 
lui valut son procès inquisitorial. Plus tard, il la publia 
en latin à Salamanque, en 1582, en y ajoutant le com- 
mentaire du Psaume xxvi. Une nouvelle édition parut en 
1582. L'une et l'autre renferment un commentaire litté- 
ral et un commentaire moral. En 1589, une dernière 
édition, publiée également à Salamanque, fut enrichie 
d'un troisième commentaire, un commentaire mystique. 
L'auteur expose ainsi lui-même sa triple explication : 
Prima verborum interpretationem continet; altéra 
Deum amantis animée progressus in amore complectï- 
tur; tertia comprehendit Ecclesise militantis, a mundi 
initio usque ad finem sseculi, amoris cursum atque 
rationem. — L'Exposilio in Abdiam Prophetam est 
littérale, historique et allégorique. D'après l'auteur: par 
Édom il faut entendre non seulement les Iduméens, 
mais aussi les Perses et les Juils. V Expositio in Epi~ 
stoUis Pauli et in Ecclesiastem est également littérale 
avec des réflexions morales. — Voir Gonzalès de Tejada, 
Vida de Fray Luis de Léon, Madrid, 1863; H. Reusçh, 
Luis de Léon, Bonn, 1873. R. Martinez y Vigil. 

LOUP (hébreu : ze'êb, le zibu assyrien et le deeb 
arabe; Septante :Xûxo;; Vulgate : lupus), carnassier du 
genre chien. 

1° II diffère du chien par sa taille plus grande, un 
museau plus allongé, une mâchoire plus forte, des oreilles 
toujours droites et un pelage très touffu (fig. 118). Il a 



373 



LOUP 



374 



plus de férocité que de courage. Il n'attaque l'homme 
que quand il est affamé, mais il fait une guerre terrible 
aux bergeries et aux basses-cours. — Le loup commun, 
canis lupus, a fait de tout temps la terreur des troupeaux 




118. — Loup de Syrie. 

de Palestine, bien qu'aujourd'hui il soit surtout confiné 
dans le Liban. Socin, Palàstina und Syrien, Leipzig, 
1891, p. lx. On le rencontre néanmoins encore assez 
souvent dans les plaines maritimes ou celles de Gêné- 
zareth, dans les ravins de Galilée et surtout du terri- 



ver les troupeaux de ses attaques, on entoure pendant 
la nuit les parcs à moutons de branchages épineux. Lor- 
tet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 340. D'or- 
dinaire le carnage du loup ne se borne pas à une seule 
brebis. Si les chiens sont absents ou inattentifs, il étran- 
gle tout ce qu'il peut, emporte avec lui une première 
victime qu'il mange et revient en chercher ensuite deux 
ou trois autres qu'il cache. La faim l'oblige quelquefois 
à se jeter sur un troupeau, même en plein jour. Il lui 
arrive aussi de suivre l'homme pour le surveiller de loin 
et profiter de ses moindres faiblesses pour l'assaillir. 
2° La Sainte Écriture ne parle guère des loups qu'au 
sens figuré. Jacob mourant dit prophétiquement du 
dernier de ses fils : « Benjamin est un loup qui déchire; 
le matin, il dévore ta proie, et le soir, il partage le 
butin. » Gen., xlix, 27. Voir Benjamin (Tribu de), t. i, 
col. 1598. Le loup est naturellement l'image de ceux qui 
exercent la violence, des chefs de Jérusalem qui ruinent 
et dévorent le peuple, Ezech., xxii, 27, des juges iniques 
d'Israël qui n'attendent même pas au matin pour com- 
mettre l'injustice. Soph., ni,. 3. Une peinture du cime- 
tière de Calliste représente Susanne sous la figure d'une 
brebis menacée à droite et à gauche par deux animaux, 
dont l'un au moins est certainement un loup, et carac- 
térisent bien les deux vieillards accusateurs (fig. 119). 
Cf. Martigny, Dictionnaire des antiq. chrét., 2 e édit., 
Paris, 1877, p. 747. Les Chaldéens vont tomber sur Juda 
comme les loups du désert. Jer., v, 6. Ils sont montés sur 







J^rViliV^v 



119. — Susanne entre les deux vieillards figurés par un loup et un léopard. Peinture du cimetière de Calliste. 
D'après Perret, Les catacombes de Rome, t. 1, pi. Lxxvm. 



toire montagneux de Benjamin, et quelquefois aussi 
dans les forêts de Basan et de Galaad. Les loups de 
Palestine, bien que beaucoup moins nombreux que les 
chacals, font beaucoup plus de ravages que ces derniers. 
Voir Chacal, t. n, col. 477. Us ne vont pas par bandes, 
mais deux ou trois seulement à la fois. Us se cachent la 
nuit à proximité des bergeries, derrière des rochers, 
avancent avec cette démarche caractérisée par notre 
expression française « à pas de loup », sans éveiller 
l'attention des chiens de bergers, sautent dans l'enceinte 
qui renferme le troupeau, voir t. n, fig. 611, col. 1987, 
saisissent leur victime en silence et s'enfuient avec leur 
proie. Les bergers de Galilée ont coutume de tirer de 
temps en temps des coups de fusil pendant la nuit, afin 
de tenir à distance ces dangereux carnassiers. Le loup 
de Syrie a le pelage plus clair que celui d'Europe. Les 
indigènes parlent d'une autre espèce plus féroce, celle 
du loup qu'ils appellent scheeb, qui n'est autre proba- 
blement que le Canis lycaon des naturalistes. Tristram, 
The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 153- 
155. Dans le sud de la Palestine se rencontre aussi le 
loup d'Egypte, canis lupaster, qui a une taille plus pe- 
tite que celle du loup ordinaire, un poil jaune doré et 
un système musculaire qui ne lui permet pas de s'atta- 
quer à de gros animaux. Il doit se contenter tout au 
plus d'agneaux ou de chevreaux, et vit surtout d'ani- 
maux morts dont il traîne les cadavres daus les caver- 
nes, llaà peu près tes mœurs des chacals. Pour préser- 



des chevaux plus rapides que les loups du soir. Hab., I, 
8. Le loup sort le soir pour chercher sa proie : il peut 
faire jusqu'à cent soixante kilomètres dans sa nuit pour 
la trouver ou se mettre à l'abri. Nul cheval n'approche 
d'une vitesse si grande et si soutenue. En Sibérie, on a 
vu plus d'une fois des bandes de loups accompagner et 
même devancer, dans leur course affolée, les chevaux 
attelés aux traîneaux. L'agneau à dans le loup un ennemi 
acharné; nul accord n'est possible entre eux. Eccli., xm, 
21. Et pourtant, à l'époque de la rédemption, ils habite- 
ront et paîtront ensemble, Is., xi, 6; lxv, 25, c'est-à-dire 
que les hommes les plus ennemis deviendront tous frères, 
par la grâce du Sauveur. — Dans le Nouveau Testament, 
où les agneaux et les brebis représentent les disciples 
de Jésus-Christ, les ennemis de l'Évangile sont naturel- 
lement figurés par les loups. Ces loups sont d'abord les 
faux prophètes : « Ils viennent à vous avec des vêtements 
de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. » 
Matth., vu, 15. Ces paroles font allusion à la ruse hy- 
pocrite du loup. Il se dissimule pour commettre ses 
méfaits, ou bien il fait montre de douceur. Quand un 
loup veut s'emparer d'un jeune chien encore inexpéri- 
menté, mais peut-être défendu par des gardiens plus à 
craindre, il s'approche, attire son attention par des 
gambades de toutes sortes comme pour l'inviter à jouer, 
et, quand il a réussi à le faire venir à l'écart, se jette 
sur lui. Il sait de même amener un chien plus vigou- 
reux dans une embuscade où se trouve un autre loup, 



375 



LOUP — LUC (SAINT) 



376 



et où tous deux peuvent Je terrasser. Ces procédés ne 
sont pas ignorés des taux prophètes. En donnant la 
mission à ses apôtres, Notre-Seigneur leur dit qu'il 
les envoie « comme des brebis au milieu des loups ». 
Matth., x, 16. Plus tard, il envoie de même ses disciples 
« comme des agneaux au milieu des loups ». Luc. x, 3. 
Les Juifs d'abord, puis les persécuteurs païens n'ont que 
trop justifié cette comparaison. Enfin, saint Paul dit 
aux pasteurs d'Éphèse : « Je sais qu'après mon départ il 
s'introduira parmi vous des loups cruels qui n'épar- 
gneront pas le troupeau. » Act., xx, 29. Il explique lui- 
même que ces loups sont les faux docteurs qui, par un 
enseignement pernicieux, entraîneront des disciples 
après eux. Act., xxix, 30. — Un des chefs des Madianites 
qui pillaient la Palestine du temps de Gédéon s'appelait 
Zëèb (Vulgate : Zeb), c'est-à-dire le Loup. Jud., vu, 25. 
Voir Zeb, H. Lesêtre. 

L.OW Jehuda, rabbin et commentateur juif, né à 
Worms, en 1520, mort à Prague, en 1609. 11 fonda dans 
cette dernière ville une école pour l'étude du Talmud. Ce 
fat un cabbaliste célèbre et l'on a raconté de lui bien des 
choses extraordinaires. Ses œuvres les plus remarqua- 
bles, énumérées dans l'épitaphe placée sur son tombeau, 
sont : Explication du Pentateuque de Raschi, Prague, 
1578; Derekh chajjim, explication des paroles des Pè- 
res, Cracovie, 1589; 'Or hôdes, «la nouvelle lumière, » 
explication d'Esther (1600). J. Sedlacek. 

1. LOWTH Robert, fils de William Lowth, théologien 
et hébraïsant protestant anglais, né à Buriton le 27 no- 
vembre 1710, mort à Londres, le 3 novembre 1787. Il 
entra, en 1722, au collège de Winchester, et, en 1729, à 
New Collège, à Oxford, où il prit ses grades universi- 
taires. Il reçut ensuite les ordres, et fut d'abord vicaire 
à Overton, Hampshire, en 1735. En 1741, il fut nommé 
professeur de poésie à Oxford, et fit un cours sur la 
poésie des Hébreux qu'il publia plus tard. Il accompagna 
Henry Bilson-Legge dans son ambassade à Berlin, en 1748. 
Choisi en 1749 pour faire; l'éducation des fils du duc de 
Devonshire, il voyagea quelque temps avec eux. Après 
avoir occupé diverses charges ecclésiastiques et divers 
évêchés, il obtint enfin l'évêché de Londres en 1777, et 
il occupa ce siège jusqu'à sa mort. Le plus célèbre de 
ses ouvrages est son livre sur la poésie hébraïque : De 
sacra poesi Hebrxorum. Prxlectiones academicse 
Oxonii habit» a Roberto Lowth. Subjicitur metricseHa- 
rianse brevis confutatio, et oratio Crewiana, in-4», Ox- 
tord, 1753; 2 e édit., in-8», 1763. Réimprimé avec les 
notes de J. D. Michaelis, 2 in-8», Gœttingue, 1758-1762; 
id., 1769-1770. Une 3 e édit., du livre parut à Oxford, en 
1775, in-8°; une autre fut publiée à Leipzig, en 1815, 
in-8», par E.-F.-C. Rosenmûller cum notis et epime- 
tris J. D. Michaelis... Insunt C. F. Richteri de eetate 
libri Jobi definienda atque C. Weisii de métro Rariano 
commentationes. La réfutation du système de Hare 
donna lieu à une controverse assez longue entre Lowth 
et plusieurs savants de son temps (Thomas Edwards, 
Warburton, John Brown). Son livre fut traduit en alle- 
mand, avec notes, par Michaelis, Gœttingue, 1763 etl793; 
en anglais par Gregory, avec les notes de Michaelis, 
2 in-8», 1793; en français par Suard, 2in-12, Lyon, 1812, 
et Avignon, 1839; en français également par Roger, de 
l'Académie française, in-8», Paris, 1813. — Il faut citer 
encore de lui : Isahia, a new translation, with a preli- 
minarij dissertation and notes, in-4°, Londres, 1778; 
in-4°, 1779; in-8», 1790; 13» édit., in-8», 18i2. Il en existe 
une traduction allemande par G.-H. Richerz, avec des 
additions et des notes par B. Koppe, 4 in-8», Leipzig, 
1779-1781. Dans cet ouvrage, Lowth modifia trop arbi- 
trairement le texte original sous prétexte de le corriger, 
mais il eut le grand mérite de faire ressortir, dans sa 
dissertation préliminaire et dans sa version même, le 



caractère et la forme de la poésie hébraïque, qu'il 
avait déjà étudiés avec succès dans son premier écrit. 
C'est à lui que l'on doit d'avoir mis en évidence le trait 
caractéristique de la poésie hébraïque qu'il appela 
« parallélisme », nom qui lui est resté. Voir Hébraïque 
(Langue), t. m, col. 489. — Voir Memoirs of the Life 
and Wrilingsof the late Bishop Lowth, 2 in-8», Londres 
et Gœttingue, 1787. A. Régnier. 

2. LOWTH William, théologien protestant anglais, né 
à Londres le 3 septembre 1660, mort à Buriton (South- 
ampton), le 17 mai 1732. Il étudia d'abord sous la 
direction de son grand-père, Simon Lowth, puis entra 
à Merchant Taylors' school, à Londres, le 11 septem- 
bre 1672, et enfin fut admis comme élève à St-John's 
collège, à Oxford, le 11 juin 1675. C'est là qu'il termina 
ses études, et il devint plus tard fellow du même col- 
lège. Son premier ouvrage, intitulé Vindication of the 
divine authority of the Old and New Testaments, Lon- 
dres, 1683 et 1690, et publié pour répondre aux attaques 
de Le Clerc contre l'inspiration de l'Écriture Sainte, 
lui concilia les bonnes grâces de Peter Mew, évêque de 
Winchester, qui fit de lui son chapelain, puis le nomma 
chanoine, le 8 octobre 1696, et enfin lui donna le béné- 
fice de Buriton, où il vécut jusqu'à sa mort. Outre l'ou- 
vrage déjà mentionné, on peut citer de lui : Comraentary 
on the prophets, qui parut en plusieurs parties de 1714 à 
1725, et qui fut ensuite réuni en un volume pour faire 
suite à un livre de Patrick intitulé Commentary on the 
earlier books of the Old Testament, avec lequel il fut 
plus d'une fois réimprimé, en même temps que les 
Commentaires da Nouveau Testament de Whitby, Ar- 
nald et Lowman. A. Régnier. 

1. LUC (SAINT) (grec :A.oux5«), troisième évangéliste 
et auteur des Actes des Apôtres (fig. 120). — 1» Son nom. 
— Aooxâç est généralement aujourd'hui regardé comme 
une abréviation de Aovxavôç. Il existe dans le Nouveau 
Testament d'autres abréviations de noms propres de cette 
sorte, par exemple : KXcéTraç de KXeôitatpoç. Voir t. H, 
col. 806. Les manuscrits de l'Italique, Vercellensis , a, 
Corbeiensis, ff 2 , Vindobonensis, i, et le codex Dublinensis 
de la Vulgate (du ix e siècle) intitulent le troisième Évan- 
gile secundum Lucanum. Ct. Wordsworth et White, 
Novum Testamentum D. N. J. C. latine, Oxford* 1893, 
1. 1, fasc. 3, p. 307. Ce nom de Lucanus se retrouve dans 
Priscillien, Opéra, édit. Schepss, Vienne, 1889, p. 47, et 
sur un sarcophage d'Arles, du v° siècle (fig. 121). C'est 
le nom du poète Lucain. Godet, Introduction au N. T., 
Paris, 1900, p. 448-449, conclut sans raison suffisante, 
de la forme abrégée de son nom et de sa qualité de 
médecin, les médecins étant ordinairement des affran- 
chis, que Luc était originaire de la Lucanie et un esclave 
affranchi de « l'excellent Théophile » à qui il a dédié ses 
deux livres. Cette contraction du nom de Luc est pré- 
férable à celle qui le lait dériver de Aovr.nxvo;, car on 
ne s'expliquerait pas l'élision de Vi, et les exemples ana- 
logues de noms latins montrent bien que Lucianus 
aurait été plutôt contracté en Lucius. Par cette raison 
déjà il faudrait écarter les identifications, parfois pro- 
posées, de saint Luc avec les Lucius nommés dans le 
Nouveau Testament. Ct. Origène, In Rom., 1. X, 32, 
t. xiv, col. 1288. D'ailleurs, d'autres motifs s'y opposent. 
Un Lucius est le parent de saint Paul, Rom., xvi, 21 ; 
l'autre était originaire de Cyrène. Act., xin, 1. Voir ces 
noms. La contraction de LuciKUs, soutenue par Grotius, 
malgré l'analogie avec 'OXojmwc;, Rom., xvi, 15, dérivé 
de 'O).o[ntt<58<opo;, est moins vraisemblable que celle à 
laquelle s'est ralliée la majorité des critiques. 

2° Sa patrie et sa condition. — Au témoignage de 
saint Paul, Col., iv, 14, cf. f. 11, Luc était un médecin 
d'origine païenne. Il est placé par l'Apôtre au nombre 
de ses compagnons, distincts de ceux qui étaient sortis 



377 



LUC (SAINT) 



378 



du judaïsme, f. 11. Sa connaissance des formes plus clas- 
siques du grec peut confirmer cette origine. J. Belser, 
Einleitung in dos N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1901, 



mieux le grec que l'hébreu. Cf. Epist., xx. 4, t. xxli, 
col. 378. D'autre part, son exacte connaissance des usages 
juifs a fait penser à plusieurs qu'il était prosélyte. Saint 




120. — Saint Luc. Évangéliaire de Cambridge. 
D'après Garrucci, Storia deW arte cristiana, t. m, pi. 141. 

p. 110-111. Les hébraïsmes de son style ne s'y opposent I Jérôme, Liber heb. qusest. in Gen., t. xxm, col. 1002, 

pas, car ils peuvent provenir des sources qu'il a repro- rapporte cette tradition, sans l'accepter. Les fréquentes 

duites dans ses écrits. D'ailleurs, il faut convenir avec relations de Luc avec les Apôtres et avec les chrétiens, 

-Saint Jérôme, In ls., vi, 9, t. xxiv, col. 98 qu'il savait l convertis du judaïsme, ont suffi à le mettre au courant 



379 



LUC (SAINT) 



380 



des coutumes juives. Les anciens écrivains ecclésiastiques 
ont généralement affirme que saint Luc. était originaire 
d'Antioche. Eusèbe, H. E., m, 4, t. xx, col. 220; Qusest. 
ad Stephan., suppl., 4, t. xxii, col. 961 (plusieurs cri- 
tiques pensent qu'Eusèbe a puisé ce renseignement dans 
VEpist. ad Aristidem de Jules Africain); S. Jérôme, 
De vir. illust., 7, t. xxm, col. 610; Euthalius, Elenchus, 
prolog., t. lxxxv, col. 636.- Les anciens prologues latins 
du troisième Évangile, qui sont antérieurs à ces écri- 
vains, indiquaient déjà le même lieu d'origine. P. Cos- 
sen, Monarchianische Prologe, dans Texte und linters., 
Leipzig, 1896, t. xv, fasc. 1, p. 7; Wordsworth et White, 
Novum Testamentum D. N. J.-C. latine, Oxford, 1893, 
t. l,fasc. 3, p. 269, 271. Cette désignation du lieu de 
naissance de Luc ne provient pas d'Act., un, 1, puisque 
l'auteur du troisième Évangile et des Actes est différent 
de Lucius de Cyrène, mentionné là comme membre 
de l'Eglise d'Antioche. M. Ramsay, Paulus in der Apos- 
telgeschichte, p. 330, a prétendu que Luc était origi- 
naire de Macédoine et que sa famille avait seulement 
des relations à Antioche. Mais les anciens affirment 



que Cléophas est nommé, Luc, xxnr, 18, le trahissait à 
leurs yeux. Cf. Théophylacte, Enarrat. in Evang. Luc, 
t. cxxm, col. 685, 1113. Mais le contexte exige que le 
personnage nommé soit un témoin des événements de 
la semaine, ce qui ne convient pas à saint Luc. L'auteur 
du canon de Muratori dit expressément du troisième 
évangéliste : Dominum tamen nec ipse vidit in carne. 
La tradition patristique a reconnu dans saint Luc non 
un apôtre, mais un homme apostolique, non un disciple 
immédiat du Christ, mais seulement un disciple des 
apôtres. S. Irénée, Cont. hxr., III, iv, 2, t. vu, col. 845; 
Tertullien, Adv. Marcion., iv, 2, t. n, col. 363; 
S. Jérôme, In Is., 1. xvm, t. xxiv, col. 650; In 
Matth., prol., t. xxvi, col. 18; S. Augustin, De con- 
sensu Évangel., I, n, m, t. xxxiv, col. 1043; Cont. Faust., 
XVII, m, t. xlii, col. 341; Constit. apost., II, lvii, t. i, 
col. 729; S. Chryso6tome, In Matth., hom. i, 2, t. Lvn, 
col. 16; In Acta, hom. i, 1, t. lx, col. 13; Théodoret, 
Hist. relig., praef., t. lxxxii, col. 1283. On ne sait pas 
avec certitude à quelle époque et dans quelles circons- 
tances Luc devint chrétien. Comme il était originaire 




121. — Sarcophage d'Arles. D'après une photographie. 



explicitement que Luc est né à Antioche. Ils attribuent, 
ainsi que l'auteur du Canon dit de Muratori, à saint Luc 
la profession de médecin. Saint Paul, d'ailleurs, l'avait 
appelé Luc « le médecin ». Col., îv, 14. On a confirmé 
cette dénomination par les détails médicaux et les termes 
techniques, employés dans le troisième Évangile, iv, 38; 
xxii, 43, etc., et dans les Actes, xm, 11. Hobart, The 
médical language of saint Luhe, Dublin, 1882; A. Har- 
nack, Medicinisches aus derâltesten Kirchengesch.ich.te, 
dans Texte und Unters., Leipzig, 1892, t. vm, fasc. 4, 
p. 37-40. Eusèbe, Qusest. ad Stephan., suppl., 4, t. xxii, 
col. 961, et saint Jérôme, Epist., xx, 4, t. xxii, col. 378, 
concluaient de la profession de saint Luc qu'il était 
inter omnes evangelislas grœci sermonis erudilissimus. 
Comme les médecins étaient souvent, dans l'antiquité, 
de condition servile, des exégètes modernes, ainsi qu'on 
l'a vu plus haut, ont conclu, contrairement à la tradition, 
que Luc était un esclave affranchi. 

3" Sa conversion. — Dans le prologue de son Évan- 
gile, 1, 1-3, saint Luc laisse clairement entendre qu'il 
n'a pas été un des disciples immédiats de Jésus, puis- 
qu'il se propose de raconter les faits, non tels qu'il les 
a vus, mais tels qu'il les a appris des témoins oculaires 
et des auditeurs du Sauveur. Néanmoins, on a voulu le 
mettre en rapports directs avec Notre-Seigneur. Adaman- 
tius, Dial. de recta in Deum fide, t. xi, col. 1721, et 
saint Épiphane, User., li, 11, t. xli, col. 908, en ont fait 
un des soixante-douze disciples. Luc, x, 1. Saint Gré- 
goire le Grand, Moral, in Job, praef., i, 3, t. lxxv, 
col. 517, rapporte que quelques-uns reconnaissaient en 
lui le second disciple qui vit Jésus ressuscité, sur le 
chemin d'Ëmmaûs; son silence sur ce personnage, alors 



d'Antioche, il est vraisemblable qu'il a été converti de 
bonne heure par les premiers prédicateurs de l'Évangile, 
qui vinrent de Jérusalem en cette ville. Act., xi, 19-30. 
Cette conclusion est confirmée par une addition que le 
texte occidental contient dans ce récit entre les versets 
27 et 28. Le Codex Cantabrigiensis D présente, en effet, 
cette leçon : 'Hv ôe tcoIXt) àyaXkitxmi;, (7UV£<rrp«[i(j.éva)v 
Ss J)|iûv ly\ e'ç, etc., appuyée par plusieurs manuscrits 
de la vieille version latine, ainsi qu'il résulte d'une cita- 
tion de saint Augustin, De sermone Domini in monte, 
1. II, c. xvii, 57, t. xxxiv, col. 1295 : Eratque magna 
exsultatio. Congregatis autem nobis, surgens unus, etc. 
Si cette leçon était originale, il en résulterait qu'elle 
mettrait en scène l'auteur du livre des Actes et que par 
suite saint Luc aurait été un des premiers membres de 
la jeune Église d'Antioche. Quelques-uns ont pensé qu'ij, 
avait été converti à la foi chrétienne par saint Paul après 
que celui-ci eut été amené à Antioche par Barnabe. 
Act., xi, 25. Mais on remarque avec raison que saint 
Paul n'appelle jamais Luc son ce fils ». 

4» Luc, compagnon de saint Paul. — Quoi qu'il en soit, 
nous savons avec certitude que saint Luc a été le com- 
pagnon de saint Paul et son collaborateur. Lui-même 
nous "a laissé dans les Actes le récit circonstancié d'un 
témoin oculaire. Voir t. i, col. 153-155. L'écrivain té- 
moigne de sa présence par l'emploi du pronom pluriel 
nous à partir d'Actes, xvi, 10. Nous ignorons comment 
il se rencontra avec saint Paul à Troade, mais- il devait 
être connu de l'apôtre qui avait séjourné à Antioche. II 
partit avec lui et l'accompagna jusqu'à Philippes de Ma- 
cédoine. Son récit montre qu'il eut une part à la fonda- 
tion de l'Église de cette ville. Act., xvi, 10-17. Il ne fut 



381 



LUC (SAINT) 



382 



pas emprisonné avec Paul et Silas et ne les suivit pas 
à leur départ. 19-40, On en a conclu qu'il demeura à 
Philippes pour affermir et développer la communauté 
chrétienne. La séparation de Luc et de Paul dura cinq 
ou six années. Cela résulte de l'absence de la salutation 
de la part du premier dans six lettres du second. Ce ne 
fut que lorsque Paul, après ses deux missions en Grèce 
et en Asie Mineure, repassa à Philippes pour aller por- 
ter à Jérusalem l'argent recueilli dans, les Églises de la 
Macédoine, que Luc l'accompagna de nouveau. Act., xx, 
6. Du rapprochement de ce texte avec II Cor., vm, 18, 
il ressort que le frère, loué dans ce dernier passage, 
ne peut guère être saint Luc, quoi qu'en aient pensé 
plusieurs Pères. S. Ignace, Ad Ephes., 15, t. v, 
col. 749; Origène, In Luc, hom. r, t. xm, col. 1804; 
S. Ambroise, In Luc, i, t. xv, col. 1538; S. Jérôme, 
Eptst,, lui, n. 8, t. xxii, col. 548; De virîs illust., 7, 
t. xxiii, col. 619; S. Chrysostome, In Act., hom. i, 1, 
t. lx, col. 15; In II Tim., hom. x, 1, col. 655; 
(quoiqu'il reconnaisse Barnabe, In II Cor., hom. xvhi, 
1, t. lxi, col. 523). Ce frère, célèbre dans toutes les 
Églises par sa prédication de l'Évangile (et non par la 
rédaction d'un Évangile)j avait été délégué par les 
Églises de la Macédoine pour cet office de charité consis- 
tant à recueillir des collectes pour les fidèles de Jérusa- 
lem, en vue de l'accompagner dans cette ville. R. Cor- 
nely, Comment, in S. Pauli Eptst. ad Cor. altérant, 
Paris, 1892, p. 230232. Saint Paul l'envoie de Macé- 
doine, II Cor., vm, 1, avec Tite et un autre frère. 
lbid., 16-22. Or, c'est de la Macédoine que le même 
apôtre revint à Philippes, où il retrouva Luc qui, au lieu 
d'aller à Corinthe, fit route avec lui et d'autres compa- 
gnons parmi lesquels n'est pas Tite, vers Jérusalem. 
Act., xx, 3-6. Voir t. n, col. 998-999. Si l'on admettait 
néanmoins que ce frère soit saint Luc, il faudrait recon- 
naître que saint Paul attendit à Philippes son retour de 
Corinthe avant de partir pour Jérusalem, emportant la 
collecte faite parmi les Corinthiens. 

A partir de la rencontre de Paul et de Luc à Phi- 
lippes, le livre des Actes devient une sorte de journal 
de voyage. Après la fête de Pâques, Paul et Luc rejoi- 
gnirent à Troade, où ils les avaient devancés, leurs com- 
pagnons de route. Ils y demeurèrent sept jours. Act., xx, 
5, 6. Tandis que Paul se rendait à Assos par terre, 
Luc et les autres y allaient par mer. Ils emmenèrent 
l'Apôtre à Mitylène, puis par mer à Samos et à Milet. 
Act., xx, 13-15. Après l'entrevue si émouvante avec les 
anciens d'Éphèse, les voyageurs s'embarquèrent pour 
Cos, Rhodes et Patare, puis, sur un autre vaisseau, pour 
Tyr. Act., xxi, 1-3. De Tyr, ils descendirent à Ptolémaïde 
et à Césarée, où ils séjournèrent quelques jours. 
Act., xxi, 7, 8. Malgré les dangers prédits à Paul, ils 
montèrent à Jérusalem, où ils furent bien accueillis. 
Act., xxi, 15, 17. Luc fut témoin oculaire des événements 
qui s'accomplirent en celte ville et qu'il raconte. Act., 
xxi, 18-xxvi, 32, aussi bien que de l'emprisonnement 
de Paul à Césarée. On ne peut affirmer qu'il soit de- 
meuré constamment dans cette ville auprès de l'Apôtre. 
Quoique le récit à la première personne du pluriel cesse 
dans les Actes, il est légitime de penser que Luc était 
nn de ■ ces amis de Paul à qui le gouverneur Félix 
autorisa l'accès de la prison. Act., xxiv, 23. Ce qui 
rend vraisemblable son séjour continu à Césarée durant 
les deux années de l'emprisonnement de Paul, c'est que, 
dés que l'envoi de celui-ci à Rome tut décidé, Luc et 
Aristarque se trouvèrent là pour l'accompagner. Act., 
xxvii, 1, 2. 

Luc fut donc témoin oculaire des événements du 
voyage de Césarée à Rome et put raconter dans les Actes 
les circonstances du trajet, les villes où ils firent escale, 
les changements de vaisseaux, le naufrage à Malte, la 
continuation du voyage jusqu'à Rome et la situation de 
l'Apôtre dans cette ville. Act., xxvn, 2-xxvin, 29. Saint 



Paul y demeura deux ans. Act., xxvm, 30. Saint Luc resta 
un certain temps avec lui, car dans les Épitres aux Colos- 
siens, îv, 14, et à Philémon, jr. 24, qu'on rapporte généra- 
lement à la première captivité de Paul à Rome, l'apôtre 
salue ses correspondants au nom de Luc. Mais de l'ab- 
sence de salutation de sa part dans l'Épltre aux Philip- 
piens, qui a été écrite de Rome après les précédentes, 
il résulte qu'il avait quitté l'apôtre avant la fin de son 
séjour en cette ville. D'autre part, saint Paul était seul 
lors de sa première comparution devant César. II Tim., 
iv, 16. Nous ignorons où se rendit Luc en sortant de- 
Rome. L'indication fournie par les Acta Pauli, Lipsius,, 
Acta Apostolorum apocrypha, Leipzig, 1891, 1. 1, p. 104, 
suivant laquelle Luc se serait rendu en Gaule, n'a -au- 
cune valeur. Durant la seconde captivité de Paul à Rome, 
nous retrouvons Luc à ses côtés. II Tim., iv, 11. On. 
rapporte généralement la composition des Actes à la 
deuxième année de la première captivité de saint Paul 
à Rome. Voir t. I, col. 155. Le troisième Évangile, qui 
est un irpttfToc Xôyo;, Act., I, 1, serait antérieur. Voir- 
plus loin. Quelques critiques ont attribué à saint Luc, 
sans raisons suffisantes, la rédaction de l'Épître aux 
Hébreux. Voir t. m, col. 545. 

5° Dernières années. — Nous manquons de rensei- 
gnements anciens et certains sur l'histoire de saint Luc 
après la mort de saint Paul et sur la fin de sa vie. Ceux 
que nous possédons sont relativement récents et souvent, 
contradictoires. Saint Épiphane, Adv. hmr., li, 11, t. ili, 
col. 907, prétend que saint Luc prêcha l'Évangile en 
Dalmatie, en Gaule, en Italie et en Macédoine, surtout 
en Gaule, comme Crescens. Voir t. n, col. 1111. Saint 
Grégoire de Nazianze, Orat., xxxiii, 11, t. xxxvî, 
col. 228, le fait aller en Achaïe, où il aurait rédigé son 
Évangile. Garni., 1. I, sect. i, carm. xn, t. xxxvii, 
col. 474. Les Constitutions apostoliques, 1. VII, c. xlvi, 
t. l, col. 1052, affirment que saint Luc ordonna Avilius, 
le deuxième évêque d'Alexandrie. Diverses subscrip- 
tions de manuscrits du troisième Évangile, citées en 
note, ibid., par Cotelier, indiquent Alexandrie la Grande- 
comme le lieu de la composition de cet Évangile. 
Siméon Métaphraste, Vita S. Luc», 7, t. cxv, col. 1136, 
tait retourner saint Luc de Rome en Orient, parcourir 
toute la Libye et parvenir en Egypte, où il convertit la 
Thébaïde supérieure et où il fut institué évêque dan» 
une ville aux sept portes delà Thébaïde inférieure. Selon 
lui, ibid., 8, col. 1137, saint Luc y mourut en paix. 
Néanmoins, il place sa sépulture en Achaïe et raconte 
la translation de ses reliques de Thébes en Béotie à Cons- 
tantinople par les soins de Constance. Ibid., 9, 10, 
col. 1137. De telles contradictions montrent le peu 
de valeur de ses renseignements. Cf. Ménologe grec, 
au 18 octobre, t. cxvii, col. 113. Nicéphore Calliste, 
H. E., il, 43, t. cxlv, col. 876, prétend que l'évangéliste 
alla de Rome en Grèce. Saint Grégoire de Nazianze, 
Orat., iv, n. 69, t. xxxv, col. 589, est le premier qui 
parle du martyre de saint Luc. Saint Gaudence, évêque 
de Brescia, Serin., xvu, t. xx, col. 962, rapporte que 
saint Luc fut tué à Patras en Achaïe. Saint Isidore de 
Séville, De vita et obitu Patrum, 82, t. lxxxiii, col. 154, 
sait que saint Luc mourut à l'âge de 74 ans et qu'il fut 
enseveli en Bithynie; il déclare qu'il avait été très, 
chaste déslson enfance. Le vieux prologue du troisième 
Évangile contenait ces mêmes renseignements : neque 
uxorem unquam habens neque filios, lxxiv annorum 
obiit in Bithynia, plenus Spiritu sancto. P. Corssen, 
Monarchianische Prologe zu den vier Evangelien, Leip- 
zig, 1896, p. 8. Selon Nicéphore Calliste, toc. cit., saint 
Luc fut pendu à un olivier et son sépulcre était célèbre. 
Le pseudo-Dorothée, Patr. Gr., t. cxxm, col. 685, pré- 
tend que saint Luc est mort et a été enseveli à Ephèse. Cf. 
A. Dutau, Vn prétendu tombeau de saint Luc à Ephèse 
restitué à la mémoire de saint Antipas, Paris, 1883. 
La vingtième année du règne de Constance, en 357, les- 



383 



LUC (SAINT) — LUC (ÉVANGILE DE SAINT) 



384 



reliques .de saint Lac ont été transférées d'Achaïe (mais 
de Bithynie, selon S. Isidore de Séville) à Constanti- 
nople. S. Jérôme, De vir. ill., 7, t. xxm, col. 621 ; 
Cont. Vigilantium, 5, ibid., coi. 343; Chronic, an. 360, 
t. xxvii, col. 690; Théodore le Lecteur, Excerpta, 
t. lxxxvi, col. 213; S. Isidore de Séville, De vita et 
obitu Patrum, 82, t, lxxxiii, col. 154. Quelques osse- 
ments se trouvaient à Brescia, S. Gaudence, Serm., 
xvn, t. xx, col. 963; à Funda, S. Paulin de Noie, 
Epist., xxxii, n. 17, t. lxi, col. 339: à Antioche et à 
Ostie. Id., Poema, xxx, v. 35, ibid., col. 672. L'Église 
célèbre la fête de saint Luc le 18 octobre. On a donné 
le bœuf comme symbole au troisième évangéliste parce 
que son récit commence par le sacrifice offert par Za- 
charie, père de Jean-Baptiste. 

6° Saint Luc était-il peintre? — D'après Nicéphore 
Calliste, ff, E., 1. II, c. xliii, t. cxlv, col. 876, saint 
Luc était très habile dans l'art de la peinture. Siméon 
Métaphraste, Vita S. Lucm, 6, t. cxv, col. 1136, lui attri- 
bue une image du Christ qu'on honorait de son temps. 
On lui a attribué aussi des peintures de la sainte Vierge. 
Cette attribution repose sur le témoignage de Théodore 
le Lecteur, du vi« siècle. Il rapporte que l'impératrice 
Eudoxie avait trouvé à Jérusalem un portrait de la mère 
de Dieu, peint par l'apôtre Luc, et qu'elle l'avait en- 
voyé à Constantinople. pour en faire présent à sa belle- 
sœur Pulchérie, femme de Théodose II. Théodore le 
Lecteur, Excerpta, i, 1, t. lxxxvi, col. 165. Les Madones 
dites de saint Luc reproduisent un type byzantin de la 
Vierge et peuvent remonter au v e siècle. Rien d'authen- 
tique ne justifie l'attribution à saint Luc de ces images. 
Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 
2 e édit., Paris, 1877, p. 791-792; E. von Dobschûtz, 
Christusbilder. Vntersuchungen zur christlichen Lé- 
gende, Leipzig, 1899, t. n, p. 266"-280". Cf. Acta sancto- 
rum, octob. t. vm, p. 282-313. E. Mangenot. 

2, LUC (ÉVANGILE DE SAINT). — I. AUTHENTICITÉ. 
— L'authenticité du troisième jivangile n'a jamais été 
contestée, et la critique la plus avancée respecte l'uni- 
verselle attribution de ce récit à saint Luc. Les titres 
grecs et latins : Eùafféitov xoctà Aouxôév, Evangelium 
secundum Lucam, ou autres analogues, qui se lisent en 
tête des manuscrits et des éditions, remontent au 
il* siècle, voir t. n, col. 2060, à l'époque où le troisième 
Évangile était expressément attribué à Luc, son auteur. 
Mais des citations formelles ou implicites du troisième 
Évangile dans les écrits de la fin du I er siècle et du 
commencement du H« prouvent que ce livre existait 
déjà et étais connu dans l'Église entière. 

1° Existence et connaissance du troisième Évangile 
à la fin du I er siècle et au commencement du il". — 
Saint Clément de Rome cite, de mémoire, semble-t-il, 
des paroles prononcées par Jésus. Aucune ne répond 
textuellement à aucun des synoptiques. Quelques mots 
cependant ressemblent de plus près à saint Luc, qu'à 
saint Matthieu. Ainsi, I Cor., xm, 2, w; StSoTe, oûrwç 
Soô^ffsxai ûixïv, rappelle de très près Luc, vi, 38. Funk, 
Opem Patrum apostolicorum, 2 e édit., Tubingue, 1887, 
p. 78. I Cor., xlvi, 8, combine Matth., xxvi, 24, et Luc, 
xvii, .2. Ibid., p. 120. La ressemblance entre I Cor., 
xxm, 4, et Luc, xxi, 29, 30, est plus éloignée. Sans 
être décisives, ces coïncidences sont plus que suffi- 
santes à prouver l'emploi du troisième Évangile à Rome 
entre 93 et 95. La AtSax^» 1 u ' es * de P eu postérieure, 
mêle en deux endroits, i, 3; xvi, 1, Funk, Doctrina 
duodecim Apostolorum, Tubingue, 1887, p. 6, 46, Luc, 
vi, 28-32; xii, 35, à des passages de saint Matthieu. 
Cf. t. n, col. 2064. La citation que fait saint Ignace, 
Ad Smyrn., m, 2, Funk, p. 236, ne convient pas exclu- 
sivement à Luc, xxiv, 39, car si ce passage est visé, il 
est complété par une citation étrangère aux Évangiles 
canoniques. Saint Polycarpe, Ad Philip., n, 3, Funk 



p. 268, mélange Matth., vu, 1, avec Luc, vi, 36-38, et 
Matth., v, 3, 10, avec Luc, vi, 20. L'écrit de Papias étant 
perdu on ne peut prétendre avec certitude que cet écri- 
vain ne connaissait pas saint Luc ; il pouvait le citer sans 
qu'Eusèbe ait pris soin de le noter. Il est d'ailleurs vrai- 
semblable que Papias l'avait entre les mains aussi bien 
que saint Ignace et saint Polycarpe. Dans le Pasteur 
d'Hermas, Simil., ix, c. xxvi, 3, Funk, p. 547, il y a 
une allusion évidente à une parole de Jésus. Luc, ix, 
24; xvn, 33. i.a II" Clementis, xm, 4, cite textuelle- 
ment en partie Luc, vi, 32, 35; v, 2, Luc, x, 3; viit, 5, 
Luc, xvi, 10, avec cette entrée en matière : Asysi yàp 3 
Kûpto; bi tô e-iocYYeii'to; toutefois, comme la première 
partie de la citation ne se trouve pas dans les Évangiles 
canoniques, quelques critiques pensent que l'auteur cite 
un évangile apocryphe; vi, 1, Luc, xvi, 13, Funk, p. 150, 
154, 160. Basilide, qui enseignait à Alexandrie vers Tan 
120, se servait du troisième Évangile. D'après les Philo- 
sophumena, vu, 26, t. xvi, col. 3315, il citait Luc, i, 
35, comme une parole sainte. Les Acta Archelai, 55, 
t. x, col. 1524, nous apprennent que le treizième livre 
de son commentaire sur l'Évangile commençait par la 
parabole du pauvre Lazare et du mauvais riche, que 
Luc seul raconte, xvi, 19-31. Au rapport de Clément 
d'Alexandrie, Strom., i, 21, t. vm, col. 888, les disciples 
de Basilide célébraient le jour du baptême de Jésus et 
ils en fixaient la date à la quinzième année de Tibère, 
date indiquée par saint Luc, m, 1, pour le début de la 
prédication de Jean-Baptiste. Quelques-uns d'entre eux 
plaçaient la mort de Jésus à la seizième année de Ti- 
bère. Or, selon saint Irénée, Cont. hser., II, xxn, t. vu, 
col. 781, c'étaient des valentiniens qui s'appuyaient 
sur Luc, iv, 19, citant Is., lxi, 2. Dans le c. li, ajouté 
au traité De prsescript., de Tertullien, t. n, col. 70, il est 
dit que Cerdon ne recevait que le seul Évangile de 
saint Luc, et encore pas en entier. Carpocrate interpré- 
tait d'une façon singulière une parole de Jésus, citée par 
saint Irénée, Cont. hser., I, xxv, n. 4, t. vu, col. 683,en 
des termes, se rapprochant de Luc, xii, 58-59, plus que 
de Matth., 'v, 25-26. De cette enquête il résulte qu'au 
milieu du n« siècle, le troisième Évangile se trouvait aux 
mains de tous les chrétiens, catholiques ou hérétiques. 
2° Dans la seconde moitié du ip siècle. — Les 
preuves de la connaissance et de la diffusion du troi- 
sième Évangile dans cette courte période abondent, et 
c'est alors que se manifeste l'attribution précise de cet 
écrit à saint Luc, Saint Justin, Dial. cum Tryph., 103, 
t. vi, col. 717, déclare que les Évangiles, qu'il nomme 
Mémoires des apôtres, ont été écrits par des Apôtres ou 
par des disciples des Apôtres. Il sait donc les noms des 
évangélistes, bien qu'il ne les cite pas, et il place évi- 
demment saint Marc et saint Luc parmi les auteurs de 
la seconde catégorie, puisque cette mention sert à intro- 
duire le récit de la sueur de sang de Jésus, qui est par- 
ticulier à saint Luc, xxn, 44. D'ailleurs, un très grand 
nombre de traits de la vie du Sauveur cités par lui ne 
sont rapportés que dans le troisième Évangile. Voir t. u, 
col. 2068, 2069. Tatien, disciple de saint Justin, a pu- 
blié un Aià TEmrâpwv, qui combinait en un seul récit 
les quatre narrations canoniques de la vie de Jésus. On 
sait qu'il en excluait les généalogies. Or, l'une d'elles se 
trouve dans l'Évangile [de Luc. Une allusion à Luc, vi, 
25, se remarque, Orat. adv. Greecos, xxxii, t. VI, 
col. 872. Dans le fragment de Tatien, conservé par Clé- 
ment d'Alexandrie, Strom., ni, 12, t. vin, col. 1181, il y 
a une autre allusion soit à Luc, xvi, 13, soit à Matth., 
vi, 24. Les hérétiques de cette époque rendent le 
même témoignage en faveur du troisième Évangile. 
Marcion a rejeté les trois autres Évangiles qu'il con- 
naissait pour ne conserver que celui de saint Luc comme 
son seul Évangile et. celui de ses Églises. Il l'abrégeait 
encore, en enlevant ce qui ne cadrait pas avec ses doc- 
trines, et il ne gardait qu'une parcelle d'Évangile, 



385 



LUC (ÉVANGILE DE SAINT) 



386 



S. Irénée, Coni. hser., I, xxvii, % t. vu, col. 688; Ter- 
tullien, Adv. Marc, IV, h, v, t. n, col. 36i, 367. Quel- 
ques critiques avaient prétendu que l'Évangile écourté 
de Marcion était l'original même de saint Luc et que le 
troisième Évangile canonique n'en était qu'une amplifi- 
cation. Cette prétention est insoutenable, car le plus 
grand nombre des omissions s'explique par l'intérêt 
doctrinal et les versets supprimés ont tous le cachet 
propre au style de saint Luc. Il est donc évident que la 
modification du texte de saint Luc vient de Marcion et 
non de l'Église catholique. Cf. Zahn, Geschichte des 
Neutestamentlichen Kanons, Erlangen et Leipzig, 1891, 
t. il, p. 409-455, qui a reconstitué l'Evangile de Marcion, 
p. 455-494. Comme Marcion, Valentin se servait de pas- 
sages évangéliques qui n'étaient fournis que par saint 
Luc, et ses disciples les interprétaient arbitrairement. 
S. Irénée, Cont. hser., III, xiv, 3-4, t. vu, col. 916, 
917. Ils cherchaient en particulier de grands mystères 
dans le récit de l'Annonciation. Luc, ï, 26-55. S. Irénée, 
Cont. hser.,l, Xv, 3, t. vu, col. 620; Philosophumena, 
vi, 35, 51, t. xvi, col. 3247, 3279. Héracléon, disciple de 
Valentin, donnait une interprétation de Luc, xn, 8-12, 
que Clément d'Alexandrie, Strom., IV, 9, t. vm, col. 1281- 
1284, rapporte et discute. Les Marcosiens reconnaissaient 
dans la drachme perdue, dont saint Luc est seul à parler, 
xv, 8, l'image de la sagesse égarée. S. Irénée, Cont. 
hser., I, xvi, 1, t, vu, col. 629. Ptolémée, autre disciple 
de Valentin, acceptait cette explication et entendait 
d'une manière analogue la parabole de la brabis perdue, 
propre à saint Luc, xv, 4, les actes du vieillard Siméon, 
et de la prophétesse Anne, relatés dans le troisième 
Évangile, Luc, H, 28, 36; il interprétait aussi suivant 
son système Luc, vu, 35. S. Irénée, Cont. hser., I, vm, 
2, col. 529, 532. L'épisode de Jésus au temple à l'âge de 
douze ans, Luc, H, 42, et le choix que le Sauveur fit 
de douze Apôtres, Luc, vl, 13, étaient pour les valenti- 
niens des indices de l'existence des douze Éons. Jbid., 
I, m, 2, col. 469. Les Ophites expliquaient dans leur 
sens les récits concernant la naissance de Jean-Baptiste 
et de Jésus, ainsi que la mort du Christ. Ibid., I, xxx, 
11, 14, col. 701, 703. Voir t. n, col. 2070. Les Récogni- 
tions clémentines, dont la source judéo-chrétienne 
remonte au milieu du n e siècle, citent plusieurs fois 
Je texte de saint Luc, ï, 40, 54; n, 32; iv, 5; v, 13; 
ti, 4; x, 45, t. ï, col. 1231, 1237, 1264, 1317, 1336, 
1349, 1442-1443. Les Homélies clémentines font de 
même. Hom., m, 15; iv, 71; vm, 7; ix, 22; xu, 23; 
xvii, 5; xviii, 3; xix, 2, t. h, col. 121, 156, 229, 257, 300, 
388, 405, 424. Ces citations de saint Luc sont d'autant 
plus remarquables que l'auteur de la littérature clé- 
mentine était un adversaire de saint Paul; elles mon- 
trent ainsi l'autorité dont l'Évangile de saint Luc jouis- 
sait dans l'Église entière. Un païen lui-même, Gelse, 
qui écrivait vers 178, connaît le troisième Évangile. Il 
reproche à son auteur l'insolence audacieuse avec la- 
quelle il fait remonter la généalogie de Jésus, fils d'un 
charpentier, au premier homme et aux rois d'Israël. 
Origène, Cont. Cels., n, 32, t. xi, col. 852. Il oppose les 
■évangélistes, Matthieu et Marc, qui parlent de deux 
anges, et les autres, Luc et Jean, qui n'en placent qu'un 
auprès du tombeau de Jésus. Ibid., v, 56, col. 1269. 

3° Affirmations que saint Luc est l'auteur du troisième 
Évangile. — C'est dans la même période de la seconde 
moitié du II e siècle que nous rencontrons les premières 
affirmations explicites de la composition du troisième 
Évangile par saint Luc. Le canon dit de Muratori, qui 
date des environs de 170, l'attribue expressément à Luc, 
le médecin et le disciple de saint Paul. Voir t. il, col. 170. 
Il est témoin de la tradition de l'Église romaine, bien 
placée pour connaître l'activité littéraire de saint Luc, 
compagnon de Paul pendant sa captivité à Rome. Saint 
Irénée, représentant des Églises d'Asie Mineure et de 
Gaule, dans son traité Cont. hier., composé entre 177 

DICT. DE LA BIBLE. 



et 189, connaît les noms des auteurs des quatrs Évan- 
giles canoniques ; il nous dit du troisième : Kal Aouxâ? 
Sa 4 àxQ/,0'j6o; ILaiXctM xb ùtt' èxEtvou xi]f>ua<ri5|i£vov Eùay- 
Y&iov èv fiiêliw xaTÉÔsxo. III, 1, 1, t. vu, col. 845. Il tait 
ainsi ressortir la relation qui existe entre le troisième 
Évangile et la prédication de saint Paul. Le prêtre afri- 
cain, Tertullien, attribue le troisième Évangile à Luc, 
un homme apostolique, qui a vécu avec les Apôtres et 
après les Apôtres. Adv. Marcion., iv, 2, t. n, col. 363. 
Il affirme au même endroit, col. 364, que saint Paul 
a été illuminator Lucas. Cf. c. ni, col. 365. Il déclare, 
ibid., c. v, col. 367, que les Églises apostoliques ont 
coutume d'attribuer à Paul l'écrit de Luc. Clément 
d'Alexandrie, dans ses Hypotyposes qui sont perdues, a 
conservé, au rapport d'Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, 
col. 552, une tradition particulière sur l'ordre de com- 
position des quatre Évangiles canoniques : il plaçait 
en premier lieu les Évangiles qui renfermaient des 
généalogies de Jésus. Il connaissait donc le troisième 
Évangile. Mais Origène, disciple de Clément, mettait 
l'Évangile de Luc au troisième rang; il déclarait en 
outre qu'il avait été recommandé par Paul et écrit pour 
les gentils. Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 584. Cf. In 
Luc, Hom. ï, t. xm, col. 1803. Le vieil argument latin, 
qui est en tête du troisième Évangile et qui remonte au 
m e siècle, attribue ce récit évangélique à saint Luc et 
affirme qu'il l'a rédigé en Achaïe après saint Matthieu 
et saint Marc. Wordsworth et White, Novum Testa- 
mentum D. N. J. C. latine, Oxford, 1893, fasc. 3, p. 269, 
271. Les Constitutions apostoliques, n, 57, t. ï, col. 729, 
attribuent les quatre Évangiles, qui étaient lus dans les 
assemblées liturgiques, aux apôtres Jean et Matthieu et 
aux compagnons de Paul, Luc et Marc Eusèbe affirme 
plusieurs fois que Luc est l'auteur du troisième Évan- 
gile. H. E., m, 4, 24, t. xx, col. 220, 269. De même 
S. Jérôme, De viris, 7, t. xxm, col. 621 ; Comment, in 
Ev. Matth., prol,, t. xxvi, col. 18 ; S. Chrysostome, In 
Acta, Hom,. ï, n. 1, t. lx, col. 15. Dès lors, tous les écri- 
vains ecclésiastiques ont unanimement attribué à saint 
Luc la composition du troisième Évangile. Qu'on ne 
prétende pas que cette tradition n'a point de fondement 
historique et qu'elle n'est que le résultat du travail 
exégétique des Pères sur le troisième Évangile. Bien 
qu'elle se manifeste tardivement en termes tormels, elle 
ne se présente pas dans les premiers témoignages 
comme une opinion, fondée sur l'examen intrinsèque du 
livre, mais comme un fait simplement affirmé et recueilli 
de la tradition antérieure. D'ailleurs, le nom de l'auteur 
n'est pas mentionné dans l'Évangile; en le donnant, on 
a reproduit un souvenir vraiment historique. Si l'on 
eût procédé par simple supposition, d'autres noms de 
personnages plus connus que Luc se seraient plus natu- 
rellement présentés à la pensée. « Une tradition aussi 
unanime et aussi précise <jue celle qui a désigné le nom 
de l'auteur du troisième Evangile et des Actes ne peut 
être un pur accident, et ceux qui la rejettent sont, 
comme dit Plummer, tenus de l'expliquer. » Godet, 
Introduction au Nouveau Testament, Neuchâtel, 1900, 
t. ii, p. 666. D'autre part, dans le contenu du troisième 
Évangile, rien ne s'oppose à l'attribution de ce récit à 
saint Luc. Loin de là, des critiques y trouvent, au con- 
traire, une confirmation des données traditionnelles. Cf. 
Bacuez, Manuel biblique, 10 e édit., Paris, 1900, t. m, 
p. 160-165; Cornély, Introductio specialis, Paris, 1886, 
p. 128-132. 

II. Intégrité. — Toutes les éditions critiques du Nou- 
veau Testament reproduisent intégralement le texte du 
troisième Évangile. Quelques-unes cependant essaient 
d'exclure un passage célèbre, celui qui raconte la sueur 
de sang du Sauveur au jardin de Gethsémani.Luc.,xxn, 
43, 44. Lach mann, en 1842, Hort et Westcott, en 1881 , l'ont 
imprimé entre crochets. Ces derniers, The New Testa- 
ment in the original Greek, Cambridge et Londres, 1882, 

IV. - 13 



387 



LUC (ÉVANGILE DE SAINT) 



p. il, appendix, p. 66, 67, le tiennent pour une interpo- 
lation d'origine occidentale adoptée dans des testes 
éclectiques, et pour un fragment de ces traditions écrites 
ou orales, qui circulèrent quelque temps en certains 
pays et que les scribes du n e siècle sauvèrent de l'oubli. 
Nous étudierons successivement : 1° les témoignages 
pour ou contre l'authenticité de ces versets; 2° les causes 
qui ont fait suspecter l'authenticité de ce passage. 

I. TÉMOIGNAGES POUR OU CONTRE L'AUTHENTICITÉ. 

— 1° Les manuscrits. — Les uns omettent ces versets, 
les autres les contiennent. Cette diversité a été signalée 
par plusieurs Pères. Saint Hilaire de Poitiers, De Tri- 
nit., iv, 1, t. x, col. 375, tout en les commentant, déclare 
qu'ils manquaient et in grxcis et in latinis codicibus 
complurimis. Saint Jérôme, Dial. adv. Pelag., n, 16, 
t. xxiii, col. 552, dit qu'ils se lisent seulement in qui- 
busdam exemplaribus tant grsecis guam latinis. Saint 
Épiphane, Ancorat., 31, t. xliii, col. 73, semble dire 
que ces versets manquent dans certains manuscrits grecs. 
Du lait que plusieurs Pères grecs et latins ne les com- 
ment pas (voir plus loin), on peut conclure qu'ils ne les 
lisaient pas dans leurs manuscrits. En réalité, les ma- 
nuscrits grecs qui sont parvenus jusqu'à nous se ran- 
gent en deux catégories : les uns omettent ces versets 
ou les marquent de signes de doute et d'hésitation ; les 
autres les reproduisent. Les onciauxABBT a les omettent. 
Mais A a conservé à la marge la section eusébienne avr( 
ou 283", se rapportant au canon i ou 10. Voir t. n, 
cpl. 2052. Or cette section, en cet endroit, ne peut con- 
venir qu'à Luc, xxn, 43, 44. L'original sur lequel ce 
manuscrit a été copié contenait donc ces versets, et le 
copiste ne les a probablement pas transcrits parce qu'ils 
étaient raturés comme ils l'ont été dans N (voir plus loin). 
L'hypothèse suivant laquelle le copiste aurait emprunté 
les sections eusébiennes à un autre manuscrit est moins 
vraisemblable» ft a (correcteur du Sinaiticus, du IV e siècle) 
pointillé ce passage et le met entre crochets; mais N b 
(autre correcteur, du vi» siècle) cherche à faire dispa- 
raître ces traces de doute. Seuls les cursifs 124, du XII e siè- 
cle, 561 et 579, du xni , omettent ce passage. 13 n'a 
de première main que les mots wq>87] 8é, Luc, xxn, 43; 
la suite, qui avait été omise, a été suppléée en marge, 
il y a aussi la section eusébienne <nty. Dans T, û, 123, 
344, 440,512, tout le passage est marqué d'obèles. ESVAII, 
24, 36, 161, 166, 274, 408, ont auprès du texte un asté- 
risque, qui, en plusieurs cas, est vraisemblablement une 
indication liturgique. Le cursif 34 contient une scholie, 
qui signale l'absence de ce passage dans un certain 
nombre d'exemplaires. Les cursifs 69, 124, 346, 348 (et 
peut-être les autres qui sont apparentés à ce groupe 
célèbre, dit groupe Ferrar) reproduisent Luc, Xxn, 43, 
44, et les premiers mots du ),. 45, après Matth., Xxvi, 39 
(346 les a, en outre, à leur place naturelle). Ferrar et 
Abbott, A collation of four important manuscripts of 
the Gospels, Dublin, 1877, p. 92; J.-P.-P. Martin, Quatre 
manuscrits importants du N. T., Amiens, 1886, pi 44-45. 
Une troisième main a ajouté ce passage dans C à la marge 
en face du même endroit de saint Matthieu. C'est une 
particularité liturgique qu'on retrouve dans presque 
tous les ëvangéliaîres grecs. En effet, tandis que le mardi 
du tyrophage on omettait dans la leçon les versets 43 et 
44, à la messe du jeudi-saint on lisait une leçon formée 
de Matth., xxvi, 2-20; Joa., xm, 3-17; Matth., xxvi, 
21-xxvii, 2; mais dans ce dernier fragment on insérait 
Luc, xxn, 43, 44 et les premiers mots de 45, modifiés de 
façon à leur donner dans le contexte un sens, entre les 
versets 39 et 40 de Malth., xxvi. Cependant l'évangé- 
liaire 8 a le passage contesté dans la leçon du mardi du 
tyrophage. Les synaxaires présentent les mêmes parti- 
cularités. Les manuscrits à texte continu, qui ont été 
adaptés à l'usage liturgique, ont, en face de Matth., xxvi, 
39, et de Luc, xxn, 42, des rubriques, des notes ou des 
sigles qui signalent cette transposition liturgique. On 



en peut conclure que l'insertion de Luc, xxil, 42-45, dans 
Matth., xxvi, 39, est due dans les manuscrits du groupe 
Ferrar à l'influence de la liturgie. Sauf ces rares 
exceptions, le passage de saint Luc existe dans l'im- 
mense majorité des manuscrits, dans les onciaux 
nDFGHKLMQRUXATs, dans ESVTAIIÛ de première 
main et dans les cursifs. 

2° Les versions. — Anastase le Sinaïte (vers 700), Vise 
dux, xxn, t. lxxxix, col. 289, faisait ressortir l'impor- 
tance du témoignage des versions bibliques en faveur 
de l'authenticité de l'épisode de la sueur de sang. Ceux 
qui n'ont pas cette section, disait-il, sont convaincus 
d'erreur, puisqu'on la trouve dans toutes les versions et 
dans la plupart des Évangiles grecs. Seul de tous les 
manuscrits latins, le Brixianus, f, omet ces deux ver- 
sets. Aussi les éditeurs Wordsworth et White, Novum- 
Testamentuni D. N. J. C. latine, Oxford, 1893, t. i, 
fasc. 3, p. 462-463, les ont-ils maintenus dans leur édi- 
tion critique de la Vulgate. Ce passage se trouve dans 
toutes les versions syriaques, Peschito, Curetonienne, 
charkléenne et hiérosolymitainë, ainsi que dans le Aià 
ztaa&purj de Tatien. Il manque cependant dans le ma- 
nuscrit sinaïtique, publié en 1895 par M mM Lewis et Gib- 
son. Cf. C. Holzhey, Der neuentdeckte Codex syrus si- 
naiticus, Munich, 1896, p. 72; A. Bonus, Collatio codicis 
Lewisiani cum codice Curetoniano, Oxford, 1896, p. 72. 
Les versions coptes, à l'exception de plusieurs manus- 
crits de la version bohaïrique, voir t. n, col. 948, le 
possèdent ainsi que les traductions éthiopienne, armé- 
nienne et arabe. Les lectionnaires syriens, coptes et 
arméniens (pas tout cependant pour ces derniers) le 
contiennent aussi. 

3° Les Pères. — La plupart des Pères ont lu, cité ou 
commenté ce passage. Le témoignage des Pères grecs est 
spécialement important. Saint Justin, Dial. cum Try- 
phone, 103, t. vi, col. 717, 720, a lu dans les Mémoires 
écrits par les apôtres et leurs disciples l'épisode de la 
sueur de sang. S'il ne nomme pas saint Luc, c'est qu'il 
ne désigne jamais les Évangiles, qu'il cite comme Mé- 
moires des apôtres, par le nom de leurs auteurs. En par- 
lant des Mémoires des Apôtres et de leurs disciples, il 
fait allusion au troisième Évangile. Saint Irénée, Cont. 
hier., III, xxn, 2, t. vu, col. 957, signale la sueur de 
sang au milieu de détails évangéliques qui prouvent 
la réalité de la chair du Sauveur. Saint Hippolyte, Cont. 
Noet., 18, t. x, col. 828, fait de même. Cf. un autre texte 
du même érivain, cité par Anastase le Sinaïte, Vise dux, 
c. xxin, t. lxxxix, col. 301. Saint Denys d'Alexandrie, 
Interp. Luc, t. x, col. 1594, commente ces versets d'une 
façon singulière. Eusèbe les connaît et en forme une 
section spéciale, la 283 e de saint Luc, qu'il place dans 
le canon X e avec les passages propres à un seul Évan- 
gile. Arius, cité par saint Épiphane, Adv. hser. , hasr. lxix, 
19, 59, t. xui, col. 232, 300, concluait de ce passage que 
Jésus n'était pas Dieu. Didyme, De Trinit., 1. III, c. xxi, 
t. xxxix, col. 900, 913, réfute les hérétiques qui en 
abusaient. Saint Athanase, In Ps. lxviii, 17, t. xxvn, 
col. 309, le cite. Saint Cyrille d'Alexandrie, In Ps. lxviii, 
1, t. lxix, col. 1161, fait de même. Il est dès lors éton- 
nant qu'on ne trouve pas d'explication dans son com- 
mentaire sur Luc, t. lxxii, col. 924. Se servent encore 
de ces versets le pseudo-Césaire de Nazianze, Dialog., i, 
inter. 23, 29, t. xxxvm, col. 881, 884, 888; saint Épi- 
phane, qui réfute Arius, Adv. hser., lxix, 59, t. xlii, 
col. 300, et explique le texte, Ancorat., 37, t. xliii, 
col. 84; saint Chrysostotne, In Matth., homil. lxxxiii, 
t. lviii, col. 746; In Ps. cix, 8, t. lv, col. 277 ; In Joa., 
homil. lxiii, t. us, col. 350 (ici, il attribue le passage à 
saint Matthieu); Théodore de Mopsueste, Fragmenta 
dogmatica, t. lxvi, col. 984, 995; Théodore., In Ps. xv, 
7, t. lxxx, col. 961 ; Demonsï. per syllog., t. lxxxiii, 
col. 325; le Pseudo-Denys l'Aréopagite, De ceelest. hic- 
rarch., iv, 4, t. m, col. 18) ; et saint Maxime le Con- 



389 



LUC (ÉVANGILE DE SAINT) 



390 



fesseur, Scholia, in h. loc, t. iv, col. 60, suivant qui 
la tradition dont parle Denys est l'Évangile de saint Luc 
rédigé d'après la prédication de saint Paul; Cosmas 
Indicopleuste, Topog., t. lxxxviii, col. 437; Anastase le 
Sinaïte, Vise dux, c. xm,t. lxxxix, col. 233; InHexœm., 
1. XI, ibid., col. 1028. Parmi les Pères latins, saint 
Hilaire.de Poitiers, De Trinit., 1. X, 40, 41, t. x, col. 375, 
reste indécis par suite de l'absence de ces versets dans 
beaucoup de manuscrits. Saint Jérôme, Dial. adv. pela- 
gianos, 1. II, 16, t. xxm, col. 552, connaît ces versets, 
reproduits seulement en certains manuscrits grecs et 
latins. Saint Ambroise les omet dans son commentaire 
de saint Luc, t. xv, col. 1818. Cependant Anastase le 
Sinaïte, Cont. monophysitas, t. Lxxxrx, col. 1185, a 
conservé un extrait de ce commentaire, dans lequel 
Vévêque de Milan parle en termes exprès de la sueur de 
sang et de l'ange consolateur. Saint Augustin cite ces 
versets. De consensu Evangelist., III, rv, 12, t. xxxrv, 
col. 1165; In Ps. cxl, t. xxxvii, col. 1817, 1818. Vigile 
de Tapse admet les faits qu'ils expriment. De Trinit., 
vi, t. lxii, col. 281. Bède, In Luc., VI, t. xcu, col. 603, 
en commentant ce passage, réfute les anciens hérétiques . 
La masse des témoignages et des documents est donc 
favorable à l'authenticité de cet épisode, propre à saint 
Luc. Ils sont de tous les pays et remontent par saint Jus- 
tin jusqu'au n e siècle. On ne peut contester l'originalité 
pas plus que l'antiquité du passage, et c'est vraisembla- 
blement par suite d'un attachement excessif au Vatica- 
nus, <jui l'omet, queHort et Westcott l'ont tenu pour une 
addition. On comprend mieux la suppression de ces 
versets en un certain nombre de documents que leur 
insertion dans la majorjté. 

II. CAUSES QUI ONT FAIT SUSPECTER LEUR AUTHENTI- 
CITÉ. — Les critiques en ont indique plusieurs, qui 
n'ont pas toutes la même vraisemblance. — 1° Depuis 
Wetstein, ils citent, sans indiquer la source où ils ont 
puisé ce renseignement, un écrivain arménien, qui n'est 
autre que Jean Mayrakomiétzi. II vivait dans la première 
moitié du vn e siècle et il s'opposa avec vigueur à l'union 
des arméniens et des grecs décidée au concile de Garin 
(629). Or, il affirmait que Saturnilus, hérétique du 
il» siècle, avait ajouté au troisième Évangile les versets 
relatifs à la sueur de sang. Cf. Isaac le Patriarche, De 
rébus Armenise, t. cxxxn, col. 1253. Mais, d'après saint 
Irênée, Cont. hœr., I, 24, t. vu, col. 674, et l'auteur des 
Philosophumena, vu, 28, t. xvi, col. 3322, Saturnilus 
ou Saturnin enseignait que le Christ n'était pas né, 
qu'il n'avait ni corps ni figure et qu'il avait seulement 
paru être un homme. S'il en est ainsi, il est peu vrai- 
semblable qu'il ait ajouté dans saint Luc l'épisode de la 
sueur de sang. On pourrait plutôt le soupçonner de 
l'avoir enlevé, parce qu'il était trop contraire à son en- 
seignement docète. D'autre part, Saturnin était Syrien 
d'origine. Or un correspondant de Photius, Ad Am- 
philoch., q. ccxix, t. ci, col. 992, affirmait que quelques 
Syriens retranchaient ce passage de l'Évangile. Mais ces 
renseignements sont trop vagues pour qu'on en tire une 
conclusion ferme. 

2° Comme les hérétiques, surtout les ariens, abusaient 
de ce passage pour nier la divinité de Jésus-Christ, des 
orthodoxes, c'est-à-dire des catholiques, au rapport de 
saint Épiphane, Ancorat., 31, t. xi.ni, col. 73, l'auraient 
supprimé par crainte de l'abus qu'on en faisait, et aussi 
parce qu'ils ne comprenaient pas bien la fin du passage. 
C'est pourquoi l'évêque de Salamine, ibid., 37, col. 83, 
l'interprète sainement. Cette suppression expliquerait 
les témoignages de saint Hilaire de Poitiers et de saint 
Jérôme, rapportés plus haut. 

3° On peut regarder comme certain, nous l'avons déjà 
remarqué précédemment, que l'omission de Luc, xxn, 
43, 44, au moins dans plusieurs manuscrits grecs, a été 
occasionnée par l'usage liturgique. Ce passage, en effet, 
ou bien n'était pas transcrit à sa place naturelle, parce 



qu'il n'était pas lu à l'office public en même temps que 
les versets qui précèdent et qui suivent, ou bien était 
copié à la suite de Matth., xxvi, 39, soit en marge, soit 
dans le texte, ou parfois même se lisait aux deux endroits. 
Ces faits ont pu précéder l'organisation officielle du 
sectionnement liturgique actuel de l'Église grecque, de 
telle sorte que l'omission de ce passage dans les manus- 
crits du troisième Évangile aurait, au témoignage des 
Pères de cette époque, été assez répandue au cours du 
IV e siècle. Mais plus tard et peu à peu, les versets omis 
ou détachés de leur contexte primitif auraient repris 
leur place naturelle, qu'ils n'ont plus perdue. 

4» Quoi qu'il en soit de ces causes, dont l'action n'est 
pas certaine, il est avéré qu'au vn« siècle une branche 
de l'eutychianisme, la secte des aphtardocètes ou incor- 
rupticoles, qui prétendaient que le corps de Jésus-Christ 
n'avait subi aucune corruption, rejetait en particulier 
l'épisode de la sueur de sang. En efl'et, Anastase le Si- 
naïte n'accuse pas seulement Apollinaire d'avoir nié ce 
fait évangélique, Cont. Monophysit.-, t. lxxxix, col. 1184, 
il fait le même reproche aux gaianites, qu'il réfute. Vise 
dues, c. xiv, ibid., ol. 253. Il constate, d'ailleurs, que 
l'essai de suppression, dont ce passage a été l'objet, a été 
inutile, puisqu'il est demeuré dans la plupart des ma- 
nuscrits grecs et dans toutes les versions ; aussi déclare- 
t-il altérés les manuscrits qui ne la contiennent pas. 
Ibid., c. xxu. col. 289. Léonce de Byzance, Cont. Nesto- 
rian. et Eutych., m, 37, t. lxxxvi, col. 1376, réfute 
aussi les incorruptibles sur ce point et affirme que les 
Pères ont admis que Jésus avait été réconiorté par un 
ange dans son agonie. 

C'est sous la même influence que la suppression de 
ces versets a été faite, au milieu du vn e siècle, dans la 
version arménienne par le moine Jean Mayrakomiétzi, 
partisan des erreurs de Julien d'Halicarnasse. Le pa- 
triarche Isaac reproche aux arméniens hérétiques d'avoir 
enlevé de l'Évangile le passage de la sueur de sang de 
Jésus, sous le faux prétexte que ce phénomène ne con- 
venait pas à un Dieu, Orat: i cont. Armenios, c. v, 
t. cxxxn, col. 1172, bien que saint Chrysostome, sur qui 
ils appuient leurs erreurs, admette cet épisode évan- 
gélique. Ibid., c. vi, 3, col. 1176. Ce sont donc d'impies 
altérateurs de l'Évangile. Ibid., c. xm, 13, col. 1208, 
1209. Le même reproche est adressé aux Arméniens par 
un écrivain du IX e siècle, Collectanea de quibusdam 
hxresibus earumque auctoribus, dans J. Basnage, Thé- 
saurus monument, eccles. et hist., t. n, p. 49, et par le 
moine Nicon, au siècle suivant, De impia Armeniorum 
religionc, dans Pat. Gr., t. i, col. 656-657. Mais le pa- 
triarche Isaac, De rébus Armenix, t. cxxxn, col. 1252, 
a nommé l'auteur responsable de cette altération de la 
Bible arménienne. C'est le moine Jean Mayrakomiétzi, 
partisan des erreurs de Julien d'Halicarnasse et adver- 
saire du concile de Chalcédoine. Il prétendait que ce 
passage avait été ajouté dans l'Évangile par le docète 
Saturnin. S'il ne fut pas d'abord écouté, sa doctrine 
finit par être acceptée en Arménie grâce à l'influence 
d'un de ses disciples, le moine Sergius. Photius, Epist., 
îx, 5, t. en, col. 705-706. Ce fait est encore attesté par 
Théodore Kerthenavor, contradicteur ' de Jean Mayra- 
komiétzi, Il déclare, en effet, que les Aphtardocètes ar- 
méniens prétendaient qu'on ne pouvait pas admettre le 
récit de la sueur de sang, contenu dans la première tra- 
duction arménienne de l'Évangile, parce qu'il n'était pas 
conforme à leur sentiment. Voir Œuvres (en arménien), 
publiées à la suite de celles de son disciple Jean Otz- 
niétzi, in-8°, Venise, 1833, p. 148. Une partie de son 
écrit est remplie par la discussion des objections des 
hérétiques contre la sueur de sang du Verbe incarné. 
Elle contient notamment des citations de Pères grecs 
qui affirment la sueur de sang de Jésus. L'abbé 
P. Martin en a publié une traduction latine, Introduc- 
tion à la critique textuelle du N. T., Paris, 1884-1885, 



391 



LUC (ÉVANGILE DE SAINT) 



392 



t. m, p. 493-504. Cf, Jean Otzniétzi, Orat. cont. Phan- 
tasticos, p. 67, 74. — Toutelois, les Syriens monophysites 
n'ont pas admis cette opinion des aphtardocètes armé- 
niens. Ils n'acceptaient pas les sentiments de Julien 
d'Halicarnasse, mais ceux de Sévère d'Antioche. Or, 
Sévère reconnaissait l'épisode de la sueur de sang comme 
authentique, dans A. Mai, Classicorum auctorum Colle- 
clio, t. x, p. 439-440. — Ces causes diverses suffisent à 
expliquer comment, à des époques différentes et dans 
des milieux variés, les versets de saint Luc, racontant la 
sueur du sang du Sauveur et l'intervention de l'ange 
consolateur, ont été retranchés du troisième Évangile. 
D'ailleurs, la suppression dans un petit nombre de docu- 
ments est, de soi, plus naturelle et plus vraisemblable 
que l'insertion d'un fragment non original dans la masse 
des textes. Tout concourt donc à démontrer l'authenti- 
cité de ces versets célèbres, — Cf. Scrivener A plain 
Introduction to tke criticism of the New Testament, 
t. h, p. 353-356; Westcott et Hort, The New Testament 
in the original Greek, Cambridge et Londres, 1882, 
t. il, appendice, p. 64-67 ; Cornely, Introductio, Paris, 
1886, t. m, p. 133-134; J.-P.-P. Martin, Introduction à 
la critique textuelle du JV. T., partie pratique (lithog.), 
Paris, 1884-1885, t. m, p. 1-399, 484-504 ; A. Durand, 
dans le Dictionnaire de théologie catholique, Paris, 1900, 
t. i, col. 615-619. 

III. Plan et contenu. — Bien que la marche générale 
du récit de saint Luc soit parallèle à celle des Évangiles 
de saint Matthieu et de saint Marc, le troisième Évan- 
gile a ses particularités propres, voir t. n, col. 2080-2081, 
et suit un plan spécial. Il débute par un prologue et une 
dédicace, 1, 1-4, uniques en leur genre dans la littéra- 
ture évangélique et n'ayant d'analogue que le début des 
Actes, autre écrit de saint Luc. Fait à la manière grec- 
que, peut-être par imitation de Dioscoride, De re me- 
dica, et d'an fort beau style, ce prologue forme une 
période cadencée, aux tournures et aux expressions atti- 
ques. Comme les historiens grecs, saint Luc y expose 
son projet et son but, en s'adressant au personnage con- 
sidérable à qui il dédie son écrit. Voir Théophile. On 
peut distinguer dans le récit proprement dit quatre 
parties principales, ou plutôt, puisque l'historien suit 
régulièrement l'ordre chronologique, quatre périodes 
de la vie de Jésus. 

/. première partie. — La première, i, 5-H, 52, ra- 
conte l'enfance et la jeunesse de Jésus. Saint Luc, qui 
s'est proposé de remonter au commencement des événe- 
ments, ne débute pas, comme saint Matthieu, par la 
naissance du Sauveur; il va jusqu'à l'annonce de la nais- 
sance du précurseur. Ses premiers récits comprennent 
sept morceaux, divisés en deux groupes de trois événe- 
ments, complétés par un septième fait qui termine la 
période: — 1" l'annonce de la naissance de Jean-Bap- 
tiste, i, 5-25; — 2° l'annonce de la naissance de Jésus, 
i, 26-38; — 3° la visite de Marip à Elisabeth, i, 39-56; — 
4° la naissance du précurseur, i, 57-80,; — 5» celle de 
Jésus, il, 1-20; — 6° la circoncision de Jésus et sa pré- 
sentation au Temple, n, 21-40 ; — 7° le premier voyage de 
Jésus à Jérusalem et sa manifestation aux docteurs juifs, 
il, 41-52. 

il. seconde partie. — La seconde partie, m,l-rx, 50, 
concerne la préparation au ministère public et la prédi- 
cation en Galilée. La préparation au ministère public 
comprend : — 1» le ministère de Jean-Baptiste et le bap- 
tême de Jésus, m, 1-22; — 2° l'âge et la généalogie du 
Sauveur, m, 23-38; — 3° la tentation dans le' désert, iv, 
1-13. — Le ministère galiléen est divisé en deux sections 
par l'élection des Apôtres. — Première section. Avant 
cette élection : — 1° retour en Galilée et manifestation 
à la synagogue de Nazareth, rv, 14-30; — 2* miracles opé- 
rés en divers endroits de la Galilée, iv, 31-44; — 3° pèche 
miraculeuse et choix des premiers disciples, v, 1-11; — 
4° guérison d'un lépreux et d'un paralytique, v, 12-26, — 



5° vocation de Lévi et murmures des pharisiens, v, 27- 
39; — 6° nouveaux murmures des pharisiens, parce 
qu'un jour de sabbat les disciples mangeaient des épis 
de blé, vi, 1-5; — 7° guérison de l'homme dont la main 
était desséchée, vi, 6-11. — Seconde section. Après l'élec- 
tion des Apôtres : 1° choix de ceux-ci, vi, 12-16; — 2° dis- 
cours au milieu des champs, vi, 17-49; — 3° guérison 
du serviteur du centurion et résurrection du fils de la 
veuve de Naïm, vu, 1-17; — 4° Jean-Baptiste envoie ses 
disciples vers Jésus qui le loue, vu, 18-35 ; — 5° Jésus est 
oint par une pécheresse, vil, 36-50; — 6° Jésus parcourt 
la Galilée avec ses disciples : parabole de la semence, 
Jésus rejoint par sa mère et ses frères, tempête apaisée, 
le démoniaque délivré et les démons se jetant sur un 
troupeau de porcs, guérison de l'hémorrhoïsse et résur- 
rection de la fille de Jaïre, vm, 1-56; — 7° mission des 
Apôtres, ix, 1-6; — 8° opinion d'Hérode sur Jésus, ix, 
7-9; — 9° multiplication des pains, ix, 10-17; — 10» con- 
fession de Pierre et prédiction de la passion, ix, 18-27; 

— 11° transfiguration, ix, 28-36; — 12° guérison d'un 
lunatique, IX, 37-43; — 13° nouvelle prédiction de la 
passion et avis divers donnés aux Apôtres, IX, 44-50. 

///. troisième partie. — La troisième partie, ix, 51- 
xix, 28, contient le récit du long voyage de Jésus vers 
Jérusalem : — 1° Débuts du voyage à travers la Galilée : 
opposition des Samaritains, réponses à trois disciples, 
mission des soixante-douze disciples, parabole du bon 
Samaritain, réception chez Marthe, l'oraison dominicale 
et l'ami importun, délivrance d'un possédé, conseils aux 
foules, repas chez un pharisien, discours aux disciples et 
à la foule, annonce du massacre des Galiléens, parabole 
du figuier, guérison de la femme courbée, paraboles du 
grain de sénevé et du levain, ix, 51-xm, 21. — 2° Nou- 
velle série d'incidents du voyage : sur le nombre des 
sauvés, réponse à faire à Hérode et apostrophe à Jéru- 
salem, Jésus chez un chef des pharisiens, conditions à 
remplir pour être disciple de Jésus, paraboles de la 
brebis et de la dragme perdues, de l'enfant prodigue, 
de l'économe infidèle, du pauvre Lazare et du mauvais 
riche, avis aux disciples, xm, 22-xvn, 10. — 3° Derniers 
épisodes du voyage : guérison des dix lépreux, réponse 
donnée aux pharisiens sur l'avènement du royaume de 
Dieu, paraboles du juge et de la veuve, du pharisien et 
du publicain, bénédiction des enfants, le jeune homme 
riche et les dangers des richesses, prédiction de la pas- 
sion, guérison de l'aveugle de Jéricho, Jésus chez Za- 
chée, parabole des mines, en marche sur Jérusalem, 
xvn, 11-xix, 28. Voir t. n, col. 2105-2108. 

îr. quatrième partie. — La quatrième partie, xix-29- 
xxiv, 53, fait le récit de la passion et de la résurrection 
de Jésus. — l re section, préparatifs de la Passion : entrée 
triomphale à Jérusalem, Jésus dans le Temple chasse les 
vendeurs et répond aux prêtres, aux pharisiens et aux 
sadducéens, la petite pièce de la veuve, discours sur la 
ruine de Jérusalem et la fin du monde, xix, 29-xxi, 38. 

— 2 e section, la Passion : trahison de Judas, la cène, 
l'agonie au jardin des Oliviers, l'arrestation de Jésus, le 
reniement de Pierre, les insultes des gardiens, la condam- 
nation par le Sanhédrin, Jésus au tribunal de Pilate et 
devant Hérode, ramené en présence de Pilate, est livré 
aux Juifs, Simon de Cyrène et les femmes de Jérusalem, 
la crucifixion, les deux larrons, mort et sépulture de 
Jésus, xxii, 1-xxin, 56. — 3 e section, résurrection et as- 
cension : les femmes et Pierre au sépulcre, apparitions 
de Jésus aux deux disciples à Emmaûs, aux Apôtres réu- 
nis, dernières recommandations et ascension, xxiv, 1-53. 

IV. Date. — Faute de date précise et certaine, on est 
réduit sur ce point à des conjectures, fondées sur les 
critères internes et le témoignage des anciens. — 1» Cri- 
tères internes. — 1. e prologue, i, 2, montre que l'au- 
teur appartenait à la seconde génération chrétienne, 
puisqu'il a appris les faits qu'il raconte des témoins ocu- 
laires et des premiers prédicateurs. Du verset 1 er , Jiili- 



393 



LUC (ÉVANGILE DE SAINT) 



394 



cher, Einleitung in das N. T., 3« et 4 e édit., Tubingue 
et Leipzig, 1901, p. 265, conclut que la littérature évan- 
gélique était « déjà dans sa fleur », quand saint Luc 
écrivit son récit. Assurément, l'auteur s'excuse d'entre- 
prendre son ouvrage, alors que d'autres l'ont précédé 
dans cette voie. Néanmoins, il se propose de faire mieux 
que ses devanciers. La manière dont il s'exprime laisse 
entendre que la littérature évangélique n'était encore 
qu'à ses débuts. S'il y avait eu beaucoup d'écrits évan- 
géliques complets, et non de simples essais, saint Luc 
n'aurait pas, semble-t-il, commencé une œuvre nouvelle. 
— 2. Les discours eschatologiques de Notre-Seigneur, 
tels qu'ils sont rapportés par saint Luc, montrent, 
disent certains critiques, non seulement que cette rédac- 
tion est postérieure à celle des deux autres évangélistes, 
mais encore qu'elle a été faite après la ruine de Jéru- 
salem. En effet, la description du siège de Jérusalem, 
Luc, xix, 43, 44, est faite en termes si concrets et si 
précis que la prophétie devait être déjà réalisée. Tandis 
que saint Matthieu et saint Marc rapprochent et confon- 
dent l'annonce de la ruine de Jérusalem et celle de la 
parousie, saint Luc, xxi, 24, paraît connaître l'existence 
d'un intervalle entre ces deux événements. "Voir t. n, 
col. 2271-2272. Mais en saint Matthieu et en saint Marc 
il n'y a pas nécessairement connexion de temps entre 
les deux événements, et il y a moyen d'introduire un 
intervalle considérable dont la durée n'est pas fixée. 
Voir t. n, col. 2274. D'autre part, si saint Luc est plus 
précis, c'est qu'il a été plus complètement et plus exac- 
tement renseigné. Il n'est donc pas nécessaire de sup- 
poser réalisée la destruction de Jérusalem. 

2° Témoignages extrinsèques. — 1. Dans le prologue 
des Actes, i, 1, saint Luc parle de son Évangile comme 
d'un ouvrage antérieur, tov |iiv Ttpûtov X6yov, composé 
précédemment. La date du SeÙTEpoç Xdyoç, si elle était 
fixée avec certitude, servirait à déterminer la date du 
troisième Évangile. Mais les critiques restent en désac- 
cord au sujet de l'époque de la composition des Actes. Si 
beaucoup la fixent aux années qui ont suivi de près 
les derniers événements racontés, voir t. i, col. 155, 
d'autres nient la dépendance des deux écrits et rabais- 
sent leur âge. P. Batiffol, Anciennes littératures chré- 
tiennes. La littérature grecque, Paris, 1897, p. 32-33. Les 
Actes ont donc été écrits avant 64, ou entre 78 et 93, ou 
vers 100 et 105, et le troisième Évangile un peu aupara- 
vant, selon les opinions. Voir plus loin. — 2. Les anciens 
écrivains ecclésiastiques ont affirmé que les Évangiles 
avaient paru suivant l'ordre de leur classement ordinaire. 
Seul, Clément d'Alexandrie rapportait une tradition 
divergente, d'après laquelle les Évangiles, contenant des 
généalogies, étaient les plus anciens. Voir t. H, col. 2075. 
Schanz, Commentar ûber das Evangelium des heiligen 
Marcus, Fribourg-en-Brisgau, 1881, p. 27 ; Commentar 
ûber das Evangelium des heiligen Lucas, Tubingue, 
1883, p. 36, regarde cette donnée comme une réflexion 
personnellede Clément qui, visant saint Matthieu, met en 
première ligne les Évangiles dans lesquels se trouvent 
les récits de l'enfance, plutôt que comme une tradition 
particulière de l'Église d'Alexandrie. Les anciens ont 
dit aussi avec la même unanimité que saint Luc avait 
écrit son Évangile avant la mort de saint Paul, puisqu'à 
leur sentiment l'apôtre aurait approuvé l'écrit de son 
disciple. Il y a toutefois une exception. Saint Irénée, 
dont le témoignage est rapporté par Eusèbe, H. E., v, 
8, t. xx, col. 449, assure bien que saint Luc vient en 
troisième lieu dans l'ordre des évangélistes, mais il 
affirme que saint Marc, le second, n'a composé son 
Évangile qu'après la mort de saint Pierre et de saint 
Paul. Toutefois, comme ce témoignage parait inconci- 
liable avec les affirmations des autres Pères et aussi 
avec celle d'Irénée lui-même sur la composition des 
Actes du vivant de saint Paul, Cont. hser., III, xiv, 
1, t. 711, col. 913-914, on a proposé de traduire 'é&oSo;, 



non par trépas, mais par sortie de Jérusalem. Patrizi, 
De Evangeliis, 1. i, Fribourg-en-Brisgau, 1853, p. 38; 
Jungmann, Dissartationes selectx in historiam eccle- 
siasticam, Ratisbonne, 1880, t. i, p. 54-55; A. Camer- 
lynck, Saint Irénée et le canon du Nouveau Testament, 
Louvain, 1896, p. 27-31. Théophylacte, Enar. in Ev. 
Lucie, arg., t. cxxm,col. 685, et Euthymius, Comment, 
in Lucam, t. cxxix, col. 857, indiquent une date très 
précise, quinze ans après l'ascension, pour la composi- 
tion du troisième Évangile. Mais cette donnée, qu'on 
retrouve dans les souscriptions de plusieurs manuscrits 
grecs, est une tradition tardive qui remonte au plus haut 
au VII e siècle et qui est sans valeur. D'ailleurs, d'après 
les Actes, saint Luc n'était pas encore à cette époque le 
compagnon de saint Paul. 

3° Opinions des critiques. — Les dates proposées par 
les critiques pour la composition du troisième Évangile 
sont très distantes les unes des autres et s'échelonnent 
entre les années 64 et 150. Voir t. n, col. 2062. Les plus 
éloignées sont fondées exclusivement sur les critères 
internes. Elles présupposent que le récit évangélique 
présente la ruine de Jérusalem comme un fait accompli. 
Voir Harnack, -Die Chronologie der altchrist. Lit., t. i, 
p. 246-250. Mais cette interprétation ne s'impose pas, 
et il est encore légitime, même en bonne critique, de 
soutenir que la date du troisième Évangile est antérieure 
à l'an 70. Les arguments extrinsèques, qui ne manquent 
pas de poids, sont iavorables à ce sentiment. Les catho- 
liques s'y rallient généralement. Ils vont avec Schanz, 
Comment, ûber das Ev. des h. Lucas, p. 37, des débuts 
de la guerre juive, 67-70, au temps de la captivité de 
saint Paul à Rome, 63 ou 64, ou auparavant même, entre 
56 et 60. 

V. Lieu de la composition. — 1° Données patriotiques. 
— L'ancien prologue latin, qui est du m e siècle, place 
la composition de l'Évangile de saint Luc in Achaise 
partibus. P. Corssen, Monarchianische Prologe zu den 
vier Evangelien, dans Texte und Unters., Leipzig, 1896, 
t. xv, fasc. 1 er , p. 8. Saint Jérôme, Comment, in' Ev. 
Matlh., prolog., t. xxvi, col. 18, assure que saint Luc 
in Achaise Bœotiseque partibus volumen condidit. Mais 
son éditeur, Vallarsi, remarque que la plupart des ma- 
nuscrits préfèrent Bithynise à Bœotiie. Saint Grégoire 
de Nazianze, Garni., 1. I, sect. i, xn, 32, t. xxxvn, 
col. 474, affirme aussi que Luc a écrit en Achaïe. La 
souscription du cursif 293 fournit le même renseigne- 
ment. Les documents syriens disent que c'est à Alexan- 
drie en Egypte, en même temps qu'ils prétendent que 
saint Luc est allé dans cette ville. Voir col. 381. Quel- 
ques souscriptions de manuscrits parlent de Rome. La 
donnée la plus ancienne et la plus générale est en laveur 
de la Grèce; mais elle n'est pas présentée comme une 
tradition certaine — 2° Opinions modernes. — Aussi 
les critiques n'accordent-ils que peu de valeur aux do- 
cuments anciens et préfèrent-ils déterminer le lieu de 
la composition du troisième Évangile d'après leur opi- 
nion sur la date de cet écrit. Il ne s'agit évidemment 
que de ceux qui maintiennent à saint Luc la composi- 
tion du troisième Évangile. Les critiques qui l'attribuent 
à un chrétien inconnu ne prennent pas la peine de 
déterminer le milieu dans lequel il a paru. Parmi les 
premiers, les uns désignent Rome : c'est là que les Actes 
ont été composés; c'est là que le troisième Évangile a 
été connu d'abord. Godet, Introduction au N. T., 
Paris, 1900, t. n, p. 627, suppose que saint Luc, avant 
la fin de l'emprisonnement de Paul à Rome, dans le 
cours de l'an 63, se rendit en Orient, probablement en 
Palestine et à Césarée, où, auprès du diacre Philippe, 
il rédigea l'Évangile que Paul avait jugé nécessaire pour 
le monde gréco-romain. D'autres critiques pensent à 
l'Asie Mineure, et quelques-uns à Césarée, pendant la 
captivité de saint Paul. 

VI. Destinataires. — Dans le prologue de son Évan- 



395 



LUC (ÉVANGILE DE SAINT) 



396 



gile, i, 3, saint Luc adresse son livre à Vexcellent Théo- 
phile, qui est un personnage historique, ayant une 
dignité officielle, plutôt qu'une désignation collective, 
représentant les chrétiens qui aiment Dieu et sont aimés 
de lui. C'est pour lui, dans son intérêt, que Luc a cru 
bon de rédiger son Cvangile selon la méthode et le plan 
qu'il indique: Toutefois Théophile semble être le patro- 
nus libri, c'est-à-dire le personnage distingué sous 
l'autorité et parfois aux frais de qui le livre était pré- 
senté au public, plutôt que l'unique destinataire du 
troisième Évangile. En effet, par-dessus Théophile, 
l'auteur s'adressait à toute une catégorie de lecteurs, qui 
se trouvaient dans la même situation que lui et avaient les 
mêmes besoins religieux. Or, Théophile et les lecteurs 
du troisième Évangile n'étaient pas des Juifs. Saint Luc 
ne leur suppose pas une connaissance détaillée de la 
langue, des mœurs et de la géographie de la Palestine. 
Il ne cite aucun mot araméen ou hébreu ; il explique les 
usages juifs qu'il rapporte et il nomme toutes les loca- 
lités par leurs noms grecs. Il présente Jésus comme le 
Sauveur de l'humanité entière, et non comme le Messie 
attendu par le peuple juif. Théophile et les lecteurs du 
troisième Évangile étaient des païens, mais des païens 
convertis, car rien ne laissa soupçonner que saint Luc 
se propose d'attirer à la foi chrétienne ceux pour qui il 
écrit. Les Pères avaient déjà constaté ce caractère du 
troisième Évangile, et ils avaient déclaré que saint Luc 
s'adressait à tous les païens convertis, toÏç àm> xûv èBvûv, 
Origène, cité par Eusèbe, H. E., 1. VI, c. XXV, t. XX, 
col. 581, ou aux Grecs, d'après le vieil argument latin, 
P. Corssen, Monarchianische Pr éloge zuden vier Evan- 
gelien, p. 8; S. Jérôme, Epist., xx, ad Damas., n. 4, 
t. xxn, col. 378; S. Grégoire de Nazianze, Carnx., 1. I, 
sect. î, xxn, 1, t. xxxvir, col. 492, ou à tous les chrétiens. 
S. Chrysostome, In Matth., homil. i, n. 3, t. lvii, col. 17. 
Disciple de-saint Paul, Luc visait assurément les Églises 
fondées par l'Apôtre dans le monde gréco-romain, dans 
lesquelles la majorité des convertis avait appartenu à la 
gentilité. Aussi dans son récit évite-t-il ou adoucit-il tout 
ce qui aurait pu les froisser. Ainsi il omet les paroles 
de Jésus : Lnviam gentium ne abieritis, Matth., x, 5; Non 
sum missus nisi ad oves quse perierunt domus Israël. 
Matth., xv, 24. Aux gentils, Matth., v, 47, il substitue 
les pécheurs, vi, 34 ; au lieu de dire : Eritis odio om- 
nibus gentibus, Matth., xxiv, 9, il dit simplement : 
Eritis odio omnibus, xxi, 17. Quand il parle de l'em- 
pire, de ses magistrats, de ses officiers, c'est avec une 
considération marquée, n, 1, 2; ni, 1 ; vu, 2-9, Il évite 
de leur attribuer la mort de Jésus, dont il charge les 
Juifs, xxi n, 25. Il a reproduit seul les paraboles les plus 
capables de donner confiance aux païens convertis, et il 
présente Jésus comme le Sauveur de l'humanité entière. 

VIL But. — Saint Luc lui-même nous l'apprend dans 
son prologue : « Plusieurs ayant déjà essayé de rédiger 
le récit des choses accomplies parmi nous, selon ce que 
nous ont rapporté ceux qui dès le commencement ont 
été les témoins oculaires et les ministres de la parole, 
j'ai cru bon, moi aussi, après avoir tout examiné avec 
soin depuis l'origine, de t'en écrire, excellent Théophile, 
une narration suivie, pour que tu reconnaisses la soli- 
dité des enseignements que tu as reçus dans la caté- 
chèse. » I, 1-4. Il se proposait donc une double fin : 
1» celle de composer une biographie de Jésus plus com- 
plète et mieux ordonnée que les essais qui avaient été 
tentés antérieurement ; 2° celle de fournir à Théophile et 
à tous ses lecteurs, chrétiens convertis de la gentilité, 
un moyen d'affermir leur foi et de confirmer la caté- 
chèse des premiers prédicateurs de l'Évangile. Eusèba 
de Césarée, H. E., m, 24, t. xx, col. 268, a fort bien 
compris et exposé ce but historique " et dogmatique de 
saint Luc. 

d° Saint Luc est donc avant tout un historien. Il a 
. des préocupations historiques; il se propose de remon- 



ter plus haut que ses prédécesseurs, de prendre le récit 
à l'origine et de composer une narration suivie. Il s'est 
informé de tout et il tient à ce qu'on le croie. Il indique 
les sources auxquelles il a puisé, et il veut procéder 
avec exactitude et ordre. Il harmonise la vie de Jésus 
avec l'histoire profane et il fournit des points de repère 
pour la naissance et le commencement de la prédica- 
tion. L'exactitude de l'historien ne saurait être mise en 
doute. Sur les deux erreurs historiques attribuées à 
saint Luc, voir Lvsanias et Cyrinus, t. n, col. 1186- 
1191. Quant à l'ordre chronologique, il est rigoureuse- 
ment suivi pour la trame générale des événements. Voir 
t. II, col. 2099-2114. Toutefois, saint Luc intervertit la 
suite chronologique pour certains détails, dont quel- 
ques-uns ne manquent pas d'importance. Il le fait ou 
pour grouper ensemble des idées ou des faits analogues, 
par exemple, i, 64-66; n, 17-20; iv, 36-38; vin, 34-37; 
soit pour compléter une narration, avant d'en commen- 
cer une autre dont le début se mêle à la fin de la pré- 
cédente, m, 18-21 ; xxxm, 44, 45. Ce procédé particulier 
qui fait grouper des détails particuliers ne trouble pas 
l'ordre général des événements. H. Lesêtre, La méthode 
historique de saint Luc, dans la Revue biblique, 1892, 
t. i, p. 171-185. 

2° En écrivant la vie de Jésus, saint Luc se propose 
de confirmer la vérité de la catéchèse orale. On peut 
donc dire avec raison que cet historien n'a pas écrit 
exclusivement ad narrandum, mais ad probandum, 
dans un but dogmatique. « Non qu'il veuille tirer des 
faits des conséquences forcées; s'il raisonnait, il ne 
serait plus historien, mais apologiste ; les faits parleront 
assez d'eux-mêmes ; il se contente de les présenter exac- 
tement. » Lagrange, Les sources du troisième Évangile, 
dans la Revue biblique, 1896, t. v, p. 16. Or, les laits, 
tels qu'il les expose, montrent que Jésus est le Fils de 
Dieu et qu'il est descendu du ciel pour sauver tous les 
hommes ; ils présentent l'Homme-Dieu comme le divin 
médecin de l'humanité. Jésus est venu pardonner aux 
pécheurs, et l'Évangile de saint Luc a pu être appelé 
l'Évangile de la miséricorde, parce qu'il est rempli des 
marques d'amour et de bonté du Sauveur pour les pé- 
cheurs. Saint Luc, s'adressant aux, chrétiens de la gen- 
tilité répandus dans le monde gréco-romain, tend à faire 
ressortir que le règne de Jésus sur terre n'est pas op- 
posé aux puissances terrestres, et il a soin de remar- 
quer que le royaume de Dieu est intérieur et spirituel, 
xvn, 20, 21. De là, le soin qu'il prend de ne pas froisser 
le pouvoir toujours susceptible, et de reconnaître ses 
droits dans les choses temporelles, xx, 20-26. On a cons- 
taté aussi dans tout le troisième Évangile une sympa- 
thie prononcée pour les pauvres et une insistance fré- 
quente sur le détachement des biens de la terre et le 
danger des richesses. — C'est sans aucun fondement 
que l'école de Tubingue avait reconnu dans l'Évangile 
de saint Luc un écrit de polémique, dirigé contre le 
parti judaïsant. D est 'de fait que cet Évangile est beau- 
coup moins antijuif que celui de saint Matthieu. Il 
n'exclut pas Israël du salut apporté au monde par Jésus. 
Il raconte que Jésus pleura sur Jérusalem, xjx, 41. et 
pria pour ses bourreaux, xxm, 34, et il relate l'ordre 
donné aux apôtres d'aller prêcher la rémission des 
péchés parmi toutes les nations païennes, mais en com- 
mençant par Jérusalem, xxiv, 47. 

VIII. Sources. — N'ayant pas assisté aux faits qu'if 
raconte, saint Luc, avant d'écrire, a dû se renseigner et 
se procurer des matériaux authentiques. En véritable 
historien, il nous apprend lui-même dans son prologue 
qu'il a consulté les témoins oculaires et les ministres de 
la catéchèse orale. Il ne dit rien qui n'ait été transmis 
par la tradition des premiersjemps; il n'a fait que pré- 
ciser et coordonner les renseignements qu'il a recueil- 
lis. Mais à qui a-t-il eu recours pour connaître la tra- 
dition primitive? à des auteurs ou à des témoins? Les 



397 



LUC (ÉVANGILE DE SAINT) 



398 



critiques donnent à ces questions des réponses diffé- 
rentes. On admet généralement que saint Luc a eu re- 
cours à la tradition orale, puisqu'il l'indique dans son 
prologue. On se sépare, lorsqu'il s'agit de déterminer 
l'importance de l'emprunt. Tandis que les tenants de 
l'hypothèse de la tradition attribuent tout le troisième 
Évangile à une forme particulière de la catéchèse, voir 
t. il, col. 2091-2093, d'autres ne font dépendre de cette 
source que tout ou partie seulement des particularités 
de son écrit. Quant aux ministres de la parole et aux 
témoins oculaires que Luc a pu interroger et consulter, 
on a dressé la liste des personnages de cette double 
catégorie, avec qui il a eu des rapports d'après l'histoire 
et la tradition. On a placé en première ligne l'apôtre 
saint Paul, dont Luc a été le disciple et le compagnon, 
Les Pères avaient devancé les critiques dans cette voie. 
On ne peut pas conclure rigoureusement, il est vrai, 
du texte du canon de Muratori, voir t. il, col. 170, 
comme l'ont fait quelques critiques, que Luc a écrit son 
Évangile au nom de Paul, parce que dans ce passage 
le nomine signifie plutôt en son nom propre, mais saint 
Irénée, cité par Eusèbe, H. E., Y, 8, t. xx, cl. 449, dit 
expressément : Kai Aovxâj 8è,S àxéXouOo; naûXcnj,™ un' 
èxsi'voy xy]pu<ra6|jLevov EùayT^' 07 " P'ëXi'io xatÉÔETO. Ter- 
tullien, Adv. Marcion., iv, t. il, col. 367, affirme aussi 
qu'on a coutume d'attribuer à Paul l'Évangile de Luc. 
Au témoignage d'Origène, rapporté par Eusèbe. H. E., 
vi, 25, t. xx, col. 584, le troisième Évangile avait été 
jecommandé par saint Paul. Eusèbe, H. E.,m, 4, col. 220, 
et saint Jérôme, De viris illust., 7, t. xxm, col. 621, ont 
signalé comme étant l'avis ou l'hypothèse de quelques- 
uns que, lorsque saint Paul parlait de son Évangile, il 
entendait parler du troisième, œuvre de son disciple. 
Saint Chrysostome, In Acta, Hom., I, n. 1, t. lx, col. 15, 
en conclut qu'on ne se tromperait pas si on assignait à 
Paul l'Évangile de saint Luc. Sans admettre cette conclu- 
sion qui est forcée, beaucoup de critiques reconnaissent 
avec raison que l'auteur du troisième Évangile a subi 
l'influence doctrinale de l'apôtre des gentils et ils retrou- 
vent dans son œuvre des indices de paulinisme. Ils signa- 
lent des expressions et des idées communes. Voir Schanz, 
Commentar ïiber das Evangelium des heiligen Lucas, 
Tubingue, 1883, p. 22-34. Mais si saint Paul a été un mi- 
nistre de la parole, il n'a pas été un témoin oculaire des 
faits. Saint Luc, par conséquent, n'a pu lui faire de larges 
emprunts ni reproduire la catéchèse de son maître. Tout 
au plus peut-on penser qu'il a raconté la vie de Jésus- 
Christ d'après les sources authentiques, de manière à 
justifier et à affermir l'Évangile de Paul dans le sens de 
l'universalisme de sa doctrine. 11 nous est, d'ailleurs, 
présenté par les Pères, S. Irénée, Cont. hœr., III, x, 
i, t. vu, col. 872; Eusèbe, H. E., m, 4, t. xx, col. 220 
S. Jérôme, De vir. illust., 7, t. xxm, col. 621, non seu- 
lement comme le disciple de saint Paul, mais encore 
comme celui des autres apôtres, de la bouche desquels 
il a appris bien des laits et des détails particuliers. On a 
supposé, en effet, que saint Luc avait vu saint Pierre 
et saint Barnabe à Antioche. Il est certain qu'il a été mis 
en rapport par Paul avec Jacques le Mineur à Jérusalem, 
Act., XXI, 18, avec l'évangéliste Philippe à Césarée. Act., 
xxi, 8. On a même conjecturé qu'il avait été renseigné 
sur les récits de l'enfance de Jésus et de Jean-Baptiste 
par la sainte Vierge elle-même et par les parents du pré- 
curseur. La conjecture ne s'impose pas, parce que l'évan- 
géliste a pu connaître ces faits par l'intermédiaire d'au- 
tres personnes ou même au moyen de sources écrites. 
Les critiques, en effet, admettent généralement au- 
jourd'hui qu'en dehors de la tradition orale, saint Luc 
s'est servi de documents écrits, canoniques ou éxtraca- 
noniques. Ils pensent que ces sources écrites sont dési- 
gnées par l'évangéliste lui-même lorsqu'il parle de ses 
devanciers qui avaient essayé déjà de rédiger le récit de 
la vie de Jésus-Christ. Il est vrai que d'anciens com- 



mentateurs, S. Ambroise, Exposit. Ev. sec. Luc, 1. I, 
t. xv, col. 1 533-1534; S. Jérôme, Translat. hom. Ori- 
genis in Luc, homil. i, t. xxvi, col. 232-233; Bède, In 
Luc. Ev. exposil.,\. I, t. xcu, col. 307, avaient entendu 
ces expressions comme un blâme jeté sur ces essais qui 
représentaient des Évangiles apocryphes ou hérétiques. 
Mais comme ces Évangiles n'avaient pas paru avant celui 
de saint Luc, les critiques modernes interprètent plus 
bénignement le terme iiz&^ùfr\<sai, conati sunt, « ont en- 
trepris. » En effet, sans les blâmer, puisqu'il se place sur 
la même ligne qu'eux, saint Luc dit cependant que ces 
écrivains ont produit des essais, des tentatives plus ou 
moins heureuses plutôt que des récits entièrement sa- 
tisfaisants. Il les a utilisés et s'est efforcé de mieux réus- 
sir que leurs auteurs. Pour beaucoup de critiques, ces 
essais d'écrivains inconnus, quoique composés d'après 
la tradition apostolique, sont tombés dans l'oubli, puis 
ont disparu, après que les quatre Évangiles canoniques 
ont été universellement et exclusivement adoptés dans 
l'Église. On a même cherché, avec plus ou moins de 
succès, à reconstituer les sources particulières du troi- 
sième Évangile. Selon P. Feine, E'ne vorcanonische 
Uberheferung des Lucas, Gotha, 1891, toute la partie 
propre à saint Luc aurait été empruntée à un évangile 
hiérosolymitain, d'origine judéo-chrétienne, composé en 
grec et formé d'un noyau de discours, auxquels on a 
joint des paraboles, puis des récits. Mais on ajustement 
observé que ces morceaux ne forment pas une compo- 
tion originale, un document distinct par l'esprit et par le 
style. La tendance judéo-chrétienne, qu'on prétend y 
retrouver, se remarque dans l'Évangile entier, et le vo- 
cabulaire est le même que dans d'autres morceaux. 
Resch, Aussercanonische Paralleltexte zu den Evan- 
gelien. Drittes Heft, Paralleltexte zu Lucas, dans ïexle 
und Untersuchungen, Leipzig, 1895, t. x, fasc. 3, p. 834- 
847, a discerné à la base du troisième Évangile un écrit : 

yitf» r"nSln, p!6Xo; y^veuéu; 'Irjsoij, ou évangile hébreu 

de l'enfance, et il a essayé de le reconstituer, Das Kind- 
heitsevangelium nach Lucas und Matthâus, Leipzig, 
1897, ibid., t. x, fasc. 5, p. 202-226. L'essai de reconsti- 
tution a paru prématuré, et il en sera de même de toute 
tentative analogue. Tout au plus, reste-t-il simplement 
probable et en une certaine mesure vraisemblable, que 
saint Luc a pu se servir d'écrits antérieurs, composés 
par des catholiques et relatant les faits évangéliques. 

Mais saint Luc a-t-il connu et employé les Évangiles 
canoniques de saint Matthieu et de saint Marc? Cette 
question a été vivement débattue par les critiques et a 
reçu des solutions bien divergentes. Les partisans de 
l'hypothèse de la dépendance mutuelle des Synoptiques 
l'admettent généralement. Voir t. n, col. 2088-2091. 
Sans revenir sur les divers systèmes, et en laissant de 
côté l'hypothèse d'un proto-Marc, qui est de plus en 
plus abandonnée, exposons seulement le sentiment 
prédominant chez les critiques modérés. Ils pensent 
généralement que, dans les parties communes aux trois 
Synoptiques, saint Luc s'est servi de saint Marc. Ils 
constatent la dépendance soit pour l'ordre des faits soit 
pour l'emploi des termes. Ils expliquent ainsi aisément 
les ressemblances. Mais dans cette hypothèse, comment 
rendre compte des divergences notables qui existent en- 
tre ces deux évangélistes? Les omissions, les modifica- 
tions et les transpositions de saint Luc relativement à 
saint Marc, s'expliquent par la liberté d'allure que le 
troisième évangéliste a gardée, en utilisant ses sources. 
Il se proposait, le prologue en fait foi, de les compléter 
et de les rectifier. Il l'a fait par rapport au second Évan- 
gile, en raison du but qu'il voulait atteindre, des lec- 
teurs dont il tenait à confirmer la foi et des procédés 
littéraires qu'il employait. C'est ainsi qu'il élimine les 
détails nombreux, accumulés sous la plume de Marc, se 
contentant d'un large exposé de la vérité évangélique, 



390 



LUC (ÉVANGILE DE SAINT) 



400 



D'autre part, il veut faire une composilion littéraire; il 
écrit donc avec art, évite les incohérences du récit, 
enchaîne les faits et met de l'ordre dans sa narration. 
La prétendue loi d'économie, d'après laquelle il se 
serait imposé de ne pas répéter ce qui avait été écrit 
par ses prédécesseurs, ne se vérifie pas partout, puis- 
qu'il y a entre eux tant de points communs, et elle ne 
suffit pas à expliquer les omissions de miracles impor- 
tants et de paroles de Jésus. A son défaut, on est réduit 
à dire que saint Luc s'est servi librement de saint Marc 
et lui a emprunté seulement ce qui convenait à son but 
et rentrait dans son genre littéraire. 

L'usage de saint Matthieu par saint Luc crée de plus 
grandes difficultés. Quelques-uns, considérant les récits 
de l'enfance, le nient catégoriquement. Ils estiment que 
si saint Luc avait connu le premier Évangile, il se serait 
préoccupé d'élablir l'accord entre ses récits et ceux de 
saint Matthieu. D'autres, examinant les parties com- 
munes aux Synoptiques, remarquent des faits parallèles, 
étrangers à Marc, et une dizaine de coïncidences ver- 
bales. Par suite, les deux écrits leur paraissent dépen- 
dre l'un de l'autre. Jûlicher admet la dépendance par 
les Logia, recueil de discours de Jésus, antérieur au 
premier Évangile. Voir t. u, col. 2097. Cf. Simons, Bat 
der dritte Evangelist den kanonisehen Matthâus be- 
nûtzt? Bonn, 1880. Mais l'hypothèse des Logia ne résout 
pas toutes les difficultés et soulève de graves objections. 
1) faut donc envisager le rapport de Luc avec Matthieu. 
Or la dépendance immédiate de Luc à l'égard de Mat- 
thieu, tout en étant possible, demeure douteuse, et la 
dépendance indirecte elle-même n'est que probable, non 
pas par l'intermédiaire des Logia, ouvrage évangélique 
contenant les discours de Notre-Seigneur avec le récit 
de la passion, mais par le moyen de catéchèses, d'abord 
orales, fixées par écrit et exploitées par saint Matthieu 
et saint Lus, Voir Lagrange, Les sources du troisième 
Evangile, dans la Revue biblique, 1896, t. v, p. 5-38; 
Calmes, Comment se sont formés les Évangiles, Paris, 
1899, p. 35-43. 

Quelques critiques allemands ont prétendu que l'au- 
teur du troisième Évangile s'était servi des écrits de 
l'historien juif Josèphe. Il lui aurait emprunté certains 
faits historiques et plusieurs termes particuliers. 
Krenkel, Josephus und Lukas, Leipzig, 1894. Ils ont 
rapproché ce que l'évangéliste dit de saint Jean-Baptiste, 
m, 1-20, de ce qu'en rapporte Josèphe, Antiq. jud,, XVIII, 
v, 2. Mais les deux récits différent en deux points capi- 
taux : sur les effets du baptême de Jean et sur les causes 
de sa mort. Voir t. m, col. 1158. Le dénombrement de 
Cyrinus, t. n, col. 1186. Luc, H, 2, aurait été connu de 
l'écrivain évangélique par ce qu'en dit l'historien juif. An- 
tiq. jud., XVII, xiii, 15; XVIII, i, 1 ; xn, 1. Mais on admet 
généralement que les deux recensements sont différents. 
Voir t. H, col. 1188. La parabole des mines, Luc, XIX, 
11-27, contiendrait, dit-on, une allusion au voyage d'Ar- 
chélaûs à Rome, dont parle Josèphe, Antiq. jud., XVII, 
lx, 1; XVIII, iv, 3. Voir t. I, col. 927. Mais Notre-Sei- 
gneur devait connaître un fait qui était de notoriété pu- 
blique et pouvait y faire allusion, sans que son historien 
ait dû recourir à l'ouvrage de Josèphe. D'ailleurs, le 
dernier trait de la parabole, Luc, xix, 27, ne corres- 
pond à aucun détail rapporté par l'historien juif. Quant 
aux termes communs à saint Luc et à Josèphe, ils s'ex- 
pliquent suffisamment par l'emploi de la même langue 
de la part de deux écrivains presque contemporains. 
D'ailleurs, le plus souvent, ils sont usités dans des 
applications toutes différentes. Les noms de lieux étaient 
ceux qui avaient cours alors dans le public. La dépen- 
dance de saint Luc à l'égard de Josèphe ne repose donc 
sur aucune preuve suffisante. 

IX. Style. — De tous les livres du Nouveau Testament, 
sauf peut-être l'Épltre aux Hébreux, l'Évangile de saint 
Luc possède seul un réel mérite littéraire, et il est écrit 



dans un grec plus correct et plus soigné que les trois au- 
tres Évangiles. Son style présente, d'ailleurs, une grande 
analogie avec celui du livre des Actes : ce qui n'a rien 
de surprenant, étant donnée l'identité d'auteur. Voir 
t. r, col. 154. Toutefois, la langue des deux ouvrages de 
saint Luc est formée de deux éléments bien distincts. 
1» On y trouve, pour le lexique et la syntaxe, un assez 
grand nombre de vestiges du grec littéraire. Voir t. m, 
col. 321-322. Saint Luc a un vocabulaire exclusivement 
personnel. Or une très grande partie de ses expressions 
propres n'a de parallèle que chez les écrivains de la litté- 
rature grecque classique. Sa langue se distingue aussi par 
une correction soignée et des tournures littéraires qui 
dénotent un écrivain d'origine grecque. 2° Mais, d'autre 
part, on y remarque des constructions embarrassées, des 
hébraïsmes ou aramaïsmes assez nombreux et un style 
sémitisant. On a signalé comme une particularité sur- 
prenante l'emploi par saint Luc du nom hébreu de Jéru- 
salem. Tandis que Matthieu et Marc ne connaissent que 
la forme grecque 'Iepo<r<SXu|ia (sauf Matth., xxm, 37), 
Luc, sur trente passages dans lesquels il nomme la capi- 
tale juive, la désigne vingt-six fois par la forme hébraïque 
'lepoudaXViii, et quatre fois seulement, n, 22; xm, 22; 
xix, 28; xxin,7,par la dénomination grecque. Comment 
expliquer ce contraste, sinon en disant que dans les 
passages écrits dans la langue littéraire, comme dans le 
prologue par exemple, il nous faut reconnaître le style 
propre de saint Luc, tandis que dans les parties où se 
remarquent les expressions ou les tournures hébraïques 
ou araméennes, l'auteur utilisait des sources, à savoir 
ces premiers essais de littérature évangélique, compo- 
sés en araméen ou en grec aramaïsant, dont il parle 
dans le prologue et dont nous avons admis plus haut 
l'existence. Le style de saint Luc est donc disparate. 
Néanmoins, on ne peut lui dénier l'unité dans le troi- 
sième Évangile aussi bien que dans les Actes. Son vo- 
cabulaire propre et ses formes syntactiques préférées se 
retrouvent dans toutes les parties de ses écrits. Cette 
unité de style résulte assurément de la liberté avec la- 
quelle saint Luc reproduisait le contenu des sources 
qu'il consultait. Il ne les copiait pas servilement, 
mais les ordonnait dans la trame de, son propre récit et 
les adaptait à son plan et à son but, en leur imprimant 
le cachet de sa manière d'écrire. Cette façon de compo- 
ser explique le caractère littéraire de sa rédaction. Il 
n'a pas le pittoresque et le dramatique de saint Marc; 
mais s'il est rarement pathétique, s'il ne recherche pas 
l'émotion et la vie, il est toujours exact et précis comme 
un historien et il est parfois élégant et délicat. Aussi 
Renan, Les Évangiles, Paris, 1877, p. 283, a-t-il dit du 
troisième Évangile : « C'est le plus beau livre qu'il y 
ait. » Cf. Vogel, Zur Characteristik des Lucas nach 
Sprache und Stil, 1897. 

X. Texte. — On savait depuis longtemps que le texte 
grec des ouvrages de saint Luc, surtout des Actes des 
Apôtres, nous était parvenu en deux états différents, 
représentés par deux séries de documents critiques : 
1° le texte considéré comme étant le plus rapproché de 
l'original et reproduit dans les manuscrits onciaux s, 
A, B, C, les deux plus anciennes versions syriaques, la 
Vulgate (au moins dans son ensemble) et spécialemant 
parmi les Pères grecs Clémant d'Alexandrie, Origène et 
saint Chrysostome ; 2° le texte dit occidental, qu'on re- 
trouvait dans le Codex Bezae, D, dans les versions phy- 
loxénienne et sahidique, dans quelques anciens manus- 
crits latins et dans saint Irénée, saint Cyprien et saint 
Augustin, et qui reflétait l'état du texte aux II e et ni' siè- 
cles. Or de ce double état du- texte, F. Blass a conclu à 
une double rédaction des ouvrages de saint Luc. Pour 
les Actes, l'auteur aurait rédigé à Rome comme un pre- 
mier jet, qu'il aurait ensuite revisé avec soin etretouché. 
pour le fond et la forme, avant de l'envoyer à Antioche 
à Théophile. Le premier jet, ou la rédaction j), est de- 



401 



LUC (ÉVANGILE DE SAINT) — LUC DE BRUGES 



402 



meure à Rome et s'est répandu en Occident, tandis que 
la rédaction plus soignée, a, se serait répandue d'Antioche 
dans tout l'Orient. M. Blass a édité la iorme romaine : 
Acta Apostolorum secundum formant quse videtur 
romanam, Leipzig, 1896. 11 a émis ensuite une hypo- 
thèse analogue au sujet du troisième Évangile. Il a sup- 
posé que saint Luc l'avait rédigé en Palestine, pendant 
la captivité de saint Paul à Césàrée, puis qu'arrivé à 
Rome avec l'apôtre, il l'avait retravaillé. Il a donné une 
édition de la rédaction définitive : Evangelium secun- 
dum Lucam secundum jormam quse videtur roma- 
nam, Leipzig, 1897. Ces hypothèses ont été vivement 
discutées. Bien que combattue, celle qui concerne les 
Actes a reçu bon accueil de plusieurs critiques, à qui il 
a semblé que les nombreux détails contenus dans la re- 
cension romaine dérivaient de l'auteur lui-même, étant 
si peu importants qu'ils n'auraient pas pu être inter- 
polés ou retranchés plus tard. Toutefois, d'autres cri- 
tiques ont fait ressortir les incorrections et le mauvais 
état du texte des Actes dans cette recension romaine, 
soi-disant originale. Voir en particulier B. Weiss, Der 
Codex D in der Apostelgeschichte, dans Texte und Un- 
tersuch., Leipzig, 1897, nouvelle série, t. il, fasc. 1 er . La 
double rédaction du troisième Évangile a eu moins de 
succès et les critiques l'ont généralement rejetée. Les 
variantes de cet écrit dans les deux séries de documents 
ne présentent pas le caractère constant et marqué 
qu'elles ont dans le texte des Actes. D'autre part, elles 
ne se distinguent pas assez fortement des variantes 
semblables que les trois autres Évangiles ont dans les 
mêmes documents. Il n'y a donc pas lieu d'admettre 
pour l'Évangile de saint Luc une double rédaction ori- 
ginale. Zahn, Einleitung in das N. T., Leipzig, 1900, 
t. n, p. 339-360; J. Belser, Beitrâge zur Erklârung der 
A postelgeschichte, Fribourg-en-Brisgau, 1897 ; Id., Ein- 
leitung in dasN. T., Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 214- 
233; A. Jttlicher, Einleitung in das N. T., 1901, p. 357- 
360. 

XI. Commentateurs. — 1° Pères. — Origène, Frag- 
menta, t. xui, col. 1901-1910; In Luc. homiliee, trad. 
lat. de S. Jérôme, ibid., col. 1801-1900; Pat. tat.,t.xxvi, 
col. 221-332; Eusèbe, Comment. inLuc., t. xxiv,col. 529- 
606; S. Athanase, Fragmenta in Lucam,t. xxvn, col. 1391- 
1404; S. Cyrille d'Alexandrie, Explanatio in Luc. Ev., 
t. lxxii, col. 475-950; S. Ambroise, Expositio Ev. sec. 
Luc, t. xv, col. 1527-1850; S. Augustin, Qusest. Evan- 
gel., 1. II, t. xxxv, col. 1333-1364; Arnobe le Jeune, 
Adnotationes ad quœdam Ev. loca, t. un, col. 578- 
580 ; Tite de Bostra, Lukascholien, dans J. Sickenberger, 
Titus von Bostra. Sludien zu dessen Lukashomilien 
(Texte und Untersuch., Leipzig, 1901, nouv. série, t. vi, 
fasc. 1 er , p. 140-245). Le Commentarius in Lucam, pu- 
blié sous le nom de Tite par Cramer, Catense grsec. 
Patrum, Oxford, 1844, t. il, p. 3-174, n'est pas de lui. 
Voir J. Sickenberger, op. cit., p. 16-41. La Chaîne de 
Nicétas d'Héraclée sur saint Luc a été partiellement 
publiée dans une traduction latine par Cordier, Catena 
grsecorum Patrum in Lucam, Anvers, 1628, et en grec 
par le cardinal Mai, Scriptorum veterum nova collectif, 
Rome, 1837, t. ix, p. 626-724. Cf. J. Sickenberger, Die 
Lukaskatene des Niketas von Herakleia, dans Texte 
■und Unters., Leipzig, 1902, nouv. série, t. tu, fasc. 4. 

2° Moyen âge. — Bède, In Luc. Ev. expositio, t. xcn, 
col. 301-634 ; Druthmar, Brevis expositio in Luc. Evang., 
t. cvi, col. 1503-1514; Théophylacte, Enarr. in Ev. 
Lucie, l. cxxiii, col. 683-1126; Euthymius, Comment, 
in Lucam, t. cxxlx, col. 853-1102; Albert le Grand, In 
Lucam, dans Opéra, Paris, 1894, t. xxn, xxm; S. Bo- 
naventure, Comment, in Ev. S. Lucee, dans Opéra, 
Quaracchi, 1895, t. vu, p. 1-604. 

3? Temps modernes. — 1. Catholiques. — Sans par- 
ler des commentaires qui embrassent la Bible entière 
ou les quatre Évangiles, tels que ceux de Maldonat, de 



Jansénius, de Corneille de la Pierre, de Luc de Bruges; 
de Cal met, etc., nommons deux commentaires spéciaux 
sur saint Luc : Stella, In Evangelium Lucie, 2 in-l<>, 
Salamanque, 1575, souvent réédité; F. Tolet, Comment, 
in J. C. D. N. Evangelium sec. Lucam, Rome, 1600, 
plusieurs fois réimprimé. Au XIX e siècle, Schegg, Evan- 
gelium nach Lucas, Munich, 1861-1865, 3 vol. ; Bisping, 
Exegetisches Handbuch zum JV. I., 1868, t. n; Curci, Il 
Nuovo Testamento, Turin, 1879, t. i; Mac Evilly, An 
Exposition of the Gospel of S. Luke, Dublin, 1879; 
Fillion, Évangile selon S. Luc, Paris, 1882; Schanz, 
Commentar ùber das Evangelium des heiligen Lucas, 
Tubingue, 1882; Liagre, Commentarius in libros histo- 
ricos N. T., Tournai, 1889, t. n; Knabenbauer, Evan- 
gelium secundum Lucam, Paris, 1896; Ceulemans, 
Comment, in Ev. sec. Marcum et in Ev. sec. Lucam, Ma- 
lines, 1899; Girodon, Commentaire critique et moral sur 
l'Évangile selon saint Luc, Paris, 1903. 

2. Protestants. — Bornemann, Scholia in Lucee Evan- 
gelium, Leipzig, 1830; Ritschl, Da> Evangelium Mar- 
rions und das kanonische Evangelium des Lucas, 
Tubingue, 1846 ; Van Oosterzee, Das Evangelium nach 
Lucas, Bieleteld, 1859; 4» édit. par Lange, 1880; Heub- 
ner, Erklârung der Evangelien Lucas und Johannes, 
2 e édit., 1860; Bleek, Synoptische Erklârung der drei 
ersten Evangelien, édit. H. Holtzmann, 2 vol., Leipzig, 
i8&1;Keil, Kommentar ùber die Evangelien des Markus 
und des Lukas, Leipzig, 1879; Godet, Commentaire 
sur l'Évangile de saint Luc, 2 in-8», Neuchâtel, 1871 ; 
3= édit., 1888-1889; B. Weiss, Die Ev. des Markus und 
Lucas, Gôttingue, 9 e édit., 1901; Nbsgen, Die Evange- 
lien nach Matthàus, Markus und Lucas, Munich, 
2 e édit., 1896; Hahn, Das Evangelium des Lukas, 2 vol., 
Breslau, 1892, 1894; Holtzmann, Die Synoptiker und 
Apostelgeschichte^' édit., Tubingue, 1901; Abbott, Tlw 
Gospel according to Luke, Londres, 1878; Jones, 
Speaker 's Commentary, New Testament, 3 e édit., Cam- 
bridge, 1872, t. i ; Farrar, The , Gospel according to 
St. Luke, Cambridge, 1880; Plummer, Commentary 
on the Gospel according to St. Luke, Edimbourg, 1896; 
3 e édit., 1900; A. Wright, The Gospel according to St. 
Luke, Londres, 1900. 

XII. Bibliographie. — Patrizi, De Evangeliis, 1. I, 
c. m, Fribourg-en-Brisgau, 1852, p. 62-92; Aberle, Ein- 
leitung in das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1877, p. 60- 
83; Kaulen, Einleitung in die heiligen Schrift A. und 
N. T., à» édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 413-427; Jos. 
Grimm, Die Einlieit des Lucasevangelium, Mayence, 
1863 ; Reuss, Die Geschichte der heiligen Schriften N. T., 
6" édit., Brunswick, 1887, p. 200-218; R. Cornely, In- 
troductio specialis in singulos N. ï. libros, Paris, 1886, 
p. 110-169; Trochon et Lesêtre, Introduction à l'étude 
de l'Écriture Sainte, Paris, 1898, t. m, p. 97-121; 
H. J. Holtzmann, Lehrbuch der historisch-kritischen 
Einleitung in das N. T., 3 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 
1892, p. 385-3S0; Trenkle, Einleitung in das N. T., 
Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 114-123; Al. Schàfer, Ein- 
leitung in das N. T., Paderborn, 1898, p. 229-248; 
P. Batiffol, Six leçons sur les Évangiles, 2" édit., Paris, 
1897, p. 39-46; Godet, Introduction au N. T., Paris et 
Neuchâtel, 1900, t. n, p. 443-670 ; Zahn, Einleitung in das 
N. TÇWédit., Leipzig, 1900, t. n, p. 334-441; A. Jiili- 
cher, Einleitung in das N. T., 3 e et 4» édit., Tubingue 
et Leipzig, 1901, p. 259-266; J. Belser, Einleitungin das 
N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 104-213. 

E. Mangenot. 

3. LUC ou LUCAS François, dit de Bruges, prêtre et 
théologien catholique flamand, né à Bruges, en 1549, 
mort à Saint-Omer, le 19 février 1619. H eut pour maî- 
tres Guillaume d'Harlem et Montanus, et acquit une 
profonde connaissance des langues grecque, hébraïque, 
chaldéenne et syriaque. En 1602, il fut nommé archi- 
diacre et doyen de la cathédrale de Saint-Omer. Il est 



403 



LUC DE BRUGES 



LUCIEN D'ANTIGCHE 



404 



connu, en latin, sous le nom de Lucas Brugensis. Nous 
-avons de lui : Notationes in Biblia sacra, in-f°, An- 
vers, 1580, 1583, et in-l», 1581; in-f», Leipzig, 1657. — 
Variée lectiones Veteris et Novi Testamenti, vulgates 
latines editionis collectée, in-f», Louvain, 1580-1583, où 
il a mis une préface et des notes nombreuses qui sont 
fort estimées. — Romanse corrections in latinis Bibliis 
jussu Sixli V recognitis loca insignioria, in-12, An- 
vers, 1603; Venise, 1745. — Itinerarium Jesu Christi 
ex IV Evangeliis. — Commentarii in Evangelia,\m-!", 
Anvers, 1606, auxquels fait suite le commentaire inti- 
tulé : Notarum ad varias lectiones in IV Evangeliis 
occurrentes libellus duplex, quorum uno greecse, altero 
latinee varietates explicantur, ainsi que De usu chal- 
daicee Bibliorum paraphraseos, sive apologia pro 
chaldaico paraphraste, jussu theologorum Lovanien- 
sium scripta. — Sacrorum Bibliorum vulgatee editionis 
concordanlix, 5 in-f°, Anvers, 1617; La Haye, 1712. C'est 
la première bonne concordance de la Bible qui ait été 
publiée. — Enfin Luc prit part à la publication de la 
Bible polyglotte d'Anvers, et à la Biblia hebriea et la- 
tina Ariee Montani (Genève, 1609). Voir A. C. de Schre- 
vel, dans la Biographie nationale, publiée par l'Acadé- 
mie de Belgique, t. xn, 1892, col. 550-563. 

A. Régnier. 

LUCIEN D'ANTIOCHE. — I. Histoire. - Lucien, 
né à Samosate vers le milieu du III e siècle, commença 
ses études à Édesse sous un certain Macaire et vint les 
poursuivre à Antioche sous Malchion. Il y fut ordonné 
prêtre et y jouit d'une grande réputation d'éloquence 
et de doctrine. Selon Théodoret, citant une lettre 
d'Alexandre d'Alexandrie à Alexandre de Constantinople, 
il aurait passé de longues années exclu de l'Église : 
'ATtomjvaYWYoç k'[i£tve Tptùv iju<r!i<57ni>v 7toàU£toGç -/pfivou. 
H. E., 3, t. lxxxii, col. 901. Si le fait est vrai, on est 
surpris qu'aucun autre écrivain du iv e ou du v e siècle 
n'incrimine ""son orthodoxie et que tous, au contraire, 
avec Eusèbe, H. E., ix, 1, t. xx, col. 809, saint Jérôme, 
De viris illust., 11, t. xxiii, col. 685, et saint Jean Chry- 
sostome, Homilia in sanct. martyr. Lucianum, t. l, 
col. 519-526, le comblent d'éloges. On sait que plus tard 
les ariens et les macédoniens se réclamèrent de lui et 
lui attribuèrent une profession de foi hétérodoxe ; mais 
Sozomène, qui rapporte ces accusations, H. E., m, 5, 
t. lxvii, col. 1044, ne s'y associe point, et Nicéphore, 
H. E., ix, 5, t. cxlvi, col. 236, les répudie expressé- 
ment comme mensongères. L'auteur du Dialogue sur la 
Trinité, imprimé parmi les œuvres de saint Athanase, 
t. xxvin, col. 1203-1205, défend lui aussi l'orthodoxie 
de Lucien. Lucien souffrit le martyre à Nicomédie sous 
Maximin, l'an 311 ou 312. Il fut enseveli à Hélénopolis. 
■Cf. Acta sanctorum, au 7 janvier, 1. 1, p. 357-364; Siméon 
Meta phraste, même date, t. cxiv, col. 397-416; c'est à ce 
dernier que Suidas, Leocicon, édit. Bernhardy, au mot 
Aouxtavôç, t. Il, 1853, col. 607-608, a emprunté sa notice. 

II. Édition critique des Septante. — 1° Témoignages 
des auteurs anciens. — En Lucien, le critique nous 
intéresse plus que l'homme privé. Malheureusement, 
les auteurs qui nous parlent de lui répètent tous à peu 
.près les mêmes détails. Saint Jérôme est le plus expli- 
cite. Cf. De vir. illustr., 77, t. xxiii, col. 685; Epist. cvi, 
ad Sunniam et Fret., t. xxii, col. 838. Le texte suivant, 
Prsef. in Par., t. xxviu, col. 1324 (répété Adv. Rufin., 
Il, 27), quoique bien connu, est si fondamental en cette 
matière qu'il est nécessaire de le transcrire ici : 
AUxandria et Mgyptusin Septuaginta suis Hesychium 
laudat auctorem ; Constantinopolis usque Antiochiam 
Luciani (variante : Juliani) marfyris exemplaria pro- 
bat; médise inter has provincise Paleestinos (variante 
préférable : Paleestinee), codices legunt, quos ab Origene 
■élaboratos, Eusebïus et Pamphilus vulgaverunt : to- 
tusque orbis hac inter se trifaria varietate compugnat. 
Ce texte nous apprend deux choses très intéressantes : 



1. qu'il y avait, au temps de saint Jérôme, trois prin- 
cipales recensions des Septante : celle d'Hésychius, celle 
de Lucien et celle d'Origène; 2. que la recension de 
Lucien était généralement adoptée en Asie Mineure, 
d' Antioche à Constantinople. On ne sait comment con- 
cilier ce détail précis avec la donnée fournie à Sunnia, 
t. xxii, col. 838 : Sciatis aliam esse editionem, quara 
Origenes et Csesariensis Eusebius, omnesque Grsecite 
tractatores xoiv^v, id est communem appellant atque 
vulgatam, et a plerisque nunc Aouxtavôç dicitur; aliam 
Septuaginta inlerpretum quse in à|aw>oî; codicibus 
reperitur. Le pseudo-Athanase, Synopsis Script., 77, 
t. xxvin, col. 436, rapporte qu'on trouva l'autographe de 
Lucien muré dans une construction de Nicomédie. Le 
même écrivain prend la recension de Lucien pour une 
septième version pareille aux six autres qu'Origène 
avait utilisées dans ses Octaples. Ce passage se trouve 
copié dans un opuscule imprimé à la suite des œuvres 
de Théodoret, t. lxxxiv, col. 29. Un manuscrit de Théo- 
doret contient une note très précieuse : Il faut savoir 
que le sigle ô désigne les Septante, a Aquila, S Sym- 
maque, 5 Théodotion, etc. >, désigne Lucien. Voir le 
texte grec dans Field, Origenis Hexapla, 1. 1, p. lxxxv. 
Cette note concorde avec l'avis contenu dans la lettre- 
préface de la version arabe du texte syro-hexaplaire, qui 
nous avertit que les leçons de Lucien sont indiquées par 
la lettre L. 

2° Manuscrits de la recension de Lucien. — C. Ver- 
cellone, Variée lectiones vulg. lat. Biblior., Rome, 1860- 
1862, t. Il, p. 435-436, après avoir reproduit tout au long 
des variantes très remarquables de II Reg., xxiii, ex- 
traites de la marge du codex Gothicus Legionensis, 
ajoutait : « Toutes ces leçons lui sont communes avec 
les manuscrits 19, 82, 93, 108 de Holmes. Il faut que ces 
manuscrits appartiennent à une même recension, qui 
est, à peu de chose près, reproduite dans la Polyglotte 
d'Alcala, basée elle-même sur le codex 108. » Le codex 
108 (Vatican 330) avait été, en effet, envoyé de Rome au 
cardinal Ximénez, qui s'en était presque exclusivement 
servi pour l'édition des livres historiques. On avait ainsi 
un groupe de manuscrits des Septante, étroitement ap- 
parentés ; mais on ignorait encore la relation qui les 
rattachait à Lucien. On savait bien par les textes cités 
plus haut que le sigle >, en grec, et la lettre lomad, en 

syriaque, désignaient Lucien; et Hodius avait déjà attiré 
l'attention sur ce point; mais on n'avait pas tenu grand 
compte jusqu'alors de cette particularité, parce que 
Montfaucon voyait dans le X l'initiale de oi XoijioÏ (les 
autres) et que certains érudits pensaient que le lomad 
devait être un gomal, désignant les trois versions 
d'Aquila, de Symmaque et de Théodotion. — Sur les 
indications de M. Ceriani, préfet de la Bibliothèque 
Ambrosienne à Milan, Field, l'éditeur des Hexaples, 
examina les sept leçons marquées d'un lomad dans la 
traduction syro-hexaplaire du codex Parisiensis (Biblio- 
thèque nationale, syriaque 27). Ce codex a été édité de- 
puis par P. de Lagarde, Veteris Test, ab Origene re- 
censiti fragmenta apud Syros, Gœttingue, 18S0. Il 
contient des fragments du quatrième livre des Rois et 
porte en marge la lettre lomad devant des leçons spé- 
ciales aux endroits suivants : ix, 9, 28; x, 24, 25; xi, 1 ; 
xxiii, 33, 35. Field trouva ces variantes conformes au 
groupe de manuscrits signalés ci-dessus; ces manuscrits 
appartenaient donc à la recension de Lucien. Procédant 
de même pour les passages des prophètes, qui dans le 
codex Barberini portent le sigle ~k, Field constata que 
ces leçons étaient communes aux codex numérotés 22, 
36, 48, 51, 61, 90, 93, 144, 147, 233, 208 de Holmes. 
Field, Origenis Bexapl. quee supersunf, Oxford, 1875, 
t. i, p. lxxxvh-lxxxvih. — Si les codex énumérés ci- 
dessus représentaient bien, comme on le supposait, la 
recension de Lucien, on devait s'attendre à trouver les 



m 



LUCIEN D'ANTIOCHE 



406 



mêmes leçons caractéristiques dans Gbrysostome et dans 
Théodoret, puisque, au témoignage de saint Jérôme, les 
exemplaires de Lucien étaient généralement employés 
d'Antioche à Gonstantinople. Les recherches faites par 
Ficld, par P. de Lagarde et par d'autres, confirmèrent 
ces prévisions et servirent de contrôle à l'hypothèse. — 
Bref, on regarde aujourd'hui comme appartenant prin- 
cipalement à la recension de Lucien — les textes sont 
rarement purs de tout mélange — les codex suivants : 
19, 22, 36, 48, 51,61,82,90,93,95, 108, 118, 144, 147, 153, 
185, 231, 233, 308 de la numérotation de Holmes; de 
plus: Paris, Coislin grec, 184; Athènes, Biblioth.nat., 44; 
pour les Pères : saint Jean Chrysostome et l'école d'An- 
tioche ; pour les versions : la vêtus latina, la gothique 
d'Ulfilas, la syriaque philoxénienne, la slavonique, la 
version arménienne (partiellement). Ci. Swete, lntrod. 
ta the Old Test, in Greek, Cambridge, 1900, p. 482. 
P. de Lagarde a édité les livres historiques, selon la 
recension de Lucien, d'après cinq manuscrits : 108, 82, 
19, 93, 118 de Holmes : Librorum Vet. Test, canonicar. 
pars prior grmce, Gœttingue, 1883. Cl. Ankïtndigung 
einer neuen Ausgabe der griechischen Uebersetzunq 
des A. T., Gœttingue, 1882. Faute de tonds, il est mort 
sans pouvoir publier le reste. Il avait exclu de son édi- 
tion les livres deutérocanoniques : Judith, Tobie, Ma- 
chabées. 

III. Caractères de la recension de Lucien. — 
M. Driver, Notes on the Hebrew Text of Samuel, Oxford, 
1890, croit pouvoir caractériser de la sorte le travail 
critique de Lucien : 1. Fréquente substitution de syno- 
nymes; 2. Doublets provenant d'une double version, lais- 

Vat. grec. 330, fol. 282 v° 

TrtfTTbç SaS ùibç tstriat* iriarbç àvïip, 

ov avéar^crev 6 bç Y^pcaroV ô f)ç taxà)@ : 

xa\ i.'ipaîo; à ij;aX[ioç toû ÎvjX 

-ît[».a xupido IXâXïjaev Iv [»oV 

xa\ X^Yo^aùtoû &TÀ fXiàaarii^ov 

ê[7rev ô 9ç \a~/.il>&' 

èv èu.oi XaXvjo-ai itXâo-Tïi; IyjX - 

«p£ov èv àvot£_8ixa£<É»;- 

àpxaï cpôëto 8û usç cpw; to itpoïvbv 

xac àv«TsXeî iiXtoç tô itpw'i' - 

xa\ où (Txo-cicrEi iizo yifyovs- 

&i ûetoç (ôç potàvï] èx Y^i?' 

8 ti ôu)( îutu; 6 ôïxSajjiou [hetc< tJi* 

8 « 8ta6ï|xr|V àlwvtov EBsto [J.oi 

ffcotrat |jle iciç (oSs Iv uâat, 

xal tpTjXàles aùtriv 



est certainement un contresens occasionné par une 
mauvaise leçon. Ezech., xxxi, 10, est traduit par les Sep- 
tante : %aX elîov èv ta yi)«i>6ïjvai aùtôv, au lieu qu'il fau- 
drait : « Et son cœur s'éleva dans sa superbe. » Lucien en 
iait : xal È7rT)p87) t\ xapSîa aù-roû èiti tô) û^et aùtoy, xai' 
e!8ov èv to û^wOîjvai aùxôv. — La substitution de syno- 
nymes semble assez arbitraire, du moins, il est difficile 
d'y découvrir une loi fixe. Voir Field., Hexapla, t. i, 
p. xc. — Comme Lucien, de même qu'Origène, cher- 
chait à se rapprocher de l'hébreu, on remarque quelque- 
iois entre le texte hexaplaire et Lucien une certaine 
ressemblance; mais cette ressemblance est assez super- 
ficielle. Un détail qui a son importance parce qu'il a 
servi de confirmation à la découverte du texte de Lucien, 
c'est que ce critique, d'après le témoignage d'un auteur 
syriaque, copié par M. Ceriani dans un manuscrit du 
Musée Britannique (addition. 12159, loi. 302), remet 
à8uvat x-jpioi; dans les passages d'Ézéchiel où les autres 
manuscrits des Septante ont simplement xùptoç. Et cela 
se vérifie en effet dans les codex 22, 36, 48. 

Voici à titre de spécimen, les dernières paroles de 
David, II Reg., xxm, 1-5, d'après le manuscrit grec 330 
du Vatican qu'on suppose représenter la recension de 
Lucien. Nous maintenons les abréviations, l'accentua- 
tion et la ponctuation du codex, qui n'emploie pas 
l'iota souscrit et, entre autres singularités, place l'esprit 
sur la première lettre de la diphtongue initiale. Dans 
son édition de Lucien, Lagarde reproduit presque sans 
changement le codex vat. 330 (108 de Holmes). Dans 
les versets ci-joints il met seulement ap^e au lieu de 
&pY_ai (ligne 9) : 

Texte des Septante de Swete, t. i, p. 663 

1- — riiUTo; AauslS vitoç 'Ietrffat, xa\ ictaibi; àvr|p 
8v àvéuTï)cr£v Kùptoç êitt v v piorôv 6eo0 'Iax<oë, 
xai sOitpeitsïç i^aXpioi 'IapaïjX- 

2. — iwsùjjia Kvipiôu èXâXrjisv èv èjjiot, 

xa\ ô Xoyoç auTOu èVs yXw<ttyjç |xou* 

3. — Xiftt à 8sb; 'I<Tpa7)X* 

è{xo1 èXàX7|<T£v çùXaÇ ï\ 'I<rpa7)X IIapaëoX7|V e'utoV 
'Ev àv6pûit(j) itô>; xpataiwiTij-ce çdëov Xpto"toû; 

4. — xal èv Beû çwt\ itpwîa; àvaTEÎXai 7JX10;, 

•cô ïtpon où Kùpeoj itapYJX6ev 

ix çsyyouç* 

xa\ uç i\ ùetoù )(Xo'r)ç àrco Y*K- 

5. — où yàp outo; <5 01x61; jjiou [ma 'Io-^upoO; 

SiaBrixiiv Y«p aîwviov iQs.t6 p.ot, 
è-coi|Aï)v sv îtavi'i xaipû, 
iteçuXaYf.svï)v. 



ses côte à côte dans le texte ; 3. Adoption de leçons qui 
supposent un texte hébreu supérieur au texte massoré- 
tique. — Le second caractère est particulièrement frap- 
pant. Voici quelques exemples : Is., xxrv, 23, les Sep- 
tante traduisent : xai tax^aeTai o rcXivôoç, xai iteoretTo; to 
t£ïxo4, ce que Symmaque rend par : xa\ èvcpaitr,(T£-cat 7) 
aeX^v7), xo\ alo-/uv6rj<TBTai ô ^Xtoç. Lucien retient et 
accole les deux versions, dont l'une, celle des Septante, 



Vulgate, II Reg., xxm, 1-5. 



1. 



Dixit David filius Isai : dixit vir cui 
constitutum est de christo Dei Jacob, 
egregius psaltes Israël. 

2. — Spiritus Domini locutus est per me, 

et sermo ejus per linguam meam. 

3. — Dixit Deus Israël mihi, 

locutus est lortis Israël, 

dominator hominum, 

justus dominator in timoré Dei. 

4. — Sicut lux aurorse, oriente sole, 

mane absque nubibus rutilât, 

et sicut pluviis germinat herba do terra. 



Nous donnons aussi, comme terme de comparaison, 
la version latine contenue dans la marge du Codex 
Gothicus Legionensis, dont la collation se conserve au 
Vatican, latin 4859. Nous avons dit que Vercellone avait 
remarqué les rapports entre cette version et le texte 
grec de quatre manuscrits parmi lesquels se trouve 
notre codex 330. Cette observation fit taire un grand pas à 
la découverte de la recension de Lucien : 

Vat. latin 4859, pars 1, fol. 116 V. 

F'idéïis David filius Jesse, fidelis vir quem 

suscitavit Deus Christum Dei Jacob : 

et speciosus psalmus Israël. 

Spiritus Domini locutus in me, 

et verbum ejus in lingua mea est, 

Dixit Deus Jacob, 

in me locutus est custos Israël, 

parabolam die hominibus 

juste incipit in timoré Domini. 

Quasi lux matutina et orietur sol mane 

et non tenebrescet a lumino ; 

quasi pluvia, quasi herba de terra. 



407 



LUCIEN D'ANTIOCHE 



LUCIFER 



408 



Vulgate, II Reg., xxm, 1-5. 
Nec tanta est domus mea apud Deutn, 
ut pactum seternum iniret mecum, 
firinum in omnibus 
atque munitum. 

Il est évident de prime abord : 1. que la version du 
codex Gothicus suppose un texte grec très voisin de la 
recension dite de Lucien; 2. que la recension de Lucien 
suppose un texte hébreu différent du texte massorélique, 
lequel est identique au fond avec celui qu'a eu sous les 
yeux l'auteur de la Vulgate; 3. que la recension de 
Lucien, dans le passage cité, équivaut à une traduction 
nouvelle : c'est le cas en particulier pour les morceaux 
difficiles où le texte original est moins bien conservé 
et peut s'entendre de plusieurs façons. Mais la différence 
entre les Septante et Lucien est rarement aussi accen- 
tuée. — La polyglotte d'Alcala suit d'abord assez fidèle- 
ment le codex 108 (de Holmes) qui lui servait de proto- 
type; mais elle l'abandonne à partir du verset 4. 

IV. Lucien et le Nouvea.it Testament. — Saint 
Jérôme, dans sa lettre à Damase, Prssf. in Evang., 
t. xxix, col. 527, parle de codices, quos a Luciano et 
Hesychio nuncupatos, paucorum hominum asserit per- 
versa conlentio. D'après sa remarque formelle, il 
s'agit du Nouveau Testament aussi bien que de l'Ancien. 
A la fin du décret de Gélase nous trouvons cette mention : 
Evangelia quœ falsavit Lucianus, apocrypha, t. ux, 
col. 162, qui semble faire écho à la protestation de saint 
Jérôme. Mais l'authenticité du décret de Gélase est très 
suspecte, surtout pour les derniers articles. Ce sont, 
dans l'antiquité, les seules traces d'une recension du 
Nouveau Testament entreprise par Lucien. Cependant 
Westcolt et Hort, The New Testament in Greek, Cam- 
bridge, 1882, lntrod., p. 138, regardent comme assez 
probable que Lucien ait pris part à la revision du texte 
qu'ils appellent syrien. 

V. Conclusions. — 1. On ne sait rien de positif sur 
la participation de Lucien à une recension du Nouveau 
Testament. — 2. Au contraire, on est arrivé à détermi- 
ner avec une certitude suffisante, au moyen d'indices 
convergents, les versions et les manuscrits qui repré- 
sentent sa recension des Septante. — 3. Cependant, 
comme les textes sont presque toujours mêlés et qu'il 
est souvent difficile de ramener une leçon à sa véritable 
origine, il faut se garder de croire que nous soyons en 
mesure de reconstituer dans ses détails la recension de 
Lucien. P. de Lagarde lui-même ne regarde pas son 
édition comme définitive. — 4. Le plus pressé en ce 
moment semble être de restituer les Hexaples, en utili- 
sant tous les moyens aujourd'hui à notre disposition. 
On classerait ensuite tous les manuscrits connus des 
Septante d'après la recension à laquelle ils appartiennent 
Alors seulement une édition définitive de la versioD 
aloxandrine deviendrait possible. Tout porte à croire que 
la recension' de Lucien servirait beaucoup à ce travail. 

F. Prat. 

LUCIFER (hébreu: hêlêl; Septante : éourçôpo;; Vul- 
gate : lucifer), planète connue en astronomie sous le 
nom de Vénus. 

1» Vénus est une des planètes inférieures, c'est-à-dire 
de celles qui sont plus voisines du soleil que la terre. 
Sa distance au soleil, par rapport à cette dernière, est 
seulement de 0,72. Elle parait osciller tantôt à l'est, 
tantôt à l'ouest du soleil, de 45° à 48° dans chaque sens. 
Dans le premier cas, on la voit le soir, s'éloignant, puis 
se rapprochant du point de l'horizon où le soleil se 
couche; dans le second, on la voit le matin, exécutant 
le même mouvement avant le lever du soleil. La révo- 
lution de l'astre dure environ 225 jours; .mais c'est seu- 
lement au bout de 584 jours qu'il occupe la même posi- 
tion relativement au soleil et à la terre. Vénus a des 
phases, comme la lune. Sa lumière est blanche et sur- 



Vat. latin 4859, pars I, fol. 116 v». 
Quoniam non sic domus mea cum Deo 
quoniam testamentum œternum posuit mihi 
paratum salvare me quœ in omnibus 
et custodiet hsec. 

passe en éclat celle de toutes les autres planètes. Cepen- 
dant cet éclat n'atteint pas son maximum quand le disque 
est complètement éclairé, car alors l'astre est à son plus 
grand éloigneraient par rapport à nous; il se montre 
quand l'astre, encore voisin de la terre, marche vers 
son premier quartier, ou abandonne son dernier. Les an- 
ciens n'ont pas connu les phases de Vénus, à cause de la 
faiblesse de son diamètre apparent. Mais les Égyptiens 
s'étaient rendu compte de l'identité de Bonou, « oiseau, » 
l'astre en deux personnes, qui se montre tantôt le soir 
et tantôt le matin. Ils lui donnaient pour cela deux autres 
noms, Ouâîti, l'étoile solitaire qui apparaît la première 
après le coucher du soleil, et Tiou-noutiri, le dieu qui 
salue le soleil à son lever. Cf. Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient classique, Paris, 1895, t. I, p. 96. 
Les Grecs appelaient cette planète 'Ewo-oôpoç, « qui amène 
l'aurore,»"Eo-irepo;, « l'étoile dusoir,» et 4>w(Tq>6poç, « porte- 
lumière ; » les Latins Lucifer, « porte-lumière, » Vesper, 
« étoile du soir, » et Venus, à cause de sa beauté. Nous 
l'appelons aussi « étoile du matin » et « étoile du berger ». 

2° Dans sa prophétie contre Babylone, Isaïe, xrv, 12, 
interpelle le roi en ces termes : « Te voilà donc tombé 
du ciel, Lucifer, fils de l'aurore, » hêlêl bên safyar, 
ô 'Eiompôpo; 6 ?rp«>i àvaréXXwv, Lucifer qui mane orieba- 
ris, « Lucifer, qui te levais au matin. » Le monarque 
assyrien l'emportait jadis en puissance et en gloire sur 
tous les autres princes, comme la planète dépasse en 
éclat les autres étoiles. Le mot hêlêl vient de hàlal, qui 
signifie « briller », comme l'arabe halal et l'assyrien 
elêlu. Aquila et le Syriaque l'ont fait venir de yâlal, 
« se lamenter. » Saint Jérôme, In ls., v, 14, t. xxiv. 
col. 161, adoptant leur interprétation, traduit hêlêl par 
ulula, « effraie, » mot latin qui a une ressemblance 
phonétique avec l'hébreu. Il ajoute d'ailleurs que ce 
nom désigne Lucifer, parce que celui-là doit pleurer et 
se lamenter, qui autrefois dans sa gloire a été comparé 
à la splendeur de l'astre du matin. — Ce texte d'Isaïe, 
bien que se rapportant littéralement au roi de Baby- 
lone, a été souvent appliqué au démon, le grand déchu 
du ciel, dont la ruine a surpassé toutes les autres en 
honte et en profondeur. — Le grand-prêtre Simon, fils 
d'Onias, est comparé à l'étoile du matin, à cause de 
l'éclat de son ministère et de sa vertu. Eccli., l, 6. — 
Le Fils de Dieu doit donner au vainqueur l'étoile du 
matin, qui représente ici la gloire du ciel. Apoc, H, 28, 
— Jésus-Christ lui-même est appelé par saint Pierre 
le Lucifer qui doit se lever dans les cœurs des chrétiens, 
par la grâce et la lumière de la foi en cette vie, et en- 
suite en personne à son second avènement. II Pet., n, 
19. — Saint Jean le nomme aussi « l'étoile brillante du 
matin ». Apoc, xxn, 16. — Dans sa liturgie du samedi- 
saint, à VExultet, l'Église reprend ce titre donné au 
Sauveur. Elle souhaite que le Lucifer matinal trouve le 
cierge pascal allumé, « ce Lucifer qui ne connaît pas 
de déclin, et qui, revenu des enfers, a fait briller sa 
pure lumière sur le genre humain. » — Malgré son sens 
littéral et son application à Jésus-Christ, le nom de Luci- 
fer a fini par ne garder dans la tradition chrétienne que 
le sens péjoratif qui lui vient de son application à Sa- 
tan. Encore les Pères remarquent-ils que ce nom n'est 
pas propre au démon et qu'il indique seulement ce que 
l'ange déchu était avant sa révolte. Cf. Pétau, De ange- 
lis, III, m, 4. 

3° La Vulgate emploie encore le mot lucifer pour 
traduire boqér, « la lumière dû matin, » Job, xi, 17! 
mazzârôt, « les signes du zodiaque, » Job, xxxvm, 32, 
et sahar « l'aurore, » Ps. ex (cix) 3. H. Lesêtre. 



409 



LUCIUS 



LUD 



410 



LUCIUS (grec : Aefoioç), nom d'un consul romain, 
d'un Cyrénien et d'un parent de saint Paul. 

1. LUCIUS, consul romain qui écrivit à Ptolémée VII 
Physcon, roi d'Egypte, la lettre par laquelle il lui faisait 
savoir que le grand-prêtre Simon avait envoyé une 
ambassade à Rome pour renouveler l'alliance conclue 
en 161 avant J.-C entre les Romains et Judas Machabée. 
Les Romains, lui disait-il, ont reçu le bouclier d'or que 
leur offrait Simon. C'est pourquoi il leur a plu d'écrire 
aux rois et aux peuples de ne pas attaquer les Juifs et 
de ne pas porter secours â ceux qui les attaqueraient. 
Ils devaient en outre renvoyer en Judée les fugitifs de 
ce pays réfugiés chez eux. Copie de cette lettre était 
adressée à Démétrius II de Syrie, à Attale II de Pergame, 
à Ariarathe V de Cappadoce, à Arsace VI roi des Parthes, 
à Lampsaque, aux Spartiates, à Délos, à Mynde, à Sicyone, 
en Carie, à Samos, en Pamphylie, en Lycie, à Halicar- 
nasse, à Coos, à Sidé, à Aradon, à Rhodes, à Phaselis, 
à Gortyne, à Gnide, à Chypre et à Cyrène. 1 Mach., xv, 
16-23. Voir tous ces mots. Le consul est désigné seule- 
ment par son prénom, il y a donc lieu de chercher 
parmi les magistrats de cette époque quel est le Lucius 
dont il s'agit ici. Trois noms ont été mis en avant avec 
plus ou moins de vraisemblance. 

1° Lucius Caecilius Metellus Calvus qui fut consul en 
142 avant J.-C. Sans doute Simon envoya une ambassade 
à Rome avant le décret des Juifs en sa faveur, décret 
qui est daté du 18 du mois d'Elul de l'an 172 des Séleu- 
cides, c'est-à-dire de l'an 140 avant J.-C. I Mach., xiv, 
554-27. Néanmoins il est peu probable que l'ambassade 
soit antérieure de deux ou trois ans au décret et que la 
réponse ait été faite par le consul de l'an 142. 

2° Lucius Valerius, préteur. Ceux qui regardent 
comme possible l'identification de ce personnage avec le 
consul Lucius s'appuient sur un texte de Josèphe, Ant. 
jud., XIV, vm, 5. L'écrivain juif donne â la date du 
mois Panemos dé la neuvième année du règne d'Hyr- 
can II, 54 avant J.-C, un sénatus-consulte que la 
.plupart des historiens modernes identifient avec celui 
qui fut voté au temps de Simon. Lucius Valerius, fils de 
Lucius, préteur, présida la séance du sénat aux ides de 
décembre, c'est-à-dire le 13 de ce mois, dans le temple 
de la Concorde. Ses assesseurs furent Lucius Copinius, 
fils de Lucius, de la tribu Collina, et Papirius, de la 
tribu Quirina. Les ambassadeurs juifs qui comparurent 
devant le sénat s'appelaient Alexandre, fils de Jason, 
Numénius, fils d'Antiochus, et Alexandre, fils de Dorothée. 
Ils offrirent un bouclier d'or en signe d'amitié. Le sénat 
fit alliance avec les Juifs et écrivit aux rois et aux villes 
indépendantes de ne pas leur nuire et de respecter leur 
pays. La teneur du sénat-consulte est identique à la 
lettre de Lucius. I Mach., xv, 16-23. Josèphe se serait 
donc trompé de date, à moins que le même fait ne se 
soit reproduit deux fois. Quant à la contusion entre le 
titre de préteur et celui de consul, elle est explicable 
par la traduction du grec en hébreu et de l'hébreu en 
grec, et par le fait que dans cette langue le préteur est 
appelé arpimr|Y<5; et le consul (rrporniyoç Ootitoc 

3° Lucius Calpurnius Pison, consul en 139. La date 
de son consulat coïncide avec celle de l'envoi de cette 
lettre. C'est l'hypothèse la plus généralement admise. 
On donne souvent à ce personnage le prénom de Cnéius, 
mais la meilleure leçon de Valère Maxime, I, m, 2, 
«dit Teubnerj 1888, p. 17, le nomme Lucius. C'est à celle 
occasion que le même auteur rapporte l'intervention du 
préteur Hispalus qui força à retourner chez eux les 
Juifs qui essayaient d'implanter leur culte à Rome. Va- 
lère Maxime, I, m, 2. La date du consulat de Lucius 
Calpurnius Pison est celle de l'année où les ambassa- 
deurs juils retournèrent à Jérusalem, c'est-à-dire l'an 
474 des Séleucides, 139-138 avant J.-C. 

Bibliographie. — Mendelssohn, De senatus consulli 



Romanorum abJosepho Anliq., XIV, vm, 5,relati tem- 
poribus, in-8°, Leipzig, 1873; Ritschl, Eine Berichtigung 
der republicanischen Consularfasten, dans le Reinische 
Muséum, t. xxvm, 1873, p. 586-614; t. xxix, 1874, p. 337; 
Th. Mommsen et Ritschl, dans le Zeitschrift fur wissen- 
schaftl. Théologie, 1874, p. 231-238; Lange, dans le 
Jahrbericht ûberdie Fortschritte der classischen Aller- 
thums-wissenschaft, de Bursian, t. i, 1873, p. 872-876; 
Th. Mommsen, Der Senatusbeschluss bel Josephus, 
Antiq., XIV, vm, 5, dans l'Hermès, t. îx, 1875, p. 281- 
291; Mendelssohn et Ritschl, Der rômische Senatus- 
beschluss bei Josephus, dans le Rhein. Muséum, t. xxx, 
1875, p. 419-435; Wieseler, dans les Iheolog. Studienund 
Kritiken, 1875, p. 524; 1877, p. 281-290; Grimm, dans la 
Zeitschrift fur wissenschaftl. Iheolog., 1876, p. 121-132; 
E. Schûrer, Geschichte der Jûdischen, Volkes im Zeitai- 
ter Jesu Christi, in-8» Leipzig, 1890, 1. 1, p. 199-200. 

E. Bedrlier. 

2. LUCIUS de Cyrène (grec : Aoôxio; 6 Kupïjvatoç; 
Vulgate : Lucius Cyrenensis). Les Actes des Apôtres, 
xin, 1, nomment Lucius de Cyrène parmi les prophètes 
et les docteurs qui enseignaient à Antioche et qui, sur 
l'ordre de l'Esprit-Saint, imposèrent les mains à Bar- 
nabe et à Saul, destinés par lui à une mission particu- 
lière. Act., xiii, 1-3. On ne sait rien par ailleurs sur ce 
personnage. Les Constitutions apostoliques, vu, 46, 
t, i, col. 1053, disent que saint Paul établit un Lucius 
comme évêque à Cenchrêes : on ne peut savoir si c'est 
celui-ci ou un autre. L'hypothèse qui l'identifie avec 
saint Luc est inadmissible : le nom de celui-ci, AouxSç, 
est une abréviation de Aouxâvo;. Le pseudo-Hippolyte, Da 
lxx Apost., 44, t. x, col. 955, compte Lucius parmi les 
soixante-douze disciples et le fait évêque de Laodicée. 
D'après les martyrologes d'Usuard et d'Adon, il aurait été 
le premier évêque de Cyrène. L'Église latine célèbre sa 
fête le 6 mai. Voir Acta sanctorum, 6 mai, t. n, 1680, 
p. 99, Voir Luc, col. 379. E; Beurlier. 

3. LUCIUS, parent de saint Paul. Dans Rom., xvi, 21, 
Lucius est nommé avec Timothée Jason et Sosipater 
parmi les parents de saint Paul qui saluent les Romains. 
Nous ne savons, rien de ce personnage, en dehors de 
ce qui est dit de lui à cet endroit, et il est impossible 
de savoir s'il doit être ou non identifié avec le précédent. 
Si c'est le même personnage, comme on le croit commu- 
nément, sa parenté avec saint Paul montre clairement 
qu'il est Juif; par conséquent il n'est pas le même que 
saint Luc qui n'est jamais appelé parent de l'Apôtre, 
Col., îv, 14; II Tim., iv, 11; Philem., 24, et qui n'était 
pas Juif d'origine. E. Beurlier. 

LUCKE Gottfried Christian Friedrich, théologien 
allemand protestant, né à Egeln près de Magdebourg, 
le 23 août 1781, mort à Gœttingue le 14 février 1855. 
S'étant fait recevoir à Berlin licencié en théologie, il fit 
en cette ville des cours d'exégèse sur le Nouveau Tes- 
tament. En 1818, il obtint une chaire à la nouvelle 
université de Bonn, d'où il passa en 1827 à celle de 
Gœttingue. Il a publié : Commentatio de Ecclesia Chri- 
stianorum apostolica, in-4», Gœttingue, 1813; Ueber den 
neutestatnentlichen Karton der Eusebius von Càsarea, 
in-8°, Berlin, 1816; Grundriss der neutestamentlichen 
Hermeneutik und ihrer Geschichte, in-8°, Gœttingue, 
1817; Commentar ûber die Schriften der Evangelisten 
Johannes, 4 in-8», Bonn, 1820-1832; 3« édit., 1843-1856, 
Il a collaboré à la Synopsis Evangeliorum, publiée par 
son ami de Wette, in-4», Berlin, 1818. 

B. Heurtebize. 

LUD (hébreu : Lûd; Septante : Aovê), le quatrième 
fils de Sem. Gen., x, 22; I Par., i, 17. D'après l'opinion 
commune, il est l'ancêtre des Lydiens. Telle est la tra- 
dition judaïque. Josèphe, Ant. jud., I, vi, 4, qui l'ap- 
pelle AoOêsç, dit qu'il est le père de ceux qu'on appelle 



411 



LUD — LUGDUNENSIS (CODEX) 



412 



aujourd'hui AiiSot et qu'on nommait auparavant AoOSoi. 
Hérodote, i, 7, place de même dans la période mythique 
un héros nommé Lydus, père des Lydiens. Fr. Lenor- 
mar.t, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 
-9 e édit., in-8», Paris, 1881, t. i, p. 288, pense au con- 
traire qu'il y a là une assonance de noms purement 
fortuite, que les Lydiens sont un peuple de race et de 
langage aryens. D'après lui, Lud représente la division 
septentrionale des Araméens ou Syriens. Que Lud dé- 
signe une race sémitique, cela est incontestable, mais il 
ne s'ensuit pas qu'il ne soit pas le père d'une de celles 
qui ont formé la nation lydienne, où l'on rencontre à 
côté d'éléments aryens les traces évidentes d'éléments 
sémitiques. G. Radet, La Lydie au temps des Mer- 
ruades, in-8°, Paris, 1892, p. 54-57, 67. Voir Lydie. 

E. Beurlier. 

LUDIM (hébreu : Lûd, Lûdim; Septante : AouSieîn, 
A(i>;ie£(ji, Ao'jS, AiSoi; Vulgate : Ludini, Lydi, Lydii, 
Lijdia), descendants de Mesraïm, fils de Cham. Gen., x, 
13; cf. I Par., I, 11. C'est donc une race chamite habi- 
tant l'Egypte. Quel est ce peuple? il est difficile de le 
dire exactement. D'après E. de Rougé, Recherches sur 
les monuments des six premières dynasties, dans les 
Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles- 
Lettres, t. xxv, 1866, p. 228; G. Ebers, Aegypten und 
die Bûcher Mose's, in-8», Leipzig, 1868, t. i, p. 39; et 
Fr. Lenormant,iîist. anc. despeuples de l'Orient,^ édit., 
in-8», Paris, 1881, p. 269; les Lûdim sont les mêmes 
que les Rutennu, c'est-à-dire les hommes, la race do- 
minante; ce mot peut, en effet, se lire aussi Lut-ennu. 
Cette identification est niée par Chabas, Voyage d'un 
égyptien en Syrie, in-8», Paris, 1866, p. 352. Cf. De 
Saulcy, Bulletin de la Société de géographie, t. xvh, 
1879, p. 209-241 ; 327-357. M. de Rochemonteix, dans le 
Journal asiatique, VIII e sér., t. XII, 1888, p. 199-201, 
voit dans les Rutennu, Romitou ou Rotou, les fellahs 
ou le petit peuple, par opposition aux Anamim, qui 
formaient la classe riche. Voir Anamim, t. i, col. 538. 
G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 
in-8», Paris, 1895, t. i, p. 43, considère le mot Romitou 
ou Rotou comme étant le nom ethnique des Égyptiens, 
mais il ne se prononce pas sur le rapprochement de ce 
nom avec celui des Lûdim. Ce peuple est plusieurs fois 
cité par les prophètes. Dans Isaïe, lxvi, 19, le Seigneur 
annonce que parmi ceux qui auront échappé au châti- 
ment, il en enverra du côté delà mer, en Afrique et en 
Lydie, nations armées de flèches, etc., et qu'ils annon- 
ceront sa gloire aux gentils. Le mot Lydia de la Vul- 
gate correspond au mot AoOS des Septante et au mot 
Lûd de l'hébreu. S'agiMI ici des Lûdim de l'Egypte ? 
Le rapprochement avec le mot Put ou probablement 
Phut ou Put qui désigne un autre peuple africain, rend 
cette hypothèse très vraisemblable, mais d'autre part il 
est aussi question dans le texte hébreu de ce passage, 
de Tarsis, de fubal et Yâvân, c'est-à-dire des Tibaré^ 
niens situés sur les bords de la mer Noire, des Ioniens 
et des îles. Les Septante intercalent Aoû5 entre «JoûS et 
Moer^x, et ajoutent : %a\ eU ©oëèX xal si; ttjv 'EXXiSa xal 
s!; Ta; viijcTov;; la Vulgate traduit les mots fubal et 
Yâvân par ltaliam et Gresciam. 

Cette liste énumère des peuples des diverses parties 
du monde, on ne peut donc pas exclure avec certitude 
l'hypothèse que le mot Lûd s'applique au Lydiens 
d'Asie, d'autant plus que dans le texte grec de Judith, II, 
23, où est racontée la campagne d'Holofeme contre 
les Lydiens d'Asie Mineure, le mot Ao-jo est comme ici 
précédé du mot 4>o08. Voir Lydie. Jérémie, xlvi, 9 (Sep- 
tante, xxvi, 9), prophétisant contre Néchao II, roi 
d'Egypte, nomme dans les troupes égyptiennes les Ly- 
dii (hébreu, Lûdim; Septante, Ayfioi), il.s'agit bien ici 
d'une peuplade africaine. Ézéchiel, xxvn, 10, nomme 
les Lydii (hébreu, Lûd; Septante, A-j6oi)> parmi les 
mercenaires au service de Tyr. Ce nom est placé dans 



le texte hébreu entre celui des Perses et celui de Phût 
dans les Septante et dans la Vulgate entre les Perses 
et les Lydiens. Faut-il les rapprocher des premiers et y 
voir les Libyens d'Asie, ou des derniers et y voir les Lû- 
dim d'Egypte? il est vraiment impossible de le dire. Les 
Tyriens pouvaient également avoir des mercenaires des 
deux contrées. Plus loin Ézéchiel, xxx, 5, prophétisant 
contre l'Egypte, donne la liste des peuples de cet empire 
qui périront par l'épée avec lui, et il nomme les Lydi 
(hébreu, Lûd; Septante, AOSoi). Dans ce verset le texte 
hébreu et la Vulgate ne nomment avec les Lydi que des 
peuples africains, l'Ethiopie, la Libye; les Septante y 
ajoutent les Perses et les Cretois, mais c'est probable- 
ment une interpolation, car on ne voit pas trop leur 
place entre les Éthiopiens, les Lûdim et les Libyens. 
Les Lûdim sont représentés comme des archers, 
Is., lxvi, 19; Jer., xlvi, 9 (Septante, xxvi, 9). Voir Arc, 
1. 1, fig. 219, col. 900; fig. 225, col. 903; Archer, col. 932. 

E. Beurlier. 
LUDOLPHE DE SAXE (Ludolphus ou Leutholfus 
de Saxonia), célèbre moine du xiv e siècle, était proba- 
blement originaire de Saxe, comme son nom l'indique. 
On ne connaît pas la date exacte de sa naissance (vers 
1300); on sait seulement qu'il entra d'abord dans l'ordre 
de saint Dominique, où il se distingua par sa piété aussi 
bien que par son érudition. Il y resta vingt-six ans 
(trente ans suivant d'autres), après lesquels il se décida 
à entrer chez les chartreux, où il pensait trouver plus 
de facilité encore pour mener une vie contemplative ; il 
ne tarda pas à être élu prieur de la chartreuse de Stras- 
bourg, où il mourut probablement aux environs de 1370. 
Selon d'autres, il mourut à Mayence. Son principal 
ouvrage est une Vita Christi, Strasbourg, 1474, qui fut 
très répandue pendant deux siècles, et qu'on a réimpri- 
mée de nos jours : Vita Jesu Christi, in-f», Paris, 1865; 
4 in-8", Paris, 1870. Cet ouvrage fut traduit en français 
et publié à Lyon, en 1487. Lecoy de la Marche a donné 
une nouvelle édition de cette traduction, Vie de Jésus- 
Christ composée au XV e siècle d'après Ludolphe le 
Chartreux; texte rapproché du fro.nçais moderne, 
in-4», Paris, 1869-1872. Autres traductions : dom FI. 
Broquin, La grande vie de Jésus-Christ, nouvelle tra- 
duction intégrale, 6 in-8», Paris, 1864-1865; 7 in-12, 
Paris, 1870-1873; Vie de Notre- Seigneur Jésus-Christ 
traduite nouvellement sur le texte latin, 2 in-12, Paris, 
1848; 5 e édit., 1873. Nous avons aussi de lui : Commen- 
taria in Psalmvs davidicos juxta spiritualem prsecipue 
sensum, Paris, 1506, 1517 et 1528; in-f», Venise, 1521; 
in-4", Lyon, 1540, etc. Ludolphe de Saxe est un des au- 
teurs auxquels oii a attribué l'Imitation de Jésus-Christ; 
mais cette opinion n'a guère d'autre fondement qu'une 
certaine ressemblance, dans le style et dans les idées, 
entre l'Imitation et la Vita Christi. Voir Ul. Chevalier, 
Répertoire des sources historiques du moyen dqe, Paris, 
1877-1883, 1. 1, col. 1429. A. Régnier. 

LUGDUNENSIS (CODEX). -i"Histoire. -La for- 
tune de ce précieux codex est assez curieuse. En 1837, 
Fleck avait signalé à l'attention du monde savant un 
manuscrit ancien, examiné par lui à la Bibliothèque- 
de Lyon, où il portait le n» 54. Il comprenait deux par- 
ties très hétérogènes : 1. Un Bède, donné par l'arche- 
vêque de Lyon Amolus (841-852) à sa cathédrale; 2. Une 
version latine du Pentateuque, différente de la Vulgate. 
M. L. Delisle, qui l'étudia à son tour dans les Mélanges 
de Paléographie et de Bibliographie, Paris, 1880, p. 1-35 
(Le Pentateuque de Lyon à lettres onciales, mémoire 
lu à l'Académie des Inscriptions, le 23 octobre 1878), 
fit une découverte importante. Entre autres lacunes; le 
Lévîtique et les Nombres manquaient totalement dans 
le manuscrit de Lyon. M. Delisle se ressouvint que ces 
deux livres composaient justement un manuscrit appar- 
tenant à lord Ashburnham et publié à ses frais, dix ans 



413 



LUGDUNENSIS (CODEX) — LUITH 



414 



auparavant. La première page du codex Ashburnham 
portait : Explicit liber Exodus. Incipit Leviticum; la 
dernière. : Explicit liber Numeri. Incipit Deuterono- 
mium. Cela comblait exactement la lacune du manus- 
crit de Lyon. Par la paléographie, par la dimension des 
pages et la disposition des colonnes, par l'arrangement 
des cahiers numérotés, M. Delisle prouva à l'évidence 
que les deux codex n'en avaient fait qu'un autrefois et 
que Fleck les avait encore vus ensemble vers 1837. Sur 
ces preuves, lord Ashburnham restitua généreusement à 
Lyon les feuillets qui lui avaient été vendus en 1847 par 
Libri, l'auteur de tant de vols commis au préjudice de 
nos bibliothèques publiques. — En octobre 1895, quand 
fut mise en vente la bibliothèque du baron de Verna, 
M. Delisle remarqua dans le catalogue un manuscrit qu'il 
reconnut être la suite des précédents et la bibliothèque 
de Lyon s'empressa de l'acquérir. 

2° Description. — Le manuscrit tel qu'il est aujour- 
d'hui contient 232 feuillets de parchemin : 64 feuillets 
restés à Lyon, 80 restitués par lord Ashburnham, 88 ache- 
tés en 1895. Les pages, mesurant m 30 X m 24, sont 
— chose rare — à trois colonnes de 26 ou 27 lignes. 
Les lignes ont 14 ou 15 lettres en moyenne. L'écriture 
est continue, sans séparation entre les mots qui sont 
souvent coupés en deux à la lin des lignes. La ponctua- 
tion primitive est très rare et les signes semblent em- 
ployés un peu au hasard. La division en paragraphes, 
indiquée par des lettres plus grandes placées en vedette, 
tient lieu de ponctuation. Quelquefois, au milieu des 
paragraphes, un espace plus ou moins considérable 
marque une pause ; assez souvent, à la fin des paragra- 
phes se voit une feuille de lierre. — Par endroits, le 
parchemin est jauni, noirci, fripé; mais en général 
l'état de conservation ost très satisfaisant et peu de ma- 
nuscrits de cet âge ont un plus bel aspect. 

3° Age, origine, valeur critique. — Ziegler attribue 
notre manuscrit au vip siècle; mais cette date est cer- 
tainement trop tardive. M. Delisle pense qu'il est du 
vi e . G, Paris, Journal des savants, 1883, p. 389, ne voit 
aucune objection à le faire remonter au v". M. Ul. Robert 
est de cet avis : il lui semble qu'on n'aurait pas copié, 
d'une façon si coûteuse, un ancien texte biblique à peu 
près hors d'usage, après l'adoption générale de la Vul- 
gatc. De plus la formule : Incipit Exodus. Lege cum 
poice (folio 24 v°), ne lui paraît pas pouvoir être posté- 
rieure au v 8 siècle. — Pour des raisons philologiques, 
G. Paris inclinait à penser que la version avait été faite 
dans le midi de la France, peut-être à Lyon même. 
M. Robert croit au contraire, en s'appuyant principale- 
ment sur le vocabulaire, qu'elle est d'origine africaine. 
Peut-être cependant sa base d'observation n'est-elle pas 
assez étendue. — On se rendra compte de l'importance 
du nouveau texte si l'on songe qu'avant la découverte 
du manuscrit de Verna, le Deutéronome, à partir de 
xi, 4, n'était représenté dans les versions préhiérony- 
miennes que par le cantique de Moïse, Xxxu, publié 
par Sabatier, par Deut., xxiii, 42-53; 55-58; xxxi, 11-26 
du Codex Wirceburgensis (Ranke, Antiquissi-ma Vet. 
Test, versionis latinm fragmenta, Vienne, 1871) et par 
Deut., xxn, 7-xxin, 4; xxvin, 1-31, xxx, 16-xxxn, 29 du 
Codex Monacencis (Ziegler, Bruchstûcke einer vorhiero- 
nymianischen Uebersetzung des Pentateuch, Munich, 
1883). Voici la conclusion de M. Ulysse Robert, Pen- 
tateuchi, etc., 1881, p. cxu-cxlii : « Le codex Lugdu- 
nensis a été de bonne heure, vers le vu» siècle, l'objet 
de revisions ou de corrections qui ont eu pour but de 
le ramener à la Vulgate. La traduction est à peu près 
sûrement d'origine africaine et semble remonter à la 
dernière moitié du iu e siècle et être antérieure à la fin 
du rv>. Elle a été faite sur une version grecque qui 
diOere. assez de celles du Codex Vaticanus et du Codex 
Alexandrinus. Elle n'est pas la version nommée par 
saint Augustin ltala. Elle a dû être connue de quel- 



ques-uns des premiers Pères et de plusieurs écrivain» 
chrétiens. Malgré les nombreuses fautes qu'elle présente, 
elle n'en a pas moins un grand intérêt, parce qu'elle 
comble une importante lacune dans la série des Livres- 
saints de l'Église primitive. » Dans son étude sur la troi- 
sième partie (manuscrit de Verna), M. Robert compare 
le texte du Lugdunensis avec les 66 manuscrits employés 
par Holmes et Parsons. Le résultat est que les manus- 
crits les plus rapprochés du Lugdunensis sont ceux qui 
dans la nomenclature critique portent les numéros 74,. 
54, 106, 134 ; les trois premiers sont du xrv» siècle, le 
dernier du x e ou du XI e . Swete pense, mais avec un 
point d'interrogation, que les n M 74, 106, 134 appartien- 
nent à la recension d'Hésychius. 

4" Éditions. — La partie qui n'a jamais quitté Lyon, 
comprenant : Gen., xvi, 9-xvn, 18; xix, 5-29; xxvi, 33- 
xxxiii, 15; xxxvii, 7-xxxvm, 22; xlii, 36-l, 26; Ex., i, 
1-vn, 19; xxi, 9-36; xxv, 25-xxvi, 13; xxvii, 6-xl, 36; 
Deut., i, 1-xi, 4, a été éditée, avec une savante préface 
et des photogravures, par M. U. Robert, Pentateuchi 
versio lalïna antiquissima e codice Lugdunensi, Paris, 
1881. — La partie volée par Libri, renfermant l'ensemble 
du Lévitique et des Nombres, moins Lev., xvm, 30-xxv, 
16, avait été précédemment publiée par les soins de 
lord Ashburnham , mais ne fut pas mise dans le commerce i 
Librorum Levitici et Numerorum versio antiqua ltala 
e codice perantiquo in bibliotheca Ashburnhamiense 
conservato nunc primum typis édita, Londres, 1868. Voir 
Revue critique, 1870, t. ix, p. 341. — Enfin la partie 
achetée en 1895, contenant le Deutéronome à partir de 
xi, 4, Josué et les Juges jusqu'à xx, 31, a été éditée, avec 
une étude sur le texte, par M. Robert : Heptateuchï 
partis posterioris versio latina antiquissima e codice- 
Lugdunensi, Lyon, 1900. F. Prat. 

LUITH (hébreu: hal-Lûhi{ ;Septante : Aoveiï, 'AXtM) f 
localité du pays de Moab. Isaïe, xv, 5, et Jérémie, xlvih, 
5, dans leurs prophéties contre Moab, disent en ternies 
semblables que l'habitant de ce pays montera en pleu- 
rant « la montée de Luith ». D'après Eusèbe et saint 
Jérôme, Onomast., édit.Parthey et Larsow, 1862, p. 266, 
267, le village de Luith, qui existait encore de leur 
temps, sous le nom de Lueitha ou Luitha, était situé 
entre Aréopolis et Zoar. Aréopolis est l'Ar-Moab de 
l'Écriture. Voir t. i, col. 814. F. de Saulcy, Voyage 
autour de la mer Morte, t. i, p. 310, 317; t. n, p. 42 
(cf. F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, 1896, 
p. 272), croit que la montée de Luith peut être identifiée 
avec la route qui, des environs de Zoar, sur la rive 
orientale de la mer Morte, conduit aux hauts plateaux 
de Moab par l'ouadi Bené I}ammad, au nord de l'ouadi 
Kérak; il y eut là une voie romaine. Voici comment 
s'exprime de Saulcy : « Une localité des plus impor- 
tantes à déterminer, c'est celle de Louéïth. Elle était 
sur la route d'Aréopolis à Zoar du temps d'Eusèbe. 
L'Écriture la place sur une montée ; donc Loueïth, placée 
sur la voie fréquentée d'Aréopolis à Zoar, voie qui pas- 
sait, à n'en pas douter, par l'ouad-ebni-Hammîd, devait. 
se rencontrer de toute nécessité dans l'ouad qui, de la 
rive moabitique, montait à la plaine d'Aréopolis. Or, la 
dernière niontée qui donne accès à «e haut plateau 
gravit, & travers des ruines énormes, un Djébel-Nouehia 
ou Nouehid; ces ruines portent le même nom de 
Nouehin ou Nouehid ; les lettres L et N, dans la bouche 
des Arabes de cette contrée, permutent avec une extrême 
facilité : je n'hésite donc pas un seul instant à voir dans 
les ruines et la montagne de Nouehid les ruines et la 
montée de Loueïth. » Voyage autour de la mer Morte, 
t. il, p. 42-43. « Cette ville ruinée, ajoute le même au- 
teur, Dictionnaire topographique de la Terre-Sainte, 
in-8», Paris, 1877, p. 210, est à deux heures de marche 
au nord d'er-Rabbah. » M. Conder, Palestine, in-12, Lon- 
dres, 1889, p. 258, identifie la montée de Luith avec Tal'at 



415 



LUITH — LUMIERE 



416 



eUHeith, ou, comme il l'écrit dans The Survey of western 
Palestine, t. i, 1889, p. 228, Talât Heisah ou elHeithah, 
vallée dont un sentier conduit au côté méridional du 
mont Nébo, mais il reconnaît lui-même que son identi- 
fication ne repose que sur une altération possible de 
l'hébreu Lûhît. — On croit avoir trouvé ce nom dans une 
inscription nabatéenne découverte dans le pays de Moab 
et conservée maintenant au Musée du Vatican. Corpus 
inscript, semit., part. II, 1. i, fasc. H, n» 196, p. 219. Ct. 
Clermont-Ganneau, Notes nabatéennes, dans le Journal 
asiatique, mai-juin 1891, p. 537-538. Le P. Lagrange, 
qui a publié le premier l'inscription, Une inscription 
nabatéenne, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, 1890, 
p. 290-291, avait lu Behitu, au lieu de Se-Lukeitu. 

LUMIÈRE (hébreu: 'ôr,'ôrâh, mâ'ôr, nehdrdh, nîr ; 
Septante : f ûç, çoma-jui; ; Vulgate : lumen, lux), vibration 
d'un milieu très subtil, appelé éther, et dont l'effet le 
plus important est de rendre les corps visibles. 

I. La lumière physique. — 1» Dieu est le créateur de 
la lumière. Gen., i, 3-5; Eccli.,xxiv, 6; Is., xlv, 7; Jer,, 
xxxi, 35; Bar., m, 33, 34; II Cor., iv, 6. C'est pourquoi 
la lumière est invitée à le louer, comme toutes les autres 
créatures. Ps. Cxlviii, 3; Dan., m, 72. Dieu a séparé la 
lumière d'avec les ténèbres. Gen., i, 4; Job, xxvi, 10; 
Eccle., n, 13; II Cor., vi, 14. — 2° Certains corps ont le 
pouvoir de répandre de la lumière; tels sont, dans le 
firmament, les astres, le soleil, la lune et les étoiles, 
Gen., i, 14-18; Is., xm, 10; Ezech., xxxn, 7; Sap., x, 
17; Matth., xxiv, 29, et, sur la terre, le feu des foyers, 
Sap., xvii, 5; II Mach., i, 32; Luc, xxh, 56, des incen- 
dies, II Mach., xn, 9, ou des flambeaux. II Mach., iv, 
22; Luc, vin, 16; xi, 33; Act., xvi, 29; Apoc, xvm, 23. 
Mais Dieu s'est réservé le secret de la production et de 
la distribution de la lumière. Job, xxxvm, 19, 24. — 
3° 11 fait lever sa lumière sur tous. Job, xxv, 3; Matth., 
v, 45. Quand celle-ci paraît, la terre devient comme l'ar- 
gile qui reçoit une empreinte, c'est-à-dire que tous les ob- 
jets, auparavant ensevelis dans l'ombre, se montrent avec 
leur relief naturel. Job, xxxvm, 13 (hébreu). La lumière 
éclairait les Hébreux pendant que les Égyptiens étaient 
dans les ténèbres. Exod., x, 23. La lumière est douce 
aux yeux de l'homme. Eccle., xi, 7. C'est grâce à elle 
qu'il peut diriger sûrement ses pas sur la terre. Joa., xi, 
9, 10. — 4» C'est l'apparition de la lumière qui consti- 
tue le jour. Gen., i, 14; Job, m, 4, 9; Tob., v, 12; xi, 
8; xii, 3; Sap., xvn, 19; xvm, 1, 4, etc. De là les ex- 
pressions « avant la lumière », Judith, xn, 5; Ps. cxxvn 
(cxxvi), 2; I Mach., vi, 33; xi, 67; Luc, xxiv, 22; « dès 
la lumière, i> Ps. lxiii(lxii), 2; «la lumière du matin, » 
Jud., vi, 31; I Reg., xxv, 34; Il Reg., xxm, 4; Sap., vi, 
15: xvi, 28; Mich., n, 1; Act., xxvii, 33; « jusqu'à la 
lumière, » Act., XX, 11, pour désigner différents moments 
du jour ou de la nuit. Cette lumière est particulièrement 
brillante dans les jours d'été. Is., xvm, 4; cf. Eccli., 
xxxiii, 7.-5° « Voir la lumière, » c'est naître à la vie 
de ce monde, ou, comme nous disons en français, 
voir le iour. Job, m, 16; Bar., m, 20. « Donner la lu- 
mière, » c'est faire naître. Job, m, 20. La lumière est 
appelée « lumière des vivants », parce qu'elle éclaire les 
hommes qui vivent sur la terre. Job, xxxm, 30; Ps. lvi 
(lv), 13. Quand cette lumière disparaît, c'est la mort. 
Eccli., xxn, 10; cf. Eccle., xn, 2. — 6° Par métonymie, 
la lumière des yeux est la faculté qu'ont les yeux de per- 
cevoir la lumière. Ps. xxxvm (xxxvii), 11; Tob., x, 
4; XIV, 3. Elle réjouit l'âme, Prov., xv, 30, et sert à 
l'homme pour se guider. Matth. vi, 23. — 7° Une 
lumière miraculeuse éclaire saint Pierre dans sa prison 
de Jérusalem, Act., xn, 7, et saint Paul sur le chemin 
de Damas. Act., ix, 3; xxn, 6, 9, 11; xxvi,13. 

II. La lumière dans le sens métaphorique. — 1° La 
lumière est très souvent prise comme symbole de la 
prospérité. Esth., vm, 16; x, 6; xi, 11; Job, xxn, 28; 



xxxm, 28; Bar., m, 14. Cette lumière est assurée au juste. 
Ps. xcvii (xcvi), 11; Prov., iv, 18; xiii, 9. Elle brillera 
pour Israël au jour de sa restauration, Is., Lvni, 8, et 
ira en croissant. Is., xxx, 26, Souvent cependant ce sont 
les ténèbres de l'épreuve qui empêchent de luire la lu- 
mière de la prospérité. Job, xvn, 12; xxx, 26; Is., Llx, 
9; Jer., xm, 16; Lam., m, 2. Cette lumière s'éteint pour 
le méchant. Job, xvm, 5, 6, 18; xxxvm, 15; Jer., iv, 23; 
xxv, 10. Elle disparaît au jour des vengeances divines. 
Am., v, 18, 20; Zach., xiv, 6, 7. — 2» Elle est aussi le 
symbole de la gloire. Tob., xm, 13. — 3° Enfin la lu- 
mière, par conséquent la beauté, l'éclat, caractérise les 
œuvres de bien. La Sainte Écriture compare donc à la 
lumière la sagesse, Sap., vi, 23, 24; vu, 10; Eccli., xxiv, 
37; la justice, Ps. xxxvii (xxxvi), 6; Sap., v, 6; Eccli., 
xxxn, 20; la charité. Is., lviii, 10; I Joa., n, 9, 10, etc. 
— 4° Mettre une chose à la lumière, c'est la faire con- 
naître, la révéler publiquement. Job, xn, 22, 25; xxvm, 
11; Matth., x, 27; Luc, xn, 3; cf. Ephes., v,13. Comme 
Dieu connaît tout, les ténèbres sont lumière à ses yeux. 
Ps. cxxxix (cxxxvm), 12; Dan., n, 22. — 5» Saint Jean- 
Baptiste a été un flambeau de lumière, par sa prédica- 
tion et ses vertus. Joa., v, 35. Satan, pour tromper les 
hommes, sait se transformer en ange de lumière, c'est- 
à-dire prendre l'apparence d'un envoyé de Dieu. II Cor., 
xi, 14. 

III. La lumière divine. —1° La lumière physique n'est 
qu'une image de la lumière surnaturelle qui entoure la 
divinité. Dieu est le Dieu de lumière. Eccli., xlvi, 18. Il 
a tout l'éclat de la lumière la plus vive. Hab., ni, 4. Il 
est vêtu de lumière, Ps. civ (cm), 2, et habite une lu- 
mière inaccessible. I Tim., vi, 16. Sa Sagesse est une 
lumière éclatante. Sap., vu, 26, 29. C'est Dieu qui illu- 
mine tout le ciel de sa splendeur. Apoc, xxn, 5. — 
2° Dieu est le Père des lumières. Jacob., i, 17; I Joa., I, 
5. 'Il étend sa lumière tout autour de lui, Job, xxxvi, 30, 
32, et répand sur ses créatures la lumière de ses misé- 
ricordes. Eccli., xxxvi, 1; Bar., v, 9. La lumière de son 
visage désigne sa providence, sa bonté et son assistance. 
Ps. iv, 7; xxxvi ^xxxv), 10; lxxxix (lxxxvlu), 16. — 
3» Dieu est la lumière des justes par sa loi. Ps. cxn 
(cxi), 4;cxix (cxvm), 105; Prov., vi, 23; Sap., vu, 10; 
xvm, 4; Eccli., xlv, 21; Is., li, 4; Bar., iv, 2. Cette lu- 
mière guide dans le chemin de la vertu. Job, xxix, 3; 
Eccli., L, 31; Is., H, 5; xlii, 16; l, 10. "Voilà pourquoi le 
juste demande à Dieu d'envoyer cette lumière. Ps. xliii 
(xlh), 3. Les méchants sont ennemis de la lumière. Job, 
xxiv, 13. « Celui qui fait le mal hait la lumière. » Joa., 
m, 20. Ils prennent leurs ténèbres pour la lumière. Is., 
v, 20; Rom., n, 19. Mais un jour, pour la récompense 
des bons et la punition des méchants, le jugement de 
Dieu éclatera comme la lumière. Os., vi, 5; Soph., m, 
5. — 4° Dieu est particulièrement la lumière d'Israël, 
par la loi qu'il lui a donnée et la protection dont il le 
couvre. Is., x, 17; Mich., vu, 8, 9. Cependant, une lu- 
mière plus parfaite est promise à Jérusalem, Is., lx, 1, 
3, 19, 20, et à toutes les nations. Is., ix, 2; Matth., iv, 16; 
Luc, il, 32; Act., xxvi,23; Apoc, xxi, 24. Cette lumière 
sera apportée au monde par le serviteur de Dieu, le 
Messie, Is., xlii, 6; xlix, 6, et en son nom par les 
Apôtres. Act., xm, 47. 

IV. Jésus-Christ, lumière du monde. — 1° Jésus- 
Christ est par excellence la lumière des âmes, lumière 
qui constitue la vie, brille dans les ténèbres et éclaire 
tout homme venant en ce monde, Joa., i, 4, 5, 7-9; vin, 
12; ix, 5, lumière que méconnaissent ceux qui com- 
mettent le mal, Joa., m, 19, 20, mais qui doit guider 
ceux qui ont la foi et pratiquent la vérité. Joa., m, 21; 
xn, 35, 36, 46; I Joa., Il, 8. — 2° Ceux qui marchent à 
cette lumière arrivent à la vraie vie. Joa., vm, 12; 1 Joa., 
î, 7. Ceux qui ne la possèdent pas doivent se convertir 
des ténèbres à la lumière. Act., xxvi, 18. En participant 
à cette lumière, Col., i, 12; I Pet., n, 9, en se servant 



417 



LUMIÈRE — LUNATIQUE 



418 



des armes de la lumière, c'est-à-dire des grâces de la foi 
contre le mal, Rom., xm, 12, ils deviennent des fils de 
lumière, Luc, xvi, 8; Joa., xn, 36; Eph., v,8, 9 ; I Thes.j 
v, 5, et sont appelés à être la lumière du monde. Matth., 
v, 14, 16. H. Lesêthe. 

LUMINAIRE ou mode d'éclairage chez les Hébreux. 
— Les procédés employés pour éclairer l'intérieur des 
tentes ou des maisons ont dû être d'abord très primi- 
tifs chez les Hébreux, comme chez les anciens peuples. 
Le besoin de cet éclairage était, du reste, fort restreint, 
car, la nuit venue, on ne se retirait guère dans les 
maisons que pour dormir, et la clarté de la lune ou 
des étoiles, dans un ciel habituellement serein, suffisait 
amplement pour guider quelqu'un au dehors. Le pre- 
mier mode d'éclairage a été le feu du foyer, répandant 
la lueur dans toute la pièce où il était allumé. "Voir Feu, 
t. il, col. 2220-2223. Il y eut ensuite des réchauds per- 
mettant de déplacer la matière éclairante; tels étaient 
les >afj.iroips; de l'époque homérique, ou vases à leu 
dans lesquels on brûlait de la résine ou du bois sec. 
Odys., xvm, 307, 343; xix, 63. On se servit aussi de 
torches ett bois résineux, Iliad., xvm, 492; Odys., i, 
428; vn, 101; Hésiode, Scut., 275, etc.; de bois ou de 
fibres végétales trempés dans des matières combustibles, 
comme la graisse, l'huile, la poix, etc. Voir Torche. Il 
ne semble pas cependant que les Hébreux aient jamais 
utilisé la graisse pour s'éclairer, car la graisse était ré- 
servée par la Loi pour être brûlée en l'honneur du Sei- 
gneur, même quand il s'agissait d'animaux tués simple- 
ment pour l'alimentation, en dehors des sacrifices. Lev., 
xvii, 6. Voir Graisse, col. 293. Les Hébreux connais- 
saient bien la cire, dont les Livres Saints ne parlent ce- 
pendant qu'au point de vue de sa fusibilité. Voir Cire, 
t. ii, col. 780. On ne peut guère douter qu'ils l'aient uti- 
lisée pour l'éclairage, au moins dans les derniers temps, 
à l'exemple des Grecs et des Romains qui connaissaient 
le flambeau de cire, xripitov, Plutarque, Moral., Quart, 
rom., 2, édit. Didot, t. i, p. 325, candela, Pline, H. N., 
xvi, 70; ce.re.us; Plaute, Cure, I, i, 9; Cicéron, Deoffic., 
3, 20, 80, etc. Toutefois, la cire perd si facilement sa 
consistance dans les climats chauds qu'on n'a dû l'em- 
ployer qu'exceptionnellement à l'éclairage en Palestine, 
comme d'ailleurs dans les pays grecs et romains. Les 
Hébreux s'éclairaient surtout à l'huile. Voir Huile, 
col. 774; Lampe, col. 54. Cet éclairage présentait des 
inconvénients assez graves : faible clarté, fumée abon- 
dante, par suite d'une combustion incomplète, et, partant, 
mauvaise odeur. Les anciens ne se plaignaient pas de 
ces inconvénients parce que les travaux délicats se 
Élisaient à la clarté du jour et non à la lampe, et que, 
d'autre part, ils n'avaient pas d'éclairage supérieur 
auquel ils pussent comparer celui qui laissait à désirer. 

H. Lesêtre. 

LUNATIQUE (grec : (re^victCosiévo;; ,Vulgate : lu- 
naticus), malade atteint d'épilepsie. Chez les anciens, 
l'épilepsie était considérée comme provenant de l'in- 
fluence de la lune, êx tîjç <re>.T|VTiç, Élien, Nat. anim., 
xiv, 27, de Yiracunda Diana, Horace, Ars poet., 454, 
d'où le sens du verbe <re>Y]vidi£<i>, « être épileptique. » 
Manéthon, rv, 81. Cf. Daniel, De lunaticis, dans le Thé- 
saurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. n, p. 180, 181. 
L'influence de la lune n'est pour rien dans l'apparition 
des phénomènes épileptiques. — L'épilepsie, qu'on ap- 
pelle aussi mal caduc, comitial, sacré, haut mal, etc., 
est une maladie nerveuse provenant de lésions du cer- 
veau par suite d'excès de toute nature, de frayeur et de 
quelques autres causes moins fréquentes que les précé- 
dentes. Elle est souvent héréditaire, se déclare ordinai- 
rement avant l'âge de puberté chez les sujets à tempé- 
rament très nerveux et est presqse toujours incurable, 
à moins qu'elle soit due à des lésions accidentelles, 
auxquelles la chirurgie peut remédier. Les accès sont 

DICT. DE LA BIBLE. 



irréçuliers et quelquefois précédés de malaises et de ver- 
tiges; mais il arrive aussi que le malade est frappé subi- 
tement. Il tombe alors tout d'un coup là où il se trouve; 
l'œil est fixe et tourné en haut, le visage violacé, la 
bouche tordue et écumante, tout le corps agité de mou- 
vements convulsifs. Au bout d'un temps qui va d'une 
à cinq minutes, les muscles se détendent, le visage pâ- 
lit, la bouche rejette une salive écumeuse ou sanguino- 
lente et le malade demeure dans un état de stupeur qui 
se prolonge plus ou moins. Dans certains cas, l'épilep- 
sie n'est que partielle; elle se borne alors à des ver- 
tiges, des absences et des convulsions locales. 

1° Saint Matthieu, iv, 21, mentionne des lunatiques 
parmi les nombreux malades que Notre-Seigneur guéris- 
sait près du lac de Tibériade. Cf. Marc, m, 10; Luc, vi, 
18-19. — 2° L'enfant pour lequel les Apôtres ne purent 
rien et que le Sauveur guérit après sa transfiguration, 
était un épileptique. Matth., xvii, 14. Souvent, au cours de 
ses accès, il tombait dans le feu ou dans l'eau. D'après 
saint Luc, ix, 39, c'est un esprit qui le saisit, et alors il crie 
tout d'un coup; l'esprit l'agite, le tord, le fait écumer et 
ne le quitte qu'après l'avoir tout brisé. Saint Marc, ix, 
16-21, donne plus de détails sur le cas de l'enfant. Au 
dire du père, l'enfant a un esprit muet qui le saisit et 
l'agite ; alors l'enfant écume, grince des dents et devient 
tout raide. En présence du Sauveur, l'enfant est saisi 
par l'esprit, tombe à terre et s'y roule en écumant. Le 
père ajoute que pareils accès lui arrivent depuis son en- 
fance et que souvent l'esprit le jette dans le feu ou dans 
l'eau. Il y a bien là les symptômes et les phénomènes 
caractéristiques de l'épilepsie. Il s'y ajoute cependant 
d'autres effets qui ne dépendent pas du mal lui-même, 
la surdité, le mutisme qui est habituellement la consé- 
quence naturelle de la surdité, Matth., xn, 22; Luc, 
xi, 14, et des chutes multipliées dans le feu ou dans 
l'eau. Les chutes dans l'eau donnent à supposer que 
l'enfant habitait les bords du lac et que peut être son 
père était pêcheur, et l'emmenait avec lui en barque. 
Ces derniers effets sont attribués par le père à l'in- 
fluence d'un esprit qui cherche à faire périr l'enfant. 
Marc, ix, 21. On a prétendu souvent que, du temps de 
Notre-Seigneur, on mettait sur le compte des démons 
des maladies dont on ne connaissait pas la cause et qui 
n'étaient que des névroses aujourd'hui étudiées et clas- 
sées au nombre des phénomènes purement naturels. La 
remarque- est juste en bon nombre de cas. Ici pour- 
tant il n'est pas permis de l'appliquer complètement. 
On ne peut admettre que Notre-Seigneur se soit trompé 
au point de traiter comme démoniaque un simple ma- 
lade. « Esprit sourd et muet, dit-il, je te le commande, 
quitte-le et ne rentre jamais en lui. » Marc, ix, 24. 
Cette adjuration provoque une nouvelle crise qui l'ait 
croire à la mort de l'enfant. A prendre les paroles du 
Sauveur à la lettre, il semble que le démon n'est tenu 
pour responsable que de la surdité et du mutisme 
de l'enfant. En ce dernier, l'épilepsie serait naturelle, 
quoique rendue plus aiguë par la présence du dé- 
mon. De là, les deux actes successifs accomplis par 
le Sauveur : l'adjuration, qui chasse le démon sourd 
et muet, non cependant sans que celui-ci provoque 
en partant une nouvelle crise d'épilepsie, et ensuite 
la guénsôû de cette dernière maladie par le contact 
du divin Maître qui relève l'enfant. Les deux actes, 
sommairement indiqués par saint Matthieu, xvii, 17, et 
saint Luc, ix, 43, sont nettement distingués par saint 
Marc, ix, 24, 26. L'épilepsie da cet enfant a donc pu être 
naturelle, comme celle des autres lunatiques dont parle 
saint Matthieu, iv, 24; mais le démon était entré en lui 
pour le, rendre sourd-muet. Cette dernière infirmité, qui 
n'est pas une conséquence de l'épilepsie, était évidem- 
ment habituelle chez l'enfant, car personne ne se fût 
étonné qu'il ne parlât pas et n'entendit pas pendant ses 
crises. Le démon agissait certainement en cet enfant. 

IV. - 14 



419 



LUNATIQUE — LUNE 



420 



Notre-Seigneur le suppose formellement, et il avertit 
ses apôtres que ce démon ne pouvait être chassé que 
par la prière et par le jeûne. Matth., xvn, 20; Marc, IX, 
28. Saint Luc qui, en sa qualité de médecin, devait sa- 
voir distinguer entre un malade et un possédé, n'hé- 
site pas à signaler ici l'influence du démon. Voir Démo- 
niaque, t. h, col. 1375-1378. Mais il n'est pas nécessaire 
d'attribuer à cette influence tous les phénomènes que 
décrit le récit évangélique. Sans doute, le père admet 
qu'il en est ainsi : mais Notre-Seigneur restreint cette 
influence à la surdité et au mutisme. Quant à la phrase 
qu'ajoute saint Marc, IX, 25, à propos du démon : « Et 
criant, et l'agitant avec violence, il sortit de lui, » elle 
n'indique pas nécessairement une crise épileptique, 
mais plutôt une simple brutalité du démon, qui aimait 
d'ordinaire à signaler ainsi sa retraite forcée. Marc, i, 
26; Luc, rv, 35. H. Lesêtre. 

LUNE (hébreu : yârêafy, et trois fois lebânâh, la 
« blanche », Cant. vr, 10 (Vulgate, 9); Is., xxiv, 23; 
xxx, 26 ; Septante : aeXîivi); Vulgate : luna), petite pla- 
nète satellite de la terre. 

I. L'astre. — 1° Dieu a fait de la lune ham-rn,â'ôr 
haq-qâton, tov ç<<><TTÎ)pa tov l\àaau>, luminare minus, 
« le petit luminaire, » par 
opposition au soleil, « afin 
de présider à la nuit. » 
Gen., i, 16. Cette prési- 
dence n'implique, bien 
entendu, pas autre chose 
qu'un envoi de lumière 
du haut du ciel à la terre. 
Les étoiles sont associées 
à cette présidence de la 
nuit, Ps. cxxxvi (cxxxv), 
9, qui ne s'exerce que par 
la lumière que projettent 
les astres. Jer., xxxi, 35. 
Par la durée de sa révo- 
lution, qui est de vingt- 
sept jours, sept heures et 
quarante-trois minutes, la 
lune sert à marquer les 
temps. Ps. civ (cm), 19. 
Chez les anciens, chez les 
Hébreux en particulier, 
l'année se divisait en mois 
lunaires, ce qui donnait 
à la lune une importance 
spéciale. Eccli., xliii, 6-8. 
Cf. Prov., vu, 20. Voir 
Année, t. i, col. 641-642. 
La clarté de la lune n'égale 
pas celle du soleil. I Cor., 
xv, 41, Aux yeux de Dieu, 
la lune même n'est pas 
brillante. Job, xxv, 5. 
Néanmoins son éclat est 
tel, sous le ciel limpide de 
l'Orient, que l'Épouse du 
Cantique, VI, 9, est pro- 
clamée « belle comme la 
lune », et qu'on peut dire du pontife Simon, fils d'Onias, 
qu'il brille comme la pleine lune dans la maison de Dieu. 
Eccli., l, 6. En la contemplant, le Psalmiste s'étonne que 
le Créateur, qui a fait les astres, ait eu pour l'homme un 
regard de prédilection. Ps. vm, 4. Comme le soleil et les 
étoiles, la lune est invitée à louer Dieu. Ps. cxlvih, 3 ; 
Dan., ni, 62. — 2° Le cours de la lune étant très régu- 
lier et recommençant invariablement avec les mêmes 
phases, « durer autant que la lune, » c'est durer sans fin. 
Ps. lxxii (lxxi), 5; lxxxix (lxxxvhi), 38. Les phases de 
la lune font dire que « le sot change comme la lune ». 




122. — Le dieu Khonsou. 
D'après Mariette, Album photo- 
graphique du Musée de Bou- 
laq, pi. 4. 



Eccli., xrvii, 12. Sur la lune arrêtée par Josué, en même 
temps que le soleil, Jos., x, 12, 13; Hab., m, 11, voir 
Béthoron 1, t. i, col. 1703. Sur les fruits des lunes ou 
des mois, Deut., xxxm, 14, voir Fruit, t. h, col. 2411. 
Sur la lune qui brûle pendant la nuit, Ps. cxxi (cxx), 6, 
voir Insolation, t. ni, col. 886. — Joël, n, 10, dit que la 
lune s'obscurcit au passage des sauterelles, à cause des 
épais nuages que forment ces insectes. — 3» Dans le 
songe de Joseph, le soleil, la lune et les étoiles qui se 
prosternent devant lui représentent son père, sa mère 
et ses frères. Gen., xxxvn, 9, 10. La lune sous les pieds 
de la femme de l'Apocalypse, xn, 1, marque l'éminente 
dignité de cette femme. Dans la description de la vieil- 
lesse que fait l'Ecclésiaste, xn, 2, le soleil, la lune et les 
étoiles désignent les yeux, qui sont les lumières du 
corps. — 4° Des modifications de la lumière lunaire 
sont fréquemment indiquées dans la description des 
grandes interventions divines. La lune s'éclipsera au jour 
du jugement de Babylone, Is., xm, 10, et de l'Egypte, 
Ezech., xxxn, 7. Il en sera de même au jour du der- 
nier jugement. Joël, m, 15; Matth., xxiv, 29; Marc, 
xm, 24. A la restauration de Jérusalem, la lune sera 
aussi brillante que le soleil, Is., xxx, 26, et cependant 
elle rougira, c'est-à-dire perdra de son éclat, si on la 
compare à la cité sainte. Is., xxiv, 23. Au jugement der- 
nier, elle sera changée en sang, c'est-à-dire n'aura plus 
qu'une lumière rougeâtre et sinistre. Joël, n, 31 ; Act., 
il, 20; Apoc, vi, 12. Divers autres phénomènes affecte- 
ront la lumière de cet astre. Luc, xxi, 25; Apoc, vm, 
12. Dans le ciel, c'est la clarté même de Dieu qui tien- 
dra lieu de celle de la lune. Is., lx, 19, 20; Apoc, xxi, 
23. 

II. Son culte. — 1° Le culte idolâtrique de la lune a 
été en honneur chez tous les peuples anciens avec les- 
quels les Hébreux ont été en rapport. En Egypte, Thoth 
était un dieu-lune, et Isis une déesse-lune, à laquelle 
on offrait des pourceaux en sacrifice. Hérodote, n, 47. 
Cf. Dbllinger, Paganisme et Judaïsme, trad. J. de P., 
Bruxelles, 1858, t. n, p. 264, 270; Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris, t. i, 
1895, p. 92, 93. Sous la xix e dynastie, le génie Khon- 
sou (flg. 122) fut identifié avec la Lune, et c'est en son 
honneur que Ramsès III commença' à Karnal' un temple 
qu'on mit un siècle à terminer. En Syrie, n Chanaan 
et en Phénicie, la lune devenait une Astarthé. Voir As- 
tarthé, 1. 1, col. 1184-1186. Les Chaldéens adoraient le 
dieu Sin, qui était un dieu-lune (fig. 123), et le confon- 
daient même parfois avec Anou, le dieu-ciel, le prince 
des dieux. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 654- 
655; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 6 édit., t. m, p. 86-87. A Babylone, un des principaux 
temples, le Bit-Iz de la Grande-Lumière, était dédié à 
la lune. Cf. Vigouroux, La Bible, t. iv, p. 163. Elle était 
particulièrement honorée sous le nom de Naunara à Ur 
Kasdim la patrie d'Abraham Voir 1. 1, fig. 323, col. 1161; 
fig. 265, t. n, col. 695, la lune figurée sur des cylindres 
chaldéens. Chez les Perses, le soleil et la lune étaient, 
avec les douze constellations, les dépositaires de toutes 
les faveurs divines. Cf. ûôllinger, Paganisme et Ju- 
daïsme, t. n, p. 196. Le dieu-lune s'appelait Mâo (fig. 124), 
et il formait l'un des deux yeux d'Ormuzd, l'autre étant 
le soleil. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. m, 1899, 
p. 577, 681. En Asie Mineure, la lune était tantôt une 
déesse, tantôt un dieu Lunus, le sexe de la déesse va- 
riant chez eux comme chez les peuples de l'Orient Cf. 
Dbllinger, Paganisme et Judaïsme, t. n, p. 173, 174. 
Duchesne, Les origines chrétiennes, Paris, 1878-1881, 
lithogr., p. 44, conjecture que le culte du dieu Lunus 
n'était pas étranger aux observances de néoménies que 
saint Paul reproche aux Colossiens, n, 16; Enfin, les 
Grecs honoraient leur Sélénè^ Odyss., ix, 144 ; Hésiode, 
Theogon., 371, etc., et les Romains leur Diane. Ovide, 
Met., xv, 196, etc. — 2» Pour prémunir les Hébreux 



421 



LUNE 



LUSTRATION 



422 



contre de tels exemples, la Loi leur recommandait de 
veiller à ne pas se laisser séduire par le culte du soleil, 
de la lune et des étoiles, Deut., iv, 19, particulièrement 
au pays de Chanaan. Deut., xvii, 3. Dans sa confession, 
Job, xxxi, 26, déclare que, quand la lune s'avançait 
majestueuse, il ne l'a jamais regardée comme une divi- 
nité. — 3° Lorsque l'idolâtrie s'introduisit en Israël, la 
lune y eut ses adorateurs. Le roi Josias brûla tout ce 
qui avait servi au culte de l'armée des cieux et chassa 
les prêtres établis par ses prédécesseurs pour offrir des 
parfums à la lune et aux autres astres. IV Reg., xxm, 
•4, 5. Dans le même temps, Jérémie, vm, 1, 2, annonçait 
qu'on tirerait de leurs tombeaux les os des rois de Juda 
et de tous ceux qui avaient aimé, servi et adoré le soleil, 
la lune et l'armée du ciel, et qu'on les laisserait sur le 



nicienne, par conséquent une divinité astrolâtrique de 
personnification assez variable, et pouvant être succes- 
sivement ou en même temps la lune, représentée par 
une Astarthé qui porte le croissant sur la tête, voir t. I, 
col. 1185, flg. 333, et l'Istar assyrienne ou l'étoile appe- 
lée Vénus. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 
1899, p. 452. — 4° Dans sa lettre aux captifs de Baby- 
lone, Jérémie les met en garde contre le culte des 
fausses divinités. Il leur rappelle que le soleil, la lune 
et les autres astres ne sont que des créatures qui 
obéissent à Dieu, et que les idoles, loin d'être des divi- 
nités, ne sont même pas capables d'éclairer comme la 
lune. Bar., VI, 59, 66. L'auteur de la Sagesse, xm, 2, re- 
proche aussi aux gentils d'avoir fait de la lune une divi- 
nité. H. Lesêtre. 



F. - -""" - - " 






s -* L ,' 


tï. 


'SI 




,9. -. ^' 


. " " ,b \ 


- v i 


-" i, - 


= -„% = 


^J 


i?ho = 


i* 


.-.--"V.: 


% 


ri-*" 


■"= =■"" 


-4J? -: 


•9 


fit 




-rï - 










123. — Le dieu Sln, recevant l'hommage de deux adorateurs. D'après Menant, Glyptique orientale, t.' i, pi. 4, n. 2. 



sol, comme du fumier devant ces astres. Le même pro- 
phète parle aussi de la « reine du ciel », mélékef has- 
sâmayim, ce que les versions traduisent par <rxpaTiâ 
to-j oôpavoû, « armée du ciel, » Jer., vil, 18, ou par [3a- 
ffûio-ffa toû oùpavoû, regina cseli, la « reine du ciel ». 
Jer., xliv, 17-19, 25. A cette reine du ciel, les Israélites 
offraient des gâteaux particuliers appelés kavvdn, xa-jwv. 
Jer., vu, 18; xliv, 19. Voir Gâteau, 10°, t. m, col. 114, 




124. — Le dieu Mao. Monnaie de Kanerkès. 
PAONANOPAOKA NHPKIKOPANO. Le roi debout, à gauche. — 
(Ç. MAO. Le dieu Mao ou Lune debout, à gauche, tenant un 
sceptre. 

Les femmes, avec le consentement de leurs maris, lui 
présentaient de l'encens et des libations, et elles pré- 
tendaient que ces offrandes à la déesse leur assuraient 
la prospérité. Jer., xliv, 17-19, 25. Apulée, Metani., xi, 
appelle la lune regina cseli, « reine du ciel, » et Horace, 
Carm. sœc, 35, siderum regina, ce reine des astres. » 
D'après Hérodien, V, vi, 10, les Phéniciens lui don- 
naient le nom d'âo-cpoâpxri, qui a le même sens, et les 
Égyptiens, en accueillant la déesse chananéenne, lui 
gardaient l'appellation de nibit pit, « dame du ciel. » 
Ci. Prisse d'Avennes, Monuments égyptiens, pi. xxxvn 
et p. 7. Dans les textes où il parle de la « reine du 
ciel », Jérémie a certainement en vue une Astarthé phé- 



LUSTRATION (Septante : âyvKTu-a, iyvia[i6z, p«v- 
Tto-[io'ç ; Vulgate : ablutio, aspersio, lustratio), purifi- 
cation des personnes ou des choses au moyen d'un 
liquide, eau, sang ou huile. Les versions emploient ces 
différents mots pour traduire les expressions mê hattâ'f, 
« eau de péché, » mê niddâh, « eau d'impureté, » 
qu'elles rendent par eau « d'aspersion », destinée à pu- 
rifier de l'impureté physique ou morale. Num., vm, 7; 
xix, 9, 13, 20; xxxi, 23; Zach., xm, 1 ; Heb., xu, 24. En 
hébreu, « faire une lustration » ou « une expiation » se 
dit kippdr, forme pihel qui ne signifie très probable- 
ment pas « couvrir », d'après l'arabe kafâr, comme l'ont 
cru quelques auteurs, mais « essuyer», comme le syria- 
que kapar, ainsi que l'avait remarqué Raschi. Gen., xxxn, 
21. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, 
p. 383. Le pihel assyrien ukappar "a le même sens que 
l'hébreu, et les takpirdti sont les lustrations ou expia- 
tions pratiquées sur les personnes ou les choses. Ci. 
Fr. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, 
Paris, 1903, p. xxn-xxui. 

1. Lustrations d'eau. — 1° Procédés employés. — Les 
lustrations d'eau se faisaient par immersion, ablution ou 
aspersion. — 1. Par l'immersion, on plongeait complè- 
tement dans l'eau la personne ou la chose. L'immer- 
sion hébraïque a été l'origine du baptême de Jean- 
Baptiste, puis du baptême chrétien. Voir Baptême, t. 1. 
col. 1433. — 2. L'ablution était surtout pratiquée pour le 
visage, les mains et les pieds. Voir Laver les mains, 
col. 136; Lavement des pieds, col. 132. — 3. L'aspersion 
se faisait en projetant le liquide avec un aspersoir d'hy- 
sope, attaché à un bâton de cèdre par un ruban écarlate, 
Lev., xrv, 51, 52; Num., xix, 18; Ps. li (l), 9; Heb., xix, 
19. Voir Aspersion, 1. 1, col. 1116-1123. 

2° Lustrations consécratoires. — La lustration servait 
tout d'abord à consacrer à Dieu les personnes ou les 



423 



LUSTRATION 



424, 



choses, en les séparant de toute attache profane. C'est 
probablement de cette manière que Moïse, avant de 
monter sur le Sinaï, sanctifia le peuple, et l'obligea 
ensuite à laver ses vêtements.- Exod., xix, 14. L'Épitre 
aux Hébreux, ix, 19, suppose une aspersion d'eau et de 
sang pour la consécration de l'alliance. Exod., xxiv, 8. 
Il y eut aussi des lustrations pour la consécration des 
prêtres. Exod., xxix, 4; Lev., vin, 6, et des lévites. 
Num., vin, 21. Dans le service ordinaire du Tabernacle 
et du Temple, les prêtres avaient à faire des ablutions 
avec l'eau de la mer d'airain. Exod., xxx, 17-21; II Par., 
iv, 6; Ezech., XL, 38. Le grand-prêtre se préparait ordi- 
nairement à l'exercice de ses fonctions par une ablution 
totale. Le jour de la fête de l'Expiation, il avait à se 
laver cinq fois tout le corps et dix fois les mains et les 
pieds. Voir Expiation (Fête de l'), t. n, col. 2137. Les 
Israélites prirent plus tard l'habitude de faire des ablu- 
tions avant la prière, l'entrée dans le Temple, la partici- 
pation aux choses saintes, etc. Ps. xxiv (xxm), 3, 4; 
xxvi (xxv), 6; I Reg., xvi, 5; Judith, xn, 7, 8; xvi, 22; 
Marc, vu, 3, 4, etc. Au Temple, on lavait avec soin les 
différentes parties des victimes, avant de les présenter 
sur l'autel. Lev., i, 9, 13; Exod., xxix, 17. 

3» Purifications. — 1. A tous ceux qui avaient con- 
tracté quelque impureté légale s'imposaient des lus- 
trations purificatrices. Voir Impureté légale, t. m, 
col. 857-860. On employait alors l'immersion, soit du 
corps avec les vêtements, soit de l'un et des autres sépa- 
rément. Cette immersion pouvait se faire en tout temps 
et tantôt suffisait seule, tantôt devait être accompagnée 
d'autres rites. Les kelîm ou objets susceptibles de pu- 
rification lustrale étaient au nombre de sept : vête- 
ments, cilices, objets de peau, d'os, de métal, de bois et 
de terre cuite. On les purifiait par immersion. Lev., vi, 
20-21; xi, 25, 28, 40; xm, 6, 34, 54. 56, 58; xiv, 8, 47; 
xv, 5-27; xvi, 26, 28; xvn, 15; xxn, 6; Num., vin, 7, 21; 
xix, 7,8, 10, 19, 21 ; xxxi, 24; Ps. li (l), 4, 9. — 2. L'im- 
pureté était lavée par la lustration, mais l'effet légal 
n'était produit que le soir du jour où la lustration avait 
eu lieu. Lev., xi, 25, 40; xv, 11, 18, 22, 27; Num., xix, 
7,8, 10,21,22. 

4° Aspersions après le contact d'un mort. — 1. Une 
grave impureté résultait de tout contact avec un mort 
ou avec ses restes. L'impureté atteignait tout ce qui se 
trouvait dans sa maison, personnes et choses. L'asper- 
sion se faisait avec de l'eau à laquelle était mêlée de la 
cendre de la vache rousse. Voir Vache rousse. Cette 
eau était appelée mê niddâh, « eau d'impureté, » c'est- 
à-dire eau destinée à purifier de l'impureté. Num., xix, 
9, 13, 20. La cendre de la vache rousse était conservée 
en trois endroits : au mont des Oliviers, pour les puri- 
fications du peuple, dans le Temple, pour les purifi- 
cations des prêtres, et dans un autre endroit, devant 
le mur de la ville, en souvenir de la combustion 
de l'animal. On mettait de cette cendre dans un vase 
et l'on versait dessus de l'eau vive. Num., xix, 17. 
Cette eau se puisait ordinairement à la fontaine de 
Sijoé. En dehors de Jérusalem, on devait procéder au- 
trement. Dans la pratique, on se contentait de placer 
sur l'eau une pincée de cendre, en quantité suffisante 
paur qu'on pût l'apercevoir à la surface. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., IV, iv, 6. — 2. L'impureté contractée au 
contact d'un mort durait sept jours. L'aspersion avec 
l'eau lustrale se faisait le troisième et le septième jour. 
Tout Israélite, même s'il n'était ni prêtre, ni lévite, pou- 
vait la faire, pourvu qu'il fût pur. Comme ce genre 
d'impureté se contractait partout où quelqu'un mourait, 
il était indispensable qu'on pût en être purifié même 
dans les bourgades où ne se trouvait aucun prêtre. 
L'homme atteint d'impureté se lavait' et lavait ses vête- 
ments après la seconde aspersion, et il redevenait pur 
le soir du septième jour. Num., xix, 2-22. Le traité 
Para, dans la Mischna, explique ce qui se rapporte à la 



vache rousse et à l'eau lustrale. — 3. Ceux qui avaient 
pris part à une bataille, tué des ennemis on touché 
des morts, devaient subir la lustration, eux, leurs 
prisonniers et tout le butin. L'obligation était si 
stricte que celui qui s'y dérobait méritait d'être retranché 
d'Israël. Num., xix, 13, 20; xxxi, 19, 23. Cf. Reland, 
Antiquitates sacrée, Utrecht,1741,p. 114, 115. Quelques 
auteurs ont pensé que saint Paul fait allusion à la lus- 
tration pratiquée après le contact d'un mort, quand il 
parle de ceux qui se font baptiser pour les niorts, ùicèp 
twv vexpûv, pro mortuis. I Cor., xv, 29. Il est certain 
que la préposition ûitèp ne signifie pas seulement « pour, 
en faveur de », mais aussi « à cause de, au sujet de ». 
Cf. Bailly-Egger, Dictionnaire grec-français, Paris, 1895, 
p. 1998. A prendre ces mots isolément, on pourrait croire 
en effet qu'il s'agit des lustrations que les vivants font 
à cause des morts. Mais le contexte montre que le baptême 
en question était reçu pour lès morts, comme pouvant 
leur servir parce qu'ils doivent ressusciter. Voir Baptême 
des morts, t. 1, col. 1441 ; cf. Dict. de théologie catho- 
lique, t. H, col. 361. La lustration avec l'eau et la cen- 
dre de la vache rousse fut pratiquée jusque dans les der 
niers temps, puisque le traité Para, m, 5, relate la 
combustion de vaches rousses sous les grands-prêtres 
Ananel, nommé par Hérode, Ismaël, fils de Phabi, 
nommé par Valérius Gratus, et Élionaios, fils de Kan- 
théra, nommé par Agrippa. Cf. Schùrer, Geschichte des 
jûdischen Volkes, Leipzig, t. n, 1898, p. 218. Comme la 
souillure par contact des morts devait se produire 
fréquemment, et jusque dans les moindres bourgades, 
il fallait pouvoir se procurer soit la cendre nécessaire, 
soit de l'eau déjà préparée. Il 'y avait, en tout cas, de 
longues formalités imposées par cette lustration. C'est 
une des raisons pour lesquelles Notre-Seigneur répond 
à celui qui veut le suivre, mais demande d'abord à en- 
sevelir son père : «Laisse les morts ensevelir leurs 
morts. » Luc, ix, 60; Matth., vin 22. 

5° Les pratiques juives. — 1. Les docteurs juifs 
avaient réglé par le détail tout ce qui se rapportait aux 
lustrations. Ils déterminaient ainsi les espèces d'eaux 
qui pouvaient servir. L'eau des étangs et des fosses, des 
citernes ou des cavernes, les eaux de montagne même 
au repos, celles qu'on avait recueillies au moins en vo- 
lume de quarante se'âh, soit 520 litres, pourvu qu'elles 
ne fussent pas devenues impures, étaient propres à la 
préparation du levain et au lavement des mains. Les- 
eaux courantes de montagne servaient au même usage. 
Les eaux rassemblées en volume d'au moins quarante 
se'âh convenaient pour les bains de purification et pour 
le lavage des ustensiles. Il n'en fallait pas moins même 
pour la purification d'une aiguille. Une source de faible 
débit avait la même valeur, soit pour les bains soit pour 
la purification des ustensiles. L'eau courante, bien que 
minérale ou thermale, purifiait également. X'eau pure 
de source était exigée pour purifier ceux qui avaient été 
atteints de flux ou de lèpre, et pour la préparation de 
l'eau lustrale avec la cendre de la vache rousse. Les- 
docteurs ajoutaient beaucoup d'autres prescriptions mi- 
nutieuses pour l'usage de ces différentes eaux. Le traité 
Mikvaoth (Lavacra) de la Mischna roule tout entier sur- 
ce sujet. On voit que les six auges de pierre de Cana, qui 
contenaient chacune deux ou trois métrètes, soit de 77 à 
146 litres, fournissaient, au moins dans leur ensemble, 
la quantité d'eau suffisante pour les purifications tradi- 
tionnelles. Joa., n, 6. Comme cette réglementation n'éma- 
nait que des docteurs et qu'il n'était pas toujours pos- 
sible de satisfaire à leurs exigences, il arrivait bien sou- 
vent que, pour le lavement des mains en particulier, on 
se contentait d'une très faible quantité d'eau. Voir La- 
ver-(Se) les mains, col. 136. — 2.< Les prêtres et les- 
lévites devaient toujours prendre un bain rituel avant d& 
commencer leur service quotidien dans le Temple. Cf- 
Yoma, m, 3; Tamid, i, 1, 2; Middoth, i, 9; Testant., xn, 



-425 



LUSTRATION 



426 



Palriarch. Levi, 9. Ils avaient de plus à se laver les 
mains et les pieds avec l'eau de la mer d'airain. Exod., 
xxx, 17-21; xl, 30-32; Tamid, i, 4; h, 1; Philon, Vita 
Mosis, m, 15. — 3. Les Esséniens prenaient des bains 
■d'eau troide avant chaque repas, quand ils avaient com- 
muniqué avec un étranger et en d'autres circonstances 
encore. Josèphe, Bell, jud., II, vin, 5, 9, 10. Les phari- 
siens les imitaient en cela d'aussi près que possible. 
Matth., xv, 2; Marc, vu, 3, 4 ; Luc, xi, 38; Chagiga, n, 
5; Yoma, m, 2. — 4. Aux prosélytes, on imposait avec 
la circoncision et un sacrifice, un bain rituel appelé tebî- 
lâh, destiné à les constituer en état de pureté légale. 
Cf. Kerithoth, 81 a ; Jebamoth, 46 a ; Pesachim, vin, 8. 
6° Les pratiques étrangères. — 1. Les lustrations 
d'eau ont été en usage chez la plupart des peuples an- 
ciens. Elles se pratiquaient spécialement à l'occasion des 
actes qui se rapportent à la naissance ou à la mort. 
Hérodote, i, 198; il, 37, les signale chez les Babyloniens, 
les Arabes et les Égyptiens. Les anciens textes montrent 
quelle place les ablutions d'eau lustrale et les purifica- 
tions par l'eau occupaient dans le rituel des Babyloniens 
et des Assyriens. Cf. Martin, Textes religieux assyriens 
et babyloniens, p. xxm-xxv. Cbez les Égyptiens, l'obli- 
gation des purifications préparatoires était si stricte 
pour le prêtre avant toute fonction liturgique, qu'il en 
tirait son nom de ouîbou, « le lavé. » Cf. Maspero, His- 
toire ancienne, t. i, p. 123; Porphyre, De abstin., iv, 7. 

— 2. Chez les Grecs, on n'entrait pas dans les temples 
sans s'asperger d'eau, soit avec la main, soit avec une 
branche de laurier. Cette eau était disposée dans des 
vases placés près de la porte, et on la sanctifiait en y 
plongeant un tison pris sur l'autel. Cf. Pollux, i, 8; 
Hippocrate, Morb. sacr., 2, etc. A la porte des maisons 
renfermant un cadavre, on plaçait également des vases 
pleins d'eau pour s'asperger. Cf. Euripide, A Icest., 98-102; 
Pollux, vin, 7. Le contact d'un mort nécessitait une pu- 
rification complète. Cf. Euripide, Jphig. Taur., 380. 
Après la mort d'Alexandre, Perdiccas crut devoir sou- 
mettre toute l'armée à une lustration. Justin, xm, 4. Cf. 
Diogène Laerce, i, 110 ; Pausanias, II, xx, 1 ; Odyss., IV, 
756; Thucydide, Bell. Pelopon., m, 104; etc. — 3. Chez 
les Romains, les lustrations s'imposaient également à 
l'occasion des rapports conjugaux, cf. Cicéron, Pro Cal., 
14; Perse, Sat.,xi, 15; Suétone, A ug., 94, 4; de la nais- 
sance, cf. Térence, Andr., III, n, 1, etc. Le huitième 
jour après sa naissance, pour les filles, et le neuvième, 
pour les garçons, était le dies Ivstricus, « jour lustral, » 
où l'on purifiait l'enfant. Cf. Suétone, Ner., 6; Macrobe, 
Saturn.,1, 16; Arnobe, m, 202, etc. On faisait d'autres 
lustrations après la mort et l'on purifiait les maisons 
après l'enlèvement du cadavre. Cf. Bâhr, Symbolik des 
mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. n, p. 468-471. 
On faisait des aspersions d'eau dans les maisons, les 
temples, les villes entières, on les pratiquait dans les 
jeux publics, et l'on s'imaginait par là se purifier des 
parjures, des homicides et de tous les crimes. Ovide, 
Fast., n, 45; v, 673-690; Tertullien, De baptismo, 5, t. i, 
col. 1204-1205. 

II. Lustrations de sang. — 1° Les aspersions rituelles. 

— 1. Avant la promulgation de la loi mosaïque, deux 
aspersions de sang sont déjà mentionnées. Après l'immo- 
lation de l'agneau pascal, en Egypte, les Hébreux doi- 
vent mettre de son sang sur le linteau et les poteaux de 
leurs portes, afin d'être épargnés par la dixième plaie. 
Ils avaient à se servir pour cela d'un bouquet d'hysope. 
.Exod., xii, 7, 13, 22, 23. Chez les Babyloniens, dans 
une cérémonie pour le salut du roi, le magicien immo- 
lait un agneau, puis oignait avec son sang les linteaux 
■et les montants de la porte du palais. Cf. Martin, Textes 
religieux assyriens et babyloniens, p. xvn, 256. C'était là 
probablement un ancien rite chaldéen, que Moïse ne fit 
que reproduire en Egypte. Le sang de la victime avait pour 
but d'interdire la porte à toute cause de mal. Au désert, 



avant de remonter sur le Sinaï, Moïse fit immoler des 
taureaux par des jeunes gens, et avec une partie du 
sang, il aspergea le peuple en disant : « Voici le sang 
de l'alliance que Jéhovah a faite avec vous sur toutes 
ces choses. » Exod., xxiv, 6-8; Heb., iS, 18-21. Cette 
aspersion fut faite avec un bouquet d'hysope que liait 
de la laine écarlate. Heb., ix, 19. — 2. Dans la cérémo- 
nie de la consécration d'Aaron et de ses fils, Moïse 
dut prendre avec son doigt du sang provenant du tau- 
reau immolé, et en mettre sur les cornes de l'autel ; puis, 
avec le sang du bélier, marquer le lobe de l'oreille 
droite, le pouce droit et l'orteil droit d'Aaron et de ses 
fils; enfin, prendre du sang sur l'autel avec de l'buile 
d'onction, et en asperger les nouveaux prêtres et leurs 
vêtements. Exod., xxix, 12, 20, 21 ; Lev., vm, 15, 23, 24, 
30. — 3. Le sacrifice expiatoire comportait plusieurs 
lustrations de sang. Le prêtre prenait du sang du tau- 
reau immolé, entrait dans le Tabernacle et, avec son. 
doigt, faisait sept aspersions devant le voile du Saint 
des saints ; puis il mettait du sang sur les cornes de 
l'autel des parfums, et d'autres fois, sur les cornes de 
l'autel des holocaustes. Lev., iv, 5-7, 17, 18, 25, 30, 34; 
îx, 9. Les Hébreux regardaient cette lustration de 
sang et la libation de sang qui suivait comme essen- 
tielles au sacrifice expiatoire. Voir Libation, col. 234. 
Tant qu'elles n'étaient point faites, le péché ne pouvait 
être remis, Heb., rx, 22, et ni les prêtres, ni les assis- 
tants n'avaient aucun droit sur les victimes. Cf. Gem. 
Zebachim, 26,2; Nazir, vi, 9; Siphra, fol. 210, 1. Pour 
empêcher le sang de se coaguler dans le vase qui le 
contenait, on l'agitait avec un bâton. Le prêtre montait 
à l'autel et commençait la lustration par le coin du 
sud-est et la terminait à l'angle du sud-ouest. Il trem- 
pait l'index droit dans le sang et, le pressant avec l'on- 
gle du pouce, il faisait couler le sang sur la corne de 
l'autel. Cf. Gem. Zebachim, 53, 1. Il essuyait ensuite 
son doigt sur le bord du vase et le trempait à nou- 
veau pour la lustration suivante, et ainsi de suite. Le 
sang qui restait après la quatrième lustration était versé 
à la base de l'autel, pour s'écouler dans le Cédron. 
Cf. Meila, m, 2; Josèphe, Ant. jud., III, ix, 3; Reland, 
Antiquitates sacrm, p. 160, 161; Iken, Àntiquitates 
hebraicse, Brème, 1714, p. 176-178. Dans le sacrifice 
pour le délit, si l'on ne pouvait offrir que des oiseaux, 
on se contentait d'asperger un côté de l'autel avec le 
sang de la victime. Lev., v, 9. — 4. A la fête de l'Expia- 
tion, le grand-prêtre faisait sept aspersions avec le sang 
du taureau devant le propitiatoire, sept autres avec le 
sang du bouc devant le propiatoire et sur le propiatoire 
même. Puis, avec le sang des deux victimes, il faisait la 
lustration des quatre cornes de l'autel et aspergeait 
l'autel même. Lev., xvi, 14, 15,18. C'était une lustration 
solennelle qai ne se faisait qu'une fois l'an. Exod.,xxx, 
10; Heb., îx, 7. — 5. Pour la purification des lépreux, 
il fallait aussi des lustrations de sang. Tout d'abord, le 
prêtre égorgeait un oiseau, trempait dans son sang un 
aspersoir fait d'hysope lié au bois de cèdre par un 
ruban écarlate, et aspergeait sept fois le lépreux guéri. 
Puis, avec le sang de l'agneau du sacrifice, if lui mar- 
quait le lobe de l'oreille droite, le pouce droit et l'orteil 
droit. Lev., xvi, 6, 14, 17, 35, 38. Pour la purification 
d'une maison dont les murs étaient atteints de la lèpre, 
voir co/. 186, le prêtre faisait avec le sang de l'oiseau 
immolé sept aspersions semblables à celles qui étaient 
prescrites pour le lépreux lui-même. Lev., xiv, 51, 52- 
— 6. Enfin, quand on avait immolé la vache rousse, le 
prêtre devait encore faire devant le Tabernacle sept 
aspersions avec son doigt trempé dans le sang de l'ani- 
mal. Num,, XIX, 4. — 7. Il est dit, Heb., IX, 21, que 
Moïse aspergea de sang le Tabernacle et ses ustensiles. 
Cette aspersion n'est pas mentionnée dans le Pentateu- 
que. Le souvenir en avait été conservé par la tradition. 
2° Lustrations païennes. — Chez les Grecs, le sang 



427 



LUSTRATION 



42& 



des victimes servait surtout aux libations. Cependant, 
pour certaines purifications, on arrosait la main avec le 
sang d'un porc sacrifié. Cf. Athénée, vi, 78. A Athènes, 
avant l'assemblée du peuple, on aspergeait avec le sang 
d'un porc les bancs sur lesquels les citoyens devaient 
s'asseoir. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, 
Bruxelles, 1858, trad. J. de P., t. i, p. 305. A Rome, on 
aspergeait du sang des victimes les personnes et les 
choses. Sous l'empire, les tauroboles et les crioboles de- 
vinrent à la mode. Celui qui voulait se purifier se plaçait 
dans une fosse recouverte d'un plancher percé de trous, 
sur lequel on immolait un bœuf ou un bélier en l'hon- 
neur de Cybèle, la mère des dieux. Le sang tout chaud 
inondait le personnage, le purifiait pour vingt ans et lui 
conciliait la faveur divine. D'autres fois, on recourait à 
cette aspersion sanglante pour assurer le bonheur d'au- 
trui, particulièrement de l'empereur. Cf. Dôllinger, 
Paganisme et judaïsme, t. m, p. 248-251. 

3° Le sang de Jésus-Christ. — Les Apôtres compa- 
rent l'effusion du sang de Jésus-Christ aux lustrations 
de l'ancienne loi. C'est par ce sang que nous avons été 
purifiés et sanctifiés. Rom., ni, 25; v, 9; Eph., I, 7; 
Col., 1,14,20; I Joa.,i, 7;Apoc.,i,5; v,9. Par la grâce de 
l'Esprit-Saint et l'obéissance personnelle, on participe 
à l'aspersion de ce sang. I Pet., î, 2. Le grand-prêtre 
entrait chaque année dans le sanctuaire avec le sang des 
boucs et des taureaux ; Jésus-Christ est entré une fois 
pour toutes dans le sanctuaire nouveau avec son propre 
sang, infiniment supérieur en efficacité au sang des an- 
ciennes victimes et à la cendre de la vache rousse. C'est 
avec son sang qu'il a scellé la nouvelle alliance, bien 
mieux que Moïse n'avait scellé l'ancienne, en aspergeant 
le livre et le peuple avec le sang des victimes animales. 
Heb., ix, 11-25. 

III. Lustrations d'huile. — Elles ont été peu fré- 
quentes. Il n'est question d'aspersion d'huile que pour 
la dédicace-de l'autel des holocaustes, Lev., vin, 10, 11, 
et pour la purification du lépreux. Lev., xrv, 15, 16, 26, 
£7. A la consécration d'Aaron et de ses fils, Moïse fit sur 
eux des aspersions avec un mélange d'huile et de sang. 
Exod., xxix, 21; Lev., vm, 30. On arrosait aussi avec de 
l'huile les offrandes de farine ou de gâteaux. Lev,, il, 4, 
5, 7; vi, 15, 21; Num., vi, 15; vu, 13-79, etc. Voir Huile, 
t. m, col. 775. Sur l'emploi de l'huile pour le sacre des 
rois, voir Onction. 

IV. Symbolisme des lustrations. — 1° L'eau. — Le 
symbolisme de l'eau ressort de sa nature même. L'eau 
purifie les corps, d'autant plus efficacement qu'elle 
même n'est pas corrompue. Voilà pourquoi on exigeait 
ordinairement de l'eau vive, qui n'eût encore été souillée 
par aucun contact, Num., xix, 17, ou de l'eau en grande 
quantité. Les ablutions étaient d'autant plus répétées 
qu'on tenait à obtenir une pureté plus grande. Les lus- 
trations d'eau symbolisaient donc la pureté intérieure 
réclamée pour le service de Dieu. Le Seigneur daigna 
même parfois se servir du symbole extérieur pour pro- 
duire l'effet qu'il figurait, comme dans la guérison de 
Naaman, à la suite de sept bains dans le Jourdain, 
IV Reg., v, 10, 14, et dans le baptême chrétien. La va- 
leur de ce symbole est indiquée par l'Église qui, dans 
la bénédiction solennelle des fonts le samedi saint, de- 
mande que ces eaux pures, « outre la purification natu- 
relle qu'elles peuvent procurer en lavant les corps, 
soient également efficaces pour purifier les âmes. » 

2° Le sang. — 1. D'après la Sainte Écriture, le sang est 
le néfès, la vie même. Lev., xvn, 10, 14; Deut., xii, 23. 
Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, 
Leipzig, 1861, p. 238-243. Le sang, principe ou condition 
essentielle de vie corporelle, symbolise par là même la 
vie morale el spirituelle rendue à celui qui a péché, 
par l'immolation de la victime qui lui a été substituée et 
par l'application de son sang. Cette application par la 
lustration était réputée nécessaire pour la rémission du 



péché. Le sang mis à l'oreille et aux doigts de la main et 
du pied d'Aaron et de ses fils marque l'introduction en 
eux d'une vie nouvelle. Car il faut que le prêtre soit 
disposé à entendre la loi de Dieu, à mettre la main à 
son exécution, à marcher selon ses prescriptions. Cf. 
Saint Cyrille d'Alexandrie, De adorât., xi, t. lxviii, 
col. 760. Le même rite était pratiqué pour le lépreux 
guéri, afin de signifier le droit qu'on lui rendait de con- 
verser avec ses semblables et de renouer ses rapports 
avec eux. L'aspersion du peuple par Moïse, pour la con- 
firmation de l'alliance, Exod., xxiv, 8, appliquait au 
peuple le sang de la victime et lui donnait part à la nou- 
velle vie religieuse. Les différents objets du sanctuaire 
ayant pour but de manifester la présence de Dieu, et les 
cornes de l'autel représentant ses perfections, voir Corne, 
t. n, col. 1010, quand on faisait des lustrations de sang 
sur les cornes de l'autel, devant le Saint des saints ou 
sur le propitiatoire, on renouait ou on resserrait la vie 
religieuse d'Israël avec son Dieu, après qu'elle avait été 
compromise par le péché. — Quelquefois on mêlait 
l'eau avec le sang, Heb., îx, 19, peut-être pour empêcher 
ce dernier de se coaguler. Les deux symbolismes s'unis- 
saient alors. « L'eau a dans les purifications le même 
rôle que le sang dans les sacrifices; ils représentent 
l'expulsion du principe de péché, celle-ci du corps de 
l'homme, et celui-là de son âme vivante ». Bâhr, Symbo- 
lik, t. il, p. 465. C'est pourquoi il est dit de Jésus-Chrit, 
qui a changé en réalité le symbolisme de l'Ancien Testa- 
ment, qu'il est venu « par l'eau et le sang ». I Joa., v, 6. 
3° L'huile. ■ — 1. Elle symbolise l'esprit de Dieu. Cf. 

I Reg., x, 1, 6; xvi, 13, 14; ls., lxi, 6; Act., x, 38 ; 

II Cor., i, 21; I Joa., h, 20, 27. La raison de ce symbo- 
lisme est que l'huile est une source de lumière et de vie, 
représentant ainsi l'Esprit de Dieu, principe de toute 
lumière et de toute vie. La lumière, c'est pour l'Israélite 
la loi de Dieu; la vie, c'est la conformité de sa volonté 
avec cette loi. Ps. xxxvi (xxxv), 10 ; Prov., vi, 23. Cette 
conformité conduit à la sainteté. L'huile de sainteté, 
Ps. lxxxix (lxxxviii), 21, sert donc à consacrer le prêtre- 
pour le service de l'esprit de sainteté. Ps. li(l), 13; 
ls., lxiii, 10, 11. Cf. Bâhr, Symbolik, t. il, p. 171-174. 
La lustration d'huile signifie pareillement, pour le lé- 
preux, le retour à la lumière et à la vie dans les con- 
ditions normales. —2. L'huile était mêlée au sang pour- 
la consécration des prêtres. Le sang marquait la relation 
dans laquelle le prêtre allait être avec Dieu, tandis que 
l'huile indiquait sa consécration, par conséquent la di- 
gnité qui lui était conférée personnellement. Cf. Bâhr, 
Symbolik, t. H, p. 425. 

4° La cendre. — Celle de la vache rousse entrait dans 
la composition de l'eau lustrale destinée à purifier du 
contact des morts. Le mélange de l'eau et de la cendre,, 
très propre à purifier physiquement certains objets, a: 
été regardé par les anciens comme un excellent moyen 
de purification. . Cf. Virgile, Eclog., vm, 101; Ovide, 
Fast., IV, 639, 725, 733, etc. Dans l'Inde, on s'en sert 
encore pour les purifications religieuses. Cf. Rosen- 
mûller, Dos alte und das neue Morgenland, Leipzig, 
1818, t. H, p. 200. La cendre de la vache rousse n'était 
pas une cendre quelconque ; elle provenait d'un animal 
immolé pour le péché, Num., xix, 9, 17, et de plus elle 
semblait concentrer en elle la vertu purificatrice du feu, 
puisque l'animal avait été complètement brûlé. Le sym- 
bolisme de la cendre renforçait donc celui de l'eau. IL 
fallait qu'il en fût ainsi, parce que la souillure prove- 
nant du contact d'un mort était regardée par les Hébreux 
comme la plus grave de toutes. Cf. Kelim, 1, 4. 

5» L'aspersoir. — 1. On se servait ordinairement du 
doigt pour les lustrations de sang ou d'huile à faire aux 
cornes de l'autel, sur les oreilles, les mains et les pieds 
de certaines personnes. Lev,, rv, 6, 25, 30, 34; vin, 15; 
ix, 9; xiv, 17, 28, etc. C'est également avec le doigt seul 
qu'on faisait les aspersions de sang devant le sanctuaire 



429 



LUSTRATION 



LUTH 



430 



ou sur le propitiatoire. Lev., iv, 17; xrv, 16, 27 ; xvi, 14, 
10; Num., xix, 4. Il n'y a probablement pas à chercher 
de symbolisme dans ce procédé. On se servait du doigt 
comme de l'instrument le plus approprié pour accom- 
plir le rite. Peut-être faut-il voir dans les aspersions 
du sanctuaire avec le doigt, ordinairement faites par le 
grand-prêtre, l'indication d'un rapport immédiat, sans 
intermédiaire instrumental, entre le ministre sacré et 
la divinité. — 2. L'aspersoir généralement prescrit se 
composait d'un morceau de bois de cèdre auquel on 
attachait une branche d'hysope à l'aide d'un ruban de 
laine cramoisi. L'hysope est une plante aTomatique. 
Voir t. m, col. 796. Dans toute l'antiquité, on lui a attri- 
bué une vertu purificatrice. Ps. li (l), 9. On la mêlait 
aux aliments et on l'utilisait comme médicament pour 
débarrasser la poitrine des humeurs nuisibles. Cf. Dios- 
coride, De materia médical., m, 30; S. Augustin, In 
r$. L, 12, t. xxxvi, col. 593. Les prêtres égyptiens, Por- 
phyre, De abstin., iv, 6, et les thérapentes, d'après 
l'écrit attribué à Philon, cf. Schùrer, Geschichte des 
jtidischen Volkes, t. m, p. 535, mettaient de l'hysope 
dans leur pain, en vue de se purifier. Le cèdre est un 
arbre dont le bois est odoriférant et incorruptible. Voir 
t. h, col. 377; Pline, H. N., xlyi, 73, 79. On employait 
l'huile de cèdre pour préserver de la putréfaction, et 
même pour conserver les cadavres. Pline, H . N., xvi, 
39. Dioscoride, De mat. med., i, 105, l'appelle vsxpoO 
ÇtoTj, « vie du mort, » et il signale la résine du cèdre 
unie à l'hyssope comme spécifique contre les maladies 
de peau, ce qui explique l'emploi du cèdre et de l'hy- 
sope dans l'aspersion du lépreux. Lev., xiv, 4. C'est 
comme symbole d'incorruptibilité et de purification que 
le cèdre intervient ici, accentuant ainsi le symbole de 
l'hysope. Chez les Babyloniens, le bârû ou devin devait 
avoir en main, dans ses fonctions rituelles, « le cèdre 
cher aux grands dieux. » Cf. Marlin, Textes religieux 



par le cèdre, qui s'élève dans les hauteurs, la foi par 
l'hysope, qui s'attache humblement au rocher, la cha- 
rité par le cramoisi, qui a la couleur du feu. Saint Tho- 
mas, Sum. theol., I" II*, q. cil, a. 5, ad 5 um , voit dans 
le bois de cèdre l'incorruptibilité, dans le cramoisi la 
fixité de la couleur, dans l'hysope la conservation de 
l'odeur même quand la plante est desséchée, et il ap- 
plique le symbole au texte de la Vulgate : Ut sint multi-. 
tudini filiorum Israël in custodiam, « afin qu'elles (les 
cendres de la vache rousse) servent à garder la multi- 
tude des enfants d'Israël, » Num., xix, 9, tandis qu'il 
faut traduire l'hébreu : « Afin qu'elles soient à la garde 
de l'assemblée des enfants d'Israël, pour l'eau de puri- 
fication. » Quand il s'agil des aspersions devant le 
Tabernacle, saint Thomas, ibid., adopte l'explication 
symbolique de saint Augustin. D'autres croient que le 
cèdre, l'hysope et le cramoisi représentent l'orgueil, 
l'humilité et les péchés, III Beg., iv, 33; Is., I, 18; la 
sublimité du Christ, son abaissement, son sang répandu; 
le corps, l'âme et l'esprit ramenés à la pureté; l'éloi- 
gnement de la corruption, la suppression de la mauvaise 
odeur (du lépreux), le retour de la couleur dans sa 
chair, etc. Ces explications sont moins satisfaisantes 
que la première. Elles serrent de moins près la nature 
des objets employés et, pour la plupart, considèrent dans 
le cèdre surtout sa hauteur, alors qu'il n'est question que 
d'un simple morceau de bois. Il est à remarquer que 
l'kysope seul est mentionné dans l'aspersion des portes 
en Egypte, Exod., xn, 22, et dans l'aspersion avec l'eau de 
la vache rousse, Num., xix, 18, parce que dans ces oc- 
casions on ne pouvait aisément se procurer du bois de 
cèdre, et que dès lors le lien en ruban cramoisi devenait 
inutile. H. Lesêtre. 

LUTH, instrument à cordes dont on fait dériver le 
nom de l'arabe i^»U, al-'ûd.— 1° Dans l'Écriture. — Il est 





125. — Luths égyptiens. Thèbes, D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, pi. cliv et O.K. 



assyriens et babyloniens, p. 233. Le ruban cramoisi est 
le symbole de la vie dans sa plénitude et sa force. Voir 
t. H, col. 1070, et Bàhr, Symbolik, t. i, p. 333-338. Il y 
a donc là un triple symbole, convergeant à l'expression 
d'une même idée : le bois de cèdre, marquant l'incor- 
ruptibilité, le cramoisi, signifiant la plénitude de la vie, 
et l'hysope faisant disparaître le principe de corruption 
pour conduire à la vie. Cf. Bàhr, Symbolik, t. il, 
p. 504, 505. On donné . d'autres explications du triple 
symbole. Saint Augustin, Qusest. in Heptat., rv, 33, 
t. xxxiv, col. 73i, dit que l'espérance est représentée 



possible que le mot 'édût, dans le titre hébreu de3 
Psaumes lx et lxxx, corresponde à l'arabe- 'ûd, et dé- 
signe le luth. Voir Édut, t. il, col. 1598. En dehors des 
titres des Psaumes, qui peuvent être bien postérieurs aux 
Psaumes eux-mêmes, le luth n'est pas désigné avec 
certitude dans la Bible. Toutefois le nom hébreu de 
nébél, dont l'assimilation avec le néfer égyptien est très 
probable, désigne peut-être le luth. Voir Nébel. La 
version anglaise revisée adopte la traduction Iule dans 
Isaïe, v, 12 (hébreu nébél) et dans I Mach., iv, 54. Les 
anciennes versions arabes rendent kinnôr soit par 'ud, 



431 



LUTH 



432 



soit par lanbur ou tanbura, qui est un instrument do la 
même famille, formé, d'un corps de résonance circu- 
laire, pourvu d'un très long manche et de deux ou trois 
cordes. On le joue avec les doigts, ou avec un plectre 
d'écaillé, ou une plume d'aigle. Sa vogue et son im- 
portance furent presque égales à celles du luth. L'un et 
l'autre instrument sont figurés sur les monuments égyp- 
tiens (fig. 125 et 126), plus rarement en Assyrie (fig. 127). 



developements of the arabic music, Leyde, 1883, p. 157; 
Kiesewetter, Die Musik der Araber nach Original- 
quellen, Leipzig, 1842. C'est l'instrument le plus répandu 
dans l'usage actuel, en même temps que le plus ancien 
dans l'école musicale arabe. Sa sonorité douce et pro- 
fonde se prête à l'accompagnement des autres instru- 
ments et surtout des voix. 
4° Perfectionnements. — A l'origine le luth avait deux 




126. — Scène musicale, flûte, harpe, luth, lyre. Thèbes. D'après Champollion, Monuments de VÉgypte, pi. CLXXV, 2. 



2° Description. — Instrument à cordes pincées ou 
grattées, de la famille des guitares et mandolines, com- 
posé d'un ample corps de résonance en bois, très 
rebondi, etxd'une table de bois, armée d'ouïes; et pourvu 




127. — Luth assyrien. 
D'après Rawlinson, The flve great monarchies, 1864, 1. 1, p. 156. 

d'un tire-cordes, fixé à la partie inférieure de l'instru- 
ment, d'un manche court et d'un chevillier renversé en 
arrière du manche. Le luth des Arabes modernes est 
fait de bois de noyer et d'abricotier; la table est en bois 
de sapin très fin, et les ouïes en bois précieux ou en os 
de chameau. Les chevilles sont d'ordinaire en buis. 

3° Origine. — Le luth est venu très anciennement de 
l'Inde, par la Perse. Land, Remarks on the earliest 



cordes, la « grave », bamm, et 1' « aiguë », zir, placée 
« au-dessous » de l'autre et répétant les sons à l'octave 
haute. Les Arabes insérèrent deux cordes intermédiaires 
et obtinrent par là une échelle tonale de quatre tétra- 
cordes, soit deux octaves moins deux sons. Plus tard, 
c'est-à-dire après le x e siècle, apparut une cinquième 
corde, et la série fut ainsi de deux octaves pleines. A la 
suite de perfectionnements successifs, le jeu de cordes 
du luth devint ce qu'il est de nos jours. Les cordes, en 
boyau ou en soie, sont généralement au nombre de 
onze ou douze, soit une ou deux cordes simples (addi- 
tionnelles) destinées à fournir les notes basses, et cinq 
cordes doubles. Parfois on trouve sept paires de cordes. 
L'accord est le suivant : sol2,la2,ré3,sol3, uti, lai (grave), 
ou, selon l'accord de Constantinople : ré2, mÎ2, la2, ré3, 
sols, lai. Anciennement, l'accord du luth était entière- 
ment par quarte, au point que les théoriciens appelaient 
« accord de luth », l'accord d'un instrument à la quarte, 
Land, Recherches sur l'histoire de la gamme arabe. 
Extraits du Livre de la Musique d'Al-farabi, Leyde, 
1884, p. 86. Gonséquemment la première corde du luth 
se trouvait anciennement de deux degrés plus basse. Le 
doigté est le même aujourd'hui qu'au X e siècle. Le mu- 
sicien, assis, tient le corps de l'instrument sur ses ge- 
noux et contre sa poitrine, et joue avec une plume qu'il 
a dans la main droite, grattant les cordes sur les ouïes 
de la table, tandis que la main gauche tient le manche 
de l'instrument et presse les cordes avec les quatre 
doigts libres. Ces conditions sont les plus favorables à 
l'exécution de traits rapides. Les sillets qui marquaient 
la place des notes le long du manche, au X e siècle, dis- 
parurent quand les modes musicaux se développèrent. 
Enfin, les cordes, qui avaient un unique point d'assem- 
blage à la base, et s'écartaient en triangle, ont été ren- 
dues parallèles par le tire-cordes, devenu nécessaire 
quand on augmenta le nombre des cordes. — Les ins- 
truments de même famille encore en usage aujourd'hui 
sont utiles à décrire, pour faire comprendre la structure 
du luth ancien. — Les Persans jouent le thar, mando- 
line en boif .j mûrier, pourvue d'un gros manche en 



433 



LUTH — LUTTE 



434 



noyer et de clefe de buis, couverte d'une peau d'agneau 
mort-né, et pourvue de cinq cordes, deux en fil de fer 
et deux en laiton. Le dotHar, plus petit, a deux cordes 
de soie jaune et se joue avec l'ongle de l'index droit, 
tandis que le thar se frappe avec un plectre de cuivre. 
Voir V. Advielle, La musique chez les Persans en i885,' 
Paris, 1885, p. 12-13. J. Parisot. 

LUTHER Martin, hérésiarque, né à Eisleben (Thu- 
ringe), le 10 novembre 1483, mort dans cette ville le 
18 février 1546. Il fréquenta l'université d'Erfurt de 1501 
à 1505 et en sortit avec le titre de maître (magister). 
Poussé par l'effroi que lui causa la mort subite d'un 
ami, il entra, malgré l'opposition de son père, un ou- 
vrier mineur, dans l'ordre de Saint-Augustin. Le sacer- 
doce lui fut conféré en 1507, et en 1508 il obtint une 
chaire de philosophie à la nouvelle université de Wit- 
tenberg. Il y enseigna la dialectique et l'éthique d'Aris- 
tote. En 1509 il devint Baccalaureus ad Biblia, revint 
à Erfurt où il resta un à deux ans, puis alla à Rome 
pour y traiter des affaires de son ordre. Il quitta Rome 
plein d'admiration pour tout ce qu'il y avait vu et ap- 
pris. -De là il revint à Wittenberg, où il obtint le grade 
de docteur le 18 octobre 1512. En 1515, il fut nommé 
vicaire de son ordre dans la Misnie. Dès cette époque 
s'élevèrent des doutes sur son orthodoxie. En 1517, la 
veille de la Toussaint, il commença à attaquer l'Église 
catholique en lui opposant son hérésie sous le titre 
d' « Évangile », et la guerre qu'il lui fit ne cessa qu'avec 
sa vie même. Luther a exercé une grande influence. C'est 
à lui qu'est du le développement de la science biblique 
dans le sein du protestantisme depuis son époque jusqu'à 
nous, de la doctrine de l'inspiration verbale jusqu'au 
nihilisme moderne en matière biblique. Le rationa- 
lisme biblique est le fils de cet hérésiarque. Vigouroux, 
Esquisse de l'histoire du rationalisme biblique en Alle- 
magne, dans La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit., Paris, 1896, 1. 1, 1-109. Après avoir admis primi- 
tivement l'inspiration verbale la plus stricte, comme les 
extrêmes se touchent, on en est venu à abandonner entiè- 
rement l'inspiration en la remplaçant par le rationalisme 
du xvm e siècle et par la critique nihiliste du xix«. Les 
différentes étapes du chemin parcouru sont indiquées 
par les noms de Grotius, de Locke, de Lessing, de 
Strauss, de Harnack. Voir Allemande (Exégèse ratio- 
naliste), t. i, col. 370. 

Luther est l'auteur de la version allemande de la Bible 
dite luthérienne. Cette Bible allemande devait, dans sa 
pensée, tenir la place de l'autorité de l'Église qu'il avait 
rejetée. h'Evangelium, comme il nomme constamment 
son hérésie, devait tenir lieu de tout. A l'en croire, il 
fut le premier à faire connaître la Bible aux Allemands : 
Die Biblia war im Papsttum den Leuten unbekannt. 
Luther's Tischreden, Erlangen Ausgabe, t. lvii, 1854, 
p. 35. En réalité il ne fut pas le premier traducteur de 
la Bible en allemand. Kehrein, dans le Kirchenlexikon, 
2» édit., Fribourg, 1883, t. h, col. 753-754, énumère 
14 éditions imprimées avant Luther, tant en haut alle- 
mand qu'en bas allemand, et encore ne les connaît-il 
pas toutes. Ce qui est vrai, c'est que sa traduction est 
supérieure à celles de ses .devanciers par le style et la 
beauté du langage, malgré de graves défauts. Voir Jans- 
sen, Geschichte des deutschen Volkes, ergdnzt und he- 
rausgegeben von Lud. Pastor, 1"=-12 B édit., Fribourg, 
1893, t. vu, p. 543-575. Au point de vue de la langue la 
Bible de Luther, surtout après les nombreuses retou- 
ches des luthériens et d'autres, est devenue un chef- 
d'œuvre, mais au point de l'exactitude et de la fidélité 
elle est très défectueuse. Voir Allemandes (Versions) 
de la Bible, t. i, col. 376-378. 

Les ouvrages les plus importants de Luther sur l'Écri- 
ture sont : 1. Predigten ûber 1. Mosis und S. Mosis, 
4524-1536 (Luther's Werke, Erlangen Ausgabe, t. xxxm- 



xxxv); 2. In Deuleronomium, S. Mosis, 1525 (Erl. 
Ausg., Exeg. Op., t. xm); 3. Auslegung der Psalnien, 
explications diverses réunies dans l'édition d'Erlangen, 
t. xx'vii-xli ; 4. Auslegung der Hohelied, édit. de Walch, 
Halle, t. v, p. 2385-2506; 5. Auslegung zu Habakuk, 
1526 (Erl. A., t. xlii, p. 1-107); zu Zacharie, 1527 (Erl. 
A., t. xlii, p. 108-862); zu Daniel, 1530 et 1546 (Erl. A., 
t. xli, p. 232-323); 6. Predigten ûber Matthaeus cap. 
xrm, 24-cap. xxiv, 1537-1540 (Erl. A., t. xliv-xlv); 
7. Kommentar zum Galaterbrief, 1519 (Weimarer Aus- 
gabe, t. il, p. 436-618); 8. zu I Pétri, 1523; 1539 (Erl. A., 
t. lu) et beaucoup d'opuscules traitant différentes parties 
de l'Écriture. L'édition d'Erlangen contient tous les 
commentaires latins dans la série : Opéra Lutheri exe- 
getica latina, t. i-xxm, 1829-1861; t. xxiv-xxvm, 1884- 
1886, et en dehors de la série, le Kommentar zum Ga- 
laterbrief, 3 in-8», 1843-1844. 

Les différentes éditions des œuvres de Luther sont : 
1. L'édition de Wittenberg, 1539-1558, 19 in-f», douze en 
allemand et sept en latin, avec une préface de Luther 
au t. I er allemand et au t. i« latin (1545). — 2. L'édition 
d'Iéna, 12 in-f», 1555-1558, 8 en allemand et 4 en latin ; 
de plus deux volumes supplémentaires, Eisleben, 
1564-1565; cette édition a eu plusieurs réimpression^, 
1556-1564, 1575-1580. — 3. L'édition d'Altenburg, 10 in-f», 
1661-1664, contenant les œuvres allemandes seulement 
et des traductions de plusieurs ouvrages latins. Elle est 
fort incomplète, malgré un volume supplémentaire 
publié en 1702 à Halle. — 4. L'édition de Leipzig, 23 in-f°, 
1729-1740; elle se base sur l'édition d'Altenburg. — 
5. L'édition de J. G. Walch, 24 in-4», Halle, 1740-1750, 
rééditée à Saint-Louis (États-Unis), 1880. Les ouvrages 
latins y sont traduits en allemand. Cette édition, quoi- 
que assez complète, est défectueuse à plusieurs points 
de vue : elle modernise l'allemand de Luther, l'inter- 
prétation du latin laisse à désirer, et on n'y trouve 
aucun renseignement sur les éditions dont elle fait 
usage. — 6. L'édition d'Erlangen et Francfort, 1826, 
inachevée. Elle donne les ouvrages allemands, t. i-lxvii, 
1826-1857, Exegetica opéra latina, t. i-xxm, 1829-1861, 
t. xxiv-xxxvm, 1884-1886. — 7. L'édition de Weimar, 
Dr. M. Luther's Werke, Kritische Gesammtausgabe, 
in-8», Weimar, 1883 sq.; ont paru en 1901, t. i-xxiv, 
excepté t. X, xvrt, xvm. 

Sur Luther, voir Vogel, Bibliotheca biographica 
Lutherana, Halle, 1851 ; et depuis, Janssen, Geschichte 
des deutschen Volkes, 9»-12 e édit., Fribourg, 1883, t. I 
et m. — Cardinal S. Hergenrother, dans Concilienge- 
schichte, von Hefele, Fortsetzung, t. IX, Fribourg, 1890. — 
Evers, Martin Luther, ein Lebens-und Charakterbild, 
6 in-8», Mayence, 1883-1891. Parmi les auteurs protestants, 
citons : von Ranke, Deutsche Geschichte im Zeitalter 
der Reformation, 6 in-8 , 5 e édit,, Leipzig, 1873. — 
J. Kœstlin, Martin Luther, sein Leben und seine 
Schriften, 2 in-8», Elberfeld, 1875; 3 e édit." abrégée, 
1883. — G. Plitt et E. F. Petersen, Dr. Martin Luther's 
Leben und Wirken, Leipzig, 1883. — Th. Kolde, Martin 
Luther, eine Biographie, Gotha, 1884. — Sur la 
traduction de la Bible par Luther, voir la bibliographie, 
Allemandes (Versions) de la Bible, t. i, col. 377-378, 
et Hagemann, Nachricht von denen fûmehmsten 
Uebersetzungen der Kl. Schrift, 2» édit., Brunswick, 
1750/Hopf, Wûrdigung der hilherischen Bibelûber- 
setzung mit Rùcksicht auf altère und neutre Ueber- 
setzungen, Nuremberg, 1847; Bindseil, Verzeichniss der 
OriginalrAusgaben der lutlterischen Vebersetzung der 
Bibel, Halle, 1841. E. Michels. 

LUTTE, combat corps à corps (fig. 128). L'action de 
lutter est exprimée en hébreu par le verbe 'âbaq, à la 
forme niphal, né'ëbaq ; Septante : èmiXaisv : Vulgate : luc- 
tabatur. Il a pour racine le mot 'âbâq, poussière, à cause 
de la poussière que faisaient les lutteurs. — Au mo- 



435 



LUTTE 



LUXURE 



436 



ment où il passait le gué de Jaboc, Jacob rencontra un 
ange sous forme humaine, qui lutta avec lui jusqu'au 
matin et qui, ne pouvant le vaincre, hii dessécha le nerf 
de la cuisse. A la suite de cette lutte, l'ange lui donna 
le nom d'Israël, c'est-à-dire : « fort contre Dieu. » Gen., 



Luc, xii, 19, 20, 29, 30. Il montre le mauvais riche 
vivant ici-bas dans le luxe, mais châtié dans l'autre 
vie, par une juste compensation. Luc, xvi, 19, 25. Loin 
de blâmer le luxe pieux dont il est l'objet de la part 
de Marie-Madeleine, il en fait l'éloge. Matth., xxvi, 7- 






128. — Athlètes égyptiens s'exerçant à la lutte. Beni-Hassan. D'après Ctaampollion, Monuments de l'Egypte, pi. ccclxiv. 



xxxn, 23-28. Voir Jacob, h, t. m, col. 1068. — Saint 
Paul compare à la lutte des athlètes les combats du 
chrétien contre le démon, il les appelle itaXr), collu- 
ctatio. Eph., vi, 12. — Sur les règles de la lutte, voir 
Athlète, t. i, col. 1225. E. Beurlier. 

LUXE, usage d'objets superflus et coûteux pour la 
nourriture, la toilette, l'habitation, etc. — 1° Les 
Hébreux menaient en général une vie simple. Le luxe 
ne s'introduisit chez eux qu'exceptionnellement, dans les 
palais des rois et ensuite chez les riches, particulière- 
ment à Jérusalem. La magnificence de Salomon, à sa 
table, dans ses vêtements et ses palais, est longuement 
décrite dans la Bible. III fieg., IV, 21-28; x, 11-29; 
II Par., ix, 10-28. Les rois, ses successeurs, l'imitèrent 
selon leurs moyens. Leurs rapports avec leurs puissants 
et riches voisins d'Egypte, de Tyr, de Syrie et d'Assyrie, 
excitèrent leur émulation. Ils s'efforcèrent de mener 
une vie somptueuse, qui leur permit de faire bonne 
figure auprès des autres monarques orientaux. Le pieux 
roi Ézéchias lui-même fut assez fier de montrer ses 
trésors à Bërodach(Mérodach)-Baladan, fils du roi de 
Babylone. IV Reg., xx, 12, 13; Is., xxxix, 1, 2. Les 
femmes israélites, comme toutes les femmes orientales, 
avaient un faible pour les parures d'or. Au désert, à la 
demande d'Aaron, elles en offrirent pour la fabrication du 
veau d'or. Exod., xxxu, 2-4. Elles gardèrent néanmoins 
la plus grande partie de leurs objets précieux. Aussi 
quand, un peu plus tard, Moïse fit appel à la générosité 
de tous pour la fabrication du mobilier sacré, l'or 
afflua entre ses mains, ainsi que les pierres et les 
étoffes précieuses. Exod., xxxv, 4-29. A l'époque d'Isaïe, 
un grand luxe présidait à la toilette des femmes de 
Jérusalem. Le prophète énumère les principaux objets 
dont elles aimaient à se servir. Is., nr, 16-24. Plus 
tard, sous les Séleucides, les formes du luxe grec tendi- 
rent à s'acclimater à Jérusalem. I Mach., i, 15, 16; II 
Mach., iv, 11-16. — Sur les objets de luxe en usage 
chez les Hébreux, voir Anneau, t. i, col. 632; Bijou, 
t. i, col. 1794; Bracelet, t. i, col. 1906; Chaîne, t. n, 
col. 479; Chambre a coucher, t. n, col. 516; Chaus- 
sure, t. n, col. 631; Collier, t. n, col. 834; Croissants, 
t. n, col. 1127; Festin, t. n, col. 2212; Maison, 
Meubles, Miroir, Palais, Parfum, Vêtement. 

2" Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur men- 
tionne les habits de luxe que portent les courtisans 
dans les maisons des rois. Matth., xi, 8; Luc, tu, 25. 
Il recommande de ne pas s'attacher aux choses superflues 
et d'attendre le nécessaire du Père qui est dans les cieux. 



13; Marc, xiv, 3-9; Joa., xii, 3-8. Il permet que Joseph 
d'Arimathie l'ensevelisse dans le sépulcre que ce riche 
personnage s'était préparé pour lui-même. Matth., xxvn, 
60; Luc, xxm, 53. Saint Paul explique en ces termes 
le cas qu'un chrétien doit faire du luxe : « Nous n'avons 
rien apporté en ce monde, et il est clair que nous n'en 
pouvons rien emporter. Ayons la nourriture et de quoi 
nous vêtir, et contentons-nous-en. Car ceux qui veulent 
s'enrichir tombent dans la tentation, dans le piège du 
démon, et dans beaucoup de convoitises frivoles et 
pernicieuses qui engloutissent les hommes dans la 
ruine et la perdition. » I Tim., vi, 7-9. Voir Richesse. 
Ces paroles de l'Apôtre ne condamnent pas absolument 
la possession et la jouissance de la richesse, ni même 
l'effort qu'on fait dans une légitime mesure pour l'ac- 
quérir. Il veut surtout qu'on n'y attache pas son cœur 
par une convoitise trop ardente, de nature à faire per- 
dre de vue l'avenir éternel. Cf. S. Augustin, Serm., 
clxxvii, 6-8, t. xxxviii, col. 950-958." Il y a d'ailleurs, au 
sujet du luxe, à tenir compte, suivant la situation de 
chacun, soit des préceptes, soit des conseils évangéli- 
ques. Saint Paul tend évidemment à conduire les chré- 
tiens dans la voie indiquée par ces derniers. 

H. Lesètre. 
LUXURE (grec: âxocOocperfa, ieréXyetoc, àawnia, iropvefoc; 
Vulgate : immunditia, impudicitia, luxuria), nom gé- 
nérique comprenant toutes les formes de l'impureté. 
Voir Adultère, t. i, col. 242-245; Courtisane, t. n, 
col. 1091-1092; Fornication, t. n, col. 2314-2317; In- 
ceste, t. m, col. 864-867; Prostitution. A ces formes 
de luxure, il faut en joindre deux autres, que la Loi 
punissait de mort : la bestialité, Exod., xxii, 19; Lev. r . 
xvm, 23>xx, 15, et la sodomie. Lev., xx, 13; I Cor., vi, 
10; I Tim., i, 10; II Pet., Il, 7; Gen., xix, 4-11. — 1° Jé- 
rémie, v, 7, reproche aux habitants de Jérusalem leurs 
luxures de tout genre. Sous les rois de Syrie, le Temple 
de Jérusalem, changé en temple de Jupiter, était devenu 
un rendez-vous pour la luxure. II Mach., VI, 4. Les 
diverses formes de la luxure, familières aux païens, 
I Pet., iv, 3, 4, et entrées dans la pratique des faux 
prophètes ennemis de l'Évangile, II Pet., n, 2, 18; Jud., 
4, ferment le ciel à celui qui les adopte. Gai., v, 19. Sara, 
fille de Raguel, proteste que ce n'est pas dans une pen- 
sée de luxure qu'elle épouse le jeune Tobie. Tob., vm, 9. 
— 2° La Vulgate emploie les mots luxuria, luxurior, 
Vuxuriosus, dans plusieurs cas, où il s'agit simplement 
d'ivrognerie, de bonne chère, ~de plaisirs faciles. Deut., 
xxi, 20; xxviii, 54; Eccle., x, 17; Sap., n, 8, 9; Eccli. r 
xi, 29; xrv, 4; xxi, 28; Luc, xv, 13; Eph., v, 19; Tit.» 



437 



LUXURE — LYCAONIE 



438 



i, 6; Jacob., v, 5; II Pet., n, 13. Ces choses ne peuvent 
d'ailleurs que favoriser la luxure, comme le dit la V.ulgate, 
Prov., xx, 1, dans un texte qui signifie seulement en 
hébreu : « Le vin est moqueur, s II est dit de veiller à 
la fille luxurieuse, luxuriosa; il y a dans le texte grec : 
àStaTpÉTtro;, « sans réserve. » Enfin saint Paul dit à Ti- 
mothée de se défier des jeunes veuves qui luxuriatse 
fuerint in Christo, « qui se sont mal conduites dans le 
Christ, » en grec : xaia.Tzpriviâ<ra>m toO XpiuxoC, « qui 
font fi du Christ, » qui l'abandonnent pour se remarier. 
I Tim., v, 11. H. Lesêtre. 

LUZA, nom d'une ville chananéenne et d'une ville 
héthéenne. 

1. LUZA (hébreu : Lûz; Septante : AouÇa; dans Gen., 
xxvm, 19 : OyXa|j.XoiJÎ, par l'union des deux mots du 
texte original : 'ûlâtn Luz, c'est-à-dire, appelée « aupa- 
ravant Lûz »), nom primitif de la ville qui fut appelée 
par les Hébreux Béthel, ou du moins d'une localité tout 
proche de l'endroit où s'élève la Béthel israélite. Voir 
Béthel 1, t. î, col. 1673. Gen., xxvm, 19; xxxv, 6; 
xlviii, 3; Jos., xvi, 2; xvm, 13; Jud., i, 23. 

2. LUZA (hébreu : Lûz; Septante : AoûÇâ), ville du 
pays des Héthéens. Lorsque la maison de Joseph alla 
attaquer Luza-Béthel au moment de la conquête de la 
Palestine, elle s'empara de la ville, grâce à la trahison 
d'un de ses habitants, qui fut en récompense laissé libre 
avec sa famille. Il alla s'établir dans le pays des Hé- 
théens et bâtit là une ville à laquelle il donna le nom de 
Luza, en souvenir de son lieu natal. Jud., I, 22-26. 11 
existe encore aujourd'hui au nord-ouest d'Hasbeya une 
localité de ce nom, mais on ne peut affirmer que ce 
soit celle dont parle Jud., i, 26. On a fait toute sorte 
d'hypothèses sur son identification, sans pouvoir allé- 
guer autre chose en leur faveur qu'une vague ressem- 
blance de nom. 

LYCANTHROPIE, genre dé folie dont fut atteint 
Nabuchodonosor. Voir Daniel (Le livre de), t. n, 
col. 1264, et Folie, t. u, col. 2301-2302. 

LYCAONIE (grec: Auxaovta), région de la pro- 
vince romaine de Galatie, Act., xiv, 6 (fig. 129). 

I. Évangélisation. — 1° La Lycaonie fut évangélisée 
par saint Paul dans sa première mission. Accompagné 
de Barnabe, il se réfugia dans ce pays pour éviter la 
persécution suscitée contre eux par les Juifs et quelques 
femmes de distinction à Antioche de Pisidie. Act., xm, 50. 
La première ville où il prêcha fut Icône. Act., xm, 51-52. 
Voir Icône, t. m, col. 803. Persécutés de nouveau dans 
cette ville, ils allèrent à Lystre et à Derbé, autres villes 
de la même région. Act., xrv, 6-7. Voir Derbé, t. n, 
col. "1386, et Lystre, t. ni, col. 460. Ils ne rencontrèrent 
pas dans ces villes les mêmes difficultés que dans les 
précédentes. La population était simple et pauvre et les 
brigands qui occupaient le Taurus Cilicien ne per- 
mettaient guère aux étrangers d'y pénétrer, aussi n'y 
avait-il pas dans ces contrées de synagogues juives. Les 
Lycaoniens étaient superstitieux; ils croyaient volontiers 
que les dieux apparaissaient au milieu des hommes. La 
tradition rapportait que Lycaon avait été ' changé en 
loup pour s'être moqué d'eux. Ovide, Mstamorpli., i, 
220-241. C'était aussi chez eux que. la fable plaçait la 
métamorphose de Philémon et de Baucis en arbres que 
l'on montrait encore. Ovide, Metamorph., vm, 621-725. 
Cet état d"esprit explique comment, après la guérison 
d'un boiteux par saint Paul à Lystre, la foule éleva la 
voix et s'écria en lycaonien : « Les dieux sont descendus 
vers nous sous une forme humaine, » et prenant Barnabe 
pour Jupiter et Paul pour Mercure voulut leur offrir 
un sacrifice. Voir Jupiter, t. m, col. 1866. Act., xiv, 



8-12. Chassés de Lystre, à la suite de l'arrivée des Juifs 
d' Antioche et d'Icône qui les poursuivaient, ils passèrent 
à Derbé, et après avoir évangélisé cette ville, revinrent à 
Lystre, à Icône et à Antioche de Pisidie. Act., XIV, 19-22. 
2° Dans sa seconde mission, après l'assemblée de 
Jérusalem en 51 après J.-C, saint Paul accompagné de 
Silas retourna en Lycaonie. Cette fois il y pénétra en 
venant de Cilicie et en passant les Portes Ciliciennes, 
défilé qui traverse le Taurus de Pamphylie. Il prit la 
route qui gagne Derbé, Lystre et Icône. Act., xvi, 1. 
C'est dans ce voyage que, sur le bon témoignage des 
frères de Lystre et d'Icône, il prit avec lui ximothée, 
fils d'une Juive et d'un père grec, qu'il circoncit à cause 
des Juifs. Act., xvi, 1-4. D. constata que les Églises 




129. — Carte de Lycaonie. 

lycaonionnes se fortifiaient dans la foi et augmentaient 
de jour en jour. Il recommanda aux chrétiens d'observer 
les décisions des Apôtres et des anciens de Jérusalem. 
Act., xvi, 4-5. 

II. Description et histoire. — 1° Description. — La 
Lycaonie était une vaste plaine, limitée au sud par les 
monts d'Isaurie et lé Taurus. Elle était bornée au nord 
par la Galatie proprement dite, à l'ouest par la Phrygie 
et la Pisidie, au sud par l'Isaurie et à l'est par la Cappa- 
doce. Les principales villes du pays, étaient Icône, 
Laodicée la Brûlée, Tyrixum, Lystre et Derbé. 

2° Histoire. — Il est fait mention des Lycaoniens 
pour la première fois dans l'histoire au temps de 
l'expédition de Cyrus le jeune contre son frère 
Artaxerxès. Xénophon, Anab., I, n, 19. C'était un 
peuple belliqueux et jaloux de son indépendance. La 
Lycaonie fut englobée dans l'empire d'Alexandre et, après 
lui, dans le royaume des Séleucides. Elle passa ensuite 
sous la domination d'Eumène, roi de Pergame. Polybe, 
xxn, 27 ; Tite Live, xxxvm, 39. Cette domination était 
plutôt nominale que réelle à cause de l'éloignement. Les 
Galates s'emparèrent probablement de la partie nord, la 
partie sud fut disputée entre ceux-ci et les indigènes; 
en 129 avant J.-C. elle fut donnée par Aquilius aux fils 
d'Ariarathe IV, roi de Cappadoce. Justin, xxxvn, 1. 
Conquise par le roi de Pont Mithridate VI Eupator, 
en 74 elle lui fut enlevée par les victoires de Pompée. 
Lorsque le général romain organisa le pays en 64, la 
Lycaonie paraît avoir été divisée en trois parties. Le 
nord fut ajouté à la Galatie, Ptolémée, V, iv, 10; le sud- 
est, y compris Derbé, à la Cappadoce, Strabon, xn, vi, 3; 
W. Ramsay, Historical Geography of Asia Minor, in-8°, 
Londres, 1890, p. 336, 310, 369; l'ouest fut joint à la 
province romaine de Cilicie en 64. Cicéron, Ad Attic., 
v, 15; v, 21, 9; Ad fam., m, 5, 4; xv, 1, 2; xv, 3. Anti- 
pater de Derbé, ami de Cicéron, profita des troubles de- 



439 



LYCAONIE — LYCIE 



440 



la guerre civile pour se créer une principauté indé- 
pendante dans cette ville et il posséda également 
Laranda. Strabon, XVI, vi, 3. Antoine avait donné la 
partie ouest à Polémon de Laodicée en l'an 39 avant 
J.-C. Strabon, XII, vi, 1. En 36, la Lycaonie fut donnée 
par Antoine au dernier roi de Galatie, Amyntas. Dion 
Cassius, xlix, 32; li, 2. A sa mort, en l'an 25, elle fut 
comprise, comme le reste du royaume de ce prince, dans 
la province romaine de Galatie. Dion Cassius, mi, 26; 
Corpus inscript, latin., t. m, part, i, n. 291. Cf. 
Th. Mommsen et J. Marquardt, Manuel dés Antiquités 
romaines, trad. fr., t. ix (J. Marquardt, Organisation 
de l'Empire romain, t. n), in-8°, Paris, 1892, p. 277, 
282, n. 4 et 5; Corpus inscript, grxc, n. 3991. Voir 
Galatie, t. m, col. 77. En l'an 37 après J.-C, Caligula 
donna à Antiochus IV, roi de Commagène, la partie de 
la Lycaonie voisine de la Cilicie, c'est-à-dire le sud-est. 
Elle demeura en sa possession jusqu'en 72; Eckhel, 
Doctrina numorum, t. m, p. 258. C'est alors que cette 
région prit le nom de Lycaonie antiochienne par opposi- 
tion à la Lycaonie gàlatique. Corpus inscript, latin., 
t. x, n, 8660. Cf. Ptolémée, V, vi, 17; W. Ramsay, dans 
la Revue numismatique, 1894, p. 169. Ptolémée, V, vi, 17, 
place Derbé dans. la Lycaonie antiochienne, mais le fait 
qu'elle porte le nom de Claudio-Derbé prouve que sous 
l'empereur Claude elle était comprise dans la province 
romaine de Galatie. Voir Derbé, t. n, col. 1386. Sous 
Claude et Néron, quand saint Paul visita la Lycaonie, 
celle-ci était donc divisée en deux parties, la Lycaonie 
gàlatique à laquelle appartenaient Lystre, Derbé et le 
pays environnant, et la Lycaonie antiochienne. 

Saint Luc place la frontière de la Lycaonie entre 
Icône et les villes de Lystre et de Derbé; il ne tient pas 
compte des délimitations politiques, mais des traditions 
locales qui regardaient toujours Icône comme une 
ville phrygienne. Il est en cela d'accord avec Xénophon, 
Anab., I, n, x 19; tandis que Strabon, XII, vi, 1 ; Cicéron, 
.Ad fam., ni, 6; xv, 3, etc., qui tiennent compte des 
divisions administratives, placent au contraire cette ville 
en Lycaonie. W. Ramsay, The Church in the Roman 
Empire, in-8°, Londres, 1894, p. 36-43. Les habitants du 
pays, quoique Icône suivit le destin administratif de la 
Lycaonie à laquelle elle était incorporée, mettaient une 
sorte de point d'honneur à revendiquer leur origine 
phrygienne; c'est ainsi qu'Hiérax, compagnon du martyr 
saint Justin, se déclare esclave d'Icône en Phrygie. 
Act. Justini, 3. Ruinart a tort de vouloir dans ce 
passage corriger Phrygie en Lycaonie. De même Firmi- 
lien, évêque de Césarée de Cappadoce, décrit Icône comme 
une cité phrygienne. S. Cyprien, Epist., lxxv, 7 ; t. m, 
col. 1161, alors que de son temps elle appartenait à la 
province de Cilicie depuis Septime Sévère; W. Wadding- 
ton, Inscriptions d'Asie Mineure; — Lebas Waddington, 
Voyage archéologique en Asie Mineure, t. m, n. 1480; 
après avoir fait peut-être partie de la province de Cappa- 
doce sous Trajan, en même temps que la Lycaonie 
antiochienne. Ptolémée, v, 6; Corpus inscript, latin., 
t. v, p. n, n. 8660. Lors de la formation de l'assemblée 
fédérale des Lycaoniens en l'honneur des empereurs, ou 
wo'.vôv Auxaovîa; (fig. 130), dont nous ignorons la date, 
mais qui est probablement du temps des Flaviens, Icône 
fut l'une des villes où elle se réunissait, d'après Eckhel, 
Doctrina numorum, t. m, p. 32. Cf. J. Marquardt, l. c, 
p. 285. Au contraire B. Head, Historia numorum, in-8°, 
Oxford, 1887, p. 595, indique seulement parmi les filles 
où l'on trouve des monnaies du xotvôv, Barata, Dalisandus, 
Derbé, Hydé, Ilistra, Laranda et Savatra. On n'en trouve 
ni à Icône ni à Lystre, Cf. Revue numismatique, 
série m, t. i, 1883, p. 24; E. Babelon, Inventaire som- 
maire de la collection Waddington, in-8°, Paris, 1898, 
p. 270-274. W. Ramsay, The Church, p.- 39, n. 1, croit 
qu'on peut s'expliquer cette absence par le fait qu'Icône 
était devenue une colonie romaine au temps d'Hadrien. 



sous le nom de Colonia Aelia Eaanana Iconiensiutn, 
R. Cagnat, Revue arclxéologique, série ni, t. xxvn, 1891, 
p. 414, col. 2, n. 99; et il suppose une raison analogue 
pour Lystre. 
Le nom de Lycaonien ne se trouve pas dans les Actes, 




130. — Monnaie de Lycaonie. 
Ar KAI M ior -MAinnON ee. Buste de Philippe père. — ^. KOI- 
NON AÏKAONIAS BAPAT[ £U v] (de Barata). Jupiter debout; à 
ses pieds, l'aigle. 

mais l'adverbe >uxaovi<rrf est employé dans Act., xiv, 
11 (Vulgate, 10), pour désigner la langue propre aux 
indigènes. Les villages et les petites villes avaient con- 
servé cette langue et les mœurs primitives. Les grandes 
villes comme Icône et Derbé avaient été grécisées et 
possédèrent plus tard des colonies romaines. Le pays 
était formé de hauts plateaux, froids et nus, où l'on ne 
trouvait un peu d'eau potable qu'en creusant des puits 
à une très grande profondeur. Les habitants vivaient 
surtout de l'élevage du bétail et en particulier des ona- 
gres. Strabon, XII, vi, 1. 

Bibliographie. — H. Kiepert, Manuel de Géographie 
ancienne, trad. fr.,in-8°, Paris, 1887, p. 76-77 ;W. Ramsay, 
Historical Geography of Asia Minor, in-8°, Londres, 
1890, p. 330-346, 350, 355, 357-360; Id., The Church in 
the Roman Empire, 3 e édit., in-8», Londres, 1894, p. 15, 
37-39, 41, 56-58, 95, 106, 108, 110, 111, 157, 164, 390, 423, 
427; Id., St. Paul, the traveller and the roman citizen, 
in-8°, Londres, 1895, p. 107-126; Id., Historical commen- 
tary on Galatians, in-8°, Londres, 1899; J. R. Stillington 
Sterrett, Wolfe Expédition in Asia Minor, in-8», Boston, 
1888, et An epigraphical Journey in Asia Minor, Boston, 
1888, dans les Papers of the American School of Athens, 
t. m et n. Le tome n a été publié après le tome m. 

E. Beurlier. 

LYCIE (Auxfa), contrée située au sud de l'Asie- 
Mitieure (fig. 131). La Lycie et la ville de Phaselis, dans 
cette même contrée, sont mentionnées dans I Mach., 
xv, 23, parmi les pays auxquels fut envoyée la lettre du 




131. 



Carte de la Lycie. 



consul Lucius en faveur des Juifs. — Saint Paul aborda à 
Patare en Lycie, dans le voyage qu'il fit de Milet à Jéru- 
salem. Act., xxi, 1. Il toucha également à Myre, dans 
le voyage qu'il fit, comme prisonnier, de Jérusalem 
à Rome. — Le texte des Machabées prouve quil 



441 



LYCIE — LYCIET 



442 



y avait des colonies juives importantes en Lycie et les 
arrêts de saint Paul dans les ports de cette province 
montrent qu'ils étaient sur le chemin que suivaient les 
navires allant à Jérusalem par Joppé et en revenant. 
Une inscription grecque de Tlos, datée du n» siècle 
après J.-C, indique la présence d'une communauté 
juive importante dans cette ville. Elle est gravée sur un 
tombeau que Ptolémée, fils de Lùcius, déclare ouvert 
à tous les Juifs en reconnaissance de ce qu'ils avaient 
nommé son fils archonte. Hula, Eranos Vindobonen- 
sis, 1893, p. 99-102. Cf. Hevue archéologique, 1893, 
t. h, p. 356. — Le christianisme progressa lentement en 
Lycie. Nous possédons, sur une inscription d'Arycanda, 
un fragment d'une pétition que les Lyciens et les Pam- 
phyliens adressèrent à Galère pour lui demander de 
mettre fin à la secte chrétienne. Th. Mommsen, dans 
les Archàologische epigraphische Mittheilungen aus 
Oesterreich, 1893, p. 93 ; Revue archéologique, 1892, t. î, 
p. 421 ; 1893, 1. 1, p. 96. — La Lycie est située au sud-ouest 
de la Carie et au sud-est de la Pamphylie. Elle est entou- 
rée par la mer de trois côtes, à l'est, au sud et à l'ouest. 
Les montagnes produisent un bois excellent pour la 
construction des navires, aussi les Lyciens ont-ils tou- 
jours été un peuple de marins, et même de pirates. Il 
n'y a pas dans cette région de vallées profondes comme 




132. — Monnaie de Lycie. 

Tète d' Apollon, lauré, de face ; à côté de M, à droite, 

une petite lyre. — fy AÏKlapi]. Tête de face. 

en Carie et en Ionie, cependant, à l'embouchure du 
Xanthe et des autres torrents qui descendent vers la 
mer, étaient situés des ports importants. Ceux de Pa- 
tare et de Myre étaient les points de départ ou d'arrivée 
des navires en relations avec l'Asie Mineure et Alexan- 
drie. Voir Myre et Patare. Phasélis était célèbre par 
son triple port. Strabon, XIV, m, 9. Voir Phasélis. 

Homère cite les Lyciens parmi les alliés de Troie. 
Iliad., vi, 171; x, 430; xn, 312; Odijss., v, 282, etc. 
E. de Rougé, Extrait d'un mémoire sur les attaques 
dirigées contre l'Egypte par les peuples de la Méditer- 
ranée, dans la Revue archéologique, 1867, t. xvi, p. 39, 
96-97, pense que les Lyciens sont le même peuple que 
lesiowfcou qui attaquèrent l'Egypte sous la dix-neuvième 
dynastie. Cette opinion, contestée par quelques savants, 
est admise par la plupart. G. Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient classique, 1897, t. n, p. 359. 
Ramsès III pénétra en Lycie et sa flotte alla jusqu'à 
Patare qui figure sous le nom de Pontar dans une 
inscription de Médinet-Abou. Cf. F. Lenormant, His- 
toire ancienne de l'Orient, 9 e édit., 1882, t. n, p. 316. 
Les Lyciens défendirent vaillamment leur indépendance 
contre Crésus, roi de Lydie, mais ils furent soumis par 
les Perses. Hérodote, ini, 90. Leurs vaisseaux jouèrent 
un rôle important dans les guerres médiques. Hérodote, 
vu, 91-92. Conquise par Alexandre le Grand, la Lycie, 
après sa mort, fit partie de l'empire des Séleucides. Ce 
fut une des contrées que les Ptolémées leur disputèrent 
avec acharnemeni et dont ils se rendirent maîtres, au 
moins pour un temps. Théocrite, xvm, 82 ; Corpus 
inscript, grxc, n. 5127; Bulletin de correspondance 
hellénique, t. xiv, 1890, p. 162-176. Cf. ï. G. Droysen, 
Histoire de l'hellénisme, trad. fr., in-8°, Paris, 1885, 
t. m, p. 337, 367, 380, 385; J. P. Mahaffy, The Empire 
of the Ptolemies, in-12, Londres, 1895, p. 131, 199. 
Après un court intervalle durant lequel la Lycie recou- 
vra son indépendance, elle passa sous la domination 
romaine, après la défaite d'Antiochus le Grand en 189. 



Le Sénat la céda aux Rhodiens, mais les Lyciens résis- 
tèrent à Rhodes, avec l'appui d'Eumène, roi de Pergame. 
Les Romains, indignés de la conduite de Rhodes, qui 
avait soutenu contre eux Mithridate Eupator, rendirent 
aux Lyciens leur indépendance. Polybe, xxn, 7; xxm, 3; 
xxvi, 7; xxx, 5; Tite Live, xlv, 25; Appien, Mithrid. 
LXi; Syriac, xliv; Corpus inscriptionum grxcarum, 
n. 5882; Bullettino delV Instiluto di Diritto Romano, 
t. ï, 1888-1889, fasc. 2 et 3, p. 78. Ce fut la période la 
plus prospère de ce pays. La Lycie était dans cette situa- 
tion d'indépendance au moment où lui fut envoyée la 
lettre de Lucius, elle y demeura jusqu'au temps de 
Claude. En l'an 43 après J.-C, cet empereur, pour met- 
tre fin ans luttes des Lyciens entre eux, créa la province 
de Lycie-Pamphylie. Suétone, Claude, xxv; Dion Cas- 
sius, lx, 17; cf. Tacite, Annal., xn, 4; xm, 33; Pline, 
H. N., xn, 9. Mais cette organisation ne devint défini- 
tive que sous Vespasien. Suétone, Vespas., vin. Ce fut 
après la création de la province romaine que saint Paul 
aborda à deux reprises en Lycie. 

Au temps de sa liberté la Lycie formait une confédé- 
ration de villes qui avaient un système monétaire uni- 
que. Les délégués de ces villes se réunissaient chaque 
année dans l'une d'elles, désignée par le sort. La confé- 
dération avait un président, un amiral, et d'autres fonc- 
tionnaires. Sous l'empire, cette assemblée fut spéciale- 
ment consacrée au culte impérial. G. Fougères, De 
Lyciorum communi, in-8°, Paris, 1897; cf. E. Reurlier, 
Le culte impérial, in-8», Paris, 1891, p. 102, 130. Parmi 
les villes dont existent des monnaies fédérales se trou- 
vent les trois villes nommées dans la Bible, Patare, 
Phasélis et Myre. Strabon, XIV, m ; Koner, Beitrâge zur 
Munzkunde Lyciens, dans Pinder et Friedlânder, Bei- 
trâge zur alteren Munzkunde, in-8°, Berlin, 1851, t. I, 
p. 93-122; C. Waddington, dans la Revue numismatique, 
1853, p. 85-98; J.-P. Six, dans la Revue numismatique, 
série III, 1886, p. 101-116, 141, 192, 423438. 

La langue lycienne est encore un problème pour les 
philologues ; on n'identifie guère que les noms propres ; 
son alphabet est dérivé de l'alphabet phénicien par l'in- 
termédiaire d'un alphabet dorien. Cf. Deecke, Arkwright 
et Imbert,dans le Museon, 1891, p. 270; J. Halévy, dans 
la Revue critique, 1893, t. ï, p. 441 ; Imbert, dans les 
Mémoires de la société de linguistique, 1894, p. 449; 
Ph. Berger, Histoire de l'Écriture dans l'antiquité, 
in-8», Paris, 1891, p. 145. 

Bibliographie. — Ch. Fellows, An account of disco- 
veries in Lycia, in-4», Londres, 1841 ; Spratt et Forbes, 
Traveh in Lycia, Milyas and the Cibyratis, 2 vol. 
in-8», Londres, 1847; O. Benndorf et C. Niemann, 
Reisen in Lykien und Karien, in-8°, Vienne, 1884; 
H. Kiepert, Lykia, in-8°, Vienne, 1884; E. Petersen et 

F. von Luschan, Reisen in Lykien, Milyas und 
Kybyratis, in-f», Vienne, 1880; René Cagnat, L'année 
épigraphique, 1889, p. 12, 68; Sk. Treuber, Geschichte 
des Lykier, in-4», Stuttgart, 1887; Id., Beitrâge zur 
Geschichte der Lykier, in-4° ; Tubingue, 1887-1889; 

G. Perrot, Histoire de l'art dans l'antiquité, in-4°, 
Paris, t. v, 1890, p. 345-360. ' E. Beurlier. 

LYCIET (hébreu : 'âlâd; Septante : piixvoç; Vulgate : 
rhamiius), arbuste épineux. 

I. Description. — De la famille des Solanées et rangés 
dans la tribu des Atropées pour leur fruit charnu et 
leur corolle dont les lobes se recouvrent dans le bouton, 
les Lycium sont des arbrisseaux touffus, à petits rameaux 
se terminant souvent en épines. Le calice de la fleur ne 
s'accroît pas après l'anthèse, et souvent se déchire pre- 
nant la forme d'une coupe à bords irrégulièrement 
dentés au fond de laquelle se trouve enchâssée la baie 
à sa maturité. 

Le type le plus répandu sur le pourtour du littoral 
méditerranéen est le Lycium europeum de Linné 



m 



LYCIET — LYDDA 



444 



(fig. 133) à feuilles glabres, souvent glocescentes, et 
réunies en faisceaux d'où partent les ûeurs solitaires 




133. — Lycium europeum. 

ou. géminées, puis les baies globuleuses, rouges ou 
orangées. Dans les déserls d'Egypte et d'Arabie, on 
trouve le Lycium arabicum de Schweinfurth encore plus 
épineux et plus ramifié, à feuilles plus petites et souvent 
duvetées, distinct surtout par sa baie noirâtre. En Syrie 
encore croit le Lycium barbarum Linné, Lycium xtul- 
gare de Dunal; à rameaux blanchâtres, grêles et pen- 
dants, portant des fleurs réunies en petits faisceaux à 
dents du calice aiguës et à anthères saillantes hors de la 
corolle. Enfin le Lycium afrum Linné, dont les bran- 
ches sont aussi blanchâtres et très épineuses, diffère par 
ses étamines incluses. F. Hy. 

II. Exégèse. — Dans l'apologue de Joatham, Jud., ix, 
14-15, les arbres à la recherche d'un roi, après s'être 
vainement adressés à l'olivier, au figuier, à la vigne, 
viennent prier V'âtâd de régner sur eux. Et V'dtâd 
répond : « Si vraiment vous voulez m'établir pour roi, 
venez, confiez-vous à mon ombrage; sinon, un feu sortira 
de Y'âtdd et dévorera les cèdres du Liban. » Tous les 
interprèles voient dans V'âtâd un arbuste ou buisson 
d'épines, image d'Abimélech qui aspire à régner sur 
Sichem et ne pourra que blesser et nuire. Ce sera le 
châtiment des habitants de Sichem qui se confient dans 
cet homme vain et dangereux au lieu de se reposer en 
ceux qui leur apporteraient l'abondance et la paix, 
symbolisés par l'huile, Ja figue et le vin, produits les 
plus précieux du pays de Chanaan. Le même mot 'âtdd 
revient au Psaume LVIII (hébreu), 10, dans une locution 



proverbiale que les Septante et la Vulgate, lvii, 9, n'ont 
pas bien saisie : 

Avant que vos chaudières sentent l"<î(âd 
Verte ou enflammée l'ouragan l'emportera. 

On sait que les gens des déserts de Palestine ou du 
Sinaï, pour cuire leurs aliments, suspendent leur 
chaudière sur un tas de branches arrachées aux buissons 
environnants, principalement au rhamnus épineux, 
très abondant en ces régions. Or il arrive quelquefois 
qu'avant la cuisson, un ouragan éteint le feu, emporte 
le tas.de bois à peine touché par la flamme ou déjà en 
partie consumé, et disperse tous les préparatifs. Mais si 
les exégètes s'accordent à voir dans V'âtâd un arbuste 
épineux, ou ils ne cherchent pas à en déterminer l'espèce, 
ou ils portent leur vue sur diverses sortes d'épine. La 
détermination cependant peut être faite. Le mot se 
retrouve en arabe oi>\, 'atad, en araméen, 'atdâ', 'attâ', 
en hébreu talmudique, 'âtâd, en assyrien, etidu, etidtu, et 
les Septante rendent le mot hébreu par pânvoç, que la 
Vulgate traduit par rhamnus. Celsius, Hierobotanicon, 
in-8», Amsterdam, 1748, t. i, p. 201, cite du supplément 
de Dioscoride l'identification suivante : 'Pà|xvoç- 'Açpol 
'AxaSiv, « pour les Africains le rhamnus c'est V'âtâd. » Les 
lexiques arabes en effet, comme Golius, Lexic. arab., 
p. 120, donnent la même équivalence. Or V'âtâd arabe a 
pour synonymes VAussedj, ,,».^a, et le Ghargad, v>i\*, 

qui sont deux espèces i"âlàd, les deux premières espèces 
de Rhamnus de Dioscoride, 1, 119, qui sont le Lycium 
europeum et le Lycium afrum, ce dernier aux rameaux 
plus blancs. Ibn-El-Beïthar, Traité des Simples, dans 
Notices et Extraits des Manuscrits de la Bibl. nation., 
t. xxv, l re partie, 1881, p. 482-483. Dans la traduction 
arabe de Dioscoride, eod. loco, p. 484, « Bamnos c'est 
Vaussedj, » et une note marginale ajoute : i en latin 
Kambronos. » Or c'est à peu près le nom que le Lycium 
porte en Espagne : Cambronera, Cambrones. L'aussedj 
désigne encore en Algérie le Lyciet. L'espèce plus blanche 
de Lycium est le Ghargad ; en Algérie, Rhardaq, même 
nom avec transposition de lettres, désigne le Lycium 
afrum. Ibn-El-Beithar, dans Notices et extraits, t. xxvi, 
1 M partie, 1883, p. 10. P. Belon, Observations de plu- 
sieurs singularités, 1. II, c. xxvm, in-4», Paris, 1588, 
p. 221, remarque qu'en Egypte : « Les terres y sont 
séparées par les hayes faites de l'arbrisseau de rham- 
nus. » Ce que les Égyptiens appellent Vseg d'après 
Prosper Alpin. En Palestine, dit Belon, Obs.sing., 1. II, 
c. lxxviii, p. 309 : « Les hayes sont faites de rhamnus, » 
et c. lxxxviii, p. 325 : ce Cherchant les plantes entour- 
noyant les murs de Jérusalem et en les examinant dili- 
gemment, pour ce que désirions sç'avoir quelles espines 
trouverions, pour entendre de quelle espèce estoit celle 
dont fut faite la couronne de Nostre-Seigneur, et n'y 
ayanls trouvé rien d'espineux plus fréquent que le 
rhamnus, dont nous a semblé, que sa couronne fust de 
un tel arbre. » Il est possible, en effet, que parmi les 
àxivOoct, spinse, dont fut tressée la couronne du Sauveur, 
avec des branches de Zizyphus spina-Christi, se soient 
trouvés mélangés des rameaux épineux de Lyciet. Le 
Lycium europeum est très abondant en Palestine. Cel- 
sius, Hierobotanicon, t. i, p. 199-209; I. Lôw, Aramâi- 
sche Pflantennamen, in-8», Leipzig, 1881, p. 44-45. Quant 
à l'Aire à"âtdd, ou Aire du Lyciet, voir t. 1, col. 1198. 

E. Levesql'e. 
LYDA, orthographe du nom de Lydda dans I Mach., xi. 
34. Voir Lydda. 

LYDDA (hébreu : Lôd; grec : A-j8So : dans Josèphe : 
to Avfiôa; 7] AuSSr,), ville de Palestine. Elle est appelée 
Lôd dans le texte hébreu de l'Ancien Testament, Lydda, 
forme gréciséa de Lod, dans le Nouveau et dans les Ma- 
chabées. Du temps des Romains, on lui donna le nom 
de Diospolis, « ville de Zeus ou Jupiter, » mais celte 



445 



LYDDA 



448 



appellation n'a pu supplanter l'ancienne qui survit en- 
core aujourd'hui dans le nom actuel de Ludd (fig. 134). 
1° Description. — Les Actes des Apôtres, ix, 38, nous 




134. — Monnaie de Lydda. 
IOïM 40MNAN EEBAE. Tète de JuliaDomna, à droite.— fi).ASEn 
rOrH [A.los]nOMS. Tête de la ville, en Déméter, tenant une 
torche, à gauche. 

apprennent que Lydda n'était pas loin de Joppé (Jaffa). 
Elle est, en effet, à dix-huit kilomètres au sud-est de 
cette ville, à quinze kilomètres environ de la mer Médi- 
terranée, dans un endroit fertile, au milieu de jardins 



d'Ono, I Esd., tr, 33 (sept cent vingt-un, d'après II Esd., 
vu, 37), descendants de Benjamin. II Esd., xi, 34 (hé- 
breu, 35). — A l'époque des Machabées, Lydda joua 
un rôle assez important. Josèphe, Ant. jud., XX, iv, 
2, dit que c'était un bourg aussi grand qu'une ville; ii 
devint le chef-lieu d'une toparchie. Bell, jud., III, m, 
5; Pline, H. N., V. n, 70. Vers 145 avant J.-C, le roi de 
Syrie, Démétrius II Nicetor, détacha cette ville et sa 
banlieue (vô[io;) de la Samarie pour la rattacher à la 
Judée et la donner à Jonathas Machabée. I Mach., xi, 34; 
cf. x, 30, 38; xi, 28; Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 9. 
Antiochus VI Dionysos confirma cette donation. 
I Mach., xi, 57. Pompée enleva Lydda aux Machabées, 
mais elle leur fut rendue par Jules César l'an 48 avant 
notre ère. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 6. Quatre ans 
plus tard, en 44, Cassius vendit les habitants de cette 
ville comme esclaves, Josèphe, Ànt. jud., XIV, 2; Bell, 
jud., I, xi, 2, mais Antoine ordonna leur mise en 
liberté (42). Ant. jud., XIV, xn, 2-5. Dès le commen- 
cement de la prédication des Apôtres, Lydda compta 
des chrétiens parmi ses habitants, Actes, x, 32, et c'est 



K 




135. — Vue de Ludd. D'après une photographie. 



et de vergers entourés de haies de cactus, sur la grande 
route des caravanes qui va de Syrie en Egypte (fig. 135). 
« Elle est parsemée, sur un grand nombre de pointe, 
4'élégants palmiers qui s'élèvent soit isolés, soit par 
bouquets, et qui lui donnent un cachet tout oriental... 
Les bazars sont fournis des principales choses néces- 
saires à la vie; les fruits surtout y abondent... Plusieurs 
puits à norias donnent une eau aussi abondante que 
légère; l'un des meilleurs est désigné sous le nom de 
Blr Mdr Elias (puits de Saint-Élie)... Quant au climat 
de Loudd, il est, pendant l'été, très chaud. » V. Guèrin, 
Judée, t. i, p. 323. La plupart des maisons sont en 
pisé. 

2» Histoire. — Lod-Lydda n'apparaît dans l'Écriture 
•que dans les livres écrits après la captivité de Baby- 
lone. De son histoire antérieure à cette époque, nous 
savons seulement qu'elle avait été fondée par un Ben- 
jamite appelé Samad. I Par., vm, 12. Une partie de 
ses habitants fut emmenée en Chaldée et parmi les cap- 
tifs qui revinrent en Palestine avec Zorobabel, on com- 
ptait sept cent vingt-cinq hommes de Lod, d'Hadid et 



là que saint Pierre guérit Énée, que la paralysie rete- 
nait depuis huit ans dans son lit, f. 33-34. Ce miracle 
augmenta le nombre des conversions à la foi nouvelle, 
f. 35. Aussi Lydda eut-elle de bonne heure un évêque, 
suffragant du patriarche de Jérusalem. Cestius Gallus 
l'avait incendiée en l'an 66. Bell, jud., II, xix, 1. En 68, 
elle était soumise à Vespasien. Bell, jud., IV, vm, 1. 
Son nom reparait souvent dans l'histoire après la ruine 
de Jérusalem. Elle posséda, comme Jahmia sa voisine, 
une célèbre école juivg. Son importance déclina lorsque 
le calift Soliman eut fondé en 716 dans son voisinage la 
ville de Ramléh. Elle joua cependant un rôle au temps 
des croisades. Saladin la ravagea en 1191 et les Mongols 
en 1271. Aujourd'hui, le chemin de fer de Jaffa à Jéru- 
salem, qui y a établi une de ses stations, lni redonne un 
peu de vie. Les pèlerins y admirent les ruines de l'église 
de Saint-Georges, qui y fut construite au moyen âge. 
D'après la tradition locale, saint Georges, martyrisé à 
Nicomédie sous l'empereur Dioclétien, était originaire 
de Lydda et c'est là qu'il fut enseveli. Les musulmans 
l'honorent comme les chrétiens. D'après une croyance 



447 



LYDDA — LYDIE 



448 



arabe, c'est devant la porte de Lydda qu'aura lieu le 
premier combat de Jésus contre l'Antéchrist. — Voir 
Reland, Palxstina, 1714, p. 877-879; V. Guérin, Ju- 
dée, t. i, p. 322-334; Survey of western Palestine, 
Memoirs, t. n, p. 252, 267-268 (avec une vue de 
l'église Saint- Georges); Liévin, Guide-Indicateur de la 
Terre Sainte, 4* édit., Jérusalem, 1897, t. i, p. 133- 
136; E. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes, 
2» édit., t. i,p. 141, 182, 285, 520; t. h, 37, 137-141, 302, 
307. 

LYDIE, nom d'une femme chrétienne et d'un pays. 

1. LYDIE (grec : AuSfa ; Vulgate : Lydia), femme con- 
vertie par saint Paul. Lydie fut rencontrée par l'apôtre 
à Philippes de Macédoine, dans un lieu de prière pour 
les Juifs (upoffEux'i) situé près des portes de la ville et 
où il s'élait rendu un jour de sabbat. Cette femme, origi- 
naire de Thyatire, était teinturière en pourpre et craignait 
Dieu, c'est-à-dire était prosélyte. Elle fut convertie et 
baptisée avec sa famille et fut ainsi la première personne 
qui embrassa le christianisme en Europe. Après son 
baptême, elle demanda avec instance à l'apôtre de 
venir habiter chez elle. Act.,xvi, 13-15. II est très pos- 
sible que le nom de Lydie soit un simple surnom tiré 
de son pays d'origine. Sa qualité de prosélyte s'explique 
facilement par la présence de Juifs nombreux en Lydie. 
Voir Lydie 2. Les colonies fondées par Anliochus II 
étaient très florissantes à l'époque romaine. Joséphe, 
Antiq. jud., XIV, x, 24; Revue des Études juives, t. x, 
1885, p. 74-76. La profession de teinturier en pourpre 
était très répandue dans son pays. Si l'on en croit Pline, 
H. N., VII, lvii, i, c'est à Sardes qu'aurait été inventée la 
teinture des tissus. Cf.Hygin, Fabul., 274. Gela veut dire 
simplement qu'ils ont inventé des procédés nouveaux, 
car d'autres^peuples, et en particulier les Phéniciens, 
connaissaient cet art. Aristophane, Acharn., v, 112 ; Fax, 
v, 1174, parle du rouge de Sardes comme d'une couleur 
célèbre. Déjà Homère, Iliad., iv, 114, parle de la pourpre 
de Méonie. Les teinturiers en pourpre de Thyatire 
étaient fameux. A l'époque romaine, ils formaient de 
riches corporations qui élevèrent de nombreuses statues 
dont les. inscriptions nous ont été conservées. Foucart, 
dans le Bulletin de Correspondance hellénique, t. xi, 
1887, p. 100-101. Lydie devait elle-même posséder une 
certaine fortune, cela apparaît dans le fait qu'elle a à 
son service tout un personnel et peut recevoir saint Paul 
et Silas dans sa maison. C'est chez elle qu'ils rentrèrent 
après que les magistrats de Philippes les eurent fait 
sortir de prison. Act., xvi, 40. On sait par l'Épltre que 
saint Paul adressa aux Philippiens combien devint floris- 
sante l'Eglise de cette ville dont Lydie et les siens avaient 
été les prémices. Cf. W. Ramsay, Saint Paul, the traveller 
and the Roman citizen, in-8°, Londres, 1895; G. Radet, 
La Lydie au temps des Mermades, in-8°, Paris, 1892. 

E. Beurlier. 

2. LYDIE (hébreu : Lûd; Septante : Aoiiê, Atàia; Vul- 
gate : Lud, Lydia), contrée d'Asie Mineure (fig. 136). Dans 
la table ethnographique, Gen., x, 22, Lûd est nomme 




136. — Monnaie de Lydie. 

Statêre de Crésus (561-546). Protome de lion et protome 

de taureau affrontés. — ^. Double carré creux. 

parmi les fils de Sem, entre Arphaxad et Aram. Ce pas- 
sage est répété dans I Par., i, 17. Lûd est le héros épo- 
njme des Lydiens d'Asie. D'après ce texte, ce peuple 



serait donc d'origine sémitique. En fait, au moment où 
ils apparaissent dans l'histoire, les Lydiens se montrent 
à nous comme une race mêlée. D'une part Strabon, XII, 
vin, 3 ; Hérodote, I, clxxi, 7, les considèrent comme d'ori- 
gine thrace, frères des Mysiens et des Phrygiens. Les 
noms de certaines de leurs villes, Tralles, Brinla, Thyes- 




137. — Carte de Lydie. 

sos, etc., rappellent les noms de villes thraces. Stra- 
bon, XIV, i, 42; VII, vi, 1; B. V. Head, Historia nutno- 
rum, in-8°, Oxford, 1887, p. 554. D'après Hérodote, i, 
35, 74, 94, les usages et les lois de Lydie ressemblent 
aux usages et aux lois des Grecs. D'autre part, les tra- 
ditions lydiennes rattachent la dynastie des Héraclides, 
qui régna sur la lallée de l'Hermus à l'Héraklès-Sandon, 
vénéré à Babylone, à Ascalon et à Tyr; Menke, Lydiaca, 
in-8°, Berlin, 1843, p. 23; A. Maury, Histoire des reli- 
gions de la Grèce antique, in-8°, Paris, 1857-1859, t. m, 
p. 152, 245. L'influence araméenne est très sensible dans 
le Panthéon lydien. A. Maury, Histoire des religions, 
t. m, p. 195; G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l'art 
dans l'antiquité, in-4°, Paris, 1890, t. v, p. 246. Cer- 
taines pratiques rappellent celles de Babylone ou de la 
Syrie. Hérodote, i, 96; Strabon, XI, xiv, 16; Xanthos, 
19, dans les Fragmenta Historicorum Grxcorum, édit. 
Didot, t. i, p. 39-40, Nicolas de Damas, 24, ibid., t. ni, 
p. 271. Les Lydiens appartenaient donc à ces populations 
que l'historien grec Ephore appelle Migades et dont 
l'existence est incontestable, malgré les efforts que Stra- 
bon, XIV, v, 23-25, fait pour la hier. C'est, à l'élément 
sémitique des Lydiens que la Genèse donne Lûd pour 
ancêtre. Cf. Josèphe, Ant.jud., I, VI, 4. Cf. pour l'exposé 
de toute la question, G. Radet, La Lydie et le monde 
grec au temps des Mermades, in-8°, Paris, 1892, p. 51- 
57, 67. 

Le pays appelé Lydie (fig. 137) à partir du temps de 
Gygès, c'est-à-dire de 687 avant Jésus-Christ, portait au- 
paravant le nom de Méonie. Homère, Iliad., m, 401 ; 
xviii, 291 ; Pline, H. N., V, xxx, 1 ; Hérodote, I, 7 ; vu, 74 ; 
Strabon, XIII, iv, 5; XIV, x, 24; cf. XIII, i, 8, pensent 
que c'est un même peuple sous deux noms différents. 
Il paraît, en effet, très probable que la Méonie a pris le 
nom de Lydie par suite d'une invasion étrangère, celle- 
dont Gygès était le chef. Ce qui confirme cette hypothèse, 
c'est qu'Assurbanipal, qui régna de 668 à 625 avant 
J.-C, dit que la Lydie était « un pays dont ses pères 
n'avaient jamais entendu parler ». G. Smith, History of 
Assurbanipal, in-4°, Londres, 1871, cylindre A, p. 64, 
Incontestablement les Assyriens connaissaient le pays 
conquis par Gygès; ce qui était nouveau pour eux, c'était 
le nom de Lydie. G. Radet, La Lydie, p. 57-59. 

La version grecque de Judith, n, 23, racontant la 
campagne d'Holoferne en Asie Mineure, nomme Loud 
parmi les peuples qu'il vainquit. Ce peuple est aussi, 
nommé dans la version syriaque, mais non dans la 
Vulgate qui ne contient qu'un abrégé de ce passage. 
Les annales assyriennes sont ici d'accord avec les ver- 



LYDIE — LYRE 



450 



sions greque et syriaque. Elles nous fournissent des 
détails sur cette expédition. Gygès, roi de Lydie, avait 
cessé d'envoyer des ambassadeurs à Assurbanipal et s'était 
allié à Psammétique, roi d'Egypte, révolté contre l'Assy- 
rie. Assurbanipal le battit et son cadavre fut laissé sans 
sépulture. Les Cimmériens vainquirent la Lydie et la 
ravagèrent, et Ardyo, fils de Gygès, s'assit sur son trône. 
Cylindre A, col. m. G. Smith, Ëistory of Assurbanipal, 
p. 64-67, cf. p. 71-72, 73-75; J. Menant, Annales des rais 
d'Assyrie, p. 259; Gelzer, Das Zeitalter des Gyges, 
•dans le Rheinùch. Muséum, t. xxx, 1875, p. 233-234; 
G. Radet, La Lydie, p. 189-181 ; Fr. Lenormant et E. 
Babelon, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 
S« édit., Paris, 1885, t. iv, p. 344-346; G. Maspero, His- 
toire ancienne des peuples de l'Orient classique, 1899, 
t. h, p. 428. Voir Assurbanipal, t. i, col. 1146. 

La Lydie fut ensuite conquise par Cyrus sur Crésus. 
Hérodote, i, 76-84. Cf. G. Radet, La Lydie, p. 242-259. 
Alexandre l'engloba dans son empire et, après lui, elle 
fit partie du royaume des Séleucides. J. G. Droysen, 
Histoire de l'hellénisme, trad. franc., in-8», Paris, 
1883-1885, t. il, p. 135, 495, 589; t. m, p. 449. Antio- 
•chus II y établit des colonies juives importantes, notam- 
ment à Sardes. Josèphe, Anl. jud., XII, m, 4. Après la 
défaite d'Antiochus ni par les Romains, la Lydie 
fut donnée par eux à Eumène II, roi de Pergame. 
I Mach., vin, 8; Tite-Live, xxxvm, 39. A la mort d'At- 
tale III, elle fut, avec tout son royaume, englobée dans 
la province romaine d'Asie. Voir Asie, II, t. I, col. 1094. 
-C'est pourquoi le Nouveau Testament ne parle pas de 
la Lydie, les villes de cette région sont nommées parmi 
les villes d'Asie. A l'ancienne Lydie appartenaient Éphèse, 
Smyrne, Thyatire, Sardes et Philadelphie, aux évêques 
desquelles saint Jean écrivit les lettres qui figurent au 
début de l'Apocalypse, I, 4, 11; II, i-ii, 18-29; m, 1-13. 
Voir ces noms. Éphèse avait été évangélisée par saint 
Paul, qui avait adressé une épître à cette Église. Voir 
Éphèse, t. h, col. 1831 ; Éphésiens (Épître aux), t. n, 
■col. 1849. Thyatire est la patrie de Lydie. Act., xvi, 14. 
Voir Lydie 1. La première Épître de saint Pierre adressée 
aux Églises d'Asie, l'est donc par là même aux Églises 
lydiennes. I Pet., i, 1. 

La Lydie était à l'époque de Judith, des Machabées et 
•du Nouveau Testament, la région bornée au nord par 
la Mysie, à l'est par la Phrygie, au sud par la Carie et 
à l'ouest par la mer Egée. Elle contenait la vallée du 
'Caystre et la basse vallée de l'Hermus. Les principales 
ailles étaient celles qui sont citées plus haut, auxquelles 
il faut ajouter Colophon, située sur la côte ainsi que 
Smyrne et éphèse. Sardes était à l'intérieur des terres, 
dans une immense plaine, ainsi que Thyatire plus au 
nord et Philadelphie à l'ouest. La route royale de Sardes 
à Suse traversait la Lydie. Hérodote, v, 49, 52. Les Ly- 
diens parlaient une langue que les Assyriens ne com- 
prenaient pas. Lorsque Gygès envoya une ambassade à 
Assurbanipal, pour contracter avec lui alliance contre 
les Cimmériens, la langue de ses messagers était inintel- 
ligible aux interprètes ordinaires du roi et l'on eut de 
la peine à en trouver un qui pût la traduire. G. Smith, 
History of Assurbanipal, in-4°, Londres, 1871, p. 79. 
Leur dialecte nous est absolument inconnu. Au temps 
■de Strabon, il avait disparu de la Lydie et n'était plus 
parlé que dans le petit canton pisidien de Cibyra. Stra- 
bon, XIII, IV, 17. Cf. G.Perrot, Histoire de l'arl, t. v, 
p. 212; G. Radet, La Lydie, p. 53. 

Bibliographie. — Th. Menke, Lydiaca, in-8°, Berlin, 
1844; H. Kiepert, Manuel de géographie ancienne, 
trad. franc., in-8", Paris, 1887, p. 79; G. Perrot, Histoire 
de l'art dans l'antiquité, in-i°, Paris, 1890, t. v, 
p. 239-308; G. Radet, La Lydie au temps des Mer. 
modes, in-8», Paris, 1892. E. Beurlier. 

LYDIENS (Vulgate : Lydi, Lydii), habitants de Lud, 

UICT. DE LA BIBLE. 



Jer., xlvi, 9; Ezech., xrni, 10; xrx, 5; et de la Lydie, 
I Mach., vm, 8. Voir Ludim, col. 411, et Lydie 2. 

LYNAR (Roch Frédéric, comte de), diplomate alle- 
mand et érudit protestant, né le 16 décembre 1708 au 
château de Lubbenau en Lusace, mort au même lieu le 
13 novembre 1781. Ses études terminées aux universités 
d'Iéna et de Halle, il parcourut divers États de l'Europe 
et en 1733 obtint la charge de chambellan du roi de 
Danemark. Il remplit plusieurs ambassades importantes 
et gouverna plusieurs provinces au nom de ce souve- 
rain. En 1765, il abandonna toutes ses charges pour se 
retirer à son château de Lubbenau et s'adonna à l'étude 
des questions théologiques. Parmi ses écrits, on re- 
marque : ErklârendeUmschreibung sàmmtlicher apos- 
tolischer Briefe, in-8°, Halle, 1765; Erklârende Um- 
schreibung der vier EvangeMen, in-8°, Halle, 1775. — 
Voir H. C. G. de Lynar, Lebenslauf dos Grafen zu 
Lynar, in-8», Leipzig, 1782. B. Heurtebize. 

1. LYRE (Septante : xiOipa; Vulgafe : cilhara), ins- 
trument à cordes pincées et de longueur égale, composé 




138. — Lyre sur une monnaie de Simon. 
bi>n...J pyDttr, a Simon n[asi (prince) d'Is]raël. a Palme dans 
une couronne. — r). h... w> ribxa 1 ! nnN niiff. Première année 
de la rédemption d'ls[raë]l. Lyre à six cordes. 

d'un corps de résonance et de deux branches, soute- 
nant une traverse à laquelle étaient fixées les cordes. — 
Chez les Grecs, la caisse sonore de la lyre était faite de 
l'écaillé ou de la carapace abdominale d'une tortue, 
3(é).u;, et on l'appelait alors proprement X-ipa. Une peau 
tendue en recouvrait la concavité. Quand la caisse so- 
nore n'était pas faite avec une écaille de tortue, on l'ap- 
pelait xt6âp«. La rondeur de la base ne permettait pas 
de tenir la lyre droite sans l'appuyer : il fallait la serrer 
entre les genoux ou la tenir contre le bras ou contre la 
poitrine. Les deux branches, droites ou recourbées, en 
bois ou en corne, distinctes de la caisse sonore à laquelle 
elles étaient fixées, portaient une traverse droite, qui 
retenait une extrémité des cordes, dont l'autre point 
d'attache était placé à la partie inférieure de l'instrument. 
Comme la harpe, la lyre n'avait eu à l'origine que trois 
ou quatre cordes. On en augmenta le nombre graduel- 
lement, et la lyre heptacorde fut la plus célèbre et Ja 




139. — Cithare sur une monnaie de Simon Barcochébas. 

pïD'O, « Simon. ». Cithare à trois cordes. — fy dWiT... 

s La délivrance de Jérusalem. » Palme dans une couronne. 



plus employée. On ajouta cependant une huitième corde 
pour établir deux tétracordes harmoniques; plus tard, 
pour répondre à l'extension des modes du chant, on 
donna à la lyre douze et quinze cordes. Voir Burette, 
Dissertation sur la symphonie des Anciens, dans les 
Mémoires de l'Académie des Inscriptions, t. rv, 1723, 

IV. — 15 



451 



LYRE 



452 



p. 127, Toutes les cordes étaient égales en longueur. La 
grosseur et la tension variaient suivant l'accord. 

Les Hébreux possédaient deux espèces d'instruments 
5. cordes qu'ils appelaient kinnôr et nébél. Le fait que 
les anciennes versions traduisent quelquefois par lyra 



dans la lyre, de forme rectiligne, entièrement en bois 
et ne formant qu'une pièce avec les branches dans la 
cithare. Voir F. A. Gevaërt, Histoire et théorie de la 
musique dans l'antiquité, t. il, Gand,188l, p. 250; Guhi 
et Kôhner, La vie antique. 1. La Grèce, Paris, 1884, 




140. — Lyres égyptiennes. Thèbes. D'après Wilkinaon, Mannere and Customs of ancient Egyptians, édit. Birch, 1. 1, fig. 242-243. 



les mots hébreux nébél, Is., v, 12; III Reg., x, 12, et 
kinnôr, I Par., xv, 16; xvi, 5, est peut-être le résultat 
d'une conception erronée, que l'on retrouve d'ailleurs 
dans Hésychius et Suidas : xrôàpof Xûpa. Il faut remar- 
quer cependant que la lyre et la cithare n'étaient pas des 



p. 290, 291. Les deux instruments se confondirent à une 
époque postérieure. H. Lavoix, Histoire de la musique, 
Paris, 1886, p. 41 ; J. Weiss, Die musikalischen Instru- 
mente in den heiligen Schriften, Graz, 1895, p. 36. 
D'après cette description, ce sont des lyres et des cithares 




141. — Lyre héthéenne. 

D'après Humann et Puchstein, Reisen in lileinasicn, 

pi. XL VII, ûg. 2. 

instruments très différents de la petito harpe antique. 
Voir Hakpe, t. m, col. 434. Ces instruments eurent la 
même origine, et reposent sur le même principe de 
construction, modifié dans la harpe par la courbure du 
manche, dans la lyre et la cithare par la division des 
branches soutenant une traverse, et par l'adjonction 
«l'un corps sonore de forme ronde et recouvert de peau 




142. — Instrument à cordes chaldéen. 
Musée du Louvre. 

de diverses formes que représentent les monnaies juives 
du I er et du il» siècle de notre ère (fig. 138 et 139). 

La lyre fut l'instrument national des Grecs. Il est 
à remarquer toutefois qu'elle n'est mentionnée ni 
par Homère ni par Hésiode. Homère, lliad., i, 187; 
xvm, 569, et Hésiode, Scut., 203, nomment la ç^piu^, 
instrument que les chanteurs ambulants « portaient » 
{fipw) sur l'épaule. Voir Hésychius, Lexicon, édit, M. 



453 



LYRE 



454 



Schmidt, t. rv, 1862, p. 254. La lyre est-elle, comme la 
harpe et la cithare, d'origine asiatique? Sa première 
apparition sur les monuments égyptiens se trouve dans 
une tombe de la XII e dynastie, aux mains d'un person- 




143. — Lyre assyrienne. 

D'après G. Rawlinson, The flve great monarchies, 1864, 

t. H, flg. 154. 

nage dont le type et le costume nous montrent qu'il ne 
peut être qu'un Syrien. Voilât. H, flg. 384, vis-à-vis de 
la col. 1083. Cf. V. Loret, L'Egypte au temps des Phq- 




144. — Captifs assyriens jouant de la lyre. 

D'après G. Rawlinson, The flve great monarchies, 
1864, t. H, flg. 164. 

raons, in-12, Paris, 1889, p. 145-150. C'est surtout à partir 
des guerres d'Asie qu'on la voit figurer sur les monu- 
ments (flg. 140). Elle a de six à quinze cordes, et son nom 

égyptien était très vraisemblablement \ l jiCj ® v=-h-, 

nazu/i ou nadja%i. La lyre où cithare héthéenne repro- 



duite par Humann et Puchstein, Reisen in Kleinasitm 
und Nordsyrien, Berlin, 1890, pi. xlvii (fig. 141), rap- 
pelle l'instrument très antique figuré sur ie bas-relief Âe 
Sarzec au musée du Louvre (fig. 142), et tout concosErt 
à démontrer, dans ces représentations, que la lyae, 
sous ses diverses formes, provient d'Asie, comme toute Ja 
musique et l'instrumentation des Grecs et des Égyptiens. 
Nous avons de ce fait l'important témoignage de Sta- 
bon, X, 3, 17 : àizb Sï toO h&ovç xal twv ôpyâvwv xa'. r\ 
fj.ov<7tXT| nâaix ôpxxt'a xal àaiîxi; •Jevônearai. Cf. Athénée, 
iv, 23 (al. 76). 

La lyre était connue en Assyrie (fig. 143 et 145), comme 
elle l'était en Egypte (fig. 140). Les Hébreux ont dû 
aussi la connaître de bonne heure. Un bas-relief assyrien, 
conservé au British Muséum (fig. 144), représente trois 
captifs, dont le costume est juif, jouantde la lyre. D'après 




145. — Lyre assyrienne.' 

P'après G. Rawlinson, The flve great monarchies, 1864, 

t. H, 11g. 155. 

les anciennes versions de la Bible, le kinnôr aurait clé 
plutôt une lyre qu'une harpe. Quoi qu'il en soit, on 
ne peut guère douter que le kinnôr ou le nébél ne fût un 
instrument analogue à la xiôâpa grecque. — Dans le 
Nouveau Testament, la xiûâpa (fig. 146 et 147) est le seul 
instrument à cordes qui soit nommé. I Cor., xiv, 7; 
Apoc, v, 8; xiv, 2; xv, 2. — La lyre n'<existe plus aujour- 
d'hui comme instrument de musique. Dépossédée de 
ses droits par les instruments plus perfectionnés, elle 
ne se retrouve que sous le pinceau des peintres et dans 
les métaphores des poètes. — Voir F. Vigouroux, Les 
instruments de musique dans la Bible, dans la Bible 
polyglotte, t. iv, 1903, p. 631-656. J. Pahisot. 

2. LYRE (Nicolas de), exégète et théologien francis- 
cain, né vers 1270 à Lyre en Normandie, mort à Paris 
le 23 octobre 1340. Il embrassa la vie religieuse chez les 
franciscajns de Verneuil et fit ses études à l'université 
de Paris* II y fut reçu docteur et y enseigna la théologie. 
Il 'fut provincial de son ordre en Bourgogne. Très vessé 
dans la connaissance de l'hébreu, il écrivit des commen- 
taires sur toute l'Écriture Sainte, qui lui valurerifie 
surnom de Doctor ulilis. Il s'y donnait pour tâche de 
développer uniquement le sens littéral. Ce premier 
travail terminé, il composa des Moralitates ou Explica- 
tions mystiques des livres de la Bible. Ces Moralités 
furent d'abord un ouvrage spécial; mais elles ne tardè- 
rent pas à être ajoutées à l'explication du sens littésaL 
L'ouvrage de Nicolas de Lyre a pour titre Poslillx per- 
petuse sive prxvia commentaria in universa Biblùt, 



455 



LYRE — I/ÏSANIAS 



456 



5 in-F>, Rome, 1471-1472. Un siècle plus tard, les Postillx 
furent complétées par des Additiones, œuvre de Paul 
de Burgos, juif converti qui vécut de 1350 à 1435 envi- 
ron. Les Postulas ont eu de nombreuses éditions. On 
attribue encore à Nicolas de Lyre l'ouvrage suivant, 
imprimé à Rouen dans les premières années de l'im- 
primerie : Tractatus de differentia nostrse translatio- 
nis ab hebraica littera in Vetere Testamento. — Voir 



de son fils Lysanias qui lui succéda en 40 et mourut en 
36 avant J.-C. Voir Iturée, t. in, col. 1039. D. F. Strauss, 
Leben Jesu, 4 e édit., in-8», Tubingue, t. i, p. 341, pense 
que, par suite d'une erreur chronologique, saint Luc a 
placé ce Lysanias au temps de Tibère et par conséquent 
l'a fait vivre soixante ans après sa mort. Les documents 
épigraphiques, prouvent qu'il n'en est rien. En effet, 
après la mort de Zénodore, fils de Lysanias I", les pays 




143. — Lyres et cithares grecques. D'après VArchâologische Zeitung, 1858, pi. cxv, flg. 2, 4, 6, 10. 



Nicolaus de Lyra und seine Stetlung in der MitteraU 
terlîchen Schrift-Erklârung, dans le Katholik, 1859, 
p. 934; Wading, Scriptores Ord. Minorum, p. 265; 
Id., Annales Minorum, t. n, ad a. 1291, § 20; Jean de 




147. — Cythare grecque. 
D'après VArchâologische Zeitung, 1858, pi. cxv, n. 7. 

Saint-Antoine, Biblioth. universelle franciscaine, t. Il, 
p. 388; Hain, Repert. bibliogr. (1831), i, 3163; ut, 9383, 
10363; Fabricius, Biblioth. latina médise œtatis, t. v 
(1858), p. 114; É. Frère, Le bibliographe normand, 
2 in-8», Rouen, 1857-1860, t. il, p. 263; U. Chevalier, 
Répertoire des sources historiques du moyen âge, t. I, 
col. 1367. B. Heurtebize. 

LYSANIAS (Autraviac), tétrarque d'Abilène. Lysanias 
était tétrarque d'Abilène la quinzième année de Tibère, 
au temps où saint Jean-Baptiste commença à prêcher 
sur les bords du Jourdain, c'est-à-dire vers l'an 26 après 
J.-C. Luc, in, 1. L'Abilène avait d'abord été comprise 
dans les territoires soumis à Ptolémée, fils de Menée, et 



qu'il gouvernait furent donnés à Hérode le Grand par les 
Romains. Lorsque mourut Hérode, l'ancien domaine de 
Zénodore fut divisé. Une partie, comprenant la Tracho- 
nitide et l'iturée, passa sous le gouvernement de Phi- 
lippe. Luc, m, 1; Josèphe, Ant. jud., XVII, xi, 4; 
Bell, jud., II, vi, 3. Une autre trétarchie fut formée du 
district d'Abila dans le Liban. Voir Abilêne, t. i, col. 50. 
Josèphe, Ant. jud., XVIII, vi, 10, parle de la trétrar- 
chie d'Abilène au temps de Caligula. D'après lui, ce 
prince la donna à Agrippa I" en l'an 37 après J.-C, et 
à cette occasion il l'appelle la tétrarchie de Lysanias. 
En 41 après J.-C. lorsque Claude agrandit le domaine 
d'Agrippa I er , Josèphe, Ant. jud., XIX, v, 1 dit encore 
qu'il lui donna l'Abila de Lysanias. Après la mort d'A- 
grippa I er , le territoire fut pendant quelque temps 
administré par des procurateurs romains, mais, en 53, 
Claude la donna à Agrippa II, en même temps que la 
tétrarchie de Philippe. Josèphe, Ant. jud., XX, vu, 1. 
Il y avait donc une tétrarchie d'Abilène contemporaine 
de la tétrarchie de Philippe et elle avait été sous le gou- 
vernement d'un Lysanias. Il est impossible d'admettre 
qu'il s'agisse de Lysanias I er ; celaici possédait, en effet, 
à la fois le territoire qui fut plus tard soumis à Philippe 
et l'Abilèné, il n'y avait donc pas de séparation entre les 
deux, pays, de plus sa capitale était Chalcis. Il s'agit 
donc d'un second Lysanias qui fut tétrarque d'Abilène, 
au temps où Philippe gouvernait l'iturée, ce qui corres- 
pond entièrement au texte de saint Luc. Une inscription 
trouvée par R. Pococke à Abila en 1737 confirme ces 
données. Elle est dédiée au Salut des Augustes par un 
affranchi d'un tétrarque nommé Lysanias; or, cette for- 
mule ne peut s'appliquer qu'à Tibère et à Livie, car 
après eux, il faudrait descendre jusqu'à Marc-Aurèle et 
Lucius Verus, époque où tout souvenir des Lysanias 
avait disparu. De son vivant, Auguste fut seul à porter 
ce titre; Livie, après la mort de son mari, prit le titre 
d'Augusta et le porta jusqu'à sa mort en même temps 
que Tibère s'appelait Auguste. L'inscription doit donc 
être datée d'une année placée entre l'an 14 où mourut 
Auguste et l'an 29 où mourut Livie. Il y avait donc à 
cette époque, c'est-à-dire exactement au temps où saint 
Luc en parle, un tétrarque d'Abilène nommé Lysanias. 
Corpus inscript. Grœc, t. Ii(, n. 4521, addenda, p. 1174. 
Cf. E. Renan, Mémoire sur la dynastie des Lysanias 
d'Abilène, dans les Mémoires de l'Académie des 1ns- 



457 



LYSANIAS — LYSIAS 



458 



criplions, t. xxvi, part. 2, 1870, p. 67-69. On ne peut 
savoir auquel des Lysanias appartiennent les monnaies 
qui portent la légende Auaocvfou zzzfiipxov xa't àp^tEpéw; ; 
Head, Bistoria numorum, p. 655. Voir Abilène, t. i, 
fi g. 5, col. 50. 

Bibliographie. — Outre le mémoire d'E. Renan : 
E. Kuhn, Die stâdtische und burgerlicke Verfassung des 
rômischen Reichs, in-8°, Leipzig, 1865, t. Il, p. 169-174; 
De Saulcy, Recherches sur les monnaies des lélrarques 
héréditaires de la Chalcidéne et de V 'Abilène, dans les 
Wiener numismatische Monatsfiefte d'Egger, t. v, 
part. 1, 1869, p. 1-34. Cf. Reichhardt, Zeitschrift fur 
Numismatik, 1870, t. il, p. 247-250; E. Schurer, Ges- 
chichte des Jûdischen Volkes im Zeitalter Jesu-Christi, 
2^ édit., t. i, in-8», Leipzig, 1890, p. 254, 296, 595, 598, 
463-492, 462, 600-604 ; F. Vigouroux, Le Nouveau Testa- 
ment et les découvertes archéologiques modernes, 2 e édit., 
Paris, 1896, p. 131-141. E. Beurlier. 

LYSIAS, nom d'un général syrien et d'un tribun 
militaire romain. 

1. LYSIAS (grec : Avalai), général syrien. Lysias 
joui un rôle considérable dans les guerres des rois de 
Syiie contre les Juifs, au temps des Machabées. Après 
son départ pour la guerre contre les Perses, c'est-à-dire 
contre les Parthes, Antiochus IV Épiphane laissa en 
Syrie Lysias pour gouverner le royaume et être le tuteur 
de son fils Antiochus qui devint plus tard Antiochus V 
Eupator. I Mach., ni, 31-33; vi, 17. Il est appelé par la 
Bible, homme illustre, de race royale ou parent du roi. 
I Mach., m, 32; II Mach., xi, 1. Le terme exact est 
celui qui est employé dans ce dernier passage ouyvévkiç; 
cela ne signifie pas qu'il était uni au roi par les liens 
du sang; c'était un titre que les Séleucides et les 
Ptolémées donnaient à des personnages de haut rang, 
comme les souverains modernes leur donnent celui de 
cousins.W. R. Waddington, Inscriptions d'Asie Mineure; 
Lebas et Waddington, Voyage archéologique, t. m, 
n«= 2757, 2781, 2796; Journal of Hellenic Studies, 1888, 
t. H, p. 225, 226, 228, etc. Cf. Oberhummer, Griechische 
lnschriften aus Cypern, dans les Sitzungsberichte der 
K. Bayer. Akadem. der Wissenschaften zu Mùnchen, 
1888, t. i, p. 305; E. Beurlier, De divinis honoribus quos 
acceperunt Alexander et successores ejus, in-8°, Paris, 
1890, p. 63, 79. Ses fonctions sont désignées par les 
mots ÈTtîtpoitoç, procurateur, et i%\ tûv TtpaytiâTwv, chargé 
des affaires, c'est-à-dire ministre du roi. Cf. II Mach., 
xni, 2. Dans II Mach., x, 11, Lysias est appelé, au 
moment où Antiochus V Eupator commença à régner, 
<TTpaT7ifôç icpoTixpxo?, c'est-à-dire commandant en chef 
de l'armée de Phénicie et de Syrie, ou plus exactement 
de Célœsyrie, selon la variante du Codex Alexandrinus. 
Lysias eut sous ses ordres la moitié de l'armée syrienne 
avec des éléphants et reçut les instructions du roi pour 
l'extermination des Juifs, il devait établir dans leur 
pays des colons étrangers et distribuer leurs terres au 
sort. I Mach., m, 34-37; Josèphe, Antiq. jud., XII, vu, 
2. Lysias préposa à l'expédition Ptolémée, fils de 
Dorymne, Nicanor et Gorgias, et leur confia 
40000 fantassins et 7000 cavaliers. I Mach., m, 38-39; 
Josèphe, Ant. jud., XII, vu, 3. Après la défaite de 
ces généraux par Judas Machabée, voir Judas, t. m, 
col. 1794, Lysias entra lui-même en campagne dans 
l'automne de l'an 165 avant J.-C. avec 60000 hommes 
d'élite et 5000 cavaliers. Au lieu d'attaquer directement 
la Judée par le nord, il y pénétra par le sud, par la 
voie de l'Idumée. La bataille s'engagea près de Bethsur, 
que la Vulgate appelle Bethoron. Lysias fut complète- 
ment défait par Judas et perdit 5000 hommes. I Mach., 
iv, 28-34. Voir Béthoron, t. r, col. 1703; Bethsur 1, 
t. i, côl. 1746; Judas, t. m, col. 1796. Antiochus IV 
irrité retira sa confiance à Lysias et, en mourant, choisit 



à sa place pour tuteur de son fils, un autre de ses 
généraux nommé Philippe. I Mach., VI, 5, 14-17. Lysias 
apprit la mort d'Antiochus IV et, sans tenir compte de 
la nomination de Philippe, fit monter Antiochus V 
Eupator sur le trône, comme s'il était toujours son 
tuteur. I Mach., vi, 17. Il n'avait pas perdu de temps 
pour reconstituer une armée formidable composée de 
80000 hommes et de toute la cavalerie, et avec elle, en 
164, il entreprit une seconde campagne. Il attaqua de 
nouveau Bethsur, fut encore défait et n'échappa lui-même 
à la mort que par la fuite. II Mach., xi, 1-2, 5, 12. En 
homme intelligent, il comprit qu'il fallait faire la paix 
et promit à Judas d'intervenir auprès du roi de Syrie 
pour que celui-ci accédât à toutes les demandes des 
Juifs. Bientôt Lysias envoya aux Juifs une lettre dans 
laquelle il leur annonçait qu'en effet Eupator accordait 
tout ce qu'avaient demandé leurs ambassadeurs; la 
lettre était datée du 24 Dioscore de l'an 148 des Séleu- 
cides, c'est-à-dire de l'an 164 avant J.-C. Voir Dioscore, 
t. h, col. 1458. A cette lettre était jointe la copie d'une 
lettre d'Antiochus à Lysias, et une autre d'Antiochus 
aux Juifs. II Mach., xi, 1-33. Voir Judas 3, t. m, col. 1796. 
La paix conclue, Lysias retourna vers le roi. II Mach., 
xil, 1. Cette paix fut de courte durée. En 163, Lysias et 
Antiochus rentrèrent en Judée. Leur armée comptait 
cette fois environ 100000 fantassins, une nombreuse 
cavalerie et des éléphants. II Mach., xm, 2. Passant 
toujours par l'Idumée, ils assiégèrent Bethsur, livrèrent 
bataille aux Juifs à Bethzachara. Bethsur dut capituler 
et Jérusalem fut assiégée. I Mach., vi, 18-52; II Mach., 
xm, 1-22; Josèphe, Ant. jud., XII, ix, 3-5; Bell, jud., 
I, i, 5. Cependant Lysias apprit que Philippe, revenu de 
Perse avec l'armée qu'Antiochus IV avait conduite dans 
ce pays, cherchait à s'emparer de la direction des 
affaires et à le supplanter. Il hâta la conclusion de la 
paix avec les Juifs, retourna à Antioche et reprit la ville 
à Philippe. I Mach., vi, 55-63; II Mach., xm, 23. En 
route, Lysias apaisa les habitants de Ptolémaïde, inquiets 
du traité de paix signé avec les Juifs. II Mach., xm, 25- 
26; Josèphe, Ant. jud., XII, ix, 7. Lorsque Démétrins, 
fils de Séleucus IV Philopator, revint de Rome, en 162, 
et s'empara du trône de Syrie, l'armée se saisit de 
Lysias en même temps que d'Antiochus V pour les 
livrer à leur adversaire, puis, sur l'ordre de Démétrius, 
les massacra tous les deux. I Mach., vu, 1-4; II Mach., 
xiv, 2 ; Josèphe, Ant ■ jud., XII, x, 1 ; Tite Live, Epist., 
xlvi; Appien, Syriac, 47. "Voir Antiochus 3, t. i, 
col. 698; Antiochus 4, t. i, col. 700. 

E. Beurlier. 
2. LYSIAS Claudius (grec : KXauSt'o; Ayaioç), tribun 
militaire romain. Lysias commandait la cohorte chargée 
de garder la tour Antonia, voir Antonia, t. i, col. 712, 
au moment où les Juifs s'ameutèrent contre saint Paul, 
sous le faux prétexte qu'il avait introduit un païen dans 
le Temple. Informé du tumulte, Claudius fit sortir des cen- 
turions et des soldats et courut vers la foule. A la vue 
du tribun et des soldats, les agresseurs de saint Paul 
cessèrent de le frapper. Le tribun s'approcha alors de 
l'apôtre et le fit lier de deux chaînes. Il demanda ensuite 
qui il était et ce qu'il faisait. Comme la foule continuait 
à crier et que le tumulte ne permettait pas de se rendre 
compte des griefs que les Juifs avaient contre saint Paul, 
Lysias lé fit mener dans la citadelle. Les soldats durent 
le porter, à cause de là violence des assaillants qui pous- 
saient des cris de mort. Au moment d'être introduit 
dans la tour, saint Paul dit au tribun : « M'est-il permis 
de te dire quelque chose? » Le tribun répondit : « Tu 
sais le grec. Tu n'es donc pas cet Égyptien qui s'est 
révolté dernièrement et qui a emmené dans le désert 
4000 brigands ? i, Act., xxi, 31-37. Lysias, en effet, pen- 
sait avoir mis la main sur un chef de sicaires originaire 
d'Egypte et de qui parle Josèphe, Bell, jud., II, xm, 5. 
C'eût été pour lui une capture de premier ordre, car 



439 



LYSIAS 



LYSTRE 



460 



ce personnage avait environ 30000 hommes sous s» dé- 
pendance. C'était surtout à l'époque des fêtes que ses 
affidés se montraient et l'on était alors au temps de la 
Pentecôte. Josèphe, Bell, jud., II, xih, 3, 4. « Je suis 
Juif, reprit saint Paul, de Tarse en Cilicie, citoyen d'une 
ville qui n'est pas sans importance. » Apprenant son 
erreur, Lysias permit à l'apôtre de haranguer le peuple; 
Aict., xxi, 39-40. Paul ayant, dans son discours, parlé 
dtes Gentils, le tumulte recommença et le tribun dut 
te faire entrer dans la tour. Pour savoir le motif qui 
causait une telle indignation dans le peuple il ordonna 
d'infliger au prisonnier la torture du fouet. Saint Paul 
dit au centurion chargé de l'exécution : « Vous est-il 
permis de battre de verges un citoyen romain qui n'est 
même pas condamné? » En entendant ces mots, le cen- 
turion avertit Lysias. Le tribun accourut aussitôt et dit 
à saint Paul : « Es-tu Romain? — Oui, » répondit 
celui-ci. Le tribun ajouta : « C'est avec beaucoup d'ar- 
gent que j'ai acquis ce droit de cité. — Et moi, dit saint 
Paul, je le suis par ma naissance. i> Aussitôt ceux qui 
devaient lui donner la question se retirèrent et le tribun, 
voyant que saint Paul était Romain, fat saisi de crainte 
parce qu'il l'avait fait lier. Act., xxn, 24-29. Voir Citoyen 
homain, t. il, col. 789. Lysias ne savait toujours pas 
quel genre d'accusation pesait sur saint Paul et il tenait 
à se renseigner sur ce point. Aussi le lendemain, il le 
délivra de ses liens et le fit conduire devant le Sanhédrin. 
Act., xxn, 30. Cependant quarante Juifs s'engagèrent par 
vœu à ne rien manger jusqu'à ce qu'ils eusfent tué 
l'apôtre et allèrent trouver les chefs des prêtres pour 
que, d'accord avec le Sanhédrin, ils priassent Lysias de 
le conduire devant cette assemblée. Une fois là, ils se 
chargeaient de le mettre à mort. Act., xxui, 15. Averti 
par son neveu, Paul pria un centurion de conduire le 
jeune homme au tribun. Lysias lui recommanda de 
garder le secret et il donna ordre à deux centurions de 
tenir prête-pour la troisième heure de la nuit, une es- 
corte composée de deux cents soldats, soixante-dix cava- 
liers et deux cents hommes armés à la légère, pour con- 
duire saint Paul à Césarée, auprès du procurateur Félix. 
En même temps, il écrivit à celui-ci une lettre dans la- 
quelle il l'informait que le prisonnier était citoyen ro- 
main, que les Juifs lui en voulaient à la suite de discus- 
sions religieuses, mais qu'il n'avait commis aucun crime 
qui méritât la mort ou même la prison. Il l'envoyait au 
procurateur pour le soustraire aux embûches de ses en- 
nemis et, en même temps, il leur faisait savoir qu'ils 
eussent à s'adresser eux-mêmes à Félix. Act., xxm, 16-30; 
xxiv, 7. La lettre devait être écrite en latin et les Actes 
n'en donnent qu'une traduction ou une analyse. Lysias 
arrange un peu les événements lorsqu'il dit qu'il a voulu 
délivrer saint Paul de ses agresseurs parce qu'il avait 
appris qu'il était citoyen romain, mais on comprend fa- 
eilement pourquoi il se donne ce rôle en écrivant au gou- 
verneur de la province. Lorsque les Juifs eurent formulé 
leurs griefs devant Félix, celui-ci les ajourna jusqu'au mo- 
ment où Lysias viendrait à Césarée. Act., xxiv, 23. Clau- 
dius Lysias était citoyen romain, il avait acheté son titre 
pour une somme considérable, lui-même le dit. Act. , xxn, 
28. Nous savons en effet que la femme et les affranchis de 
Claude vendaient couramment le droit de cité romaine. 
Dion Cassius, LX, xvn, 6. Le nom de Claudius que porte 
Lysias, montre que c'est par eux qu'il l'avait obtenu. Voir 
Citoyen romain, t. n, col. 790. Il avait le grade de tribun, 
c'est-à-dire de commandant de cohorte. La troupe qu'il 
avait sous ses ordres était un corps d'auxiliaires, de celles 
qu'on appelait milliariie equitatœ, c'est-à-dire qui étaient 
composées de mille hommes et qui avaient de la cavale- 
rie. Voir Cohorte, t. n, col. 827. Elle tenait garnison à la 
tour Antonia (appelée dans le texte Ttopeti6oXr,; Vulgate, 
castra). Act., xxi, 34, 37; xxii, 24; xxiii, 10, 32. Voir 
Antonia, t. i, col. 712; Wensdorf, Claudii Lysise oratio, 
in-8, Helmstedt, 1743. E. Beurlier. 



LYSIMAQUE, nom de deux Juifs. 

1. LYSIMAQUE (grec : Au<rt'|iaxoç), Juif de Jérusalem, 
traducteur de la lettre des Phurim. Esther, xi, 1. La 
version des Septante du livre d'Esther se termine par la 
phrase suivante : « L'an 4 du règne de Ptolémée et de 
Cléopâtre, Dosithée, qui se disait prêtre et de la race de 
Lévi, et Ptolémée, son fils, apportèrent la lettre des 
Phurim qui précède, qu'ils disaient exister et avoir été 
traduite par Lysimaque de Jérusalem, fils de Ptolémée. » 
La Vulgate reproduit cette mention, Esther, xi, 1, en 
supprimant le mot eïvail C'est là évidemment une anno- 
tation des Juifs d'Alexandrie qui ont voulu conserver un 
souvenir du présent qui leur avait été fait. La lettre 
des Phurim, c'est la lettre de Mardochée analysée dans 
Esther, ix, 20-22, à la suite de laquelle fut instituée la 
fête des Phurim ou des Sorts. Voir Phurim. C'est aussi 
la seconde lettre écrite par Esther et par Mardochée 
pour confirmer la première et envoyée aux Juifs des 
cent vingt-sept provinces du royaume d'Assuérus. Esther, 
IX, 29-32. S'agit-il de la traduction du texte complet de 
ces lettres ou de l'une d'elles, ou encore de celle du 
livre d'Esther, il est difficile dé le dire. Dan* le premier 
cas, la mention des Septante nous laisse le regret de ne 
pas posséder le document que leur avaient apporté Dosi- 
thée et Ptolémée; dans le second, Lysimaque serait le 
traducteur du livre d'Esther. La première hypothèse 
parait la plus vraisemblable, d'après le texte grec qui 
dit que la lettre des Phurim existe. Cette indication a, 
en effet, un sens très clair s'il s'agit du texte de la lettre. 
Le livre d'Esther n'en donne que l'analyse; il est inté- 
ressant, dans ce cas, de signaler l'existence du texte 
même à Jérusalem et l'envoi d'une traduction à Alexan- 
drie. Tandis qu'au contraire on ne voit pas pourquoi on 
noterait à la fin d'un livre que ce livre existe. La date de 
l'an 4 du règne de Ptolémée et de Cléopâtre est vague. 
Il y a en eflet quatre Ptolémées qui ont eu des femmes 
du nom de Cléopâtre : Ptolémée V Épiphane, 204-181 
avant J.-C.; Ptolémée VII Philomator, 181-146; Ptolé- 
mée IX Évergete II Physcon, 146-117, et Ptolémée X 
Philométor Soter II, 117-81. E. Beurlier. 

2. LYSIMAQUE, frère du grand-prêtre Ménélas. Lors- 
que celui-ci fut mandé par Antiochus IV Épiphane 
parce qu'il ne payait pas au roi la somme qu'il avait 
promise pour obtenir le souverain pontificat, il laissa à 
sa place à Jérusalem son frère Lysimaque. II Mach., rv, 
29. Le texte grec dit qu'il fut le 6ià8o-/oç de Ménélas; la 
Vulgate traduit ce mot par succedente. Il semble 
cependant que Lysimaque ne fat que le remplaçant 
intérimaire de son frère. Celui-ci, en effet, continue à 
agir comme grand-prêtre. II Mach., iv, 32; v, 5. Lysi- 
maque, sur le conseil de son frère, commit de nom- 
breux sacrilèges; le bruit s'en répandit et la foule 
s'ameuta contre lui. Pour réprimer le soulèvement, il 
arma trois mille hommes à qui il donna pour chef un 
certain Auranos, nom que la Vulgate a traduit par 
tyrannus, selon la leçon de certains manuscrits qui 
donnent Tupiwoç. II Mach., rv, 39-40. La foule, encore 
plus irritée, attaqua la troupe de Lysimaque à coups de 
pierres et de bâtons, jeta de la cendre sur Lysimaque, mit 
ses partisans en fuite et le tua lui-même près du trésor. 

E. Beurlier. 
1, LYSTRE (grec : A-Jutpa), ville de Lycaonie. Saint 
Paul évangélisa Lystre dans sa première mission. Fuyant 
Icône, où une partie de la population, ameutée par les 
Juifs, voulait les lapider, saint Paul et saint Barnabe se 
réfugièrent dans les villes de Lycaonie et pénétrèrent 
d'abord à Lystre. Là, ils rencontrèrent un boiteux à qui 
saint Paul rendit l'usage de ses jambes. Les habitante 
émerveillés s'écrièrent en lycaonien que les dieux étaient 
descendus vers eux. Ils appelèrent Barnabe Jupiter et 
Paul Mercure. Le prêtre du temple de Jupiter, situé à 



461 



LYSTRE 



462 



l'entrée de la ville, amena des taureaux avec des bande- 
lettes et voulait les sacrifier aux Apôtres. Voir ,t. m, 




— Monnaie de Lystre. 
1MPE AVGVSTI... Tête d'Auguste, à gauche. — R). Pontife 
conduisant deux zébus, à gauche. Au-dessus : COL IVL || 
FEL G[EM] ; au-dessous : LUSTRA. 

fig. 315, col. 1867. Les Apôtres, ayant appris son dessein, 
déchirèrent leurs vêtements, s'efforcèrent de faire com- 



de synagogue à Lystre, mais il y avait des Juifs. La po-^ 
pulation judaïque vivait très mélangée aux païens, 
puisque la mère de Timothée avait épousé un Grec et 
que son fils n'était pas circoncis. Act., xvi, 1-4, Le texte 
grec et la Vulgate donnent l'un et l'autre deux décli- 
naisons différentes des mots AjdTpa et Lystra. Le datif 
est celui du pluriel neutre A-jcrrpoiç, Lystris, Act., xrv, 
7; xvi, 2; II Tim., m, 11, l'accusatif celui du féminin 
singulier AûdTpav, Lystram. Act., xiv, 6, 21; xvi, 1; 
xxvii, 5. Cette double déclinaison existe aussi pour 
Lydda. Act., ix, 32, 38. 

Lystre est placée par Pline, H. N., v, 42, dans la 
Galatie; par Ptolémée, v, i, dans l'isaurie, mais la Ly- 
caonie faisait partie de la province de Galatie, et l'isau- 
rie était une partie de la Lycaonie. Strabon, XII, vi, 2-3. 
Voir Lycaonie, t. m, col. 437. Cette ville existait certai- 
nement avant la conquête romaine, quoiqu'elle ne soit 
pas nommée dans Strabon, mais elle n'acquit quelque 
importance qu'à partir du jour où Auguste y fonda une 




149. — Site de Lystre (Khaiin Serai). — D'après Ramsay, Tfte Church in the Roman Empire, p. 47. 



prendre à la foule qu'ils étaient des hommes et qu'il 
fallait n'adorer que le Dieu vivant, créateur du ciel et 
de la terre. Ils eurent peine à convaincre la foule. L'ar- 
rivée des Juifs d'Antioche et d'Icône changea la face 
des choses. La foule lapida saint Paul et le laissa à demi 
mort. Sauvé par ses disciples, il rentra dans la ville 
qu'il quitta le lendemain. Act., xiv, 8-20. Voir Jupiter, 
t. m, col. 1867. Il repassa à Lystre, en revenant à An- 
tioche. Act., xrv, 21. Saint Paul revint encore à Lystre, 
en compagnie de Silas, dans sa deuxième mission, 
après l'assemblée de Jérusalem. C'est là que, sur le bon 
témoignage des frères, il prit avec lui Timothée, origi- 
naire de cette ville, après l'avoir circoncis. Act., xvi, 
1-3: L'apôtre rappelle la persécution qu'il eut à souffrir 
à Lystre dans II Tim., ni, 11, Il n'est pas fait mention 



colonie qui fit partie du système de défenses militaires 
de la Galatie du Sud. Cette colonie dédia un monument 
à Auguste divinisé. Elle porte sur l'inscription dédica- 
toire le nom de Colùnia lul(ia) Félix Gemina Lustra. 
J. R.^tiHington Sterrett, The Wolfe expédition to Asia 
Miner, in-8», Boston, 1888, n. 242, p. 142; Corpus inscr. 
latin., t. m, Suppl., fasc. î, n. 6787. Dans la collec- 
tion Waddington, acquise en 1897 par le Cabinet des 
médailles, une monnaie de Lystre (fig. 148) du temps 
d'Auguste porte au revers l'inscription Col(onia) Iul(ia) 
Fel(ix) G[em](ina) Lystra. E. Babelon, Inventaire som- 
maire de la collection Waddington, in-8°, Paris, 
1898, p. 274, n. 4790. La même inscription, en partie ef- 
facée, se trouve sur une monnaie de Titus. Ibid., n. 4791. 
W. Ramsay en signale deux autres, l'une dans la col- 



463 



LYSTRE 



464 



Iection du D r Imhoof-Blumer, et l'autre au British Mu- 
séum. W. Ramsay, The Church in the Roman Empire, 
3« édit., in-8», Londres, 1894, p. 49. 

Le site de Lystre a été soupçonné pour la première 
fois en 1820 parle colonel Leake. Ce voyageur pensa qu'il 
fallait le chercher à Khatyn Serai, à 20 kilomètres en- 
viron au sud d'Icône. W. Leake, Journal of a tour in 
Asia Minor, in-8", Londres, 1824, p. 101-103. En 1882, 
M. Ramsay voyagea dans cette région, en compagnie de 
Sir C. Wilson, avec l'espoir de découvrir la ville. Ils 
trouvèrent, en effet, près du village turc, une grande 
quantité d'inscriptions latines. M. Ramsay, se fondant 
sur le fait qu'aucun document connu jusque-là n'indiquait 
que Lystre eût été une colonie romaine, pensa qu'il 
fallait chercher ailleurs; M. C. Wilson persista à croire 
qu'on était sur la bonne piste, mais ils ne purent pous- 
ser plus avant leurs fouilles. En 18<35, M. Sterrett dé- 
couvrit l'inscription mentionnée plus haut. Elle prou- 
vait que Lystre était une colonie romaine et que les 
ruines en présence desquelles on se trouvait étaient 
celles de cette ville. Une autre inscription trouvée par 
le même savant à Antioche de Pisidie lui donnait la 
même appellation. J. R. Sterrett, The Wolfe expédition 
to Asia Minor, n. 352, p. 219. La position exacte de Lystre 
est sur une colline située à 1500 mètres environ au nord 
du village moderne, au centre de la vallée (flg. 149). Cette 
colline s'élève de 40 à 50 mètres au-dessus de la plaine. 
Peu de traces des anciennes constructions apparaissent 
à la surface. Près de là, est une petite église en ruines, 
qui ne parait pas remonter à une très haute antiquité. 
A côté de l'église, est une voûte, sous laquelle coule une 
fontaine, que les Turcs appellent Ayasma, à-(itxay.<x, 
nom générique qu'ils donnent aux fontaines regardées 
comme sacrées par les chrétiens. La situation était tout 



à fait propre à l'établissement d'une ville fortifiée, ca- 
pable de tenir en échec les tribus belliqueuses du sud. 
Jusqu'à présent on n'a découvert aucune trace du 
temple de Jupiter hors de la ville, dont le prêtre voulut 
offrir un sacrifice aux Apôtres. MM. Hogarth, Headlam 
et Ramsay l'ont vainement cherché en 1890. Le piédestal 
de la statue d'Auguste était probablement resté en place 
et devait avoir été érigé dans l'enceinte du temple 
principal de la ville, comme YAugusteum d'Éphèse 
était dans l'enceinte du temple d'Artémis. L'inscription 
d'Antioche nous montre que Lystre était dans les meil- 
leurs termes avec cette colonie qu'elle appelle sa sœur, 
et à qui elle fait don d'une statue de la Concorde. W. 
Ramsay, The Church in the Roman Empire, p. 47-54. 
L'étude du Codex Bezss des Actes est particulièrement 
intéressante pour le séjour de saint Paul à Lystre. On y 
trouve de nombreuses variantes, dont la principale est 
la suivante, XIV, 13, ot & tepst'ç toù ovto; Aioç rcpô rcôXew; 
Taôpou; xai ffTÉ[i[iaTa in\ toi»; miXwva; iviyy.mzt<;, erJV toïç 
o'x>otç t,0eXov èmOôetv. Les prêtres sont désignés au plu- 
riel et le dieu est appelé Zeus Propoleus. F. Rlass, 
Acia Apostolorum, in-8°, Gœtlingue, 1895, p. 159-161 ; 
W. Ramsay, The Church in the Roman Empire, p. 52-54 ; 
Id., Saint Paul the Traveller and the roman Citizen, 
in-8», Londres, 1895, p. 114-119. E. Beurlier. 

2. LYSTRE. Dans un certain nombre de manuscrits 
on lit dans Act., xxvn, 5, le nom de Lystre à la place 
de celui de Myre en Lycie. Cette leçon a été adoptée par 
la Yulgate qui traduit par Lystra. On ne connaît pas de 
ville de ce nom en Lycie, la vraie leçon est donc Myra 
que donnent les meilleurs manuscrits. Voir F. Rlass, Acta 
Apostolorum, in-8°, Gœttingue, 1895, ad xxvn, 5, p. 273. 
Cf. ad xxi, i, p. 224. Voir Myre. E. Beurlier, 



M 



M, treizième lettre de l'alphabet hébreu. Voir Mek. 

MAA (hébreu : Md'ai; les Septante ont divisé ce 
nom en deux : 'Ia|iâ et 'Aiot), un des prêtres qui, lors 
de la dédicace du rétablissement des murs de Jérusa- 
lem, du temps de Néhémie, prirent part à cette fête en 
jouant de la trompette. II Esd., xii, 35 (hébreu, 36). 

MAACHA (hébreu : Ma'âkâh), nom de neuf per- 
sonnes et d'un royaume araméen. Comme nom de per- 
sonne, il a été porté par des hommes et par des femmes. 

1. MAACHA (Septante : Mo^à), le quatrième des en- 
fants que Nachor eut de Roma. Gen., xxn, 24. C'était 
probablement un fils, puisque le texte ne dit pas expres- 
sément que c'était une fille, mais certains commenta- 
teurs mettent le fait en doute, Maacha étant un nom 
donné aux deux sexes. 

2. MAACHA (Septante : Maa^â), une des femmes de 
David. Elle était fille de Tholmaï, roi de Gessur, et fut 
la mère d'Absalom et de Thamar. II Reg., ni, 3; 

I Par., m, 2. Voir Gessur, t. m, col. 221. 

3. MAACHA (Septante : Maa^i), père du roi Achis qui 
régnait à Geth, dans le pays des Philistins, lorsque 
Séméi alla dans cette ville à la poursuite de ceux de ses 
esclaves qui s'étaient enfuis. III Reg., n, 39. Le père 
du roi philistin Achis, mentionné I Reg., xxvn, 2, est 
appelé Maoch (hébreu : Ma'ôk). La différence d'ortho- 
graphe est trop peu importante pour qu'on soit obligé 
d'y voir deux noms différents. Cf. Achis, t. i, col. 144. 
Plusieurs commentateurs admettent, il est vrai, un 
Achis, fils de Maoch, et un second Achis, fils de Maacha; 
mais leur sentiment est peu probable. 

4. MAACHA (Septante : Maa;^, III Reg., Xv, 2; 'Àvâ, 
III Reg., xv, 9, 13), fille d'Abessalom ou Absalom (voir 
t. i, col. 37), femme de Roboam, roi de Juda, et mère 
d'Abiam. III Reg., xv, 2; II Par., xi, 20. On admet 
communément que celui qui est nommé comme son 
père n'est pas autre qu'Absalom, fils de David, mais 
d'après le texte sacré, II Reg., xiv, 27, Absalom semble 
n'avoir eu qu'une fille appelée Thamar; on doit donc 
prendre le mot « fille » dans le sens de « petite-fille ». 
C'est également dans l'acception de « grand'mère » qu'il 
faut entendre le titre de « mère » d'Asa, donné à la 
même Maacha. III Reg., xv, 10. Calmet et d'autres com- 
mentateurs distinguent deux Maacha, l'une mère d'Abiam 
et l'autre mère d'Asa; il est néanmoins plus probable 
que c'est une seule et unique personne. Nous lisons 

II Par., xm, que la femme de Roboam, mère d'Abia, 
était « Micliaïa, fille d'Uriel, de Gabaa ». Dans ce verset, 
le nom hébreu Mîkâyâhû est une altération de Ma'âkâh, 
et ce qui est dit de son père confirme qu'elle était la petite- 
fille et non la fille d'Absalom. Josèphe dit expressément, 
Ant. jud., VIII, x, 1, que Maacha était la fille de Tha- 
mar, fille d'Absalom. Cette explication concorde aussi 



avec la chronologie. Thamar, la fille d'Absalom, devait 
avoir une cinquantaine d'années à la mort du roi Salo- 
mon, son oncle. Roboam, le fils de Salomon, n'a donc 
pu épouser que la fille de Thamar. Elle était sa cousine, 
et il est dit qu'il l'aima plus que toutes ses autres femmes. 

II Par., xi, 21. Parmi les nombreuses épouses de son 
mari se trouvaient deux de ses parentes,descendant comme 
elle d'Isa! ou Jessé de Bethléhem : c'étaient Abihaïl, fille 
ou plutôt petite-fille d'Éliab, frère de David, et Mahalath, 
fille de Jérimoth, fils de David. II Par., xi, 18. Son fils 
Abiam ou Abia n'ayant régné que trois ans, Maacha con- 
serva sous le règne de son petit-fils Asa le rang de reine 
mère, rang important dans les monarchies orientales. 
Mais elle abusa de son influence et de son pouvoir pour 
favoriser l'idolâtrie. Asa commença ses réformes en la 
privant de la puissance dont elle avait abusé : « Il éloigna 
du gouvernement Maacha, sa mère, qui avait fait une 
idole (mifléséf) à Aschéra et il abattit (littéralement : 
coupa) cette idole et il la brûla dans le torrent de Cédron. » 

III Reg., xv, 13 (texte hébreu). Cf. II Par., xv, 16. La 
traduction de ces deux passages parallèles a été para- 
phrasée dans la Vulgate. La dignité de reine-mère 
qu'avait conservée jusqu'alors la femme de Roboam 
semble indiquer que la mère d'Asa était morte avant 
l'avènement de ce prince au trône, 

5. MAACHA (Septante : Mw^et), seconde femme du 
second rang (pilégés) de Caleb, fils d'Hesron. Elle eut 
pour fils Saber etTharana. I Par., n, 48. 

6. MAACHA (Septante : Mou^a), "ne des femmes de 
Machir. IPar., vu, 15-16. Le texte original est altéré dans 
ce passage et très difficile à expliquer. Voir Machir 1. 

7. MAACHA (Septante : Mo«x«; Alexandrinus : Mao^â), 
femme d'Abigabaon ou plutôt de Jéhiel, surnommé Abi- 
gabaon, de la tribu de Benjamin. Voir Abigabaon, t. i, 
col. 47, et Jéhiel 2, t. m, col. 1219. Maacha eut plusieurs 
fils. IPar., vm, 29; ix, 35. 

8. MAACHA (Septante : Mo<i>x«; Alexandrinus :Max&), 
père de Hanan, qui fut un des compagnons de David et 
l'un de ses gibbôrîm ou vaillants. I Par., xi, 43. Voir 
Hanan 4, t. m, col. 418. 

9. MAACHA (Septante : .Maoc^â), père de Saphatias, 
qui fut ïè'chef de la tribu de Siméon sous le règne de 
David. I Par., xxvir, 16. 

10. MAACHA (Septante : dans II Reg., x, 6, 8 : 'A[«x- 
\é%; Alexandrinus : Maaxâjdansl Par.,xix,6: Maaj[â; 
Sinâiticus : Moa^â), petit royaume araméen, appelé 
aussi 'Aram Mâ'akâh, Eupi'ct Ma«x«i Syria Maacha. 
I Par., xix, 6. Il est désigné sous le nom de Machati 
par la Vulgate dans le Deutéronome et dans Josué. Voir 
Machati. 

1° Situation. — Saint Jérôme, De situ et nom., 
t. xxiii, col. 910, dit que « Machati (Maacha) était une 



467 



MAACHA — MAASIAS 



468 



ville des Amorrhéens, sur le Jourdain, près du mont 
Hermon ». D'après les données bibliques, le royaume 
de Maacha était, en effet, situé dans le voisinage et au 
sud de l'Hermon, à l'est du haut Jourdain et du lac de 
Tibériade, Jos., xn, 5; xm, 11, mais il est impossible 
d'en déterminer avec précision les limites. Nous savons 
aussi qu'il était limitrophe d'Argob, Deut., m, 14, à 
l'ouest de cette contrée, appelée Trachonitide au temps de 
Notre-Seigneur, aujourd'hui le Ledjah. "Voir Argob, 1. 1, 
col. 950. Maacha était également voisin de Gessur, et 
probablement au nord dece pays. Deut., m,14;Jos.,xn, 
5; xm, 11, 13. Maacha et Gessur formaient la frontière 
nord-ouest de Basan. Voir Gessur, t. m, col. 221. Si la 
ville d'Abel-Beth-Maacha (t. i, col. 31) était située dans 
le territoire de Maacha, comme plusieurs le supposent, 
ce royaume se serait étendu â l'ouest, jusqu'au Nahr 
Hasbani (voir t. m, col. 1715), et aurait eu pour limites 
au nord-est le mont Hermon et au sud-est Gessur, et 
aurait occupé une partie du Djaulan actuel. Voir Gau- 
lon, t. m, col. 117. Cf. ZeiUchrift des deutschen Palâs- 
tina Vereins, t. xn, 1889, p. 232-233; 1890, p. 285-286. 

2° Histoire. — 1° Maacha est mentionné une première 
fois dans le Deutéronome, ni, 14 (Vulgate : Machati), 
comme indication géographique des possessions de Jaïr, 
de la demi-tribu de Manassé transjordanienne, mais 
l'Écriture ne nous fait rien connaître nulle part de 
l'origine des Maacha tites. — 2» Josué, xn, 5, nous apprend 
que le royaume d'Og, roi de Basan, s'étendait jusqu'à 
Maacha. Au ch. xiii, 10, il énumère Maacha ou Machati 
parmi les territoires qui furent donnés aux Israélites; 
mais il constate, jl. 13, qu'ils ne chassèrent point les ha- 
bitants qui continuèrent à demeurer dans leur pays, — 
3° Le second livre des Rois, x, 6, nous montre que les 
Machatites étaient restés indépendants. Lorsque Hanon, 
roi des Ammonites, eut outragé les ambassadeurs que 
lui avait envoyés David pour le féliciter de son avène- 
ment au trône, il se hâta de recruter des troupes pour 
se mettre en état de résister aux Israélites, prévoyant 
qu'ils ne manqueraient pas de lui faire la guerre. Le 
roi de Maacha lui fournit mille hommes. Ce faible con- 
tingent indique que son royaume était de peu d'im- 
portance. Ses mille soldats furent mis en fuite par Joab 
avec les vingt-cinq mille Syriens de Rohob et de Soba 
et les douze mille d'Istob, qui avaient été recrutés par 
Hanon (t.in, col. 1010). II Reg., x, 6-9, 13; I Par., xix, 
■6 r 14. Après ce désastre, le nom de Maacha n'apparait 
plus dans l'Écriture, si ce n'est pour indiquer l'origine 
d'Éliphélet, un des braves de David, qui était fils d'Aas- 
baï et petit-fils d'un Machatite, II Reg.,xxm, 34, et celle 
de Jézonias, qui vivait du temps de Jérémie et était fils 
d'un Machatite appelé Osaïas. IV Reg., xxv, 23; Jer., XL, 
8. Voir Jézonias 1, t. m, col. 1537. Voir aussi Machati 
et Maachati. Dans I Par., iv, 19, un Machatite semble être 
donné comme le fondateur d'Esthamo. Voir Machathi. 

11. MAACHA, troisième élément du nom de la ville 
d'Abel-Beth-Maacha. La Vulgate a conservé le nom hé- 
breu complet dans II Reg., xx, 14, 15, mais en interca- 
lant à tort un et entre Abel (Abéla) et Beth-Maacha. Elle 
a traduit le second élément, beth, par « maison », Abel 
donucm Maacha, dans III Reg., xv, 20 et IV Reg., xv, 
29. Voir Abel-Beth-Maacha, t. i, col. 31. 

MAACHATI, MAACHATITE (hébreu : 1mm- 
Ma'âkdfî; Septante : Ma/aÛf, dans IV Reg.; Mwyaâî, 
dans Jer.), nom ethnique signifiant originaire du pays 
de Maacha. Le père de Jézonias, qui vivait à l'époque 
de la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, n'est 
désigné que par ce surnom de Maachalite, dans 
IV Reg., xxv, 23, et dans Jer., xl, 8, mais nousapprenons 
par Jer., xlii, 1, que son nom propre était Osaïas. Voir 
Jézonias 1, t. m, col. 1537. — Le nom ethnique que la 
Vulgate a rendu par Maachati, dans IV Reg., xxv, 23, et 



Jer., xl, 8, l'a été par Machati dans les autres livres de 
la Bible. Voir Machati. 

MÂADD1 (hébreu : Ma'âdai; Septante : MooSîa), 
descendant de Bani, qui, du temps d'Esdras, renvoya 
la femme étrangère qu'il avait épousée. I Esd., x, 34. 

MAALA (hébreu: Mahldh; Septante :MaXot, MaaXâ), 
l'atnée des cinq filles de Salphaad, de la tribu de Ma- 
nassé, qui, n'ayant point de. frères, réclamèrent à Moïse 
et obtinrent l'héritage de leur père. Num., xxvi, 33; 
xxvn, 1; xxxvi, 11; Jos., xvn, 3. Elle prit un mari de 
sa tribu. Num., xxxvi, 11. Voir Salphaad. 

MA ÂLÊH ADUMMÎM (Vulgate : Ascensio et 
Ascensus Adommim). Voir Adommim, t. i, col. 222. 

MA ÂLÊH AQRABBÎM (Vulgate : Ascensus Scor- 
pionis). Voir Acrabim, t. i, col. 151. 

MAARA (hébreu: Me'ârâh; omis dans les Septante, 
qui, au lieu de « Maara des Sidoniens », portent : êvav- 
ti'ov [Lagarde : àitô] rdc?i)c *a\ o\ EiStovtot), localité 
mentionnée dans Jos., xm, 4, comme appartenant aux 
Sidoniens. Plusieurs critiques croient le texte altéré en 
cet endroit; la leçon des Septante permet,, en effet, 
avec un léger changement de voyelle, de ramener l'hé- 
breu à : mê-'Azzâh, « depuis Gaza. » Avec une inversion 
rattachant EiSum'oi à 'Ayiv., l'on obtient un sens 
beaucoup plus naturel : « Toute la terre de Chanaan 
depuis Gaza jusqu'à Apheca des Sidoniens. » Cependant 
la leçon Me'ârâh peut être conservée. D'après quelques 
interprètes, c'est un nom de ville; toutefois, comme le 
mot me'ârâh signifie, en hébreu, «caverne, » on admet 
généralement qu'il s'agit ici d'une caverne ou d'un 
groupe de cavernes remarquables qui se trouvaient 
dans le territoire de Sidon. Il existe, en effet, à l'est de 
Sidon, sur les hauteurs du Liban, des cavernes natu- 
relles, appelées Maghara Djezzin, et auxquelles les 
indigènes donnent ordinairement le nom de Qal'at, 
« château, forteresse. » Creusées dans la paroi d'un 
rocher à pic, elles ont été agrandies et rendues acces- 
sibles artificiellement. Guillaume de Tyr en parle, à 
l'époque des croisades, sous le nom de Cavea de Tyruni ; 
il dit que cette Cavea, située sur le territoire de Sidon, 
est inexpugnable : Hist. rer. transm., xix, 11, t. cci, 
col. 759. On trouve aussi de ces cavernes près d'Adlun, 
sur la route de Tyr à Sarepta, Murray's Handbook for 
travellers in Syria and Palestine, 1868, p. 375, et un 
peu plus bas, non loin du Nahr el-Qasimiyéh. Duc de 
Luyn«s, Voyage d'exploration à la mer Morte, Paris 
(sans date), t. i, p. 25. Josué avait marqué Maara comme 
la limite septentrionale des conquêtes israélites dans cette 
région, mais aucune tribu n'étendit si loin ses posses- 
sions. — Voir C. Ritter, Erdhunde, Berlin, 1854, t. xvn, 
p. 99-100; Fr. Buhl, dans les Mittheilungen und Nach- 
richten des deutschen Palâstina-Vereins, 1895, p. 53-55. 

MAASAI (hébreu : Ma'esai; Septante : Maacrat'a), 
prêtre, fils d'Adiel, descendant d'Emmer, un de ceux 
qui habitèrent à Jérusalem après la captivité. I Par., ix, 
12. Voir Emmer 1, t. n, col. 1263. Maasaï est probable- 
ment le même que Amassai' de II Esd., xi, 13. Le père 
d'Amassaï est nommé Azréel et non Adiel, mais la forme 
de l'un de ces deux noms est probablement altérée. Voir 
Amassaï, t. i, col. 446; Adiel 2, col. 218; Azréel, 
col. 1311. 

MAASIAS, nom de plusieurs Israélites, dont le nom- 
bre ne peut être déterminé avec certitude, parce qu'il 
est impossible de savoir si quelques-uns de ceux qui 
sont mentionnés dans Esdras et dans Néhémie, sont le 
même personnage ou des personnages différents. Maa- 



MAASIAS — MABIRE 



470 



sias signifie « œuvre de Jéhovah ». Il est écrit en hébreu 
de deux façons différentes. La Vulgate transcrit ordi- 
nairement Maasias ; quelquefois, Maasia; une fois, Masia. 
Elle a rendu aussi par Maasias un nom dont l'ortho- 
graphe en hébreu est différente. Voir Maasias 15 et 18. 

1. MAASIAS (hébreu : Ma'âsêyâhû ; Septante : Maa- 
rsaia; Alexandrinus : Maam'a), lévite de la famille de 
Merari qui fit partie de la seconde classe, instituée par 
David pour remplir les fonctions de portiers du sanc- 
tuaire et pour jouer du nébel 'al 'âlâmôt (c'est-à-dire, 
probablement, pour chanter avec une voix de soprano) 
dans les cérémonies sacrées. I Par., xv, 18, 20. Voir 
Alamoth, t. i, col. 333. 

2. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâhû; Septante : Maa- 
<rat'a), fils d'Adaïâs, chef de cent hommes, que le grand- 
prêtre Joïada choisit avec quatre autres pour établir le 
jeune roi Joas sur le trône usurpé par Athalie. 
II Par., xxiii, 1. 

3. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâhû ; Septante : Maa- 
iriou), un des officiers de l'armée du roi de Juda Ozias. 
II Par., xxvi, 11. Le texte hébreu lui donne le titre de 
sôtër (Septante : xpi-r^ç, « juge; » Vulgate : doctor). 

4. MAASIAS (hébreu : Ma'âsêyâhû; Septante : Maa- 
iri'a), fils du roi Achaz. Il fut tué par Zéchri, « homme 
puissant d'Éphraïm, » avec deux autres personnages de 
la cour du roi de Juda, lorsque Phacée, roi d'Israël, 
envahit le royaume de Juda, II Par., xxvm, 7. Quelques 
interprètes supposent sans raison que Maasias n'était 
pas proprement un « fils du roi », mais que « fils de 
roi » est dans ce passage un titre de dignité. 

5. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâhû ; Septante : Mocoeira ; 
A lexandrinus ; Mocatriav), èar, « gouverneur. » de la 
ville de Jérusalem, qui fut chargé par le roi Josias de 
réparer le Temple. II Par., xxxiv, 8. D'après certains 
commentateurs, ce Maasias pourrait être le grand-père 
de Baruch, secrétaire de Jérémie, Jer., xxxn, 12, et de 
Saraïas, Jer., li, 59, mais l'orthographe des deux noms 
est différente en hébreu. Voir Maasias 18. 

6. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâh; Septante: Maanfa; 
Sinaiticus : Maa<r<jr]â; Vulgate : Maasia), prêtre de la 
famille de Josué qui, du temps d'Esdras, avait épousé 
une femme étrangère et tut obligé de la répudier. 
IEsd.,x, 18. 

7. MAASIAS (hébreu: Ma'âèêyâh; Septante : Alexan- 
drinus: Maueéa;; Vulgate : Maasia), prêtre de la iamille 
de Harim, qui vivait du temps d'Esdras et qui fut obligé 
de renvoyer une femme étrangère qu'il avait épousée. 
I Esd., x, 21. 

8. MAASIAS (hébreu: Ma'âèêyâh; Septante: Maasia; 
Vulgate : Maasia), prêtre, de la famille de Pheshur. 
Esdras lui fit renvoyer une femme étrangère qu'il avait 
épousée. I Esd., x, 22. 

9. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâh; Septante : Maaat'a), 
Israélite, des fils de Phahath Moab, qui avait épousé 
une femme étrangère et s'en sépara du temps d'Esdras. 
1 Esd., x, 30. 

10. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâh; Septante : Maa- 
<nou), fils d'Ananias et père d'Azarias. Ce dernier répara 
une partie des murs de Jérusalem du temps de Néhé- 
mie. II Esd., m, 23. 

11. MAASIA8 (hébreu : Ma'âèêyâh; Septante : Maa- 
ct'aj Vulgate : Maasia), un des Israélites qui se tenaient 



à la droite d'Esdras, pendant que celui-ci lisait au peuple 
le livre de la Loi. II Esd., vm, 4. 

12. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâh; Septante, omis 
dans la plupart des manuscrits et des éditions; Com- 
plute : Maadt'ocç; Vulgate : Maasia), un des prêtres qui 
expliquèrent la Loi au peuple, lorsque Esdras leur en 
fit la lecture. II Esd., vm, 7. La Vulgate traduit inexac- 
tement que les prêtres et les Lévites faisaient garder le 
silence au peuple. 

13. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâh; Septante : Mota- 
<ua; Vulgate : Maasia), un des chefs du peuple qui 
signèrent l'alliance avec Dieu du temps de Néhémie. 
II Esd., x, 25. 

14. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâh; Septante : Maa- 
<rîa; Vulgate : Maasia), fils de Baruch, de la tribu de 
Juda, de la branche de Phares, qui habita à Jérusalem 
après le retour de la captivité. II Esd., xi, 5. Il est pos- 
sible que ce soit le même qu'Asaïa de I Par., ix, 5, par 
suite de la chute du meni ou m initial. 

15. MAASIAS (hébreu : Ma 'âsêyâh; Septante: Maa- 
ciou). II Esd., xi, 7. La Vulgate écrit son nom Masia. Voir 
Masia. 

16. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâh; Septante : Ba- 
iratou; Maaaafou), prêtre, père de Sophonie, contempo- 
raine de Jérémie. Jer., xxi,l; xxix, 25; xxxvn, 3. Quel- 
ques-uns pensent que ce Maasias est aussi celui qui est 
appelé père de Sédécias, Jer., xxix, 21, ce dernier nom 
étant dans ce passage une corruption de Sophonie, mais 
cette identification n'est pas prouvée. Voir Sophonie 1. 

17. MAASIAS (hébreu : Ma'âèêyâh; omis dans les 
Septante), père du faux prophète Sédécias, du temps de 
Jérémie. Jer., xxix, 21. Voir Maasias 16. 

18. MAASIAS (hébreu : Mahsêyâh; Septante : Maa- 
craiov), nom du grand-père du prophète Baruch, secrétaire 
de Jérémie. Jer., xxxn, 12; li, 59; Baruch, i, 1. Ce nom, 
écrit comme les précédents dans les Septante et dans la 
Vulgate, a une orthographe différente en hébreu : n'ona, 
Mahsêyâh, au lieu de n'feiyo, Ma'eyasêyâh. 

T"-;- 

19. MAASIAS (hébreu : Ma'âsêyâhû; Septante : 
Maacoctou), fils de Sellum, un des portiers du temple. 
Il vivait du temps de Jérémie et le prophète conduisit 
un jour les Réchabites dans une chambre située au- 
dessus de celle de Maasias. Jer., xxxv, 4. La Vulgate 
appelle cette chambre thesawwni, « trésor. » 

MAAZIA (hébreu : Ma'azyâh, « Jéhovah est une 
forteresse; » Septante : Maaijia), un des prêtres qui si- 
gnèrent l'alliance avec Dieu dû temps de Néhémie. 
II Esd., x, 8. — Ma'azyâh est une forme contractée du 
nom suivant Ma'azyâhû (Vulgate : Maaziau). 

MAAZIAU (hébreu : Ma'azyâhû, «t Jéhovah est une 
forteresse; » Septante: Miatrai; Alexandrinus : MooiJâX), 
prêtre', ihêi de la vingt-quatrième et dernière famille 
sacerdotale instituée par le roi David. I Par., xxiv, 18. 

MABIRE Pierre-Hippolyte, ecclésiatique français, né 
à Vire (Calvados) le 21 décembre 1804, mort à Bayeux 
le 5 décembre 1884. Ordonné prêtre le 31 mai 1828, 
Mabire fonda, en 1850, dans le diocèse de Bayeux, auquel 
il appartenait, l'institution de Sainte-Marie-de-la-Mala- 
drerie, qu'il dirigea jusqu'en 1869. A cette date il fut 
nommé vicaire général de Bayeux, et il mourut dans 
l'exercice de cette fonction, — On a de lui : Les Psaumes 
traduits en français sur le texte hébreu, avec une intro- 



471 



MABIRE — MAGÉDA 



472 



diiction, des arguments et un appendice où sont expo- 
sées quelques vues nouvelles sur l'étude de la langue 
hébraïque, in-8°, Caen, 1868. 0. Rev. 

MABSAM (hébreu : Mibsâm; Septante : Ma»<rti(i), 
nom du quatrième des douze fils d'Ismaël. Gen., xxv, 
13; I Par., I, 29. Un Siméonite porte le même nom 
en hébreu. I Par., iv, 25 (la Vulgate a écrit son nom 
Mapsam). On a fait diverses hypothèses sur la tribu 
Israélite désignée sous le nom de Mabsam, mais on n'a 
pas réussi jusqu'ici à l'identifier. Quelques, assyriologues 
ont rapproché ce nom de celui de la tribu arabe des 
Manmani, nommé avec les Tantmudi dans un cy- 
lindre (ligne 20) de Sargon et dans ses Annales (Botta, 



et Élon (de Béthanan). Ces trois villes appartenant 
toutes à la tribu de Dan, il est naturel de supposer que 
Maccès, qui n'est nommée nulle autre part ailleurs, 
taisait aussi partie de cette tribu. Conder a proposé 
d'identifier Maccès avec Mahkus, à trois heures environ 
au nord-est d'Ascalon, mais cette identification a contre 
elle de placer Maccès trop au sud, en dehors de la tribu 
de Dan. T. K. Cheyne, Encyclopœdia biblica, t. M, 
1902, col. 2B06. 

MACÉDA (hébreu : Maqqêdâh; Septante : Max»)8î 
et MaxeSàv), ville royale chananéenne, Jos., XII, 16, 
dans la plaine de la Séphéla, Jos., xv, 41, qui fut donnée 
à la tribu du Juda. Elle est nommée la dernière dans le 




150. — Vue i'El-Mughar. D'après une photographie. 



5, 1. 3-5). Voir Schrader, Die Keilinschriften und das 
alte Testament, 2« édit., 1883, p. 277. 

MABSAR (hébreu : Mibsâr ; Septante : MàÇâp, 
Gen., xxxvi, 42; Baëadcp; Alexandrinus : Ma6<xàp, 
I Par., I, 53), chef ('allûf) des descendants d'Ésaû ou 
Édom. Il succéda à Théman et eut lui-même pour suc- 
cesseur Magdiel. Gen., xxxvi, 42-43; I Par., i, 53-54. Une 
des villes dépendantes de Pétra en Idumée portait le 
nom deMàSuapa. Eusèbe, au mot Mctuaptc, Onomastica 
sacra, édit. Larsow et Partliey, 1862, p. 278, 279; Re- 
tend, Palaestina, 1711, p. 930; Fr. Buhl, Ge&ckichte der 
Edomiter, in-8°, Leipzig, 1893, p. 38. 

MACCES (hébreu : Mâqas, « limite; » Septante : 
Maxé;; Alexandrinus : Maypaç), localité qui fut placée 
sous la dépendance de Bendecar (t. i, col. 1575), un des 
douze intendants que Salomon avait chargés de pourvoir 
aux dépenses de la table royale. III Reg., iv, 9. Il était 
préposé aussi sur trois autres villes, Salebim, Bethsamès 



second groupe de la plaine avec Gidéroth, Beth Dagoil 
et Naama. Jos., xv, 41. 

1° Histoire. — Cette ville n'apparaît qu'une fois dans 
l'histoire sainte, lors de la conquête de la Palestine, à 
l'occasion de la célèbre bataille de Béthoron. Josué, 
après avoir battu, près de Gabaon, les rois du sud du 
pays de Chanaan qui s'étaient alliés contre les Gabao- 
nites, « les poursuivit par le chemin qui monte vers 
Béthoron, et les tailla en pièces jusqu'à Azéca et à 
Macéda. » Jos., x, 10. Le roi de Macéda était parmi les 
confédérés et les fugitifs. Il se réfugia, avec les rois de 
Jérusalem, d'Hébron, de Jérimoth et de Lachis, dans une 
caverne qui était voisine de sa ville royale et qu'il devait 
par conséquent bien connaître, mais il fut trahi, et Josué, 
averti du lieu de sa retraite, fit fermer par de grosses 
pierres l'entrée de la caverne et y établit des gardes 
jusqu'à ce qu'il eût achevé de poursuivre les autres 
fuyards. Il revint alors à Macéda, fit sortir les cinq rois 
de leur lieu de refuge, ordonna à ses oCiciers de leur 
mettre le pied sur le cou (voir t. i, fig. 35, col. 227), puis 



473 



MACÉDA — MACÉDOINE 



474 



les mit à mort et les fit attacher à une potence où ils 
restèrent suspendus jusqu'à la nuit; alors on jeta leurs 
cadavres dans la caverne, dont on boucha l'accès avec des 
grosses pierres et, le même jour, la ville de Macéda fut 
prise et ses habitants passés au fil de l'épée. Jos., x, 
16-28. On ne sait plus rien de Macéda. 

2» Site. — Du récit de Josué, x, 16-28, nous appre- 
nant que la ville de Macéda ne fut prise qu'après la cap- 
ture et l'exécution des cinq rois retirés de la caverne, il 
résulte que cette caverne était en dehors de la ville. 
Cette circonstance et quelques autres détails permettent, 
avec quelque probabilité, d'identifier Macéda avec £7- 
Mughar. C'est un village qui s'élève sur le versant mé- 



sûreté, avec ses compagnons, en se cachant dans une des 
cavernes des environs; elles sont situées très haut 
au-dessus de la route. La caverne où ils se réfugièrent 
était en dehors de la ville, comme il a été remarqué 
plus haut. « Ces cavernes sont généralement très petites, 
l'entrée de quelques-unes s'est écroulée, d'autres ont été 
comblées, mais il y en a au moins deux qui peuvent 
contenir cinq personnes et dont l'entrée peut être faci- 
lement bloquée par de grandes pierres, comme on en 
voit d'éparses tout autour. » Conder, Survey of Western 
Palestine, Memoirs, t. n, p. 413. Voir aussi p. 411-412, 
427. — Macéda est peut-être mentionnée dans les listes 
géographiques de Thothmès III sous le nom de Miqata 




151. — Carte de la Macédoine. 



Tidional d'une colline (fig. 150), vis-à-vis de cavernes 
percées dans le roc, dans l'ouadi Sarar. Les maisons sont 
presque toutes en pisé. Les tombeaux qu'on remarque 
dans les environs prouvent que c'est là un ancien site. 
La position est assez forte. La pente de la colline est 
raide à l'est; au nord sont des jardins entourés de cac- 
tus. Il y a deux puits, l'un au nord, l'autre à l'ouest. Le 
nom A' El-Mughar ne rappelle pas celui de Macéda, mais 
il rappelle la caverne où se passa l'épisode célèbre de la 
prise des cinq rois chananéens, car ce mot signifie en 
arabe, « les cavernes. » On identifie El-Mughar avec la 
Macéda biblique, parce que c'est le seul endroit de cette 
région où l'on trouve des cavernes. De .plus, cette loca- 
lité est dans le voisinage de Naamah (Naanéh), de Gidé- 
roth (Qalra [?]), voir Gadéroth, t. m, col. 33) et de Beth 
Dagon (Dedjan, voir t. i, col. 1669), comme le dit 
expressément Josué, xv, 41. Sa position convient ainsi 
aux exigences du récit sacré. Josué poursuivit les Chana- 
néens vaincus par la vallée d'Aïalon jusqu'à la plaine où 
était située Macéda (El-Mughar). Le roi fugitif de Ma- 
«éda, qui connaissait bien les lieux, crut qu'il serait en 



Voir W. M. Mùller, Asien und Europa nach allâgyp- 
tUchen Denkmâletn, 1893, p. 162. 

F. Vigouroux. 

MACÉDOINE (MaxeSovt'a; Vulgate : Macedonia), 
contrée située au nord de la Grèce (fig. 151). 

I. La Macédoine dans la Bible. — 1° Il est question 
de la Macédoine dans l'Ancien Testament à propos 
d'Alexandre le Grand. I Mach., i, 1; vi, 2. Voir Macé- 
donien?. 

2» Dans le Nouveau Testament, la Macédoine est la 
province romaine de ce nom. Ce fut une vision qui 
décida saint Paul à aller prêcher l'Évangile en Macé- 
doine dans sa deuxième mission. Étant à Troade, il vit 
pendant la nuit un Macédonien qui lui dit : « Passe en 
Macédoine et secours-nous. » Il s'y rendit aussitôt, con- 
sidérant cette vision comme un appel du Seigneur. 
Act., xvi, 7-10. 

Venant de Troade par Samothrace, il aborda à Néa- 
polis et de là il se rendit à Philippes où il séjourna 
quelques jours. Act., xvi, 11-12. Voir Néapolis, Phi- 
lippes. C'est dans cette dernière ville qu'il séjourna 



475 



MACÉDOINE 



476 



chez la marchande de pourpre Lydie. Voir Lydie 1, 
col. 447, A Philippes, la guérison d'une servante possédée 
par un esprit de python le fit dénoncer aux magistrats 
municipaux. Mais ceux-ci durent le relâcher et lui faire 
des excuses ainsi qu'à son compagnon Silas, quand ils 
apprirent qu'ils étaient tous deux citoyens romains. 
Act., xvii, 13-40. Voir Citoyen, t. n, col. 789. De Phi- 
lippes, les apôtres se rendirent à Amphipolis et à Apol- 
lonie, puis à Thessalonique où les Juifs les persécutè- 
rent et firent emprisonner Jason qui les avait reçus. 
Act., xvn, 1-9. Ils partirent ensuite pour Bérée où les 
Juifs les reçurent mieux, mais où ceux de Thessalo- 
nique les poursuivirent. Act., xvn, 10-13. Silas et Timo- 




152. — Tétradracbme macédonien des premiers temps 

de la domination romaine. 

Tête de Diane. — i^. MAKEAONQN et deux monogrammes. 

thée restèrent à Bérée et saint Paul partit par mer pour 
Athènes. Act., xvn, 14. Voir Ampiiipolis, t. i, col. 520; 
Apollonie, t. i, col. 776; Bérée 3, t. i, col. 1609; Thes- 
salonique. De Corinlhe, saint Paul écrivit aux Thessa- 
loniciens deux épitres, 

1° Saint Paul se félicite beaucoup des Macédoniens. Il 
loue la noblesse de sentiments des habitants de Bérée. 
Là les Juifs reçoivent la parole évangélique avec em- 
pressements examinent avec soin les Écritures pour 
voir si ce qu'on leur dit est exact. Act., xvn, 11. Voir 
Bérée 3, t. i, col. 1609. Les habitants de Thessalonique 
sont l'objet de sa particulière affection; il en attacha 
plusieurs à sa personne; I Thess., H, 8, 17-20; in, 10; 
II Cor., ix, 4. Voir Thessalonique. Les Macédoniens 




153. — Monnaie macédonienne des premiers temps 

de la domination romaine. 

Tcte de Dionysos (Bacchus). — îi). MAKE. Monogrammes. Chèvre. 

étaient très généreux dans leurs offrandes pour leschré- 
liens de Jérusalem, il stimule le zèle des Corinthiens 
en leur parlant des Macédoniens. II Cor., ix, 2-4. Il note 
la charité des Macédoniens à son égard. II Cor.,'xi, 9. 
Les habitants de Philippes, en particulier, lui étaient 
aussi très dévoués, Phil., IV, 10, 14," et étaient généreux 
pour lui. Phil., iv, 15-19. — 2° Dans sa troisième mis- 
sion, saint Paul avait le dessein en quittant Éphèse de 
se rendre à Jérusalem en faisant le tour par la Macédoine 
et l'Achaïe. Act., xix, 21; I Cor., xvi, 5; II Cor., i, 16; 
H, 13 ; I Tim. , i, 3. Il y envoya d'abord Timothée et Éraste, 
Act., six, 22; puis il partit lui-même, après l'émeute 
d'Éphèse. Il n'y fit d'abord qu'un court séjour et passa 
en Grèce. Act., xx, 1-2. Trois mois plus tard, il revint 
en Macédoine, accompagné de quelques disciples de ce 
pays. C'est de Macédoine que saint Paul écrivit sa se- 
conde Épitre aux Corinthiens. Il y parle des afflictions 
de toute nature qu'il endure dans ce pays, II Cor., vu, 



5; il cherche à stimuler le zèle des frères de Corinthe 
en leur disant l'éloge qu'il a fait d'eux aux Macédoniens 
et qu'ils ne voudront pas démentir. II Cor., ix, 1-5. — 
3° Le vif intérêt que saint Paul portait aux Églises de 
Macédoine est attesté par les Épitres qu'il adressa aux 
Thessaloniciens et aux Philippiens. Les Épitres aux 
Philippiens furent écrites de Rome. Timothée prit une 
grande part à l'évangélisation de la Macédoine. Act.,xvi, 
3; xvii, 14; xix, 22; I Thess., m, 2; II Cor., i, 1. Voir 
Timothée. —4» Les Juifs étaient nombreux en Macédoine. 
Ils avaient un lieu de prières à Philippes, Act., xvi, 13, 
des synagogues à Thessalonique et à Bérée. Act., xvii, 




154. — Tétradrachme de la province première de Macédoine, 

des premiers temps de la domination romaine. 

Tête de Diane. — fy MAKEûONQN IIPûTHE et monogramme. 

1, 10. — 5° Les femmes jouèrent un rôle considérable 
dans l'évangélisation de la Macédoine et la première 
convertie y fut une femme, Lydie, originaire de Thyatire, 
mais fixée à Philippes. Act., xvi, 13-14; Phil., IV, 2-3. 

IL Description et histoire de la Macédoine. — La 
Macédoine n'apparaît dans la Bible qu'à l'époque 
d'Alexandre. Les rois macédoniens, surtout Philippe II 
et Alexandre, avaient si_amis à leur puissance toutes les 
tribus de races diverses qui habitaient le pays et leur 
royaume avait pour limites à l'ouest le prolongement 
septentrional du Pinde, c'est-à-dire les monts Lyncus, 
Bceon et Scarpos, à l'est les massifs de l'Orbèle et du 




155. — Monnaie de la seconde province de Macédoine. 

Vers 150 avant J.-C. 

Tête de Diane. — i$. makeaonqn âErrEPAE. 

Rhodope, au sud la mer de Thrace, l'Olympe et les 
monts Cambuniens. Du côté du nord, il n'y avait pas de 
frontières naturelles. La Macédoine se divisait géogra- 
phiquement en trois parties : 1° la basse Macédoine ou 
Èmathie, plaine que traversent le bas Axius, le Ludias 
ou Rœdias et le bas Haliacraon. C'est le berceau de 
l'empire macédonien. C'est là que se trouvaient Pella, 
dont Philippe II fit sa capitale, et Bérée. Voir Bérée 3, 
1. 1, col. 1609. 2° La haute Maeédoine, à l'ouest, pays mon- 
tagneux et sans villes avant Philippe. Elle comprenait 
la Lyncestide arrosée par l'Érigon, l'Élimée et l'Orestide 
arrosées par le haut Haliacmon, enfin la Pœonie tout à 
fait au nord; 3 ô la Macédoine orientale. Elle comprenait 
la Mygdonie, plaine située à l'est de l'Axius et surla côte 
de laquelle, au nord du golfe Thermaïque. Là se trou- 
vait la ville de Therme dont Cassandre, après la mort 
d'Alexandre, fit sa capitale et qu'il appela Thessalonique. 
La plaine arrosée par le cours inférieur du Slrymon et 



477 



MACEDOINE 



MACELLOTH 



478 



où se trouvaient les mines d'or des monts Pangée, avait 
pour ville principale Crénides, à la place de laquelle 
Philippe II fonda la forteresse de Philippes. Sur la 
côte de la Macédoine orientale se trouvaient un certain 
nombre de colonies grecques, en particulier Néapolis, à 
côté de l'ancienne ville de Dafon, et Ampliipolis, sur une 
presqu'île qu'arrose le Strymon. Entre les deux golfes 
où aboutissent l'Axius et le Strymon, s'avance la pres- 
qu'île de Chalcidique où se trouvait la ville d'Olynthe. 
La Chalcidique se termine elle-même par trois petites 
presqu'îles. La plus orientale, qui portait le nom d'Acte, 
est remplie par la masse du mont Athos; celle du milieu, 
la Sithonie, a d'excellents ports dont le principal est 
celui de Torone. La presqu'île occidentale ou Pallène 
avait pour ville principale Potidée. 

La Macédoine passa sous la domination romaine en 168, 
après la victoire d'^Emilius Paulus à Pydna (fig. 152 et 153). 
Elle fut divisée en quatre parties (fig. 154-156) ayant pour 
chefs-lieux : Ampliipolis, Thessalonique, Hella et Pela- 
gonia. Tout rapport fut interdit enîre les habitants de 
chacune des quatre régions. Tite Live, xlv, 29. En 146 
avant J.-C, la Macédoine fut définitivement organisée 
en province. Florus, i, 30 (if, 14). D'après Ptolémée, III, 
xi», 7, la province s'étendait à l'est jusqu'au Nestus, à 
l'ouest jusqu'à la mer Adriatique, au nord jusqu'au Drilo 
et au Scardus,ïu sud jusqu'à l'Épire, au sud-est jusqu'à 




1DS. — Monnaie de la quatrième province de Macédoine. 

Des premiers temps de la domination romaine. 

Tête de Zeus (Jupiter). — n). MAKE40H0N TETAPTHE. 

l'Œta et au golfe Maliaque. En 27 avant J.-C., lors du 
partage des provinces, la Macédoine resta au sénat. 'Dion 
Cassius, lui, 12; Strabon, XVII, m, 25. De Tibère à 
Claude, c'est-à-dire de l'an 15 à l'an 44 après J.-C, elle 
devint province impériale. Tacite, Annal., 1,76, 80; v, 10; 
Suétone, Claud., xxv; Dion Cassius, lx, 24. Elle rede- 
vint province sénatoriale et fut réunie à l'Achaïe. Après 
celte époque, elle fut gouvernée par un propréteur qui 
portait le titre de proconsul. Corpus inscript, latin., 
t. vin, 1, n. 7050; t. ix, n. 1123, 5533; t. xiv, n. 3593, elc. 
Le siège du gouvernement était Thessalonique. Cette 
ville jouissait du droit de ville libre ainsi qu'Amphipolis. 
Pline, H. N., iv, 37, 38. Philippes, fortifiée après la 
bataille d'Actium, eut le titre de colonie romaine sous 
le nom de Colonia Augusta Julia Philippensis, Dion 
Cassius, li, 4; Corpus inscript, latin., t. ni, 1, n. 386, 
633, ainsi que quelques autres villes. Cf. Act. xvi, 12. 

Les Romains avaient tracé des routes à travers la Ma- 
cédoine; la plus célèbre était la Via Egnatia, qui partait 
de Philippes, passait par Amphipolis, Apollonie et Thes- 
salonique, et se dirigeait vers Dyrrachium, sur la côte 
de l'Adriatique. C'est le chemin que suivit en partie 
saint Paul. Act., xvi, 11; xvii, 1. Il s'en écarta pour 
aller à Bérée, au sud-est de Thessalonique. C'est encore 
la route que dut suivre saint Paul pour aller en Illy- 
ricum. Rom., xv, 19. Voir Illyrie, t. ni, col. 842. Cf. 
Corpus inscript, latin., t. in, p. 127-128. 

Bibliographie. — E. M. Cousinery, Voyage dans la 
Macédoine, 2 in-4<>, Paris, 1831 ; Desdevises du Dézert, 
Géographie ancienne de la Macédoine, in-8°, Paris, 
1863; H. Kiepert, Manuel de géographie ancienne, 
trad. franc., in-8», Paris, 1887, p. 177-184, 201; Théod. 
Mommsen et J. Marquardt, Manuel des antiquités ro- 
maines, t. ix [Organisc.tion de l'Empire romain, par 



J. Marquardt, t. n), trad. franc., în-8°,Paris, 1892, p. 203- 
210; Th. Mommsen, Histoire romaine, trad. franc, de 
R. Cagnat et J. Toutain, in-8», Paris, 1888, t. x, p. 63- 
67; F. Hommel, Géographie und politische Geschichts 
des klassischen Altertums, dans le Handbuch der klas- 
sischen Altertums-Wissenschaft d'Iwan Mûller, in-8° 
Nordlingue, 1889, t. m, p. 222-227; W. Ramsay, St. Paul, 
the Traveller and the Roman citizen, in-8», Londres, 
1895, p. 205-237; Ofeïcoff, La Macédoine, traduction du 
bulgare, in 16, Constantinople, 1887-1888; M. Demitsas, 
H M«ît£8ov!a lv ),! - 8oiç xot\ (jlvyiixe(oiç, in-8°, Athènes, 1896; 
V. Bérard, La Macédoine, in-18, Paris, 1897. 

E. Beurlier. 

MACÉDONIEN (Ma«8<Sv; Vulgate : Macedo), habi- 
tant de la Macédoine ou originaire de ce pays. — 1° Dans 
V Ancien Testament. —1. Aman, le persécuteurdes Juifs, 
est qualifié plusieurs fois de Macédonien dans la traduc- 
tion d'Esther par les Septante, Esth., IX, 24; xvi, 10, et 
cette traduction inexacte est passée du grec dans la Vul- 
gate, dans la partie deutérocanonique de ce livre. Esth., 
xvi, 10. Aman était en réalité « Agagite », comme le porte 
le texte hébreu, c'est-à-dire du pays d'Agag en Médie. 
Voir Agagite, t. i, col. 260. — 2. Esth., xvi, 1-4, il est dit, 
par suite du titre de Macédonien qui lui a été donné au 
f. 10, qu'Aman se proposait de « transférer le royaume 
des Perses aux Macédoniens », ce qui, pris à la lettre, 
serait un anachronisme, les Macédoniens étant inconnus 
en Asie du temps d'Aman. C'est donc Agagite ou un autre 
nom de peuple qu'il faudrait lire ici, si ce passage n'est 
pas une addition postérieure à la conquête de la Perse 
par Alexandre le Grand. — 3. Alexandre le Grand lui- 
même est appelé « roi macédonien ». I Mach., i, 1 ; vi, 2. 
Voir Céthim, t. il, col. 471. — 4» Dans II Mach., vin, 20, 
« les Macédoniens » sont les Grecs et les Syriens du 
royaume des Séleucides.Cf.Diodore de Sicile, xix, 18, 82. 

2° Dans le Nouveau Testament. — 1. Un Macédo- 
nien apparut en vision à saint Paul et lui demanda de 
se rendre dans son pays afin de le convertir, ce que 
l'apôtre fit aussitôt. Act., xvi, 9. — 2. Saint Paul parle 
aussi des Macédoniens en général, c'est-à-dire des païens, 
convertis de cette partie de la Grèce qu'on appelait de- 
son temps la Macédoine, dans sa seconde Epître aux 
Corinthiens, ix, 2, 4. — 3. Un certain nombre de Ma- 
cédoniens sont nommés dans le Nouveau Testament. Ce 
sont : Aristarque de Thessalonique, qui accompagna 
saint Paul à Éphèse et à Rome, Act., xix, 29; xx, 4; 
xx vu, 2; Gaius dont nous ne connaissons pas la ville et 
qui était également à Éphèse, lors de l'émeute qui 
s'éleva contre saint Paul, Act., xix, 29; Secundus, de 
Thessalonique, Act., xx, 4; Sopater. fils de Pyrrhus, 
de Bérée. Act., xx, 4. Voir Aristarque, t. i, col. 963; 
Gaius 1 , t. m, col. 44 ; Secundus, Sopater. Deux femmes 
macédoniennes, Evodie et Synlique, sont mentionnées 
parmi les chrétiennes de Philippes. Phil., iv, 2. Voir 
Evodie, t. n, col. 2121. E. Beurlier, 



MACELLOTH (hébreu : 
lites. 



Miqlôf), nom de deux Israé- 



1. MACELLOTH (Septante : MccxsXûO ; Alexandrinus : 
MaxotXcofi), le dernier des fils de Jéhiel (Abigabaon) et de- 
Maacha, Voir Jéhiel 2, t. ni, col. 1219; et Maacha 7, 
col. 466. Il eut pour fils Samaa ou Samaan. I Par., vin, 
31-32; IX, 37-38. Ses descendants habitèrent à Jérusalem. 

2. MACELLOTH (Septante : Ma/.e/.Xwô), chef de la 
seconde division de l'armée de David. I Par., xxvn, 4. 
Le texte qui le concerne est obscur et semble dire qu'il 
n'était que le chef en second de cette partie de l'armée, 
comprenant vingt-quatre mille hommes, tandis que le 
général en chef était [Éléazar, f.ls de] Dudia, PAhohite. 
Voir Dodo 3, Dudia, Éléazar 3, t. ni, col. 1460, 1509, 
1650. 



479 



MACÉLOTH — MACHABÉES 



MACÉLOTH (hébreu : Maqhêlôp; Septante : Maxr|- 
Xtôô), vingt-sixième station des Israélites dans le désert, 
après la sortie d'Egypte, entre Arada (t. l, col. 873) et 
Thahath. Num., xxxni, 25-26. Le mot hébreu maqhélôf 
signifie dans Ps.lxvhi (Vulgate, lxvii, 27), «assemblées. » 
Le site de cette station est inconnu. Cf. Lagrange, L'iti- 
néraire des Israélites du pays de Gessen aux bords du 
Jourdain, dans la Revue biblique, 1900, p. 278. 

MACÉNIAS (hébreu : Miqnêyâhû, « possession de 
Jéhovah; » Septante : MaxsXXîa, Maxevfa), Mérarite, un 
des Lévites appartenant au second ordre des musiciens 
du sanctuaire du temps de David. Il jouait du kinnôr 
'al haS-Seminif le-nasêa/i. I Par., xv, 18, 21. Voir pour 
le kinnôr, Harpe, t. ni, col. 434. Semînît est expliqué 
comme signifiant « à l'octave » et désignant la basse; on 



qu'il écrasait comme un marteau les ennemis du 
peuple juif. Voir Judas 3, t. ni, col. 1790. De lui, il 
passa dans le langage courant à toute la descendance de 
Mathathias. Cependant le nom de la famille est celui 
d'Asmonéens. Josèphe, Antiq. jud., XU, VI, 1. Ce nom 
leur vient d"Aa<?|ia>vaïaç, grand-père de Mathathias. 
Les écrivains juifs emploient ce mot de préférence à 
celui de Machabées et les livres canoniques qui portent 
leur nom sont désignés par eux sous celui de livre des 
Asmonéens. Cf. Winer, Realwôrterbuch, au mot Mak- 
kabâer. Asmon, en hébreu Ijasmôn, signifie « grand, 
riche ». Cf. Ps. lxviii (lxvii), 32 (Vulgate : legati). Le 
tableau suivant donne la généalogie des Machabées : 
les noms écrits en petites capitales sont ceux des per- 
sonnages mentionnés dans la Bible. Les dates sont celles 
de la mort. Elles sont toutes antérieures à Jésus-Christ : 



TABLEAU GÉNÉALOGIQUE DES MACHABÉES 

Asmon 

I 
Simon 

I 

Jean 

I 
Mathathias f 167 

I 

I I 1,1 I 

Jean Gaddis f 161 Smox Thasi f 135 Judas Machabée f 161 Éléazar Abaron f 163 Jonathan Apphus f 143 

!_ 

I P i i 

Judas f 135 Jean Hyrcan I f 106 Mathathias f 135 Fille mariée à Ptolemée 

I 

I i | i i 

Salomé Alexandra Antigone f 105 Alexandre Jannée Fils 

épouse Aristobule I f 105 épouse Salomé Alexandra f 78 



Fils 



I 
Hyrcan H f 30 



Aristobule II f 49 
I 



I I 
Alexandra •]- 28 épouse Alexandre f 49 Antigone f 49 

I 



Marianne f 20 épouse Herode le Grand Aristobule f 35 



lui attribue aussi le sens de harpe à huit cordes, etc. La 
signification du mot le-nasêah est également obscure. 
La Vulgate l'a traduit par epinicion, « chant de victoire, » 
mais cette traduction est difficile à justifier. Le sens le 
plus probable est « pour conduire le chant ». 

MACER (grec : Mdcxpwv; Vulgate : Macer), surnom 
de Ptolemée, qui fut d'abord gouverneur de Cypre, puis 
de Phénicie. Mâxptov signifie « le long », c'est-à-dire 
de haute taille. Le latin l'a rendu par Macer, « maigre, » 
à cause sans doute de la ressemblance de son dans les 
mois, sans tenir compte du sens. Il Mach., x, 12. Voir 
Ptolemée Macer. 

MACHABÉES (grec : Maxxaêaîoç; Vulgate : Mâ- 
chai) feus). Sous ce nom sont désignées deux familles : 
1" celle du prêtre Mathathias qui prit la tête du mouve- 
ment de résistance à l'oppression des rois de Syrie et 
gouverna la Judée pendant la seconde moitié du II e siècle 
avant Jésus-Christ et la première moitié du i», c'est- 
à-dire de 166 à 49; 2» les sept frères qui furent mar- 
tyrisés sous Antiochus IV Épiphane. 

1. MACHABÉES. Les fils du prêtre Mathathias sont 
appelés du nom général de Machabées par les livres qui 
racontent l'histoire des premiers d'entre eux. Ce mot, 
qu'on peut interpréter par « marteau », fut. donné en 
surnom à Judas, troisième fils de Mathathias, parce 



I. Affranchissement des Juifs par les Machabées. 
— 1° Révolte des Machabées contre Antiochus. — 
L'honneur des Machabées est d'avoir été les chefs de la 
résistance au paganisme hellénique et d'avoir sauvé la 
religion du vrai Dieu. Lorsque Mathathias et ses fils se 
soulevèrent contre Antiochus IV Épiphane, le, peuple 
juif souffrait la plus cruelle persécution. Dès le début 
du règne de ce prince, un certain nombre « d'enfants 
d'iniquité » s'étaient laissé séduire par les mœurs 
grecques. Ils avaient demandé au roi la permission de 
vivre à la façon des gentils; un gymnase s'était élevé à 
Jérusalem et l'on avait vu des Juifs dissimuler leur cir- 
concision. I Mach., i, 12-16. Le chef du parti hellénique, 
« des impies, » comme les appelaient ceux qui se 
nommaient eux-mêmes les pieux ou assidêens (voir 
Assidéens, t. i, col. 1131), était Jason, le propre frère du 
grand-prêtre Onias III. Il corrompit de nombreux 
prêtres et alla jusqu'à envoyer un don considérable poul- 
ies sacrifices offerts à Hercule dans la ville de Tyr. 
II Mach., îv, 7-19. Voir Jason 4, t. m, col. 1141. Après 
sa victoire sur Ptolemée VI Philométor, le roi de Syrie 
résolut de faire disparaître la religion d'Israël. Il vint 
à Jérusalem avec une puissante armée, entra dans le 
lieu saint, pilla les trésors du Temple et établit un sur- 
intendant des tributs qui s'installa dans la capitale juive 
avec une suite nombreuse. La ville de David fut fortifiée 
et reçut une garnison syrienne. Il fut défendu d'offrir 
des sacrifices dans le Temple, les choses saintes fuient 



481 



MACHABÉES 



482 



profanées, la célébration du sabbat et des fêtes, la cir- 
concision des enfants furent interdites; au contraire 
partout furent bâtis des temples aux idoles et on offrit 
de l'encens en leur honneur; les Livres Saints furent 
déchirés et brûlés, on égorgeait ceux chez qui on en 
trouvait des copies, toute désobéissance aux ordres du 
roi était punie de mort. I Mach., i, 21-64. Voir Antio- 
chus 3, t. i, col. 693. Nombreux furent ceux qui pré- 
férèrent la mort à l'apostasie. I Mach., i, 65-67. Matha- 
thias et ses fils changèrent cette résistance passive en 
une lutte à main armée contre l'oppresseur. I Mach., 
ir. Voir Mathathias5. L'histoire des premiers Machabées, . 
c'est-à-dire de Judas, de Jonathas, de Simon, est celle 
d'une lutte incessante et finalement couronnée de succès 
pour maintenir l'indépendance politique et religieuse 
du peuple juif. Voir Judas 3, t. m, col. 1790; Jonathas 3, 
t. m, col. 1620; Simon 3 Machabée. 

2° Judas Machabée. — Durant la première période de 
leur histoire, de 168 à 153 avant J.-C, les Machabées et 
leurs partisans réussirent à tenir en échec la puissance 
syrienne. L'occupation de la cité sainte par les étrangers 
avait réduit les Juifs à faire une guerre de partisans dans 
les montagnes. I Mach., n, 28. Le théâtre des premiers 
exploits de Judas fut la contrée située au nord-est de 
Jérusalem. Voir Judas 3, t. m, col. 1791. La prise de la 
ville sainte, en 165, termina le premier acte de la lutte. 
1 Mach., iv, 36-61; II Mach., x, 1-9. Prenant alors 
l'offensive, Judas attaqua les peuples du voisinage, mais 
ces guerres n'eurent pour effet que de protéger la 
Judée contre leurs attaques. I Mach.,v, 1-68; II Mach., 
x, 15-38 ; xn, 3-46. En fait, Judas n'eut jamais sous sa 
dépendance que le voisinage immédiat de Jérusalem. 
Ses points d'appui étaient la ville sainte et Bethsura au 
sud de Jérusalem, qu'il avait solidement fortifiées. 
I Mach., iv, 60-61. Sous le règne d'Antiochus V Eupator, 
les expéditions de Lysias aboutirent à des traités de 
paix où l'indépendance des Juifs et la souveraineté de 
Judas furent reconnues. II Mach., x, 10-14; xi, 1-38; 
I Mach., vi, 17-63. Voir Antiochus 4, 1. 1, col. 700; Judas, 
t. m, col. 1793, et Lysias, t. iv, col. 

La campagne de Nicanor, au début du règne de Démé- 
trius I er , aboutit de même à une défaite et Judas fut de 
nouveau tranquille. I Mach., vu, 26-50. Voir Démétrius 1 , 
t. ii, col. 1398 ; Nicanor. La mort de Judas, dans la bataille 
qu'il livra à Bacchides, eut pour conséquence la défaite 
de ses partisans et le triomphe du parti hellénique. La 
famine augmenta le désastre et jamais on ne vit pareille 
tribulation en Israël. I Mach., ix, 23-27. 

3" Jonathas Machabée. — Jonathas releva le courage 
du peuple resté fidèle. Abandonnant la Judée où les 
Syriens régnaient en maîtres, il se réfugia à Bethbessé, 
dans le désert. Vainqueur de Bacchides qui assiégeait 
la ville, il signa avec lui un traité de paix et s'établit à 
Machmas au nord de Jérusalem. I Mach., ix, 62-73. La 
rivalité d'Alexandre Balas et de Démétrius I er Soter 
fournit à Jonathas une occasion favorable de rendre aux 
Juifs leur indépendance. Les deux rivaux cherchèrent 
son appui et ce fut à qui lui ferait les plus brillantes 
promesses. Jonathas se déclara pour Alexandre. I Macb., 
x, 1-47. Il reçut en remerciement la reconnaissance offi- 
cielle de son pouvoir civil et militaire sur la Judée, par 
Alexandre et par son allié Ptolémée VI Philométor, roi 
d'Egypte. I Mach., x, 60-65. Voir Alexandre 2 Balas, 
t. i, col. 348; Démétrius 1, t. n, col. 1361. La mort des 
deux princes assura le trône de Syrie à Démétrius II en 
146-145. Ce roi, qui n'avait pas perdu le souvenir des 
défaites infligées à son général Apollonius par Jonathas, 
I Mach., x, 69-87, reconnut l'autorité du Machabée sur 
la Judée et sur les villes de Samarie dont il s'était 
emparé. I Mach., xi, 30-37. Le prince asmonéen témoigna 
sa reconnaissance en défendant Démétrius contre Try- 
phon, I Mach., xi, 44-50, mais le roi de Syrie se montra 
ingrat envers son défenseur. Il fut puni de sa trahison; 

DICT. DE LA BIBLE. 



Trypbon s'empara d'Antioche et le jeune Antiochus VI, 
qu'il fit monter sur le trône, rechercha à son tour l'amitié 
de Jonathas et le confirma dans ses titres. I Mach., xi, 
57-58. Tryphon voulut bientôt pour lui-même le trône 
qu'il avait donné au jeune roi. Par de fallacieuses pro- 
messes, il persuada à Jonathas de licencier ses troupes 
et l'attira à Ptolémaïde, où il le mit à mort. I Mach., XII, 
39-48. Voir Jonathas 3, t. m, col. 1620. La puissance du 
parti national était si solidement établie que cet assassi- 
nat ne l'ébranla en rien. 

4° Simon Machabée. — Simon prit la succession de 
son frère, et s'allia à Démétrius II, qui de nouveau 
reconnut l'indépendance des Juifs. Simon porta à la fois 
le titre de grand-prêtre et d'ethnarque. L'an 142 avant 
J.-C. marque la première année de l'indépendance com- 
plète de la Judée. I Mach., xnr, 36-42. Le dernier rem- 
part de la puissance syrienne, la citadelle de Jérusalem, 
fut prise par Simon. I Mach., xm, 46-51. Voir Démé- 
trius 2, t. n, col. 1362. Antiochus VII Sidètes, lorsqu'il 
voulut s'emparer à son tour de la Syrie, commença par 
s'assurer l'alliance de Simon et par reconnaître l'indé- 
pendance des Juifs, I Mach., xv, 1-9; il est vrai qu'il 
revendiqua plus tard comme siens Joppé, Gazara et 
la citadelle de Jérusalem, mais ces réclamations furent 
inutiles. L'assassinat de Simon par le général syrien 
Ptolémée ne rendit pas aux Syriens le pays qu'ils avaient 
perdu. I Mach., xv, 28-36; xvi, 14-17. Jean Hyrcan vengea 
son père et comme lui fut grand-prêtre et ethnarque de 
Judée. Voir Jean 4 Hyrcan, t. m, col. 1154. 

5° Caractère de l'œuvre des Machabées. — Par leur 
bravoure et leur constance, les Machabées avaient réussi 
à secouer le joug syrien et à reconstituer la nation juive. 
Cette reconstitution avait été définitive sous Simon et 
les titres qui lui furent reconnus furent portés par ses 
successeurs. — 1. Les guerres dont ils furent les héros 
sont parmi les plus glorieuses que soutinrent jamais 
des nations noblement jalouses de leur indépendance 
nationale et religieuse. Les paroles de Judas à ceux qui 
lui conseillent la retraite : « Dieu nous garde de fuir ! Si 
notre temps est arrivé, mourons courageusement pour 
nos frères et ne portons pas atteinte à notre gloire, » 
I Mach., ix, 10, valent bien celles d'un Léonidas. Non 
seulement les Machabées tarent des héros, niais ils 
furent aussi des généraux habiles. Judas organisa ses 
partisans en armée régulière, la subdivisa en groupes 
à la tête desquels étaient placés suivant leur importance 
des chefs supérieurs, des commandants de mille, de 
cent, de cinquante et de dix hommes. I Mach., m, 55. 
Simon donna une solde à ses troupes à l'exemple des 
rois syriens. I Mach., xiv, 32; cf. I Mach., m, 28. Aux 
soldats juifs, Jean Hyrcan joignit des auxiliaires étrangers 
qui se battirent pour eux avec le plus grand courage. 
Josèphe, Ant. jud., XIII, vin, 4; xnr, 5; xix, 1. Voir 
Armée 1, t. i, col. 977, 981-982. Judas et ses successeurs 
surent employer l'artillerie de siège, ils firent des ba- 
listes et des machines diverses. I Mach., vi, 20, 52, 
Voir Baliste, t. i, col. 1414; Catapulte, t. n, col. 346; 
Machine, t. îv, col. 505, L'habileté diplomatique des 
Machabées ne fut pas moindre que leur génie militaire. 
Ils surent se ménager les alliances des Bomains et des 
Spartiates. I Mach., vin, 1-32; xii, 1-23; xiv, 16-26; 
xv, 15-2^. — Simon fut le premier qui frappa des mon- 
naies à son nom. Il reçut ce privilège d'Antiochus VII 
Sidètes. I Mach.,xv, 6: Voir Monnaie. 

2. Il est évident cependant que les Machabées furent 
avant tout de fidèles observateurs de la loi. C'est en 
Dieu qu'ils mettaient leur confiance et les Livres Saints 
étaient leur consolation, I Mach., xii, 9; ils observaient 
scrupuleusement le sabbat, ne livrant jamais d'eux- 
mêmes bataille ce jour-là, I Mach., n, 32; II Mach., vi, 
11; vin, 26, etc.; l'année sabbatique, I Mach., vi, 53; 
la loi du nazaréat, I Mach., m, 49; les exemptions du 
service militaire établies par la loi, 1 Mach., ni, 56 



IV. 



16 



483 



MACHABÈES 



m 



cf. Deut., xx, 5, 8; les jours de prières et de jeûnes, 
I Mach., m, 47; II Mach., x, 25, etc. La nouvelle fête de 
la dédicace fut un hommage aux anciens rites. II Mach., 
I, 9. Cependant il y eut une innovation de première 
importance, ce fut l'interruption de la succession héré- 
ditaire dans la charge de grand-prêtre. Onias IV, fils 
d'Onias III, s'enfuit en Egypte et y bâtit, à Léontopolis, 
un temple schismatique. Josèphe, Ant. jud., XIII, m; 
Bell, jud., I, I, 1. Voir OniaS III. Les rois de Syrie 
s'arrogèrent le droit de nommer le grand-prêtre. Jason, 
frère d'Onias 111, chef du parti hellénique, sollicita à 
prix d'argent Antiochus Épiphane, pour obtenir de lui 
ce titre. II Mach., iv, 7. Alcime dut sa nomination au 
même prince. I Mach., vu, 9. Voir Alcime, 1. 1, col. 338. 
Alexandre Ba'as donna la grande-prêtrise à Jonathas, 
I Mach., x, 20, que reconnurent aussi en cette qualité 
Démêtrius II et Tryphon. Simon fut â son tour reconnu 
par Démêtrius II qui lui donna en même temps, ainsi 
que nous l'avons vu plus haut, le titre d'ethnarque. 
I Mach., xm, 36-42. Voir Ethnarque, t. il, col. 2033. 

Dans les lettres adressées à cette époque par les nations 
étrangères ou par les rois, nous voyons apparaître un 
autre pouvoir à côté de celui du grand-prêtre et plus 
tard de l'ethnarque, c'est la Yepoun'a ou assemblée des 
anciens. I Mach., xn, 6; II Mach., i, 10; iv, 44; xi, 27; 
Josèphe, Ant. jud., XII, m, 3. C'était, mieux organisé 
et avec plus de consistance, le conseil qui avait assisté 
Moïse, Num., xi, 16, 17, 24-30, et qui, depuis ce temps, 
avait perdu son autorité et son organisation primitives. 
Ce conseil composé de prêtres et de laïques fut plus tard 
appelé sanhédrin. Voir Anciens 3, t. i, col. 554; San- 
hédrin. 

II. Jean Hyrcan et ses successeurs. — Le premier 
livre des Machabées s'arrête au début du règne de 
Jean Hyrcan. Voir Jean 4 Hvrcan, t. m, col. 1154. Voici 
le résumé de l'histoire de ses successeurs; elle est la 
transition entre l'Ancien et le Nouveau Testament, et 
sa connaissance est indispensable à qui veut comprendre 
l'état du monde juif au temps où Notre-Seigneur apparut 
sur la terre. 

1» Aristobule 1 er (105-104). — En mourant, Jean Hyrcan 
laissa cinq fils. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 7. Deux 
d'entre eux sont inconnus, les trois autres sont Aris- 
tobule, Antigone et Alexandre Jannée. Par testament, il 
donna le pouvoir civil à sa femme et la grande-prêtrise 
à Aristobule. Josèphe, Ant. jud., XIII, XI, i; Bell, jud., 
I, ni, 1. Celui-ci mit en prison sa mère, l'y laissa mou- 
rir de faim et s'empara du pouvoir. Il empoisonna de 
même ses frères, à l'exception d'Antigone. Josèphe.ifeid. 
La confiance qu'il donna à ce dernier excita contre lui 
la jalousie. On l'accusa de complot contre Aristobule, 
si bien que celui-ci le fit tuer par ses gardes. Le meur- 




'37. — Monnaie d' Aristobule I OT . 

[3»Tin]>n nsm mi jns rmn>, « Judas, grand-prêtre, et la com- 
munauté des Juifs, b dans une couronne de laurier ou d'olivier. 
— i^. Deux cornes d'abondance ; au milieu, une tête de pavot. 

tre commis, Aristobule en eut un chagrin si amer que, 
dit-on, il hâta sa mort. Josèphe, Ant. jud., XIII, xi, 
1-3; Bell. jud.. I, m, 1-6. Aristobule, plus encore que 
son père, s'éloigna des traditions des Machabées, pour 
adopter les mœurs grecques. Josèphe, Ant. jud., XIII, 
xi, 3. Le premier, il prit le titre de foi, que ses succes- 
seurs gardèrent jusqu'à la conquête de la Judée par 
Pompée. Josèphe, Ant. jud., XIII, xi, 1; Bell, jud., I, 
m, 1. Cependant sur ses monnaies, il ne prit ni le titre 



royal, ni son nom grec, il s'appelle : Judas grand- 
prêtre (fig. 157). Il portait, en effet, le nom hébreu de 
Judas. Josèphe, Ant. jud., XX, x. Cf. Madden, Coins of 
the Jews, in-4°, Londres, 1881, p. 61-63. Aristobule 
conquit les districts situés au nord de la Palestine, en 
particulier une grande partie de l'iturée dont il força 
les habitants à se circoncire et à prjtiquer la loi juive. 
Josèphe, Ant. jud., XIII, xi, 3. Voir Iturée, t. m, 
col. 1039. 11 mourut d'une cruelle maladie, après un an 
de règne, en 104 avant J.-C. 

2° A lexandre Jannée (104-78). — A la mort d'Aristo- 
bule, sa veuve, Salomé Alexandre, fit sortir de prison les 
trois frères de son mari, éleva l'alné, Alexandre Jannée, 




158. — Salomé et Aristobule I". 

BAEIAISEHï EAAOMHE (en grande partie illisible). 

% BAEIAEQE APILTOBOrAOr. Leurs portraits. 

au trône et à la grande-prêtrise et l'épousa. Josèphe, 
Ant. jud., XIII, xn, 1; Bell, jud-, 1, iv, 1. Le règne du 
nouveau prince fut rempli par des guerres perpétuelles. 
11 commença par assiéger Ptolémaïde, mais Ptolémée 
Lathurus, chassé du trône par sa mère Cléopâtre et sou- 
verain de Cypre, vint au secours de la ville. Alexandre 
fut obligé de lever le siège. Josèphe, Ant. jud., X11I, 
xn, 2-4. Un instant, Ptolémée fut disposé à traiter avec 
Alexandre, mais, apprenant que celui-ci demandait 
contre lui le secours de Cléopâtre, il cessa les pourpar- 
lers et fit avancer son armée. Il conquit Asochis en Ga- 
lilée et prit position contre Alexandre à Asophon, sur 
les bords du Jourdain. Les Juifs furent défaits et mas- 
sacrés. Josèphe, Ant. jud., XIII, xn, 4-5. Cléopâtre 
envoya alors une armée en Palestine pour empêcher son 
fils de devenir trop puissant. Ptolémée essaya une 
diversion en Egypte, fut battu et' obligé de retourner à 
Gaza. Cléopâtre s'empara de la Palestine tout entière. 
Ses conseillers voulaient qu'elle l'annexât à l'Egypte, 
mais Ananias, général juif aux ordres de la reine, la 
poussa à traiter avec Alexandre. Ptolémée fut contraint 
de retourner à Cypre, Cléopâtre rappela son armée et 
Alexandre régna de nouveau sur le pays. Josèphe, Ant. 
jud., XIII, xm, 1-3. Il tourna alors ses armes contre 
les pays situés à l'est du Jourdain, prit Gadara, Ama- 
thus, puis dans le pays des Philistins, Raphia, Anthé- 
don et enfin Gaza, en 96 avant J.-C. Josèphe, Ant. 
jud., XIII, xm, 3-4. 

A ces guerres s'ajoutèrent des dissensions intestines, 
dont on trouve l'écho dans les traditions rabbiniques. 
H. Derenbourg, Essai sur l'histoire et la géographie de 
la Palestine, d'après les Thalmuds et les autres sources 
rabbiniques, in-8", Paris, 1867, t. i, p. 96-98. La secte 
des pharisiens était perpétuellement en conflit avec le 
prince. La cause en était surtout dans la négligence que 
mettait Alexandre à remplir ses fonctions de grand- 
prêtre. Alexandre réprima les émeutes avec une véri- 
table cruauté. Il fit massacrer par ses mercenaires 
600 Juifs. Josèphe, Ant. jud., XIII, xm, 5; Bell, jud., 
I, iv, 3. Cf. Derenbourg, Essai, p. 98, note; WellhaUsen, 
Die Pharisâer und die Sadducâer, in-8°, Greifswald, 
1874, p. 96. La nature belliqueuse d'Alexandre l'entraîna 
bientôt à une nouvelle guerre contre les tribus arabes 
situées à l'est du Jourdain. Il tomba dans une embus- 
cade que lui dressa le roi arabe Obédas. Ce fut à grand'- 
peine qu'il s'échappa et revint à Jérusalem. Josèphe, 
Ant, jud., XIII, xili, 5. Les pharisiens profitèrent de sa 



485 



MACHABEES 



486 



défaite pour se révolter, et pendant six ans il dut lutter 
«ontre son peuple à l'aide de troupes mercenaires. Près 
de 50 000 Juifs périrent, dit-on, dans cette guerre civile. 
Quand Alexandre leur demanda ce qu'ils désiraient 
pour conditions de la paix et de la soumission, ils ré- 
pondirent qu'ils demandaient sa mort. En même temps, 
ils appelaient à leur aide Démétrius III, fils d'Antiochus 
Grypas et gouverneur d'une partie de la Syrie. Josèphe, 
Ant.jud., XJII, xn, 5; Bell.jud., I, iv, 3-4. L'armée de 
Démétrius, unie aux adversaires d'Alexandre, battitcom- 
plètement le prince qui perdit ses troupes mercenaires 
et fut obligé de s'enfuir dans les montagnes. Cependant 
le sentiment national ramena à Alexandre 6 000 révoltés ; 
le reste fut défait par lui. Les chefs de la rébellion, 
assiégés dans Bémésélis, furent réduits à capituler. Con- 
duits à Jérusalem, ils furent crucifiés avec près de 
800 de leurs partisans, en présence de leurs femmes et 
de leurs enfants. Ce spectacle répandit la. terreur au 
point que, pendant la nuit, 8000 Juifs s'enfuirent et ne 
reparurent plus en Judée. Josèphe, Ant.jud., XIII, xiv, 
1-2; Bell, jud., I, iv, 4-6. Tranquille à l'intérieur, 
Alexandre eut encore à soutenir des luttes contre An- 
tiochus XII à qui il tenta en vain d'interdire le passage 
à travers la Judée au moment où le roi de Syrie entre- 
prenait une campagne contre les Arabes. Après la 
mort d'Antiochus XII, le roi de Damas, Arétas, devint 
le voisin le plus redoutable des Juifs. Ce prince attaqua 
Alexandre et le battit. Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 2; 
Bell, jud., I, IV, 8. Plus heureux en 84-81, Alexandre 
conquit Pella, Dium, Gérasa, Gaulana, Séleucie et enfin 
Gamala. Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 3. La débauche à 
laquelle il continuait de se livrer au milieu des fatigues 
ruina sa santé et, en 78, il succomba pendant qu'il 
faisait le siège de Bagaba. Josèphe, Ant. jud., XIII, 
xv, 5. Son corps, rapporté à Jérusalem, y fut enterré en 
grande pompe. Josèphe, Ant. jud., Xllï, xvi, 1; cf. Bell, 
jud., V, vu, 3. Les monnaies d'Alexandre Jannée ont 
une double inscription. Dans le texte hébraïque il 
porte le nom de Jonathan et dans le texte grec celui 




159. — Monnaie d'Alexandre Jannée. 

"Wil "Oni Vn pan pat. [a]AEEA, Jonathan, le grand-prêtre, 
et la communauté des Juifs. Alexa[ndre]. — à). Deux cornes 
d'abondance dans un grénetis. 

d'Alexandre (fig. 159). Cf. Madden, Coins of the Jews, 
p. 83-90. 

3° Alexandra (78-69). — Alexandre laissa le trône à 
sa veuve Salomé Alexandra (fig. 160) qui nomma grand- 




160. — Monnaie d'Alexandra. 

AAE3AN4 BASIAIS, autour d'une ancre. — fy Soleil à huit rayons. 

Trace d'une légende hébraïque. 

prêtre son fils aîné Hyrcan. Josèphe, Ant.jud., XIII, xvi, 
1-2; Bell, jud., I, y, i. Sous tous rapports, son règne fut 
l'antithèse de celui de son second mari. Elle fut com- 
plètement sous la dépendance des pharisiens. Josèphe, 
Ant. jud., XIII, xvi, 2-3, 6 ; Bell, jud., I, v, 2-3. Sa 
politique étrangère fut énergique et prudente. Le prin- 
cipal événement de ce règne fut l'expédition d'Aristo- 



bule, fils de la reine, contre Damas. Josèphe, Ant. jud., 

XIII, xvi, 3; Bell, jud., I, v, 3. En somme, ce fut un 
règne paisible au dedans et au dehors. Cependant les 
sadducéens n'avaient pas renoncé à la puissance, ils se 
groupaient autour d'Aristobule, second fils de la reine. 
Le prince se révolta quand il vit sa mère malade et 
disposer du trône en faveur d'Hyrcan II, son fils aîné. 
Alexandra mourut avant que la guerre éclatât entre les 
deux frères. Josèphe, Ant. jud., XIII, xvi, 6-5; Bell, 
jud., I, v, 4. 

4° Aristobula II. — A peine Alexandra fut-elle morte 
et Hyrcan II, déjà grand-prêtre, eut-il commencé à exer- 
cer le pouvoir civil, qu'Aristobule l'attaqua. La bataille 
s'engagea près de Jéricho. Une partie des troupes d'Hyr- 
can passa à Aristobule et lui assura la victoire. Hyrcan 
se réfugia dans la citadelle de Jérusalem, mais il fut 
obligé de se rendre et de céder à Aristobule, à la fois, le 
pouvoir civil et la grande-prêtrise. Josèphe, Ant.jud., 

XIV, i, 2; Bell, jud., I, vi, 1. Cf. Ant.jud., XV, m, 1; 
XX, x. C'est alors que nous voyons entrer en scène 
Plduméen Antipas ou Antipater, père d'flérode le Grand. 
Voir Hérode 2, t. m, col. 698; Idumée', t. m, col. 830. 
Convaincu à juste raison qu'il avait plus à redouter du 
belliqueux Aristobule que du faible Hyrcan, Antipater 
persuada à ce dernier que sa vie était en danger, lui 
recruta des partisans parmi les Juifs et enfin lui assura 
l'alliance des princes arabes. Quand il l'eut convaincu, 
il partit avec lui de Jérusalem pendant la nuit et se réfu- 
gia à Pétra, capitale d'Arétas. Moyennant la promesse 
que ce dernier travaillerait au rétablissement d'Hyrcan 
sur le trône, le prince asmonéen promettait de rendre 
au roi arabe les douze villes prises sur lui par Alexandre 
Jannée. Josèphe, Ant.jud., XIV, i, 3-4; Bell.jud., I, vi, 2. 
Arétas attaqua Aristobule et le défit; presque toute l'ar- 
mée du prince vaincu passa à Hyrcan, qui assiégea son 
frère dans le Temple. Josèphe, Ant. jud., XIV, H, 1-2. 
Cf. Derenbourg, Essai, p. 113. Sur ces entrefaites, Seau- 
rus, lieutenant de Pompée, arriva à Damas; les deux 
frères lui envoyèrent chacun de leur côté des ambassa- 
deurs avec des sommes d'argent considérables. Scaurus 
jugea que la position d'Aristobule était plus forte et se 
décida pour lui. Arétas fut sommé de lever le siège. Aris- 
tobule le poursuivit et lui infligea une défaite sanglante. 
Josèphe, Ant. jud., XIV, h, 3; Bell, jud., I, vi, 2-3. 
A partir de ce moment l'influence romaine fut dominante 
en Judée. Aristobule combla Pompée de présents, Josèphe, 
Ant. jud., XIV, m, 1, mais le général romain refusa de 
se prononcer entre les partis qui divisaient les Juifs, 
Josèphe, Ant.jud., XIV, m, 3; Diodore de Sicile, xl; il 
exigea qu'ils demeurassent en paix, jusqu'à la fin de son 
expédition contre les Nabatéens. Josèphe, Ant. jud,, 
XIV, ni, 3. Aristobule mécontent quitta Dium où il était 
avec Pompée. Celui-ci interrompit son expédition pour 
le châtier. 

Le prince juif, au lieu d'obéiraux messages de Pompée, 
se prépara à lui résister dans Jérusalem. Pompée appa- 
rut bientôt devant la ville sainte. Aristobule effrayé se 
rendit au camp romain et promit de livrer la ville si 
Pompée suspendait les hostilités. Celui-ci garda Aristo- 
bule et ordonna à Gabinius d'entrer à Jérusalem, mais 
les Juifs fermèrent les portes. Pompée irrité s'avança 
contre la ville sainte. A l'intérieur, les Juifs étaient 
divisés, les partisans d'Aristobule voulaient résister, les 
amis d'Hyrcan, au contraire, voulaient ouvrir les portes 
à Pompée qu'ils considéraient comme leur ami. Ils 
l'emportèrent et Pompée envoya Pison pour en prendre 
possession. Les Romains furent néanmoins obligés de 
faire l'assaut de la citadelle. Après un siège de trois 
mois, elle fut prise et 12 000 Juifs furent massacrés, 
en 63 avant J.-C. Josèphe, Ant. jud., XIV, m, 3-iv, 2; 
Bell, jud., I, vi, 4-vn, 5 ; Dion Cassius, xxxvii, 16 ; 
Strabon, XVI, n, 40, Tite Live, Epitome, 102; Tacite, 
Hisl., v, 9; Appien, Syriae., L. Pompée pénétra jusque dans 



487 



MAGHABÉES — MACHABÉES (LIVRES DES) 



le Heu saint, mais ne toucha pas aux trésors du Temple 
et prit soin qu'on continuât les sacrifices. Les auteurs 
de la révolte furent mis à mort, un tribut considérable 
fut imposé à la Judée et une grande partie du territoire 
passa sous la dépendance du proconsul de Syrie. Hyrcan II 
reçut le gouvernement du reste avec le titre de grand- 
prêtre, mais perdit celui de roi. Josèphe, Anl. jud., 
XIV, iv, 4 ; XX, x ; Bell, jud., I, vu, 6-7 ; Cicéron, Pro 
Flacco, 67. Aristobule fut emmené comme prisonnier 
de guerre, avec ses fils Alexandre et Antigone, et il 
figura au triomphe de Pompée. Un grand nombre de 
Juifs furent également conduits à Rome et, affranchis 
plus tard, formèrent la communauté juive de Rome, 
qui devint très importante. Josèphe, Ant. jud., XIV, 
iv, 5 ; Bell, jud., I, vu, 7 ; Plutarque, Pompée, 45 ; 
Appien, Mithridate, 117. Voir Affranchis, t. i, col. 255. 

5° Le gouvernement des rois Asmonéens. — Les 
derniers Machabées furent des souverains indépendants. 
Comme un grand nombre de vassaux des Séleucides, 
ils profitèrent de la décadence du royaume de Syrie 
pour prendre eux-mêmes le titre de roi. Cependant, pour 
leurs compatriotes, ils furent surtout grands-prêtres. 
Quelques-uns d'entre eux furent peu zélés dans l'accom- 
plissement de leurs fonctions, mais ils n'en conservèrent 
pas moins héréditairement un titre auquel ils tenaient 
et qui était indispensable à leur autorité sur la nation 
juive. Les partis qui avaient divisé la Judée sous les pre- 
miers Machabées continuèrent leur lutte sous d'autres 
noms, pendant cette seconde période. Ceux que les 
livres des Machabées appelaient « les impies » avaient 
trouvé un moyen de concilier l'observation de la loi de 
Moïse avec les mœurs helléniques, ils s'appelaient main- 
tenant les sadducéens et, pleinement sympathiques à la 
politique des derniers princes asmonéens, ils étaient à 
leur service dans l'armée et dans la diplomatie. Voir 
SaddiîCÉens. Les Assidéens étaient devenus les Phari- 
siens et, de plus en plus, sous prétexte d'observer scru- 
puleusement la loi, ils y ajoutaient des observances 
nouvelles. S'ils eurent quelque temps une influence 
prépondérante sous Salomé Alexandra, sous les autres 
princes, les Sadducéens furent les inspirateurs du gou- 
vernement. Voir Pharisiens. 

Tandis que les premiers Asmonéens avaient surtout 
cherché à faire rentrer en Palestine leurs compatriotes 
établis dans les pays voisins, I Mach., v, 23, 43-54, les 
derniers, au contraire, cherchèrent à soumettre les 
peuples voisins et à les judaïser. C'est ainsi que nous 
avons vu Aristobule, après avoir conquis les districts 
situés au nord de la Palestine, forcer les habitants de 
la partie de l'Iturée qu'il avait soumise à se faire circon- 
cire. Alexandre Jannée avait de même annexé à son 
royaume les pays situés à l'est du Jourdain, et sur la 
côte le pays des Philistins. La conquête romaine ruina 
l'œuvre asmonéenne et il ne resta à Hyrcan II que 
quelques débris de leur empire. 

Bibliographie. — Outre les histoires générales du 
peuple d'Israël et les ouvrages relatifs aux deux Livres 
des Machabées, voir H. Derenbourg, Essai sur l'histoire 
et la géographie de la Palestine d'après les Thalmuds 
et les autres sources rabbiniques, t. i : Histoire de la 
Palestine depuis Cyrus jusqu'à Adrien, in-8°, Paris, 
1867; Milman, Post-biblical History of the Jews, front 
the close of the Old Testament about the year 420 titl 
the destruction of Jérusalem in the year 70, 2 in-8°, 
Londres, 1856 ; Stanley, Lectures on the history of the 
Jewish Church, 3 e série, From the captivity to tlw 
Christian Era, in-12, Londres, 1876; Bost, L'époque 
des Maccabées, histoire du peuple juif depuis le retour 
de l'exil jusqu'à la destruction de Jérusalem, in-8°, 
Strasbourg, 1862 ; F. de Saulcy, Histoire des Machabées 
ou princes de la dynastie asmonéenne, in-8°, Paris, 
1880; Wellhausen, Die Pharisâer und die Sadducàer, 
in-8°, Greifewald, 1874; Graetz, Histoire des Juifs, trad. 



Wogue, in-8°, Paris, 1884, t. n, p. 79-223; E. Schûrer, 
Geschichle des jùdischen Volkes im Zeitalter Jesu 
Christi, 2* édit., in-8», Leipzig, 1890, t. I, p. 162-294. 

E. Bedrlier. 

2. MACHABÉES (LES SEPT FRÈRES). On désigne 
sous ce nom sept jeunes gens qui furent martyrisés 
avec leur mère par ordre d'Antiochus IV Épiphane, roi 
de Syrie. Le second livre des Machabées, vu, 1-41, raconte 
leur supplice et leur courage héroïque. Le quatrième 
livre apocryphe des Machabées a longuement développé 
ce chapitre. La Bible ne leur donne pas le nom de 
Machabées. Elle n'indique pas davantage où se passe la 
scène de leur martyre, ni quelle en est la date. On 
admet généralement, avec le Martyrologe romain, que 
les sept frères turent martyrisés à Antioche. C'est la 
tradition commune des Églises d'Orient et d'Occident. 
Voir Antioche 2, n, col. 680. L'auteur du II e livre des 
Machabées dit du reste que le roi était retourné peu 
auparavant dans cette ville. II Mach., v, 21. Il dit aussi 
que la persécution sévit dans toutes les villes grecques 
du royaume. II Mach., v, 8-9. — Voir Cardinal Ram- 
polla, Del luogo dél niartirio et del sepolcro dei Mac- 
cabei, in-f", Rome, 1898. E. Bedrlier. 

3. MACHABÉES (LIVRES DES). Il existe sous ce nom 
quatre livres, deux canoniques et deux apocryphes ; par- 
fois même on en compte un cinquième qui est en réa- 
lité un des livres de Josèphe. Les deux livres canoni- 
ques contiennent l'histoire des princes asmonéens qui 
portèrent le surnom de Machabées, emprunté au pre- 
mier d'entre eux, Judas. Voir Judas 3, t. m, col. 1790. 
Nous parlerons d'abord des questions communes aux 
deux livres, puis de ce qui regarde particulièrement 
chacun d'eux. 

I. Canonicité des deux livres des Machabées. — 
La question de la canonicité est la même pour les deux 
livres des Machabées. Tous deux sont du nombre des 
sept livres deutérocanoniques de l'Ancien Testament. 
Voir Canon des Écritures, t. n, col. 137. Dès les pre- 
miers siècles de l'Église ils sont cités par les auteurs 
ecclésiastiques comme les autres livres des Septante et 
au même titre que ceux d'entre eux qui ne sont pas 
dans le canon juif de Jérusalem. Voici cependant les 
textes qui les concernent particulièrement : Hermas cite 
des expressions de II Mach., vu, 23, et vu, 28, dans 
Pastor, Visio, i, 3 et 4; Mandat., I, 1, t. Il, col. 894 et 
913. Clément d'Alexandrie cite I Mach., Strom., I, 
21, t. vin, col. 852; II Mach., i, 10, Strom., v, 14, t. ix, 
col. 145. Origène cite I Mach., n, 24, In Ep. ad Rom. T 
vin, 1, t. xiv, col. 1158; II Mach., Exhorl. ad martyr. r 
22-27, t, xi, col. 589. Tertullien cite I Mach., Adv. Jud., 4, 
t. il, col. 606. Saint Cyprien a quatre citations de I Mach., 
et sept de II Mach., Teslimonia ; Thasci Cypriani 
Opéra omnia, édit. G. Hartel, t. I, p. 117, 128, 132, ad 
Forlun., 11, p. 339-343, voir Patr. Lat., t. iv, col. 734, 
743, 746, 669-672. Saint Hippolyte emploie comme faisant 
partie de la Sainte Écriture les deux livres des Macha- 
bées, I Mach., n, 33, Frag. 32, in Daniel, t. x, col. 661; 
I Mach., I, 58, et II Mach., vi, 7, De Christo et Anti- 
christo, t. x, col. 769. Des manuscrits grecs qui ren- 
ferment les deux livres des Machabées à la fin des 
Septante le Sinaiticus est du IV e siècle et VAlexandri- 
nus du V e . Saint Athanase, au contraire, dans son 
Epist. fest., 39, t. xxvi, col. 1176-1436 où il donne 
le catalogue des Écritures, ne parle pas des livres des 
Machabées, même parmi les deutérocanoniques, cepen- 
dant il cite le martyre des sept frères dans son com- 
mentaire sur le psaume lxxviii, t. xrvu, col. 357. Saint 
Épiphane les omet de même, De ponder. et mensur., 
22-23, t. xlih, col. 277. Le Canott 80 des Apôtres, qui est 
du v e siècle et qui a été reçu par l'Église grecque dans 
le concile in Trullo, compte parmi les livres de la Bible, 
non seulement les deux livres des Machabées, mais. 



489 



MACHABÉES (LIVRES DES) 



m 



même le troisième. Nous trouvons encore les deux 
livres des Machabées dans la liste des Livres Saints que 
l'Africain Junilius a dressée d'après l'enseignement de 
Paul le Persan, docteur de Nisibe, Instituta regidaria 
divinse legis, t. lxviii, col. 16 ; dans Théodoret, t. lxxxi, 
col. 1513, 1517, 1521, 1528; dans Aphraates, Texte und 
Untersuchungen de O. von Gebhart et Harnack, t. m, 
çart. 3«, in-8°, Leipzig, 1888, p. 32, 204, 347 ; dans saint 
Éphrem, Opéra syro-latina, t. n, p. 218, 231. En Occi- 
dent, Rufin cite les Machabées parmi les livres qu'il 
appelle, d'après les anciens, livres ecclésiastiques, 
Comment, in Symbolum Apostolorum, 36-38, t. xxi, 
col. 373. Le plus ancien catalogue officiel de l'Église ro- 
maine, celui qui est connu sous le nom de Gélase et 
qui remonte au temps de saint Damase, c'est-à-dire vers 
374, clôt l'Ancien Testament par les Machabées; Thiel, 
De decreto Gelasii papee, 1866, p. 21; Labbe, Concil., 
1671, t. IV, col. 1260. Le canon de l'Église d'Afrique les 
contient également. Saint Augustin, Dedoctrina Christ., 
Il, 8, t. xxxiv, col. 41. Ce même catalogue est donné par 
les conciles d'Hippone en 393, de Carthage en 397 et en 
419. Mansi, Coll. Concil, t. m, col. 924; t. iv, col. 430. 
Saint Grégoire le Grand, Moral., xrx, 34, t. lxxvi, col. 119, 
s'excuse de témérité en citant le premier livre des Ma- 
chabées. Saint Isidore de Séville compte les Machabées 
parmi les livres reçus dans le canon de l'Église, quoi- 
qu'ils ne soient pas inscrits dans le canon juit. Lib. 
Proœmiorum in Vet. et Nov. Testamentum, init., 
t. lxxxiii, col. 158. Au début du ix e siècle, Nicéphore de 
Constantinople mentionne les Machabées parmi les 
livres contestés, t. c, col. 1056; ce document a proba- 
blement pour source la synopse qui porte le nom de 
saint Athanase, t. xxvm, col. 284, œuvre d'une date in- 
certaine. Nicéphore cependant cite trois livres des Ma- 
chabées, tandis que la synopse n'en cite que deux. Au 
moyen âge latin, Notker dit des Machabées que leur 
texte ne sert pas comme autorité, mais seulement pour 
le souvenir et l'admiration, t. cxxxi, col. 996. Le cata- 
logue d'Innocent I er , qui se trouve dans la collection de 
canons envoyée à Charlemagne par le pape Hadrien en 
774 et qui fut adoptée en 802 par l'Église franque, repro- 
duit celui de Gélase, t. xx, col. 501. Ce même décret est 
reproduit dans les collections canoniques de Burchard 
de Worms, vers 1020, et d'Yves de Chartres, vers 1100, 
t. cxl, col. 715-716; t. clx, col. 276-277. 

Au XII e siècle, en Orient, Zonaras, dans ses Annales, 
se réfère au 85 e canon des Apôtres et compte les Macha- 
bées parmi les livres canoniques, t. cxxxvm, col. 564; 
il en est de même de Balsamon, t. cxxxvm, col. 121 et 
570, et de Blastarès, t. cxliv, col. 1440. En Occident, 
un anonyme, auteur d'une Epistola ad Hugonem, de 
modo et ordine legendi Scripturas, t. ccxm, col. 714, 
cite les Machabées parmi les livres reçus par l'Église, 
quoiqu'ils ne le soient pas par les Juifs. Il en est de 
même de Pierre de Riga, dans son catalogue en vers, 
t. ccxn, col. 23; de Giles de Paris, t. ccxii, col. 43 ; de 
Pierre de Blois, De divisione et scriptor. sacr. libr., 
t. ccvn, col. 1052; de Rupert de Deutz, t. clxix, 
col. 1384. Au contraire, Hugues de Saint- Victor ne les 
compte pas dans les livres canoniques, quoiqu'ils soient 
lus. De Scriptura et scriptor. sacr., t. clxxv, col. 15. 
C'est aussi l'opinion de Rodolphe de Flavigny, In Levit., 
xiv, 1, Bibliotheca maxima Patrum, in-f°, Lyon, 1667, 
t. vu, col. 177; de Pierre le Vénérable, Contra Petro- 
brusianos, t. clxxxix, col. 751. Pierre Comestorles cite 
parmi les apocryphes, uniquement parce qu'on n'en 
connaît pas les auteurs, t. cxcvm, col. 1260. C'est la 
doctrine de Jean de Salisbury, Epist., CXLIH, ad Henric. 
com. Cantpan., t. cxcix, col. 126, et de Jean Beleth, 
Bationale divin, offic. 59, t. ccii, col. 66-67. Les Ma- 
chabées figurent dans la Bible de Langton, dans la liste 
de S. Bonaventure, Brevilog. proœm. de latitudine S. 
Scriplurœ, 2 ; de Vincent de Beauvais, Spéculum do- 



ctrines, xvii, 33. Hugues de Saint-Cher compte les Ma- 
chabées parmi les livres vrais quoique non canoniques. 
Pour lui ils font partie de l'Écriture Sainte. Opéra om- 
nia, Prolog, in /os., Lyon, 1699, 1. 1, p. 178. Voir Canon, 
t. n, col. 162. C'est l'avis de Guillaume Ockham, de Jean 
Home, de Nicolas de Lyre, de Thomas d'Angleterre. Cf. 
A. Loisy , Histoire du Canon de l'Ancien Testament, in-8», 
Paris, 1890, p. 174177. En fait, on voit que ce n'est guère 
qu'une question de mots et que les Machabées sont reçus 
par l'Église parmi les livres qui font partie des Saintes 
Écritures. Au concile de Bâle, Jean de Raguse le pro- 
clame, Mansi, Concil., t. xxix, col. 885, et Eugène IV les 
nomme dans sa bulle du 3 février 1442 parmi les livres 
reçus dans le canon. Theiner, Acta Conc. Trid., Agram, 
1874, t. i, p. 79. Les protestants rejetèrent les Macha- 
bées comme les autres livres deutérocanoniques et le 
Concile de Trente, Sess. IV, Decr. de Canon. Scrip- 
turse, renouvelant la bulle d'Eugène IV, comprit les Ma- 
chabées dans la liste des livres canoniques. Le concile 
du Vatican, Sess. 111, c. n, reproduit le décret du con- 
cile de Trente. Cf. Canon des Écritures, t. n, col. 143- 
167. 

II. Chronologie des deux livres. — La chronologie 
suivie dans les deux livres des Machabées a pour base 
l'ère des Séleucides qui commence le 1 er octobre 312 
avant J.-C. Mais l'auteur du premier fait commencer les 
années au mois de nisan, selon la coutume juive; l'au- 
teur du second les fait au contraire commencer au mois 
de tischri, c'est-à-dire en automne. De là les différences 
qui existent pour les dates de certains événements, qui 
dans le second sont datés d'un an plus tard. Mais la 
contradiction n'est qu'apparente. Comparez I Mach., vu, 
1, et II Mach., xiv, 4; I Mach., vi, 16, et II Mach., xi, 
21, 33 ; I Mach., vi, 20, et II Mach., xn, 1. Dans le 
premier livre les années sont 149, 150, 151, dans le 
second 148, 149, 150. Cf. H. Waddington, Les ères em- 
ployées en Syrie, dans les Comptes rendus de l'Acadé- 
mie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1865, p. 35-42 ; 
Patrizi, De consensuutriusque libri Mach., in-4°,Rome, 
1856, p. 15-44. 

III. Premier livre des Machabées. — i. texte. — 
Le premier livre des Machabées a été certainement écrit, 
en hébreu. L'original existait encore du temps de saint 
Jérôme, Preef. in libr. Sam., t. xxvm, col. 556-557. 
Origène, cité par Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 581, 
dit que les livres des Machabées portent le nom de Eap- 
6ti0 SspêavaE e>, ce qui équivaut à l'hébreu Sarbaf Sar 
bené 'El, « Histoire du prince des fils de Dieu, » c'est-à- 
dire de Judas, prince des Juifs; d'autres lisent : 'Sarbit 
sâré bené 'El, « Sceptre des princes des fils de Dieu, » 
c'est-à-dire gouvernement des Machabées. F. Vigouroux, 
Manuel biblique, 11° édit., 1901, t. H, p. 230, n. 1. 
L'original hébreu apparaît en effet sous la traduction 
grecque. En voici quelques exemples : xa\ ifi-jt-zo, v&y- 
yehi, i, 1 ; lyivmio eiç ?<Spov, hayyàh làmâs, i, 4 (Vul- 
gate 5) ; xai âirpâ9vi<Tav toO noir^aai tb 7rov»ip6v, hit mak- 
herkd la 'asôf hârâh, i, 15 (Vulgate, 16) ; 8tdc6oXo; itovr,- 
p<S{, sâtân ra', 1, 38 ; oixoç t^ç paudeiaç, be( ham-ma- 
lâkdh, 11,19; 8uvà[i£voç Suvr^eTai itpôç ■fiiiâç, yâkol yûkal 
Idnû, v, 40, etc. Parfois le grec traduit mal et il est 
facile de rectifier le sens en se rapportant à l'hébreu. 
Ainsi, I, 16 ^Vulgate, 17), y|Toi[iâff8ï] t| paeriXsia, paratum 
est regnum, il faudrait munitum est, le verbe hébreu 
kûn signifie préparer et fortifier; IV, 19, ère irXiripoûvToç 
est un contre-sens, il faudrait >aXoûvroç, le traducteur a 
confondu le verbe mdlal, parler, avec mdld', remplir. 
On pourrait multiplier les exemples de ce genre. 

//. VERSIONS. — 1» Version grecque. — La version 
du premier livre des Machabées a été insérée dans les 
Septante. Elle existe dans le Codex Alexàndrinus et 
dans le Codex Sinailicus, qui sont généralement 
d'accord. Elle se trouve aussi dans le Codex Venetus. 
Elle manque dans le Valicajius. Le texte reçu est 



491 



MAGHABËES (LIVRES DES) 



492 



celui de l'édition publiée par ordre de Sixte V, Vêtus 
1 ' estamentum juxta Septuaginta ex auctoritate Sixti V, 
Pont. Max. editum, in-f°, Rome. 1587. On ignore d'après 
quel manuscrit y ont été publiés les deux livres des 
Machabées. On trouve une ample collection de va- 
riantes dans le tome v du Velus Testamentum grsecum 
de Holmes et Parsons, in-f«, Oxford, 1798-1827, et dans 
le Vêtus Testamentum grsece juxta Septuaginta inter- 
prètes de Tischendorf, t. n, 6 e édit., Leipzig, 1880. Par- 
mi les autres éditions critiques il faut citer Lib. apocr. 
Vet. Test, grsece, edid. Fritzche, Leipzig, 1871; The Old 
Testament in Greek by Swete, in-8°, Cambridge, 2 e éd., 
1899. La version grecque est très ancienne, car Josèphe 
s'en est servi dans la rédaction des livres XII et XIII 
des Antiquités judaïques et la souvent copiée mot pour 
mot. 

2° Versions latines. — La version latine incorporée 
dans la Vulga te n'est pas de saint Jérôme, c'est l'ancienne 
italique. Un manuscrit de Paris du fonds de Saint- 
Germain-des-Prés contient une autre version des treize 
premiers chapitres. Elle a été publiée par Sabatier, 
Bibliorum Sacror. latinse versïones antiques, in-f°, 
Reims, 1743, t. il, p. 10-13. Cf. Heysen et Tischendorf, 
Biblia sacra latina Vet. Testamenti Hieronymo inter- 
prète ex antiquis. auctoritate in stichos descripta, in-8°, 
Leipzig, 1873. 

3° Versions syriaques. — La Peschito contient la tra- 
duction des deux livres des Machabées. Elle se trouve 
dans le tome ix de la Polyglotte de Paris et dans le 
tome rv de la Polyglotte de Londres. Elle a été repro- 
duite à part dans les Libri Vet. lest, apocryphi syriace, 
édit. Lagarde, in-8», Leipzig, 1861. Dans le manuscrit de 
Milan de la Peschito se trouve une traduction syriaque 
du texte grec reçu qui va jusqu'au chapitre 14 ; Trans- 
latio Syra Pescitto Veteris Testamenti ex codice am- 
brosiano, édit. Ceriani, 2 in-4°, Milan, 18761883. 

m. auteur et date. — On ignore le nom de l'auteur 
du premier livre des Machabées. C'est un Juif de Pales- 
tine, comme le prouve la langue dans laquelle il a écrit 
et sa parfaite connaissance de la topographie palesti- 
nienne. Il vivait au temps de Jean Hyrcan (136-106 avant 
J.-C.) ; il se réfère en effet à l'histoire de son pontificat 
pour les événements delà fin de son règne qu'il ne raconte 
pas. I Mach., xvi, 23-24. Le style de ce livre est simple 
et concis. L'auteur est sobre de réflexions personnelles. Il 
s'élève cependant à une haute éloquence et devient 
presque poétique dans le récit des malheurs ou des 
triomphes de son penple. Cf. i, 26-29; 38-42; m, 3-9, 
35-36 ; iv, 38-40. On retrouve dans ces passages le paral- 
lélisme des poètes hébreux. Son ardente pitié, son 
dévouement à la loi et au culte sacré, son horreur pour 
les infamies des rois de Syrie apparaissent dans tout le livre. 
Cependant ces sentiments sont rarement exprimés. 

IV. DIVISION ET analyse. — Le premier livre raconte 
la lutte que les Juifs soutinrent pour la délense de leur 
liberté religieuse et politique contre les rois de Syrie 
Séleucus IV, Antiochus IV Épiphane, Antiochus V 
Eupator, Démétrius I er , Démétrius II et Antiochus VII 
Sidétès, c'est-à-dire de 187 av. J.-C. à 106. Leurs chefs 
furent Mathathias et ses trois fils Judas Machabée, Jona- 
thas et Simon. — On peut le diviser de la manière 
suivante : 1° Introduction, i-ii. — 1. Après avoir rappelé, 
I, 1-10, les conquêtes d'Alexandre le Grand et le partage 
de son empire, l'écrivain sacré, 2, passe au règne d'An- 
tiochus IV Épiphane. Il décrit les attentats sacrilèges de 
ce prince contre le Temple, la ville sainte et la Judée 
tout entière et raconte les débuts de l'insurrect'on juive 
contre le tyran, i, 11-n, 70. — 2° Histoire des guerres 
des Machabées. Première section, contenant le récit 
détaillé des combats, des victoires et de l'administra- 
tion de Judas Machabée, m, 1-ix, 22. — Seconde section, 
gouvernement de Jonathas, ix, 23-xu, 54. — Troisième 
section. Gouvernement de Simon, xm, 1-xvi, 17. — 



Conclusion : avènement de Jean Hyrcan, fils et succes- 
seur de Simon, xvi, 18-24. Voir Judas 3 Machabée, 
t. m, col. 1790; Jonathas 3, t. m, col. 1617; Simon; 
Jean Hyrcan 4, t. m, col. 1154. 

v. valeur historique. — La valeur historique du 
premier livre des Machabées n'est contestée aujourd'hui 
par aucun historien, du moins en ce qui touche à la 
Palestine et à l'histoire du peuple juif. « On ne peut 
avoir aucun doute, dit E. Schûrer, Geschichte des ju- 
dischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, in-8°, Leipzig, 
1890, t. h, p. 580, sur la créance qu'il mérite. C'est 
une des sources les plus dignes de foi que nous possé- 
dions sur l'histoire du peuple juif. Il a en particulier 
une valeur exceptionnelle en ce qu'il date les événements 
d'après une ère fixe, celle des Séleucides, qui commence 
en l'an 312 avant J.-C. » Il ajoute cependant : « L'auteur 
est médiocrement renseigné sur les nations étrangères. 
On reconnaît le langage naïf d'un observateur qui étudie 
exclusivement les événements d'après les sources 
indigènes. » 1. La première critique faite au livre 
des Machabées est relative à I, 1. Le texte grec porte 
qu'Alexandre régna le premier en Grèce, après Darius. 
Cf. I Mach., vi, 2. C'est l'Asie grecque que l'auteur juif 
envisage quand il parle de la Grèce. Voir Alexandre 1, 
t. i, col. 346. En fait, il est certain qu'Alexandre est le 
premier qui ait substitué un royaume grec, en Asie, à 
la souveraineté perse. E. Frœhlich, Annales compenda- 
rii regum Syriœ, in-8», Vienne, 1744, p. 31. Cf. Imhoof- 
Blumer, Portrâtkôpffe aufantiken Mùnzen, Hellenischer 
und hellenisierter Vôlker, in-4°, Leipzig, 1885, p. 14- 
Aujourd'hui un historien pourrait parfaitement dire 
qu'Alexandre est le premier roi de Grèce, par opposi- 
tion aux princes locaux qui le précédèrent. On pourrait 
même dire qu'il fut le seul, puisque après lui son 
royaume fut divisé. Le roi de Macédoine devint roi de 
Grèce, comme le roi de Prusse devint empereur d'Alle- 
magne en 1870. — 2. La seconde objection porte sur la 
partage que, d'après I Mach., i, 6-7, Alexandre fit de 
son royaume entre ses généraux avant de mourir. 
Quinte-Curce, x, 10, dit que plusieurs ont cru en effet 
qu'Alexandre avait fait ce partage par testament, mais 
il n'est pas de leur avis. L'opinion de Quinte-Curce 
ne suffit pas à infirmer celle d'un écrivain antérieur, 
comme l'est l'auteur des Machabées. En réalité, on ne 
sait rien de ce qui s'est passé à la mort d'Alexandre, 
sur les circonstances de laquelle ont circulé les bruits 
les plus contradictoires. Arrien, Exped. Alexandr., 
VII, xvi, 27; Diodore de Sicile, xvm, 2; Justin, xn, 15. 
Voir Alexandre 1, t. i, col. 346. —3. La troisième diffi- 
culté est relative au passage qui concerne les Romains, 
I Mach., vm, 1-16. Il est certain que le tableau de la 
constitution et de l'histoire de Rome contenu dans ce 
chapitre n'est pas entièrement exact, mais l'auteur n'a 
pas eu d'autre intention que de rapporter ce que Judas 
avait entendu dire, r^otiot, ScriY^uavro, audivit, audie- 
runt. Dans ces conditions, il n'a pas à rectifier les 
inexactitudes de la rumeur publique mais à la rapporter 
telle quelle. — 4. La dernière inexactitude reprochée à 
l'auteur, est d'avoir supposé des liens de parenté entre 
les Spartiates et les Juif?. I Mach., xn, 5-23. Dans ce 
passage, il cite deux documents, une lettre de Jonathas 
aux Spartiates et une réponse d'Arius, roi de Sparte. 
L'affirmation est le fait de ces deux personnages et non 
celle de l'auteur. Il cite les documents tels qu'ils ont été 
écrits, c'est le devoir de tout historien consciencieux. 
Voir Lacédémoniens, t. iv, col. 7. Voir sur ces diffi- 
cultés, F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique 
rationaliste, 5« édit, t. îv, 1902, p. 613-637. 

ri. sources. — L'auteur, outre ses souvenirs person- 
nels, avait consulté les annales contemporaines. Il parle 
de celles qui concernent le pontificat de Jean Hyrcan, 
I Mach., xvi, 23-24; il est probable qu'il en existait de 
semblables pour les gouvernements précédents. 11 cite 



MACHABÉES (LIVRES DES) 



494 



un nombre considérable de documents officiels, vm. 
23-32; x, 18-20, 25-45; xi, 30-37; xn, 6-23; xm, 36-40; 
xiv, 20-23, 27-49; xv, 2-9, 16-21 ; il en abrège quelques 
autres, x, 3-6; xv, 22-23. Il est impossible d'apporter 
une raison sérieuse pour nier l'authenticité de ces 
pièces. 

IV. Second livré des Machabées. — i. texte. — Le 
second livre des Machabées a été écrit en grec. Saint 
Jérôme, Prsef. in lib. Sam., t. xxviii, col. 556-557, 
l'affirme formellement et il ajoute que cela apparaît 
dans le style. En effet la langue est d'un écrivain qui 
pense en grec. S'il y a çà et là quelques hébraïsmes, ce 
sont des locutions habituelles chez les Juifs hellénistes. 
Très nombreux au contraire sont les héllénismes ou les 
expressions particulières : KaXbv xat âyaGôv, xv, 12, 
cf. IV,37, 40; vi, 12; xv, 39, etc.; ônloloy£.X</ , vm, 27, 31; 
IV, 21; x, 14; ii^afayia, H, 25; a-yeiv àyâva, IV, 18; 
iupisvsîav- 8ui|jt,cvsiav, vi, 29; çiXofpoveïv sî'ç ti, h, 25; 
àXXo(puXea/u,o';, IV, 13; VI, 24; Sit\i.miù.^\t.i,, IV, 40; 9a>paxea- 
u,<5;, v, 3.; xaTEuDixTeîv, xiv, 43; SuoTcérrjiJLa, v, 20; âiteu- 
OaviÇeiv, vi, 28; SoÇixô;, vm, 35; iroXsfioTpotpEtv, x, 14, 
etc., etc. Jérusalem est écrit sous la forme grecque 'Iepo- 
«ôXujtct, i, 1, 10; m, 6, 9; iv, 9, etc., tandis que dans le 
premier livre on trouve la forme hébraïque 'Iepouo-a- 
Xïj[i, i, 20, 29, 38, 44; h, 1, 3, 34, etc. Les lettres du 
début ont dû être écrites en grec pour être comprises 
des Juifs d'Egypte. La phrase du récit a l'ampleur de la 
phrase grecque. Le texte original se trouve dans VAlexan- 
drinus, il manque dans le Vaticanus et dans le Sinai- 
ticus. On ignore, comme pour le premier livre, à quel 
manuscrit a été emprunté le texte reçu, qui est celui de 
l'édition Sixtine. 

II. VERSIONS. — La version latine de la Vulgate est 
celle de l'ancienne italique. Elle reproduit exactement 
le grec, sauf quelques variantes, omissions ou additions 
insignifiantes. La version syriaque imprimée dans la 
Polyglotte de Walton, t. iv, est très mauvaise, c'est sou- 
vent une paraphrase. 

m. auteur, sources. — 1» L'auteur est inconnu. 
C'était un Juif helléniste, vivant ou ayant vécu à Jérusa- 
lem. La date à laquelle il écrivit est également incer- 
taine, cependant elle ne peut être antérieure à 124 
avant J.-C, date de la première lettre citée par lui, 
II Mach., i, 10, ni postérieure à 63, date de la prise de 
Jérusalem par Pompée. — 2° Il s'est servi pour composer 
son livre des cinq livres de Jason de Cyrène qu'il a 
résumés en un seul, n, 20-33. Voir Jason de Cyrène, 
t. m, col. 1140. Il a surtout supprimé les chiffres afin 
de rendre la lecture moins aride, H, 25-26. 

iv. but etstïle de l'auteur. — L'auteur du second 
livre des Machabées ne s'est pas proposé seulement tle 
faire un récit, mais surtout d'instruire et d'édifier ses 
lecteurs. Il veut les exciter à célébrer dignement les 
fêtes dans le Temple. C'est dans ce dessein qu'il publie 
les deux lettres du début, i-ii,19; qu'il donne au Temple 
les épithètes les plus louangeuses, n, 20, 23; v. 15;xiv, 
31 ; xv, 18 ; qu'il montre les étrangers lui rendant des 



honneurs, m, 2-3; xm, 23; ix, 16; cf. v, 17-20; qu'il 
raconte tous les faits qui peuvent rehausser sa gloire, 
m, 24-39; xm, 6-8; xiv, 33; xv, 32; qu'il indique les 
origines des fêtes, x, 8; xv, 36-37. Aux Juifs dispersés il 
rappelle qu'ils ne doivent pas ériger de temple en 
dehors de Jérusalem, mais se rendre en pèlerinage dans 
cette ville, x, 8. Le désir qu'a l'auteur de convaincre 
donne à son style une certaine chaleur. Il aime à mêler 
ses réflexions personnelles au récit des événements. A 
chaque page, il fait remarquer les châtiments par 
lesquels Dieu punit le blasphémateur, v, 7-10; VI, 14; 
vu, 14; xin, 6-8; ix, 5-28; xv, 32-35; la bonté avec 
laquelle Dieu exauce les prières des sainte ; si le Seigneur 
éprouve parfois les justes, c'est pour les purifier, iv, 17; 
vil, 6, 18, 32-37; vin, 5; xiv, 15. Les grandes vérités 
du jugement dernier, VI, 14; de la résurrection des 
morts, vu, 6, 9, n, 14, 23, 29, 36; de la punition du 
pécheur dans une autre vie, vi, 23, 26; de la récom- 
pense des justes, vu, 36; de l'expiation dans le purga- 
toire des fautes non expiées ici-bas, xn, 43, et la puis- 
sance de l'intercession des saints, xv, 11, 16, y sont 
nettement exprimées. Le second livre des Machabées est 
donc conçu dans un esprit différent de celui du premier. 
On y trouve parfois, à côté des qualités littéraires que 
nous avons signalées, un peu de rhétorique et d'affecta- 
tion, il, 20-32; xv, 38-39. 

v. division et analyse. — Le second livre des 
Machabées n'est pas la continuation du premier, mais 
il contient en grande partie le récit des mêmes événe- 
ments. 11 remonte un peu plus haut, à la fin du règne 
de Séleucus IV, et s'arrête un peu moins loin, à la dé- 
livrance de Jérusalem par Judas, la seconde année du 
règne Démétrius I er Soter. — Il se divise en deux par- 
ties. 1» La première contient deux lettres des Juifs de 
Palestine aux Juifs d'Egypte, i-ii, 19. La première de 
ces lettres invite les frères d'Egypte à célébrer la fête 
de la Dédicace au mois de Casleu, i, l-10 a . Elle est 
datée de l'an 188 des Séleucides, 124-125 avant J.-C. a. 
Schlùnlse, Epistolx qum 11 Mach., i, 1-9, leguntur, 
explicatio, Cologne, 1844. La seconde, v 10Mi, 19, fut 
écrite peu après la mort d'un Antiochus, i, 13-16. On 
y trouve le récit du recouvrement du feu sacré par Né- 
hémie, i, 19-36, l'histoire de Jérémie cachant sur 
le mont Nébo le tabernacle, l'arche et l'autel des par- 
fums, n, 1-12, enfin la création par Néhémie d'une 
bibliothèque contenant les Livres Saints et les édits des 
des rois de Perse, n, 13. — 2° La seconde partie dtbute 
par une préface qui annonce qu'elle est le résumé des 
cinq livres de Jason de Cyrène, H, 20-33. — On peut la 
subdiviser en deux sections : 1. Histoire des événements 
de la fin du règne de Séleucus IV et du régne d' An- 
tiochus IV Épiphane, m-x, 9; 2. Histoire des événe- 
ments qui se sont passés sous les règnes d'Antiochus V 
Eupator et de Démétrius I er Soter, 10-xx. 

VI. COMPARAISONS DES DEUX LIVRES DES MACHABÉES. 

— En comparant les deux livres, on peut tracer le 
tableau suivant des passages parallèles : 



336-323 
323-187 
187-176 
176-175 
176-171 
171-170 

170 
170-168 

Î68 
168-167 



TABLEAU C011PAEÉ DES PASSAGES PARALLÈLES 

1IANS LES DEUX LIVRES DES MACHABÉES. ^ ^" 



Règne d'Alexandre le Grand 

Les successeurs d'Alexandre jusqu'à Séleucus IV 

Règne de Séleucus IV, sacrilège d'Héliodore 

Avènement d'Antiochus IV Épiphane . . 

Règne d'Antiochus jusqu'à sa seconde expédition en Egypte 

Seconde expédition d'Antiochus en Egypte 

Prise de Jérusalem et pillage du Temple par Antiochus . ■ 

Philippe le Phrygien gouverneur de Judée 

Pillage de Jérusalem par Apollonius 

Édit d'Antiochus 



I Macu. 


II Mion. 


I, 1-7. 


1> 


I, 8-10. . 


» 


9 


m, 1-iv, 6. 


I, 11. 


IV, 7'. 


I, 12-16. 


iv, 7>-50. 


I, 17-20. 


v, 1-10. 


I, 21-28. 


V, 11-21. 


» 


V, 22-23. 


I, 29,-42. 


V, 24-27. 


I, 43-07. 


vi, 1-vu, 42. 



405 



MACHABÉES (LIVRES DES) 



496 



Avant J.-C. 



167 
166-165 
166-165 
165-164 
165-164 
165-164 
164-163 
164-163 

163 
163-162 

162 

162 
162-161 



TABLEAU COMPARÉ DES PASSAGES PARALLÈLES 

DANS LES DEUX LIVRES DES UACHABÉES (SUITE). 



Soulèvement de Mathathias 

Premiers exploits de Judas Machabée 

Ses victoires sur Nicanor et Gorgias 

Première expédition de Lysias 

Dédicace et purification du Temple 

Judas fortifie Jérusalem et Bethsura . . 

Campagnes de Judas contre les peuples païens voisins. . . 
Mort d'Antiochus Épiphane, avènement d'Ajitiochus Eupator 
Seconde expédition de Lysias en Judée. Traité de paix. . . 

Troisième expédition de Lysias. Nouveau traité 

Mort d'Antiochus Eupator, avènement de Démétrius I". . . 

Alcime grand-prêtre . 

Expédition de Nicanor contre les Juifs 



I lUcn. 


Il Macs. 


H, 1-70. 


» 


in, 1-26. 


VIII, 1-7, 


m, 27-1V, 27. 


VIII, 8-36. 


IV, 28-35. 


» 


IV, 36-59. 


X, 1-9. 


IV, 60-61. 


B 


V, 1-68. 


X, 15-38; xtr, 3-46. 


VI, 1-16. 


ix, 1-29. 


» 


X, 10-14; XI, 1-38. 


VI, 17-63. 


xiii, 1-26. 


vu, 1-4. 


XIV, 1-2. 


VII, 5-25. 


Xiv, 3-14. 


VII, 26-50. 


xiv, 15-xv, 40. 



L'auteur du second livre complète le récit du pre- 
mier, il y ajoute des noms de personnages qui n'y figu- 
rent pas, II Mach., iv, 29; vm, 32, 33; xn, 2, 19,24, 
35; xiv, 19; ou des circonstances nouvelles, iv, 14; 21, 
30; v, 7-9, 22-23; vm, 33; x, 13; xm, 4. On voit donc 
qu'il est indépendant du premier et que l'auteur a eu 
entre les mains d'autres sources. — Sur l'accord des 
deux livres des Machabées, voir F. X. Patrizi, De con~ 
sensu utriusque libri Machabmorum, in-4°, Rome, 1856. 

VII. VALEUR HISTORIQUE DU SECOND LIVRE. — La 

valeur historique du second livre des Machabées est 
considérée par les rationalistes comme bien inférieure 
à celle du premier. Th. Nôldeke, Die allestamentliche 
Literatur in einer Reihe von Aufsâtzen dargestellt, 
in-8°, Leipzig, 1868, p. 99-100. — 1° D'après lui, la pre- 
mière lettre renferme deux données chronologiques 
contradictoires, l'an 144-143, i, 7, et l'an 125-124, au jf. 10°. 
— La réponse est facile. De ces deux dates, la dernière 
est celle de la présente lettre et l'autre celle d'une lettre 
antérieure. —2» Mais, ajoute-t-on, les Juifs de Palestine 
ont-ils attendu .quarante ans pour inviter leurs frères 
d'Egypte à célébrer la fête de la Dédicace établie par 
Judas Machabée? — Rien rie dit qu'ils ne l'avaient déjà 
fait. Peut-être en était-il question dans la lettre de 
144-143. Ces rappels n'étaient pas inutiles dans un 
pays où le grand-prêtre Onias IV, s'étant réfugié à Léon- 
topolis, sous Ptolémée VI Philométor, un temple, sem- 
blable à celui de Jérusalem, avait été bâti, contraire- 
ment à la loi. Josèphe, Ant. jud., XIII, m, 1. — 3° Les 
objections contre la seconde lettre ne portent que sur 
le caractère miraculeux des faits, il n'y a donc pas à 
s'en occuper pour ce qui regarde la valeur historique 
du document. — 4° Dans la seconde partie, J. E. Celle- 
rier, Introduction à la lecture des Livres Saints, in-8°, 
Genève, 1832, p. 350, note, remarque que le récit de 
II Mach., ix, est incompatible avec II Mach., i, 10-17, et 
I Mach., vi, 1-16. La mort d'Antiochus IV Épiphane est, 
dit-il, raconlée de trois façons différentes. A cette objec- 
tion on répond : 1. Dans I Mach., vi, et dans II Mach., ix, 
il s'agit bien de la mort du même Antiochus IV. Il n'y 
a pas de contradictions entre les deux récits. Le mot 
Élymaïs, I Mach., vi, 1, n'est pas un nom de ville, il 
faut lire 'Eirriv âv 'EXuu,ai6t, èv tïj riep<riBi, itriXtc ê'voojoç, 
c'est la leçon des meilleurs manuscrits. Cf. Diodore de 
Sicile, xxviii, 3. Voir Élymaïde, t. n, col. 1711. Ce texte 
n'est pas en désaccord avec II Mach., IX, 2, qui désigne 
Persépolis comme la ville dont Antiochus avait voulu 
piller le temple. Dans I Mach., vi, 4, Antiochus s'en 
retourne vers Babylone; dans II Mach., ix, 3, il meurt 
près d'Ecbatane. Rien n'empêche qu'il meure en route, 
avant d'être arrivé au but de son voyage. La preuve en 
est que dans I Mach., mi, 5, c'est sur la route de Perse, 
qu'il apprend la défaite de ses troupes, rfiv et; Xltpaiox, 
et d'après II Mach., îx, 3, en Médie puisque c'est près 



d'Ecbatane; l'auteur du premier livre des Machabées 
emploie un terme général que précise le second. 
Celui-ci indique Ecbatane comme la grande ville près 
de laquelle se trouve Antiochus, qui suivait probable- 
ment en sens inverse le chemin qu'avait suivi Alexandre, 
c'est-à-dire la route qui va de Persépolis à Ecbatane 
par Tabès et Aspadana. D'après Polybe, xxxi, 11, et 
saint Jérôme, In Daniel., xi, 44, t. xxv, col. 573, qui cite 
Porphyre, c'est à Tabès, en Perse ou, plus exactement, 
en Paratacéne qu'il mourut, après avoir tenté de piller 
le temple de Diane en Élymaïde. Le récit de la mort de 
l' Antiochus dont il est parlé dans II Mach., i, 14-16, diffère 
des deux autres par des traits essentiels. Quelques 
exégètes prétendent qu'il s'agit ici d'Antiochus III et 
non d'Antiochus IV. Ils rapprochent le récit biblique de 
celui des auteurs profanes sur la mort d'Antiochus III 
et y trouvent de notables coïncidences; 

En effet, la lettre dit que l'Antiochus, dont elle raconte 
la mort, fut tué par les prêtres du temple de Nanëe 
parce qu'il voulait piller ce sanctuaire. Nanée est l'épouse 
de Bel ou Jupiter Élyméen. Or, Strabon, XVI, I, 18, et 
Justin, XXXII, il, 1, disent qu'Antiochus III fut massa- 
cré par les habitants parce qu'il avait attaqué le temple 
de Belus. Nanée devait y être honorée avec son époux, 
La lettre dit que ce sont les prêtres qui l'ont tué, mais 
il est évident qu'ils ont dû être les instigateurs de sa 
mort et y avoir participé. Le concours des habitants a 
été nécessaire pour le massacre de l'armée dont parle 
Justin. — On objecte que la lettre est écrite par Judas 
Machabée, II Mach., I, 10, et que par conséquent elle 
n'a pu l'être avant l'an 166 et que c'est bien tard pour 
annoncer la mort d'Antiochus III, qui eut lieu en 187. 
Mais rien n'est moins certain que l'identification du Judas 
de la lettre avec Judas Machabée, surtout quand quelques 
lignes plus loin on trouve les mots : « Quant à Judas 
Machabée, » II Mach., n, 20, comme pour le* différencier 
du premier. Plusieurs pensent que ce Judas est Judas 
l'Essénien dont parle Josèphe, AnL jud., XIII, xi, 2. 
Voir Judas, 6, t. m, col. 1803. La lettre est adressée à 
Aristobule, le maître du roi Plolémée. II Mach.,l, 10. Le 
mot SiSâoxaXo? a le sens général de conseiller. S'il s'agit, 
comme on le croit généralement, de l'Aristobule qui 
dédia son ouvrage sur les livres de Moïse à Ptolémée VI 
Philométor (181-146), il a pu être conseiller du père de 
ce roi Ptolémée V Épiphane (204-181), et par conséquent 
la lettre a pu être écrite peu après 187. La fête dont il 
est question dans la lettre n'est pas celle de la purifica- 
tion du Temple instituée en 164, après la profanation 
d'Antiochus Epiphane, mais la fête du feu qui s'alluma 
quand Néhémie offrit des sacrifices après avoir réparé 
le temple et l'autel. II Mach., i, 18-36, Cf. F. Vigouroux, 
Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5 e édit., 
t. iv, p. 641-659. Cependant un grand nombre d'exé- 
gètes catholiques admettent qu'il s'agit dans les deux 



497 



MACHABÉES — MACHABÉES (LIVRES APOCRYPHES DES) 



498 



cas d'Antiochus IV et que Judas Machabée est l'un des 
rédacteurs de la lettre. C'est l'opinion de Cornélius a 
Lapide, de Welte, de Kaulen, de Gillet, de Cornely. 
Cf. C. Trochon et H. Lesêtre, Introduction à l'étude de 
l'Écriture Sainte, in-18, Paris, 1890, t. n, p. 351-352. 
D'après eux, les Juifs ont été trompés par un récit 
erroné et ce sont les rédacteurs de la lettre et non 
l'écrivain qui l'a insérée, qui doivent être rendus res- 
ponsables. C'est du reste une règle de critique incon- 
testable. Voir Antjochus 2, t. i, col. 691, et Antiochds 3, 
t. I, col. 699. Cf. F. Prat, La Bible et l'histoire, in-12, 
Paris, 1904, p. 44. — 4° Une dernière objection que 
tait W. Grimni, Exégetisches Handbuch zu den Apocry- 
phen des Alt. Testant., in-8», Leipzig., 1853, t. ix, 
p. 110-111, c'est que dans II Mach., vi, 7, il est dit 
qu'Antiochus Épiphane obligea les Juifs à célébrer tous 
les mois l'anniversaire de sa naissance et que nulle part 
on ne trouve de trace d'une pareille ordonnance, 
Grimm s'est trompé; les exemples de la célébration 
mensuelle du jour de naissance des rois est habituelle. 
E. Beurlier, De divinis honoribus quos accepefunt 
Alexander et successores ejus, in-8°, Paris, 1891, p. 53, 96. 
— Sur toutes ces difficultés et sur d'autres de moindre 
importance, voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la 
critique rationaliste, 5 e édit., t. îv, p. 638-668. 

V. Bibliographie. — Raban Maur, Commentaria in 
libr. Machab.j t. Cix, col. 1126-1255; J. Stephanus, De 
bello sacro religionis causa suscepto ad II Machab. 
Convnientarius (inachevé), Oriolae, 1603; N. Serrarius, 
In libr. Tobiam... Machab. commentarius, in-f°, 
Mayence, 1610; P. Redanus, S. J., Commentaria, histo- 
rica, setiologica, anagogica in II Mach., Lyon, 1651 ; 
Cornélius a Lapide, reproduit dans Migne, Cursus com- 
plet. Script. Sacrx, t. xx; J. Ern. Foullon, Commen- 
tarii historici et morales adlMacc. librum, in-f°, Liège, 
1660; Ad secundum Machabteorum librum, 1665; 
P. Verhorst, Sacres militiez iypus et historia seu Com- 
ment, literalis et mysticus in 1 Mach., Trêves, 1700; 
J< D. Michaelis, Uebersetzung des I Makkab. Bûches 
mit anmerkungen, Gœttingue et Leipzig, 1778; E. Frô- 
lich, Annales compendarii regum et rerum Synae 
nummis veteribus illustrati, in-4°, Vienne, 1744; 
E. F. Wernsdorff, Prolusio de fontibus historiée Syrise 
in libris Machabseorum, Leipzig, 1746; E. Frblich, De 
fontibus historiée Syrise in libris Machabseorum pro- 
lusio in examen vocata, Vienne, 1746; Gtl. Wernsdorff, 
Commentatio historico-crilica de fide librorum Macha- 
bmorutn, Breslau, 1747; [Khell,] Auctoritas utriusque 
libri Machabseorum canonico-hitdrica asserta, Vienne, 
1749; J. M. A. Scholz, Commentar zu den BB. der 
Makkabàer, in-8», Francfort, 1835; C. L. W. Grimm, 
Kurzgef. exeget. Handb. zu den Apokryphen des 
Alt. Test., in-8», Leipzig, 1853, t. m; F. X. Patrizi, De 
consensu utriusque libri Mach., in-4°, Rome, 1856; 
C. F. Keil, Commentar ûber die Bûcher der Makka- 
bàer, in-8°, Leipzig, 1875; Gillet, Les Machabées, in-8°, 
Paris, 1880; B. Niese, Kritik der beiden Makkabâer- 
bûcher, in-8°, Berlin, 1900. E. Beublier. 

4. MACHABÉES (LIVRES APOCRYPHES DES). En 

plus des deux livres canoniques des Machabées il existe 
trois livres apocryphes qui portent ce titre. 

I. Troisième livre des Machabées. — /. nom. — Le 
troisième livre des Machabées n'a en réalité aucun droit 
à ce titre. En effet, il ne raconte pas l'histoire des 
princes asmonéens, mais celle des événements anté- 
rieurs à eux. Chronologiquement il devrait être placé 
avant les deux livres canoniques. Dans la Synopsis du 
pseudo-Athanase, Patr. Gr., t. xxviu, col. 432, on lit : 
Maxxocëatxà piëXïa S' nxo)ie|J.aixâ. Grimm, Kurgefasstes 
exégetisches Bandbuch zu den Apockryphen d. Alten 
Testaments, petit in-4°, Leipzig, 1857, p. 220, pense qu'il 
feut lire %x\ IlTo>.eu,aiy.â et que le mot désigne le livre vul- 



gairement connu sous ce nom de Ille livre des Machabées. 
C'est bien le titre qui lui convient, puisqu'il rapporte 
des événements relatifs au règne de Ptolémée IV Philo- 
pator. A cause de la date de ces événements, Cotton, 
dans The fine Books of Machabées, in-8°, Oxford, 1832, 
l'a placé en tête. Le texte se trouve dans presque tous les 
manuscrits et dans les éditions des Septante. Les Juifs 
ne paraissent pas avoir fait usage de ce livre. La pre- 
mière mention qui en est faite par les chrétiens se 
trouve dans les Canons apostoliques, can. 85, t. cxxxvn, 
col. 212. On le trouve également dans Théodoret d'An- 
tioche, Ad. Dan., xi, 7, t. lxxxi, col. 1508, dans le cata- 
logue de Nicéphore, t. c, col. 1057, et dans la Synopse du 
pseudo-Athanase avec le titre que nous avons indiqué 
plus haut. L'Église latine ne l'a jamais admis dans son 
canon et il n'y en a pas de traduction dans la Vulgate. 
Il est au contraire traduit dans la Peschito et les témoi- 
gnages de Théodoret et de Nicéphore montrent qu'il 
était accepté dans l'Église de Syrie. 

il. BU2' et analyse du livre. — Le dessein de l'au- 
teur est d'encourager les Juifs d'Alexandrie à souffrir 
pour leur foi en leur racontant ce qu'ont souffert leurs 
ancêtres, en leur montrant que le Tout-Puissant triomphe 
toujours de ses ennemis. Pour atteindre ce but, il ra- 
conte les événements qui se sont passés à Alexandrie 
sous le règne de Ptolémée IV Philopator. Ce prince, 
après la victoire qu'il avait remportée sur Antiochus le 
Grand à Raphia, en 217 avant J.-C, reçut les lélicita- 
tions d'envoyés juifs qui lui firent visiter la cité sainte 
et l'exhortèrent à offrir des sacrifices. Il voulut pénétrer 
dans le Saint des Saints, I, 1-11. En vain le peuple le 
supplia-t-il de renoncer à son projet sacrilège, il per- 
sista. Le peuple fut sur le point de résister les armes à 
la main, i, 11-29. Le grand-prêtre Simon pria le Sei- 
gneur, qui châtia le prince impie, en le frappant de para- 
lysie, il, 1 24. Revenu à lui, Ptolémée retourna en 
Egypte et résolut de se venger sur les Juifs d'Alexandrie. 
Il les priva de leurs privilèges et les fît marquer au fer 
chaud d'une feuille de lierre, comme adorateurs de 
Bacchus. Voir t. u, col. 1378. Seuls ceux qui acceptèrent 
volontairement le culte de ce dieu furent épargnés, n, 
24, 30. La masse du peuple resta fidèle à sa foi, et le roi 
ordonna d'arrêter les Juifs de tout le pays et de les 
conduire enchaînés à Alexandrie, n, 31-m, 1. Un grand 
nombre purent échapper aux émissaires du roi, grâce à 
l'aide que leur donnèrent les Égyptiens, m, 2-iv, 10. 
Ceux qui furent arrêtés furent conduits à l'hippodrome 
d'Alexandrie. Avant de procéder au massacre, Ptolémée 
ordonna qu'on inscrivit les noms de tous les prison- 
niers. Ce fut alors que se produisit un fait merveilleux. 
Après avoir travaillé pendant 40 jours, les scribes dé- 
clarèrent que le nombre des Juifs était si grand qu'ils 
manquaient de roseaux et de papyrus, iv, 10-21. Le roi 
ordonna d'enivrer de vin et d'encens 500 éléphants et 
de les faire entrer dans l'hippodrome pour qu'ils fou- 
lassent les Juifs aux pieds. L'exécution de l'ordre fut 
différée parce que Ptolémée fut pris soudain d'un som- 
meil profond qui dura jusqu'après l'heure fixée chaque 
jour pour son principal repas, v, 1-22. Le lendemain 
matin Ptolémée avait providentiellement oublié les 
ordres qu'il avait donnés et se rappela seulement la 
loyauté dès Juifs envers ses ancêtres, v, 23-25. Le même 
soir/ cependant il recouvra la mémoire et ordonna le 
massacre. Comme ses officiers paraissaient se moquer 
de ces revirements, il fît serment d'envahir la Judée et 
de détruire le Temple, v, 26-48. Un prêtre nommé 
Éléazar, vénérable vieillard, pria pour son peuple, et, 
quand le roi et sa suite arrivèrent à l'hippodrome pour 
assister au massacre, deux anges effrayèrent les éléphants 
et ceux-ci se précipitèrent sur l'escorte de Ptolémée, v, 
44-vi, 22. La colère du roi se changea alors en pitié pour 
les Juifs, il leur donna la liberté et fit une grande fête 
en leur honneur. En mémoire de leur délivrance, les 



499 



MACHABÉES (LIVRES APOCRYPHES DES) 



500 



Juifs instituèrent une fête annuelle, vi, 23-vn, 9. Le roi 
leur promit de punir ceux d'entre eux qui avaient 
apostasie, vi, 10-23. 

///. VALEUR HISTORIQUE DtT IIP LIVRE DES MACBA- 

bées. — Davidson, Introduction to the Old Testament, 
in-8°, Londres, 1862, t. m, p. 454, dit que le récit du 
III e livre des Machabées est une fable absurde. Cette 
opinion est certainement exagérée. En effet, les faits 
attestés par ce livre sont concordants avec ce que nous 
savons par ailleurs de Ptolémée IV Philopator. La vic- 
toire de ce prince à Raphia, sur Antiochus, i, 1-4, est 
connue par Polybe, v, 40, 58-71, 79-87; Tite Live, xxxvn, 
4, Justin, xxx, 1. Polybe, v, 87, mentionne son séjour 
en Cœlésyrie et en Phénicie. Son penchant pour le 
culte de Bacchus, n, 25-30, est affirmé par Justin, xxx, 1. 
Son caractère cruel et vicieux est celui que décrit Plu- 
tarque, Quomodo distinguendi sunt adulatores, xn. 
Théodote, dont il est question, il, 2, est signalé par Po- 
lybe, v, 40, comme commandant en chef les armées de 
Ptolémée en Cœlésyrie. L'institution d'une fête en sou- 
venir de la délivrance des Juifs, vi, 36, est attestée par 
Josèphe, Contr. Apion, n, 5. Cependant Josèphe place 
l'événement dont il s'agit, et qui est décrit par lui de la 
même façon, sous Ptolémée VII Physcon. Certains cri- 
tiques, entre autres Grimm, Handbuch, p. 217; David- 
son, Introduction, t. m, p. 455, pensent qu'il y a dans 
ce récit une transposition des événements qui se sont 
passés à Alexandrie sous Caligula, Josèphe, Ant. jud., 
XVIII, vin, 2; mais dans le III e livre des Machabées rien 
ne rappelle l'empereur romain et il n'est pas dit que, 
comme lui, Ptolémée IV ait aspiré à être adoré comme 
un dieu. Le seul fait qui apparaisse à la fois aux deux épo- 
ques est la privation du droit de citoyen pour les Juifs, 
mais il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il se soit renouvelé. 

IV. AUTEUR, LANGUE, INTÉGRITÉ, DATE VU LIVRE. — 

1. On admet généralement que l'auteur du III e livre des 
Machabées est un Juif alexandrin et qu'il écrivit en 
grec. — 2. Son style est bien en effet d'un Juif alexan- 
drin. On y retrouve des mots du II e livre, comme 
àyépwx°Ct III Mach., i, 25, il, 3; cf. II Mach., ix, 7; des 
mots purement grecs pour désigner des choses juives. 
III Mach., v, 20, 42; vu, 5; cf. II Mach., rv, 47. L'un et 
l'autre emploient le mot xôiro? pour désigner le Temple 
de- Jérusalem, et èmqiaveta pour signifier l'intervention 
miraculeuse de Dieu. III Mach., iv, 3; n, 19; cf. II Mach., 
n, 19; m, 24. Cependant le style des deux livres est 
si notablement différent qu'on ne peut les assigner au 
même auteur. Beaucoup d'expressions du III e livre sont 
obscures, I, 9, 14,17; H, 31; iv, 11; ou poétiques, i, 18; 
iv, 8; v, 26; vi, 4-8. On y trouve même un iambique tri- 
mètre qui semble emprunté à un poète grec : ôuot 
voveîç 7uapvj(Tav ri îtatôwv yôvoi, v, 31. Les mots y sont 
souvent pris dans un sens inusité» par exemple, Siâystv, 
I, 3; ànpdTttwtoc, m, 14; xaxaxpâcjôat, lv, 5; quelques- 
uns ne se trouvent nulle part ailleurs : àveraa-rpércxio?, i, 
20; Xaoypaçia, n, 29; itpoauaTsXXe<r6«i, H, 29; yap'xrjpia, 
iv, 20 ; d'autres n'existent que chez les auteurs de basse 
grécité : sv6e<r[i.oç, n, 21; ipptxaa-fjLÔ?, m, 17; àXo^iazia, 
v, 42. Les mots simples sont remplacés par des péri- 
phrases emphatiques ; Spôjiov <jvvt'<rra<70ae pour xpèxetv, 
I, 19; êv itpeo-oEt'o) t»jv rjXtxîocv XeXoy-/<à;, vi, 1. Certains 
mots portent la trace de la philosophie alexandrine, par 
exemple les épithètes [Uyt<Tro; ou ûij/toroî appliquées 
à Dieu, I, 2, 16; rv, 16; vi, 2; vu, 9; la distinction 
entre Dieu et sa gloire, u, 2. Cf. Grimm, Handbuch, 
p. 214. Il est impossible de déterminer exactement la 
date de la rédaction de ce livre. Elle peut être placée 
soit dans le premier siècle avant J.-C., soit dans le pre- 
mier siècle de notre ère. Sous sa forme actuelle, le 
III» livre des Machabées commence ex abrupto par ces 
mots : i Se <J>iÀoTiciTcùp ; au y. 2, il est fait allusion à un 
complot contre le roi, ttjv èmëouXiîv ; enfin, H, 25, il est 
parlé de compagnons du roi mentionnés plus haut et 



dont il n'est pas question dans le texte que nous possé- 
dons. Le début du livre est donc perdu. 

v. bibliographie. — H. Barclay Swete, The Old Tes- 
tament in Greek, according the Septuagint, 2 e édit., 
in-8», Cambridge, t. m, p. 709-729; Grimm, Exegetisches 
Handbuch zu den Apocryphen des Alton Testaments, 
IV" Theil, petit in-4°, Leipzig, 1857; Eichhorn, Ein- 
leitung in die apokryphischen Schriften des Allen 
Teslament's, in-8», Leipzig, 1795, p. 278-290; Bertholdt, 
Einleitung in sammtliche Kanon. und apokryph. 
Schriften des Alt. und Neu. Testaments, in-8°, Erlan- 
gen, 1812-1819, t. m, p. 1082-1091; E. Schùrer, Ges- 
chichte des judischen Volkes im Zeilalter lesu Christi, 
t. m, 2 e édit., in-8», Leipzig, 1902, p. 67, 364-367. 

IL" Quatrième livre des Machabées. — /. nom. — Le 
quatrième livre des Machabées est parvenu jusqu'à nous 
par deux voies différentes. Il se trouve dans un certain 
nombre de manuscrits des Septante, notamment dans 
l'A lexandrinus, dans le Vaticanus et dans le Sinaiticus. 
On le reucontre aussi dans les manuscrits de Josèphe et 
il a été publié à la suite des œuvres de cet historien. Le 
meilleur texte est celui de V Alexandrinus. Les manus- 
crits des Septante lui donnent généralement le titre de 
7| TSToÊpTT) xôv Maxxaêaixûv [3ië\oc. Dans le Parisinus A, 
il porte le titre de Maxxaëat'tov xéxapxoç rcepi vtiùypovoç 
Xoyta-iioû, Traité du sage raisonnement. Eusèbe, 
Hist. eccl., III, x, 6, t. xx, col. 244, le nomme Ilepi 
aùxoxpâxopo? Xoyio-tioû, Sur la suprématie de la rai- 
son, et l'attribue à Josèphe. 

Dans les œuvres de cet historien, il est publié à la fin 
sous son double titre : $Xa6. 'Lamriîiou et; Mocxxaëattfuc 
X<Syoç îi rcepi aùxoxpâxopoî Xoyi*[toCi. Il existe une version 
syriaque de ce titre qui a été publiée d'après un manus- 
crit de l'Ambrosienne par Ceriani en fac-similé photo- 
graphique. On n'en connaît aucune traduction latine 
ancienne. Ci. Grimm, Handbuch, p. 294-296. 

//. LANGUE et STYLE. — Le style du quatrième livre 
est généralement clair et correct. C'est celui d'un écri- 
vain habitué à penser et à écrire en grec. On y trouve 
fréquemment des mots composés avec une préposition : 
êTripioyoXoyeïiToai, n, 9; cmwcoXixeûoiiai, iv, 1 ; .è$eu(j.evîÇeiv r 
iv, 11 ; etc., avec itâv : îiâvo-oço;, I. ,12; TravyétopYo;, I, 
29; icavàyioç, vu, 4; xiv, 7; quelques mots particuliers à 
l'auteur : aàxoBluicoroc, i, 1; jiovoypaçt'a, i, 27; àp^ts- 
pâffOai, iv, 18; àicoÇaiveiv, vi, 6; èincup{<rn]c, vu, 2; 
(iKTâpexoç, XI, 4 ; xrjpoyovia, XIV, 19 ; èTrta|Jt.»)X(»>p, XVI, 
24. A l'exception de 'Ipoo-ôXupia et d"EXêâÇapo{, les noms 
propres y sont transcrits sous la forme hébraïque. En 
quelques passages seulement il y est fait usage des 
Septante, n, 5-19; xvn, 19. 

///. AUTEUR ET DATE DU LIVRE. — 1° Nous avons dit 

plus haut que le quatrième livre des Machabées se trouve 
souvent dans les manuscrits à la suite des œuvres de 
Josèphe. Eusébe, Hist. eccl., III, x, 6, t. xx, col. 244, 
l'attribue à cet historien. Saint Jérôme, De viris illustr., 
13, t. xxin, col. 632, est du même avis. Contr. Pela- 
gian., n. 6, t. xxm, col. 542. Cf. Grimm, Handbuch, 
p, 293. Cependant cette attribution paraît être une 
simple hypothèse contre laquelle militent de sérieuses 
raisons. Le style du livre est très différent de celui de 
Josèphe. L'auteur du IV e livre des Machabées connaît 
le second, que Josèphe ne connaît pas. Les grossières, 
erreurs historiques qu'il renferme, iv, 15, 26; v, 1 ; XVII, 
23, seraient inexplicables de la part de Josèphe; enfin, 
celui-ci est tout à fait étranger à la philosophie alexan- 
drine dont l'influence est ici manifeste. — 2» La date de 
la composition ne peut être fixée d'une manière précise. 
On s'accorde cependant généralement à le rapporter au 
premier siècle après J.-C. Il est remarqué, iv, 1, qu'Onias 
est grand-prêtre à vie, remarque qui ne' s'explique qu'a- 
près l'abolition de la grande-prètrise à vie, c'est-à-dire 
après la chute des princes asmonéens. L'effroi des Juifs 
égyptiens en entendant parler des supplices de leurs 



501 



MACHABÉES (LIVRES APOCRYPHES DES) 



502 



frères de Palestine, xiv, 9, ne se comprend que s'ils 
étaient eux-mêmes en paix. Le livre est donc antérieur 
à la persécution de Caligula en 40 après J.-C. C'est entre 
ces deux dates que le livre a été écrit. 

IV. CARACTÈRE ET CONTENU DU LIVRE. — 1° Le 

quatrième livre des Machabées est un traité philoso- 
phique. L'auteur y soutient « la suprématie de la raison 
pieuse, c'est-à-dire des principes religieux, sur les 
passions », I, 1, 13 ; xvm, Cette raison pieuse, c'est la 
foi judaïque imprégnée de stoïcisme. La forme du livre 
est celle d'un discours adressé par l'auteur à ses coreli- 
gionnaires, xvm, 1. En tête se trouve une introduction 
où le problème est posé et l'ouvrage tout entier résumé, 
1,1-12. — 2° On peut diviser le livre lui-même en deux 
parties : Première partie. La première partie, I, 13- 
iii, 19, est consacrée à la discussion philosophique. 
L'auteur définit la raison : « l'intelligence combinée 
avec une vie intègre, » i, 15; la sagesse est la connais- 
sance des choses humaines et divines et de leurs causes, 
i, 16; on l'atteint par la connaissance de la loi, l, 12; 
et elle se manifeste par quatre vertus cardinales : la 
prudence, la justice, la force et la tempérance, i, 18. 
Suivent une description et une classification des passions 
dans leur opposition aux vertus cardinales. La raison 
picase domine toutes les passions. — Seconde partie. 
La seconde partie, m, 20-xvin, 2, montre cette puissance 
de la raison sur les passions par des exemples tirés de 
l'histoire des Juifs sous Séleucus, roi de Syrie, et sous 
Antiochus Épiphane, qui est appelé son fils. L'auteur y 
raconte, en les accompagnant de nombreuses réflexions 
morales et édifiantes, le martyre d'Éléazar, v-vn; celui 
des sept frères, vm-xiv, 10 ; et de leur mère, xiv, 11-xvi, 
25. Cf. IIMach.,m, iv, 7-17; v, 1-vi, 11. Il termine en 
indiquant ses impressions sur le caractère et la signifi- 
cation de ces martyres, xvn-xvm, 2. La fin du livre, 
xvm, 3-23, parait être une addition postérieure à la 
rédaction primitive, mais ajoutée peu après. — 3° Le 
quatrième livre des Machabées n'a pas d'importance 
historique. Il se contente, ainsi que nous l'avons dit, de 
se référer aux événements racontés dans le deuxième 
livre canonique des Machabées. Freudenthal, Die Fla- 
vius Josephus beigelegte Schrift ûber die Herrschaft 
der Vernunft, in-8°, Breslau, 1869, p. 72-90, pense 
qu'il s'est servi de l'ouvrage complet de Jason de Cyrène, 
mais cela n'est pas prouvé. Il croit également que les 
>\ xvm, 6-19, sont seuls une addition postérieure. Comme 
nous l'avons dit plus haut, l'auteur soutient une thèse 
philosophique et religieuse, et les faits qui sont rapportés 
ne le sont que comme arguments en faveur de la thèse. 
La théorie des quatre vertus cardinales est empruntée 
aux stoïciens, mais pour lui l'idéal de la vertu ne peut 
être atteint que par l'observation de la loi divine. L'au- 
teur, malgré sa connaissance de la philosophie stoïcienne, 
est bien resté juif d'idées. Il se rattache aux pharisiens 
par son zèle pour l'observation scrupuleuse de la loi, 
par sa croyance à la résurrection et à l'immortalité de 
l'âme. Il croit que les âmes pieuses entreront dans le 
bonheur après la mort du corps, IX, 8; xvii, 18; et les 
coupables dans les tourments, ix, 9; su, 12. Cf. xm, 16; 
xv, 2; xvn, 5. Il croit aussi que les souffrances des mar- 
tyrs sont une expiation pour les péchés du peuple, vi, 
29; vu, 12 ; xvn, 29. 

v. bibliographie. — Fritzsche, Libri apocryphi Vet. 
Testant. Grsece, in-8°, Leipzig, 1871 ; H. Barclay Swete, 
The Old Testament in Greek, aceording to the Septua- 
ginta, 2 e édit., in-8°, Cambridge, 1899, t. m, p. 729-763; 
Ceriani, Translatio Syra Pescitto Veteris Testamenli 
ex codice Atnbrosiano, in-f°, Milan, 1876-1883, t. h ; 
Grimm, Exeget. Handbuch zu den Apokryphen, in-8°, 
Leipzig, 1857, t. iv; Freudenthal, Die Flavius Josephus 
beigelegte Schrift ûber die Herrschaft der Vernunft 
(4. Mahhabâerbuch), eirte Predigt aus dem ersten 
nuchchristlichen Jahrundert, untersucht, in-8», Bres- 



lau, 1869; E. Schûrer, Geschichte des jûdischen Voiliez 
im Zeitalter > lesu-Christi, in-8°, Leipzig, 2 e édit., 
1891-1902, t. i, p. 89; t. h, p. 549; t. m, p. 393-397. 

III. Autre quatrième livre des Machabées. — Sixte 
de Sienne, Bibliotheca sancta, in-f°, Venise, 1566, t. i, 
p. 39, parle d'un autre quatrième livre des Machabées 
qui existait en manuscrit de son temps. Il l'avait vu à 
Lyon dans la bibliothèque de Santés Pagnino qui fut 
brûlée peu après. C'était, croit-il, la traduction grecque 
des Annales de Jean Hyrcan dont il est question dans 
I Mach.,xvi,24. Voir Jean Hyrcan, t. m, col. 1154. Sixte 
en cite les premiers mots : « Après la mort de Simon, 
Jean son fils devint grand-prêtre à sa place. » Le récit, 
dit-il, est le même que celui de Josèphe, Ant. jud. t 
XIII, mais le style en est très différent et abonde en 
hébraïsmes. Ce témoignage précis montre qu'il s'agit 
d'un ouvrage différent du V e livre des Machabées. 
Cf. E. Schûrer, Geschichte des . jûdischen Volkes im 
Zeitalter ïesu Christi, 2« édit., t. m, p. 397. 

IV. Cinquième livre des Machabées. — /. nom. — r 
On donne ce titre à une chronique arabe relative à 
l'histoire juive et publiée avec une traduction latine de 
Gabriel Sionite dans la Polyglotte de Paris de 1645 et 
dans celle de Londres de 1657. C'est Cotton qui, le pre- 
mier, lui a donné ce nom en la plaçant au cinquième rang 
dans son livre intitulé The five Books of Machabées, 
in-8", Oxford, 1832. A la fin du chapitre xvi, la première 
partie, c'est-à-dire du chap. i, 1, à xvi, 26, est intitulée : 
Le second livre des Machabées d'après la traduction 
des Hébreux. La seconde partie, xvn, 1-lix, 96, est sim- 
plement appelée : Le second livre des Machabées. Cette 
seconde partie contient l'histoire de Jean Hyrcan, xx, 
ce qui a fait supposer à dom Calmet, Dictionnaire de 
la aible, au mot Machabées, que nous avons ici la tra- 
duction du texte signalé en grec par Sixte de Sienne 
dans la bibliothèque de Santés Pagnino et dont nous 
avons parlé plus haut. Cf. Cotton, The five Books of 
Machabées, intr., p. xxxvm. Il existe à la Bodlêienne 
deux manuscrits portant le titre d'Histoire des Macha- 
bées de Joseph Ben Gorion. Uri, Catalogue, n. 782, 829. 
Les parties publiées par les Polyglottes de Paris et de 
Londres en ont été extraites. 

II. AUTEUR, DATE, LANGUE ORIGINALE. — 1. Le cin- 
quième livre des Machabées est une compilation écrite 
en hébreu par un Juif peu après la chute de Jérusalem. 
Dans la traduction arabe, on retrouve les traces du texte 
original hébreu. Quand il parle d'un mort, l'auteur 
ajoute à son nom les formules connues : « Dieu ait pitié 
de lui » ou « qu'il soit en paix ». Ces tormules devinrent 
habituelles à la période talmudique, cf. Tosiphta Chullin, 
t. 100 a. — 2. La Bible y est désignée sous le nom des 
« Vingt-quatre livres », m, L, 9 ; ce qui suppose la clôture 
du canon hébreu ; le Pentateuque y est appelé Thorah, 
xxi, 9, d'après la coutume juive. Dieu y est désigné par 
l'expression « le Dieu grand et bon », i, 8, 13, 15 ; v, 27 ; 
vil, 21, 22, etc.; Jérusalem par les mots « la cité de la 
maison sainte », xx, 17 ; xxi, 1, etc., ou « la cité sainte s, 
xvi, 11, 17, -xx, 18, etc., «la maison sainte, »xx,7,27;xxm, 
3, etc., « la maison de Dieu, » VI, 21 ; ix, 7 ; xi, 8 ; le Temple 
est appelé « la maison du sanctuaire », vm, 11. La des- 
truction de Jérusalem y est mentionnée, IX, 5; xxi, 30, 
et la période du second temple y est représentée comme 
quelque chose de passé, xxn, 9 ; lui, 8 ; mais, d'autre 
part, il y est question de l'auteur original comme d'une 
tierce personne, xxv, 5 ; lv. 25, lvi, 45, il est donc évi- 
dent que, soit le traducteur soit l'éditeur de l'original 
ont fait des remaniements. Il avait terminé son récit six 
ans avant la destruction de Jérusalem et la ruine du 
Temple par Titus. 

Le nom de l'auteur est inconnu, quoiqu'il ait écrit 
d'autres ouvrages auxquels il fait allusion, lix, 96. — 
Joseph Ben Gorion, chroniqueur juif du ix a siècle, a 
probablement pris le cinquième livre des Machabées 



503 



MACHABEES (LIVRES APOCRYPHES DES) 



504 



comme base de son livre intitulé Se fer Vôsippon, livre 
de Josippon. Grâtz, Geschichte der Juden, von den 
àltesten Xeiten bis auf die Gegenwart, in-8°, 1853-1870, 
t. v, p. 281, et appendice, n. 4, 

///. analyse du livre. — Le cinquième livre des 
Machabées contient l'histoire des Juifs depuis la tentative 
d'Héliodore pour piller le Temple, jusqu'au temps où 
Hérode fit périr sa femme Marianne, sa mère Alexandra 
et ses deux fils Alexandre et Aristobule, c'est-à-dire de 
184 à 6 avant Jésus-Ghrist. La table suivante donne la 
concordance des chapitres de ce livre avec les deux livres 
canoniques des Machabées et les œuvres de Josèphe : 



De ce tableau il résulte que dans toute la période 
machabéenne, l-xx, l'auteur a puisé ses renseignements 
dans les livres canoniques des Machabées, et pour la 
période postérieure, xx-lix, dans Josèphe. Il y a cepen- 
dant çà et là un certain nombre d'erreurs historiques. 
On le constate par exemple en comparant : V Mach., X, 
16, 17, avec II Mach., x, 29; V Mach., ix, avec IMach., 
vu, 7; V Mach., vm,l~8, avec IMach., ix, 73;xn, 48, et 
Josèphe, Ant. jud., xn, 11 ; VMach., XX, 17 avec Josèphe 
Ant. jud., xiii, 15; V Mach., xxi, 17, avec Josèphe, Ant. 
jud., vil, 12 ; ces erreurs sont surtout manifestes en ce 
qui concerne l'histoire des peuples étrangers. V Mach. 











JOSÈPGE, 


JOSSPHE, 


V MACB. 


1 Mach. 


II Mach. 


IV Mach. 


Ant. jud. 


Bell. jud. 


I 


9 


m 


9 


9 


9 


II 


9 


9 


9 


XII, Il 


9 


III 


I 


V 


9 


XII, VI, vu 


9 


IV 


» 


vi, 1M1 


V, VI 


a 


9 


V 


9 


Vil 


vin-x, 12, xv, 13-23 


9 


9 


VI 


II 


9 


» 


XII, VIII 


I, n 


VII 


11, 49 — iv, 36 


VIII 


9 


XII, VIII-XI 


9 


vm 


VI 


IX 


9 


XII. vm 


9 


IX 


IV, 36 


X 


JP 


XII, XI 


9 


X 


V 


X 


9 


XII, xn 


9 


XI 


9 


XI, XII 


9 


9 


9 


XII 


9 


9 


9 


9 


» 


XIII 


vm, 24 


» 


9 


XII, xvn 


9 


XIV 


» 


xn, 32-37 


9 


9 


9 


XV 


VI 


X11I 


J> 


XII, XIV 


9 


XVI 


vu, 3 


XIV, XV 


9 


XII, vu 


9 


XVII 


IX, 1-22 


s 


9 


XII, xvm, xix 


9 


xvm 


IX, 28-72 


9 


9 


XIII, i-x 


9 


XIX 


X1II-XVI 


» 


9 


XIII, xi-xiv 


9 


XXI 
XXII 


a 


9 


9 


XIII, xv 


9 


9 


n 


9 


XIII, xvi-xvn 


» 


XXIII 


9 


9 


» 


XIII, xvn, xvm 


9 


XXIV 




» 


9 


XIII, vm, xx 


9 


XXV 


9 


» 


9 


XIII, ix ; XVII, m 


9 


XXVI 


9 


9 


9 


XVIII, u 


II, Vit 


XXVII 




9 


9 


XIII, xvm 


1,111 


XXVIII 


9 


D 


9 


XIII, xix 


I, III 


xxix 




» 


» 


XIII, XX, XXI 


I, III 


xxx 


9 


» 


9 


XIII, xxi, xxil 


1,111 


XXXI 


)) 


» 


9 


XIII, XXIII 


9 


xxxu 


9 


3 


» 


XIII, XXIV 


I, IV 


XXXIII 


g 


9 


9 


XIII, xxiv 


I, IV 


XXXIV 




9 


» 


XIII, xxiv 


I, IV 


XXXV 




» 


9 


XIV, i 


I, V 


XXXVI • 


s 


9 


9 


XIV, h, m 


I, v 


XXXVU 




9 


9 


XIV, îv-vin 


I, v 


XXXVIII 




» 


s- 


XIV, vm 


I, v 


XXXIX 




9 


9 


XIV, IX, x 


I, VI 


XL 




9 


9 


XIV, X 


I, VI 


m 


9 
» 
9 
9 


9 


9 


XIV, xi 


I, vi, vil 


XLII 


» 


9 


XIV, xn 


n 


XLIH 


» 


9 


XIV, xiv, xv 


I, VII 


XLIV 


9 


9 


XIV, xv 


I, VIII 


XLV 


9 


9 


XTV, xvi, xvn 


» 


XL VI 




9 


9 


XIV, xvn, xvm 


I, IX 


XL VII 


9 


9 


XIV, xix 


I, IX 


xl vin 


9 


9 


XIV, XIX, XX 


I, IX 


XLIX 


9 


» 


9 


XIV, xxii, xxui 


I,x 


L 


* 


» 


9 


XIV, XXIV, XXV 


I, XI 


LI 


9 


9 


9 


XIV, XXVI, XXVII 


I, xn 


lu 


9 


9 


9 


XIV, xxvii 


I, XIII 


Lui 


9 


9 


9 


XIV, xxvn 


I, XIII 


liv 


;> 


» 


9 


XV, i 


I, xm 


LV 


9 


9 


9 


XV, I, n, ix 


9 


LVÎ 


9 


9 


9 


XV, n, m 


» 


9 


» 


9 


XV, vi-viii 


9 


LVU 


)) 


9 


9 


XV, ix, x 


I, XIV 


Lvm 


» 


9 


9 


XV, xi 


< I, xv 


LK. 


9 


» 


»' 


XVI, I, a, vi, vh, 
vm, xi, xn, xvi, xvn 


I, XVII 

I, xvn 



505 



MACHABÉES (LIVRES APOCRYPHES DES) - MAUhlK 



ÔU6 



xii. Dans ce chapitre, l'auteur n'a puisé ni dans les livres 
canoniques des Machabées, ni dans Josèphe. Il y a 
aussi des erreurs de traduction ou de copie, par 
exemple, dans le nom de Félix employé pour trois per- 
sonnes différentes : V Mach., m, 14; vu, 8,34; et. I Mach., 
ni, 10; II Mach., v, 22; vm, 33; dans la substitution de 
Gorgias à Timothée. V Mach., x; cf. II Mach., x; 
Josèphe, Ant. jud., xii, 1. La croyance à l'immortalité 
de l'âme, à la résurrection des corps et au jugement 
y est nettement affirmée, v, 12, 13, 17, 22, 43, 48-51 ; 
lix, 14. Le manuscrit ambrosien de la Peschito donne 
le titre de V e livre des Machabées à la traduction syriaque 
du VI e livre de la Guerre des Juifs de Josèphe. 

E. Beurlier. 
MACHATHI (hébreu : ham-Ma'akâfi, « le Maacha- 
tite; » Septante : Ntu^aôî; Alexandrinus : Ma^aW), du 
pays de Maacha, de Machat/ii, a traduit la Vulgate. 
I Par., iv, 19 : « Esthamo, qui tut de Machathi. » Ce pas- 
sage, diversement traduit et interprété, signifie proba- 
blement que la ville d'Esthamo fut fondée ou restaurée 
par un Machatite. Voir Esthamo 1, t. n, col. 1971. 

MACHAT!, MACHATITE (hébreu : ham-Ma'âkdlî), 
nom ethnique désignant les habitants du pays de Maacha 
ou les personnes qui en étaient originaires. La Vulgate 
a écrit ce mot Maachati dans IV Beg., xxv, 23, et Jer., 
xl, 8 (voir Maachati, col. 467), Machathi dans I Par., 
rv, 19; elle semble l'avoir pris pour un nom de lieu, et 
non pour un nom de peuple. Elle aurait dû traduire 
Maachaticus ou bien Machatssus, comme elle l'a l'ait 
pour les autres peuples chananéens dont le nom est 
également précédé en hébreu de l'article, Chananteus, 
Gergesseus, etc. 

1. MACHATI (Septante : Max«8f [Ma-/f, dans Jos., 
xii, 5]), mot qui désigne collectivement les habitants de 
Maacha et s'emploie pour signifier leur pays même. 
Deut., m, 14; Jos., xii, 5; an, 11, 13. Dans II Reg., x, 
6, 8; I Par., xix, 6, ce pays est appelé Maacha et donné 
comme araméen. Voir Maacha 10, col. 466. 

2. MACHATI (Septante : Ma^a^axOi nom ethnique 
ou surnom, â cause de son origine, du grand-père d'un 
des vaillants soldats de David appelé Éliphélet. II Reg., 
xxiii, 34. Le nom propre de ce Maachatite est inconnu. 

MACHBANA1 (hébreu : Makbannai; Septante : 
Me>xa6avaf; Alexandrinus : Mcr/aëavaï'), le onzième 
des vaillants Gadites qui se joignirent à David persécuté 
par Saûl dans le désert. I Par., xn, 8-15. 

MACHBÉNA (hébreu : Makbêna'; Septante : Maxa- 
ë7)vâ; Alexandrinus : Ma;(a["]vâ). Sué, de la tribu de 
Juda, fut, dit I Par., H, 49, « père de Machbéna et père 
de Gabaa. » Cette locution signifie probablement que 
Sué fut le fondateur ou le restaurateur d'une ville appelée 
Machbéna, qui est peut-être la même que Chebbon de 
Josué, xv, 40. Chebbon est supposée avoir occupé l'em- 
placement d'El-Qoubeibéh actuel, au sud-ouest de Beit- 
Djibrin (Éleuthéropolis). Voir Chebbon, t. h, col. 643. 

MACHI (hébreu : Mâkî; Septante ; Max^Oi Père de 
Guël, de la tribu de Gad. Guël fui un des douze espions 
qui furent envoyés par Moïse du désert de Pharan pour 
explorer la Terre Promise. Num., xm, 16 (hébreu, 15). 

MACHINE DE GUERRE (bébreu : hisbôn; Sep- 
tante : nYi^aviQ, op^avov; Vulgate : machina), engin des- . 
tiné à l'attaque ou à la défense des villes. 

1» Machines de guerre chez les Hébreux. — Les Hé- 
breux ne connurent les machines de guerre proprement 
dites qu'à partir du règne d'Ozias. Dans le Deutéro- 
nome, xx, 20, la Vulgate traduit par le mot machinas, 



l'hébreu mesôr que les Septante rendent par yaçiâ-Maaiv. 
Il s'agit dans ce passage non de machines proprement 
dites, mais de retranchements faits par les assiégeants 
à l'aide de pieux. Le Deutéronome ne permet de faire 
ces pieux qu'avec des arbres sauvages et non avec des 
arbres fruitiers. — Ozias fit construire, pour défendre 
Jérusalem, des machines de divers genres. II Par., xxvi, 
15. Le texte hébreu les appelle fyisbônôt mahâSebéf hôsêb, 
« machines inventées par un homme ingénieux » (Sep^ 
tante : iiïixavàç |ie|jii)x«vo|jisvaç Xo^iotoO; Vulgate : 
diversi generis machinas). Dans ce texte, la place de ces 
machines est désignée; elles sont installées sur les tours 
et aux angles des murs. Leur nature est également in- 
diquée. C'étaient des catapultes et des balistes. Voir 
Baliste, t. i, col. 1414; Catapulte, t. n, col. 346. — 
Dans les livres des Machabées, il est souvent fait men- 
tion des machines de guerre. On voit pour la première 
fois Judas en faire usage dans le siège de la citadelle 
de Jérusalem occupée par les Syriens. I Mach., vi, 20. 
Le texte appelle ces machines {k^otr-ràtrEti; xal [Avr/avàç. 
La Vulgate traduit le premier mot par balistas, mais il 
désigne les emplacements où l'on plaçait les machines. 
Polybe, IX, xli, 8; Diodore de Sicile, XX, lxxxv, 4; Phi- 
Ion, Traité de fortification, v. Cf. Revue de philologie, 
nouvelle série, 1879, t. ni, p. 128-129. — Judas oppose 
aussi des machines à celles dont les Syriens avaient 
muni Bethsura. I Mach., vi, 52. — Jonathas s'en sert 
pour assiéger la citadelle de Jérusalem, I Mach., xi, 20; 
Simon fait de même au siège de Gaza. I Mach., xm, 43. 
Dans ce verset, le texte grec désigne les machines sous 
le nom d'èXEnoXets. C'étaient d'énormes tours mobiles, 
reposant sur des roues et inventées récemment par Dé- 
métrius Poliorcète; on les approchait des murailles 
pour les battre en brèche ou pour les escalader plus 
facilement. Plutarque, Demetr., 24; Diodore de Sicile, 
xx, 48. Déjà les Assyriens faisaient usage de tours ana- 
logues, munies de béliers à leur partie inférieure. Voir 
Bélier 2, t. i, col. 1562, fig. 479, col. 1565. Cela peut 
expliquer pourquoi les Septante, dans Ézéchiel, iv, 2, 
traduisent le mot karim, « bélier, » par le mot peXo- 
o-ràdEtç. Ces tours sont bien, en effet, des emplacements 
où les béliers sont mis en batterie. Voir Baliste, t. i, 
col. 1414. — En racontant la prise de Casphin, l'auteur 
du second livre des Machabées rapporte que Judas in- 
voqua le Dieu qui au temps de Josué avait renversé 
les murs de Jéricho, sans béliers et sans machines. 
II Mach., xii, 15. 

2» Machines de guerre chez les peuples en relation 
avec les Juifs. — La seule machine de guerre connue 
des Égyptiens et des Assyriens était le bélier. Voir 
Bélier 2, t. i, col. 1502. Au temps des Machabées, les 
machines de guerre étaient d'usage constant dans les 
armées gréco-syriennes. I Mach., v, 30; vi, 31; ix, 64, 
67; xv, 25; II Mach., xn, 27. Les principales de ces 
machines sont désignées par leur nom propre dans la 
Bible. Ce sont les juup6ëoX« »a\ XiOôëoXa (Vulgate : ignis 
jacula et tormenta ad lapides jactandos), les machines 
à lancer le feu, c'est-à-dire des javelots enflammés, et 
les machines à lancer des pierres et des javelots: balistes 
et catapultes, I Mach., vi, 51; les scorpions, axopm'Sia 
(Vulgate : scorpii), machines à lancer des flèches, qui 
éjaïèût des engins de construction semblable à celle des 
Catapultes, mais de plus petites dimensions, enfin les 
frondes, oçEvSôvsct (Vulgate : fundibula), qui devaient 
ressembler aux onagres. I Mach., vi, 51. Cf. fig. 429 et 
430, 1. 1, col. 1416. Parmi les engins usités par les Gréco- 
Syriens, il faut noter aussi ceux qui étaient placés sur 
le dos des éléphants. I Mach., vi, 37. Voir Éléphants, 
t. il, col. 1661. — Pour la bibliographie, voir les ou- 
vrages cités au mot Baliste, 1. 1, col. 1416. 

E. Beurlier. 

MACHIR (hébreu : Màkir, « vendu; » Septante : 
M«xîp), nom de deux Israélites. 



507 



MAGHIR — MACHMAS 



508 



1. MACHIR, fils aine de Manassé et petit-fils de Jo- 
seph. Gen., l, 22 (hébreu, 23); Jos., xvn, 1. Sa mère 
était une Araméenne (Syrienne). I Par., vil, 14. Le texte 
sacré nous fait-il connaître le nom de sa femme? C'est 
ce qu'il est difficile de déterminer. Le passage de I Par., 
7H, 15-16, où est racontée l'histoire de Machir, paraît 
altéré d'une façon irrémédiable. « Ce verset, qui est fort 
obscur, dit Clair, Les Paralipomènes , 1880, p. 121, se 
lit en hébreu de la manière suivante : « Et Machir prit 
« une femme à Huppîm et à Suppim, et le nom de sa 
« sœur était Maacha. s D'après le f. 16, Maacha était la 
femme de Machir et par conséquent on devrait s'attendre 
à lire : « Et Machir prit une femme appelée Maacha. » En 
somme les mots à Huppim et à Suppîm ne cadrent en 
aucune façon avec le contexte. Le traducteur latin a 
suppléé filiis suis après taccepit uxores et changé le 
singulier 'isàh (uxor) en pluriel, mais évidemment par 
voie de conjecture. » Voir Happhim, t. m, col. 421. Quoi 
qu'il en soit, m les fils de Machir, dit le texte sacré, 
naquirent sur les genoux de Joseph. » Gen., l, 22. Ses 
descendants se distinguèrent par leur courage, Jos., 
xvii, 1 ; ils devinrent très puissants et furent appelés 
Machirites et Galaadites, parce que Machir fut le père 
de Galaad. Num., xxvi, 29. Dans le cantique de Débora, 
v, 14, Machir est le nom donné à la demi-tribu trans- 
jordanique de Manassé. Voir aussi Jos., xin, 31. Ce 
furent en effet les fils de Machir qui conquirent le pays 
de Galaad, dès le temps de Moïse, et ils en reçurent une 
partie comme héritage. Num., xxxn, 39-40; Deut., m, 15. 
Josué, xm, 31; xvii, 1, leur confirma la possession de la 
moitié du pays de Galaad et de Basan. Ils formèrent la 
partie la plus importante de leur tribu à l'est du Jour- 
dain. — Certains commentateurs croient que les Machi- 
rites étaient alliés aux Benjamites, parce qu'ils traduisent 
I Par., vu, 15 : « Machir prit une femme de Ruppinx et 
de Suppîm (Vulgate : Happhim et Saphan), » et qu'ils 
considèrent kyppîm et Suppîm comme Benjamites. Cf. 

I Par., vu, 12 Cette opinion est loin d'être démontrée. 
Ce qui est certain, c'est la parenté de la famille de Ma- 
chir avec la tribu de Juda : Hesron, fils de Phares et 
petit-fils de Juda, épousa, à l'âge de soixante ans, une fille 
de Machir et en eut un fils appelé Ségub. De Ségub des- 
cendait Jaïr, « qui posséda vingt-trois villes dans la terre 
de Galaad.. » I Par., u, '21-22. Jaïr s'était joint sans doute 
aux Machirites, dans la conquête du pays, à cause des 
liens de famille qui l'unissaient à eux, et il fut considéré 
•comme faisant partie de la demi-tribu de Manassé. Voir 
Jaïr 1, t. m, col. 1109. 

2. MACHIR, fils d'Ammiel, qui demevait à Lodabar, 
à l'est du Jourdain. Voir Lodabar, col. 321. Le nom de 
cet Israélite a fait supposer à un certain nombre de 
commentateurs qu'il était de la tribu de Manassé et 
descendant de Machir 1. Il était contemporain de Saùl 
et de David. Après la mort de Jonathas, Machir donna 
l'hospitalité au fils de ce prince, Miphiboseth. II Reg., 
IX, 4-5. Plus tard, lors de la révolte d'Absalom, lorsque 
David se fut réfugié à Mahanaïm (Vulgate : Castra), 
Machir lui resta fidèle et lui apporta des meuhles et des 
vivres. II Reg., xvii, 27-28. 

MACHIRITES (hébreu : ham-Mdkiri; Septante : 6 M<x- 
X'pi; Vulgate : Machiritx), descendants de Machir, fils 
de Manassé. Num.,xxvi, 29 (hébreu, 30). Voir Machir 1. 

MACHMAS (hébreu : Mikmâë (avec un tf), « lieu 
secret, caché, » I Sam. (I Reg.), xm, 2, 5; xiv, 31; Is., 
x, 28; Neh., xi, 31 ; Mikmds (avec d), I Esd., n, 27; 

II Esd., vu, 31 ; Septante : Maxime* et Max 5 ! 1 »? selon le 
Vat., xm, 5, 11, 16, 22, 23; xiv, 31, etc. ; Max<*liâç, Sin., 
Neh., xi, 31; Max(iâ, Sin., Is., x, 28. La Vulgate écrit 
une fois Mechmas, II Esd., xi, 31), ville de la tribu de 
.Benjamin (fig. 161). 



I. Identification et site. — Malgré la légère différence 
d'orthographe ou de prononciation, on ne peut douter 
que Mikmas, nommée I Esd. , il, 27, et II Esd. , vil, 31, entre 
Rama et Gabaa d'une part, Béthel et Haï d'autre part, 
ne soit la même que Mikmas', citée II Esd., xi, 31, égale- 
ment entre Gabaa d'une part et Haï et Béthel d'autre 
part. Le nom de Mukhmâs, évidemment identique à 
Mikmas (on sait que la lettre :, k, est ordinairement pro- 
noncée par les Juifs comme le kh, ', des Arabes et que le 

xdes Grecs etlecA des Latins représentent la même pro- 
nonciation) est aujourd'hui porté par un village au nord 
de Jérusalem, dont la position d'ailleurs correspond par- 
faitement aux indications topographiques de la Bible et 
de l'histoire. — La place assignée au nom de Machmas, 
dans les livres d'Esdras et de Néhémie, est aussi celle 
qu'occupe en réalité aujourd'hui Mukhmâs. Ce village est 
situé au nord-est, à près de quatre kilomètres de Djéba', 
l'ancienne Gabaa de Benjamin, et à sept kilomètres 
d'er-Râm, l'antique Rama ; à trois kilomètres au nord- 
ouest, on rencontre, non loin de Deir Diouân, les ruines 
de Qadeira', et aux environs les autres localités iden- 
tifiées avec Haï; Beitîn (Béthel) est à quatre kilomètres, 
à l'ouest-nord-ouest, de Deir Diouân. Selon le récit de 
I fieg., xin-xiv, les Philistins campés sur le territoire 
de Machmas étaient à l'orient de Béthaven, ou, d'après 
les Septante, à « l'opposé de Bélhoron, à l'orient », h 
Maxime ÊÇ évavrfaç BaxiOmpiw xatà vôtou. I Reg. , xm, 5. 
(Sur l'emploi du mot v6to« avec la signification d' « Orient » 
voir Reland, Palxstina, p. 293, et t. n, col. 288.) Mukhmâs 
est directement à l'est des deux Beit-'Vr, les anciens 
Béthoron, à dix-sept kilomètres de Beit-Ur el fôqa', 
Béthoron-le-Haut, le plus rapproché; son territoire se 
développe au sud-est de Deir Diouân, dans le voisinage 
duquel on cherche le site de Béthaven. Un ravin pro- 
fond, bordé de deux rochers appelés Bosès et Séné, séparait 
Machmas de Gabaa. I Rég., xm, 45. L'ouâd'es-Soneînît, 
dont le nom rappelle celui du rocher Sénéh, se creuse 
profond, escarpé, bordé de rochers élevés el à pic, à un 
kilomètre au sud-ouest de Mukhmâs et au nord-est de 
Djéba' dont il limite le sahel (plaine). Eusèbe indique 
Machmas à neuf milles d'Elia, c'est-à-dire à environ 
treize kilomètres et demi, et près de Rama. Onomasticon, 
édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 284. 

La distance de Jérusalem, l'Elia des Romains, à 
Machmas peut être estimée de quatorze à quinze kilo- 
mètres. Si le dominicain Burchard, en 1283, dans sa 
description, publiée dans Peregrinationes medii sévi 
quatuor, 2 e édit. Laurent, Leipzig. 1873, p. 56, et un 
certain nombre de pèlerins après lui, confondent avec 
el-Biréh, Machmas dont le nom n'était cependant pas 
perdu de leur temps, les palestinologues modernes sont 
unanimes à soutenir l'identité de Mukhmâs avec la cité 
de la Bible du même nom. Cf. Ed. Robinson, Biblical 
Researches in Palestine, Boston, 1841, p. 113-115; Jos. 
Schwarz, Tebuoth ha-Arez, Jérusalem, 1900, p. 101 et 
157 ; de Saulcy, Dictionnaire topographique abrégé de 
la Terre-Sainte, Paris, 1877, p. 212-213; V. Guérin 
Description de la Palestine, Judée, t. ni, p. 63-65; 
R.vonRiess, Biblische Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 
1872, p. 63; Conder et Kitchener, Survey of Western 
Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. m, p. 12; 
Armstrong, Names and Places in the Old Testament, 
Londres, 1887, p. 124, etc. 

II. Description. —Assis à la limite du désert, sur une 
colline du versant oriental des monts judéens, entouré 
de toutes parts de collines plus élevées, sauf du côté du 
sud-ouest où l'espace s'ouvre en face des profondeurs 
de l'oudd' es Soueînîl, Mukhmâs semble vouloir se tenir 
isolé et fermé pour ceux qui voudraient se dérober aux 
importunités du monde. Le village actuel est composé 
d'une trentaine de maisons carrées à toit plat en ter- 
rasse ou surmontées de la coupole surbaissée usitée eu 



509 



MACHMAS 



510 



Palestine. Dans les murs on remarque de nombreuses 
pierres d'un bel appareil, taillées avec un grand soin et 
contrastant avec le petit appareil moderne au milieu 
duquel elles se trouvent. Ces pierres appartenaient à 
d'anciennes constructions dont les débris et les arase- 
ments se rencontrent partout sur la colline. Quelques 
tronçons de colonnes et un superbe linteau en pierre 
trouvés vers la partie nord-ouest du village paraissent 
avoir appartenu à une église chrétienne du rv e ou du 
v e siècle. Les citernes dans lesquelles sont recueillies 
les eaux de pluie sont toutes antiques et la plupart accu- 
sent par leur forme en entonnoir la période la plus 
reculée. Les alentours de Mukhmas sont dénudés, à l'ex- 
ception d'un joli petit vallon au nord-est couvert d'un 
bosquet de vigoureux et féconds oliviers. 



mille hommes qui devaient occuper deux à deux les 
chars de guerre, suivant l'antique méthode. L'infanterie 
par la multitude « était pareille au sable du rivage de la 
mer ». L'armée vint dresser son camp à Machmas. I Reg., 
xm, 5, 11. Au nord de Mukhmas, à moins d'un kilo- 
mètre, au milieu d'un terrain peu accidenté, s'élève un 
monticule appelé Tell eWAskar,«. la colline de l'armée [?],» 
et l'on se demande si ce nom ne serait pas un souvenir 
remontant à cette époque lointaine. Si aucun document 
positit ne l'affirme, la commodité de l'endroit permet 
du moins de penser que c'est là que l'armée d'iDvasion 
a dû fixer son centre, en face de Gabaa de Benjamin où 
s'était groupée l'armée d'Israël. Saûl, à l'approche de 
l'ennemi dont il ne pouvait soutenir le choc, à cause 
de l'infériorité numérique de sa troupe, avait en eûet 




161. — Mukhmas. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



III. Histoire. — 1° Machmas est célèbre dans l'histoire 
d'Israël par l'exploit de Jonathas, fils aîné de Saûl, 
accompli sur son territoire, dans la première guerre 
.soutenue contre les Philistins. Aussitôt après son élec- 
tion, le nouveau roi s'était empressé, avec les deux mille 
hommes qu'il avait gardés, d'occuper « Machmas et la 
montagne de Béthel *, c'est-à-dire toute la région mon- 
tagneuse du versant oriental, depuis la vallée au sud de 
Machmas, aujourd'hui Vouâd 'es-Soueînît, jusqu'à Béthel 
et aux monts presque inaccessibles sur lesquels s'élèvent 
maintenant Taîbèh, et Kefr-Malik et qui prolongent la 
montagne de Beitîn au nord-est. I Reg., xm, 2. Jona- 
thas, avec les mille hommes que son père lui avait lais- 
sés, avait attaqué et détruit le poste des Philistins de 
Gabaa, en lace de Machmas, de l'autre côté de la vallée, 
et s'y était établi. Les Philistins avaient aussitôt réuni 
une armée formidable : elle était composée, d'après le 
texte actuel, de trente mille chariots, mais il laut sans 
doute lire trois mille, nombre auquel correspondent 
les six mille cavaliers de la troupe, c'est-à-dire les six 



abandonné Machmas et s'était replié sur Gabaa où était 
déjà son fils Jonathas. I Reg., xm, 15-16. Un poste 
(massab) de Philistins avait été détaché du gros de 
l'armée pour garder le passage entre Machmas et Gabaa 
(nta'âber Mikmàs). C'est le sens du f. 23 de l'hébreu, 
différemment rendu par les Septante et la Vulgate, Selon 
les premiers « [un détachement] sortit de la station des 
étrangers au delà de Machmas », d'après la version la- 
tine jt\a station des Philistins sortit pour passer vers 
Machmas ». Les traductions sont peu d'accord avec le 
contexte ou peu intelligibles. Le texte hébreu, justifié 
par la nature du terrain, parait le seul exact. — Jona- 
thas cependant, voyant la petite armée de Saûl se dis- 
soudre de jour en jour et las d'attendre, résolut d'attaquer 
le poste établi sur le bord de la vallée. « Viens et passons 
au poste (masçab) des Philistins qui est de l'autre côté, » 
dit le jeune guerrier à son écuyer. 4 Or, il y avait, 
ajoute le récit, entre les passages (la descente et la 
montée) par où Jonathas cherchait à passer vers le poste 
des Philistins, des blocs de rocher élevés, un au passage 



511 



MACHMAS 



MACHOIRE 



512 



d'un côté et l'autre au passage de l'autre côté ; le nom 
de l'un était Bôjé? et le nom de l'autre Sénéh ; l'un des 
blocs se dressait au nord, du côté de Machmas, l'autre 
au sud du côté de Gabaa. Voir Bosès, t. i, col. 1856, et 
Séné. Jonathas dit donc au jeune homme qui portait 
ses armes : « "Viens passons jusqu'au poste de ces in- 
circoncis, peut-être le Seigneur fera-t-il quelque chose 
pour nous, car il ne lui est pas difficile de sauver avec 
un grand ou avec un petit nombre. » L'écuyer suivit 
généreusement son maître. Quand les Philistins les 
aperçurent ils leur crièrent : « Montez vers nous et 
nous vous ferons connaître quelque chose. s Jonathas 
avait convenu de s'avancer sur ces paroles qu'il regar- 
dait comme un indice divin de l'assistance de Dieu. 
S'aidant des mains et des pieds ils atteignirent le bord 
supérieur de la vallée. Vingt hommes tombèrent les uns 
après les autres sous leurs coups. Le gros de l'armée, 
campé plus loin, au nord de Machmas, crut sans 
doute être surpris par l'armée de Saûl ; une terreur 
panique s'empara des Philistins qui prirent aussitôt la 
fuite. Les sentinelles de Saûl placées de l'autre côté de 
la vallée s'aperçurent du tumulte et avertirent le roi, 
Saûl et sa troupe poussèrent un grand cri et accoururent 
rejoindre Jonathas et son écuyer dont l'absence venait 
d'être constatée. En arrivant à Machmas, ils trouvèrent 
que les Philistins avaient tourné leurs armes les uns 
contre les autres. Une multitude d'Israélites qui avaient 
dû suivre les Philistins, ainsi qu'un grand nombre d'autres 
cachés dans les montagnes voisines d'Éphraïm, s'unirent 
à leurs frères et renforcèrent l'armée de Saûl qui s'éleva 
ainsi jusqu'à dix mille hommes. Le champ du combat 
fut entre Machmas et Béthaven. La déroute des ennemis 
fut complète. Les Israélites les poursuivirent jusqu'à 
Aïalon, au pied des montagnes, à trente kilomètres 
environ de Machmas, où ils durent s'arrêter épuisés de 
fatigue et de faim. On sait comment Saùl, s'élançant 
contre les x Philistins, avait interdit à ses hommes de 
prendreaucune nourriture avant la défaite de l'ennemi et, 
comment Jonathas, le héros de la journée, qui ignorait 
les imprécations de son père, manqua être mis à mort 
pour avoir goûté un peu de miel dans la poursuite et 
comment il fut sauvé par l'intervention du peuple. I Reg., 
xiv. — 2° Isaïe, x, 28-29, traçant prophétiquement la 
marche de l'armée assyrienne conduite par Sennaché- 
rib et s'avançant contre Jérusalem, la voit arriver à 
Aîath, à Magron et à Machmas, où elle laisse ses bagages, 
sans doute pour n'être pas embarrassée et retardée au pas- 
sage difficile du ravin ; elle franchit alors la vallée {'abrou 
ma'âbrâh) et arrive à Gabaa où elle s'arrête pour la nuit. 
L'histoire ne raconte pas la réalisation de la prophétie. 
— 3» Parmi les Juifs revenus de Babylonie avec Zorobabel 
(vers 536 avant J.-C.) se trouvaient cent vingt-deux hom- 
mes de Machmas. I Esd., h, 27; II Esd., vu, 31. La ville 
fut repeuplée par des Benjamites, probablement les pré- 
cédents ou une partie d'entre eux. II Esd., xi, 31. — 
4° Jonathas Machabée, après avoir battu le général 
gréco-syrien Bacchide et avoir traité avec lui, choisit 
Machmas pour sa résidence (vers 158 avant J.-C.). Il y 
demeura quelque temps gouvernant le peuple et exer- 
çant sa sévérité contre les impies, les Juifs apostats ou 
hellénisants. I Mach., ix, 73. Cf. Josèphe, Ant.jud., XIII, 
1, 6. Machmas demeura renommée chez les rabbins pour 
l'excellence de son blé. Mischna, Menahoth, ix, 1; cf. 
Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, 
p. 154. — Elle était encore, au iv» $iècle, un grand vil- 
lage. Eusèbe, Onom asticon, p. 284. — Mukhmas n'a actuel- 
lement pas plus de cent cinquante habitants, tous mu- 
sulmans et cultivateurs. L. Heidet. 

MACHMÉTHATH (hébreu : ham : Mikmetat ; Sep- 
tante : 'Ixa<i[uàv ; Alexandrinus : Max8<i>9), ville frontière 
entre la tribu d'Éphraïm et la demi-tribu de Manassé 
cisjordanique. Jos., xvi, 6; xvn, 7, Le site en est incer- 



tain. V. Guérin, Samarie, t. h, p. 347, à la suite dn moine 
Burchard, est porté à l'identifier avec le village actuel 
de Kakoun ou Qaqoun, situé sur une colline de 80 mètres 
d'altitude, dans la plaine de Saron, au sud-est de Césarée, 
au nord-ouest de Sébastîyéh (Samarie). M. Guérin s'ap- 
puie sur ce qu'il résulte des deux passages de Josué que 
Machméthathétaitsurla frontière de Ma nasse etd'Éphraïm 
vers le nord et du côté de la mer et que cette position 
convient assez bien à celle de Kakoun. De plus, ce village 
est peu éloigné, au nord, de l'un des ouadis dont la 
jonction constitue le Nàhr el-Falek. Or, le Nahrel-Falèk 
peut être identifié ayec le Nahal Qândh (Vulgate : Vallis 
arundineti), qui formait la limite de Manassé cisjorda- 
nique et d'Éphraïm dans ces parages. Jos., xvi, 8; xvn, 9. 
Cf. F. de Saulcy , Dictionnaire topographique de la Terre- 
Sainte, 1877, p. 213. On objecte contre. cette opinion 
que Kakoun est trop loin de Sichem. D'après d'autres 
géographes, le nom de Machméthath, étant précédé en 
hébreu de l'article, ne désigne pas une ville, mais une 
région qu'ils supposent être la plaine d'el-Makhnah, au 
sud-est de Sichem. H. Guthe, Kurzes Bibelwôrterbuch, 
1903, p. 434. Voir Manassé occidental (Tribu de). 

F. Vigouroux. 
MACHOERE (hébreu : lehî; Septante : <riaYwv; Vul- 
gate : maxïlla), pièce osseuse dans laquelle sont plantées 
les dents. Cette pièce se compose de deux ossements, le 
maxillaire supérieur et le maxillaire inférieur, mis en 
mouvement pour la mastication et la parole par une 
série de muscles masticateurs, abaisseurs et élévateurs, 
et recouverts par les joues. — 1° Dans plusieurs pas- 
sages, la mâchoire de l'homme est considérée comme un 
instrument de violence, par comparaison avec la mâchoire 
des bêtes féroces. C'est pourquoi le Seigneur brise la 
mâchoire des ennemis, Ps. m, 8, ou met le mors dans 
les mâchoires de ceux qui lui sont rebelles, afin de les 
soumettre à sa volonté. Is., xxx, 28; Ezech., xxix, 4; 
xxxvni, 4. D'autres fois, les mâchoires sont prises pour 
les joues, auxquelles elles donnent leur forme. Les larmes 
de la veuve coulent sur sa mâchoire et de là remontent 
jusqu'au ciel. Eccli., Xxxv, 18, 19. Notre-Seigneur conseille 
à celui qui est frappé sur la mâchoire droite de tendre 
la gauche. Matth., v, 39; Luc, vi, 29. Dans quelques 
autres textes, les versions se servent du mot mâchoire 
là où l'hébreu parle débouche, Ps. xxxi, 9; Ose., xi, 4, 
ou déjoue. III Reg., xxn, 24; II Par., xvm, 23; Job, 
xvi, 11; Lam., 1,2; m, 30; Mien., v, 1. Voir Joue, t. m, 
col. 1700. — 2° Les mâchoires des animaux offerts en 
sacrifice font partie des morceaux attribués aux prêtres. 
Deut., xvm, 3 (texte hébreu). — On ne peut point percer 
la mâchoire du crocodile avec le harpon pour s'emparer 
de lui. Job, XL, 21 — Fait prisonnier par les Philistins, et 
arrivé à un endroit appelé Lechi, c'est-à-dire « mâ- 
choire», voir Lechi, col. 145, et Dent, t. n, col. 1382, 
Samson mit la main sur une mâchoire d'âne encore 




162. — Mâchoire d'âne. 
D'après Milne-Edwards, Zoologie, Paris, 1S84, p. 212. 

fraîche et s'en servit pour frapper mille ennemis. Jud., 
xv, 14-16. Cf. J. Seiferheld, De maxilla asïni, dans le 
Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, 1. 1, p. 569-578. 
Cette mâchoire était terhjâh, «fraîche, s non desséchée,. 



513 



MACHOIRE _ MAÇON 



et par conséquent encore parfaitement solide ; Septante : 
£5eppi|i[ji6VJi, « mise dehors, » gisante; Vulgate : quss 
jacebat, « qui gisait, » mais avec addition des mots : id 
est, mandibulam, « c'est-à-dire une mandibule. » Chez 
les jumentés, le maxillaire inférieur a une forme telle, 
que, saisi du côté des incisives, il peut constituer un 
marteau redoutable entre des mains robustes (fig. 162). Il 
est probable que Samson ne se servit que de la moitié 
gauche ou droite de la mâchoire. Le maxillaire supé- 
rieur est moins solide et sa forme se prêtait beaucoup 
moins bien à l'usage que voulait en faire. Samson. Sur 
la mâchoire d'âne de Samson, voir LÉCHf, col. 145. 

H. Lesêtre. 

MACKNIGHT James, érudit anglais protestant, né 
à Irvin, en 1721, mort à Edimbourg en 1800. Il étudia 
d'abord à Glasgow, puis à Leyde, et se fit admettre 
parmi les presbytériens. Après avoir desservi plusieurs 
églises, il fut en 1772 nommé ministre à Edimbourg. Il 
publia de nombreux ouvrages qui lui valurent une 
grande réputation parmi ses coreligionnaires et dans 
lesquels il favorise les doctrines d'Arminius. Nous ne 
citerons que les suivants : Harmony of the four Gos- 
pels, containing a complète history of the life of Christ, 
chronologically arrangea in the words of the Evange- 
lists, 2 in-4", Londres, 1756; The truth of the Gospel 
history, in-4», Londres, 1763 ; Literal translation front 
the greeh of ail apostolical Epistles, with a commen- 
tary and notes, 4 in-4°, Edimbourg, 1795. En tête de ce 
dernier travail se trouve une Vie de J. Macknight, publiée 
par son fils. — Voir Orme, Biblioth. biblica, p. 299. 

B. Heurtebize. 

MAÇON (hébreu, au pluriel : gôdrîm; Septante : 
Tst^tOTaf, oîxoôo'ij.ot; Vulgate : csementarii), ouvriers qui 
bâtissent. La Sainte Écriture parle assez souvent de 
constructions de villes, de maisons, de murs, d'autels, etc. 
Les détails qu'elle fournit sur les travaux de maçonnerie 
sont néanmoins peu nombreux. 

1° Premiers maçons. — Dans les premiers temps, les 
hommes rassemblés dans la plaine de Sennaar construi- 
sent leur tour de Babel avec des briques, qui tiennent lieu 
de pierres, et du bitume, hêmor, qui leur sert de mor- 
tier, homér, ir»]Xoç, csementum. Gen. , xi, 3 ; cf. £xod. , i, 14; 
Nah. , m, 14. Voir Bitume, t. i, col. 1803; Brique, col. 1929. 

2° Maçons en Egypte. — En Egypte, les Hébreux fu- 
rent employés à la construction des villes de Phithom et 
de Ramessès. Exod., i, 11-14. Voir Corvée, t. n, col. 1031. 
Ces constructions se faisaient en briques de simple 
limon ou mélangées de paille et de fragments de roseaux. 
Cf. t. i, col. 1931-1933 et la figure vis-à-vis la col. 1932. 
Voici comment s'exécutait, à l'aide de ces briques, le tra- 
vail de maçonnerie. A cause des inondations du Nil et de 
l'instabilité du sol, on commençait par élever un tertre 
permettant d'établir la construction définitive au-dessus 
du niveau des crues. « On construisait des murs très 
épais en briques crues, qui s'allongeaient sur le sol, à 
une certaine distance les uns des autres, en lignes paral- 
lèles ; on en bâtissait d'autres qui étaient perpendiculaires 
aux premiers, de manière à dessiner sur le terrain une 
sorte de damier; on remplissait ensuite les intervalles 
avec de la terre, avec de la pierre, avec tout ce que l'on 
avait sous la main. C'était sur cette espèce de socle que 
posaient les fondations des édifices. La maison trouvait 
là une base solide que ne lui aurait pas fournie la terre 
meuble de la plaine. » G. Perrot, L'architecture civile 
de l'ancienne Egypte, dans la Revue des Deux Mondes, 
l«r aou t 1881, p. 621, 622. A Phithom, on a retrouvé le mur 
d'enceinte, en briques crues, entourant à peu près quatre 
hectares de terrain. A l'intérieur sont des entrepôts, de 
forme rectangulaire, avec des murs de briques de deux 
à trois mètres d'épaisseur, sans portes latérales, et ne 
présentant d'accès que par leurs toits voûtés. <i Ces murs 
sont remarquablement bien bâtis, avec du mortier entre 
les couches de briques. » Éd. Naville, dans VEgypt Ex- 

DICT. DE LA BIBLE. 



ploration Fund, Report of the first gênerai meeting, 
1883, p. 12; cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, r> édit., Paris, 1896, t. H, p. 264-276. Les 
recherches de M. A. Choisy, L'art de bâtir chez les 
Égyptiens, in-4°, Paris, 1904, permettent de se rendre 
mieux compte des procédés employés par les con- 
structeurs égyptiens. Le bois très rare dans un pays où 
la végétation forestière fait défaut, ne figure pour ainsi 
dire pas dans les constructions. La brique crue, faite 
avec le limon de la vallée du Nil, mélangé de menus 
déchets de paille, sert exclusivement. La rareté du com- 
bustible rendait la cuisson si dispendieuse, qu'on ne 
construisait en briques cuites que les ouvrages en con- 
tact habituel avec l'eau, tels que les aqueducs, les murs 
de quai, etc. On combattait les effets de l'humidité sur 
les briques crues par le vide des joints verticaux et l'in- 
terposition entre les assises de pailles d'alfa et de sable. 
Cette disposition permettait au mur de se déformer sans 
grand risque de rupture, quand il reposait, comme 
c'était l'ordinaire, sur un mauvais fond et sans presque 
aucune fondation, les couches plus profondes étant 




163. — Bloc scié pour préparer une statue. 

D'après Choisy," L'art de bâtir chez les Égyptiens, 

1904, flg. 48, p. 59. 

aussi peu stables que celles de la surface. Quand les 
murs devaient avoir une certaine épaisseur et un déve- 
loppement considérable sur un plan incliné, on leur 
donnait un profil ondulé, de manière que des travées 
plongeantes, se succédant à intervalles plus ou moins- 
rapprochés dans la longueur du mur, fissent obstacle 
aux glissements. On construisait les murs sans écha- 
faudage, comme l'indique l'absence des trous de bou- 
lins. L'extrémité du mur en construction était laissée 
à l'état de gradins pour servir d'escalier aux maçons, 
et quand ceux-ci arrivaient au terme de leur travail, ils 
n'avaient qu'à rassembler les derniers matériaux néces- 
saires à l'achèvement sur le sommet du mur déjà cons- 
truit et ensuite à les faire descendre sur les assises à 
terminer. On construisait les voûtes sans cintrage, le 
bois manquant pour cela, mais à l'aide d'un mur élevé 
provisoirement jusqu'au profil de la voûte. Pour les 
exécuter en pierre, on posait les dalles à plat de manière 
à former ctes encorbellements progressifs jusqu'à l'achè- 
vement de la voûte. Les outils employés à la taille de 
la pierre étaient de bronze et entamaient difficilement les 
blocs. Parfois, comme quand il s'agissait d'une statue, 
on remplaçait un abatage onéreux de matériaux par le 
sciage au sable. Dans une première rainure creusée au 
ciseau, on répandait du sable quartzeux qu'on arrosait 
d'eau et qu'une sorte de scie de fer ou de bronze, comme 
celles de nos scieurs de pierres, mettait en mouvement 
par un va-et-vient, et faisait agir à frottement assez dur 
sur le fond de la rainure. A longueur de temps, le bloc 
se trouvait scié suivant un certain plan. On procédait 

IV. - 17 



&15 



MAÇON 



516 



de même sur d'autres plans, de manière qu'il ne restât 
jstas au bloc, destiné à devenir une statue, que la portion 
de calcaire, de grès ou de granit que le ciseau seul pou- 
vait abattre pour obtenir le relief désiré. La figure 163 
montre un bloc ainsi préparé. Les édifices de pierre, à 
fondations insignifiantes, ont une structure des plus ru- 
dimentaires ; on se contentait de poser des dalles plafon- 
nantes sur des murs ou sur des architraves portées par 
des colonnes. Les dimensions adoptées correspondent à 
nu travail de la matière voisin de celui qu'on admet au- 
jourd'hui comme limite de sécurité. 

Il est intéressant de connaître les procédés employés 
par les ingénieurs égyptiens pour le transport et l'éléva- 
tion des blocs, procédés qui donneront l'idée de ce qui 
a pu se faire à Jérusalem pour la construction des édi- 
fices salomoniens. Le temps et la main-d'œuvre ne man- 
quaient pas. L'outillage se réduisait au levier, employé 
sous la forme d'une espèce d'ascenseur oscillant (fig. 164) 




•164. — Ascenseur oscillant. 
D'après Choisy, L'art de bâtir, fig. 63, p. 80. 

qu'on avait remarqué depuis si longtemps dans les dé- 
pôts de fondation, mais dont on ne s'expliquait pas l'usage. 
C'est M. G. Legrain, inspecteur de Karnak, qui a décou- 
vert son mode d'emploi. Le bloc était chargé sur l'ap- 
pareil au moyen de rouleaux et d'un plan incliné. Le 
cheminement sur traîneau était facile, grâce au nombre 
des bras et à la nature du sol très ferme et très plat, 
qu'on arrosait d'ailleurs pour le rendre glissant, ainsi 
que le montrent certaines peinturés (fig. 166). A pied 
d'oeuvre, on faisait osciller l'ascenseur au moyen du 
levier et on le calait avec une pierre (fig. 165). Grâce à 



v ->wm^ii>^mpi»»&?gWi 




" ■^■^g g jgr^^i 



165. — Manœuvre de l'ascensenr oscillant. 
D'après Choisy, ibid., fig. 67, p. 82. 

ee procédé, un bloc de 1500 kilogrammes peut, à chaque 
oscillation, être élevé de m 12 par un effort de 200 kilo- 
grammes, aisément fourni par le poids de trois hommes 
appliqué à l'extrémité du levier. La manœuvre s'exécu- 
tait par échelons et calages successifs. La trace de ces 
échelons a été retrouvée sous forme de gradins de terre, 
partiellement effondrés, encore accolés aux faces de cer- 
tains pylônes, notamment à Karnak. Cette explication 
répond bien aux détails fournis par Hérodote, n, 125, sur 
la construction de la pvramide de Chéops. Après avoir 



parlé de la grande chaussée que l'on mit dix ans à 
construire pour transporter les matériaux depuis le Nil 
jusqu'à l'emplacement choisi, il ajoute : « Cette pyra- 
mide fut construite en forme de degrés. Quand on eut 
commencé à la construire de cette manière, on éleva de 
terre les autres pierres et, à l'aide de machines faites 
de courtes pièces de bois, on les monta sur le premier 
rang d'assises. Quand une pierre y était parvenue, on 
la mettait sur une autre machine qui était sur cette pre- 
mière assise ; de là on la montait par le moyen d'une 
autre machine, car il y en avait autant que d'assises. 
Peut-être aussi n'avaient-ils qu'une seule et même ma- 
chine facile à transporter d'une assise à l'autre, toutes 
les fois qu'on avait ôté la pierre. » La machine men- 
tionnée par Hérodote n'est vraisemblablement autre que 
l'ascenseur oscillant. Pour la mise en place des obélis- 
ques, on commençait par les amener horizontalement 
sur un terre-plein artificiel construit au-dessus de leur 
base, puis on creusait ce terre-plein du côté du pied do 
l'obélisque, et à la terre on substituait du sable qu'on 
retirait ensuite graduellement, de manière que l'im- 
mense bloc, pivotant doucement autour d'un tourillon 
sur lequel il appuyait par son milieu, arrivât peu à peu 
à l'aplomb de sa base (fig. 167). Enfin, pour la mise 
en place définitive des blocs et des obélisques, on dis- 
posait entre ceux-ci et leur base des sacs de sable sur 
lesquels la masse appuyait provisoirement. Ensuite on 
éventrait ces sacs, le sable s'échappait et la masse des- 
cendait. Des sachets de sable logés en rainure rece- 
vaient alors la charge, ce qui permettait d'enlever la 
toile des sacs. Les sachets, ouverts à leur tour, laissaient 
dans la rainure leur toile et leur contenu, et le bloc 
reposait directement sur sa base. M. Choisy a constaté 
l'existence de cette rainure à la base d'un des obé- 
lisques de Karnak, enfouie sous terre depuis des siècles. 
Cf. M. d'Ocagne, L'art de bâtir chez les Égyptiens, 
dans la Revue des questions scientifiques, Bruxelles, 
janvier 1904, p. 179-194. Ces divers procédés des ingé- 
nieurs égyptiens n'ont pas dû rester étrangers aux Phé- 
niciens, entrepreneurs de constructions pour le compte 
des Hébreux et d'autres peuples de l'antiquité. 

3" Maçons chaldéens. — En Chaldée, des règlements 
étaient imposés aux constructeurs de maisons. Plusieurs 
articles des lois d'Hammurabi les concernent : 228, quand 
l'architecte a achevé une maison dans de bonnes condi- 
tions,il a droit à un salaire de deux sicles d'argent par 
sar de maison ; 229, si la maison n'est pas solide, s'écroule 
et tue le propriétaire, l'architecte est passible de la peine 
de mort; 230, si elle tue le fils du propriétaire, le fils de 
l'architecte est passible de la même peine ; 231, si elle tue 
un esclave, l'architecte en doit un autre au propriétaire; 
232, si, en tombant, la maison détruit l'avoir du proprié- 
taire, l'architecte est obligé de le dédommager en consé- 
quence et de reconstruire la maison à ses frais ; 233, enfin 
si un mur n'a pas reçu assez d'épaisseur et s'écroule, 
l'architecte est tenu de le mettre en bon état à son 
compte. Cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques, Paris, 
1902, p. 102, 103, 157. Si de telles lois n'existaient pas chez 
les Hébreux, il est probable qu'à partir de leur établis- 
sement en Chanaan, ceux-ci, à l'exemple de leurs an- 
cêtres, prirent leurs garanties contre les malfaçons des 
constructeurs de maisons. La loi du talion, en vigueur 
chez eux, Exod., xxi, 23-25, les autorisait sans doute à 
exiger des compensations même corporelles, à la suite 
des accidents survenus par la faute des tiers. 

4° Maçons en Palestine. — 1. Les maçons proprement 
dits n'apparaissent chez les Hébreux que quand il faut 
construire le Temple. David laissa à son fils un grand 
nombre d'ouvriers « taillant et travaillant la pierre et le 
bois », TE/viToct y.at oîxoS6|iot )i6<i>v, latomi et csementa- 
rii. I Par., xxii, 15. Ceux qui taillaient la pierre et ceux 
qui bâtissaient étaient considérés comme appartenant au 
même métier. Quand on se mit à la construction du 




y - 3 ^ 
o œ w s 

O.S5 ° 



s- si 



§ S I e 

w S « û 

Û QJ 03 H 



; cd 



c T 3 



0> aî 



m ^3 



.;_ £ *> W 

* «s "S a 

M œ> 5 e* 

s." & 



« 



< S 



SJSî 

e a § * 

s go s 

Si* 
«3 » s 
_ » « 



1 S3»l> 

a » o <d _ 

S 2 » a .P 

A g a a - 



o i h » 

< m c o 2 
,§ S °"§ 

assa 
s » £ ft 

M ai © m 

C0 !- g 2 

o ° s I 

•2 iS o * 

.5" «3 {1 ^ 

'•S'S 

2* " « 
3 S S Ji 

d & ^ ï 
■" S œ 

« s a 



&c 



3 £.2 S 

p a -j < 
d) tu ra . 



in ,2 <D 



& ta 



I III 



, T3 Ml 



s g. 



S g o. 
1 Ifl » 



= « S g 



° 3 S * 

** %%% 

« 5 ^ rt 

" +3 ^ ^ 

So"§c 
3** ©W 



_!- s B S 



ifcg 



& «S' 



1 s s? 



v 3 



& a 



j; ~ a S * 

(ri tt Oï ri 

§3 1 o^ 

f H Bp a 



519 



MAÇON — MACPÊLAH 



520 



Temple, les pierres furent taillées par les gens {bené, 
vioi, « les fils ») de Salomon et les gens d'Hiram; la Vul- 
gate les appelle cxmentarii. Puis les Giblim, Giblii, 
préparèrent les bois et les pierres pour bâtir. III Reg., 
v, 18 (32). Les Gibliens étaient les habitants de Gébal, 
ville de Phénicie. Voir Gébal, t. m, col. 138. Les hommes 
de Gébal avaient une grande habileté pour élever des 
constructions importantes, ainsi qu'en font foi les mo- 
numents qu'ils ont laissés après eux. Cf. t. in, flg. 27, 28, 
col. 141, 142. Ils dirigèrent la maçonnerie des édifices 
de Salomon. Sous Joas, des maçons, gôdrîm, ter/tirai, 
csementarii, travaillent à la réparation du Temple. 




m. ■ 



i ^.tov ., 

• Mise en place d'un obélisque. 



D'après Choisy, L'art de bâtir, flg. 95, p. 124. 

IV Reg., xil, 11 (13). D'autres gôdrîm sont appliqués au 
même travail sous Josias. IV Reg., xxii, 6; II Par., xxxiv, 
11. Au retour de la captivité, les ftoj&tm, tércoveç, cx- 
mentarii, maçons qui taillent la pierre et qui la posent, 
refirent les fondements du Temple. I Esd., m, 7, 10. 

2. Dans leurs constructions, les maçons employaient 
le mortier. Voir Mortier. Pour Jes édifices importants, 
ils se servaient de pierres équarries et bien appareillées, 
Is., ix, 10; Lara., m, 9; Am., v, 11, parmi lesquelles les 
pierres d'angles étaient choisies avec soin. Job, i, 19; 
Ps. cxviii (cxvn), 22; Matth., xxi, 42; Marc, xii, 10; 
Luc, xx, 17; I Pet., h, 7. Ils disposaient les poutres de 
bois en même temps que s'élevait la maçonnerie. 
III Reg., v, 18 (32) ; Hab., Il, 11. Les maisons de la cam- 
pagne n'avaient souvent que des murailles de torchis, 
qu'il était facile de percer. Matth., xxiv, 43. Dans les 
plaines de la Séphéla et de Saron, sur le bord de la mer, 
la pierre fait défaut et l'on y construit encore aujourd'hui 
les maisons des villages en briques crues ou en pisé. 
Les maçons habiles veillaient à établir leurs constructions 
solidement, Matth., vu, 24, 26; Luc, vi, 48, mais sans 
y réussir toujours. Luc, xm, 4. Les mêmes ouvriers 
faisaient les réparations, particulièrement dans les mai- 
sons où l'on constatait la lèpre des pierres. Lev., xtv, 
40-42. Ils relevaient les ruines, Is.,lviii, 12, et rétablis- 
saient les murs écroulés. Nah., m, 14. — Sur les outils 
employés par les maçons, voir Corde, qdv, t. n, col. 
966, et col. 967, flg. 344; Équerre, col. 1902; Fil a plomb, 
col. 2244 (le mot csementarius dans Amos, vu, 7, 8, est 
une addition de la Vulgate); Hache, t. m, col. 389; 
Marteau, Scie, Truelle. H. Lesêtre. 



MACPÊLAH (hébreu : Makpêlâh, a chose double, » 
de la racine kâfal, « doubler »), nom hébreu de la 
caverne qu'Abraham acheta d'Éphron l'Héthéen, pour 
y ensevelir Sara, son épouse, et où il fut lui-même plus 
tard enterré, ainsi qu'Isaac et Rébecca, Jacob et Lia. 

I. Nom. — Le nom de Macpêlah se lit au livre de la 
Genèse seulement où il est cité cinq fois : une fois seul 
comme nom de lieu, bam-Makpêlâh, « à Macpêlah, » 
xxiii, 17; deux fois comme nom de la caverne, me'drdf 
ham-Makpêlâh, « la caverne de Macpêlah, » xxm, 9, 
et xxv, 9; deux autres fois comme nom du champ où se 
trouvait la caverne, sâdéh ham-Makpêlâh, « le champ 
de Macpêlah, » xlix, 30, et l, 13. Dans les trois cas, les 
Septante traduisent constamment par « la caverne dou- 
ble », to <T7nr,Xaiov to 5ittXo*jv, ou, xxm, 17, êv tw Snr).â> 
«rarjXaiû. La Vulgate a adopté la traduction identique 
spelunca duplex. La version samaritaine reproduit 
ce nom même dans sa forme araméenne Makfêltah, 
tandis que le targum d'Onkélos lui conserve sa forme 
hébraïque. Les autres versions anciennes suivent géné- 
ralement l'exemple des Septante et de la Vulgate. Dans 
les versions modernes le nom est encore transcrit 
Macpêlah et Machpêlah. — Dans le texte hébreu, Mac- 
pêlah semblerait avoir été le nom primitif de la région, 
donné ensuite au champ d'Éphron, puis à la caverne 
qui s'y trouvait, si l'étymologie ne paraissait pas mieux 
convenir à la caverne, ainsi que l'ont pensé la plupart 
des interprètes et comme semble l'indiquer l'état de la 
grotte sépulcrale elle-même. 

II. Situation et identité. — Macpêlah se trouvait, 
selon l'expression de l'Écriture, HfnêMamrê', Qen.,xxn], 
17, 20, ou 'al-penè Mamrê, xxv, 9; xlix, 30; L, 13, xoctix 
irp<<7wirov ou àirévavTï ou xatévavu Ma[i6prj, « en face, 
vis-à-vis, devant Mambré » d'après les Septante et 
d'après la Vulgate qui traduit par respiciens Mambre, 
xxm, 17; quse respiciebat Mambre, ibid., 19; e régions 
Mambre, xxv, 9; contra Mambre, xlix, 30; contra, 
faciem Mambre, h, 13. Le sens de ces diverses locutions, 
ne peut pas être plus strict que celui de. l'expression 
originale lipnê dont la signification est souvent simple- 
ment, « en avant de, à une certaine distance de, » c'est 
celle qui lui attribue ici l'antique tradition indiquant les. 
tombeaux de Macpêlah, à 3 kilomètres et demi envi^ 
ron, au sud du hdram ramêt el-Khdlîl, l'ancien Mam- 
bré, et dans la vallée où est bâtie la ville actuelle 
d'Hébron. Tous les anciens documents sont en effet 
unanimes à indiquer à cette place le monument sépul- 
cral du patriarche vénéré de tous. — L'historien 
Josèphe, parlant du chêne ou térébinthe près duquel 
avait habité Abraham, c'est-à-dire de Mambré, l'indique 
non loin, où irôppu, de la ville d'Hébron. Ant. jud., I, 
x, 4. Nommant ailleurs cette ville où résidèrent ce 
patriarche et les ancêtres des Juifs et « où se voient encore 
leurs monuments sépulcraux », il place « le térébinthe 
à six stades de la ville ». Bell, jud., IV, ix, 7; cf. Ant. 
jud., I, xiv. Il faut lire, croit-on, « seize stades. » Voir 
Mambré. Cette dernière est la distance qui, d'après les 
écrivains postérieurs à Josèphe,sépare réellement Hébron, 
où sont les sépulcres des patriarches, de Mambré. « Il y 
a 2 milles (= 16 stades ou 2 292 mètres) du térébinthe 
à Hébron ; c'est là qu'est le monument commémoratif 
où ont été déposés Abraham, Isaac, Jacob, Sara, Rébecca 
et Lia, » dit le pèlerin de Bordeaux, venant du nord. 
ltinerarium, t. vin, col. 792. Eusèbe de Césarée, plaçant 
« le village de Bethanim à 2 milles du térébinthe 
(c'est-à-dire, ajoute saint Jérôme dans sa traduction, du 
tabernacle d'Abraham [ou de Mambré]) et à 4 milles 
d'Hébron », indique par là la même distance de 2 milles 
de Mambré à Hébron « où l'on montre son mausolée ». 
Onomasticon, aux mots 'Api et Aie, édit. Larsow et 
Parthey, Berlin, 1862, p. 58, 59; t. xxiii, col. 870, et aux 
mots 'Apgû et Arboc, Onomasticon, ibid., p. 54, 55; 
t. xxm, col. 862. Voir aussi le pèlerin Théodose, De 



521 



MACPÊLAH 



522 



Terra Sancta, dans Itinera latina, Genève, 1877-1880, 
p. 70 ; saint Arculfe, dans Adamnan, De locis sanctis, 1. II, 
c. vil, t. lxxxviii, col. 797-798; Pierre Diacre, biblio- 
thécaire du Mont-Cassin, De locis sanctis, t. clxxiii, 
col. 1123; le pèlerin Sévulf, en 1102, Voyage, dans 
Recueil de voyages et mémoires publiés par la Société 
de géographie de Paris, t. iv, p. 849; l'hégoumène russe 
Daniel, Vie et pèlerinage, dans Itinéraires russes en 
Orient, traduction de la baronne Ifhitrowo, Genève, 1889, 
p. 44; le pèlerin juif Benjamin, de Tudèle, Itinéraire, 
édit. L'Empereur, Leyde, 1733, p. 48; le dominicain 
Burchard, Descriptio Terrse Sanctse, dans Peregrina- 
tiones medii sévi quatuor, 2 e édit. Laurent, Leipzig, 1873, 
p. 91 ; le rabbin Estori ha-Parchi vers la fin du XIII e siècle, 
Caftor va-Phérach, édit. Luncz, Jérusalem, 1881-1883, 
p. 299; le musulman Mugir ed-Dîn, Histoire de Jérusa- 
lem et d'Hébron, édit. du Caire, 1283 (1866), p. 424-425. 
— Le Mesdjed ou haram el-Khalît, « la mosquée » ou 
« le sanctuaire d'el-Khalîl » (nom par lequel les musul- 
mans désignent ordinairement le patriarche Abraham) et, 
où l'on vénère aujourd'hui les monuments sépulcraux des 
patriarches (voir t. m, fig. 120, col. 559), est vers le sud-est 
de la ville actuelle, au quartier extrême de la ville appelé 
lui-même hâret el-haram, « le quartier du sanctuaire, s 

Le haram est dominé, au nord, par une montagne au 
sommet de laquelle se trouve la ruine appelée Namré' ; 
la montagne se prolonge jusqu'au petit plateau où l'on 
voit deux murs d'une vieille enceinte appelés haram 
ràmet el-Khalîl, « le sanctuaire de la colline du Bien- 
Aimé : » c'est l'emplacement traditionnel du campement 
d'Abraham, ou Mambré. La distance de ce lieu jusqu'à 
l'entrée de la petite ville d'el-Khalil ou Hébron et 
jusqu'au pied du Djebel er-Remeidéh qui fut, croit-on, 
l'assiette de l'antique Hébron, est de 3 kilomètres et 
de près de 4 jusqu'au haram eUKhalil, ou à la mos- 
quée. Le Djebel er-Remeidéh, au sommet duquel est 
une ancienne ruine connue sous le nom de deir el- 
'Arbain, « le couvent des Quarante [martyrs], » est à 
l'ouest de la ville et l'espace entre sa base et la mosquée 
est d'un peu moins de 500 mètres. Le sanctuaire est 
"au côté septentrional de la vallée dans laquelle est 
bâtie la ville actuelle d'el-Khalil. Voir t. m, fig. 118, 
col. 555. L'identité de l'emplacement du haram el- 
Khalil, ou mosquée d'Abraham, avec le champ de Mac- 
pêlah renfermant la caverne où furent ensevelis les 
patriarches, est universellement admise. 

III. Description. — Le sanctuaire d'Hébron (t. m, 
fig. 120, col. 559) comprend trois parties distinctes : 1° la 
muraille d'enceinte monumentale; 2° la mosquée avec 
diverses constructions annexes contenues dans l'en- 
ceinte; 3» le caveau creusé dans le roc sous le sol de la 
mosquée et renfermant les sépulcres des patriarches. 

1" La muraille du haram el-KhalU. — Ce mur « un 
des monuments les plus intéressants de la Palestine et 
du monde », dit M. de Vogué, Églises de Terre-Sainte, 
Paris, 1860, p. 344, est un parallélogramme rectangle, 
orienté du nord-ouest au sud-est. Il mesure 63 m 80 de 
longueur et 36 mètres de largeur ; sa hauteur est d'en- 
viron 15 mètres, du côté du sud-ouest, le plus élevé des 
quatre. Les faces de l'enceinte ne sont pas planes, mais 
ûrnées de pilastres engagés. La face regardant le sud- 
ouest est unie jusqu'à la hauteur de 4 ou 5 mètres, où 
elle forme une plinthe oblique sur laquelle s'appuient 
les pilastres d'aplomb avec la partie inférieure qui leur 
sert de base. Le nombre des pilastres est de 15 sur les 
grandes faces et de 8 sur les autres. Leur hauteur est 
d'environ 10 mètres, leur largeur de l m 10, et leur 
profondeur de 0°>20. Le mur est couronné d'un simple 
filet carré s'avançant en saillie en forme de corniche. 
L'appareil de la muraille, selon MM. Mauss et Salzmann, 
est identique à celui du haram de Jérusalem, avec 
cette^ différence que le travail du haram d'Hébron est 
exécuté avec beaucoup plus de soin. Les blocs sont de 



grande dimension, taillés à refend et à face unie; le 
refend toutefois, au lieu d'être fait à la brette, est piqué, 
non pas à la boucharde, mais à la pointe. Les bandes 
lisses sont obtenues, comme à Jérusalem, par un ciseau 
plat entaillé qui prend toute la largeur de la bande. Les 
blocs des assises inférieures mesurent jusqu'à 8 mètres 
de longueur et l m 15 de hauteur. Ils diminuent de dimen- 
sion en s'élevant et les blocs des assises supérieures 
n'ont plus que l m 50 de longueur sur m 50 de hau- 
teur. Toutes ces pierres sont munies d'un encadrement 
destiné à parer les joints et ces encadrements existent 
même sur les faces intérieures ou joues des pilastres. 
Les blocs sont posés sans ciment et en retrait les uns 
sur les autres. Leur matière est un calcaire mêlé de 
pétrifications de coquillages, d'insectes, de végétaux, de 
pierre ponce et de paillettes métalliques, très compact 
et très dur et paraissant avoir subi une influence volca- 
nique ; aussi, tandis que dans la plupart des édifices 
du pays, même de date assez récente, un grand nombre 
de pierres se creusent et s'émiettent, dans la muraille 
d'Hébron aucune, peut-on dire, ne parait avoir éprouvé 
les injures du temps. La pierre de cette nature ne se 
trouve pas dans le district d'Hébron et Pierotti prétend 
avoir retrouvé dans le voisinage de la mer Morte, à 
40 kilomètres de distance, la carrière d'où ont été extraits 
les blocs du haram d'Hébron. Macpélâ, in-8", Lau- 
sanne, 1869, p. 87-89. — Cette muraille frappe spécia- 
lement par l'aspect de haute antiquité que lui donne 
la couleur noire dont sont revêtus ces grands blocs, 
semblable à la patine d'un vieux bronze. Dans sa forme 
générale comme dans les détails du travail, elle diffère 
complètement des constructions gréco-romaines dont 
on retrouve des restes remarquables à Djérasch, à 'Am- 
man, à Bosra et dans une multitude d'autres villes de 
la Transjordane, où s'établirent les colonies grecques 
d'Alexandre ou celles des conquérants romains; ses 
caractères sont essentiellement égypto-phéniciens. Elle 
offre une autre particularité significative. De tous les 
monuments remarquables ou publics de la période 
gréco-romaine venus jusqu'à nos jours à peu près intè- 
gres, aucun n'était sans la marque de ses fondateurs, 
c'est-à-dire sans une inscription indiquant la date et les 
origines du monument; rien de pareil ne se voit au 
haram d'Hébron et personne n'y a jamais signalé d'ins- 
cription de cette nature. De ces divers caractères et 
indices les archéologues concluent généralement à l'ori- 
gine judaïque de la muraille. C'est aussi l'attestation de 
la tradition locale, et l'histoire, nous le constaterons 
bientôt, justifie pleinement cette affirmation et ces dé- 
ductions. — La muraille antique a été rehaussée, par- 
dessus la corniche, d'un mur à créneaux d'appareil gros- 
sier et vulgaire qui paraît d'origine arabe ; elle est encore 
flanquée de deux minarets, œuvre des musulmans; l'un 
est à l'angle oriental et l'autre à l'angle occidental. 

2° La mosquée et les diverses constructions qui s'y 
rattachent. — On pénètre dans l'enceinte par une porte 
pratiquée dans le côté de la muraille faisant face au 
nord-est et à laquelle on accède par de larges escaliers 
disposés sur trois des côtés extérieurs. Bien qu'anciens, 
ces escaliers sont beaucoup plus récents que le mur. 
L'entrée de l'enceinte est interdite aux juifs et aux chré- 
tiens et quelques privilégiés seuls ont pu y pénétrer; 
c'est à eux que nous devons les détails qui nous renseignent 
sur l'état intérieur du haram el Khalil. La cour formée 
par la muraille est occupée par plusieurs bâtiments 
dont le principal est la mosquée proprement dite. Son 
fronton, le mur du fond bâti sur la vieille muraille et 
le toit en dos d'âne recouvert de lames de plomb s'élèvent 
au-dessus du mur crénelé et se voient du dehors. L'édi- 
fice occupe toute la largeur de la cour, qui est d'environ 
28 mètres et a 20 mètres de profondeur; il est ainsi plus 
large que long. L'intérieur est divisé en trois nefs d'à peu 
près égale longueur et de même hauteur. Les voûtes 



523 



MACPÊLAH 



524 



en ogive reposent sur quatre forts piliers en faisceaux 
couronnés de chapitaux corinthiens. Les architectes qui 
ont pu visiter la mosquée croient la construction l'œuvre 
des Croisés, à l'exception de quelques parties demeurées 
de l'époque bysantine. L'ameublement et l'ornementa- 
tion sont ceux des autres sanctuaires musulmans. Devant 
les deux piliers du fond s'élèvent deux cénotaphes, ayant 
la forme de petits temples carrés se terminant en pyra- 
mide et recouvert de tapis de damas vert brochés d'or 
et d'argent : le cénotaphe de droite est celui d'Isaac et 
celui de gauche est dédié à Rébecca. La mosquée est 
précédée d'un vestibule à portique dans lequel se trouvent 
deux petits sanctuaires à coupole renfermant, celui à 
droite de la porte, le cénotaphe d'Abraham, et celui de 
gauche, le cénotaphe de Sara, l'un et l'autre disposés 
comme les monuments de la grande mosquée. Les céno- 
taphes de Jacob et de Lia, semblables aux précédents et 
établis, le premier en face du cénotaphe d'Abraham, 
celui de Lia en face du cénotaphe d'Isaac, se trouvent à 
l'extrémité de l'esplanade qui précède la mosquée, dans 
un bâtiment spécial. On s'y rend en traversant une cour 
large de 10 mètres, dans le sens de l'axe de l'enceinte, 
et longue de 20 mètres. Au fond de cette cour, au côté 
opposé à la porte de l'enceinte, est la mosquée des 
femmes de laquelle, par une autre ouverture pratiquée 
dans la grande muraille, on passe dans « la mosquée de 
Joseph ». Ce petit édifice surmonté d'un dôme renferme 
un septième cénotaphe appelé « le tombeau de Joseph » 
parce que là, prétendent à tort les gardiens de la mosquée, 
a été enseveli ce patriarche, fils de Jacob. Ce monument, 
comme tous les autres cénotaphes, parait dater de l'époque 
musulmane. Il est à l'extérieur de l'enceinte, contre la 
muraille faisant face au sud-ouest et sous le minaret 
établi à l'angle occidental du haram. 

3° La caverne inférieure. — Cette partie la plus véné- 
rable de Macpêlah et pour laquelle a été construite la 
grande enceinte, ne paraît pas avoir été visitée d'aucun 
chrétien depuis la chute du royaume latin de Jérusalem. 
Ni l'or ni le prestige des personnages royaux qui, en 
vertu de firmans spéciaux délivrés par les sultans de 
Stamboul, ont pu pénétrer dans l'enceinte sacrée, n'ont 
pu leur obtenir des farouches gardiens du garant de 
faire ouvrir devant eux la grille de fer qui tient fermée 
l'entrée de la caverne. Les musulmans eux-mêmes, retenus 
par un respect superstitieux, semblent craindre de 
plonger leurs regards dans la grotte mystérieuse. Le 
premier voyageur européen qui, après cinq siècles, a 
pu, en 1807, franchir le seuil du liaram, l'Espagnol Ba- 
ria, plus connu sous son nom de renégat Aly bey, 
n'est point descendu dans la grotte. Les maigres détails 
que nous avons sur l'état actuel de la partie inférieure 
de Macpêlah nous sont fournis par un ingénieur, ancien 
architecte de la municipalité de Jérusalem, le Piémon- 
tais Pierotti. D'après lui, l'entrée primitive de la caverne 
se trouverait du côté du nord, dans la mosquée voisine 
A'ehDjaûly, dissimulée sous un faux sarcophage qui la 
couvre. L'entrée actuelle est pratiquée dans le roc for- 
mant la voûte de la caverne, en face de la porte princi- 
pale de la grande mosquée, dans le vestibule, entre les 
deux sanctuaires d'Abraham et de Sara. La grille de fer 
qui la recouvre est munie d'une puissante serrure. On 
y descend par un escalier taillé dans le roc, de m 70 de 
largeur. Six autres ouvertures, larges d'environ m 30, 
ont été pratiquées de même dans le roc de la voûte, près 
de chacun des cénotaphes, pour y descendre près des 
tombes inférieures, des lampes entretenues par les 
dons des fidèles de l'islam ; par elles on constate que la 
caverne s'étend dans toute la longueur de l'enceinte ; la 
largeur de la grotte serait moindre, d'après les renseigne- 
ments recueillis par Pierotti. Le 7 janvier 1859, cet 
ingénieur ayant trouvé l'occasion de' pénétrer dans le 
haram, constata, au moyen d'une corde graduée descen- 
due par les ouvertures, deux niveaux différents dans le 



sol inférieur de la caverne. Le 25 août de la même année, 
ayant réussi, malgré l'opposition du gardien, à descendre 
cinq marches de l'escalier, Pierotti put, en se courbant, 
promener son regard dans l'intérieur de la grotte. Il 
remarqua, dans la direction du nord, au-dessous de la 
place que doivent occuper les cénotaphes de Jacob et de 
Lia, des sarcophages de pierre blanche et du côté méri- 
dional, à proximité de l'escalier, la paroi rocheuse, et 
dans cette paroi une ouverture et des marches basses 
taillées dans le roc, mettant en communication les deux 
parties de la caverne. Cette cloison rocheuse semble 
correspondre au mur antérieur de la mosquée qu'elle 
doit supporter. Voir Macpéla ou tombeau des patri- 
arches à Hébron, in-8°, Lausanne, 1869^ p. 92-96. — Un 
document du xn 8 siècle, publié en 1883, par le comte 
Riant, et racontant l'invention des tombeaux des patri- 
arches à Hébron, fournit quelques détails sur l'état de 
la caverne à cette époque. Les chambres sépulcrales où 
furent trouvés les ossements des patriarches étaient au 
nombre de deux. Elles étaient précédées d'un vestibule, 
d'un couloir large d'une aune ou coudée, long de dix- 
sept et haut de onze, et d'une salle circulaire appelée, 
dans la narration, basilique ou. sanctuaire, où pouvaient 
se réunir trente personnes. Cette pièce était fermée par 
des pierres parfaitement jointes. Devant l'entrée de cette 
salle fut trouvée, également fermée par une pierre taillée 
en forme de coin, l'ouverture par laquelle on pénètre 
dans la première chambre sépulcrale. Le sol était de 
terre et renfermait des ossements. L'entrée de la seconde 
grotte sépulcrale était au fond de la première, de même 
soigneusement fermée. On trouva dans cette salle des 
ossements et un corps scellé. A gauche de la dernière 
entrée et en face d'une inscription, on découvrit encore 
une cavité dans laquelle étaient environ quinze vases d'ar- 
gile pleins d'ossements. Voir Riant, Invention de la sé- 
pulture des patriarches Abraham, Isaac et Jacob à Hé- 
bron, le 5 juin 1119, dans les Archives de l'Orient latin, 
in-4°, Gènes, 1883, t. h, p. 411-421. La description du juif 
Benjamin de Tudèle mentionne, en 11 73, trois chambres : 
deux où l'on ne voit rien et la troisième où se trouvent 
les six sépulcres avec des inscriptions. Le pèlerin vil aussi 
(Itinéraire, édit. L'Empereur, Leyde, 1733, p. 48-49) des 
vases (riva) renfermant des ossements d'Israélites. Ce 
sont à peu près tous les renseignements que l'on peut 
obtenir des descriptions tant anciennes que modernes, 
sur la nature et l'état de la caverne de Macpêlah. 

IV. Histoire. — 1» Les sépulcres de Macpêlah d'après 
la Genèse et la tradition juive. — 1. La caverne de 
Macpêlah était la propriété d'Éphron le Héthéen et se 
trouvait à l'extrémité de son champ. Sara étant morte à 
Hébron, Abraham monta de Bersabée en cette ville, pour 
y ensevelir son épouse. Il proposa à Éphron d'acheter 
la caverne. Après les longs et cérémonieux pourparlers 
de coutume en Orient dans ces circonstances, la ca- 
verne avec le champ et ses arbres fut cédée en propriété 
perpétuelle à Abraham, pour quatre cents sicles d'argent, 
poids équivalant à environ 1200 francs de notre argent, 
mais de valeur bien supérieure. Le patriarche ensevelit 
ensuite Sara dans la caverne. Gen., xxm. Quand Abra- 
ham mourut, ses deux fils, Isaac et Ismaël, l'ensevelirent 
prés de son épouse. Gen., xxv, 9-10. Isaac à son tour 
fut déposé, après sa mort, dans la grotte de Macpêlah, 
par ses deux fils, Jacob et Ésaû. Rébecca y avait pré- 
cédé son époux et Lia, décédée avant le départ de la 
famille de Jacob pour l'Egypte, était venue déjà y atten- 
dre le retour des restes mortels de son mari. Gen., xxxv, 
29; xlix, 30-31. Jacob, voyant approcher son dernier 
jour, appela son fils Joseph et lui fit jurer de ne pas 
l'ensevelir en Egypte, mais de transporter son corps 
dans le sépulcre qu'il s'était creusé pour lui-même dans 
la terre de Chanaan. Gen.,,XLvn, 29-31; l, 5. Avant 
d'expirer, il avait renouvelé devant tous ses enfants 
réunis, l'ordre de l'ensevelir avec ses pères dans la grotte. 



525 



MACPÊLAH 



526 



du champ de Macpêlah, achetée d'Éphron le Héthéen. 
Gen., xlix, 29-30. Après avoir fait embaumer le corps 
à la manière égyptienne et avoir obtenu l'assentiment 
du pharaon, Joseph, accompagné de ses frères et d'une 
multitude d'Égyptiens, transporta le cercueil de son père 
à Hébron et le déposa dans la caverne de Macpêlah. 
Gen., l, 14. 

2. Après avoir raconté la déposition de Jacob, l'Écri- 
ture ne prononce plus le nom de Macpêlah; son souve- 
nir est cependant une fois encore évoqué, par la men- 
tion de la sépulture de ce même patriarche et celle de 
ses fils, mais pour contredire, semble-t-il, le récit de la 
Genèse : c'est dans le Nouveau Testament, au livre des 
Actes, vu, 15-16. Dans ce passage, saint Etienne, parlant 
devant le grand conseil, s'exprime ainsi sur la sépul- 
ture de ces patriarches : « Jacob, dit-il, descendit en 
Egypte et [y] mourut ainsi que nos pères [les douze pa- 
triarches] et on les transporta à Sichem et on les dé- 
posa dans le monument qu'Abraham avait acheté à prix 
d'argent des fils d'Hémor à Sichem. » Les suppositions 
faites par les commentateurs et les modifications pro- 
posées par eux ne résolvent pas la difficulté. Même en 
admettant qu'Abraham, à son passage à Sichem, ait 
acheté le champ situé près de cette ville, racheté par 
Jacob et où Joseph fut enterré plus tard, il reste tou- 
jours que Jacob a été déposé non à Sichem, mais à 
Hébron, à Macpêlah, et son nom au livre des Actes ne 
peut être changé pour un autre. La phrase demeurera 
toujours anormale pour nous; pour être régulière et 
complète, selon notre mode de nous exprimer, elle 
devrait être formulée de cette manière : « Jacob et nos 
pères étant morts en Egypte, on les transporta à Hébron, 
où on les déposa dans le sépulcre qu'Abraham avait 
acheté à prix d'argent d'Éphron, fils de Heth, à Macpê- 
lah ; quant à Joseph il fut déposé à Sichem dans la partie 
de la campagne achetée par Jacob des fils d'Hémor, â 
Sichem, » ou bien : « Jacob et nos pères étant morts 
furent déposés, le premier à Hébron... et les autres à 
Sichem... » Cf. Jos., xxiv, 32. La manière dont s'est 
exprimé saint Etienne est donc inexacte dans sa conci- 
sion. — Quoi qu'il en soit de la forme logique de la 
phrase de saint Etienne, elle mentionne une tradition 
juive qu'on retrouve aussi dans Josèphe : la translation 
dans la terre de Chanaan des restes des onze frères de 
Joseph. Act., vu, 15-16. La concision du langage de 
saint Etienne ne laisse pas deviner s'il entend par- 
ler de Sichem ou d'Hébron; mais c'est ce dernier en- 
droit que désigne un de ses contemporains ou du moins 
de l'auteur du livre des Actes, l'historien Josèphe : 
« Les trères de Joseph, dit cet écrivain, moururent 
après avoir vécu heureux en Egypte et leurs corps fu- 
rent transportés quelque temps après par leurs descen- 
dants et leurs fils à Hébron, où ils furent ensevelis. » 
Anl. jud., II, vin, 2. Cet historien avait déjà produit 
la même assertion dans son histoire de la Guerre de 
Judée, IV, ix, 7. Parlant d'Hébron il ajoute : « Les 
habitants d'Hébron racontent qu'Abraham, l'ancêtre des 
Juits, habita cette ville après avoir émigré de la Méso- 
potamie et que ses entants descendirent de là en Egypte; 
on montre jusqu'aujourd'hui leurs monuments dans 
la même ville, construits d'un très beau marbre et d'un 
travail magnifique. » Un texte reproduit par Pierre 
Diacre, bibliothécaire du Mont-Cassin, et considéré par 
le professeur italien Gamurrini comme un fragment 
extrait de la relation du pèlerinage de sainte Sylvie 
d'Aquitaine, mentionne formellement à YAbramiri 
d'Hébron « les corps des onze fils de Jacob ». De lotis 
sanctis, t. clxxiii, col. 1115; édit. Gamurrini, Rome, 
1887, p. 124-125. Saint Jérôme contredit cette tradition. 
Décrivant le pèlerinage de sainte Paule Romaine, après 
avoir conduit la sainte pèlerine an puits de Jacob près 
de l'ancien Sichem, il ajoute : » Et partant de là elle 
vit les tombeaux des douze patriarches. » Epist., cvm, 



ad Eustochium, t. xxh, col. 889. Le saint docteur fait 
certainement allusion au tombeau de Joseph voisin du 
puits de Jacob. Les traditions locales juive, samaritaine 
et chrétienne indiquent le tombeau de Joseph près de 
Sichem, sans nommer les autres patriarches. Les rab- 
bins ont toujours été d'accord pour assurer que les 
Israélites en quittant l'Egypte ont emporté avec eux les 
ossements des pères des tribus, mais ils diffèrent sou- 
vent pour désigner l'endroit où ces ossements ont été 
déposés. Cf. Carmoly, Itinéraires de la Terre-Sainte, 
Bruxelles, 1847, p. 151-152. 

2° Monument élevé sur le tombeau des patriarches. 
— 1. Un monument fut élevé à une époque ancienne 
au-dessus de la caverne de Macpêlah, qui renfermait 
les restes des patriarches. Josèphe atteste son antiquité 
quand, parlant des traditions du peuple d'Hébron par 
rapport à Abraham, il ajoute :« On montre jusqu'à main- 
tenant leurs monuments dans cette ville, leurs monu- 
ments, t« |*vrififjieïoi, construits avec un très beau marbre 
et d'un travail magnifique. » Bell, jud., IV, IX, 7. « Évi- 
demment, dit Victor Guérin, citant ces paroles, il ne 
s'agit pas ici de la grotte funéraire qu'Abraham acheta 
d'Éphron, grotte taillée dans le roc vif et que ne décorait 
certainement aucun marbre, mais, comme plusieurs cri- 
tiques le supposent, entre autres F, de Saulcy, Josèphe 
désigne dans ce passage l'admirable enceinte du Haram 
d'Hébron, dont les blocs gigantesques sont d'une pierre 
qui imite la beauté du marbre; entreautres par la régu- 
larité de ces assises et l'élégance de ses pilastres enga- 
gés, elle atteste un travail des plus remarquables. » 
Judée, t. ni, p. 223. Josèphe, en disant que ce monu- 
ment existe « jusqu'à maintenant », (Jiéxp' toO vOv, té- 
moigne par là même de son antiquité. Parla Hérode 
l'Ancien à qui on aurait pu être tenté d'en faire honneur 
est écarté ; Josèphe ne le lui attribue point dans l'énumé- 
ration des diverses œuvres exécutées par ce prince. Il 
ne l'attribue pas davantage aux Asmonéens. On ne peut 
cependant croire l'historien juif quand il fait remonter 
à Abraham lui-même l'origine du monument. Ant. jud., 
1, xiv. — Outre les deux points, l'antiquité du monu- 
ment et son origine judaïque, Josèphe, dans ce passage, 
en affirme un troisième : la permanence du monument 
après toutes les destructions de la guerre de Judée. 
C'est, en effet, dans son histoire de cette guerre écrite à 
Rome plusieurs années après sa cessation, que l'auteur 
atteste : « on voit ce monument jusqu'aujourd'hui, » 
{lé^pt toO vOv... SetxvuToci. 

2. De la subsistance après la guerre de Judée du 
monument dont parle Josèphe, sans doute il ne résulte 
pas que le monument actuel est le même; toutefois 
deux cents ans après cet historien, vers le commen- 
cement du IV e siècle, on constate qu'un monument 
sépulcral, également remarquable, s'élevait encore sur 
le tombeau des patriarches à Hébron. Eusèbe de Césarée 
(265-c. 340) l'affirme positivement dans son Onomasti- 
con .•« Arbô: c'est Chébron... On y contemple le mau- 
solée, xb (ivrifna, d'Abraham. ■» Au mot 'Ap6&>, p. 54, ce 
mausolée (memoria), ajoute le pèlerin de Bordeaux en 
333, est disposé en carré et fait de pierre d'une grande 
beauté. It inerarium, t. vm, col. 792. Cf. S. Jérôme, Ono- 
mastic, p. 55; De loc. et nominibus locorum hebraic., 
au mot Arboc, t. xxni, col. 852; Epist., xlvi, t. xxn, 
col. 491. (Les Hébreux prétendaient alors, d'après une 
interprétation de Jos., xiv, 15, généralement abandonnée 
aujourd'hui, qu'Adam avait été enseveli à Macpêlah, qui 
devint ainsi après la sépulture de Jacob, le tombeau des 
Quatre [patriarches], d'où serait venu à Hébron le nom 
de Qarial-Arbé 1 , « la ville des Quatre. » Ce sentiment 
semble avoir été accepté par saint Jérôme et suivi par 
un grand nombre d'autres après lui. Epist., cvth, 23, 
col. 862; Quest. in Gen., ibid., col. 978; cf. Hébron, 
t. hi, col. 561.) 

Lorsque, vers l'an 570, le pèlerin de Plaisance, Anlo- 



527 



MACPÊLAH 



528 



nin, vint « au lien où reposent Abraham, Isaac et Jacob, 
Sara et aussi les ossements de Joseph, il y avait une 
basilique en forme de portique rectangulaire (quadri- 
porticus). Au milieu était une cour découverte, divisée 
par une balustrade, en deux parties dont une était ré- 
servée aux chrétiens, l'autre aux juifs, qui venaient y 
pratiquer de nombreux encensements. Le jour d'après la 
Nativité du Seigneur, on célébrait la [fête de] la dépo- 
sition de Jacob. La solennité, à laquelle on accourait en 
masse de toute la Judée, était célébrée par tous avec une 
grande dévotion ». Itinerarium, t. lxxii, col. 909. Ce 
pèlerin, ni aucun autre ne dit sous quel règne ni par 
qui fut exécutée la basilique intérieure; on l'a attribuée 
plus tard à sainte Hélène, mais sans aucune raison. An- 
tonin paraît être le premier à indiquer les ossements de 
Joseph à Macpêlah. On ignore la cause de cette assertion 
si souvent répétée depuis et consacrée depuis plusieurs 
siècles par un monument spécial. Divers auteurs ont 
prétendu, mais sans preuves, que les reliques du saint 
patriarche auraient été transférées à Hébron, vers cette 
époque; quelques-uns y voient le sépulcre d'Abner; 
d'autres croient qu'un personnage, du nom de Joseph, 
différent du fils de Jacob, aura voulu avoir son tombeau 
dans le voisinage de Macpêlah et a été l'occasion de cette 
confusion. Cf. Mudjir ed-Dln, Histoire de Jérusalem 
et d'Hébron, édit. du Caire, p. 56. Cette dernière hypo- 
thèse semble la plus vraisemblable. « Les ossements de 
Joseph sont ensevelis à part, dans une église spéciale, » 
est-il dit au Liber locorum sanctorum de Pierre Diacre, 
t. clxxiii, col. 1115. 

3. Soixante-dix ans environ après ce pèlerinage d'An- 
tonin, le sanctuaire d'Hébron était passé aux mains des 
Arabes musulmans devenus les maîtres de la Palestine 
(637). Ils avaient trouvé debout le monument de 
Macpêlah. Chosroès, il est vrai, quelques années aupa- 
ravant (614), s'était jeté sur les églises des chrétiens 
pour les détruire, mais il avait respecté les monuments 
vénérés des Juifs qui se trouvaient en grand nombre 
dans son armée. Les Arabes ne modifièrent pas l'état 
général du sanctuaire. Trente ans plus tard (vers 670), 
« saint Arculfe étant venu dans la vallée où est le champ 
renfermant la double caverne achetée par Abraham, dit 
l'abbé Adamnan au livre de sa vie, le saint visita le lieu 
des sépulcres d'Arbé, c'est-à-dire des quatre patriarches, 
Abraham, Isaac, Jacob et Adam, le premier homme... 
L'endroit de ces sépulcres est entouré d'un mur peu 
élevé. Adam est séparé des trois autres, mais non loin, 
au nord du mur de pierre quadrangulaire... enseveli en 
terre et recouvert de terre. Les autres patriarches ont 
leurs tombes surmontées d'un monument; Sara, Ré- 
becca et Lia sont ensevelies aussi en terre avec des 
monuments plus humbles. » Adamnan, De locis sanctis, 
1. II, c. ix, t. lxxxviii, col. 797-798. Ces monuments 
étaient vraisemblablement l'œuvre des musulmans, et 
El-Muqaddasi, géographe arabe du x e siècle, semble en 
effet les leur attribuer, tout en leur refusant l'honneur 
de la muraille : « A Habra' (Hébron), le bourg d'Abra- 
ham l'ami de Dieu, dit cet auteur, est une muraille très 
forte; elle est l'œuvre des djinns, on le sait. Elle est 
construite avec de grandes pierres taillées. Au milieu 
de l'enceinte s'élève, bâti depuis le temps de l'islam, un 
dôme en pierre qui recouvre le tombeau d'Abraham. 
La tombe d'Isaac est plus avant, celle de Jacob est à 
l'extrémité opposée de l'enceinte. Les [tombeaux des] 
femmes sont vis-à-vis [de ceux] des prophètes. L'enceinte 
a été transformée en mosquée et on a construit autour 
des habitations pour les pèlerins. » Géographie, édit. 
Gœje, Leyde, 1877, p. 172; cf. El-Istakhry (951), édit. du 
même, 1870, p. 57; Ibn Hauqal (978), it., 1878, p. 113. 
De cette époque aussi est le petit mur crénelé dont a 
été rehaussée la grande enceinte. C'est du moins ce que 
paraît indiquer le musulman persan Nassir i-Khusrau 
(1047). « Le lieu saint, dit ce pèlerin, est environné 



d'une enceinte rectangulaire de £0 coudées de longueur 
et 40 de largeur sur 20 de hauteur, dont la partie 
supérieure a 20 coudées. » La disposition et l'ornemen- 
tation de la mosquée d'Abraham décrite par ce voyageur 
étaient à peu près telles que les décrivent dans le fyaram 
actuel les visiteurs contemporains. Cf. Sefer Nameh 
ou Journal de voyage, trad. Schefer, Paris, 1881, 
p. 53-58. La plupart des écrivains musulmans de toutes 
les époques attribuent également la muraille aux génies 
(djânn), mais comme exécuteurs des ordres de Salomon; 
ies autres écrivains arabes l'attribuent simplement à ce 
prince. Cf. Ibn Batûtâh, Voyages, édit. Defrémery et 
Sanguinetti, Paris, 1879, t. i, p. 114-115; Mudjir ed-Dîn, 
Histoire, p. 55; Yaqout, Dictionnaire géographique, 
édit. Wûstenfeld, Leipzig, 1856, t. n, p. 194, etc. 

4. Pendant les Croisades, en 1099, avec les Francs 
vainqueurs, le christianisme rentre en possession de 
Macpêlah. De mosquée, le sanctuaire redevient une église 
qui sera célèbre sous le nom de Saint-Abraham. Un 
chapitre de chanoines y fut installé avec un prieur pour 
la garde du sanctuaire et le service divin. Cf. de Roziére, 
Cartulaire du Saint-Sépulcre, p. 120, 142, 171, etc. 
Plus tard (1167), l'église érigée en cathédrale est mise 
sous la direction d'un évêque du titre de Saint-Abraham 
ou d'Hébron. Guillaume de Tyr, Hist. transm., 1. XX, 
c. m, t. CCI, col. 781. — Dès le principe, les pèlerins 
avaient afflué : l'Anglo-Saxon Sœvulf (1102). Peregrina- 
tio, dans le Recueil de voyages et mémoires, t. IV, 
Paris, 1849, p. 844; l'higoumène russe Daniel (1106), 
Vie et pèlerinage, édit. Khitrowo, Genève, 1889, p. 46. 
Cf. Benjamin de Tudéle (1133), Itinéraire, édit. de 
Leyde, 1733, p. 48; Petachia de Ratisbonne (vers 1174). 
Voyages, édit. de Jérusalem, 5632 (1872), p. Il ; l'auteur 
anonyme du Tractalus de invenlione sanctorum patriar- 
charum Abraham, Isaac et Jacob (1119), voir Riant, In- 
vention de la sépulture des patriarches Abraham, Isaac 
et Jacob à Hébron, le 25 juin 1119, dans les Archives 
le l'Orient latin, in-4°, Gênes, 1883, t. H, p. 411-421; 
Journal officiel, 30 janvier 1883, p. 528; Bolland., Acta 
sanctorum, S. Abraham, 9 oct., édit. Palmé, octobris 
t. IV, p. 683-691; Inventio ss. patriarchorum, d'après le 
codex de Douai, quicomplète la relation publiée par Riant, 
n. 851, fol. 93î r -103 v ; cf. Analecta boîlandiana, Bruxelles, 
1901, t. xx, p. 464. Une multitude d'écrivains musulmans 
confirment ces récits pour le fait de l'invention, la date 
et le replacement des reliques dans la caverne, bien 
qu'ils diffèrent un peu pour les détails. Cf. Ibn el-Atir 
(1153), Chroniques, année 513; Ali de Hérat (1173), Les 
Lieux de pèlerinages, dans Riant, Archives; el-Nodjoum, 
Extraits, dans le Recueil des Historiens des Croisades, 
Historiens orientaux, t. m, p. 499; Yaqout, !oc. cit., 
p. 458; Mudjir ed-Din, loc. cit., p. 45; Benjamin de Tudèle, 
Itinéraire, p. 48-49; Riant, Èxuvise sacrse Constantino- 
politanse; Archives, p. 213. 

5. Après les Croisades, Saladin, vainqueur des Francs 
à la bataille de Hattin (15 juillet 1187) et en possession 
d'Ascalon (5 sep.), avant même de monter contre Jéru- 
salem, n'eut rien de plus empressé que de faire 
occuper le sanctuaire d'Abraham en même temps que 
les localités principales du sud de la Palestine. Ibn 
el-Atir, Kamel et-Tevarikh, dans le Recueil des Histo- 
riens des Croisades, Historiens orientaux, t. I, p. 697. 
Il se contenta de prendre possession de l'église, en 
l'affectant au culte musulman. « A Ébron, il y a une 
très belle église, écrivait, après son voyage de 1217, 
trente ans après l'occupation du lieu par Saladin, le pè- 
lerin Thietmar confirmant cette assertion; elle est 
tenue en grande vénération par les Sarrasins, surtout 
à cause d'Abraham. » Peregrinatio, édit. Laurent, 
Hambourg, 1857, p. 29. — Pendant quelques années, les 
juifs et les chrétiens purent visiter Macpêlah sans être 
molestés. En 1210, le prince de la Captivité étant venu 
à Hébron muni de lettres de recommandation du kha- 



529 



MACPÊLAH 



530 



life de Bagdad, fut introduit à l'intérieur même de la ca- 
verne. Ses compagnons, parmi lesquels était Bar Simson 
à qui nous devons ces détails, n'osèrent cependant pas 
le suivre. Ce dernier se rendit aux sépulcres pendant la 
nuit, guidé par un des gardiens gagné par des présents. 
Itinéraire de Palestine, dans Carmoly, Bruxelles, 1847, 
p. 129. Le dominicain Buchard (1283), après avoir été 
introduit dans l'enceinte, semble y avoir passé encore 
la nuit. Descriptio Terrée Sanctee, 2» édit. Laurent, 
Leipzig, 1873, p. 91. Vers la même époque, le rabbin 
Estorinha-Parchi visita Hébron et attribue le grand mur 
quadrilatéral à Salomon. Tebuoth ha-Arez, p. 300. Trois 
siècles plus tard, un autre Juif, Uri de Biel (1564), attribue 
l'édifice au roi David. Jichus ha-Aboth, dans Carmoly, 
p. 434-435. Après Boniface Stefani de Raguse, custode de 
Terre-Sainte en 1551 et en 1563, le franciscain Quares- 
mius, au commencement du xvir 3 siècle, voit dans l'église 
l'œuvre de sainte Hélène, et constate l'interdiction faite 
aux chétiens d'y pénétrer; « les Maures eux-mêmes, 
ajoute-t-il, n'entrent pas dans la caverne sépulcrale. » 
Elucidatio Terres Sanclee, Anvers, 1639, t. Il, p. 773. 
Aux patriarches ensevelis à Macpêlah, les pèlerins de 
cette période ajoutent Eve, la mère du genre humain, 
hypothèse de convenance pour la réunir à Adam. — 
Quant aux écrivains arabes, ils se complaisent à décrire 
minutieusement tous les embellissements apportés à la 
mosquée d'Abraham, exécutés par leurs princes de 
Syrie ou d'Egypte depuis le départ des Francs, et à énu- 
mérer toutes les réparations. Une d'elles est de nature 
à arrêter l'attention par le problème qu'elle soulève : 
c'est la restauration accomplie par Bibars. Vers la fin de 
l'an 1267, ce sultan, au dire des historiens Makrizi et 
Mudjir ed-Dîn, « remit à neuf le tombeau d'Abraham » 
et l'année suivante releva la ville d'Hébron. La ville avait 
été prise et ruinée en l'an 1244 par les Kharesmiens 
unis aux Égyptiens pour combattre el-Malek Sâléh 
Ismaïl, souverain de Damas et maître de la Palestine, 
et les chrétiens ses alliés. Cette horde sauvage et indis- 
ciplinée avait porté à travers tout le pays la désolation 
et la ruine; la mosquée d'Hébron et les tombeaux pa- 
raissent donc avoir été détruits alors. En même temps 
que les sépulcres furent violés, les reliques ne furent- 
elles pas profanées et dispersées ? Voir Riant, A rchives de 
l'Orient latin, t. h, Gênes, 1883, p. 420-421. C'est là, 
Croyons-nous, une crainte exagérée. Les Kharesmiens, 
parmi tous les ennemis des sanctuaires chrétiens de la 
Terre-Sainte, se sont montrés, il est vrai, les plus achar- 
nés et les plus intraitables; mais, il ne faut pas l'oublier, 
ces peuples féroces étaient venus alors comme auxiliaires 
des Égyptiens qui les avaient appelés.- Les Égyptiens 
étaient musulmans convaincus; princes et sujets n'avaient 
cessé de venir visiter le sanctuaire d'Hébron et d'y 
apporter leurs présents. A la tête de l'armée dévastatrice 
kharesmo-égyptienne était ce même Bibars, mais alors 
simple mamelouk d'el-Malek Sâléh Aïoub, souverain de 
l'Egypte, qui, plus tard son successeur, restaurera la 
mosquée. Aboul-Féda, Annales, année de l'hégire 642. 
Cette circonstance explique sans doute la conduite des 
Kharesmiens. Bibars fut toujours lé plus farouche ennemi 
du nom chrétien; mais cette haine était l'effet de ses 
convictions musulmanes, de son fanatisme. Il pouvait 
envelopper dans la même haine les alliés des chrétiens 
«t exercer sa fureur sur leurs biens privés, leurs habi- 
tations el leurs villes; mais le sanctuaire d'Abraham 
n'était pas une propriété du prince de Damas ou des 
chrétiens, c'était un fief de l'islam, son troisième sanc- 
tuaire, plus vénéré même, au dire de quelques historiens, 
■que le hâram de la Mecque. 11 n'est pas admissible que 
Bibars, avec ses Égyptiens, ait pu se porter contre ce 
sanctuaire à un acte de profanation. 

6. Dès le commencement du xiv« siècle, le fanatisme 
jaloux des musulmans ne permit plus à aucun étranger à 
leur religion de pénétrer dans l'enceinte sacrée; il ne 



leur permettait pas même, semble-t-il, d'en approcher. 
Ishaq Helo (1334), Les chemins de Jérusalem, dans 
Carmoly, Itinéraires, p. 243. Au XIX e siècle seulement ce 
zèle outré a commencé à se relâcher un peu. Le 
D' Frânkel, en 1843, put pénétrer à prix d'argent dans 
la caverne. Il y vit des sarcophages sur lesquels sont 
gravés en lettres d'or, en hébreu et en arabe, les noms 
des patriarches ; des tapis de damas vert les recouvrent. 
Frânkel, Nach Jérusalem, 1858, t. H, p. 478-479. — Le 
Piémontais Pierotti pénétra trois fois dans le hâram, 
habillé en Arabe, le 8 novembre 1856, le 9 et le 
25 août 1855, sans résultat important pour la connais- 
sance de la caverne de Macpêlah. Le 20 novembre 1863, 
MM. Mauss et Salzmann, architectes du gouvernement 
français, s'étaient crus autorisés à franchir le seuil de 
la porte de l'enceinte, ils durent hientôt s'enfuir devant 
les menaces de la population ameutée. Les princes ont 
sollicité des autorisations de la Porte. Muni d'un firman 
du sultan, le prince de Galles, aujourd'hui roi d'Angle- 
terre, visita, en 1862, l'intérieur de l'enceinte accompagné 
de Stanley, doyen de Westminster, et du D r Rosen, consul 
de Prusse, mais il ne put pénétrer dans la caverne. Le 
marquis de Bute, anglican converti, malgré le firman 
dont il était porteur, ne fut pas plus heureux en 1866. 
En 1869, le prince héritier de Prusse, devenu, en 1888, 
empereur d'Allemagne, sous le nom de Frédéric III, ne 
put aussi visiter que l'intérieur de l'enceinte, de même 
que les princes de la famille royale d'Angleterre, avec 
le capitaine Conder, en 1882. Espérons cependant que 
le jour n'est plus très éloigné où il sera possible de 
vérifier l'état de la grotte et d'obtenir, des renseigne- 
ments précis sur les sépultures et les restes des pa- 
triarches. 

V. Bibliographie. — Ali bey el-Abassi (Domingo 
Badia y Leblich), Travels, 1803-1809, in-8», Londres, 
1876, p. 232-233; G. H. von Schubert, Heise in das 
Morgenland in den Jahren 1836 und 1831, in-8°, 
Erlangen, 1838-1839, p. 473; E. Robinson, Biblical 
Researches in Palestine, in-8°, Boston, 1841, t. n, 
p. 443-440; Frânkel, Nach Jérusalem, 1858, t. H, p. 478- 
479; Pierotti, Macpéla ou tombeaux des patriarches, 
in-8", Lausanne, 1869; J.-J.-L. Barges, Hébron et le 
tombeau des patriarches, dans le Bulletin de l'œuvre 
des pèlerinages d'Orient, Paris, 1862-1863, p. 150-190; 
M. de Vogué, Les Églises de la Terre-Sainte, in-4", 
Paris, 1860, p. 344-345; D. Rosen, Die Patriarkengruft 
zu Hébron deren Besuch durch den Prinzen von Wales 
und ihre Bedeutung fur die biblische Archàologie, in-8", 
Berlin, 1863; Id., dans la Zeitschrift fur allgemeine 
Erdkunde, Berlin, 1864, p. 160-162; A. P. Stanley, The 
Cave of Macpêlah, appendix II, dans Jewish Church, 
Londres, 1864, t. I, p. 448-510; Fel. de Saulcy, Voyage 
en Terre-Sainte, le Haram d'Hébron, Paris, 1865, t. i, 
p. 155-159; Mauss et Salzmann, Excursion à Hébron, 
dans l'ouvrage précédent, appendice VI, t. n, p. 328-332; 
Renan, Mission de Phénicie, in-f», Paris, 1864, p. 799- 
807 (cf. Pierotti, Makpéla, p. 112-115); Laurent de Saint- 
Aignan, Description du sépulcre d'Abraham, dans 
Annales de la philosophie chrétienne, 1870, p. 379-396; 
W. M. Thomson, The Land and the Book, I. South Pales- 
tine, in-8% Londres, 1881, p. 268-282; Cl. Regn. Conder, 
Survéy <>f Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881- 
1883, t. m, p. 333-346; Id., Report on the visit of the 
princes Albert, Victor and Georges of Wales to the 
Hébron Haram an 5 apr. 1882, dans Palestine Explor. 
Fund Quarterly Statement, 1882, p. 197-213; Wilson, 
Notes on the Hébron Haram, ibid., 1882, p. 213-214; 
Perrot et Chipiez, Histoire de l'Art, Paris, 1881-1884, 
t. iv, p. 274,277,340; Fr. Liévin de Hamme, O. M., Mosquée 
d'Abraham, dans le Guide indicateur de la Terre- 
Sainte, 3* édit., Jérusalem, 1887, t. n, p. 379-396; F. Vi- 
goureux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., 
Paris, 1896, t. i, p. 512-533; A. M. Luncz, La caverne 



531 



MACPÊLAH — MADIAN (TERRE DE) 



532 



de Makpêlah, appendice, dans J. Schwarz, Tebuoth ha- 
Arez, Jérusalem, 1900, p. 486-489. L. Heidet. 

MACRI Dominique, commentateur italien, né à 
Malte en 1604, entré à l'Oratoire, puis chanoine de Vi- 
terbe où il mourut en 1672. Son premier ouvrage, Hiero- 
lexicon, in-f°, Rome, 1677; Vienne, 1712; 6*édit.,2 in-4°, 
Bologne, 1765-1767, sorte de dictionnaire biblique, fut 
composé avec la collaboration de son frère. Mais il est 
surtout connu par son Trattato délie contradizioni 
apparenti délia S. Serittura, in-12, Venise, 1645, 1653, 
traduit en latin par Lefebvre, Paris, 1685, et plusieurs 
fois réédité. Voir Journal des Savants, l. i, 1665, 
p. 112-113. A. Ingold. 

MACTHESCH (hébreu : ham-MakfëS, « le mortier; » 
Septante : t| xaTaxexosijjivï) ; Vulgate : Pila). Nous lisons 
dans Sophonie, I, 11 : « Gémissez, habitants de Maktês, 
parce que tout le peuple de Chanaan (les marchands, les 
Phéniciens) est détruit, et que tous ceux qui portaient 
de l'argent sont exterminés. » Il résulte de ce passage 
que MaktêS était un lieu habité par des trafiquants. 
D'après les uns, on appelait ainsi une localité des envi- 
rons de Jérusalem, une vailée, ayant la forme d'un 
mortier, Gesenius, Thésaurus, p. 725; la vallée de Siloé, 
dit saint Jérôme, In Sophon., I, 11, t. xxv, col. 1349, 
rapportant sans doute une tradition juive sur ce point; 
la vallée du Cédron, d'après le Targum (Walton, Poly- 
glott., Soph., i, 11, t. m, p. 96). D'après d'autres, c'était 
un quartier même de Jérusalem, le quartier commerçant, 
la quartier phénicien, où tous les trafiquants du pays 
habitaient ensemble, selon la coutume orientale. Keil, 
Die kleinen Propheten, 1866, p. 460, suppose, avec plu- 
sieurs modernes, que ce quartier était situé dans la 
vallée du Tyropœon, mais son hypothèse, non plus 
que plusieurs autres, ne s'appuie sur aucun argument 
positif. \ , 

MADABA, orthographe, dans la Vulgate, I Mach., 
x, 36, 37, du nom de la ville appelée ailleurs Médaba. 
Voir Médaba. 

MADAI (hébreu : Mâdai; Septante : Ma8oi, Gen., 
IX, 2; et I Par., I, 5, MaSoein; Alexandrinus ; MaSai), 
troisième fils de Japheth. Gen., x, 2; 1 Par., i, 5. Son 
nom est placé entre celui de Magog et celui de Javan. 
Gen., x, 2; I Par., i, 5. Madaï est l'ancêtre éponyme 
de la nation des Mèdes. La forme assyrienne du nom 
est Madai. Dans les annales de Salmanasar III, le mot 
est écrit Amadai, par l'adjonction de l'a prothétique, 
Journal of the Royal Asiatic Society, l re série, t. xv, 
p. 242. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. m, in-4", 
Paris, 1899; F. Vigouroux, La Bible et les décou- 
vertes modernes, 6» édit.. t. i, p. 340. Voir Mèdes et 
Même. E. Becrlier. 

MADAN (hébreu : Meddn; Septante : MaSaX ; MaSâji, 
dans I Par., i, 32, où il est interverti avec MaSîân), t r °i~ 
sième fils d'Abraham et de Célura. Gen., xxv, 2; I Par., 
1, 32. Le texte sacré ne fait pas connaître sa descendance. 
Elle dut habiter le nord-ouest de l'Arabie. Dans Gen., 
xxxvii, 36, le texte hébreu appelle d>jid, Medânîm ou 
Médanites les marchands qui vendirent Joseph en 
Egypte, mais au t. 28, elle les a appelés bwd, Midyanîm, 
Madianites, et les versions ont lu dans les deux passages 
MaSiijvatot, Madianitse, et c'est probablement la vraie 
leçon. Nous ne savons donc rien de l'histoire de Madan. 
Quelques interprètes croient, mais sans aucune preuve, 
qoe Madan et Màdian sont un seul et même personnage. 
Le nom de Madan n'est pas d'ailleurs inconnu dans la 
géographie arabe. On a rapproché ce nom d'une vallée 
de Medân mentionnée par le géographe arabe Jakut et 
située dans Je voisinage des ruines de Daidan. Une 



tribu arabe préislamite adorait aussi un dieu Madan. 
S. Margoliouth, dans J. Hastings, Dictionary of the 
Bible, 1900, t. m, p. 309. Voir aussi Arabie, t. i, col. 859. 

MADELEINE (grec : t[ MaySaX^vri; Vulgate : Mag- 
dalena, Magdalene), Matth., xxvii, 56, surnom donné à 
une des Maries mentionnées dans les Évangiles. Voir 
Marie-Madeleine. 

MADIA (hébreu : Ma'adydh; Septante : MaocSfaç), 
un des prêtres qui revinrent avec Zorobabel de la capti- 
vité de Babylone en Palestine. II Esd., xii, 5. Au f. 17, 
il est appelé Moadia. 

MADIAN (hébreu : Midyan; Septante; Ma8tà[t, 
MaSecxv), nom du père des Madianites, de ses descen- 
dants et du pays qu'ils habitèrent. 

1. MADIAN, fils d'Abraham et de Cétura, seconde 
femme d'Abraham. Il eut lui-même pourflls Epha, Opher 
ou Epher, Hénoch, Abida et Eldaa. Gen., xxv, 1, 4; 
I Par,, i, 32-33. On ne sait rien de plus de sa personne. 
Ses descendants sont désignés Sous le même nom de 
Madian ou sous celui de Madianites. Voir Madianites. 

2. MADIAN, nom employé collectivement dans l'Écri- 
ture pour désigner les Madianites. Gen., xxxvj, Î35; 
Exod., m, 1, etc.; Num., xxn, 4, 7; xxv, 18; Jùd., vi, 
1, etc.; I Par., i, 46; Judith, il, 16; Ps. lxxxii (hébreu, 
lxxxiii), 10; Is., ix, 4; x, 26; lx, 6; Hab., ni, 7. Voir 
Madianites. 

3. MADIAN (TERRE DE). Le pays qu'habitaient les 
Madianites est appelé dans l'Écriture « terre de Ma- 
dian », Exod., h, 15; Hab., m, 7; Act., vu, 29; «. Ma- 
dian, » III fieg., xi, 18. Le nom de Madian n'a été trouvé 
ni en Egypte ni en Assyrie. Frd. Delitzsch, Wo lag das 
Parodies, in-12, 1881, p. 304, croit seulement qu'on 
peut identifier les Haydpad des inscriptions cunéiformes 
avec les descendants d'Epha, fils de Madian. VoirÉPHA 1, 
t. il, col. 1830. Les écrivains arabes connaissent une 
contrée et une ville de Madian. La ville n'est jamais 
mentionnée dans la Bible. 

Les renseignements que nous fournissent les Livres 
Saints sur la terre de Madian sont assez vagues. Comme 
les Madianites étaient un peuple nomade et comme il 
est probable que certains rameaux étaient séparés du 
gros de la tribu, il est difficile de préciser la région où 
ils habitaient. L'ensemble des textes indique que le plus 
grand nombre des Madianites habitait à l'est du golfe 
Elanitique et qu'il remontait de là, à l'époque de la 
sortie d'Egypte, jusque dans les plaines du Moab. — 
1» L'Exode, h, 15, raconte que Moïse, après le meurtre de 
l'Égyptien, se réfugia « dans la terre de Madian ». On 
place communément cette « terre de Madian », dans la 
péninsule sinaïtique, mais on ne saurait affirmer qu'elle 
était près du mont Sinaï. Moïse, selon la coutume des 
nomades pasteurs, pouvait mener les troupeaux de Jéthro 
aune certaine distance de l'habitation de son beau-père. 
Lorsque, après avoir traversé la mer Rouge, il retourna 
avec Israël au pied du mont Sinaï, Jéthro était assez, 
loin de là. Exod., xvm, 1, 5, 27; Num., x, 29-30. De ces 
données, on peut donc conclure, seulement, que le 
« Madian » de Jéthro se trouvait à l'est de l'Egypte, non 
loin du Sinaï. — 2° Le texte de I (III) Reg., xi, 18, indique 
le pays de Madian comme intermédiaire entre Édom et 
Pharan, sur la route de l'Egypte. Vu la position 
d'Édom, Madian, d'après ce texte, pourrait être placé 
également et sur la rive orientale du golfe Elanitique 
et au nord-est du désert sinaïtique. — 3° Les récits des 
Nombres et des Juges sont plus explicites. Il en résulte 
clairement que, avant et après la conquête de la terre 
de Chanaan, les Madianites se trouvaient à l'orient de> 



533 



MADIAN (TERRE DE) — MADIANITES 



534 



la Palestine. Dans les Juges, vi, 3-33, Madian est associé 
avec Amalek et les (ils de l'Orient. Cf. Gen., xxv, 6. 
Il est vrai que les récits des Juges, vi-viii, 3, semblent se 
rapporter plutôt à des peuples nomades, remarque qui 
s'applique aux Madianites île l'histoire de Balaam; on 
ne peut donc déduire de là rien de précis sur leur vraie 
patrie. Mais, à en juger par la régularité de leurs incur- 
sions, Jud., vi, 1-3, il est peut-être légitime de les sup- 
poser habitant une région qui n'était pas trop éloignée, 
et d'où, en des saisons déterminées, selon la coutume 
d'autres nomades, ils partaient pour taire des razzias 
sur les territoires étrangers. Ajoutons que, selon l'avis 
de presque tous les critiques, le récit des Juges, vin, 
4-12, semble clairement supposer un peuple à demeure 
plus ou moins stable. H. Winckler, Geschichte lsraels, 
1. 1, p. 48, croit que les Madianites ont habité la région de 
Moab avant les Moabites. Une partie d'entre eux eût été 
assujettie par les Iduméens, et ceux-ci auraient régné 
longtemps sur le futur domaine de Moab. Les Madianites 
en auraient été chassés, ou bien se seraient dispersés ou 
fondus avec d'autres tribus au commencement de la 
domination israélite. Winckler s'appuie spécialement 
sur Gen., xxxvr, 35, où il est parlé d'une défaite des 
Madianites sur la terre de Moab. Mais ceci ne prouve pas 
que les Madianites aient séjourné d'une manière stable 
en ce pays ; pour expliquer le fait allégué, il suffit qu'ils 
aient campé près de ce pays, en venant d'une région plus 
ou moins éloignée. 

La tradition arabe est unanime pour placer la patrie 
originaire des Madianites sur la rive orientale du golfe 
d'Élam, dans la 23 e station du pèlerinage de La Mecque, 
appelée Maghâ'ir Schôcaib, au 28 e degré de latitude, au 
nord de Ain Vnne. L'Itinéraire arabe cité par U. J. Seet- 
zen (voir von Zach, Monatl. Correspondenz, 1809, t. xx, 
p. 310) dit : « Madajin était une cité sur le bord de la 
mer, où aujourd'hui encore on trouve les restes d'anciens 
édifices. Il y a là un grand puits mauvais, et tout près 
un étang, où Moïse abreuva les troupeaux de Scho'aib 
(nom donné par le Coran au prêtre madianite, beau-père 
de Moïse). Dans une grotte voisine, dite Mgar [Maghâ'- 
ir) Scho'aiib, les pèlerins font leur prière et puis ils 
continuent leur chemin. » Cf. Aboulfeda, Géographie, 
Paris, 1840, p. 88; Edrisi, Géographie, trad. A. Jau- 
bert, 2 in-4o, Paris, 1836-1840, 1. 1, p. 5, 328-330, 333. - 
Ptolémée, VI, 7, connaît aussi dans ces régions un lieu 
appelé MaStâtia, à 28° 15' de latitude, et une autre 
ville de nom presque semblable : MaStàva ou Mo8oûu«, 
plus vers le sud, sur le bord de la mer, ville qui pour- 
rait bien être la même que la précédente. Eusèbe et 
saint Jérôme (Onomastica sacra, édit. Lagarde, p. 276, 
136) parlent aussi d'une cité de MaSiâjj., Madian, au sud 
de la province romaine d'Arabie, à l'orient de la mer 
Rouge, vers le désert des Sarrasins. Cf. S. Jérôme, Inls-, 
lx, 6, et Ezech., xxv, t. xxiv, col. 590; t. xxv, col. 233. 
Il semble difficile de refuser tout fondement réel à cette 
tradition arabe. En tout cas, la position assignée à 
Madian par Ptolémée et les géographes arabes ne con- 
tredit pas les données bibliques de l'Exode et des Juges, 
mais les explique plutôt. On comprend, en effet, sans 
difficulté que les Madianites, peuple semi-nomade, tout en 
ayant une demeure relativement fixe sur les côtes orien- 
tales du golte d'Akabah, aient fait des apparitions dans 
la péninsule sinaïtique, placée en face, séparée à peine 
par un petit bras de mer, comme aussi à l'est du Jour- 
dain, et cela sans parler en outre de clans vraiment 
nomades qui de temps à autre ont pu quitter la patrie 
originaire pour chercher fortune dans d'autres régions. 
Le pays à l'est du golfe d'Akabah, riche en eau, se 
prêtait d'ailleurs fort bien à une demeure stable. Il a été 
visité récemment à deux reprises par l'Anglais Richard 
F.. Burton, qui nous en a donné une description exacte. 
L'irrigation y est assez bonne ; les collines et les mon- 
tagnes alternent avec des vallées nombreuses et fertiles. 



Les mines y abondent, il y a des traces nombreuses de- 
mines d'argent et de cuivre, et vers le sud aussi de 
mines d'or. Selon M. Burton, les ruines de Maghâ'ir 
Scho'aib seraient les restes de l'ancien Ma6iâ[ia ; elles 
se trouvent de fait presque à la même latitude indiquée 
par Ptolémée. Les cavernes ont une frappante ressem- 
blance avec celles de Pétra. On peut donc conclure que 
le siège principal des Madianites était à l'est du golfe 
Élanitique. 

Voir Th. Noldeke, TJeber die Amalekiter und einige 
andere Nachbarvôlker der Isràeliten, in-8», Gcettingue, 
1864; Rich. Burton, The gold Mines of Midian, in-8 ,. 
Londres, 1878; Id., The Land of Midian revisited, 
2 in-8", Londres, 1879; Eb. Schrader, Die Keilimchrifteh 
und das alte Testament, 2 e édit., in-8», Giessen, 1883, 
p. 146, 273; Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und 
Géographie Arabiens, in-8°, Berlin, 1890, t. Il, p. 445; 
H. Winckler, Geschichte lsraels, 2 in-8», Leipzig, 1895- 
1900, t. i, p. 47, 172, 194, 210; Id., Die Keilinschriften 
und das A. T., 1902, p. 143. J. Bonjuxorsi. 

MADIANITES (hébreu : Midyan; une fois : Mi~ 
dyâni; Septante : MaSuxvet-cai, Num., x, 29; plus sou- 
vent Midyânïm, au pluriel, Gen., xxxvii, 28; Num., 
XXV, 17 [Septante : MaSivjvaîoi] ; xxxi, 2 [Septante : MaSia- 
vsïTai], et aussi Gen., xxxvii, 36 [Septante : AIa3i-rjv«ïot], 
où Medanim est certainement une simple variante de 
Midyânim), descendants de Madian, fils d'Abraham et 
de Cétura. 

1. Histoire. — 1° Les Madianites sont nommés pour 
la première fois dans la Genèse, xxxvi, 35; elle raconte 
qu'ils furent battus, dans le pays de Moab à une époque- 
qui n'est pas précisée, parle quatrième roid'Édom, Adade, 
fils de Badad. — 2° Ils apparaissent ensuite dans l'histoire de 
Joseph. Gen., xxxvii, 25^36. Ce sont des marchands qui 
se rendent en Egypte pour vendre leurs marchandises. 
Plus tard, ils offrent l'hospitalité à Moïse fuyant l'Egypte. 
Jéthro, prêtre des Madianites, accueille Moïse, lui donne 
sa fille Séphora en mariage, et lui confie ses troupeaux. 
Exod., u, 15-21. Quand Moïse, devenu le chef du peuple 
d'Israël, se trouve campé près du mont Sinaï, Jéthro lui 
amène sa femme et ses deux fils, et plein d'admiration 
pour la merveilleuse délivrance d'Israël, offre un sacri- 
fice à Dieu. Après être resté quelque temps auprès de 
Moïse, et lui avoir donné de sages conseils, il retourne 
dans sa patrie. Exod., xvui, 12-27. Voir Jéthro, t. m, 
col. 1521. Hobab, Madianite de la même famille, consentit 
à accompagner les Israélites, et à leur servir de guide à 
travers le désert. Num., x, 29-33. Voir Hobab, t. m, 
col. 725. — 3° Quand les Israélites sont arrivés dans le 
voisinage de Moab, nous rencontrons de nouveau des 
Madianites, mais bien différents de ceux de Jéthro. Ce 
sont des idolâtres alliés de Moab contre Israël. Num., 
xxii, 4, 7. Leurs filles, parmi lesquelles Cozbi, contri- 
buèrent à séduire les Israélites à Settim et à les initier 
au culte de Béelphégor. Num., xxv, 6-15. A cause de ce 
crime, Dieu les voua à l'extermination. Num., xxv, 16- 
18. Moise exécuta la vengeance divine. Par ses ordres, 
douze mille hommes, sous la conduite de Phinéas, qui 
avait mis à mort Cozbi et son complice, attaquèrent les. 
Madianites; ils tuèrent leurs cinq rois : Évi (ou Hévéen), 
Rècemy Sur, Hur et Rébé (voir ces noms), ainsi que tous 
les combattants, firent les femmes et les enfants prison- 
niers et s'emparèrent d'un grand butin. Moïse leur 
reprocha d'avoir épargné les femmes mariées et les. 
enfants mâles, il ordonna de leur ôterla vie comme aux 
hommes adultes et de ne réserver que les jeunes filles 
vierges. Le butin fut en partie distribué aux vainqueurs, 
en partie offert à Dieu. Num., xxxi, 1-53. Balaam, 
qui s'était trouvé en ce moment avec les Madianites, 
périt avec leurs chefs. Num., xxxl, 8. Les cinq princes- 
de Madian qui avaient été tués dans cette bataille sont 
nommés aussi dans le livre de Josué, xui, 21, comme 



535 



MADIANITES 



MADON 



536 



vassaux (nesikim, voir Keil, Josua, 1863, p. 103), de 
Séhon, roi des Amorrhéens, qui fut également battu par 
les Israélites. Voir Séhon. — 4» Au commencement de 
l'histoire des Juges, quelques descendants de Hobab, 
appartenant à la tribu des Cinéens, habitent pacifique- 
ment au milieu des Israélites ou dans leur voisinage. 
Jud., I, 16; iv, 11, 17. Voir Jétrho, t. m, col. 1521; 
Cinéens, i, 3», t. H, col. 768. — 5» Plus tard, nous trou- 
vons de nouveau les Madianites parmi les ennemis les 
plus acharnés d'Israël. Dieu avait livré les Israélites à 
.Madian durant sept ans. Les Madianites, à qui se joi- 
gnirent les Amalécites, firent de continuelles incursions 
sur le territoire des Hébreux. Ceux-ci, appauvris et 
vivant dans de perpétuelles anxiétés, s'adressèrent enfin 
Au Seigneur, qui leur suscita un libérateur dans Gédéon. 
La victoire remportée par ce juge fut complète et le 
butin énorme. Les chefs ennemis, Oreb et Zeb, Zébée et 
Salmana, qui s'étaient enfuis, ne purent échapper à la 
mort. Jud., vi, 1-vm, 28. Le souvenir de ce grand 
triomphe resta profondément gravé dans la mémoire 
d'Israël. Is., is, 3; x, 26; Ps. lxxxiii, 9. — 6» Après 
Gédéon, les Madianites disparurent, pour ainsi dire, de 
l'histoire. On trouve seulement la mention du pays 
auquel ils avaient donné leur nom dans I (III) Reg., 
xi, 18. Voir Adad 3, 1. 1, col. 166. — Isaïe, lx, 6, annonce 
que les caravanes de Madian et d'Epha (t. m, col. 1830) 
apporteront un jour leur tribut à Jérusalem. — Habacuc, 
ni, 7, parle de la terreur que cause la venue du Seigneur 
aux tentes de Madian, ce qui, d'après les uns, se rapporte au 
passé, Num., xxxi, 2, et d'après les autres, en plus 
■grand nombre, se rapporte à l'avenir, et prédit aux 
Madianites le châtiment qui les menace. — Le livre de 
Judith, il, 16, raconte que « les fils de Madian » furent 
pillés, tués ou faits prisonniers par Holoferne. — Le nom 
de Madian n'est mentionné qu'une fois dans le Nouveau 
Testament, Act., vu, 29, dans le discours de saint Etienne, 
qui rappelle que Moïse s'était réfugié « dans la terre de 
Madian et y avait engendré deux fils ». — Dans la suite 
des temps, les Madianites se sont complètement fondus 
avec les Arabes. Ils nous apparaissent dans ce que nous 
savons de leur histoire, en partie nomades, en partie 
sédentaires, habitant sous la tente et ayant aussi des 
villes et des places fortes. Num.,xxxi,10. Ils se livraient 
au commerce des caravanes, Gen., xxxvn, 21, et s'enri- 
chissaient aussi par la guerre et par le pillage. Jud., 
vi, 3-5. Leurs troupeaux étaient considérables, ils avaient 
«ne multitude de brebis, de bœufs, d'ânes, Num., xxxi, 
32-24, et aussi de chameaux. Jud., vi, 5; vu, 12 ; vm, 
21-26. Les mœurs, d'une partie au moins d'entre eux, 
paraissent avoir été très dissolues, puisque Cozbi, la 
fille d'un de leurs chefs appelé Sur, se livrait, avec 
d'autres filles madianites, à la prostitution pour nourrir 
Béelphégor. 

II. Ethnographie. — Les critiques modernes voient 
pour la plupart dans les Madianites une tribu arabe. 
Guthe, dans Herzog, Renlencyklopâdie, 3 e édit, t. xm, 
p. 60, en fait des Araméens nomades. H. Winckler, Ge- 
schichte Israels, Leipzig, 1895-1900, t. i, p. 49, et Fr. 
Hommel, Aufsâtze und Abhandlungen, in-8», Munich, 
1892 sq., t. m, p. 304, croient que Madian est le nom 
du peuple qui habita la terre de Musri, mentionnée 
dans les inscriptions cunéiformes. Selon Glaser, Skizze 
der Geschichte Arabiens, 1890, p. 449, quelques autres, 
les Madianites seraient de même race que les Ismaélites. 
Cette dernière opinion trouve un appui dans Gen., 
xxxvii, 25-28, où les marchands qui achetèrent Joseph 
sont appelés tantôt Madianites, tantôt Ismaélites, et dans 
Jud., m,. 24, où le grand nombre des anneaux pris aux 
vaincus madianites se trouve expliqué par le fait que les 
Ismaélites ont coutume de porter des anneaux. Mais 
quoique les deux noms s'emploient indifféremment dans 
ces passages, voir Ismaélites, t. m, col. 792, on ne sau- 
rait confondre rigoureusement les uns avec les autres ; 



dans Jud., vm, 24, le nom d'Ismaélites peut être un terme 
générique, synonyme des riches marchands des cara- 
vanes. Lagrange, Le livre des Juges, in-8°, Paris, 1903, 
p. 150. 

La parenté de race entre Madian et Israël, affirmée par la 
généalogie dans la Genèse, xxv, 1, est hors de doute. Il est à 
croire qu'il yeutdesunionsplusoumoins fréquentes entre 
les deux peuples. Ainsi les noms des trois fils de Madian 
se rencontrent souvent dans les généalogies israélites : 
Épha, I Par., H, 46-47; Épher, I Par., iv, 17; v, 24; 
Hénoch est le nom du fils aîné de Ruben. Gen., xlvi, 
9; Exod., vi, 14; I Par., v, 3. Les noms de Jéthro et de 
Raguël sont aussi assez fréquents en Israël. Le mariage 
de Moïse avec une Madianite est raconté dans la Bible 
sans aucune marque de désapprobation. Exod., il, 21. 

J. Bonaccorsi. 

MADMEN (hébreu : Madmên, « fumier »), ville du 
pays de Moab, nommée avec Hésébon. Dans sa prophétie 
contre ce pays, Jérémie, xlviii, 2, faisant un jeu de mots 
sur le nom de cette ville, comme dans plusieurs autres 
passages de cet oracle, dit : Madmên tidmi, « Madmen, 
tu seras détruite. » Les Septante et la Vulgate ont traduit 
Madmen comme un substantif commun : rcaîo-iv itaiioe- 
-rae; silens conticesces ; mais le contexte ne permet guère 
de douter que ce ne soit un nom propre. Le site en est 
inconnu. Il est possible que le mem initial de Madmên 
provienne d'une répétition fautive du niera qui termine 
le mot précédent gâm. Dans ce cas, on pourrait lire, 
Dimôn, c'est-à-dire Dibon, comme Isaïe, xv, 38 (Sep- 
tante : Asi[iiu). Il s'agirait alors de la ville de Dhïbân, 
Voir Dibon 1, t. n, col. 1410. 

MADMÉNA (hébreu : Madmannâh ; Septante : MaS- 
(jlt)v<4), orthographe, dans 1 Par., n, 49, du nom de la 
ville du sud de la Palestine qui est appelée par la Vul- 
gate Medémena dans Jos., xv, 31. Voir Medémena. 

MADON (hébreu : Mâdôn, « discussion ; » Septante : 
Mapwv; Alexandrinus : Maêwv), ville chananéenne du 
nord de la Palestine. Elle avait, a l'époque de la conquête 
de la Terre Promise par les Hébreux, un roi appelé Jo- 
bab qui s'unit à Jabin et aux autres rois du pays pour 
résister à l'invasion. Jos., xi, 1. Il fut battu par Josué 
avec tous les autres rois confédérés. Jos., xn, 19. — 
Dans II Reg., xxi, 20, il est question d'un géant que le 
texte hébreu appelle 'ÎS mâdôn. Les Septante ont traduit 
ces deux mots par àv-riP MaSiiv, « homme de Madon. » 
On traduit ordinairement, avec plus de vraisemblance, 
« un homme de haute stature, » en prenant mâdôn comme 
substantif commun. Il est question dans ce passage d'une 
guerre qui eut lieu à Geth. Le guerrier de la race 
d'Arapha (t. i, col. 878), qui brava les Israélites à cette 
occasion, était donc probablement de la Palestine du 
sud et non du nord. 

Le site de Madon est très controversé. Un certain nombre 
de critiques admettent que les Septante ont conservé la 
vraie leçon sous la forme Maron, mais la question de 
son identification n'est pas résolue par là. Schwarz, Das 
heilige Land, p. 138, a proposé de reconnaître Madon dans 
le Kefar Menda des Talmuds, le Kefr Menda actuel, 
mais Madon, observe Ad. Neubauer, La géographie du 
TalmudA868, p.270, « doit se placer.d'après les contextes, 
dans la Galilée supérieure. » D'après Conder, Tent Work 
in Palestine, 2 in-8°, Londres, 1878, t. h, p. 338, Madon 
pourrait être le Khirbet Mâdin actuel, à un demi-kilo- 
mètre au sud de Hattin, près du lac de Tibériade. On 
y voit des monceaux de ruines et de pierres taillées. 
Survey of Western Palestine, Memoirs, 1. 1, p. 365, 403. 
C'est là une simple hypothèse, mais si l'on maintient 
Mâdôn, elle ne manque pas de probabilité. Si l'on pré- 
fère Mârôn, cette localité pourrait être placée au nord- 
ouest de Safed, à Meiron, qui est la Merôn des Talmuds. 
Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, p. 228. — 



537 



MADON 



MAGDAL 



538 



Plusieurs égyptologues ont lu le nom de Mâdon dans 
une inscription de Thothmès III racontant ses campa- 
gnes en Asie (G. Maspero, Histoire ancienne des peu- 
ples de l'Orient, ¥ édit., 1886, p. 202), mais la lecture 
était inexacte. M. Maspero, dans la nouvelle édition de 
son Histoire, t. n, 1897, p. 268, lit avec raison Mitâni, 
contrée de la Babylonie occidentale. Cf. E. A. W. Budge, 
History of Egypt., t. iv, Egypt and her Asiatic Empire, 
1902, p. 38, 54, 87, 165. F. Vigouroux. 

MAÉLETH (hébreu : Mahâlat; Septante : MasXIG), 
mot hébreu que les Septante et la Vulgate ont transcrit, 
sans le traduire, dans le titre du Ps. lu (un), 1, et du 
Ps. lxxxvii (lxxxviii), 1. Dans ce dernier Psaume, la 
Vulgate écrit Maheleth. — La signification de ce mot est 
incertaine. D'après les uns, il signifie maladie, sens du 
mot mal.tâléh, II Par., xxi, 15; Prov., xvm, 14, ou ma- 
hàldh, Exod., xv, 26; xxm, 25; I (III) Reg., vin, 37; 
II Par., vi, 28, et s'applique à deux Psaumes composés 
à l'occasion d'une maladie. Mais si cette application 
convient au Ps. lxxxvii, elle ne convient pas également 
au Ps. lu. D'après d'autres, il désigne un instrument à 
cordes. Gesenius, Thésaurus, p. 476; Id., Wôrterbuch, 
12 e édit. (Fr. Buhl, 1895, p. 412) ; d'après d'autres encore, 
un chant ou un air particulier. Frz. Delitzsch, Psalmen, 
4 e édit., 1883, p. 409, l'entend d'un air triste. Aquila a 
rendu mahâlat par èm xopzta ; Symmaque, par Sii 
-/opoO; Théodotion, par ûitèp zr\ç -/opsfa;; saint Jérôme, 
dans sa traduction sur l'hébreu, par per chorwm. Cités 
dans Origène, Hexapl., in loc, t. xvi, part, i, col. 847- 
850. Cette indication « pour la danse » n'est pas en rapport 
avec le contenu des Psaumes. En résumé, la significa- 
tion de niahâlaf est douteuse, comme celle de plu- 
sieurs autres mots qu'on lit dans le titre des Psaumes. 
Cf. Frd. Baethgen, Die Psalmen, 1892, p. xvm. 

MAES André, en latin Màsius, commentateur catho- 
lique, né à Linnich, près de Bruxelles, le 30 novembre 
1514, mort à Levenaar le 7 avril 1573. Il voyagea beau- 
coup en Allemagne et en Italie et fut le secrétaire de 
Jean de Weze, évêque de Constance, archevêque de 
Lunden et abbé de Reichenau. Il eut à remplir diverses 
légations à Rome et devint conseiller du duc de Clèves, 
Guillaume. Il a composé un important commentaire 
sur le livre de Josué : Josue imperatoris historia illu- 
strata atque explicata, in-f°, Anvers, 1574. A la fin se 
trouve : In Deuteronomii c. xri et seq. Annotationes . 
Cet ouvrage de A. Maes a été inséré dans le t. il des 
Critici sacri et Migne l'a reproduit dans les t. vu et vm 
de son Cursus completus Scripturx Sacrse. On a aussi 
de lui : De paradizo commentarius, in-12, Anvers, 
1569, traduit du syriaque de l'évêque Moïse de Bar- 
Cépha, accompagné de plusieurs pièces; il a été réim- 
primé dans la 2 e édition des Critici sacri ; Disputatio de 
Coma Domini, Anvers, 1575. — Voir Valère André, Bi- 
bliotheca Belgica, 1643, p. 51; Paquot, Mémoires pour 
servir à l'histoire littéraire des Pays-Bas, 1766, t. ix, 
p. 197 ; Biographie nationale, Bruxelles, 1894-1895, t. xm . 
col. 119-125. B. Heurtebize. 

MAGALA (hébreu : ham-ma'egâlâh ; Septante : 
(rrpoYYÛXuoiç, « rondeur, rond »). Le terme hébreu ne dé- 
signe pas une localité de ce nom, comme l'a compris la 
Vulgate, mais le camp de l'armée israélite que Saûl avait 
conduite contre les Philistins. David se rendit au camp 
pour porter des provisions à ses frères qui étaient au 
nombre des soldats de Saûl. I Reg., xvn, 20. Un peu 
plus loin, xxvi, 57, la Vulgate a traduit le même mot 
ma'egâlâh par « tente », mais là aussi il signifie 
« camp » du roi Saûl. Cette expression, dérivée de 'dgal, 
« rouler » comme une roue, ou de 'âgâlàh, « char, » 
se disait d'un campement, sans doute parce qu'on le 
fortifiait en plaçant tout autour des chariots qui lui ser- 



vaient de retranchement et de défense. Cf. Gesenius, 
Thésaurus, p. 989. 

MAGALHAENS Côme, né à Braga en 1553, mort à 
Coïmbre le 9 octobre 1624. Admis dans la Compagnie 
de Jésus en 1567, il enseigna sept ans les humanités et 
la rhétorique, huit ans la théologie morale et quatre ans 
l'Ecriture Sainte. Ses ouvrages d'exégèse sont nombreux 
et importants. Ce sont : 1» Commentant in Canticuni 
primum Mosis, Lyon, 1609; 2° De ecclesiastico princi- 
patu libri très, -in quibus Epistolx très B. Pauli Apostoli 
quse pontificisevocari soient, commentariis illustrantur r 
Lyon, 1609; 3° In sacram Josue historiam commen- 
tariorum tomi duo, Tournon, 1612; 4° In Mosis canlica 
et benedicliones patriarcharum commentariorun libri 
quatuor, Lyon, 1619; 5° In sacram Judicum historiam 
explanationes et annotationes morales, Lyon, 1626. Il 
nous reste encore de lui en manuscrit Eayplanatio 
panegyricaincap. XII Apocalypsis « Signum magnum, 
apparuit in cœlo ». P. Bliard, 

MAGDAL, MAGDALUM (hébreu : Migdôl; Sep- 
tante : MocySwXov), nom d'une seule localité d'Egypte, 
selon les uns ; de deux localités, selon les autres. La 
Vulgate a rendu le nom hébreu Migdôl par Magdalum 
dans Exod., xiv, 2; Num., xxxm, 7, et Jer., xliv, 1 ; 
xlvi, 14; par turris, « tour, •» dans Ezech., xxrx, 10; 
xxx, 6, où elle traduit; a turre Syenes usque ad termi- 
nos Mthiopix, « depuis la tour de Syène [jusqu'aux 
frontières de l'Ethiopie], » au lieu de : « Depuis Migdôl 
jusqu'à Syène [et aux frontières de l'Ethiopie]. » Le mot 
est sémitique et signifie » tour». Il entre dans la compo- 
sition de plusieurs noms propres de lieux : Magdalel, Mag- 
dalgad, Mk/dol-'dder. On le trouve assez fréquemment 

en Egypte, sous la forme, /^t ^^! | A LE ■ , pe-mâlt- 
tal, dans les inscriptions de la XIX« et de la XX e dynas- 
ties, époque où les pharaons introduisirent dans leur 
langue un certain* nombre de mots empruntés aux 
Sémites. Plusieurs tours ou forteresses ainsi nommées 
furent construites sur la frontière orientale de l'Egypte. 
On les distinguait les unes des autres en ajoutant au 
mot maktel, le nom du roi qui les avait bâties, Séti I er , 
Ménephtah, Ramsès II. Une Magdal est nommée dans une 
des lettres trouvées à Tell el-Amarna, et écrite au pha- 
raon d'Egypte par le roi d'Accho (plus tard Ptolémaïde). 
Voir W. Budge, History of Egypt, 1902, t. iv, p. 228. 

1. MAGDAL, forteresse égyptienne située à la pointe 
septentrionale du golfe de Suez, près de Phihahiroth. 
Exod., xiv, 2; Num., xxxm, 7. Les Israélites campèrent 
dans son voisinage, immédiatement avant le passage de 
la mer Rouge. Il est impossible d'en déterminer la po- 
sition d'une manière plus précise. Elle faisait probable- 
ment partie de la ligne de fortifications qui défendait 
alors la frontière orientale de l'Egypte contre les inva- 
sions des tribus pillardes du désert. Une inscription de 
Séti I er nous apprend que ce pharaon, à son retour de 
Syrie, passa par un endroit ainsi nommé lorsqu'il entra 
dans son royaume. H. Brugsch, Geographische Inschrif- 
ten, Leipzig, 1857-1860, Tafel xlviii, n° 1266 b. Cf. 
Chahas, Mélanges égyptologiques, n e série, p. 128-129. 

2. MAGDAL, localité d'Egypte mentionnée dans Jéré- 
mie, xliv, 1; xlvi, 14, et dans Ézéchiel, xxix, 10; xxx, 
6. Jérémie nous apprend que, de son temps, des Juifs 
demeuraient à Magdal et dans plusieurs autres villes 
d'Egypte ; il leur reproche leur conduite et leur prédit 
qu'ils n'échapperont pas à Nabuchodonosor, roi de Ba- 
bylone, non plus que le pays où ils ont voulu chercher 
un refuge. Ézéchiel annonce que l'Egypte sera dévastée 
depuis Magdal jusqu'à Syène. Syène marquant la fron- 
tière méridionale, Magdal doit marquer la frontière 



539 



MAGDAL 



MAGDALA 



540 



septentrionale. C'est une locution correspondant à la 
phrase égyptienne « depuis les étangs de papyrus iusqu'à 
Abu (Éléphantine)».W. Budge, Ristory of Égypt, 1902, 
t. vu, p. 9. La Magdal de Jérémie et celle d'Ézéchiel sont- 
elles la même? C'est vraisemblable. Puisqu'ils étaient 
contemporains, ils ont dû désigner la même ville par le 
même nom. Cette Magdal est-elle la même que celle de 
l'Exode ou une forteresse ainsi appelée et encore plus 
septentrionale? Il n'est pas possible de trancher la ques- 
tion avec certitude. Tout ce que l'on peut observer, c'est 
que l'Itinéraire d'Antonin (Recueil des itinéraires an- 
ciens, in-4°, Paris, 1845, p. 46) mentionne un Magdala 
situé plus au nord que la Magdal proche de Phihahiroth, 
à dou/.e milles romains au sud de Pclusc, et que sa silua- 



plus particulièrement sur l'autorité du nombre des ma- 
nuscrits, paraissent généralement favorables à Magedan. 
Les exégètes, les géographes surtout, frappés de l'exis- 
tence sur la rive du lac de Génézareth d'une Magdala 
attestée par les écrivains juifs et par la persistance du 
nom dans le village actuel d'el-Medjdel, inclinent plu- 
tôt pour la leçon Magdala: Quelques-uns, tout en ac- 
ceptant Magedan pour la leçon authentique, pensent 
que saint Matthieu a cependant eu en vue la Magdala des 
Talmuds et de l'histoire, patrie de Madeleine et iden- 
tique au Medjdel moderne. Cf. Robinson, Biblical 
Researches in Palestine, Boston, 1841, p. 277-278; de 
Saulcy, Dictionnaire, lopographique abrégé de la Terre- 
Sainte, Paris, 1877, p. 215; V. Guérin, Galilée, t. I, 




168. — Magdala. D'après une photographie dû M. L. Heîdet. 



tion convient à ce que dit Ézéchiel. F. L. Griffîth, dans 
Ilastings, Dictionary of the Bible, t. m, p. 367. 

F. Vigouroux. 

MAGDALA (grec : Ma^âXa, forme araméenne cor- 
respondant à l'hébreu migdal, oumigdol, « tour » ou 
« forteresse »), ville de Galilée, sur la rive occidentale 
du lac de Tibériade (fig. 168). 

I. Magdala dans l'Évangile. — Le nom de Magdala 
se lit dans un grand nombre de manuscrits grecs des 
Évangiles onciaux ou minuscules, dans la version 
syriaque sinaïtique, dans plusieurs des manuscrits des 
versions syriaque Peschito, arménienne, éthiopienne et 
copte, à la place de Magedan, Magadan ou autres va- 
riantes qui se lisent dans les autres manuscrits. Matth., 
xv, 39. Magdala et Magdalan se trouvent encore au lieu 
de Dalmanutha, Marc., vin, 10, dans la version gothique 
et une multitude de manuscrits de la version copte. Cf. 
Tischendorf, Novum Teslamenlum grssce, editio 8" 
critica major, Leipzig, 1872, t. i, p. 92, 295. Magdala 
ou ses variantes dans saint Marc est universellement 
considérée comme une correction. Pour saint Matthieu 
les sentiments sont partagés. Les critiques, se fondant 



p. 203-208; Survey of Western Palestine, Memoirs, 
Londres, 1881-1883, p. 365, 369; Buhl, Géographie des 
alten Patâstina, 1896, p. 226, etc. La difficulté prove- 
nant du site de Dalmanutha n'existe pas pour ceux qui, 
avec Fùrrer, placent cette localité à la ruine appelée 
Miniéh, ou pour ceux qui, comme V. Guérin, Galilée, 
t. i, p. 205, croient pouvoir la chercher dans quelques- 
unes des ruines voisines d'el-Medjdel. Voir Dalmanutha, 
t. il, col. 1209-1211. 

II. Situation. — Quoi qu'il en soit, Magdala est une 
localité implicitement désignée par l'Évangile dans le 
nom de Marie-Madeleine, Maria Magdalene, qui équi- 
vaut à « Marie de Magdala » ou de « Migdal ». Les au- 
teurs qui acceptent la leçon Magdala s'accordent à re- 
connaître comme identiques la Magdala près de laquelle 
aborda le Sauveur après la multiplication des sept pains 
et des deux poissons, et la Magdala, patrie de Madeleine. 
— Saint Matthieu, xxvii, 55-56, saint Marc, xv, 40-41, et 
saint Luc, xxm, 49, 55, indiquent la pajrie de Madeleine 
indirectement en Galilée, quand ils nomment Marie-Ma- 
deleine parmi les saintes femmes venues de Galilée qui 
suivaient le Sauveur. Les Évangélistes ne fournissent au- 



541 



MAGDALA 



MAGDALGAD 



542 



cun indice permettant de distinguer la patrie de la sainte 
des nombreux Migdal épars en Galilée. Les Talmuds 
connaissent une Magdala dans le voisinage de Tibériade, 
à moins d'une mesure sabbatique, selon Talm. de Jérus., 
Eroubin, v, 1 ; ou Migdal Nounia, « le Migdal des pois- 
sons, » à un mille de la ville, Talm. de Babyl., Pesahim, 
46 6. Le Midrasch Ekka, n, 2, ajoutant que cette ville 
fut détruite à cause de la profonde corruption de ses 
habitants, fait peut-être une allusion générale aux faits 
signalés d'une manière particulière et mystérieuse par 
les évangiles quand ils parlent de Marie. Marc, xvi, 9; 
Luc, vin, 2. Cf. Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, 
Paris, 1868, p. 216-218; J. Schwarz, Tebuoth ha-Arez, 
édit. Luncz, Jérusalem, 1901, p. 228. La tradition topo- 
graphique des saints lieux n'a point cessé, depuis le 
iv 8 siècle, de désigner aux pèlerins, comme patrie de 
Madeleine, Magdala, sur la rive du lac au nord de 
Tibériade et à la limite sud-ouest du Ghoueir, l'antique 
plaine de Genèsar, Vel-Medjdel des Arabes. 

III. Tradition historique. — Au rv' siècle, Pierre 
de Scbaste, frère de saint Basile le Grand, dans son 
« Livre de la Démonstration » dont le texte grec est 
perdu, mais dont Eutychius, patriarche melchite d'Alexan- 
drie, nous a conservé des fragments traduits par lui 
en arabe, en appelait à l'église de Medjdel en témoi- 
gnage de la divinité de Jésus : « L'église d'el-Medjdel, 
voisine de Tibériade, disait-il, atteste que le Messie a 
chassé les sept démons qui se trouvaient en Marie-Made- 
leine. » Eutychius patriarca Alexandrinus, auctore 
Abramo Echellensi maronita à Libano, Rome, 1661, 
p. 234-236; dans El-machriq , V" année, 1902, p. 485. 
Vers 330, Theodosius indique « de Tibériade à Magda- 
ium d'où fut Marie Madeleine, deux milles (environ trois 
kilomètres); de Magdal jusqu'aux Sept-Fontaines, cinq 
milles (sept kilomètres et demi) ». De Terra Sancta, 
dans Tobler et Moliiiier, Genève, 18774880, t. i, p. 72. 
Saint Willibald, compagnon de saint Boniface, vers 780, 

' après avoir visité Tibériade « suit le littoral, et arrive 
au village de Madeleine. De là il se rend au bourg de 
Capharnaum, puis il poursuit jusqu'à Bethsaïde ». Ho- 
dœporicon, ibid., p. 260. Au ix e siècle l'église semble 
avoir été ruinée, le Commenioralorium de Casis Dei, 
rédigé vers 808, ne la cite pas parmi les « Maisons de 
Dieu » de la Galilée. Cf. ibid., p. 301-304. Le moine 
Épiphane hagiopolite, au X e siècle, constate de nouveau, 
que, « à deux milles environ d'Heptapegon (les Sept-Fon- 
taines), il existe une église et la maison de la Madeleine, 
dans la région appelée Magdala, où le Seigneur la gué- 
rit; en quittant cet endroit on va à Tibériade. » De- 
scriptio TerrœSanctœ,t.cxx, col. 270. L'higoumène russe 
Daniel, en 1106, fait également mention de la maison 
de Marie-Madeleine que Jésus délivra de sept démons, 
non loin de l'église consacrée aux apôtres [à l'Heptape- 
gon]; l'endroit se nomme Magdalia. Vie et Pèlerinage, 
dans Itinéraires russes en Orient, édit. Khitrowo, 
Gen., 1889, p. 64. Cf. aussi Fretellus, Liber locorum 
sanctœ terra* Jérusalem, t. clv, col. 1043-1044; Jean de 
Wûrzbourg, ùescriptio T. S., ibid., col. 1071 ; Eguesippe, 
Tractatus de distantiis locorunt, Terrœ Sanctœ, Pat. gt\, 
t. cxxxiii, col. 995; anonyme, dans M. de Vogué, Les 
Églises de la Terre-Sainte, Paris, 1860, p. 422-423; 
Theodoricus, Libellus de Locis sanctis, édit. Tobler, 
Saint-Gall et Paris, 1865, p. 102; Ricoldo, Liber pere- 
grinationis, dans Peregrinationes medii mvi quatuor, 
2 e édit. Laurens, Leipzig, 1873, p. 106; cf. Burchard du 
Mont-Sion, Descriptio Terrœ Sanctœ, ibid., p. 40 ; Odoric 
de Pordonone, eriFrioul,i)e Terra Sancta, ibid., p. 147 

IV. État actuel. — Le village à'el-Medjdel est situé 
à quatre kilomètres, au nord-ouest de Tibériade, à la 
même distance au sud-ouest du Khirbet Miniéh, lui- 
même à un kilomètre et demi vers l'ouest des fontaines 
A'Aïn-Tabagha, VHeptapegon ou « les Sept-Fontaines » 
des anciens, sur le bord du lac, à l'endroit où le ri- 



vage fléchit vers le nord-est, à l'extrémité du Ghoueir 
qui se développe devant lui comme un immense et 
plantureux jardin arrosé de nombreux ruisseaux, au 
pied de la montagne escarpée qui ferme au midi Vouâd' 
el-Hamdm, la célèbre vallée d'Arbèle. Voir Arbèle, 
t. i, col. 886. Une trentaine de maisons au plus com- 
posent le village. Carrées et petites, bâties grossièrement 
avec des pierres noires de basalte, et disposées sans 
ordre, elles sont ordinairement surmontées de tentes de 
feuillages ou de roseaux sous lesquelles les habitants 
viennent chercher un peu de fraîcheur surtout pen- 
dant les nuits d'été. Le petit monument à coupole bâti 
au sud-ouest recouvre le tombeau d'un personnage mu- 
sulman vénéré de la population. A travers le plateau 
resserré entre la montagne et le lac sur lequel s'élève 
le village, on remarque de nombreux mais informes 
débris de vieux murs. On croit reconnaître sur le ri- 
vage du lac, dans deux fragments de muraille très 
épais, les restes d'une ancienne tour. Au nord, une 
ruine assez grande et de forme rectangulaire semble 
avoir appartenu à une autre forteresse. Rien de carac- 
téristique n'indique l'emplacement de l'antique église. 
Deux ou trois séders, un vieux figuier et un palmier 
sont les seuls arbres dont l'ombre s'étend sur Medjdel. 
La population est d'environ cent vingt personnes, com- 
posée d'éléments d'origines diverses, bédouins, fellahîn, 
égyptiens, perses et autres, et toute musulmane. 

L. Heidet. 
MAGDALEL. (hébreu : Migdal-'Êl, « la tour de 
Dieu ; » Septante : MeYaXa«pt|x, par suite de l'altération 
du nom de Magdalel et de la juxtaposition du nom sui- 
vant Horem; voir Horem, t. m, col. 753), ville forte de 
la tribu de Nephthali. Jos., xix, 38. Elle est nommée 
entre Jéron et Horem. Eusèbe et saint Jérôme, Ono- 
mastica, édit. Larsow et Partbey, 1862, p. 270, 271, 
l'appellent Magdiel et la placent entre Dor ( Tantourah) 
et Ptolémaïde, à neuf milles romains, dit Eusèbe, à 
cinq milles, dit saint Jérôme, de Dor, c'est-à-dire qu'ils 
l'identifient avec V Athlit actuelle, ancienne place forte 
connue du temps des Croisades sous le nom de Castel- 
lum Peregrinorum. Voir V. Guérin, Samarie, t. H, 
p. 285-292. Cette identification n'est pas admissible, parce 
qu'Athlit ne faisait pas partie du territoire de Nephthali: 
— Conder croit que Magdalel est le Mudjeidel actuel. 
Tent Work in Palestine, t. n, p. 338; Survey of Wes- 
tern Palestine, Memoirs, 1. 1, p. 91, 137. C'est un village 
bâti en pierre, où se trouvent plusieurs maisons ruinées. 
II se trouve sur une colline couverte de figuiers et d'oli- 
viers. On y remarque d'anciens pressoirs taillés dans le 
roc et comprenant deux compartiments, des tombeaux 
également taillés dans le roc et des sarcophages. Le vil- 
lage a une source, des citernes et des piscines. Cf. V. 
Guérin, Galilée, t. il, p. 406-409. F. Vigouroux. 

MAGDALGAD (hébreu : Migdal-Gdd, « tour de 
Gad ou de la Fortune ; » Septante : Mafixhix>.yoiS), ville 
de la tribu de Juda, dans la Scphéla. Jos., xv, 37. Elle 
est] nommée entre Hadassa, t. m, col. 323, et Déléan, 
t. n, col. 1340, dans le second groupe des villes de 
la plaine. Eusèbe et saint Jérôme la mentionnent sous 
le nom de Magdala. Onomastica sacra, édit. Larsow et 
Parthey, p. 268, 269. On y avait rendu probablement un 
culte au dieu Gad, la Fortune. Voir Gad, h, 2°, t. m, 
col. 25. Son nom se retrouve encore aujourd'hui dans 
le village d'el-Medjdel, à demi-heure de marche environ 
à l'est d'Ascalon. El-Medjdel, que nous avons visité en 
1899, est un des plus importants villages de l'antique 
plaine des Philistins. Il est situé au milieu de jardins qui 
se distinguent par leur riche végétation, par leurs grands 
sycomores et par leurs beaux palmiers. Les rues sont 
plus larges qu'elles ne le sont communément ailleurs en 
Orient; les maisons sont en pierre et spacieuse». On 
remarque autour de la mosquée et de plusieurs maisons 



543 



MAGDALGAD 



MAGE 



544 



des colonnes antiques et des pierres sculptées. Ce vil- 
lage a un bazar assez bien approvisionné. V. Guérin, 
pour établir l'identification de Magdalgad et A'él-Mëdjdel, 
s'appuie, Judée, t. il, p. 131, sur la ressemblance du 
nom moderne avec le nom ancien et aussi sur sa posi- 
tion. C'est cependant à cause de son site que plusieurs 
savants rejettent cette opinion ; ils pensent que Magdal- 
gad ne devait pas être si loin à l'ouest, en plein pays 
des Philistins. Riehm, Handwôrterbuch des biblischen 
Alterlums, 2» édit., p. 1013. Quelques-uns croient 
retrouver Magdalgad dans les ruines d'el-Medjeléh, à 
huit kilomètres au sud de Beitdjibrin (cf. V. Guérin, 
Judée, t. il, p. 362), ou dans celles de Khirbet Medjdil, 
à vingt-un kilomètres au sud de Beitdjibrin, deux noms 
qui rappellent les tours ou niigdôl qui se sont élevées 
autrefois en ces lieux. — Quelques commentateurs 
croient que Magdalgad est le Magdolos auprès duquel 
Néchao II gagna une bataille contre les Syriens, vers 
l'an 610, d'après Hérodote, t. n, 159. 

F. Vigouroux. 
MAGDALUM. Voir Magdal. 

MAGDiEL (hébreu : Magdî'êl; Septante : MayeSi-W, 
l'avant-dernier des chefs Çallûf) du pays d'Édom, parmi 
les descendants d'Ésaû, nommés dans la Genèse. Il suc- 
céda à Mabsar et eut lui-même pour successeur Hiram. 
Gen., xxxvi, 43; I Par., i, 54. 

MAGE (grec [au pluriel] : u.âyoi ; Vulgate : magi), nom 
des personnages qui vinrent d'Orient à Bethléhem pour 
adorer l'enfant Jésus. Matth., n, 1-12. Dans les versions, 
Lev., xix, 31 ; xx, 6 ; I Reg., xxvm, 3, 9 ; II Par., xxxm, 
6; Dan., i, 20; il, 2, 10, 27; iv, 4; v, 7, 11, 15, et dans 
les Actes, vm, 9; xm, 6, 8, ce nom revient plusieurs fois, 
mais pour désigner de simples magiciens. Voir Magie. 

I. Les magks en Médie et en Perse. — 1° Leur origine 
et leur genre de vie. — Dans son récit de la prise de 
Jérusalem, Jérémie, xxxix, 3, 13, nomme, parmi les 
grands officiers qui accompagnaient Nabuchodonosor, 
un certain Séréser, qualifié de rab-mâg, ce dont les 
versions font un nom propre : 'Paënây, Rebmag. 
L'hébreu mâg correspond à l'assyrien mahthû, qui 
devient magu dans l'ancien perse et moghu dans 
l'ancien bactrien. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, 
Leipzig, 1899, p. 418. Le rab^mâg est le chef des mages. 
— Les mages étaient, chez les Mèdes, les descendants 
d'une des anciennes peuplades qui avaient servi à 
constituer la nation. Hérodote, I, 101. Isolés peu à peu 
des autres, ils formaient une caste très distincte, qui 
avait dans ses attributions le service du culte. Tous les 
mages ne devenaient pas ministres de ce culte, mais tous 
les ministres du culte appartenaient à la caste des 
mages. Cf. Porphyre, De abstïn., iv, 16. Les mages se 
divisaient en plusieurs classes ayant leurs privilèges et 
leurs devoirs distincts. Il y avait parmi eux des inter- 
prètes des songes, de véritables magiciens, et, dans les 
rangs élevés de la caste, des sages parmi lesquels on 
choisissait le chef suprême. Ceux qu'on vouait au service 
du culte y étaient préparés dès l'enfance par une instruc- 
tion appropriée et recevaient ensuite une initiation spé- 
ciale. Ils menaient une vie austère, étaient assujettis à 
un grand nombre de règles de pureté concernant leur 
persanne et les objets du culte, gardaient un extérieur 
digne et modeste, ne mangeaient pas de viande ou du 
moins en restreignaient l'usage, etc. On leur reprochait 
les mariages qu'ils contractaient malgré les liens les 
plus étroits de la parenté; mais l'ensemble de la caste 
avait une tenue et même pratiquait des vertus qui lui 
conciliaient l'estime des grands et du peuple tout entier. 
Le roi seul, en sa qualité de représentant direct d'Or- 
muzd, pouvait se dispenser de leur ministère pour offrir 
des sacrifices. Cf. Hérodote, i, 132; Xénophon, Cyropssd., 
VIII, m, 9; Rapp, Die Religion und Sitte der Perser, 



dans la Zeitschrift der deutschen morgenl. Gesellsch., 
1866, t. xx, p. 68-94; Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient, t. m, 1899, p. 592-595. 

2° Leur histoire. — A l'époque de Nabuchodonosor, la 
Chaldée n'avait plus en face d'elle, au nord et à l'est, que 
l'empire méde, comprenant la Perse, la Médie, l'Élam 
et l'Arménie. Mais précédemment, sous Assurbanipal, 
l'empire assyrien englobait dans son domaine l'Élam et 
une bonne partie de la Médie. La caste des mages avait 
donc pu étendre son action religieuse dans cet ancien 
empire et la continuer sous la domination chaldéenne; 
autrement il faudrait admettre que le nom de « mages » 
était passé à des prêtres assyriens ou chaldéens. 
Toujours est-il que, dans les inscriptions, le nom de 
rab-màg est attribué comme qualificatif, sous la forme 
ru-bu-u i-im-ga, au père de Nabonide, roi de Babylone. 
Cf. Schrader, Die Keilinschriften und das A. T., 1883, 
p. 417-421. Il n'est donc pas étonnant que cette appel- 
lation se lise dans Jérémie, xxxix, 3, 13. L'influence 
des mages, prédominante chez les Mèdes, surtout sous 
le règne d'Astyage, fut moins tolérée par les Perses, 
sous Cyrus et sous son fils Cambyse. En 521, une révo- 
lution éclata contre ce dernier. Un mage nommé Gaumâta, 
doué d'une ressemblance étonnante avec Smerdis, frère 
de Cambyse, depuis longtemps disparu, se fit passer pour 
Smerdis lui-même. Peu de mois après, l'imposture fut 
découverte, Gaumâta mis à mort et Darius, fils d'Hystaspe, 
installé roi à sa place. Une fête, appelée jia-f0ç<5via, fut 
alors instituée en Perse, en souvenir du massacre des 
mages qui avait eu lieu dans le palais. Hérodote, m, 
67-79; Ctésias, Persic, 10-15. Les mages n'en gardèrent 
pas moins une haute situation dans l'empire des Aché- 
ménides. Ce furent eux qui interprétèrent un songe de 
Xerxès et le déterminèrent à son expédition contre la 
Grèce. Hérodote, vil, 19. Pendant l'expédition, ils tirent 
un sacrifice de chevaux blancs sur les bords du Strymon 
et y accomplirent des rites magiques. Hérodote, vu, 
1!3, 114. Cicéron, De leg., n, 10, les accuse d'avoir 
poussé à la destruction des temples de la Grèce. 

3° Leur religion. — La religion des mages était celle 
qu'un sage, Zoroastre, sur l'existence et l'action duquel 
on n'a que des données problématiques, avait consignée 
dans l'Avesta. Cette religion reconnaissait un dieu su-* 
prême, Ahuramazda ou Ormuzd, ayant au-dessous de 
lui six Amschaspands préposés aux règnes de la nature 
et, à un degré inférieur, des milliers de Yazàtas ou Izeds, 
veillant au bon fonctionnement des êtres. A la tête de 
ces derniers se trouvait Mithra, le ciel lumineux, plus 
tard identifié avec le soleil. A Ormuzd s'opposait le 
génie du mal, Angromainyus ou Ahriman, commandant 
aux Devas ou démons. Cf. Le Hir, Études bibliques, 
Paris, 1869, t. n, p. 187-212. Sous sa forme élémentaire,, 
cette religion avait été commune aux Perses, aux Mèdes. 
et aux Bactriens. Les mages de Médie la réformèrent et 
en codifièrent les dogmes et les pratiques. Ces dernières 
étaient multiples et compliquées. Les mages regardaient 
le feu comme le fils d'Ormuzd et la production divine 
par excellence. Us l'entretenaient perpétuellement sur 
des autels; ils s'abstenaient, comme d'un sacrilège, de 
le souiller par le souffle de l'haleine humaine ou par le 
contact d'un cadavre ou d'un objet impur; ils tenaient 
au contraire pour œuvre pie la peine qu'on prenait de 
l'alimenter. Le prêtre était appelé atharvan, « homme 
du feu. » Ce culte entraînait celui du soleil, « œil 
d'Ormuzd. » On attribuait aussi une vertu bienfaisante 
à la lune, aux astres et aux signes du zodiaque. La 
constellation du Chien jouissait d'une considération 
particulière, parce que l'Avesta respectait le chien à 
l'égal de l'homme. La même religion, caractérisée par 
le culte d'Ormuzd et l'absence d'idoless régnait chez les 
Perses et chez les Mèdes, à quelques différences près. 
La principale consistait en ce que les mages de Médie 
le contentaient d'exposer à l'air les cadavres, pour ne; 



545 



MAGE 



546 



souiller ni la terre, ni le feu, ni l'eau, tandis que les 
Perses les enterraient. Cf. Dôllinger, Paganisme et 
Judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, -1858, t. u, p. 177- 
^04; J. Darmesteter, Ormuzd et Ahriman, Paris, in-12, 
1877; Id., Essais orientaux, in-8», Paris, 1883; Id.> 
Études iraniennes, in-8°, Paris, 1883, t. n; Id., Éludes 
sur l'Avesta, in-8°, Paris, 1883; Id., Le Zend-Avesta, 
traduction nouvelle avec commentaire, 3 in-4», Paris, 
1892-1893; C. de Harlez, Les origines du Zoroaslrisme, 
•dans le Journal asiatique, Paris, août-septembre 1880; 
Religion mazdéenne ou avestique, dans le Dict . apologét, 
de Jaugey, Paris, 1889, p. 2759-2766; de Broglie, Cours 
de l'histoire des cultes non chrétiens, Paris, 1881, 
p. 20-42; Maspero, Histoire ancienne, t. m, p. 571-595; 
Lagrange, La religion des Perses, dans la Revue biblique, 
janvier 1904, p. 27-55. 

4° Leurs rapports avec les Juifs. — Bien que la 
religion des mages ait eu à souffrir de l'invasion suc- 
cessive des Grecs et des Parthes, le culte d'Ormuzd 
ne disparut pas et les temples du feu continuèrent à 
subsister dans les pays occupés par la race iranienne. 
La captivité et ensuite la dépendance de l'empire perse 
sous laquelle ils vécurent pendant deux cents ans, 
avaient fourni aux Juifs l'occasion de se familiariser 
avec les doctrines et les pratiques des mages, qui, en 
beaucoup de points, ressemblaient assez aux leurs. 
Cf. S. Jérôme, In Dan., x, 13, t. xxv, col. 555. Il y eut 
une certaine influence réciproque, et, chez les Israélites 
« tout indique, non une imitation, mais un dévelop- 
pement original des idées juives, qui a pu être, il est 
vrai, provoqué et accéléré par le voisinage d'idées ana- 
logues ». De Broglie, Cours de l'hist. des cultes non 
chret., p. 42. Cf. de Harlez, La Bible et l'Avesta, dans 
la Revue biblique, Paris, 1896, p. 167-172 ; E. Stave, 
Ueber den Einfluss des Parsismus auf dos Judentum, 
Leipzig, 1898. La vie ascétique des mages ne laissa pas 
de causer aux Juifs quelque admiration. Philon, Quod 
cmnis probus liber, 11, 12, édit. Mangey, t. n, p. 456- 
457, en parle avec éloges et luj compare celle des 
gymnosophistes et des esséniens. On a même cru que 
ces derniers avaient subi l'influence du parsisme. Cf. 
Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit 
J.-C, Leipzig, 1898, t. n, p. 574. Néanmoins quelques 
pratiques singulières des mages, celles surtoutauxquelles 
se livraient les mages inférieurs, leur attirèrent mauvais 
renom; c'est ce qui fit que le nom de (m-pt, tnagi, 
servit à désigner la magie et les magiciens. 

II. Les mages a Bethléhem. — i° Ce qu'ils étaient. — 
1. Saint Matthieu parle des mages sans donner aucune 
explication sur leur qualité. Il suppose donc que le nom 
seul suffit pour les désigner à ses contemporains. Les 
mages étaient des personnages appartenant à cette caste 
qui fournissait les ministres du culte aux Mèdes et aux 
Perses, et qui d'ailleurs étaient renommés dans le 
monde connu alors. Hérodote, vu, 37, etc. ; Xéno- 
phon, Cyrpped., vin, 1, 23; Lucien, Macrob., 4, etc. 
Quelques Pères ont pris ce nom de mages en mau- 
vaise part et ont vu en ceux que désigne l'évangéliste 
<Ie purs magiciens, plus ou moins adonnés aux sorti- 
lèges et en rapport avec les démons. Cf. S. Justin, 
Vont. Tryphon., 78, t. vi, col. 660; Origéne, Cont. 
Gels., 1, 60, t. xi, col. 769; S. Augustin, Serm. xx, de 
Epiph., n, 3, 4, t. xxxvm, col. 1030; S. Jérôme, In h., 
xix, 1, t. xxiv, col. 250. Bien, dans le récit évangélique, 
n'autorise cette manière de voir. Les mages devaient 
être bien plus vraisemblablement des hommes sages et 
pieux, choisis parmi les meilleurs et les plus religieux 
<Ie leur caste, dignes représentants de cette religion qui 
tut « l'une des plus semblables au judaïsme et au chris- 
tianisme qui aient jamais existé ». De Broglie, Cours de 
l'hist. des cultes non chrét., p. 36. Strabon, XI, IX, 3; 
XV, m, I, dit que les mages composaient l'un des deux 
.grands conseils du roi des Parthes, et qu'ils s'adon- 

DICT. DE LA BIBLE. 



naienl à une vie de piété. Peut-être qu'en les appelant, 
Dieu voulait récompenser leur nation de la délivrance 
et de la protection jadis accordées à son peuple, de 
même qu'en se rendant en Egypte, le Sauveur marquait 
sa gratitude pour l'hospitalité autrefois offerte aux Hé- 
breux. — 2. Les mages n'étaient pas des rois. L'opinion 
populaire qui leur prête ce titre s'appuie sur le texte 
du Psaume lxxii (lxxi), 10 : « Les rois de Tharsis et 
des îles lui paieront tribut, les rois de Séba et de Saba 
offriront dés présents, tous les rois se prosterneront 
devant lui. » Ce texte revient d'ailleurs à plusieurs re- 
prises dans l'office de l'Epiphanie. Le Psaume d'où il 
est tiré se rapporte littéralement au règne de Salomon 
et spirituellement au règne du Messie, auquel les rois 
et les grands de la terre rendront hommage dans la 
suite des siècles. Mais les mages ne sont pas spéciale- 
ment visés, bien qu'ils aient été les prémices de tous 
ces adorateurs venus de la gentilité. L'on ne peut 
donc pas conclure de ce texte qu'ils étaient rois, pas 
plus du reste qu'on ne pourrait, en vertu du même 
principe, les faire venir de Saba ou de Tharsis. L'idée 
de la royauté des mages est d'ailleurs étrangère à tous 
les anciens Pères; on ne la trouve exprimée que dans 
des textes apocryphes. Tertullien, Adv. Jud., 9; Cont. 
Marcion., m, 13, t. n, col. 619, 339, dit seulement qu'en 
Orient les mages étaient presque des rois, fere reges, 
ce qui est conciliable avec la grande autorité dont jouis- 
saient les plus élevés d'entre eux. De même en effet que 
sous Nabuchodonosor il y eut un rab-mâg, chef des 
mages, qui prenait rang parmi les premiers officiers du 
royaume, Jer., xxxix, 3, ainsi y eut-il plus tard, sous 
les Sassanides, un gouverneur de province qui portait 
aussi le nom de masmaghan, chef des mages. Cf. Curci, 
Lezioni sopra i quattro Evangeli, Florence, 1874, t. i, 
p. 322; Fouard, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1880, t. i, 
p. 88. 

2° Leur pays d'origine. — Saint Matthieu, n, 1, 2, 9, 
fait venir les mages de l'Orient. Il n'y avait de mages 
que dans les anciens pays de Perse, de Médie et peut- 
être d'Assyrie et de Chaldée, qui alors faisaient partie 
de l'empire des Parthes. Or, ces pays sont exactement 
à l'est et un peu au nord-est de la Palestine, dont ils 
sont séparés par le désert de Syrie, entre Damas et la 
vallée de l'Euphrate. Bien que le mot « Orient » puisse 
désigner bien d'autres contrées situées à l'est de la 
Palestine, on ne peut évidemment pas songer à celles 
où il n'existait pas de mages. Clément d'Alexandrie, 
iStrom., i, 15, t. vin, col. 777; Diodore de Tarse, dans 
Photius, t. cm, col. 878; saint Cyrille d'Alexandrie, In Is., 
xlix, 12, t. lxx, col. 1061; Prudence, Cathemer., xii, 
25, t. lix, col. 902, etc., font venir les mages de Perse. 
Saint Maxime de Turin, Homil., xvill-xxvm, in Epiph., 
t. lvii, col. 262; Théodote d'Ancyre, Hom. de Nativil., 
i, 10, t. lxxvii, col. 1364, etc., croient qu'ils sont de la 
Chaldée ou Babylonie. Saint Justin, Cont. Tryph., 77, 
78, t. vi, col. 657; Tertullien, Adv. Jud., 9; Adv. Mar- 
cion., m, 13, t. H, col. 339, 619; saint Épiphane, Expos, 
fidei, 8, t. xlii, col. 785, et d'autres en font des Arabes. 
L'Arabie est au sud-est de la Palestine, mais il n'y avait 
pas de mages en Arabie. On peut encore moins songer 
à l'Ethiopie, ni à d'autres pays indiqués par quelques 
auteurs^ 

3° Leur nombre et leurs noms. — 1. Les Pères suppo- 
sent ordinairement que les mages ont été au nombre 
de trois. Cf. S. Maxime de Turin, Hom., xvir, de 
Epiph., 1, t. lvii, col. 259; S.Léon, Serm., xxxi, 36-38, 
de Epiph., t. liv, col. 235, 254, 257, 260; et plusieurs 
sermons en appendice à ceux de saint Augustin, t. xxxix, 
col. 2008, 2014, 2018. Cette fixation du nombre des mages 
à trois a été naturellement inspirée par le nombre des 
présents offerts. Mais, étant donné le silence de saint 
Matthieu sur ce point, on ne peut logiquement conclure du 
nombre des présents à celui des mages. La tradition 



IV. 



18 



547 



MAGE 



548 



syrienne et la tradition arménienne portent le nombre 
des mages à douze. Cf. Assemani, Bibl. orient., Rome, 
1719-1728, t. m, 4, p. 309, 316; Journal asiatique, 
février-mars 1867, p. 159. Parmi les anciens monuments, 
il en est qui représentent trois mages (fig. 169). Cf. Mar- 




169. — Mages au nombre de trois. Musée de Lalran. 
D'après une photographie. 

tigny, Dict. des antiq. ehrél., Paris, 1877, p. 441, 442 ; 
Poraté, Archéol. chrét., Paris, 1892, p. 312; Marucchi, 
Éléments d'archéol. chrét., Paris, 1899, t. i, p. 197. 
Ailleurs on voit deux mages, comme dans la peinture 
du cimetière des Saints-Pierre-et-Marcellin (fig. 170), ou 




170. — Mages au nombre de deux. 

Peinture du cimetière des Saints-Pierre-et-Marcellin. 

D'après une photographie. 

quatre, comme dans la peinture du cimetière de Domi- 
tille (fig. 171). Cf. Marucchi, Éléments, 1. 1, p. 318. Sur un 
vase du musée Kircher, on en compte jusqu'à huit. Ces 



naiionale de Paris, les appelle Bithisarëa, Melchior et 
Gathaspa. Un auteur italien, du commencement du 
ix' siècle, les nomme Gaspar, Balthasar et Melchior. 
Cf. Muratori, Berum Italie, scriptores, Milan, 1723-1751, 
t. il, p. 114, t. evi, col. 620. Dans des écrits attribués à 
Bède, t. xciv, col. 541, ils sont encore appelés Melchior, 
Caspar et Balthasa.\ Les Syriens leur donnent des noms 
tout différents : Zarvandad, Hormisdas, Guschnasaph, 
Arschac, etc. Cf. Assemani, Bibl. orient., t. ni a, p. 316. 
Chez les Arméniens, ces noms deviennent Kaghba, 
Badadilma, Badadakharida. Cf. Journal asiatique, 
février 1867, p. 160. Zacharias de Chrysopolis, t. Clxxxvi, 
col. 83, et Pierre Comestor, t. cxcxvm, col. 1542, donnent 
les noms grecs Appelius, Amerius et Bamascus, et les 
noms hébreux Magalath, Galgalath et Sarakin. Dans 
Bezold, Die Schatzhôhle, Leipzig, 1883, on trouve les 
noms syriens Hormizd, Jazdegerd et Peroz. Ci. Knaben- 
bauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 74-81. 
Tous ces noms sont probablement fantaisistes et d'ail- 
leurs importent peu. Cf. Acta sanclorum, maii t. i, 1780, 
p. vu-vin. — 3. On a aussi cherché à trouver dans les 
trois mages des représentants des trois races qui descen- 
dent de Noé. Balthasar, nom chaldéen, désignerait les 
descendants de Sera, qui peuplèrent la Chaldée; Mel- 
chior, de malki-'ôr, « roi de la lumière, » représenterait 
les hommes du midi, les Égyptiens et les Éthiopiens, 
fils de Cham; enfin Caspar, habitant des bords de la 
Caspienne, ou Gaspard, équivalant au nom indien de 
Gudnapar, rappellerait la race de Japhet. On n'a aucune 
raison de croire que les mages soient venus de pays si 
différents; tous, du reste, représentaient également le 
genre humain appelé à saluer son Sauveur. 

4° La raison de leur voyage. — 1 . Les mages viennent 
adorer le Sauveur parce qu'ils ont vu « son étoile » en 
Orient. Voir Étoile des mages, t. n, col. 2037. Cette étoile 
était un signe approprié aux idées religieuses des mages, 
qui pratiquaient lé culte du feu et considéraient les 
astres comme des images de la divinité. — 2. Par elle- 
même, l'apparition du météore ne pouvait que les étonner, 
il faut donc supposer une inspiration intérieure qui 
donna aux mages le sens de cette apparition. Cf. S. Léon, 
Serra., xxxiv, in Epiph., îv, 3, t. liv, col. 245. — S. Enfin 
l'ensemble du récit évangélique demande encore qu'on 
prête aux mages la connaissance de la venue future du 
Messie et le désir de le voir, de le connaître et <!e 
l'adorer. Saint Irénée, Adv. hssr., m, 9, 2, t. vu, col. 870; 
Origène, In Num., homil. xm, 7; xv, 4, t. su, col. 675, 
689, et beaucoup d'autres Pères croient que les mages 
attendaient le Messie sur la foi de la prophétie de Balaam. 
Num., xxiv, 17 : « Une étoile sort de Jacob, un sceptre 




171. — Mages au nombre de quatre. Peinture du cimetière de Domitille. D'après une photographie. 



personnages ne sont pas habillés en rois, mais ils por- 
tent le bonnet phrygien et le costume des riches Per- 
sans. Cf. Marucchi, Éléments, t. i, p. 304. — 2. On n'est 
pas mieux renseigné sur le nom des mages. Un manus- 
crit de la lin du vn e siècle, conservé à la Bibliothèque 



s'élève d'Israël. » Mais cette prophétie n'était pas fort 
claire par elle-même ; d'ailleurs elle datait de trop loin 
pour qu'à l'époque de la naissance de Notre-Seigneur 
on pût encore en tenir compte en dehors de la Pales- 
tine. Il est beaucoup plus probable que le séjour des 



549 



MAGE 



550 



Israélites en Perse durant la captivité avait servi à faire 
connaître aux mages les grandes prophéties messianiques 
et que cette connaissance avait été entretenue et déve- 
loppée par les nombreux Juifs restés dans ce pays après 
la captivité. Voir t. n, col. 239-240. Il n'est pas étonnant 
d'ailleurs que l'attente d'un Sauveur, alors générale dans 
le monde entier, cf. Tacite, Hist., v, 13; Suétone, Vespas., 
4, eût saisi plus particulièrement l'esprit d'hommes 
aussi religieux, et aussi réfléchis que les mages. 

5» Époque de leur arrivée. — 1. Les mages arrivèrent 
à Jérusalem « aux jours du roi Hérode » et à une époque 
où Hérode se trouvait dans sa capitale. Matth., h, 1, 3, 
7. Or Hérode mourut à Jéricho vers la fin de mars de 
l'an 750 de Rome (4 avant J.-C). Il était resté quelque 
temps dans cette ville et auparavant avait séjourné aux 
eaux de Callirrhoé. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVII, vi, 
5-vm, 1 ; Bell, jud., I, xxxm, 6^8. C'est donc tout au 
plus à la fin de 749 ou au commencement de 750 que 
les mages ont pu le trouver à Jérusalem. — 2. Il est 
impossible de savoir exactement depuis combien de 
temps le Sauveur était né quand ils arrivèrent. La date 
assignée à la fête de l'Epiphanie, treize jours après 
celle de la Nativité, ne préjuge en rien la question; car 



l'adoration des mages a suivi de deux ans la naissance. 
Cf. Eusèbe, Qusust. evang. ad Steph., t. xxii, col. 933; 
S. Épiphane, Hser., Ll, 9, t. xli, col. 904; Juvencus, 
Hist. evang., i, 259, t. xix, col. 95; S. Jérôme, Chron. 
Euseb., an. 3, t. xxvil, col. 562, etc. La conclusion 
n'est pas rigoureuse, parce que, pour ne point manquer 
sa victime, Hérode a fort bien pu faire massacrer des 
enfants un peu plus âgés que celui qu'il voulait atteindre. 
De fait, à part une représentation de l'enfant Jésus encore 
dans sa crèche quand les mages l'adorent (fig. 172), 
cf. Pératé, Archéol. chrét., p. 312, les anciens monu- 
ments montrent toujours le divin Enfant sur les genoux 
de sa mère, souvent même déjà assez grandi. Cf. Gar- 
rucci, Storia delV arte christiana, Rome, 1872, t. i, 
p. 363; Lehner, Marienverehrung in den ersten Jahr- 
himderten, Leipzig, 1880, p. 334; Cornely, Introd. spé- 
cial, in singulos N. T. libres, Paris, 1886, p. 203-205. — 
4. Du côté des mages, les probabilités semblent aussi 
favoriser une arrivée assez tardive à Jérusalem. L'Evan- 
gile ne dit pas à quel moment l'étoile leur apparut. On 
croit généralement qu'elle commença à se montrer au 
moment de la naissance; saint Justin, Cont. Tryph. ,106, 
t. vi, col. 724, avance même son apparition à l'époque 




172. — Adoration des mages. Sarcophage du musée de Latran. D'après une photographie. 



on sait qu'au courant du iv» siècle les Églises d'Orient 
célébraient à la fois, le 6 janvier, la naissance du Sau- 
veur, son adoration par les mages et son baptême, tandis 
qu'à la même époque, en Occident, on fêtait la naissance 
le 25 décembre. Les deux usages furent ensuite com- 
binés. Saint Jean Chrysostome, dans un sermon de 386, 
t. xlix, col. 351, atteste que la fête du 25 décembre 
n'était célébrée à Antioche que depuis dix ans. Elle ne 
fut adoptée que plus tard à Jérusalem et à Alexandrie, 
Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, 
p. 247-249. L'usage liturgique ne peut donc nullement 
prouver que les mages soient arrivés à Jérusalem treize 
jours après la naissance du Sauveur, comme le croyait 
saint Augustin, Serm., cem, 1, 3, t. xxxvin, col. 1035, 
1036; De consens. Evang., n, 5, 17, t. xxxiv, col. 1082. 
— 3. Voici ce qui parait se dégager de plus net des 
récits évangéliques. Il est impossible d'admettre que 
l'adoration des mages ait eu lieu avant la présentation 
de l'enfant Jésus au Temple; car, l'éveil étant donné à 
la haine d'Hérode, cette présentation eût été imprati- 
cable. Cf. B. Triebel, De magis post Jesu in teniplo 
reprissent, advenientibus, dans le Thésaurus de Hase 
et Iken, Leyde, 1732, t. h, p. 111-118. De plus, saint 
Luc, it, 39, d'après certains commentateurs, suppose un 
voyage de la sainte Famille à Nazareth après la pré- 
sentation, sans doute en vue des mesures à prendre 
pour un établissement définitif à Bethléhem, séjour que 
saint Joseph croyait imposé par les circonstances à 
l'Enfant et à ses parents. Cf. Grimm, Leben lesu, Ratis- 
bonne, 1876, t. i, p. 329. C'est seulement après ce retour 
à Bethléhem que les mages se seraient présentés. La pré- 
caution prise ensuite par Hérode de faire massacrer les 
entants de Bethléhem jusqu'à l'âge de deux ans, « selon 
le temps dont il s'était informé auprès des mages, » 
Matth., il, 16, a porté plusieurs Pères à penser que 



de l'incarnation, par conséquent neuf mois auparavant. 
Il n'y a aucun motif pour l'avancer davantage. Or les 
mages venaient de Perse; à les supposer partant de 
Persépolis, le voyage jusqu'à Jérusalem était d'environ 
2000 kilomètres par la vallée de l'Euphrate et celle du 
Jourdain. Les mages durent employer un certain temps 
à faire leurs préparatifs de départ. Leur caravane, vrai- 
semblablement assez nombreuse, s'ébranla et voyagea 
avec la lenteur habituelle aux Orientaux. Le chameau 
peut, il est vrai, fournir une course de 40 à 50 kilo- 
mètres par jour, voir Chameau, t. h, col, 521, ce qui 
eût déjà exigé au moins quarante jours de marche de 
Perse en Judée. Mais les mages n'allaient pas de ce train ; 
rien d'ailleurs ne les pressait. Bien que l'on ne puisse 
rien préciser, il ressort de toutes ces remarques que les 
mages ne parurent à Jérusalem qu'un temps notable après 

• la naissance du Sauveur, temps qui peut aller de trois 
mois à douze ou quinze. Cf. Greswell, Dissertations on a 
Harmony of the Gospel, Oxford, 1840, t. n, diss. xvm. 

; 6° Leur séjour en Judée. — 1. Les mages avaient vu 
l'étoile dans leur pays et étaient partis après son appa- 
rition. Matth., Il, 2. Arrivés à Jérusalem, ils se heurtè- 
rent à l'ignorance du peuple juif qui ne savait rien de 
la naissance de son Messie et à la malveillance caute- 
leuse d'Hérode. On les renseigna à l'aide d'une prophé- 
tie de Michée, v, 2, et ils partirent pour Bethléhem, qui 
n'est qu'à une dizaine de kilomètres de la capitale. A 
leur grande joie, l'étoile se montra de nouveau à leurs 
yeux, et les précéda vers le terme de leur voyage. Les 
mages reconnurent que, malgré l'ignorance surprenante 
dans laquelle ils avaient trouvé les Juifs, eux-mêmes 
n'étaient pas le jouet d'une illusion. A Bethléhem, et 
non à Nazareth, comme quelques-uns l'ont imaginé 
contrairement à toute vraisemblance (cf. Tillemont, 
Mémoires pour servir à l'hist. ecclés., Paris, 1693, 1. 1, 



551 



MAGE 



MAGËDAN 



552 



! not. 4), ils virent l'Enfant non pins dans l'étable, ainsi que 
quelques-uns l'ont pensé à la suite de saint Augustin, 
Serm. ce, in Epiph., i, 2, t. xxxvm, col. 1029, mais, 
comme dit formellement le texte, dans une maison, sic 
xrjv oîxt'ay. Toutes sortes de raisons autorisent, en effet, 
à supposer que le séjour du divin Enfant dans l'étable 
ne se prolongea pas. Les mages se prosternèrent en 
>.signe d'adoration, comme en présence de la divinité. 
Bien qu'employé parfois pour exprimer l'hommage 
offert à un homme, Gen., xxvn, 29; xxxm, 3, 6, 7; 
xxxvn, 7, etc., et la prostration des Perses devant leur 
roi, cf. Hérodote, vu, 136, le verbe upomuveïv est habi- 
tuellement employé par les Septante et les évangélistes 
pour indiquer l'acte d'adoration envers Dieu. Exod., iv, 
31; Lev., xxvi, 1; Num., xxv, 2; Matth., IV, 10; Luc, iv. 
8; Joa., iv, 21, etc. Cf. Adoration, t. i, col. 234. — 
2. Non contents d'adorer, les mages offrirent des pré- 
sents, conformément à la coutume invariable des Orien- 
taux quand ils veulent rendre hommage à un person- 
nage marquant. Rien ne permet d'affirmer que les 
mages aient attaché un symbolisme spécial à leurs pré- 
sents. Mais les Pères signalent ce symbolisme. D'après 
eux, l'encens figure la divinité de celui auquel on l'offre, 
cf. Encens, t. il, col. 1772-1774, l'or sa royauté et la 
myrrhe son humanité destinée à la mort et à la sépul- 
ture. Cf. S. Irénée, Adv. heer., m, 9, 2, t. vu, col. 871; 
Origène, Cont. Cels., i, 60, t. xi, col. 772; S. Hilaire, 
ire Matth., i, 15, t. ix, col. 923; S. Ambroise, In Luc, il, 
44, t. xv, col. 1569; S. Jérôme, ira Matlh., i, 2, t. xxvi, 
col. 26; S. Grégoire, Hom. in Evang., x, 6, t. lxxvi, 
col. 1112; S. Pierre Chrysologue, Serm., clviii, clx, 
t. lu, col. 619, 622, etc. Saint Maxime de Turin, 
Hom., xxi, t. lvii, col. 270, voit aussi dans l'encens le 
symbole du sacerdoce du Christ. D'autres admettent la 
même signification ou en imaginent de différentes, avec 
diverses applications morales. Cf. Patrizi, De evangeliis, 
diss. XXVII, p. 348; Knabenbauer, Evang. sec. Matth., 
Paris, 1892, t. i, p. 94. 

7° Leur retour. — Sans rien dire de la longueur de 
leur séjour à Bethléhem, saint Matthieu raconte seule- 
ment que les mages furent avertis en songe d'avoir à 
s'en retourner par un autre chemin. Il leur fut aisé de 
regagner la mer Morte et le passage du Jourdain sans 
repasser par Jérusalem. Voir la carte de Juda, t. m, 
col. 1760. D'après un auteur dont l'écrit se trouve dans 
les œuvres de saint Jean Chrysostome sous le litre de 
Opus imperfeetwm in Matthxum, homil. n, t. lvi, 
col. 644, les mages, de retour dans leur pays, furent en- 
suite baptisés par saint Thomas et associés à sa prédi- 
cation. Cet auteur, d'après Montfaucon, t. lvi, col. 607, 
était arien, et son écrit primitivement composé en latin, 
selon toute probabilité, n'est pas antérieur à la fin du 
vi e siècle. Lui-même déclare qu'il s'inspire du livre 
apocryphe de Seth, et il y puise plusieurs traits légen- 
daires sur les douze mages qui, de père en fils, obser- 
vaient les étoiles sur le mont Victorial pour reconnaître 
celle du Messie, sur l'apparition de l'étoile en forme de 
petit enfant avec des rayons en forme de croix, sur le 
voyage qui dura deux ans, etc. Cf. Brunet, Les évangiles 
apocr-yphes, Paris, 1845, p. 212; Journal asiatique, 
mars 1867. Le martyrologe fait mémoire de saint Gas- 
pard le 1 er janvier, de saint Melchior le 6, de saint 
Balthazar le 11. Cf. Act. sanctor. Bolland., t. i, p. 8, 
323, 664. Voici ce qu'on raconte au sujet des reliques 
des mages actuellement conservées à la cathédrale de 
Cologne dans un magnifique reliquaire. Retrouvées en 
Perse par les soins de sainte Hélène, dit-on, elles furent 
transportées à Constantinople et de là à Milan, à la fin 
du V e siècle, par l'évêque de cette ville, Eustorgius, au- 
quel l'empereur Anastase I er les avait données. En 
1163, l'empereur Barberousse, après s'être emparé de 
Milan, accorda les reliques à Renauld de Dassèle, arche- 
vêque de Cologne, qui les emporta dans sa ville épisco- 



pale, où elles sont restées depuis lors, sauf de 1794 à 
1804, où on les emporta au delà du Rhin, pour les sous- 
traire aux armées révolutionnaires. Cf. Migne, Dict. des 
pèlerinages religieux, Paris, 1851, t. i, col. 481-486. 

III. Caractère historique du récit. — 1» Pour les 
rationalistes, le récit de l'adoration des mages appartient 
aux « légendes de l'enfance », postérieures au corps 
même de l'Évangile et dignes d'être mises au même 
rang que les évangiles apocryphes. Le caractère légen- 
daire du récit est encore accusé, prétendent-ils, par son 
apparence de joli conte oriental et par le silence que les 
trois autres évangélistes gardent à son sujet. — 2» Mais 
l'adoration des mages est un récit aussi fermement 
attesté que les autres récits de saint Matthieu; il n'y a 
d'hésitation à cet égard ni dans les versions, ni dans 
les anciens manuscrits, ni dans les citations des Pères. 
Ce récit se relie nécessairement à ceux du massacre des 
innocents, de la fuite en Egypte et du retour à Nazareth. 
L'allégation de saint Luc, il, 39, faisant retourner la 
sainte Famille à Nazareth aussitôt après la présenta- 
tion au Temple, s'explique tout naturellement, en admet- 
tant que saint Joseph n'est allé en Galilée avec Marie et 
l'Enfant que pour revenir aussitôt après s'établir défini- 
tivement à Bethléhem. Mais, même en dehors de cette 
hypothèse, il n'y aurait pas à s'étonner que saint Luc 
passât complètement sous silence un fait suffisamment 
raconté déjà par saint Matthieu, de même que celui-ci 
ne dit rien de l'annonciation, des conditions de la nais- 
sance à Bethléhem, de la circoncision, de la présenta- 
tion et d'autres événements qui ne se lisent que dans 
le troisième évangéliste. Le silence de saint Marc et ce- 
lui de saint Jean ne prouvent pas davantage contre 
l'historicité du récit de saint Matthieu, puisque l'un et 
l'autre ne commencent leur narration qu'avec la vie pu- 
blique de Notre-Seigneur. Saint Jean connaissait cer- 
tainement ce récit, et saint Irénée, Adv. hœres., m, 9, 
2, t. vu, col. 870, représentant fidèle de la tradition 
johannique, s'y réfère avec une pleine assurance. Le 
seul miracle que mentionne ici saint Matthieu, l'appa- 
rition d'un météore lumineux, que la science du temps 
ne lui permettait pas d'appeler autrement qu'une 
« étoile », est un miracle analogue à ceux de la lumière 
éclatante qui apparut aux bergers, Luc, n, 9, de la 
nuée brillante de la transfiguration, Matth., xvn, 5, des 
ténèbres de la Passion, Malth., xxvn, 45; Marc, xv, 33; 
Luc, xxm, 44, de la lumière qui aveugla Paul sur le 
chemin de Damas, Act., ix, 3, etc. La démarche des 
mages n'a rien que de naturel, si l'on tient compte de 
leur condition sociale, de leurs préoccupations reli- 
gieuses et aussi de. la grâce de Dieu qui agit en eux. 
L'ignorance des docteurs de Jérusalem et d'Hérode par 
rapport à la naissance du Sauveur rentre également 
dans l'ensemble des données historiques; quelle atten- 
tion auraient pu prêter les personnages importants de 
la capitale au récit d'une apparition angélique, arrivée 
dans les environs d'une petite bourgade, attestée seule- 
ment par quelques pauvres bergers ignorants, et déjà 
ancienne de quelques semaines ou peut-être de quelques 
mois! Le massacre des Innocents, qui est la consé- 
quence de la visite des mages, est aussi un fait en par- 
faite harmonie avec ce que l'on sait du caractère 
d'Hérode. Voir Innocents (Saints), t. m, col. 880. Il n'y 
a donc vraiment pas de raison plausible pour élever des 
doutes sur l'historicité du récit évangélique. 

H. Lesètre. 

MAGEDAN, nom de lieu écrit diversement dans les 
manuscrits grecs, qui portent les uns MayaSâv, d'autres 
MayeSàv, d'autres encore MaySaXâv ou MaySalà, tandis 
que la Vulgate a Magedan, Matth., xv, 39. Voir C. Tis- 
chendorf, Novum Testamentum grsece, edit. octava 
minor, 1892, p. 60. S. Marc, vm, 10, au lieu de Mage- 
dan ou Ma-fSaAi, porte Dalmanutha. Voir ce mot, t. n, 
col. 120a - 



.555 



MAGEDDO 



556 



(1280), Descriptio Terras Sanctte, 2 e édit. Laurent, 
Leipzig, 1873, p. 176; Marin Sanuto, Liber secretorum 
fidelium, 1. III, pars xiv, c. 3, p. 249, à la suite des 
Gesla Dei per Francos, édit. de Bongars. Voir encore 
la carte de la Terre-Sainte du même dans le même ou- 
vrage, ou celles publiées par Rôhricht, dans la Zeit- 
schrtft des deutchen Palâslina Vereins de Leipzig, t. xrv 
(1891), carte 1; t. xvm (1895), carte 5; t. xxi (1898), 
cartes 2, 6, 7. Voir enfin le Commentarius in Canticum 
Deborse, Jud., v, 19, Patr. lat., t. xxiii^ col. 1327, attri- 
bué à tort à saint Jérôme, mais certainement ancien» 
Les égyptologues placent aussi Mageddo (Makta) à la 
sortie des défilés du Carmel, un peu au nord de Thanach, 
sur le chemin de cette ville au Thabor au pied duquel 
passaient, près de Dabûriéh, les armées égyptiennes 
marchant vers le nord de la Syrie. Le récit des annales 
de Thothmès III, relatant sa campagne de Syrie surtout, 
paraît décisif. On y voit le monarque égyptien suivre, 
dans la direction du nord, la route de Mageddo. Il vient 
camper en un lieu appelé Aruna (ou Aaluri). Au mo- 
ment où il se remet en marche, son avant-garde est 
vivement attaquée par un détachement ennemi, qui s'est 
avancé dans la montagne, tandis que le gros de l'armée 
syrienne attend dans la plaine, où son aile gauche s'est 
déployée jusqu'à Thanach au sud, afin de couvrir 
Mageddo. Thothmès force le passage et une heure après 
être sorti du défilé du Carmel, arrive sous les murs de 
Mageddo, où le combat s'engage le jour suivant. Voir 
H. J. Breasted, dans les Proceedings of the Society of 
Biblical Archœology, 1900, p. 96 ; cf. Revue biblique, 
t. x (1901), p. 155; G. Schumacher, Die âgyptische 
Hauptstrasse von den Ebene Saron bis lu Ebene Jes- 
reel, dans Mitlheilungen und Nachrichten des deutschen 
Palâstina-Vereins, 1903, p. 4-10. — La démonstration 
de Breasted paraît décisive en faveur d'el-Ledjûn et 
achève de ruiner l'identification de C. R. Conder avec 
MedjeddaS. Ce dernier nom désigne une ruine d'appa- 
rence assez peu ancienne, située à quatre kilomètres à 
l'est de Djelbûn, au pied des anciens monts de Gelboé, 
à la limite occidentale du Ghôr et à six kilomètres au 
sud-ouest de Beisân, loin du Carmel et de Thanach, 
loin de la grande plaine, loin du chemin du Thabor. 
Séduit par l'homophonie des noms qui, sous ce rapport, 
seraient absolument identiques, si la lettre 'aïn ne ter- 
minait celui de la petite ruine du Ghôr, non loin de 
laquelle sont d'ailleurs des fontaines assez nombreuses, 
le savant paleslinologue anglais s'efforce de démontrer 
identité de Medjedda 1 avec l'antique Mageddo. Selon 
lui, la proximité de Mageddo du Jourdain et de Bethsan 
serait attestée par le récit de l'Egyptien, dans le Voyage 
publié par Chabas. Après avoir nommé Beth-Sheal dont 
le nom semble identique à Bethsan et Kerialh-Aal, le 
mohar égyptien continue : « Les gués du Jourdain com- 
ment les traverse-t-on ? Fais-moi connaître l'affaire du 
trajet pour entrer à Mageddo qui est outre cela. «Voir 
F. Chabas, Voyage, p. 206-207, 314. Cf. C. R.. Conder, 
dans Survey of Western Palestine, Memoirs, t. n, 
p. 90-92; Id., Tent Work in Palestine, Londres, 1879, 
t. n, p. 338; Palestine Explorât. Fund, Quarterly Sta- 
tenxent, 1880, p. 220; 1882, p. 333. Cette opinion a peu 
de partisans. Armstrong, Names and Places in the Old 
Testament, 1887, p. 122-123; Guy le Strange, Palestine 
under theMoslems, Londres, 1890, p. 492; Birch, dans 
Pal. Expl. Fund, Quarterly Statement, 1881, p. 201, 

III. Description. — Ledjoûn est un petit village de 
douze à quinze maisons de paysans pauvrement cons- 
truites. Il occupe le sommet d'un petit mamelon s'élevant 
sur la rive gauche de Youdd'el-Ledjoûn. Trois moulins 
s'écnelonnent de distance en distance sur les bords de 
la petite rivière qui court au fond de l'ouadi. Un ancien 
pont réunit les deux rives. Au sud du village et à droite 
de ia vallée, sur le bord de l'ancienne voie qui vient de 
la montagne, à l'ouest, et se dirige à travers la grande 



plaine, par el-Fûléh, vers le Thabor à l'est, est un 
vieux khan ruiné où s'arrêtent quelques rares cara- 
vanes de passage. Aux alentours du village, sur un 
espace de près d'un kilomètre de diamètre dans tous les 
sens, on- heurte à chaque pas des débris d'anciennes 
constructions. Ce sont des matériaux dont les uns pa- 
raissent avoir été utilisés par les Arabes, d'autres prépa- 
rés par les Romains. Au nord-nord-est, à cent mètres à 
peine du village, un tell d'assez grande étendue commande 
cet ensemble. Son plateau supérieur et ses pentes ont 
été occupés par des édifices dont les restes sont cachés 
sous terre ou perdus au milieu des ronces et des char- 
dons qui couvrent la colline. Parmi ces débris on re- 
marque une vingtaine de tronçons de colonnes en 
marbre ou en granit et d'innombrables monceaux de 
fragments de poterie. Un bâtiment, dont il reste quel- 
ques-unes des assises inférieures, est orienté d'ouest à 
l'est, et passe pour avoir été une ancienne église chré- 
tienne. A l'extrémité septentrionale, sur un petit tertre 
rocheux, était une autre construction ornée de colonnes. 
Dans les flancs du roc est creusée une grotte dont la 
voûte est cintrée et d'où jaillit une source abondante. 
Les indigènes l'appellent 'ain élrQubbêh, « la source de 
la coupole. » La coupole à laquelle ils font allusion est 
sans doute celle dont parlent les auteurs anciens. « A 
Ledjoùn il y a un rocher grand et rond, raconte Ibn et- 
Faqih, géographe arabe du X e siècle; il est hors la ville, 
et sur son sommet est un monument à coupole, appelé 
« la mosquée d'Abraham ». De dessous le rocher sort un 
fort ruisseau. On raconte qu'Abraham frappa ce roc 
avec son bâton et il en sortit une eau assez abondante 
pour tous les besoins des habitants de la ville. » Géo- 
graphie, édit. Goeje, Leyde, 1885, p. 117. Yaqout rap- 
porte la même tradition en termes presque identiques, 
loc. cit. A cent mètres de cette source, parmi d'autres 
débris, on remarque des sarcophages gréco-romains. 
Ces ruines sont nommées Khirbet el-Khaznéh, « la 
ruine du coffre; » celles de l'ensemble sont désignées du 
nom du Khirbet el-Ledjûn et le tell est connu sous 
celui de Tell el-Mutsallim, qui peut être interprété 
« la colline du gouverneur ». V. Guérin s'esl demandé 
si cette appellation ne serait pas un souvenir de la ré- 
sidence de l'officier royal envoyé par Salomon. III Reg., 
iv, 12. Plusieurs palestinologues ont adopté cette con- 
jecture et ont pensé que le tell est réellement l'assiette 
de la ville ancienne et primitive. 

La Société allemande de Palestine, désireuse d'éclair- 
cir la question de l'identité contestée A' el-Ledjûn avec 
Mageddo, a chargé le D* Schumacher de Caïpha de faire 
des fouilles en cet endroit. Le docte ingénieur veut 
bien me faire connaître, par une lettre en date du 
11 novembre dernier (1903), les résultats obtenus jusqu'à 
cette date : « A Ledjûn, j'ai commencé les fouilles à 
Daher ed-Dâr et à Tell el-Mutesellim, au mois d'avril 
dernier et nous avons recommencé le 20 septembre. A 
Ledjoûn j'ai trouvé un grand nombre de briques ro- 
maines avec les lettres LEG VI P, ce qui prouve que 
c'est le siège de la VI e légion et que c'était Legio. Nous 
avons en outre trouvé des monnaies romaines et beaucoup 
de débris arabes. Je poursuivrai les travaux à la colline 
qui est au voisinage de Daher ed-Dâr (l'ancienne Led- 
jûn) et j'espère y trouver le camp romain. Ledjoûn est 
un nom collectif pour toute la région entre le fleuve et 
le Tell el-Mutesellim et jusqu'aux montagnes du sud... 
A Tell eVMutesellim j'ai trouvé : un ancien lieu de culte 
judaïque, avec deux maizeboih, beaucoup de jarres 
juives renfermant des restes humains d'enfants; une 
multitude de murs anciens en pierres et en briques, de 
nombreux débris égyptiens, des scarabées, quelques 
petits cylindres babyloniens et grecs; des restes céra- 
miques de Chypre de 800 av. J.-C-, — rien d'arabe ou 
de chrétien sur le tell, rien de romain. Nous avons 
rencontré des traces judaïques à m 50 déjà au-dessous 



557 



MAGEDDO 



558 



de la surface. La cité est double : une cité supérieure et 
une autre inférieure. Sur un point je suis descendu 
jusqu'à vingt et un mètres dans l'intérieur du tell, 
traversant des constructions de cinq ou six périodes dif- 
férentes sans atteindre le fond, car à la profondeur de 
vingt et un mètres, je trouvais encore des murs. Actuel- 
lement nous enlevons les débris et le sol au sommet et 
à la surface du tell... Déjà les anciens murs paraissent, 
avec des pavés. Au printemps, j'espère découvrir un 
temple au sommet du tell, ou un lieu de culte chananéen 
ou israélite. — 11 nous faudra des années pour achever 
ces fouilles importantes, mais Mutesellim-Lcdjûn est 
un des lieux les plus importants de Palestine et des plus 
étendus. C'est sans doute Mageddo-Legio. Je n'ai ce- 
pendant pas rencontré encore de preuve positive. Je 
vous montrerai bientôt des tablettes égyptiennes. Le 
tell est environné de vastes nécropoles pratiquées dans 
le roc. *> Voir la suite des fouilles dans la Zeitschrift 
et dans les Mittheilungen und Nachrichten des deut- 
schen Palâstina Vereins. Si les fouilles n'ont pas démon- 
tré encore l'identité du Tell Mutesellim avec Mageddo, 
l'importance des ruines et des débris égyptiens, les ta- 
blettes surtout, montrent en cet endroit l'existence d'une 
station égyptienne, laissent pressentir qu'il était le 
centre de leur administration en cette région et aug- 
mentent considérablement la probabilité de l'identité. 

IV. Histoire. — 1° Avant la conquête de Josué.— Le 
nom de Mageddo était célèbre longtemps avant l'arrivée 
de Josué et des Israélites dans la Terre Promise. Elle 
était l'une des stations principales sur la route des 
Pharaons égyptiens dans leurs campagnes en Syrie et, 
après la conquête, elle devint l'un des plus puissants 
boulevards de leur domination en ce pays. Thothmès I er 
avait tracé la voie et les armées égyptiennes la suivirent 
dans toutes leurs guerres, sans jamais s'en écarter. 
« Au sortir d'Egypte, elles marchaient sur Raphia, la 
plus méridionale des villes syriennes, de là, sur Gaza, 
Ascalon, Ierza. À la station de Jouhem, la route se di- 
visait en deux branches. La première, de moitié plus 
courte que l'autre, menait droit au nord, laissant un 
peu sur la route le grand port de Joppé et ses jardins 
délicieux; près d'Aaloun, elle s'enfonçait dans les gorges 
du Carmel, puis reparaissait dans la plaine un peu au 
nord de Taànak, une des villes royales des Cananéens, 
et quelques milles plus loin aboutissait à Mageddo... Ma- 
geddo, bâtie au bord du torrent de Qina, barrait les voies 
du Liban et pouvait à volonté ouvrir ou fermer la route 
aux armées qui marchaient vers l'Euphrate. Aussi joua- 
t-elle dans toutes les guerres des Égyptiens en Asie un 
rôle prédominant : elle fut le point de ralliement des 
forces chananéennes et le poste avancé du peuple du nord 
contre les attaques venues du sud. Une bataille perdue 
sous ses murs livrait la Palestine entière aux mains du 
vainqueur et lui permettait de continuer sa marche 
•vers la Cœlésyrie. Au sortir de Mageddo, les Égyptiens 
franchissaient le Thabor et débouchaient sur les bords 
de la mer de Galilée, auprès de Kinnéret. » Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient, in-18, Paris, 
4875, p. 198-199. Cet itinéraire, les Égyptiens avaient dû 
le poursuivre plusieurs fois sous le règne de Thothmès I er , 
de sa fille Hatasou et de Thothmès II, quand une formi- 
dable insurrection des princes de Routen (la Syrie su- 
périeure) obligea Thothmès, monté sur le trône depuis 
peu de temps, à le reprendre. Arrivé près du bourg 
de Jouhem, il attendit a les rapports de ses éclaireurs 
pour régler définitivement son plan de campagne. Le 
16, il apprit enfin que les confédérés, commandés par 
le prince de Kadesh, s'étaient retranchés un peu en 
avant de Mageddo, au débouché des gorges du Carmel, 
et couvraient avec des forces importantes la route du 
Liban. Quelques généraux égyptiens, redoutant les dan- 
gers que pouvait présenter une attaque de front, pro- 
posèrent de tourner la position par le chemin qui pas- 



sait à Tsewta et tombait dans la plaine de Jezraël 
entre Mageddo et le Thabor sur les derrières de 
l'ennemi. Thothmès rejeta leur avis comme entaché de 
lâcheté. Trois jours de marche rapide l'amenèrent 
au bourg d'Aaloun ou Arana que les Syriens avaient 
négligé d'occuper. Parti d'Aaloun, le 20 de bon matin, 
il franchit le col sans rencontrer d'autre obstacle 
que la difficulté du terrain, s'arrêta un instant sur le 
versant septentrional de la montagne pour rallier son 
arrière-garde attardée et déboucha en plaine vers la 
septième heure. Comme il était trop tard pour rien en- 
treprendre le jour même, il établit son camp au bord du 
Qina, en face du camp ennemi. Le 20, dès l'aube, l'ar- 
mée égyptienne se rangea en bataille. La droite s'ap- 
puyait au torrent de Qina, la gauche s'étendait en plaine 
jusqu'au nord-ouest de Mageddo, sans doute afin de 
déborder l'ennemi et de le rejeter sous les murs de la 
ville : le roi était au centre. Les Syriens, surpris par 
une brusque attaque, furent saisis de panique. Us aban- 
donnèrent leurs chars et leurs chevaux et s'enfuirent 
dans la direction de Mageddo; comme ils se précipi- 
taient pour pénétrer dans l'enceinte, la garnison craignant 
de voir entrer les Égyptiens après eux, leur ferma les 
portes. C'est tout au plus si l'on consentit à hisser les 
généraux sur le rempart au moyen de cordes. Le reste 
<le l'armée se dispersa et gagna la montagne avec tant 
de rapidité qu'elle n'eut pas le temps d'essuyer des 
pertes considérables. Il n'y eut que quatre-vingt-trois 
morts et trois cent quarante prisonniers; mais les 
Égyptiens trouvèrent sur le champ de bataille deux 
mille cent trente-deux chevaux, neuf cent quatre-vingt- 
quatorze chars et tout le butin que les Asiatiques avaient 
abandonné dans la déroute. Mageddo, qui à elle seule 
valait « mille villes », tint à peine quelques jours : elle 
se rendit avec tous les princes qui s'y trouvaient ren- 
fermés et sa chute décida du succès de la campagne ». 
Maspero, ibid., p. 203-204; de Rougé, Annales de 
Touthmès III, p. 8-9, 26-28; ld., Sur quelques textes 
inédits du règne de Touthmès III, p. 35-40. Seti I er 
mit de nouveau Mageddo au nombre des conquêtes 
égyptiennes avec Cadès, Hazor et Émath; il y plaça, 
ainsi qu'en d'autres villes, une garnison égyptienne 
chargée de maintenir la population sous le joug des 
Pharaons. R. Lepsius, Denkmâler ans Aegypten, t. m, 
Bl. 140. Cf. F. Claabas, Voyage d'un Égyptien, p_. 208; 
Maspero, Histoire, p. 215;Brugsch, Histoire de l'Egypte 
au temps des Pharaons, t. i, p. 135; Conder, The Tell 
Amarna Tablets, p. 110-111. 

2° Au temps des Israélites. — Le roi de Mageddo est 
compté parmi les rois vaincus par Josué. Jos., xu, 21. Lors 
du partage de la Terre Promise, Mageddo fut du nom- 
bre des villes de la tribu d'Issachar qui échurent aux 
enfants de Manassé établis à l'occident de Jourdain. 
Jos., xvii, 11 ; I Par., vu, 29. Cependant, observe le texte 
sacré, les fils de Manassé ne purent s'emparer de ces 
villes et les Chananéens continuèrent à les habiter. Les 
Manassites durent se contenter, quand ils se sentirentassez 
forts, de les soumettre au tribut. Jos., xvn, 11-13; Jud., 
i, 27-28. — Au temps de Débora, les Israélites s'étaient 
groupés au Thabor, autour de la prophétesse et de Barac, 
résolus d£ secouer le joug de Chananéens du nord qui 
les opprimaient. Sisara, général de Jabin, roi de Hazor, 
les attendait près de Thanach et de Mageddo, comptant 
sans doute sur la force de ces forteresses et espérant 
profiter des avantages du terrain ; il devait en réalité 
rendre Mageddo témoin de sa défaite et du triomphe 
des Israélites. Le Dieu du ciel, qui dirige les éléments, 
combattit pour Israël; les chars de guerre rangés aux 
eaux de Mageddo furent culbutés et le Cison entraîna 
les cadavres des Chananéens. Jud., v, 19-22. — Mageddo, 
avec Thanach et Bethsan, se trouvait dans la cinquième 
des douze circonscriptions établies par Salomon pour 
la levée de l'impôt, et elle fut l'une des villes à la res- 



559 



MAGEDDO — MAGEDDO (PLAINE DE) 



560 



tauration desquelles il consacra de grandes sommes. 
III Reg., iv, 12; ix, 15. — Le roi de Juda Ochozias, pour- 
suivi et blessé par Jéhu à la montée de Gaver, prés de 
Jéblaam, se réfugia à Mageddo où il mourut ; mais son 
corps fut transporté de cette ville à Jérusalem sur un 
char. IV Reg., rx, 27-28. — Résolu de reprendre les 
contrées de la haute Syrie soumises jadis par les rois 
d'Egypte, le pharaon Néchao avait suivi la route tradi- 
tionnelle par où ses ancêtres s'étaient acheminés vers 
l'Euphrate. Arrivé au débouché des gorges du Carmel, 
non loin de Mageddo, il se trouva en face d'une armée 
ennemie : c'était le roi Josias accouru de Jérusalem 
pour barrer le passage à l'adversaire du roi d'Assyrie 
alors suzerain du roi de Juda. Néchao envoya des messa- 
gers à Josias pour lui dire : « Qu'avez-vous à vous 
occuper de moi, roi de Juda ? Je ne viens pas combattre 
contre vous aujourd'hui, mais je vais attaquer une autre 
maison contre laquelle Dieu m'a ordonné de marcher 
en hâte. Cessez de vous opposer au Dieu qui est avec 
moi, de peur qu'il ne vous tue. » Josias ne se laissa pas 
convaincre par ces paroles et s'avança pour combattre. 
La bataille se livra près de Mageddo. Josias fut blessé 
grièvement et se retira du combat. Tandis que le roi 
d'Egypte poursuivait sa route vers le nord, Josias se fit 
rapporter à Jérusalem et il mourut en route (608 avant 
J.-C). Il Par., xxxv, 20-24; cf. IV Reg., xxm, 29-30; 
Maspero, Histoire, p. 495. La bataille de Mageddo est 
racontée par Hérodote, H, 159, qui transcrit par erreur le 
nom de cette ville par MaySiXoç : « Nékos, dit l'histo- 
rien grec, livra aussi une bataille sur terre contre les 
Syriens, près de Magdole ; après avoir remporté la vic- 
toire, il prit Kadytis, ville considérable de Syrie. » 

Après la mort du roi Josias, Mageddo disparait de 
l'histoire biblique, et si son nom est encore prononcé 
par les auteurs sacrés, c'est seulement pour rappeler 
les lamentations qui s'élevèrent à la mort du pieux roi 
de Juda, Zach., xn, 11, et dans l'Apocalypse, xvi, 16, pour 
désigner par figure, suivant l'opinion la plus probable, 
le champ de bataille de l'avenir où s'assembleront les 
rois de la terre pour faire la guerre au Très-Haut. 

3» Depuis la ruine des Juifs. — Les écrivains qui 
rappellent le nom de Mageddo le font pour constater 
qu'il a été remplacé par celui de Legio. Cette appellation 
était donnée, on le sait, aux résidences fortifiées, occupées 
par les légions romaines. Plusieurs endroits de la Pales- 
tine ont gardé ce nom jusqu'aujourd'hui. A quel moment 
l'occupation militaire de Mageddo occasionna-t-elle ce 
changement de nom? Si l'histoire ne le dit pas, on peut 
le conjecturer; ce fut sans doute de la fin du I er siècle 
au ni", quand les armées romaines prirent définiti- 
vement possession du sol de la Palestine. La situa- 
tion stratégique de Mageddo était trop importante pour 
être négligée par un peuple presque exclusivement 
militaire. Rien ne la signale à l'attention jusqu'à la 
période arabe. Devenus à leur tour les maîtres du pays, 
les Arabes ne dédaignèrent pas cette ville non plus, et 
en en prenant possession lui laissèrent le nom nou- 
veau adopté par les Byzantins avant eux, en l'accommo- 
dant seulement à leur langage. Au X e siècle, le géographe 
el-Muqaddassi cite el-Ledjdjûn avec Sûr,'Akkd, Qadès, 
Kabûl et Beisan comme une des villes principales de 
la province du Jourdain, et avec Beit-Djibrîn, Jérusalem 
et Naplouse, comme une des villes les plus importantes 
de la Palestine. Elle était spacieuse, d'un séjour agréable 
et abondait en eaux courantes. Géographie, édit. Goeje, 
p. 152, 162. Au xm» siècle et au xiv«, elle conservait 
encore son importance, car el-Dimisqi la met au rang 
des villes principales du gouvernement de Safed. 
Cosmographie, édit. Mehren, Saint-Pétersbourg, 1866, 
p. 212. Il y a moins de vingt ans, Ledjoûn était une ruine 
abandonnée aux troupeaux et dont les Bédouins du Merdj 
avaient fait leur cimetière. Les moulins établis sur la 
rivière de l'ouâd' el-Ledjoûn ont attiré quelques familles 



qui se sont fixées sur le bord de la vallée et ont rétabli le 
petit village d'el-Ledjoùn. Sa population, toute musul- 
mane, n'atteint pas encore le nombre de cent habitants. 

L. Heidet. 

2. MAGEDDO (EAUX DE) (hébreu : mê-Megiddô ; Sep- 
tante, ûîwp MixyeSSw; Alexandrinus .-MeYe88<A; Vulgate : 
aquœ Mageddo), rivière ou torrent près duquel les Israé- 
lites, sous la conduite de Débora et de Barac, combattirent 
et vainquirent les Chananéens ligués contre eux et com- 
mandés par Sisara, général de Jabin roi d'Asor. Jud., v, 
19. — L'identification des « eaux de Mageddo » dépend 
d'abord de la localisation de la ville de Mageddo elle- 
même dont la rivière a pris le nom. Conder, pour qui 
Medjedda' est Mageddo, voit les « eaux de Mageddo » soit 
dans les ruisseaux voisins de Medjedda', soit dans le nahar 
Djalûd descendant de la fontaine de même nom vers 
Beisân et le Jourdain. Voir les écrits de cet auteur cités 
à Mageddo 1, col. 555, et Handbook to the Bible du 
même, Londres, p. 287. — Les autres écrivains qui 
placent, avec raison, le site de Mageddo à Ledjûn; cher- 
chent les eaux de Mageddo soit dans le voisinage immé- 
diat de Ledjûn, soit dans la grande plaine voisine, ap- 
pelée elle aussi du nom de Mageddo. Dans ce dernier cas 
les « eaux de Maggedo » ne seraient pas différentes du 
torrent de Cison lui-même. C'est le sentiment de l'au- 
teur du commentaire dont nous avons parlé, Mageddo 1, 
col. 555. Plusieurs d'entre les modernes partagent le 
même avis. L'appellation de nahar el-Muqafta' donnée 
actuellement à l'ancien Cison, paraît à quelques-uns le 
nom même de Mageddo, un peu modifié par la pronon- 
ciation arabe. Plusieurs cependant rapportent plutôt et 
plus spécialement l'expression aux cours d'eau qui tra- 
versent le territoire de Ledjoùn pour former, sous le nom 
de nahar el-Ledjûn, le plus important des affluents du 
nahar el-Muqafta', l'ancien Cison (voir Cison, t. n, 
col. 781), près duquel se décida sans doute le résultat de 
la bataille. Le nahar el-Ledjûn peut du reste être con- 
sidéré à bon droit comme l'origine du nahr el-Muquaffa' 
et il ne serait pas étonnant que le cours du Cison tout 
entier ait pu être appelé quelquefois « la rivière de Ma- 
geddo ». — Le nahar el-Ledjûn est formé par deux 
ramifications principales : l'une plus au sud, est appe- 
lée Youad' es-Sitt, « la vallée de la Dame, » parce qu'elle 
est particulièrement alimentée par la source nommée 
'aïn es-Sitt. Ce courant met en mouvement les moulins, 
de Ledjoûn; il est assez fort, surtout en hiver, et l'eau n'y 
fait jamais défaut. Le petit ruisseau fourni par la sourefe 
de la Coupole se réunit à lui à l'est du village. Le second 
bras prend naissance au nord du premier et du Tell el~ 
Mutasellim près du Khirbet el-Khaznéh. La source qui 
le forme, le 'ain Faûdr, « la source bouillonnante et in- 
termittente, » sort en effet avec une grande impétuosité. 
Un grand nombre d'autres sources (on en compte près 
de vingt) forment sur le territoire de Ledjoûn divers 
ruisseaux qui apportent l'appoint de leurs eaux aux deux 
principaux courants. Ceux-ci se réunissent à moins de- 
deux cents mètres au delà du Khirbet el-Khaznéh, pour 
rejoindre le nahar el-Maqa((a', trois kilomètres plus loin. 
Parmi les sources du territoire de Ledjoûn, il en est un& 
désignée quelquefois encore du nom de 'aïn er-Rôz, « la 
source du Riz, » ce qui indique une des anciennes cul- 
tures de la région. Tous les alentours de Ledjoûn aa 
moment de grandes pluies deviennent un labyrinthe de 
torrents et une immense fondrière dont il est difficile 
de se tirer. — Quoique les « eaux de Mageddo » puissent 
désigner plus spécialement le nahar el-Ledjûn, il pourrait 
s'appliquer à tout l'ensemble des sources et ruisseaux. 

L. Heidet. 

3. MAGEDDO (PLAINE DE) (hébreu : biq'ap Megid- 
dô, II Par., xxxv, 22, et biq'af Megiddôn, Zach., xn, 11; 
Septante : tb ireêiov MayeSôio; II Par., Mays66(ôv, dans 
B 1 et A' ; Mageddo est traduit par èxxotctohévo;, « coupé, » 
dans Zach., xn; Vulgate : campus Mageddon, dans Zach.,. 



561 



MAGEDDO (PLAINE DE) — MAGIE 



562 



et Mageddo, dans II Par.), région près de Mageddo où 
le roi Josias fut mortellement blessé d'une flèche, en 
cherchant à s'opposer au passage de l'armée égyptienne 
conduite par le roi Néchao II. Le prophète Zacharie, fai- 
sant allusion à ce fait, s'exprime ainsi d'après l'hébreu et 
la Vulgate : « En ce jour-là il y aura un grand deuil à 
Jérusalem, pareil au deuil d'Adadremmon, dans la plaine 
de Megiddon; » les Septante dnt traduit la seconde 
partie: « pareil au deuil de l'olivier' coupé dans la 
plaine, s w; xototôc poôvo; èv neiftp Èxxojtrojj.évov, pre- 
nant les deux noms Remmon et Megiddon pour des noms 
communs. La plupart des interprètes, avec les masso- 
rètes et la Vulgate, ont vu, au contraire, dans ces mots 
les noms propres de deux localités et les prophètes une 
allusion à la mort de Josias racontée par les Paralipo- 
mènes. Cf. Adadremmon, t. i, col. 167-170. Dans le 
récit de cette mort reproduit par l'historien Joséphe, 
au lieu de & dans la plaine de Mageddo » on lit i près 
de la ville de Menden », xaT» Mév8>]v mSXtv. Ant. jud., 
X, v, 1. MlvSïiy est, selon toute apparence, une erreur de 
copiste pour MéySlv ou MsyS^v. L'expression « près de la 
ville » n'apporte aucune modification au récit biblique ; 
elle constate seulement que la plaine de Mageddo, comme 
il se déduit de son nom même, était toute voisine de la 
ville de Mageddo dont elle porte le nom. Reland réfute 
les raisons des exégètes qui pourraient tirer prétexte de 
l'expression biblique : « Josias accourut à sa rencontre 
[de Néchao], » pour voir dans la Mageddo nommée en ce 
passage, une ville différente de la célèbre Mageddo de 
l'histoire, située en Issachar dans le territoire d'Israël, 
et prétendre qu'il faut la chercher dans le royaume de 
Juda. Ces paroles, de leur nature, laissent toute latitude 
pour la recherche du site, et le royaume d'Israël ayant été 
détruit, rien ne pouvait empêcher le roi Josias de venir à 
la grande plaine attendre l'arrivée de l'armée égyptienne. 
Adrien Reland, Palsestina, p. 893-894. — Les écrivains 
pour qui l'ancienne Mageddo est représentée par Medjedda' 
localisent en conséquence près de cette ruine, « la plaine » 
de Mageddo où fut blessé Josias. Elle est pour eux soit la 
partie du Ghôr s'étendant entre le Khirbet Medjedda' et 
Beisan, soit la large vallée commençant sous Zefa'in et 
aboutissant également à Beisan, parcourue par le nahar 
Djaloud et appelée de son nom ouatd' Djalûd, « la 
plaine de Djaloud. » Cf. Armstrong, Narnes and Places 
in the Old Testament, Londres, 1887, p. 123. C. R. Con- 
der aux passages cités, Mageddo 1 et 2. — Pour tous les 
autres, la « plaine de Mageddo » c'est la grande plaine 
se développant à l'est, au pied des collines où gisent 
les ruines appelées Khirbet- Ledjûn. Elle s'étend en 
largeur de cette localité à l'ouest, jusqu'à Zera'in à l'est 
et en longueur de Somoniniéh et le groupe de collines 
unissant les monts de Nazareth au Carmel au nord, 
jusqu'à Djénin au sud. C'est la plaine actuellement ap- 
pelée le Merdj ibn 'Amer, la plaine de Jezraël ou d'Es- 
drelon de la Bible et « la grande plaine », tô p.iytz raêtov, 
de Josèphe, d'Eusèbe et des Gréco-Romains. Les paroles 
mêmes de Zacharie fournissent des arguments qui peu- 
vent paraître décisifs. La conclusion des commentateurs 
faisant une localité d'Adadremmon, paraît de beaucoup 
la mieux fondée. Les palestinologues Van de Velde, 
V. Guérin et après eux plusieurs autres voient le nom 
de cette ville conservé avec une légère modification dans 
celui de Rummânéh, petit village arabe dont les citernes 
attestent l'antiquité. Rummonéh est situé à douze cents 
mètres, au nord-nord-ouest de Ta'nâk et à quatre kilo- 
mètres au sud de Ledjoùn, à l'issue des gorges du Car- 
mel et sur la lisière du Merdj. Non loin de Rummânéh 
on voit les traces d'une ancienne voie aboutissant au 
territoire de Ledjûn, après avoir suivi la vallée appelée 
ouadi 'Ard\ ainsi nommée elle-même du nom d'une 
ruine ou Khirbet 'Âra' : ce nom qui n'est pas nouveau, 
puisque Ibn el Khordâbéh (vers 860), le plus ancien des 
géographes arabes connus, cite Y ouadi- Ara", par laquelle 



passe le chemin de Ledjûn à Ramléh. par Qalunsaûah, 
Géographie, édit. Gœje, Leyde, 1889, p. 144. Le nom de 
cette vallée et de cette ruine pourrait bien rappeler celui 
d'Aruna ou Aalûna, où les documents égyptiens placent 
la dernière station de Touthmès avant d'atteindre Ma- 
geddo. Quoi qu'il en soit, cette ancienne voie, selon toute 
vraisemblance, parcourait le tracé suivi par les anciens 
Égyptiens se dirigeant vers le nord. Josias ne pouvait 
mieux se placer pour attendre le passage de Néchao que 
près des collines situées au nord-ouest de l'actuelle 
Rummânéh. Si cette localité, comme il y a tout lieu de 
le croire, représente réellement l'antique Hadad-Rem- 
mon, le Merdj Ibn 'Amer est incontestablement « la plaine 
de Mageddo », de Zacharie et des Paralipomènes, puis- 
qu'il n'y en a pas d'autres en cette région ; il peut au moins 
revendiquer pour lui toute la probabilité qui s'attache 
au nom de Rummânéh et & sa situation. Il n'est pas 
nécessaire de le faire remarquer, l'argument a la même 
valeur pour Ledjûn. Si la Bible place le champ de ba- 
taille sur lequel tomba Josias à Adadremmon ; si Josèphe, 
à une époque où le nom de Mageddo n'avait pas péri 
encore, peut le localiser près de cette dernière ville, 
n'est-ce pas à cause de la proximité immédiate des deux 
localités ? Si Rummeneh répond en réalité au site d'Adad- 
remmon, aucune autre localité ne peut mieux repré- 
senter Mageddo que Ledjûn. Voir Esdrelon, t. H, 
col. 1945-1949; Jezraél 3, t. m, col. 1544. 

L. Heidet. 
IMAGEDDON. Mageddo est ainsi appelée dans la Vul- 
gate. Zach., xn, 11. Voir Mageddo. 

MAGETH (grec : MaxsS, Moexéë), ville forte de Ga- 
laad qui fut prise par Judas Machabée avec Casbon et 
Bosor. I Mach. , v, 26, 36. Judas fit cette campagne pour 
délivrer des Juifs qui s'y étaient retranchés dans leur 
quartier afin d'échapper aux Ammonites. Cette ville n'a 
pas été identifiée. 

MAGICIEN (grec : nâ-p?; Vulgate : magus), celui 
qui pratique la magie. Le mot magus se lit plusieurs 
fois dans la Vulgate, dans l'Ancien et dans le Nouveau 
Testament, mais aucun mot hébreu ne correspond 
exactement à notre terme « magicien » et le [lâyoç n'est 
nommé avec cette signification dans le texte grec origi- 
nal du Nouveau Testament que Act., xm, 6, 8, où Bar- 
jésu, appelé aussi Élymas (voir 1. 1, col. 1461), est qualifié 
de ce titre. Les mêmes Actes, vm, 9, disent que Siméon 
de Samarie était [loq-evwv, ce que la Vulgate traduit par 
fuerat magus. Dans l'Ancien Testament, le mot magus, 
& magicien, » de la Vulgate. rend les mots hébreux sui- 
vants : id'onim (Septante :ï^a.azfi\i.\t^oi), Lev., xix, 31; 
'ôb (Septante : l-Fi&rnQuxùQm), II Par., xxxm, 6 ; hd'- 
'ôbôt (Septante : ÏYYoçffTpe|iu5ôoi), Lev., xx, 6 ; I Reg., 
xxvm, 3, 9; hd-'aUafîm (Septante : iiâyot), Dan, i, 20; 
il, 2, 10, 27 ; iv, 4; v, 7, 15. Au t. 11, de ce même cha- 
pitre, la Vulgate, par suite d'une interversion, a rendu 
par magi le chaldéen hartummîn, tandis qu'elle a tra- 
duit par ineantatores le mot 'âsfîn. Pour la signification 
de ces mots hébreux et chaldéens, voir Magie; Divina- 
tion, t. ii, col. 1443-1446. 

MAGIE (grec : u^y'**) «xviri, Vulgate : magica ars, 
Sap/, xvn, 7; yjiyûa, Vulgate : magia, Act.,vm, 11), art 
prétendu d'obtenir, par certains procédés, des résultats 
qui sont inaccessibles aux moyens naturels et étrangers 
à l'intervention divine. La magie n'a pas de nom géné- 
rique en hébreu ; elle n'est désignée dans cette langue 
que par les noms de ceux qui l'exercent. Parmi les ré- 
sultats cherchés et en partie réalisés par la magie, on 
peut signaler l'assujettissement à la volonté humaine 
d'esprits, de génies ou de démons, leur évocation et leur 
conjuration, la production de phénomènes extranaturels, 
apparitions d'esprits, révélations de choses à venir, in- 



563 



MAGIE 



564 



fluences irrésistibles sur les volontés ou les sentiments, 
et enfin le pouvoir exercé sur les éléments de ïa nature 
pour opérer des effets extraordinaires, transformations 
subites, guérisons instantanées, elc. Parfois ces résultats 
paraissent avantageux, parfois ils sont nuisibles, souvent 
même ils ne procurent le bien de l'un qu'au détriment 
d autrui. Les procédés employés dans la magie ont cette 
marque caractéristique qu'ils n'ont aucun rapport na- 
turel avec l'effet attendu. Ces procédés consistent en 
paroles, en gestes, en actes, en emploi d'objets auxquels 
on attribue une vertu mystérieuse qui ne s'exerce d'ail- 
leurs que dans des conditions données et auxquelles 
doit rigoureusement se soumettre l'opérateur. Il n'y a 
donc là que superstition pure. Quant aux résultats, si 
quelques-uns doivent s'expliquer naturellement, si d'au- 
tres ne sont qu'apparents et dus à l'imposture, la plupart 
ne peuvent être attribués qu'à l'intervention d'esprits que 
l'ensemble des opérations de la magie oblige à regarder 
comme des esprits mauvais, c'est-à-dire des démons. La 
magie, comme toutes les superstitions, est née naturelle- 
ment de la déformation de la croyance religieuse. Aussi la 
rencontre-t-on chez tous les peuples de l'antiquité, sans 
■qu'il soit nécessaire de lui chercher une origine unique. 
I. La magie chez les Égyptiens. — 1° Le Dieu Thot, 
dieu-lune d'Hermopolis, dans l'Egypte moyenne, était 
considéré comme l'inventeur ou le détenteur des for- 
mules magiques, auxquelles ne résistent ni les dieux 
ni les hommes. Il avait réglé et noté la voix juste, ma 
khrôou, avec laquelle les incantations doivent être pro- 
férées pour obtenir leur efficacité souveraine. On 
regardait les femmes comme particulièrement aptes à 
l'aire entendre cette voix juste, et à se mettre en com- 
munication avec les êtres invisibles. Aussi la reine de- 
vait-elle accompagner le pharaon et le protéger par des 
pratiques magiques, pendant qu'il sacrifiait. Cf. Mas- 
pero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient clas- 
sique, t. i,,p. 271-272. Les magiciens formés à l'école 
de Thot avaient à leur service toutes les divinités. Ils 
tiraient profit de leur pouvoir, en l'exerçant soit pour 
satisfaire leurs grossiers appétits, soit pour assouvir 
les rancunes de ceux qui les payaient. Ils étaient ha- 
biles à envoyer des songes qui terrifiaient; la plupart 
des livres magiques égyptiens renferment des formules 
pour « envoyer des songes ». Ils effrayaient leur vic- 
time par des apparitions et des voix mystérieuses, la 
livraient à des spectres qui s'introduisaient en elle et la 
faisaient périr de consomption; ils l'accablaient de 
maladies, excitaient la haine ou l'amour dans le cœur 
des autres, etc. Ils composaient des charmes avec 
quelques parcelles de la personne visée ou de ses vête- 
ments. Ils pratiquaient l'envoûtement. A une poupée 
de cire habillée comme la victime, ils infligeaient 
toutes sortes de mauvais traitements que ressentait 
aussitôt cette dernière. Ramsès III eut à souffrir d'un 
envoûtement. On a trouvé les poupées de ciré et les 
philtres dont les magiciens avaient fait usage contre 
lui. On ne pouvait se défendre contre les pratiques ma- 
giques que par d'autres pratiques du même genre. Cf. 
Chabas, Le papyrus magique Harris, dans les Mélanges 
égyptologiques, III e série, t. n, 1873, p. 242-278; Birch, 
Hgyptian magical text from a papyrus in the Brit. 
Mus., dans les Records of the Past, vi, 1876, p. 113- 
126; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
G' édit., t. H, p. 58-63, 114-116; Maspero, Histoire an- 
cienne des peuples de l'Orient classique, t. i, p. 145, 
212-214; E. A. W. Budge, Egyptian magie, in-16, Lon- 
dres, 1899 ; A. Krman, Zaubersprûche fur Mutler und 
Kind, aus dem Papyrus 3027 des Berliner Muséums, 
in-4°, Berlin, 1901. Cf. aussi C. Wessely, Griechische 
Zauberpapyrus von Paris und London, dans les Denk- 
schriften der Akademie der Wissenschaft, phil. hist. 
Kl, Vienne. 1888, p. 27-208; F. G. Kenyon, Greek Pa- 
-pyri in the British Muséum, in-4», Londres, 1893, 



p. v-vi, 126-139. — 2» Les devins, hartummîm, et les 
sages, hàkâmïm, sont mentionnés par la Sainte Ecri- 
ture à l'occasion des songes du pharaon contempo- 
rain de Joseph. Gen., xli, .8. On suppose que ceux 
qui ont le pouvoir d'envoyer des songes ont aussi l'ha- 
bileté nécessaire pour les interpréter. Voir Divina- 
tion, t. il, col. 1443, 1444; Songe. A l'époque des plaies 
d'Egypte, le pharaon appelle à son aide les hâkâmîm, 
« les sages, » ceux qui sont censés connaître les causes, 
et avec eux les mekassefîm, çaptiaxai, maleflci, « les 
magiciens » proprement dits, qui agissent au moyen 
des lehâtîm, çaptiaxiat, incantationes, des incantations, 
des pratiques magiques. Exod., vu, 11. Ces magiciens 
sont appelés {lartummîm, êitaotooi, « enchanteurs, » 
dans le même verset. Ils réussirent, comme Moïse et 
Aaron, à changer leurs verges en serpents et les eaux 
en sang et à faire pulluler les grenouilles. Exod., vu, 12, 
22; vin, 3. Ils s'essayèrent en vain à produire des mous- 
tiques, Exod., vin, 18, ne tentèrent rien pour imiter la 
multiplication des mouches, Exod., vin, 24, et furent 
eux-mêmes cruellement atteints par la plaie des ulcères. 
Exod., ix, 11. Leurs premiers prestiges avaient été effi- 
caces ; mais quand leur magie fut impuissante à pro- 
duire des moustiques, prestige qui en soi n'offrait pas 
plus de difficultés que les précé lents, ils furent obligés 
de reconnaître le doigt de Dieu. Exod., vm, 19. Il suit 
de là que le pouvoir magique ne s'exerce pas d'une ma- 
nière indépendante, mais que la volonté divine lui 
impose les restrictions et les limites qu'il lui plaît. Le 
livre de la Sagesse, xvii, 7, attribue les prestiges des 
enchanteurs égyptiens à la magie, tiayixT] •tsx vï l> nia 9i° a 
ars. Saint Paul, II Tim., m, 8, a conservé le nom de 
deux des magiciens qui tinrent tète à Moïse, Jannès et 
Mambrès. Voir Jannès, t. ni, col. 1120. 

II. La magie chez les Babyloniens. — 1» Les Babylo- 
niens avaient aussi leur magie très ancienne. Astrologues, 
de vins et magiciens, ils savaient non seulement lire dans 
l'avenir et interpréter la pensée des dieux, mais encore 
forcer les démons à leur obéir, détourner le mal et pro- 
curer le bien par des purifications, des sacrifices et des 
enchantements, ûiodore de Sicile, II, 29. Cf. Fr. Lenor- 
mant, La magie chez les Chaldéens et les origines acca- 
diennes, Paris, 1874 (traduit en anglais, avec des addi- 
tions de l'auteur, 1877, et en allemand, 1878) ; La 
divination et la science des présages chez les Chaldéens, 
Paris, 1875; A. Laurent, La magie et la divination chez 
les Chaldéo- Assyriens, Paris, 1894; Tallquist, Die assy- 
rische Beschwôrungsserie Maqlâ, Leipzig, 1895; L. W. 
King, Babylonian Magic and Sorcery, being « the prayers 
of the Lifting of the hand », the cuneiform Text and 
Translations, Londres, 1896; Kiesewetter, DerOccultis- 
mus der Altertums,\, Akkader-Hebrâer, Leipiig, 1896; 
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 
1896, t. iv, p. 290-293; Zimmern, Beitrâge zur Kenntniss 
der babylonischen Religion, I. Die Reschwbrungstafeln 
Surpu, il. Ritualtafeln (deux fascicules), dans YAssy- 
riologische Bibliothek, Leipzig, t. xii, 1897, 1898, 1900; 
M. Jastrow, Religion of Babylonia and Assyria, Lon- 
dres, 1898; R. C. Thomson, The Reports of the Magi- 
cians and Astrologers of Nineveh and Babylon in the 
British Muséum, 2 in-8», dans Luzac, Semitic Séries, 
t. VI et vu, in-12, Londres, 1900; C. Fossey, La magie 
assyrienne, in-8», Paris, 1903. 

2° Les deux premières lois du code de Hammourabi, 
qui régnait à Babylone environ 2000 avant J.-C, con- 
cernent les magiciens ou sorciers. Elles sont ainsi con- 
çues : « 1. Si quelqu'un a ensorcelé un homme en jetant 
l'anathème sur lui et sans l'avoir prouvé coupable, il est 
digne de mort. — 2. Si quelqu'un a jeté un maléfice sur 
un homme, sans l'avoir prouvé coupable, le maléficié se 
rendra au fleuve et s'y plongera. Si le fleuve le garde, 
sa maison passe à celui qui a jeté -le maléfice; si le 
fleuve l'innocente et le laisse sain et sauf, son ennemi 



565 



MAGIE 



5GG 



est digne de mort, et c'est celui qui a subi l'épreuve de 
l'eau qui s'empare de la maison de l'autre. » Scheil, 
Textes élamites-sémitiques, II e sér., Paris, 1902, p. 22, 
23, 133. On avait ainsi une garantie contre les maléfices 
des magiciens. Elle n'était cependant pas très sûre, car 
l'ordalie par l'eau du fleuve pouvait bien n'être pas tou- 
jours favorable à l'innocent. 

3» Balaam, originaire de Péthor, en Mésopotamie, au 
confluent de l'Euphrate et du Sagur, pouvait être initié 
aux pratiques de la magie chaldéenne. Voir Balaam, 
t. i, col. 1398; H. Zschokke, Historia sacra, Vienne, 
1888, p. 150. 

4° Les magiciens de Babylone sont mentionnés dans 
le livrp de Daniel, à propos des songes de Nabuchodo- 
nosor. Outre les hakkîmîn, les sages et les savants en 
général, les hartummîm et les gdzzertm, qui sont des 
magiciens et des devins, voir Divination, t. n, col. 1443, 
1444, 1447, le prophète nomme les 'asSdfim, (papjjuxxoî, 
magi, Dan., I, 20; il, 2, 10; les kaidîm, yaslSatoi, Chal- 
dsei, Dan., Il, 2, 4, 10; rv, 4, et les mekassefîm, ipapjiot- 
ïo(, malefici. Dan., Il, 2. Chacun de ces trois noms vise 
une spécialité dans l'art magique. Les 'aSSdfîm, en assy- 
rien, les aHputi, « les enchanteurs, » chassent par leurs 
incantations, Siptu, le mal physique et le mal moral. 
Les kaidîm constituent une caste sacerdotale qui em- 
prunte son nom aux conquérants du pays. Ce sont des 
astrologues, cf. t. n, col. 508, 510, tendant à mêler à 
leur divination d'autres pratiques magiques. Cf. Héro- 
dote, ], 181-183; Arrien, Anab., vu, 17; Diodore de 
Sicile, H, 20, 24; Cicéron, De divinat., I, 1 ; II, 42, 88, etc. 
Les mekaSSefim sont des praticiens de la magie ou 
des sorciers. Cf. Fabre d'Envieu, Le livre du prophète 
Daniel, Paris, 1890, t. il, 1™> part., p. 111-114. Sur les 
formules d'incantations habyloniennes, voir J. Halévy, 
Documents religieux de l'Assyrie et de la Babylonie, 
Paris, 1882; Loisy, Le rituel babylonien, dans le Con- 
grès scient, internat, des catholiques, 1888, t. i, p. 1-16; 
François Martin, Textes religieux assyriens et babylo- 
niens, Paris, 1900; Id., Textes religieux, Paris, 1903, 
p. 220-298. — 4° Le prophète Isaïe, XL vu, 12-13, interpelle 
ainsi Babylone au sujet de ses magiciens : « Reste donc 
avec tes enchantements, hâbdrîm, èrcaoïSaî, incanta- 
tores, et le grand nombre de tes sortilèges, keSdfîm 
<pap(;.axEia, maleficia, auxquels tu t'es appliquée depuis 
ta jeunesse... Qu'ils viennent et te sauvent ceux qui 
étudient le ciel, observent les astres et annoncent l'ave- 
nir par les nouvelles lunes. » De fait, les magiciens de 
Babylone, déjà incapables d'expliquer les songes de Na- 
buchodonosor, Dan., il, 10-13, et de Baltassar, Dan., 
"V, 8, 15, et châtiés en conséquence par le premier, ne 
purent ni prévoir ni empêcher la ruine de la capitale. 
J. Oppert a publié, dans Ledrain, Histoire d'Israël, 
Paris, 1882, t. Il, p. 475-493, la traduction d'incantations 
assyriennes contre le mauvais sort, de litanies à la 
lune, de présages, etc. 

III. La magie chez les Hébreux. — 1° Témoins en 
Egypte des pratiques les plus extravagantes de la magie, 
les Hébreux devaient les retrouver en pleine vigueur 
dans le pays de Chanaan. Deut., xvm, 12. Aussi Moïse 
voulut-il les prémunir contre le danger par une loi des 
plus rigoureuses : « Tu ne laisseras point vivre la ma- 
gicienne, mekasilefàh. » Exod., xxn, 18. Les versions, 
traduisent par le masculin pluriel : ipopiiaxo!, malefici. 
La magie était souvent exercée par des femmes et n'en 
•devenait que plus à redouter. En portant la peine de 
mort même contre la magicienne, le législateur donne 
à entendre que les magiciens sont à plus forte raison 
compris dans la sentence. C'est ainsi que l'ont entendu 
les versions. La même peine est d'ailleurs portée dans 
le Lévitique, xx, 27, contre les nécromanciens qui ont 
un 'ôb et contre les yîdd'onî, qui pratiquent la magie. 
Cf. Lev., xix, 31 ; xx, 6. La législation est plus explicite 
-encore dans le Deutsronome, xviii, 9-11. Sans rappeler 



la peine de mort portée précédemment, le Seigneur 
défend aux Israélites de faire passer leurs fils ou leurs 
filles par le feu, voir Moloch; d'exercer l'art des qesâ- 
mîm, f/.avTEia, ariolus, du me'ônên, xXu]8oviWn£Voc, 
observet somnia, du menahêS, oîaiviïôjievoç, auguria, 
du mekasSêf, 9ap(iaxô;, maleficus, du hobêr hdbér, 
èwaê!8(tfv £îiaot5r,v, incantator, du So'êl 'ôb, tyyuaxpi- 
irj8o<;, qui pythones consulat, du yîdd'onî, T£poto<rx(S- 
noç, divinus, et du dorés 'él-hammêfîm, IjiepoiTwv 
to'jc vExpoO;, quserat a mortuis veritatem. Toutes ces 
choses sont en horreur au Seigneur, ce sont des fô'ébôt, 
$5ù.vfy.ixa, scelera, des abominations, des pratiques 
criminelles à cause desquelles Dieu exterminera les 
Chananéens. Deut., xvm, 12. Les différentes espèces dé 
magiciens sont nommés dans ce texte. Les qesâmîm 
sont ceux qui cherchent par différents procédés à con- 
naître le parti à prendre. Voir Divination, t. n, col. 1444. 
Le me'ônên fait des observations superstitieuses pour 
découvrir l'avenir ou les choses cachées. Voir t. n, 
col. 1446. Le menahêS murmure des incantations pour 
arriver à savoir l'inconnu. Voir t. u, col. 1445. Le mekas- 
sêf est le magicien déjà rencontré en Egypte et en Chal- 
dée. Le hobêr hdbér, « fascinant la fascination, «exerce 
son influence magique par des charmes. Voir t. n, 
col. 597. Le So'êl 'ôb est celui qui interroge les esprits 
des morts, le nécromancien. Voir t. n, col. 1446; Évo- 
cation des morts, t. il, col. 2128. Le yîdd'onî est une 
espèce de sorcier. Voir t. n, col. 1446. Enfin le dorés" 
'él-hammêtîm, « celui qui interroge les morts, » Is., vm, 
19; xix, 3, est une variété du nécromancien. 

2° Les prescriptions de la loi mosaïque ne furent pas 
toujours observées. Le penchant qui entraînait les Israé- 
lites à l'idolâtrie les poussa aussi à la divination, voir 
t. n, col. 1448, et aux autres pratiques de la magie. Saûl 
dut chasser les devins et les nécromanciens qui étaient 
restés dans le pays. I Reg., xxvm,3, 9. Dans le livre de 
lob, m, 8, il est parlé de « ceux qui maudissent les 
jours », c'est-à-dire des magiciens qui, par leurs malé- 
fices, prétendent rendre néfastes certains jours. Cf. Ro- 
senmûller, Jobus, Leipzig, 1806, t. i, p. 85; Fr. De- 
litzsch, Das Buch lob, Leipzig, 1876. Cette pratiqueétait 
familière aux Chaldéens. Cf. F. Wichmanshausen, De 
maledictoribus diei, dans le Thésaurus de Hase et Iken, 
Leyde, 1732, t. i, p. 783-787. Par la suite, le roiManassé 
s'adonna à la magie, kissêf, IçapuixeijETO, maleficis ar- 
tibus inserviebat, et la pratiqua dans toutes ses variétés. 
II Par., xxxiii, 6. Isaïe, par ses allusions, donne à pen- 
ser que la magie était fort à la mode de son temps. Il 
reproche à la maison de Jacob d'être pleine de l'Orient, 
c'est-à-dire des superstitions importées de l'Assyrie et 
de l'Arabie, et d'avoir des 'onenim, « des enchanteurs » 
comme les Philistins. Is., n, 6. Il signale la présence 
du qosêm, « devin, s du hàkam hârâMm, « habile en 
prestiges, s et du nebôn laljiaS, « expert enchanteur, » 
au milieu de son peuple, et, pour donner une idée du 
crédit dont ils jouissaient, il les met au même rang que 
le guerrier, le juge, le prophète, l'ancien, le magistrat 
et le conseiller. Is., m, 2, 3. Il appelle les Israélites 
benî 'onendh, « fils de l'enchanteresse, » et les accuse 
d'immoler des enfants sous les arbres verts, sans doute 
pour honorer Moloch, peut-être aussi pour employer 
leur sang à des pratiques magiques. Is., lvii, 3, 5. Ézé- 
chiel; xiii, 18, 20, maudit celles qui fabriquent des ke- 
sâtôt pour toutes les jointures des mains et des voiles 
pour les têtes, « afin de tromper les âmes. » Il s'agit ici 
de magiciennes. Cf. G. Trumph, De pulvillis et peplis 
Ezech., xiii, i8, dans le Thésaurus de Hase et Iken, 
t. l, p. 972-979. Les anciennes versions traduisent le 
mot hébreu par itpo<rxeipâXotta, pulvilli, « coussins, » que 
l'on met sous les coudes pour faciliter le repos, ce qui 
désignerait métaphoriquement les aises que l'on prend 
vis-à-vis de la loi de Dieu et de la morale. A rencontre 
des versions, saint Éphrem dit que les kesd(ôt « sont 



567 



MAGIE 



563 



comme des amulettes dont elles entouraient leurs bras 
et dont elles se servaient pour rendre leurs oracles à 
ceux qui les interrogeaient ». Cf. Rosenmûller, Ezech., 
Leipzig, 1808, 1. 1, p. 351. C'est, en effet, le sens qu'il faut 
attribuer au mot késèt, au pluriel kesàtôf, par comparai- 
son avec l'assyrien kasû, qui signifie « lier ensemble ». 
Les kêsâtôt étaient donc des phylactères magiques. Voir 
Amulette, 1. 1, col. 531. Cf. Delitzsch, dans la Zeitschrift 
der deutsch., morgenland. Gesellschaft, t. xli, p. 607; 
Rob. Smith, dans le Journ. of Philol., t. xm, p. 286. 

3» La captivité, qui mit un terme à l'idolâtrie des 
Israélites, ne fit pas disparaître chez eux le goût de la 
magie. Malachie, ni, 15, menace encore du châtiment 
divin les mekaSSefîm de son temps, et Zacharie, x, 2, 
parle de la vanité impuissante des (erdfîm, des qûse- 
mîm et des songes auxquels on ajoutait foi. Plus tard, 
des livres de magie circulèrent parmi les Juifs sous le 
nom de Salomon, dont la sagesse, III Reg., v, 12, s'était 
étendue, prétendait-on, jusqu'à la connaissance com- 
plète des recettes magiques. Voici ce qu'en dit Josèphe, 
Ant. jud., VIII, h, 5 : « Dieu lui accorda de savoir ce 
qu'il faut faire contre les mauvais démons, pour l'uti- 
lité et la santé des hommes. Il composa des formules 
d'enchantements pour adoucir les maladies, et laissa 
d'autres formules d'adjurations, pour lier et chasser les 
démons sans qu'ils puissent revenir. » L'historien juif 
ajoute que, de son temps, un certain Éléazar, sous les 
yeux de Vespasien, de ses fils et des officiers de l'armée, 
tirait le démon du corps des possédés au moyen d'un 
anneau renfermant les racines indiquées par Salomon, 
et, à l'aide des formules de Salomon, enjoignait au dé- 
mon de ne plus rentrer dans le possédé et de donner 
des signes extérieurs de son départ. Origène, Séries in 
Matth., 110 (xxvi, 63), t. xni, col. 1757, mentionne aussi 
les livres qui renferment les adjurations de Salomon 
contre les démons. Le pouvoir magique de ce roi est 
particulièrement affirmé dans l'apocryphe intitulé Tes- 
tament de 'Salomon, traduit par Conybeare, dans la 
Jewish quarterly Review, octobre 1898. De fait, le nom 
de Salomon revient fréquemment dans les recueils de 
recettes magiques. Cf. Schûrer, Geschichte desjûdischen 
Volkes im Zeitalter J. C, Leipzig, 1898, t. m, p. 299-303. 
En 494, dans un décret sur les livres à recevoir ou à con- 
damner, le pape Gélase mit au nombre de ces derniers 
l'écrit qui a pour titre : Contradictio Salomonis, ainsi 
que tous les phylactères portant des noms de démons. 

4° On a trouvé en 1930 à Tell-Sandahanna, en Pales- 
tine, près d'Éleuthéropolis, à mi-chemin entre Bethlé- 
hem et Gaza, des poupées de plomb qui ont servi à des 
envoûtements (fig. 173), ce qui v tendrait à démontrer 
que cette pratique magique, usitée en Chaldée depuis 
l'époque la plus reculée (cf. Heuzey, Les statuette* 
magiques en cuivre du roi Our-Nina, dans les Comptes 
rendus de l'Académie des Inscriptions, 1893, t. xxi, 
p. 228), n'était pas inconnue des Israélites. Cf. Cler- 
mont-Ganneau, L'envoûtement dans l'antiquité et les 
figurines de plomb de Tell-Sandahanna, dans le 
Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 
octobre 1900, p. 332. 

5° La magie garda de nombreux adeptes parmi les 
Juifs, après l'époque évangélique. Simon de Samarie 
était un magicien, naYeûtov, magus, qui abusait le peuple 
par ses pratiques magiques, (laYeîoct;, magiis; il considé- 
rait probablement le pouvoir de faire descendre le Saint- 
Esprit comme un pouvoir magique, qui pouvait s'ache- 
ter à prix d'argent. Act., vm, 9, 19. Voir SDlON LE 
Magicien. Barjésu, nommé aussi Élymas, que Paul et 
Barnabe rencontrèrent à Paphos, était un Juif, mage et 
faux prophète. Act., xm, 6-8. Voir Barjésu, 1. 1, col. 1461. 
Sous le pwcurateur Fadus, Theudas le magicien, y<5tjç, 
emmena à sa suite un grand nombre -de Juifs jusqu'au 
Jourdain, qu'il voulait leur faire traverser aisément, au 
moven de ses prestiges, et là fut mis à mort par les 



Romains. Josèphe, Ant. jud., XX, v, 1. Le même sort 
menaça, sous Félix, un Égyptien qui avait entraîné la 
foule sur le mont des Oliviers, en promettant de faire 
tomber d'un seul mot les murs de Jérusalem. Josèphe, 
Ant. jud., XX, vin, 6. — La magie juive eut une grande 
influence sur la magie des autres peuples. Les magi- 
ciens de tous les pays se servaient fréquemment de 
noms hébraïques pour appeler les démons et de for- 
mules hébraïques pour faire leurs conjurations. Cf. 
Philosophumena, IV, iv, 1, édit. Cruice, Paris, 1860, 
p. 94; Origène, Cont. Cels., iv, 32, t. xi, col. 1345. Dans 
les textes magiques il est souvent question du Dieu 
d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, du Dieu Sabaoth, etc. : 
tffwô <ra€ati)6, aôuvcu sXwcu tz6paa[A, 'Iàw 'Aêpiacto 'Apëa- 
6tâ(i> Saëocùi 'ASuvoct, x. t. X. Cf. Kenyon, Greek Papyri 
in the Brit. Mus., p. 80; Delattre, Bulletin de corresp. 
hellén., 1888, xn, p. 294-302, etc. On inscrivait les noms 
hébreux de Dieu sur les amulettes magiques. Voir t. m, 
figures 216-248, col. 1225-1226. Dans une formule copte 
d'exécration, conservée à la bibliothèque Bodléienne, 




173. — Poupées magiques en plomb, trouvées à Tell-Sandahanna. 

D'après le Palestine exploration fund, Quarterly Statement, 

1900, p. 332. 

on lit les noms plusieurs fois répètes : Adonai, Eloe, 
Eloï, Jao, Sabaoth, Emanuel, El. Cf. W. E. Crum, dans 
la Zeitschrift fur âgyptische Spraxhe, t. xxxrv, 1897, 
p. 85-89. La kabbale juive eut en grande faveur les re- 
cettes et les pratiques magiques. En prononçant certains 
noms ou certains mots tirés de la Sainte Écriture, ou 
en les écrivant sur des amulettes, on pouvait s'assujettir 
les démons, guérir les malades, éteindre les incen- 
dies, etc. Cf. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 520; 
Karppe, Étude sur les origines et la nature du Zohar, 
Paris, 1901, p. 76-79, 273-278, 506-526; H. Leclercq, 
Adjuration, dans D. Cabrol, Dictionnaire d'archéolo- 
gie chrétienne et de liturgie, Paris, 1903, t. I, col. 529- 
532. — Il existe une abondante littérature sur la magie 
juive; voir principalement Brecher, Dos Transcenden- 
tale, Magie und magische Heilarten in Talmud, Vienne, 
1850; Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, 
Leipzig, 1861, p. 306-316; Paul Scholz, Gôtzendienst und 
Zauberwesen bel den alten Hebrâern und den benach- 
barten Vôlkern, Ratisbonne, 1877; D. Joël, Der Aber- 
glaube und die Stellung des Judenthums zu demselben, 
dans les Jahresber. des jùdisch.-lheol. Seminars zu Bres- 
lau, 1881, 1883; Rob. Smith, On the forms of divination 
and magie enumerated Dent., xvm, 10, 11, dans le Jour- 
nal of Philology, 1885, t. xm, p. 273-287; t. xiv, p. 113- 
128; Schwab, Les coupes magiques et l'hydromancie 
dans l'antiquité orientale, dans les Proceedings of the 
Society of Bibl. Archxol., 1890, t. xii, p. 292-342; 1891, 
t. xm, p. 583-595; R. Slûbe, Jkdisch-babylonische Zau- 
ber texte, Halle, 1895; W. Davies, Magic, Divination and 
Demonology among the Hebrews, in-16; Londres (1898); 
L. Blau, Dos altjûdische Zauberwesen, Strasbourg, 



569 



MAGIE — MAGRON 



570 



E. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes 
3" édit,, t. ni, 1898, p. 294-304. 

IV. Là MAGIE CHEZ LES GRECS ET LES ROMAINS. — 

1° Des pays d'Orient, la magie passa de bonne heure 
dans les contrées occidentales. L'usage des amulettes, à 
inscriptions magiques pour détourner toutes sortes de 
périls, se rencontre partout. Voir Amulette, t. i, 
col. 527-531. Les lettres éphésiennes et les lettres milé- 
siennes étaient célèbres sous ce rapport. Cf. Clément 
d'Alexandrie, Stromat., v, 8, t. IX, col. 72; Wessely, 
Ephesia grammata aus Papyrus-Rollen, Inschriften, 
Gemmen, etc. gesammelt, Vienne, 1886; Griechischer 
Zauberpapyrus, novae papyri magicœ, Vienne, 1893. 
Voir t. i, fig. 129, col. 528. On a trouvé à Carthage, dans 
une tombe romaine du 1 er ou du II e siècle, une lame de 
plomb avec une inscription par laquelle on invoque un 
démon pour qu'il empêche un certain nombre de che- 
vaux, dont les noms sont transcrits, de gagner aux 
courses. Voir t. H, col. 1366, fig. 491. Les objets de ce 
genre abondent. La magie faisait partie intégrante des 
Cultes officiels de la Grèce et de Rome. Les philtres, les 
objets magiques, la nécromancie, les immolations d'en- 
fants dont on offrait les entrailles aux dieux infernaux, 
la communication avec les démons, toutes les variétés 
de la magie, en un mot, étaient d'usage courant. 
Cf. Dôllinger, Paganisme et Judaïsme, trad. J. de P., 
Bruxelles, 1858, t. m, p. 289-299. Tacite, Annal., n, 69, 
parle des procédés magiques employés pour procurer la 
mort de Germanicus ; on retrouva sur le sol et sur les 
murs des restes de corps humains, des incantations et 
des formules pour le vouer aux dieux infernaux, le nom 
de Germanicus écrit sur des lamelles de plomb, des 
mélanges de cendre et de sang corrompu, et d'autres 
maléfices pour livrer les vies aux divinités de l'enfer. 
Dans toutes les formules magiques, il était souveraine- 
ment important d'appeler les dieux ou les démons par 
les noms qui leur plaisaient et de ne s'écarter en rien 
des textes consacrés, si inintelligibles qu'ils fussent. 
Cf. Philosophumena, édit. Cruice, IV, iv, p. 93-113; 
A. Maury, La magie et l'astrologie dans l'antiquité et 
au moyen âge, Paris, 1860; Horst, Von der alten und 
neuen Magie Vrsprung, Idée, Umfang und Geschichte, 
Mayence, 1820; Ennemosei 1 , Geschichte der Magie, 
2 e édit., Leipzig, 1844; Eliphas Levi, Dogme et rituel 
de la haute Magie, 2 in-8°, Paris, 1856 ; Schûrer, Ges- 
chichte des jûdisch. Volk. im Zeit. J. C, t. m, p. 294- 
304. — 2° 11 n'est guère fait, dans le Nouveau Testament, 
qu'une seule allusion à la magie grecque. A Éphèse, à 
la suite des tentatives malheureuses des fils du Juif 
Scéva pour chasser les démons par le nom de Jésus, un 
grand nombre d'habitants renoncèrent aux pratiques 
magiques. Ils étaient ta roptepya itpalâvrec, « pratiquant 
les choses magiques, » cf. Dion Cassius, lxix, 11, idée 
qui est affaiblie dans la Vulgale : curiosa sectati, 
« poursuivant les choses curieuses. » Ils apportèrent 
leurs formulaires magiques et en brûlèrent une quan- 
tité qui fut estimée à cinquante mille deniers. Act., xrx, 
19; cf. C. Ortlob, De Ephesiorum libris curios. 
combust., dans le Thésaurus de Hase et Iken, t. n, 
p. 705-714. — Sur la jeune fille de Pbilippes qui avait 
un esprit de divination, Act., xvi, 16, voir Python. 

H. Lesêtre. 
MAGISTRIS (Siméon de), commentateur italien, 
né à Serra en 1728, mort à Rome en 1802. Entré à 
l'Oratoire de Rome, il s'y adonna spécialement à l'étude 
des langues orientales. Pie VI le nomma évêque de 
Cyrène in partibus et le chargea de la correction des 
livres liturgiques des Églises orientales. On lui doit la 
plus belle édition de Daniel qui ait été faite : Daniel 
secundum Septuaginta ex tetraplis Origenis, nunc pri- 
mum editus, ex singulari Chisiano Codice annorum 
supra i300, grœce et latine, in-f», Rome, 1774. Le P. de 
Magistris y a ajouté plusieurs dissertations, le commen- 



taire de Daniel attribué à saint Hippolyte martyr; des 
fragments du livre d'Esther en chaldéen, du canon des 
Écritures de Papias, etc. A. Ingold. 

MAGOG (hébreu : Mâgôg; Septante : Ma-{iAy), fils 
de Japhet. Il est nommé entre Gomer, qu'on regarde 
généralement comme désignant les Gimériens, et Madai, 
c'est-à-dire les Mèdes. Gen., x, 2; I Par., î, 5. — 1° Dans 
Ézéchiel, xxxvm, 2, Gog est roi de Magog. Voir Gog, 
t. ni, col. 265. Dieu doit envoyer le feu au pays de Ma- 
gog, Ezech., xxxix, 6. Josèphe, Ant.jud.,ï, vi, 1, et saint 
Jérôme, In Ezech., 1. XI, t. xxv, col. 356, traduisent 
Magog par Scythes. Mais ce mot dans le langage des 
anciens est à peu près aussi vague que Magog, si ce n'est 
qu'il désigne les peuples situés au nord et à l'est du 
Pont-Euxin. Magog serait donc un peuple du nord. Si 
Gog est le personnage qui, d'après Fr. Lenormant, est 
appelé dans le récit des guerres d'Assurbanipal Gâgu 
bel er Sa'hi, « Gôg, roi des Scythes, » l'étymologie donnée 
par Josèphe serait confirmée. Fr. Lenormant, Les origi- 
nes de l'Histoire, Paris", 1882, t. il, p. 461. Mais d'autre 
part nous savons que les Scythes avaient fait, à la fin du 
vif siècle avant J.-C, une formidable invasion en Asie 
Mineure. Descendus des montagnes du Caucase, ils 
s'étaient emparés de Sardes, puis de la Médie, avaient 
battu Cyaxare, roi des Mèdes, et s'étaient dirigés vers 
l'Egypte. Psanmétique I er était parvenu à les éloigner à 
force de présents. Revenant sur leurs pas, ils avaient 
pillé le temple d'Ascalon, puis avaient été battus et dé- 
truits, laissant après eux le souvenir de leurs dévasta- 
tions. F. Vigouroux, Manuel biblique, 11 e édit., t. n, 
p. 748; G. Maspero, Histoire ancienne, t. m, 1899, 
p. 350-354, 471-474, 480. Magog peut donc désigner les 
Scythes établis en Asie, comme Gomer les établissements 
des Gimmériens dans cette même région. Voir Gomer, 
t. il, col. 270. — 2° Magog, est cité avec Gog dans 
l'Apocalypse, xx, 7. A la fin du monde, Satan sortira de 
la prison où il aura été renfermé pendant mille ans, 
pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de 
la terre Gog et Magog, afin de les rassembler pour la 
guerre. Ces deux noms n'ont pas ici une signification 
ethnique, ils représentent en général les ennemis de 
l'Église. . E. Beurlier. 

MAGRON (hébreu : Migrôn; Septante : MaySâv, 
I Reg., xiv, 2; MaY£36ci>, Is., x, 28). Ce nom se lit deux 
fois dans l'Écriture. Il est raconté, I Reg., xiv, 2, que 
lors d'une guerre contre les Philistins, dans les pre- 
miers temps de son règne, « Saùl se tenait à l'extrémité 
de Gabaa (Gib'dh), sous le grenadier de Magron. » — 
Environ trois siècles plus tard, Isaïe, prophétisant l'in- 
vasion de Sennachérib en Palestine, décrit ainsi la 
marche du roi d'Assyrie : « Il vient à Aïath, il traverse 
Magron, il laisse ses bagages à Machmas, [ses soldats] 
franchissent le défilé, ils couchent à Gaba (Ge'ba'); Rama 
(hà-Râmâh) tremble; Gabaa (Gib'âh) de Saùl prend la 
fuite. » Is., x, 28-29 (d'après l'hébreu). — Une pre- 
mière question qui se pose au sujet de ces deux pas- 
sages, c'est de savoir s'il s'agit d'un seul Magron. On 
admet assez communément aujourd'hui que le Magron 
de Saùl n'est pas le même que celui d' Isaïe, parce que 
le prophète place Magron plus au nord que ne le fait 
l'historien de Saùl, non pas à côté de Gabaa, mais plus 
haut entre Aïath (Haï, t. m, col. 399) et Machmas (col. 507). 
La situation du Magron de Saùl ne peut être précisée. 
V. Guérin, Samarie, t. i, p. 185-187, la cherche à Khir- 
bet el-Mighram, à un quart d'heure de marche à l'ouest 
de Schafat. Les ruines d' El-Mighram « couvrent un pla- 
teau en partie livré à la culture. Des amas de matériaux 
provenant de constructions renversées jonchent le sol. 
Une enceinte rectangulaire, longue de quarante pas en- 
viron et bâtie avec des blocs assez grossièrement taillés, 
est encore en partie debout... Çà et là, plusieurs citernes 



571 



MAGRON — MAHANAÏM 



'572 



pratiquées dans le roc ». V. Guérin, Samarie, t. 1, p. 185. 
On identifie le Magron d'Isaïe avec les ruines de Makrûn, 
situées au nord de Machmas, sur la route de Haï. 
Voir K. Baedeker, Palestine et Syrie, Leipzig, 1893, 
p. 121. Cependant ce nom manque dans la grande carte 
anglaise de la Palestine. F. Vigouroux. 

MAHALATH (hébreu : Mahâldf), nom de deux 
femmes dans le texte hébreu. La Vulgate écrit le nom 
de l'une d'entre elles Mahalath et l'autre Maheleth, Ce 
même mot se lit dans le titre de deux Psaumes. Voir 
Maëleth. 

1. MAHALATH, femme d'Ésaû. Voir MahÉLETH 1. 

2. MAHALATH (Septante : MooXaft), fille de Jérimoth 
et la première des dix-huit femmes de Roboam, roi de 
Juda, qui était son cousin. II Par., xi, 18. Son père était 
un des fils de David et par conséquent frère de Salomon, 
le père de Roboam. Voir Jérimoth 7, t. ni, col. 1299. 
D'après un certain nombre de commentateurs, Maha- 
iath aurait eu pour mère ou grand'mère « Abihaïl, fille 
d'Éliab, fils d'Isaï », et elle aurait eu trois fils, Jéhus, 
Somoria et Zoom. Ils suppléent la conjonction i, « et, » 
devant Abihaïl et traduisent : « Roboam épousa Maha- 
lath, fille de Jérimoth, fils de David et d'Abihaïl, fille 
d'Éliab, fils d'Isaï. » Les Septante et la Vulgate, au con- 
traire, font d'Abihaïl la seconde femme de Roboam et la 
mère de Jéhus, de Somoria et de Zoom. Leur traduction 
paraît plus naturelle et mieux fondée. II Par., xi, 18-19. 

MAHALON (hébreu : Mahlôn, « malade [?] ; » Sep- 
tante : Macàwv), fils aîné d'Élimélech et de Noémi, de 
la tribu de Juda et de la ville de Bethléhem. Une famine 
ayant obligé ses parents à se réfugier dans le pays de 
Moab, ils l'y emmenèrent avec son frère Chélion, et il y 
épousa, après la mort de son père, une femme moabite 
appelée Ruth, tandis que son frère Chélion en épousait 
une autre appelée Orpha. Ils moururent jeunes l'un et 
l'autre dans ce pays, au bout de dix ans. Ruth, i, 1-5; 
îv, 10. Booz devint l'héritier d'Élimélech et de ses deux 
fils en épousant Ruth, veuve de Mahalon. Ruth, iv, 9-10. 

MAHANAÏM (hébreu : Mahânaïm; avec hé local : 
Mahânâimah, « les deux camps » ou « les deux trou- 
pes ■»; Septante : Maavai'v, III Reg., iv, 14; Mavai[i, 
II. Reg., xvu, 24, 27; Mowaéii, II Reg., h, 8, 12; Maâv, 
Jos., xni, 26, 30; Kajuv, Jos., xxi, 37 (hébreu, 38); ils 
traduisent par ■napE^oXa!, « les camps, » Gen., xxxn,l; 
TC«pE[i6oXri, «le camp, » II Reg., n, 29; III Reg., n, 8; 
la Vulgate écrit le nom Mahanaim, Gen., xxxn, 1; 
Manaim, Jos., xm, 26,30; xxi, 37; III Reg., iv, li, elle 
le traduit par castra, « les camps, » II Reg., n, 8, 12, 29; 
xvu, 21, 27; III Reg., n, 8), ville lévitique de la tribu de 
Gad. La version syriaque l'appelle Mahanim. Dans 
Josèphe, Ant. jud., VII, i, 3, ce nom est transcrit Màva- 
Xtv ou MâvaXtç, « selon les Grecs, » ajoute-t-il, IIape[i- 
ëoXai, nom qu'il emploie ordinairement ensuite. 

I. Origine et situation. — Jacob, à son retour de la 
Mésopotamie, s'étant séparé de Laban, à l'entrée des 
monts de Galaad, t< s'en alla par le chemin qu'il avait 
pris et les Anges du Seigneur vinrent à sa rencontre. 
Quand il les eut vus, il dit : C'est le camp (mahânéh) 
de Dieu et il appela ce lieu du nom de Mahânaïm, c'est- 
à-dire camp, » ajoute la Vulgate. Gen., xxxii, 1-3. Josèphe, 
en son récit parallèle, Ant. jud., I, XX, néglige le nom 
hébreu; il se contente de<lire : Il (Jacob) appela ce lieu 
« l'armée de Dieu », QsoC <xTpa-Ô7csêov. — De l'ensemble 
du récit, il apparaît que Mahânaïm se trouvait au sud- 
ouest du Hauran, dans les anciens monts de Galaad, 
aujourd'hui le Djebel- Adjlûn, et au nord du Jaboc que 
Jacob franchira pour se diriger sur Sichem après avoir 
campé à Mahânaïm. Gen., xxxii, 22. Cette localité était 



sur la frontière de Gad et de Manassé oriental. Jos., xm, 
26, 30. — L'histoire du combat dans lequel périt Absa- 
lom, fils de David, l'indique à l'est ou au nord-est de la 
forêt d'Éphraïm. II Reg., xvu, 24; xvtn. — Aucun ancien 
écrivain ne donne de renseignements plus précis sur 
la situation de cette ville. Un midrasch postérieur à 
la clôture du Talmud remplace Mahânaïm par le nom 
Rimas, Ritmàs ou Dimàs, endroit tout à fait inconnu, 
Midrasch Yalkout, II Sam., xvu, 24. Cf. Ad. Neubauer, 
Géographie du Talmud. Paris, 1868, p. 250. Estôri 
ha-Parchi, au xni e siècle, est le premier auteur connu 
jusqu'ici qui ait donné une identification de cette loca- 
lité. Dans Caftor va-Phérach, édit. Luncz, Jérusalem, 
1897, p. 311, il s'exprime ainsi : « Mahânaïm, [c'est] 
Mahnéh. Mahânaïm esta l'est de Bethsan, en ligne droite, 
à une demi-journée. A une heure, vers le sud, est la 
ville appelée El-Estêb, que l'on dit être la patrie du 
Thesbite. Au nord de cet el-Estêb, se trouve une rivière 
dont les eaux coulent été et hiver et sur les rives de 
laquelle se trouvent des jardins et des vergers : on 
l'appelle ouadi 'l-Yabâ's. » Mafrnéh auquel fait allusion 
l'écrivain juif n'a pas changé de nom depuis; il se trouve 
en effet à trois kilomètres et demi environ vers le sud- 
Ouest de la ruine appelée par les Arabes Lestib ou 
Lesteb que l'on voit au pied du sommet nommé Mar- 
Elids (voir t. m, fig. 6, col. 53) et considérée par tous les 
habitants du Djébel-Adjlûn comme la patrie du pro- 
phète Élie. Lesteb se trouve lui-même à une distance 
à peu près égale de l'ouadi 'l-Ydbis, tenu pour l'ancien 
Carith. Mahnéh est en effet à l'orient (au sud-est) de 
Beisân, la Bethsan biblique. Le village de Fârâh, dont le 
nom peut rappeler celui d'Éphraïm qui a dû donner 
son nom à la forêt où périt l'infortuné fils de David, se 
trouve à six kilomètres environ de Lesteb, vers l'ouest. 
La situation d'el-Mahnéh, non moins que son nom, 
correspond certainement aux indications de la Bible. Sa 
condition seule pourrait laisser quelque doute sur son 
identité avec la ville de Mahânaïm qui semble s'être 
élevée plus tard à l'endroit où campa Jacob après s'être 
séparé de Laban son beau-père. 

IL Description. — Le nom de Khirbet Mahnéh ou 
simplement Mahnéh (fig. 174) est donné à une petite 
colline couverte de ruines, resserrée entre deux monts 
qui la dominent au nord-est et au sud, et s'avançant sur la 
vallée appelée elle-même ouadi Mahnéh. La vallée court 
du sud-est au nord-ouest pour aller se ramifier à l'ouadi 
Yâbis dans le voisinage de Ba'oûn. La colline et tous les 
alentours étaient, en 1890, recouverts d'une épaisse forêt 
de chênes et de térébinthes pour la plupart plusieurs 
fois séculaires, à l'exception d'une étroite clairière où 
le ga?on épais et frais qui tapissait la terre, annonçait 
le voisinage d'une source. Les grands arbres ont disparu 
et sont remplacés, là où le sol n'a pas été complètement 
dénudé, par des buissons assez clairsemés. La ruine 
ressemble à la plupart de celles de la région : c'est un 
amas confus de pierres à peine équarries et de quelques 
pans de murs grossiers. L'étendue du khirbet est à peine 
d'un hectare en superficie. Au-dessus de la colline, à 
l'est, et dans le flanc de la montagne dont elle est la 
prolongation s'ouvrent plusieurs tombeaux d'apparence 
antique, creusés dans le roc. Non loin un cercle de 
pierres est désigné sous le nom d'eS-Seih el-Mahnaûy 
et considéré comme le tombeau de ce personnage. — 
La source, 'Ain Mahnéh, est à deux cents pas au nord- 
ouest du khirbet et dans la vallée; elle jaillit assez 
abondante au milieu d'un bassin circulaire autour du- 
quel sont disposées plusieurs auges de pierre rongées par 
le temps, dans lesquelles les bergers viennent abreuver 
leurs troupeaux (fig. 175). Cette source est la première 
que l'on rencontre dans la montagne en venant de 
l'orient et l'on comprend qu'elle ait pu inviter Jacob à 
planter sa tente en cet endroit. 

III. Histoire. — Jacob parait avoir séjourné un temps 



573 



MAHANAÏM 



574 



assez long â Mahanaïm. C'est de là qu'il semble avoir 
envoyé ses messagers à son frère Ésau résidant en Séir, 
pour l'avertir de son retour de Mésopotamie, et là aussi 
vraisemblablement qu'il attendit leur retour. Gen., xxxm, 
1-6. — Mahanaïm faisait partie à l'arrivée des Israélites, 
du royaume de Basan, gouverné alors par le roi Og; 
aussitôt après la conquête, elle fut attribuée par Moïse à 
la tribu de Gad, désignée pour résidence aux lévites de 
la famille de Mérari et une des quatre villes de refuge 
de la Transjcrdane. Jos., un, 26-30; xxi, 37-38. 11 semble 
de là, que dès lors il y avait en cet endroit une ville qui 
prit le nom donné à cette localité par Jacob. — Saùl et 
son fils aîné Jonathas étant tombés sur le champ de ba- 
taille, aux monts de Gelboé, Abner cousin du roi et 



même à la porte de Mahanaïm la nouvelle de l'issue de 
la bataille. On sait comment, en apprenant bi mort 
d'Absalom, il se laissa aller à la plus amère douleur et 
comment, repris durement par Joab, il sécha ses larmes- 
et revint à la porte recevoir les hommages de ses fidèles 
sujets. Il attendit à Mahanaïm que les principaux de 
Juda vinssent le rappeler et le ramener à Jérusalem. 
II Sam. (II Reg.), xvn, 24; xix, 15. — Lorsque Salomon 
divisa le pays d'Israël en douze préfectures, la Transjor- 
dane en eut trois : une au sud du Jaboc et deux au 
nord. Mahanaïm fut le chef-lieu de la prélecture occi- 
dentale du nord qui devait comprendre à peu près 
tout le district d'Adjloûn. Elle fut confiée à Ahina- 
dab, fils d'Addo. III Reg., îv, 14. Il n'es't plus parlé da 



~<^7- " ~ I ?k~ •"- "" ^^qj ' m : 3 ' T1 1 = ~ 






174. — Khirbet Mafynéh. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



chef de son armée, redoutant sans doute les Philistins 
et peut-être aussi David aussitôt acclamé roi, à Hébron, 
par la tribu de Juda, persuada à Isboseth, fils de Saûl, 
de s'établir à Mahanaïm. Isboseth y fut reconnu pour 
roi par tout Galaad, c'est-à-dire par tout le peuple de la 
Transjordane et par les autres tribus occidentales. 
II Sam. (II Reg.), h, 8-10. Mahanaïm devint ainsi la ca- 
pitale du premier royaume d'Israël. C'est de Mahanaïm 
deux ans après que partit Abner pour porter la guerre 
à l'occident, contre le compétiteur du fils de Saûl. Battu 
à Gabaon par Joab, il regagna Mahanaïm avec les dé- 
bris de sa troupe. II Reg., h, 17, 29. Isboseth régna sept 
ans à Mahanaïm et y fut assassiné par les deux béro- 
thains Baana et Réchab. II Reg., iv, 6. — Quelques années 
plus tard, David, fuyant devant son fils révolté Absalom, 
vint à son tour chercher un refuge à Mahanaïm. Il y fut 
assisté par Sobi, fils de Nalias, roi des Ammonites, et par 
plusieurs Galaadiles, parmi lesquels se distingua Ber- 
zellaï de Rogelim. Le roi organisa la troupe des fidèles 
qui 4'avaient accompagné ou rejoint, mais après en 
avoir confié le commandement à Joab, il attendit lui- 



Mahanaïm dans la suite. Mafrnéh n'a point d'histoire. 
IV. Difficultés pour l'identification. — Au souvenir 
de ces faits, en présence de Mahnëh, on se demande : 
comment une localité d'apparence si commune a-t-elle 
pu être choisie pour résidence royale et capitale d'Israël, 
par Abner et par. Isboseth? comment dans des condi- 
tions si peu aptes à en faire une ville de défense David 
et les siens menacés par les troupes d'Absalom ont-ils- 
pu la prendre pour le lieu de leur refuge? comment 
d'ailleurs cette localité si restreinte aurait-elle pu accueil- 
lir les uns et les autres avec leur suite ? Dans l'état de* 
choses où nous vivons aujourd'hui et avec nos concep- 
tions, l'identité stricte de Mafjinéh avec Mahanaïm doit 
nous paraître en effet inadmissible; tout ce que l'on 
pourrait concéder, ce serait, ce semble, l'identité des 
noms, que Mafynéh procède traditionnellement de l'autre. 
Malynéh, établi dans la région de Mahanaïm, peut avoir 
pris d'elle son nom; ou bien, après la destruction de 
leur ville ses habitants ont pu, comme le fait s'est re- 
produit en maints endroits, transporter son nom à la 
nouvelle localité rebâtie un peu plus loin pour remplacer 



575 



MAHANAÏM — MAHANÉH-DAN 



576 



l'ancienne. L'identité stricte est toutefois moins difficile 
à accepter, si l'on se met dans les conditions dans les- 
quelles se trouvaient les anciens, au xi e siècle avant l'ère 
chrétienne. Les villes fortes d'Israël étaient en réalité 
des villages, souvent fort petits, protégés seulement par 
un mur assez rustique, avec une porte, comme on en 
voit encore plusieurs aujourd'hui en Palestine. Gabaa, 
le village d'origine de Saûl, en tout semblable aux autres, 
n'avait point cessé jusqu'à sa mort d'être la capitale d'Is- 
raël. Les détails sur les circonstances de la mort de son 
fils et successeur, Isboseth, nous montrent sa demeure, à 
Mahanaïm, dans les conditions d'une simple maison de 
villageois. II Reg., iv, 5-6. Si l'on excepte Jérusalem 
où David s'était fait construire par les Phéniciens, 



tentes pour s'abriter en dehors des villes, quand ils ne 
préféraient pas rester en plein air. Dans ces conditions 
il n'y a pas à exiger de Mahnéh ce que l'on pourrait 
demander à des villes de garnison ou aux capitales de 
notre époque. 

Les palestinologues du reste, depuis que Seetzen, en 
1806, leur a signalé la survivance du nom de iS.alj.neh, 
conviennent que ce nom doit être, celui de Mahanaïm 
légèrement altéré dans sa finale et que son site pour- 
rait être (bien que la plupart nous l'affirment catégori- 
quement, ils ne connaissent l'endroit que par ouï. dire) 
celui même de Mahanaïm. Voir Seetzen, Reisen durch 
Pai&stina, in-8°, Berlin, 1854, 1. 1, p. 385; S. Merill, East 
of the Jordan, 2« édit., in-8», New-York. 1883, p. 355, 




175. — La fontaine de Hafynéh. D'après une jhotographie de M. L. Hcidet. 



II Reg., v, 11, une habitation plus luxueuse et où il 
avait commencé à s'entourer d'un personnel plus nom- 
breux, l'aspect des autres villes du royaume n'avait point 
changé : les détails de l'histoire et les constatations 
faites sur l'emplacement des cités bibliques les plus 
célèbres et les plus importantes nous en assurent plei- 
nement. Mahnéh d'ailleurs est situé à l'arrière, à l'orient 
des ravins rocheux, profonds et escarpés qui déchirent 
les premiers plans des montagnes de l'Adjloûn, du côté 
du Ghôr ; ces monts étaient jadis comme naguère encore 
d'immenses et inextricables forêts de chênes où en abat- 
tant quelques arbres on pouvait fermer tous les pas- 
sages mieux que par les fossés les plus larges et les tours 
les plus élevées ; Isboseth et David pouvaient chercher 
là une retraite plus sûre que dans la forteresse la plus 
puissante et munie de défenseurs nombreux. Ni l'un ni 
l'autre n'avaient à installer alors une milice régu- 
lière et permanente; leurs armées étaient composées 
de masses de paysans accourus pour la circonstance, 
apportant avec eux, ainsi que le pratiquent encore 
aujourd'hui les Arabes Bédouins, leurs provisions et leurs 



433; Rich. von Riess, Biblische Géographie, in-f°, 
Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 60; Id., Bibel- Atlas, m-i", 
ibid., p. 19; de Saulcy, Dictionnaire topographique 
abrégé de la Terre-Sainte, in-12, Paris, 1877, p. 217; 
Van Kasteren, Bemerkungen àber einige alte Ortschaf- 
ten in Ont Jordanland, dans la Zeitschrift der deut- 
schen Palàstina-Vereins, t. xm, 1890, p. 205; Schurer, 
ibid,, t. xx, p. 2; Armstrong, Names and Places in the 
Old Testament, in-8°, Londres, 1887, p. 187; Conder, 
Heth and Moab, in-8», Londres, 1889, p. 177-180; Guthe, 
Géographie des Alten Palâstina, in-8°, Fribourg-en- 
Brisgau, 1897, p. 257. L. Heidft. 

MÀHANÉH-DAN (hébreu : Mahanêh-Ddn; Sep- 
tante : IIap£[ioo)ài Adcv; Vulgate : Castra Dan, « camp de 
Dan »), nom donné à une localité située près età l'ouest 
de Cariathiarim, t. n, col. 273. Elle fut ainsi appelée 
parce que les Danites y campèrent, lorsqu'ils se ren- 
dirent du sud de la Palestine dans le'nord pour s'empa- 
rer de la ville de Laïs. Jud., xviu, 12. Mahanéh-Dan 
était situé entre Saraa et Esthaol, Jud., xiu, 25, et faitait 



577 



MAHANÉH-DAN —MAHUS 



578 



primitivement partie, par conséquent, de la tribu de 
Juda, Jos., xv, 33, mais cette portion du territoire avait 
été cédée à la tribu de Dan. Jos., xix, 41. On ne saurait 
fixer avec plus de précision le site de Mahanéh-Dan. 
Conder, Palestine, Londres, 1889, p. 258, le marque 
dans l'ouadi el-Mutluk. C'est à Mahanéh-Dan que l'esprit 
de Dieu commença à agir dans Samson. Jud., xm, 25. 
Quelques commentateurs ont voulu faire sans raison du 
Mahanéh-Dan de Samson et de celui dont il est parlé 
dans l'histoire de la campagne des Danites contre Laïs 
deux localités différentes. Voir Esthaol, t. il, col. 1971. 

MAHARAÏ (hébreu : Mahârai, <a prompt; » Sep- 
tante : Noepé, II Reg., xxm, 28; Mapaî; I Par., xi, 30; 
Alexandrinus : Moopot'i; Sinaiticus : Nepeé), un des 
vaillants soldats (gibbôrîm) de David. Il était de Néto- 
phat, ville de la tribu de Juda, II Reg., xxm, 28; I Par., 
xi, 30, à laquelle il appartenait comme descendant de 
Zaraï (hébreu laz-zarlyï) ou Zara. David fit de lui un des 
douze chefs de son armée ; il commandait à vingt-quatre 
mille hommes, chargés du service pendant le dixième 
mois de l'année. I Par., xxvn, 13. Dans ce dernier pas- 
sage, le nom de Maharaï est écrit dans la Vulgate Marai 
et dans les Septante, Merjpâ; Alexandrinus : Moopat 

MAHATH (hébreu : Mahaf; Septante : MaâG), nom 
des deux Lévites et d'un ancêtre de Notre-Seigneur. 

1. MAHATH, Lévite de la branche de Caath, fils d'Ama- 
saï et père d'Elcana, un des ancêtres d'Héman, chef 
de chœur du temps de David. I Par., vi, 35 (hébreu, 20). 
Il n'est probablement pas différent, d'après plusieurs 
interprètes, de l'Achimoth du f. 25 (hébreu, 11), mais 
les versets 25-26 paraissent altérés et il est très difficile 
de rétablir la leçon originale primitive. 

2. MAHATH, Lévite, fils d'Amasaï, de la branche de 
Caath. Il vivait du temps d'Ézéchias et fut l'un de ceux 
qui purifièrent le Temple sous le règne de ce roi. II Par. 
xxxix, 12. Ézéchias le nomma plus tard, avec quelques 
autres, sous-intendant des revenus du Temple. II Par., 
xxxi, 13. 

3. MAHATH, fils de Mathathias et père de Naggé, de 
la tribu de Juda, un des ancêtres de Notre-Seigneur. 
Luc, iii,26. 

MAHAZIOTH (hébreu : Mahâzïôt; Septante : Me«- 
ijiif); Alexandrinus : Maaïiu>6), Lévite, le plus jeune des 
quatorze fils d'Héman, de la famille de Caath. Il vivait 
du temps de David et fut le chef de la vingt-troisième 
division des musiciens du sanctuaire. I Par., xxv, 4, 30. 

1. MAHÉLETH (hébreu : Mahâlat; Septante : M«e- 
>i6), fille d'ismaël et troisième femme d'Ésaù, dont elle 
était la cousine. Le frère de Jacob l'épousa dans l'inten- 
tion de faire plaisir à son père Isaac, qui lui avait vu de 
mauvais œil prendre ses deux premières femmes parmi 
les filles de Chanaan. Gen., xxvni, 6-9. Dans la Genèse, 
xxxvi, 3, Mahéleth est appelée Basemath. Voir Basemath 
% 1. 1, col. 1492. Le Pentateuque samaritain porte Mahâ- 
lat dans les deux passages. 

2. MAHÉLETH, mot hébreu conservé dans le titre du 
Ps. lxxxvii, 1, par la Vulgate. Voir Maëleth. 

MAHER-SCHALAL-KHASCH-BAZ (hébreu : 
Mahêr sâtâl hâS baz), nom symbolique et prophétique 
donné à un fils d'Isaïe. Les Septante le traduisent de la 
manière suivante : ToO o^iiùç 7rpovofiT|V 7roirixat (TxtjXwv, 
Is., vm, 1; Ta^soiç (rx-JÏeuaov, &!Ui0( irpov&fjieuaov, Is., VIII, 
3; et la Vulgate : Velociter spolia detrahe, cito preedare, 
Is., vm, 1; Accéléra spolia detrahere, festina prsedari, 

DICT. DE LA BIBLE. 



s., vm, 3, « Hâte-toi d'enlever les dépouilles, prend 
vite le butin. » Dieu commanda au prophète d'écrire 
sur une tablette, avec un burin d'homme, c'est-à-dire en 
écriture intelligible : Mahêr idlàl hâs baz. Et un (ils 
étant né à Isaïe, Dieu lui dit : « Donne-lui pour nom 
Mahêr sdlâl hds baz, car avant que l'enfant sache dire : 
mon père, ma mère, on portera les richesses de Damas 
et les dépouilles (iâlal) de Samarie devant le roi d'Assy- 
rie, il Is., vm, 1-4. Le Seigneur annonçait ainsi à Achaz 
et à son peuple, épouvantés par la coalition qu'avaient 
formée contre eux Rasin, roi de Damas, et Phacée, roi 
d'Israël, qu'ils ne devaient point s'effrayer, puisque ces 
deux princes allaient être battus et dépouillés par le roi 
d'Assyrie. En effet, peu après, Rasin fut défait et tué 
par Théglathphalasar, IV Reg., xvi, 9, et le royaume de 
Phacée fut ravagé par le même prince, qui emmena 
captifs une partie des habitants de la Palestine du Nord. 
IV Reg., xv, 29. — Les noms propres hébreux, étant 
toujours significatifs, se prêtent aisément aux allusions 
prophétiques, comme dans cet oracle d'Isaïe. Nous en 
trouvons d'autres exemples dans Is., vu, 3 (Se'âr Ydsûb), 
et dans Osée, son contemporain. Voir Lo-Ammi, Lo-Ru- 
chamah, col. 317, 363. 

MAHIDA (hébreu : Mefridâ' ; Septante : Maa8â, 
I Esd., n, 52; MiSâ, II Esd., vu, 54; Alexandrinus et 
Sinaiticus : MeeiSâ), chef d'une famille de Nathinéens, 
dont les descendants revinrent de la captivité de Baby- 
lone en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 52 ; II Esd,, 
vu, 54. 

MAHIR (hébreu : Mehir, « prix de vente; » Sep- 
tante : Majc'p), fils de Caleb (hébreu : Kelûb), le frère 
de Sua, de la tribu de Juda. Il eut pour fils Esthon. 
I Par., iv, 11. Voir Caleb 3, t. n, col. 59. 

MAHOL (hébreu : Màhol; Septante : Ma),; Alexan- 
drinus : 'A(*a8), père des trois sages Héman, Chalcol et 
Dorda, auxquels Salomon était supérieur en sagesse. 
III Reg., IV, 31 (hébreu, v, 11). Le mot mâhôl, en hé- 
breu, signifie «danse ». Ps. xxx, 12; cxlix, 3; cl, 4 
(texte hébreu). De là vient que divers interprètes pren- 
nent mâfyôl pour un nom commun et non pour un nom 
propre, et traduisent, en conséquence : « Héman, Chal- 
col et Dorda, pères de la danse, » c'est-à-dire, d'après 
eux, par hébraïsme, habiles à conduire des chœurs de 
danse, musiciens célèbres. Cf. Frd. Keil, Die Bûcher 
der Kônige, 2 e édit., 1876, p. 45. On allègue en faveur 
de cette explication que Chalcol et Dorda sont appelés 
fils de Zara et non fils de Mahol, dans I Par., n, 6 
cependant, comme dans le passage de III Reg., iv, 31 
rien n'indique que le roi Salomon soit présenté comme 
musicien et chorège et qu'au contraire la comparaison 
porte sur la sagesse de ce prince, la plupart des com- 
mentateurs regardent Mahol comme un nom d'homme. 
Voir Chalcol, Dorda, t. n, col. 505, 1492; Héman 2, 
t. m, col. 587. 

MAHUMITE (hébreu : ham-Mafiâvîm; Septante : 
6 Maou; Alexandrinus : ô Maweîv), surnom d'Êliel, un 
des vaillants soldats de David. I Par., xi, 46. Mahâvîm 
paraît être un nom ethnique, désignant la patrie d'Éliel, 
mais la forme plurielle de ce mot est irrégulière et 
semble altérée. On croit communément que Mafrâvim 
signifie « originaire de Mahanaïm » ou Manaïm. Jos., xm, 
26. Il faudrait donc lire : ham-Ma/fanîmî. Voir Éliel 5, 
t. n, col. 1677. 

MAHUS Jean, d'Oudenarde, commentateur néerlan- 
dais, frère mineur, enseigna les saintes Lettres dans le 
couvent de son ordre à Louvain. Sa réputation de vertu 
et de science le fit nommer premier évêque de Daven- 
try; mais son grand âge le contraignit à refuser cette 

IV. - 19 



579 



MAHUS — MAIN 



580 



dignité, et il passa les derniers jours de sa vie dans la 
retraite. Les Gueux, ayant envahi Daventry, s'emparèrent 
de lui, et, après mille outrages et supplices, le laissèrent 
mort sur une des places de la ville, en l'an 1572. Il avait 
donné au public : 1. Epitome annotationum in Novum 
Testamentum, ex quinta et ultima editione Erasmi 
Roterodami, in-8°, Anvers, 1538; 2. Compendium com- 
mentariorum Francisa Titelmani, minoritx, in Psal- 
mos, Anvers; 3. In Epistolas D. Pauli Epitome, dont 
les bibliographes ne décrivent pas l'édition; 4. Divi 
Joannis Chrysostomi in Evangelia secundum Mat- 
thxum commentaria, ab Arianorum fœce purgata. Cet 
ouvrage xonsiste en 54 homélies, et fut imprimé à An- 
vers en 1537. Une autre édition sortit des mêmes presses 
en 1645; une 3 e fut donnée à Paris; 5. Il revit et colla- 
tionna l'Exposition de saint Bonaventure sur saint Luc, 
dans les mss. des couvents de frères mineurs de Lou- 
vain, Bruxelles, Gand et Utrecht. Elle fut imprimée à 
Anvers en 1539, en un volume in-8», que les bibliogra- 
phes franciscains signalent d'après le catalogue de la 
Bibliothèque royale de Paris. Elle fut réimprimée à 
Venise en 1574, en un volume in-8°, qui renfermait aussi 
les Commentaires du même docteur sur les Lamenta- 
tions de Jérémie. Cette édition fut surveillée et annotée 
par le Frère Mineur Jean Balain ou Balagni. 

P. Apollinaire. 
MAIER Adalbert, exégète catholique allemand, né à 
Villingen, en Bade, le 26 avril 1811, mort à Fribourg- 
en-Brisgau le 29 juillet 1889. Après avoir fait ses études 
dans ces deux villes, il fut ordonné prêtre le 27 août 1836 
et reçu docteur le 8 novembre de la même année. Il 
avait été élève de Léonard Hug. Il commença dans l'été 
de 1837 à faire un cours d'exégèse à l'université de Fri- 
bourg sur l'Ancien ot le Nouveau Testament et il célé- 
bra en 1886 le jubilé de son long enseignement. Voici 
la liste de ses* œuvres : Exegetisch-dogmatische Ent- 
wickelurig- der neutestamentlichen Begriffe von Zo>rç, 
'Avdirraoïç und Kpimç, in-8», Fribourg, 1840 ; Commen- 
tar ûber dos Evangelium des Johannes, 2 in-8°, Fri- 
bourg, 1843-1845; Commenta? ûber den Brief Pauli an 
die Rômer, in-8\ Fribourg, 18i7 ; Einleitung in die 
Schriften des Neuen Testaments, in-8°, Fribourg; 
1852; Commentai- ûber den ersten Brief Pauli an die 
Korinther, in-8°, Fribourg, 1857 ; Commentar ûber den 
Brief an die Hebràer, in-8°, Fribourg, 1861; Commen- 
tar ûber den zweiten Br\ef Pauli an die Korinther, 
ïn-8 , Fribourg, 1865. — Voir Frdk. von Weech, Badi- 
sche _Bio<7rapÂi«vn-8°, Karlsruhe, t. iv,1891, p. 254-258. 

MAILLE. Voir Cotte de mailles, t. u, col. 1056. 

MAJMAN (hébreu : Miyâmin; Septante : Meïajiîv), 
prêtre de la famille d'Éléazar. Il vivait du temps de 
David et fut le chef de la sixième classe sacerdotale, 
lorsque le roi divisa les enfants d'Aaron en vingt-quatre 
groupes. I Par., xxrv, 9. 

MAIMOUNI, vulgairement : MAIMONIDE Moïse, 
ou Mose ben Maimon, théologien et exégète juif, né 
à Cordoue le 30 mars 1135, mort le 13 décembre 1204. 
On le désigne souvent sous le nom de Rambam, com- 
posé des initiales des mots : Rabbi Moïse Ben Maïmon. 
Après avoir erré en divers pays avec sa famille, il 
se rendit en 1165 en Palestine et plus tard en Egypte. 
11 s'y établit à Fostat (vieux Caire), où il fit des cours 
publics et devint médecin du sultan. Les Juifs le 
regardent comme le plus grand de leurs rabbins et 
l'appellent « la Lumière de l'Orient et de l'Occident ». 
Il s'attacha surtout à commenter le Tahnud. Ses prin- 
cipaux ouvrages sont : le Yod hazakah (« main forte ») 
ou Mischnah Thorah (« seconde loi »), 2 in-f», sans 
lieu ni date, exposition systématique des doctrines 
religieuses du judaïsme (rééditions à Soncino, 1490; 



Constantinople, 1509, etc.); le Dalalat al-Haïrin (Guide 
des égarés), écrit en arabe et plus connu sous le nom 
de Moréh Nebouchim, titre qui lui fut donné par Tob 
ben Joseph, qui le traduisit en hébreu. Cette version 
parut d'abord sans lieu, ni date, puis in-f°, à Venise, 
1551; in-4°, Berlin, 1791; in-f», Paris, 1520; in-4°, Bâle, 
1629 (par Buxtorf) avec traduction latine. S. Munk en a 
donné l'édition suivante : Le guide des égarés, traité 
de théologie et de philosophie, publié pour la première 
fois dans l'original arabe et accompagné d'une traduc- 
tion française et de notes critiques, littéraires et expli- 
catives, 3 in-8°, Paris, 1856-1866. Maimonide écrivit cet 
ouvrage pour un de ses disciples, afin de lui apprendre 
comment il faut, entendre les locutions de l'Ecriture 
Sainte qui s'éloignent de l'usage ordinaire et ne doivent 
pas s'expliquer dans le sens littéral. — Voir Béer, Leben 
und Wirken des Maimonides, Prague, 1844 ; Stein, 
Moses Maimonides, in-8", La Haye, 1846; S. Munk, 
Mélanges de philosophie juive et arabe, in-8°, Paris, 
1859, p. 461; Abr. Geiger, [Moses ben Maimon, in-8°, 
Rosenberg, 1850; J. Mûnz, Die Religionsphilosophie 
des Maimonides, in-8°, Berlin, 1887; L. Bardowicz, Die 
rationale Schriftauslegung des Maimonides, in-8", 
Rerlin, 1893; W. Bâcher, Die Bibelexegese Moses Mai- 
mûni's, in-4°, Strasbourg, 1897 ; Ad. Jellinek, Bibliogra- 
phie de Maimonide (eu hébreu), in-8°, Vienne, 1893. 

1. MAIN (hébreu : yâd, kaf, <t le creux de la main, » 
hofnaîm, « les deux mains formant le creux, » qomés 
et so'al, « la pleine main, » la poignée, téfah, « la 
paume de la main, » mesure, voir Palme; chaldéen : 
pas; Septante : vsip ; Vulgate : manus, palma; la main 
droite : yâmîn, Ssixtâ, dextera; la main gauche : èem'ol, 
àptÇxspâ, sinislra), organe s'articulant à l'extrémité du 
bras de l'homme, composé de la paume et de cinq 
doigts, et servant au toucher, à la préhension, etc. Voir 
Bras, t. I, col. 1909; Doigt, t. u, col. 1461. 

I. Au sens propre. — 1° La main est très souvent nom- 
mée dans la Sainte Écriture, à propos de toutes sortes 
d'actes. Gen., xxvn, 22; Exod., iv, 4; Jos., vm, 18; 
IReg., u, 13; Is., xm, 8; Dan., x, 10; Matth., vm, 3; 
Act., m, 7. — 2° La loi ordonnait de couper la main à 
la femme qui avait commis un acte honteux désigné 
par le texte sacré. Deut., xxv, 12. — Au temps de Judas 
Machabée, la tête et la main coupées de Nicanor furent 
apportées à Jérusalem. II Mach., xv, 30, 32. Chez les 
anciens, tant Égyptiens que Chaldéens, on coupait la 
main des prisonniers ou des morts et l'on en faisait le 
dénombrement après la bataille. Cf. Champollion, Mo- 
numents de l'Egypte et de la Nubie, pi. xix, ccxxn ; 
Rosellini, Monumenti storici, p. xciv, cxxxn, cxxxv 




176. — Dénombrement des mains coupées après la bataille. 

Thèbea. Du temps de Ramsès II. 

D'après Champollion, Monuments d' Egypte, pi. ccxxn. 

(Gg. 176). — Baltassar vit apparaître une main mysté- 
rieuse qui traçait des signes sur la muraille de, son 



581 



MAIN 



582 



palais. Dan., v, 5, 24. — Antiochus fit couper les mains 
aux frères Machabëes. II Mach., vu, 4, 7, 10. — Judas 
mettait la main au plat, quand Notre-Seigneur le dé- 
nonça. Matth., xxvi, 23; Marc., xiv, 20; Luc, xxii, 21. 

— Saint Paul, après avoir été renversé et aveuglé sur 
le chemin de Damas dut être conduit par la main, Act., 
îx, 8, et c'est à sa main qu'une vipère s'attacha dans 
l'Ile de Malte. Act., xxvm, 3. — On se servait de la 
main pour souffleter. Matth., xxvi, 67. Voir Soufflet. 

— _Sur les ablutions des mains chez les Juifs, voir Laver 
(Se) les ma.ins, col. 136. — 3° La main formant le creux, 
kaf, ou les deux mains réunies de manière à former 
cavité, ftofnaîm, devenaient des récipients en cer- 
taines occasions. On pouvait ainsi porter de la cendre, 
Exod., ix, 8, de la poussière, III Reg., xx, 10, de l'orge, 
Ezech., xin, 19, des charbons ardents, Ezech., x, 2, 7, 
de la farine, III Reg., xvn, 12, des parfums, Lev., xvi, 
12, de l'huile, Lev., xiv, 15, etc. — Les trois cents 
hommes que Gédéon prit avec lui s'étaient contentés de 
boire l'eau du torrent dans le creux de leur main. 
Jud., vu, 6. — Le creux delà main ne serait propre ni 
à mesurer les eaux, Is., XL, 12, ni à recueillir le vent. 
Prov., xxx, 4. — La main pleine ou poignée, qomés, 
Lev., h, 2; v, 12; vi, 8, quelquefois les deux mains 
pleines, hofnaim, Eccle., iv, 6, supposent l'abondance. 
Pendant sept années, au temps de Joseph, la terre 
d'Egypte rapporta liqemâsîm, « à poignées, » c'est-à- 
dire abondamment, SpâYiuxxa, manipulas. Gen., xli, 
47. Une récolte maigre, au contraire, est celle qui 
n'emplit pas une poignée. Ps. cxxix (cxxvm), 7. — 
4» Quand Jéroboam voulut faire saisir le prophète qui 
maudissait l'autel idolâtrique de Bethel, sa main se des- 
sécha et fut paralysée ; mais, à la prière du prophète, elle 
fut bientôt guérie. III Reg., xin, 4-6. — Un jour, dans 
une synagogue, se trouva en présence de Notre-Seigneur, 
un homme qui avait une main desséchée, liftâ, arida. 
Matth., xu, 10-13; Marc, m, 1-5; Luc, vi, 6-10. Saint 
Jérôme, In Matth., II, xu, t. xxvi, col. 78, rapporte que, 
d'après l'Évangile des Nazaréens et des Ébîonites, cet 
homme était tailleur de pierres. Il aurait ainsi formulé 
sa prière : « J'étais tailleur de pierres, gagnant ma vie 
avec mes mains. Je le prie, Jésus, de me rendre la 
santé, pour que je n'aie pas la honte de mendier ma 
nourriture. » Sa main était desséchée et atrophiée par 
suite d'une paralysie locale qui empêchait la nutrition 
et le mouvement dans ce membre. Cependant, sur 
l'ordre du Sauveur, cet homme eut assez de foi pour 
mouvoir et étendre la main, et il fut guéri. — 5° Par 
analogie, le nom de « mains », yadôt, àfnwvfcrxot, in- 
castraturx, est donné à des crochets ou tenons qui 
doivent, comme des mains, soutenir les ais du taber- 
nacle, Exod., xxvi, 17, 19; xxxvi, 22,24, et aux essieux, 
-/etpeç, axes, des roues des bassins d'airain, qui rete- 
naient les rayons, comme des mains. III Reg., vu, 32, 33. 

II. Au sens figuré. — 1° Comme la main est un 
des principaux instruments de l'action chez l'homme, 
elle figure le pouvoir d'agir, Eccli., xxxvm, 35, la puis- 
sance, Jos., vm, 20; Jud., vi, 13; I Par., xvm, 3; 
Ps. lxxvi (lxxv), 6; Is., xxvm, 2 ; Jer., xu, 7 ; I Reg., 
iv, 3; II Reg., xiv, 16, etc. ; la force qui soumet et châtie, 
I Reg., xxiii, 17; Ps. xxi (xx), 9; Lam., 1, 7, etc. — 
2° De là, un certain nombre d'expressions qui se ren- 
contrent souvent. La « main avec » quelqu'un figure 
l'accord, le concours, etc. Exod., xxm, 1 ; I Reg., 
xxii, 17; Il Reg., m, 12; IV Reg., xv, 19, etc. La « main 
contre » quelqu'un marque au contraire l'hostilité et le 
mal fait à un autre. Gen., xxxvil, 27; Deut., xm, 9; Jos., 
h, 19; IReg., xvm,17, 21; xxiv,13, 14; II Reg., m, 12; 
IV Reg., xv, 19, etc. — Être « dans la main », c'est être 
avec quelqu'un, Gen., xxxn, 14; xxxv, 4; Num., xxxi, 
49; Deut., xxxm, 3; Jer., xxxvm, 10, etc., ou en son 
pouvoir, Gen., ix, 2 ; xiv, 20; xxxn, 17; xlh, 37; Exod., 
IV, 21; II Reg., xvm, 2; III Reg., Xiv, 27; IV Reg., x, 



24; II Par., xxv, 20; Job, vin, 4; Sap., m, 1; Matth., 
xxvi, 45, etc., sous sa direction. I Par., xxv, 2, 3, 6; 
II Par., xxm, 18; xxvi, 11, 13, etc. Ce qui se fait «sans 
la main » d'un autre se fait sans son aide ou son con- 
cours. Job, xxxiv, 20; Dan., n, 34; vm, 25; Lam.,iv, 6. 
« Par la main » signifie par l'intermédiaire ou le minis- 
tère de quelqu'un. Num., xv, 23; 111 Reg., xu, 15; 
II Par., xxix, 25; Esth., i, 12; Is., xx, 2; xxxvn, 24; 
Jer., xxxvii, 2; Act., v, 12; vu, 25; xi, 30; xix, 11, etc. 
C'est « de la main » de quelqu'un qu'on reçoit, « de la 
main » d'un ennemi qu'on est délivré. Gen., ix, 5; 
xxxm, 19; Exod., xvm, 9; I Reg., xvn,37; Ps. xxn (xxi), 
21; Job, v, 20; Is., xlvh, 14, etc. — 3» « Mettre la 
main » sur quelqu'un, c'est s'emparer de lui. Luc, xx, 
19; xxi, 12; Joa., vu, 30, 44; Act., iv, 3; xu, 1, etc. 
« Mettre en main, » c'est donner le pouvoir de disposer 
d'une chose. Joa., m, 35; xm, 3. Être « sous la main », 
c'est être à la disposition de quelqu'un, I Reg., xxi, 4, 
être tout préparé. Job, xv, 23. « Selon la main » signifie 
selon la manière. III Reg., x, 13; Esth., i, 7; n, 18. Il 
suit de ce qui précède que la « main courte » marque 
la faiblesse ou l'impuissance. Num., xi, 23; Is., l, 2; 
ux, 1, etc. — 4° Comme les mains. sont aux deux côtés 
du corps, « à la main » veut encore dire à côté, ou près, 
à portée de quelque chose. Exod., n, 5; Deut., Il, 37; 
I Reg,, xix, 3; Jer., xlvi, 6, etc. « Des deux mains » ou 
des deux côtés signifie en long et en large. Gen., xxxiv, 
21; Ps. civ (cm), 25. Les mains d'un meuble sont ses 
panneaux latéraux, III Reg., vu, 35, et celles d'un siège 
sont ses côtés. I Reg., x, 19; II Par., ix, 18. Les mains 
désignent 'encore le rang, Num., n, 17, l'emplacement, 
Deut., xxm, 12(13); Is., lvii, 8, les parties ou divisions. 
Gen., xlvii, 24; IV Reg., xi, 7; II Esd., xi, 1; Dan., i, 
20. — 5° Les mains servant à l'accomplissement de la 
plupart des actions, on appelle « œuvres des mains » le 
travail, Gen., v, 29; xxxi, 42; Tob., Il, 19; Job, I, 10; 
Ps. xc (lxxxix), 17; cxxvm (cxxvn), 2, et les biens 
matériels qu'il rapporte. Prov., xxxi, 16, 31. On donne 
le même nom aux actes d'ordre moral, Prov., xn, 14, 
bons, Judith, xm, 7, ou mauvais. III Reg., xvi, 7; Ps. 
ix, 17; Jer., xliv, 8; Apoc, ix, 20. C'est pourquoi le 
Seigneur conseille de couper la main, si elle est une 
occasion de tentation ou de chute, Matth., v, 30, ce qui 
signifie qu'il faut sacrifier ce à quoi on tient le plus, 
quand l'intérêt du salut l'exige. La pureté des mains 
consiste à ne point commettre d'actions mauvaises. Gen., 
xx, 50; xxxvn, 27; Ps. xvm (xvn), 21. Dans le cas con- 
traire, on a l'iniquité ou l'injustice dans les mains. Job, 
xvi, 17; xxxi, 7; Ps. xxvi (xxv), 10; Is., lix, 6; Jon., 
m, 8. — Les idoles sont appelées « œuvres de la main 
des hommes », par opposition avec le Dieu incréé et 
créateur. Deut., xxvu, 15; Ps. cxiv (cxiii), 4; Rar., vi, 
50; Act,, vu, 41, etc. — 6° Dans saint Paul, I Cor., xu, 
15, 21, la main, partie du corps, figure tel ou tel fidèle, 
partie du corps mystique de l'Église. 

III. Au sens symbolique. — Certains gestes de la 
main ont, naturellement ou par convention, un sens 
symbolique en harmonie avec les idées ou les senti- 
ments qu'ils expriment. — 1° La main sur la bouche, 
comme pour la fermer, signifie le silence qu'on entend 
garder r oa imposer. Job, xxi, 5; xxxix, 34; Prov., xxx, 
32; Sap., vm, 12; Eccli., v, 14. On fait aussi un geste 
de la main pour imposer le silence et l'attention à une 
assemblée. Act., xii, 17: xxi, 40; xxvi, 1. Mettre ses 
mains sur sa tête, comme si l'on y recevait un coup 
grave, est un signe de grande douleur. II Reg., xm, 19; 
Jer., H, 37. On bat des mains soit par moquerie, Nah., 
ni, 19; Lam., n, 15, soit pour marquer la joie et l'admi- 
ration. IV Reg., xi, 12; Judith, xiv, 13; Ps. xlvii (xlvi), 
2; xcvm (xcvii), 8. Pour conclure un contrat, on frappe 
dans la main de celui avec qui l'on traite. Prov., vi, 1; 
xi, 15; xvn, 18; xxn, 26. Donner la main marque par- 
fois qu'on s'engage, qu'on fait alliance ou qu'on se 



583 



MAIN 



584 



soumet. IV Reg., x, 15; I Par., xxrx, 24; II Par., xxx, 
8; I Esdr., x, 19; Lam., v, 6; Ezech., xvh, 18. Une vie 
qu'on tient entre ses mains est une vie exposée, que 
l'ennemi peut ravir. Jud., xii, 3; I Reg., xxvm, 21; 
Job, xiii, 14; Ps. cxix (cxvm), 109. On lève la main 
pour faire serment. Gen., xiv, 22; Deut., xxxn, 40; 
Dan., xn, 7. On l'étend pour s'emparer injustement de 
ce qui est à d'autres. Exod., xxn, 8; I Mach., xiv, 31. Se 
croiser les mains, Prov., vi, 10; xxiv, 33; Eccle., iv, 5, 
les cacher dans le plat, ou dans son sein, comme tra- 
duisent les versions, Prov., xix, 24; xxvi, 15, c'est faire 
acte de paresse. Tendre la main, c'est appeler du 
secours. Jer., l, 15. Regarder aux mains des autres 
indique qu'on attend d'eux une aumône, Eccli.. xxxm, 
22, ou des ordres. Ps. cxxm (cxxii), 2. Baiser la main 
constitue une marque de respect. Eccli., xxix, 5. Enfin 
l'expression ydd leyâd, « la main à la main, » Prov., 
xi, 21 ; xvi, 5, signifie simplement : certes, assurément. 
— 2° D'autres expressions analogues s'emploient pour 
les choses religieuses. Telles sont « mettre la main 
sous la cuisse, » voir Jambe, t. m, col. 1114; « imposer 
les mains, » voir Imposition des mains, t. m, col. 847. 
Remplir les mains de quelqu'un, c'est le consacrer par 



xv, 6; Ps. xviii (xix), 36; cxvm (cxvn), 16; cxxxvu 
(cxxxvi), 5; Is., xlviii, 13; lxii, 8; Act., h, 33; Apoc, 
il, 1, etc. A droite se tient celui qui prête secours. Ps. 
xvi (xv), 8; cix (cvin), 31 ; ex (cix), 5; cxxi (cxx), 5. 
C'est avec la main droite qu'on fait alliance. I Mach.. 
xi, 50; xm, 45; II Mach., îv, 34; xn, 11 ; Gal.,n, 9, etc. 
— Par contre, c'est aussi la place de l'accusateur. Ps. 
cix (cviii), 6; Zach., m, 1, et parfois de l'ennemi. Job, 
xxx, 12; Ps. xci (xc), 7. — 4" La gauche est le côté de 
ce qui est inférieur ou mauvais. Au dernier jugement, 
les boucs, qui figurent les méchants, sont placés à 
gauche. Matth., xxv, 33. Tandis que l'esprit du sage est 
porté vers sa droite, limînô, c'est-à-dire vers le bien, 
l'esprit du sot est porté vers sa gauche, li&m'olô, c'est-à- 
dire vers le mal. Eccle., x, 2. Le premier sait ce qu'il 
fait et le fait bien, le second agit gauchement et mal. 
Les enfants ne savent pas distinguer leur droite de 
leur gauche, c'est-à-dire le bien du mal. Jon., rv, 11. 
On a donné différents sens au mot 'abrêk, que les 
coureurs égyptiens criaient devant Joseph. Gen., xm, 43. 
Voir Abrek, t. i, col. 90. D'après J. Lieblein, dans les 
Proceedings of the Society of Biblical Archseology, 
1898, p. 2Û2-120, le mot hébreu ne ferait que repro- 




177. — Assyriens priant les mains étendues. Cylindre antique. 
D'après F. Menant, Empreintes de Cylindres assyriens, pi. n, flg. 8. 



le sacerdoce. Exod., xxvm, 41; xxix, 9; Lev., xxi, 10. 
Emplir ses mains pour le Seigneur signifie lui offrir 
des dons. Exod., xxxn, 29; I Par., xxix, 5; II Par., xm, 
9; xxix, 31. On élève les mains pour bénir, Luc, xxrv, 
50, et surtout pour prier (flg. 177), ce geste semblant 
approcher du Dieu qui est au ciel la main du suppliant. 
Exod., xvh, 11; Deut., xxxii, 40; III Reg., vin, 22; 
Ps. lxiii (lxii), 5 ; cxxxiv (cxxxm), 2; Il Mach., xiv, 34; 
I Tim., il, 8, etc. On étend également les mains, soit 
pour bénir, Gen. , xlviii, 14, soit pour prier. Ps. lxxxviii 
(lxxxvii), 10; Is., 1,15; Jer., xv, 6; Soph., i, 4; I Mach., 
xn, 39. 

IV. La droite et la gauche. — 1° La droite marque 
souvent un côté, Exod., xxix, 22: Ps. lxxiii (lxxii), 23; 

III Reg., vu, 39; Jer., xxn, 24; Ezech., x, 3, etc., et la 
gauche l'autre côté. III Reg., vu, 49; Gen., xm, 9; 
xiv, 15; xxiv, 49; Jud., m, 21; Ezech., xxxix, 3, etc. — 
2° A droite et à gauche signifie partout, Is., lit, 3; 
Zach., xn, 6; I Mach., v,~46, et ni à droite, ni à gauche 
veut dire nulle part. IÎ Reg., xiv, 1, 9. On peut s'écarter 
à droite ou à gauche. I Reg., vi, 12. Le faire, ait sens 
moral, ce n'est pas suivre la ligne droite du . devoir. 
Num., xx, 17; Deut., n, 27; v, 22; xvn, 20; Jos., i, 7 ; 

IV Reg., xxn, 2; Prov., iv, 27; Is., xxx, 21, etc. —3" La 
droite est la place de la puissance, de l'autorité, du 
bien, etc. La reine est à la droite du roi. III Reg., n, 19; 
Ps. xlv (xliv), 10. C'est la place que le Père éternel 
assigne à son Fils incarné. Ps. cx(cix), 1; Matth., xxvi, 
64; Marc, xiv, 62; Act., vu, 55, Col., m, 1, etc. Le fils 
préféré de Jacob est appelé Benjamin, « le fils de la 
droite, » Gen., xxxv, 18, « l'homme de la droite. » Ps. 
lxxx(lxxix), 18. C'est à la droite du Souverain Juge que 
seront placés les bons, figurés par les brebis. Matth., 
xxv, 33. La main droite est oridinairement celle qui fait 
acte de puissance, de bonté, etc. Gen., xlviii, 18; Exod., 



duire le mot égyptien ■j' J ,*-» * => , ab-reh, s à gauche, 

toi! » invitant les allants et venants à prendre leur 
gauche sur leur chemin pour laisser le milieu libre. 
C'est ainsi qu'au Caire, aujourd'hui encore, on crie 
devant les grands personnages simalak! « à ta gauche ! » 
Cf. Lane, Marinera and Customs of the modem Egyp- 
tiaiis, t. i, p. 209 ; Levesque, dans la Revue biblique, 
Paris, 1899, p. 418. W. Spiegelberg, dans Orient. Litte- 
rarische Zeilung, 1903, p. 318, croit que 'abrêk veut 
simplement dire : « Attention! Prenez garde! » Il se 
fonde sur deux passages dans lesquels le mot égyptien 
'br-k paraît avoir ce sens. — 5° David avait à son service 
des guerriers ambidextres, qui se servaient également 
bien des deux mains pour lancer des pierres et tirer de 
l'arc I Par., xii, 2. Les Scythes faisaient de même, et 
Platon, Leges, vu, trad. Grou, Paris, 1845, p. 299, 300, 
aurait voulu qu'on apprit aux enfants à devenir adroits 
des deux mains dans tous les exercices physiques. 
Aod, Jud., m, 15, et sept cents frondeurs de la tribu de 
Benjamin étaient gauchers, Jud., xx, 16, bien que les 
versions présentent ces derniers comme ambidextres. 
— 6° Comme les Hébreux se tournaient habituellement 
vers le soleil levant, le sud était pour eux à droite et 
s'appelait yâmîn, I Reg.., xxm, 19; II Reg., xxiv, 5; 
Ps. lxxxix (lxxxviii), 13; Job, xxm, 9, le nord à 
gauche et s'appelait sem'nl. Gen., xiv, 15; Job, xxm, 9. 
V. La main de Dieu. — 1° La main de Dieu n'est 
autre chose que l'exercice de sa puissance souveraine 
sur les hommes et sur le monde. Exod., xrv, 31; Job, 
xxvil, 11. Cette main est lourde, I Reg., v, 6, 11, quand 
elle châtie ou éprouve. Exod., vu, 4; Deut., n, 15; Jud-, 
n, 15; Ruth, i, 13; II Reg., xxiv, 14; Is., x, 10; Ezech., 
xm, 9; Am., i, 8; Act., xm, 11; Heb., x, 31, etc. Cette 
main puissante, Deut., ix, 26; xxvi, 8; Jos., iv, 25; 



585 



MAIN — MAISON 



586 



I Pet., v, 6, répand ses bienfaits sur l'homme et lui 
assure son aide quand elle est avec lui, Luc, i, 66, ou 
quand elle se repose sur lui. II Par., xxx, 12; I Esd., 
vu, 6, 9, 28; vm, 18, 22, 31; II Esd., il, 8, 18; Is., i, 25; 
Zach., xiii, 7, etc. Elle se repose encore sur certains 
hommes pour leur communiquer l'esprit prophétique. 
III Reg., xviii, 46; IV Reg., in, 15; Is., vm, 11 ; Ezech., 
i, 3; m, 14, 22; vm, 1; xxxvn, 1, etc. — 2° Les mains 
du Fils de Dieu fait homme devaient être percées. Ps. 
xxn (xxi), 17. Cf. Zach., xm, 6, et Lion, t. m, col. 278. 

II les montra en cet état après sa résurrection. Luc, 
xxiv, 39, 40; Joa., xx, 20-27. — Sur la « main » dans le 
sens de stèle ou de monument commémoratil, voir 
Main d'Absalom. H. Leséthe. 

2. MAIN D'ABSALOM (hébreu : yâd 'dbsâlôm; Sep- 
tante : jçelp 'Aêeacayû)\i.; Vulgate : manus Absalom), nom 
du monument ou massébéf qu' Absalom s'était érigé de 
son vivant dans la Vallée du Roi. II Reg., xvm, 18. Le 
massébéf était une stèle, gt^Xïi, titulus, une pierre 
dressée sur laquelle on pouvait graver une inscription. 
D'après Josèphe, Ant. jud., VII, x, 3, « Absalom s'était 
érigé dans la Vallée royale une colonne de marbre, 
(TC^Xriv Xt'6ou [iapp-ocpivou, placée à deux stades de Jéru- 
salem, qu'il appela sa main, î8(av x e 'P«i disant que, si 
ses fils périssaient, son nom du moins resterait sur cette 
colonne. » Il y avait donc vraisemblablement une ins- 
cription sur cette stèle. Cf. C. Erdmann, De monumento 
Absalomi, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 
1732, t. i, p. 685-692. Le monument appelé aujourd'hui 
Tombeau d'Absalom, bien que lui aussi à deux stades 
de Jérusalem, ne saurait être confondu avec la stèle pri- 
mitive, tant à raison de son importance que de son ar- 
chitecture très postérieure. Voir Absalom, t. i, col. 98, 
et de Saulcy, Voyage autour de la Mer Morte, Paris, 
1853, t. H, p. 291-295; V. Guérin, Jérusalem, Paris, 
1889, p. 199-200. Il se peut que la- stèle ait été élevée à 
cet endroit et remplacée plus tard par un monument 
plus considérable, de style qui accuse soit l'enfance, 
soit la décadence de l'art. — Mais pourquoi ce nom de 
« main » attribué par Absalom à sa stèle ? Déjà Saûl 
s'était érigé sur le Carmel une yâd, yùç>, que la Vul- 
gate appelle fornix triumphalis, « arc de triomphe. » 
I Reg., xv, 12. Dans Isaïe, lvi, 5, le Seigneur promet 
de donner dans sa maison, à ceux qui lui seront fidèles, 
yâd vâiêm, tôtioç 6vo[j.a<rr6ç, locus et nomen. Le mot 
yâd peut en effet avoir aussi le sens d'emplacement, 
Deut., xxin, 12 (13); Is., lvii, 8. bien que dans ce der- 
nier passage le sens de stèle ne soit pas absolument 
improbable. Il n'est pas à croire que dans l'expression 
« main d'Absalom », le mot yâd ait le sens d'ouvrage, 
par substitution de la cause à l'effet. Cette explication 
ne conviendrait pas aux autres passages. On a re- 
trouvé bon nombre d'anciennes stèles puniques au 
sommet desquelles était gravée une main. Voir t. i, 
fig. 238, 239, 240, col. 909, 910; t. h, fig. 599, col. 1903; 
fig. 675, col. 2295; t. m, fig. 75, col. 342. Cette main ou- 
verte est dressée vers le ciel, généralement à la pointe 
du cippe ou de la pyramide (fig. 178). Les Arabes la pei- 
gnent encore en noir sur la chaux blanche qui enduit 
leur maison; elle éloigne le mauvais œil. Cf. Babelon, 
Manuel d'archéologie orientale, Paris, 1888, p. 282. 
Cette représentation a dû être traditionnelle chez les 
Phéniciens, et, comme ces derniers étaient les entre- 
preneurs des travaux d'art chez les Hébreux, on en peut 
conclure que les stèles de Saûl et d'Absalom appar- 
tenaient à la facture phénicienne, ou que tout au moins 
elles l'imitaient. Il semble assez naturel dès lors que le 
nom de yâd ait été attribué aux cippes, aux colonnes 
ou aux pyramides qui portaient une main sculptée. On 
ne signale pas en Palestine de cippes sur lesquels soit 
gravée ou sculptée une main. Mais l'intention d'Absa- 
lom, en faisant dresser son monument, était manifeste, 



« De son vivant, Absalom s'était fait ériger un monu- 
ment dans la Vallée du roi ; car il disait : Je n'ai point 
de fils par qui le souvenir de mon nom puisse être con- 
servé. » II Reg., xvm, 18. Le mort, enfoui en terre, à 
l'abri de toute profanation, voulait encore faire figure 




178. — Stèle votive de Carthage 

D'après Corpus inscriptionum semiticarum, 

pars. I, t. m, pi. xlv. 

parmi les vivants. La stèle funéraire perpétuait son sou- 
venir. Les inscriptions phéniciennes présentent des for- 
mules très conformes à l'idée attribuée à Absalom : cippe 
élevé « de mon vivant », « cippe parmi les vivants, » 
« cippe mémoire parmi les vivants, » « au-dessus de 
la couche de mon repos éternel. » Cf. Corpus inscript, 
phœnic., 46, 58, 59, 116; Lagrange, Études sur les reli- 
gions sémitiques, dans la Revue biblique, 1901, p. 235. 

H. Lesêtre. 

M AIR, MAIRE, MAJOR John, théologien écossais, . 
né à Gleghorn en 1469, mort à Saint-Andrew vers 1550. 
Il vint à Paris pour terminer ses études et y obtint le 
titre de docteur en théologie. De retour en Ecosse, il 
fut nommé à une chaire de l'université de Saint-Andrew. 
Il revint bientôt à Paris, où il enseigna au collège de 
Montaigu. Vers 1530 il était de nouveau à Saint-Andrew 
et en 1549 il se déclarait ouvertement pour l'établisse- 
ment d'une Église nationale écossaise. Parmi ses écrits 
on remarque : Literalis in Malthmum expositio, in-4°, 
Paris, 1518; Luculentse in IV Evangelia expositiones, 
in-*, Paris, 1529. — Voir G. W. Sprott, dans Dictionary 
of National Biography, Londres, t. xxxv, 1893, p. 386. ' 

B. Heurtebize. 

1. MAISON (hébreu : bâît, bêt, à l'état construit, ana- 
logue à l'assyrien bîtu; Septante : otxîa, oi'xoç; Vulgate: 
dortius), construction destinée à servir d'habitation. Sur 
l'habitation des nomades, 'ohél, voir Tente. 

I. Au sens propre. — 1» La maison désigne d'abord 
l'habitation de l'homme. Il en est très fréquemment 
question dans la Bible. Gen., xix, 2; Num., xxx, 11; 
Deut., xxn, 20, etc. Quelquefois une . maison, par suite 
de sa situation, peut être envahie par une moisissure 
malsaine, appelée « lèpre des maisons ». Lev., xiv, 35- 



587 



MAISON 



588 



55. Voir Lèpre, col. 186. — 2° Elle est parfois le palais 
ou l'habitation des rois ou des grands personnages. 
Gen., su, 15; Jer., xxxrx, 8; Matth., xi, 8; etc. Voir 
Palais. — 3° La maison de Dieu est le Tabernacle, Jud., 
xvm, 31; xix, 18, etc., ou le Temple, III Reg., vi, 5, 
37; vu, 12; Joa., n, 16; Matth., xxi, 13, etc. Voir Taber- 
nacle, Temple. — 4° Par extension, on donne en hébreu 
le nom de « maison » à des endroits qui ont des desti- 
nations assez variées: celui où l'on boit et où l'on 
mange, Esth., vu, 8; Dan., v, 10; celui dans lequel on 
enferme les prisonniers, Is., xlii, 22; Jer., xxxvn, 15; 
le harem. Esth., n, 3, etc. L'Egypte est appelée très 
souvent la « maison de servitude », parce qu'elle a été 
le séjour dans lequel la nation a fini par subir le joug 
de l'esclavage. Deut., v, 6, 13, etc. La « maison du 
deuil » est celle dans laquelle le malheur a fait entrer 
le deuil. Eccle., vu, 3; Jer., xvi, 5, etc. Le se'ôl, le 
tombeau, le séjour des morts, est la maison où doivent 
se rendre tous les vivants, Job, xvn, 13; xxx, 23, la 
« maison d'éternité », Eccle., xn, 5, le téito; aïuvtoç, 
« le lieu éternel. » Tob., m, 6. Cf. Ps. xlix (xlviii), 12. 
— 5" Par analogie, le corps de l'homme est appelé la 
« maison d'argile » de l'âme, Job, iv, 19, sa « maison 
terrestre ». II Cor., v, 1. — 6» On appelle aussi « mai- 
son » la demeure des animaux, celle de l'araignée, Job, 
vin, 14, de la teigne, Job, xxvii, 18, de l'onagre, Job, 
xxxix, 6, du passereau, Ps. lxxxiv (lxxxiii), 4, de la ci- 
gogne. Ps. civ (cm), 17. — 7° Par métonymie, la maison 
désigne encore l'ensemble des objets qu'elle renferme. 
Gen., xv, 2; Exod., i, 21; Esth., vin, 1; Matth., xn, 
29, etc. Les scribes dévoraient les maisons des veuves, 
sous prétexte d'y prier. Marc, xn, 40; Luc, xx, 47; cf. 
II Tim., m, 6. — 8» Le mot « maison » sert parfois à 
nommer des choses qui n'ont qu'un lointain rapport 
avec une habitation. Ainsi Néhémie appelle Jérusalem 
«la maison des tombeaux de mes pères ». II Esd., n, 3. 
On attribue ce^iom à un large fossé, III Reg., xvm, 32, 
à un espace libre entre deux murailles, Ezech., xli, 9, 
à un croisement de plusieurs chemins, Prov., vm, 2, 
aux boîtes renfermant des parfums. Is., m, 20, etc. — 
9° Le mot bèt entre dans la composition d'un grand 

'nombre de noms de lieux, Bethabara, etc. Voir, t. H, 
eol. 1647-1764. II a aussi donné son nom à la seconde 
lettre de l'alphabet hébreu. Voir Beth 1, t. n, col. 1616. 
IL Au sens figuré. — 1» On donne le nom de 
« maison » à ceux qui l'habitent, Luc, xix, 9; Rom., 
xvi, 11; I Cor., i, 16; Phil., iv, 22; II Tim., i, 16, et à 
^ensemble des générations qui sont sorties des pre- 
miers habitants pour constituer une famille, un peuple, 
ou une race. Gen., vir, 1; xir, 17; Èxod., n, 1 ; Is., vu, 
2, etc. La « maison d'Israël » se compose de tout le 
peuple hébreu. Exod.,xvi, 31; Lev., x, 6, etc. La m mai- 
son de David » comprend toute la descendance de ce 
roi, à laquelle appartient le Messie. III Reg., xn, 16, 19, 
20, 26; Luc, i, 27; n, 4. Après le schisme, « la maison 
de Juda » et la « maison d'Israël » désignent les deux 
royaumes divisés. Jer., xi, 10; xxxi, 27; Hel>., vin, 8, etc. 
A cause de ses infidélités, le peuple hébreu constitue 
une « maison révoltée ». Ezech., n, 5, 6, 8; su, 2, etc. 
Le peuple chrétien, au contraire, forme une « maison 
spirituelle ». I Pet., H, 5. — 2° On applique à la famille 

'et à la descendance ce qu'on dit d'une maison. C'est 
ainsi qu'une maison se bâtit, c'est-à-dire qu'une famille 
se fonde et se développe. Ruth, iv, 11; I Reg., n. 35; 
Pïov., xiv, 1. Quelquefois elle penche vers la mort, 
Prov., n, 18, et Dieu démolit la maison des orgueilleux. 
Prov., v, 25. 

III. Les maisons des anciens. — 1» Chez les Égyp- 
tiens. — Les maisons des Egyptiens de la classe populaire 
étaient faites à l'aide de simples clayonnages enduits de 
terre battue et de briques cuites au soleil. Elles se com- 
posaient d'une chambre unique, n'ayant d'autre ouver- 
ture que la porte. Le signe hiéroglyphique qui désigne 



la maison, n, donne une juste idée de cette simpli- 
cité. Chez les plus aisés, l'unique chambre était plus vaste 
et l'on y dressait un ou plusieurs troncs d'arbres pour 

étayer le plafond. Un autre signe hiéroglyphique, ||| 
montre une construction étayée par un tronc d'arbre 
fourchu. Dans les villes, les maisons bourgeoises, assez 
petites d'ailleurs, étaient construites en briques. Elles se 
composaient de plusieurs chambres, voûtées ou recou- 
vertes d'un toit plat, et communiquant par des portes 
ordinairement cintrées. Quelques-unes atteignaient deux 
ou trois étages (fig. 179). Toutes étaient munies d'une 




179. — Maisons égyptiennes. 

D'après Boussac, Le tombeau A' Anna, dans les Mémoires de la 

mission française du Caire, 1896, t. xvm, fasc. 1, pi. xi. 

terrasse, sur laquelle on se tenait une bonne partie du 
temps, spécialement les nuits d'été pour y dormir en 
plein air. Le logis abritait à la fois la famille, les ani- 
maux, les provisions, et tous les objets qui constituaient 
l'avoir des propriétaires de la maison. On cachait avec 
soin ce qu'on possédait de plus précieux. Les collecteurs 
d'impôts, et les voleurs, quand ils le pouvaient, ne se 
privaient pas de sonder les murs, d'éventrer les plafonds 
et de défoncer le sol de l'habitation pour y trouver le 
trésor. A l'intérieur des chambres, le crépi de boue 
gardait habituellement sa teinte grise. D'autres fois on 
couvrait les murs d'une couche de chaux, de rouge ou 
de jaune, et même on les ornait de représentations plus 
ou moins artistiques. Cf. Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient, t. i, 1895, p. ,53, 316-319. C'est 
dans des maisons de ce genre, appropriées au climat 
du pays, mais de la construction la plus simple, que les 
Hébreux habitèrent durant leur long séjour dans la 
terre de Gessen. 

2° Chez les Chaldéens. — A l'époque de la captivité, 
les Israélites durent retourner dans le pays dont ils 
étaient originaires. Jérémie, xxix, 4, leur dit : « Bâtis- 
sez des maisons et habitez-les. » Ils s'établirent donc en 
Babylonie et dans les contrées environnantes; beaucoup 
même y restèrent fixés après l'époque du retour. Les 
maisons qu'ils occupèrent ou qu'ils bâtirent étaient 




180. — Maison chaldéenne à Ur des Chaldéens. 

D'après Taylor, Notes on the ruina of Mugayer, 

dans le Journal of the royal Asiatic Society, t. xv, p. 266., 

basses, construites en briques crues, souvent surmon- 
tées d'une espèce de dôme conique, suivant la coutume 
du pays. Les maisons chaldéennes qu'on a découvertes 
en divers endroits sont en bonnes briques, séparées par 
une mince couche de bitume (fig. 180). Elles n'ont qu'une 
porte surbaissée et cintrée, avec quelques lucarnes per- 



589 



MAISON 



590 



cées irrégulièrement vers le haut des murs. Lès cham- 
bres intérieures sont tantôt voûtées, et tantôt couvertes 
d'un plafond soutenu par des troncs de palmier. Dans 
les murs très épais sont pratiquées des niches étroites. 
Comme en Egypte, on vivait beaucoup sur le toit des 
maisons. Dans les maisons plus riches, on ménageait 
une salle basse où l'on cherchait à entretenir la fraîcheur. 
C. Perrot, Hist. de l'art dans l'antiquité, t. n, 163, 448, 
449; Maspero, Hist. ancienne, 1. 1, p. 745, 746. L'histoire 
de Susanne montre qu'à Babylone même certains Israé- 
lites avaient su se ménager des demeures spacieuses, 
capables de recevoir un bon nombre de personnes et 
pourvues d'un assez grand jardin. Dan., xm, 4, 6. 

3» Chez les Hébreux. — 1. En arrivant dans le pays 
de Chanaan, les Hébreux furent mis en possession de 
grandes et bonnes villes et de maisons qu'ils n'avaient 
pas bâties. Deut., VI, 10. Pour construire les autres 
maisons dont ils avaient besoin, ils employèrent les 
matériaux qu'ils avaient à leur portée, soit les pierres 
dans la partie montagneuse du pays, soit, dans les 
plaines, l'argile dont ils faisaient des briques cuites ou 
plus ordinairement séchées au soleil; quelquefois les 
murailles n'étaient que d'argile mêlée de paille. Aussi 
les voleurs avaient-ils toute facilité pour les percer sans 
bruit et s'introduire à l'intérieur pendant la nuit, quand 
les habitants n'étaient pas sur leurs gardes. Matth., 
xxiv, 43; Luc, xil, 39. Pour les maisons plus impor- 
tantes, surtout dans les villes, on employait la pierre 
taillée et le bois. Is., rx, 9; Hab., .. h, 11. Les maisons 
ordinaires avaient l'apparence d'un gros cube régulier 
et blanchi à la chaux. L'intérieur ne formait qu'une 
seule pièce, sans autre ouverture que la porte, par la- 
quelle entraient l'air et la lumière, celle-ci assez peu 
abondante pour qu'on fût obligé d'allumer une lampe 
si l'on voulait chercher une menue monnaie perdue. 
Luc, xv, 8. Quelques niches étaient ménagées dans la 
muraille pour y poser la lampe ou divers objets. Cf. Le 
Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, 
t. ii, p. 98. Sur le mobilier qui se trouvait ordinairement 
à l'intérieur, voir Meubles. — 2. Les maisons n'avaient 
presque toujours qu'un étage. Le toit se composait d'une 
plate-forme ou terrasse, construite avec des dalles ou 
de larges tuiles posées sur des solives. On y accédait 
par un escalier extérieur, s'élevant en maçonnerie 
pleine le long d'un des murs de la maison. Ces sortes 
de terrasses, analogues à celles des maisons égyptiennes 
(fig. 181) et chaldéennes, existaient déjà du temps des 
Chananéens. Jos., il, 6-8, 15. La loi ordonnait aux 
Hébreux d'entourer d'une balustrade les terrasses qu'ils 
construiraient afin d'empêcher les chutes. Deut., xm, 
8. Un pareil genre de toiture n'avait pas d'inconvénient 
pendant l'été. Il en était autrement à la saison des 
pluies. Le toit laissait souvent goutter l'eau de la ma- 
nière la plus désagréable. Prov., xix, 13; xxvii, 15. Cette 
disposition de la maison hébraïque explique l'histoire 
de la guérison du paralytique de Capharnaûm. A cause 
de la chaleur du jour, Notre-Seigneur enseignait à l'in- 
térieur d'une de ces maisons qui avaient des salles plus 
vastes, comme celles dans lesquelles on faisait des fes- 
tins. Matth., ix, 10; Marc, h, 15; Luc, v, 29. Les por- 
teurs du paralytique, ne pouvant entrer dans la maison 
encombrée par la foule, montèrent le malade par 
l'escalier extérieur, enlevèrent des tuiles et des solives 
de manière à pratiquer une ouverture suffisante et, par 
là, descendirent le paralytique avec son lit. Marc, u, 
4; Luc, v, 18,19. La terrasse servait à des usages mul- 
tiples. On s'y retirait pour prier, Act., x, 9, converser, 
prendre l'air, II Reg., xi, 2, dormir la nuit, se mettre à 
l'abri des importuns dans la tristesse et le deuil. Prov., 
xxi, 9; xxv, 24; Tob., ni, 10. De là-haut, il était facile de 
s'adresser aux passants, II Reg., xvi, 23; Matth., x, 27; 
Luc, xii, 3. et de voir ce qui arrivait dans les rues. 
Is., xxii, 1. Il fallait quelques précautions et un certain 



temps pour descendre l'escalier. Matth., xxrv, 17; Marc, 
xm, 15; Luc, xvii, 31. On pouvait se sauver de la ter- 
rasse au moyen de cordes. Jos., il, 15. Pendant la saison 
chaude, on dressait souvent une tente sur ce toit; à 
la fête des Tabernacles, on y élevait des cabanes de 
feuillages dans lesquelles on vivait pendant huit jours. 
II Esd., vin, 16. La maison était assez fréquemment 
précédée ou entourée d'une cour, à laquelle un mur 
servait de clôture. On se faisait parfois enterrer dans 
ces dépendances de la maison. I Reg., xxv, 1; III Reg., 
u, 34; IV Reg., xxi, 18. — 3. Dans les villes, les mai- 
sons avaient plus d'importance. Elles étaient assez sou- 
vent bâties en pierre et comportaient plusieurs étages. 
A Jérusalem, le défaut de place obligeait à appuyer les 
maisons les unes contre les autres au-dessus des rues 
(fig. 182), ce qui faisait l'admiration des pèlerins juifs. Ils 
disaient, dans l'un des Psaumes graduels : « Jérusalem, 








181. — Modèle d'une petite maison égyptienne, faisant voir la cour 
et la chambre haute. British Muséum. D'après Wilkinson, The 
Manners and Customs of the ancient Egyptians, 2" édit., 
t. i, p. 35t. 

bâtie comme une ville dont les parties se tiennent 
ensemble. » Ps. cxxu (cxxi), 3. Cf. Is., v, 8. L'étage 
situé au-dessous de la terrasse formait une chambre 
haute. Quelquefois cette chambre haute était constituée 
par la terrasse même (fig. 183) entourée d'un treillage et 
recouverte d'une tente. Cette chambre s'appelle 'âlîydh, 
àvayaiov, ûitEpwov, cœnaculum, solarium. Jud., m, 20, 
23, 25; III Reg., xvn, 19-23; IV Reg., i, 2; xxm, 12; 
Jer., xxil, 13. C'est dans une chambre hauts que Notre- 
Seigneur fit la dernière Cène, Marc, xvi, 15; Luc, 
xxn, 12; que le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres, 
Act., i, 13; que saint Pierre ressuscita Tabitha, à Joppé, 
Act., ix, 39, que saint Paul prêcha à Troade. Act., xx, 
8, etc. Dans les maisons plus importantes, une ser- 
vante était chargée d'ouvrir la porte. Act., xii, 13-15. 
Les personnages riches avaient maison d'été et maison 
d'hiyer. Jer., xxxvi, 22; Am., m, 15. Ces maisons 
étaient parfois des palais luxueusement ornés. Voir 
Palais. Une maison d'ivoire était une maison décorée 
intérieurement de placages et de sculptures en ivoire. 
Ps. xliv (xlv), 9; III Reg., xxn, 39. Voir Ivoibe, t. m, 
col. 1044. Sur les lambrissages intérieurs en bois de 
différentes sortes, voir Lambris, col. 40. — 4. Les 
propriétaires d'une maison pouvaient la louer à d'autres 
pour un temps. Il était permis de vendre une maison ; 
mais elle revenait au propriétaire primitif l'année du 
jubilé. Quant à celles qui se trouvaient dans des villes 
pourvues de murailles au temps de Josué, la vente en 
était définitive si le premier propriétaire ne l'avait pas 



591 



MAISON 



rachetée dans l'année. Lév., xxv, 29-30. On ne permettait 
pas de démolir une maison pour faire un iardin sur son 




182. — Hue couverte à Jérusalem. D'après une photographie. 

emplacement, afin de ne pas diminuer le nombre des 
habitants. Cf. Iken, Antiquitates sacras, Brème, 1741, 
p. 537-540. — 5. Sur les différentes parties composantes 



t. ii, col. 2202; Grenier, t. m, col. 346; Jardin, t. m, 
col. 1134; Latrines, t. iv, col. 125; Porte; Salle a 
manger; Toit. Cf. Jahn, Archseologia biblica, dans le 
Cursus complet. Script. Sacr., de Migne, Paris, 1852, 
t. Il, col. 847^54. Les cavernes, naturelles ou artificielles, 
ont aussi servi de tout temps d'habitation en Palestine. 
Voir Caverne, t. h, col. 354. 

4° Chez les Grecs et les Romains. — 1. La maison 
grecque occupait l'emplacement d'un rectangle allongé. 
Au milieu d'un des petits côtés s'ouvrait la porte, 
donnant accès dans un vestibule ou passage d'entrée 
avec des pièces de service à droite et à gauche. Venait 
ensuite une cour, entourée d'un péristyle, avec des 
chambres tout autour. C'était la partie de la maison 
destinée aux hommes. Un passage central donnait accès 
de cette première cour dans une autre, qui avait aussi 
son péristyle et son entourage de chambres et de dépen- 
dances. Cette seconde partie de la maison était réservée 
aux femmes. Au fond enfin était le jardin. Cette dispo- 
sition générale variait dans le détail, selon la richesse 
de la famille. Les maisons grecques avaient presque 
toujours un premier étage, que la famille occupait et 
auquel elle accédait par un escalier intérieur. D'autres 
fois on louait cet étage à des étrangers, et, en pareil 
cas, des escaliers y menaient directement de la rue. Ces 
maisons étaient décorées plus ou moins magnifiquement. 
Les pauvres gens habitaient de misérables logements, 
composés d'une ou de deux petites pièces et quelquefois 
d'une troisième à l'étage supérieur, avec escalier inté- 
rieur. Lès chambres du premier se louaient aussi sépa- 
rément, mais alors étaient desservies par un escalier 
venant du dehors. Cf. Monceaux, dans le Dict. des antiq. 
grecques et romaines de Deremberg et Saglio, t. H, 
p. 343-346. Saint Paul eut à habiter des maisons grecques, 
dans des conditions assez différentes, à Phihppes, chez, 
Lydie, Act., xvi, 15, à Thessalonique, chez Jason, Act., 
xvn,5-7,à Athènes,Act.,xvn,16, à Corinthe. chez Aquila. 
et Priscille. Act., xvm, 2, 3. etc. — 2. La maison ro- 
maine se composait primitivement d'une enceinte for- 
mée d'un mur carrée ou rectangulaire, dans laquelle on 
pénétrait par une porte donnant directement sur la rue. 
L'intérieur était appelé atrium. Un toit régnait le long 




183. — Maison antique du Hauran avec chambre haute. 
D'après de Vogué, Syrie centrale, t. u, p. 52, xu, n. 2. 



d'une habitation hébraïque, voir Bain, t. i, col. 1387; 
Cellier, t. n, col. 396; Cénacle, t. n, col. 399; Chambre 
a coucher, t. n, col. 516; Cheminée, t. n, col. 650; Ci- 
ierne, t. il, col. 787; Cuisine, t. u, col. 1146; Fenêtre, 



des quatre murs et inclinait vers le centre; une large- 
ouverture rectangulaire, le compluvium, déversait les. 
eaux dans un bassin central ou impluvium. C'est dans- 
cet intérieur que toute la famille vivait en commun. 



593 



MAISON — MAISON DU BOIS-LIBAN 



"M 



Avec le temps, la maison romaine se développa. Voici 
en quel état apparaît, à Pompéi, la maison de Pansa 
(fig. 184) : Il y a d'abord l'entrée, ostium, suivie d'un 
vestibule, donnant accès dans Yairium; celui-ci est 
entouré de chambres destinées à divers usages, avec 



vmm^^myg&m 




184. — Maison de Pansa à Pompéi. 
D'après Mazois, Les ruines de Pompéi, t. H, pi. xli-xlh. 

Vimpluvium au milieu. Aulond, se trouve Je tablinum, 
pièce fermée par un rideau, avec deux autres pièces de 
réception de chaque côté. C'est dans ces pièces que le 
maître de la maison disposait ce qu'il avait de plus 
honorable et de plus digne d'être montré à ses hôtes. 
Un passage ménagé entre le tablinum et une ou deux 
des chambres latérales menait à une cour ou peristy- 
lium, entourée de chambres, munie d'un toit comme 
celui de l'atrium, et ayant au milieu un bassin rectan- 
gulaire, piscina, de dimensions plus grandes que celles 



de l'impluvium. Une des chambres latérales, plus spa- 
cieuse, servait de salle à manger ou triclinium. Le 
bassin était parfois entouré d'un viridarium ou jardin 
dont les ombrages s'étendaient sous les galeries. Au 
fond du péristyle, une grande pièce appelée cecus (oî»oç, 
maison) formait un grand salon surélevé de quelques 
marches, ayant vue par de larges baies sur un grand 
jardin qui occupait tout le fond de la maison. Dans ce 
jardin s'abritaient la cuisine et le cellier. Autour de la 
maison et n'ayant ouverture que sur la rue sont des 
boutiques et des chambres qui se louaient. Il y avait 
assez souvent un étage supérieur occupé par les gens 
de la maison ou mis en location, et aussi une ferrasse, 
solarium, sur laquelle on prenait le frais. Les pauvres 
logeaient dans des maisons collectives, dans lesquelles 
ils prenaient à loyer une ou deux chambres étroites, 
quelquefois garnies des meubles indispensables. Cf. Rich, 
Dict. des antiq. romaines et grecques, trad. Chéruel, 
Paris, 1873, p. 235-238 ; Garnier et Ammann, L'habita- 
tion humaine, Paris, 1890, p. 517-564. A Rome, les 
premiers chrétiens connurent ces différentes espèces de 
maisons. Saint Paul y loua même un logement dans 
lequel il resta pendant deux ans. Act., xxvm, 30. 

II. Lesêtre. 

2. MAISON DE POUSSIÈRE (hébreu Bêt le'afrâh; 
Septante : oraoç xaTa Y^wta ô|i<ôv ; Vulgate : Domus 
Pulveris), localité de Palestine nommée dans Michée, i, 10, 
et dont la version latine a traduit le nom. Voir Aphrah 
et Beth-Leaphrah, t. i, col. 735, 1688. 

3. MAISON DES FORTS (hébreu : Bê( hag-gibbôrîm ; 
Septante : B(i9aYY«P'|J- » Vulgate : Domus forlium), maison 
de Jérusalem mentionnée dans le livre de Néhémie. Le 
chef de la moitié du quartier de Bethsur, Néhémie, fils 
d'Azboc, lors de la reconstruction des murs de la capi- 
tale de la Judée, rebâtit une partie des murailles du sud 
de la ville jusqu'à la maison des Forts. II Esd., m, 16. 
Ces « forts » sont la traduction du mot hébreu gibbôrîm. 
Dans l'histoire de David, ce nom de gibbôrîm désigne 
les guerriers qui, s'étant attachés à sa fortune, se dis- 
tinguèrent par leur vaillance et leur intrépidité. Voir 
Armée, h, 3», t. i, col. 973. Quelque souvenir de ces 
gibbôrîm se rattachait-il à la maison mentionnée dans 
II Esd., m, 16? On ne peut ni l'affirmer ni le nier. 

4. MAISON DU BOIS-LIBAN (hébreu : bêf ya'ar 
hal-lebdnon; Septante : oi'-xoç épurai toC Aiêâvou; Vul- 
gate : domus saltus Libani), l'un des palais bâtis à 
Jérusalem par le roi Salomon. Il est certain que le roi 
avait élevé des constructions en différents lieux de son 
royaume et particulièrement dans le Liban. 111 Reg., 
îx, 19; Cant., vu, 5. Mais la maison du Bois-Liban, à 
raison de la place qu'occupe sa description, III Reg., 
vu, 1-7, ne peut être que l'une des constructions royales 
bâties dans la capitale et à proximité du Temple. Cf. 
Ezech., xi.ui, 8; II Esd., m, 25. 

I. Son emplacement. — Cette maison occupait, ainsi 
que les autres palais de Salomon, la colline d'Ophel, au 
sud-est du Temple. Voir Jérusalem, t. ni, col'. 1354- 
1357. Elle faisait partie d'un ensemble de constructions 
qu'énumère le livre sacré et qui étaient probablement 
espacées sur un terrain entouré d'une muraille. Les 
palais égyptiens se composaient d'une suite de pavillons 
disséminés dans des jardins protégés par des murs 
élevés. Cf. Lenormant, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient, Paris, 1887, t. m, p. 393. Il est assez à croire 
que Salomon, pour plaire à la fille du roi d'Egypte de- 
venue son épouse, chercha à reproduire sur la plate- 
forme de la colline d'Ophel quelque chose de ce qui se 
faisait sur les bords du Nil. Cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, 
v, 2. Trois constructions principales sont donc mention- 
nées : la maison du Bois-Liban, Ja maison d'habitation 
de Salomon dans une cour différente et enfin la maison 



595 



MAISON DU BOIS-LIBAN 



596 



destinée à la reine. III fieg., vil, 2, 8. Trois groupes de 
bâtiments analogues se trouvaient dans les palais égyp- 
tiens : on y voyait le grand bâtiment dans lequel se 
tenaient les réunions officielles, les appartements privés 
du roi et enfin le harem ou habitation de la reine et 
des femmes secondaires. Cl. Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient, Paris, t. i, 1895, p.. 276. 

II. Description. — 1° D'après le texte hébreu, la 
maison du Bois-Liban était « longue de cent coudées 
{52 m 50, en supposant qu'il est ici question de la coudée 
du Temple, voir Coudée, t. n, col. 1064), large de 
cinquante coudées (26 m 25) et haute de trente coudées 
(15 I "75).^Elle était sur quatre rangs de colonnes de 
cèdre et il y avait des poutres de cèdre sur les colonnes. 
On revêtit de cèdre les chambres soutenues par les 
colonnes et qui étaient au nombre de quarante-cinq, 
quinze par étage. Il y avait trois étages avec des fenêtres 
vis-à-vis les unes des autres. Toutes les portes et tous 
les poteaux étaient carrés, les charpentes en face l'une 



(4 m 20 ou 5 ra 25) formaient les fondations, II E Reg., vn, 10, 
et probablement aussi un sol surélevé de quelques 
marches qui servait de base à la contruction. Le rez-de- 
chaussée se composait d'une seule salle hypostyle, avec 
quatre rangs parallèles de colonnes. Les deux rangs 
extrêmes étaient-ils engagés dans la muraille, de 
manière à former trois nefs de 8 m 75 de largeur, ou 
bien en étaient-ils éloignés, de manière à former cinq 
nefs de 5 m 25 de largeur ? Le texte n'en dit rien ; il ne 
permet même pas de savoir si les mesures indiquées 
sont prises au dehors ou à l'intérieur. En toute hypo- 
thèse, il était facile d'obtenir des poutres de cèdre ayant 
9 mètres de portée. Cette salle du rez-de-chaussée, 
plafonnée de cèdre, supportait trois étages de chambres. 
Ces chambres étaient au nombre de quarante-cinq, 
quinze par étage. Cette indication se conçoit mieux 
que celle des Septante, qui parlent de quarante-cinq 
colonnes. • Comment les quinze chambres de chaque 
étage se trouvaient-elles disposées? 11 y en avait 




185. — Salle à colonnes dans une maison de la XII* dynastie égyptienne à Ghorab. 
D'après Flinders Pétrie, Illahum, Kahun and Garob, pi. xvi, 3. 



de l'autre ». — 2° D'après les Septante, « sa longueur 
était de cent coudées, sa largeur de cinquante et sa 
hauteur de trente. Il y avait trois rangs de colonnes de 
«èdre et des traverses de cèdre aux colonnes. Il lam- 
brissa la maison par en haut sur les côtés des colonnes. 
Le nombre des colonnes était ^le quarante-cinq; la 
rangée et les trois plafonds (ou étages) et l'emplacement 
en face de l'emplacement (se répétaient) trois fois. 
Toutes les portes et tous les emplacements étaient en 
poutres carrées, et trois fois (il y avait) porte en face de ' 
porte. » La Vulgate mentionne quatre rangs de colonnes, 
comme le texte hébreu, tandis que les Septante en comp- 
tent seulement trois. —3» Josèphe, Anl. jud., VIII, v, 2, 
donne d'autres détails connus sans doute par tradition, 
la maison du Bois-Liban n'existant certainement plus 
de son temps. Il indique les mêmes dimensions, ajoute 
que les colonnes étaient carrées et toutes en cèdre, mais 
que le toit avait la forme corinthienne, avec des mon- 
tants égaux et des panneaux à triglyphes assurant à la 
fois la solidité et l'élégance de l'édifice. — 4° A l'aide 
de ces données, voici comment on peut concevoir l'agen- 
cement de la maison du Bois-Liban. Elle avait la forme 
rectangulaire, suivant les dimensions indiquées par les 
textes. L'édifice n'était pas tout entier construit en bois. 
Toutes les constructions des palais de Salomon étaient 
en pierres de choix, taillées à l'avance sur mesure et 
soigneusement polies sur les deux faces qui devaient 
rester apparentes, soit au dehors soit à l'intérieur. 
III fieg., vu, 9. Des pierres de huit ou dix coudées 



probablement sept de chaque côté, dans le sens de la 
longueur, et une autre au fond de la nef centrale et à 
l'opposé de la principale porte d'entrée. Le parallélisme 
des portes et des fenêtres, sur lequel insiste le texte, 
s'explique aisément si les chambres ont une ouverture 
dans le mur extérieur et une autre sur la nef intérieure, 
faisant office de cour. Il faut supposer de plus des 
escaliers pour accéder aux étages et, selon toute vrai- 
semblance, une galerie courant à l'intérieur le long de 
chaque étage pour desservir les chambres. La hauteur 
totale de l'édifice étant de 15 m 75, les trois étages 
devaient être assez bas. En supposant à chacun d'eux 
une hauteur totale de 3 mètres, i] resterait encore une 
hauteur de 6 M 75 pour la salle hypostyle, au moins 
pour ses nefs latérales, la nef centrale restant apparem- 
ment sans couverture. L'idée de la maison du Bois- 
Liban fut sans doute inspirée à Salomon par le désir 
d'imiter ce qui se faisait en Egypte. Les grands s'y 
faisaient élever des salles d'apparat éclairées au centre 
par une baie carrée et soutenues par des rangées de 
colonnes en bois. A Ghorab, on en a retrouvé une qui 
remonte à la XII e dynastie (fig. 185). Les pharaons avaient 
aussi dans leurs palais de grandes salles supportées 
par des rangées de colonnes en bois précieux et peintes 
en couleurs vives. Ces salles servaient à rendre la 
justice et à recevoir des assemblées nombreuses rénnies- 
pour les affaires ou les plaisirs. Ramsès III en avait 
une de ce genre dans son palais d'Amon. Cf. Papyrus 
Uan-is, n» 4, pi. rv, lig. 11, 12; Maspero, Histoire 



597 



MAISON DU BOIS-LIBAN — MAL 



598 



ancienne, t. i, p. 276, 317. On ne peut cependant faire 
que des conjectures sur l'agencement de l'édifice de 
Salomon. Toujours est-il qu'il y eut là une œuvre de 
charpente assez compliquée et qu'il ne fallut rien moins 
que l'habileté professionnelle des ouvriers phéniciens 
pour la mener à bien. 

III. La destination. — 1» La salle du rez-de-chaussée 
a dû servir de lieu de réunion pour des assemblées 
assez considérables, comme celle qui est mentionnée 
111 Reg., vin, 1, 2. Le texte sacré indique, comme 
contigus à la maison du Bois-Liban, un portique de 
colonnes, long de cinquante coudées (26 m 25) et large 
de trente (15™75), puis un autre portique en avant, 
avec des colonnes et des degrés, et ensuite le portique 
du trône et celui de la justice, ces deux derniers n'en 
faisant probablement qu'un. III Reg., vu, 6, 7. Josèphe, 
Ant. jud., VIII, v, 2, place la salle du trône, qu'il 
identifie avec celle du tribunal 1 , entre la maison du Bois- 
Liban et le Temple. Il est possible qu'en certains cas la 
salle hypostyle soit devenue comme un vaste vestibule 
dans lequel on s'arrêtait avant de passer dans la salle 
du trône. — 2° Quant aux chambres des trois étages 
supérieurs, elles n'ont pas été faites pour être habitées. 
C'étaient plutôt des sortes de magasins destinés à ren- 
fermer des objets de prix, le trésor royal, des armes, 
etc. C'est là que furent conservés les cinq cents grands 
boucliers d'or que Salomon se fit fabriqvier. III Reg., 
x, 16. A l'époque d'Isaïe, les armures étaient encore 
déposées dans la « maison du Bois », bêt hay-yâ'ar, 
Is., XXII, 8; c'est aussi là très vraisemblablement que 
le roi Ezéchias introduisit si complaisamment les envoyés 
de Mérodach Baladan, pour leur faire admirer son arse- 
nal et son trésor. Is., xxxix, 2. Suivant la parole du 
prophète, le contenu de ce bâtiment royal devint la 
proie des envahisseurs, Is., xxxix, 6, et la maison 
<lu Bois-Liban fut brûlée par les Chaldéens avec tous 
les autres palais royaux. Jer., xxxix, 8. — Cf. Wilson, 
The Recovery of Jérusalem, Londres, 1871, p. 319- 
326; V. Guérin, Jérusalem, Paris, 1889, p. 231, 232; 
Perrot, Histoire de l'art dans l'antiquité, t. iv, p. 401- 
408; Meignan, Salomon, Paris, 1890, p. 146, 147. 

H. Lesètre. 

1. MAITRE, MAITRESSE (hébreu : 'âdôn, ba'al; 
Septante: xOpioç; Vulgate : dominus; au féminin : 
ba'aldh, xvpiot, domina), celui ou celle qui possède des 
esclaves, des serviteurs ou des servantes. — 1° Diiférents 
personnages portent le titre de « maître » par rapport 
aux serviteurs ou aux esclaves qui sont à leurs ordres. 
Tels sont Abraham, Gen., xxiv, 9-65; Putiphar, par 
rapport à Joseph, Gen., xxxix, 2-19; Joseph lui-même, 
Gen., xliv, 5; Aod, Jud., m, 25; Saûl, I Reg., xvi, 16; 
Jonathas, I Reg., xx, 38; David, II Reg., xi, 9-13; 
111 Reg., i, 47; Elisée, IV Reg., v, 22, 25, etc. Plusieurs 
femmes sont appelées « maîtresses » au même titre : 
Agar, Gen., xvi, 4-9; l'épouse de Putiphar, Gen., xxxix, 
7; celle de Naaman, IV Reg., v, 3; Esther, Esth., xv, 
7, etc. — 2» Les devoirs des maîtres vis-à-vis dé leurs 
esclaves sontréglés par la loi mosaïque. Exod., xxr, 4-8; 
Deut., xxin, 15. Voir Esclavage, t. n, col. 1919, 1920, 
Parfois cependant beaucoup d'esclaves trouvaient trop 
dur le joug de leur maître et s'enfuyaient. I Reg., xxv, 
10. Chez les étrangers, le maître abandonnait facilement 
son esclave devenu malade. I Reg., xxx, 13, 15. Les 
esclaves fidèles honoraient leurs maîtres, Mal., I, 6; 
serviteurs ou servantes avaient les yeux sur les mains 
de leur maître ou de leur maîtresse pour obéir au 
moindre signe. Ps. cxxm (cxxn), 2. Cf. Is., xxiv, 2. 
L'esclave qui héritait de sa maltresse devenait souvent 
intraitable. Prov., xxx, 23.-3° Dans l'Évangile, le 
maître est plusieurs fois mis en scène par Notre-Sei- 
gneur.. Le maître fait vendre le serviteur infidèle, 
Matth., xvni, 25-34; il trouve ses esclaves fidèles veil- 
lant pour l'attendre la nuit, Matth., xxrv, 45-50; 



Marc, xiii, 25; Luc, xn, 36-47; il leur remet des talents 
à faire valoir, Matth., xxv, 11-24; Luc, xix, 16-25, les 
envoie chercher ses invités, Luc, xiv, 21-23, mais cepen- 
dant ne leur confie pas tous ses secrets. Joa., xv, 15. L'es- 
clave n'est pas au-dessus du maître, mais il doit tendre 
à lui ressembler. Matth., x, 24, 25 ; Joa., xm, 16; xv, 20. 
On ne peut pas servir deux maîtres à la fois, surtout 
quand ils sont de caractère absolument opposé. 
Matth., vi, 24; Luc, xvi, 3-13. — 4» Saint Paul recom- 
mande aux maîtres chrétiens d'être bons et justes. 
Eph., vi, 9; Col., iv, 1. Les esclaves et les serviteurs 
leur doivent honneur, I Tim., vi, 1, 2, et obéissance. 
Eph., vi, 5; Col., m, 22; Tit, n, 9. Beaucoup d'esclaves 
chrétiens étaient au pouvoir de maîtres païens; saint 
Pierre leur prescrit d'être soumis non seulement aux 
maîtres bons et doux, mais même à ceux qui itaient 
d'humeur difficile. I Pet., Il, 18. — 5° A Philippes, 
saint Paul fut poursuivi par une esclave qui avait un 
esprit de divination et que ses maîtres exploitaient. 
L'Apôtre la guérit. Act., xvi, 16-19. H. Lesètre. 

2. maître D'HOTEL. Voir Architriclinus, t. i, 
col. 935. 

MAL. — I. Mal moral (hébreu : ra', râ'dh, Hâve' ; 
Septante : tô Ttorijp'h, to xaxôv; Vulgate : malum), acte 
contraire à la volonté de Dieu, accompli par un être 
intelligent et libre. Sous sa forme concrète et ordinaire, 
le mal moral prend le nom de péché. Voir Péché. 

I. son origine. — 1° Le mal moral fait sa première 
apparition au paradis terrestre. Il y avait là un arbre que 
Dieu appelle lui-même « l'arbre de la science du bien 
et du mal ». Gen., h, 9, 17. Il est à peine besoin de 
remarquer que l'auteur du récit sacré n'est pas tombé 
dans le fétichisme grossier qui consisterait à attribuer 
à cet arbre la production du bien et du mal. Il n'est 
d'ailleurs pas question d'arbre du bien et du mal, mais 
d'arbre « de la science du bien et du mal ». Cette science 
n'est pas communiquée à l'homme directement par 
l'arbre, comme par une sorte de sacrement. L'homme 
ne l'acquiert qu'à l'occasion de l'arbre, par suite d'un 
choix volontaire dont il est si bien responsable, que 
Dieu lui dit : « Le jour où tu en mangeras, tu mourras. » 
Gen., n, 17. La science du bien et du mal est pour 
l'homme, d'après l'ensemble du récit, non pas la con- 
naissance théorique du bien et du mal ainsi que de 
leur distinction, mais la connaissance expérimentale 
du mal opposé au bien, que l'homme devait acquérir 
en touchant au fruit de l'arbre. Voir Arbres de la vie 

ET DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL, t. I, Col. 896. — 2° La 

Sainte Écriture ne dit pas si, laissé à lui-même sous 
l'empire de la grâce de Dieu, l'homme eût enfreint la 
défense qui lui était faite. Il est théoriquement possible 
que l'infraction se fût produite, puisque l'homme était 
à la fois imparfait par sa nature et doué de liberté, par 
conséquent peccable. En fait, le mal moral n'a atteint 
l'âme de l'homme qu'à l'instigation d'un autre être qui 
connaissait déjà ce mal et qui avait quelque raison pour 
le communiquer à l'homme. Le serpent qui s'adressa à 
la femme n'était pas un simple animal. Dans l'être sans 
raison se, cachait un être intelligent et perfide, que le 
texte de là'Genèse laisse à dessein dans l'ombre, sans 
doute pour ne pas suggérer aux anciens Hébreux l'idée 
d'une puissance adverse capable de contrarier d'une 
manière si mystérieuse et si efficace les desseins de 
Dieu. On sait que les fondateurs de la religion de 
Zoroastre étaient tombés dans cette grossière erreur 
d'admettre en face du dieu bon et suprême, Ormnzd, 
un dieu du mal presque aussi puissant, Ahrimàn, voir 
Mages, col. 544, et que dans toutes les autres reli- 
gions idolâtriques le mal était représenté par des divi- 
nités souvent plus invoquées qne les divinités du bien. 
L'être caché dans le serpent est qualifié dans des textes 



599 



MAL 



600 



subséquents : c'est le démon, Satan. « C'est par l'envie 
du diable que la mort est entrée dans le monde, » 
Sap., il, 24, par conséquent aussi le mal moral dont la 
mort n'est que le salaire. Rom., VI, 23. Notre-Seigneur 
dit que le diable « a été homicide dès le commencement », 
Joa., vin, 44, et saint Jean le nomme « le grand dragon, 
le serpent ancien, appelé le diable et Satan». Apoc, xn, 
9. Ce fut donc l'ange déchu qui fut l'instigateur du mal 
moral dans l'homme. — 3" Avant l'homme, Satan et les 
anges déchus étaient tombés eux-mêmes dans le mal 
moral. La Sainte Écriture suppose le fait, mais sans en 
indiquer la cause. Voir Anges, t. i, col. 583. Créatures 
libres, intelligentes, mais nécessairement imparfaites et 
bornées, bien que supérieures à l'homme, les anges 
avaient donc été peccables eux aussi, et un certain 
nombre d'entre eux avaient passé de la possibilité du 
mal moral à son exécution. La possibilité du mal moral 
est en effet inhérente à l'état même de la créature in- 
telligente et libre, tant que Dieu ne l'a pas fixée dans le 
bien. Cf. S. Thomas, Summa cont. gentil., Il, 48; m, 10. 
— 4° Pour entraîner la créature humaine dans le mal 
moral, Satan procéda avec cette ruse que le texte sacré 
attribue au serpent. Gen., m, 1. Il s'adressa à la femme, 
plus faible que l'homme, commença par lui poser une 
simple question, puis la trompa en lui affirmant for- 
mellement le contraire de ce que Dieu avait dit. La 
femme réfléchit à l'assurance qui venait de lui être 
donnée; elle contempla le fruit, qui lui parut séduisant, 
se persuada qu'il était capable de lui faire distinguer le 
bien et le mal, puis enfin en mangea. Elle en donna 
ensuite à l'homme, qui partagea probablement sa per- 
suasion et en mangea à son tour. Gen., m, 1-6. Le mal 
moral entrait ainsi dans l'âme de l'homme sous la triple 
forme de l'orgueil, de la désobéissance et de la sensua- 
lité. Voir Péché originel. 

il la concupiscence. — 1» A partir du moment où 
elle succomba à la première tentation, l'âme de l'homme 
contracta un penchant funeste pour le mal moral. De 
là le trouble immédiat des premiers parents, initiés par 
leur faute à la connaissance expérimentale de ce mal. 
Gen., ni, 7, 10, 11. Caïn à son tour ressentit ce trouble 
lorsque, à cause de l'insuffisance des sentiments intérieurs 
qui accompagnaient ses offrandes, il comprit que Dieu 
n'agréait par ses dons et s'emporta violemment. Dieu 
lui dit alors : « Pourquoi cette irritation ? Pourquoi cet 
abattement de ton visage? Si tu fais bien, tu porteras 
le front haut; mais si tu fais mal, c'est le péché qui se 
couche à ta porte; ses désirs se portent vers toi, mais 
toi, domine sur lui. » Gen., iv, 6, 7. Dans ce texte, le 
mal est personnifié comme "un être malfaisant qu'un 
premier consentement rapproche de l'âme humaine 
avec laquelle il tend à s'unir. Mais l'homme a la puis- 
sance de lui résister et de le dominer. Dieu ne dit pas 
à Caïn que cette domination n'est ordinairement possible 
et assurée qu'à l'aide d'un secours surnaturel; mais il 
affirme la possibilité et l'obligation de cette domination, et 
c'est là l'essentiel. L'homme n'est donc pas en butte à 
une concupiscence invincible. — 2° Saint Jacques rappelle 
la même doctrine sous une image analogue quand il 
écrit : « Vis-à-vis des choses mauvaises, Dieu est hors 
d'atteinte (âicsépa<rro;), et lui-même ne tente personne. 
Mais chacun est tenté lorsqu'il est attiré et alléché par 
sa propre convoitise. Puis la convoitise,' après avoir 
conçu, enfante le péché, et le péché, une fois consom- 
mé, engendre la mort. » Jacob., I, 13-15. Il suit de là 
que Dieu n'est absolument pour rien dans la genèse du 
mal moral, que l'homme porte en lui sa propre convoi- 
tise, comme une tendance permanente au mal, mais que 
cette tendance n'aboutit au péché que par la coopération 
volontaire de l'homme. — 3° L'existence de cette concu- 
piscence est souvent constatée par les écrivains sacrés. 
Gen., VI, 5; toi, 21; Exod., xxxii, 22; Sap., iv, 12; 
Eccli., xxiii, 6; Dan., xm, 8; Gai., v, 17. C'est ce qui 



fuit dire à David : « J'ai été conçu dans l'iniquité et ma 
mère m'a engendré dans le péché. » Ps. u (l), 7. Même 
les plus saints en ressentent les effets. Rom., vu, 15-21. 
A plus forte raison, les impies et ceux qui vivent selon 
les principes purement naturels snccombent-ils à ses 
assauts. Job, xx, 12; Eccli., xxxvi, 24; Joa., vm, 44; 
Rom., i, 24, 27; vi,12; xm, 14; Gai., v, 24; Eph., u, 3; 
Col., m, 5; I Thés., iv, 5; I Tim., vi, 9; II Tim., h, 
22; m,6; Jacob., iv, 1-3; I Pet., i, 14; u, 11; iv, 2,3; 
II Pet., il, 18; Jud., 18, etc. Saint Jean répète que tout 
ce qui est dans le monde, convoitise de la chair, con- 
voitise des yeux, orgueil de la vie, ne vient pas du Père, 
mais du monde lui-même, I Joa., n, 16, et saint Paul 
enseigne que la loi ancienne, au lieu de triompher de 
cette concupiscence, n'a fait que l'exciter davantage en 
multipliant devant elle les obstacles. Rom.; vu, 7, 8. 
— 4° Aussi est-il recommandé fréquemment de com- 
battre ou de fuir tout ce qui peut favoriser la concu- 
piscence et les mauvais désirs et porter l'homme à 
commettre le mal. Eccli., xvm, 30, 31; I Cor., x, 6; 
Gai., v, 16; II Pet., î, 4, etc. — 5° Il est à remarquer 
cependant que le siège du mal est surtout dans l'âme 
qui, par ses volontés et ses intentions mauvaises, com- 
munique la malice aux actes extérieurs. Matth., xv, 18- 
20; Marc, vu, 20-23; Th., i, 15. 

III. CONDUITE A L'ÉGARD DU MAL MORAL. — 1° Le mal 

moral, quelle que soit sa forme, offense toujours Dieu 
directement, Ps. li (l), 6, non seulement quand il se 
présente à l'état d'acte extérieur, Deut, xm, 5; xvn, 7, 
12; xix, 19; xxi, 21, etc., mais alors même qu'il n'est 
encore qu'à l'état de pensée . ou de désir consentis. 
Matth., v, 28; xn, 35; Marc, vu, 23; Luc, VI, 45, etc. 
Il est par là même radicalement opposé à la charité, 
Rom., xm, 10; xvi, 19; I Cor., xm, 5; III Joa., 11, etc., 
et funeste* à l'homme. Jer., u, 19. — 2° De là pour 
l'homme un premier devoir, celui de demander à Dieu 
de le protéger contre le mal et ses conséquences. 
Matth., vi, 13; Joa., xvn, 15; II] Thés., m, 3. — 
3° L'homme doit ensuite savoir distinguer le bien d'avec 
le mal, Heb., v, 14, ce dont sont incapables les petits 
enfants, Deut., i, 39; Is., vu, 15, 16; choisir entre le 
bien et le mal, Deut., xxx, 15; se détourner du mal, 
Job, i, 1, 8; il, 3; xxvm, 28;Ps. xxxiv (xxxm), 15; 
Prov., m, 7; xrv, 16; xvi, 6; Eccli., rv, 23; I Cor., v, 13; 
I Pet., m, 11, etc.; ne pas faire le mal, même pour pro- 
curer le bien, Rom., m, 8; ne pas rendre le mal pour 
le bien, Gen., xuv, 4; I Reg., xxv, 21; Ps. xxxviii 
(xxxvïi), 21; Prov., xvn, 13; xxxi, 12; Jer., xvm, 20; 
I Mach., xvi, 17; etc., ni même le mal pour le mal, 
Ps. vu, 5; Prov., xx, 22; Rom., xn, 17; I Thés., v, 15; 
I Pet., m, 9, etc.; mais vaincre le mal par le bien, 
Matth., v, 44; Luc, vi, 27, 33-35; Rom., xn, 21; 
I Pet., il, 15, à l'exemple du divin Sauveur. I Pet., u, 
23; m, 18. 

II. Mal physique (hébreu ; râ'âh, 'àvén, yegtâ', 
ke'ib, mak'ôb, 'âtndl, 'î$$âbôn; Septante : xô xax<Sv, 
o8ûvti; Vulgate : malum, miseria, calamitas, dolor), 
souffrance qui, sous différentes formes, atteint à la fois 
l'âme et le corps. 

/. son origine. — 1° La Sainte Écriture rattache le 
mal physique au mal moral comme conséquence. Dieu 
déclare aux premiers parents que s'ils désobéissent, en 
touchant au fruit défendu, si par conséquent ils com- 
mettent le mal moral, ils mourront. Gen., u, 17; m, 3. 
Quand le péché est commis, Dieu annonce à la femme 
que la douleur accompagnera sa grossesse et son enfan- 
tement, et à l'homme que la fatigue et la peine se 
joindront à son travail, nécessaire à sa vie, et que la 
mort viendra pour lui ensuite. Gen., ïh, 16-19. Ainsi 
dans le principe, « ce n'est pas Dieu qui a fait la mort 
et il ne prend pas plaisir à-la perte des êtres qui ont la 
vie. Il a fait tous les êtres pour qu'ils vivent et tout ce 
qui est venu au monde, pour se conserver. Il n'y a dans 



601 



MAL 



602 



ces êtres aucun principe funeste d'anéantissement, il 
n'y a pas sur la terre de domination de l'Adès. Car la 
justice est immortelle (tandis que par l'injustice s'acquiert 
la mort). Ce sont les impies qui l'ont appelée du geste et 
de la voix. » Sap., i, 13-16. — « 2° Quand on sème l'injus- 
tice, on en récolte les fruits, » Job, iv, 8; Prov., xxn, 8, 
et s le malheur poursuit les pécheurs ». Prov.,xm, 21. 
Cette conséquence est constamment rappelée, surtout 
dans l'Ancien Testament, sous forme tantôt de menace, 
tantôt d'axiome, tantôt d'explication des faits histo- 
riques. Deut., xxxi, 17, 29; xxxn, 23; Jud., III, 7, 8, 
12; iv, 2; vi, 1; II Reg., xii, 9,11; III Reg., ix, 9; xxi, 
20, 21; II Par., vu, 22; xxxiv, 24, 25; II Esd., xm, 18; 
Ps. vu, 15, 16; Sap., xiv, 27; Eccli., m, 29; Is., m, 11; 
Jer., h, 3; xi, 11; Dan., ix, 13; I Mach., i, 12; Rom., h, 
9; I Tim., vi, 10, etc. — 3» De là vient que toute vie 
humaine est visitée par le mal physique, soit à cause 
des péchés de la race, soit à cause des fautes person- 
nelles. Le vieux Jacob dit au pharaon d'Egypte : « Les 
jours des années de ma vie ont été peu nombreux et 
mauvais. » Gen., xlvii, 9. Job dit aussi que le sort 
de l'homme sur la terre est celui du soldat et du 
mercenaire, Job, vu, 1, que sa vie est courte et remplie 
de misères. Job, xiv, 1, 2. Le Psaume xc (lxxxix), 
7-10, exprime avec énergie la même idée. L'Ecclé- 
siaste, II, 23, constate que, pour l'homme qui a travaillé 
avec sagesse et succès, « tous ses jours ne sont que 
douleur et son lot n'est que chagrin. » Jérémie, xx, 
18, exhale la même plainte : « Pourquoi suis-je sorti 
du sein de ma mère afin de voir la souffrance et la 
douleur? » — 4° Au temps de Notre-Seigneur, il circu- 
lait parmi les Juifs une opinion d'après laquelle le mal 
physique qu'on apporte en naissant, la cécité, par 
exemple, pouvait être la conséquence soit de péchés 
commis par les parents, soit de ceux que l'âme* elle-même 
aurait commis dans une vie antérieure ou du moins 
dans le sein de la mère. Joa., ix, 2. Saint Jérôme, Epist-, 
cxxx, ad Demetriad., 16, t. xxn, col. 1120, dénonce 
comme une impiété originaire d'Egypte et d'Orient la 
théorie qui prétend que « les âmes, jadis dans les 
régions célestes, ont été condamnées à cause d'anciennes 
fautes et comme ensevelies dans des corps humains, 
de sorte qu'en cette vallée de larmes nous ne faisons 
^ue subir la peine de péchés antérieurs ». Les rabbins 
du Talmud et ceux du Sohar croyaient à cette pré- 
existence des âmes et ne le faisaient que d'après la 
tradition de leurs devanciers. Cf. Franck, La Kabbale, 
Paris, 1843, p. 177. Notre-Seigneur déclare formelle- 
ment que l'infirmité de l'aveugle-né n'a pour cause ni 
ses péchés, ni ceux de ses parents. Joa., ix, 3. II suit 
de là que si, en général, le mal physique est la con- 
séquence du mal moral, et que si, comme l'expérience 
le prouve, la cause de bien des infirmités doit être 
attribuée à l'atavisme, on n'a pas le droit de conclure 
de l'existence d'un mal physique à une culpabilité per- 
sonnelle ou à celle des parents. Cf. Frz. Deiitzsch, 
System der biblhchen Psychologie, Leipzig, 1861, 
p. 299, 464. 

il. ses raisons d'être. — 1° Bien que, pour l'huma- 
nité en général, la raison d'être du mal physique 
s'explique par son caractère originel de châtiment, on 
ne manqua pas d'observer, dans la répartition des 
souffrances et des épreuves de toute nature, des inéga- 
lités et des injustices apparentes qui constituaient un 
problème difficile à résoudre pour la raison humaine, 
et dont cependant les âmes religieuses cherchaient à 
Justifier fa Providence. Pourquoi tant de maux frappent- 
ifs f'homme de bien? Le Seigneur n'avait-il pas promis 
très formeilement à l'Israélite, en retour de sa fidélité, 
toutes les bénédictions temporelles pour lui, sa famille, 
ses troupeaux et son sol, Deut., xxvm, 2-14; xxx, 4-10, 
tandis que les cafaraités, ies mafadies, ies épreuves de 
toute sorte, fa mort violente, devaient être le salaire de 



la méchanceté des actions? Deut., xxvm, 15-68; xxx, 
17, 18. D'autre part, ne voit-on pas souvent les méchants 
prospérer, échappant ainsi à l'épreuve et à la peine qui 
devraient être, semble-t-il, la conséquence naturelle de 
leur impiété? De là un scandale perpétuel, dont un 
descendant d'Asaph s'est fait l'écho en ces termes : 

J'enviais le bonheur des méchants 

En voyant la paix des impies. 

Ils sont sans tourments jusqu'à la mort, 

A leurs corps demeure la vigueur. 

Exempts des souffrances humaines, 

lis ne sont point trappes comme les autres... 

Et l'on dit : Dieu y fait-il attention? 

Le Très-Haut en a-t-il connaissance? 

Voilà ce que sont les méchants : 

Toujours heureux, croissant en richesses! 

En vain donc mon cœur reste pur, 

Et mes mains demeurent innocentes. 

Chaque jour je suis frappé, 

Dès le matin, c'est l'épreuve 

Ps. Lxxm (lxxii), 3-14. 

2° Le fivre de Job est consacré tout entier à débattre 
le probième et à en chercher la sofution. Job, accablé 
d'épreuves subites, formellement attribuées par le livre 
sacré à la malice de Satan, qui agit avec la permission 
de Dieu, se soumet humblement à la volonté divine : 
« Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté; comme il a 
plu au Seigneur, ainsi soit fait; le nom du Seigneur 
soit béni! » Job, i, 21, et il répond à sa femme, moins 
patiente que lui : « Si nous avons reçu les biens de la 
main de Dieu, pourquoi n'en recevrions-nous pas les 
maux? » Job, n, 10. Ainsi le saint homme, bien que 
conscient de sa justice, ne songe point à incriminer la 
Providence; il accepte le mal physique comme une 
chose qui vient de Dieu même, sans en chercher l'expli- 
cation. Mais arrivent ses trois amis, qui soutiennent 
successivement qu'il n'y a de malheureux que les 
méchants, Job, iv, 8, 9; v, 3-5, que Job et ses fils ont 
dû être gravement coupables, Job, vin, 34, que lui- 
même est encore traité avec plus d'indulgence qu'il ne 
mérite, Job, xi, 6, que l'impie est nécessairement 
frappé par Dieu, Job, xv, 20-35; xvm, 5-21; xx, 5-29, 
qu'enfin pour être ainsi traité, Job a dû commettre tous 
les crimes. Job, xxn, 5-10. Le saint homme se défend 
en disant que Dieu peut réprouver même sans sujet, 
puisqu'if est le souverain maître, Job, IX, 17, qu'il 
frappe l'innocent aussi bien que l'impie, Job, ix, 22, 
qu'il faut avoir confiance en lui, malgré ses rigueurs, 
Job, XIII, 15, que lui-même est assuré qu'au jour de la 
résurrection, il trouvera en Dieu le vengeur de son 
innocence, Job, xix, 25-27, qu'enfin te bonheur indé- 
niabfe des impjes ôte toute leur valeur aux assertions 
de ses amis. Job, xxi, 7-15. Eliu intervient alors pour 
expliquer que l'épreuve détourne l'homme du mal et le 
préserve de l'orgueil, Job, xxxm, 17, 27-30, que Job a 
certainement des fautes à expier, Job, xxxiv, 36, 37, et 
qu'il doit en appeler à la miséricorde de Dieu. Job, 
xxxvi, 7-16. Dans la théophanie qui termine la discus- 
sion, c'est surtout la majesté et la toute-puissance divines 
qui sont mises en lumière. L'homme n'a qu'à se taire 
en face de son maître souverain. Dieu atteste cependant 
que Joli à" raison contre ses amis, Job, xm, 7, et il lui 
rend les biens dont il a été momentanément privé. 
Cf. Job, t. m, col. 1571-1574; Lesêtre, Le livre de Job, 
Paris, 1886, p. 19-22. Il résulte de cette analyse que, 
pour l'auteur du livre, le mal physique atteint l'inno- 
cent lui-même, qu'il l'aide à expier ses propres fautes 
et le prémunit contre le mal moral, mais qu'en somme 
Dieu, dans sa souveraine sagesse, n'a pas révélé à 
l'homme la solution totale du mystère de la souffrance. 
— 3° Dans les Psaumes, la question est surtout envi- 
sagée au point de vue de la prospérité des impies, qui 
s'effondre à un moment donné. Voir Impie, t. in, 



C03 



MAL — MALACHIE 



604 



col. 846-S47. Il est cependant noté que Dieu n'est pas 
insensible aux afflictions de ses serviteurs : 

Jéhovah est près de ceux qui ont le cœur brisé, 
It secourt ceux qui ont l'esprit affligé. 
Les afflictions du juste sont nombreuses, 
Mais Jéhovah le délivre de toutes. 

Ps. xxxiv (xxxiii), 19-20. 

L'auteur du Psaume cxix (cxvm), 25, 28, 50, 67, 71, 
75, 87, 107, 143, 153, est un juste qui accepte l'épreuve 
en expiation de ses fautes et avec confiance en la bonté 
de Dieu. — 4° Au livre de Tobie, m, 21, il est'dit que 
la couronne vient après l'épreuve, la délivrance après la 
tribulation et la miséricorde après la correction. L'ange 
Raphaël présente même l'épreuve comme une nécessité 
pour celui qui plaît à Dieu. Tob., xii, 13. L'Ecclésias- 
tique, xxvii, 6, dit que la tribulation sert à éprouver les 
justes. D'autres passages promettent la protection de 
Dieu contre le mal. Ps. xxm (xxn), 4; xci (xc), 10; 
cxxi (cxx), 7; Sap., xvi, 8; Eccli., xxxiii, 1. Mais toutes 
ces remarques des auteurs sacrés ne dépassent pas les 
horizons du temps. On ne cherche pas dans la pensée 
de l'autre vie l'explication des épreuves de la vie pré- 
sente. Il ne pouvait en être autrement pour un peuple 
chez qui la notion de la vie future n'a atteint que tardi- 
vement son complet développement. — 5° L'auteur de la 
Sagesse, voisin des temps évangéliques, a sur la raison 
d'être du mal physique des idées qui tranchent totale- 
ment avec celles des écrivains précédents. Il représente 
les justes en proie à l'épreuve et victimes de la persé- 
cution des impies. « Aux veux des hommes, ils ont en- 
duré des tourments, mais leur espérance est pleine 
d'immortalité. Pour quelques vexations, ils auront de 
multiples avantages; c'est Dieu qui les a éprouvés et les 
a trouvés dignes de lui. » Sap., m, 4, 5. Au jugement 
de Dieu, après la mort, « les justes se lèveront avec une 
fi ère attitude contre ceux qui les auront persécutés... 
Ils vivront éternellement, car le Seigneur leur réserve 
la récompense et le Très-Haut garde leur souvenir; ils 
auront en partage le glorieux royaume. » Sap., v, 1, 16, 

17. C'est donc dans l'autre vie qu'il faut attendre la 
compensation des maux qui frappent les justes en celle- 
ci. Dès lors le mal physique n'est plus seulement une 
expiation du péché, un préservatif contre le mal moral, 
une épreuve qu'il faut accepter comme venant d'un 
Maître avec lequel il n'y a pas à discuter; c'est encore 
un moyen que Dieu ménage au juste pour lui faire ga- 
gner le bonheur de l'autre vie. 

m. d'après l'évangile. — 1° Notre-Seigneur, en 
face ds ceux qui souffrent, fait allusion aux diverses rai- 
sons d'être du mal physique énoncées dans l'Ancien 
Testament. Le mal moral est la première cause du mal 
physique; aussi le Sauveur remet les péchés au paraly- 
tique avant de le guérir, Matth., ix, 2, 6; Marc, n, 5, 
11;' Luc, v, 20, 24, et il dit à l'infirme de Bethesda : 
« Sois guéri et ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive 
pire. » Joa., v, 14. — 2° Dans le livre de Job, Satan 
apparaît comme l'instigateur du mal physique; l'Évan- 
gile montre une foule de pauvres gens rendus malades 
ou infirmes par les démons, voir Démoniaques, t. n, 
col. 1374-1377, « molestés par les démons, » Luc, vi, 

18, et une pauvre femme liée par Satan durant dix-huit 
ans. Luc, xm, 16. — 3° La souffrance est une épreuve 
destinée à manifester la valeur morale de l'homme; 
Notre-Seigneur parle de ceux qui ne se tirent pas à 
leur honneur de cette épreuve, et qui se détournent 
à l'approche de la persécution. Matth., xm, 21; Marc, 
lv, 17. — 4» Le Seigneur se félicitait de la fidélité de 
Job au milieu des adversités qui l'accablaient, Job, n, 3; 
de même c'est pour procurer la gloire de Dieu que 
l'aveugle-né et Lazare ont été frappés. Joa., îx, 3; xi, 4. 
— 5° Les compensations promises au livre de la Sagesse 
sont expressément confirmées par le Sauveur dans la 



parabole de Lazare et du mauvais riche : « Tu as reçu 
les biens dans ta vie et Lazare les maux : maintenant il 
est consolé et toi dans les tourments. » Luc, xvi, 25. — 
6° Ce qui est propre à l'Évangile, c'est la béatitude ♦pro- 
mise à ceux qui pleurent et qui souffrent persécution, 
Matth., v, 10-12; Luc, vi, 22, 23; c'est l'annonce de la 
persécution faite aux Apôtres comme celle d'une condi- 
tion normale pour remplir leur ministère, Matth., x, 17 ; 
Joa., xv, 20; c'est l'obligation pour chacun de porter sa 
croix. Matth., xvi, 24; Marc, vm, 34; Luc, ix, 23. Du 
reste, le Sauveur lui-même montre par son exemple 
l'usage qu'il faut faire du mal physique. Il réalise à la 
lettre la prophétie d'Isaïe, lui, 3, 4, sur l'homme de 
douleur qui porte nos souffrances et se charge de nos 
maux, et après avoir passé par toutes les épreuves et par 
la mort volontaire, il déclare que le « Christ a dû souf- 
frir ainsi pour entrer dans sa gloire ». Luc, xxiv, 26. 
De là, résulte pour le chrétien la nécessité de supporter, 
parfois de désirer et même de rechercher le mal phy- 
sique, sous forme de pénitence volontaire, non seule- 
ment pour expier ses fautes, mais encore pour se rap- 
procher du Sauveur en l'imitant et arriver au ciel à sa 
suite. Voir Mortification. 

iv. d'après les apôtres. — 1° Les Apôtres com- 
prirent l'enseignement du divin Maître, et, battus de 
verges, « ils furent joyeux d'avoir été jugés dignes de 
souffrir l'outrage pour le nom de Jésus. » Act., v, 40, 41. 
Paul et Barnabe enseignaient aux fidèles de Lystre, 
d'Icône et d'Antioche que « c'est par beaucoup de tribu- 
lations qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu ». 
Act., xiv, 21. — 2° Saint Paul déclare que les maux 
physiques, de quelque nature qu'ils soient, ne pourront 
jamais le séparer de l'amour de Jésus-Christ. Rom., vm, 
35. Il surabonde de joie en les souffrant, II Cor., vu, 4, 
et dit que les souffrances du temps, courtes et légères, 
valent au chrétien une incomparable gloire dans le ciel. 
II Cor., iv, 17. Cf. Apoc, vu, 14. H. Lesêtre. 

li MALACHIE (hébreu : Male'âkî, «messager, en- 
voyé;» Septante : MaXaxi'a?; Vulgate : Malachias), un 
des douze petits prophètes et le dernier de l'Ancien Tes- 
tament dans l'ordre des temps (fig. 186). 

I. Le nom du prophète. — Malachie est-il le vrai 
nom du prophète ou n'est-il qu'un nom symbolique? 
Ces deux opinions ont eu des partisans. 1° Quelques- 
uns soutiennent que Malachie n'est qu'un nom symbo- 
tique, 1. parce qu'il n'est mentionné nulle part ailleurs 
dans l'Ancien Testament : ni dans le livre d'Esdras, 
qui parle pourtant, I Ksd., v, 1; vi, 14, d'Aggée et de 
Zacharie, ni dans Néhémie, ni dans l'Ecclésiastique; il 
est vrai que l'auteur de l'Ecclésiastique, xlix, 12, fait 
l'éloge « des douze (petits) prophètes »; maison prétend 
qu'il compte dans leur nombre, à là place de Malachie, 
Esdras qui n'est pas nommé ailleurs. — 2^ Le nom, qui 
signifie : « mon messager, » « mon envoyé, » peut avoir 
été emprunté à Mal., m, 1, où il s'agit de saint Jean- 
Baptiste. — 3. Les Septante, Mal., i, 1, ont pris Mala- 
chie pour un nom commun et traduit : « [Proposition du 
discours du Seigneur sur Israël] par son ange, êv x^'P 1 
iYYÉXou aOtoO » (maVâkû pour malëâkî). — 4. Une tra- 
dition juive, consignée dans le Targum, identifie Mala- 
chie avec Esdras : « ...par Malachie, nom par lequel on 
désigne Esdras le scribe. » Cf. S. Jérôme, Prol. in Mal., 
et In Mal., m, 7, t, xxv, col. 1541-1542, 1569. - 5. Plu- 
sieurs commentateurs, Rupert, Calmet, Ribera, Vitringa, 
Hengstenberg, Reuss, se sont aussi ralliés à cette opinion. 
Voir Trochon, Les petits prophètes, in-8°, Paris, 1883, 
p. 496; Knabenbauer, In Proph. minores, 1886, t. n, 
p. 410; Talmud, Baba Megillah, xv, 1. — Mais elle 
est rej'elée avec raison par le plus grand nombre des 
commentateurs anciens et'modemes. — 1. Si Esdras 
était l'auteur de cette prophétie, on ne voit pas pourquoi 
il aurait caché son nom. — 2. Tous les noms propres 




-créais:— 
186. — Malachie et les autres prophètes autour de la croix. 
D'après une fresque attribuée à Giolto. Malachie est le cinquième des prophètes, à gauche, avec cette prophétie : 
Ecce ego mitto angelu[m] mev[m[ et pr&parabit [viam ante faciem meam]. Mal., m, 1. 



607 



MALACHIE — MALAGHIE (LE LIVRE DE) 



G08 



hébreux, Abdias, Osée, etc., ont une signification; par 
conséquent la signification du nom « Malachie » ne peut 
être une raison pour n'y voir qu'un symbole, pas plus 
que dans les noms d'Abdias et d'Osée. Cf. Trochon, Les 
petits prophètes, p. 497 ; Driver, Introduction, p. 356. 
— 3. Si le nom de Malachie n'est mentionné nulle part 
ailleurs dans la Bible, il ne faut pas en être surpris, 
car d'autres noms sont dans le même cas; et il est le 
dernier des prophètes. — 4. Toutes les autres prophé- 
ties portant le nom réel de leur auteur, on doit admetlre 
qu'il en est de même pour le douzième des petits pro- 
phètes. 

2° L'étymologie du nom, « messager, envoyé, » a 
été expliquée de deux manières : les uns pensent que 
ce nom est de ceux qui en hébreu sont formés avec le 
suffixe ï comme radical, tels que : Garmi, I Par., iv, 
19; Gaddi, Num.,xm, 12; Ezri, Jud., vi, 11,24; vin, 32; 

1 Par., xxvii, 26; Ozni, Num., xxvi, 16; dans ce cas le 
nom signifierait simplement « messager, envoyé ». 
Cf. L. Reinke, Der Prophet Malachi, Giessen, 1856, 
p. 187; Olshausen, Lekrbuch dey hebr. Spraeke, p. 413. 
D'autres croient que « Malachie » est une abréviation 
de Male'akîdh, « messager de Jéhovah ; » la Bible nous 
fournit d'autres exemples de ces abréviations : Zabdi, 
Jos., vu, 1, 17, 18; I Par., vni, 19, est écrit Zabdias ; I Par., 
xxvn, 27; Abi, IV, Reg., xvm, 2, est écrit Abia, II Par., 
xxix, 1; Abdi, I Par., vi, 44; II Par., xxix, 12, devient 
Abdias, L III Reg., xvm, 3, 5, 6, 7, 16,- etc.; Uri, Exod., 
xxxi, 2, etc., devient Urias, II Reg., xi, 3,9, etc.; c'est 
ainsi du reste que durent lire les Septante, puisqu'ils 
ont la forme pleine : MaXa^iac, au lieu de Malawi. — La 
traduction des Septante, Mal., ï, 1 : èv x sl P' «YY^ 0V 
a-ltoû, a porté certains Pères à désigner le prophète 
Malachie par le nom « ange » ; ainsi Tertullien, Adv. 
Jud., 5, t. h, col. 608; S. Augustin, De civ. Dei, xx, 25, 
t. xli, col. 699; S. Jean Chrysostome, In Heb. Rom. 
xiv, t. lnxiji, col. 114, mais c'est une pure appellation 
honorifique : « Il est appelé ange parce que c'est la si- 
gnification de son nom, dit saint Cyrille d'Alexandrie, 
In Mal., Proœm., t. lxxii, col. 272, et comme il a 
annoncé à Israël des oracles célestes et inspirés de Dieu, 
il peut bien être appelé ange. » 

II. Époque a laquelle a vécu Malachie. — 1° Mala- 
chie est contemporain d'Esdras et de Néhémie. — 
Presque tous les exégètes sont d'accord sur ce point; la 
critique interne nous fournit des indices assez concluants: 

1. La prophétie de Malachie a été écrite après la capti- 
vité, à l'époque où la Judée était une province persane ; 
il est en effet question du « gouverneur ï>, péh'âh, 
Mal., ï, 8; cf. II Esd., v, 14; Xn, 26; Aggée, ï, 1. — 

2. Le temple était reconstruit, Mal., ï, 10; m, 1. — 3. Les 
abus, signalés par Malachie : alliances avec les femmes 
étrangères, négligence du peuple à payer les dîmes, 
sont aussi dénoncés par Esdras et Néhémie. I Esd., îx, 

2 ; x, 3, 16-44 ; II Esd., x, 30, 32-39; xm, 4-13, 15-17, 23-29. 
2° L'époque précise. — Sur ce point il règne beaucoup 

d'opinions : certains auteurs pensent que Malachie 
écrivit avant l'arrivée d'Esdras en Judée, en 458 avant 
J.-C. ; Schegg soutient qu'il prophétisa après le premier 
séjour de Néhémie à Jérusalem et la 32 e année du roi 
Artaxerxès Longue-Main; d'autres se prononcent pour 
l'intervalle entre le premier et le second séjour de 
Néhémie à Jérusalem ; enfin d'autres croient qu'il pro- 
phétisa quelque temps après Néhémie. Cf. Knabenbauer, 
In Proph. minores, n, p. 413. Nous ne pouvons qu'éta- 
blir la date qui parait la plus probable : -i. Comme nous 
l'avons déjà remarqué, Malachie prophétisa aune époque 
où le temple était construit, et le culte fonctionnait 
régulièrement. Mal., ï, 7-10; n, 12-13; m, 1, 10. — 
2. Malachie semble avoir prophétisé en l'absence de 
Néhémie : en effet, on voit, Mal., ï", 8, qu'on offrait 
des dîmes au gouverneur; or, Néhémie, pendant douze 
ans, ne mangea pas les dîmes dues au gouverneur; 



II Esd., v, 14-15; bien plus lui-même fit beaucoup de 
largesses au peuple ; f. 18 ; donc Mal., I, 8, ne vise pas 
Néhémie, mais un autre gouverneur établi par les 
Perses ; de plus, on s'explique qu'en l'absence de 
Néhémie, il ait pu s'introduire les abus signalés par 
Malachie; enfin après son second retour à Jérusalem, 
Néhémie, comme nous l'avons déjà vu, reprend les mêmes 
abus que Malachie. Ces inductions nous conduisent à 
conclure que Malachie prophétisa après la 32 e année 
d'Artaxerxès Longue-Main, alors que Néhémie se trou- 
vait à la cour du roi des Perses : « L'auteur a vécu à une 
époque où il n'était plus nécessaire de prémunir les es- 
prits faibles contre les séductions du polythéisme. Il est 
encore question d'égarements moraux, mais la princi- 
pale préoccupation du prophète, ce sont les transgressions 
relatives à la partie plus ou moins matérielle de la loi 
mosaïque, nous dirions volontiers les délits politiques* 
L'organisation de la hiérarchie, le paiement des rede- 
vances, l'observation régulière des rites, et la séparation 
plus stricte d'avec l'étranger, étaient devenus la base de 
l'ordre des choses établi dès avant la fin du premier 
siècle après la restauration du Temple. Car c'est bien à 
cette époque que nous devons rapporter la composition 
de cet opuscule. Il n'y a pas de doute : le Temple dont 
Aggée et Zacharie avaient poussé les travaux, existait 
maintenant, et son culte est censé fonctionner réguliè- 
rement. La loi était connue et promulguée, car il y est 
fait allusion en plusieurs endroits. Mais le peuple, 
pauvre et découragé, parce que les promesses dont on 
l'avait nourri ne s'étaient pas accomplies, se montrait 
exactà remplir ses devoirs religieux, qui... consistaient... 
à entretenir la caste sacerdotale, à laquelle, si nous ne 
nou s trompons fort, notre anonyme appartenait lui-même. 
On est surtout frappé de l'identité des plaintes consi- 
gnées dans son écrit au sujet des dîmes et des mariages 
mixtes, avec celles que formule, avec non moins 
d'énergie, le gouverneur Néhémie dans ses mémoires... 
Ces différentes données nous portent à placer la rédac- 
tion du livre après la promulgation de la loi par Esdras, 
et avant le dernier séjour de Néhémie à Jérusalem. On 
pourrait même faire valoir en faveur de cette hypothèse 
la circonstance que l'auteur parle d'un gouverneur, de 
manière que ce que Néhémie ditde lui-même, semble 
prouver qu'il s'agit de quelqu'un d'autre. » Reuss, Les 
prophètes, t. h, p. 382-383. 

III. Malachie dans la légende. — L'Écriture ne nous 
apprend rien sur la vie de Malachie en dehors de sa 
prophétie. La légende a essayé de suppléer à cette 
lacune. Le Pseudo-Épiphane, De vit. prophet., 22, 
t. xliii, col. 412-413, dit que Malachie était de la tribu de 
Zabulon et qu'il naquit dans le territoire de cette tribu, 
après la captivité de. Babylone, à Sopha (Soçâ, d'après 
d'autres manuscrits, Sto^S et Toçâ, col. 419). Il était 
d'une grande beauté et se fit aimer du peuple par la 
douceur de ses manières. Il mourut jeune et fut enterré 
dans le tombeau -de ses ancêtres. Tous ces détails sont 
de pures inventions. Le martyrologe mentionne la fête 
de saint Malachie au 14 janvier. V. Ermoni. 

2. MALACHIE (LE LIVRE DE). — I. DIVISION ET ANA- 
LYSE. — On a proposé diverses divisions. Cf. Trochon, 
Les petits prophètes, p. 499. On peut le partager en 
trois sections : 1° Première section, ï, 2-n, 9. Cette sec- 
tion nous représente Dieu comme un Père plein d'amour 
et comme le gouverneur de son peuple; comme les 
Juifs accusent Dieu de ne pas les aimer, Dieu leur ré- 
pond et leur rappelle ce qu'il a fait pour eux en préfé- 
rant Jacob à Esaû, ï, 2-5 ; il accuse les prêtres de négli- 
ger le culte divin, jt. 4-9, et annonce un sacrifice plus 
pur et universel, f. 10-11 ; nouvelles ^accusations contre 
les prêtres, ï, 12-n, 2. Dieu parle de l'alliance faite avec 
Lévi et en indique la nature et les caractères, n, 3-7 ; le 
prophète montre comment les prêtres ont rompu cette 



609 



MALACHIE (LE LIVRE DE) — MALADE 



610 



alliance, f. 8-9. — 2° Seconde section, II, 10-16. Cette 
section représente Dieu comme le Dieu suprême et 
unique et comme le Père d'Israël : il blâme le peuple à 
cause de sa facilité à contracter des alliances avec des 
femmes étrangères, J. 10-12, et à recourir au divorce, 
f. 13-16. — 3° Troisième section, n, 17-iv. Cette section 
représente Dieu comme le juge équitable et définitif de 
tous les hommes : les Juifs accusent Dieu d'injustice, 
H, 17; le prophète prédit l'avènement du Messie, m, 
1-4; il punira les Juifs et principalement les Lévites, 
t. 5-6; le prophète blâme ceux qui fraudent les dîmes 
et les offrandes sacrées, jr. 7-12; il reprend les Juifs 
qui se plaignent que Dieu ne punisse pas les méchants, 
t. 13-15, et annonce que la justice divine séparera les 
bons des méchants, m, 16-iv, 3; il les exhorte à obser- 
ver la loi de Moïse, f. 4, et annonce la venue d'Élie et 
le jour terrible du Seigneur, f, 5-6. 

II. Authenticité et canonicité. — 1° Il n'y a aucune 
raison de refuser à Malachie la composition de la pro- 
phétie qui porte son nom; et l'authenticité n'en a jamais 
été sérieusement contestée. — 2° La canonicité en est 
prouvée : 1. Par la tradition juive : a) le livre de Mala- 
chie a été traduit par les Septante ; b) l'Apocryphe IV Esd., 
I, 40, range Malachie au nombre des prophètes; c) ce 
livre a toujours fait partie du canon juif. — 2. Par les 
citations du Nouveau Testament; Matth., xi, 10; xvii; 
10-11; Marc, i, 2; rx,10; Luc, i, 17; vu, 27; Rom., ix, 
13. — 3. Par la tradition chrétienne. Voir Canon, t. h, 
col. 144-168. 

III. Style et langue. — Le style de Malachie est 
clair, simple et concis, quoiqu'il n'ait point l'élévation 
et l'enthousiasme des grands prophètes, d'un Isaïe ou 
d'un Jérémie, La langue est aussi assez pure et soignée, 
vu l'époque où écrit le prophète; on trouve cependant 
dans ce livre un certain nombre de mots et de formes 
particulières; en voici la liste : i, 1, fanât, pour fanîm, 
« dragons; » i, 4, rusas, « appauvris; » i, 5, la combi- 
naison mê'al le, « de dessus le; » i, 10, 11, 13; h, 13; 
m, 4, minhâh, signification toute spéciale; i, 12; gâ'al 
dans le sens de « souiller » ; ibid., nib, « fruit, » « re- 
venu; » i, 14, moshat, « corrompu; » H, 9, kefî 'âSér, 
« comme qui; » n, 11, bat 'êl nêkdr, « fille d'un dieu 
étranger; » n, 12, 'êrve-onéh,<i vigilant et répondant; » 
n, 14, 'êsét berif, « femme de l'alliance; » ir, 16, le 
participe irrégulier, sânê', « haïssant; » m, 1, male'ak 
berît, « messager de l'alliance » ; m, 2, bârît, « po- 
tasse; » m, 5, 'ôsqê iekar, « oppressions du salaire; » 
m, 8, qâba', « ravir; » nr, 10, l'expression 'ad-beli-dây , 
« jusqu'à l'abondance; » m, 14, qedôrannîl, « obscuré- 
ment; » m, 19, sorés ve-ândf, « racine et branche; » 
m, 21, 'dsas, « piétiner. » Cf. Packard, The book of 
Malachi expounded, in-8°, Edimbourg (sans date), p. 4; 
Driver, Introduction, 6» édit., p. 358. 

IV. Forme littéraire. — La prophétie de Malachie a 
une forme littéraire tout à fait particulière et nouvelle ; 
c'est une espèce de dialogue entre Dieu et les prêtres 
ou le peuple. Ce dialogue se déroule d'une manière 
uniforme ; on dirait la méthode scolastique : en premier 
lieu le prophète établit sommairement, sous forme de 
sentence, la vérité qu'il désire inculquer; en second 
lieu il se pose des objections ; enfin il énonce de nou- 
veau et démontre la proposition originale; voici quelques 
exemples de ce procédé : i, 2-3, 6-14; n, 13-14, 17; 
m, 7, 8, 13-18. A. Kôhler, Die nachexilischen Prophe- 
ten, iv, Maleachi, Leipzig, 1865, a bien caractérisé cette 
méthode : « Au lieu d'un développement littéraire du 
sujet, usuel aux plus anciens prophètes, Malachie em- 
ploie une exposition dialectique, par demandes et ré- 
ponses. Nous avous ici les premières traces de cette 
méthode d'exposition, qui finit par prévaloir dans les 
écojes qui surgirent à cette époque. » 

V. Le texte. — Le texte original est l'hébreu, un 
hébreu assez pur, comme nous l'avons déjà vu. C'est 

DIGT. DE LA BIBLE. 



un des mieux conservés de l'Ancien Testament. Le peu 
de variantes qu'on rencontre dans les divers manuscrits 
est sans importance. Les différences qu'on remarque 
dans les anciennes versions proviennent de la variété 
de ponctuation des mêmes .mots hébreux. Le texte 
hébreu n'a que trois chapitres ; les Septante, la Peschito 
et la Vulgate en ont quatre; ces versions commencent 
un nouveau chapitre avec m, 19, de l'hébreu. Le livre 
de Malachie se trouve dans toutes les versions impor- 
tantes. 

VI. Prophéties messianiques. — Le livre de Mala- 
chie contient deux prophéties messianiques : — 1» Pro- 
phétie eucharistique, i, 10-11 : Voici la traduction de 
ce passage : 

Je ne prends en vous aucune complaisance, 

Dit le Seigneur des armées ; 

Je ne recevrai point d'oblatioûs de votre main, 

Mais du Levant jusqu'au Couchant 

Mon nom est grand parmi les Gentils ; 

En tout lieu on me fait des sacrifices, 

Et l'on offre à mon nom une oblation pure, 

Parce que mon nom est grand parmi les Gentils, 

Dit le Seigneur Dieu des armées. 

Cette prophétie annonce deux choses : 1. l'abolition 
des sacrifices de la loi ancienne; 2. l'institution d'un 
sacrifice nouveau. Ce sacrifice nouveau ne peut être que 
l'Eucharistie : a) Le mot minhah, « oblation, » qui 
désigne dans l'ancienne loi les offrandes de grains, de 
farine, de pain et de vin, est le plus propre à designer 
le pain et le vin eucharistiques. — b) Cette oblation est 
pure; or dans l'Eucharistie la victime est Notre-Seigneur 
Jésus-Christ qui est la sainteté même. — c) Cette obla- 
tion sera universelle : le sacrifice eucharistique est 
offert partout où existe l'Église; il est donc catholique 
comme l'Église elle-même. — 2° Prophétie de la venue 
du Messie, m, 1-4; iv, 1-5. — Ces deux passages visent 
le même événement; ils annoncent la venue du Messie 
et de son précurseur, Jean-Baptiste. 

VII. Bibliographie. — Outre les ouvrages cités, 
cf. S. Éphrem, Opéra, t. v, p. 312; S. Cyrille d'Alexan- 
drie, In Malach., t. lxxii, col. 276-364; Théodoret de 
Cyr, In Malach., t. lxxxi, col. 1986-1988; sur la pro- 
phétie de Malachie en particulier, S. Augustin, De civ. 
Dei, xviii, xxxvt, 3, t. xli, col. 594; S. Jean Damascène, 
De Fide orthod., iv, 13, t. xciv, col. 1149-1152; Reinlse, 
Commentar, in-8°, Giessen, 1856 ; * T. T. Perowne, dans 
la Cambridge Bible for schools, 1890. 

V. Ermoni. 
MALADE(hëbreu: davvây; Septante et Nouveau Tes- 
tament : o^woroç, âffOsvTJç, à<r8evûv ; Vulgate : mger, 
segrotus, infirmus), celui qui est atteint de maladie. — 
La Sainte Ecriture fait mention spéciale des malades 
suivants : Jacob, malade de vieillesse, Gen., xlix, 1 ; 
un jeune Égyptien, malade de faim, I Reg., xxx, 13; 
Amnon, malade seulement par simulation, II Reg., 
xin, 6; Abia, le jeune fils de Jéroboam, dont le prophète 
Ahias perdit la mort, III Reg., xiv, 1, 12; Asa, roi 
d'Israël, atteint de podagre, II Par., xvi, 12; le fils de 
la veuve de Sarepta, atteint de langueur et d'anémie, 

III Reg., xvn, 17; Joram, Toi de Juda, atteint d'une 
horrible, dysenterie dont il meurt, II Par., xxi, 19; 
Ochôzias, roi d'Israël, malade à la suite d'une chute, 

IV fteg., i, 2; Naaman, atteint de la lèpre, dont ensuite 
hérite Giézi, IV Reg., v, 1, 27; Bénadad, roi de Syrie, 
dont Elisée annonce la guérison, IV Reg., vin, 7; Joram, 
roi d'Israël, malade à Jezraël, IV Reg., vin, 29; ix, 16; 
Elisée, atteint de la maladie dont il doit mourir, IV Reg., 
xiii, 14; Ézéchias, roi de Juda, dont Isaïe prédit la gué-- 
rison, IV Reg., xx, 1; II Par., xxxii, 24; Is., xxxvm, 1; 
Daniel, malade durant plusieurs jours, Dan., vin, 27; 
Antiochus, terriblement malade de l'helminthiase' à 
laquelle il succombe, II Mach., ix, 7-21; dans le Nou- 
veau Testament, le fila de l'officier de Capharnaûm, 

IV. - 20 



611 



MALADE 



MALADIE 



612 



Joa., iv, 46; la femme courbée depuis dix-huit ans, Luc., 
XIII, 11; le paralytique de Béthesda, Joa., v, 2; Lazare, 
qui meurt de sa maladie et que le Sauveur ressuscite, 
Joa., xi, 2, 4; le boiteux de la porte du Temple, que 
saint Pierre guérit, Act., ni, 2, 7; Tabitha, qui meurt 
de maladie à Joppé et à laquelle le même apôtre rend 
la vie, Act., ix, 37, 40; le boiteux de Lystres, guéri par 
saint Paul, Act., xiv, 7, 9; saint Paul lui-même malade 
au cours de ses prédications, I Cor., n, 3; Gai., iv, 13; 
son disciple Timothée, souvent malade, I Tim., v, 23, etc. 
Voir Guérison, t. m, col. 360, Maladie, et les articles 
sur les différentes maladies. H. Lesêtre. 

MALADIE (hébreu : devây, hoir, tnadvéh, mahaléh, 
mahâluyyvm, tahàlu'im; Septante : àppoxmoc, nâXaxca, 
vô<roç, èôûvYi; Vulgate : œgrotatio, infimiitas (jamais 
morbus); maladie mortelle : mâvét, davato;, cf. Apoc, 
vi, 8; xvin, 8, mors; tomber malade ou être malade : 
hdlâ', hâlâh, mâras, '<mas;à£p<>><rué<>>, hay}.E6\iiia, (iaXa- 
ju'Çm; aegrotare, inftrmari. Les écrivains du Nouveau 
Testament affectent l'emploi presque exclusif des mots 
iddévsta, infimiitas, àaOevéùi, infirmari, ùai>tv&v,inftr- 
mus), altération de la santé, soit par des désordres 
transitoires dans l'organisme, soit par des infirmités 
permanentes. 

I. La maladie chez les Hébreux. — 1» Le climat de 
la Palestine est généralement très salubre; aussi les 
maladies étaient-elles assez rares et de courte durée chez 
les anciens habitants. Tacite, Hist., v, 5, témoigne de la 
bonne santé dont jouissaient les Juifs. Les maladies 
avaient pour eux le caractère de châtiment providentiel; 
car le Seigneur avait déclaré qu'il punirait leur infidé- 
lité par la consomption ou phtisie, Sahéféf, la fièvre, 
qaddahaf, Lev., xxvi, 16, l'inflammation, dalléqép, la 
chaleur brûlante, harhur,\e dessèchement, horéb, Deut., 
xxviii, 22, l'ulcère de l'Egypte, Sehîn misraïm, sorte de 
maladie ^éjcuptive, les hémorroïdes, ôfalim, une espèce 
de lèpre, gârâb, la gale, hârés, Deut., xxvm, 27, l'ulcère, 
sehïn, aux genoux et aux jambes, Deut., xxvm, 35, enfin 
les maladies d'Egypte, tnadvéh misraïm, et toutes sortes 
de maux qui ne sont pas énumérés en détail. Deut., 
xxvm, 60, 61; cf. vu, 15; Exod., xxm, 25. Ces maladies 
d'Egypte sont celles dont Dieu a frappé les Égyptiens au 
moment du départ des Hébreux, Exod., xv, 26, et en 
général toutes celles qui étaient endémiques sur les 
bords du Nil. Les Égyptiens, il est vrai, avaient un pays 
très sain et se vantaient même d'être « les mieux por- 
tants de tous les mortels ». Ils souffraient néanmoins 
d'un bon nombre de maladies qui travaillent encore leurs 
descendants, « les ophtalmies, les incommodités de l'es- 
tomac, du ventre et de la vessie, les vers intestinaux, 
les varices, les ulcères aux jambes, le bouton du Nil 
(maladie cutanée parasitaire), et enfin la « maladie divine 
« mortelle », le divinus morbus des Latins, l'épilepsie. 
L'anémie, qui ronge un quart au moins de la population 
actuelle, n'était pas moins répandue qu'aujourd'hui, s'il 
faut en juger par le nombre des remèdes que les méde- 
cins employaient contre l'hématurie qui en est la cause 
principale. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 215, 217. - 2" En 
évoquant ainsi lès maladies comme châtiments de l'in- 
fidélité de son peuple, Moïse ne faisait qu'imiter l'exem- 
ple donné, longtemps avant lui, par le roi babylonien 
Hammourabi. A la fin de son code de lois, celui-ci appelle 
toutes sortes de malédictions sur celui de ses succes- 
seurs qui ne tiendrait pas compte de ses ordonnances. 
Il le menace, entre autres calamités, d' « une maladie 
grave, une peste mauvaise, une plaie dangereuse qu'on 
ne puisse guérir, dont le médecin ignore la nature, qu'on 
ne puisse calmer par un bandage, d'une morsure de 
mort, qui ne puisse être arrachée de ses membres ». 
Un roi kàssite du xii" siècle avant J.-C. menace de même 
sorte celui qui démolira sa stèle : « Que Gula... lui fasse 



gagner une maladie incurable ! Qu'il répande le sang et 
la lymphe comme l'eau! » Cf. Scheil, Textes élamites- 
sémitiques, II e sér., Paris, 1902, p. 130, 164. — 3» Les 
menaces proférées contre ies Israélites infidèles eurent 
souvent lieu d'être exécutées. Aussi est-il assez fréquem- 
ment question de maladies dans la Sainte Écriture. Le 
caractère de châtiment qui leur était attribué dans beau- 
coup de cas est confirmé par Notre-Seigneur lui-même, 
quand il dit au paralytique de Béthesda : « Ne pèche 
plus, de peur qu'il ne t'arrive pire. » Joa., v, 14. Saint 
Paul assigne comme cause à certaines maladies des 
chrétiens de son temps la mauvaise réception de la 
sainte eucharistie. I Cor., xi, 30. D'autre part, Dieu 
avait promis de punir l'iniquité des pères sur les enfants, 
jusqu'à la troisième et la quatrième génération. Deut., 
v, 9. C'est ce qui fait que les disciples, en voyant l'aveugle- 
né, demandent à Notre-Seigneur si sa cécité a pour cause 
les péchés de ses parents ou les siens. Joa., ix, 2. Elle 
pourrait avoir pour cause les péchés des parents; quant 
aux péchés de l'aveugle avant sa naissance, les Juifs en 
fondaient la possibilité sur la lutte d'Esaû et de Jacob au 
sein de leur mère, Gen., xxv, 22; Ose., xn, 3, lutte qui 
ne pouvait impliquer aucune responsabilité morale. 
Notre-Seigneur enseigne à ses apôtres que la maladie 
ou l'infirmité peuvent visiter quelqu'un pour une tout 
autre cause que ses péchés ou ceux de ses parents. Joa., 
ix, 3 ; xi, 4. 

II. Maladies ou infirmités mentionnées dans la Bible. 
— Bégayement, infirmité du bègue, hébreu : 'illêg; Sep- 
tante : ifisMiïujv; Vulgate : balbus. Is., xxxn, 4, Voir 
t. i, col. 1550. 

Cécité, infirmité de l'aveugle, hébreu : 'ivvêr; Sep- 
tante: TUfWç : Vulgate: cxcus. Exod., îv, 11; Gen., XIX, 
11, etc. Voir t. i, col. 1289. 

_ Choléra, dans le sens de colique, Septante : ^oXépa; 
Vulgate : choiera. Eccli., xxxi, 23; xxxvn, 33. Voir t. n, 
col. 715. 

Claudication, infirmité du boiteux, pissêah, xuXôç, 
claudus. Voir Boiteux, t. i, col. 1842. 

Coups et blessures, voir Mutilation. Lev., xxi, 19, 
etc. Voir t. i, col. 1842. 

Dessèchement d'un membre, Matth., xn, 10; Marc, 
m,. 1; Luc, vi, 6. Voir Main et Paralysie. 

Dysenterie, Luc. : 8u<revcepîov; Vulgate : dysenteria. 
II Par., xxi, 14-19; Act., xxvm, 8. Voir t. n, col. 1517. 

Èléphantiasis, Job, n, 7; Deut., xxvm, 27. Voir t. n, 
col. 1662. 

Épilepsie, mal des lunatiques, atÀYivcaso^vot, lunatici. 
Matth., iv, 24; xvn, 14. Voir Lunatique, col. 417. 

Fièvre, hébreu : qaddahap, dalléqép, harhur; Sep- 
tante : 7tup£T(i;, pfyoç, èp£8[<r|jid;; Vulgate : ardor, febris. 
Deut., xxvm, 22, etc. Voir t. n, col. 2234. 

Flux, hébreu : zâb; Septante : pûatç; Vulgate : flu&us 
seminis, nom générique de désordres affectant les or- 
ganes de la génération, gonorrhée, spermatorrhée, blen- 
norrhée, etc. Lev., xv, 3. Voir Impureté légale, t. m, 
col. 857. 

Folie, hébreu : Siggd'ôn; Septante : ■K<tp<x.iù.r\%[*, 7capa- 
(ppdvTiircç; Vulgate : amentia. Deut., xxvm, 28; Zach., 
xn, 4. Voir t. n, col. 2301. 

Gale, hébreu : gârdb, hérês, Septante : ij/tSpa ct^pitt, 
xvrjçirç; Vulgate : scabies, prurigo. Lev-, XXI, 20; Deut., 
' xxvm, 27. Voir t. m, col. 82. 

Gangrène, grec : YaYy-paiva ; Vulgate : cancer. II Tim., 
n, 17. Voir t. m, col. 105. 

Helminthiase, maladie vermiculairë. Voir t. ut, col. 
583. 

Hémorroïdes, hébreu : 'ofalim, tehorîm. Deut, xxvm, 
27; I Reg., v, 6. Voir t. m, col. 587, etOFAUM. 

Hernie, infirmité du merôah 'é&ék± (iôvopx l î> hernw- 
sus. Lev., xxi, 20. Voir t. in,~eol. 637. 

Hydropisie, maladie de I'û6pa>mx6ç, hydropicus. Luc, 
xiv, 2. Voir t. m, col. 790. 



613 



MALADIE 



MALASAR 



614 



Impétigo, hébreu : nétéq,yalléfét ; Septante : 8paû<T(i.a, 
iEty.Tiv; Vulgate : impétigo. Lev., xiii, 30; xxi, 20; xxii, 
22. Voir t. m, col. 844. 

Insolation. IV Reg., rv, 18-20; Judith, vin, 3; Jon., 
IV, 8. Voir t. m, col. 885. 

Jaunisse, hébreu : yêrdqôn : Septante : îVrepo; : Vul- 
gate : aurugo. Jèr., xxx, 6. Voir t. m, col. 1145. 

Lèpre, hébreu : gârâb, né(éq, sara'af, sehin; Septante : 
Xé-rcpa : Vulgate : lepra. Leï., xm, 2; Num., XII, 10, etc. 
Voir col. 175. 

Lunatiques (Maladie des), épilepsie. Voir col. 417. 

Lycanthropie, espèce particulière de folie. Voir t. n, 
col. 2301, 3». 

lUutilation, voir Eunuque, t. n, col. 2044; Incision, 
t. m, col. 868; Mutilation. 

Mutisme, infirmité du muet, 'illêni, [ioyiXâXo;, Sûcr- 
xmçoc, xwçd; : Vulgate : mutus. Is., xxxv, 6; Matth., 
ix, 32. Voir Muet. 

Paralysie, mal du paralytique, -napoiXuTcx6ç, paraly- 
ticus. Matth., iv, 24; vm, 6, etc. Voir Paralysie. 

Peste, hébreu : débér, mâvét, qotéb, réêéf ; Septante : 
ftàvaxo;; Vulgate : pestis, pestilentia. Exod., v, 3; ix, 3; 
Beut., xxvm, 21, etc. Voir Peste. 

Plaie ou blessure, hébreu : dakkê', tnahas, makkâh, 
pesa 1 ; Septante : Tpaûjia, tcXtjy^, (rjvTpi|i|i.a; Vulgate : 
plaga, vulnus. Is., i, 6, etc. Voir Plaie. 

Podagre, maladie qui a son siège dans les pieds. III 
Reg., xv, 23. Voir Podagre. 

Possession, comportant des maladies causées ou ag- 
gravées par la présence du démon. Voir Démoniaques, 
t. n, col. 1374. 

Surdité, infirmité du sourd, hêrês, xwçd;, surdus. 
Exod., iv, 11, etc. Voir Sourd. 

Teigne, hébreu : nétéq, saffahaf; Septante : 9pa0c7[ia; 
Vulgate : pustula, macula. Lev., xm, 2, 30, 37, etc. 
Voir Teigne. 

Ulcère, hébreu : sehîn; Septante : s).xo;; Vulgate :ul- 
cus,Exod.,ix,9, 11; Lev.,xm, 18-20, etc. Voir Ulcère. 

III. Devoirs imposés a l'occasion de la maladie. — 
Il est recommandé de recourir à Dieu par la prière dans 
la maladie. Eccl., xxxvm, 9. Dieu vient particulièrement 
en aide au malade qui a eu le souci des pauvres. 
Ps. xli (xl), 4. C'est un devoir de visiter les malades, 
Eccli., vu, 39, et Notre-Seigneur, au jour du jugement, 
regardera ces visites comme faites à lui-même en per- 
sonne. Matth., xxv, 36-44. Quand un chrétien est malade, 
il faut appeler les prêtres de l'Église pour qu'ils l'oignent 
d'huile et prient sur lui. Jacob., v, 14. Voir Extrême- 
Onction, t. il, col. 2140. — Voir Th. Bartolini, De 
■morfcis biblicis, miscellanea biblica, in-12, Francfort, 
1672, 1705, et dans Ugolini, t. xxx, p. 1521 ; R. Mead, 
Medica sacra sive de morbis insignioribus gui in Bi- 
bliis memorantur, in-12, Amsterdam, 1749; Chr. Rein- 
hard, Bïbelhranhheiten welche im alten Testamente 
vorkommen, Leipzig, 1767; Chr. Ackermann, Erlâute- 
rung derjenigen Krankheiten deren im N. T. Erwâh- 
nung geschicht, Géra, 1784; Jahn, Archssolog. biblic, 
dans le Cursus complet, de Migne, Paris, 1852, col. 936- 
946; Th. Shapter, Medica sacra, in-12, Londres, 1834; 
J. P. Trusen, Darstellung der biblischen Krankheiten, 
in-8», 1843; R. J.Wunderbar, Biblisch-talmudîsche Me- 
dicin, in-8°, Riga, 1850-1860; Frz. Delitzsch, System der 
biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 286-306; R. Ben- 
nett, The Diseases of the Bible, in-16,. Londres, 1887 ; 
J. Berendes, Die Pharmacie bei den alten Culturvôlker, 
2 in-8», Halle, 1891, t. i, p. 82-124; W. Ebstein, Die Me- 
dizin im Alten Testament, Stuttgart, 1901, p. 71-161 
{Bibliographie, p. 181-184). H. Lesétre. 

MALALAI (hébreu : Milâlai; omis dans les Sep- 
tante), un des prêtres qui jouèrent de la trompette lors 
de la dédicace des murs de Jérusalem, du temps de 
JJéhémie. II Esd., xn, 35 (hébreu 36). 



MALALÉEL (hébreu : Makâlale'êl; Septante : 
MotXeXeT|X), nom d'un patriarche antédiluvien et d'un 
Israélite. 

A. MALALÉEL, patriarche antédiluvien, descendant 
de Seth, fils de Caïnan et père de Jared. Caïnan 
l'engendra à l'âge de 70 ans et il engendra lui-même 
Jared à l'âge de 65 ans. Il vécut huit cent quatre-vingt- 
quinze ans. Gen., v, 12-17; I Par., I, 2. Saint Luc, ni, 
3, le nomme dans la généalogie de Notre-Seigneur. 

2. MALALÉEL, père de Saphatia, de la tribu de Juda. 
Il était l'ancêtre d'Athaïas, fils d'Aziam, qui s'établit à 
Jérusalem après la captivité de Babylone. Athaïas était 
de la famille de Phares, quoique la ponctuation de la 
Vulgate latine semble dire le contraire. II Esd., xi, 4. 
Cf. le texte hébreu et f. 6. 

MALASAR (hébreu : hammélsar; Septante : 'A(jt.eX- 
<ràê). Il est raconté au livre de Daniel, 1, 8-20, qu'un per- 
sonnage auquel le chef des eunuques de Nabuchodono- 
sor avait confié Daniel et ses trois compagnons, permit 
aux jeunes Hébreux de ne manger que des légumes et de 
ne boire que de l'eau. Le texte hébreu désigne ce person- 
nage sous le titre de "isban, Dan., i, 11, 16. La Vulgate 

a vu dans ce mot un nom propre, Malasar; de même 
les Septante, éd. de Sixte-Quint : 'AjieXffàS. Avant les 
découvertes cunéiformes, on essayait d'expliquer ce 
mot par le néo-persan ~**Jl«, vini princeps, cellarius. 
Gesenius, Thésaurus, p. 797. Aujourd'hui on le tient 
généralement pour un mot babylonien qui désignait un 
fonctionnaire de la cour. Frd. Delitzsch, dans S. Baer, 
Daniel, Leipzig, 1882, Prsef., p. xi, propose de voir dans 
l'hébreu ham-mélsar. l'assyrien massaru, «le gardien, 
le préfet, » que l'auteur de Daniel a fait précéder de 
l'article. Dans la tablette K. 8669, ana masarti nazàzu 
semble s'entendre, en effet, du service de la table royale. 
Cf. Mittheilungen der Vorderas. GeseiUchaft, 1898, 
p. 252, lig. 17; p. 254, lig. 11 et 20. La présence de la 
lettre l dans l'hébreu s'expliquerait comme celle du X 
dans le grec pâXaoi[iov, de la racine sémitique o'uo. 
J. Halévy (communication verbale) croit que le texte mas- 
sorétique contient la transcription exacte des consonnes 
du mot assyrien et que la lettre n n'est pas ici l'article 
hébreu, mais qu'elle répond à l'aspirée douce, >, babylo- 
nienne. Ham-mélsar serait donc amêta sîru, « l'homme 
élevé en dignité. » Cette opinion a pour elle le grec 
'AjjieXffdiê, très probablement pour 'A[ieXc7<xp, car le "i, r, a 
pu très facilement se changer en t, d, sous la plume du 
copiste du texte hébreu correspondant. Mais si les ex- 
pressions de daianu sîru, « le grand juge, » de sukkallu 
sîru, « le grand envoyé, » etc., se rencontrent fréquem- 
ment dans les textes babyloniens ou assyriens, il n'en 
est pas de même encore, à ma connaissance, pour 
atnêlu sîru, comme désignation d'une fonction spéciale. 
Il faudrait donc traduire Dan., i, 11 : « Daniel dit au 
grand à qui le chef des eunuques avait confié, etc. , » et 
i, 16 : « Le grand emportait les mets et le vin, etc. » 
Enfin Marti, Dos Buch Daniel, Tùbingue, 1901, p. 5, 
remarque à la suite de Cheyne que dans certains ma- 
nuscrits des Septante, on lit un texte tout différent. 
Dan., I, 11 : 'AëieaSpf tû àva8£ix6évTi àpxi£Uvoi3x<j> Êil 
tôv AavtTJX, etc. Voir Swete, The Old Testament in Greek 
according to the Septuagint, Cambridge, 1894. Cette 
leçon supposerait un original dans lequel au lieu des 
mots 'jnoïï-'jt D>DnDn ito ma -iitfN nsSan, on aurait lu 

... T - . T - - t • v-: - : v - 

un nom propre (Abiesdri ou plutôt, d'après Cheyne, 
Bêlsazzar, dans son Encyclopàdia biblica, t. m, 1902, 
col. 3019), suivi de btMï- 1 :? nra iwn n'DnBn "vs, « Abies- 

— t - t'.. v- : • "t- 

dri (ou Bêlsazzar), le chef des eunuques qui avait été 
préposé sur Daniel, etc. s Cette correction est complète- 
ment arbitraire. F. Martin. 



615 



MALCHUS — MALE 



616 



MALCHUS (grec: MstXx°s)> serviteur (SoOXoi;) du grand- 
prêtre Caïphe qui se rendit au jardin des Olives avec 
ceux qui allaient arrêter Notre-Seigneur. Comme il se 
distinguait sans doute parmi les plus ardents contre 
le Sauveur, saint Pierre voulut le frapper de son épée, 
mais il lui coupa seulement l'oreille droite. Jésus guérit 
aussitôt sa blessure. Les quatre évangélistes ont raconté 
cet épisode, Matth., xxvi, 51; Marc, xiv, 47; Luc, xxn, 
50-51, mais saint Jean, xvm, 10, est le seul qui nous ait 
conservé le nom de Malchus et qui nous apprenne que 
l'apôtre qui l'avait blessé était Pierre. Saint Matthieu, 
saint Marc et saint Jean ne mentionnent pas la guérison 
de la blessure, mais saint Luc, qui note avec soin les 
détails qui l'intéressaient comme médecin, marque que 
Jésus guérit le serviteur du grand-prêtre en lui touchant 
l'oreille (à^itievoç toO ùm'ou), d'où l'on peut conclure 
qu'elle n'avait pas été coupée complètement. Malchus 
avait un de ses parents qui était comme lui au service 
du grand-prêtre et ce fut ce parent qui demanda à Pierre, 
dans la cour de Caïphe : « Ne t'ai-je pas vu dans le 
jardin (des Olives) avec lui (Jésus)? » et l'apôtre renia 
alors son Maître. Joa., xviii, 26-27. — Le nom de Malchus, 
dérivé de mélék, « roi, » est sans doute le même nom 
que Mallùk (Vulgate : Maloch et Melluch), que nous 
lisons I Par., vi, 29 (Vulgate, 44); I Esd., x, 32; II Esd., 
x, 4, 27 ; xn, 2. Il devint assez commun parmi les Grecs, 
mais il était donné spécialement à des personnes d'ori- 
gine orientale. Voir W. Pape, WSrterbuch der griechi- 
schen Eigennamen, 8 e édit., 1863-1870, t. n, p. 850. 

MALDER Jean, théologien catholique, né à Lewes- 
Saint-Pierre, près de Bruxelles, le 14 août 1563, mort à 
Anvers, le 21 octobre 1633. Il fit ses études à Douai et 
à Louvain, et en 1586 obtint dans cette dernière ville 
une chaire de philosophie. En 1594, il se fit recevoir 
docteur en théologie, obtenait ensuite la chaire de 
théologie \seholasti que et devenait chanoine de Saint- 
Pierre. Il fut choisi pour être supérieur du séminaire 
en 1598, et en 1611 il était élu évêque d'Anvers. On a 
de lui Commentarius in Cantica Canticorum, in-8», 
Anvers, 1628. — Voir Valère André, Bibliotheca Bel- 
gica (1643), p. 531 ; Paquot, Mémoires pour servir 
à l'histoire littéraire des Pays-Bas (1766), t. vu, 
p. 18; Dupin, Table des auteurs du xvip siècle (1719), 
col. 1758. B. Heurtebize. 

MALDONADO ou MALDONAT Jean, né en 1534 
à Casas de la Reina (Estramadure), mort à Rome le 
5 janvier 1583. Il enseignait depuis quelque temps à 
Salamanque, lorsque Dieu l'appela à la vie religieuse. 
Reçu au noviciat de la Compagnie de Jésus à Rome, le 
10 août 1562, il fut envoyé l'aimée suivante à Paris, où 
il professa avec grand éclat la philosophie et la théologie. 
En quittant la France il se rendit en Lorraine pour y 
visiter les maisons de son ordre. Rappelé à Rome par 
Grégoire XIII, afin de travailler à l'édition de la Bible 
grecque des Septante, il mourut dans cette ville peu 
après son retour. Il nous reste de Maldonat sur 
l'Écriture Sainte trois ouvrages considérables, dont de 
nombreuses éditions en France, en Allemagne et en 
Italie attestent le succès: 1° Joannis Maldonati Soc. Jes. 
theologi Commentarii in quatuor Evangelistas, Pont-à- 
Mousson, 1596; Venise, 1597, 1606; Lyon, 1598 et 1615; 
Brescia, ,1598; Mayence, 1602, 1622, 1874; Paris, 1617, 
1621, etc.; 2° Commentarii in prophetas IV, Jere- 
•nxiam, Ezechielem, Baruch et Danielem, Lyon, 1609; 
Paris, 1610; Tournon, 1611; Mayence, 1611; Bruxelles, 
1636. — Le commentaire sur Ezéchiel a été inséré dans 
le Cursus Script. Sac. de Migne, t. xrx, col. 645-1016; 
3° Commentarii in preecipuos Sacres Scripturee libros 
Veteris Testamenti, in-f», Paris, 1643". La bibliothèque 
de l'école Sainte-Geneviève, à Paris, possède une courte 
dissertation inédite De Scriplurse authoritate, due à la 



plume du savant religieux. — Voir P. Prat, Maldonat et 
l'Université de Paris, in-8°, Paris, 1866. 

P. Bliard. 

MALE (hébreu : zdkâr, zàkûr; Septante : a.pa-i\v, àpaevt- 

xôç ; Vulgate : mas, masculus, masculinus; quelquefois : 

gébér, àvqp, vir), individu appartenant au sexe masculin. 

Le mot est employé à propos des hommes et des animaux. 

I. Les hommes. — 1° Quand Dieu créa l'homme « il les 
créa mâle et femelle ». Gen., i, 27; v, 2. Le passage du 
singulier collectif 'otô, « lui, » l'homme, au pluriel 'otâm, 
« eux, » les deux premiers êtres humains, montre très 
nettement que les deux sexes ne sont pas réunis dans 
le même individu, mais appartiennent chacun à un indi- 
vidu différent. Cf. Matth., xix, 4 ; Marc, x, 6. Du récit de 
la création d'Adam et d'Eve, comme de celui de leur dé- 
sobéissance à Dieu, résulte l'idée, très accentuée chez les 
Hébreux, de la supériorité de l'homme sur la femme. — 
2° Le mâle n'enfante pas, Jer., xxx, 6, mais la femme 
recherche l'homme. Jer., xxxi, 22; Eccli., xxxvi, 23. 
Job, m, 3, et Jérémie, xx, 15, en parlant de leur propre 
naissance, maudissent le jour où il a été dit : Un mâle 
est né. La femme de l'Apocalypse, xn, 5, 13, enfante un 
mâle ; c'est la figure de l'Église qui enfante soit le chré- 
tien, soit un peuple à la foi. — Après la naissance d'un 
enfant mâle la mère reste impure pendant quarante jours ; 
après la naissance d'une fille, l'impureté dure le double 
de temps. Lev., xn, 2-5. — La sodomie, ou commerce cri- 
minel entre mâles, est sévèrement prohibée. Lev., xvm, 
22; xx, 13; Rom., I, 27; I Cor., vl, 10; I Tim., i, 10. 
Il est également défendu aux hommes de prendre des 
habits de femme et réciproquement. Deut., xxn, 5. — 
3° C'est à tous les mâles sans exception qu'est imposée 
la circoncision. Gen., xvn, 4, 10, 12, 23; xxxiv, 15, 22, 
24; Exod., xn, 48. — 4° Dans les dénombrements, ce 
sont surtout les mâles dont il est tenu compte. Num., i, 
2, 20, 22 ; m, 15, 22, 28, 34, 39, 40, 43 ; xxvi, 62 ; I Esd., 
vin, 3-14, etc. — 5» Les mâles sont les victimes prin- 
cipales des exterminations. Le pharaon ordonne de faire 
périr les enfants mâles des Hébreux. Exod., i, 16, 22. 
Tous les Israélites mâles, sortis d'Egypte, à l'exception 
de deux, trouvent la mort au désert. Jos., v, 4. Tous les 
mâles de la ville habitée par Sichem, fils d'Hémor, Gen., 
xxxiv, 25, tous ceux des Madianites, Num., xxxi, 7, 17,. 
de jabès en Galaad, Jud., xxi, 11, de l'Idunaée, III Reg., 
xi, 15, de Bosor, de Maspha, d'Éphron, I Mach., v, 28, 35, 
51, sont passés au fil de l'épée. Les Israélites avaient 
ordre de tuer tous les mâles du pays de Chanaan. Deut. r 
xx, 13. — 6° Au point de vue religieux, les mâles ont aussi 
une situation particulière, par rapport aux droits et aux 
devoirs. Les mâles premiers-nés appartiennent au Sei- 
gneur et doivent être rachetés. Exod., xm, 12, 15; xxxiv, 
19; Deut., xv, 19; Luc, h, 23. Voir Premier-né. Tous 
les mâles d'Israël ont à se présenter trois fois l'an au 
sanctuaire, à l'époque des grandes fêtes. Exod., xxm, 
17; xxxrv, 23; Deut., xvi, 16. Les mâles de race sacer- 
dotale peuvent seuls manger les victimes des sacrifices 
d'expiation. Lev., vi, 18, 29; vu; 6; Num., xvm, 10; 
II Par., xxxi, 19. Enfin, pour se racheter d'un vœu, tout 
mâle doit payer, d'un mois à cinq ans : cinq sicles d'ar- 
gent; de cinq ans à vingt : vingt sicles; de vingt ans 
à soixante : cinquante sicles; au delà de soixante : 
quinze sicles. Les femmes se rachètent pour une somme 
qui n'atteint que la moitié ou les trois cinquièmes des 
précédentes. Lev., xxvn, 3-7. 

II. Les animaux. — 1° Le- premier-né des animaux 
appartient au Seigneur et doit lui être immolé. Exod. , xm, 
12, 15 ; xxxiv, 19. — 2° L'animal offert pour le sacrifice 
d'action de grâces peut être indifféremment mâle ou 
femelle. Lev., ni, 1, 6. Pour l'holocauste, les animaux 
mâles sont seuls admis. Lev., i, 3, 10; xxn, 19. Malachie, 
I, 14, reproche aux Israélites de son temps la transgres- 
sion de cette loi. — 3° La victime pascale ne pouvait 
être qu'un mâle. Exod., xji, 5. H, LesÈIRE. 



617 



MALÉDICTION, MAUDIRE 



618 



MALÉDICTION, MAUDIRE, le contraire de Béné- 
diction, Bénir, voir 1. 1, col. 1580-1583, par conséquent 
acte par lequel on appelle le malheur sur quelqu'un, ou 
même, par extension, sur des êtres inanimés. Voir aussi 
Imprécation, t. m, col. 853-854, 

I. Les termes employés. — La malédiction est ordi- 
nairement appelée qelâlâh, xftrapa, maledictio, male- 
dictum, une fois mig^érét, âvâXaxriç, increpatio, Deut., 
xxviii, 20, et une fois, fa'âlâh, iiôxôoç, labor, « peine. » 
Lam., m, 65. Les verbes suivants signifient « maudire » : 
''ârar, analogue à l'assyrien arâru, zâ'am, nâqab, qâbab, 
qillêl; dans les Septante : àpâ<r9ai, -*aTapS<r6ai, êntica- 
TapâaSai, xaxoXoysïv ; dans la Vulgate : maledicere; d'où 
xaiâpaio;, èiHxaTapaxot, maledictus, « maudit. » Le 
verbe bârak, qui signifie « bénir », a aussi quelquefois 
par antiphrase le sens de « maudire ». Job, i, 5; il, 5; 
III Reg., xxi, 10, 13; Ps.x, 3. Ce double sens se retrouve 
dans l'éthiopien bdrâk et dans le maltais byrek ou bâ- 
rek. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, 
p. 127. 

II. Les malédictions divines. — La malédiction 
divine est particulièrement redoutable, parce que, si les 
hommes peuvent appeler le malheur, la justice de Dieu 
va plus loin et l'inflige à qui le mérite. Heureusement, 
les malédictions divines ne sont souvent qu'à l'état de 
menaces, destinées à éloigner du péché ceux qui seraient 
tentés de le commettre. — l°Dans l'Ancien Testament, 
Dieu maudit le serpent qui a servi d'instrument à 
Satan, Gen., m, 14, la terre souillée par le péché de 
l'homme, Gen., m, 17; v, 29; vm, 21, et Caïn meurtrier 
de son frère. Gen., iv, 11. Il maudit ceux qui maudis- 
sent Abraham, Gen., xn, 3, et celui que ses crimes 
ont fait attacher au poteau après sa lapidation. Deut., 
xxi, 23. On lit ici dans le texte hébreu : « Malédiction de 
Dieu est le suspendu, » ce que les Septante traduisent : 
« Maudit de Dieu, tout homme suspendu au bois. » 
Saint Paul, Gai., m, 13, reproduit la sentence sous cette 
forme : « Maudit tout homme qui est suspendu au 
bois. » Il accepte l'addition uSç, « tout homme, » des 
Septante, et il supprime lé mot 'Ëlohîm, ûub ©eoû, 
« de Dieu, » qui se lit dans les anciens textes. Mais 
il les sous-entend nécessairement, puisqu'il vient de 
•dire que n. le Christ nous a rachetés de la malédiction 
de la loi, en se faisant maudit à notre place ». Or il est 
■certain que la malédiction formulée par la loi émanait 
-de Dieu. Saint Jérôme reproduit le texte tel qu'il est 
dans l'hébreu et les Septante. Aussi est-ce sans raison 
<rae, In epist. ad Galat., ni, 14, t. xxvi, col. 363, il 
accuse les Juifs d'avoir ajouté les mots 'ëlohîm et ûitb 
©eoû aux anciens textes, pour déshonorer les chrétiens 
en donnant à croire que le Christ avait été maudit de 
Dieu. Il n'y a rien ici à reprocher aux Juifs, car le 
Christ a été vraiment maudit de Dieu, en tant que chargé 
des péchés du monde. De longues malédictions sont 
portées au nom de Dieu, contre les Israélites trans- 
gresseurs de la loi. Lev., xxvi, 14-45; Deut., xi, 26-29; 
xxvii, 13-26; xxvm, 16-45; xxix, 20, 27; xxxi, 1, 17-19; 
Jos., vm, 34. Des malédictions analogues, quant à la 
longueur et quant aux idées, avaient été proférées, 
longtemps avant Moïse, par le roi de Babylone, Ham- 
mourabi, contre ceux de ses successeurs qui contre- 
viendraient aux lois qu'il avait promulguées. Cf. Scheil, 
Textes élamites-sémitiques, II e sér., Paris, 1902, p. 123- 
131. Les malédictions divines furent souvent répétées 
par les prophètes contre les Hébreux infidèles aux lois 
mosaïques. Jer., xxiv, 9; xxv, 18; xxvi, 6; xxix, 18, 22; 
xlii, 18; xliv, 8,12; Zach., v, 3; vin, 13; Bar., î, 20, etc. 
Sous Josias, on lut solennellement au peuple les malé- 
dictions du Deutéronome. IV Reg., xxn, 19; II Par., 
xxxiv, 24. Daniel, IX, 11, constate que ces malédictions 
s'étaient réalisées. Elles frappaient également le pays, à 
cause de ses habitants. Is., xxiv, 6; Jer., xxm, 10; 
snv, 22. C'est encore la malédiction divine que les 



écrivains sacrés prononcent contre les méchants, Job, 
xxiv, 18; Ps. cxix (exvm), 21; JEecli., xxxm, 12; Sap.. 
ni, 13; xn, 11; contre la mauvaise langue, Eccli., 
xxvm, 15; contre ceux qui manquent de fidélité à 
Dieu, Jer., xi, 3, qui mettent leur confiance dans 
les hommes, Jer., xvn, 5, qui accomplissent mal l'œu- 
vre de Dieu, Jer., xlviii, 10, qui déshonorent le Sei- 
gneur par un culte indigne de lui, Mal., i, 14; n, 2; 
m, 9, ou qui fabriquent des idoles. Sap., xiv, 8. Ces 
malédictions causent la ruine de quiconque les en- 
court. Ps. xxxvn (xxxvi), 22. — 2» Dans le Nouveau 
Testament, Notre-Seigneur maudit le figuier stérile, 
Marc, xi, 21 ; mais il ne maudissait pas lui-même 
ceux qui le maudissaient. I Pet., n, 23. Cependant c'est 
sous cette forme de malédictions qu'il adresse de sé- 
vères reproches aux villes coupables d'incrédulité, 
Matth., xi, 21, aux riches et à ceux qui cherchent 
leur bonheur définitif en ce monde, Luc, vi, 24-26, 
aux scribes et aux pharisiens, adversaires de sa mis- 
sion rédemptrice. Matth., xxm, 13-39. La malédiction 
divine pèse encore sur ceux qui veulent rester soumis 
à la Loi ancienne, Gai., m, 10, 13, sur les âmes qui 
ne profitent pas de la grâce et sont comme une 
terre stérile, Heb., vi, 8, et sur les faux docteurs, « fils 
de malédiction, » qui entravent la prédication évangé- 
lique. II Pet., H, 14. Enfin les maudits par excellence 
sont ceux que Dieu enverra au supplice éternel. Matth., 
xxv, 41. 

III. Les malédictions et la. Loi. — 1» Il y avait peine 
de mort contre celui qui maudissait le nom de Dieu. 
Lev,, xxiv, 11, 15. Cf. III Reg., xxi, 10, 13. La même 
peine était infligée à quiconque maudissait son père ou 
sa mère. Exod., xxi, 17; Lev., xx, 9. Cette pénalité est 
plusieurs fois rappelée. Prov., xx, 20; xxx, 11; Eccli., 
m, 18; Matth., xv, 4; Marc, vu, 10. Il est défendu de 
maudire les 'ëlohîm, et le chef du peuple. Exod., xxn, 

28. Le mot 'ëlohîm, que les versions traduisent par le 
pluriel, 9eoi, dii, « les dieux, » ne désigne ici ni Dieu 
lui-même, qui ne saurait être mis en parallèle avec le 
chef du peuple, ni les dieux des nations, comme l'ont 
imaginé Josèphe, Anl. jud., IV, vm, 10; Cont. Apion., 
n, 33, etThilon, De monârch.,1, 7; De vit. Mosis, ni, 
26, édit. Mangey, t. n, p. 219, 166, pour être agréables 
à leurs lecteurs païens, mais les magistrats, déjà appelés 
du même nom. Exod., xxi, 6. Il est encore défendu de 
maudire le sourd, qui ne peut entendre ce qu'on dit ni 
se défendre. Lev., xix, 14. Par contre, des malédictions 
spéciales sont prescrites contre la femme soupçonnée 
d'infidélité, malédictions qui devaient avoir leur effet si 
la femme était coupable. Num., v, 19-22. Voir Eau de 
jalousie, t. n, col. 1522, 1523. — 2° L'esprit de la Loi 
se retrouve dans le conseil de ne maudire en secret 
ni le roi, ni le riche. Eccle., x, 20. Il est recommandé 
de ne pas s'attirer, par sa dureté, la malédiction du 
pauvre, car Dieu l'entendrait, Eccli., iv, 5, 6, bien qu'il 
n'exauce pas toujours celui qui maudit. Eccli., xxxiv, 

29. — 3° Notre-Seigneur ordonne à ses disciples de 
bénir ceux qui les maudissent. Luc, vi, 28. Les Apô- 
tres rappellent cet ordre, Rom., xn, 14; I Pet., m, 9, 
et s'y conforment eux-mêmes. I Cor., iv, 12; I Tim., 
iv^IO. 

IV: Malédictions contre les hommes. — 1» Noé 
maudit Chanaan, à cause de l'irrévérence de son père 
Cham. Gen., ix, 25. Jacob redoute la malédiction de son 
père Isaac, Gen., xxvn, 12, mais celui-ci maudit ceux 
qui maudiront Jacob et bénit ceux qui le béniront. 
Gen., xxvn, 29. Balac, roi de Moab, envoie chercher 
Balaam, afin qu'il maudisse le peuple d'Israël. Celui-ci, 
sur l'ordre de Dieu, se refuse à maudire et ne profère 
que des bénédictions. Num., xxn, 5-xxiv, 9. La formule 
par laquelle il termine : « Béni soit qui te bénira et 
maudit qui te maudira, » se retrouve déjà. Gen., xn, 3; 
xxvn, 29. La substitution des bénédictions aux malé- 



619 



MALÉDICTION, MAUDIRE — MALLOTES 



620 



dictions demandées à Balaam laissa un profond souvenir 
chez les Hébreux. Deut, xxm, 4, 5; Jos., xxiv, 9; 
II Esd., xm, 2. Voir Balaam, t. i, col. 1390-1398. Josué 
profère des malédictions contre ceux qui rebâtiront 
Jéricho, Jos., vi, 26, et contre les Gabaonites qui l'ont 
trompé. Jos., IX, 23. Au temps des Juges, Abimélech est 
maudit par les Sichimites, Jud., ix, 27, 57, et les Israé- 
lites maudissent ceux qui marieront leurs filles avec des 
hommes de la tribu de Benjamin. Jud., xxi, 18. Des 
malédictions sont ensuite prononcées par Saûl contre 
quiconque mangera avant la victoire remportée sur les 
Philistins, I Reg., xiv, 24, 28, voir Jonathas, t. m, 
col. 1617,- par Goliath contre David, I Reg., xvii, 43; 
par David contre ceux qui lui aliéneraient l'esprit de 
Saûl, I Reg., xxvi, 19; par Sémél contre David, II Reg., 
xvi, 5-13; xix, 21, crime qui doit entraîner la mort du 
coupable, III Reg., il, 8; par Elisée contre les enfants 
de Béthel qui l'insultent, IV Reg., n, 24; par Jéhu contre 
Jézabel, IV Reg., IX, 34; par Néhémie contre les Juifs 
qui épousent des étrangères, II Esd., xm, 25; par 
Tobie contre ceux qui mépriseront Jérusalem, Tob., 
xm, 16; par les Juifs contre Jérémie, Jer., xv, 10; par 
les défenseurs de Gazara contre les Juifs qui les assiègent, 
II Mach., x, 34; par les 'juifs contre l'aveugle-né. Joa., 
lx, 28. — 2» D'autres malédictions ont un caractère 
plus général. Les méchants ont la bouche pleine de 
malédictions. Ps. x, 7; xiv (xm), 3; Rom., m, 14. Les 
hypocrites bénissent des lèvres et maudissent du cœur. 
Ps. lxii (lxi), 5. Les bénédictions multipliées et impor- 
tunes deviennent de vraies malédictions. Prov., xxvn, 
14. L'impie qui maudit le diable se maudit lui-même. 
Eccli., xxi, 30. La malédiction sans motif n'a point 
d'effet. Prov., xxvi, 2. Si elle vient du méchant, Dieu la 
change en bénédiction, Ps. Cix (cvm), 28, et ce sont 
les méchants eux-mêmes qui sont maudits, Ps. cix(cvih), 
18, avec leur race. Eccli., xli, 12, 13. Le même sort est 
réservé aux orgueilleux. Eccli., x, 15. La malédiction 
d'une mèi*e -eause la ruine delà maison. Eccli., m, 11. 
Le peuple maudit l'accapareur du blé, Prov., xi, 26, et 
celui qui dit au méchant : « Tu es juste. » Prov., xxiv, 
24. Le serviteur maudit celui qui le traite injustement. 
Prov., xxx, 10; Eccle., vu, 22, 23. NabtiliUiiiwil accusé 
faussement d'avoir maudit Dieu et le roi. III Reg., xxi, 
10, 13. Isaïe, vm, 21, dit que le peuple d'Israël, devenu 
rebelle, maudira son roi et son Dieu; il ajoute dans 
son langage figuré qu'à l'âge d'or, au temps messia- 
nique, la vie sera si longue que mourir à cent ans sera 
considéré comme une malédiction réservée au méchant. 
Is., lxv, 20. Notre-Seigneur proclame bienheureux ceux 
que le monde maudit. Matth., v, 11. Les pharisiens mau- 
dissaient la foule et l'appelaient ignorante, parce qu'elle 
s'attachait au Sauveur. Joa., vu, 49. — Sur les malédic- 
tions qu'on trouve dans les Psaumes contre les ennemis 
du poète sacré ou du peuple de Dieu, voir Imprécation, 
5», t. m, col. 854. 

V. Malédictions contre les choses. — Jacob maudit 
la colère de Siméon et de Lévi. Gen., xlix, 7. La malé- 
diction est portée contre la terre de Méroz, Jud., v, 23, 
contre Bozra, Jer., xlix, 13, contre la demeure de 
l'insensé, Job, v, 3, et contre la mémoire de la femme 
adultère. Eccli., xxm, 36. Job. m, 1, et Jérémie, xx, 
14, 15, maudissent le jour qui les a vus naître, c'est-à- 
dire veulent qu'il soit compté comme un jour malheu- 
reux. Cf. Eccli., xxm, 19. Les magiciens maudissent le 
jour, Job, m, 8, c'est-à-dire ont le prétendu pouvoir de 
rendre néfastes certains jours. — La langue bénit et 
maudit, Jacob., m, 9, 10, mais les idoles ne peuvent 
faire ni l'un ni l'autre. Bar., vi, 65. H. Lesêtre. 

MALIN (LE) (grec : & riov^poç; Vulgate : malus, 
malignus), nom donné par antonomase, à Satan ou au 
démon, parce qu'il est méchant. Dans ce sens, itovripô; 
est toujours précédé en grec de l'article. La Vulgate l'a 



toujours traduit par malignus, dans I Joa., n, 13, 14; 
m, 12; v, 18, 19. Ailleurs, elle l'a rendu par malus, 
Matth., xm, 19; IIThess., m, 3; par nequissimus. Eph., 
vi, 16. — Les commentateurs ne sont pas d'accord entre 
eux pour savoir s'il faut entendre du Malin ou du mal 
les passages suivants : 1° Matth., vi, 13, et Luc, xi, 4 : 
pOaat rjjiâéç àitô toû itovripoû, libéra nos a malo, « délivre- 
nous du mal (ou du Malin). » On l'entend communément 
du mal; Matth., v, 37 : ce qui est en plus (de oui ou de 
non) est du Malin (ou du mal, mauvais). — 2» Matth., xm, 
38 : *rà 5s ÇtÇàvta, eî<xlv q\ utot tov rcov^poû, zizania au- 
tem, filii sunt nequam, « la zizanie est (la figure) des fils 
du diable (ou des fils du mal, des méchants). » Comme il 
est dit au f. 39 que le diable, êistëoXoç, est figuré par 
« l'homme ennemi », il ne parait pas naturel que la 
zizanie figure aussi le même personnage et, dès lors « fils 
du mal » doit être un hébraïsme qui signifie simplement 
« méchants •>. — 3° Dans sa prière à son père en faveur 
de ses Apôtres, Joa., xvn, 15, Jésus dit : « Je ne demande 
pas que tu les enlèves de ce monde, mais que tu les gardes 
du mal (ou du Malin) », êx toû novujpoû, a malo. Quelques 
commentateurs entendent aussi ce terme dans le sens 
de « mal » et non de « Malin ». II Thess., m, 3; I Joa., 
v, 19. — L'équivoque dans tous ces passages provient 
de ce que le texte grec ne permet pas de distinguer si 
le mot original est à itovujpôç, au masculin, « le Malin, » 
ou tô m>v>)p<Sv, au neutre, « le mal, » parce que le mas- 
culin et le neutre ont la même forme aux cas obliques. 
— Les démons sont aussi appelés 7tveûp.a itovripov, 
Matth., xii, 45 (Vulgate : spiritus nequiores); Luc, vu, 
21 (spiritus malus); vm, 2 (spiritus maligni); xi, 26 
(spiritus nequiores); Act., xix, 12 (spiritus nequam), 13 
(spiritus malus), 15 (spiritus nequam), 16 (dsemonium 
pessimum). 

MALLOTES (grec : MaUcuTcu ; Vulgate : Mallotœ), ha- 
bitants de Mallos, ville de Cilicie (fig. 187). Ils sont nom- 




187. — Monnaie de Mallos. 

Tête de Tibrie. — S>. [m]aa.|aq[t]|qn. La ville de Mallos assise,. 

tenant une palme ; deux fleuves nageant à ses pieds. 



mes avec ceux de Tarse à l'occasion d'une révolte de ces 
deux villes qui trouvaient mauvais que le roi Antio- 
chus IV Épiphane les eût données en présent à sa con- 
cubine Antiochide. II Mach., iv, 30. Le roi vint lui-même 
pour les calmer et leur donna pour gouverneur Andro- 
nique, haut personnage de sa cour, y. 31. Strabon, XIV, 
v, 16, dit que Mallos était située sur une hauteur près 
de l'embouchure du Pyrame. Cf. Arrien, Anab., u, 3. 
La ville est mentionnée dans Appien, Mithridat., 96, 
dans Ptolémée, V, vm, 4; VIII, xvn, 44, et dans Pline, 
H. N., v, 27 (22). Scylax, Periplus, 102, Geogr. minor., 
édit. Didot, t. i, p. 77, dit qu'il fallait remonter un peu 
la rivière pour arriver à Mallos. Le port de Mallos était 
Mégarsa. On ne sait à peu près rien de l'histoire de 
Mallos. On a trouvé dans les environs un grand nombre 
de monnaies de cette ville. Mionnet, Description de 
médailles antiques, t. m, p. 251; suppl., t. vil, p. 225; 
Imhoof-Blumer, Annuaire de la Société française de 
numismatique, 1863, t. vil, p. 89; 1886, t. xx, p. 110; 
B. Head, Historia Numorum, in-4°, Oxford, 1887, p. 605- 
606; E. Babelon, Les Perses Achéménides, in-8°, Paris, 
1893, p. 20, n. 153-155; p. 22, n. 164-165; Id., Catalogue 



621 



MALLOTES 



MALTE 



625 



sommaire de la Collection Waddington, in-8», Paris, 
1898, p. 242-244, n. 4354-4371. E. Becrlier. 

MALOCH (hébreu -.Mallûk, dérivé de mélék, « roi »), 
nom de cinq Israélites dans le texte hébreu. La Vulgate 
écrit le nom de deux d'entre eux Maloch et celui des 
trois autres Melluch, Voir aussi Malchus. 



men très remarqué. Il revint dans sa patrie en 1835 et 
Tannés suivante fut nommé professeur de théologie dog. 
matique à l'Université de Louvain. Il y enseigna 12 ans. 
En 1848, il fut nommé évêque de Bruges et occupa ce 
siège jusqu'à sa mort. On a de lui un savant ouvrage ; 
La lecture de la Sainte Bible en langue vulgaire jugée 
d'après l'Écriture, ta tradition et la saine raison, 2 in. 




_^J>eict" T yver>e &k. 



188. — Carte de l'fle de Malte. 



1. MALOCH (Septante : MaW>-/)> Lévite, de la famille 
de Mérari, fils d'Hasabias et père d'Abdi, un des ancêtres 
d'Éthan qui fut un des trois maîtres de chœur du temps 
de David. I Par., VI, 44 (hébreu 29). 

2. MALOCH (Septante : MaXoûjc), descendant de Hérem, 
qui avait épousé une femme étrangère et qui consentit 
à la renvoyer du temps d'Esdras. I Esd., x, 32. 

MALOU Jean-Baptiste, théologien catholique belge, 
né à Ypres, le 30 juin 1809, mort le 23 mars 1864. Après 
avoir fait ses études à l'université de Louvain il se ren- 
dit à Rome (1831.), où il conquit le doctorat par un exa- 



8°, Louvain, 1846. Il fut traduit en allemand par L. Cla- 
ruSjltt^S», Ratisbonne, 1848, et par Stoeteken à Schaffouse, 
2 ln-8», 1849. Après sa mort Pie IX dans une lettre à 
l'évêque de Liège, en date du 8 juin 1864, fit de lui le plus 
bel éloge. Voir Der Katholik, 1866, t. i, p. 116, et n, 
p. 74-90, 129-156; Université catholique de Louvain, 
Bibliographie académique, p. 38-42; Hurter Nomencla- 
lor literarius, t. m, 1895, col. 976-979.] 

MALTE (grec : MeXîtt) ; Vulgate : Melita), île de la 
Méditerranée située entre la Sicile et l'Afrique (fig. 188). 

1» Saint Paul à Malte. — Au cours de son voyage à 
Rome, saint Paul fit naufrage, en vue de Malte. Les 



623 



MALTE — MALVENDA 



624 



matelots ne reconnurent d'abord pas l'Ile, mais ils y 
abordèrent à la nage, après que leur vaisseau eut échoué 
sur une langue de terre. Ils surent alors qu'ils étaient 
à Malte. Act., xxvil, 39, xxvm, 1. Les habitants de 
l'Ile, que saint Luc qualifie de barbares, témoignèrent 
aux naufragés une bienveillance peu commune. Il faisait 
froid et la pluie tombait; ils allumèrent du feu. Paul 
ayant ramassé des broussailles pour les jeter dans le 
brasier, une vipère en sortit par l'effet de la chaleur et 
s'attacha à sa main. Tout d'abord les Maltais crurent 
voir là une punition de la justice et considérèrent saint 
Paul comme un meurtrier. Puis voyant qu'il n'avait 
aucun mal, ils le prirent pour un dieu. Act., xxvm, 2- 
6. Un des principaux personnages de l'Ile, nommé 
Publius, hébergea les naufragés pendant trois jours. 
Saint Paul guérit le père de Publius en lui imposant 
les mains. Cette guérison lui attira de grands honneurs 
et, à leur départ de l'île qui eut lieu trois mois après, les 
naufragés reçurent des habitants tout ce qui leur était 
nécessaire pour la route. Act., xxvm, 7-11. 

Malte se convertit peu à peu et depuis lors le christia- 
nisme y a toujours été florissant. « Jamais, dans la fertile 
Malte, graine confiée à la terre n'a germé comme la 
semence jetée par ce naufragé; de tous les conquérants 
successifs qui ont passé sur l'île, celui-là est le seul 
dont le règne ait été durable et que les Maltais n'aient 
point oublié. » R. Pinon, Deux forteresses de la plus 
grande Bretagne, dans la Revue des Deux Mondes, 
15 juin 1903, p. 855. L'église cathédrale rappelle aux 
habitants de l'île le souvenir de saint Paul. « La cathé- 
drale de San Paolo est bâtie sur l'emplacement même 
de la petite grotte où la tradition veut que saint Paul ait 
habité et qui subsiste, très vénérée, dans la crypte de 
l'église. » lbid., p. 857. 

Quelques commentateurs des Actes ont prétendu que 
l'île à laquelle avait abordé saint Paul n'était pas Malte, 
mais une4jg de l'Adriatique, Mélita, aujourd'hui Méléda, 
sur les côtes de Dalmatie. Les sondages indiqués par 
saint Luc, vingt brasses, puis bientôt après quinze 
brasses, Act., xxvu, 28, se rapportent à Malte et non à 
Méléda. Voir la carte du service hydrographique de la 
marine autrichienne, Kùslen Karte, Blatt 22, Méléda, 
édit. de 1879. A Méléda la pente est si rapide qu'on 
n'aurait pas eu le temps de retrouver une profondeur 
de quinze brasses après avoir trouvé celle de vingt. 
A. Breusing, Die Nautik der Alten, in-8», Brème, 1886, 
p, 190. La baie de Malte où les naufragés abordèrent 
porte aujourd'hui le nom de San Paolo. Elle est située 
au nord-est de l'île. L'emplacement répond exactement 
à la description de saint Luc. A l'extrémité sud-ouest de 
la baie est la place où abordèrent les naufragés, qui de- 
vaient être nécessairement portés là par le courant tel 
qu'il est orienté. Au milieu de la passe se trouve le 
banc sur lequel échoua le navire. J. Vars, L'art nau- 
tique dans l'antiquité, in-12, Paris, 1887, p. 258-259; 
F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes 
archéologiques modernes, 2 e édit., in-12, Paris, 1896, 
p. 341-346. 

2° Description et histoire de Malte. — L'île de Malte 
est située par 35°54' de latitude nord et 13°40' de longi- 
tude est. C'est l'île principale d'un groupe auquel elle 
donne son nom et qui se compose, en outre, des îles 
Gozzo, anciennement Gaulos, Comino et Cominotto. 
L'île de Malte a 255 kilomètres carrés soit 28 kilomètres 
de long sur 16 de large. C'est un vaste rocher calcaire. 
Elle a aujourd'hui plus de 165000 habitants, dont 60000 
pour le chef-lieu, la Cité-Valette. La végétation y est 
très riche. Elle produit du coton, des oranges, et des 
roses. Malgré son peu d'étendue, Malte, à cause de 
sa situation et de l'excellence de ses ports, a une im- 
portance commerciale très grande. Aussi les Phéniciens 
l'occupèrent-ils dés une époque très reculée. Diodore 
de Sicile, v, 12. Elle devint plus tard une colonie de 



Carthage. Scylax, Perip., 111, dans les Geogràph. mi- 
nor., édit. Didot, 1. 1, p. 89. La prospérité de l'île devint 
très grande ainsi que son industrie, Diodore, loc. cit., 
mais nous savons peu de chose de son histoire. En 218 
avant J.-C, Hamilcar rendit Malte aux Romains. Tite 
Live, xxi, 51. Elle fut annexée à la province de Sicile. Au 
temps de Cicéron les Maltais étaient encore fameux par 
leurs manufactures d'étoffes de coton, très recherchées 
à Rome où on les appelait veslis Melitensis. Cicéron, 
In Verrem, n, 72; iv, 46; cf. Diodore, v, 12. Le coton 
est toujours une des principales productions de l'île. On 
y trouvait aussi déjà du temps de Strabon, VI, II, 11, 
une race de petits chiens qui y existe encore. Les habi- 
tants de Malte parlaient un dialecte punique, ce qui 
explique pourquoi saint Luc les appelle « barbares ». 
On y trouve des inscriptions en cette langue. Comptes 
inscr. grssc, n. 5753; Corpus inscr. semitic, pars I, 
n. 124. Leurs mœurs étaient douces et leur caractère 
généreux. Il n'y a plus aujourd'hui de serpents veni- 
meux dans l'île, les habitants attribuent ce bienfait à 
l'intervention de saint Paul. Breusing, Die Nautik, 
p. 191, remarque que l'île, étant autrefois très boisée, 
devait avoir des serpents qui ont disparu avec le déboi- 
sement. Il y avait à Malte une ville importante située 
où est aujourd'hui Citta Vecchia, qui était en relations 
d'amitié avec les Syracusains et dont les magistrats sont 
nommés dans une inscription grecque : îepo6ÛTi); et 
ap^ovireç. Kaibel, Inscriptiones grsecse ltalise et Sicilix, 
in-f°, Berlin,1890,n.953. On possède aussi des monnaies 
de cette ville avec l'inscription MEAITAIÛN (lig. 189). 




189. — Monnaie de l'ile de Malte. 

MEMTAIQN. Tête de femme à gauche, coiffée à l'égyptienne et 
surmontée d'un lotus. — ^. Figure virile, accroupie et mitrée 
avec quatre ailes, tenant dans sa main droite la harpa et dans 
la gauche un fouet. 

Mionnet, Description de médailles antiques, 1. 1, p. 342, 
n. 17-27. Le titre de Ttpàiiot, princeps, que les Actes 
donnent à Publius, se retrouve dans une inscription 
grecque dédiée à un certain L. Prudens, chevalier 
romain. Kaibel, Inscript, greec. Italise et Siciliee, 
n. 601. Voir Publius. — Après avoir été soumise aux 
Goths, aux empereurs grecs, aux Arabes, aux Normands 
et au royaume des Deux-Siciles, elle fut cédée aux che- 
valiers de Rhodes par Charles-Quint en 1530. C'est alors 
que ceux-ci prirent le nom de chevaliers de Malte. En 
1798 Bonaparte s'en empara, mais en 1800 elle tomba 
au pouvoir des Anglais, en la possession de qui elle est 
encore aujourd'hui. 

Bibliographie. — J. Smith, The voyage and shipwrech 
of St. Paul, in-8», Londres, 1848; J. S. Bayot, Mer Mé- 
diterranée, côte de Tunis, îles Maltaises, in-8°, Paris, 
1876; W. M. Ramsay, St. Paul, the traveller and the ci- 
tizen, in-8°, Londres, 1895, p. 342. E. Beurlier. 

MALVENDA Thomas, exégète dominicain espagnol, 
né à Xativa en 1566, mort à Valence (Espagne) en 1628. 
Il entra dans l'ordre des Frères Prêcheurs en 1582. Il 
se livra avec ardeur à l'étude du grec, de l'hébreu, de la 
Sainte Écriture, de la théologie et de l'histoire ecclésias- 
tique. Appelé à Rome, à cause de sa science, il y passa 
une dizaine d'années et retourna en Espagne en 1610. 
Parmi ses écrits, on doit signaler son Commetitarius 
de paradiso voluptalis, in-4°, Rome, 1605, et surtout le 



625 



MALVENDA — MAMBRE 



626 



plus important de tous ses ouvrages : Commentaria in 
Sacram, Scripturam una cum novadeverbo ad verbum 
ex Hebrseo translations variisque lectionibus, 5 in-f°, 
Lyon, 1650. Malvenda mourut avant d'avoir terminé son 
œuvre qui s'arrête au ch. xvi d'Ézéchiel. Le général des 
Dominicains le fit publier dans l'état où l'avait laissé 
l'auteur. La traduction est si littérale qu'elle est parfois 
inintelligible. Les notes sont en majeure partie gramma- 
ticales, et, si elles ont été dépassées depuis, elles ont été 
utiles en leur temps. 



là que le nom est passé du personnage qui le portait à 
la région, parce qu'il l'habitait ou parce qu'il en était le 
propriétaire. L'Écriture indique elle-même cette origine 
quand elle dit : « Abraham habitait la vallée de Mambré 
l'Amorrhéen, frère d'Escol. » Gen.,xiv, 13. Saint Jérôme 
soutient ce sentiment, Quest. in Gen., xxxv, t. xxm, 
col. 992. — Cet endroit est, six fois, appelé simplement 
Mambré, Gen., xxm, 17, 19; xxv, 9; xxxv, 27; xlix, 
30, et L, 13, et, trois fois, désigné par l'expression 
'êlônê Mamrë 1 . Gen., xin, 18; xiv, 13 ; xviii, 1. Cette der- 







500 ioaa iso 
JfâlleFMLdems™ 





i 
Staâesâel87 m 


b i 


2 3 *• 5 £ 7 fl' 



3>esOirjrere dm. 



190. — Site de Mambré. 



MAMBRÉ (hébreu : Mamrê'), nom d'un personnage, 
d'un lieu et, d'après la Vulgate, d'un torrent. 

1. MAMBRÉ (hébreu : Mamrê' ; Septante : Majigptiî), 
chef amorrhéen, contemporain d'Abraham. 11 avait fait 
alliance avec Abraham, ainsi que ses frères Escol et 
Aner et tous les trois l'aidèrent à battre les troupes de 
Chodorlahomar, roi d'Élam, et à délivrer son neveu Lot 
qui avait été fait captif. Gen., xiv, 13, 24. Voir Abraham, 
t. I, col. 77. C'est de ce chef amorrhéen que la vallée 
de Mambré tira son nom. Voir Mambré 2. 

2. MAMBRÉ (Septante : M<xn6pfi), territoire situé près 
d'Hébron (fig. 190). 

I. Nom. — Ce nom semble dériver de la racine mârâ' 
ou mârê', « être gras, replet, » également usitée en arabe 

dans le verbe \-* ou .ç-o, m<zra a, «profiter a quelqu'un 
(aliment). » Gesenius, Thésaurus, p. 817. Il paraît de 



nière locution, pour la plupart des interprètes modernes, 
signifie « les chênes ou la chênaie de Mambré » ; les 
Septante la traduisent par -ri SpOç ï) Map.6prj, « le chêne de 
Mambré ; » la Vulgate, par convallis Mambré. Les tra- 
ductions faites sur cette dernière version disent simple- 
ment « la vallée de Mambré », mais on sait que le mot 
convallis signifie plutôt une s plaine » ou « un plateau 
fermé par des collines ou des montagnes ». Le Targum 
d'Onkélos a l'équivalent mêsrê Mamrê', « les plaines de 
Mamré. » Si les interprètes modernes traduisent plus 
communément l'expression hébraïque par « les chênes 
de Mambré », les traducteurs j uifs préfèrent y voir une 
« plaine » ou « des plaines ». Cf. Gesenius, Thésaurus, 
p. 50-51 et 817 ; Drach, Harmonie entre l'Église et la 
Synagogue, Paris, 1844, p. 447, 565 ; Vogue, Le Pen- 
tateuque, Paris, 1860, t. i, Genèse, p. 91, 93, 113, etc. 
— L'histoire et la tradition locale en désignant comme 
site de Mambré un plateau environné de collines où se 
trouvait une chênaie, ou au moins un chêneremarquable 



627 



MAMBRE 



628 



et célèbre, ne repoussent aucune des deux traductions 
ou interprétations. — Dans les écrits extra-bibliques, le 
nom de « chêne » est fréquemment remplacé par celui 
de « térébinthe s ou même employé simultanément. 
Voir Chêne, t. n, col. 657. Cette confusion, ou plutôt 
cette double appellation, nous devons le faire remar- 
quer dès maintenant, n'a rien de bien surprenant. Le 
térébinthe, dans les forêts et les bosquets de la Pales- 
tine, s'est toujours trouvé mêlé au chêne. Les voya- 
geurs admirent, sur le chemin de Jérusalem à ei- 
Qoubeibéh, près de Beit-lksa, une magnifique touffe d'ar- 
bres où les deux espèces entremêlent leurs troncs et 
leurs branchages : or, j'ai vu un grand nombre de per- 
sonnes les prendre, en en approchant, pour un seul 



moitié de celle indiquée par tous les écrivains posté- 
rieurs. Peut-on supposer qu'au temps de l'historien juif 
Hébron était plus rapprochée de Mambré ? Suivant plu- 
sieurs auteurs, Josèphe a dû écrire « seize stades » 
(âirî> oraSi'wv t;'), la lettre i chiffre (dix) a pu disparaître 
par l'inadvertance des copistes. Seize stades équivalent 
à deux milles, distance généralement indiquée, dans la 
suite, entre Hébron et Mambré. — Après avoir nommé 
Bethléhem et «r la fontaine de Bethsur où Philippe bap- 
tisa l'eunuque », l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusa- 
lem indique « le Térébinthe ». « Là, ajoute"t-il, 
habita Abraham et il creusa un puits sous le térébin- 
the; c'est là qu'il conversa avec les anges et mangea 
avec eux. Il y a une basilique d'une grande beauté cons- 



k4»b<4t .H*. 



Mil» '£: m 




191. — Lo Haram Remet el-Khalil, près d'Hébron. Angle sud-ouest extérieur. A gauche, l'entrée. 
D'après une photographie de M. L. Heidet. 



arbre ou pour une seule essence, et tandis que les uns 
y voyaient un superbe chêne vert, les autres les pre- 
naient pour un immense térébinthe. — Le nom « le 
Térébinthe » a souvent été employé comme nom. propre 
* synonyme de Mambré. 

II. Situation. — L'endroit appelé Mambré faisait par- 
tie du territoire d'Hébron. « Abraham, dit l'écrivain 
sacré, vint aux chênes de Mambré qui [sont] à (près 
d'JHébron. » Gen., xxin, 19 ; xxxv, 27. La caverne de Mac- 
pélah, par rapport à Mambré, était « en deçà » ou « au 
delà » suivant la position de l'écrivain, lipnê Mamrê', 
Gen., xxm, 17, 20, ou 'al-penê Mamrê'. Gen., xxv, 
9, xlix, 30; L, 13. — Parlant de Mambré en paraphra- 
sant le récit de l'Écriture, Josèphe ajoute : « Abraham 
habitait près. du chêne (Spûç) appelé Ogygès. C'est une 
région (x<i>p(ov) dans la terre de Chanaan, non loin de 
la ville d'Hébron. j> Ant. jud., I, x, 4. Cet arbre, qu'il 
appelle, Bell, jud., IV, ix, 7, « un très grand térébinthe » 
(TepéêivOos |ieY Icrr l)i se trouvait à six "stades (environ 
1100 mètres) de la ville. Cette distance est moindre de 



truite par ordre de Constantin. Du Térébinthe à Hébron 
[il y a] deux milles » près de 3 kilomètres. Patr. lat., 
t. vm, col. 792. D'après cet Itinéraire, Mambré était 
ainsi au nord d'Hébron. Eusèbe confirme ces deux points 
en indiquant « le village appelé Béthanim, à deux milles 
du Térébinthe (c'est-à-dire de la tente d'Abraham, ajoute 
saint Jérôme dans sa traduction), et à quatre milles d'Hé- 
bron ». Onomasticon, aux mots, 'Api et Ain, édit. Larsow 
et Parthey, Berlin, 1862, p. 58, 59; t. xxm, col. 870. 
Le village actuel de Beit 'Ainên, situé au nord-nord-est 
d'Hébron, à 6 kilomètres environ (quatre milles ro- 
mains), répond incontestablement au Béthanim d'Eusèbe 
et de saint Jérôme. Le Térébinthe ou Mambré était donc 
aussi, d'après eux, à deux milles au nord d'Hébron. Sozo- 
mène, racontant ce que fit Constantin à propos du « Chêne 
de Mambré», ajoute : « Le lieu appelé maintenant le Téré- 
binthe est situé dans le voisinage d'Hébron, à quinze 
stades (2800 mètres) au midi... L'endroit est à ciel ouvert 
et labouré ; il n'y a d'autres maisons (ou constructions) 
que celles qu'y lit autrefois Abraham, autour du chêne 



629 



MAMBRÉ 



630 



et le puits qu'il y ménagea. » H. E., h, 4, t. lxvii, 
col. 941-946. Dans la description de Theodosius (vers 530), 
« le Térébinthe qui est [encore] appelé le Chêne vert 
(ilex) de Mambré » est indiqué à deux milles de « la 
fontaine où Philippe baptisa l'eunuque », c'est-à-dire à 
deux milles au sud de Bethsur, et à quatre milles de la 
Caverne double où sont ensevelis les patriarches, située 
elle-même, d'après l'estimation exagérée du pèlerin, à 
deux milles d'Hébron. De Terra Sancta, dans les Itinera 
latina édités par Tobler et Molinier, Genève, 1877-1880, 
t. i, p. 70. « La colline de Mambré, d'après le récit 
d'ArcuIfe, est distante de mille pas, au nord des monu- 
ments décrits plus haut (les sépulcres des Patriarches) ; 
elle est couverte d'herbe et de fleurs, en face d'Hébron 



« l'ami intime t (de Dieu), est le nom, on le sait, par 
lequel les Arabes se plaisent à désigner ordinaire- 
ment le patriarche Abraham. Tous ces noms sont 
autant d'attestations s'unissant aux témoignages des 
anciens pour nous montrer en cet endroit l'antique 
Mambré, Les Juifs d'Hébron sont d'accord avec les mu- 
sulmans pour l'y reconnaître et les palestinologues mo- 
dernes sont presque unanimes à placer Mambré en cet 
endroit. 

III. Description. — En venant de Jérusalem à Hébron, 
à 31 kilomètres de la ville sainte et à 3 kilomètres de 
'aïn-Dîruéh, la fontaine qui coule au pied du bordj- 
Sûr, l'antique Bethsûr; avant d'atteindre Hébron, à 
3 kilomètres au nord, on arrive à un petit platp.au pn 




192. — Le Haram iîêmet el-Khalil, près d'Hébron. A l'angle à gauche, Bir el-Khalil (puits d'Abraham). 
D'après une photographie de M. L. Heidet. 



situé au midi. A la partie supérieure du monticule appelé 
Mambré se développe une campagne unie (planifies 
campestris), du côté septentrional de laquelle a été bâtie 
une grande église de pierre. Du côté droit, entre deux 
murs de cette grande basilique, on voit, chose étonnants! 
le chêne (quercus) de Mambré dont la souche est encore 
en terre... s Adamnan, De loris sanctis, 1. II, c. viii-ix, 
t. Lxxxviii, col. 797-798. — Malgré quelques variantes 
insignifiantes résultant soit de la différence d'apprécia- 
tion, soit du point de départ et quelquefois de l'inexac- 
titude des copistes, ces indications, auxquelles on 
pourrait en ajouter plusieurs autres semblables, nous 
conduisent toutes sans hésitation à l'endroit appelé 
aujourd'hui Remet el-Khalîl, « la hauteur ou le haut 
lieu d'el-Khalîl; » ou fyarâm Remet el-Khalîl, « le sanc- 
tuaire du haut lieu à.' el-Khalil, ou encore beit el- 
Khalîl, a. la maison dî el-Khalîl. » Au même endroit on 
trouve le puits appelé bir el-Kfialîl. La région voisine de 
Remet el-Khalil est nommée liallet él-Bofméh, « le 
quartier ou l'emplacement du Térébinthe. » El-Khalîl, 



contre-haut des deux localités dont nous venons de par- 
ler. Ce plateau, qui n'a pas 1 kilomètre dans sa plus 
grande largeur, est entouré de plusieurs hauteurs. — 
Toute la surface du plateau, complètement dépouillée, il 
y a une quinzaine d'années, s'est couverte depuis de belles 
vignes parmi lesquelles s'élèvent quelques figuiers. Au 
centre, à 300 mètres à la gauche de la route carrossable, 
on aperçoit une construction, ressemblant de loin à un 
mur ruiné : c'est elle qui est connue sous le nom de 
havâm Remet el-Khâlil (flg. 191). Le monument devait 
être une enceinte rectangulaire dont deux faces seulement 
sont encore visibles, celle du nord et celle de l'ouest; les 
deux autres murs ont disparu, recouverts de terre et de 
décombres ou détruits. Le mur méridional a 65 mètres 
de longueur et le mur occidental 50 mètres. Ils sont 
formés de deux ou de trois assises de grands blocs, par- 
faitement aplanis, sans bossage ni refend, placés de 
champ et sans ciment. Les blocs ont de 3 à 5 mètres de 
longueur, le plus grand mesure 5 m '25; leur largeur 
est de m 75. L'épaisseur du mur est partout de l m 80; 



631 



MAMBRÉ 



632 



les interstices sont remplis avec des pierres ordinaires. 
La hauteur est de 2 à 3 mètres. Les parois extérieures 
sont plus soignées que les parois intérieures. L'ouver- 
ture donnant accès dans l'enceinte se trouve dans le mur 
occidental. A l'angle intérieur sud-ouest, se trouve le 
puits appelé bîr el-Khalîl (fig. 192). Il est formé de belles 
pierres très régulièrement taillées, mais ne mesurant 
pas plus de 0">70 sur m 40 de largeur ; le travail de cet 
appareil ne parait pas remonter au delà de la période 
byzantine. La profondeur actuelle du puits est de 7 mètres 
et son diamètre de 3. Un arc en plein cintre est à 
cheval sur l'orifice, qui paraît avoir été autrefois pro- 
tégé par une voûte. L'eau n'y fait défaut ni été, ni hiver. 
Des auges en pierre sont disposées à côté du puits pour 
l'abreuvage des animaux. L'aire du harâm paraît avoir 
été disposée en trois terrasses s' élevant en gradins l'une 
au-dessus de l'autre. L'espace est en grande partie recou- 
vert de terre et de décombres. — A l'orient de l'enceinte, 
à 60 mètres environ, on remarque la ruine d'un édifice 
de 20 mètres environ de longueur et de 15 de largeur. 
Son appareil, d'un beau travail, ressemble à celui du 
puits. Les décombres qui recouvrent en grande partie 
la ruine ne permettent pas de déterminer sa destination. 
Non loin sont des pressoirs antiques taillés dans le roc 
et aux alentours des restes de constructions. L'ensemble 
de ces ruines est désigné sous le nom de khirbet 
Remet el-Khalîl. Au delà, la plaine commence à s'affaisser 
et se creuse peu à peu en un vallon qui se dirige vers 
l'est-sud-est; c'est à lui qu'est donnée l'appellation de 
hallet el^Botméh. A 250 mètres de l'enceinte, au sud- 
ouest, au fond d'une petite caverne, jaillit une source 
qui m'a été désignée sous le nom de 'aïn Sdrah, « la 
fontaine de Sara, » différente d'une autre identique de 
nom située plus près d'Hébron. Le sommet voisin au 
midi, où se voient quelques ruines, est appelé encore 
er-Ràméh. — La colline se prolonge vers Hébron et un 
second sommet, où se voient aussi des vestiges d'anciennes 
habitations, reçoit, en cet endroit, le nom de Namré' et 
la ruine celui de khirbet Nanire". Ce nom différant 
seulement de Mambré par sa première radicale N qui, 
dans la langue arabe, remplace fréquemment la lettre M 
des mots hébreux qui lui sont communs, est considéré 
par les indigènes comme positivement identique au 

nom biblique. « El-Khalîl habitait à Namré, («jjf,sous 

la tente. Ce lieu est voisin de la localité de N. S. el-Khalîl 
(sur lui soient le salut et la bénédiction), du côté du 
nord; c'est une région où il y a une source d'eau et des 
•vignes, » dit Mudjir ed-Oîn, qâdi de Jérusalem vers la 
fin du xv« siècle, dans son Histoire de Jérusalem et 
d'Hébron, édit. du Caire, 1283 (1866), p. 424. Après 
avoir désigné toute la région, le nom de Namré est 
demeuré attaché à la partie la plus méridionale seule- 
ment. 

Une autre hauteur, à l'ouest du harâm et à droite de 
la route, est nommée Râmet el-'Amléh. Sous cette hau- 
teur au midi, commence l'ouâd' et- Tuffâh, « la vallée 
des Pommiers. » Elle se dirige du nord au sud pour 
aller rejoindre, un kilomètre et demi plus loin, Youâdi 
Sebtd'. Sur le côté occidental de Youâd 'et-Tuffdh, à 
plus d'un kilomètre du harâm, on trouve une ruine 
assez étendue, près laquelle est une source et où l'on 
voit des voûtes en ogive. Elle est connue sous le nom 
de khirbet en-Nasâra', « le village ruiné des chrétiens. » 
Les relations des pèlerins de la fin du xvii» siècle 
constatent encore en cet endroit la présence d'une 
église à trois nefs, avec trois portes. Une peinture re- 
produisait la fuite en Egypte et l'on disait que la Sainte 
Famille, fuyant vers l'Egypte, avait passé la nuit en cet 
endroit. 

IV. Histoire. — 1<> Les patriarches à Mambré. — 
i. Abraham, après s'être séparé, à Béthel, de Lot, son 
neveu, vint dresser sa tente près d'Hébron, à Mambré. 



Son premier soin fut d'y élever un autel au Seigneur. 
Gen., xni, 18. Il y demeurait depuis quelque temps 
déjà, quand un fugitif vint lui apporter la nouvelle dé 
la victoire de Chodorlohomor sur les rois de la Penta- 
pole et de la captivité de son neveu. Ibid., xrv, 13. — 
2. Mambré fut le lieu de trois des principales manifes- 
tations de Dieu à son serviteur. La première fut celle où 
le Seigneur lui dit : « Ne crains pas, Abraham, je suis 
ton protecteur et ta récompense très grande. ^ Gen., xv, 

1. Il lui promettait en même temps un fils qui serait 
son héritier; il lui annonçait le retour de ses descen- 
dants d'Egypte et leur prise de possession de la terre 
de Chanaan. C'est dans cette apparition qu'il est ques- 
tion pour la première fois de l'alliance conclue avec 
Abraham. Gen., xv, 18. — Dans la seconde, le Seigneur 
se présenta à lui comme le Dieu tout-puissant et lui dit : 
« Marche devant moi et sois parfait. » Gen., xvii, 1. I! 
prescrivit la circoncision comme marque de l'alliance avec 
Abraham et ses descendants ; le nom d'Abram fut changé 
en celui d'Abraham; le fils promis devait être de Sara 
et appelé Isaac. Gen., xvii. —La troisième manifestation, 
et la plus célèbre fut celle des trois personnages mysté- 
rieux qui vinrent visiter Abraham, lui annoncer la nais- 
sance prochaine de son fils Isaac et la ruine de Sodome. 
Abraham les accueillit et les traita avec tous les égards 
de l'hospitalité la plus délicate, puis les accompagna à 
quelque distance de Mambré, pour les supplier en faveur 
des villes coupables. Gen., xvhi. — Quelque temps après, 
Abraham quittait Mambré, emportant l'espérance cer- 
taine de la naissance de l'héritier de la promesse. 
Gen., xviii, 10 et 14. Abraham était dans sa centième 
année quand il quitta Mambré. Ismaël, qui lui était né 
en cet endroit de sa servante Agar, était dans sa qua- 
torzième année. Abraham avait séjourné en ce lieu tout 
ce temps et pendant les années qui précédèrent la nais- 
sance d'Ismaël, mais il est impossible d'en préciser le 
nombre. Cf. Gen., xvii, 1,25; xxi, 5, et xm, 18;xvi, 16. — 

2. Isaac, sur les dernières années de sa vie, avait laissé 
Bersabée et était venu demeurer « à Mambré, ville d'Arbé 
qui est Hébron ». C'est là qu'il acheva sa carrière à l'âge 
de cent quatre-vingts ans. Gen., xxxv, 27-29. — 3. Jacob, 
y était venu rejoindre son père, à son retour de Méso- 
potamie et ne semble plus avoir quitté Mambré jusqu'au 
jour de son départ pour l'Egypte où il allait retrouver 
son fils Joseph. Gen., xxxv, 27; cf. xlvi, 1. C'est de 
Mambré, appelé en cet endroit la « vallée d'Hébron », 
'êméq Hébron, mais dont l'identité ne paraît pas dou- 
teuse, que Jacob avait envoyé son fils Joseph, alors âgé 
de 16 ans, à Sichem, pour prendre des nouvelles de ses 
frères. Gen., xxxvn, 14. C'est donc là aussi qu'il faut 
localiser les autres faits racontés en ce même chapi- 
tre xxxvn, 1-11 et 31-36, c'est-à-dire l'histoire des songes 
de Joseph et de son enfance, celle de l'arrivée de sa 
robe ensanglantée et du deuil de Jacob; de même les 
pourparlers pour le départ des fils du patriarche pour 
l'Egypte, au temps de la famine, xlii, 1-5, 29-35; XLIH, 
1-15; puis l'arrivée des chariots envoyés par Joseph et 
le départ de la terre de Chanaan, xlv, 25-28; xlvi, 
1. — Mambré n'est plus nommé dans la suite de l'his- 
toire biblique, mais les Hébreux n'en perdaient pas le 
souvenir. 

2» Le sanctuaire de Mambré. — Les divers lieux de la 
Terre Promise où les Patriarches séjournèrent ont été 
les premiers sanctuaires consacrés au culte du vrai 
Dieu et, pour cette raison, les Israélites les ont eu en 
vénération et y sont venus pratiquer eux-mêmes divers 
actes de religion. Si la Bible ne désigne pas catégori- 
quement Mambré, elle l'insinue du moins assez claire- 
ment III Reg., xv, 7-10. Absalom, préparant sa révolte, 
vient trouver son père David : « Permettez-moi, lui dit-il, 
d'accomplir le vœu que j'ai fait.au Seigneur [d'aller] en 
Hébron. Votre serviteur a fait ce vœu quand il était à 
Gessur de Syrie : « Si le Seigneur me ramène à Jérusa- 



633 



MAMBRE 



634 



« lem, j'irai lui offrir un sacrifice. » Et David lui dit : Va 
en paix. Et il se leva et alla en Hébron. » L'acte de reli- 
gion dont Absalom entretient son père ne doit pas lui 
être exclusif, mais suppose une coutume plus ou moins 
générale. Si, d'autre part, les Israélites recherchaient 
pour ces pratiques les endroits mêmes où s'étaient 
arrêtés leurs ancêtres, comme on le voit plus spéciale- 
ment pour Moréh, près de Sichem, peut-on douter qu'en 
nommant Hébron, Absalom ne fasse allusion à l'endroit 
même où ont séjourné les ancêtres et où Abraham a 
élevé un autel, c'est-à-dire à Mambré? Quand Josèphe, 
dix siècles plus tard, parle, Ant. jud., I, x, 4, du lieu 
près d'Hébron où a habité Abraham et dont le souvenir 
s'est perpétué, il témoigne par là même de la vénéra- 
tion ou du culte des peuples pour ce lieu sacré. — Ce 
culte antique, continué jusqu'au IV e siècle, est du reste 
attesté formellement par l'histoire ecclésiastique. Faisant 
mention de Mambré, où Abraham accueillit ses hôtes 
célestes, Eusèbe ajoute : « Jusqu'à ce jour, ce lieu est 
vénéré comme divin (Oeïoç), par les peuples voisins, en 
l'honneur de ceux qui apparurent à Abraham, et l'on y 
voit jusqu'à maintenant le Térébinthe. » Demonstr. 
evang., v, 9, t. xxn, col. 583. L'affluence à une époque 
déterminée de l'année, peut-être au temps présumé de la 
visite des anges, était innombrable, et l'on y voit établie, 
une foire annuelle, célèbre au loin et à laquelle on 
accourait non seulement de toute la Palestine, mais 
encore de la Phénicie et de l'Arabie. Sozomène, H. E., 
il, 4, t. Lxii, col. 496. Cette foire, s'il faut en croire 
ia Chronique pascale, an. 119, t. xcn, col. 614, aurait 
été, ainsi qu'une foire du même genre tenue à Gaza, 
appelée foire « hadrienne », du nom d'Hadrien, qui 
l'aurait instituée, après la prise de Béther et la chute 
de Barchochébas (135), pour y exposer en vente les Juifs 
pris dans la guerre. Cf. Michel Glycas, Annales, p. m, 
t. clviii, col. 454; S. Jérôme. Conirn. in Hiereni., 
c. xxxi, t. xxiv, col. 877; Id., In Zachar., c. xi, t. xxv. 
col. 1500-1501. Les Juifs, les chrétiens et les païens 
avaient également Mambré et son chêne en vénération. 
Cf. Jules Africain, Chron. fragm., xi, t. x, col. 72. Les 
païens y exerçaient aussi leurs pratiques superstitieuses. 
Sur l'autel dressé près du chêne, ils répandaient leurs 
libations de vin, brûlaient de l'encens ou immolaient 
des bœufs, des boucs et des coqs, et jetaient dans le 
puits des pièces de monnaie et divers autres objets 
précieux. L'empereur Constantin fit cesser ces abus. 
L'autel et les statues furent détruits, le chêne lui-même 
fut abattu et l'on ne laissa que son tronc en terre. Le 
culte chrétien devait prendre la place du culte païen et 
un sanctuaire votif (oîxoç eùr/ipfoî) fut élevé, remar- 
quable par sa richesse et sa beauté, atteste le pèlerin 
de Bordeaux, t. vm, col. 792, quelques années plus 
tard. Sozomène, H. E., H, 4-5, t. LXVII, col. 491-496; 
Socrate, H. E., { i, 18, col. 123; Eusèbe, Vita Constan- 
tini, m, 51-53, t. xxn, col. 1111-1114; Id., Onomasticon, 
au mot Arboc, édit. 1862, p. 54-57 ; S. Jérôme, De situ 
et nomin. loc. hebr., t. xxm, col. 862; Nicéphore Caliste, 
H. E., vin, 30, t. cxlvi, col. 115-117. — Les murs à 
gros blocs du l.iarâm Remet el-Khalîl, dont nous avons 
parlé, seraient, d'après quelques écrivains, les restes 
de la basilique élevée par ordre de l'empereur Cons- 
tantin ; mais, suivant d'autres, cette conjecture ne peut 
se soutenir et est formellement démentie par l'his- 
toire. C'est à l'enceinte du fyarâm que fait allusion, 
on ne peut pas en douter, Sozomène décrivant « le 
lieu à ciel ouvert et cultivé où il n'y a d'autre con- 
struction que celle élevée par Abraham autour du 
chêne et le puits creusé par lui ». On peut ne pas ac- 
cepter le sentiment de l'historien sur l'origine de ce 
monument, bien que Josèphe. Ant. jud., I, xiv et xx.li, 
lui aussi, attribue à Abraham et aux anciens patriarches 
la" construction de l'enceinte de Macpêlah et quoique 
l'on ne puisse nier que leurs contemporains fussent 



en état d'élever des monuments de cette nature; mais 
il faut avouer que son témoignage suffirait à empêcher 
de confondre l'enceinte de Mambré avec les murs de la 
basilique constantinienne. Les caractères archéologiques 
seuls du monument, sa forme, la grandeur de l'appa- 
reil, l'absence de tout ciment, ne déclarent-ils pas suffi- 
samment qu'il est sans relation avec une église chrétienne 
du iv e siècle et n'attestent-ils pas, comme le fait juste- 
ment observer Victor Guérin, une époque bien antérieure 
à Constantin? « C'est, continue le même explorateur, 
un véritable téménos ou enceinte sacrée qui renfermait 
peut-être l'autel sur lequel Abraham avait offert des 
sacrifices au Seigneur. La même enceinte contenait 
aussi l'arbre près duquel ce patriarche avait planté sa 
tente et le puits qu'il avait creusé. » Judée, t. m, p. 52. 
M. Guérin semble plutôt incliner à l'attribuer aux 
Iduméens quand ils étaient en possession de ce pays. 
Les ruines de l'église seraient probablement, selon lui, 
les débris de l'édifice situé à l'orient du harâm. Quoi 
qu'il en soit, c'est Constantin, qui a dû débarrasser le 
puits d'Abraham des objets de superstition qui l'encom- 
braient, qu'il faut aussi faire remonter, semble-t-il, la 
restauration du puits. Le zèle de l'empereur pour purifier 
et embellir Mambré ne pouvait qu'exciter la dévotion des 
pèlerins. Saint Jérôme, vers 383, y amenait les nobles 
descendantes des Scipion, sainte Paule Romaine et sa 
fille Eustochium, pour leur faire contempler « la 
demeure de Sara, le berceau d'Isaac, et les vestiges du 
chêne d'Abraham, sous lequel il vit les jours du Christ 
et se réjouit ». Epist. cvm, ad Eustock., t. xxn, col. 886; 
cf. Epist. XLVi,Paulse et Eustochii ad Mareellam, ibid-, 
col. 490. La relation de l'archidiacre Théodosius (vers 530) 
et celle d'Antonin le Martyr, de Plaisance (vers 570), mon- 
trent qu'aucun pèlerin ne se dispensait de la pieuse 
visite de Mambré. Cf. Théodosius, De Terra Sancta, Ge- 
nève, 1877-1880, p. 70; Antonin de Plaisance, Itinerarium, 
16, t. lxiii. col. 905. Les pèlerins chrétiens ne seront pas 
arrêtés par l'occupation mahométane du pays. Trente- 
cinq ans environ après la conquête d'Omar (637), l'évêque 
gaulois Arculfe visitait encore « la vallée de Mambré ». 
Il y voyait un tronc de chêne planté en terre, considéré 
comme le noble reste de l'antique chêne d'Abraham, et 
mesurant deux tailles d'homme; on prenait de son écorce 
comme relique. Le pèlerin semble confondre lui aussi 
l'antique enceinte entre les deux grands murs de laquelle 
il voit le débris du vieux chêne, avec les murs de la ba- 
silique byzantine qui paraît déjà renversée. Adamnan, 
De locis sanclis, t. lxxxviii, co). 797-798. Si le biblio- 
thécaire du Mont-Cassin, Pierre Diacre, signale encore, 
au XII e siècle, « l'autel dressé en cet endroit et l'église 
qui est devant, » c'est d'après des descriptions anté- 
rieures, reproduites par lui, en même temps que celle 
d'Arculfe. De locis sanctis, t. clxxih, col, 1123. 

3» Le chêne de l'ouàdi Sebtâ ou le faux chêne de 
M&mbré. — A l'époque des Croisades, l'attention des 
visiteurs européens semble avoir été détournée des ruines 
dont nous venons de parler, pour se diriger vers Vouâdi 
Sebtâ. Là, à un kilomètre et demi de distance, au sud- 
sud-ouest du khirbet en-Nasâra, et à 2 kilomètres vers 
l'ouest d'Hébron, sur le flanc de la colline couverte de 
vignes, vers le sommet de laquelle la Société russe de 
Pale>Uije a élevé un bel hospice pour les pèlerins, se 
voyait, il y a vingt ans, un superbe chêne vert de 30 mè- 
tres de hauteur. Voir t. h, fig. 242, col. 655. Depuis 
quelques années l'arbre a dépéri et, à l'exception d'une 
des branches à l'extrémité de laquelle un faible filet de 
sève entretient encore un maigre bouquet de feuilles qui 
ne tardera pas à disparaître, l'arbre géant est complète- 
ment desséché. Cet arbre était tenu par le peuple 
pour le chêne d'Abraham dont parlent les anciens. Cette 
erreur parait remonter au commencement du xu« siècle. 
La description de l'higoumène russe Daniel (1106), en 
indiquant le chêne de Mambré, à la droite du chemin 



€35 



MAMBRÉ 



MAMMON 



636 



venant de Jérusalem, au sommet d'une haute montagne 
et à deux verstes ou environ 3 kilomètres, semble bien 
nous conduire au chêne de Vouadi Sebtâ. Vie et pèle- 
rinage, dans Itinéraires russes en Orient, traduction 
KMtrowo, Genève, 1889, p. 44. Dès lors nous voyons 
tous les pèlerins de l'Occident se diriger du même côté, 
bien qu'ils trouvent le chêne plutôt au pied de la mon- 
tagne. Cf. Fretellus (v. 1120), Liber locorum sanctorum, 
t. clv, col. 1039-1040; Jean de Wûrzbourg (1130), De- 
scriptio Terrm Sanctse,ibid., col. 1067; Anonyme (v. 1130), 
dans de Vogué, Les églises de la Terre-Sainte, Paris, 
1860, p, 414 ; Theodoricus, Libellus de locis sanctis 
<vers 1172), édit. Tobler, Saint-Gall et Paris, 1865, p. 81 ; 
Eugésippe (vers 1200), De distantiis locorum sanctorum, 
Patr. Gr., t. cxxxm, col. 995; Thielmar (1217), Peregri- 
natio, édit. Laurent, Hambourg, 1857, p. 29; Burchard, 
Descriptio Terres Sanclœ,'!' édit.Laurent,Leipzig,1873, 
p. 81 ; Odoric de Pordonone en Frioul, De Terra Sancta, 
ibid., p. 154, et la plupart des pèlerins des siècles sui- 
vants; Quaresmius, Elucidatio Terrx Sancta}, Anvers, 
1639, t. h, p. 767. Les visiteurs juifs semblent marcher 
<lans le même chemin. Cf. Benjamin de Tudèle (1173), 
Itinéraire, édit. L'Empereur, Leyde, 1633, p. 49; 
Samuel ben Simson (1210), Itinéraire de Palestine, 
dans Carmoly, Itinéraires de la Terre-Sainte, Bruxelles, 
1847, p. 128; Uri de Biel (1564), Tombeaux des Patriar- 
ches, ibid., p. 434-435. 

Quant aux Arabes, tous, ainsi que Mudjir ed-Dln (1496), 
ont constamment maintenu à l'endroit appelé er-Râméh, 
Je lieu de l'habitation d'Abraham ou Mambré. Cf. Yaqout 
(1225), Dictionnaire géographique, édit. Vûstenfeld, 
Leipzig, 1886, t. h, p. 736; Aly de Hérat (1173), Lieux 
de pèlerinages, dans Guy le étrange, Palestine under 
the Moslems, d'après un manuscrit d'Oxford, 1890, 
p. 518 ; Anonyme (1300), Mardsid el-Iltild, édit. Juynboll, 
Leyde, 1859, 1. 1, p. 456. — Les palestinologues modernes, 
à deux^ou trois exceptions près, s'accordent tous à 
considérer la tradition de Vouadi Sebtâ comme une 
erreur difficilement explicable et à reconnaître dans 
le Ijaràm Remet él-Khalîl l'emplacement du vrai chêne 
d'Abraham connu des anciens et son site pour celui 
de Mambré. Voir E. Robinson, Biblical Researches in 
Palestine, Boston, 1841, t. i> p. 318; F. de Saulcy, 
Voyage en Terre-Sainte, Paris, 1865, t. i, p. 150; 
t. Il, p. 351; V. Guérin, Description de la Palestine, 
Judée, Paris, 1869, t. m, p. 267-284; Rich. von Riess, 
Biblische Géographe, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 61 ; 
Conder et Kitchner, Survey of Western Palestine, 
Memoirs, Londres, 1877-1880, t. m, p. 322, 377; Fr. 
Liévin de Hamme, O. M., Guide indicateur des sanc- 
tuaires et lieux historiques de la Terre-Sainte, Jéru- 
salem, 1887, 1. il, p. 100-109; Buhl, Géographie des 
Alten Palàstina, Fribourg et Leipzig, 1896, p. 160. 

L, Heidet. 

3. MAMBRÉ (Septante : 'Agpwvï), torrent. Judith, n, 
14 (grec, 24). Le nom de Mambré dans la Vulgate est 
"vraisemblablement une forme corrompue du nom de la 
rivière Chaboras (un peu moins défiguré dans le grec 
'Agpwvà). Le Chaboras étant inconnu des traducteurs ou 
des copistes, ils ont mis à sa place un antre nom. C'est 
ainsi que la Peschito porte Jaboc. Voir Jaboc, t. ni, 
•col. 1056. Le sens le plus probable du texte est qu'Ho- 
loferne fit une razzia depuis le Chaboras jusqu'au golfe 
Persique. Le Chaboras est appelé Habor dans les Rois. 
IV Reg., xvii, 6; xvm, 11; I Par., v, 26. Voir Habor, 
t. m, col. 382. Cf. Vigouroux, Manuel biblique, 11 e édit., 
t. n, n. 542, p. 194-196; Id., La Bible et les découvertes 
modernes, 6' édit., t. iv, p. 115-116. 

MAMBRÈS (grec : 'Iapiêp^; la Vulgate semble 
avoir lu Mau.ëpïj«), un des magiciens d'Egypte qui résis- 
tèrent à Moïse. II Tim., m, 8. Ct. Exod., vu, 11. Le 
Talmud de Babylone, Menach., 9, dans la Ghemara, 



l'appelle kidd, Mamrâ (Mambrès), comme la Vulgate.' 
Voir J. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, édit. B. Fischer, 
1869, au mot »uni», p. 481. Cf. Numenius, IlEp! ■ciyaSa-j, 
dans Eusèbe, Prsep. evang., ix, 8, t. xxi, col. 696; Pline, 
H. N., xxx, 2, note dans l'édit. Lemaire, t. vm, p. 288. 
Saint Paul nomme Mambrès avec Jannès. Voir Jannès, 
t. m, col. 1119. 

MAMMON (u.a[uovâ, ou plutôt [ia[iwvâ; Vulgate: 
mammona; en araméen : W\ro, état emphatique de 

;ioD). L'étymologie de ce mot est incertaine. E.Kautzsch, 

Grammatik des Biblisch-Aramâischen, in-8°, Leipzig, 
1884, p. 11 . Cf. G. Dalman, Grammatik des jud.-palàst. 
Aramâisch, in-8°, Leipzig, 1894, p. 135; Levy, Neu- 
Hebrâisches und Chaldàisches Wôrterbuch, 4 in-4", 
Leipzig, t. m, 1883, p. 138-139. Le double m qu'on trouvo 
dans de nombreuses éditions grecques est fautif. Eb. 
Nestlé, dans Cheyne, Encyclopsedia biblica, t. m, 1902, 
col. 2913. — Ce mot se lit quatre fois dans le Nouveau Tes- 
tament. Matth., vi, 24; Luc, xvi,9, 11, 13. On ne le ren- 
contre pas dans l'hébreu biblique, mais il est dans le Tar- 
gum (Onkelos, \mn, Exod., xxii, 30 [Walton, Polyglott., 

t. I, p. 319], pour traduire l'hébreu kôfér, Vulgate, pre- 
tium), et dans la Mischna, Pirke Aboth, n, 12, etc. Voir 
J. Buxtorf, Lexicon talmudicum, édit. B. Fischer, 1869, 
p. 619.— Les Septante semblent avoir lu Mammon, au 
lieu de 'émûndh, « vérité, fidélité, » dans le Ps. xxxvi (hé- 
breu, xxxvji), 3, car ils ont traduit iùoùtoç (Vulgate : di- 
vitim). Saint Augustin, qui connaissait la langue punique, 
la même que le phénicien, traduit mammona par divi- 
tise, « richesses, » Qumst. Evang., n, 34, t. xxxiv, 
col. 1340; Enarrat. in Ps. lui, 2, t. xxxvi, col. 620, 
et par lucrum, « gain, » De serm. Dom. in mont., 
n, 47; Serm. cxm, 2, t. xxxvm, col. 648. Dans ces 
deux endroits, il dit que mammona signifie « riches- 
ses » en hébreu et « gain d en punique. Le sens de 
«richesses» dans l'Évangile ne peut être contesté; 
c'est aussi la signification de ce mot en araméen. Voir 
Payne Smith, Thésaurus syriacus, t. H, Oxford, 1901, 
col. 2149-2150. Quelques-uns ont prétendu à tort que 
mammon veut dire « trésor ». « NJiDD ne signifie pas 

* T T 

trésor, chose cachée, dit M. Rubens Duval, dans la Re- 
vue des études juives, t. ix, 1884, p. 143, mais simple- 
ment biens, fortune ; les Juifs de Salamâs l'emploient 
aujourd'hui dans le sens de marchandise. » — Les 
commentateurs ont souvent supposé que Mammon était 
une divinité adorée par les Chananéens et qui personni- 
fiait les richesses, comme le Plutus des Grecs et des 
Romains : Mammona, Syra lingua, divitise, dit la Glossa 
ordinaria, In Matth., vi, 24, Patr. Lat., t. exiv, col. 10, 
et elle ajoute : Dicitur hoc nomen esse dxmonis gui 
prseest divitiis. Cette hypothèse n'est établie par aucun 
document. Notre-Seigneur, en personnifiant Mammon, 
ne le considère pas pour cela comme un faux dieu ou une 
véritable idole; il emploie une figure de langage, comme 
les Didascalia (dans Edm. Hanler, Eine latinische Pa- 
limpsestûbersetzung der Didascalia Apostolorum, in-8", 
Vienne, 1896, p. 46) : De solo mammona cogitant, 
quorum Deus est sacculus, ou comme Tertullien, quand 
il écrit, en parlant de mammona, Adv. Marc, iv, 33, 
t. n, col. 439; Injustifiée auctorem et dominatorem 
totius sseculi nummuni scimus omnes. Le Sauveur, en 
ajoutant à mammona le mot ttj; àStxca;, iniquitatis, 
Luc, xvt, 9, indique qu'il veut parler des richesses 
injustement acquises et qu'il prend le mot mammon 
comme un nom commun. La locution « mammon 
d'iniquité on d'injustice » semble d'ailleurs avoir été 
courante et comme proverbiale, car on la trouve sou- 
vent dans les Targums et le Talmud. Eb. Nestlé, dans 
Cheyne, Encyclopsedia biblica, t. m, col. 2914 

F. VlGOUROt'X. 



637 



MAMUGHAN — MANAHATH 



638 



MAMUCHAN (hébreu : Menvûkàn; Septante : Mou- 
faÀoi)-, nom de celui des sept princes de la cour d'Assué- 
rus (Xerxès), qui prit la parole pour engager le roi à 
déposer la reine Vasthi. Esther, i, 14, 16, 21. Il est écrit 
plDO, dans le texte hébreu aux f. 14 et 21 et pDiff 

au jf. 16, avec un qeri qui donne la première leçon. La 
Vulgate l'a rendu par Mamuchan. Les manuscrits grecs 
en ont donné des transcriptions assez différentes : 
MOYXAIOC (Vaticamts, Sinaïticus, Alexandrinus), 
MAMOYXAIOC (corrections du Sinaïticus, du vn« siè- 
cle) et au h 21 eYNOYXOC, MOYXeOC, MAMOY- 
X£OC (mêmes corrections). On lit même BOYPAIOC 
dans l'édition de Lag&rde, Librorum Veteris Testamenti 
canonicorum, pars prior, Gœttingue,1883. Ce Bovfa'oî es ' 
peut-être la traduction grecque du mot 'iian, « l'Aga- 

• t-:it 

gite, » Esther, in, 1, 10; vin, 3, 5; IX, 24, appliqué à 
Aman. Le premier Targum d'Esther identifiait, en effet, 
Memûkân avec Aman ; le second l'identifiait au sage 
Daniel. Cf. Swete, The Old Testament in Greek accor- 
ding to the Septuagint, Cambridge, 1894; Cheyne, 
Encyclopsedia biblica, Londres, t. in, 1902, col. 3019; 
Marquart, Fundamente lsraelitischer und jùdischer 
Geschichte, 1896, p. 68. F. Martin, 

MAMZER, mot hébreu (wamzêr),qui se ne rencontre 
que deux fois dans le texte sacré, et que la Vulgate 
transcrit et explique, dans Deut., xxm, 3. — 1° Dans ce 
passage du Deutéronome, le législateur indique ceux 
qui ne devront pas être admis dans la société israélite. 
Ce sont : 1° ceux qui ont subi une mutilation qui les rend 
impropres au mariage; 2° le mamzêr, jusqu'à la dixième 
génération, d'après la Vulgate, et, d'après l'hébreu, même 
à la dixième génération, c'est-à-dire à perpétuité ; 3° l'Am- 
monite et le Moabite, également à perpétuité; 4° enfin 
l'Édomite et l'Égyptien, qui pourront être reçus à la 
troisième génération. Deut., xxm, 1-8. Les Septante tra- 
duisent mamzêr par lu. Ttopvï)?, « issu de la femme de 
mauvaise vie, » et le Syriaque par « fils de l'adultère ». 
On lit dans la Vulgate : mamzêr, id est, de scorto natus, 
« fils de la prostituée. » Aquila et Symmaque ont des 
traductions analogues. Le mot pourrait venir d'un radi- 
cal màzar, « être impur. » Cf. Gesenius, Thésaurus, 
p. 781 ; Barth, Die Nominalbildung in den semitischen 
Sprachen, Leipzig, 1889, p. 164. Le mamzêr ne saurait 
être le fruit de l'union illégitime entre un homme, ma- 
rié ou non, et une jeune fille. Il était loisible à l'homme 
marié d'avoir une concubine, ou épouse du second rang, 
et les enfants nés de cette union étaient légitimes, bien 
que n'ayant qu'un droit restreint à l'héritage du père. 
Voir Concubine, t. n, col. 906-907. Quant à l'homme, 
marié ou non, qui séduisait une jeune fille, il était obligé 
de l'épouser ou, sur le refus du père, de lui payer une 
dot. Exod., xxn, 16. Mais la condition sociale des enfants 
n'avait pas à en souffrir. Il ne reste donc qu'à admettre 
î'explication des talmudistes, qui font du mamzêr le 
fruit de l'inceste ou de l'adultère avec une femme ma- 
riée. Yebamoth, iv, 13. L'adultère ainsi entendu et l'in- 
ceste étaientdeux crimes punis de mort. Lev., xx, 10-14; 
Deut., xxii, 22. Il n'est donc pas étonnant que Dieu ait' 
voulu exclure à jamais de son peuple lés enfants issus 
de telles unions, pour inculquer aux Hébreux le respect 
du mariage, déjà si menacé par la tolérance de la poly- 
gamie et du divorce. Il est bien vrai que la descendance 
incestueuse de Thamar compta parmi les ancêtres du 
.Messie. Voir Inceste, t. n, col. 865. Mais cet exemple 
était antérieur à la législation mosaïque, qui avait pré- 
cisément pour but d'en prévenir le retour. Sur l'exten- 
sion du titre de mamzêr à d'autres enfants illégitimes 
et sur les conséquences sociales et légales de cette si- 
tuation, voir Bâtard, t. i, col. 1503-1505. 

2° Le prophète Zacharie, ix, 6, dans son oracle contre 
les Philistins, dit qu'Ascalon sera dans la crainte et Gaza 



dans le tremblement, que Gaza n'aura plus de roi et 
Ascalon plus d'habitants, que le mamzêr habitera dans. 
Azot et que l'orgueil des Philistins sera abattu. Le mam- . 
zêr désigne encore ici le rebut d'Israël, l'être honteux 
qu'il chasse de son sein, l'impur étranger qui remplace 
dans Azot ce qui faisait l'orgueil des Philistins. Les Sep- 
tante traduisent ici par âXXoyeveïc, <£ étrangers, •» et 
la Vulgate par separator, « celui qui sépare, » en 
rattachant mamzêr au verbe nâzar, « séparer. » Le 
sens du mot peut être ici plus large que dans le texte 
du Deutéronome; il n'en désigne pas moins une 
populace impure aux yeux d'Israël et étrangère aux 
yeux des Philistins, dont elle prend la place dans 
Azot. 

On a cru pouvoir attribuer un autre sens à mamzêr. 
Ce mot serait un nom assigné par mépris aux habitants 
d'Azot et aux Philistins en général, que les Septante 
appellent presque toujours àXXiçuXot, alienigense, en 
dehors du Pentateuque, ou même le nom primitif des 
habitants d'Azot, étendu ensuite à tous les Philistins 
après leur arrivée dans le pays de Chanaan. Il est à re- 
marquer que, si le Deutéronome, xxm, 2, 3, exclut à 
tout jamais le mamzêr, l'Ammonite et le Moabite de 
la société israélite, la loi ayant été transgressée sur 
ce point au retour de la captivité, II Esd., xm, 1-3, 
Néhémie reprocha à ses compatriotes d'avoir épousé des 
femmes d'Azot, d'Ammon et de Moab. II Esd., Xin, 23. 
Azot correspondrait donc au mamzêr du Deutéronome. 
Sans doute, les Hébreux ne furent en contact avec les 
gens d'Azot et les Philistins qu'au temps des Juges. Mais 
on pourrait admettre que l'article concernant le mam- 
zêr n'a été inséré dans la loi qu'à cette époque, et cet 
article ne devenait pas moins nécessaire alors que celui 
qui visait les Ammonites et les Moabites. Cf. F. de Hum- 
melauer, Comment, in Deuteron., Paris, 1901, p. 403, 
404. — D'assez graves raisons s'opposent à cette identi- 
fication. Tout d'abord, si le mot mamzêr désignait une 
race si connue, pourquoi ne le voit-on apparaître que 
si rarement, deux fois seulement, dans toute la Bible 
hébraïque? De plus, que signifie-t-il dans la prophétie 
de Zacharie? Si le mamzêr n'est autre que l'habitant 
d'Azot, comment peut-on dire qu'Ascalon et Gaza étant 
privés de leur roi et de leurs habitants, l'orgueil des Phi- 
listins sera abattu quand le mamzêr, c'est-à-dire le Phi- 
listin, habitera dans Azot? Il est vrai que de Jlummelauer 
traduit : silens sedebit in Azoto, « il se tiendra coi dans 
Azot ; » mais il y a dans le texte : yâSab mamzêr be'asdôd, 
«. le mamzêr habitera dans Azot. » L'hypothèse n'est 
donc pas suffisamment justifiée, H. Lesétre. 

MAN (hébreu : mân; Septante : (iâv), nom hébreu 
de la manne. Il a été conservé sous cette forme par saint 
Jérôme dans Exod., xvi, 31, 33, 35 ; Num., xi, 6, 7, 9, 
tandis que dans le Deutéronome et dans les autres livres 
de l'Ancien et du Nouveau Testament, il l'appelle manna. 
Voir Manne. 

MANAHATH (hébreu : Mânahaf ; Septante : Mava- 
X<i8), nom d'un descendant de Séir l'Horréen et d'une 
localité. 

1. MANAHATH, MANAHAT, descendant de Séir 
l'Horréen, nommé le second parmi les cinq fils de Sobal. 
La Vulgate écrit son nom Manahat, dans Gen., xxxvi, 
23, et Manahath, dans I Par., i, 40. Dans ce dernier 
passage, l'édition sixtine des Septante écrit Maxavin,' 
Alexandrinus : MavoxâO. Voir Sobal. 

2. MANAHATH, localité mentionnée I Par., vni, 6. 
Ce passage est obscur et la traduction douteuse. Il y est 
dit que des Benjamites, fils d'Ahod (voir Ahod 2, t. i, 
col. 206), furent transportés de Gabaa (Géba% Djéba), 
où ils étaient chefs de famille, à Manahath. Les auteurs 



639 



MANAHATH — MANAHEN 



G40 



de cette déportation paraissent avoir été Naaman, Achia, 
et surtout Géra. I Par., vm, 7. Voir Géra 2, t. ni, col. 197. 
A la suite de quelles querelles et à quelle époque eut 
lieu cet événement, nous l'ignorons. Manahath est éga- 
lement inconnu. Le contexte ne permet même pas de 
décider si ce nom désigne une ville ou une région. Le 
Targum dit que les fils d'Ahod furent transportés « dans 
la terre de la maison d'Ésaù » ; plusieurs commentateurs 
modernes supposent, au contraire, que Manahath est une 
ville de la tribu de Juda, la Mocvox» que la version des 
Septante, Jos., xv, 59, ajoute à la liste du texte hébreu, 
à la suite de Béther. Conder a émis l'hypothèse que 
Manahath peut être la Mdhla actuelle (n et l sont souvent 
confondus), à cinq kilomètres environ au sud-ouest de 
Jérusalem et près de Bittir (Béther). Survey of western 
Palestine, Memoirs, t. m, p. 21, 136-137. Le voisinage 
immédiat de Mâhlah est stérile, mais il y a des vignes 
à l'est et des oliviers au sud. Les habitants s'approvi- 
sionnent d'eau à Ain Yalo, source très appréciée dans 
le pays. 

MANAHATHITE (hébreu : ham-Mânal}tî; Septante : 
MaÀûc6£), habitant de la ville appelée ham-Menu^ôf dans 
le texte hébreu. La Vulgate a traduit M enul}ô{ par requie- 
tio, « repos. » I Par., n, 54. Voir Menuhoth. 

MANAHEM (hébreu ; Menahêm; Septante : Ma- 
vaïifji), roi d'Israël (773-762 ou 762-753 avant J.-C). 
L'histoire de son régna est racontée IV Reg., xv, 14-22. 
Il était fils de Gadi. Quand Sellum eut tué le roi Zacha- 
rie pour régner à sa place, Manahem, dont Josèphe, 
Ant. jud., IX, xi, 1, fait un chef d'armée, partit de 
Thersa, à 10 kilomètres à l'est de Samarie, se porta 
sur cette dernière ville et, à son tour, mit à mort 
Sellum, dont le règne ne fut que d'un mois. Devenu 
roi, il marcha aussitôt de Thersa, où se trouvaient sans 
doute ses quartiers militaires, contre la ville de Thapsa, 
qui x ae reconnaissait pas sa royauté, et dont il entreprit 
le siège. Ayant pris la ville, il en frappa tous les habi- 
tants, pour les punir de lui avoir fermé leurs portes. 
Les exécutions s'étendirent même aux environs de la 
cité. Poussant la barbarie aux dernières limites, Manahem 
fit tuer et mettre en pièces toutes les femmes enceintes, 
afin d'exterminer jusqu'aux enfants qu'elles portaient. 
Josèphe n'ose reproduire ce détail; il se contente de 
dire que Manahem exerça contre ses propres conci- 
toyens des cruautés qui seraient impardonnables même 
contre des étrangers vaincus à la guerre. Plusieurs 
auteurs ont pensé que la ville de Thapsa n'est autre que 
Tipsakh, la Thapsaque des Grecs, située sur la rive 
droite de l'Euphrate. Le royaume de Salomon s'étendit 
en effet jusque-là, 111 Reg., iv, 24, et Jéroboam II avait 
réussi à reporter la frontière septentrionale d'Israël 
jusqu'à l'entrée d'Émath. IV Reg., xiv, 25. Mais cette 
entrée d'Émath était probablement assez distante de 
Thapsa vers le sud. Voir Émath (Entrée d'), t. n, 
col. 1719. D'autre part, Tipsakh est à 500 kilomètres 
au nord de Samarie, et il est fort invraisemblable qu'un 
roi relativement faible, comme était Manahem, ait 
pu, avec toute une armée, traverser la Syrie et les 
déserts qui , s'étendent au nord de ce dernier pays, et 
ensuite assiéger une ville qui faisait partie du domaine 
assyrien. Aussi est-il beaucoup plus probable que 
Thapsa doit être cherchée dans les environs de Samarie. 
Elle ne peut guère être identifiée avec Taphua, men- 
tionnée comme se trouvant sur la frontière d'Éphraïm 
et de Manassé, Jos., xvi, 8 ; xvn, 7, 8, ni avec Thersa 
elle-même, comme l'ont cru les Septante. Thapsa est 
vraisemblablement représentée aujourd'hui par la loca- 
lité de Tafsah, à 9 kilomètres au sud de Samarie, par 
conséquent dans la voisinage de Thersa, comme semble 
le supposer le texte. IV Reg., xv, 16. Voir la carte 
d'Éphraïm, t. u, col. 1876, et Thapsa. 



A la cruauté, Manahem joignait l'impiété. Sous ce 
rapport, il ne fut que trop fidèle à suivre les exemples 
du premier roi d'Israël. Le prophète Osée, vu, 1-xin, 16, 
décrit les désordres qui se multipliaient alors en Israël 
et annonce les invasions assyriennes qui en seront le 
châtiment. 

Manahem dut se rendre tributaire du roi d'Assyrie 
Phul, le même que Théglathphalasar III. Voir Phul. 
En 743, ce prince fit la conquête de la Syrie septen- 
trionale. Les chefs araméens ne se soumirent pas volon- 
tiers à la nouvelle domination ; en 742 et en 739, le roi as- 
syrien fut obligé de repasser l'Euphrate pour mettre à la 
raison ses nouveaux sujets. Les ravages qu'il exerça au 
cours de cette dernière campagne jusque dans la vallée 
de l'Oronte et les déportations auxquelles il soumit la 
population de plusieurs villes intimidèrent les rois 
voisins, au point que Rasin, de Syrie, et Manahem, d'Is- 
raël, se hâtèrent de porter leurs hommages et leurs 
tributs à Théglathphalasar. Dans une de ses inscriptions, 
ce dernier nomme, parmi ses tributaires, Mi-ni-hi-im- 
mi Sa-mi-ri-na-ai, « Manahem de Samarie. » Cf. Eb. 
Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, 
Giessen, 1872, p. 122-134; Vigouroux, La Bible et les 
découvertes modernes, Paris, 6 e édit., t. m, p. 514-519; 
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient clas- 
sique, Paris, t. m, 1899, p. 150-153. 

Manahem paya tribut au roi d'Assyrie pour qu'il lui 
assurât sa protection et le confirmât dans son pouvoir. 
La Bible ne dit pas si ce tribut fut volontaire ou forcé. 
L'inscription de Théglathphalasar déclare que ce dernier 
« reçut » le tribut de Manahem et de beaucoup d'autres 
princes. Il est à croire que, si ceux-ci prirent les devants 
pour s'engager à payer, c'est qu'ils prévoyaient une con- 
trainte à laquelle ils étaient incapables de se soustraire. 
La contribution fournie par Manahem fut d'ailleurs trop 
considérable pour avoir été pleinement spontanée. Il 
versa mille talents d'argent. Le talent d'argent valant 
alors 8500 francs, la somme totale s'élevait à huit mil- 
lions et demi, ce qui constituait une lourde charge 
pour un petit pays comme le royaume d'Israël. Le roi 
imposa les riches à raison de cinquante sicles d'argent, 
soit 141 fr. 50 par tête. Le nombre des imposés fut 
donc environ de 60000, ce- qui indique que, sous le 
nom de riches, on comprit tous ceux qui jouissaient 
de quelque aisance. Satisfait de ce résultat, le roi d'As- 
syrie ne resta pas plus longtemps dans le voisinage 
d'Israël et s'en retourna dans son pays. Les Israélites 
se rendirent compte, sans doute, que le sacrifice qu'on 
leur imposait leur évitait de plus grandes calamités. Il 
n'est question d'aucun mécontentement violent contre 
Manahem, qui mourut paisiblement après dix ans do 
règne et laissa le trône à son filsPhacéia. 

H. Lesêtre. 

MANAHEN (grec : Mavaiiv), chrétien de l'Église 
d'Antioche, nommé parmi les prophètes et les docteurs 
à qui le Saint-Esprit ordonna de conférer à Saul (Paul) 
et Barnabe leur mission apostolique. Act., xm, 1-2. Ma- 
vavjv doit être l'hébreu nn;o, Menafyêm, « consolateur. » 
Le texte sacré dit que Manahen était (juvrpotpoç d'Hérode 
le tétrarque. Cet Hérode est Hérode Antipas, qui fit déca- 
piter saint Jean-Baptiste et était exilé à Lyon pendant 
que Manahen était à Antioche, car il est le seul de* 
Hérodes à qui l'indication des Actes puisse s'appliquer. 
Voir Hérode 3, t. m, col. 647. — Mais que signifie exac- 
tement (TiivTpoooç et qu'était Manahen par rapport à An- 
tipas? Les sentiments sont divisés à cesujet. D'après la 
Vulgate, qui traduit <njvrpoçoç par collactaneus, il était 
son « frère de lait », et c'est là, en effet, un des sens de 
l'expression grecque. Voir Xénophoû, Memorab., n, 3, 
4, édit. Didot, p. 553. Mais elle signifie aussi « élevé avec 
quelqu'un », compagnon d'enfance, les princes et les 
grands de l'antiquité ayant coutume de faire élever avec 
leurs fils des jeunes gens du même âge. Plutarque, D& 



641 



MANAHEN — MANASSÉ 



642 



educat. pueror., 6, édit. Didot, Script, moral., t. I, p. 4. 
C'est ainsi qu'avait fait Salomon pour son fils Roboam. 
III Reg., xii, 10. D'après d'autres, Manahen, au lieu 
d'être fils de la nourrice d'Hérode Antipas et son frère 
de lait, était donc simplement son ami d'enfance. Entre 
ces deux opinions, il est impossible de se prononcer 
avec certitude. — Quoi qu'il en soit, la Providence, 
en faisant élever Manahen avec un des fils d'Hérode le 
Grand, l'avait ainsi préparé à devenir un des docteurs 
de son Église. Il devait avoir une cinquantaine d'années 
lorsque se passa l'événement raconté dans les Actes, xni, 
1-2, en l'an 44 de notre ère. Manahen dut être connu 
particulièrement par saint Luc, qui était d'Antioche, et 
l'on a supposé que c'était de sa bouche que l'évangéliste 
avait appris les détails, qu'il est le seul à donner, sur 
saint Jean-Baptiste, mis à mort par Hérode Antipas. 
Luc, i, 57-80; m, 7-14. Antipas avait été élevé a Rome. 
Josèphe, Ant. jud., XVII, i, 3, et il y retourna aussitôt 
après la mort de son père, Hérode le Grand, pour tâcher 
de recueillir sa succession (4 avant notre ère). Josèphe, 
Ant. jud., XVII, ix, 5; Bell, jud., II, II, 3. Manahen 
l'avait-il accompagné dans la capitale de l'empire? On 
l'ignore. — Josèphe, Ant. jud., XV, x, 5, mentionne 
un Manahen qui jouissait parmi les Esséniens d'une 
grande réputation de sagesse et de sainteté et qui pré- 
dit à Hérode le Grand dans sa jeunesse, qu'il deviendrait 
roi. C'est par anachronisme que quelques commentateurs 
l'ont confondu avec le Manahen des Actes, qui était de 
beaucoup plus jeune. Il est aussi question d'un Manahen 
dans le Talmud. On célèbre la fête de saint Manahen le 
24 mai. Voir Acta sanctorum, maii t. v, 1685, p. 273. 

F. Vigouroux. 
MANAIM, orthographe, dans la Vulgate, Jos., xm, 
26, 30; xxi, 37; III Reg., iv, 14; I Par., vi, 80, du nom 
du lieu qu'elle a écrit plus correctement M ahanaim dans 
Gen., xxxii, 2, et traduit par castra, « camps, » II Reg., 
il, 8, etc. Voir Mahanaïm, col. 571. 

MANASSÉ (hébreu : Menassêh, « qui fait ou- 
blier [?] »), nom de plusieurs personnages bibliques et 
d'une tribu d'Israël. 

1. MANASSÉ (hébreu : MenasSéh; Septante: Mavacrtrfi), 
fils aîné du patriarche Joseph et de l'Égyptienne Aseneth. 
Gen., xli, 50, 51 ; xlvi, 20. La joie causée par sa nais- 
sance lui fit donner le nom de Manassé (de la racine 
nâsâh, « oublier, » au participe actif de la forme piêl, 
« faisant oublier ») ; son père, en effet, s'écria : « Dieu 
m'a fait oublier (nassani) toutes mes peines. » Il vint au 
monde avant le commencement de la famine. Gen., xli, 
50. Jacob, en l'adoptant et le bénissant, fit passer son 
frère Éphraïm avant lui, malgré les efforts de Joseph 
pour lui maintenir son droit d'aînesse. Gen., xlviii, 
1-19. Cf. Éphraïm 1, t. H, col. 1873. Le vieux patriarche 
prédit cependant que Manassé serait aussi chef de peu- 
ples, et que sa race se multiplierait; mais, ajouta-t-il, 
« son frère, qui est plus jeune, sera plus grand que lui, 
et sa postérité se multipliera dans les nations. » Gen., 
xlviii, 19. L'histoire des deux tribus nous montre, en 
effet, la prééminence de l'une sur l'autre. Voir Manassé 7 : 
Éphraïm 2, t. H, col. 1874. L'Écriture nous dit que 
Joseph put voir encore les fils de Machir, fils de Manassé. 
Gen., L, 22. Ces détails sont les seuls qu'elle nous ait/' 
conservés sur la personne de ce dernier; les autres 
passages où se lit son nom se rapportent à la tribu 
dont il fut le chef. A. Legendre. 

2. MANASSÉ, ancêtre de Jonathan, fils de Gersam, 
qui devint prêtre de Michas et des Danites de Laïs, 
Jud., xviii, 30, d'après le chethib du texte massorétique 
et d'après les Septante (Mocva<r<rij), mais le nom est altéré 
et il faut lire « Moïse », comme le portent le keri et la 
Vulgate. Voir Jonathan 1, t. m, col. 1614. 

DICT. DE LA BIBLE. 



3. MANASSÉ, le treizième des rois de Juda (697-642.) 
Son règne de cinquante-cinq- ans fut le plus long de 
tous ceux qu'on vit en Palestine. Manassé était fils du 
pieux roi Ézéchias. Il n'avait que douze ans quand il 
monta sur le trône. Sa mère, d'origine inconnue, s'ap- 
pelait Haphsiba. L'influence qu'elle exerça sur son fils 
fut nulle ou perverse, car Manassé s'appliqua à mettre 
toute sa conduite en opposition avec celle de son père. 
Isaïe, qui vivait encore, ne réussit pas à maîtriser les 
mauvais instincts du jeune roi. 

La Sainte Écriture énumère toutes les abominations 
dont Manassé se rendit coupable : il rebâtit les hauts- 
lieux détruits par Ézéchias, rétablit le culte de Baal, 
d'Astarthé et de l'armée des cieux, éleva des autels aux 
fausses divinités dans le Temple même du Seigneur, 
osa y dresser l'idole d'Astarthé, fit passer son fils par le 
feu en l'honneur de Moloch, s'adonna à tous les genres 
de magie et favorisa ceux qui les pratiquaient. Les 
exemples donnés par le prince entraînèrent naturelle- 
ment le peuple. La dépravation devint telle, qu'elle 
dépassa celle des anciens Chananéens que Dieu a /ait 
fait exterminer à l'arrivée des Israélites. IV Reg., xxi, 
1-9; II Par., xxxm, 1-10. 

Le Seigneur fit prédire le châtiment par ses pro- 
phètes. Juda et Jérusalem auront le sort de Samarie. 
La capitale sera mise en tel état qu'elle ressemblera à 
un plat qu'on nettoie, dans lequel il n'y a plus rien et 
qu'on renverse sens dessus dessous. Les habitants du 
pays deviendront la proie des envahisseurs. IV Reg., 
xxi, 10-15. Jérémie, xv, 4, annonça plus tard les mêmes 
calamités, en leur assignant pour cause les crimes de 
Manassé. Celui-ci ne fit aucune attention à ces menaces. 
A l'impiété, il joignit la cruauté. 11 répandit à profusion 
le sang innocent, de sorte que la ville de Jérusalem en 
était inondée. IV Reg., xxi, 16. Une tradition, qui du 
reste n'est pas certaine, lui attribue même la mort violente 
du prophète Isaïe. Voir Isaïe, t. m, col. 944. Le grand 
châtiment ne tomba sur la nation que plus de cinquante 
ans après la mort de Manassé; le prince n'en eut pas 
moins à subir personnellement les conséquenses de ses 
crimes. 

Quand Asarhaddon vint faire campagne contre l'Egypte, 
en 673, et s'empara de ce pays, il soumit au passage tous 
les rois qu'il rencontra. Une de ses inscriptions en 
énumère vingt-deux, parmi lesquels Mi-na-si-i soi* 
Ya-u-di, « Manassé, roi de Juda. » Cf. Schrader, Die 
Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1872, 
p. 228. Voir Asarhaddon, t. i, col. 1059. Assurbanipal, 
fils et successeur d'Asarhaddon, fit deux campagnes 
contre l'Egypte. Il obligea aussi les vingt-deux rois à lui 
« baiser les pieds », c'est-à-dire à reconnaître sa suzerai- 
neté. Voir Assurbanipal, t. i, col. 1145. Une de ses ins- 
criptions met au second rang, parmi ces vassaux, Mi-na- 
si-i sar Ya-u-di, « Manassé, roi de Juda. » Ce dernier 
était réservé à un châtiment plus terrible que la simple 
vassalité et que le tribut qui en était naturellement la 
conséquence. Une armée assyrienne vint le saisir et le 
mettre aux fers. Chargé de chaînes, il fut mené à 
Babylone. Mais là, il se repentit et s'humilia devant 
Dieu; il fut alors ramené dans son royaume. II Par., 
xxxm, 11-13. On a contesté la valeur historique de ce 
"récit, en faisant valoir que le livre des Rois n'en dit 
rien, qu'Assurbanipal aurait fait conduire Manassé à 
Ninive, sa capitale, et non à Babylone, et qu'il ne l'au- 
rait pas renvoyé ensuite dans son royaume. Les inscrip- 
tions d'Assurbanipal confirment, autant qu'il est sou- 
haitable, le récit des Paralipomênes. 

Persuadé que Ninive et Babylone ne pourraient long- 
temps se maintenir d'accord sous le même joug, Asarhad- 
don avait, de son vivant même, divisé son empire en 
deux, donnant à son aîné, Assurbanipal, l'Assyrie avec 
Ninive pour capitale, et réservant la Chaldée et Baby- 
lone à un autre de ses fils, Samassoumoukin ou Sarnmu- 

IV. - 21 



643 



MANASSÉ (LE ROI) — MANASSÉ '(TRIBU DE) 



644 



gfeès, né d'ailleurs d'une Babylonienne. Ce dernier 
devait rester vassal de son frère. Les deux princes s'en- 
tendirent d'abord très bien. Mais par la suite, Assurba- 
nipal, encouragé par ses succès militaires contre l'Egypte, 
tendit à faire peser de plus en plus sa suprématie sur la 
Chaldée. Pour garantir son indépendance, Samassoumou- 
kin snscifa une vaste coalition de tous les princes vassaux 
de FAssyrie, pour lui venir en aide contre Assurbanipal. 
Ce dernier dit, dans une de ses inscriptions : « Mon 
frère infidèle, qui ne garda pas mon obéissance, les 
hommes d'Accad, de Chaldée, d'Aram et de la côte de 
la mer, ... il les fit révolter contre ma main. i> Il dit 
dans une autre inscription : « Les hommes d'Accad, 
d'une partie de la Chaldée, d'Aram et du pays de la 
mer, que Samassoumoukin avait appelés, s'entendirent 
pour marcher en avant et se révoltèrent contre moi. » 
Cf. Schrader, Keilinschriften, p. 240-241. Les hommes 
du pays de la mer sont les riverains de la Méditerranée, 
les Phéniciens et les habitants de la Palestine, par con- 
séquent Manassé et ses sujets. Assurbanipal prit l'offen- 
siveen 652. Samassoumoukin, abandonné d'abord par les 
Élàmites, puis par les Araméens, se renferma dans Baby- 
lone, y subit un terrible siège, et, pour ne pas tomber 
vivant aux mains de son frère, se brûla dans son palais, 
avec ses femmes, ses enfants, ses esclaves et ses trésors. 
C'était en 649. Assurbanipal entra à Babylone, y résida 
quelque temps, en confia l'administration à l'un de ses 
officiers et retourna à Ninive. Cf. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris, t. ni, 
1899, p. 377, 378, 415-424. 

Il était tout naturel que le roi assyrien cherchât à sévir 
contre ceux qui avaient pris parti pour son frère. Manassé 
était de ce nombre. Des troupes assyriennes vinrent le 
prendre et l'emmenèrent chargé de chaînes et les fers 
aux pieds, non pas à Ninive, la capitale assyrienne, mais 
à Babylone, où résidait encore Assurbanipal, probable- 
ment satisfait de pouvoir faire constater aux alliés de 
Samassumukin l'état auquel il avait réduit sa capitale. 
Les chaînes et les fers aux pieds des prisonniers sont 
tout à fait conformes aux coutumes assyriennes. Voir 
Chaîne, t. n, col. 480; Entraves, t. il, col 1818. On lit 
dans une autre inscription d'Assurbanipal : « Sarludari 
et Néchào ils- prirent, ils les lièrent avec des liens de 
fer et des chaînes de fer aux mains et aux pieds. » 
Schrader, Keilinschriften, p. 243. Rien d'étonnant par 
conséquent à ce que Manassé ait été traité de même. 
Dans sa captivité, le roi de Juda implora enfin le Sei- 
gneur ; il s'humilia profondément devant lui et lui adressa 
une prière, qu'on chercha bien plus tard à reconstituer. 
Voir Manassé (Prière de). Assurbanipal ne tarda pas à 
le renvoyer à Jérusalem, peut-être avant de retourner lui- 
même à Ninive. Cette manière de procéder ne doit pas 
surprendre non plus de la part d'Assurbanipal. Il raconte 
dans une inscription comment il traita Néchao, qui avait 
soulevé l'Egypte contre lui et avait été emmené prison- 
nier à Ninive : « Faveur je lui accordai, alliance avec 
lui je fis... Mes officiers comme gouverneurs en Egypte 
avec lui j'envoyai,... je le rétablis,... un royaume je lui 
ponstituai. » Cf. Schrader, Keilinschriften, p. 243. On 
voit que si, à raison de son peu d'importance relative, 
Manassé n'est pas nommé dans ces inscriptions, le trai- 
tement qu'il eut à subir et la grâce dont il bénéficia 
n'ont pas été sans exemple sous Assurbanipal. Cf. Vigou- 
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., 
t. iv, p. 87-98. 

De retour à Jérusalem, Manassé commença par forti- 
fier l'enceinte de la ville du côté où elle était vulné- 
rable. Voir Jérusalem, t. m, col. 1363. Puis il mit des 
officiers dans toutes les villes fortes du royaume. Il se 
garantissait ainsi contre un coup de main, comme celui 
qui avait suffi sans doute à la 'petite armée assyrienne 
qui s'était emparée de lui. Pour réparer son impiété 
précédente, il fit enlever du Temple et jeter hors des 



murs de la ville les idoles et les autels qu'il y avait éle- 
vés. Il rétablit l'autel du Seigneur et y fit offrir des sacri- 
fices de différente nature. Enfin il ordonna à son peuple 
de servir le Dieu d'Israël, Jéhovah. Les Israélites 
n'obéirent qu'à moitié, car c'est sur les hauts-lieux qu'ils 
continuèrent à immoler, zobhim, mais seulement à Jého- 
vah leurDieu, la-Yehovâh 'ëlohêhém, II Par., xxxm, 14- 
17. Il fut donc impossible de faire renoncer le peuple à 
ses habitudes invétérées, quant aux lieux du culte ; il se 
contenta de répudier le culte des idoles. Voir Hauts- 
lieux, t. m, col. 456. 

La captivité de Manassé et sa pénitence ne peuvent 
être datées que des dernières années de son règne. 
Pendant cinquante ans, le roi avait donné l'exemple 
d'une impiété et d'une dépravation effrénées. Comment 
s'étonner que, si sincère qu'ait pu être sa pénitence, il 
n'ait pas réussi à effacer le souvenir de ce qui avait 
précédé ? Son fils Amon, en effet, s'empressa de rétablir 
les idoles proscrites par son père. Heureusement il ne 
régna que deux ans, et, assassiné par ses serviteurs, il 
laissa le trône à son fils le pieux roi Josias. II Par., 
xxxm, 22-25. Mais c'est toujours à Manassé que les au- 
teurs sacrés reviennent, quand ils veulent signaler la 
cause principale du grand châtiment qui allait fondre 
sur le pays. IV Reg., xxm, 26; xxiv, 3; Jer., xv, 4. 
Aussi l'on ne crut pas devoir accorder à Manassé la sé- 
pulture royale. Il fut inhumé dans le jardin d'Oza, qui 
était le jardin du palais, comme fut inhumé deux ans 
plus tard son fils Amon. Celui-ci, âgé de vingt-deux ans 
à la mort de son père, n'osa ou ne put rien faire pour 
lui éviter ce déshonneur. IV Reg., XXI, 18 ; II Par., xxxm, 
20. Ezéchiel, xliii, 7, 9, semble faire allusion à cette sé- 
pulture, quand il reproche aux cadavres des rois de souil- 
ler le voisinage du Temple. H. Lesêtre. 

4. MANASSÉ (Septante : Mava<r<rîi), de la tribu de 
Juda et de la famille de Phahath Moab; il avait épousé 
une femme étrangère et fut obligé de la répudier du 
temps d'Esdras, I Esd., x, 30. 

5. MANASSÉ (Septante : Mava<r<rr|), descendant de 
Hasom (voir Hasum 1, t. m, col. 448); il vivait cl a 
temps d'Esdras et renvoya, la femme étrangère qu'il 
avait épousée. I Esd., x, 33. 

6. MANASSÉ (Septante : Mavacrcrriç), de la tribu de 
Siméon, d'après les Septante, Judith, vin, 2, mari de 
Judith. Il habitait Béthulie et possédait de grandes ri- 
chesses qu'il laissa en mourant à sa veuve. Judith, vin, 
7. Il mourut d'une insolation au temps de la moisson 
des orges, vin, 2-3, et il fut enseveli «dans une caverne », 
âv Toi <nrcXa£w, d'après les Septante, xvi, 23. Le texte 
grec, xvi, 24, dit que Judith, à sa mort, laissa tous 
ses biens aux parents de son mari. Voir Judith 1, t. ni, 
col. 1822. 

7. MANASSÉ, une des douze tribus d'Israël, divisée 
en deux groupes : le groupe occidental et le groupe 
oriental, 

I. Géographie. — i. manassé occidental. — La 
demi-tribu située à l'ouest du Jourdain avait son terri- 
toire entre Éphraïm au sud, Issachar au nord, la Médi- 
terranée à l'ouest et le Jourdain à l'est. Nous ne possé- 
dons pas, comme pour les autres, la nomenclature de 
ses principales villes ; aussi son exacte délimitation ëst- 
elle extrêmement difficile, surtout si l'on ajoute à cette 
lacune les obscurités du texte. Voir la carte (fig. 193). 

1° Limites. — Les frontières de Manassé occidental 
sont décrites Jos., xvn, 7-11, mais le texte actuel est 
tellement incomplet que, pour les rétablir, nous sommes 
réduits aux conjectures. « La frontière de Manassé fut 
depuis Aser Machméthath, qui est à l'est de Sichem 
{Naplousé), puis elle allait à droite (c'est-à-dire au sud), 












si*n*lf„; ° ., P< ru £" i &, 



Qatn.at' 
e.t Sdioithif 



o _) hhmoni 



Abbasw^/'a jt^aXUÎTùàgC: oTA-Samhdi^" tan: 

V.HÏr„, m ;,à^ s ^^L- -^imaSb Trouai \ 

*TH jBar>if 




Se/,. 



. EaauAai 




ueida. i 



&BfadelS vr^i 

/ 



esch- Schéma. 



Et -Ba.tourwêK**2)iîi£u? 



Mjtbbaia. -j^ 

~'"ateo-Sobaîl3i 

CfsikÉE OC PH1LLIPPE 



\fetv x^ev'pa."^-' 



ZoubÀtfL 



'*'lfn&7i<xej'L>iîm 







«9 
*02 . •*■/. _ 
JJhOianm. "QaSa/QWchan'cu 

KWuAùi. 



rl-Ço. 






*w Eh~4bdéJ 

° ?C5 

1 
xel-Fer 





vJxmouh 








*^ 




iwîvi'*_ * 



lato»" JM: 









Uarah 

» HÛ.REM 



%i^mS^ 



Jciiei' 



Ël-JBouqati 
.Tcllesch- 



o 
, 239 






ed-J>càSi- ^ Ttli^bo 



,-Bedaryusiii/^boi- 
<«>- -el-JOumiar- 

H6i 




M-Jloiûlhar 0j »^__ . 



tm; 



— 1 {oitnrnr- 

^HEP 

-Ai&ti. ' ° j ^ in es - 1S 
tanur * > 

- >>. 














Dj.el 'A h 







JÛLJffitli 

MEï 



JKSo/tnM»,, . ■■ M .J™* ,.B* 

&«frY.u. joua**** oùM-^a. f ,'? Sahel. 6 ' i 















ïc/tebd 'a, _ . 




m-Raditéh 




a £d.~J)wura 



Ed-JJvyi 

i Ruine* 



-DfoiLdeidih. a 



iïidfanéJi 

El 'Khcuttirèh, 



e t 



£) 1 r e t 

Daqouah 

T O u 1 O û 1 



TeZL. 



S^ 




fiîe/tJ/cméh- 



\v 



.K-, 




TelLAbou 

MaAeiridf 








Oumrrv Donheih 



Jtahiét el-GhourbixféK 
ea-ehsSchihs 






4rd el - F e d a. i jr e n 

**fbiuirxrf- el&ebiréhs 






ÇabbarvÛL 



arcà.ScàaAibat 



TMel-Asfar^ 



'■J 









S 



\Dni-JmHu 



TeUJ)eJfa.'a 






Wïud/eidil 



^xra.IORtK 



ZJeïi^MâmLel-ltyou 



SaghinA <* 

~^ïbll.el ffhaxal 
. \ 9 

REITX El-Buteima. 



^ 



S 



^ 



^ e ' 





Jhabch, 



*%h~Harir*i 



MeUhateJ^ilasch 



,„ , / tl Jfouiiraaah, 
uAFafOUSS * J 



J)/ébata 



^5 7 . 



°Aw,L 
o 
Souairur' 






.■/-.ir-ùit 'j 



CAS A L °>H-».^Î"^; Sf y$ar^ 






"Abrloun. 
Kl 



KefîtOn. 



rt^ Oumjnesch,~Sdwxif . 



Kt.iunriianjh. . "^> Ei-JBauir^ h. 



CtSAREE O 

ta 






ffa»'feour« ^ 



m/v? ^ÏX-m Zebddneh 



tSarrunëh 

MeJihat tJ /îtTirih. j 
Oiiïoûn. ^i&yS t 



'Sl-gotkbih Souana El-jRimçlfiJ^ .VètihcUAti. ^\ 



SJv.elr(rJu>uxaléh- 



H_Abou ^ 



^"ÏSKi. 



i^g&U 



' 



^ou Zeieféh* 



T tirah 

ElJlTrSqaA^-Elr-Bârid l68 -. °£eU0àd > /&>«#"*& 

^ o Aïneechs- -~ 








' *\ 
V? i l Oumm 

Tell- ' ZeïioitJL 

AïKmàr j-(U 

■ TêUGharâ. 

ri 



Ebitît TdléU^an, 



l&s-Soueimirah 



el-LebenS- 



AûvKerateh. - ^OtiT-el-EhaamLii 
c Es-iSiofyn 




El-Malihûfèh- 

ITelld-Bisch 

Douma. 
Oiimm. J 
•uijab f •TevTia. > ^(fran. 



I Ghana. 



- QibUy* 







Oudgha. 



EA-Doueïrib 



ou&iziy ' ' -fÇEd.-J)€u>a. j/* 






"H AURA 

•i - 'Jfrjoueilil 

"* 9 Telles 



■/!*/,, 




El-&houreÙJ> 

\°f T, '<< O 



out»i»Jjï9 J ' ™ El-Meisereh. Xo».. oMexabil f "■■«— i 



EirkefAta °Teir*q>hroun XoJlMel . Me . u c^\. r ... Ai -Mbfffiuu^JLJ* 




XàhU rP «A3BAT, 



" J>eb-3> 'W^ ^V <■ AnxaA, Ghovïolq ..fui „. „-.:,<> *hJ? /e bru<A 



' Çafjtœrt. 

G-Tumsotmo 






,~2ozûJvarm 







-.Lebad Jïanivi 
zr \ScJ„mfr/>- 



\*SrP Fà^à, ^X^àDeù* s, Ain ijjïnnïh 

o _^— " , » Harnia," S~ï ■ < 

iJ? _ o . /< 



lToùimeid' - l a " • o . ', 'Ç ï„ . 



---• --.- * l - ! «« wi 4>SglU>*à-.\ ' . - /•mcù.ooumnfëfr a iÙL.Sebàt„ ^îb»«, 



nibùjeh 



Hamra. 

o 



.Ji.WiA° * 



•"""le^*"^ 



V 




^ 



urhèùdch 



el-Achaw V 



rdlSc/iaf 
1653 * 

"ElManiéh, 

v&ibbdiÀh, 




Mamnvas^^^^JLOiiï* 



V 

oJQuidrael-Jfox 



lV 



c 7>Zt' T&irirv 



% ) ^ m el3Ù!frak 



Sd-De* 



Ôumnvecl--, fyemal ] 
ar -Stxghzpehs 



Oumm.'<îf-ôbnr*al>.. 









fffÂÂ^à OleUftL, \ tlr-Sahs 

Sniàti Er~J{afi^a 9 

-5 £houi*eidjth pf*-Jioununan . 

y 



J)/emmèh 



Çafil^ J*} ~ TeUesch-Schîh 




Keïs-nma 

'ÂF-Sarvtdn 



deZ^gçà.ScAàr- 



~-^*tj-^JShidr^^niârv^^ ' 



Crhatndjeh 









t««BBU 



SfuSaleifûtat ,- 

° y JtanJoiLT-pn, ■ ^ 



"?«• 




« <5- 

o ",5'-^£hlfc*<"yw''- 'sÈBASTireni fjgt ->V L 7»»l«i«/^% 1" . f reU*r;fwdzyéa, /,„,»„„„. /* -ft 



^Brit-Detpan 




El-Sa^am. • j " / *iql^ < yç», Etuis Ofrlaqif Fouadoua « r ^^ ^~ s OaUùi Xoùdjib j*ea 



. Senirajéh „ ._ z . ^ 

A^sàisil <P ub 3? fc : j 






'ttf-JZàry ^ 



2i0 • Aw^um^i 
d Ehar^vu' ' 



Oaraila> 

Tdljt&ax 

J)jôx.eléh.\ 



El-Fcd/rhe I 



MioxeieA. ; 



4^^ 



.JafTa 



s* 



^-^^0 S-- E^+f^^, 



Eburwoftrr r 






■^ 380 v 

Meteiledh-DJub 



■ îW/WEtÙi^l 




°*-.Srf3» 






^_ 



*4ïnR0ubicL 




Noudtrihe-Jt 



^Mja'àd 

°:4Uàn- 
^•°»J» ElTaxiAyd, '?* 



Taiutix. 




•ScAeèmM 



JThanab 
£d-Hefïa*iéA 



Sa adéh 



Sh.el -Jioud/eid/ii 
*Jle*r > e£-MedjcLs 



Onmjn.el- Ooutetn. 



Tell el -pou eïs 



^ 



0; 



4> 



~\ 



V 



SnaA 



CARTE 

des deux Tribus 

DE MANASSÉ 



Aïn~.4bou,JIou^eÏ7* 



\'.fa/bàl 




. {uVcUa/ateX'JZerqa 
adùt 



Zes JW77VS- aVaprès laVnlgate sont- écrite en; caractères drozùr rouges- Les rwm.9 bibliques cause' trouDent, sur Les 

Trw7iume7its égyptiens et assyriens sont ervearactéres penchés bleus, ceiu&qui nessantpas bibliques eJi'Caractères droits Ueus. 

Échelle 



2 5 Kllom. 



32°w 



33° 



33%,- 



MANASSË (TRIBU DE) 



646 



•s les habitants de 'En-Tappûah. A Manassé appartenait 
territoire de Tappûah, mais Tappûah (c'est-à-dire la 
le), sur la frontière de Manassé, appartenait aux 
[ants d'Éphraïm. La limite descendait ensuite à la 
lée des Roseaux (hébreu : Nahal Qdndh).,. ; au midi 
la vallée, ces villes (on ne dit pas lesquelles) appar- 
iaient à Éphraïm; au milieu étaient les villes de 
nasse, et la frontière de Manassé était au nord de la 
lée et aboutissait à la mer. [Ainsi] au sud Éphraïm, 
au nord Manassé, dont la mer formait la limite; et 
touchaient à Aser du côté du nord, et à Issachar du 
;é de l'est. » La version des Septante ne peut malheu- 
îsement nous servir à expliquer ce texte confus, où 
lacunes se font sentir, où les parenthèses embarras- 
ît la marche des idées ; elle ne représente elle-même, 
moins dans plusieurs cas, qu'une lecture fautive, 
ici donc les renseignements qu'il est permis de tirer 
ce passage. La frontière part d'Aser pour aller à 
chméthath, en face ou à l'orient de Sichem. Aser ne 
signe pas ici la tribu de ce nom, mais une localité 
!ntionnéeparEusèbeetsaintJérôme,Onomas£icas<icra, 
ïttingue, 1870, p. 93, 222, à quinze milles (22 kilo- 
itres) de Néapolis ou Naplouse en allant vers Scytho- 
lis ou Béïsân, et existant encore aujourd'hui sous le 
m de Teyàsîr. Voir Aser 4, t. i, col. 1089. Machmé- 
ith, hébreu ham-Mikmefâf, devrait être précédé de 
ou de 'ad, « vers, jusque, » ou être affecté du hé 
al. Malgré cela, ce nom indique le point opposé à 
iv. Déjà cité Jos., xvi, 6, il sert de jalon dans la fron- 
re septentrionale d'Éphraïm. A quoi correspond-il? 
. ne sait (voir col. 511). La présence de l'article fait 
Dposer à quelques-uns qu'il représente un nom 
nmun, peut-être une corruption de Makhnah, la 
line située à l'est de Naplouse. Pour d'autres, c'est 
e ville ; mais elle est inconnue ; tout ce que la Bible 
us apprend, c'est qu'elle était à l'est de Sichem. Les 
ptante portent ici : xa\ èfevr|9ir] opia uiûv M«va<r<rr| 
Xavâô, r\ ècriev xotTÔe Tipôaumov uïûv 'AvâO, « et les 
ntières des fils de Manassé furent Délanath, qui est en 
e des fils d'Anath. » Fr. de Hummelauer, Comment. 
Josue, Paris, 1903, p. 387, a cherché à tirer parti de 
te variante; on peut se demander si son hypothèse 
;st pas trop ingénieuse. De Machméthath, la ligne de 
marcation s'en va du côté du sud vers ' Ên-Tappûah, 
« la fontaine de Tappûah. » Ce dernier point est 
;onnu, les conjectures faites jusqu'ici n'ayant rien de 
ide. Voir Taphua. Il marquait la limite extrême et 
Scise de la tribu, puisque le texte ajoute que le terri- 
re de Taphua appartenait à Manassé, tandis que la 
le était à Éphraïm. De là, la frontière « descendait » 
:a vallée des Roseaux. On a cru retrouver le nahal 
■nâh dans un ouadi de même nom, Youadi Qanah, qui 
;nd naissance près d'Aqrabéh, au sud-est de Naplouse, 
is devient affluent du Nahr el-Audjéh, dont les eaux 
jettent dans la Méditerranée, au nord de Jaffa. Cette 
limitation, si elle est juste, augmente considérablement 
territoire de Manassé, mais au détriment d'Ephraïm. 
ssi peut-on chercher la vallée en question plus haut, 
as le Nahr el-Faléq, qu'un historien arabe, Bohaeddin, 
pelle Nahr el Kassab, « rivière des Roseaux, » et qui 
on embouchure dans la Méditerranée au nord A'Arsùf. 
ir Cana 1, t. il, col. 105. Le milieu du >. 9 est obscur 
as le texte original et dans les versions; il devaif 
is doute primitivement renfermer le nom des villes 
i appartenaient à Éphraïm. En tout cas, il nous apprend 
e ces villes étaient au midi de la vallée, que celles de 
nasse étaient au milieu, et que la limite de la tribu 
irait le long du bord septentrional : c'est au moins 
isi qu'il est permis de lire pour éviter une contradic- 
n, qui consisterait à mettre la frontière au midi et au 
rd de la vallée. Dans ces conditions, nous aurions 
ne une ligne partant de Teydsîr, descendant à l'est de 
;hem, puis, après un crochet vers le sud, se dirigeant 



à l'oaest jusqu'à la Méditerranée. Mais la ligne d'Aser à 
Machméthath fermait-elle la tribu du côté de l'est? 
L'incertitude du texte ne permet aucune conclusion ; il 
n'est même pas sûr qu'Aser soit un nom propre ; voir le 
changement proposé par F. de Hummelauer, Josue, 
p. 388, de 'âsêr en Se'dr, « le reste. » Retenons seulement 
la direction de la frontière sud-ouest à partir de Sichem. 
Quant à celle du sud-est, elle pourrait être déterminée 
par les contours de la tribu d'Ephraïm de ce côté, Jos., 
xvi, 6-8 : Machméthath, Thanathsélo (aujourd'hui Ta'na), 
Janoé (Yanûn), Ataroth, Naaratha (Khirbet Samiyéh ou 
Khirbet el-Audjéh et-Tahtâni), enfin Jéricho et le Jour- 
dain, ce qui laisserait à Manassé une bonne partie de la 
vallée qui longe le fleuve. Mais nous rappelons que nous 
sommes ici dans les conjectures. — La frontière septen- 
trionale est simplement marquée par quelques villes 
importantes. Il est dit, Jos., xvii, 10, 11, que Manassé 
touchait à Aser au nord et à Issachar à l'est, et que plu- 
sieurs cités lui furent accordées dans ces deux tribus. 
Mais le nombre de ces localités varie suivant les textes : 
l'hébreu et la Vulgate en comptent six : Bethsan (hébreu : 
Bêt-Se'dn), aujourd'hui Béïsan, à l'est du djebel Foqû'a; 
Jéblaam (hébreu : Yble'dm) = Khirbet BeVnméh, au 
sud de Djénîn; Dor (hébreu : Dô'r) = Tanlurah, sur 
les bords de la Méditerranée, au nord de Césarée ; 
Endor (hébreu : 'Ên-Dôr) = Endor, au nord du djebel 
Dahy ; Thénac (hébreu : Ta'ândk) = Ta'annûh, au 
nord-ouest de Djénîn; Mageddo (hébreu : Megiddô) = 
El-Ledjdjûn, au nord de Ta*annûk. Les Septante, dans 
la recension de Lucien, omettent Endor, qui semble, 
en effet, une addition fautive, et, dans le texte reçu, ne 
mentionnent que trois noms, Bethsan, Dor et Mageddo. 
Ce dernier chiffre répond mieux à l'expression selôSéf 
han-nâféf, « les trois districts, » qui termine l'énumé- 
ration (la Vulgate a inexactement traduit : « la troisième 
partie de la ville de Nopheth »). Il est donc probable 
que Bethsan, Dor et Mageddo, avec leurs dépendances, 
furent seules prises sur le territoire des tribus voisines, 
et que Jéblaam et Thénac appartenaient dès l'origine à 
Manassé. On peut supposer que ces deux dernières ont 
été ajoutées d'après Jud., i, 27. La ligne septentrionale 
partait ainsi de la pointe sud du Carmel et suivait la 
bordure montagneuse qui domine la plaine d'Esdrelon, 
dans la direction du sud-est. La ligne méridionale, 
d'après le tracé que nous venons de donner, aurait ren- 
fermé dans les limites de la tribu la ville de Sichem, 
qui cependant, d'autre part, Jos., xxi, 20; I Par., vi, 66- 
67 (hébreu 51-52), est attribuée, comme cité lévitique, à 
Éphraïm. Pour résoudre celte difficulté, il faut alors 
ranger Sichem parmi les villes qui furent détachées de 
Manassé pour être cédées à Éphraïm. Jos., xvi, 9. 

2° Description. — La tribu de Manassé occupait 
ainsi un territoire largement ouvert sur la Méditerranée, 
plus ou moins largement selon qu'on le borne au Nahr 
el-Faleq ou à Vouadi Qanuh. Il comprend donc une 
grande partie de la plaine de Saron et la région septen- 
trionale des monts de Samarie. Il forme au nord une 
pointe triangulaire resserrée entre la mer et la plaine 
d'Esdrelon, et qui va en s'élargissant vers le sud. Il suit 
du côté d'Issachar la direction de la montagne et la ligne 
de partage des eaux, renfermant le versant oriental 
jusqu'à la naissance de la vallée. Les ouadis qui décou- 
pent le terrain descendent vers l'ouest et s'allongenl 
peu à peu suivant que le faîte montagneux s'éloigne 
vers l'est. Leurs ramifications se réunissent pour former 
plusieurs fleuves, qui sont, du nord au sud, le nahr 
ez-Zerqa, le nahr el-Akdar, le nahr Ukanderunéh, le 
nahr el-Faleq, dont les eaux serpentent entre des rives 
hérissées de broussailles et de roseaux. De la plaine 
côtiére, les hauteurs s'élèvent par degrés et atteignent 
de six à sept cents mètres vers l'est, sans compter quel- 
ques pics plus considérables comme l'Hébal et le Garizim ; 
mais, en d'autres endroits, elles ne sont guère que de 



647 



MANASSÉ (TRIBU DE) 



648 



trois à quatre cents mètres. Cet ensemble est parsemé 
de vallées et de plaines fertiles. Les collines sont parfois 
couvertes de bois de chênes ou de hautes broussailles, 
et sur leurs pentes, de beaux jardins, bien arrosés, sont 
remplis de figuiers, de citronniers, de grenadiers, d'oli- 
viers. Le pays a, en somme, les mêmes caractères que 
Celui d'Éphraïm, et on peut lui appliquer les paroles de 
l'Écriture, Gen., xlix, 22; Deut., xxxm, 13-16, concer- 
nant tes bénédictions promises aux enfants de Joseph. 
Voir ËPHRA.ÏM 2, t. h, col. 1874; Saron (Plaine de). 

//. manassé oriental. — 1» Limites. — Le second 
groupe de la tribu de Manassé occupait la partie sep- 
tentrionale de la région transjordane, dont Gad et 
Ruben possédaient le centre et le midi. Num.| xxxiv, 
14, 15; Deut., xxix, 8; Jos., xn, 6; xiv, 3; xvm, 7. Voir 
la carte (fig. 193). Son territoire comprenait la terre de 
Galaad, Num., xxxn, 39, 40; Deut., m, 15: Jos., xvii, 
î, ou plus exactement « la moitié de Galaad i>, Jos.,xm, 
31, puisque Gad avait l'autre moitié, Deut., m, 12, puis 
les contrées de Basan et d'Argob, Deut., m, 13; Jos., 
xn, 4; xin, 11,30; xvn, 5. Sa limite méridionale, d'après 
Deut., m, 16, aurait été le torrent de Jaboc, c'est-à-dire 
le Nahr ez-Zerqa, frontière nord de Gad, mais ailleurs, 
Jos., xiii, 26, 30, la ligne de démarcation entre les deux 
tribus est fixée à Manaïm (hébreu : Mahânaim). L'em- 
placement de cette localité n'est malheureusement pas 
connu d'une manière précise, mais le nom de Mahnéh, 
au nord du Nahr ez-Zerqa, la rappelle suffisamment. 
Voir Mahanaïm, col. 571. Cependant Manassé n'allait 
pas de ce côté jusqu'au Jourdain, l'Arabah appartenant 
à la tribu voisine. Voir Gad 4, t. m, col. 27. Au nord, 
il s'étendait jusqu'à l'Hermon. Jos., xn, 4; I Par., v, 23. 
Au nord-ouest, il était borné par les petits royaumes 
araméens de Gessur et de Maacha. Deut., ni, 14; Jos., 
XII, 4, 5; xiii, 11. Enfin, deux points extrêmes sont 
marqués du côté de l'est : Chanath, aujourd'hui El- 
Qatuiûdt, sur le Djebel Haurân, et Salécha, Salkhad, 
au sud de la même montagne. Num., xxxh, 42; Jos., 
xn, 4; xiii, 11. Les principales villes, en dehors de ces 
deux dernières, étaient : Astaroth (Tell 'Astarâ ou Tell 
el-As'ari), Édraï (Der'ât), Golan ou Gaulon (Sahem el- 
Djauldn), Bosra (Bosra). Deut., iv, 43; Jos., xn, 4; xiii, 
12, 31; xxi, 27. Il faut y joindre les villes de Jaïr ou 
Havoth Jaïr. Num., xxxn, 41; Deut., m, 14; Jos., xiii, 
30. Voir Havoth Jaïr, t. m, col. 457. 

2° Description. — Le territoire de Manassé oriental, 
correspondant à celui d'Og, roi de Basan, comprenait 
ainsi, avec la pointe supérieure des montagnes de Galaad 
et une bonne partie du Djolân, la grande plaine En- 
Ntiqrat el-Haurân, le Ledjàh et les pentes occidentales 
du Diïébel Haurân, l'ancien pays d'Argob. Chacune de 
ces contrées a son aspect particulier, assez longuement 
décrit ailleurs. Voir Argob 2, t. i, col. 950; Auran, t. i, 
col. 1253; Basan, 1. 1, col. 1486; Galaad 6, t. m, col. 47; 
Gaulanitide, c'est-à-dire Gaulon, t. m, col. 116. Dans 
son ensemble, cette région, arrosée par les. nombreux 
affluents du Yarmouk ou Schériat el-Menâdiréh, était 
autrefois et est encore en beaucoup d'endroits d'une 
grande fertilité. La plaine, formée d'une terre volca- 
nique rougeâtre, produit en abondance le blé et l'orge. 
Dans les contrées où le sol pierreux est moins propre 
à la culture, on trouve d'excellents pâturages. Si les 
forêts de chênes, renommées dans les temps anciens, 
ont presque entièrement disparu, les pentes des mon- 
tagnes présentent encore certains massifs d'arbres. Le 
Ledjah, qui n'est qu'une immeDse coulée de lave, offre 
l'aspect le plus singulier avec ses roches basaltiques 
noires, ses innombrables crevasses qui se coupent dans 
toutes les directions et forment un vrai labyrinthe de 
ravins et de précipices. Enfin les ruines que l'on ren- 
contre en plusieurs localités montrent l'étendue et l'im- 
portance des antiques cités, les richesses architecturales 
qu'elles renfermèrent à certaines époques. Le pays con- 



tient, au point de vue archéologique, des curiosités que 
l'on est étonné de trouver dans un pareil désert. Voir 
Bosra 2, 1. 1, col. 1860; Canath, t. h, col. 121 ; Édraï 1, 
t. h, col. 1589. 

IL Histoire. — 1» De la sortie d'Egypte à la con- 
quête de Chanaan. — Au sortir de l'Egypte, la tribu 
de Manassé était numériquement la plus petite de toutes. 
Au premier recensement, fait an désert du Sinaï, elle 
ne comptait que 32 200 hommes en état de porter les 
armes, alors qu'Éphraïm en avait 40500, et Benjamin, 
35400. Num., 1,32-37. Elle marchait avec ces dernières, 
comme elle issues de Rachef, et toutes trois formaient 
un corps d'armée de 108100 guerriers, qui campaient 
à l'ouest du tabernacle. Num., H, 18, 20, 24. Elle avait 
pour chef Gamaliel, fils de Phadassur, Num., i, 10; n, 
20, qui, au nom de ses frères, fit au sanctuaire les 
mêmes offrandes que les autres princes. Num., vil, 54- 
59. Son représentant parmi les explorateurs de la Terre 
Promise fut Gaddi, fils de Susi. Num., xiii, 12. Au se- 
cond dénombrement, le chiffre de ses guerriers montait 
de 32200 à 52700, avec une augmentation de 20 500, 
alors qu'Éphraïm subissait une perte de 8000 hommes. 
Num., xxvi, 28-37. Un de ses chefs, Hanniel, fils 
d'Ephod, était parmi les commissaires chargés du par- 
tage de la terre de Chanaan. Num., xxxiv, 23. 

2» Familles. — Les différentes familles qui compo- 
saient la tribu de Manassé sont énumérées en plusieurs 
endroits de l'Écriture. Num., xxvi, 29-34; Jos., "xvn, 
1-3; I Par., n, 21-23; vil, 14-19. Ces généalogies pré- 
sentent certaines [divergences, que le tableau ci-contre, 
col. 649-650, fera mieux saisir. 

La différence entre Num., xxvi, 29-34, et Jos., xvii, 
1-3, n'est qu'apparente. Dans ce dernier passage, Machir 
est représenté comme le frère aîné d'Abiézer et des 
autres, qui, dans le premier, sont ses petits-fils. En réa- 
lité, et d'après le contexte, f. 1, 3, il est, ici aussi bien 
que là, désigné comme fils de Manassé et père de Ga- 
laad; la contusion porte sur l'expression « au reste des 
enfants de Manassé », qui doit s'entendre, ainsi qu'en 
beaucoup d'endroits de l'Écriture, des petits-enfants ou 
descendants et non pas des fils immédiats. Au f. 3, 
d'ailleurs, Hépher est dit « fils de Galaad, fils de Ma- 
chir ». A remarquer aussi que- Jézer, Num., xxvi, 30, 
est une corruption de Abiézer, Jos., xvn, 2. Le premier 
livre des Paralipomènes, n, 21-23, nous apprend que 
Machir eut une fille, qui épousa Hesron, de la famille 
de Juda. De cette union naquit Ségub, père de Jaïr» 
Nous avons ainsi la généalogie complète du valeureux 
guerrier qui donna son nom à un groupe de cités con- 
quises dans la terre de Galaad. Voir Havoth Jaïr, t. m, 
col 457. Le passage le plus difficile à expliquer est celui 
de I Par., vu, 14-19. Le document, de l'aveu de tous les 
critiques, est très ancien, mais le texte a des mutila- 
tions et des lacunes qui ne permettent qu'une restitu- 
tion conjecturale : f. 14. « Fils de Manassé : Esriel, que 
lui enfanta...; sa concubine araméenne enfanta Machir, 
père de Galaad. f. 15. Or, Machir prit pour épouse [la 
sœur] de Hapham et de Sépham, et le nom de leur 
sœur était Maacha; fsa concubine (?) enfanta Galaad, et 
Galaad eut des fils : le nom du premier était Sémida, 
et] le nom du second [était Hépher; et le fils d'Hépher 
était] Salphaad, qui eut des filles. — f. 16. Et Maacha, 
épouse de Machir, enfanta un fils qu'elle appela Phares; 
celui-ci eut aussi un frère nommé Sarés, dont les fils 
furent Ulam et Recen. — f. 17. Ulam fut père de Badan. 
Tels sont les fils de Galaad, fils de Machir, fils de Ma- 
nassé. — f. 18. Et la sœur de Maacha, Méléketh (Vul- 
gate : Regina), enfanta 'IShôd (Vulgate : Virum déco- 
rum, « Belhomme ») et Abiézer et Mohola. — t. 19. 
Or, les fils de Sémida furent Ahin, Séchem, Léci 
(Hélec?) et Aniam. » Esriel, d'après f. 14, ne serait pas 
né de la même mère que Machir; mais il n'est même 
pas sur qu'on doive lire ici ce nom, qui ne serait qu'une 



649 



MANASSÉ (TRIBU DE) 
TABLEAU GÉNÉALOGIQUE DE LA TRIBU DE MANASSÉ 



650 



Num., xxvi, 29-34 

Jé 
(Jézé 

Jos., xvh, 1-3 : 
I Par., n, 21-23 : 

I Par., vu, 14-19 : 




Manassé 

1 

Machir 

(Machirites) 

j 

Galaad 

(Galaadites) 

1 




1 1 1 
zer Hélec Asriel 
rites) (Hélécites) (Asriélites) 


1 1 i 
Séchem Sémida Hépher 
(Séchémites) (Sémidaïtes) (Héphérites) 

Salphaad 


1 1 - ' 1 ""] 
Maala Noa Hégla Melcha Thersa 

Manassé 

! 


! ! 1 
Machir Abiézer Hélec 

1 
Galaad 

Manassé 

Machir 

1 


1 1 1 1 
Esriel Séchem Hépher Sémida 
1 


1 1 i 1 ! 

Maala Noa Hégla Melcha Thersa 

Juda 

1 


1 1 1 ! f 
Her Onan Sela Phares Zara, 

1 


III 1 , 
Galaad fille qui épousa Hesron Hamul 

Ségub 

Jaïr 
(« qui posséda 23 cités dans la terre de Galaad ») 

Manassé 

1 


1 1 
d'une épouse inconnue d'une concubine araméenne 

1 1 


1 
Esriel 




Machir 
1 


de Maacha 
1 


1 "' 1 

de Méléketh de ? 

' - 1 


1 1 
[Phares Sarès 
1 

1 ' i 
Ulam Reren 

1 
Badan 


! 1 1 1 
shôd Abiézer Mohola Galaad 


1 

Sémida 

1 


1 
Hépher 

Salphaad 
5 filles 


i i i i 
Ahin Séchem Léci Aniam 
(Hélec î) 



anticipation fautive des mots suivants ('airî'êl 'âsér yâl- 
dâh). Voir Machir 1, col. 507. Dans le dernier tableau, 
nous retrouvons exactement tous les descendants de Ma- 
nassé compris dans les deux premiers (noms en italiques). 
Mais les degrés de filiation ne sont plus les mêmes : 
Abiézer ou Jézer, au lieu d'être ftls de Galaad, est son 
frère, d'une autre mère; Séchem et Hélec sont les pe- 
tits-fils de Galaad. Esriel, en supposant que l'on doive 
garder son nom, serait le frère aine de Machir, et ce- 
pendant celui-ci est appelé « le premier-né de Manassé ». 
Jos., xvu, 1. Il est permis de croire que la généalogie 
de I Par., vu, 14-19, reproduit la descendance naturelle 
des enfants de Manassé, tandis que celles de Num., xxvi, 



29-34; Jos., xvu, 1-3, représentent les affinités de fa- 
milles et les dépendances politiques, dans lesquelles les 
distinctions sont moins nettement marquées. On peut 
supposer ainsi qu'à un certain moment de l'histoire, le 
droit de primogéniture fut transporté d'Esriel à Machir. 
Il faut aussi tenir compte de la différence des sources 
auxquelles sont empruntées ces généalogies. — Quelles 
familles s'établirent a l'ouest du Jourdain, et quelles 
furent celles qui restèrent à l'est? Il serait difficile de le 
dire d'une manière positive. 

3° De la conquête de Chanaan à VeoiAl. — Une fois 
installé à l'occident du Jourdain, Manassé ne détruisit 
point les Chananéens de Bethsan, de Thanac, de Dor, 



651 



MANASSÉ (TRIBU DE) — MANASSÉ (PRIÈRE DE) 



G52 



de Jéblaam et de Mageddo, qui devinrent seulement 
tributaires. Jud., i, 27, 28. — Gédéon, qui était de la tribu, 
l'appela aux armes contre les Madianites et les Amalé- 
cites. Jud., vi, 15, 35. — Les lévites obtinrent des villes 
dans les deux territoires : â l'ouest Thanac et Balaam 
ou Jéblaam, Jos., xxi, 25; I Par., vi, 70 (hébreu, 55), 
(Gethremmon, Jos., xxi, 25, et Aner, I Par., vi, 70, sont 
probablement des fautes de copistes) ; à l'est, Gaulon et 
Bosra, Jos., xxi, 27, ou Gaulon et Astaroth selon I Par., 
vi, 71. — Après avoir aidé leurs frères à prendre posses- 
sion de la terre de Chanaan, les Mânasséens orientaux 
revinrent, avec Gad et Ruben, dans le territoire qu'ils 
avaient conquis. Jos., xxii, 1-9. Quant à l'autel élevé 
sur les bords du Jourdain, Jos., xxii, 10-34, voir Gad 4, 
Histoire, t. m, col. 30. Ils fournirent des troupes à 
Jephté contre les Ammonites. Jud., XI, 29. — La tribu tout 
entière prêta aussi un bon appui à David, I Par., xn, 
19-21, et parmi les guerriers qui prirent part à son 
élection poyale, on en comptait 18000 du groupe occi- 
dental. I Par., xii, 31. On ne dit pas quel fut le contin- 
gent du groupe oriental dans les 120000 hommes qui 
vinrent d'au delà du Jourdain. I Par., xii, 87. Pour 
l'administration civile et religieuse, David leur préposa 
des lévites et des officiers. I Par., xxvi, 32; xxvii, 20- 
21. — Salomon, de son côté, établit Bengaber comme 
préfet ou intendant sur le pays d'Argob et de Basan. 
III fieg., iv, 13. — Manassé occidental, comme les autres 
tribus séparées de Juda, tomba dans l'idolâtrie. Cepen- 
dant un certain nombre de ses membres se montrèrent 
fidèles au vrai Dieu à l'époque d'Asa, d'Ézéchias et de 
Josias. II Par., xv, 9; xxx, 1, 10, 11, 18; xxxi, 1 ; xxxiv, 
6, 9. — La demi-tribu orientale abandonna également le 
Dieu de ses pères; aussi, après avoir, vers la fin du 
règne de Jéhu, succombé sous une invasion victorieuse 
d'Hazaël, roi de Syrie, IV Reg., x,33, elle fut emmenée 
en captivité par les Assyriens. I Par., v, 26. — Dans le 
nouveau partage de la Terre-Sainte, d'après Ézéchiel, 
xlviii, 4-5, Manassé est placé au nord, entre Nephthali 
et Éphraïm. — Enfin saint Jean, Apoc, vu, 6, le cite 
entre Nephthali et Siméon. 

III. Caractère et importance. — Manassé, comme 
on le voit, n'eut pas l'importance politique d'Éphraïm, 
et en cela se trouvent réalisées la bénédiction et la 
prédiction de Jacob. Gen., xlviii, 14, 19, 20. La va- 
leur guerrière de cette tribu ressort cependant de 
l'histoire de la conquête, où nous la voyons s'emparer 
de contrées difficiles à aborder, bien défendues par la 
nature et l'art humain. C'est pour cela sans doute 
qu'elle fut placée, d'un côté aux avant-postes de la 
région transjordane, pour défendre l'accès du pays, 
de l'autre à l'entrée des monts de Samarie, pour garder 
les voies qui, du nord, de la plaine d'Esdrelon, con- 
duisent au cœur de la Palestine, à Sichem ou à Jérusa- 
lem. Aussi possédait-elle, de ce dernier côté, des villes 
d'une importance capitale, comme le montre l'histoire : 
Dor, sur la route maritime, Mageddo, Thanac et Jéblaam, 
premiers forts avancés sur la ligne des montagnes, 
Bethsan, sur la route du Jourdain. Sa valeur guerrière 
est en quelque sorte incarnée dans Machir, Jaïr et Gé- 
déon. Elle contraste singulièrement avec l'indifférence 
et la jouissance égoïste de la tribu voisine, Issachar. Voir 
Issachar, m, Caractère, t. m, col. 1010. Si Manassé 
occupa une position stratégique remarquable il ne fut 
pas moins favorisé pour l'étendue et la richesse du ter- 
ritoire qui lui fut concédé et le mettait, avec Juda, au 
premier rang des tribus d'Israël. Aussi Dieu, dans une 
parole de triomphe, l'associe-t-il à Éphraïm, qui est 
« la force de sa tête » et à Juda, son « sceptre ». Ps. 
lix (hébreu, lx), 9; cvn (cviii), 9. A. Legendre. 

8. MANASSÉ (PRIÈRE DE), écrit apocryphe. — On 
lit au second livre des Paralipoménes, xxxiii, 13, que 
Manassé, converti par la tribulation, s pria Dieu et fut 



exaucé. » Plus loin le texte ajoute, f. 18-19 : <t Le reste 
des actions de Manassé et sa prière à Dieu et les paroles 
que les voyants lui adressèrent au nom de Jéhovah, 
Dieu d'Israël, tout cela se trouve dans les Annales des 
rois d'Israël. Et sa prière, et la miséricorde qui lui fut 
faite, et son péché, et son apostasie, et les endroits où il 
bâtit des hauts-lieux, dressa des aschéras et érigea des 
statues, tout cela est écrit dans les Paroles d'Hozaï » 
(« des voyants », tûv ap(àvT(uv, d'après les Septante, Voir 
Hozaï, t. m, col. 167). Au moment où écrivait l'auteur 
des Paralipoménes, la prière de Manassé existait donc 
dans les Annales des rois d'Israël et dans les Paroles 
d'Hozaï. Or, un certain nombre de manuscrits grecs et 
latins contiennent une prière de Manassé et l'on se de- 
mande naturellement si c'est la traduction de celle dont 
parle l'hagiographe. Malgré Fùrst, Ewald et Bail, cette 
hypothèse ne peut être admise. Rien, dans la prière, 
ne trahit un original hébreu ni la main d'un traducteur. 
Le style est coulant et libre, et la phrase paraît trop 
longue et trop cadencée pour être une traduction. Si 
l'on y remarque quelques hébraïsmes de pensée plutôt 
que d'expression, c'est le cas pour toutes les produc- 
tions littéraires des Juifs hellénistes. Il faut en conclure 
avec Fritzsche, Berthold, Bissell, Zôckler, Ryssel et 
Schùrer, que cette petite composition a été primitive- 
ment rédigée en grec et n'a donc rien de commun avec 
la prière des Annales des rois d'Israël ou des Paroles 
d'Hozaï à laquelle se réfère l'auteur des Paralipoménes. 

1° Analyse et doctrine. — La prière débute par une 
invocation au Dieu des patriarches, au Dieu tout-puis- 
sant, au Dieu plein de miséricorde, 1-7 : « Vous donc, 
Seigneur, Dieu des justes, vous n'avez pas établi la pé- 
nitence pour les justes, pour Abraham, Isaac et Jacob, 
qui n'ont pas péché contre vous, mais vous l'avez établie 
pour moi, pour le pécheur. » 8. Suit une humble confes- 
sion des crimes passés et une instante demande de par- 
don, 9-13 : « Puisque vous êtes, Seigneur, le Dieu de 
ceux qui se repentent, donnez en ma personne un 
exemple de votre bonté. » La fin est une protestation 
d'éternelle reconnaissance, 14-15. Cette pièce n'est pas 
un pastiche, ni une mosaïque de phrases empruntées, 
comme tant d'autres compositions de ce genre ; un véri- 
table souffle de piété l'anime. L'idée principale, savoir 
que Dieu est le Dieu des pécheurs aussi bien que des 
justes et qu'il se laisse fléchir par le repentir sincère, 
idée suggérée d'ailleurs dans le récit des Paralipoménes, 
est exprimée avec une force inusitée. Il y a un courant 
d'idées semblables au Livre de la Sagesse, xii, 2, 10, 
19, etc. On peut supposer que les deux compositions 
appartiennent à la même époque et au même milieu. La 
conversion de Manassé embarrassait le judaïsme plus 
récent. On disait que la grande Synagogue avait damné 
Manassé malgré son repentir. Cf. Weber, Jùdische Théo- 
logie, Leipzig, 2« édit., 1897, p. 141, 326. 

2° La prière deManassé et la tradition. — Les Cons- 
titutions apostoliques, II, 22, t. I, col. 641-649, racontent 
assez longuement la pénitence de Manassé et rapportent 
in extenso sa prière apocryphe. Quelques détails de 
cette histoire ont été sûrement empruntés aux légendes 
juives. Dans sa prison, Manassé, lié et chargé de fers 
(wctt<naiàT\pa>\iivoi), n'avait pour nourriture que du 
pain de son et pour boisson que de l'eau mêlée de vinai- 
gre, en très petite quantité. C'est alors que son cœur fut 
touché et qu'il adressa à Dieu sa prière. Dès qu'il eut 
achevé, une flamme ardente l'entoura et fondit ses 
chaînes de fer. S'il est impossible d'admettre, avec Fa- 
bricius et Nestlé, que la prière soit l'œuvre de l'auteur 
des Constitutions apostoliques ou de son devancier, l'au- 
teur de la Didascalia, et qu'elle soit passée de là dans 
les manuscrits grecs, on doit convenir que toute ou 
presque toute la tradition postérieure se fonde sur le 
récit des Constitutions et dépend absolument d'elles. 
On s'en aperçoit aux expressions identiques et aux 



G53 



MANASSÊ (PRIÈRE DE) — MANDRAGORE 



654 



mêmes détails controuvés. La circonstance des liens 
fondus ou brisés à la suite de la prière remonte à Jules 
l'Africain (d'après saint Jean Damascène, Sacra Paral- 
lela, t. xcv, col. 4436). Voir dans Migne, Patr. Gr., 1. 1, 
col. 646-648, les notes de Gotelier sur les écrivains 
ecclésiastiques, qui citent la prière de Manassé ou font 
allusion aux circonstances qui l'accompagnèrent. Une 
légende judaïque voulait que Manassé eût été enfermé 
dans un cheval ou un mulet d'airain, sous lequel on 
aurait mis le feu. C'est là que le roi pénitent aurait 
prononcé sa prière à la suite de laquelle la statue se 
serait fondue, le laissant en liberté. L' Apocalypse 
grecque de Baruch raconte cette légende, qui ne méri- 
terait pas d'être rapportée si quelques Pères ou écri- 
vains ecclésiastiques ne l'avaient connue. Apoc, de 
Baruch, 64, dans Kautzsch, Apokryphen und Pseu- 
depigr., 1900, t.-n, p. 436-437. 

3° Manuscrit* et éditions. — Le texte grec de la prière 
de Manassé se trouve dans un certain nombre de manus- 
crits des Septante, parmi les cantiques qui assez fré- 
quemment accompagnent le Psautier. Elle occupe le 
neuvième rang, après les deux cantiques de Moïse, 
Exod. , xv, Deut. , xxxn, la prière d'Anne, mère de Samuel, 
I Reg., il, le cantique d'Isaïe, v, 1-9, sa prière, xxvi, 
9-20, celles de Jonas, il, 3-10, d'Habacuc, m, 2-19, d'Ézé- 
chias, Is., xxxyin, 10-20, et avant la prière d'Azarias, 
Dan., m, 26-45, celle des trois jeunes gens dans la four- 
naise, Dan., m, 52-88, le Magnificat, le Nunc diniitlis, 
le Benedictus et le Gloria. Swete l'a éditée d'après le 
Codex Alexandrinus avec les variantes du Psautier de 
Zurich, The Old Test, in Greek, 2 e édit., Cambridge, 

1899, p. 12-14. — La version latine, non revue par saint 
Jérôme, se trouve également dans plusieurs manuscrits 
de la Vulgate. Robert Estienne l'avait insérée dans son 
édition de 1540. Elle est imprimée encore dans nos 
Bibles actuelles à la fin et en dehors des livres cano- 
niques, avec le III e et le IV e livre d'Esdras, ne prar- 
sus inierirent. Sabatier l'avait publiée d'après trois ma- 
nuscrits dans ses Biblior. sacror. Latin, vers, antiq., 
t. m, p. 1038-1039, La traduction éthiopienne des Consti- 
tutions apostoliques parue à Londres en 1834, la tra- 
duction arabe inédite du même ouvrage et la Didascalia 
Apostolorum syriaque publiée à Londres, en 1903, tra- 
duite par M m « Gibson, ibid., et par Achelis et Fleming, 
Leipzig, 1904, dans Texte und Untersuchtingen, nouv. 
série, t. x, 2, la contiennent aussi. Enfin il existe une 
traduction en hébreu faite sur le grec. 

4° Commentaires. — Fritzsche, Exeget. Handbuch lu 
den Apocryphen, Leipzig, 1851; Bail, Apocrypha, dans 
le Speaker's Commentary, Londres, 1888; Kautzsch, Die 
Apokryphen undPseudepigraphen des A. T^Tubingue, 

1900, 1. 1, p. 165-171 (introduction, traduction allemande 
d'après le texte de Swete et notes critiques développées, 
par Ryssel). F. Prat. 

MANDRAGORE (hébreu : dûda'îm; Septante : 
[j.avSp«Y<Spaç, u,îjXa u,av8paY<Spou > Vulgate : mandragora), 
plante et fruit communs en Palestine. 

I. Description. — La mandragore était rangée par 
Linné dans le même genre que la Belladone, sous le 
nom de Atropa Mandragora. Mais, comme l'avait déjà 
reconnu Tournefort, elle mérite de former une division 
générique à part, dans la famille des solanées, carac- 
térisée par son énorme souche souterraine, qui se ter- 
mine en racine pivotante simple ou plus souvent four- 
chue. Le collet ne s'allonge pas en tige aérienne, mais 
il produit directement une rosette de grandes feuilles 
étalées, à limbe oblong-lancéolé, atténué en pétiole épais. 
Plus tard, du centre de la rosette sortent de longs pé- 
doncules terminés chacun par une fleur. Le calice 
devient accrescent après l'anthèse, et sert à protéger le 
fruit devenu une baie volumineuse et polysperme. La 
corolle marcescente est régulière, campanulée-plissée, à 



5 lobes profonds, les ctamines à filets barbus à la base. 
Dans la véritable mandragore, Mandragora officmarum, 
(fig. 194), la fleur blanc verdâtre s'épanouit au printemps 




19-ï. — Mandragore. Plante, fleur et fruit. 

et produit une baie jaune dépassant beaucoup J'enve- 
loppe du calice. C'est la forme qu'on trouve dans les 
jardins, et qui se maintient dans les cultures abandon- 
nées. Mais le vrai type sauvage semble être la Mandrar 
gora autumnalis de Sprengel, dont la souche est moins 
grosse, les feuilles plus réduites, les pédoncules fioranx 
plus allongés, la baie roussâtre dépassant à peine le 
calice, la corolle violacée et la floraison automnale. 

F. Hy. 
II. Exégèse. — On a souvent discuté sur le sens à 
donner à ces dûda'îm qui sont mentionnés en deux 
endroits de la Bible, Gen., xxx, 14-16, et Gant., vil, 14. 
Dans le premier passage on raconte que Rnben, alors 
âgé d'environ cinq ans, étant sorti dans les champs au 
temps de la moisson des blés, trouva des dûda'îm, 
qu'il rapporta à Lia sa mère. Rachel les ayant vos, voo- 
lut les avoir; Lia y consentit à condition que Jaceb 
demeurerait avec elle la nuit suivante. Dans le second 
passage, l'épouse du Cantique, vil, 14, fait cette invi- 
tation : 

Sortons dans les champs 

Nous verrons si la vigne bourgeonne, 

Si les bourgeons se sont ouverts, 

Si les grenadiers sont en fleur ; 

Les mandragores font sentir leur odeur, 

Et nous avons à nos portes les meilleurs fraits. 

Quelques auteurs ont traduit dûda'im par violettes, 
d'autres par lis, jasmin, ou citron ou même bouquet de 
fleurs agréables, mais en général on rend ce mot par 
mandragore. C'est la traduction des anciennes versions : 
des Septante, (iavSpaY<Jpa?, et u,ï|Xa (jiovSpaYÔpau; de la 
Vulgate, mandragora; du Targum d'Onkelos et du sy-' 
riaque qui, traduisant par le mot jmna>, ydbrufyin, 
]L*»0*_^_t, yabrulfo', entendent la mandragore (cf. 
Payne Smith, Thésaurus syriacus, in-f», Oxford, 1879, 
t. i, col. 1542-1543). Du reste en arabe le mot yabruh, 
_«_*}, est certainement la mandragore : Ibn-El-Beï- 
thar, Traité des simples, dans Notices et extraits des 
manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxvi, part. I, 
Paris, 1883, p. 419. On peut donc dire que l'unanimité 
des anciennes versions donne aux dûda'îm le sens de 
mandragore. C'est également la pensée de Josèphe, 
Ant. jud., I, xix, 8, de saint Jérôme, Liber hebraicarum 
quxst. in Gen., t. xxm, col. 983, et de nombreux exé- 
gètes modernes. Cependant Celsius, Hierobotanicon, 
in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 7, critique eette kfenti- 



655 



MANDRAGORE — MANNE 



656 



flcation, et la repousse parce que, prétend-il, les dû- 
da'îm de Cant., vu, 14, répandent un parfum suave, 
agréable, tandis que la mandragore n'a pas une bonne 
odeur. Mais le Cantique ne parle pas d'une suave odeur, 
il dit seulement que la mandragore répand son odeur. 
C'est le temps de l'année, remarque-t-il, « où la vigne 
bourgeonne, où les grenadiers sont en fleur, et où la 
mandragore répand son odeur, » faisant allusion sans 
doute à son odeur forte. Pline, H. N., xxv, 74, si- 
gnale, en effet, l'odeur forte du suc de la mandragore, 
ajoutant que celle de la racine et du fruit est encore 
plus forte. « Sa violence étourdit ceux qui n'y sont pas 
habitués. » D'ailleurs cette odeur désagréable, pour des 
Européens, plaît aux Orientaux. C'est bien au temps de 
la moisson des blés, en mai, que le fruit de la mandra- 
gore répand son odeur. Celsius fait aussi observer que 
les propriétés prolifiques qu'on prête à la mandragore 
n'ont aucune réalité. Assurément; mais il ne s'agit pas 
de savoir si de fait la mandragore ne les possède pas, 
mais si dans les croyances populaires on les lui attri- 
buait : or c'est ce qu'on ne peut nier. La racine de ce mot 
est in, d&d, «aimer; » et les fruits sont appelés pommes 
d'amour. Les anciens et encore aujourd'hui les Arabes 
regardent cette plante, dont on vend les racines sur les 
marchés d'Orient, après leur avoir donné une grossière 
forme humaine, comme un moyen propre à procurer la 
fécondité : et c'était là l'objet des vœux de Rachel. Mais 
le texte fait entendre que Lia, qui a cédé à Rachel les 
mandragores, a par la protection divine deux fils et une 
fille, tandis que durant ce temps Rachel reste stérile. 
Ce n'est que plus tard qu'elle est, elle aussi, exaucée et 
obtint de Dieu un fils qui fut Joseph. D'où vient cette 
croyance populaire? Il est difficile de le dire. Serait-elle 
née de ce que la racine prend souvent des formes sin- 
gulières, rappelant plus ou moins le corps de l'homme? 
C'est ce qui faisait appeler cette plante par Pythagore 
ôv8pa^r(iji.opçov et par Columelle, x, 19, seniihonio. En 
tout cas cette opinion était très répandue dans l'anti- 
quité. Dioscoride, iv, 76; Théophraste, Hist. plant., ix, 
9. Rien ne s'oppose donc à ce que Rachel, qui croyait à 
la vertu des theraphim, ait cru aussi à cette propriété, 
quoique le fait ne soit pas établi. Voir J. D. Michaelis, 
Supplementa ad lexica hebrmca, in-8°, Gœtlingue, 1792, 
p. 410-414; R. Lowth, De sacra poesi Hebrceorum prœ- 
lectiones, notas adjecit 1. D. Michaelis, dans Ugolini, 
Thésaurus antiquitatum sacrarum, t. xxxi, col. 518; 
H. B. Tristram, The natural history of the Bible, 8 e édit., 
in-12, Londres, 1889, p. 466-468; Vigouroux, Les Livres 
Saints et la critique rationaliste, 5 e édit., t. IV, p. 336-349. 

E. Levesque. 
MANÉ, THÉCEL, PHARES, mots prophétiques 
écrits sur la muraille de la salle de festin de Baltassar. 
Dan., v, 25-28. Voir Baltassar 2, t, i, col. 1421-1422. 

MANÉH, poids. Voir Mine. 

MANGOUSTE, carnassier de la famille des viverri- 
dés. A ce genre appartiennent l'ichneumon, voir Ichneu- 




195. — Mangouste. 

mon, t. ni, col. 803, et le paradoxure, dont la queue peut 
se rouler en spirale. La civette d'Afrique, viverra civetta 



ou chat musqué, et la civette de l'Inde, viverra zibetha, 
animaux analogues aux précédents, n'ont pu être connus 
qu'exceptionnellement des Hébreux. Par contre, la 
genette, viverra genetta, de la taille du chat, avec un 
corps plus allongé et des jambes plus courtes, existe 
encore en Palestine (fig. 195). Cf. Tristram, The natural 
history of the Bible, Londres, 1889, p. 151. Les animaux 
de cette famille étaient vraisemblablement compris sous 
le nom de hôléd et ne pouvaient servir de nourriture. 
Lev., xi, 29. H. Lesêtre. 

MANHU, mots hébreux, Nin ]o, mân hû', « quoi 
cela, qu'est cela? » conservés dans la Vulgate, parce 
qu'ils furent prononcés par les Hébreux la première fois 
qu'ils virent la terre couverte de manne dans le désert 
du Sinaï et que c'est de là que vint son nom. Exod.,xvi, 
15. La forme ordinaire du pronom « quoi » en hébreu 
est no, mdh, non mân, mais la forme mân s'est con- 
servée en chaldéen et en éthiopien et est aussi par con- 
séquent sémitique. L'explication : Quod significat : Quid 
est hoc? « ce qui signifie : Qu'est-ce que cela?» est une 
addition de la Vulgate (Septante: Tï lazi toOto;). Cette 
interprétation est la seule naturelle et la seule admissi- 
ble, quoique plusieurs modernes, à la suite de Kimchi, 
traduisent mân par «portion, don ». Gesenius, Thésau- 
rus, p. 799. 

MANILIUS (grec : Màvm; ou Mâvî.io;), légat romain 
qui écrivit aux Juifs avec Q. Memmius une lettre datée 
de l'an 165-164 avant J.-C., pour leur confirmer les 
privilèges accordés par Lysias. II Mach., XI, 34-38. Les 
Septante et la Vulgate lui donnent le prénom de Titus. 
Ce personnage et son collègue sont inconnus des écri- 
vains profanes. On a identifié le légat dont il est ici 
question avec Manius Sergius qui fut envoyé en Syrie- 
avec C. Sulpicius en 163 avant J.-C, vers Antiochus IV 
Épiphane,. Polybe, XXXI, ix, 6. Dans ce cas, il faudrait 
adopter la leçon Mâvio; de l'Aleccandrinus,da Venetus 
et de la version syriaque. Mais c'est une conjecture peu 
vraisemblable. Les dates ne coïncident pas. Un des con- 
suls de l'an 165 s'appelait T. Manlius Torquatus, mais 
il ne pouvait être alors en Syrie. Il vaut donc mieux 
dire qu'on ne sait rien sur lé Manilius de la Bible, ce 
qui n'a rien d'étonnant étant donné le nombre de légats 
que Rome envoyait dans toutes les régions et dont on 
ignore même le nom. E. Beurlier. 

MANNE (hébreu : mân; Septante : n<xv, [uxvva; Vul- 
gate : nian manna), nourriture miraculeuse que le Sei- 
gneur donna aux Israélites dans le désert. 

I. Promesse de la manne. — Les Israélites venaient 
d'arriver dans le désert de Sin, six semaines seulement 
après leur sortie d'Egypte, quand ils se plaignirent do 
n'avoir plus la viande et le pain à satiété, comme dans 
ce dernier pays. Le Seigneur promit alors de « faire pleu- 
voir » le pain du ciel, mais un pain, le'hém, c'est-à-dire 
une nourriture qu'il faudrait chercher hors du camp, 
qu'on ramasserait au jour le jour et dont on prendrait 
double portion la veille du sabbat. Moïse et Aaron trans- 
mirent la nouvelle à tout le peuple en la précisant : le 
soir même, la viande désirée serait accordée, et le len- 
demain matin, on aurait le pain à satiété. Exod., xvi, 2- 
12. En accordant ce que con peuple demandait, le Sei- 
gneur déclara qu'il voulait tenter son peuple, c'est-à- 
dire voir s'il obéirait ponctuellement à sa prescription 
sur la manière de recueillir la manne, Deut., vm, 16, 
et ensuite qu'il entendait faire éclater sa gloire, par con- 
séquent accomplir un acte en dehors du cours ordinaire 
des choses et imputable à sa seule puissance. 

II. Apparition de la manne. — 1» Le soir même, les 
cailles tombèrent en abondance dans le camp. Mais ce 
n'était là qu'un don transitoire, que Dieu accordait 
pour témoigner de sa bonté et de sa puissance, mais dont 



657 



MANNE 



658 



les Hébreux allaient être mis en mesure de pouvoir se 
passer. Exod., xvi,13. Aussi lorsque, quelques mois après, 
ils en réclamèrent de nouveau, le Seigneur en accorda 
encore, mais punit sévèrement l'indiscrète exigence de 
son peuple. Num., xi, 31, 32. Voir Caille, t. n, col. 33. 
Un autre aliment devait en effet constituer la nourriture 
habituelle de l'immense caravane. — 2° Le lendemain 
matin, la rosée couvrait le sol tout autour du camp, et, 
quand elle se fut évaporée, on vit à terre une couche 
écailleuse ayant l'aspect de la gelée blanche. Les Israéli- 
tes s'écrièrent : mân hxC, zl è<rri toOto, quid est hoc, 
« qu'est ceci ? » Moïse leur dit : « C'est le pain que Jého- 
vah vous donne pour nourriture. » Exod., xvi, 14-16. 
Le mot mân est employé ici comme interrogatif au lieu 
de mâh, qui est le terme ordinairement usité en hébreu. 
En araméen, »iâ»_veut dire « qui ?» I Esd., v, 3, 9; Dan., 
m, 15, et même « quoi ? » I Esd . , v, 4. De ce qu'elle n'appa- 
raît qu'une fois en hébreu, il ne suit nullement que cette 
forme d'interrogation soit étrangère à cette dernière lan. 
gue. Ce mot mân, qui avait exprimé leur étonnement, 
devint pour les Hébreux le nom de la chose nouvelle pour 
laquelle ils n'avaient pas encore de terme. Exod., xvi, 31. 
Si le nom de mann es-sama, « don du ciel, » que les 
Arabes donnent à l'exsudation du tamaris, avait été déjà 
en usage alors dans la péninsule Sinaïtique, il aurait pu 
être aussi emprunté par les Hébreux pour désigner une 
substance analogue, bien que très différente à beaucoup 
d'égards. Rien pourtant ne prouve que cette expression 
remonte à une si haute époque, et elle doit vraisembla- 
blement son origine à l'histoire de l'exode. Quant au 
mot mennu, par lequel les anciens Égyptiens désignaient 
cette même manne naturelle, cf. Ebers, Durch Gosen 
zum Sinai, Leipzig, 1881, p. 226, il a pu être connu 
des Hébreux; mais il n'est guère probable qu'ils aient 
songé alors à s'en servir pour nommer une substance 
qu'ils voyaient pour la première fois. 

III. Nature de la. manne. — 1° A première vue, la manne 
semblait être quelque chose de niehuspds, pareil à de 
petites écailles, et ayant la forme de gelée blanche. Exod., 
xvi, 14. A l'usage, la manne parut semblable à la graine 
de coriandre. Cette graine a environ cinq millimètres 
de diamètre et est d'un brun clair. La coriandre abonde 
dans le pays où étaient les Hébreux. Voir Coriandre, 
t. h, col. 973. La comparaison ne porte que sur la gros- 
seur des grains de la manne. La forme écailleuse se 
retrouve dans les côtes saillantes que présente le fruit 
de la coriandre. La manne était blanche, justifiant ainsi 
sa ressemblance avec la gelée. Exod., xvi, 31. Elle avait 
aussi l'apparence, 'en, elSoç, du bdellium. Num., xi, 7. Le 
bdellium est une gomme aromatique, de couleur rouge 
ou plus claire, mais transparente et assei semblable à 
de la cire. Voir Bdellium, 1. 1, col. 1527. La comparaison 
porte ici sur la transparence et la consistance. — 2° La 
manne avait le goût de gâteau, sapîhip, â-fxpi'ç, simila, 
au miel. Exod., xvi, 31. Elle avait aussi celui de gâteaux 
à l'huile. Num., xi, 8. Le livre de la Sagesse, xvi, 20-27, 
appelle la manne « nourriture des anges » et « pain venu 
du ciel », ce qui marque bien son origine. Il ajoute 
qu'elle avait en elle tous les goûts agréables, qu'elle 
s'accommodait au désir de chacun et, qu"ayant l'appa- 
rence de la glace, elle fondait au soleil tandis que le feu , 
la cuisait et en faisait un aliment pour l'homme. Il n'est 
pas nécessaire de prendre à la lettre tous les traits de 
cette description. Cette accommodation aux goûts de 
chacun peut signifier simplement que la manne consti- 
tuait un aliment assez agréable et assez complet pour 
tenir lieu de tout autre. « Ceux qui en mangeaient 
n'avaient pas besoin d'autre nourriture. » Josèphe, Ant. 
jud., III, i, 6. Pendant quarante ans, la manne constitua 
la nourriture sinon exclusive, du moins principale des 
Hébreux au désert. La chair de leurs troupeaux entrait 
pour quelque chose dans leur alimentation. Il en est 
question à propos des sacrifices, Lev., vi, 9; vu, 15-20, 



à propos des animaux purs, Lev., xi, 2-4, des endroits 
où devaient se faire les immolations. Lev.,xvn, 3-16, etc. 
Mais cette nourriture animale était si rare pour le com- 
mun des Israélites, qu'ils se plaignirent par deux fois de 
n'avoir pas de viande à manger, Exod., xvi, 3; Num., xi, 
4, et prétendirent ne voir partout que de la manne. Num., 
xi, 6. Ils avaient pourtant de la farine, Lev., vm, 2, 26, 
31 ; ix, 4; xxiv, 5; Num., vu, 13, 25, 31 ; Jos., i, 11, le lait 
de leurs troupeaux, des aliments achetés aux peuplades 
du désert, Deut.,Ii, 6, 18; etc. Les produits naturels du 
sol devaient aussi être plus nombreux à une époque où 
la rosée tombait tous les jours, Exod., xvi, 13, Num., xi, 
9, et où la culture n'était pas systématiquement délaissée, 
comme elle l'est depuis la conquête musulmane. En fait, 
la manne fut la principale nourriture des Hébreux pen- 
dant quarante ans, jusqu'à ce qu'après le passage du 
Jourdain ils trouvassent en Chanaan l'équivalent de l'ali- 
ment du désert, le blé et les autres produits du pays. 
Jos., v, 12. — 3» La manne pouvait probablement se 
manger à l'état naturel. Josèphe, Ant. jud., III, i, 6, le 
suppose, et le récit de l'Exode, xvi, 11-23, tout en men- 
tionnant la cuisson de la manne, ne présente pas cette 
opération comme nécessaire pour rendre la manne 
comestible. Néanmoins on pouvait lui faire subir diffé- 
rentes préparations qui servaient au moins à la rendre 
plus agréable. On la broyait avec des meules, comme 
du blé, on la pilait dans des mortiers, on la faisait cuire 
dans des vases et on en fabriquait des gâteaux. Num., 
xi, 8. On pouvait donc prendre cet aliment sous des 
formes variées et ajouter à sa saveur naturelle celle qui 
résultait d'une industrieuse préparation. Aussi, après les 
deux mécontentements de la première année, on ne voit 
pas que les Hébreux se soient plaints de la manne. Le 
souvenir reconnaissant en resta au contraire jusque dans 
des générations très éloignées. Ps. lxxviii (lxxvii), 24, 
25; II Esd., ix, 21 ; Joa., vi, 31. 

IV. Caractères surnaturels de la manne. — Dans 
ce que la Sainte Écriture raconte de la manne, on re- 
marque les traits suivants qui la caractérisent comme un 
don extraordinaire et miraculeux. 1° Moïse annonce à 
l'avance, de la part du Seigneur, l'apparition de la manne. 
Exod., xvi, 4-8. — 2° La manne apparaît inopinément, 
Exod., xvi, 14, et disparaît de même et pour toujours, sur 
l'ordre du Seigneur. Exod., xvi, 35; Jos., v, 12. — 3° Elle 
descend uniquement dans les régions qu'occupent suc- 
cessivement les Hébreux, des environs du Sinaï à la 
plaine de Jéricho. — 4° Elle pleut du ciel, comme une 
rosée, pendant la nuit. Exod., xvi, 4, 13-14; Num., xi, 9. — 
5° Elle couvre le sol régulièrement tous les matins, sauf 
le matin du sabbat. Exod., xvi, 23-29. — 6° Les Hébreux 
ont beau en ramasser les uns plus, les autres moins; 
chacun n'en trouve finalement en sa possession qu'un 
gomor, soit 3 litres 88. Exod., xvi, 18. Voir GûMojt, t. m, 
col. 273. — 7° Tout ce qu'on veut garder de la manne 
pour le lendemain se corrompt, engendre des vers et 
devient infect; néanmoins, la veille du sabbat, on en ra- 
masse pour deux jours et la provision du lendemain 
demeure intacte. Exod., xvi, 19-21. — 8° La chaleur du 
soleil fait fondre la manne, celle du feu permet de la 
faire bouillir et de lui donner la consistance de gâteaux 
ordinaires. Exod., xvi, 23; Num., xi, 8. — 9° La manne 
qui se corrompt si facilement au bout de quelques heu- 
res peut être conservée dans l'arche d'alliance jusqu'à 
l'époque de la captivité. Exod., xvi, 33, 34; Heb., ix, 4. 
— 10° Enfin, pendant quarante ans, la manne tombe 
chaque jour en quantité suffisante pour nourrir, à raison 
de quatre litres environ pour chacun, tout un peuple qui 
se compose de plusieurs centaines de mille personnes. 
Num., Il, 45, 46. — On comprend dès lors que les Psal- 
mistes appellent la manne « froment du ciel », « pain 
du ciel » et « pain des anges », Ps. lxxviii (lxvii), 24, 25; 
cv (civ),40, et que les Juifs du temps de Notre-Seigneur 
soient fiers de reproduire ces appellations. Joa., vi, 31. 



659 



MANNE 



660 



V. Explication naturaliste de la manne. — 1» ,To- 
sèphe, Ant. jud., VIII, i, 6, après avoir qualifié la manne 
d'aliment ôeîov xai itapâSoijov, « divin et inimaginable, » 
ajouté : « Elle pleut encore sur toute cette région, de 
même qu'alors, à la prière de Moïse, Dieu la faisait tom- 
ber pour servir de nourriture. » L'écrivain juif croyait 
donc à l'identiié substantielle de la manne mosaïque avec 
celle qu'on recueille dans la presqu'île du Sinaï; il ne 
les distinguait que par leur origine. — 2» D'après beau- 
Coup d'auteurs modernes, la manne serait l'exsudation 
naturelle d'un arbrisseau, le Tamaris gallica. Cet arbris- 
seau, qui peut atteindre de cinq à six mètres de haut, 
est garni de petites feuilles alternes, disposées comme 
des écailles et porte des fleurs blanches ou lilas, quel- 




196. — Tamaris mannifera. 

qoefois un peu purpurines, affectant la forme de grappes 
horizontales ou pendantes. Cette plante vient dans les 
terrains sablonneux, le long de la mer ou des rivières, 
dans toute la région méditerranéenne, dans l'Inde et les 
îles Canaries. Une variété de tamaris, nommée tarfah par 
les Arabes, croit dans la presqu'île du Sinaï, spécialement 
dans l'ouadi Tarfah, qui forme la partie méridionale de 
l'ouadi Schech. Ce tamaris a été appelé Tamaris manni- 
fera (fig. 196). Sous l'influence de la piqûre d'un insecte, 
le cocctts manniparùs, les tiges de l'arbrisseau exsudent 
une gomme épaisse et mielleuse, qui pend comme des 
gouttes de rosée, se liquéfie à la chaleur des rayons du 
soleil, en juin et en juillet, et tombe à terre où elle se 
mêle aux feuilles sèches et à la poussière. Les Arabes, 
qui lui donnent le nom de man, la recueillent, la ta- 
misent et la conservent longtemps. Ils la mangent en 
l'étendant sur leur pain, comme du miel, dont elle a 
d'ailleurs le goût et l'arôme. La manne se garde très bien 
pendant des mois et des années. Les moines du mont 
Sinaï en recueillent et en distribuent aux voyageurs; 
ceux-ci peuvent en ramasser eux-mêmes et la conserver. 
Cf.Ehrenberg, Symboles physicœ, I s zoologica,'u,'insecta, 
40, coccus manniparùs, Berlin, 1826; Burckhardt, Tra- 
vels in Syria, Londres, 1822, p. 600-601 ; Tischendorf, 
Aus dem keiligen Lande, 1862, p. 54-56; Berthelot, Sur 



la manne du Sinaï et sur la manne de Syrie, dans les 
Comptes rendus de l'Académie des sciences, sept. 1861, 
p. 584-586; C. Ritter, Die Erdkunde von Asien, VIII, 
Abth. il, Abschn. 1, Berlin, 1848, p. 665. — 3» D'autres 
ont conjecturé que la manne pouvait provenir d'un ar- 
brisseau appelé sainfoin épineux, Hedysarum alliagi ou 
Alhagi Maurorum (voir t. i, fig. 101, col. 367), arbuste 
rabougri, presque sans feuilles, à rameaux suffrutescents 
et très divergents, sur lesquels les pédoncules des fleurs 
avortées forment de longs piquants. Il se couvre en été 
de jolies Heurs rouges. A la même époque, ses rameaux 
exsudent, sous forme de petits grains jaunâtres, une 
substance gommeuse et sucrée, la manne de Perse, la 
manne alhagi, le térendjabin des Arabes. Cette plante 
abonde dans les terres incultes des régions tropicales. 
Dans la péninsule Sinaïtique, elle est bien plus rare qu'en 
Egypte et en Perse, et personne ne songe à en recueillir 
la manne. En Perse, au contraire, on l'emploie, en guise 
de sucre, pour les pâtisseries et d'autres mets de fan- 
taisie. Cf. Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893, p. 68. C'est 
cette manne dont les Hébreux se seraient nourris dans le 
désert, d'après Rosenmùller, In Gènes, et Exod., Leip- 
zig, 1795, p. 505-507. -r- 4» On a aussi identifié la manne 
hébraïque avec un lichen qui se rencontre assez abon- 
damment dans les régions montagneuses de l'Afrique 
septentrionale et de l'Asie, du Taurus à la Tartarie. Ce 
lichen est appelé Lecanora esculenta, ou par d'autres 
naturalistes, Sphferothallia esculenta. Cf. de Humme- 
lauer, Comment, in Exod. et Levit-, Paris, 1897, p. 173. 
Il pousse sur des rochers arides, calcaires ou gypseux, et 
y forme des couches parfois assez épaisses. Comme il ne 
tient au sol que par une attache de faible section, un 
vent un peu fort l'en arrache aisément, et, surtout dans 
les chaleurs de l'été, le fait retomber en pluie de petits 
grains dans les vallées inférieures, parfois même dans 
des régions relativement éloignées. Dans certains pays, 
ces grains de lichen couvrent toutes les plantes dans les 
mois de juillet et d'août; mais la chute en est très inégale, 
suivant les années et les circonstances atmosphériques, 
Pour recueillir cette sorte de manne, en particulier 
dans le Kurdistan, on coupe les branches des chênes à 
galles et on les laisse sécher deux ou trois jours. Il 
suffit alors de les secouer pour que le lichen tombe sous 
forme de poussière. Les Tartares appellent ce produit 
« pain terrestre », et les Kurdes le mangent en le mêlant 
à la farine ou même à la viande. A l'analyse, on le trouve 
composé de 60 pour cent d'oxalate de calcium, ce qui ne 
l'empêche pas d'être mangeable, mais ne permet pour- 
tant de lui attribuer qu'une valeur nutritive des plus 
minimes. On comprend dès lors que les Kurdes jugent 
à propos de le mélanger à des substances capables d'ali- 
menter. Bien qu'à la merci des grands vents, le Leca- 
nora esculenta a la propriété de végéter même après 
avoir été arraché de sa place primitive, comme le 
montrent les cicatrices tantôt récentes et tantôt plus an- 
ciennes qu'il présente sur l'une ou l'autre de ses faces. 
Cf. Virey, dans le Journal de Pharmacie, 1818, 2 e sem., 
iv, p. 125; J. Leunis, Synopsis der Pflanzenkunde, 
Hanovre, 1883, paragr. 939, 146, 1 ; L. Errera, Sur le 
« pain du ciel » provenant de Diarbékir, Bruxelles, 1893. 
— 5° On rencontre aussi dans le nord de l'Afrique, sur- 
tout dans la région saharienne, en Arabie, en Asie Mi- 
neure, etc., une sorte de truffe que les Arabes appellent 
terfas, à laquelle on a donné le nom de Tuber niveum. 
ou de Terfezia leonis. Ce cryptogame est recouvert d'une 
pellicule brune, mais se compose d'une substance homo- 
gène d'un blanc pur. Il pousse sur les terrains rocailleux ; 
il est comestible et sert à alimenter lés caravanes arabes 
durant de longs mois. C'est une espèce de champignon 
qui parait répondre à plusieurs des conditions signalées 
dans le texte sacré : il se développe à la surface du sol, 
sans racines, et ne puise les principes solubles néces- 
saires à sa nutrition que par simple contact avec le sol 



661 



MANNE 



G62 



humide ; il apparaît après la pluie, est mou et grenu, peut 
être broyé à la meule et au pilon, se putréfie aisément, 
étant donnée sa composition chimique, et a un goût dou- 
ceâtre qui se rapproche de celui du froment. Cf. Arthaud, 
Étude sur un cryptogame du genre Tuber, dans les 
Actes de l'Acad. de Bordeaux, 1851 ; E.,Niel, Recherches 
sur la nature de la manne des Hébreux, Rouen, 1892 ; 
Renaud et Lacour, De la manne du désert, Alger, 1881; 
Socin, Zur Géographie des Tûr 'Aledîn, dans la Zeit- 
schrift der deutschen morgenlândischen Gesellschaft, 
1881, t. xxxv, p. 254. 

VI. Inadmissibilité de l'explication naturaliste. — 
1° En supposant une origine naturelle à la manne qui a 
nourri les Hébreux au désert, on ne s'explique plus leur 
étonnement en la voyant pour la première fois. « Si elle 
eût découlé naturellement des arbres, ils n'auraient pas 
considéré ce fait comme un plus grand miracle que la 
vue des dattes qui pendent des palmiers, des grenades 
qui ornent les grenadiers, des oranges qui dorent les 
orangers. » L. de Laborde, Comment, géograph. sur 
l'Exode et sur les Nombres, Paris, 1841, p. 96. — 2° Les 
tamaris, il est vrai, ne manquent pas dans la presqu'île; 
à la partie méridionale de l'ouadi Schech, au nord du 
Sinaï, ils forment un petit bois qu'on met une heure à 
traverser. Mais la quantité de manne qu'ils peuvent four- 
nir, quand toutefois la pluie le permet, est hors de pro- 
portion avec ce qu'il eût fallu aux Hébreux. Burchardt, 
Traveh in Syria, p. 601, estimait à cinq ou six cents 
livres le total de cette production. Stanley, Sinai and 
Palestine, 1868, p. 26, assure que toute la manne de la 
presqu'île n'eût pas suffi à nourrir un homme pendant 
six mois. La manne de Perse y est encore plus rare que la 
précédente. Quant au lichen et au champignon, leur 
production est accidentelle et notoirement insuffisante. 
— 3° Même en admettant le miracle pour multiplier en 
abondance ces différentes mannes, suivant l'idée suggé- 
rée par Josèphe et adoptée par différents auteurs, comme 
Hengstenherg, Keil, etc., on n'arriverait pas encore à 
expliquer ce fait, que la manne ait alimenté plusieurs 
centaines de mille personnes durant quarante ans. Ber- 
thelot a analysé la manne du tamaris et celle du Kurdis- 
tan. Sur 100 parties, la première renferme 55 de sucre 
de canne, 25 de sucre interverti (lévulose et glucose) et 
20 de dextrine ou produits analogues, la seconde 61,1 de 
sucre de canne, 16, 5 de sucre interverti et 22, 4 de dex- 
trine et matières analogues. Ces deux sortes de mannes 
constituent donc un véritable miel; mais, conclut le chi- 
miste, « on voit en même temps que la manne du Sinaï 
ne saurait suffire comme aliment, puisqu'elle ne con- 
tient point de principe azoté. » Comptes rendus del'Acad. 
des sciences, 1861, p. 586. Berthelot explique ensuite 
que les cailles fournissaient aux Hébreux les principes 
azotés indispensables à leur alimentation. Mais les cailles 
ne sont apparues en masses considérables que deux fois 
en quarante ans et les autres viandes ont été d'un usage 
exceptionnel. 11 fallait donc que la manne fût de nature 
à constituer à elle seule un aliment complet. On ne résout 
pas la difficulté en restreignant arbitrairement aux pro- 
portions d'un petit clan nomade l'immense caravane des 
Israélites. Cette restriction est contraire aux données his- 
toriques. Num., n, 45, 46. — 4° Les autres caractères 
attribués à la manne par le texte sacré ne se vérifient 
que très incomplètement, ou même ne se vérifient nulle- 
ment, quand il s'agit de mannes végétales ou du champi- 
gnon terfas. Ces derniers ne tombent pas du ciel; même 
la manne de lichen ne peut être considérée comme telle. 
Les Hébreux devaient bien s'apercevoir que la manne 
naturelle était le produit d'arbrisseaux qu'ils avaient sous 
les yeux. La chute de la manne six jours de la semaine, 
à l'exclusion du sabbat, l'impossibilité de la conserver 
intacte d'un jqur à l'autre, sauf le sixième jour, l'égale 
quantité qui s'imposait à tous ceux qui la recueillaient, 
la manière dont elle se comportait dans les mortiers et 



ensuite au feu, sont autant de traits qui ne peuvent con- 
venir à la manne naturelle et qui ne s'expliquent que 
par l'intervention d'une volonté supérieure agissant en 
dehors des lois ordinaires. Cf. Vigouroux, La Bible et 
les découvertes modernes, 6 e édit., t. n, p. 459-472. 

— 5° Il suit de là d'abord que, même si l'on admettait 
que Dieu ait utilisé une manne naturelle pour nourrir 
les Hébreux, comme il a utilisé des cailles naturelles 
pour leur procurer de la viande, on ne peut se dispenser 
de constater son intervention surnaturelle et prolongée 
pour produire la manne dans les conditions indiquées 
par le livre sacré. Pour réaliser ces conditions, Dieu de- 
vait apporter de telles modifications à la constitution 
substantielle de la manne naturelle et aux circonstances 
de sa production, qu'il paraît beaucoup plus simple de 
croire à une création de toutes pièces. D'autre part, les 
botanistes et les chimistes, usant de leur droit pour affir- 
mer ce qui concerne l'histoire naturelle et la composi- 
tion de la manne végétale, excéderaient ce droit en voulant 
modifier les données de l'histoire pour réduire les faits 
à la mesure de ce que leur science propre leur révèle. 
De même, l'historien excéderait le sien en prêtant à la 
manne végétale une intensité de production et des qua- 
lités nutritives que les savants ne peuvent lui recon- 
naître. Il ne reste donc qu'à voir, dans la manne, un don 
miraculeux. 

VU. Symbolisme de la manne. — 1» Le don de la manne 
doit rappeler aux Hébreux que l'homme ne vit pas seule- 
ment de pain mais « de tout ce qui sort de la bouche de 
Jéhovah », 'al-kol-môsâ' pi-Yehovâh. Deut., vin, 3. Ce 
qui sort de la bouche de Dieu est bien la parole, p^a, 
verbum, comme traduisent les versions, mais la parole 
qui ordonne et qui exécute ce qu'elle énonce. Les Hébreux 
vivaient jadis de pain; au désert, ils vécurent de la sub- 
stance produite, avec toutes ses qualités nutritives, par la 
parole de Dieu. C'est donc en Dieu qu'il faut avoir con- 
fiance, c'est à lui qu'il faut obéir, puisqu'il a assigné à 
l'homme, pour sa nourriture, d'abord le pain, puis tout 
ce à quoi sa Providence donne le pouvoir de nourrir. 
Notre-Seigneur rappelle cette parole, au moment de sa 
tentation au désert. Matth., iv, 4; Luc, IV, 4. L'homme 
peut vivre non seulement avec le pain, mais par tout 
autre moyen qu'il plaît à la Providence d'assigner. A ce 
sens littéral, on ajoute un sens spirituel se rapportant à 
la vie de l'âme que nourrit la parole de Dieu. Cf. Kna- 
benbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 147. 

— 2° Le livre de la Sagesse, xvi, 21-28, voit dans le don 
de la manne la preuve de la bonté de Dieu envers ses 
enfants, afin que ceux-ci sachent bien que ce ne sont 
pas seulement les produits de la nature qui nourrissent 
l'homme, mais que la parole de Dieu conserve et fait 
vivre ceux qui ont confiance en lui. De la nécessité où 
les Hébreux étaient de ramasser la manne avant les pre- 
miers rayons du soleil, l'auteur sacré conclut qu'il faut 
devancer le soleil pour bénir Dieu et qu'on doit l'adorer 
dès l'aube du jour. — 3° La manne est par-dessus tout 
le symbole de l'Eucharistie. Après la première multipli- 
cation des pains, les Juifs évoquent eux-mêmes le sou- 
venir de la manne. Ils rappellent que leurs pères ont 
reçu la manne au désert, grâce à l'interventioa de Moïse, 
et ils demandent à Notre-Seigneur ce qu'il leur donnera 
pour prouver qu'il est l'envoyé de Dieu. Joa., VI, 30, 31. 
Il leur fallait quelque chose de plus significatif que le 
pain multiplié sous leurs yeux. Le Sauveur leur promet 
un pain céleste qui sera supérieur à la manne ; car celle-ci 
n'a pas empêché les Hébreux de mourir, tandis que le 
pain qu'il veut donner empêchera la mort spirituelle et 
communiquera la vie éternelle. Joa., vi, 49, 59. Sur la 
manne, figure de l'Eucharistie, cf. S. Augustin, In Joa., 
xxvi, 12, t. xxxv. col. 1612 ; Serni. CCCLII, 3, t. xxxix, 
col. 1551. — Les artistes chrétiens représentèrent la 
manne comme symbole de l'Eucharistie dans les cata- 
combes, (fig. 197). — 4» Saint Paul dit, en parlant des 



663 



MANNE 



MANTEAU 



664 



anciens Hébreux : « Tous ont mangé la même nourri- 
ture spirituelle. » I Cor., x, 3. 11 appelle la manne nourri- 
ture « spirituelle » à raison de son caractère miraculeux 
et aussi à cause du pain eucharistique dont elle était le 
symbole. Cf. Cornely, In I Epist. ad Cor., Paris, 1880, 



197. — La manne tombant du ciel dans le désert 

et recueillie par les Israélites. Catacombe de Saint-Cyriaque. 

D'après Wilpert, Die Malereien der Katacomben Roms, 1903, 

pl._242. 

p. 273. — 5° Enfin la manne est encore le symbole de la 
récompense que Dieu veut donner à ses serviteurs dans 
l'autre vie. Les fidèles de Pergame ont refusé de prendre 
part aux repas et aux débauches des idolâtres ; au vain- 
queur, Dieu donnera une « manne cachée », un bonheur 
dont on ne peut avoir l'idée ici-bas. Apoc, n, 17. Cette 
manne cachée pourrait aussi être, sur cette terre même, 
la sainte Eucharistie. Cf. Gallois, L'Apocalypse de S.Jean, 
dans la Revue biblique, Paris, 1893, p. 397. 

H. Lesêtre. 

MANTEAU, vêtement ample et sans manches que 
l'on porte par-dessus les autres pour se garantir du 
mauvais temps ou du froid. Voir Arabe, t. i, flg. 204, 
col. 831. Ce vêtement s'appelle en hébreu de différents 
noms, dont chacun représente vraisemblablement une 
variété tenant à la nature de l'étoffe employée, à la 
forme du manteau, etc., détails dont il est le plus sou- 
vent impossible de nous rendre compte aujourd'hui. 

1° 'Édér, Sapa, palliurn, le manteau que portent, par- 
dessus les vêtements, ceux qui reviennent de la guerre. 
Mich., n, 8. 

2» Addérét, de 'addîr; « ample. *> Quand Esaû vient 
au monde, il est roux comme « un manteau de poils », 
''addéréf sê'âr, Sopdé, « une peau, » in morem pellis, « à 
la façon d'une peau. » Gen., xxv, 25. H s'agit ici du 
manteau fait en cilice, c'est-à-dire en poils de chameau 
ou de chèvre. Voir Cilice, t. n, col. 760. Au temps de 
Zacharie, xm, 4, ceux qui se prétendaient prophètes se 
distinguaient en portant des manteaux de cette espèce, 
que les versions appellent Sippi; Tpfytvï], palliurn sacci- 
num, « manteau de poils, s Le manteau dérobé par 
Achan [dans le butin de Jéricho, Jos., vn, 21, 24, était 
une 'addéréf Sine'dr, un « manteau de Sennaar », c'est- 
à-dire de Babylonie; Septante : i|n).Y| noixft>i, « un tissu 
ras de diverses couleurs, » Vulgate : palliurn cocci- 
neum, « un manteau cramoisi, » Aquila et le Chaldéen, 
« un vêtement de Babylone. » Josèphe, Ant. jud., V, i, 
10, amplifie la description : « un manteau royal tout 
tissu d'or. » Les tissus de Babylone étaient célèbres dans 
l'antiquité par la variété de leuïs couleurs. Cf. Pline, 
M. N., vin, 48; Josèphe, Bell, iud., VII, v, 5, etc. Voir 




les vêlements de diverses couleurs des émigrants asia- 
tiques, t. il, fig. 384, col. 1068. Jéricho était bien placé, 
sur le passage des caravanes marchandes, pour avoir de 
semblables étoffes. Jonas, in, 6, parle d'une 'addéréf, 
<rzo\f h vestimentum, de même nature portée par le roi 
de Ninive. Le même nom est donné au manteau dont 
Élie se couvre la tête, III Reg., xix, 13, et qu'il laisse 
ensuite à son disciple Elisée, IV Reg., H, 8, 13, 14. Les 
! Septante l'appellent ;it|X<i>ttJ, « peau de mouton, » et la 
Vulgate simplement palliurn. 
3° Gelôm, de gâlam, « plier, rouler, » nom des man- 
I teaux de couleur bleue ou hyacinthe que les trafiquants 
i apportaient sur les marchés de Tyr. Ezech., xxvii, 24. 
Septante : èjjTOopia ûixtvôoç, « marchandise d'hyacinthe, » 
Vulgate : involucre hyacinthi, « linge d'hyacinthe. » 

4° Sàlmdh, îjjkitiov, traduit dans la Vulgate une fois 
par palliurn, III Reg., xi, 29, 30, et les autres fois par 
vestimentum. C'est le manteau dans lequel on s'enve- 
loppe et qui sert de couverture pour la nuit. En Orient, 
les nuits sont d'une fraîcheur extrême et le manteau est 
absolument indispensable à celui qui veut dormir sous 
la tente et surtout dehors. Aussi la Loi exigeait-elle que 
le créancier qui avait reçu en gage un manteau le ren- 
dît à son propriétaire avant le coucher du soleil, sous 
peine d'encourir le châtiment du Dieu miséricordieux. 
Exod., xxn, 26; Deut., xxiv, 13. Le même nom est 
attribué au manteau neuf que le prophète Ahias déchira 
en douze morceaux pour en donner dix à Jéroboam. 
III Reg., xi, 29, 30. Dieu s'environne de lumière comme 
d'un salmdh. Ps. civ (cm), 2. 

5° Samlàh, même mot que le précédent, avec trans- 
position de lettres. C'est le manteau, î^dcTiov, palliurn, 
avec lequel Sem et Japheth couvrent la nudité de Noé, 
Gen., ix, 23; dans lequel les Hébreux emportent 
d'Egypte la pâte non fermentée, Exod., xii, 34; cf. Prov., 
xxx, 4; sur lequel les soldats de Gédéon rassemblent 
les anneaux qu'ils ont pris sur les ennemis, Jud., vin, 
25; dans lequel est enveloppée l'épée de Goliath. I Reg., 
xxi, 9. On produit devant les anciens le samlàh, Ipâtiov, 
vestimentum, dans lequel a dormi la jeune épouse que 




198. — Le palliurn. D'après Tischbein, 

Collection of engravings frorn aneient vases, 

Naples, «91-1795, t. i, pi. 14. 

son mari accuse au sujet de sa virginité. Deut., xxn, 
17. Cf. De Hummelauer, Comment, in Deuteron., Pa- 
ris, 1901, p. 398. Le même nom est appliqué au manteau 
taché de sang du guerrier. Is., ix, 5. 



665 



MANTEAU — MANUSCRITS BIBLIQUES 



666 



6» Takrîk, <rto).^, vestis, le manteau royal bleu et blanc 
avec lequel Mardochée est porté en triomphe.Esth.,vin,15. 

7» Karbelâfehôn, nom chaldéen des manteaux que 
portent les trois jeunes hommes jetés dans la fournaise 
par ordre de Nabuchodonosor. Dan., m, 21. Au même 
verset, il est aussi question de sarbâlèhôn, « caleçons, » 
que plusieurs ont pris pour des manteaux sur la foi du 
Talmud. 

8° Dans beaucoup d'autres passages, les versions 
parlent de manteaux là où le texte hébreu mentionne 
seulement des voiles, Gen., xxiv, 65; Cant., v, 7; des 
vêtements de dessus comme le ma'tâfâh, Is., in, 22, le 
me'il, Gen., xlix, 11; I Reg., xv, 27; xxiv, 5; xxvin, 
14; I Esd., ix, 3, 5; Is., lix, 17; des vêtements en géné- 
ral, Gen., xxxix, 12-18; Exod., xn, 34; Num., xv, 38; 
Deut., xxii, 12; IV Reg., îv, 39; îx, 13; Prov., xxv, 20; 
Is., lxi, 3; Jer., xliii, 12; Ezech., v, 3; des couvertures 
de tentes, Exod., xxxvi, 18; Num., rv, 6-12, ou de lits, 
comme la semîljâh, ImëdXaiov, pallium. Jud., IV, 18; 
Ruth, m, 4-15; Is., xxvm, 20. 

9° Dans le Nouveau Testament, saint Matthieu, v, 40, 
rapporte la parole du Sauveur conseillant d'abandonner 
aussi le manteau, îpumoM, pallium (fig. 198), à celui qui 
veut prendre la tunique. Au prétoire de Pilate, on mit 
sur les épaules de Notre-Seigneur une chlamyde. 
Matth., xxvn, 28, 31. Voir Chlamyde, t. n, col. 707. 
Enfin saint Paul demande à Timothée de lui rapporter 
de Troade, où il l'a laissé, un vêtement appelé psenula, 
çeXôvïjç, pour çaiv(SXy]ç. II Tim., iv, 13. [La pœnula était 
un manteau rond et sans manches, percé d'un ,trou au 
milieu pour passer la tête, muni d'un capuchon et des- 
cendant au-dessous des genoux (fig. 199). Elle était en 




199. — La psenula. D'après Bich, Dict. des antiq., 1859, p. 445- 

étoffe à poils longs et épais ou même en cuir. Mar- 
tial, xiv, 130, 145. On la prenait en voyage et dans les^ 
temps froidset humides. Cicéron, Pro Milon., 20; Horace 
Epist., I, xi, 18; Pline, H. N., vin, 48, 73; Tacite, De 
«rat., 39, etc. Les femmes mêmes pouvaient la porter 
en voyage. Lampride, Alex. Sev., 27. Ce manteau était 
quelquefois fendu sur le devant, de manière qu'on pût 
en rejeter les deux pans sur les épaules. Voir Vêtements. 

H. Lesêtre. 

MANUÉ (hébreu : Manoal}; Septante, Mavwé), de la 

tribu de Dan, père de Samson. Il habitait Saraa. Sa 

femme était stérile et elle devint mère à la suite d'une 

vision angélique, après avoir offert des prières et des 



sacrifices et promis de consacrer l'enfant à Dieu comme 
nazaréen. Jud., xni. Lorsque Samson eut grandi, il vou- 
lut épouser une Philistine de Thamnatha. Son père et 
sa mère essayèrent d'abord de le détourner de prendre 
pour femme une fille dès incirconcis, mais sur ses ins- 
tances, ils consentirent à aller la demander pour lui en 
mariage. Jud., xrv, 1-10. Le texte sacré ne nous apprend 
plus rien sur Manué, si ce n'est que son fils Samson fut 
enseveli dans son tombeau. Jud., xvi, 31. 

MANUSCRITS BIBLIQUES. Nous ne parlerons 
ici que des manuscrits hébreux, grecs et latins de la 
Bible. — Les manuscrits dont le nom est précédé d'un 
astérisque dans les listes qui suivent ont une notice 
spéciale dans ce Dictionnaire. Ceux qui sont en outre 
précédés d'une croix ont un fac-similé en phototypie. — 
Notre travail était rédigé avant l'incendie de la Biblio- 
thèque nationale de Turin (25 janvier 1904). On calcule 
qu'un tiers des manuscrits seulement ont échappé à 
la destruction. Nous ne savons pas encore exactement 
quelle est la perte en manuscrits bibliques, mais] les co- 
dex provenant de Bobbio sont indemnes pour la plupart. 

I. Notions générales. — 1° Les plus anciens manus- 
crits bibliques. — Avant les progrès de la critique et de 
la paléographie, on attribuait à certains manuscrits une 
antiquité fabuleuse. Le Pentateuque samaritain de Na- 
plouse aurait été antérieur à l'ère chrétienne. Un ma- 
nuscrit latin de Venise a passé autrefois pour l'original 
de saint Marc. Montfaucon vit à Bologne un Pentateuque 
hébreu qu'on donnait pour l'autographe d'Esdras. Beau- 
coup plus modestes sont les prétentions justifiées. II 
n'existe aucun manuscrit hébreu de la Bible qui soit 
certainement antérieur au x e siècle de notre ère ; et, sauf 
quelques fragments de peu d'étendue, nul manuscrit 
biblique grec ou latin ne remonte au delà du IV e siècle. 
Ce fait pourra surprendre si l'on songe que nous avons 
des manuscrits égyptiens vieux de 3 500 ans et même 
davantage et qu'à partir du m e siècle avant l'ère chré- 
tienne, la série des manuscrits profanes se continue 
sans interruption. Il faut se rappeler que la plupart de 
ces anciens manuscrits ont été trouvés en Egypte où la 
sécheresse du climat et le calme absolu des tombeaux 
étaient si favorables à leur conservation. Les rouleaux 
ensevelis à Herculanum, en 79, ont été protégés contre 
la destruction par une cause analogue. — Au contraire 
les manuscrits bibliques, en raison même de leur usage 
fréquent et presque quotidien, étaient promptement 
détériorés. Or, ce fut chez les Juifs, de temps immémo- 
rial, une pratique constante, d'enterrer auprès des saints 
personnages ou de déposer dans une cachette appelée 
ghenizah les livres sacrés que leur état de vétusté ou 
leur incorrection rendaient impropres à l'usage. Le texte 
hébreu de l'Ecclésiastique a été découvert dans une 
cachette de ce genre et nous pouvons espérer pour l'ave- 
nir des trouvailles semblables. — Chez les Grecs et les 
Romains d'autres causes de destruction étaient en jeu. 
D'abord, dans les trois premiers siècles de notre ère, 
on écrivait sur papyrus, matière qui s'effrite et se désa- 
grège assez vite. Pline regarde comme très ancien un 
papyrus datant de deux cents ans. Le parchemin est sus- 
ceptible d'une durée presque indéfinie; mais, sans parler 
des autres accidents de toute nature, la pénurie de cette 
substance obligeait à sacrifier les codex détériorés pour 
en faire de nouveaux livres plus élégants et plus lisibles. 

2» Palimpsestes. — Il n'était guère possible d'utiliser 
le papyrus gratté; tout au plus pouvait-on le laver à 
l'éponge quand l'encre était fraîche encore ou peu caus- 
tique. Aussi les papyrus palimpsestes sont-ils rares et 
de peu d'importance. C'était la facilité d'effacer et de 
récrire qui faisait préférer le parchemin au papyrus 
pour les brouillons. Quand un vieux codex était hors 
d'usage on grattait les feuillets les mieux conservés pour 
y transcrire un autre ouvrage. Les parchemins grattés 



667 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



668 



et récrits s'appellent palimpsestes (îtàXtv, « de nouveau, » 
et tpih), « gratter »). Cet art fut très commun au moyen 
âge. D'après Grégoire de Tours, Hist. Franc., v, 45, 
t. lxxi, col. 362, le roi de Neustrie Chilpéric aurait 
ordonné d'apprendre aux enfants à récrire les vieux 
parchemins frottés à la pierre ponce; et l'historien 
adjure le lecteur de ne pas traiter ainsi son propre livre. 
Par contre, un concile de 691 défendit de récrire les 
manuscrits de l'Écriture ou des Pères, à moins qu'ils 
ne fussent tout à fait hors d'usage. Cf. Wattenbach, Das 
Schriftwesen des Mittelalters, 3= édit., 1896, p. 299-317. 
— Quelquefois l'écriture ancienne apparaît faiblement 
sous la nouvelle, mais presque toujours, pour arriver à 
la déchiffrer, il faut recourir à des réactifs chimiques 
ayant le grave inconvénient d'endommager les manus- 
crits. Le sulfhydrate d'ammoniaque qui ne laisse pas de 
traces sur le parchemin ne fait revivre l'écriture que 
pour un temps. L'acide gallique, tiré de la noix de galle, 
usité surtout en Italie, corrode le manuscrit qui devient 
brun foncé, presque noir. La teinture de Gioberti, pré- 
férée en France, est moins corrosive, mais elle colore 
en bleu le parchemin. On a prétendu que les acides 
avaient détruit plus d'œuvres antiques qu'ils n'en ont 
rendu à la science. C'est une évidente exagération, car 
on n'a essayé les réactifs qu'après avoir pris copie du 
texte plus récent, quand il en valait la peine. — Les 
palimpsestes jouent un rôle considérable dans la critique 
biblique. Le plus fameux est le Codex Ephrœmi re- 
scriptus C, mais il convient de mentionner aussi pour les 
Septante : le Dublinensis rescriptus (fragments 
d'isaïe), les Tischendorftana fragmenta Z (Isaïe égale- 
ment), le Cryptoferratensis rescriptus V (fragments des 
prophètes) ; pour le Nouveau Testament grec : le Nitrien- 
sis R, les deux Guiilpherbytani P et Q, le Zacynthius S, 
le Porphyrianus P des Actes, un autre Dublinensis 
rescriptus, Z des Évangiles. Taylor, Hebrew-Greek Cairo 
Genizah Palimpsests, Cambridge, 1900, publie deux 
pages à trois colonnes des Hexaples d'Origène (Ps. xxn 
[xxi], 15-18, 20-28, ix e siècle), six pages de la version 
d'Aquila (fragments des Psaumes, y-vi» siècles) et divers 
fragments du Nouveau Testament d'après des palim- 
psestes trouvés au Caire. — Les palimpsestes nous ont 
livré un assez grand nombre de textes des anciennes 
versions latines. Quand celles-ci furent supplantées par 
la Vulgate, les codex qui les contenaient, jugés peu 
utiles, furent sacrifiés et leur parchemin fut employé à 
d'autres usages. Citons, parmi les plus connus, le Wir- 
ceburgensis palimps. (fragments des livres historiques 
et prophétiques), le Bobiensis palimps. (s des Actes), le 
Guelpherbytanus (gue de Paul), le Palimpseste de 
Fleury (h des Actes), le Monacemis (Munich, lat. 6225), 
Vulgate du ix» siècle dont 39 feuillets palimpsestes con- 
tiennent de longs passages du Pentateuque, d'après une 
ancienne version. Il faut mentionner encore le Legio- 
nensis rescriptus (Archives de la cathédrale de Léon) 
contenant sous une écriture visigothique du X e siècle un 
texte de la Lex romana Visigothorum écrit au vi e siècle 
puis 40 feuillets de textes bibliques; où l'on reconnaît, 
au moins par endroits, une version préhiéronymienne. 
Cf. E. Châtelain, Les Palimpsestes latins, dans l'An- 
nuaire de. l'École prat. des Hautes-Études, 1904, p. 5- 
42 (liste de 110 palimpsestes latins dont 25 palimpsestes 
bibliques). Voir aussi Mone, De Ubris Palimpsestis tam 
latinis quant grsecis, Carlsruhe, 1855; Jacob, De non- 
nullis codic. palimps. in biblioth. majori Paris., dans 
Mélanges Renier, 1887, p. 347-358, Notes sur les mss. 
grecs palimps. de la Biblioth. nation., dans Mélanges 
Havet, 1895, p. 759-770; J. Cozza, Sacror. Biblior. vetus- 
tissima fragm. Grœca et Latina ex palimpsestis Bi- 
bliothecx Cryptoferrat., Rome, 1867. L'abbaye de Grot- 
taf errata, comme celle' de Saint-Gall, paraît particuliè- 
rement riche en palimpsestes. 
II. Manuscrits hébreux, — 1" Nomenclature critique. 



— Kennicott avait collation né par lui-même on fait col- 
lationner par d'autres des centaines de manuscrits qu'il 
désignait par des numéros d'ordre. Dans sa Dissertatio 
generalis in Vet. Test, hebraicum, Oxford, 1780, il dis- 
tribuait les manuscrits utilisés par lui en six classes ; 
1. Manuscrits d'Oxford n M 1-88; 2. autres pays de langue 
anglaise, n° a 89-144; 3. autres pays de l'Europe n» s 145- 
254; 4. éditions imprimées et manuscrits divers n° ! 525- 
300; 5. manuscrits examinés et collationnés par Brun- 
sius, n° s 301-649; 6. nouvelle liste d'imprimés et de ma- 
nuscrits n M 650-694. De ces 694 numéros, parmi lesquels 
étaient comptés une quarantaine d'éditions imprimées 
et 16 manuscrits samaritains, 98 se trouvaient à Oxford, 
90 à Paris, 101 à Rome. Kennicott indiquait ensuite, op. 
cit., p. 121-123, un grand nombre de bibliothèques, pu- 
bliques ou privées où se conservaient d'autres manus- 
crits qu'il n'avait pas pu faire examiner, faute de temps 
et de ressources. — De Rossi publiait bientôt après ses 
Variœ lecliones Vet. Testamenti, 4 in-4°, Parme, 1784- 
1788. Il retenait la numérotation de son prédécesseur 
pour les manuscrits catalogués par ce dernier. 11 y ajou- 
tait une nouvelle liste de 479 manuscrits devenus sa 
propriété personnelle. Cette liste comprend 17 manus- 
crits déjà signalés par Kennicott : ainsi le n» 409 de Ken- 
nicott est le n° 3 de De Rossi. Il terminait par une troi- 
sième liste de 110 mauuscrits conservés en divers lieux. 
Mais chacun de ss trois derniers volumes contenait une 
nouvelle liste supplémentaire de 52, de 37 et de 76 nu- 
méros respectivement. Cela donne le total énorme d'en- 
viron 1300 manuscrits. Depuis, on n'a pas fait de travail 
critique qu'on puisse comparer à ce gigantesque effort, 
mais on a collationné avec plus de soin et décrit avec 
plus de détails un certain nombre de manuscrits parti- 
culièrement remarquables. Il faut mentionner surtout 
l'édition critique de S. Baer, avec préfaces de Frz. De- 
litzsch, publiée à Leipzig par livres séparés. Ginsburg, 
lntrod. to the massoretico-critical edit. of the Hebrew 
'Bible, Londres, 1897, donne une description minutieuse 
de 60 manuscrits, conservés presque tous en Angleterre 
et promet pour le dernier volume de son ouvrage un 
traitement pareil en faveur des manuscrits étrangers. 
On désigne encore généralement les codex hébreux par 
les numéros de Kennicott, et de De Rossi; il est seule- 
ment fâcheux que la numérotation ne se suive pas, la 
série des numéros recommençant trois fois (Kennicott, 
De Rossi, autres manuscrits). 

2° Age et valeur critique des manuscrits hébreux. — 
Nous avons expliqué pourquoi les manuscrits hébreux 
sont de date relativement récente. Sauf le codex Orien- 
tal 4445 du Musée britannique, qui peut être du IX e siè- 
cle, aucun autre n'est antérieur au x e . Il ne faut pas se 
fier aux dates que portent certains manuscrits. Très sou- 
vent ce sont des faux intentionnels; quelquefois aussi 
c'est la transcription pure et simple de l'exemplaire qui 
servait de modèle. On n'en peut rien conclure pour 
l'ancienneté de la copie qu'on a sous les yeux. A. Neu- 
bauer, Earliest Manuscripts of the Old Test., dans Stu- 
dia Biblica, t. m, Oxford, 1891, p. 22-36, étudie trois 
manuscrits datés de 895, de 489 et de 856. Le premier 
(Prophètes de la synagogue caraïte du Caire) est, selon 
lui, du xi* ou du XII e siècle; dans le second (rouleau du 
Pentateuque de Saint-Pétersbourg) la date est un faux 
manifeste ; enfin le troisième (Université de Cambridge 
n° 12) faussement daté de 856 est tout au plus du 
xni e siècle, d'après Neubaner (fig. 200). Au dire de De 
Rossi, quand il s'agit de codex hébreux, ceux du XHl" siè- 
cle passent pour anciens, ceux du xn e pour très anciens 
et ceux qui remontent plus haut sont des raretés ines- 
timables. De Rossi en cite avec réserve huit ou dix de 
cette espèce. Varia? lectiones, etc., t. i, p. xtt-xvh. Mais 
il ne fait pas difficulté d'avouer que les critères paléo- 
graphiques sont très incertains. On pourrait dire en- 
core la même chose de nos jours. Pour avoir une idée 



669 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



670 



des différences d'opinion entre critiques il suffit de re- 
marquer que le codex 126 de Kennicott (Musée Brit. 
Addit. 4708) est rapporté au vi e siècle par M. Margo- 
liouth, au xv" par Kennicott, au vn« par Heidenheim, au 
xii e ou au xm c par Ginsburg. — Indépendamment de leur 
date relativement récente, les manuscrits hébreux ont 
un caractère commun qui ôte beaucoup à leur valeur 
critique. Ils se ressemblent tous étrangement. Les rou- 
leaux employés au service des synagogues sont tellement 
pareils qu'il n'y a aucun profit à les collationner. Les 
manuscrits à l'usage privé offrent des variantes, mais 
celles-ci n'ont pas, tant s'en faut, l'amplitude qu'elles 
ont dans les textes grecs et latins. Jusqu'en 1840, date de 
la découverte par Firkowitsch du codex des Prophètes 
de Saint-Pétersbourg, on ne s'était occupé que des ma- 
nuscrits occidentaux : espagnols, allemands, français et 
italiens. On ne connaissait pas les copies écrites en 
Orient (Crimée, Egypte, Mésopotamie, Arabie). A la mort 
de Firkowitsch, en 1874 ; Strack et Harkavy reçurent mis- 



codex de Saint-Pétersbourg (Prophètes de 916) reste la 
manuscrit daté le plus ancien qui soit connu. VoirBABY- 
lonicus Codex. — Merx, Die Schlussmassora aus dern 
Cairiner Codex vom Jahre 1028, dans la Zeitschrift fur 
Assyriol., 1898, p. 293-296, range après lui, par ordre 
de dates, le Pentateuque de 939, les. Prophètes de 989, 
la Bible de 1010, le manuscrit de la synagogue du Caire 
de 1028. Parmi les manuscrits non datés, Ginsburg, 
Introduction, p. 469, fixe au ix» siècle, entre 820 et 850, le 
codex Oriental 4445 du Musée Britannique qui serait donc 
antérieur au Babylonicus lui-même. Mais, pour se pro- 
noncer avec certitude, il faudrait que la paléographie 
hébraïque fût mieux fixée. — On trouve des fac-similés 
dans les catalogues des Mss. hébreux de Vienne, de Mu- 
nich, de Berlin, de Leyde. Les deux collectisns les plus 
utiles pour la paléographie hébraïque sont Neubauer, 
Facsimiles of Hebrew Mss. in the Bodleian Library, 
Oxford, 1886 (40 planches donnant des spécimens, accom- 
pagnés de leur transcription, des écritures rabbiniques 






Ti 






^^ :! ^:L^^^rrç¥f^^S|ft:3?->! : 



ri£orô£)£\* 



**'àsà^ï^b**° ir=,,,,t '"- j *~ — "- 






- 4^! 






^S^i 



yrt^ 






200. — Fac-similé du ms. n. 12 de Cambridge. Gen., xxi, 19-21, 32-34. 



sion d'examiner la nombreuse collection réunie par lui 
à Tschufut-Kale, « Rocher-des-Juifs, » en Crimée. Strack, 
chargé des manuscrits bibliques, ne trouva pas moins 
de 2000 numéros, la plupart, il est vrai, fragmentaires. 
Dix d'entre eux portaient la date du x« siècle; mais on 
sait que Firkowitsch, pour augmenter le prix de ses 
manuscrits — il était pourvoyeur de la Bibliothèque 
impériale de Saint-Pétersbourg — ne craignait pas de 
retoucher les dates anciennes et au besoin de les ajouter 
de sa main. Sur cette collection, voir Strack, Die bibli- 
schen und die massoret. Handschriften zu Tschufut- 
Kale, dans la Zeitschrift fur luther. Theol. und Kirche, 
1875, p. 585-624. La plupart de ces manuscrits doivent 
avoir pris le chemin de Saint-Pétersbourg. On a récem- 
ment découvert en Egypte quatre fragments de papyrus 
qui se raccordent et contiennent, sur 24 lignes d'écri- 
ture, le décalogue et le schéma' en hébreu (fig. 201, 
d'après le dessin de Burkitt, plus lisible que l'original). 
Le texte parait antérieur à la recension des massorètes 
et les caractères paléographiques semblent dater le pa- 
pyrus du u» siècle après J.-C. Ce serait donc sans com- 
paraison le plus ancien manuscrit connu d'un passage 
quelconque de la Bible hébraïque. Voir S. A. Cook, A 
Pre-Massoretic Bibl. Papyrus, dans les Proc. of the 
Soc. of Bibl. Arch., t. xxv (1903), fasc. î; Burkitt, The 
Hebrew Papyrus, etc., dans la Quart. Review, xv, n» 59, 
p. 392-408; Von Gall, Ein neuer hebràischer Text der 
tehn Gebote und des Schéma', dans la Zeitschrift fur 
die alttest. Wissenschaft, Giessen, 1903, p. 347-351; 
Lagrange, dans la Revue biblique, 1904, p. 242-259. Cette 
découverte et celle du texte hébreu de l'Ecclésiastique 
font espérer de nouvelles trouvailles. En attendant, le 



des diverses époques et des divers pays); Ginsburg, A 
séries of xrm facsimiles of Mss. of the Hebrew Bible, 
with descriptions, Londres, 1898 (spécimens exclusive- 
ment bibliques empruntés à toutes les écoles dans un 
laps de temps d'environ huit siècles), 

3° Grandes collections de manuscrits hébreux. — Il 
ne serait ni utile ni possible de cataloguer les principaux 
manuscrits hébreux : leur ancienneté, leur provenance, 
leur valeur respective sont encore trop discutées et trop 
incertaines. Mieux vaut indiquer les bibliothèques pu- 
bliques où sont réunies les collections les plus impor- 
tantes. Presque toutes ont de bons catalogues imprimés : 
il faut excepter cependant l'Ambrosienne de Milan qui 
s'en tient avec scrupule aux volontés de son fondateur. 
Notre énumération va de la Russie à l'Italie en passant 
par l'Autriche, l'Allemagne, le Danemark, la Hollande, 
l'Angleterre et la France. Saint-Pétersbourg, Gatalog 
der hebr. Bibelhandschriftender kaiserl. Bibliothek, par 
Harkavy et Strack, Leipzig, 1875 (mais cette bibliothèque 
s'est notablement enrichie depuis); Odessa, Prospectus 
der der Odessaer Gesellschaft fur Geschichte und Alter- 
thùmer gehôrenden âltesten hebrâischen und rabbinis- 
chen Manuscripte, par Pinner, Odessa, 1845; Vienne, 
Die handschriftl. hebrâischen Werke der K. K. Hof bi- 
bliothek, parKrafft et Deutsch, Vienne, 1845; Ibid., Die 
neuertvorbenen handschriftl. hebr. Werke, par J. Gol- 
denthal, Vienne, 1851 ; Berlin, Verzeichnùs der hebr. 
Handschriften, par M. Steinschneider, Berlin, 1878; 
2 S partie, 1897; Karlsruhe, Die Handschriften der gross- 
herzogl. badischen... Bibliothek, 1892, t. n : Orienta- 
lische Handschriften /Munich, Die hebr. Handschriften 
der K, Hof- und Staatsbibl., par M. Steinschneider, 



671 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



672 



Munich, 1875; 2« édit., 1895; Leyde, Catal. codic. 
ùebrseor. biblioth. Lugduno-batavse, par M. Stein- 
schneider, Leyde, 1858; Oxford, Catal. of the Hebrew 
Man. in the Èodleian Library and in the Collège Li- 
braries of Oxford, par Neubauer, Oxford, 1886 (la Bod- 
léienne ne comprend pas moins de quatorze fonds 
hébreux distincts, parmi lesquels se trouve la bibliothèque 
de Kennicott qui y fut transportée en 1879) ; Cambridge, 
Catal. of the Hebrew Man. preserved in the University 
Library, par Schiller-Szinessy, 1. 1 (contenant les Bibles 
et commentaires bibliques), Cambridge, 1876; Londres, 



"V.-.,7 1^"*" 







201. — Papyrus Nash (hébreu pré-massorétique). 1 
Exod., xx, 2-17 ; Deut., V, 6-19 ; VI, 4-5. 

Musée britannique, Descriptive lisfof Hebrew and Sa- 
maritan Manuscripts, par G. Margoliouth, Londres, 
1893; Paris, Biblioth. nationale, Manuscrits du fonds 
hébreu, par Zotenberg, Paris, 1866; Parme, Bibliothèque 
de la ville, Manusc. Codic. hebraici Biblioth. J. B. De 
Rossi, Parme, 1883, 3 vol. comprenant 1377 numéros, 
qui sont devenus la propriété de la ville ; Ibid., Catalogo 
dei codici ebraici délia Bibliot. di Parma non descritti 
dal De-Rossi, par Perreau, Florence, 1880; Turin, Co- 
dices hebraici Regise Biblioth., par Peyron, Turin, 1880; 
Florence, Catalog. Biblioth. Mediceo-Laurentianse, par 
Biscioni, t. i, Florence, 1752; catalogue plus récent par 
Pizzi (non encore imprimé) ; Cesène, Catal. codic. man. 
Malatestianse Biblioth., par Mucciolo, Césène, 1780-1784 ; 
Rome, Bibliothecœ apost. Vaticanse codices Orientales, 
t. î (hébreux et samaritains), par J. S. Âssemani, Rome, 



1756, complété par A. Mai, Appendix, 1. II, Rome, 1831 ; 
Ibid., Casanatense, Catalogo dei Codici ebraici, par 
G. Sacerdote, Florence, 1897. 

Voir M. Steinschneider, Vorlesungen ûber die Kunde 
hebrâischer Handschriften, deren Sammlungen und 
Verzeichnisse, Leipzig, 1897, dans Beihefte ium Central- 
blatt fur Biblioth., t. xix. Détails intéressants et renseigne- 
ments précieux, mais noyés dans une érudition indigeste. 

III. Manuscrits grecs. — I. Nouons préliminaires. 
— 1° Paléographie. — Les caractères paléographiques, 
quand ils ne suffisent pas à faire connaître la patrie 
primitive d'un manuscrit grec, permettent du moins en 
général d'en déterminer l'âge avec assez de précision. 
L'écriture grecque des manuscrits se divise en onciale 
et en minuscule ; la capitale, l'écriture des inscriptions, 
n'est guère employée même pour les titres des livres. 

A) Onciale. — Elle diffère de la capitale par la forme 
arrondie de certaines lettres (s, <?, <a) et par des traits 
(p, <p, i|/, quelquefois u) dépassant la ligne en haut ou en 
bas (fig. 202). Elle régna sans rivale, pour la transcrip- 
tion des œuvres littéraires, jusqu'au IX e siècle inclusive- 
ment; elle fut encore employée au delà de cette époque, 
concurremment avec la minuscule, pour les copies de la 
Bible et surtout pour les livres liturgiques. — Les plus an- 
ciens codex bibliques, le Vaticanus et le Sinaiticus, du 
Iv» siècle, présentent une forme d'onciale qui était restée 
la même depuis plusieurs siècles, mais qui, grâce à la 
surface unie et résistante du parchemin, acquiert un 
tracé plus ferme, des contours plus nets et un aspect 
moins grêle que l'écriture sur papyrus. Les lettres, élé- 
gantes et uniformes^ pourraient être presque toutes en- 
fermées dans un carré. Pas de séparation des mots, pas 
d'accents ni d'esprits, pas d'autre ponctuation qu'un 
petit espacement à peine visible entre les paragraphes, 
pas de liaison ni de ligatures, p as d 'autre abré v iation 
que c elle des mots usuels : 1C, KO, XÂT, ICA , LUSA, 
AAA, ANOG, IÏÏÏP", MF, TÏÏ, CTÏP, OriNOC(lY]o-ouç, 
K'jptoç, XpKrroç, IcparjX, Ttveujia, AauiS, avSproirroç, 7iaT»)p, 
uy)tïjp, uioç, <r<>>TT|p, oupavoç) et quelques autres plus 
rares; encore le Vaticanus n'a-t-il guère que les cinq 
premières. — Au V siècle, l'écriture reste belle et d'aspect 
agréable. Une grande lettre placée en vedette marque 
souvent le commencement des paragraphes. La forme 
des lettres subit quelques modifications : E et £ allongent 
les extrémités de leur segment de cercle et se te-minent 
par des traits renforcés; la barre horizontale du II et 
du A dépasse de beaucoup les montants, etc. Voir 
Alexandrinus (Codex), t. i, vis-à-vis de la col. 363, et 
Ephr^emi rescriptus (Codex), t. n, vis-à-vis de la 
col. 1872. — Au vi a siècle la décadence continue. Les let- 
tres deviennent en général plus grandes, plus espacées, 
plus lourdes, quoique non dénuées d'élégance. Les traits 
horizontaux du II, du A, du T s'exagèrent. Ces carac- 
tères, bien entendu, sont plus ou moins accusés selon 
les pays et les écoles de scribes. Voir, pour des spécimens 
de cette époque, Bez^b (Codex) t. î, vis-à-vis de la 
col. 1770, et Laudianus, vis-à-vis de la col. 127. — La 
décadence se précipite au vn e siècle. Les cercles des 
lettres E, ©, O, 2, se changent en ovales; d'autres lettres 
sont comprimées et allongées; les accents et les esprits 
deviennent d'un usage fréquent; l'écriture commence à 
pencher vers la droite. — Dans les siècles suivants, ces 
caractères s'accentuent de plus en plus; l'aspect général 
rappelle l'écriture russe (fig. 203). C'est au IX e siècle, au 
moment où l'onciale va disparaître, que nous rencon- 
trons le premier manuscrit oncial daté, le Psautier 
d'Uspensky écrit en 862. 

B) Minuscule. — L'écriture cursive, caractérisée par 
la liaison des lettres entre elles et par la simplification 
de certains traits (fig. 204), a été employée à toutes les 
époques pour les manuscrits moins soignés. On peut en 
voir un exemple au mot Livre (fig. 106, col. 307). Le 
premier cursif daté fut achevé le 7 mai 853 (Evang. 481), 



673 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



674 



D'autres cnrsifs sont datés de 798 (Evang. 429), de 984 
(Act. 148), de 994 (codex A, moitié oncial, moitié cursif). 
L'écriture cursive, dès son apparition dans les manus- 
crits bibliques, se présente à nous pleinement dévelop- 
pée; ce qui prouve qu'elle était depuis longtemps en 
usage pour la transcription des écrits ordinaires. Au x» 
et au XI e siècle, elle est en général très lisible et fort 
belle. On en trouvera un spécimen remarquable au mot 
Chisianus (Codex), t. n, col. 706. Elle se maintient en- 
core en beaucoup d'endroits pendant le xip et le mi' siè- 
cle. Au xiv e siècle et surtout au xv% époque de l'invasion 
des calligraphes grecs chassés de Constantinople, elle se 



le Marchalianus, Rome, 1890, Y Alexandrinus, Londres, 
1879-1883, le Sarravianus, Leyde, 1897, le Codex Bezse, 
Cambridge, 1899, le Rossanensis, Leipzig, 1880 (chromo- 
lithographie). 

Un grand nombre de publications contiennent des 
fac-similés de manuscrits bibliques. Nous ne signalons 
que les collections les plus importantes et les plus mo- 
dernes : Bond et Thompson, Facsimiles of ManuscripU 
and Inscriptions, l re série, Londres, 1875-1883, 2 e série, 
Londres, 1884 et suiv. ; Kenyon, Facsimiles of Biblical 
Mss. in IheBritisk Mus., Londres, 1900 (25 planches); 
"Vitelli et Paoli, Collezione Fiorenlina di facsimili greci 




S^Ti^ue! 



202. — Papyrus grec des Septante du vu' (?) siècle trouvé en Egypte in 1« r fJ /.ih, xn, 6-8. 
D'après les Transactions of the ninth international Congress of Orientalists, Londres, 1893, t. il, pi. IV. 



surcharge de fioritures et de contractions arbitraires, qui 
en rendent la lecture très pénible et dont les premiers 
livres imprimés donnent quelque idée. Du reste, à partir 
du X e siècle, la série des nombreux manuscrits datés est 
ininterrompue et sert de point de comparaison. On a de 
plus pour se guider la qualité de la matière (parchemin 
ou papier) et le genre d'ornementation. Omont, Fac- 
similés de Mss. grecs datés, etc., Paris, 1890, indique , 
326 Mss. datés (quelques-uns seulement par approxima-/ 
tion) dont il existe des fac-similés (fig. 204 et 205). 

C) Reproduction des manuscrits bibliques grecs. — 
Les procédés dont on dispose de nos jours permettent 
de reproduire à la perfection les anciens manuscrits. La 
photographie rend les traits les plus délicats et les plus 
effacés de l'original, à ce point qu'un manuscrit est 
quelquefois plus lisible dans la reproduction que dans 
le modèle lui-même. Seule, la couleur de l'encre n'est 
pas rendue. Ont été reproduits en entier par la photo- 
typie ou l'héliogravure le Vaticanus, Rome, 1889-1890, 

DICT. DE LA BIBLE. 



e latini, Florence, 1884-1888; Omont, Fac-similés des 
Mss. grecs datés de la Biblioth. nation, du ix e au 
xiv siècle, Paris, 1890; Fac-simiJe's des plus anciens 
Mss. grecs en onciale et en minuscule de la Biblioth. 
nation, du IV 1 au XïP siècle, Paris, 1892; Graux, Fac- 
similés des Mss. grecs d'Espagne, Paris, 1890; Amphi- 
lochi, Descriptionpaléogr. de Mss. grecs des ix'-xvw siè- 
cles à dates certaines, Moscou, 1879-1880; Maunde 
Thompson, Bandbook of Greek and Latin Palœogra- 
phy, nouv. édit., Londres, 1903 (excellent manuel avec 
nombreux fac-similés et alphabets de toutes les époques). 
Pour les papyrus, Kenyon, The Palxogr. of Greek Pa- 
pyri, Oxford, 1899 (alphabets et fac-similés). — Wessely, 
Papyrorum scripiurse grsecx specimina, Leipzig, 1900 
et Studien zur Palseogr. und Papyruskunde, 3 fasc, 
Leipzig, 1901-1904, est moins pratique pour l'étude des 
manuscrits de la Bible. 

II. DISTRIBUTION GÉOGRAPBIQUEDBS HANUSCRITSGRECS. 

— Les collections importantes de manuscrits grecs pos- 

IY. - 22 



675 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



67G 



sèdent presque toutes des catalogues imprimés bien feits 
et très utile» à coasolter. Nous les émlmérons rapide- 
ment. 

1» Italie. — Grâce à des circonstances heureuses, 
l'Italie fut toujours très riche eu manuscrite grecs. Au- 
cune collection du monde n'est sans doute supérieure à 
celle du Vatican. Ont paru les catalogues : du fonds Pa- 
latin par H. Stevenson en 1885 (432 numéros, mais 30 
manquent), des fonds Pie II et Christine de Suède par 
H. Stevenson en 1888 (190 et 55 numéros), du fonds 
Ottoboni par Feron et Battaglini en 1893 (472 numéros), 
du fonds Duc d'TJrbin par Stornajolo en 1894 (165 nu- 
méros). Le catalogue du fonds Vatican proprement dit 
(environ 3000 numéros) est en préparation. Resteront à 



cien fonds grec (Codice* Regii), 3117 numéros dont le 
catalogue date de 1740; 2. Fonds Coislin, 393 numéros, 
catalogué par Montfaucon, Biblioth. Coisliniana, Paris, 
1715; 3. Supplément grec, environ 1 300 numéros, ea 
progrés. Cf. Omont, Inventaire sommaire des manus- 
crits du fonds grec, Paris, 1886-1898; des autres biblio- 
thèques de Paris, 1883 (et dans les Mélanges Graux, 
1884); des départements, Paris, 1886, Table alphabé- 
tique générale, 1898. Voir surtout Martin, Description 
technique des manuscrits grecs relatifs au AT. T. conser- 
vésdans les bibliothèques de Paris, Paris, 1884. Il n'y a 
en dehors de Paris aucun manuscrit biblique important. 
3° Allemagne et Autriche. — Hardt, Catalogus codic. 
manuscr. Biblioth. régi» Bavaricœ, Munich, 1806-1812 



t 1 1 * h * i j m .-*= =1- - * -*r- -_-----'= S F—'.- * - - ■■-" -ï- 



km mu 










HH 



x\* 



*!"*" 



^WfOlTCTÎ ^ItO^ liïVAn-MlViï*H£VM^r£All*l 



203. — Manuscrit grec du x> siècle (K des Évangiles). Fin de l'Évangile de saint Luc, xxiv, 50-53. Biblioth. nation., grec 63, f 204 v* 
D'après Omont, Fac-similés des plus anciens manuscrits grecs en onciale et en minuscule de la Bibliothèque nationale du îv 
au kiv siècle, Paris, 1892, pi. xvn. 



publier les catalogues des nouvelles acquisitions : Bar- 
berini (590 numéros) et Musée Borgia. — Pour les autres 
grands dépôts italiens : Ambrosienne de Milan (environ 
2500 manuscrits en 1100 volumes), catal. par Martini 
et Bassi, commencé à imprimer en 1901 ; Laurentienne 
de Florence, catal. de Bandini, en & volumes, Florence, 
1764-1770 (1122 numéros); Marcienne de Venise, catal. 
par Zanetti et Bongiovanni en 1740, mis au courant par 
Castellani en 1895 (1 697 numéros) ; Abbaye de Grottafer- 
rata, catal. par Rocchi en 1883 (666 numéros); Biblioth. 
nation, de Naples, catal. par Cyrillo en 1826-1832. Pour 
les dépôts moins importants, voir Martini, Catalogo di 
Manoscritti Greci esistenti nelle Biblioteche italiane, 
Milan, deux tomes en trois fasc, 1893-1902 (le tome II 
contient le catalogue de la Vallicelliana, 127 numéros 
plus les 94 manuscrits d'AUatius); Omont, Les Mss. 
grecs... de Vérone, Leipzig, 1891. 

2" France. — Il y avait en novembre 1898 dans les 
bibliothèques publiques de France environ 5000 manus- 
crits grecs, dont 4 798 à la Biblioth. nation, de Paris. 
Cette dernière comprend trois fonds distincts : 1. An- 



(5 vol., 572 numéros); pour Berlin t. XI du catal. géné- 
ral : Verzeichniss der griechischen Handschriften, 
Berlin, 1890-1897 (417 numéros). — Collections secon- 
daires : Gardthausen, Katalog der griechischen Hand- 
schriften der Univ.-Biblioth. zu Leipzig, 1898 (66 nu- 
méros); Omont, Catal. des Mss. grecs des villes Han- 
séatiques, Leipzig, 1890 (71 numéros, dont 60 pour 
Hambourg); Von Ileinemann, Die Handschriften der... 
Bibliothek zu Wolfenbûttel, 1884. 

En Autriche à part la collection des Papyrus Rainer, 
assez intéressante au point de vue biblique, on n'a guère 
à signaler que la Biblioth, impér. de Vienne, catalogue 
par Nessel, Vienne, 1690, par Lambecius, Comment, de 
Biblioth. Csesarea Vindob., lib. III, IV et V, 2 e édit. 
par Kollar, Vienne, 1776-1778. 

4» Angleterre et Irlande. — A Cambridge les ma- 
nuscrits grecs sont confondus avec les autres (catal. en 
1856-1867); il en est de même à Londres où ils sont en 
outre dispersés dans les divers' fonds, mais il y a un Ca- 
tal. of ancient Mss. in the British Mus. (part 1 Gréek), 
Londres, 1881. Pour Oxford, voir Goxe, Catal. codicum 



077 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



678 



Mss. Mbhoth, Jiùdleianœ, i. i, Oxford, 1853; Id., Catal. 
codic. Mss. qui in Gollegiis Aulisque Oxoniensibus koâie 
asservtmtw, 2 vol. avec index, Oxford, 1852. Pour Christ 
Churcb. il y a un catal. spécial par Kitchin, 1867, 
86 numéros. 

5° Espagne et Portugal. — Graux et Martin, Notices 
sommaires des Mss. grecs d'Espagne et de Portugal 
(saofl'Escurial et la Biblioth. nation, de Madrid), Paris, 
1892, 227 numéros, dont 20 en Portugal. Pour l'Éscurial, 
Catalogue de Miller, Paris, 1848, 586 numéros; pour 
la Biblioth. nation, de Madrid, catalogue de Iriarte, 
1769, complété par Miller, Paris, 1886, 236 numéros. 



doublé le nombre des manuscrits bibliques connus. 
Pour le Sinaï, voir Gardthausen, Calai, codic Graecor. 
Sirtaitic, Oxford, 1886 (1 223 numéros dont 300 mss. bi- 
bliques); pour les vingt-quatre monastères du Mont- 
Athos, Lambros, KstixXoyoc tûv Iv t«ïç j3iéXio6>)Xxtc toû 
'Aftou "Opiu; IXXrivixôv xioSfxwv, Cambridge, 1895 et 
1900 (6618 mss, grecs); pour les manuscrits grecs de 
Palestine réunis an patriarcat orthodoxe de Jérusalem 
et ceux qui sont conservés au Mexô^iov toû Havayiou 
Tetqjou à Constantinople, Papadopoulos Kerameus, 'Iepo- 
tfoXuîiiTiXï) BigXio67Jxv), Saint-Pétersbourg, 1801-1891, 
4 vol. accompagnés de 5 vol. d'Analecta avec nombreux 



f SÛ-* - 



■- J^ti-.yTD^ f yll % k 







«S 



W 



204. — Manuscrit grec daté de 11Ç7, en écriture minuscule. Biblioth. nat., grec 83, f* 134. Prologue de l'Évangile de saint Luc, i, 1-2. 
Omont, Fac-similés des manuscrits grecs datés de la Biblioth. nation., in-4*, Paris, 1891, pi. XL VIII. 



6° Russie. — Murait, Catal. des Mss. grecs de la Bi- 
blioth. impériale, Saint-Pétersbourg, 1864; Vladimir, 
Description systématique des Mss. de la Biblioth. syno- 
dale de Moscou, première partie, 1894 (en russe); autre 
vieux catalogue en latin de la Bibliothèque du Saint- 
Synode par Matthaei, Leipzig, 1805. 

7° Autres pays. — Graux, Notices sommaires des Mss, 
grecs de la Biblioth. royale de Copenhague, Paris, 
1879, 80 numéros; Graux et Martin, Notices sommaires 
des Mss. grecs de Suéde, Paris, 1889, 79 numéros, dont 
66 à Upsal; Omont, Catal. des Mss. grecs des biblioth. 
des Pays-Bas (Leyde excepté), Leipzig, 1887, 63 numé- 
ros dont 30 à Utrecht (pour Leyde, catal. spécial en 1741 
avec supplément très considérable en 1852, en tout 
377 numéros); Id., Calai, des Mss. grecs de... Bruxelles 
et... de Belgique, Gand-Paris, 1885, 127 numéros dont 
121 à Bruxelles; Id., Catal. des Mss. grecs... de Suisse, 
Leipzig, 1886, 176 numéros dont 90 à Bàle. 

8° Grèce et Orient. — Les bibliothèques de ces pays, 
explorées surtout depuis un demi-siècle, ont à peu près 



fac-similés, avec un supplément par Kakylidès (Karâ- 
Xom«), Jérusalem, 1899; pour Athènes, Sakkeliôn, Ka- 
T-âXo^o; t(5v yeipofpâçiùv tïjç èOvixîjî BiêXtoÔTixTiç tt|(; 
'EXXiSo;, Athènes, 1892, environ 210 mss. bibliques. Pa- 
padopoulos Kerameus a aussi publié le catalogue des mss. 
grecs de Smyrae, 1877; de Lesbos, 1884-1888, de Thrace 
et de Macédoine, surtout de Brama (monastère de Kosi- 
nitza), 1886, de Trébizonde, 1898; il a publié en outre la 
MavpofopSâtEioî BtëXio8rjxr!, Constantinople, 1884. Il 
existe un catal. des mss. d'Andros par Lambros, Athènes, 
1898 et 1899, une description des mss. d'Amorgos par Mi)- 
Xtapôxriç, Athènes, 1884 Voir encore : Batiffol, Les Mss. 
grecs de Bérat d'Albanie, dans Archives des ^Missions 
scientif., 3» série, t. xm, Paris, 1887; Serruys, Catal. des 
Mss. conservés au gymnase grec de Satonig«e ) Paris,1903 
(mss. échappés à l'incendie de 1890); Sakkeliôn, II«t|iixti 
BiSXioOrixri, Athènes, 1890. Un ancien catalogue de Pa- 
tmos fait en 1355 par Jean Paléologue se trouve dans 
Migne, t. cxlix, col. 1047-1052. — Les dépôts orientaux des 
mss. grecs, non mentionnés ici, ont peu d'importance 



67U 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



680 



m. manuscrits grecs des septante. — 1° Nomen- 
clature critique. — Le système de notation générale- 
ment adopté est celui de Holmes et Parsons, Vêtus Te- 
stant. Grxcum cum variis leclionibus, Oxford, 1798- 
1827. A. la fin du cinquième et dernier volume, Parsons 
énumérait 311 manuscrits, dont 13 onciaux, désignés par 
les chiffres romains de I à XIII, et 298 cursifs, désignés 
parles chiffres arabes de 14 à 311. — Swete, An Introd. 
to the Old Testant, in Greek, Cambridge, 1900, 2 e édit., 
p. 148-168, a cru devoir retenir pour les cursifs la nu- 



qu'ils sont désignés seulement par la mention vague : 
codex Dorothei, cod. Demetrii, cod. Eugenii, etc., il y a 
aussi des lectionnaires (37, 61, 132), des commentaires, et 
surtout des chaînes qu'il faudrait énumérer séparément 
et étudier par familles. Enfin la liste est encombrée de 
Psautiers qui n'ont souvent aucune valeur critique et on 
y rencontre des manuscrits copiés les uns sur les autres, 
ou sur un archétype commun, ou même sur des éditions 
imprimées. En défalquant les doubles et les non-valeurs, 
la liste de Parsons serait réduite de plus de moitié. 








3 



tiij 






PL 



f 



:*: 



|- : -jnf^^ 



.*!**»= État t ^.rT^-ti'4âÈ^if*-' 

17*. Y^i-n^*» iVrtuV*! 







r*s*--=-3 * a^i 



205. — Manuscrit grec daté de 1262. Bibliothèque nationale, gn.c 11", f 1*' Miif . xi, 25-30. 
Omont, Fac-simiiés des.montiscnte grecs datés de la Bibliothèque nationale, pi. lvi. 



mérotation de Holmes-Parsons, mais, à l'exemple de 
Lagarde, il désigne les onciaux par des lettres majus- 
cules, latines ou grecques. Il ajoute une liste d'une 
cinquantaine de cursifs sans numéros d'ordre et une 
liste de fragments onciaux encore dépourvus de sym- 
bole. — La notation de Holmes-Parsons est extrêmement 
défectueuse et il est à regretter que les nouveaux édi- 
teurs de Cambridge ne l'aient point changée. 10 codex, 
rangés parmi les cursifs, n°* 23, 27, 39, 43, 156, 188, 
190, 258, 262, 994, sont onciaux en tout ou en partie. 
9 manuscrits ( lx — 294; 73 = 237 ; 89 = 239; 94 = 131 ; 
109 = 302 ; 130 = 144 ; 186 = 220 ; 221 = 276 ; 234 — 311) 
sont comptés deux fois, sous des numéros différents. Il 
y a dans la liste un certain nombre de manuscrits qui 
pnt disparu ou qu'il est impossible d'identifier parce 



2° Distribution géographique. — Les 311 numéros de 
Holmes-Parsons se décomposaient ainsi : Italie 129, 
Angleterre 54, France 36, Autriche 26, Russie 23, Alle- 
magne 13, Espagne 7, Hollande 6, Suisse 6, Dane- 
mark 4. Ces résultats n'ont pas changé sensiblement 
depuis, car les monastères orientaux, si riches en ma- 
nuscrits du Nouveau Testament, se sont trouvés incroya- 
blement pauvres en manuscrits des Septante. A part les 
mss. suivants : Jérusalem, Saint-Sépulcre 2 (Heptateuque, 
Prophètes du ix c siècle); Athos, Pantocrator 24 (Hepta- 
teuque du X e siècle); Athos, Vatopédi 511 et 513 (Hepta- 
teuque et autres livres historiques du x e -xi l! siècle, et 
de 1021 respectivement); Athos, Lavra y 112 (Hepta- 
teuque de 1013) ; Sinaî 1 (Heptateuque du x^-xv siècle), 
l'Orient a donné peu de chose. Au contraire Paris a 



681 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



682 



fourni douze manuscrits nouveaux qui sont tous, il est 
vrai, des chaînes ou des commentaires. 

3» Onciaux. — Nous donnons ci-contre la liste des 
onciaux. Parmi eux quatre seulement contenaient la 
Bible entière. Ce sont le Sinaiticus, YAlexandrinus, le 
Vaticanus (moins l'Apocalypse) et le Codex rescriptus 
Ephrmmi (très mutilé). On a un manuscrit complet des 
Septante en réunissant le Basilianus N et le Venetus V, 
qui ne formaient originairement qu'un seul et même 
codex. Les autres ne contiennent qu'un livre, qu'un 
groupe de livres ou que des fragments de l'Ancien Tes- 
tament. — Les 18 fragments onciaux restés sans sym- 
bole, Swete, Introduction, 4 e édit., p. 140-142, ont une 
valeur assez secondaire. Un d'eux, le n° 14 (Zacharie, iv- 
xiv, Mal., i-iv), serait très important si, comme le préten- 
dait Hechler, Ninth Congress of Orientalists, Londres, 
1893, t. n, p. 331, il datait du m» siècle; mais il est plus 
probablement du vu* (fig. 202). 



d'annexer au Psautier. Le groupement des cursifs par 
familles n'est pas encore fait dans des conditions satis- 
faisantes ; on nous le promet pour la grande édition cri- 
tique des Septante en préparation à Cambridge. Déjà 
nous possédons le classement des chaînes qui consti- 
tuent une portion considérable des cursifs. Cf. Die Pro- 
pheten-Catenen nach rômischen Handschriften, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1899 (Biblische Studien, t. îv, fasc. 2 
et 3); Karo et Lietzmann, Catenarum Graecarum Cata- 
logus (extrait des Nachrichten der k. Gesellschaft der 
Wissenschaftenzu Gôttingen, 1902, fasc. 1, 3, 5, p. 1-66, 
299-350, 559-620). 

Ce sont les cursifs 108 (Vatican, grec 330, livres his- 
toriques) et 248 (Vatican, grec 346, Prophètes) qui, prêtés 
au cardinal Ximénez, ont servi à la première édition de 
l'Ancien Testament grec dans la Polyglotte d'Alcala. Les 
cursifs 29, 121, 68 (Venise, Saint-Marc, 2, 3, 5) furent 
employés par Asolanus pour l'édition de Venise de 1519. 



MANUSCRITS ONCIAUX DES SEPTANTE 



NOM USUEL. 



f * A lexandrinus. . 

f ' Vaticanus. . . . 
f * Ephrœmi rescript 

' Cottonianus. . . 

Bodleianus . . . 

Ambrosianus . . 

* Sarravianus . . 
Petropolitanus . 
Bodleianus . . . 
Lipsiensis. . . . 

* Vindobonensis. . 

* Coislinianus. . . 
'Basilianus. . . . 

Dublinensis. . . 

* Marchalianus. . 
' Veronensis . . . 

■{-"Sinaiticus. . . . 

' Turicensis. . . . 

Londinensis. . . 

' Venetus 

Parisiensis . . . 

Vaticanus. . . . 

Taurinensis. . . 

Tischendorf. . . 

Cryptoferrat. . . 

Bodleianus . . . 



Basileensis. . . . 
Dorothei II . . . 
Sangallensis. . . 
Sangermanensis. 
Sangermanensis. 
Monacensis . . , 
Lotharingus. . . 
Cantabrigensis . 



A 

B 

G 

D 

E 

F 

G 

H 

I 

K 

L 

M 

N 

O 

Q 

R 

S 

T 

U. 

V 

w 

X 
Y 
Z 

r 

A 



El" 
Gp> 
HM 
KP' 
Lp- 
Mp s 
Np* 



J B. 


AGE. 


III 


V" 


II 


IV e 


» 


V 


I 


V 


je 


[X e -X" 


VII 


v . 


IV + V 


V e 


» 


VI e 


xin 


IX' 


» 


VII" 


VI 


v-w 


X 


Vil" 


XI 


VIIlMX e 


VIII 


VI' 


X 


V I» 


)) 


VI* 


» 


IV" 


262 


VII" 


B 


VII' 


23 


VUI'-IX' 


43 


IX" 


258 


IX' 


» 


IX" 


s 


» 


» 


VIIIMX* 


» 


1V"-V 



LIEU ACTUEL ET COTE. 



156 
39 



188 
190 



27 
294 



Londres, Musée britan. Royal Mss. I. D. v-vm. 

Rome, Vatican, grec 1209 

Paris, Biblioth. nation., grec 9 

Londres, Musée britann., Cotton, Otho B. VI, 5-6 

Oxford, Bodléienne Auct. T. infr. II, 1 

Milan, Ambrosienne A. 147 inf. 

Leyde, Paris et Saint-Pétersbourg 

Saint-Pétersbourg, Biblioth. impériale 

Oxford, Bodléienne, Auct. D. 4.1 

Leipzig, Université, cod. Tischendorf II 

Vienne, Biblioth. impériale 

Paris, Biblioth. nat. Coislin, grec 1 . 

Rome, Vatican, grec 2106 

Dublin, Trinity Collège K. 3. 4 

Rome, Vatican, grec 2125 

Vérone, Chapitre de la cathédrale 

Saint-Pétersbourg et Leipzig 

Zurich, Biblioth. municipale 

Londres, Musée britan., Papyr. xxxvu 

Venise, Marcienne, grec 1 

Paris, Biblioth. nation., grec 20 

Rome, Vatican, grec 749 . ........... 

Turin, Bibliotb. nation., cod. 9 

Divers fragments publiés par Tischendorf. . . . . 

Grottaferrata, Abbaye E. p. vu 

Oxford, Bodléienne, Mss. Gr. Bibl. S. 2 .... . 



Autres psautiers onciaux. 



IX* 
IX" 



Bâle, Biblioth. de l'Université, A. vu, 3. . 

(Disparu) 

Saint-Gall, Abbaye 17 

Paris, Biblioth. nation-, Coislin, grec 186. 

Id., Id., Coislin, grec 187 

Munich, Bibliotb. royale, grec 251 . . . . 
Gotha (était autrefois en Lorraine) . . . . 
Cambridge, Emmanuel Collège 



CONTENU, 



Bible. 

Id. 

Bible (lacunes). 

Gen. (fragm.). 

Heptat. (fragm.). 

Heptat. (fragm.). 

Heptat. (lacunes). 

Nombres (fragm.). 

Psautier. 

Heptat. (fragm.). 

Gen. (fragm.). 

Heptat. Rois. 

Complète V. 

Isaïe (fragm.). 

Prophètes. 

Psaut. gr.-lat. 

Bible. 

Psautier. 

Psaut. (fragm.). 

Complète N. 

Psaut. (fragm.). 

Job. 

Petits Propb, 

Rois (fragm.). 

Proph. (fragm.). 

Daniel (fragm.). 



Ps. grec-lat. 

D 
Ps. CI-CL. 

Ps. xvm-LXXH. 

Ps. XVII-C1,. 

Psautier. 

Ps. I-LXX. 

Psaut. (fragm.). 



Dans ce tableau, les lettres qui suivent le nom des codêxsont celles qu'emploie P. de Lagarde pour désigner les onciaux 
dans Genesis grsece, etc., Leipzig, 1868,. et pour les Psautiers onciaux dans Novse Psalterii grseci editionis spécimen, 
Gœttingue, 1887, et dans Psalterium juxta Hebrseos Hieronymi, Leipzig, 1874. 

Lagarde appelle Wp* le Bambergensis, Bibliothèque de Bamberg 44 (jadis A. I. 14), qui est un psautier quadruple du 
x" siècle (gallicaD, romain, d'après l'hébreu, grec en lettres latines), n appelle Zp s le Cotoniensis, Cathédrale de Cologne 8, qui 
ressemble en tout au précédent, mais est moins ancien. Les chiffres sont ceux dont Holmes et Parsons ont introduit l'usage. 



4° Cursifs. — Peu de cursifs contiennent tout l'Ancien 
Testament. On cite comme exceptions les n° s 64, 68, 106, 
122, 131. La plupart ne contiennent qu'un livre ou qu'un 
groupe de livres et plus de la moitié n'ont que les 
Psaumes avec ou sans les cantiques qu'on avait coutume 



IV. MANUSCRITS GRECS DO NOUVEAU TESTAMENT. — 

1° Nomenclature critique. — Les premiers éditeurs du 
Nouveau Testament désignèrent par des symboles arbi- 
traires les codex dont ils se servaient. On trouve dans 
Scrivener et dans Gregory la liste des sigles employés 



683 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



684 



par leurs devanciers : Estienne, Wallon, FeiL, MiU, 
Bengel, Matîhaei, Birch. Von Sodés, Die Schriften des 
N. T., i902, t. I, p. 81-85, répète ces listes en y ajoutant 
celles de Scrivener et 4e Gregory eux-mêmes. — Wett- 
stein est l'auteur de U notation généralement suivie de 
nos jours. Il désigne les onciaux par des majuscules 
latines, — exceptionnellement par des majuscules grec- 
ques, — les cursifs par -des numéros. Les livres du 
Nouveau Testament sont divisés en quatre séries : 
1. Évangiles, 2. Actes et Épltres catholiques, 3. Paul, 
4, Apocalypse. Les mêmes lettres et les mêmes numéros 
peuvent se répéter dans chaque série, et pour ôter toute 
équivoque il est souvent nécessaire de compléter le 
sigle par un indice. Ainsi la lettre B désigne le célèbre 
codex du Vatican, mais comme il y manque l'Apocalypse, 
on appelle B^i** le texte de l'Apocalypse d'un autre 
manuscrit du vni« siècle conservé aussi au Vatican sous 
le numéro 2066, D«o est le Codex de Bète, Dp"» 1 est 
le Claromontanus ; E es est le Basileensis, E mt est le 
Laudianus, etc. Chacun des manuscrits onciaux n'est 
indiqué que par une lettre; mais les cursifs le sont par 
deux, trois et même quatre numéros différents, lorsqu'ils 
renferment deux, trois ou quatre divisions du Nouveau 
Testament. Par exemple 18 des Évangiles, 113 des Actes, 
132 de Paul, 51 ds l'Apocalypse ne sont qu'un seul et 
même manuscrit. Paris, Biblioth. nat., grec 47. C'est là 
un premier défaut de cette nomenclature; en voici un 
plus grand. Pour les cursifs des Évangiles, la liste de 
Wettstein comprenait 112 numéros, Birch la porta à 217, 
Scholz à 460. A partir de là, Scrivener et Gregory l'aug- 
mentèrent simultanément et indépendamment l'un de 
l'autre, de sorte que les numéros assignés par eux aux 
nouveaux manuscrits ne correspondent plus. Il en est 
de même pour les trois autres séries. — Von Soden a 
voulu remédier à ce manque d'accord et aux autres 
inconvénients de la nomenclature usuelle en introdui- 
sant une nouvelle notation destinée à rendre service, si 
elle était universellement adoptée ; mais qui mettra la 
confusion à son comble, si elle ne l'est que partiellement, 
comme sa complication le fait craindre. Il part, de ce 
principe juste qu'une bonne notation doit indiquer les 
caractères du codex les plus intéressants au point de 
vue critique, c'est-à-dire son âge et son contenu, son 
lieu d'origine ne pouvant pas le plus souvent être dé- 
terminé et son séjour actuel étant chose indifférente. 
Il n'emploie que des chiffres arabes précédés d'une des 
trois lettres grecques 8=Sia()7pu], quand le codex con- 
tient plus que les Évangiles, E=eùafyéXiov, quand il 
renferme seulement les Évangiles en tout ou en par- 
tie', a = àicôffToXoc, quand il ne contient pas les Évangi- 
les. La présence ou l'absence de l'Apocalypse est géné- 
ralement indiquée par le numéro lui-même. Dans 
chacune de ces trois séries, les 49 premiers numéros 
sont réservés aux manuscrits antérieurs au X e siècle et 
les numéros 50-99 aux manuscrits du X e siècle, qu'ils 
renferment ou non l'Apocalypse. Les numéros 100 à 199 
indiquent les codex du xr= siècle, 200 à 299 ceux du xii» 
et ainsi de suite. Il est entendu que dans chaque cen- 
taine les 50 premiers numéros sont affectés aux codex 
ayant l'Apocalypse. Ainsi le siglé «235 indiquera un 
codex du xii» siècle ne renfermant pas les Évangiles, 
mais ayant l'Apocalypse, 6375 un codex du xw sièele 
contenant le Nouveau Testament, mais non l'Apoca- 
lypse, etc. M. von Soden ne tient aucun compte de la 
distinction entre cursifs et onciaux qui lui semble pure- 
ment extérieure et matérielle. Plusieurs manuscrits sont 
moitié cursifs, moitié onciaux; quelques cursifs datés 
sont plus anciens que des onciaux également datés ; enfin 
la forme de l'écriture ne change rien à la valeur intrin- 
sèque des manuscrits. Ces raisons sont bonnes, mais il 
est probable que l'on continuera longtemps à désigner 
les grands onciaux par les lettres usuelles. On y est ha- 
bitué et c'est plus court et plus commode. Le Laudia- 



nus, E des Actes, devient dans la notation de M. von 
Soden a 1001, le Basileemis, E des Évangiles, e55. Ce 
système de notation algébrique, outre qu'il déroute le 
lecteur, est un peu long et compliqué. 

2» Statistique. — Gregory, Prtdegomena, etc., Leipzig, 
1884-1894, p. 337, donnait une liste de 88 onciaux dont 
66 contenaient en tout ou en partie les Évangiles, 15 les 
Actes, 7 les Épltres catholiques, 30 Paul, 5 l'Apocalypse. 
Mais il était presque aussitôt obligé d'y joindre un sup- 
plément, p. 441-450, où il énumérait les codex ou les 
fragments oncia u s découverts depuis. Sa liste des cursifs 
comprenait 1273 numéros pour les Évangiles, 416 pour 
les Actes et les Épltres catholiques, 480 pour Paul, 
183 pour l'Apocalypse. Il y joignait 936 évangéliaires et 
265 épistolaires. Dans les lectionnaires on ne distingue 
pas entre onciaux et cursifs. — Scrivener-Miller, Intro- 
duction, etc., 4» édit., Londres, 1894, t. i, p. 377, enre- 
gistrait 124 onciaux (Évangiles 71, Actes et Cath. 19, 
Paul 27, Apoc. 7) et 3667 minuscules (Évangiles 1021, 
Actes etCathol. 420, Paul 491 , Apoc. 184, évangéliaires 963, 
épistolaires 288), ce qui donne un total général de 3791 
textes. Mais il faut se rappeler que ces textes ne forment 
pas autant de volumes ou de fragments distincts, chaque 
volume pouvant compter pour plusieurs numéros. 
Miller, op. cit., t. i, p. 410, porte le nombre des manus- 
crits différents à 2 972 parmi lesquels 724 se trouvent 
dans les monastères orientaux de l'empire ottoman, 
644 en Italie, 438 dans l'empire britannique, 324 en 
France, 260en Palestine, 197 en Grèce, 140 en Allemagne, 
104 en Russie, etc. — Gregory, Textkritik des N. T., 
t. i, Leipzig, 1900, p. 18-123 (onciaux), p. 124-326 (cur- 
sifs), p. 387-478 (lectionnaires), augmente considérable- 
ment les listes précédentes. — Mais le catalogue le plus 
complet et le plus exact est celui de von Soden, Die 
Schriften des N. T., in ihrer âltesten erreiclibaren 
Textgestalt, Berlin, 1902, t. i. Comme il ne distingue 
pas entre onciaux et cursifs, qu'il compte à part les 
textes pourvus d'un commentaire et qu'il ne s'est pas 
encore occupé des lectionnaires, la comparaison avec 
ses devanciers est difficile. Son principal mérite est 
d'avoir revisé soigneusement les listes antérieures, d'en 
avoir exclu les manuscrits signalés par erreur, disparus, 
impossibles à identifier ou comptés plusieurs fois, etc. 
Les résultats sont les suivants : pour les Évangiles 
1 716 textes dont 277 commentaires, pour les Actes et les 
Épltres catholiques 531 textes dont 53 commentaires, 
pour saint Paul 628 textes dont 153 commentaires, pour 
l'Apocalypse 219 textes dont 66 commentaires. Ces textes 
sont compris dans 2 328 manuscrits distincts. Les lection- 
naires, nous l'avons dit, ne sont pas comptés. Dans un 
appendice daté du 30 octobre 1902, il ajoute une tren- 
taine de numéros. 342 codex sont catalogués par lui pour 
la première fois. 

3 e Onciaux du Nouveau Testament. — Les 45 manus- 
crits compris dans le tableau synoptique ci-contre ne 
représentent pas la totalité des onciaux. La lettre T mu- 
nie d'un indice (T b , T c , F', etc.) sert à désigner, outre 
le Borgianus, vingt-six autres fragments dont plusieurs 
se composent seulement de quelques versets ou même 
d'un seul verset (T s = Matth., 1, 1). La lettre W, aussi à 
l'aide d'indices, s'applique à quatorze fragments pareils 
et ainsi de suite. — Ces codex contenaient très rarement 
le Nouveau Testament entier. Faisaient exception le 
'Sinaiticus, VAlexandrinus, le Codex Ephrxmi resc. 
(très mutilé aujourd'hui), le Vaticanus, un manuscrit 
de l'Athos (Lavra 172) récemment découvert et désigné 
par la lettre W. Dans les deux derniers l'Apocalypse 
manque. C'est du reste l'Apocalypse qu'on rencontre le 
plus rarement dans les onciaux. Elle n'existe que dans 
n, A. C. (avec des lacunes équivalant à 171 [versets sur 
405). B"!"* et P. (le PorphyriamtSj avec quelques la- 
cunes). Les Épltres catholiques sont rares aussi. On ne 
les trouve en entier que dans s. A. B. K. Le S. et en 



685 



MANUSCRITS BIBLIQUES 686 

MANUSCRITS GRECS ONCÏAUX DU NOUVEAU TESTAMENT 



NOM USUEL. 



■f * Smameus. . . . 
■j- * Aleocanérinus. . 
■j- ' Vaticanug. . . . 
-j- " Epta-œrmi rescr.. 

f ' Bezse cod 

' Basileensis . ■ ■ 

Boreeli cod . . . 

WolfiiA 

WolfliB. .... 
f Cyprius 

* Regius 

Campianus . . . 

* Purpureus. . . . 
•Guelferbyt. A. . 
•Guelferbyt. B. . 
' Nitriensie . . . . 

Vaticanus. . . . 
' Borgianius . . . 

* Marcianus. . . . 
' Mosquensis . . . 

* Monacensis . . . 
Barberinus . . . 
Dublinensis. . . 
Tischendorf. IV. 

' Sangallemis. . . 
Tischendorf. III. 
Zacyntbius . . . 

* Petropolitan. . . 

* Rossanensis. . . 

* Beratinus. . . . 
\ Sinopensis. . . . 



f'Laudianus. . 
' Mutinensis . 
'Mosquensis . 
"Angelicus. . 
* PorvhyHanus 
Athous cod . 
"Patirensis. . 



f ' Glaromontanus . 
'■Semgermanensis. 
'Augiemis. . . . 
' Boernerianus . . 
Goislinianus. . . 
" Hamburgensis. . 



LIEU ACTUEL ET COTE. 



COMTES fi. 



« 


S2 


IV 


A 


84 


V 


B 


£ 1 


JV> 


C 


S 3 


V 


D 


S o 


VI' 


E 


■ 55 


VIII' 


F 


s 86 


IX" 


e 


« 87 


ÏX*-X* 


H 


i 88 


I5C'-X« : 


K 


i 71 


IX* 


L 


t 56 


vin* 


M 


i 72 


IX* 


N 


s 19 


vr 


P 


> 33 


VI" 


Q 


• 4 


V* 


R 


• 22 


VI' 


S 


s 89 


949 


T 


« 5 


V 


U 


t 90 


IX'-X' 


V 


s 75 


IX' 


X 


A 3 


IX'-X' 


Y 


i 59 


VIII* 


Z 


t 26 


VI* 


r 


s 70 


IX*-X' 


a 


i 76 


IX'-X' 


A 


t 77 


IX' 


E 


A< 


VIII' 


n 


s 73 


IX' 


E 


. 18 


VI* 


4> 


t 17 


VI* 


n 


i 21 


vr 



i.. Manuscrits contenant tes Évangiles. 



Saint-Pétersbourg, SBUfetsb. jropériaje 

Londres, Musée bri tannique 

Rome, Vatican, grec 1209. , 

Paris, Biblioth. nation., grec S 

Cambridge, BQflioth. de l'Université, Nn. II. 41 ... . 

Baie, Biblioth. de l'Université, A. N. III. 12 

Utrecht, Biblioth. de l'Université. 

Loodres et Cambridge 

Hambourg et Cambridge 

Paris, Biblioth. nation., grec 63 

H. Id. grec 62 

ld. Id. grec 48 

St-Pétersbourg, Paris, Rome, Patmos, Londres et Vienne. 
Wolfenbattel, Bibli.th. ducale, Weissenburg 64 ... . 

Id. Id. Id 

Londres, Musée britannique, addit. 17211 

Rome, Vatican, grec 354 

Vatican, Museo Borgiano 

Venise, Marciana I, 8 

Moscou, Saint-Synode 399 

Munich, Université Ms. fol. 30 

Rome, Vatican, Barberini grec 521 (jadis V. 17). . . . 

Dublin, Trinity Collège K. 3. 4 

Oxford et Saint-Pétersbourg 

Saint-Gall, Abbaye 48 

Oxford et Saint-Pétersbourg 

Londres, Société biblique 24 

Saint-Pétersbourg, Biblioth. impér. 38. 

Rossano (Calabre), Archevêché 

Bérat d'Albanie, Église Saint-Georges 

Paris, Biblioth. nation., suppl. grec 1286 



2. Manuscrits des Actes et des Épitres -catholiques. 
Voir S. A. B. C. D. des Évangiles. 

.Oxford, Bodléïenne, Laud, 35. . . . . .. 

Modène, Bibliothèque ducale 

Moscou, Saint-Synode 98.. ....... 

Rome, Augelica 39 (jadis A. 2. 15) . . . 
Saint-Pétersbourg, Biblioth. impér. 225. 

Athos, 'Laure 88 

flome, Vatican, grec 2061 



E 


a 10O1 


VI' 


H 


«6 


IX* 


K 


/' 


Ht' 


L 


> 5 


IX* 


P 


» 3 


IX* 


S 


« 2 


VIII'-IX' 


2 


« 1 


V" 



Bible. 

Id. 

là.- 

Biltle (lacune). 

Évang. Actes. 

Kvang. 

Id. 

H. 

Id. 

Id. 

Id. 

Id. 

Évang. (fi'ogm.). 

Id. 

Id, 

ld. 

Évang. 

Évang. (fragra.). 

Évang. 

Id. 

Évang. (comment.). 

Jean (fragm.). 

Évang. (fragm.). 

Evang. 

Id. 

Id. 

Évang. (fragm.). 

Evang. 

Id. 

H. 

Matth. (fragm.). 



Actes. 
Id. 
Act.Cath. Paul. 
Id. 
Id. 
Id. 
-Id. 



3. Manuscrits des Épitres de S. Paul. 
Voir N. A. B. C. des Évang. K. L. P. S. "i des Actes. 



D 


« 1026 


VI* 


E 


a 1027 


IX* 


F 


K 1029 


IX* 


G 


a 1023 


IX* 


H 


« 1022 


vr 


M 


« 1031 


IX* 



Paris, 'Biblioth. nation., grec 107 

Saint-Pétersbourg, Biblioth. impér. 20 

Cambridge, Trinity Collège B. X.VTI, 1 . . . . 

Dresde, Biblioth. royale A. 145' 

Paris, Kiew, Saint-Pétersbourg, Moscou, Turin 
Hambourg et Londres 



Paul. 
Id. 
M. 
id. 
Id. 
Id. 



4. Manuscrits de VApocafyjpse. 
Voir «.A. C ,des ÉvangBeSj P des Actes. 



* Vaticanus. 



« 1070 I vm'-JX* 1 Rome, "Vatican, grec 2066 



.1 .Appc. 



majeure partie dans C. P. Les Actes sont un peu mieux 
représentés : k. A. B. E. P. les contiennent en entier ou 
çcesque en .entier; C. D. H. L. en majeure partie. Les 
Épitres de saint Paul «ont presque en entier dans &. D. L. 
«t en majeure partie dans A. B.C. K. F..fi. jL'P.jimaisf! 
devrait être .banni de la liste des autorités, ..car m «'est 
qu'une copie fautive de D. Les Évangiles sont sans 



«ûBftpaïaJsoo la partie du Nouwea* Testament Ja «weui 
traitée. 

¥ Curaifs du Ncwmu Testament. — ©km tpi'en 
général postérieurs aux oneiaux, les eursifs peu,vent 
.asoir pius de valeur au point de vue .critique, quand ils 
sont copiés sur un meilleur archétype. Mais l'espèce de 
superstition qui s'attache aux premiers leur a souvent 



687. 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



nui et on ne leur a prêté jusqu'ici qu'une médiocre 
attention. Beaucoup d'entre eux n'ont pas encore été 
collationnés ou ne l'ont été que négligemment; plusieurs 
ne sont connus que pour figurer dans les listes des ma- 
nuscrits. — La première chose à faire serait de les 
ranger par familles et d'en établir soigneusement la 
généalogie et la parenté. Ce travail est déjà commencé. 
Ferrar avait reconnu que les codex désignés dans la 
série des Évangiles par les n M 13, 69, 124, 364, formaient 
groupe à part et dérivaient d'un même archétype. Cf. 
Abbott, A collation of four important Mss., Dublin, 
1877; Martin, Introduct. à la critique textuelle du N. T., 
t. m, Paris, 1885, p. 188-206; Rendel Harris, Further 
researches into the history of the Ferrar-group, Lon- 
dres, 1900. Un trait commun à ce groupe, c'est que le 
passage de l'adultère, Joa., vin, vient après Luc, xxi, 38. 
On a depuis adjoint à ce groupe quelques autres codex, 
comme Evang. 556 et 561 (d'après la notation de Gregory 
543 et 713). — On a fait un travail analogue pour un 
autre groupe Évang. 1, 118, 131, 209. Cf. Kirsopp Lake, 



talogués. Plus de cent évangéliaires "sont onciaux, ainsi 
que six ou sept êpistolaires. Mais il est à noter que 
l'onciale se conserva dans l'usage liturgique beaucoup 
plus tard que pour les ouvrages ordinaires. Les livres 
liturgiques onciaux du xi° siècle ne sont pas rares et on 
en trouve jusqu'au XIV e siècle qui s'efforcent d'imiter 
l'écriture archaïque. — Très peu de lectionnaires ont 
été sérieusement collationnés. Scrivener, Introduction, 
4« édit., 1894, t. i, p. 327-376, les signale dans sa liste. 
Nous ne croyons pas utile de les mentionner. 

IV. Manuscrits latins. — /. paléographie. — Les 
caractères paléographiques, plus tranchés en latin qu'en 
grec, permettent le plus souvent de déterminer avec 
assez de précision l'âge et la patrie primitive des ma- 
nuscrits latins. On distingue cinq espèces d'écriture 
latine : la capitale, l'onciale, la semi-onciale, la minus- 
cule et la cursive. 

1° La capitale, l'écriture des inscriptions, qu'on sub- 
divise en capitale carrée et en capitale rustique, fut 
assez usitée pour la transcription des ouvrages classiques. 



r iifrfbtiiît^|tta" ceinte 

t 

oc wt^^tn^nçi^o^xi^ 



206. — Écriture lombarde du x" siècle. Joa., i, 1-2. Codex cxxvn du Mont-Cassin. 
Bibliotheca Casinensis seu Codicum manuscriptorum qui in tabulario Casinensi asservantur séries, t. m, en face de la p. 166. 



. Codex 1 of the Gospels and its Allies, Cambridge, 1902 
(dans Texts and Studies, t. vu, fasc. 3). La conclusion 
est que ces quatre manuscrits dérivent d'un ancêtre 
commun. — Le ms. grec 97 de la Biblioth. nationale 
(xm e siècle), signalé comme important par Martin, vient 
d'être étudié par Schmidtke, Die Evangelien eines alten 
Unzialcodex, Leipzig, 1903, et comparé au groupe B. n. 
C. L. A. T. 33, 892, qui représenterait la recension d'Hé- 
sychius. — Gregory, Prolegomena, p. 476 et 478, signale 
une autre famille de textes dans les n° s 47, 54, 56, 58, 
61, 109, 171, des Évangiles. Les n° s 4 et 273 des Évan- 
giles paraissent frères jumeaux. C'est par des travaux de 
comparaison de cette espèce qu'on fera avancer la cri- 
tique textuelle du Nouveau Testament. 

5° Lectionnaires. — Ils sont désignés, nous l'avons dit, 
par des chiffres arabes sans distinction de cursifs et 
d'onciaux. A part de rares exceptions, ils ont été très 
peu étudiés jusqu'ici. C'est à tort, croyons-nous. Beau- 
coup sont anciens et les petites modifications exigées 
par l'usage liturgique (telles que la formule : En ce 
temps-là) n'ont pas sur le texte une influence sérieuse. 
Gregory, Textkritik, etc., 1900-1902, p. 387-478, donne 
une liste d'évangéliaires comprenant 1 077 numéros (une 
dizaine de numéros sont libres, parce qu'un manuscrit 
leur avait été assigné par erreur; mais en revanche une 
vingtaine de numéros sont assignés à deux ou plusieurs 
manuscrits). Il y a pour les êpistolaires 287 numéros plus 
46 manuscrits portant le même numéro que Pévangéliaire 
correspondant : ce qui fait en tout 303 êpistolaires ca- 



On cite surtout le Virgile romain et le Virgile palatin du 
Vatican, le Virgile de Médicis, celui de Saint-Gall, le 
Prudence de Paris, le Térence de Bembo, etc. La plus 
grande diversité d'opinion règne parmi les critiques au 
sujet de l'âge de ces manuscrits. Très peu de codex 
bibliques sont en capitales et ils appartiennent à une 
époque où la capitale avait cessé d'être d'un usage com- 
mun, même pour les manuscrits de luxe. Le célèbre 
Psautier d'Utrecht à trois colonnes, en capitale rustique 
mêlée d'onciale, et le début du Psautier de saint Augus- 
tin (Musée britan. Vespas. A. I) ne remontent pas au 
delà du ix e siècle et ne sont qu'une imitation assez ma- 
ladroite. En général la capitale ne sert que pour les 
titres. 

2° Dans Yonciale, à la différence de la capitale, cer- 
taines lettres (A, D, E, H, M, V) prennent une forme 
arrondie. Le Vercellensis, du iv 8 siècle, le plus ancien 
manuscrit latin de la Bible, présente l'un des plus beaux 
spécimens de ce type. Voir aussi les fac-similés du Codex 
Bezse, 1. 1, col. 1770, et du Claromonlanus (au mot Canon, 
t. M, col. 147) pour le VI e siècle, du Laudianus, col. 127, 
pour le VII e , de VAmiatinus, t. i, col. 481, pour le com- 
mencement du vm e . L'onciale dura jusqu'au vm 8 siècle, 
époque où elle fut supplantée par la minuscule Caroline; 
elle subsista quelque temps encore pour les manuscrits 
liturgiques et fut employée même beaucoup plus tard 
pour les titres des livres ou des chapitres. L'onciale subit 
une détérioration graduelle, mais l'évolution fut lente et 
l'aspect général n'est pas très différent. Pour distinguer 



689 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



690 



l'âge, il faut tenir compte de la qualité du parchemin, 
des abréviations plus ou moins nombreuses et fixer son 
attention sur quelques lettres typiques telles que F, H, 
L, M, . N, P, R, T. Les traits forcés, exagérés, superflus 
ou ajoutés en guise d'ornement, sont tous signes d'une 
ancienneté moindre, mais la question est délicate et de- 
mande beaucoup d'expérience. Cf. E. Châtelain, VncialU 
scripturœ codicum Latinor., l re partie, Paris, 1901 
(nombreuses planches, parmi lesquelles se trouvent une 
quinzaine de reproductions de manuscrits bibliques, 
avec notices explicatives). 

3" La semi-onciale fut employée concurremment avec 
l'onciale du v e au IX e siècle. Elle s'en distingue moins 
par l'aspect général que par la forme minuscule de cer- 
taines lettres b, d, e, m, et surtout r et s. Ce furent les 
Irlandais qui l'employèrent le plus pour la transcrip- 
tion du Nouveau Testament et qui l'importèrent avec eux 
dans leurs migrations sur le continent à Luxeuil, à 



qu'au xm e . Le fameux Cavensis est espagnol par son texte 
et lombard par son style. On trouve de nombreux spéci- 
mens de cette écriture magnifiquement reproduits dans 
la Bibliotheca Casinensis, t. i, Mont-Cassin, 1883; t. v, 
en cours de publication. — L'écriture visigothique 
régna en Espagne du vm e à la fin du XI e siècle. Ses 
chefs-d'œuvre : le Complutensis i, le Legionensis i et 
il, XMmilianeus, la Bible de Rosas, sont du IX e et du 
x» siècle; le Toletanus appartient peut-être au vin». Voir 
Ewald et Lœwe, Eccempla scriptural visigothicse, Heidel- 
berg, 1883 (40 planches photographiques). — A côté de 
la demi-onciale dont il a été question ci-dessus, les 
Irlandais firent usage d'une minuscule pointue, angu" 
leuse, qu'on rencontre par exemple dans le Book of 
Dimma (vni« s.), dans le Book of Armagh (ix e s.) et 
dans les Évangiles de Lambeth ou de Macdurnan 
(ix e -x e s.). — Nous n'avons rien dit de l'écriture anglo- 
saxonne, parce qu'elle manque d'originalité. Elle subit 



iNCIfïT ÏVlSTOLk J\uLl 

wLvjf AÛKrdvy K r m ssnqm ut 

i ' : - t * — *"jL~- t 

pxflr*?- A'Jtïc fWth-o tfctï xii> * jj rvrtl Ç igp SX& 
gg^?i^an\zionemi?w&m : auod efrtf pfrmin en 




207. — Ecriture de Hartmot, abbé da Saint-Gall (872-883), d'après un manuscrit du British Muséum, addit. U95?.] 
Commencement de l'Epitre apocryphe aux Laodiciens. ICenyon, Fac-similés of Biblical Manuscripts, pi. xvi. 



Wurzbourg, à Bobbio, à Saint-Gall (flg. 207), etc. Le 
Book of Kells est un modèle de demi-onciale; les Évan- 
giles de Lichfield ou de Saint-Chad et les Évangiles de 
Macregol en offrent aussi des spécimens remarquables. 
Il semble que les Irlandais n'ont jamais pratiqué l'on- 
ciale, car les Évangiles de saint Kilian à Wurzbourg, 
en belle onciale du vu 8 siècle, ne témoignent en rien 
d'une origine irlandaise. Voir E. Châtelain, Uncialis 
script., 2« partie, Paris, 1902. 

4. La minuscule et la cursive sont souvent confondues 
dans le langage. A proprement parler, la cursive, carac- 
térisée par la liaison des lettres et la simplification de 
certains traits, a toujours existé à côté des autres genres 
d'écriture. Les inscriptions et les tablettes de Pompéi 
nous offrent des exemples de majuscule cursive. Tandis 
que l'onciale et la demi-onciale conservent une ceiv 
faine uniformité malgré la différence des pays où on'Ies 
emploie, la minuscule se divise en écritures nationales 
très nettement tranchées. On distingue surtout les quatre 
espèces suivantes : mérovingienne, lombarde, visigo- 
thique, irlandaise. Nous ne parlerons pas de l'écriture 
'mérovingienne, contournée, allongée, difficile à lire, 
parce qu'elle fut usitée principalement pour les chartes 
et diplômes et rarement pour la transcription de la 
Bible. — L'écriture lombarde (fig. 208) fut cultivée sur- 
tout dans les monastères de la Cava et du Mont-Cassin. 
Elle atteignit sa perfection du ix« au XI e siècle et dura jus- 



dans le midi l'influence italienne et dans le nord l'in- 
fluence irlandaise. Voir Westwood, Fac-similés... of 
Anglo-Saxon and Irish Manuscripts, Londres, 1868; 
Maunde Thompson, Palœography, dans Encyclopsedia 
Britannica, 9 e édit., Edimbourg, 1885, t. xviu, p. 157- 
160. — Dans les dernières années du vm e siècle fut 
inauguré en France et principalement à Saint-Martin 
de Tours, dont Alcuin était abbé, un nouveau genre 
d'écriture dont l'élégance n'a d'égale que la simplicité 
et la netteté (fig. 209). L'écriture Caroline, comme on 
l'appelle du nom de Charlemagne, supplanta graduelle- 
ment les écritures nationales dans les divers pays de l'Eu- 
rope. Elle ne cessa pas d'évoluer jusqu'à devenir, après 
avoir subi une transformation complète, cette écriture 
gothique, serrée et compacte, remplie de liaisons et 
d'abréviations que nous présentent les manuscrits du 
xni« siècle (fig. 208). A partir de cette époque les Bibles 
latines, reproduisant purement et simplement le texte 
parisien, n'ont plus beaucoup d'intérêt au point de vue 
critique. — Outre les ouvrages cités ci-dessus à propos 
des divers genres d'écriture latine, et ceux qui ont été si- 
gnalés à la fin du paragraphe précédent, voir : Steffens, 
Entwickelung der lateinischen Schrift bis Karl den 
Grossen, Fribourg (Suisse), 1903; Wessely, Schrifttafeln 
zur alteren lateinischen Paléographie, Leipzig, 1898; 
Tangl, Schrifttafeln zur Erlernung der latein. P<fr 
lœogr., Berlin, 1S97-1898. 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



n. anciennes versions z£tines. — 1» Nomenclature 
critique. — Les textes de l'Ancien Testament d'après les 
tersions antérieures à saiat Jérôme n'ont pas de sym- 
bole généralement Teçu. Ceux du Nouveau sont désignes 
en critique paT des minuscules italiques avec ou sans 
indice. Mais, le nombre des manuscrits augmentant de 






208. — Écriture du xni' siècle. Gen., i, 1-3. D'après le manuscrit 
Royal 1. D. 1 du Musée britannique. Kenyon, Fac-similés of 
Biblical Mamtseripts in the British Muséum, Londres, 1900, 
pi. XJX. 

jour en jour, ce système de notation deviendra bientôt 
très incommode. Il est vrai que la plupart ont un nom 
conventionnel qui se rapporte à leur histoire ; mais il y 
-a eu tant de codes appelés Sangallensis ou Vitidobonensis 
que ces désignations vagues ne suffisent pas à les distin- 
guer des autres. Dans les manuscrits grecs-latins la 
majuscule indique le texte grec; la minuscule italique 
•correspondante, le texte latin. Ainsi e désigne le texte 
latin du Laudianus E act et aussi le latin du Sanger- 
manensis E™ 1 , tandis que la même lettre e est déjà 
affectée au Palalinus des Évangiles. Encore un exemple 



la Vulgate, parce qu'ils sont trop nombreux. 2° Plusieurs 
codex dont an a perdu la trace (fragments de Fleury, 
Job, XL, 3*9; VaUicelHanns B. vu, contenant Esther, i-il, 
d'après une ancienne -version ; Pechianus contenant des 
fragments d'Esther). 8» Quelques antres fragments peu 
importants ou encore peu connus (Gen., xxv, 20-xxvm, 
8, publié par Oonybeare; Gen., su, 17-xm, 14, xv, 2-12, 
publié par Belsheim ; 1 Sam, il, 3-10, publié par Berger; 
I Sam., is, 1-S; xv, 10-18; II Sam., «, 29-m, 5; I fteg., 
v, •2-9, publié par Weissbrodt; II 6am., x, l'8-xi, 17,-ïiv, 
17-30, publié par Haupt). 

N'est pas non plus compris dans la liste le Spéculum, 
dit, à tort, de saint Augustin, qui est désigné en critique 
par la lettre m et qui se compose .d'extraite des livres de 
la Bible d'après une ancienne version. Il est représenté 
par une vingtaine de manuscrits, dont le principal est le 
Sessorianns (Rome, Bibliothèque nationale, Tondo 'Ses- 
soriano 58) du vin» ou du ix» siècle. — Mff r Batilïol a 
reconnu le premier que les fragments de Coire ai ont fait 
autrefois partie du même manuscrit que les fragments 
de Saint-Gall n. Il serait donc logique de les désigner 
par le même symbole, soit n (a parte potion), soit ai si 
l'on tient à indiquer la parenté avec le Vercellensis a. 
Mais il n'y a aucune raison pour donner, comme Gregory, 
Textkritik, etc., p. 600, le même symbole aa aux frag- 
ments o et p qui n'ont d'autre rapport avec n que le 
fait d'être reliés dans le même recueil (Saint-Gall, 
Abbaye 1394). (Voir tableau ci-contre, col. 693.) 

///. manuscrits de la vuloate. — 1° Nomenclature 
critique. — On désigne les principaux manuscrits de la 
"Vulgate par un nom latin relatif à leur histoire ou par 
les premières lettres de ce nom : Amiatinus ou am, Fui- 
demis ou fuld, fu, etc. C'est surtout Tischendorf qui a 
répandu l'usage de ces abréviations, adoptées aussi par 



F- 



"_ g - -"" = - - - # - - *? ~ - - — _— !_ - - ■-- 

*k H** -s ni t&**%z f &i 




209. — Écriture Caroline du Bf sièele. Bfble de Grandval. Is., t, 10-12. British Muséum, addit. 10546. 
Kenyon, Fac-similés of Biblical Mantwcripts, pi. xtv. 



■des complications, des anomalies et des équivoques de 
la notation actuellement en usage. 

2» Kestes des anciennes versions. — On.sait que parmi 
les deutéroeanoniques, les livres de Judith et de Tobie 
ont été seuls traduits par saint Jérôme sur un texte 
chaldéen. Baruch, la Sagesse, l'Ecclésiastique, les deux 
livres des Machabées, les fragments deutéroeanoniques 
•d'Esther et de Daniel sont passés dans la Vulgate sans 
révision. D'assez nombreux manuscrits nous ont con- 
servé une ancienne traduction de Judith et de Tobie et, 
pour plusieurs des autres, nous possédons aujourd'hui 
nne version complète ou partielle différente de celle qui 
fut admise dans la Vulgate. Voir Latines (Versions), 
t. IV, col. 104-106. Dans la liste ci-jointe, rédigée dans 
nn but d'utilité pratique, nous énumérons les reliques 
préhiéronymiennes de l'Ancien et du Nouveau Testa- 
ment. Nous exceptons toutefois : 1° Les livres deutéro- 
eanoniques non traduits par saint Jérôme ainsi que la 
_plupart des textes de Judith et de Tobie qui diffèrent de 



Berger. Un certain nombre de codex ont an nom con- 
ventionnel : Book of Lindisfame, Pentateuque de Tours, 
Bibles de Charles le Chauve. Pour désigner les autres 
il faut indiquer la hibliothèque où ils se trouvent avec 
leur cote actuelle. Wordsworth désigne par des majus- 
cules latines, simples ou doubles, les 40 manuscrits 
coîlationnés par lui en vue de l'édition critique de la 
Vulgate. — 2" Nombre. — Le nombre des manuscrits de 
la Vulgate, déposés dans les bibliothèques publiques ou 
possédés par des particuliers, est fort considérable. On 
a pu 'sans trop d'invraisemblance l'évaluer à S 000 exem- 
plaires. Nous en avons compté plus d'un .millier dans 
les grandes .bibliothèques de Paris. Il n'existe pas de 
liste .complète, parce que le travail qu'elle exigerait serait 
sans proportion avec le résultat obtenu : la grande majo- 
rité des copies, postérieures au xir 3 siècle, n'ayant 
presque aucune valeur critique et n'étant que des re- 
productions plus ou moins fautives du texte parisien. 
Gregory, Textkritik des N. T., Leipzig, 1902,"t. n, p. 634- 



693 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



MANUSCRITS DE L'ANCIENNE VERSION LATINE 



NOM 13SUEL. 



* Lugdunensis . . 
'Monacensis I. . 

Wireeburgensis I 

Ottobonianus . . 

Monacensis II. . 

Complutensis . . 

Corbeiensis 1. . 

Legionensis. . . 

Vindobon.palimps. 



Veronensis. . . 
Sangermanensis 
Sangallensis . . 
Wireeburgensis II 
Ms. deWeingarten. 



' Vercellensis. . . 

Curiensa frag. . 
' Veronensis . . . 
' Colbertinus . . . 
'Bevs Codex. . . 
'Palatinus. . . , 

Briœianus. . . . 

Corbeiensis II. . 

Corbeiensis III . 

Sangermanensis 

Sangermanensis 

Claromont. Vatic 

Vindobonensis. . 
' Saretianus ... 
'Bobiensis. ... 

Rehdigeranus. . 

Sangall. fragm. I 

Sangall. fragm. II. 

Sang ail. fragm. III. 
'Monacensis. . . 
' Dublinensi8. . . 

Ambros. fragm. 

Bernens. fragm. 

Vindob. fragm . 

Aureus Holm. . 
'Sangallensis. . . 



•"Laudianus . . 

Corbeiensis. . 
'Gigas libror . 

Mediolanensis. 

Palimps.deFleury. 
'Monacensis. . 

Ms. de Perpignan 

Palimps.dcBobbio 



' Claromontanus. 
' Sangermanensis 
' Augiensis. . . . 
' Bœrnerianus . . 
Guelferbytanus . 
'Monacensis. . . 



b 
c 
d 
e 
f 

m 
m 

9i 
9t 
h 
i 
j 
h 
l 
n 
o 
P 
1 
ri 



ff 

g 

h 
« 
P 



d 
e 
f 
B 
gue 



1.IEO ACTUEL ET COTE. 



CONTENU, 



I. Ancien Testament. — 1. Livres historiques. 



VI' 

■v-vr 

vr-vir 

vm° 

IX' 
IX' 

X' 

V 



vr 

VI" 



Lyon, Biblioth. publique, 54 

Munich, Biblioth. royale, lat. 6225. . 
Wurzbourg, Université 64 a . . » , 

Vatican, Ottoboni, lat. 66 

Munich, Bihlioth. royale, lat. 6239. . 
Madrid, Biblioth. de l'Université 31. 
Paris, Biblioth. nation., lat. 11549. . 

Léon, San-Isidro 

Vienne, Biblioth. imper 



Libres poétiques et prophétiques. 

Vérone 

Paris, Biblioth. nation., lat. 11947 

Saint-Gall, Abbaye 912. 

Wurzbourft, Biblioth. de l'Université 64 a 
Fnlda, Darrnstadt et Stuttgart 



II. Nouveau Testament. — 1. Évangiles. 



IV" 

v-vr 

1V'-V 

xr-xir 

VI" 

v* 

VI' 
X" 

vr-vir 
vnr-ix' 

X' 

v* 

VI" 

V 

V'-VI" 

VII' 

V-vï* 

VII' 

vir-vjir 
vr-vn" 

vr-vir 
vi« 

v 

VII' 

VII'-VIII* 

IX" 



vu- 

X' 

XIII' 
X"-XÎ' 

VI' 

VI'-VII' 

XII' 

V'-VI" 



VI' 

IX'-X* 

IX' 

IX' 

VI* 

v-vr 



Verceil, Cathédrale 

Goire, "Musée rhétique 

Vérone, Biblioth. du Chapitre 

Paris, Biblioth. nation., lat. 254. 

Cambridge, Biblioth. de l'Univers. Nn. 2. 41 

Vienne, Biblioth. impér. H85 

Brescia, Biblioth. du Chapitre 

Saint Pétersbourg, Biblioth. impériale 

Paris, Biblioth. nation., lat. 17225 

— — lat. 11553 

— — lat. 131A9 

Rome, Vatican, lat. 7223 

Vienne, Biblioth. impér. 1235 

Abbaye du Mont-Cassin (provisoirement) 

Turin, Biblioth. nation. 6. VII, 15 (endommagé par I'in- 

Breslau [cendie) 

Sa'int-Gall, Abbaye, 1394 



Munich, Biblioth. royale, lat . 6224 . 
Dublin, Trinity Coll. A. IV. 15 . . . 
Milan, Ambrosienne, C. 73 inf . . . 
Berne, BiMioth. de l'Université 611 . 
Vienne, Biblioth. impér. lat. 502. . 

Stockholm, Biblioth. royale 

Version latine du codex grec-latin A. 



2. Actes et Épitres catholiques. 

Version latine du codex grec-latin "E 

Sa'mt-PétiersboTirg, Bibttotb. impér. Qv. I. 39. 

Stockholm, Biblioth. r-ayile 

Milan, Ambrosienne 

Paris, Biblioth. nation., lat. 6400 G 

Munich, Bihlioth., lat. 6436 

Paris, Biblioth. nation., lat. 321 . . 

Vienne, Biblioth. impér., lat. të 



De plus $ des Évangiles. 

3. Epitres de saint Paul. 

Version latine du codex grec-latin D 
Version latine du codex grec-latin E. 
Version latine du codex grec-latin F. 
Version latine -dn codex grec-latin G. 
WoltenbâtteL Weiasenbitrg ,64. . . 
Munich, Biblioth. royale, lai. 643G. . 



Heptateuque. 
Pentat. (fragm.). 

la. 

Gen. Ex. (fragm.). 

Tob. Judith. Esth. 

Rufh, Judith. 

Ësther, Judith. 

Fragm. divers. 

Rois (fragm.). 



Psautier. 

H. 

Jérém. (fragm.). 

Proph. (fragm.). 

Proph. (fragm.). 



Evang. 

Luc (fragm.). 

Évang- 

Id. 

Évang. Act. 

Évang. 

Id. 

Matthieu. 

Évang. 

Id. 

Id. 

Matthieu. 

Évang- 

Jean (fragm.). 

Matt. Marc (fcagm.). 

ÉvifflS- 

Évang. .(fraigm.). 

Marc, xvjj 14-20. 

Jean, xl, 16-44. 

Évang. (muta.). 

Évang. 

Luc (fragm.). 

Marc (fragm.). 

Jean (fragm.). 

Évang. 

Id. 



Actes. 

Jacques. 

Act. Apec. 

Art. (fragm.). 

Act. cath Apoc. 

Cath. (fragm.). 

Act. (parties). 

Act. (fragm.). 



Paul. 
Id. 
Id. 
Id. 
Paul (fragm.). 
Id. 



4. Apocalypse. (Voir g et h des Actes.) 



695 



MANUSCRITS BIBLIQUES 



696 



729, tout en ne s'occupant que du Nouveau Testament 
et des codex conservés dans les bibliothèques publiques, 
énumère 2369 manuscrits. Il ne prétend nullement 
donner une liste complète. — 3° Classification. — La 
classification généalogique est la plus scientifique. Grâce 
aux travaux de Berger, de Wordsworth et d'autres savants, 
elle est aujourd'hui possible pour les manuscrits impor- 
tants. Elle concorde assez exactement, pour la Vulgate, 
avec la classification géographique. Nous avons essayé 
dans le tableau ci-joint de combiner les deux systèmes. 



Notre liste comprend : 1. tous les manuscrits colla- 
tionnés par Wordsworth en vue de son édition cri- 
tique de la Vulgate; 2. les principaux représentants 
des diverses écoles critiques et paléographiques; 3. un 
certain nombre de manuscrits qui doivent à une cir- 
constance historique leur intérêt ou leur célébrité, S'il 
s'est glissé dans le choix un peu d'arbitraire, il ne pou- 
vait guère en être autrement. Du reste nous n'entendons 
rien préjuger ici sur le classement des manuscrits selon 
les recensions et les écoles qui sera fait à l'article Vulgate. 



PRINCIPAUX MANUSCRITS DE LA VULGATE 



NOM USUEL. 



* Toletanus. . . . 

* Cavensis 

Complutensis I . 
Complutensis II. 
Complutensis III 

' Legionensis I . . 
'Legionensis II. . 
'Legionensis III . 

JEmilianeus. . . 

Bible de Rosas. . 

Bible de Huesca . 



'Fuldensts. . 

' Forojuliensis 
Peru&inus. . 
Mediolanensis 
Harleyanus 



'•' Amiatinus. . . . 

cccc 

Év. de S. Augustin 
Stonyhurstensis. 
Dunelmensis . . 
' Lindisfarnensis . 
Fragm. d'Utrecht. 



Book of Armagh 
Book of Mulling. 
Book of Burrow. 
' Book of Kells . . 
Book ofSt. Chad. 
B. ofMac Durnan 
Book ofMac Regol 
Egertonensis. . . 



" Bigotianus . . . 

Epternacensis. . 
' Év. de Mayïngen . 

Sangermanensis. 

Harleyanus. . . 

Év. de S. Gatien. 

Év. de S. Martin. 



* Colbertinus . . . 
Aniciensis. . . . 
Bible de Mazarin. 



A 
X 

o 

s 
à 
Y 
U 



LIEU ACTUEL ET COTE. 



CONTENU. 



T 


toi 


vnr 


C 


cav] 


IX" 


» 


compl. i 


IX' 


B 


compl. 2 


IX'-X" 


B 


compl. 3 


xir-xnr 


» 


leg. < 


X" 


B 


leg.* 


X* 


B 


leg. 3 


XI" 


b 


mm 


x." 


R 2 


B 


X' 


B 


ose 


xir 



/. TEXTES ESPAGNOLS 

Madrid, Biblioth. nation 

Abbaye de la Cava (Italie), 14 ... . 
Madrid, Biblioth. de l'Université, 31. . 

Id. H. 32. . . 

Id. Id. 33-34.' 

Léon, Archives de la Cathédrale. ... 

Léon, Archives de San-Isidro 

Id. 

Madrid, Académie d'histoire, F. 186. . 

Paris, Biblioth. nation., lat. 6 

Madrid, Musée archéologique. . . . * . 





F 


fuld 


VI" 




J 


for 


vi'-vir 




P 


pe 


VI'-VII" 




M 


ambr 


VI' 




Z 


harl 


VI'-VII" 



TEXTES DE TYPE ITALIEN 
1. Textes copiés en Italie. 

Abbaye de Fulda 

Gividaie (Frioul) et Prague et Vienne. 
Pérouse, Biblioth. du Chapitre .... 
Milan, Ambrpsienne, C. 39 inf. . . . 
Londres, Musée britann. Harley 1775 . 



2. Textes copiés en Angleterre. 



am 


vnr 


» 


VII" 


bodl 


VIII' 


ston 


vu" 


dunelm 


VIII" 


lind 


vnr 


B 


vir-vm' 



Florence, Laurentienne 

Cambridge, Corpus Christi Coll. 286 

Oxford, Bodléienne, Bodl. 857 et Auct. D.'II. 14. 

Stonyhurst, Collège des Jésuites 

Durham, Biblioth. du Chapitre A. 2. 16 

Londres, Musée britan. Nero D. IV 

Reliés avec le n Psautier d'Utrecht » 



D 


arm 


IX" 


» 


mull 


IX' 


» 


durm 


VIII" 


Q 


ken 


IX' 


L 


lich 


vnr-ix' 


B 


B 


X" 


R 


rush 


IX" 


E 


mm 


IX' 



III. TEXTES IRLANDAIS ET ANGLO-SAXONS 
1. Manuscrits insulaires.' 

Dublin, Trinity Collège 

Id. .... 

Id. A. 4. 5 . . . 

Id. A. 1. 6.. . . 

Cathédrale de Lichfleld 

Londres, Palais de Lambeth .... 
Oxford, Bodléienne, Bodl. 3964. . . 
Londres, Musée britan. Egerton 609. 



B 


big 


VIII' 


ap 


ept 


VIII' 


B 


» 


vnr 


G 


B 


IX' 


Z, 


harl 


VIII'-1X' 


9 


gat 


VIII" 


MT 


mt 


IX" 



2. Manuscrits continentaux. 

Paris, Biblioth. nation., lat. 281 et 298 .. . 

Paris, Biblioth. nation., lat. 9389 

Prince d'Œttingen-Wallerstein 

Paris, Biblioth. nation., lat. 11553 

Londres, Musée britan. Harley 1772 , 

Paris, Biblioth. nation., Nouv. acq. lat. 1587 
Tours, Biblioth. publique 22 . 



IV. TEXTES DE TYPE FRANÇAIS 
1. Textes languedociens et méridionaux. 

1XH" Paris, Biblioth. nation., lat. 254. . 
ix'-x" Id. Id. lat. 4. . . 

xi' ld. Id. lat. 1. . . 



Bible. 

Id. 

Id. 

Prov.-Apoc. 

Bible. 

Is.-Apoc. 

Bible. 

Id. 

Id. 

Id. 

Id. 



Nouv. Test. 

Évang. 

Luc (fragm.). 

Évang. (fragm.). 

Id. 



Bible. 

Evang. 

Id. 

Jean. 

Évang. 

Id. 

Matt.-Jean (fragm.). 



Nouv. Test. 
Évang. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 



Évang. 

Id. 

Id. 

Prov.-Apoc. 

Epître-Apoc. 

Évang. 

Id. 



Nouv. Test. 

Bible. 

Id. 



697 



MANUSCRITS BIBLIQUES 

PRINCIPAUX MANUSCRITS DE LA VULGATE (suite) 



NOM USUEL. 



"Bible de Mesmes. 
"Bible du Puy. . . 

Hubertianus. . . 

Bible de Fleury . 

Proph. de Fleury. 

Sangermanensis 9, 

Bible de Dreux. 



* Vallicellianus. . 

Bible de Tours. . 

Bible de Bamherg 

Bible de Zurich . 

Bible de Berne. . 
•f- Bible de Grandval 

Bible de Cologne. 

Bible de Glanfeuil 
*l r " de Charles le Gh 

Bibles d'Angers 

Bible de Monza. 

Bible de Baie . 



*2" de Charles le Ch. 

'Paulinus 

* Év. de S. Emmeran. 
'Ps.deCharlesleCh. 



Évang. d'Oswego. 
Codex Adx . . . 
Évang. du Sacre. 
Psaut. d'Adrien 1° 
Év. d'Abbeville. , 
Év. de S. Médard. 
Év. de l'Arsenal . 



Selden Acts. . . 
Bodleyanus . . 
Ms. de Winithar 
•j- Ms. de Hartmot 
Ms. de la Wile. 
Bib. de Mordramne. 
Bible de Harding, 
Évang. d'Autan. . 
F. de Vercellone. 
Farfensis .... 
Bible de Biasca . 
'Gigas libror. . 
Demidovianus. 



SIGLE. 





» 
H 




LIEU ACTUEL ET COTE. 



CONTENU, 



theod 

» 
hub 



2. Théodulfe et l'école de Fleury. 

IX* Paris, Biblioth. nation., lot. 9380 . . . 

IX e Le Puy, Trésor de la Cathédrale . . . 

IX" Londres, Musée britann., addit. 24142 

X* Orléans, Biblioth. de la ville, 11 et 13. 

IX- Id. Id. 14. . . . 

ix"-x« Paris, Biblioth. nation., loi. 11937 . . 

xr-xip Chartres, Biblioth. publique, 67. . . , 



V 






» 


mu 


IX" 


Bi 


» 


IX" 


» 


» 


IX' 


» 


» 


IX* 


K 


» 


IX" 


» 


» 


IX" 


» 


» 


IX" 


» 


» 


IX" 


» 


B 


IX" 


» 


J> 


IX" 


» 


» 


IX" 




» 


IX* 



3. Alcuin et l'école de Tours. 



Rome, Vallicelliana, B. 6 

Tours, Biblioth. de la ville, 10 

Bamberg, Biblioth. royale, A. I. b . . . 

Zurich, Biblioth. cantonale, Cl 

Berne, Biblioth. de la ville, 3 et 4. . . . 
Londres, Musée britann., addit. 10546 . 
Cologne, Biblioth. du Chapitre, 1. . . . 

Paris, Biblioth. nation., lut. 3 

Id. Id. lat. 1 

Angers, Biblioth. de la ville, 1 et 2. . . 
Monza, Archives delà Collégiale, G. 1. . 
Bâle, Biblioth. de l'Université, A. N. I. 3. 



» 






» 


» 


tx* 




Paul 


IX e 


» 


e *nm 


IX e 




B 


IX" 



4. Textes franco-saxons. 

Paris, Biblioth. nation., lat. 2. . . . 
Rome, Saint-Paul-hors-les-Murs. . . 
Munich, Biblioth. royale, lat. 14000. 
Paris, Biblioth. nation., lat. 1152. . 



B 


» 


IX e 


» 


6 
» 
» 


IX* 
IX e 

vnr 


» 


viir 


y 


VIH'-IX* 


» 


IX e 



V. ÉCOLE CHRYSOGRAPHIQUE 

Oswego, propriété de Th. Irwin. . 
Trêves, Biblioth. de la ville, 22. . 

Vienne, Trésor impérial 

Vienne, Biblioth. impériale, 652. . 
Abbeville, Biblioth. de la ville, 1 . 
Paris, Biblioth. nation., lat. 8850. 
Paris, Biblioth. de l'Arsenal, 599 . 

VI, TEXTES DIVERS 



Os I 
3 

Sa i 

w 


B 

» 


vir-vm* 

IX* 
VIII" 


» 


IX" 
XIII" 




» 


VIII* 


» 


fl 


XII" 


» 


1) 


755 


» 


» 


X" 


» 


» 


XI" 


» 


» 


X" 


» 


m 


XIII' 


» 


dem 


! XIII" 



Bodléienne, Bodl. 3418 

Bodléienne, Laud. lat. 108 

Saint-Gall (Stiftsbibl.), 2 

Londres, Musée britan., addit. 11€52 . . 
Londres, Musée britan., Reg. I. B. xn . 
Amiens, Biblioth. publique, 6, 7, 11, 12. 

Dijon, Biblioth. publique, 9 bis 

Autun, Grand Séminaire, 3 

Rome, Barnabites 

Rome, Vatican, lat. 5729 

M^lan, Ambrosienne, E. 53 inf 

Stockholm 

Ms. disparu édité par Matthsei 



Bible. 

Id. 

Id. 

Ane. Test. 

Prophètes. 

Bible (lacunes). 

Bible. 



Bihle. 
Heptat. 
Bitle. 

Id. 

Id. 

Id. 

id. 

Id. 

Id. 

Id. 

Id. 
Mach.-Apoc. 



Bible. 

Id. 
Évang. 
Psautier. 



Évang. 

Id. 

Id. 
Psautier. 
Évang. 

Id. 

Id. 



Actes. 

Paul. 

Act. et Apoc. 

N. T. sauf Évang. 

Bible. 

Bible (partie). 

Bible. 

Évang. 

Bible. 

Id. 

Id. 

Id. 

Nouv. Test. 



La plupart des abréviations en italiques ont été mises en usage par Tischendorf ; quelques-unes par Scrivener et par Berger. 
— Les lettres sont celles dont Wordsworth se sert pour désigner les manuscrits collatlonnés par lui en vue de son édition 
critique du Nouveau Testament d'après la Vulgate. Nous avons fait entrer dans notre tableau tous les manuscrits de Wordsworth, 
excepté : EF vm'-ix", Évang. Londres, Musée britan., addit. 5463>1, ing. vu", Évang. très mutilés, Munich, Biblioth. de l'Uni- 
versilé, Ms. fol. 29, venant d'Ingolstadt; Ls, Paul, vnr>, Paris^Biblioth. nation., lat. 335; Ma, Act. Cath. Apoc., ix'-x", Munich, 
lat. 6230 ; R», Paul, vir, Vatican, Regin. lat. 9, parce que l'origine et l'histoire de ces manuscrits sont trop peu connues. 



Note. — Dans les tableaux joints à cet article on a es- 
sayé de donner partout la cote actuelle des manuscrits 
en indiquant entre parenthèses l'ancienne cote lors- 
qu'elle a été changée depuis peu d'années. — Pour les 
manuscrits conservés à la Vaticane, lorsque lé fonds n'est 
pas spécifié, il s'agit du tonds Vatican proprement dit. 
— Les numéros des manuscrits grecs de la Biblioth. 



nation.. de Paris, sans autre mention, se rapportent aux 
Codices regii. — Nous avons quelquefois négligé d'ajou- 
ter à la cote la mention grec ou latin pour certaines 
bibliothèques (la Bibl. imp. de Vienne, par exemple) où 
les manuscrits grecs et latins ont une numérotation à 
part. Les numéros indiqués par nous sont alors ceux du 
catalogue spécial. F. Prat. 



«lAUUH — MAOIN 



700 



MAOCH (hébreu : Ma'ôk; Septante : Xp.pÂy), père 
d'A-Chis, le roi de Geth auprès duquel David chorcha un 
refuge pendant la persécution de Saûl. I Reg., xxvn, 
2. Sur son identification avec Maacha de III Reg., n, 39, 
voir Maacha. 3, col. 465. 

MAON (hébreu : Mâ'ôn, « habitation » ou « lieu de 
refuge»; Septante : Mawp, Jos., xv,55; partout ailleurs, 
Mowiv), nom d'un Israélite, d'une ville de Juda et du 
désert qui est dans le voisinage de cette ville, et enfin 
d'une autre ville dans le texte hébreu. 

1. MAON, fils de Sammaï, de la tribu de Juda. 11 fut 
« le père », c'est-à-dire le fondateur ou le restaurateur 
de Bethsur (t. i, col. 1747). I Par., n, 45. 



Zebahîm, 1 18, b. Elle ne devait, en effet, pas être sans 
charme, quand le désert, à l'orient, n'avait pas encore 
perdu la chevelure de broussailles dont il était revêtu 
et que toute la campagne des alentours était plantée 
de vignes luxuriantes dont l'existence ancienne est encore 
attestée par de nombreux pressoirs que l'on trouve 
presque à chaque pas. — La ruine recouvre le flanc 
occidental de la colline. Les arasements des murs et 
les pierres des décombres témoignent que la petite ville 
était régulièrement bâtie et devait être de quelque im- 
portance. Son approche paraît avoir été défendue par un 
petit fort dont on voit quelques restes au nord-ouest, au 
pied de la colline, à quelques pas de la ruine. Il était 
construit avec des pierres taillées en [bossage d'assez 
forte dimension. Une tour rectangulaire, d'environ huit 




210. — Vue de Tell-Ma'în. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



2. MAON, ville de la tribu de Juda. Elle est nommée, 
après Hébron, avec les villes méridionales de la tribu '. 
Carmel, Ziph et Iota. Jos., xv, 55. La colline sur 
laquelle sont épandus ses débris est connue sous le nom 
de Tell-Ma'in (fig. 210) et la ruine elle-même sous celui 
de Khirbet-Ma'în. Le tell-Ma'in est situé au sud, à un 
kilomètre de Kermel, six de tell ez-Zif, quatorze d'Hé- 
bron et à quatre et demi au sud-est de Yatta. Ces trois 
noms, Kermel, Zif et Yatta, désignant des lieux voisins 
de Main et rappelant les trois antiques cités nommées 
avec Maon, ne permettent pas de douter de l'identité 
des noms de Ma'în et Mâ'ôn, ni de l'identité de site. 

1° Description. — Le tell-Ma'în est assis sur la ligne 
de faîte des deux versants de la mer Morte et . de la 
mer Méditerranée, au bord d'un petit plateau onduleux 
s'étendant à l'ouest, à la distance de quelques kilomètres, 
vers Sertwûa' et Yatta. Sa hauteur, au-dessus du niveau 
de la Méditerranée, est de 935 mètres. De son sommet 
on jouit, sur tout le sud de la 'Palestine, d'une vue très 
étendue, déjà vantée dans les Talmuds. Ta). Bab., 



mètres de longueur et de sept de largeur, bâtie avec un 
appareil identique à celui de la construction inférieure, 
couronnait le sommet de la colline. Le tell est perforé 
de citernes nombreuses et de grottes qui ont dû servir 
d'habitation, toutes creusées dans le calcaire tendre de 
la montagne ; un grand nombre d'autres de même 
genre se rencontrent dans le voisinage. 

2» Histoire. — Maon semble avoir été occupée par 
les descendants de Caleb, car c'est sans doute elle-même 
ou sa population en général que désignent les généalogies 
des Paralipomènes et non un fils spécial de Caleb, quand 
ils portent : « Maon fut fils de Sammaï et Maon fut père 
de Behtsur. » I Par., u, 45. Selon toute vraisemblance, 
il faut entendre : la population de Maon vient de Sammaï 
(individu ou groupe venus de Sammaï, d'Hébron, de 
Marésa qui tirent leur origine de Caleb). On sait du reste 
que Nabal, qui occupait la campagne de Maon, « était 
calébite. » I Reg., xxv, 3. — faut-il entendre de Maon 
de Juda et de ses habitants le passage de I Par., iv, 
39-41, racontant l'expédition des Siméonites, au temps 



<m 



MAON 



WÂ 



du roi Ezéchias, peur se procurer des pâturages pour 
leurs troupeaux? Certains le pensent, mais cette opi- 
nion est communément repoussée comme contraire au 
contexte indiquant clairement une région lointaine, à 
l'orient de l'Arâbah désignée par le nom de s la vallée ». 
Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1002, et Gador, t. m, col. 34. 
— La Maon désignée en ce passage est une ville diffé- 
rente, située en effet à l'est de l'Arâbah et au sud-est 
du territoire de la tribu de Siméon, à vingt-cinq kilo- 
mètres environ au sud-est de Pétra, dans une région 
abondante en sources et fertile en pâturages. Voir Mao- 
nites. 11 est moins facile de déterminer de quelle Maon 
il est parlé dans un autre passage des Paralipomènes où 
les Maonites sont nommés une seeonde fois. Il Par., 
xxvi, 7. « Dieu l'aida, dit le récit en parlant du roi 
Ozias, fils d'Amasias, contre les Philistins et contre les 
Arabes qui habitaient dans Gurbaal et contre les Mao- 
nites. » Les Maonites, ham-Me'ônîm dans le texte hébreu, 
sont devenus de, nouveau « les Minéens », ol Mwsûoi, 
dans les Septante, et les « Ammonites » dans la Vulgate. 
Le passage manque dans les versions syriaque et arabe. 
Les critiques qui croient trouver Gurbaal au pays des 
Philistins ou dans son voisinage, au tell el-Ghur ou à 
Ghurra, cherchent les Maonites du même passage non 
loin, à Maon de Juda. Suivant eux, le roi Ozias n'était 
pas en état de pousser une expédition militaire jusqu'au 
delà de l'Arâbah et de Pétra. Pour d'autres critiques le 
nom des Arabes seul suffit à reporter à l'orient l'expé- 
dition d'Ozias, car il n'est pas possible de les chercher 
à Maon de Juda ni même à l'ouest de l'Arâbah, région 
habitée au temps d'Ozias, par les Israélites et les Idu- 
méens. Les Septante, d'ailleurs, en employant le même 
tiom dans les deux passages que nous venons de citer, 
n'indiquent-ils pas que pour eux, dans les deux cas, 
11 s'agit du même pays? et en traduisant, dans le cas 
présent, le nom de Gurbaal par Pétra, ne témoignent- 
ils pas que les Arabes en question doivent se chercher 
l'orient de cette localité, et par conséquent aussi la 
Maon des Paralipomènes dont ils portent le nom? 
Ct. Gurbaal, t. m, col. 368-360, et Gesenius, Thésau- 
rus, loc. cit. — Au retour de la captivité, le nom 
de Maon se retrouve dans le nom d'une tribu de Na- 
thinéens revenus avec Zorobabel et appelés les benê- 
Mëônîm, « les fils des Maonites. s I Esd., n, 50; 
II Esd., vu, 52. Il s'agit de Maon de Juda, d'après les 
uns; de Maon d'Idumée plus probablement, d'après les 
autres, — Au premier siècle de l'ère chrétienne, Maon 
avait une population juive et une synagogue ; R. Yoha- 
nan ben Zakaï s'y rendait quelquefois. Mekhilta, sect. 
Yethro, 1, édit. Weiss, p. 69a; Talmud de Babylone, 
Sabbath, 139 a; cf. A. Neubauer, Géographie du Tal- 
mud, Paris, 1868, p. 121. — Josèphe nomme Maon 
Emma, Ant. jud., VI, xm, 6. Les Juifs des temps posté- 
rieurs la confondent avec une Maon voisine de Tibé- 
riade, connue dans le Talmud seulement, et qui paraît 
être l'Emmaûs ou « bains » de Tibériade de l'écrivain 
juif. Ant. jud., XVIII, h, 3; Bell, jud,, IV, i, 3. Cf. Neu- 
bauer, Géographie, p. 121, note 11. — Au iv e siècle, Eu- 
sèbe nomme « Maon (écrite par lui Maviiv) de la tribu de 
Juda », seulement pour indiquer un désert à l'orient de 
la Daroma, et en la citant n'ajoute rien de plus. Onomas- 
ticon, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 276; De sitn et 
nomin. hebraic., t. xxni, col. 909. — Les ruines de Ma'in, 
ainsi que celles de Kermel, sont considérées par lés 
gens de Tatta comme leur propriété; ils envoient paître 
leurs troupeaux aux alentours. — Voir Robinson, Bibli- 
cal Researches in Palestine, Boston, 1841, t. m, p. 193- 
196; V. Guérin, Judée, t. m, p. 170-172; A^ P. Stanley, 
Sinai and Palestine, Londres, 1871, p. 530; Survey of 
the western Palestine, Memoirs, 1881-1883, t. ni, p. 404. 

L. Heidet. 
3. MAON (DÉSERT DE) (hébreu : Midbar-Mâ l ôn ; 
Septante: ^ êpiino; \ Màciv), région inculte et sans villes 



à l'orient de la localité du même nom. — Ce désert est 
indiqué « dans l'Arâbah, à la droite de Jésimon ». 
I Reg., xxiii, 24. Les Septante, au lien de bâ-ârâbâh, 
« dans le désert, » ont lu ma-ârâbàh, « à l'occident, » 
à tort, ce semble, car « à l'occident», sans complément, 
paraît un non-sens. La Vulgate a suivi les Massorètes 
et a traduit par in campestribus, « dans la campagne, » 
c'est-à-dire sans doute dans le territoire désert s'éten- 
dant à l'ouest de la mer Morte et connu en général sous 
le nom de « désert de Juda ». Le Targum a rendu la locu- 
tion hébraïque « à droite » par un mot indiquant sa signi- 
fication précise, c'est-à-dire « au sud », de-mid-dâraûm. 
La version syriaque s'est contentée de dire « à côté ». 

I. Description. — 1° Situation. — Le désert de Maon 
est la partie du désert de Juda située vers le sud de la 
région pierreuse, sauvage et abandonnée, située en face 
d'Hébron et de Ziph et particulièrement connue sous le 
nom de Jésimon. Voir 9 Juda (Désert de), t. m, col. 1774- 
1775, et Jésimon, col. 1400-1401. —Le territoire de Carmel 
était compris dans le désert de Maon. Cf. I Reg., xxv, 
2. Le territoire de Maon lui est assigné par le nom lui- 
même. — S'il est inutile de songer à tracer des limites 
précises à un territoire qui, non plus que tous ceux de 
même nature, n'en a jamais eu, on peut cependant dé- 
terminer assez exactement ce que les écrivains bibliques 
entendent par le désert de Maon. Voisin et au sud du 
désert de Ziph, puisque David, fuyant devant Saûl ve- 
nant du nord pour le poursuivre, arrive immédiatement 
au désert de Maon, I Reg., xxiii, 24-25, ce désert devait 
commencer à la vallée abrupte et profonde qui divisa na- 
turellement les territoires de Ziph et de Maon et aujour- 
d'hui appelée Vouddi-Moldqi. Si aucune donnée histo- 
rique ne le restreint du côté du midi, il ne parait pas pos- 
sible de l'étendre au delà de Youâdi-Seyâl et de lui attri- 
buer des territoires que d'autres villes, comme Arad ou 
Adada, devaient marquer de leur nom, en exerçant sur 
eux leur influence. Fixé à l'occident par les petites villes 
de Maon et de Carmel, il devait se développer jusqu'à la 
région désolée et déchiquetée, bordant sur une largeur 
d'environ 10 kilomètres le rivage de la mer Morte, que 
le désert d'Engaddi ou le Jésimon réclament pour eux. 

2» Caractère*. — Les caractères du désert de Maon 
sont en général ceux du désert de Juda au sud-est de 
Jérusalem et à l'est de Bethléhena. C'est un massif de 
collines d'un calcaire crétacé, recouvertes d'un sol peu 
profond de sable formé de pierre écaillée, de silex 
broyé et de gravier. Çà et là le rocher apparaît nu et 
gris. Par régions croissent des lentisques, des genêts- 
du pays ^à fleur blanche et quelques autres arbustes 
épineux. Pendant l'hiver, quand les pluies tombent 
abondantes, le sol se recouvre d'un tapis de gazon ténu 
et court, d'un vert tendre, parsemé de fleurs nombreuses 
aux plus vives couleurs ; pendant l'été, ce gazon desséché 
et jauni suffit encore, pour leur nourriture, aux- trou- 
peaux de chèvres et de moutons qui paissent toute l'année 
sur le flanc des collines. En quelques endroits, au fond 
d'une vallée ou sur un étroit plateau, de petits espaces, où 
s'est réunie un peu de terre végétale, sont semés d'orge 
ou de doura. Près de leur enclos, la famille du bédouin 
a dressé ses tentes pour surveiller d'un œil jaloux son 
petit champ et sa moisson. Les silos et les citernes creusés 
dans le roc dès les temps les plus anciens sont à côté. 
Les silos garderont les produits de la récolte et la paille 
dont seront nourris les chameaux; les citernes, obstruées 
par de grandes pierres, conserveront la provision d'eau 
où pendant la saison sèche les femmes du campement 
transporté plus loin viendront encore remplir leurs 
outres et où le pasteur amènera ses brebis au milieu de 
la journée pour les abreuver. Le désert de Maon n'est 
pas le désert horrible et inhabité, c'est le désert aux 
horizons ouverts et vastes, brillant le matin et le soir 
des miroitements cristallins de. la pourpre et de l'or, 
c'est la grande campagne à l'air pur, embaumé et vivi- 



w 



MAON — MAONITES 



704 



fiant, à travers laquelle l'Arabe nomade, satisfait du pro- 
duit de ses troupeaux, peut promener son indépendance 
et vivre simple et calme. 

II. Histoire. —Tel est aujourd'hui ce désert, tel il était 
quand David avec les hommes qui le suivaient vint y 
chercher un refuge. Averti par les Ziphéens que le fils 
d'Isaï se cachait dans le voisinage de leur ville, Saûl y 
vint avec une troupe dans le dessein de se saisir de lui. 
David s'était hâté de passer au désert voisin de Maon, 
où il était descendu au séla\ c'est-à-dire dans une ré- 
gion de rochers ou dans une vallée creusée dans la 
pierre. Saùl l'y poursuivit et tandis que celui-ci « mar- 
chait d'un côté de la montagne, David et ses hommes 
allaient de l'autre coté. Or, David désespérait de pouvoir 
échapper à Saûl, car celui-ci avait réussi avec ses 
hommes à entourer David et les siens comme d'un cer- 
cle et il était près de se saisir de lui ». En ce moment 
un messager apporta à Saûl la nouvelle que les 
Philistins venaient d'envahir son territoire. Le roi dut 
abandonner sa poursuite pour se porter à la rencontre 
des Philistins. « C'est pourquoi, ajoute l'historien sacré, 
cet endroit fut appelé Séla' ham-Mahleqôt, « le rocher 
de la séparation, » pour indiquer soit la situation dans 
laquelle se trouvaient respectivement les troupes de 
Saûl et de David, soit plutôt pour rappeler le départ 
forcé de Saûl et des siens. I Reg., xxm, 24-28. — Les 
modernes ont cru reconnaître le nom de malileqôt, 
dans celui de l'ouadi Maldqi', situé, comme nous l'avons 
dit, aux confins septentrionaux du désert de Maon. 
Voir Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 1879, 
t. h, p. 339; Surveyof Western Palestine, Mémoire, t. m, 
1883, p. 314; Armstrong, Names and Places in the Old 
Testament, Londres, 1887, p. 154. Si, dans Maldqi' 
privé de la lettre h, on peut ne pas reconnaître une 
dérivation de mahléqôt, le caractère de cette vallée, 
grande crevasse rocheuse et abrupte si apte à servir de 
refuge et de cachette et répondant si exactement au 
ugai hébraïque de séla', sa situation à l'entrée du dé- 
sert de Maon, où devait se trouver David poursuivi par 
Saùl, ne permettent guère de douter de l'identité du 
lieu. Le nom de ouâd' el-Khabrah, « la vallée de la ."nou- 
velle, du message, r> donné à l'ouadi Maldqi', là où il 
cesse d'être un abîme ouvert au milieu du désert, ne 
serait-il pas aussi une appellation traditionnelle faisant 
allusion au même fait raconté par la Bible? Quoi qu'il 
en soit, David, après le départ de Saûl, craignant le 
retour de son persécuteur, se réfugia dans le désert 
plus inabordable d'Engaddi. Le roi d'Israël revint, en 
effet, et il ne se désista de sa poursuite que vaincu 
par la magnanimité de David, quand celui-ci l'eut épar- 
gné dans la caverne où il se contenta de couper le bord 
de son manteau. I Reg., xxiv. Après que Saûl se fut 
éloigné, David et ses gens montèrent de nouveau au 
désert de Maon. IReg., xxv, 2. —Le texte hébreu actuel, 
la Vulgate, la version syriaque et la plupart des autres, 
lisent Pardn ou Pharan, au lieu de Maon. Cette der- 
nière leçon est celle des Septante (Codex Vaticanus) : 
s'adaptant seule à la suite du récit, «lie est sans contre- 
dit la véritable et l'erreur des autres s'explique facile- 
ment par la similitude graphique des noms pyD et 
■pas. — Le jf. 2 est un simple préambule pour indi- 
quer le lieu où se passa l'épisode de Nabal et d' Abi- 
gaïl. Nabal ayant refusé de faire participer David et ses 
gens à la fête de la tonte des brebis, David voulut s'en 
venger, mais sa colère fut apaisée par Abigaïl, femme 
de Nabal, et celui-ci étant mort quelques jours après, elle 
devint l'épouse du jeune héros. I Reg., xxv. Voir Abigaïl 
1, t. i, col. 47; David, t.n,col. 1313. Ce récit le fait pré- 
sumer, David habita assez lontemps le désert de Maon, 
sans qu'il soit possible néanmoins de fixer la durée de ce 
séjour. Il quitta ensuite ce désertpour retourner au désert 
de Ziph. I Reg., xxvi, 2. — La région qui fut le désert de 
Maon est aujourd'hui appelée du nom de la tribu des 



Arabes nomades qui l'occupent, « le territoire des 
Arabes Djâhalin. » La zone de leur parcours s'étend au 
delà de Î'ouâdi-Seyâl, jusque dans le voisinage i'ez- 
Zoueirdh. Leur nom (sing. 'Djdhal) a la. même significa- 
tion que celui de l'antique occupant du district, Nabal> 
« sot, ignorant, insensé. » Cf. I Reg., xxv, 23. La répu- 
tation de la tribu parmi les autres Arabes répond à son 
nom et paraît justifiée. Étant descendu, en 1898, dans 
un de leurs campements pour y passer la nuit, nous ren- 
contrâmes un homme qui se mit à vanter les exploits de 
sa jeunesse, parmi lesquels il comptait une trentaine 
d'assassinats que rien ne justifiait. Le clan auquel nous 
avions demandé l'hospitalité était celui de feu Abou 
Da'ouk dont F. de Saulcy a eu l'occasion de tracer le 
portrait dans son Voyage autour de la mer Morte, 
2 in-S», Paris, 1853, t. i, p. 179-183. L. Heidet. 

4. MAON, nom, dans le texte hébreu, d'une ville et de 
la tribu qui l'habitait. Jud., x, 12. Les Septante ont 
rendu ce nom par MaSiân et la Vulgate par Chanaan. 
La leçon Chanaan de la Vulgate, Jud., X, 12, est sans 
doute inexacte; mais celle des Septante, Madian, est 
peut-être correcte dans ce passage; elle a, en tout cas, 
l'avantage de faire allusion à des faits connus et récents, 
à l'invasion des Madianites du temps de Gédéon, dont 
l'histoire est racontée, Jud., vi-viii, ix, 17, tandis qu'il 
n'est nulle part question dans l'Écriture d'une guerre 
des Hébreux avec les Maonites au temps des Juges. Il 
est néanmoins possible que Maon désigne ici la ville 
principale de la tribu des Maonites dont il est parlé dans 
plusieurs passages de l'Écriture. Voir Maonites. 

MAONATHI (hébreu : Me'ônôtai; Septante : Mavoc- 
Oî), fils d'Othoniel, de la tribu de Juda, d'après la Vulgate. 
I [Par., iv, 13-14. Elle porte : » Les fils d'Othoniel, Hathath 
et Maonathi. Maonathi engendra Ophra. » L'hébreu et les 
Septante nenommentpointMaonathiparmi les filsd'Otho- 
niel et ils le font apparaître sans avoir parlé de sa filia- 
tion : « Fils d'Othoniel : Hathath. Et Maonathi engendra 
Ophrah. » Il est difficile de ne pas reconnaître une lacune 
dans ces deux textes et il y a lieu de croire que les co- 
pistes ont omis ce nom par mégarde dans le f. 13, tandis 
que la Vulgate l'a exactement conservé. En.hébreu, me'ô- 
nô[ai signifie « mes habitations», ce qui a fait penser à 
plusieurs qu'Othoniel aurait fondé ou restauré une ville 
de ce nom. On ne trouve du reste nulle part ailleurs de 
localité appelée Me'ônôtai; quelques-uns ont pensé qu'il 
pouvait être question de la ville de Maon, qui était en effet 
dans la tribu de Juda. Jos., xv, 55. Voir Maon 2, col. G99. 

MAONITES (hébreu : Me'unîm; Septante : Mivaîot), 
tribu probablement iduméenne. La Vulgate n'a conservé 
leur nom que dans Esdras et Néhémie, sous la forme 
Munim. I Esd., u, 50; II Esd., vu, 52. Quoique le pays 
qu'ils habitaient ne soit pas connu d'une manière cer- 
taine, on croit assez communément aujourd'hui que 
les Me'unîm. avaient pour centre principal la ville de 
Ma'an, dans les montagnes de l'Idumée. 

I. Site. — 1° Le nom de la ville qui paraît avoir été 
le centre de leur tribu s'est conservé jusqu'à nos jours 
sous la forme Ma'an. On distingue le grand Maan, au 
nord, et le petit Maan au sud. Les deux villages sont à 
une distance d'un quart d'heure l'un de l'autre, à cinq 
heures de voyage à l'est de Pétra, sur la route des pèle- 
rins musulmans qui se rendent de Syrie à la Mecque et 
qui font une halte de deux jours en ce lieu à cause des 
sources qu'on y rencontre. L'endroit est très fertile et 
produit des grenades, des abricots et des pêches en 
abondance et d'excellente qualité, mais il est placé au 
milieu d'une contrée rocheuse, qui a fait donner son 
nom à l'Arabie Pétrée t et les environs ne peuvent pas 
être cultivés, ce qui oblige les habitants à se pourvoir ail- 
leurs de blé et d'orge. Ils vivent surtout de brigandage 



705 



MAONITES — MAPSAM 



706 



et de razzias et habitent dans des maisons bâties en pisé. 
J. L. Burckhardt, Travels in Syria, in-4", Londres, 
1822, p. 436-437; Fr. Buhl, Geschichte der Edomiter, 
p. 12, 42; Ch. M. Doughty, Travels in Arabia déserta, 
2 in-8", Cambridge, 1888, 1. 1, p. 32-35. Malgré les rochers 
qui font du pays un désert, il y pousse des herbes sau- 
vages qui sont très goûtées des chameaux, Burckhardt, 
ïbid., de sorte que les Maonites ont pu être autrefois 
une tribu pastorale florissante, comme il est dit des 
Me'anîm, dans le récit de I Par., iv, 4t. — 2° F. Buhl, 
Geschichte der Edomiter, p. 41-42, relève ce qu'il y a 
d'incertain dans l'identification des Me'unîm avec les 
habitants de Ma'an et propose de voir le nom des 
Me'unîm dans celui du puits appelé Madjen, sur le 
mont 'Araï, ïbid., p. 17, mais cette opinion ne repose 
que sur une pure ressemblance de nom. — Ed. Glaser, 
Skizze der Geschichte und Géographie Arabiens, t. Il, 
1890, p. 450, assimile les Me'unîm aux Minéens, Stra- 
bon, XVI, iv, 2; Diodore de Sicile, III, xm, 5, en s'ap- 
puyant sur l'épigraphie. On objecte contre son hypo- 
thèse que les Minéens habitaient un pays trop éloigné, 
au sud-ouest de l'Vémen, pour qu'on puisse les confondre 
avec les Maonites de la Bible. Voir Gesenius, Thésaurus, 
p. 1002. Il est vrai que les Septante ont rendu Me'unîm 
par Minéens, Msivaîoc ou Mtvaïoç, I Par., iv, 41 (Lucien : 
Kivaiovc); II Par., xx, 1 (Lucien : Antiavcsin); xxvi, 8; 
Job, il, 11 ; xi, 1 ; xx, 1 ; xlh, 17 e (cf. Hatch et Red- 
path, Concordance to the Septuagint, Supplément, 
1900, p. 111), mais cette traduction est en réalité en 
contradiction avec l'Écriture elle-même qui indique 
que les Me'unîm habitaient le pays d'Édom. On voit 
d'ailleurs par les variantes de la recension de Lucien 
que la leçon Mtvaîoi est douteuse en quelques endroits. 
Dans I Esd., H, 50, le nom est aussi transcrit Moovvl'h 
ou MavMS|ne£v et dans II Esd., vu, 52, Ms'iviiv ou Msoei- 
vtàu. — Sur les Minéens, voir W. Smith, Dictionary of 
Greek and Roman Geography, t. n, 1857, p. 357-359; 
J. II. Mordtmann, Beitrâge zur Minâischen Epigraphie, 
in-8°, Weimar, 1897 (dans les Semitische Studien de 
Bezold, Heft 12); Fr. Hommel, Das graphische n im 
Minâischen und das Aller der minâischen Inschriften, 
dans les Mitteilungen der vorderasiatischen Gesell- 
schaft, 1897, p. 258-272; H. Winckler, Musri, Meluhha, 
Ma'in, ibid., 1898, i, îv; Otto Weber, Das Alter der mi- 
nâischen Reichs, ifeicf.,1901, p. 1-60; Fr. Hommel, Sùd- 
Arabische Chrestomathie... Minàische Inschriften, 
in-4», Munich, 1893. 

II. IIistoire. — 1° D'après plusieurs commentateurs, 
il est déjà question des habitants de Maon d'Idumée 
dans Jud., x, 12, mais le fait est douteux. Voir Maon 3. 
— 2° Les Maonites paraissent pour la première fois, 
d'une manière certaine, sous le règne de Josaphat, roi 
de Juda. Dans la coalition qui se forma contre ce prince, 
les Moabites et les Ammonites eurent pour alliés les 
Maonites. H Par., xx, 1; cf. 10, 23 (la Vulgate a par 
erreur « Ammonites », au f. 1). Mais la mésintelligence 
éclata entre eux et tourna les descendants de Lot contre 
les Maonites et ceux-ci furent exterminés. Voir Josa- 
phat 3, t. m, col. 1649. — 3» Plus tard, un des succes- 
seurs de Josaphat, Ozias, assujettit les Me 'unîm, qui lui 
payèrent tribut. II Par., xxvi, 7-8. Dans cet endroit, 
comme dans le précédent, la Vulgate confond encore' 
les Maonites avec les Ammonites. Au f. 8, le texte hébrejà 
porte « Ammonites » comme le latin, mais la leçon des 
Septante et le contexte lui-même montrent qu'il faut lire 
Me'unîm dans le texte original. — 4° Il est raconté, 
I Par., iv, 41-42, que sous le règne d'Ézéchias, arrière- 
petit-fils d'Ozias, des Siméonites battirent les Maonites 
(la Vulgate a omis leur nom) et s'établirent dans leur 
pays, abondant en pâturages. Voir le récit de leur expé- 
dition au mot Gador, t. m, col. 34. — 5° Les fils des 
Me'unim sont mentionnés dans I Esd., u, 50, et II Esd., 
vu, 52, parmi les Nathinéens (voir Nathinéens), qui 

WÇT. DE LA DIDI-E. 



revinrent avec Zorobabel en Palestine de la captivité de 
Babylone. Ce sont les deux seuls passages de l'Écriture, 
où la Vulgate ait conservé leur nom, qu'elle écrit Mu- 
nim. Ils sont énumérés immédiatement avant les Nephu- 
sim, tribu ismaélite qui devait résider à l'est de la Pales- 
tine et non loin de Ma'an. Comme ils figurent dans la 
liste des Nathinéens, qui étaient les serviteurs du Tem- 
ple, on doit en conclure que ces Me'unîm revenus 
de captivité étaient les descendants de Maonites qui 
avaient été emmenés captifs à Jérusalem, à la suite 
d'une des guerres faites contre eux par les rois de 
Juda. F. Vigouroux, 

MAOZIM (hébreu : Md'uzzîm; Septante : MatùÇeîp). 
Dans une des révélations que reçoit Daniel, XI, 37-39, il 
est dit d'un roi : « Il n'aura égard ni aux dieux de ses 
pères, ni à l'objet du désir des femmes; il n'aura égard 
à aucun dieu, car il se glorifiera au-dessus de tous ; 
mais le dieu des md'uzzîm à la place (des autres dieux, 
et non « sur son piédestal »), il honorera; et le dieu 
que ne connaissaient pas ses pères, il honorera avec de 
l'or et de l'argent et des pierres précieuses et (tout) ce 
qu'on peut désirer. » Ce prince est probablement An- 
tiochus IV Épiphane, qui se fit honorer à Jérusalem 
sous le titre de 8sb; êmipav^; et & se glorifia ainsi au- 
dessus de tous » lesdieux. Quant au dieu des mâ'uzzîm, 
les versions en ont donné des leçons très variées. Au 
lieu de « Mais le dieu des mâ'uzzîm à la place (des au- 
tres dieux), il honorera », îes Septante (édit. Swete, t." m, 
Cambridge, 1894), donnent : xa\ \moiayr\atxai <xùtô ïOvy] 
layypâ, lia tôv tôhov a-ÔToO xivirjaei. Dans l'édition de 
Sixte-Quint, nous trouvons la transcription matérielle 
de notre texte hébreu : Osôv McthiÇeÉn. De même dans le 
Codex Alexandrinus : ^auiÇef. La Vulgate, suivant le 
même procédé, lit deum Maozim. Enfin la Peschito 
a traduit 'alôho 'aStno (Polyglotte de Walton), ce qui 
suppose un texte hébreu w rthn, « un dieu fort. » Un 

assez grand nombre d'exégètes, depuis Gesenius, Thé- 
saurus, p. 1011, jusqu'à Marti, Das Buch Daniel, Leipzig, 
1901, p. 88, voient dans ce dieu Jupiter Capitolin dont 
Antiochus IV introduisit le culte en Syrie et auquel il 
commença à élever un temple dans Antioche; cf. Tite- 
Live, xli, 20; et ils traduisent l'hébreu par Deus mu- 
nimentorum. G. Hoffmann, Ueber einige pho'n. In- 
schriften, p. 29 (dans les Abhandl. der Ges. der Wis- 
sench. zu Gott., 1890), a pensé à Zeûç IIoÀtsû;. Mais, 
ainsi que le remarque Marti, ce dieu était le dieu de la 
famille des Séleucides. S'il s'agissait de lui, l'auleur sacré 
ne pourrait pas reprocher à Antiochus IV d'avoir aban- 
donné les dieux de ses pères. Bevan, Journ. of Hell. 
Stud., 20, 26-30 (1900), propose de reconnaître dans le 
dieu des ma 'uzzim Antiochus lui-même divinisé ou le Ju- 
piter Olympien avec lequel le roi se serait identifié ; cf. 
II Mach., VI, 2, et Schrader, Die Keilinschriften und das 
alte Testament, Berlin, 1903, p. 303. En réalité, le mot 
hébreu mâ'uzzîm, dwd, parait venir de m, « chercher 

un refuge, » plutôt que de ttît, « être fort, » et il signifie 
« forteresse » dans le sens de lieu de refuge. C'est avec 
cette signification qu'il est employé en d'autres passages 
de la Bible, par exemple, dans ce même chapitre, 
Dan., xi, 7 10, et Is., xvii, 9, etc. — Voir Gesenius-Buh], 
HebrâischesundAramâischesHandwôrterbuch,Leipàg, 
13» édit.; Cheyne, Encyclopsedia biblica, t. ni, 1902, 
col. 2988. Le dieu des mâ'uzzîm serait donc le « dieu des 
forteresses » ou le « dieu des refuges », c'est-à-dire pro- 
bablement le Jupiter hospes (Vulgate : hospitalis), Zeû; 
{évioç (Septante) que le roi voulait faire vénérer par les 
Juifs, d'après II Mach., vi, 2. Voir Jupiter, t. m, col. 1867. 

P. Martin. 
MAPSAM (hébreu : Mibsâm ; Septante : Maêaaiy.), 
fils de Sellum, de la tribu de Siméon. I Par., IV, 25. Il 
eut pour fils Masma. Cf. Mabsam, col. 471. 

IV. - 23 



707 



MARA 



708 



1. MARA (hébreu : Màrâ' ; Septante : TTixpi). Quand 
Noémi revint du pays de Moab à Bethléhem sa patrie, 
elle dit aux femmes de la ville qui la reconnaissaient et 
l'appelaient par son nom : « Ne m'appelez pas Noémi (la 
belle ou l'agréable), appelez-moi Mara (l'amère), parce 
que le Tôut-Puissant m'a remplie d'amertume (hêniar). » 
Ruth, I, 20. Elle faisait par là allusion à la mort de son 
mari Elimélech et de ses deux fils, Mahalon et Chélion, 
qu'elle avait perdus dans le pays de Moab, où ils étaient 
tous allés se réfugier pendant une famine. Voir Noémi. 

2. MARA (hébreu : Marak, Exod., xv, 23; Num., xxxm, 
8; xxxm, 9; avec hé local, Marafah, Exod., xv, 23 ; Sep- 
tante : Méppa Ilixpia, Exod.. xv, 23; et Ilixptai, Num., 
xxxiir, 8; xxxm, 9), première station des Israélites dans 
le désert, après le passage de la mer Rouge. Exod., xv, 
23-26; Num., xxxiii, 8-9. Le nom de Marah, donné à 
cette localité, Exod., xv, 23, par anticipation, dérive de 
la racine mârâr, a être amer. » Les Israélites appelèrent 
cette première station après le passage de la mer Rouge 
Marah, parce que les eaux qu'ils y trouvèrent étaient 
maryim, « amères. » « Après que Moïse eut fait sortir 
les Israélites de la mer Rouge, ils entrèrent, dit l'Exode, 
xv, 22-23, au désert de Sur (voir Sur); et ayant marché 
trois jours, dans la solitude, ils ne trouvaient point d'eau. 
Ils arrivèrent à Mara ; et ils ne pouvaient boire des eaux 
de Mara parce qu'elles étaient amères. C'est pourquoi 
on lui donna un nom qui lui était propre, en l'appelant 
Mara, c'est-à-dire amertume. » 

I. Identification. — Où était situé Marah? Les pèle- 
rins anciens ne se sont pas préoccupés de l'identifier. 
Cf. S. Jérôme, De situ et nominibus toc. hebraic, 
t. xxiii, col. 909. — Sainte Silvie, dans les fragments de 




- Fontaines d'Ayoun-Mouça. 
D'après une photographie. 

son pèlerinage au Sinaï(vers l'an 385) publié par Gamur- 
rinijjSfattK e documenti di storia e diritto, an. ix, Rome, 
1^88, n'en parle pas, non plus qu'Antonin de Plaisance 
(vers l'an 570), Itinéraire, dans les Acta sanct., maii 
X. H (1680), p. xv, n. xli. Dans les siècles suivants, on 
a identifié Marah avec Ayoun-Mouça, « les fontaines de 
Moïse, » à douze milles environ de Suez, à l'est de la mer 
Rouge. C'est une petite oasis où l'on rencontre quelques 
sources d'eau limpide; ïnais 'légèrement saumâtre, avec 
des bouquets de palmiers;. CJ'. 'àdrichomius, Descriptio 



deserti Pharan, Cologne, 1660, n. 39 59; P. Belon, Ob- 
servations de plusieurs singularités, II, 57, Paris, 1588, 
p. 275; Fr. Quaresmius, Elucidatio Terrée Sanctie, Ve- 
nise, 1881, t. n, p. 732. On peut bien admettre, selon la 
tradition locale, que les Israélites, en allant de la mer 
Rouge à Marah, se soient reposés à Ayoun-Mouça (fig. 211 ) 
selon la coutume des pèlerins qui vont de l'Egypte au 
Sinaï, mais on ne peut identifier les fontaines de Moïse 
avec Marah, parce qu'elles ne sont pas à trois jours de 
distance de la mer Rouge. Un voyageur du xv siècle, 
Surianus, Trattato di Terra Sancta e deW Oriente, 
édité par le P. G. Golubovich, des Frères Mineurs, 
Milan, 1900, p. 175, distingie avec raison «les fontaines 
de Moïse » de Marah. Un grand nombre d'explorateurs 
modernes depuis Burckhardt, Travels in Syria, 1822, 
p. 472, identifient Marah avec Aïn-Haouarah (fig. 212), 
presque à 20 kilomètres de Ayoun-Mouça, vers le sud, sur 
la voie traditionnelle de Suez au Sinaï. Cf. Schubert, 
Reise in den Morgenland, 1839, t. n, p. 274; Robinson, 
Biblical Researches, 1841, t. i, p. 97; Grant, Egypt and 
Sinai, p. 197; Wellsted, Travels in Arabia, 1838, t. H, 
p. 39-40; Lottin de Laval, Voyage dans la péninsule ara- 
bique du Sinaï, in-4», Paris, 1855-1859, p. 214; Tischen- 
dort, Reise in den Orient, in-8°, Leipzig, 1846, 1. 1, p. 188; 
Ebers, Durch Gosen zum Sinai, p. 116; Bartlett, Front 
Egypt to Palestine, p. 198; Crelier, L'Eocode, Paris, 
1895; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6" édit., Paris, 1896, t. ir, p. 451. — Voici leurs argu- 
ments : — 1° Quoique l'étymologie de Marah soit plus 
d'accord avec Ouadi-Mereira, « la vallée de l'eau amère, * 
à 46 kilomètres d' Ayoun-Mouça, cf. H. S. Palmer, Si- 
nai, in-12, Londres, p. 190, cependant on peut bien 
appliquer aussi la signification de ce mot à Aïn-Haouarah, 
« la fontaine de la destruction ou de la ruine. » — 2" En 
admettant, selon l'opinion traditionnelle et assez com- 
mune encore aujourd'hui, que le passage miraculeux de 
la mer Rouge ait eu lieu dans les environs de Suez, 
la distance d'Aïn-Haouarah concorde exactement avec 
les trois jours de chemin indiqués par le texte biblique. 
— 3° Les Israélites, dans ces trois jours, « marchèrent 
dans le désert et ils ne trouvèrent point d'eau. » Exod., xv, 
22. « Cette notice laconique, observe H. S. Palmer, Sinai, 
p. 189-190, met parfaitement en relief le caractère prin- 
cipal de cette contrée à l'époque actuelle. Une plaine 
morte et stérile, couverte seulement de quelques herbes 
et de quelques arbustes misérables, des cailloux noircis 
et rayés par le sable, une monotonie désolante, l'absence 
totale d'eau, à part celle que fournissent une demi- 
douzaine de crevasses remplies d'eau saumâtre, sur une 
superficie de 1 400 kilomètres carrés, tout cela ne pro- 
duit que trop vivement dans l'esprit du voyageur l'im- 
pression d'un désert sans eau. » — 4° En outre, la 
physionomie de la contrée, la qualité des eaux et la po- 
sition d'Aïn-Haouarah favorisent cette opinion. « La fon- 
taine, dit Vigouroux, La Bible et les découvertes mo- 
dernes, t. n, p. 452, est au centre d'une petite éminence, 
établie sur un dépôt calcaire : elle a environ l^SO 
de circonférence et 60 centimètres de profondeur. La 
qualité de l'eau varie un peu, selon les saisons, mais elle 
est toujours mauvaise et amère. Au témoignage de Burc- 
khardt, les hommes ne peuvent la boire et les chameaux 
eux-mêmes ne s'y désaltèrent que lorsqu'ils souffrent 
beaucoup de la soif. Randall la compare à une solution 
légère de sel de Glauber, Bartlett ou sel d'Epsom. » On 
a objecté, contre cette identification, la petite quantité 
d'eau qu'on trouve à Aïn-Haouarah, et qui est insuffisante 
pour désaltérer une multitude comme celle des Israélites 
et leurs troupeaux. Cette objection, dans l'état actuel 
d'Aïn-Haouarah, pourrait peut-être créer quelque diffi- 
culté ; mais en ce temps-là la fontaine d'Aïn-Haouarah 
pouvait être plus abondante'. 

Quoique l'identification de Marah avec Aïn-Haouarah 
soit aujourd'hui la plus commune, il y a cependant des 



709 



MA&A 



710 



voyageurs et des commentateurs qui se refusent à l'ad- 
mettre. Les explorateurs anglais de VOrdnance Survey 
of the Peninsula of Sinai, 1868, ne se prononcent pas 
sur la localisation de Marah. F. von Hummelauer, Com- 
ment, in Exod., Paris, 1897, p. 163, acceptant l'opinion 
de Hitzig, identifie Marah avec Aïn-Naba ou Aïn-el- 
Gharqad, où est une fontaine très abondante d'eau 
saumâtre, à trois heures de Suez vers le sud, et une 
heure avant Ayoun-Mouça dans la même direction. Hum- 
melauer, pour confirmer son opinion, dit que « les trois 
jours » de distance dont parle le texte sont indiqués 
non pas pour déterminer le temps employé pour arri- 
ver de la mer Rouge à Marah, mais pour faire ressortir 
la grande soif qui tourmentait les Israélites. Il faut 
reconnaître que dans l'état actuel de nos connaissances, 
comme nous ignorons le point précis du passage de la 



divisé dans le sens de la longueur, le jeta dans la fontaine 
et commanda aux Hébreux d'ôter l'eau de dessus, les 
assurant que au-dessous ils y trouveraient une eau po- 
table, ce qui arriva. On ne saurait dire si l'historien 
juif a inventé ces détails ou s'il les a empruntés à quel- 
que tradition populaire. Il ne détermine pas du reste 
quel était le bois employé. Les Pères de l'Église, sans 
examiner pour la plupart si la propriété de ce bois était 
naturelle ou non, et sans rechercher sa nature, se bor- 
nent à signaler le type figuratif du bois de la Croix. 
Cf. Cornélius a Lapide, Comment, in Exod., Naplès, 
1854, t. i, p. 371. Cependant S. Augustin, Quxst. in 
Heptat., t. xxxiv, col. 615, avec raison ne se prononce 
pas sur le caractère naturel ou surnaturel de la propriété 
curative du bois. Le Pseudo-Augustin, De mirab. S. 
Script., Pair, lat., t. xxxv, col. 2167, nie que la propriété 




212. — Le AinEaouarah. 



mer Rouge, et la route exacte suivie par les Israélites 
pour se rendre au Sinaï, nous ne pouvons pas établir 
avec certitude le site de Marah; mais si l'on admet avec 
un grand nombre d'auteurs anciens et modernes que 
le passage de la mer Rouge est bien vers l'extrémité 
nord du golfe de Suez actuel, l'identification de Marah 
.avec Aïn-Haouarah est très vraisemblable. Cf. Vigou- 
xoux, La Bible, t. n, p. 452. 

II. Les eaux amères ou saumatres. — Le texte sacré, 
Exod., xv, 25, dit que Moïse adoucit les eaux de Marah, 
jour que son peuple pût les boire, au moyen d'un bois 
que le Seigneur lui indiqua. Ce fait est menlionné en- 
core dans Judith, v, 15, et Eccli., xxxvm, 5. L'effet de 
l'adoucissement des eaux de Marah fut-il dû à une pro- 
priété spéciale de ce bois, ou à une action directe de 
Dieu? Le bois en question avait-il naturellement cette 
propriété, ou bien la reçut-il seulement dans ce cas? 
Le 'êf de l'hébreu est-il un bois connu ? 

Voilà les questions que se sont posées beaucoup de 
voyageurs et d'exégètes anciens et modernes sans arriver 
à les résoudre d'une manière satisfaisante. — D'après 
Josèphe, Ant. jud., III, î, 2, Moïse, ému par les plaintes 
du peuple, pria Dieu, prit un bâton et après l'avoir 



en question fût naturelle. Les exégètes modernes se divi- 
sent, quoique la majeure partie d'entre eux retient qu'il 
s'agit d'une propriété naturelle. — Elle est surnaturelle 
d'après R. Salomon, Abulensis, Glassius, Léon de La- 
borde, Commentaire géographique de l'Exode, in-f°. 
Paris, 1841, p. 84, et autres. — Elle est naturelle, d'après 
Nicolas de Lyre, Ménochius, Tirinus, Valois, Cajetan, 
Estius, et les modernes généralement. L'Ecclésiastique, 
xxxviu, 4-5, semble confirmer cette opinion. Cf. Corné- 
lius a Lapide, Comment, in Pentateuch., Anvers, 1697, 
p. 457; J. de la Haye, Biblia Maxima, Paris, 1660, t. II, 
p. 125; dom Calmet, Comment, in S. Script., Lucques, 
1730, t. i, p. 455. 

La même variété d'opinions existe parmi ceux qui ont 
essayé de trouver la plante ou l'arbuste correspondant 
A Ves de l'Exode. Selon R. Salomon et Abulensis, c'est 
Yadelpha, une plante très amère ; pour Glassius, c'est un 
poison. D'après Calmet, Dictionnaire de la Bible, édit. 
Migne, 1845-1846, t. m, col. 332, les Orientaux l'appellent 
alnah. Parmi les explorateurs modernes, depuis Burck- 
hardt, Travels in Syria, 1822, p. 473, on a parlé beaucoup 
d'une plante appelée gharkad ou ghûrkûd, le peganum 
retusum de Forskal, Flora Mgyptiaco-arabica, in-4», 



711 



MARA — MARANATHA 



712 



Copenhague, 1775, p. lxvi : c'est un petit arbuste épi- 
neux qui est commun près des sources, et produit en 
été une baie rouge, douce au goût. Cf. aussi R. L. Des- 
lontaines, Flora Atlantiea, 2 in-4», Paris, 1778, t. I, 
p. 372. Mais H. S. Palmer, Sinai, p. 40, dit que la baie 
en question n'a aucune propriété pareille, et n'a jamais 
été supposée la posséder par les Arabes. Burckhardt 
reconnaît lui-même que les Arabes ne possèdent au- 
cun moyen d'adoucir l'eau saumâtre. Travels in Syria, 
1822, p. 473. Partagent la même opinion : Murray, 
Handbook for travellers in Egypt, 1880, II» part., 
p. 342; Ebers, Durch Gosen zum Sinai, p. 116-118. Cf. 
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Pa- 
ris, 1896, t. ii, p. 453-455. Cependant Lottin de Laval, 
Voyage dans a péninsule arabique, p. 215, prétend 
que les Arabes connaissent un moyen de corriger Pâcreté 
des eaux; ils emploient l'arbuste nommé lassaf, qui a 
quelque ressemblance avec le houx commun; et aussi 
des rameaux du câprier. Pour obtenir le même effet, 
Ferdinand de Lesseps dit que les Arabes se servent 
d'une espèce d'épine-vinette. Conférence de M. Ferdi- 
nand de Lesseps à Nantes sur le canal maritime de 
Suez, cercle des Beaux-Arts, 8 décembre Î866, in-12, 
Paris, 1867, p. 12. Il n'est pas improbable que ces deux 
explorateurs aient été mal informés par les Arabes, tou- 
jours extrêmement complaisants avec les étrangers; mais 
quand même on serait sûr qu'ils possèdent vraiment un 
moyen pareil, comment affirmer que c'est de celui-là 
que Moïse s'est servi? A. Molini. 

MAR ABA, patriarche nestorien de 536 à 552, né à 
IJalé, près du Tigre, dans le pays de Radan, mort à Sé- 
leucie-Ctésiphon. D'après sa biographie publiée par le 
P. Bedjan, le patriarche Mar Aba 1 er appartenait d'abord 
à la religion de Zoroastre. C'était un homme instruit et 
puissant qui tourmentait les chrétiens. Converti à la 
suite d'un prodige, il fut baptisé dans le village d'Akad, 
s'adonna à l'élude des Saintes Écritures dans l'école de 
Nisibe, y apprit le psautier en quelques jours et fut 
chargé enfin d'enseigner au pays d'Arzoun. Plus lard il 
voulut visiter les saints lieux; il s'arrêta à Édesse où il 
apprit le grec, il alla ensuite à Alexandrie où il expliqua 
en grec les Saints Livres; il visita la Thébaïde, Athènes 
et Constantinople. De retour à Nisibe, il voulut se reti- 
rer au désert, pour y fuir la vue des discordes de l'Église 
nestorienne, dotée alors de deux patriarches ennemis. 
Les évêques l'obligèrent à enseigner à Nisibe, puis le 
choisirent pour patriarche, l'an 536, d'après Amr et Bar- 
HébraeuSj ou l'an 539, d'après Élie. Cf. Braun, p. 93. Il 
pacifia l'Église nestorienne. Plus tard, revenu à Séleucie- 
Ctésiphon, il passait sa journée, jusqu'à la quatrième 
heure, à interpréter lés Saints Livres et ensuite à rendre 
la justice entre fidèles et fidèles ou entre fidèles et païens, 
puis, durant la nuit, il écrivait aux divers diocèses. Les 
Mages, jaloux de ses succès, l'accusèrent auprès du roi 
de Perse d'être l'ami des Romains, de convertir des 
Mages à sa religion, d'empêcher les chrétiens de man- 
ger certaines viandes et de plaider devant les Mages et 
de leur détendre d'épouser la femme de leur père, leur 
bru ou leur tante. Après de longues discussions, Mar 
Aba fut exilé en Adorbigan, dans un village nommé Se- 
res de Magousé, où était l'école centrale des Mages. Il 
y resta sept ans (542-549), après quoi, menacé de mort 
par les Mages qui avaient envoyé un émissaire pour le 
tuer secrètement, il s'enfuit à Séleucie-Ctésiphon et de- 
manda au roi de le juger et de le faire mourir au grand 
jour s'il le méritait. Le roi lui fut favorable, mais les 
Mages le persécutèrent toujours et il passa les trois der- 
nières années de sa vie (549-552) tantôt libre et tantôt 
prisonnier et chargé de chaînes. 

On voit par sa biographie que la Sainte Écriture fut 
l'étude de prédilection de Mar Aba. Amr écrit aussi : 
« Mar Aba interpréta l'Ancien et le Nouveau Testament; » 



de plus Ebedjésus, dans son catalogue, lui attribue une 
version de l'Ancien Testament faite du grec en syriaque 
et des commentaires sur plusieurs livres de l'Ancien et du 
Nouveau Testament. Nous ne savons pas s'il s'agit d'une 
version proprement dite du grec en syriaque ou seule- 
ment de la revision d'une version préexistante, car on ne 
la trouve citée par aucun des docteurs de l'Église nes- 
torienne ; il est donc possible que l'œuvre de traduction 
de Mar Aba ait été orale et qu'Ébedjésus se soit trompé 
en la supposant écrite. Il n'en est pas de même pour 
les commentaires, qui furent certainement écrits. Ses 
canons sur les Psaumes sont encore conservés dans les 
bibliothèques de Jérusalem, de Londres et de Munich. 
— Mar Aba écrivit encore des lettres synodales, des ca- 
nons, des lois ecclésiastiques et une traduction de la 
liturgie de Nestorius. — Voir sa biographie dans Bedjan, 
Histoire de Mar Jabalaha, de trois autres patriarches, 
d'un prêtre et de deux laïques, Paris, 1895, p. 206-274, 
texte syriaque résumé en allemand par Braun, Dos Buch 
der Synhados, Stuttgart, 1900, p. 93-97. Une biographie- 
plus courte nous est donnée dans Maris, Amri (Amr) 
et Slibse de patriarchis nestorianorum commentaria 
éd. et latine vertit Hénricus Gismondi, Rome, 1896 et 
1897, p. 39-41 du texte et p. 23-24 de la traduction. Cf. 
Bar Hébraeus, Chron. eccl., édit. Abbeloos et Lamy, Lou- 
vain, 1872-1877, t. n, col. 89-95; Rubens Duval, La- 
littérature syriaque, Paris, 1899, p. 67, 83, 218-219. Ses 
œuvres canoniques ont été traduites en allemand par 
Braun, loc. cit., puis publiées et traduites en français, 
par J.-B. Chabot, dans Notices et extraits des mss., 
t. xxxvii. Voir aussi dans le Canoniste contemporain, 
1900, p. 20-27, la traduction par F. Nau de l'ordonnance 
relative aux empêchements de mariage. F. Nau. 

MARAI (hébreu : Mahârai; Septante : Mei)pi), de 
la famille de Zaraï, de la tribu de Juda, originaire de- 
Nétupha, chef de la dixième division de l'armée de David, 
comprenant vingt-quatre mille hommes et chargée- 
du service pendant le dixième mois de l'année. I Par., 
xxvll, 13. C'était un des vaillants soldats de David. 
II Reg., xxm, 28; I Par., xi, 30. Dans ces deux derniers; 
passages, la Vulgate écrit plus correctement son nom 
Maharaï. Voir Maharaï, col. 577. 

MARAIA (hébreu : Merdyâh; Septante : 'Ajiapfoc), 
chef de la famille sacerdotal de Saraïa, du temps du 
grand-prêtre Joacim, contemporain de Néhémie. Voir- 
Joacim 1, t. m, col. 1550. 

MARAIOTH (hébreu : Merayôf; Septante : Mocpsciô), 
nom de deux prêtres. 

1. MARAIOTH, prêtre, descendant d'Éléazar, fils d'Aa- 
ron, un des ancêtres d'Esdras. I Esd., vu, 3. La Vulgate- 
écrit ailleurs son nom Méraioth. Voir Méraioth 1. 

2. MARAIOTH, chef d'une famille sacerdotale qui, du 
temps du grand-prêtre Joacim, contemporain de Néhé- 
mie, était représentée par Helci. II Esd., xii, 15. 

MARANATHA ([Aocpàv à9â), mois araméens qu'ont 
lit dans saint Paul, I Cor., xvi, 22 : s Si quelqu'un, 
n'aime pas le Seigneur qu'il soit anathème. Maranatha. » 

1» Interprétation des modernes. — Les modernes, 
ont donné de ces mots des explications et des traductions 
diverses. Tout le monde y reconnaît deux mots araméens, 
mais on les divise d'une manière différente. La plupart 

lisent nrw no, Maran 'ôfàTi, et traduisent: «Le Seigneur 

r~. - t 

vient, » ou « viendra ». Wilke v Clavis Novi Testamenti, 
* édit. Grimm, 1888,4». 271. G. Daïman, Grammatih 
des jùdisch-palâstinischen Aramâisch, in-8°, Leipzig,. 
1894, p. 120, 297, coupe ainsi Maranatha : un Nna, 

T I—» 



713 



MARANATHA 



MARBRE 



714 



tnâranà' ta' et le traduit : « Notre Seigneur, viens, a 
Cf. Apoc, xxii, 20. Bickell. dans la Zeitschrift fur ka- 
tholische Théologie, t. vin, 1884, p. 403, l'avait précédé 
dans cette voie. Th. Nôldeke a approuvé cette explica- 
tion, dans le Gbttingische gelehrte Anzeigen, 31 dé- 
cembre 1884, p. 1023. Aug. Klostermannn, Problème in 
Aposteltexte neu erôrtert, in-8°, Gotha, 1883, p. 220-246, 
a imaginé une explication nouvelle de Maranatha. 
D'après lui, c'est la formule dont se servaient les chré- 
tiens en se donnant le baiser fraternel : atha veut dire 
« signe s et la formule : « Le Seigneur est le signe. » 
Kautzsch, Grammatik, p. 174, observe avec raison que, 
si tel était le sens, il serait bien étrange que toute l'an- 
cienne tradition ecclésiastique se fût trompée à ce sujet. 
Sur l'analyse de ce mot, voir aussi C. Siegfried, dans la 
Zeitschrift fur uiissenschaftliche Théologie, 1885, p. 127 ; 
B. Duval, dans la Revue des études juives, t. ix, p. 143. 

2° Interprétation des Pères. — Cette façon de traduire 
Maranatha n'est pas conforme à l'explication qu'en 
ont donnée la plupart des Pères et en particulier les 
Pères grecs qui vivaient en Syrie où l'araméen était 
■encore parlé de leur temps, et qui par conséquent con- 
naissaient mieux encore que les savants de nos jours 
le véritable sens de cette locution. Ils expliquent Mara- 
natha par « le Seigneur est venu », au passé, et non 
pas au présent ou au futur. « Que signifie Maranatha? » 
demande saint Jean Chrysostome, H om. xliv in I Cor., 3, 
t. lxi, col. 377. Et il répond : « Notre Seigneur est 
Tenu (rj)6e). » Théodoret de Cyr, expliquant ce mot, In 
1 Cor., xvi, 21 , t. lxxxii, col. 373, s'exprime en ces termes : 
« Maranatha. Ce mot n'est pas hébreu, comme quel- 
ques-uns l'ont pensé, mais syriaque. 11 s'interprète ainsi : 
« Le Seigneur est venu (^X8e). » Saint Jean Damascène 
donne la même explication : « Le Seigneur est venu 
<t|>6ev). j In 1 Cor., XVI, 22, t. xcv, col. 705. Théophylacte; 
de même, In I Cor., xvi, 22, t. cxxiv, col. 793, ainsi que 
Suidas, Lexicon, édit. Bernhardy, 1853, t. II, col. 693. - 
Le témoignage des Pères latins a moins d'importance que 
celui des Pères grecs orientaux, parce que leur opinion 
ne peut être qu'un écho de celle des premiers, mais il 
atteste néanmoins ce que croyaient les docteurs qui les 
ont renseignés. Or, les plus savants des Latins s'expri- 
ment comme les Pères grecs. « Maranatha, dit saint 
Jérôme, In 1 Cor., xvi, t. xxx, col. 772, est plutôt syriaque 
qu'hébreu. Il signifie : « Notre-Seigneur est venu (Domi- 
« nus noster venit). » Cf. aussi Patr. lat., t. lxxxii, 
•col. 745, dans S. Isidore de Séville, App. IX, ad l. ri, 
■cap. i, 9, 2. L'Ambrosiasler, In I Cor., xvi, 22, t. xvn, 
col. 276, dit : « Anathema maranatha, ce qui s'interprète : 
Si quelqu'un n'aime pas le Seigneur Jésus qui est venu, 
qu'il soit retranché. Maranatha signifie, en effet : Le 
Seigneur est venu. Cela (est écrit) à cause des Juifs qui 
disaient que Jésus n'était pas venu {non venisse); ils 
sont donc anathèmes par le Seigneur qui est venu. » Le 
mot venit est amphibologique en latin et on lui a sou- 
vent donné dans Dominus venit le sens du présent, tan- 
dis qu'il faut lui donner celui du passé; les explications 
de l'Ambrosiaster en sont la preuve. 

La vraie signification de Maranatha fut cependant 
peu à peu oubliée et l'on ne doit pas trop s'en étonner. 
Maranatha, étant une locution d'une langue étrangère, 
devait être mal comprise, surtout au moyen âge, fiàr 
des gens qui ignoraient complètement l'araméen. 
Comme elle était jointe au mot anathema, on lui donna, 
de même qu'à ce dernier, un sens imprécatif. On lit 
dans le troisième concile de Tolède (en 589) : Cui hsec 
fides non placet aut non placuerit, sit anathema, 
Maran atha in adventu Domini Nostri Jesu Christi. 
Voir Concil. Tolet. 111, fidei confessio, xvm, Patr. lat., 
t. uxxxiv, col. 348. Dans les chartes et les testaments du 
moyen âge, cette formule d'imprécation est assez com- 
mune. Voir du Cange, Glossarium médise et infimes 
Latinilatis, édit. Henschel, t. iv, Paris, 1845, p. 270. 



L'explication d'Anathema maranatha par perditio in 
adventu Domini, qui se lit dans quelques chartes citées 
par du Cange, se trouve déjà dans saint Eucher, de 
Lyon (f 450), Instruct., n, 2, t. l, col. 815. Cf. aussi Po- 
tamius, Epist. ad Athanas., Patr. lat., t. vin, col. 1417, 
Proditio in adventum Domini, dans Append. IX ad. V. 
vi, 19. Etymolog. de S. Isidore de Séville, Patr. lat., 
t. lxxxii, col. 745. 

3» Véritable signification de Maranatha. — L'inter- 
prétation des Pères grecs et des anciens Pères latins est 
la plus exacte. Frd. Field, Otium Norvicense, 3 in-4°, 
Oxford, 1864-1881, t. m, p. 110, dit avec raison que 

NriN pD doit se traduire, non pas « Notre-Seigneur 

t— : — t 

vient », mais « Notre-Seigneur est venu ». Le verbe 'âtd' 
est employé dans la traduction syriaque pour ^X6e, Judae, 
14, ou pour fycei. Luc, xv, 27; I Joa., v, 20. Cette tra- 
duction est confirmée non seulement par la traduction de 
Théodoret et des autres Pères dont on a vu plus haut 
le témoignage, mais aussi par plusieurs scholiastes qui 
portent : 'O Kvpio; ^X9ev ou ^oipoiyéyovtv. Voir les pas- 
sages de ces scholiastes, dans Hesychius, Lexicon, 
édit. J. Alberti, in-f», 1766, t. n, col. 539, note 1; C.Tis- 
chendorf, Novum Testamentum grsece, editio octaya 
major, t. n, 1872, p. 568. « Dans le fait, dit à ce sujet 
Kautzsch, Grammatik, p. 174, on doit avouer que la 
raison principale pour laquelle on traduit [atha] par le 
présent, dans le sens du futur, raison sur laquelle je 
m'étais appuyé moi-même [plus haut, dans le même ou- 
vrage, p. 12], c'est que, d'après le contexte, il doit être 
question de la venue du Seigneur et de la parousie; or 
cette explication peut bien s'appuyer sur un préjugé 
exégétique. Il est donc possible que Chrysostome, Jé- 
rôme, Théodoret, Théophylacte, Érasme et d'autres eus- 
sent raison, quand, malgré l'entraînement du contexte, 
ils traduisaient par le passé. » L'interprétation patris- 
tique est non seulement soutenable, mais elle est la plus 
probable. On peut remarquer qu'elle semble confirmée 
par la Doctrine des douze Apôtres, x, 6, édit. Harnack, 
Leipzig, 1884, p. 35-36, où on lit à la fin de la prière 
après la communion : Ei' ti; Syiiîç iouv, ipx.é<r(lu>' t'î tiî 
oûx la-ci, [ieTavoEcxto' papav àOâ" àp,r,v. « Si quelqu'un 
est saint, qu'il vienne ; si quelqu'un ne l'est pas, qu'il 
fasse pénitence. Maranatha. Ainsi soit-il. » Ces mots, 
dans l'action de grâces après l'Eucharistie, s'expliquent 
naturellement en les rendant par « Notre-àeigueur est 
venu » ; ils n'ont pas de sens en les traduisant : « Notre- 
Seigneur viendra ; » cette formule de prière (Kautzsch, 
Grammatik, p. 174) est une sorte de remerciement 
adressé au Sauveur pour lui rendre grâces de sa venue 
au milieu des hommes. F. Vigouroux. 

MARBRE (hébreu : SayiS et SH, analogue à l'assyrien 
sassu, le marbre blanc; Septante : p,âp[j,apov; Vulgate : 
marmor), calcaire cristallisé sous la double influence 
de la pression et de la chaleur, et présentant après polis- 
sage une surface brillante et souvent veinée de diffé- 
rentes couleurs. Le marbre se rencontre aux endroits 
où des couches calcaires ont été comprimées latérale- 
ment par l'effet des mouvements orogéniques du sol. Le 
marbre blanc de l'île de Paros, dans l'Archipel, était 
célèbre dans l'antiquité. Par deux fois, I Par., xxjx, 2 ; 
Esth., I, 6, les versions traduisent les noms hébreux du 
marbre par itaplos, marmor Parium, et itapivoç Xt'8oç, 
parius lapis, bien qu'il s'agisse d'un marbre de tout 
autre provenance. Le marbre était employé dans les 
constructions de luxe. David en avait rassemblé pour 
servir à édifier certaines parties du Temple. I Par., 
xxix, 2. On en faisait des colonnes. Les jambes de 
l'Épouse sont comparées à des colonnes de marbre. 
Cant., v, 15. Le marbre fournissait de magnifiques dal- 
lages, tels que celui du palais d'Assuérus. Esth., i, 6. 
Comme il est éminemment propre à la sculpture, on eu 



715 



MARBRE - MARC (SAINT) 



716 



fabriquait tontes sortes d'objets de prix et de statuettes. 
Apoc, xviii, 12. On ne signale en Palestine aucune ex- 
ploitation de marbre, ni ancienne, ni moderne. Les dé- 
pôts calcaires y avoisinent pourtant les soulèvements 
volcaniques. Il ne" serait pas impossible qu'on eût par- 
fois traité comme marbre certains calcaires à structure 
cristalline, tels que ceux qu'on rencontre au sud d'Hé- 
bron. Cf. Tristram, The natural Bistory of the Bible, 
Londres, 1889, p. 19. Par contre, des marbres se trou- 
vent dans le Liban. Voir col. 231. — La Vulgate traduit 
par marmor des termes hébreux qui désignent des 
pierres à graver, Exod., xxxi, 5, ou simplement des 
pierres de construction en général ou d'ornementation. 
II Par., il, 14; m, 6. H. Lesêtre. 

1. MARC (SAINT) (grec : Mip*oç, Màpxoç; Vul- 
gate : Marcus), auteur du deuxième Évangile (fig. 213). 
— 1° Son identification avec Jean Mare. — La biographie 




213. — Saint Marc l'évangéliste. 
D'après Cahier, Caractéristiques des saints, t. i, p. 



395. 



du second évangéliste dépend de l'opinion que l'on ad- 
met sur son identité ou sa non-identité avec le person- 
nage que les Actes des Apôtres nomment tantôt simple- 
ment Jean, xih, 5, 13, tantôt Jean, surnommé Marc, xu, 
12, 25; xv, 37, tantôt Marc tout court, xv, 39. Avec Ba- 
ronius, Tillemont et Cotelier, des exégètes modernes ont 
distingué l'évangéliste Marc, disciple de saint Pierre, 
de Jean Marc, disciple de saint Paul. Patrizi, De Evan- 
geliis, 1. I, c. n, q. i, Fribourg-en-Brisgau, 1853, p. 33- 
36; Comment, in Marcum, Rome, 1862, p. 233-244; 
Danko, Historia revelationis divines N. T., Vienne, 1867, 
p. 274-275; T. Lamy, Jntroductio,5» édit., Louvain, 1893, 
t. Il, p. 225; Drach, Èpîtres de saint Paul, 2« édit., Paris, 
1896, p. 603. Mais la plupart des critiques avec toute 
l'antiquité, qui n'a coduu qu'un seul Marc, voir Victor 
d'Antioche, dans Cramer, Catenss in Ev. S. Matthasi et 
S. Marci, Oxford, 1840, p. 263, admettent l'identité de 
l'évangéliste avec Jean Marc, associé au ministère de 
Paul et de Barnabe. Nous adopterons ce dernier senti- 
ment, non sans en reconnaître ,les difficultés. Voir t. m, 
col. 1166-1167. Jean était donc le nom hébreu, voir t. m, 
col. 1153, du second évangéliste, et Marc, son surnom 



romain, devenu plus tard dans les milieux grecs son 
cognomen: Le nom de Jean lui avait été donné par ses- 
parents à la circoncision et était employé à Jérusalem. 
Le surnom de Marc lui a été appliqué plus tard, soit 
pour le distinguer d'autres Jean, soit plutôt en raison 
de l'usage répanda alors chez les Juifs d'ajouter à leur 
nom hébreu un nom grec ou latin. L'auteur des Actes- 
mentionne d'abord ses deux noms, xu, 15, 25, puis suc- 
cessivement l'un ou l'autre des deux suivant les habi- 
tudes des lieux, pour bien marquer l'identité. Dans les 
Épitres, le surnom est employé seul. 

2» Marc d'après les Actes des Apôtres. — Sa mère se 
nommait Marie et possédait à Jérusalem une maison, 
dans laquelle les disciples étaient réunis de nuit, lorsque 
saint Pierre, en 42 ou 44, sortit de prison. Act., xn, 12. 
L'apôtre s'y rendit directement comme au lieu ordinaire 
des assemblées. On en a conclu que cette maison était 
vaste, que la famille était opulente, et que le père de 
Marc, nommé Aristobule dans les apocryphes, était mort, 
puisque Marie est nommée comme maîtresse de la mai- 
son. On a parfois voulu faire de cette maison le Cénacle, 
et aujourd'hui cette opinion a des tenants, surtout en 
Allemagne. Voir t. H, col. 400. Paul et Barnabe qui, au 
temps de la famine survenue en 46, étaient revenus à 
Jérusalem apporter aux fidèles les aumônes de leurs 
frères, emmenèrent avec eux Jean Marc, lorsqu'ils re- 
tournèrent à Antioche. Act., xu, 25, Comme Marc n'est 
pas nommé avec les prophètes et les docteurs de l'Église 
d'Antioche, Act., xm, 1, on en a conclu qu'il n'était pas 
alors employé au ministère de la prédication. D'ailleurs, 
Paul et'Barnabé, dans leurs prédications en Séleucie et 
en Chypre, avaient Jean comme ûmipéTr]?, c'est-à-dire, 
si on ne considère que la simple signification du mot, 
comme serviteur, chargé spécialement du service maté- 
riel, mais si on rattache cette expression à la phrase 
précédente, dans laquelle les apôtres sont dits prédica- 
teurs de la parole de Dieu, Jean aurait été leur collabo- 
rateur dans ce ministère et \nzr\pé-n\s \6yov. Act., xm, 
5; cf. Luc, i, 2. Quand ils passèrent à Pergé en Pam- 
phylie, Jean se sépara d'eux et retourna à Jérusalem 
chez sa mère. Act., xm, 13. On ignore les motifs de 
cette séparation. Était-ce pour ne pas suivre ses compa- 
gnons dans des contrées inhospitalières? Était-ce par 
dissentiment réel au sujet de l'admission des gentils 
dans l'Église? On ne sait au juste et on est réduit à des 
conjectures. Toutefois, quand plus tard, au début de la 
seconde mission apostolique de Paul et de Barnabe, 
celui-ci accueillit Jean Marc qui les avait rejoints à 
Antioche et qui était décidé à les suivre désormais par- 
tout, Paul refusa catégoriquement le concours de celui 
qui les avait quittés dès la Pamphylie et qui n'était point 
allé à l'œuvre avec eux. L'apôtre le tenait donc pour 
pusillanime. Cf. Fouard, Saint Paul, ses missions, Paris, 
1892, p. 28-29, 100-102. Il y eut à ce sujet un violent 
désaccord, nafoi\>uii.6t, entre Paul et Barnabe, au point 
qu'ils se séparèrent et allèrent chacun de leur côté. 
Barnabe prit Marc avec lui et partit pour Chypre. Act., xv, 
37-39. Cf. t. i, col. 1463. Dès lors, les Actes se taisent 
sur le compte de Marc. 

3° Marc d'après les Epitres. — Marc reparaît plus 
tard auprès de saint Paul. Dans l'Épître aux Colossiens, 
écrite en 61 ou 62, au début de la captivité de l'apôtre à 
Rome, voir t. n, col. 869, Marc est nommé avec les autres, 
compagnons de saint Paul et ses coadjuteurs qui étaient 
de la circoncision. Col., iv, 10, 11. Paul, 1. 10, salue de sa 
part les Colossiens, ainsi que Philémon. Philem., 24. 
Marc était donc avec l'apôtre à Rome. Celui-ci oubliant . 
la séparation antérieure, lui avait fait bon accueil et il 
le recommandait chaudement aux Colossiens : & S'il va 
chez vous, recevez-le bien. » Dans ce passage, saint 
Paul indique incidemment l'origine juive de Marc et 
confirme ainsi les renseignements des Actes sur Jean 
Marc. Il ajoute un détail nouveau et nous apprend que 



717 



MARC (SAINT) 



718 



Marc était ô àveijiiôç Bapvâëa, « le cousin germain ou le 
neveu de Barnabe. » Voir 1. 1, col. 1462,1463. Marc serait- 
il, comme son parent, de la tribu de Lévi? Cette parenté 
nous explique l'attachement que Barnabe avait témoigné 
à Jean Marc. Plus tard encore, à la fin de sa carrière, 
durant sa seconde captivité à Rome, saint Paul écrivait 
à Timothée, qui était à Éphèse, de venir le voir et 
d'amener Marc avec lui : « Il m'est très utile pour 
l'œuvre du ministère. » II Tim., iv, 11. Si le désir de 
Paul s'est réalisé, Marc a pu se trouvera Rome à l'époque 
de la mort de son compagnon d'apostolat. 

D'autre part, saint Pierre, dans sa lettre aux chré- 
tiens du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce. de l'Asie 
et de la Bithynie, écrite de Babylone, c'est-à-dire de 
Rome selon l'interprétation la plus commune, voir 1. 1, 
col. 1357, 1358, salue ses correspondants au nom de 
Marc, qu'il appelle son fils. I Pet., v, 13. Cette dernière 
désignation signifie vraisemblablement la filiation spi- 
rituelle par le baptême. Saint Pierre, qui fréquentait 
la maison de Marie, aurait alors converti et baptisé Jean 
Marc. Cf. S. Jérôme, In Isa., lxv, 24, t. xxiv, col. 650. 
Il résulte aussi de ce passage que Marc fut le compa- 
gnon de Pierre dans la ville de Rome. Quant à la date 
de ce séjour commun à la ville éternelle, les critiques 
sont en désaccord. Quelques-uns pensent que Marc 
accompagnait saint Pierre dans son premier voyage à 
Rome sous le règne de Claude, en 42. Belser, Einlei- 
tung in das N. T., Friboiirg-en-Brisgau, 1901, p. 56-57. 
Quoi qu'il en soit d'ailleurs de la vérité de ce premier 
voyage, il semble plus probable de rapporter le séjour 
de Pierre et de Marc à une date postérieure, puisqu'il 
est mentionné dans la première Épitre. Or, celle-ci 
n'est pas antérieure à l'an 60 et on la fait contemporaine 
de la persécution de Néron. Ce serait donc plutôt à cette 
époque que Marc était à Rome avec Pierre. Schanz, 
Comtnentar ûber das Evangelium des heiligen Marcus, 
Tubingue, 1881, p. 7. De la salutation faite par saint 
Pierre à ses lecteurs au nom de Marc, il est permis de 
conclure que Marc était connu d'eux. Quand était-il allé 
dans ces contrées? Saint Denys d'Alexandrie, cité par 
Eusèbe, B. E., 1. VII, c. xxv, t. xx, col. 701, ne voulait 
pas attribuer l'Apocalypse à Jean Marc, parce que celui-ci 
n'était pas allé en Asie avec Paul et Barnabe. 

4° Marc d'après la tradition. — 1. Du reste, la tra- 
dition ecclésiastique confirme les relations de Marc avec 
saint Pierre et elle caractérise ces relations en disant 
que Marc a été èpn-i)veuT^; IIlîpov. C'est l'expression de 
Papias rapportée par Eusèbe, H. E., m, 39, t. xx, col. 300. 
Elle a été interprétée de différentes manières. Les uns 
lui ont donné le sens de truchement, comme si saint 
Marc traduisait en grec ou en latin les prédications que 
saint Pierre ne pouvait faire qu'en araméen. Mais le 
prince des apôtres savait le grec suffisamment pour 
s'exprimer et se faire comprendre en cette langue. Les 
autres ont pris ce terme dans sa signification de secré- 
taire, de sorte que saint Marc aurait été chargé d'écrire 
les lettres de saint Pierre. Mais plus généralement on 
l'a entendu dans le sens que Marc a rédigé son Évangile 
d'après les prédications de saint Pierre. Voir Marc 
(Évangile de saint). Cf. G. Dalman, Die Worte Jesu, 
Leipzig, 1898, t. i, p. 48-49. 

2. Si l'ancienne tradition a reconnu en saint Marc le 
disciple successif des apôtres Pierre et Paul, elle a dé- 
claré par la plume de Papias, consignant par écrit le 
témoignage du prêtre Jean, que Marc n'a pas vu le Sei- 
gneur et n'a pas entendu ses discours. Eusèbe, loc. cit. 
L'auteur du Dialogue d'Adamantvus, c. v (voir W. H 
van de Sande Bakhuysen, Der Dialog. des Adaman- 
tins, Leipzig, 1901, p. 8) ; Eusèbe lui-même, Demonst. 
evang., 1. III, 5, t. xxil, col. 197; saint Jérôme, In Matth., 
praef., t. xxvi, col. 18; saint Augustin, De consensu 
Evangelist., I, i, 2, t. xxxrv, col. 1043; Cont. Faust., 
Xvn, 3, t. xlii, col. 341, ont répété la même chose. Une 



tradition postérieure et sans fondement historique a fait 
de saint Marc un des soixante-douze disciples. L'auteur 
du Dialogue d'Adamantins, ibid., p. 10; S. Épiphane, 
Hser. xx, 4, t. xli, col. 280. L'évêque de Salamine, 
Hser. li, 6, col. 900, disait encore qu'après s'être attaché 
de bonne heure à Jésus, Marc fut un des disciples 
qui l'abandonnèrent, après le discours sur la promesse 
de l'eucharistie. Joa., vi, 66. Zahn, Einleitung in das 
N. T., 2« édit., Leipzig, 1900, t. il, p. 201, a interprété 
les premiers mots du canon de Muratori : Quibus 
tamen interfuit et ita posait, comme s'il y avait : Ali- 
quibus interfuit, dans le sens que Marc avait assisté 
à quelques-uns des événements de la vie de Jésus qu'il 
racontait dans son Évangile, bien qu'il n'ait pas été un 
disciple du Sauveur. Toutefois il n'y a pas de raison 
de penser que Marc était « cet autre disciple », qui 
introduisit Pierre chez Caïphe. Joa., xvm, 15. D'an- 
tre part, le moine Alexandre, dont le témoignage est 
cité, Acta sanctorum, junii t. n, p. 440, a prétendu 
que Marc était l'homme, portant une cruche, qui mena 
Pierre et Jean au cénacle, la maison de sa mère. 
Marc, xiv, 13. Avec plus de vraisemblance, beaucoup 
de critiques modernes pensent, en raison de la manière 
dont l'incident est rapporté par lui seul, que Marc était 
lui-même ce jeune homme qui, à Gethsémani, laissa 
aux mains des soldats le linceul dont il était couvert et 
s'enfuit nu. Marc., xlv, 51-52. Belser, Einleitung in das 
N. T., p. 69, estime même que Marc dans cet accoutre- 
ment avait suivi Jésus depuis le Cénacle qui était la 
maison de sa mère. Les partisans de ce sentiment le 
concilient avec l'ancienne tradition en disant que Marc 
n'aurait vu Jésus que dans cette circonstance et occa- 
sionnellement. Cf. Zahn, Die Dormitio Sanctse Virginis 
und das Haus des Johannes Marcus, dans la Neue 
kirchl. Zeitschrift, 1899, t. x, fasc. 5. 

3. Un autre détail traditionnel concernerait l'origine 
Jévitique de Marc. L'auteur des Philosophumena, vu, 
30, t. vi, col. 3334, désigne Marc par cette épithète sin- 
gulière, « l'homme au doigt coupé, » xoXo6oS<i)cnj).oç. 
Cette expression est expliquée par divers documents de 
peu d'autorité. Un vieil argument, reproduit dans beau- 
coup de manuscrits de la Vulgate, rapporte que Marc, 
qui était de race lévitique, exerçait les fonctions de 
son ordre en Israël, mais que, après sa conversion à la 
foi catholique, il se coupa, dit-on, le pouce afin de se 
rendre incapable de remplir les actes du sacerdoce 
hébraïque. Corssen, Monarchianische Prologue, dans 
Texte und Untersuch., Leipzig, 1896, t. xv, fasc. 1, p. 9-10 ; 
Tischendorf, Codex Amiatinus, Leipzig, 1854, p. 59; 
Wordsworth et White, Novum^ Testamentum D. N. J. C. 
latine, Oxford, 1891, t. i, fasc. 2, p. 171-173. Le même 
détail est fourni par un manuscrit arabe, décrit par 
Fleischer, dans Zeitschrift der deutschen morgenlan- 
dischen Gesellschaft, Leipzig, 1854, t. vin, p. 566. Ce- 
pendant une autre explication de cette épithète est 
donnée dans une préface copiée dans le manuscrit Tole- 
tanus de la Vulgate : Marcus gui et colobodactilus est 
nominatus ideo quod a cetera corporis proceritalem 
digitos minores habuisset. Wordsworth et White, 
loc. cit., p. 171. Cf. E. Nestlé, Marcus colobodactilus, 
dans la Zeitschrift fur neutestamentliche Wissenschaft, 
t. iv, p. 347. 

4. Une dernière donnée fournie par la tradition ecclé- 
siastique sur saint Marc fait du second évangéliste le 
fondateur de l'église d'Alexandrie. Le fait est attesté 
par de nombreux témoignages de nature diverse et 
d'origine revativement récente. Eusèbe, H. E., n, 16, 
t. xx, col. 173. Cf. Le Quien, Oriens christianus, Pa- 
ris, 1740, t. H, p. 334; Acta sanctorum, junii t. H, 
p. l*-6\ Mais il est malaisé de fixer la date de cet évé- 
nement. Eusèbe, Chronic, t. xix, col. 539, rapporte le 
fait aux premières années de Claude (42 ou 43). Cf. 
S. Jérôme, Chronic., t. xxvii, col. 579. Il est bien diffi- 



719 



MARC (SAINT) — MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



720 



cïle d'accepter cette date, puisque alors Jean Marc ac- 
compagnait Paul et Barnabe. Eusèbe, H. E., n, 24, 
t. xx, col. 206, dit qu'à la huitième année du règne de 
Néron,, en 62, Arien succéda à Marc sur le siège 
d'Alexandrie. S. Jérôme, De viris illust., 8, t. xxm, 
col. 623, en a conclu, vraisemblablement à tort, que 
saint Marc était mort cette année-là. Il faut remarquer 
qu'Eusèbe ne le dit pas, et beaucoup de critiques pen- 
sent que saint Marc aurait quitté alors la ville d'Alexan- 
drie pour aller ailleurs, à Borne, où il se joignit à saint 
Paul, et y revenir plus tard, selon quelques-uns. Les 
Actes apocryphes de saint Barnabe, soi disant rédigés 
par lui-même, font aller Marc à Alexandrie après la 
mort de son parent dans l'île de Chypre. Bonnet, Acta 
Apostolorum apocrypha, Leipzig, 1903, t. il, p. 301; 
Acta sanctorum, junii t. n, p. 429. Les Actes apocryphes 
de saint Marc disent la même chose et ils ajoutent que 
l'évèque d'Alexandrie fut mis à mort par les païens et 
enseveli dans un village voisin. Dictionnaire des apo- 
cryphes de Migne, Paris, 1858, t. n, col. 473-476; Lip- 
sius, Die apocryphen Apostelgeschichten, t. n, fasc. 2, 
p. 344-346. Cf. Siméon Métaphraste, Martyrium S. Marci 
apostoli, n. 1, 9, t. cxv, col. 164, 169; le moine Alexandre, 
Laudatio S. Barnabœ, dans Acta sanctorum, junii t. n, 
p. 440. C'est de là que des marchands vénitiens rappor- 
tèrent ses reliques en 828. Saint Marc fut dès lors le 
patron de Venise. L'Église latine l'honore comme mar- 
tyr le 25 avril. L'Église grecque fait sa fête le même 
jour, mais célèbre celle de Jean Marc le 27 septembre. 
Le lion est, dans la littérature et l'art chrétien, le sym- 
bole du second évangéliste (fig. 214). Des écrivains récents 




214. — Le lion, symbole de saint Marc. 

D'après A. Roberston, The Bible of St. Mark. St. Mark's 

Church, Venice, in-12, Londres, 1898, frontispice. 

ont prétendu que saint Marc a été le fondateur de l'église 
d'Aquilée; mais il est vraisemblable que ce sentiment 
n'a été adopté que pour expliquer l'origine du patriarcat 
de cette ville. Voir Acta sanctorum, aprilis t. m, p. 347- 
361; junii t. vu, p. 6*-8*; septembris t. vu, p. 354-364; 
A. M. Molini, De vita et lipsaniis S. Marci évangéliste 
libri II, Borne, 1864. E. Mangenot. 

2. MARC (ÉVANGILE DE SAINT). — I. AUTHENTICITÉ. 
— L'authenticité du deuxième Évangile ne peut être 
sérieusement contestée, car elle repose sur les preuves 
les plus anciennes et les plus solides. 

1» Traces de l'existence et de la connaissance du 
second Evangile à la fin du i a siècle et au cours du il'. 



— On ne trouve dans l'écrit lui-même aucun témoignage 
explicite sur l'auteur qui n'y est pas nommé. Les titres 
grecs et latins : Eùayrtitov xatà Mripxov, Evangelium 
secundum Marcum, qui sont en tête^des manuscrits et 
des éditions, ne sont pas originaux et ne datent que du 
II e siècle. Voir t. H, col. 2060. 

On a remarqué dans l'Épitre aux Hébreux, à peu près 
contemporaine de l'Évangile de Marc, voirt. m, col. 523, 
surtout dans son introduction, 1, 1-n, 4, « une série de dé- 
tails matériels et formels qui trahissent d'une manière 
surprenante l'influence des derniers versets de Marc, 
xvi. » B y a des pensées communes, notamment celles 
qui forment le fond de toute Pépitre : que Jésus est le Fils 
de Dieu fait homme et qu'il est maintenant assis à la 
droite de son Père céleste. Heb., i, 1-4. Elles sont expri- 
mées au début et à la fin du second Évangile. Marc, 1, 1 ; 
xvi, 19. Pour les deux écrivains, Heb., n, 3; Marc, I, 1; 
xvi, 20, Jésus a commencé la prédication de l'Évangile 
et les apôtres l'ont continuée et complétée. Cette prédi- 
cation est confirmée de la part de Dieu par des miracles 
nombreux et variés. Heb., n, 4; Marc, xvi, 16-20. Il 
y a aussi des ressemblances de forme et de langage. 
En exprimant l'idée que Jésus est assis à la droite du 
Père, l'auteur de l'épître emploie trois fois, i, 3 ; vm, 1 ; 
x, 12, l'aoriste èxdt8i<rev qu'on ne trouve nulle part 
ailleurs dans le Nouveau Testament que dans Marc, xvi, 
19. Il emploie encore le mot è6eëa«i67], il, 3, comme 
Marc, xvi, 20, et il appelle Jésus le Seigneur tout cour t 
en ce seul endroit, comme Marc le fait exclusivement, 
xvi, 19, 20. Enfin, la conclusion de l'Évangile, xvi, 20, 
et Heb., n, 4, expriment une pensée identique par une 
construction identique. Toutes ces coïncidences ne sont 
pas fortuites et elles ne s'expliquent complètement que 
par un emprunt ou une imitation de l'auteur de l'épître 
à l'Évangile de Marc. Cf. P. Van Kasteren, L'épilogue 
canonique du second Évangile, dans la Revue biblique, 
1902, t. xi, p. 246-249. 

Dans les œuvres des plus anciens écrivains ecclé- 
siastiques on trouve des citations implicites ou expresses 
du second Évangile, qui était en usage même chez les 
premiers hérétiques. Un indice, obscur il est vrai, se 
rencontre dans saint Clément de Borne, I Cor., xv, 2, 
Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t. I, p. 118, qui 
rapporte des paroles d'Isaïe, xxix, 13, telles qu'elles 
sont citées Marc, vu, 6. L'Épitre de Barnabe, xn, 11, 
Funk, op. cit., p. 78, fait allusion à un mot de Marc, 
xii, 37. Au début de la AiSaxh, i, 2, Funk, ibid., p. 2, 
il y a peut-être aussi une allusion à Marc, xii, 30-31. 
Saint Polycarpe, Ad Phil., vu, 2, Funk, ibid., p. 304, 
cite textuellement une parole de Notre-Seigneur, qu'on 
lit, Marc, xiv, 38, aussi bien que Matth., xxvi, 41. Le 
Pasteur d'Hermas vise plus clairement en divers en- 
droits le texte du second évangéliste. Ainsi Vis., m, 20, 
3, Funk, p. 446, Marc, îv, 18; cf. Sim., ix, 20, 1, 
p. 614; Sim., ix, 12, 3, p. 598, Marc, ix, 47; x, 23; 
Vis., m, 6, 3, p. 444, Marc, ix, 50; Mand., iv, 1, 6, 
p. 474, Marc, x, 11 ; Sim., IX, 20, 2, 3, p. 614, Marc, x, 
23, 24; Fis., iv, 2, 6, p. 464, Marc, xiv, 21. La 11 dé- 
mentis ad Corinthios contient, H, 4; m, 5; vi, 2; vu, 6; 
ix, 11, des allusions plus voilées à Marc, n, 17 ; vu, 6; 
vm, 36; ix, 44, 46; m, 35. Funk, ibid., p. 186, 188,190, 
192, 194. Au témoignage de saint Irénée, Cont. hser., III, 
xi, 7, t. vu, col. 884, les docètes accordaient la préfé- 
rence à l'Évangile selon saint Marc. De fait, au rapport 
des Philosophumena, vin, 8, t. xvi, col. 3350, ils par- 
laient du figuier maudit par Notre-Seigneur, que Marc 
désigne seul en ces termes, xi, 21. Les naassènes citaient 
des paroles de Jésus qu'on lit textuellement, Marc, x, 
38. Philosophumena, v, 8, ibid., col. 3142. Les valen- 
tiniens rapportaient des paroles évangéliques, notam- 
ment l'interrogation de Notre-Seigneur : Ti< u.ou ^((/aTO, 
qu'on ne retrouve qu'en saint Marc, v, 31. S. Irénée, 
Cont. hier., I, ni, 3, t. vu, col. 472; cf. S. Épiphane, 



721 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



722 



Rœr., xsxill, 9, t. xu, col. 572; Zahn, Geschichte des 
neutestamentichen Kanons, Erlangen, 1889, t. i, p. 742- 
744. La xix e Homélie clémentine, 20, t. h, col. 441, cite 
Marc, iv, 34. Le P. Cornely, Jntroductio specialis, Pa- 
ris, 1886, t. m, p. 88, avoue que ces citations du second 
Évangile par les Pères apostoliques et les hérétiques 
des deux premiers siècles ne suffisent pas à constituer 
un argument certain en faveur de l'existence du second 
Évangile. Il explique leur petit nombre par cette cir- 
constance que saint Marc a peu de récits propres. C'est 
pourquoi ; les anciennes citations évangéliques visent 
plutôt les récits parallèles de saint Matthieu et de saint 
Luc. Mais la rareté des témoignages indirects relatifs au 
second Évangile est amplement compensée par les affir- 
mations les plus anciennes et les plus explicites tou- 
chant son auteur. 

2° Témoignages directs en faveur de la composition 
du second Évangile par saint Marc. — Vers l'an 130, 
voir Funk, Patres apostolici,t. i, p. cvm, Papias, évêque 
d'Hiérapolis, rapportait une parole du prêtre Jean, qui 
nous a été conservée par Eusèbe, H. E., m, 36, t. xx, 
col. 300. Ce prêtre Jean ne peut être que l'apôtre saint 
Jean lui-même. Voir t. m, col. 1163-1164; Zahn, Ein- 
leitung in das N. T., 2 e édit., Leipzig, 1900, t. u, p. 205- 
207; Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t. i, 
p. 352-354. Or le prêtre Jean disait que Marc, l'inter- 
prète de Pierre, avait exactement consigné par écrit 
tout ce que sa mémoire avait retenu, sans cependant 
avoir reproduit avec ordre les discours ou les actes du 
Seigneur. Marc, en effet (les critiques discutent si ces 
dernières paroles sont encore du prêtre Jean, ou si elles 
ne sont qu'une réflexion de Papias sur celles qui pré- 
cédent), n'avait pas vu le Seigneur et ne l'avait pas 
suivi en qualité de disciple; plus tard seulement, 
comme je l'ai dit (est-ce l'apôtre qui se réfère ici à son 
affirmation que Marc était l'interprète de Pierre? ou 
Papias qui fait allusion à ce qu'il avait dit dans son livre 
avant la citation du prêtre Jean? peu importe), il a suivi 
Pierre qui ne prêchait que selon les besoins de ses audi- 
teurs et non pas comme s'il composait un recueil des 
discours du Seigneur. Marc toutefois n'a pas erré en 
retraçant des faits détachés comme il se les rappelait, car 
il s'appliqua uniquement à ne rien omettre de ce qu'il 
avait entendu et à ne l'altérer en rien. Cet important 
témoignage a ,été longuement discuté, surtout depuis 
que Schleiermacher a voulu le rapporter non pas à 
l'Évangile canonique de Marc, mais à un écrit perdu 
qui exposait sans ordre les discours et les actes de Jésus 
et que des critiques plus récents ont appelé le Proto- 
Marc. Voir t. n, col. 2097. Depuis que la fortune du 
Proto-Marc est en baisse, voir ibid., col. 2098, il est plus 
aisé d'interpréter le texte de Papias. Il est clair d'abord 
que le jugement de l'évêque d'Hiérapolis n'est pas, 
comme on l'a longtemps prétendu en France et en 
Allemagne, défavorable à l'Évangile de Marc. Papias, 
qui loue l'exactitude du récit, ne dit pas que cet Évan- 
gile était un recueil d'anecdotes sans ordre et sans suite, 
et il ne pouvait préférer la tradition orale à un écrit 
qu'il déclarait composé d'après la prédication de saint 
Pierre. F. Godet, Introduction au N. T., Paris, 1897, 
t. H, l re livraison, p. 62-69. D'ailleurs, s'il affirme 
avec le prêtre Jean que Marc a reproduit sans ordre" 
les discours et les actes du Seigneur, cette absence 
d'ordre ne signifie pas que le deuxième Évangile 
manque d'ordonnance, car les récits n'y sont pas jetés au 
hasard. Voir col. 735. Elle n'est pas non plus affirmée 
comparativement à un autre Évangile, comme le pense 
encore Godet, Introd., Neuchâtel, 1889, t. 11,3 e livraison, 
p. 421-522, pour Matthieu. Le contexte, en effet, montre 
bien que le prêtre Jean ou Papias entendait parler de 
l'ordre qu'on pouvait attendre d'un historien, témoin 
oculaire et auriculaire des faits et des dits qu'il rappor- 
tait, de l'ordre que Jean lui-même mettait dans ses 



récits ou que ses disciples étaient habitués à y trouver. 
Marc, lui, n'avait ni vu ni entendu le Seigneur; il avait 
écrit d'après ce qu'il avait retenu des prédications de 
Pierre, et Pierre citait les paroles de Jésus ou racontait 
les faits de sa vie selon les occurrences et non pas sui- 
vant l'ordre chronologique. Zahn, Einleitung in das 
N. T., t. H, p. 207-210; Belser, Einleitung in das N. T., 
Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 57-58; Funk, Patres 
apostolici, t. i, p. 358. Pour ne pas faire de Marc un 
simple truchement de Pierre, Zahn, loc. cit., prétend 
que d'après le prêtre Jean et Papias, le second évangé- 
liste n'a pas mis par écrit l'Évangile prêché par Pierre, 
mais seulement les récits sur Jésus qu'il avait entendus 
de sa bouche à Jérusalem au début du christianisme. 
Belser et Funk, quoique d'un avis différent sur la signi- 
fication des mots ipy.v\vwf[; IléTpov, soutiennent avec 
plus de raison, nous semble-t-il, que Marc, auditeur, 
sinon truchement de Pierre, a rédigé son Évangile 
d'après les souvenirs qu'il avait gardés de la prédi- 
cation du prince des apôtres. Quoi qu'il en soit de ces 
détails, il est vrai que le prêtre Jean rend hommage à 
l'exactitude des récits de Marc. Celui-ci n'a rien ajouté 
de son propre fonds pour rendre sa narration plus inté- 
ressante, il s'est contenté de reproduire les discours de 
Pierre tels qu'il les avait retenus. Son témoignage, 
quoique incomplet peut-être, est exact et il a ainsi la 
valeur d'un témoin oculaire, bien que Marc n'ait pas 
vu lui-même le Seigneur. De la parole du prêtre Jean 
rapportée par Papias, il résulte donc que, dans le der- 
nier quart du i 8r siècle, entre 75-100, l'Évangile de Marc 
existait dans la province d'Asie et y était regardé comme 
l'écho fidèle des prédications de Pierre, d'un disciple 
immédiat du Seigneur. Le nom de l'auteur était connu 
et a été recueilli des lèvres mêmes de l'apôtre Jean. 
D'autre part, Papias, en consignant par écrit vers 
130 cette tradition johannine ne doutait pas que l'Évan- 
gile, auquel l'apôtre avait rendu témoignage, ne fut 
celui-là même qui de son temps était répandu en Asie 
Mineure sous le nom de Marc. Le dire du prêtre Jean 
concerne donc le second Évangile canonique, et non 
un autre récit évangélique qui serait perdu et qu'on 
pourrait appeler Proto-Marc. Voir t. n, col. 2065-2066. 
Cf. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, 
t. i, p. 870-889. 

D'ailleurs la tradition ecclésiastique est dés lors una- 
nime à attribuer le second Évangile à Marc comme 
aussi à le rattacher aux prédications de Pierre. Ainsi 
saint Justin ne se borne pas à citer des passages ou des 
traits de l'Évangile exclusivement propres à saint Marc, 
comme la finale contestée (voir plus loin) et comme le 
nom de téxtwv, Marc, vi, 3, donné à Jésus, Dial. cum 
Tryph., 88, t. vi, col. 688; il tire le surnom de Boaner- 
gès, appliqué aux fils de Zébédée, Marc, m, 17, des 
Mémoires de saint Pierre. En effet, venant de parler de 
Pierre, un des apôtres, il ajoute : xaV Ysypàçôat êv toi; 
à?ro|ivï)tJi.ov£ij(ia!nv aùtoû. Or tous les critiques rappor- 
tent maintenant ce prénom mj-roO à Pierre qui précède 
immédiatement, et non au Christ, dont il est parlé an- 
térieurement. Sans nommer donc saint Marc, Justin 
connaît et cite des Mémoires de Pierre qui ne peuvent 
être que l'Évangile de Marc. Dial., 106, col. 724. Voir 
t. il, col. 2068; Zahn, Geschichte des neutestamentlichen 
Kanons, Erlangen, 1889, t. i, p. 509-516. L'Évangile de 
Marc était certainement entré dans la composition du 
àik TEiroâpwv de Tatien. Saint Irénée, Cont. hser., III, 
x, 6, t. vu, col. 878, dit du second Évangile : Quaprop- 
ter et Marcus, interpres et sectator Pétri, initium evan- 
gelicte conscriptionis fecit sic : Initium Evangelii Jesu 
Ckristi, etc. Précédemment, III, i, 1, col. 845, il l'avait 
caractérisé en ces termes : Mïpxoc, 6 [ia67|0)c xa< ipt")- 
veutVJ; flétpcj, -/.ai aOtôc Ta ûn<S IléTpou xr)pu<j<j<i|ieva 
ÉTYPoçwç Ti(iïv icapoSiSioxî. Voir t. u, col. 2071-2072. 
Clément d'Alexandrie répète trois fois des affirmations 



723 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



724" 



analogues, en y ajoutant des renseignements que nous 
rapporterons plus loin sur l'occasion, le temps et le lieu 
de la composition du second Évangile. Tertullien, Adv. 
Marcion., iv, 5, t. n, col. 367, dit de même : Licet et 
Marcus quod edidit (Evangelium) Pétri affirmetur 
cujus interpres Marcus. Origène, cité par Eusèbe, H. E., 
vi, 25, t. XX, col. 581 : AeÛTepov 8è t6 xocto MSpxov, wç 
Ilétpoç ûipY]yT|<TaTO a-jxfi, woiiiaovTa. Victorien de Pettau 
(vers 300} avait connu le témoignage de Papias qu'il 
répétait en disant : Marcus interpres Pétri ea quse in 
munere docebat commemoratus conscripsit, sed non 
ordine. Eusébe, qui avait cité Papias et Clément d'Alexan- 
drie, reproduit à son tour les mêmes renseignements. Il 
rapporte, H. E., n, 16, t. xx, col. 173, que Marc, s'étant 
rendu en Egypte, y prêcha l'Évangile qu'il avait composé. 
Il signale les relations du second Évangile avec la pré- 
dication de Pierre : Toûtov Mâpxoç fvâ>pmo; xa\ «poitir)- 
•ri)Ç Y e Y ov ^ >i : àjtoiiviqiJLOveOffat Xéyetat tà( toO Tlixpai) mpt 
tSv jtpdtÇeeov toO 'Iyiuoû SiaXéÇsiç. Demonst. evang., ni, 
5, t. xxii, col. 216. Mâpxo; jiév taOta YP«? £ 'i IléTpo; Si 
taCra icepi èautoO [lapTupeî - flivta f&p ta îrapà Mâpxto 
Tûv nirpou 5taXIÇeo)v eîvat Xéyexat àTtojivï)[j,oveu£iara. 
Ibid., col. 217. Saint Épiphane, Hier, li, 6, t. XLi, 
col. 900, et saint Jean Chrysostome, In Matth., Hom. 
lxxxv, 1, t. lviii, col. 758, disent simplement que 
Marc composa son Évangile d'après Pierre. Mais d'autres 
écrivains en arrivent presque à faire de saint Pierre 
l'auteur réel du second Évangile et à réduire le rôle de 
Marc à celui d'un secrétaire qui écrivait sous sa dictée. 
Ainsi la Synopsis Script. Sacrée, attribuée à saint Atha- 
nase, 76, t. xxvin, col. 433, dit : Tb xarà Mipxov Eùay- 
ysXtov OttYiYopEOOT] (jiv \mo IUipou toû àitouriftoo 4v 
'Pû(i,T), èÇeBôdif) Si ùico Mâpxou. Saint Jérôme est presque 
aussi formel. De viris illust., 1, t. xxm, col. 609, il dit 
qu'on attribue à Pierre l'Évangile de Marc, son auditeur 
et son interprète. Ibid., 8, col. 621, il assure : Marcus, 
discipulus et interpres Pétri juxta quod Petrum refe- 
rentetn audierat, rogatus Roniee a fratribus brève 
scfipsit Evangelium. 11 écrit à Hédibia, Epist. cxxi, 
11, t. xxii, col. 1002 : Habebat ergo (Paulus) Titum 
interpretem, sicut et beatus Pet^us Marcum, cujus 
Evangelium Petro narrante et illo scribente composi- 
tum est. Cf. Comment, in Matth., prœf., t. xxvi, col. 18. 
Il est inutile de citer les témoignages postérieurs qui 
ne font que reproduire les précédents. Ceux-ci suffisent 
à établir que dans l'Église on a, dès l'origine, tenu le 
second Évangile comme l'œuvre de saint Marc, disciple 
de Pierre. 

3» Identité de l'Évangile de Marc, tel que la tradi- 
tion ecclésiastique le représente, avec le second Évan- 
gile canonique. — La "tradition est donc unanime à 
constater les rapports de l'Évangile de Marc avec la pré- 
dication de saint Pierre. Or unanimement aussi les 
critiques reconnaissent « que l'Évangile de Marc est celui 
où la personnalité de Pierre est davantage empreinte ». 
P. Batilfol, Six leçons sur les Évangiles, 2« édit., Paris, 
1897, p. 60. La vocation de Pierre est un des premiers 
événements de la vie publique du Sauveur, I, 16. La 
guérison de la belle-mère de Pierre est la première de 
celles dont on fait le récit, I, 29-31. Simon est seul 
nommé de ceux qui suivent Jésus, i, 35. 11 est le pre- 
mier des apôtres, m, 16, le premier des trois qui assis- 
tent à la résurrection de la fille de Jaïre, v, 37, à la 
transfiguration, ix, 1, et c'est celui qui prend la parole, 
IX, 4. C'est lui qui à Césarée de Philippe proclame son 
maître le Messie, vm, 29. C'est lui qui ne veut pas en- 
tendre parler de la passion et reçoit à ce sujet une vive 
réprimande, vm, 32, 33. Il rappelle à Jésus le désinté- 
ressement avec lequel les apôtres l'ont suivi, x, 28. Il 
indique à Jésus les effets de la malédiction portée 
contre le figuier stérile, xi, 21. Il est encore un des 
quatre apôtres qui interrogent le Maître sur l'époque de 
la destruction du Temple de Jérusalem, xiii, 3, et un 



des trois témoins de l'agonie, XIV, 33. C'est à lui que le 
Sauveur reproche d'avoir cédé au sommeil, xiv, 37. 
Pierre suit de loin la troupe qui emmène Jésus et pé- 
nètre dans la maison du grand-prêtre, xiv, 54. Marc 
raconte avec des détails circonstanciés le triple renie- 
ment de Pierre et il est seul à mentionner le double 
chant du coq, xiv, 66-72. Pierre est nommément dis- 
tingué des douze apôtres dans le message que reçoivent 
les saintes femmes au matin de la résurrection, xvi, 7. 
On a remarqué que si Marc rapporte toutes les circons- 
tances les plus propres à humilier Pierre, il omet le 
récit le plus honorable pour lui, celui dans lequel 
Pierre reçoit de Jésus la primauté sur toute l'Église en 
récompense de sa profession de foi, Matth., xvi, 16-19, 
aussi bien que sa marche miraculeuse sur les eaux 
du lac. Matth., xiv, 28-31. Depuis Eusèbe de Césarée, 
Demonst. evangel., m, 5, t. xxn, col. 216, on a pensé que 
saint Marc, reproduisant les discours de saint Pierre, 
avait laissé de côté ce que l'apôtre taisait par humilité. 

Bien plus, Klostermann, Das Marcus Evangelium, 
Gœttingue, 1867, p. 72, a remarqué avec perspicacité, 
qu'en plusieurs passages Marc semble s'être borné à 
changer le nous de la prédication de Pierre en ils du 
récit historique, au risque de laisser quelque indécision 
dans la narration. Ainsi à la suite de la guérison d'un 
possédé dans la synagogue de Capharnaum, Marc dit : 
« Et aussitôt sortant de la synagogue, ils vinrent dans 
la maison de Simon et d'André avec Jacques et Jean, ». 
i, 29. Qui sont ceux-là? Évidemment les quatre disci- 
ples dont la vocation est racontée, I, 16-20. Or, Jacques 
et Jean étaient du nombre. Comment Marc peut-il dire : 
« Ils vinrent avec Jacques et Jean? » Klostermann a 
supposé que Pierre en rapportant ce fait, disait : « Nous 
vînmes dans ma maison avec Jacques et Jean. » Pareille 
supposition donne l'explication du récit incorrect de 
l'élection des douze, ainsi rédigé : « Et il en établit 
douze avec lui... et il donna à Simon le surnom de 
Pierre; et Jacques le fils de Zébédée (xa\ 'Ictxarêov, à 
l'accusatif), etc. » m, 13-17. L'irrégularité de la phrase 
s'explique si l'on admet que Pierre disait : « Il nous 
établit douze... Simon à qui il donna le surnom de 
Pierre, et Jacques, etc. » Zahn, Einleitung in dasN. T., 
t. n, p. 246, ajoute un troisième exemple. Après la 
transfiguration le récit continue : « En arrivant vers 
les disciples, ils virent une grande foule, etc., » ix, 14; 
ce qui se rendrait mieux : « En approchant, nous, 
vîmes, etc. » Cf. Godet, Introduction au N.' T., t. il, 
p. 385-387. 

Enfin, on a remarqué que l'Évangile de saint Marc, 
présentait dans ses récits un relief, une précision de 
détails, une netteté de frappe, qui supposent un témoin 
oculaire. Voir col. 742. Puisque l'auteur n'a ni vu ni 
entendu le Seigneur, puisqu'il écrivait de souvenir, on 
explique ce caractère de son livre par cela qu'il repro- 
duit les prédications de saint Pierre, témoin et parfois 
acteur des faits racontés. Tout concourt donc à justifier 
l'attribution traditionnelle du second Évangile à Marc, 
disciple et compagnon du prince des apôtres. Aussi 
Harnack, Die Chronologie der altchrist. Litteratur bis 
Eusebius, Leipzig, 1897, 1. 1, p. 652, déclare-t-il, « qu'il 
est impossible de mettre en question l'identité de notre 
Évangile de Marc avec l'écrit évangélique que la tradi- 
tion, par la plume de Papias, attribue à Marc qui avait 
été secrétaire de Pierre. » 

II. Intégrité. — Les critiques ne signalent dans le 
texte du second Évangile aucune autre grande inter- 
polation que celle de la finale actuelle. Marc, xvi, 9-80. 
On trouve même dans quelques documents d'autres 
conclusions à la place de la plus répandue. Il nous 
faut donc : 1» exposer les arguments apportés pour et 
contre l'authenticité de la finale ordinaire; 2" montrer 
que les conclusions différentes ne sont pas originales. 

/. ARGUMENTS POUR OU CONTRE L' AUTHENTICITÉ DE 



725 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



726 



la finale DE marc. — On en apporte d'intrinsèques et 
d'extrinsèques. — 1° Arguments extrinsèques. — Sans 
parler de la ressemblance étonnante, signalée au début 
de cet article, entre l'Épttre aux Hébreux et la finale de 
Marc, on tire ces arguments des manuscrits, des ver- 
sions et des Pères. — 1. Les manuscrits. — Eusèbe 
de Césarèe, Qusest. ad Marinum, i, t, xxii, col. 937, 
disait que cette finale ne se trouvait point dans tous les 
exemplaires de l'Évangile de Marc. « En effet, ajoutait-il, 
les exemplaires soignés placent le téXoç de l'Évangile 
selon saint Marc après... êçoëoûvro f«p-- Ce qui suit, 
se trouvant à peine dans quelques manuscrits et non 
dans tous, serait considéré comme superflu, et cela 
surtout parce que la fin parait renfermer quelque 
chose de contraire au témoignage des autres évangé- 
listes. » Saint Jérôme, Epist. cxx, 3, t. xxn, col. 987, 
copiant évidemment Eusèbe, répète de ce passage de 
Marc, quod in raris fertur Evangeliis, omnibus Grxcim 
libris pêne hoc capitulum in fine non habentibus, prse- 
sertim cum diversa atque contraria evangelislis cseteris 
narrare videatur. Victor d'Antioche, tributaire d'Eu- 
sèbe, dit après lui que la finale existe seulement dans 
quelques manuscrits de Marc. Catense in Evangelia 
S. Matthœi et S. Marci, Oxford, 1840, t. i, p. 417. Une 
scholie qui est mise sous son nom assure même que 
la finale manque dans la plupart des manuscrits; mais 
elle ajoute que ces versets s'étant rencontrés aussi 
dans le plus grand nombre des manuscrits, on les a 
conservés dans le texte de saint Marc. Ibid. Une homé- 
lie, attribuée tantôt à saint Grégoire de Nysse, tantôt à 
Sévère d'Antioche, tantôt à Hésychius de Jérusalem, 
affirme avec Eusèbe que, dans les exemplaires les plus 
exacts, l'Évangile selon Marc a le téXoç après èço6o0vTo 
yâp, t. xlvi, col. 644. Elle semble être de Sévère 
d'Antioche (f 535). Mais tous ces écrivains, même saint 
Jérôme, ne font que répéter ce qu'avait écrit Eusèbe, 
dont le témoignage est ainsi le seul à affirmer que la 
finale de Marc manquait dans les manuscrits soignés. Le 
silence de plusieurs Pères grecs et latins (voir col. 726) 
au sujet de la finale actuelle de saint Marc a été in- 
terprété comme une preuve de l'absence de ces ver- 
sets dans les manuscrits à l'usage de ces écrivains. De 
fait, deux des plus anciens manuscrits onciaux, » et B, 
n'ont pas cette finale; encore a-t-on justement remar- 
qué que dans le Vaticanus le copiste a laissé après 
Marc, xvi, 8, un espace blanc assez considérable pour 
contenir la finale ordinaire. Trois autres onciaux, L, 
du VIII e siècle, T 1 , du vu» ou du vni«, W, du vm e ou du 
IX e , contiennent deux finales, la canonique et une plus 
courte. Cf. Amélineau, Notice des manuscrits coptes 
de la Bibliothèque nationale renfermant des textes 
bilingues du N. T., Paris, 1895, p. 43-44; Gregory, Text- 
kritik des N. T., Leipzig, 1900, t. i, p. 70-71, 94-95. 
Mais la finale canonique se lit dans tous les autres 
onciaux qui contiennent l'Évangile de saint Marc. Quant 
aux cursifs, ils reproduisent le texte complet, et huit 
seulement, 1, 15, 20, 22, 199, 206, 209 et 300, conservent 
par une note placée à la marge le souvenir des anciennes 
hésitations. Toutefois un certain nombre d'autres, de 
trente à quarante , accompagnent le texte du commen- 
taire et de la scholie de Victor d'Antioche. Ils répètent 
les doutes anciens, mais ils affirment en même temps/ 
que ces versets se trouvaient dans le plus grand nombre 
des exemplaires. Les faits, d'ailleurs, leur donnent 
raison, et si on ne veut que compter les manuscrits, 
la grande majorité contient les derniers versets de 
l'Évangile de saint Marc. 

Le témoignage des manuscrits grecs en faveur de 
l'authenticité de cette finale est corroboré par celui de 
tous les Évangéliaires et Synaxaires grecs. Tous, en effet, 
nous apprennent que Marc, xvi, 9-20, sont lus dans 
la liturgie grecque aux matines de l'Ascension et forment 
le troisième des eùayyéXia suôivà àvanâ<ri[ia, ou des 



I récits de la résurrection, lus chaque année à Pâques, et 
aux matines des dimanches. Voir Lectionnairks, col. 147. 

2. Les versions. — La finale de Marc existait dans la 
version latine antérieure à saint Jérôme. De tous les. 
manuscrits connus, seul le Bobbiensis, h, du V e siècle, 
contient une autre finale. Saint Jérôme a conservé 
Marc, xvi, 9-20, dans sa revision de l'Italique, et tous 
les manuscrits de la Vulgate les contiennent. Cf. Words- 
worth et White, Novum Testamentum D. N. J. C. 
latine, Oxford, 1891, t. i, fasc. 2, p. 267-268. Toutes les 
versions syriaques, la Peschito, la curetonienne, la phi- 
loxéno-héracléenne, les possèdent. Ils ne se trouvent 
pas cependant dans le Codex Sinaiticus, publié par 
M me Lewis. Holzhey, Der neuentdeckle Codex Syrus 
Sinaiticus, Munich, 1896, p. 39. La version gothique, 
dans le seul manuscrit qui nous en reste, n'a pas, il est 
vrai, la finale entière de Marc; mais comme le texte 
manque seulement à partir des trois premiers mots du 
f. 12 du chapitre xvi, le feuillet mutilé atteste suffi- 
samment la présence de la finale entière dans cette 
version. Parmi les traductions coptes, la bohaïrique ou 
memphitique, qui est complète pour les Évangiles, con- 
tient la finale de Marc. Les fragments jusqu'ici connus 
des autres versions coptes ne l'ont pas encore fournie* 
La version arménienne, faite au v e siècle sur un manus- 
crit grec que les traducteurs appellent une « copie 
impériale », n'avait pas, les anciens manuscrits en font 
foi, la finale de Marc, iet les Arméniens n'ont pas lu 
cette finale dans leur liturgie avant l'époque des Croi- 
sades. Ils possèdent cependant une traduction an- 
cienne de ces versets faite sur la Peschito. De leur 
absence dans la version, faite sur le grec, il faut 
conclure que la copie impériale, qui a servi de texte, 
ne les possédait pas. Or qu'était-ce, sinon un des 
cinquante manuscrits qu'Eusèbe de Césarèe fit faire par 
ordre de Constantin pour les principales Églises? Si 
cette hypothèse est vraie, Eusèbe serait responsable de 
l'absence de cette finale de Marc dans la traduction 
officielle de l'Église arménienne. Cette finale manqua 
encore dans un manuscrit, coté n° 13 à la bibliothèque 
Vaticane, d'une version arabe. Dans toutes les Églises, 
qui se servent de versions dans la liturgie, sauf l'an- 
cienne Église d'Arménie, on a toujours lu et on lit 
encore aux offices publics les derniers versets de saint 
Marc. 

3. Les Pères. — Leurs témoignages fournissent ea 
faveur de la finale de saint Marc des attestations plus 
anciennes que celles des manuscrits et des versions. Le 
Pasteur d'Hermas, Sim., ix, 25, 2, Funk, Patres apo- 
stolici, 1901, 1. 1, p. 620, semble reproduire des paroles 
de Marc, xvi, 15 sq. Les critiques reconnaissent que 
saint Justin, Apol., i, 2, 39, 46, t. vi, col. 329, 388, 397, 
fait des allusions manifestes au texte de cette finale. 
Traitant le même sujet que saint Marc, il emploie, par 
réminiscence assurément, les mêmes mots. Tatien avait 
fait entrer ce récit dans son Atà -zzaaâptùt, ainsi qu'on 
le sait par la version arménienne du commentaire de 
saint Éphrem et par la traduction arabe de l'ouvrage- 
lui-même. Cf. Zahn, Geschichte des Neutestamentli- 
chen Kanons, Erlangen et Leipzig, 1891, t. n, p. 553- 
554. Saint Irénée, Cont. hxr., III, x, 6, t. vu, col. 879, cite 
iMarc, xvi, 19, comme la fin du second Évangile. Saint 
Hippolyte, Cont. Noetum, 18, t. x, col. 829, fait peut- 
être allusion au même verset, et quelques critiques, 
pensent que les Constitutions apostoliques, vm, i r 
t. I, col. 1061, où on remarque d'autres allusions à la 
finale de Marc, seraient tributaires d'un autre écrit du 
même saint Hippolyte. Cf. ibid., vi, 15, col. 948. Clé- 
ment d'Alexandrie, Origène, Tertullien, saint Cyprien, 
saint Grégoire le Thaumaturge et saint Denys d'Alexan- 
drie se taisent, il est vrai, sur les derniers versets de 
saint Marc. Faut-ilconclure de leur silence qu'ils n'ad- 
mettaient pas leur authenticité? La conclusion ne, 



727 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



728 



s'impose pas, car nous ne possédons pas tous les écrits 
de ces écrivains et tous n'ont pas eu l'occasion de citer 
tous les passages évangéliques. Toutefois le silence de 
Tertullien et de saint Cyprien dans leurs écrits sur le 
baptême s'explique plus difficilement. Mais à partir 
du iv e siècle les témoignages favorables abondent. Les 
Actes de Pitate, xiv, 1, 2, Tischendorf, Evangelia apo- 
crypha, Leipzig, 1876, p, 250, qui sont de cette époque, 
citent Marc., xvi, 15-18, et connaissent le f. 19. Le noyau 
primitif de ces Acta est antérieur à saint Justin, et 
quelques critiques pensent que la citation de Marc, xvi, 
15-18, appartenait à ce noyau. Eusèbe de Césarée, 
qu'on présente souvent comme hostile à la finale 
canonique de Marc, la maintient cependant comme 
authentique dans ses Questions à Marinus, q. i, t. xxu, 
■col. 937-940. Eusèbe, en effet, indique deux manières 
de concilier Marc, xvi, 9, avec Matth., xxvm, 1. La pre- 
mière consisterait à rejeter la section de Marc, qui ne se 
trouve pas dans tous les exemplaires (voir col. 725), 
et à supprimer ainsi audacieusement la difficulté. La 
seconde, qui lui paraît la plus vraie, maintient, avec les 
personnes fidèles et pieuses, la leçon de saint Marc qui 
se trouve ordinairement dans les exemplaires, et s'efforce 
de la concilier avec celle de saint Matthieu. Aussi Eusèbe 
propose-t-il une explication. On cite, il est vrai, une 
scholie qui est attribuée à Eusèbe dans quelques cursifs 
grecs, et qui affirme expressément que, « d'après Marc, 
Noire-Seigneur n'est pas apparu aux disciples après la 
résurrection. » Mais cette scholie, qui se présente dans 
les manuscrits sous trois formes différentes, n'est pas 
d'Eusèbe; elle serait plutôt d'Ammonius, écrivain de la 
seconde moitié du V e siècle, et elle aurait pour objet de 
signaler seulement 'les différentes apparitions de Jésus 
ressuscité à ses apôtres; or saint Marc ne rapporte 
aucune apparition aux apôtres immédiatement après la 
résurrection. Ainsi interprétée, la scholie ne dit rien 
contre l'authenticité de la finale de Marc. Sur la foi 
d'une autre scholie marginale des cursifs 1, 206 et 209, 
<sn a prétendu qu'Eusèbe n'avait pas divisé en sections 
la fin dé saint Marc, et on en a conclu qu'il n'admettait 
pas son authenticité. Que dit cette scholie anonyme et 
récente? Elle affirme simplement que la section de saint 
JMarc placée en regard du f. 8 du chapitre xvi est la der- 
nière à laquelle Eusèbe a assigné un canon. Or, sgoute- 
t-on, dans beaucoup de manuscrits le sectionnement 
d'Eusèbe s'arrête à ce verset 8 avec le chiffre de 233, et 
ceux qui le poussent plus loin diffèrent et quant au 
nombre des sections (234 à 241) et quant aux canons 
■dans lesquels ces sections supplémentaires sont dis- 
tribuées. Des différences analogues dans le nombre 
total des sections existent pour les trois autres Évangiles, 
aussi bien dans les manuscrits grecs que dans les 
diverses versions des Évangiles. Voir t. n, col. 2052. 
Quant aux chiffres des canons, ou bien ils sont omis 
complètement dans les manuscrits, ou bien ils sont 
inscrits d'une façon très irrégulière et variable. On ne 
peut donc conclure rien de positif des variantes que 
le sectionnement euséb'en présente pour les derniers 
versets de saint Marc. Si VAmiatihus (voir t. i, col. 480- 
483) termine le sectionnement eusébien à Marc, xvi, 8, 
son témoignage est bien contrebalancé par celui de la 
■version syriaque de Thomas d'Harquel, qui a été revue 
sur le grec et dont tous les manuscrits comptent inva- 
riablement 240 ou 241 sections en saint Marc. De l'état 
des sections eusébiennes dans les manuscrits, il n'est 
pas permis de conclure que primitivement ce section- 
nement s'arrêtait à Marc, xvi, 8. Mais même ce fait 
admis, on ne pourrait en déduire qu'Eusèbe n'admettait 
pas l'authenticité des douze derniers versets du second 
Évangile. En effet, Eusèbe a arrêté le sectionnement de 
saint Matthieu à xxviii, 9, et il n'a pas distribué dans 
ses canons les sections 356-360 qui sont postérieures. 
Or on n'en a jamais conclu qu'il rejetait l'authenticité de 



la finale de saint Matthieu. Il est donc légitime de pen- 
ser que la 233" section eusébienne de saint Marc com- 
prenait xvi, 8-20, ainsi que cela a lieu dans le Liber 
comitis, attribué à saint Jérôme, t. xxx, col. 508. Enfin, 
saint Épiphane (f 403), Ancoratus, 59, t. ara, col. 105, 
et l'auteur des Dialogues, attribués à saint Césàire, qui 
sont plutôt du vu» siècle, Dialog., i, 39, t. xxxvm, 
col. 905, qui n'admettent que 233 sections eusébiennes 
en saint Marc, citent cependant Marc, xvi, 9-20. S. Épi- 
phane, Hœr. xliv, 6; lxii, 6, t. xli, col. 829, 1057; 
pseudo-Césaire, Dial., iv, 193 t. xxxvm, col. 1177. En 
définitive, la pensée certaine d'Eusèbe est exprimée dans 
sa réponse à Marinus, dans laquelle il ne prend pas à 
son compte le rejet de la finale de Marc II l'attribue 
seulement à un critique audacieux, réel ou hypothé- 
tique, et il préfère conserver, en l'expliquant, la leçon 
de Marc qu'on oppose à saint Matthieu. Eusèbe atteste 
d'une façon ferme seulement que la finale de Marc 
n'existait pas de son temps dans tous les manuscrits et 
qu'elle manquait en particulier dans les exemplaires 
soignés. Voir col. 725. 

Saint Jérôme, qui connaissait une seconde finale de 
saint Marc, Dial. cont. Pelag., 1. II, 15, t. xxm, col. 550, 
cite le verset 9 de la finale canonique. Epist. cxx, ad 
Hedibiam, t. xxu, soi. 987-988; Comment, in Ev. 
S. Matth., t. xxvi, col. 214. Comme Eusèbe de Césa- 
rée, il a eu à résoudre les. contradictions apparentes de 
Matth., xxvm, 1, avec Marc, xvi, 9. Or il donne les 
mêmes solutions qu'Eusèbe, qu'il suit manifestement. 
Comme son devancier, il dit d'abord qu'on peut ne pas 
recevoir le témoignage de Marc, qui se lit dans de rares 
manuscrits. Mais il ajoute une seconde solution, pareille 
à celle d'Eusèbe. Epist., cxx, t. xxu, col. 987. Le té- 
moignage de saint Jérôme n'est pas original; il 
dépend de celui d'Eusèbe qu'il abrège et qu'il exagère 
même, en enlevant les correctifs de la première solu- 
tion. Il n'est pas, du reste, expressément défavorable à 
la finale de Marc; il répète seulement ce qu'Eusèbe 
avait dit de la question et il n'apporte pas un argument 
nouveau. La scholie de Victor d'Antioche, dont nous 
avons déjà parlé, dépend d'Eusèbe de la même manière 
que saint Jérôme. Cet écrivain analyse la réponse p 
Marinus et il donne les deux solutions. Bien plus, si la 
scholie est tout entière de lui, il atténue finalement la 
pensée d'Eusèbe, et comme il a trouvé les derniers ver- 
sets de Marc dans la plupart des exemplaires soignés, il 
les accepte et les cite. Le témoignage, cité souvent sous le 
nom de saint Grégoire de Nysse ou d'Hésychius de Jéru- 
salem, mais qui est plutôt de Sévère d'Antioche, est dans 
le même cas. Il résume les deux solutions d'Eusèbe, et 
il donne manifestement la préférence à la seconde, qui 
concilie la finale de Marc avec saint Matthieu, t. xlvi, 
col. 644-645. Un fragment d'Hésychius de Jérusalem 
(f 605), q. lu, t. xcin, col. 1440, dit au sujet de l'appari- 
tion des anges au tombeau de Jésus : « Marc ayant 
raconté sommairement ce qui a rapport à un ange, 
arrête son discours. » On ne peut conclure de ces pa- 
roles que pour Hésychius l'Évangile de saint Marc finis- 
sait à xvi, 8, car des paroles qui suivent relatives au 
récit de saint Luc, il faudrait conclure que le troisième 
Évangile se terminait xxiv, 24. Hésychius, dans ce pas- 
sage, ne parle donc que de la fin du récit de l'apparition 
angélique; il ne parle pas de la fin de tout l'Évangile. 
En outre, Hésychius a une phrase qui est faite d'après 
Marc, xvi, 9, q. h, ibid., col. 1433. On a prétendu que 
TùnôOeo-iç, placée en tête de l'Évangile de Marc dans 
Possin, Catena grsecorum Patrum in Evangelium se- 
cundum Marcum, 1673, p. 1, a dû être écrite par quel- 
qu'un qui se servait d'un exemplaire dépourvu des 
versets 9-20 du c. xvi. Elle résume, en effet, en ces 
termes la fin du second Évangile : « Un ange des- 
cendant du ciel annonça la résurrection de Jésns 
aux saintes femmes et leur prescrivit de l'annoncer à 



729 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



73ff 



leur tour aux disciples. » Si l'ûirôOsiriç contenait une 
analyse complète du second Évangile, il est clair que 
sa conclusion exclurait les derniers versets. Mais, comme 
les arguments grecs des autres Évangiles, elle est incom- 
plète et n'a pas une précision rigoureuse telle que son 
témoignage puisse être interprété dans un sens défavo- 
rable à l'authenticité de la finale de Marc. D'ailleurs, cette 
ûitéSsat; se présente dans plusieurs manuscrits sous 
une forme plus étendue, mais plus récente, qui a été 
éditée par Matthsei, Novum Testamentum, Riga, 1788, 
t. h, p. 5. 

Didyme l'Aveugle, De Trinilate, n, 12, t. xxxix, 
col. 688, cite Marc, xvi, 15, 16. Un philosophe païen, 
peut-être Hiéroclès, réfuté par Macarius Magnés, cite 
Marc., xvi, 17, 18, et propose aux chrétiens, si la pro- 
messe de Jésus-Christ relative à l'innocuité des poisons 
est vraie, de vider leurs querelles en buvant du poison. 
En lui répondant, Macarius Magnés ne lui oppose pas 
la non-authenticité de la finale de saint Marc. 'Anoxpi- 
Ttxà, m, 16, p. 96, 108-110. Saint Épiphane cite deux fois 
Marc, xvi, 19, User, xnv, 6; lxii, 6; t. xli, col. 829, 
1057, comme étant de l'Évangile de Marc; mais ses cita- 
tions ne sont pas textuelles et présentent des variantes. 
Saint Jean Chrysostome, In ascension. Dora., 8, t. lu, 
col. 781, cite Marc, xvi, 8, 19, 20, en remarquant que 
le second Évangile ne raconte pas en détail l'ascension 
de Jésus. Un peu plus loin, col. 782, 783, au sujet des 
apparitions de Jésus ressuscité, l'évéque de Constanti- 
nople fait des allusions évidentes à Marc, xvi, 9, 12. 
Nestorius a connu et cité Marc, xvi, 20. Cf. S. Cyrille 
d'Alexandrie, Adv. Nest., h, 6, t. lxxvi, col. 85. Une 
homélie anonyme, attribuée à tort à saint Chrysostome, 
t. lix, col. 642, cite plusieurs fois Marc, xvi, 9. Cf. Sy- 
nopsis Script, sac., attribuée à saint Athanase, t. xxvm, 
col. 393; Sévère d'Antioche, dans S. Grégoire deNysse, 
t. xlvi, col. 652; S. Jean Damascène, De confessione, 
15, t. xcv, col. 301; Œcuménius, In 1 Cor., t. cxvm, 
col. 861-864; Théophylacte, Enar. in Ev. Marci, 
t. cxxiii, col. 677-681. Euthymius Zigabène, malgré les 
doutes anciens, maintient la finale de Marc, Comment, 
in Marc, t. cxxix, col. 845, qu'il cite plusieurs fois. 
Ibid., col. 761, 764, 1096, 1106, 1496; cf. col. 845, 848. 
Signalons toutefois le silence de saint Cyrille de Jéru- 
salem et de saint Cyrille d'Alexandrie. 

Dans l'Église latine, saint Ambroise cite fréquemment 
la fin de saint Marc : allusion probable à Marc, xvi, 9, 
De Abraham, I, v, 39, t. xiv, col. 437; citation et com- 
mentaire de Marc, xvi, 17, 18, In Hexœm., VI, vi, 38, 
t. xiv, col. 256; De interpellatione Job et David, 1. H, 
c. i, n. 5, col. 813; De Spiritu Sancto, 1. II, 151, t. xvi, 
col. 775; arguments tirés de Marc, xvi, 15, De fide, i, 
86, t. xvi, col. 549; et de xvi, 19, Apologia David al- 
téra, iv, n. 26, t. xiv, col. 896. Saint Augustin a prêché 
trois sermons sur Marc, xvi, 1-20, t. xxxviii, col. 1104, 
1112, 1127. Il cite Marc, xvi, 9-20, et il concilie ces ver- 
sets avec les récits des autres évangélistes sur la résur- 
rection, De consensu Evangelist., m, 71, 75, t. xxxiv, 
col. 1208-1210. Saint Paulin de Noie, Poem., xxvn, 
t. lxi, col. 650, fait allusion à Marc, xvi, 19. La finale de 
saint Marc est citée encore par saint Pierre Chrysologue, 
Serm., lxxxiii, t. lu, col. 432-435; Egypius, Thésaurus, 
c. clxxiv, t. lxii, col. 831-832; S. Fulgence, Epyst> 
xn, ad Ferrandum, n. 6, 13, t. lxv, col. 382, 385; 
S. Grégoire le Grand, Hom., xxix, t. lxxvi, col. 1213- 
1219; S. Bède, In Marci Evangelium expositio, 1. iv, 
t. xcn, col. 297-302. 

Les Églises orientales admettent la finale de Marc 
aussi bien que les Églises grecque et latine. Dans l'Église 
syrienne, Aphraates, Demonst., i, n. 17, Patrologia sy~ 
riaca de Ms' Graffin, Paris, 1894, 1. 1, p. 41, cite Marc, 
xvi, 16, 17, 18; mais on n'en a pas encore trouvé de 
citation dans les œuvres de saint Éphrem. L'abbé Paulin 
Martin a recueilli des citations de celte finale dans les 



ouvrages manuscrits de la plupart des écrivains syriens,' 
d'un homéliste copte et d'écrivains arméniens. 

Tous ces arguments réunis prouvent, sinon directe- 
ment l'authenticité de la finale de Marc, du moins sa 
canonicité et sa haute antiquité. A cause des témoignages 
de saint Irénée et de saint Justin, les critiques recon- 
naissent que la finale canonique de Marc était connue en 
Asie Mineure avant le milieu du n e siècle. Mais ils 
pensent que le pays où on constate pour la première 
fois son existence, est son berceau, que de là elle s'est 
répandue sans obstacle en Italie et en Gaule, mais 
qu'elle a été discutée en Palestine et même en Syrie, où 
elle avait été introduite par le Aià Teffuàpwv de Tatien. 
Bien plus, plusieurs croient connaître le nom de son 
auteur. En 1891, M. Conybeare a découvert, dans la 
bibliothèque du couvent d'Etschmiadzin, un manuscrit 
de la version arménienne des Évangiles, transcrit en 
989, de manuscrits beaucoup plus anciens, dans lequel la 
finale de Marc est séparée de xvi, 8, par un intervalle 
blanc de deux lignes et par ce titre écrit en encre rouge : 
« D'Ariston le prêtre. » Or ce critique a pensé que cet 
Ariston, auteur de la finale, n'était autre qu'Aristion dé- 
signé par Papias comme le disciple du Seigneur et placé 
par lui sur la même ligne que le prêtre Jean. Cf. Eusèbe, 
H. E., m, 39, t. xx, col. 297. Si ce sentiment était vrai, 
la finale de Marc serait une de ces St^-pinet; du disciple 
Ariston sur les paroles du Seigneur, dont Papias se 
servait. Eusèbe, ibid., 7, col. 233. Cf. Expositor, 
octobre 1893, p. 241-254; décembre 1895, p. 401-421. 
M. Resch, Aussercanonische Paralleltexte, fasc. 2, dans 
Texte und Unters., t. x, Leipzig, 1894, p. 450-456, a 
reconnu pour auteur de la finale Ariston de Pella, qui 
vivait vers 135. Rohrbach, Der Schluss des Marcus- 
evangeliums, Berlin, 1894, a développé les conclu- 
sions de Conybeare, que Harnack, Texte und Unters., 
Leipzig, 1895, t. xn, fasc. 1, p. 6, et Die Chronologie 
des altchrist. Litteratur bis Eusebius, Leipzig, 1897, 1. 1, 
p. 696, a adoptées. Ces deux critiques ont soutenu que 
la finale d'Aristion avait remplacé la conclusion originale. 
Ils prétendaient trouver des vestiges de celle-ci dans 
l'Évangile de Pierre et dans le c. xxi de saint Jean. Cette 
conclusion authentique aurait été supprimée de l'Évan- 
gile de Marc par les prêtres d'Asie Mineure, parce qu'elle 
était en désaccord avec les récits de saint Luc et de saint 
Jean sur la résurrection et ils lui auraient substitué la 
finale actuelle qui s'harmonise mieux avec le quatrième 
Évangile. Au contraire Zahn, Einleitung in das N. T., 
t. n, p. 230-231, soutient que Marc a laissé son Évangile 
inachevé et il n'admet pas non plus qu'Aristion soit 
l'auteur de la finale de Marc; il n'est qu'une des sources 
auxquelles a puisé cet auteur. En effet, une note mar- 
ginale qui accompagne la traduction d'Eusèbe, H. E., 
m, 39, 9, par Rufin, t. xx, col. 297, dit que Papias tenait 
du prêtre Aristion que Juste, surnommé Barsabas, 
Act., i, 23, aurait bu un poison mortel et que par la 
grâce du Seigneur il n'en aurait ressenti aucun mal. Or 
Papias, pour justifier le fait rapporté par Aristion, citait 
la promesse de Notre-Seigneur, contenue dans Marc, 
xvi, 18, et il la donnait comme l'explication de l'innocuité 
du poison bu par Barsabas. L'auteur de la finale de 
Marc a emprunté ces deux idées à Papias et en a formé 
le point central de son récit. Marc, xvi, 14-18. 11 l'a 
complété par des détails tirés de saint Luc et de saint 
Jean. Le verset 18 seul viendrait d'Aristion et le copiste 
du manuscrit arménien aurait attribué à ce prêtre toute 
la conclusion canonique, qui serait l'œuvre d'un écri- 
vain inconnu, antérieur à saint Justin. 

2» Arguments intrinsèques. — C'est surtout pour des 
raisons tirées du contenu ou du style des douze der- 
niers versets de saint Marc que les critiques rejettent 
leur authenticité. Ils prétendent qu'examinés à ce point 
de vue ces versets ne peuvent être attribués à l'auteur 
du reste du second Évangile. Toutefois la section pré- 



731 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



732 



sente en elle-même des caractères d'authenticité. — 
i. Arguments défavorables. — En passant du verset 8 au 
verset 9, on éprouve l'impression d'une solution de con- 
tinuité. Le verset 9 commence un récit différent et in- 
dépendant du précédent. Le narrateur indique de nou- 
veau le jour et l'heure où se passe l'événement. Cf. p. 9 
et 2. Le récit débute sans que le sujet de la phrase soit 
■exprimé, bien que Jésus ne soit pas intervenu directe- 
ment dans les versets antécédents. Marie-Madeleine qui 
avait déjà été nommée, Marc, xv, 40, 47; xvi, 1, est 
introduite comme une personne inconnue par cette 
Temarque, tirée de Luc, vm, 2 : wap' ^« èx6£6\^xei 
Imà. Jai(tdvta. De plus, le récit dans son ensemble ne 
-cadre pas avec le précédent. Les saintes femmes étaient 
■demeurées sous l'impression de la peur qui leur fer- 
mait la bouche, f. 8, et la suite ne nous apprend pas 
•comment elles ont recouvré la parole et rapporté aux 
Apôtres le message de l'ange. Au lieu de cela, on raconte 
une apparition de Jésus à Marie-Madeleine seule, et 
.Marie annonce aux Apôtres que Jésus est vivant. L'appa- 
rition aux Apôtres, qui devait avoir lieu en Galilée, xiv, 
28; xvi, 7, est racontée, xvi, 14, sans aucun rapport 
avec la Galilée. On remarque encore dans le récit des 
divergences de style qui trahissent une main différente. 
■On n'y trouve pas d'abord les expressions favorites de 
saint Marc : eùôûç ou eûoéwç, niXiv et les composés de 
itop£iJo|jioi, tandis que ce verbe est employé à .la forme 
simple, p. 10, 12, 15, Marc préfère : lmtù> ôvôtiau à êv 
tû ôvôixoiTi, xsïpac èttiTiôévat tivi à x E ?P a î JîtiTiOévat Inl 
•riva. D'autre part^ il y a des expressions qui ne sont pas 
de la langue de Marc. Celui-ci a dit : ri) pcâ xwv <T«6ëâ- 
Toiv, xvi, 2, forme hébraïque employant le nombre car- 
dinal pour le nombre ordinal; il y a : Tcpcitu) aaéëdtTou, 
t. 9, forme grecque plus littéraire. Le titre de Kûpioç, 
donné à Jésus, f. 19, n'est jamais employé par Marc 
Enfin, le genre littéraire de ce morceau diffère de celui 
•du second Évangile. En celui-ci, le récit est toujours 
voriginal ; à partir du f. 9, la narration semble n'être 
qu'une compilation de passages empruntés aux autres 
Évangiles, les versets 9-11 sont extraits de Joa., xx, 1-10 
(avec un emprunt à Luc, vm, 2); 12 et 13 résument 
brièvement Luc, xxiv, 13-35; 14 répond à Luc, xxiv, 
36-40. et à Joa., xx, 19-20; 15 résume les discours, 
Luc, xxiv, 47-49; Joa., xx, 21-23; Matth., xxvm, 19-20; 
1G ressemble à Matth., xxvm, 19; Luc, xxiv, 49; Joa., 
m, 5, 18; 17 et 18 amplifient Luc, x, 18, 19; enfin, 19 
et 20 sont un sommaire des finales de Matthieu et de 
Luc et du début des Actes. En outre, il n'y a pas dans 
■ces résumés les petits détails que multiplie saint Marc 
Il est certain que ces observations sont fondées et que 
sous le rapport du contenu et du style la finale de Marc 
diffère un peu du reste de l'Évangile. On a expliqué ces 
différences de diverses manières, notamment par une 
interruption dans la composition et une reprise pour 
compléter l'Évangile. Sans avoir recours à cette hypo- 
thèse, il suffit de remarquer que les différences signalées 
se rencontrent dans d'autres passages des Évangiles, 
dont on ne suspecte pas pour cela l'authenticité. Les 
particularités de style notamment ne prouvent rien. En 
«ffet, E-ôô-uc ne se rencontre plus à partir de xv, 1, et 
-itàXiv à partir de xv, 13. Saint Marc, dans le même con- 
texte, emploie tantôt ctc! toi ovdtiaxi, ix, 37, 39, tantôt 
iv t<5 ôvd(jjXTt, ix, 38, 41 ; imxiflÉvat, tantôt avec le datif, 
v, 23; vi, 5; vu, 32; vm, 23, tantôt avec lui, vm, 25; x, 
46. On ne peut pas faire état des expressions particu- 
lières, car la section, xv, 44-xvi, 8, qui précède immé- 
diatement, en contient un plus grand nombre : ce qui 
% n'est pas étonnant, l'écrivain employant des mots nou- 
veaux pour exposer un sujet spécial. A supposer que la 
narration finale soit une compilation de faite empruntés 
aux autres évangélistes, il faut convenir qu'elle forme 
un récit bien lié et habilement gradué. Trois fois, la 
résurrection de Jésus est annoncée aux disciples et trois 



fois ils n'y croient pas; le Seigneur finalement leur 
apparaît et leur reproche leur incrédulité, avant de leur 
confier la mission d'évangéliser le monde entier. Enfin, 
ce récit complet et un n'est pas extrait d'un écrit indé- 
pendant, d'une relation secondaire provenant de la 
seconde génération chrétienne, car il présente, pour le 
fond et la forme littéraire, les caractères propres de 
l'Évangile de saint Marc. 

2. Arguments favorables. — Cet Évangile, nous le di- 
rons plus loin, a pour but de prouver la filiation divine 
de Jésus par l'histoire de la vie publique, qui commence 
par la prédication de Jean-Baptiste, le précurseur, et 
qui finit par l'ordre donné aux açôtres, continuateurs de 
l'œuvre du Maître, de prêcher l'Evangile, et par l'exécu- 
tion de cet ordre, xvi, 15, 20. Saint Marc insiste sur les 
miracles comme preuves, de la divinité de Jésus; la 
finale énumère les miracles dont Jésus accorde le pou- 
voir aux Apôtres comme signe de leur mission, XVI, 16- 
18, et elle ajoute d'un mot leur réalisation, 20. Les 
expulsions des démons sont rapportées par saint Marc 
comme les principaux miracles du Sauveur; elles sont 
mentionnées dans la finale, xvi, 9, 17, et elles sont lé 
premier des signes qui accompagneront la prédication 
des Apôtres. Saint Marc fait ressortir la faiblesse des 
Apôtres, leur manque de courage, de foi et d'intelligence 
au cours de la vie publique, afin de montrer la vigueur 
de leur conviction finale et la puissance de la grâce qui 
en a fait d'autres hommes. Or la finale signale trois fois 
l'incrédulité des Apôtres, xvi, 11, 13, 14; elle y rattache 
néanmoins leur mission et elle indique comment ils 
l'ont remplie avec la grâce de Dieu, xvi, 15, 20. Saint 
Marc enfin se distingue des autres évangélistes par le 
nombre et l'importance des traits particuliers que con- 
tiennent ses récits. Voir plus loin. Or la finale, même 
lorsqu'elle rapporte des points qui se retrouvent ailleurs; 
contient des détails propres que les autres évangélistes 
ne donnent pas. Ainsi saint Jean, xx, 1-18, raconte 
l'apparition de Jésus à Madeleine; c'est dans la finale 
seule qu'il est dit que cette apparition fut la première 
de toutes, xvi, 9. L'incrédulité des apôtres, Marc, xvi, 
13, n'est pas mentionnée, Luc, xxiv, 35; le reproche 
que leur en fait Jésus, xvi, 14, ne l'est pas, Matth., xxvm, 
18. Les promesses faites aux fidèles et aux Apôtres, 
Marc, xvi, 16-18, sont, dans leur teneur, spéciales et 
n'ont de parallèle complet en aucun autre Évangile. Le 
titre de Kûpioc est donné, Marc, xvi, 19, au Christ res- 
suscité exclusivement et pour la première fois dans le 
second Évangile, parce qu'il lui convenait alors spéciale- 
ment, La mention que Jésus est assis à la droite de Dieu, 
xvi, 19; la prédication de l'Évangile par les Apôtres et 
l'accomplissement des promesses du Maître, xvi, 20, ne 
se retrouvent dans aucun autre Évangile. Ainsi donc 
toutes les idées mères et les principaux traits caracté- 
ristiques de l'Évangile de saint Marc sont réunis, dans 
la finale contestée, aussi nettement, sinon plus que dans 
n'importe quelle autre section d'une douzaine de versets 
de tout le second Évangile. Nous en concluons que c'est 
Marc lui-même qui a terminé son récit par l'épilogue 
normal qui en forme maintenant la conclusion. 

L'authenticité de la finale canonique de Marc admise, 
il reste à expliquer son omission dans quelques manus- 
crits et le silence de certains Pères à ce sujet. De soi, 
la mutilation de l'Évangile canonique s'explique mieux 
que l'addition générale d'une finale non canonique. 
Pour la justifier, faut-il recourir à l'hypothèse déjà 
indiquée précédemment, d'une interruption de Marc 
dans la rédaction de son Évangile? Cette hypothèse a 
été exposée par Belser, Einleitung in dos N. T., p. 95- 
103. Il pense que saint Marc, ayant rédigé son Évangile 
à Rome en 44, ne put l'achever et dut l'interrompre 
brusquement à cause de la persécution contre les chré- 
tiens. Des copies de cette première rédaction furent 
prises à l'insu de l'auteur, et transcrites plus tard, elles 



733 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



734 



donnèrent naissance aux manuscrits incomplets, dont 
il reste deux spécimens onciaux et que les Pères, défa- 
vorables à la finale de Marc, auraient connus. Plus tard, 
en 63-64, Marc publia son Évangile et le compléta. 
L'édition complète se répandit partout progressivement, 
mais ne fut pas reçue dès l'abord dans les pays où les 
premières copies -existaient. D'aulre part, l'intervalle de 
temps entre la rédaction de l'Évangile et celle de l'épi- 
logue permet de rendre compte des particularités de 
contenu et de langage de la finale. On explique mieux 
de la sorte le début abrupt du dernier récit, la 
phrase incidente concernant Madeleine, le changement 
de jjiCa (jaëêiTwv en Ttpûxï) <ja88àtou, formule mieux 
appropriée au langage grec, l'emploi de Kùptoc comme 
désignation alors courante de Jésus, et les emprunts 
plus ou moins directs faits aux autres Évangiles écrits. 
Godet, Introduction du N. T., t. n, p. 402-409, avec des 
idées différentes sur le temps et le lieu de la composi- 
tion du second Évangile, présente des conclusions 
analogues. 

Cependant toute autre hypothèse n'est pas, comme le 
prétendent ces critiques, insuffisante pour expliquer 
l'existence d'une recension tronquée de l'Évangile de 
saint Marc. Il est encore permis de penser que la finale 
du second Évangile aurait été omise à dessein dans 
quelques manuscrits et en certains milieux, soit à cause 
des différences qu'elle présente avec les autres récits 
des apparitions de Jésus ressuscité, soit par suite de la 
disparition dans l'Église des dons miraculeux promis, 
xvi, 17, 18. Pour rejeter cette hypothèse, il ne suffit pas 
de dire qu'il existe dans les Évangiles beaucoup d'autres 
divergences analogues, sans qu'on ait fait disparaître les 
passages en apparence contradictoires. En effet, les 
contradictions apparentes entre les divers récits des 
événements qui ont suivi immédiatement la résurrection 
ont paru dans l'antiquité ecclésiastique plus fortes que 
les autres, et la finale de Marc présente des difficultés 
spéciales que les Pères ne sont pas parvenus à résoudre 
avec certitude. Tous les écrivains ecclésiastiques qui, à 
la suite d'Eusèbe, ont parlé de manuscrits incomplets, 
n'ayant pas la finale canonique, ont remarqué que cette 
section paraît renfermer quelque chose de contraire au 
témoignage des autres évangélistes : xai \i.â\i<jia ei'jrep 
ë^oiev àvTiXofiav tîj tûv Xcktcûv £uay"]f£XiaT(ov {jLocpTupÉoc, 
Eusèbe, Qusest. ad' Marin., i, t. xxn, col. 937; prseser- 
titn cum diversa atque contraria Evangelistié ceteris 
narrare videatur. S. Jérôme, Epist. cxx, t. xxu, 
col. 987. C'est peut-être pour faire disparaître cette anti- 
logie qu'un audacieux ne se borna pas à nier l'authen- 
ticité des derniers versets de Marc, comme celui qu'Eu- 
sèbe mentionne, loc. cit., mais retrancha une des plus 
fortes difficultés en supprimant le passage qui la soule- 
vait. La mutilation est donc antérieure à Eusèbe. La 
liturgie a-t-elle favorisé cette mutilation, en faisant pla- 
cer le xéXo; d'une leçon après Marc, xvi, 8, qui serait 
devenu, comme dans les manuscrits dont parle Eusèbe, 
le téXo; du second Évangile, ou bien à propos de la 
question pratique de la rupture du jeûne quadragési- 
mal ? Cette dernière hypothèse est favorisée par la pré- 
sence du xé>o<; liturgique après Marc, xvi, 8, dans Fon- 
dai W et par ce que nous apprend saint Denys 
d'Alexandrie, Epist. ad Basilid., t. x, col. 1273. Selon 
lui, le jeûne devait se terminer à l'heure de la résur- 
rection. Or, tandis qu'à Rome on attendait le chant 
du coq, parce qu'on croyait que Jésus était ressuscité 
le matin, Marc, xvi, 9, à Alexandrie on commençait la 
fête de Pâques plus tôt d'après Matth., xxvm, 1. En 
Egypte, on ne connaissait pas la finale de Marc, et on 
lisait en saint Marc un épilogue plus court qui est cer- 
tainement apocryphe. D'autre part, Macarius Magnés, 
ainsi qu'il a été dit plus haut, eut à répondre au sar- 
casme d'un païen qui demandait si les chrétiens, sur la 
foi de la promesse du Christ, Marc, xvi, 18, avalaient 



du poison. Cela étant, l'hypothèse d'une mutilation à la 
fin du second Évangile garde de la vraisemblance. 

II. AUTRES CONCLUSIONS NON ORIGINALES. — 1» Cette 

conclusion plus courte : Ilôvra 8è ta itapiwreXjjiva toî; 
itep'i tôv ntrpov <ruvTÔ(i<i)C JÇrjf f etXav. Msxà Si xaûxoe xal 
aÛTÔç 6 *Ii)(jo0ç àwô àvaToXîjç xa\ &XP 1 j8û<re<i>ç ꣫Ti(rot- 
Xev 81' (xùtûv xo Upov xai açOapxov y.ripvy\ut ttjç aiwvfou 
(j(rtTi)p(«ç, se trouve à côté de la finale canonique dans 
trois onciaux grecs, le Codex Regius, L, du vm e siècle, 
Tischendorf, Monumenta sacra inedita, Leipzig, 1846, 
p. 206, le manuscrit bilingue, grec et copte, du vu» ou 
du VIII e siècle, T 1 , Amélineau, Notice des manuscrits 
coptes de la Bibliothèque nationale, renfermant des 
textes bilingues du N. T., Paris, 1895, p. 43; Gregory, 
Textkritik des N. T., Leipzig, 1900, t. I, p. 70, et ip, 
provenant du mont Athos, du vm 8 ou du IX e siècle. 
Gregory, ibid., p. 94. Elle a été reproduite à la marge 
du cursif 274, du x« siècle. On la lit en latin dans le Co- 
dex Bobbiénsis, k, de l'ancienne Italique, du v" ou du 
vi c siècle, représentant larecension africaine. Wordsworth 
et White, Novum Testamentum £>. N. J. C. latine, 
Oxford, 1891, t. I, p. 268. Elle existe encore en syriaque 
à la marge du manuscrit additionnel 14456 de la Peschito 
et de deux manuscrits de la version philoxéno-héra- 
cléenne, 268, de la bibliothèque Vaticane, et l'autre à la 
bibliothèque du New Collège à Oxford, J. White, Sa- 
crorum Evangeliorum versio syriaca philoxeniana, 
Oxford, 1778, t. i, p. 258; en copte, à la marge du ma- 
nuscrit Hunt. 17 de la Bodléienne à Oxford, mais avec 
quelques additions; en éthiopien dans deux manuscrits. 
Cette conclusion n'est considérée comme authentique par 
aucun critique. Elle ne remonte pas plus haut que le 
iv« siècle et elle paraît avoir été fabriquée en Egypte, d'où 
elle aurait passé en Afrique, puis dans l'Église syrienne 
par la traduction philoxéno-héracléenne, faite à Alexan- 
drie, et en quelques autres milieux. Elle a été écrite dans 
un pays où la finale canonique n'était pas connue et en 
vue de combler la lacune que présentait le second Évan- 
gile se terminant par ètpoêoOvxo fàp. Le contenu et le 
style confirment la non-originalité de cette conclusion; 
les expressions : « sainte et incorruptible prédication, s 
trahissent une époque bien postérieure à la composition 
de l'Évangile. 

2° La conclusion canonique contient dans certains 
documents des additions adventices. — 1. Dans quelques 
manuscrits de la version sahidique, le verset 20 parle 
des apôtres dans cette teneur : « S'en allant trois à trois 
dans les quatre directions du ciel, ils prêchèrent l'Évan- 
gile du royaume dans le monde entier, le Christ agissant 
avec eux pour confirmer leur parole et des signes et des 
miracles les accompagnant.Etdecette manière le royaume 
de Dieu a été connu sur toute la terre et dans le monde 
entier d'Israël en témoignage pour toutes les nations 
qui existent de l'orienta l'occident. » —2. Saint Jérôme, 
Dial. adv. Pelagianos, n, 15, t. xxm, col. 550-551, 
nous Êiit connaître une addition à Marc, xvi, 14 : In 
quibusdam exemplaribus et maxime in grœcis codici- 
bus, juxta Marcum in fine ejus Evangelii scribitur : 
Postea, cum accubuissent undecim, apparuit eis Jésus 
et exprobravitincredulitatem et duritiam cordis eorum, 
quia his qui viderarit eum resurgentem non credide- 
rant. Et Mi satisfaciebanl dicentes : Sœculum istud 
iniquitatis et incredulitatis substantia (sub Satana) 
est, qux (qui) non sinit per immundbs spiritus veram 
Dei apprehendi virtutem. Idcirco jam nunc révéla 
jnstitiam tuam. Cette addition ne se lit plus dans au- 
cun manuscrit grec ou latin connu, et généralement les 
critiques la tiennent pour apocryphe. M. Zahn, Einlei- 
tung in dos N. T., t. n, p. 229-231, l'a considérée 
comme ayant fait partie, non pas sans doute de la finale 
ordinaire de Marc, car autrement elle n'en aurait pas 
disparu, mais de la source primitive de cette finale, 
c'est-à-dire du contexte de Papias comprenant le nom 



.735 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



736 



d'Âristion. Voir col. 730. L'auteur de la finale aurait 
omis ces paroles, qui plus tard auraient été reproduites 
en marge d'un manuscrit, d'où elles auraient pénétré 
dans le texte dont dépendaient les manuscrits de saint 
Jérôme. Le_R. P. Van Kasteren, L'épilogue canonique 
du second Évangile, dans la Revue biblique, 1902, t. xi, 
p. 250-252, les regarde comme une partie intégrante de 
la finale authentique et canonique et essaie de prouver 
leur authenticité. Les traits de famille de cette addition 
avec l'Évangile de saint Marc et les rapprochements 
tentés avec n, 14, 15, sont trop vagues et ils ne suf- 
fisent pas à compenser son absence dans les docu- 
ments et son dénuement de preuves extrinsèques. 

A consulter, contre l'authenticité de la finale de Marc, 
Griesbach, Novum Testamentum, 2« édit., 1796, t. i, 
p. 253; Tregelles, An account of the printed text of 
the greek N. T., Londres, 1854, p. 246-261 ; Tischen- 
dorf, Novum Testamentum grsece, 8 e édit., Leipzig, 
1869, t. i, p. 403 ; Westcott et Hort, The New Testa- 
ment in the original greek, Appendix, Cambridge et 
Londres, 1882, p. 20-51 ; Zahn, Geschichte das Neutes- 
tamentlichen Kanons, Erlangen et Leipzig, 1889, t. I, 
p. 912-914; 1892, t. u, p. 910-938; Id., Einleitung in 
das N. T., 2° édit., Leipzig, 1900, t. n, p. 227-235; 
Klostermann, Das Marcusevangelium, 1867, p. 298- 
309. — Pour l'authenticité, Richard Simon, Histoire cri- 
tique du texte du Nouveau Testament, Rotterdam, 
1689, p. 114-122; Matthœi, Novum Testamentum, Riga, 
1788, t. n, p. 268-271 ; t. ix, p. 228; Scholz, Novum 
Testamentum grxce, Leipzig, 1830, t. i, p. 199-200; 
Burgon, The lasl twelve verses of the Gospel according 
to St. Mark, Londres, 1871 ; Cook, St Mark's Gospel, Lon- 
dres, 1878, p. 301-308; Scrivener, Introduction tothecri- 
ticism of theN.T.,& édit., Cambridge, 1883, p. 583-590; 
J. P. P. Martin, Introduction à la critique textuelle du 
N. T., partie pratique, Paris, 1883-1884, t. n (lith.); 
Burgon-Miller, The causes ofthe corruption ofthe tra- 
x ditional text of the Holy Gospels, Londres, 1896, p. 72, 
Ï27-130; Godet, Introduction au N. T., Neuchâtel, 
1899, t. n, p. 393-413 (plutôt favorable qu'hostile); P. Van 
Kasteren, L'épilogue canonique du second Évangile, 
dans la Revue biblique, 1902, t. xi, p. 240-255. 

III. Plan et division. — Si le prêtre Jean a rapporté 
au témoignage de Papias, que Marc a écrit exactement, 
mais sans ordre, ce qu'il se rappelait des paroles ou 
des actions de Jésus, parce qu'il n'avait pas été témoin 
oculaire, mais seulement disciple de Pierre, il n'en 
résulte pas que le second Évangile soit mal ordonné. Le 
plan y est très simple; il suit la catéchèse historique, 
dont saint Marc reproduisait le fond, et les critiques 
actuels reconnaissent "généralement que l'ordre adopté 
donne l'esquisse la plus juste du développement de la 
vie publique de Jésus. Sauf quelques interversions, 
l'ordre chronologique des faits est suivi. On a remarqué, 
en effet, que Marc reproduit fidèlement le plan que saint 
Pierre a tracé à la prédication apostolique, Act., i, 22, 
et que lui-même a brièvement rempli dans son entre- 
tien avec le centurion Corneille. Act., x, 37-42. Si on 
tient compte de cette ressemblance, on comprendra 
pourquoi saint Marc ne parle pas de l'enfance de Jésus 
et on divisera naturellement son Évangile en trois par- 
ties. Après une courte introduction, i, 1-13, dans la- 
quelle il est parlé du baptême de Jean, Act., x, 37, 
l'Évangéliste expose : 1° le ministère de Jésus en Ga- 
lilée, caractérisé par des bienfaits et des guérisons de 
possédés, Act., x, 37, 38; 2" le ministère en Judée et à 
Jérusalem, aboutissant à la passion et à la mort sur la 
croix, Act., x, 39; 3° la résurrection, les apparitions et 
la mission confiée aux Apôtres. Act., x, 40-42. 

La première partie, qui raconte le ministère de Jésus 
en Galilée, i, 14-ix, 49, est la plus longue des trois. Elle 
débute par la vocation des principaux Apôtres, par les 
premiers discours et les premières guérisons de Jésus à 



Capharnaûm et dans la Galilée, I, 14-45. Elle expose 
ensuite les premières oppositions que les scribes et les 
pharisiens font à Jésus au sujet de la guérison d'un 
paralytique à Capharnaûm, du repas pris chez Lévi après 
sa vocation, des disciples qui froissent des épis le jour 
du sabbat et de la guérison de l'homme dont la main était 
desséchée, n, 1-ni, 6. Après de nouveaux miracles opé- 
rés en présence des foules, Jésus choisit les douze 
Apôtres, qu'il prépare à leur première mission, en con- 
fondant devant eux ses adversaires, en guérissant des 
malades, en exposant les paraboles du royaume des 
cieux, en multipliant les prodiges : tempête apaisée, 
délivrance d'un possédé, résurrection de la fille de Jaïre, 
et en s'exposant au mépris des habitants de Nazareth, 
m, 7-vi, 6. Il envoie ses apôtres ainsi préparés prêcher 
la pénitence et guérir les malades et les possédés, vi, 
7-13. Le récit de la mort de Jean-Baptiste est rattaché à 
une réflexion que le bruit des miracles de Jésus fait faire 
à Hérode, vi, 14-29. Jésus emmène dans la retraite ses 
apôtres, revenus de leur première mission; les foules 
le suivent; il multiplie les pains en leur faveur, marche 
sur le lac de Génésareth et fait de nombreux miracles, vi, 
30-56. Des pharisiens et des scribes, venus de Jérusalem, 
entrent en contestation avec Jésus qui condamne leurs 
maximes et leurs pratiques, vu, 1-23. Ayant passé au- 
pays de Tyr, il délivre de la possession diabolique la 
fille d'une païenne, vu, 24-30. Revenu sur les bords du 
lac de Génésareth, il guérit un sourd et muet, multiplie 
les pains pour la seconde fois, répond aux pharisiens, 
instruit ses disciples et guérit un aveugle, vu, 31-vm, 26- 
Après que Pierre, à Césarée de Philippe, a proclamé la 
divinité de son Maître, celui-ci prépare ses disciples à 
sa passion, en la leur prédisant, en se transfigurant en 
présence de Pierre, Jacques et Jean, en guérissant un 
démoniaque et en donnant aux siens des instructions- 
particulières, vm, 27-ix, 49. 

La seconde partie raconte le ministère de Jésus ett 
Judée et à Jérusalem, la passion et la mort sur la croix, 
x, 1-xv, 47. En Judée, Jésus proclame l'indissolubilité 
du mariage, bénit les enfants, déclare qu'il est difficile 
aux riches de se sauver, prédit de nouveau sa passion, 
rejette la demande des fils de Zébédée et guérit un> 
aveugle à Jéricho, x, 1-52. Il entre triomphalement à 
Jérusalem et revient le soir à Béthanie, d'où il était parti 
le matin, xi, 1-11. Le lendemain, sur le chemin de Jéru- 
salem, il maudit le figuier stérile, chasse les vendeurs 
du temple, et célèbre la puissance de la foi, xi, 12-26. 
Dans un troisième séjour à Jérusalem, il discute succes- 
sivement avec les grands-prêtres, les scribes et les an- 
ciens, avec les pharisiens et les hérodiens, avec les sad- 
ducéens, il répond aux questions qu'un scribe lui avait 
posées dans le temple, et en sortant, il prédit aux siens 
la ruine de Jérusalem et la fin du monde, xi, 27-xm,37. 
Deux jours avant la Pâque, les grands-prêtres et les 
scribes trament sa mort, lui-même assiste à un repas 
chez Simon le lépreux et Judas le trahit, xiv, 1-11. Le- 
premier jour des azymes, il célèbre la Pâque, prédit sa 
résurrection, entre en agonie, est pris dans le jardin, 
conduit devant le grand-prêtre, renié par Pierre, mené- 
chez Pilate, insulté par les prétoriens, crucifié sur le 
Golgotha et enseveli par Joseph d'Arimathie, xiv, 12- 
xv, 47. 

La troisième partie, qui est très courte et ne comprend 
que le chapitre xvi, rapporte plusieurs apparitions de 
Jésus ressuscité, notamment celle dans laquelle il 
monte au ciel, après avoir confié aux apôtres la mission 
que ceux-ci commencèrent bientôt à accomplir. 

IV. Date. — Nous manquons de données certaines 
sur l'époque de la composition, du second Évangile. 
Aussi les sentiments des critiques, appuyés soit sur de- 
rares critères internes, soit sur les témoignages oppo- 
sés des anciens, sont fort divergents. — 1« Critère» 
internes. —- Le contenu fournit peu d'indices sur la.. 



737 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



738 



date. Le dernier verset affirme que les apôtres avaient 
prêché l'Évangile partout, xvi, 20, pour remplir la mis- 
sion donnée, xvi, 15, d'aller dans le monde entier. Ce 
verset suppose réalisée une diffusion de l'Évangile en 
dehors de la Palestine et dans le monde païen, à moins 
qu'on ne regarde l'adverbe icavra^oO comme une hyper- 
bole. D'autre part, la ruine de Jérusalem y est annoncée 
comme future, xiii, 14,, sans qu'aucun détail permette 
<le penser que l'événement est déjà réalisé. Cependant 
quelques critiques, comparant Marc, xm, 24, avec 
Matth., xxiv, 29, concluent de la suppression d'ejBéwç et 
<le l'emploi d'une formule plus vague, que saint Marc, 
•écrivant après la ruine de Jérusalem, veut laisser place 
à un intervalle entre cette catastrophe et la parousie 
finale. La conclusion ne s'impose pas, parce qu'il n'est 
pas sûr que saint Marc ait connu saint Matthieu et que 
par la suppression d'une circonstance de temps il ait 
touIu corriger son récit. 

2° Témoignages des Pères. — Us ne sont pas conver- 
gents. Le plus ancien de tous, celui de saint Irénée, 
rapporté par Eusèbe, H. E., t. xx, col. 449, parle de 
la prédication des Apôtres et de la date des quatre 
Évangiles. Matthieu a écrit, pendant que Pierre et 
Paul prêchaient l'Évangile à Rome et fondaient l'Église. 
Me-rà ôè tt]V toutûjv e^oSqv Mapxoç... xcù ocijtoç Ta utco 
Ilétpou xripussduevoc £YYP«?<" > 5 1 nP"v ixapa6£Sa>x£. On en- 
tend généralement ce passage dans ce sens que, si saint 
Matthieu a composé son Évangile du vivant des apôtres 
Pierre et Paul, Marc a rédigé le sien après leur mort. 
■Quelques critiques veulent interpréter dans le même sens 
le témoignage du prêtre Jean . Comme il a dit à Papias 
que Marc reproduisait les instructions de Pierre, « selon 
qu'il s'en souvenait, » ils concluent que Pierre n'était 
plus là pour le guider et qu'il était mort, lorsque Marc 
écrivit son Évangile. Mais les autres Pères, qui parlent 
<le la date du second Évangile, la placent avant la mort 
de saint Pierre. Ainsi Clément d'Alexandrie, dans Eu- 
sèbe, S. E., il, 15, t. xx, col. 172, nous apprend que, 
lorsque Pierre eut combattu Simon le magicien par 
l'éclat de sa parole, ses auditeurs prièrent Marc, son 
compagnon, de leur laisser par écrit les instructions 
de Pierre. Eusèbe ajoute que Pierre, ayant appris par 
la révélation de l'Esprit ce qui s'était fait, confirma 
l'écrit de Marc pour servir à l'usage des Églises. Le 
même historien rapporte encore, H. E., vi, 14, t. xx, 
col. 552, un autre témoignage de Clément d'Alexandrie. 
Celui-ci a appris de la tradition des prêtres que les 
Romains, auditeurs de Pierre, demandèrent à Marc 
de consigner par écrit les prédications de son maître, 
et que Pierre, ayant appris ce désir, ne s'y opposa pas, 
mais ne l'encouragea pas non plus. Un troisième frag- 
ment de Clément, conservé en latin, dit encore que 
3tarc rédigea son Évangile, tandis que Pierre prêchait 
publiquement à Rome. Origène est moins explicite; il 
dit seulement que Marc a composé son Évangile, « selon 
•que Pierre le dirigeait. » Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, 
■col. 581. Eusèbe ne dit, pour son propre compte, rien 
•de précis sur la date du second Évangile. Saint Épiphane, 
Hxr. li, 6, t. xli, col. 900, affirme que Marc, après 
avoir écrit son Évangile, fut envoyé par saint Pierre 
en Egypte. Saint Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxm, col. 609, 
répète les renseignements de Clément d'Alexandrie. Les 
■critiques modernes regardent ces dernières données 
comme une modification, sinon même une déviation de 
la tradition primitive, représentée dans toute sa pureté 
par Papias et saint Irénée. 

3° Opinions des critiques. — Les arguments intrinsè- 
ques et extrinsèques n'ayant pas une valeur ou une auto- 
rité irréfragable, les critiques ont émis sur la date du 
second Évangile des opinions différentes. Sans parler de 
ceux qui, ne tenant aucun compte de la tradition, pro- 
posent des dates qui dépassent le h* siècle, voir t. n, 
■col. 2062, les autres suivent deux courants,' selon qu'ils 

DICT. DE LA BIBLE. 



se rallient au témoignage de saint Irénée ou à ceux des 
autres Pères. Dans le premier courant, le second Évan- 
gile serait postérieur à la mort de saint Pierre. Pour quel- 
ques-uns, il serait même postérieur à la ruine de Jéru- 
salem. Jûlicher, Einleitung in das N. T., 3 e et 4 e édit., 
Tubingue et Leipzig, 1901, p. 255. Mais, comme nous 
l'avons dit, plus généralement on le regarde comme 
antérieur à cet événement. Harnack lui-même le con- 
cède et indique comme date vraisemblable la période 
65-70. Ms r BatifTol, Six leçons sur les Évangiles, 2" édit, 
Paris, 1897, p. 61, se rallie à ce sentiment. Cf. Trenkle, 
Einleitung in das r N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1897, 
p. 110; V. Rose, Évangile selon S. Marc, Paris, 1904, 
p. xi-xii. M. Schanz, Commentar ûber das Evange- 
lium des heiligen Marcus, Fribourg-en-Brisgau, 1881, 
p. 46; M. Fillion, Évangile selon S. Marc, Paris, 1883, 
p. 14 ; M. A. Schaefer, Einleitung in das N. T., Paderborn, 
1898, p. 225, adoptent la date de 67. Conciliant entre eux 
les renseignements fournis par les Pères, Zahn, Einlei- 
tung in das N. T., 2« édit., Leipzig, 1900, t. n, p. 203- 
204, pense que saint Marc a rédigé son Évangile en 64 
et qu'après en avoir interrompu la composition, il l'a 
publié trois ans plus tard, le destinant à un cercle plus 
étendu que celui pour lequel il avait été entrepris. 
Godet, Introduction au N. T., Neuchâtel, 1899, t. Il, 
p. 382, 427, est d'un sentiment analogue et il estime 
que Marc peut avoir commencé à rassembler les maté- 
riaux de son œuvre du vivant de saint Pierre et ne 
l'avoir achevée et publiée qu'après la mort de cet apôtre. 
Robinson, The study of ihe Gospels, Londres, 1902, 
p. 17, conclut que l'Évangile de saint Marc a été rédigé 
entre 60 et 65, sinon même plus tôt; toutefois l'année 65 
lui parait la date la plus probable. Cependant la plupart 
des critiques catholiques attribuent au second Évangile 
une date antérieure. Quelques-uns rattachent sa compo- 
sition au premier séjour de saint Pierre à Rome après 42. 
Belser, Einleitung in das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 
1901, p. 62-66, a soutenu ce sentiment avec beaucoup 
d'érudition. Il fixe la date de la première édition du se- 
cond Évangile à l'an 44, mais il croit, lui aussi, que 
Marc publia en 63 ou 64 une seconde fois son récit pour 
un cercle plus étendu de chrétiens que celui des Romains 
pour qui il avait été d'abord écrit. Ce sentiment se 
heurte à de grosses difficultés. Sans compter que le 
premier voyage de saint Pierre à Rome, en 42, n'est pas 
absolument démontré, il est difficile de concilier la pré- 
sence de saint Marc à Rome à cette date avec la chrono- 
logie généralement reçue de la vie de l'évangéliste, puis- 
qu'on rapporte à l'année 52 son voyage à Chypre en 
compagnie de Barnabe. Pour cette raison, d'autres cri- 
tiques catholiques retardent de quelques années la com- 
position du second Évangile. Le P. Cornely, Introductio 
specialis in singulos N. T. libros, Paris, 1886, p. 117, 
la place dans l'intervalle de 52 à 62. Le P. Knabenbauer, 
Comment, in Ev. sec. Marcum, Paris, 1894, p. 11-13, 
semble se ranger à cet avis. Tous ces derniers critiques 
essaient de concilier le témoignage de saint Irénée avec 
celui des autres Pères. S'ils ne recourent plus à la leçon 
exSoixtv de quelques manuscrits au lieu de è'£o8ov, parce 
qu'on la regarde comme une correction faite d'après la 
traduction latine de Ruûn : exitum, ils interprètent, du 
gmoins, l'expression t£oSoM. Ils l'entendent, non pas du 
trépas de saint Pierre et de saint Paul, mais de leur 
sortie ou départ. Us appuient cette interprétation sur 
deux raisons. Ils remarquent, d'abord, que saint Irénée 
a parlé du départ des Apôtres de la Palestine, exierunt 
in fines terne, et de leur dispersion dans le monde, et 
ils prétendent que c'est à ce départ qu'il faut rapporter 
le terme é^oSo;. Ils ajoutent que saint Irénée, en disant 
que Marc a rédigé ti fiiri» FU-rpou xK)pu<x<x<$[«va, entend par 
l'emploi de ce participe présent que saint Pierre était 
encore vivant, car, s'il avait voulu parler de sa mort, il 
aurait dû employer le participe passé x7)pux6évTa. Il 

IV. — 24 



739 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



740 



reste vrai néanmoins que l'opposition entre la date que 
saint Irénée indique pour la rédaction de TÉvangile de 
saint Matthieu et celle qu'il assigne à la composition du 
second Évangile favorise davantage la traduction d'è'So- 
êoç par mort. Quoiqu'il en soit de ce témoignage d'Irénée, 
on fixe généralement l'époque de la composition du se- 
cond Évangile suivant l'opinion qu'on a sur la date de la 
venue de saint Pierre à Rome en 42 ou en 63 seulement. 

V. Lieu. — Quant au lieu de la composition du se- 
cond Évangile, il n'y a pas de désaccord sérieux. L'an- 
cienne tradition a indiqué Rome. Si les témoignages du 
prêtre Jean et de Papias ne sont pas explicites, les 
autres que nous avons cités précédemment sont formels, 
et ce que nous dirons bientôt des destinataires du se- 
cond Évangile confirmera cette tradition. Le vieil ar- 
gument latin, mis en tête du second Évangile, dit de 
Marc que conversus ad fidem Christi evangelium in 
Italia scripsit. Wordsworth et White, Novum Testa- 
mentum D. N. J. C. latine, t. i, p. 171; Corssen, Mo- 
narchianische Prologue, dans Texte und Untersuchun- 
gen, Leipzig, 1896, t. xv, fasc. 1, p. 9. Seul, saint 
Chrysostome rompt l'unanimité de la tradition. Il rap- 
porte un on-dit, suivant lequel Marc aurait composé son 
Évangile en Egypte. Hom., i, in Matth., n. 3, t. lvii, 
col. 17. Son affirmation n'est pas positive et ne peut 
contrebalancer une tradition plus ferme. Les souscrip- 
tions de quelques manuscrits grecs, qui disent que saint 
Marc a composé son Évangile en Egypte ou à Alexandrie, 
ont moins d'autorité encore. Elles n'expriment que le 
sentiment particulier des copistes, sentiment fondé sur 
îa tradition de "évangélisation de l'Egypte par saint Marc. 
Richard Simon, Histoire critique du texte du N. T., 
Rotterdam, 1689, p. 107, conciliait toutefois le sentiment 
de saint Chrysostome avec celui des autres Pères par 
l'hypothèse, aujourd'hui rajeunie, d'une double édition, 
l'une faite à Rome pour les chrétiens de cette ville, 
l'autre en Egypte pour la nouvelle Église que saint 
Marc y avait fondée. Les opinions de quelques critiques 
modernes, indiquant l'Asie Mineure ou la ville d'An- 
tioche comme patrie du second Évangile, reposent sur 
des raisons insuffisantes. 

VI. Destinataires. — 1° Données patris tiques. — 
Les Pères qui affirment que le second Évangile a été 
rédigé à Rome, ajoutent qu'il le fut à la prière des chré- 
tiens de cette ville et en vue de fixer par écrit à leur 
usage la prédication de Pierre. Nous avons déjà cité les 
témoignages de Clément d'Alexandrie. A deux reprises, 
il parle des auditeurs romains de Pierre, qui sollicitent 
de Marc, le compagnon de l'apôtre, la rédaction des 
instructions qu'ils avaient entendues eux-mêmes, mais 
dont Marc se souvenait pour y avoir assisté souvent. 
Une troisième fois, il nomme parmi ces auditeurs des 
chevaliers césariens, c'est-à-dire des officiers attachés à 
la maison de l'empereur, cf. Phil., iv, 22, qui firent 
auprès de Marc des instances pressantes. Saint Jérôme, 
De vir. ill., 8, t. xxm, col. 621, dit de Marc que, rogatus 
a fratribus, brève scripsit Evangelium. La préface latine 
de la Bible de Théodulfe, du IX e siècle, Bibliothèque 
nationale d*. Paris, Iat. 9380, reproduit les mêmes indi- 
cations. Wordsworth et "White, Novum Testamentum 
D. N. J. C. latine, t. i, p. 173. — 2» Critères internes. 
— Ils confirment les données traditionnelles. Ils 
indiquent d'abord que les lecteurs du second Évangile 
n'étaient ni de Palestine, ni de race juive. L'auteur 
montre bien que ses lecteurs ignorent la langue et les 
usages juifs. Il traduit en grec tous les mots ara- 
méens qu'il cite : Boocvtjpt-è;, S I<tuv uîoî [}povTîjî,iii, 17; 
TaXiâà -/o'J|ju> 3 iffTiv |Ae9sp[i7ivev6fiEvov ™ xopâaiov, ao\ 
ïi-fco, ëretpe, v, 42;-/opë3v, S ènriv 8û>pov, vil, 11 ; èççrjOi, 5 
ê<mv BiavoixSïjTt, vil, 34; ôulô; Ti[ia:ou BapTtfiato;, X, 46; 
àSëS à mivftf), XIV, 36; êx&>s> êXan, >a(jiâ <jaêa-/6»v£t, XV, 
34. Il explique des pratiques spéciales aux Israélites, 
telles que les lustrations des mains avant de manger, des 



coupes, des mesures et des vases avant de s'en servir, 
vu, 3; 4 ; les expressions : le premier jour des azymes, xiv, 
12; la irapoKjzE'jTi, xv, 42; l'époque de la maturité des 
figues en Palestine, xi, 13; la situation du mont des 
Oliviers par rapport au Temple, xm, 3. Ses lecteurs 
semblent même ignorer l'Ancien Testament. En effet, 
il ne nomme pas une seule fois la loi juive; sauf deux 
exceptions, i, 2, 3; xv, 28, il ne fait aucune citation pro- 
phétique. D'autres indices montrent que ces lecteurs 
étaient latins et romains. L'auteur, employant la langue 
qu'ils comprennent, se sert, sans les expliquer, de mots 
latins grécisés et de tournures latines: Bijvâpiov, vi, 37; 
xevtupîoiv, xv, 39, 44, 45; xrjv<ro;, xn, 14; Çéctttiç, vu, 4,. 
8; Xeykôv, v, 9, 15; Ttpanwpiov, xv, 16; tf}MytXk6ia, xv, 
15; <jirexovXàT(op, VI, 27; par contre, il explique le termfr 
Xra-rà Suô en monnaie romaine, xoSpâv-n-jç, xh, 42. Il 
mentionne que Simon de Cyrène était le père d'Alexander 
et de Rufus, xv, 21 . Ces deux personnages étaient donc 
connus des lecteurs. Or saint Paul, Rom.,xvi, 13, salue 
un Romain du nom de Rufus, ainsi que sa mère, « qui 
est aussi la mienne, » ajoute-t-il. L'apôtre avait donc 
connu ailleurs, en Palestine peut-être, cette famille de 
chrétiens de Rome. On a remarqué enfin que Marc est le 
seul évangéliste à parler de la coutume romaine, d'après 
laquelle une femme peut répudier son mari, x, 12. 

VII. But. — Les Pères, dont les témoignages ont été 
précédemment cités, déclarent que saint Marc se pro- 
posait uniquement, en composant son Évangile, de 
reproduire l'enseignement catéchétique de saint Pierre, 
annonçant aux païens la bonne nouvelle du Christ ré- 
dempteur. Le caractère du second Évangile répond par- 
faitement à cette donnée, et le but de son auteur n'est, 
en effet, directement, ni apologétique, ni polémique, 
mais simplement catéchétique et historique. Marc expose, 
par le récit de la vie publique, que Jésus, le prédicateur 
de la nouvelle doctrine, est le Messie, Fils de Dieu, qu'il 
a révélé à ses apôtres, par ses paroles et ses actes, sa 
filiation divine et qu'il leur a confié la mission de publier 
sa doctrine et de continuer son action puissante dans 
le monde entier. La foi me sianique s'affirme dès Je- 
début de son récit. De quelque façon qu'on explique la 
liaison des premiers versets, saint Marc, dans le titre 
de son livre, i, 1, indique son bu; qui est de raconter 
les débuts delà prédication messianique de Jésus-Christ, 
Fils de Dieu. Écrivant pour des païens convertis, il ne- 
dit pas, comme saint Matthieu aux ;Juifs, que Jésus est 
fils d'Abraham et de Da iT id, il le déclare à la fois Messie- 
et Fils de Dieu. Aussi l'élément messianique domine-t-il 
dans son Évangile. Il ne le prouve pas, comme saint 
Matthieu, par la réalisation des prophéties, mais par 
l'exposé des nombreux miracles opérés par Jésus : gué- 
rison des malades (lépreux, aveugles, paralytiques, etc.), 
délivrance des possédés, résurrection des morts, do- 
mination sur les éléments (tempêtes apaisées, multi- 
plication des pains). Toutes ces actions miraculeuses 
manifestent que Jésus est le Messie, Fils de Dieu. Les 
délivrances des possédés témoignent en particulier que 
Jésus est plus puissant que Satan, dont il est venu dé- 
truire la domination sur le monde, et qui proclame sa 
défaite par la bouche de ses victimes, i, 24. La transfigu- 
ration, les prédictions, les prodiges qui s'accomplissent 
au moment où Jésus meurt, les prédications à la foule 
et aux disciples, tout dans l'Évangile de saint Mare 
contribue à montrer que Jésus est le Christ, Fils de 
Dieu, et cette démonstration résulte du simple narré des 
faits. On a remarqué cependant que le second Évangé- 
liste se préoccupait d'expliquer comment malgré toutes 
ces manifestations messianiques, le peuple juif était 
resté incrédule et n'avait pas reconnu en Jésus le Messie 
qu'il attendait. Pour résoudre ce problème, saint Marc 
a noté constamment au cours de son récit le silence que 
Jésus avait imposéaux démons, i, 25. 34; m, 11, 12; les 
ordres donnés aux malades guéris de ne pas divulguée 



741 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) 



742 



leur guérison, i, 43; v, 43; vu, 36; vm, 26; enfin la 
recommandation réitérée aux disciples de respecter le 
secret messianique qui leur était révélé à eux, vm, 30; 
IX, 8. On peut dire dans ce sens que saint Marc a écrit 
une thèse; mais il n'y a pas de raison de soupçonner 
avec M. Hude, Das Messiasgeheinmiss in den Evange- 
lien, Gœttingue, 1901, que cette conception de l'histoire 
évangélique est une construction théologique artificielle 
et n'a rien d'historique. En effet, la croyance messianique 
a précédé la résurrection. Jésus a été condamné à mort, 
parce qu'il se déclarait le Messie, Marc, xiv, 61-64; 
xv, 2; il s'était rendu tout exprès à Jérusalem pour se 
déclarer le Messie ; il avait révélé à ses disciples sa mes- 
sianité et la confession de saint Pierre, ym, 29, est un 
fait historique. Si Jésus, dès le début de son ministère, 
n'a pas permis de révéler au peuple sa nature et sa 
mission messianiques, c'était vraisemblablement afin de 
ne pas favoriser les idées du peuple au sujet d'un Mes- 
sie politique, et saint Marc a mis en évidence cette 
situation historique. Cf. Eose, Évangile selon S. Marc, 
Pai i=, 1904, p. xv-xxviii. 

On a constaté, en outre, que dans le second Évangile 
les Apôtres tiennent une place à part auprès de Jésus, 
parce qu'ils doivent être les prédicateurs et les propa- 
gateurs de la nouvelle doctrine dans le monde entier. 
Marc raconte leur vocation, leur formation tant par la 
réalisation des miracles en leur présence que par des 
enseignements particuliers sur le royaume des cieux, 
leur élection spéciale, leur première mission dans la 
Galilée avec la communication du pouvoir de guérir, 
préludant à leur mission définitive de prédicateurs de 
la bonne nouvelle dans le monde entier avec la puissance 
des signes pour la conversion des nations païennes. Les 
apôtres devaient être les continuateurs de l'œuvre qui 
avait été commencée par leur Maître et dont l'Evangile 
de Marc exposait les heureux commencements, i, 1. 
Ainsi saint Marc fait ressortir leur préparation à être des 
témoins oculaires et des prédicateurs autorisés de la 
vie et de la doctrine de Jésus. Son intention était de 
faire valoir ainsi devant ses lecteurs païens la catéchèse 
apostolique qu'il reproduisait dans son ouvrage. 

VIII. Sources. — De ce qui précède il ressort ma- 
nifestement que les Pères de l'Église ont tenu l'Évangile 
de Marc comme la reproduction des instructions de 
saint Pierre à Rome et dans les Églises de 1? gentilité. 
Toutefois, saint Augustin, De consensu Evangel., I, h, 
4, t. xxxiv, col. 1044, comparant entre eux les récits 
évangéliques et constatant les rapports étroits dé res- 
semblance qui existent entre le second Évangile et le 
premier, a exprimé le résultat de ses études person- 
nelles dans ce jugement souvent répété, que Marc n'a 
fait qu'abréger et résumer saint Matthieu. Dans les 
temps modernes, la dépendance de Marc relativement à 
saint Matthieu a été diversement appréciée. Tandis que 
beaucoup de critiques la maintenaient dans le rapport 
des textes actuels, voir t. n, col. 2088-2089, d'autres, 
reconnaissant le caractère original et indépendant de 
Marc, dans son plan, son but, le genre de sa narration 
et son style, ont admis la priorité de Marc et la dépen- 
dance de Matthieu par rapport à lui, ibid., col. 2090- 
2091, 2097. D'autres encore, pour expliquer cette origi- 
nalité incontestable et en même temps des ressem-, 
blances indéniables et même des coïncidences verbales 
avec le texte de saint Matthieu, ont supposé que le se- 
cond évangéliste se serait servi, non pas du texte grec 
de saint Matthieu, mais du texte araméen de cet Évangile. 

Tous cependant ne regardent plus le second Évangile 
comme une œuvre de première main et l'Évangile pri- 
mitif. Ils ont constaté qu'il n'était pas d'une seule venue 
et que sa rédaction manquait d'homogénéité. Ils ont 
signalé en lui des sutures, des combinaisons et des su- 
perpositions de récits. Cf. A. Loisy, L'Évangile et 
l'Égiise, 2« édit., Bellevue, 1903, p. 6-8; Id., Le second 



Évangile, dans la Revue d'histoire et de littérature 
religieuses, Paris, 1903, t. vm, p. 513-527. Ils en ont 
conclu qu'il a existé dans un état primitif, qu'on appelle 
le Proto-Marc, voir t. n, col. 2096-2097, ou au moins, 
depuis que l'hypothèse du Proto-Marc est en baisse, 
ibid., col. 2098, qu'il a reçu quelques additions posté- 
rieures, Jùlicher, Einleitung, p. 256-258, ou encore qu'il 
a eu des sources écrites, autres que saint Matthieu. 
Wrede,Z)as Messiasgeheimniss in den Evangelien, zu- 
gleich ein Beitrag zum Verstândnis des Markusevan- 
geliums, Gœttingue, 1901; J. Weiss, Dos àlteste Evan- 
gelium, Gœttingue, 1903. Si cette dernière hypothèse n'a 
en soi rien d'impossible, puisque saint Marc, en dehors 
de ses souvenirs personnels de la catéchèse de saint 
Pierre, aurait pu utiliser des sources, orales ou écrites, 
elle ne s'impose pas néanmoins. Il Faut même la repousser 
en tant qu'elle tend à nier l'unité de composition ou à 
diminuer la valeur historique du second Évangile, et il 
vaut mieux, avec les Pères et les écrivains ecclésiastiques, 
tenir l'œuvre de Marc comme la transcription de la tra- 
dition orale et spécialement de l'enseignement catéché- 
tique de l'apôtre saint Pierre. Ce sentiment est trop 
bien établi pour qu'on puisse le rejeter. En tout cas, il 
ne semble pas qu'il y ait des raisons suffisantes qui 
obligent à admettre plusieurs rédactions successives de 
l'Évangile de saint Marc. 

IX. Stvle. — La vivacité et le pittoresque sont les 
deux caractères principaux du style de saint Marc. Les 
récits sont très circonstanciés et la multiplicité des dé- 
tails rend vivantes les scènes décrites. L'auteur aime 
aussi à exprimer les impressions des acteurs et à pein- 
dre leurs sentiments. Son style est vif, précis, net, 
ferme, parfois dur et un peu négligé. Le narrateur se 
laisse aller à conter avec simplicité et abandon ce qu'il 
sait des paroles et des actes de Jésus. Aussi est-il pro- 
lixe en quelques endroits et ne craint-il pas les répéti- 
tions. Il emploie fréquemment le présent historique, 
quelquefois le langage direct, ses transitions sont brus- 
ques et il entraîne rapidement son lecteur. Il redouble 
les négations, accumule les adverbes, ce qui donne de 
la vigueur à sa diction. Il a, d'autre part, une prédi- 
lection pour les diminutifs, tels que xXoiâpiov, Suyôrpiov, 
xopâdtov, xuvûtpiov, icïiSî'ov, etc. Il ne paraît pas très 
familiarisé avec la langue grecque, et ses phrases pré- 
sentent un grand nombre d'irrégularités grammaticales 
et de négligences de style. Elles sont, d'ailleurs, peu 
enchaînées, reliées presque exclusivement par x«l 
(employé au moins trente fois de cette manière, m, 
1-26, tandis que Se n'est mis qu'une fois et yàp deux 
fois). Cette absence de liaisons donne de la monotonie 
à la narration qui est ordinairement anecdotique. Si la 
couleur, la vie, le caractère descriptif, ce qu'on a appelé 
« la touche graphique » du récit de saint Marc révèlent 
l'impression d'un témoin de la vie de Jésus, l'unité du 
style montre que le second Évangile est l'œuvre d'une 
seule main. 

X. Langue. — Il n'y a aucun doute que le grec ne soit 
la langue originale de saint Marc. Parce qu'il a écrit son 
Évangile pour les Romains, quelques savants ont pensé 
qu'il l'avait rédigé en latin. Les souscriptions de la version 
syriaque, la Peschito, et de quelques manuscrits grecs 
récents, par exemple les cursifs 9, 10, 160, 161, etc., di- 
sent sans doute que le second Évangile a été écrit à Rome 
dans la langue de Rome. Mais leur autorité est nulle, et 
peut-être même faut-il les entendre du grec, qui était 
alors la langue généralement parlée à Rome. Quant au 
prétendu autographe latin de saint Marc, qui se trouvait 
à Venise, on sait depuis longtemps qu'il n'est qu'un 
manuscrit de la Vulgàte dont une autre partie existe à 
Friuli ou à Prague. Si, comme nous l'avons dit plus 
haut, saint Marc se sert de mots latins grécisés, il les a 
empruntés à ses contemporains parlant grec. Voir t. n, 
col. 321. Ce sont, d'ailleurs, pour la plupart, des termes 



743 



MARC (ÉVANGILE DE SAINT) — MARCELLINI 



744 



administratifs qui s'étaient répandus dans le monde 
grec avec la domination romaine. Enfin, on a remarqué 
dans le texte grec, Marc, vu, 25, une irrégularité : 
Yuvtj... r\ç tïy.sv tô 6*JY<zTpiov a-jT%, qui a disparu dans la 
Vulgate latine, où on lit : mulier, cujus filia habebat. 
Elle trahit un Juif écrivant en grec, et la correction 
latine est l'œuvre d'un traducteur. Pour expliquer pour- 
quoi saint Luc, dans les passages où il dépend de Marc, 
ne reproduit pas les expressions les plus caractéristiques 
du second Évangile, M. Blass a supposé que cet Évan- 
gile avait été primitivement composé en araméen. Evan- 
gelii secundum Lucam, sive Lucie ad Theophïlum 
liber prior, Leipzig, 1897. Aucun critique ne s'est rallié 
à cette hypothèse. 

XI. Commentaires. — Ils sont peu nombreux. Le 
second Évangile, contenant peu de récits qui ne se re- 
trouvaient pas dans le premier et le troisième, a été 
négligé. — 1° Pères. — Les dix Homiliss de principio 
Evangelii secundum Marcum, attribuées à saint Jean 
Chrysostome et publiées à part, Anvers, 1542, et dans 
les Opéra, Venise, 1549, t. H, col. 263-270, ont été resti- 
tuées à saint Jérôme par dom Morin, Les monuments 
de la prédication de saint Jérôme, dans la Revue d'his- 
toire et de littérature religieuses, Paris, 1896, t. I, 
p. 397-400, et éditées sous son nom dans les Anecdota 
Maredsolana, Maredsous, 1897, t. m, part, n, p. 317-370. 
Deux autres commentaires sur saint Marc, attribués à 
saint Jérôme, sont apocryphes : Expositio quatuor 
Evangéliorum de brevi proverbio, t. xxx, col. 560-567; 
Comrnentarius in Evangelium secundum Marcum, 
ibid., col. 590-645. Le plus ancien commentaire grec 
date du v e siècle. C'est une chaîne éditée sous le nom 
de Victor d'Antioche par Peltanus, Tngolstadt, 1580, dont 
l'édition est reproduite dans la Maxima bibliotheca ve- 
terum Patrum, Lyon, 1677, t. iv, p. 371-414, par Pos- 
sin, Catena grsecorum Patrum in Evangelium secun- 
dum Marcum, Rome, 1673, par Matthœi, Moscou, 1775, 
et par Cramer, Catense, etc., Oxford, 1840, 1. 1, p. 263- 
447. Toutefois ce dernier éditeur était porté à attribuer 
cette chaîne à saint Cyrille d'Alexandrie. Quelques 
fragments de Théodore de Mopsueste sur saint Marc ont 
été extraits des chaînes, t. lxvi, col. 713-716. 

2° Moyen âge. — Bède, In Marc. Ev. expositio, 
t. xcn, col. 133-302 ; Théophylacte, Enarrat . in Ev. Marci, 
t. cxxm, col. 492-681 ; Euthymius, Comment, in Lucam, 
t. cxxix, col. 769-852; Albert le Grand, In Marcum, 
dans Opéra, Paris, 1894, t. xxi, p. 339-806; S. Thomas, 
Catena aurea in Marci Evangelium, dans Opéra, Pa- 
ris, 1876, t. xvi, p. 499-660. 

3° Temps modernes. — 1. Catholiques. — En outre 
■des commentaires qui embrassent la Bible entière ou 
les quatre Évangiles, tels que ceux de Maldonat, de Jan- 
sénius, de Corneille de la Pierre, de Luc de Bruges, de 
Calmet, etc., nommons, pour le xix« siècle, Patrizi, In 
Marcum commentarium, Rome, 1862; Bisping, Erklâ- 
rung der Evangelien nach Marcus und Lucas, dans 
Exegetisches Handbuch, Munster, 1868, t. n; Schegg, 
Evangelium nach Markus, 2 în-8», Munich, 1870; 
Mac Evilly, Exposition of-the. Gospels of Matthew and 
Mark, Dublin, 1877; Fillion, Évangile selon S. Marc, 
Paris, 1883; Schanz, Commentar ûber dos Evangelium 
des heiligen .Maraw, Fribourg-en-Brisgau, 1881 ; Liagre, 
Comment, in libros historicos N. T., Tournai, 1889, 
t. ii, In S. Lucam; Knabenbauer, Comment, in Ev. 
*ec. Marcum, Paris, 1894 ; Tiefenthal, Dos heilige Evan- 
gelium nach [Markus, Munster, 1894; Pôlzl, Kurzge- 
fasster Kommentar zum Evangel. des hl. Markus, 
-Graz, 1893; Ceulemans, Comment, in Ev. sec. Marcum, 
Malines, 1899 ; V. Rose, Évangile selon S. Marc, Paris, 
■1904; Gutjahr, Die heiligen Evangelien nach Markus 
tind Lukas, Graz, 1904. 

2. Protestants. — 3. Elsner, Comment, crit. pkilol. 
în Evangelium Marci, 3 in-4», Leyde, 1773; B. de 



Willes, Spécimen hermeneuticum de iis qute ab uno 
Marco sunt narrata, Utrecht, 1811 ; Fritzsche, Evange- 
lium Marci, Leipzig, 1830; Volkmar, Die Evangelien 
oder Marcus und die Synopsis der canonischen und 
aussercanonischen Evangelien, Leipzig, 1870; H. Ewald, 
Die drei ersten Evangelien, Gœttingue, 1871, t. i; 
B. Weiss, Die Evangelien des Marcus und Lucas, 
Gœttingue, 1878, 1885, 1892, 1902; Keil, Commentar 
ûber die Evangelien des Marcus und Lucas, Leipzig, 
1879; Maclear, The Gospel according to St. Mark, Cam- 
bridge, 1877; Cook, St. Mark's Gospel, 1878; H. Holtz- 
mann, Die Synoptiker, 2 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 
1892; 3» édit., 1901; Lange, Das Evangelium nach 
Markus, 4« édit., Bielefeld, 1884; Nosgen, Evang. Matth., 
Mark, und Luk., 2" édit., Munich, 1896; Gould, A cri- 
tical and exeg. commentary on the Gospel according to 
St. Mark, Edimbourg, 1896 ; Hort, The Gospel according 
to St. Mark, Cambridge, 1902; Swete, The Gospel accor- 
ding to St. Mark, 2 e édit., Londres, 1902; J. Wellhausen, 
Das Evangelium Marci, Berlin, 1903. 

XII. Bibliographie. — 1. Ouvrages généraux d'in- 
troduction. — Outre les introductions qui sont placées 
en tête des commentaires, on peut consulter : Patrizi, 
De Evangeliis, 1. I, c, n, Fribourg-en-Brisgau, 1853, 
p. 33-62; Danko, Historia revelationis divinse N. T., 
Vienne, 1867, p. 274-233; H. de Valroger, Introduction 
historique et critique aux livres du N. T., Paris, 1861, 
t. H, p. 48-73; Aberle, Einleitung in das N. T., Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1877, p. 40-60; Fouard, Saint Pierre 
et les premières années du christianisme, Paris, 1886, 
p. 491-512; Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift 
A. und N. T., 2« édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, 
p. 402-413; Reuss, Die Geschichte der heiligen Schrift 
N. T., 6" édit., Brunswick, 1887,p. 183-187; R. Cornely, 
Introductio specialis in singulos N. T. libros, Paris, 
1886, p. 80-118; Trochon et Lesêtre, Introduction à 
l'étude de l'Écriture sainte, Paris, 1890, t. m, p. 75-96; 
Holtzmann, Einleitung in das N. T., 3 e édit., Fribourg- 
en-Brisgau, 1892, p. 382-385; Trenkle, Einleitung in 
das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 106-114; 
A. Schaefer, Einleitung in das N. T., Paderborn, 1898, 
p. 213-229; P. Batiffol, Six leçons sur les Évangiles, 
If édit., Paris, 1897, p. 55-61; Godet, Introduction au 
N.'T. { Paris et Neuchâtel, 1899, t. n, p. 325442; Zahn, 
Einleitung in das N. T., 2 e édit., Leipzig, 1900, t. n, 
p. 200-252 ; A. Jûlicher, Einleitung in das N. T., 3 S et 
4* édit, Tubingue et Leipzig, 1901, p. 249-259; J. Belser, 
Einleitung in das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1901, 
p. 55-103, 

2° Éludes spéciales. — Koppe, Marcus non epitoma- 
tor Matthœi, Gœttingue, 1782; Knobel, De Evangelii 
Marci origine, 1831; Wilke, Der Urevangelist, etc., 
Leipzig, 1838; Baur, Das Marcusevangelium nach 
seinem Ursprung und Charakter, Tubingue, 1851; 
Hilgenfeld, Das Marcusevangelium nach seiner Com- 
position, etc., Leipzig, 1850; Klostermann, Das Marcus- 
evangelium nach seinem Quellenwerthe, Gœttingue, 
1867 ; Hadorn, Die Entstehung des Marcusevangelium, 
1898; J. Weiss, Das atteste Evangelium, Gœttingue, 
1903; A. Hofimann, Das Marcusevangelium und seine 
Quellen. Ein Beitrag zur Lôsung der Urmarkfrage, 
Kcenigsberg, 1904. E. Màngenot. 

MARCELLINI Évangéliste, commentateur italien, né 
à San Marcello dans le diocèse de Pistoie, mort à l'Ara- 
celi à Rome, en 1593. Il devint frère mineur de la régu- 
lière observance de la province de Toscane, puis docteur 
en théologie de l'Université de Paris. Il se rendit célè- 
bre en Italie par ses prédications et plus encore par ses 
vertus, qui lui valurent l'amitié de saint 'Charles Borro- 
mée et de saint Félix- de Cantalice, en même temps que 
de hautes relations. Celles-ci lui ouvraient la voie des 
dignités ecclésiastiques ; il les repoussa toujours, et refusa 



745 



MARCELLINI — MARCHAND 



746 



même celles que son ordre lui offrait. Parmi ses nom- 
breux ouvrages, nous devons signaler ici : 1° Expositio 
m Libros Judicum, in-8°, Venise, 1589; 2° In Cantica, 
Florence, 1599; 3» In Ruth, Florence, 1586; 4» InDanie- 
lem, in-8», Venise 1588; 5° In Habacuc, Florence, 1584; 
6° In Jonam, Camerini, 1581 ; 7° Super cantica Zacha- 
riœ et B. M. V., Florence, 1599; 8» In Tobiam, Rome, 
1587. P. Apollinaire. 

MARCHALIANUS (CODEX). - 1° Histoire. - 
Ce célèbre codex a été écrit en Egypte, où il resta au 
moins jusqu'au IX e siècle, comme le montrent les cor- 
rections dues à des mains égyptiennes. Avant le XII" siècle 
il passa dans l'Italie méridionale et fut transporté de là, 
on ne sait par qui ni à quelle époque, à l'abbaye de 
Saint-Denis. Au xvi» siècle il devint la propriété de René 
Marchai dont il a gardé le nom. Le cardinal de la Roche- 
foucauld, qui le possédait vers 1636, l'offrit aux jésuites 
du collège de Clermont. En 1785, après la suppression 
de l'ordre des jésuites, le codex fut vendu à la Biblio- 
thèque vaticane pour une somme de 300 écus romains. 
Il y porte maintenant le numéro 2125 du fonds grec. 

2» Description, contenu. — Le Marchalianus renferme 
416 feuillets de parchemin assez mince, fripé par l'usage, 
arrangés en cahiers de cinq doubles feuillets, soit vingt 
pages. Le dernier cahier, chose rare, a même vingt- 
quatre pages. Les douze premiers feuillets, contenant 
des extraits des Pères, n'appartenaient pas an manuscrit 
primitif, bien qu'ils soient d'une écriture sensiblement 
contemporaine. Les pages, qui mesurent 295 millimètres 
de haut sur 180 de large, sont à une seule colonne de 
29 lignes. Les esprits et les accents ne semblent pas être de 
la première main. De grandes lettres en vedette indiquent 
le commencement des paragraphes. L'écriture est belle, 
mais présente quelques caractères singuliers. Le ç et le 
<\i sont énormes; le p a la boucle comprimée et la barre 
très allongée; les lettres e, 8, o, ç sont d'un ovale aplati; 
la barre transversale du 6 dépasse de beaucoup la péri- 
phérie du rond; le ô et Va méritent aussi attention. — 
Les leçons et les signes diacritiques qui couvrent main- 
tenant les marges ont été ajoutés après coup. Les signes 
employés sont l'astérisque et l'obèle (avec le métobèle 
correspondant). Les siglessonta'(Aquila), a' (Symmaque) 
6' (Théodotion), oî y' ou simplement y' (tous les trois), 
iravtsç ou x' (tous), enfin o! Xotxot (les autres). Il y a eu 
de nombreux correcteurs à diverses époques. — Le codex 
renferme les grands et les petits Prophètes selon l'ordre 
adopté par le Vaticanus : Osée, Amos, Michée, Joël, 
Abdias, Jonas, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, 
Zacharie, Malachie, Isaïe, Jérémie — avec Baruch, les 
Lamentations et PÉpitre — Ézéchiel, Daniel selon 
Théodotion, avec l'épisode de Suzanne et l'histoire de 
Bel. — Il est désigné en critique par la lettre M. 

3» Age, caractère, valeur critique. — Montfaucon, 
Palseographia grseca, Paris, 1708, p. 225, regardant las 
accents et les esprits comme de la première main, date 
le manuscrit du vm e siècle. Tischendorf, Monumenta 
sacra, t. iv, p. xx, ayant prouvé que les accents et les 
esprits ont été ajoutés après coup, se prononce pour le 
vil« ou le vi c siècle. Pitra, Analecta saera, t. m, p. 554, 
561, incline davantage pour la date la plus ancienne^ 
Enfin Ceriani, Commentatio critica, p. 36-41, opine sans 
hésiter en faveur du vi e siècle. Il prouve que les carac- 
tères paléographiques ne s'y opposent pas. Le codex étant 
d'origine égyptienne, il faut le comparer non pas avec les 
manuscrits européens ou asiatiques de la même époque, 
mais avec les papyrus ou les manuscrits coptes contem- 
porains. On se convaincra par cette comparaison que rien 
n'oblige à le faire descendre au-dessous du VI e siècle. 
— M» r Ceriani a comparé quelques passages choisis du 
codex, Is., ix, 1-10; xliv, 7-21; Jer., xxv, 11-13; xxxii, 
15-18, etc., avec les grands codex ( Vaticanus, Sinaiticus, 
.Alexandrinus'),la reccnsion de Lucien, le texte hexa- 



plaire, la version copte-memphitique, les citations de 
saint Cyrille d'Alexandrie. Commentatio, p. 48-106. 
Il conclut de cette comparaison, p. 106, que le Marcha- 
lianus contient une recension différente de celle des 
Hexaples et de celle de Lucien et représente, en somme, 
la recension d'Hésychius. — Le codex porte, avant Isaïe 
et avant Ézéchiel, deux notes très intéressantes publiées 
depuis longtemps par Cozza, Field et Pitra, et qu'on 
trouvera dans Swete, The Old Testament in Greek, t. ni, 
p. viii-ix. Ces notes sont empruntées à un codex pure- 
ment hexaplaire; elles ne conviennent pas au texte du 
Marchalianus où les variantes hexaplaires sont reléguées 
à la marge. Lés astérisques du codex, suivant Ceriani, 
au moins ceux qui viennent de la première main, ne 
répondent pas au système d'Origène, mais à celui d'Hésy- 
chius. — Cet ensemble de caractères suffit à faire com- 
prendre l'importance vraiment exceptionnelle du Mar- 
chalianus et justifie la. splendeur avec laquelle il a été 
édité. — La superbe photolypie publiée par les soins de 
Mo" 1 Cozza-Luzi, Prophetarum codex grœcus Vat. 2125, 
vetustate, varietate lectionum, notalionibus unicus 
leque et insignis phototypice editus, Rome, 1890, et 
l'Introduction composée avec tant de conscience et 
d'érudition par Ms r Ceriani, De codice Marchaliano 
Prophetarum Commentatio critica, Rome, 1890, rendent 
superflues toutes les études antérieures. F. Pbat. 

MARCHAND (hébreu : rokêl, et au féminin : 
rokélé} ; sehoràh, terme collectif pour désigner un en- 
semble de marchands; kena'ânî, « chananéen, » parce que 
les Chananéens et spécialement les Phéniciens faisaient 
beaucoup de commerce; Septante : s(i.7copoç, ^avavatos, 
eotvixo;, jtw).ûv; Vulgate : mercator, negotiator, vendi- 
tor, chananeus, vendens), celui qui fait profession 
d'acheter, de vendre ou d'échanger en vue d'un béné- 
fice. Voir t. il, fig. 512, col. 1555. Sur le trafic des anciens 
et sur la manière dont il s'opérait, voir Commerce, t. il, 
col. 878-890; Échange en nature, t. h, col. 1557; Mar- 
ché. — Dans les plus anciens temps, il n'est question 
que des marchands madianites qui achètent Joseph à 
ses frères. Gen., xxxvii, 28. Quand les Hébreux s'éta- 
blirent en Palestine, chaque famille continua longtemps 
à se suffire à elle-même. Sans qu'il y eût de marchands 
proprement dits, on se procurait les objets indispen- 
sable auprès des artisans qui les fabriquaient. La Loi 
prescrivait, en vue de ces échanges ou de ces achats, la 
justesse et la loyauté des poids et des mesures. Lev., xix, 
35, 36; Deut., xxv, 13-15, Les marchands phéniciens 
apparaissent les premiers en Palestine. Ce sont des 
colporteurs qui vendent et qui achètent. Dans le livre 
de Job, XL, 25, il est question de Chananéens pouvant 
acheter et revendre de gros animaux, et c'est encore à ■ 
un Chananéen que la femme forte des Proverbes, xxxi, 
24, vend les ceintures qu'elle a brodées et les étoffes 
qu'elle a tissées. Sous Salomon, le trafic se développant 
dans tout le royaume, le prince peut tirer beaucoup d'or 
de tous les marchands et négociants qui avaient des rela- 
tions commerciales avec les Hébreux. III Reg., x, 15; 
II Par., IX, 14. Lui-même avait des marchands qui fai- 
saient le commerce des chevaux avec l'Egypte. II Par., 
i, 16. Les colporteurs d'Arabie vendaient des aromates. 
Cant., m, 6. Les marchands de blé étaient parfois 
tentés d'accaparer le grain afin de le vendre plus cher 
à la faveur d'une rareté factice. Prov., xi, 26. Les pro- 
phètes, Isaïe, xxiii, 2, 8, et surtout Ézéchiel, xvn, 4, _ 
xxvn, 13-23; xxxvm, 13, parlent des marchands étran- 
gers, spécialement de ceux qui font grande fortune à Tyr 
et à Sidon. Baruch, ni, 23, mentionne les colporteurs 
arabes. En Palestine, le vendeur et l'acheteur seront en- 
veloppés dans la même catastrophe, quand s'exercera la 
justice divine. Is., xxiy, 2; Ezech., vu, 12, 13; Soph., i, 11. 
Zacharie, xiv, 21, dit que dans le Temple restauré, il n'y 
auraplusdechananéen,fena'âm,xavavaïo; ? mercator. Le 



747 



MARCHAND 



— MARCHÉ 



748 



chananéen peut désigner ici le profane, l'étranger, l'in- 
circoncis, et la pensée de Zacharie reviendrait à celle 
d'Ezéchiel, xliv, 9. Mais, comme dans les versets qui précè- 
dent, il est question des dons volontaires qui afflueront de 
toutes parts dans le Temple, il est probable que le nom 
de chananéen désigne le marchand, comme dans Osée, 
xn, 8. On n'aura pas besoin de recourir aux marchands 
pour se procurer les chaudières et les ustensiles néces- 
saires au culte. Après le retour de la captivité, les 
marchands de Jérusalem se chargent de la construction 
d'une partie des murs. II Esd., m, 30, 31. Plus tard, 
des marchands tyriens s'établissent dans la ville et 
y vendent du poisson et des denrées, même le jour du 
sabbat. Néhémiemet ordre à cet abus. II Esd., xm, 16- 
21. Le fils de Sirach remarque qu'au marchand il faut 
parler commerce, Eccli., xxxvn, 12, et il déplore la 
mauvaise foi avec laquelle on achète ou l'on vend. 
Ëccli., xlii, 5. Sous les Machabées, les marchands 
accourent en Palestine, dans le camp des Syriens, pour 
acheter les Juifs dont l'armée du roi de Syrie escomptait 
déjà la capture. I Mach., in, 41; Jonathas entoure la 
citadelle de Jérusalem, occupée par les Syriens, afin 
que ceux-ci ne puissent plus rien acheter ni vendre. 
I Mach., xn, 36; xm, 49. — Dans le Nouveau Testa- 
ment, il est question de marchands de perles, Matth., 
xm, 45, et de marchands d'huile. Matth., xxv, 9. Par 
deux fois, Notre-Seigneur chasse du Temple les mar- 
chands d'animaux destinés aux sacrifices, qui se sont 
établis jusqu'à l'intérieur de la première enceinte. Il 
les accuse de faire du Temple une caverne de voleurs, 
d'où il suit qu'au sacrilège ces marchands ajoutaient 
l'improbité. Joa., n, 14; Matth., xxi, 12; Marc, xi, 15; 
Luc, xix, 45. Saint Jean dit que la Bête empêchera 
l ceux qui ne portent pas son signe de vendre et d'ache- 
ter. Apoc, xiii, 16, 17. Il parle des marchands qui 
trafiquent avec la grande Babylone, Apoc, xvnr, 3-23, 
\dans des termes analogues à ceux qu'a employés Ezé- 
chiel, xxvii, 13-23, à propos des marchands de Tyr. 

H. Lesêtre. 

MARCHANDISES (hébreu : 'ma'ârâb, maqqâhfit; 
Septante : è[utop(a, o-i(j.|«xxov, « mélange d'objets, » upSai;, 
« vente; s Vulgate : niera, negotiatio, venalia), objets sur 
esquels s'exerce le commerce, soit pour l'échange en 
nature, soit pour la vente contre, de la monnaie. Voir 
Commerce, t. n, col. 879-889; Échange en nature, t. 
n, col. 1557; Foire, t. n, col. 2298; Marchand, Marché. 
— Voici l'énumération des principales choses mention- 
nées dans la Bible comme objets de commerce ou mar- 
chandises, les immeubles mis à part. Voir t. n, col. 879-887. 

1° Esclaves. — lo., m, 5-8; Am., i, 9; Ezech., xxvii, 
13, etc. Voir t. n, col. 1921-1926. 

2» Animaux. —Pour les sacrifices, Lev., v, 15; I Esd., 
vu, 17; Bar., i, 10; Joa., n, 14; Matth., xxi, 12; Marc, 
xi, 15, etc., ou pour les usages ordinaires de la vie, 
Exod., xxi, 35; Job, xl, 25 ; II Reg., xn, 3; III Reg., x, 
22; Is., lx, 7; Ezech., xxvii, 21 ; Luc, xiv, 19, etc., — 
chevaux, III Reg., x, 28-29; Ezech., xxvii, 14. Voir t. n, 
col. 677. 

3» Aliments. — Blé, Gen., xli, 57 ; xlii, 5; Ezech., xxvn, 
17, etc. ; — pain, Marc, vi, 37 ; Joa., vi, 5 ; — vin, Ezech., 
xxvii, 18; — huile, IV Reg., IV, 7 ; Ezech., xxvii, 17; 
Matth., xxv, 9, 10; — miei,Ezech., xxvn, 17 ; — vivres en 
général, Deut., vi, 28; xiv, 26; IV Reg., VI, 25; Matth., 
xtv, 15; Marc, VI, 36; Luc, IX, 13; Joa., iv, 8; xiu, 29. 

4" Étoffes. — Lin, Ezech., xxvn, 7 ; Marc, xv, 46; — 
byssus, Ezech., xxvn, 16; — laine, Ezech., xxvn, 18; - 
ceintures, Prov., xxxi, 24; — manteaux et broderies, 
Ezech., xxvn, 24; — couvertures, Ezech., xxvn, 20; — 
tapi*, Prov., vu, 16; Ezech., xxvn, 20; xxvin, 13; — 
pourpre, Ezech., xxvn, 16. 

5° Métaux. — Voir Argent,!. i, col. 945; Bronze, t. i, 
col. 1943; Cuivre, t. n, col. 1155; Fee, t. n, col. 2205; 
Or; Métaux. 



6° Matières précieuses. — Pierres, Ezech., xxvn, 16, 
22; Apoc, xvni, 12; — perles, Matth., xm, 46; — ivoire, 
Ezech., xxvn, 15; — ébène, Ezech., xxvn, 15. 

7» Parfums. — Gen., xxxvn, 25-28; Cant., m, 6; Ps. 
Lxxll (lxxi), 10; Is., xlui, 24; lx, 6 ; Ezech., xxvn, 17, 
19, 22; Matth., xxv, 9; Marc, xiv, 5; xvi, 1, etc. Voir 
Baume, t. i, col. 1517; Encens, t. n, col. 1770; Parfums. 

8° Objets ouvrés. — Armes, Luc, xxn, 36; — idoles, 
Bar., vi, 24; etc. Voir Meurles, et les différents mois 
cités dans l'énumération qui précède. 

H. Lesêtre. 

MARCHÉ (hébreu : 'izzabôn, ma'ârâb, markolêf; 
Septante . àyopâ, aû|iu.niTov; Vulgate : forum, nun- 
dinœ, mercatus), le lieu où l'on rassemble les marchan- 
dises pour en trafiquer par échange ou par ventes 
(fig. 215). — Chez les Égyptiens, les fêtes fréquentes qui 
se célébraient autour des différents temples étaient des 
occasions naturelles de foires ou de marchés périodi- 
ques, auxquels on se rendait en foule. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique, t. i, 
1895, col. 323-327. La figure 512 du t. n, col. 1557, re- 
présente quelques-unes des scènes de ces marchés. Voir 
fig. 216 une vue d'un bazar du Caire. Les Ismaélites qui 
achetèrent le jeune Joseph, se rendaient aux marchés 
d'Egypte pour y vendre des parfums, Gen., xxxvn, 25, 
et plus tard Joseph lui-même établit dans le pays, pour 
la vente du blé aux Égyptiens et aux étrangers, des mar- 
chés qui étaient de grands entrepôts. Gen., xli, 57. 
Pendant leur séjour dans la terre de Gessen, les Hé- 
breux eurent souvent l'occasion d'aller aux marchés du 
voisinage. Ceux-ci se tenaient naturellement sur les 
places des villes ou dans les terrains libres, qui entou- 
raient les temples ou les villages. — Après leur établis- 
sement en Palestine, les Israélites furent amenés par 
la force des choses à pratiquer ce qui se faisait ailleurs. 
Les trois grandes fêtes, particulièrement celle de la 
Pâque, les attiraient en foule à Jérusalem, d'où la né- 
cessité d'établir en ces occasions de nombreux marchés 
sur les places de la capitale et aux alentours. Cf. Munk, 
Palestine, 1881, p. 395. Les autres villes importantes 
avaient aussi les leurs, soit fixes, soit périodiques. A la 
suite d'une guerre, le roi de Syrie, Bénadad, dit au roi 
d'Israël, Achab : « Tu établiras pour toi des, rues à Da- 
mas, comme mon père en avait établi à Samarie. t> 
III Reg., xx, 34. Cette concession portait sur les cons- 
tructions qui bordaient certaines rues, et ces construc- 
tions n'étaient autres que des bazars destinés à la vente 
des produits étrangers. Il y avait donc des bazars sy- 
riens à Samarie et des bazars Israélites à Damas. Cer- 
taines rues et certaines places étaient affectées à des 
commerces particuliers. Telles furent, sans doute, la rue 
des boulangers, Jer., xxxvn, 21, et la porte des poissons, 
Soph., I, 10, à Jérusalem. Après la captivité, il y avait 
dans la capitale des marchés que des Israélites appro- 
visionnaient et d'autres qui étaient tenus par des Tyriens 
en résidence dans la ville. II Esd., xm, 15, 16, 20. 
Amos, vin, 4-6, fait la description des fraudes qui 
se pratiquaient sur les marchés de son temps, fin 
Psalmiste dit également, sans doute à propos des mar- 
chés de Jérusalem : « La fraude et la tromperie ne 
quittent pas ses places. » Ps. lv (liv), 12. Josèphe, 
Dell, jud., V, vin, 1, signale, à l'intérieur des murs du 
quartier neuf de Jérusalem, des marchés où se vendaient 
la laine, les ustensiles de métal et les habits. — Ézo- 
chiel, xxvn, 3-34, dans le tableau qu'il trace de l'im- 
mense trafic de Tyr, parle de ses marchés. C'est seule- 
ment dans ce chapitre que se lisent les trois mots 
hébreux auxquels on donne le sens de « marché » : 
markolêf, jf. 24, qui a indubitablement cette significa- 
tion, Hzzâbon,Ae 'dzab, « céder une chose, »et ma^ârdb, 
de 'ârab, « échanger. » Ce dernier mot, auquel Gese- 
nius, Thésaurus, p. 1064, attribue quelquefois le sens 
de « marché », signifie plutôt oc marchandise », 



' ' î '' | !l i ' 


f r '5 


,r i 


i ; f 


■'": k ; .X§[ 


w 


!i i i , 


i 


'in 


ffi 


' , ' 




,, 




BÉÉ 


■î! 






751 



MARCHÉ — MARCKIUS 



752 



Ezech., xx'ii, 9, 13, 11, 19, 25, 27, 33. Le mot 'izzdbên, 
Ezech., xxvn, 12, 14, 16, 19, 22, 27, 33, est traduit par 
aYopâ, « place publique » et « marché », et par <ji5(t[tix- 
tov, « assemblage, » dans les Septante, par nundinm, 
« marché, » forum, « place publique » et « marché », 
et mercatus, « marché, » dans la Vulgate. Ce sens est 
donc à conserver. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, 
Leipzig, 1899, p. 470, 509. — A Jérusalem, au temps de 




16. — Boutique de parfums et de lanternes, dans le bazar du Caire. 

D'après W. Lane, Manners 

and Customs of the modem Egyptians, 1836, t. a, p. il. 

Notre-Seigneur,les marchands qui vendaient les victimes 
et les changeurs s'étaient établis, avec la connivence des 
grands-prêtres, à l'intérieur même du parvis des gen- 
tils, faisant ainsi de la « maison de prière » un marché 
et une « caverne de voleurs ». Par deux fois, Notre- 
Seignour les en chassa. Joa., H, 14-16; Malth., xxi, 12, 
13. Voir Commerce, t. h, col. 887-889; Foire, t. n, 
col. 2298. Sur les mots àfopa, forum, employés dans le 
sens de « marché », Marc, vu, 4, voir Agora, t. i, 
col. 275; Forum, t. n, col. 2328. H. Lesètre. 

MARCHESCHVAN, huitième mois de l'année juive 
dans le calendrier emprunté par les Hébreux aux Baby- 
loniens pendant la captivité. 11 répond au mois phéni- 
cien de Bûl. Voir Bul, t. i, col. 1071. fTtfmD n'est que 

la transcription hébraïque du mot assyrien ara)}, Samnu, 
« mois huitième » par lequel les Assyriens eux-mêmes 
désignaient ce mois. 11 y avait une grande affinité de 
prononciation en assyrien et surtout en babylonien 



entre le J et le D qui permutaient souvent dans l'écri- 
ture. Voilà pourquoi le J de ira, racine de arhu, « mois, » 
a été rendu en hébreu par D, tandis que le o de jdtt, 
racine de samnu, « huitième, » a été rendu par f 
comme kislimu par kislev, etc. — Le nom de mar- 
cheschvan n'est pas employé dans la Bible; pour désigner 
ce mois elle se ser^ du nom de Bûl ou de l'expression 
hôdes haS&emînî qui signifie également « le mois hui- 
tième », III Reg.,vt, 38, mais qui n'a pas comme mar- 
cheschvan la valeur d'un nom propre. On trouve le mot 

marcheschvan en caractères hébraïques, fiimic (me- 

rahsevan), dans un document araméen de 66-70 de notre 
ère, Roll of Fasts, dans G. Dalman, A ram. Dialectpro- 
ben, 1896, n. 2 et p. 32; plus tard dans Josèphe, Ant. 
jud., I, m, 3, sous la forme Mapa-ouivvjç, et dans le Tal- 
mud, par exemple Rosch hasch. ll b . Cf. Muss-Arnolt, 
The names of the assyrbbabylonian Months, dans le 
Journal of biblical Literature, xi« année, p. 160-176; 
Levy, Neuhebraïsches und Chaldâisches Wôrterbuch 
ùber die Talmudim, Leipzig, 1876; Levy, Chaldâisches 
Wôrterbuch ùber die Targumim, Leipzig, 1867. 

F. Martin. 

MARCIANUS (CODEX). Ce manuscrit grec on- 
cial des quatre Évangiles, autrefois appelé Nanianus, 
du nom d'un précédent propriétaire, cf. Mingerelli, 
Grseci codices manuscripti apud Nanios asservati, 
Bologne, 1784, p. 1, appartient maintenant à la biblio- 
thèque Saint-Marc de Venise, où il est coté I, VIII. Le 
scribe, qui vivait au ix« ou au x e siècle, bien qu'il affecte 
une écriture plus archaïque et cherche à éviter le style 
penché de l'époque, se trahit par une imitation assez, 
maladroite et par certaines lettres comme A, K, qui ont 
tous les caractères de la décadence. Mûnter copia des. 
extraits de ce codex pour Birch, Scholz le parcourut, 
Tischendorf en 1843, et Tregelles en 1846 le collation- 
nèrent. Il est désigné en critique par la lettre U. Von 
Soden l'appelle e 90. D'après Gregory, Textkrilik, 1900, 
p. 76, le texte serait syrien. Scrivener, Introduction^ 
4« édit., 1894, en donne un fac-similé, planche ix, n» 22. 

F. Prat. 

MARCKIUS, DE MARK Jean, érudit calviniste, 
né à Sneck dans la Frise, le 10 janvier 1656, mort à 
Leyde, le 30 janvier 1731. Il étudia à l'université de 
Franèker, puis à celle de Leyde où il termina son cours- 
de théologie. En 1675, il devint ministre de Midlum, 
près de Harlingue. Le 28 juin de l'année suivante, il se 
faisait recevoir docteur en théologie à Franèker et y 
obtenait une chaire. Après avoir enseigné quelque temps* 
dans cette université, puis à GroniDgue, il alla à Leyde 
en 1689, où il professa la théologie et l'histoire ecclésias- 
tique. Parmi ses écrits, on remarque : Analysis exe- 
getica capitis lui Jesaise in qua complura vaticinia d(r 
Messia illustrantur : accedit mantissa observationum- 
textualium, in-12, Groningue, 1687; Commentarius 
in Apocalypsim S. Joannis, seu analysis exegetica, 
in -4», Amsterdam, 1689; Textuales exercitationes ad l, 
selecta loca Veteris et Novi Testamenti... Accedit Dis- 
sertatio de débita Sacrarum Scripturarum veneratione, 
in-4», Amsterdam, 1694; InHoseam commentarius, seu 
analysis exegetica qua hebreus textus cum versionibus- 
confertur, vocum et phrasiwn vis indigatur, rerum 
nexus monstratur et in sensum genuinum cum exa- 
mine variarum interpretationum inquiritur. Diatribe 
annexa est singularis de accipienda uxore et lïberis 
fornicationum, in-4», Amsterdam, 1696; Exercitationes: 
exegeticse ad L selecta loca Veteris et Novi Testamenti f 
in-4», Amsterdam, 1697, ouvrage différent de celui paru 
en 1694; Commentarius, seu analysis exegetica in pro~ 
phetas Joelem, Hamosium, Hobhadiam, et Jonam, in-4">, 
Amsterdam, 1698 ; Commentarius seu analysis exegetica 
in prophetas Micham, Nahumum, Habhakkukum, et 
Tsephaniam, in-4», Amsterdam, 1700; Commentarius 



753 



MARCKIUS — MARDOCHÉE 



754 



seu analyste exegetica in prophetas Haggxum, Zacha- 
riam et Malachiani, 2 in-4°, Amsterdam, 1700 ; Com- 
mentarius seu analyste exegetica in Canticum Shelo- 
monis;annexaestetiamanalysisexegeticaPsalmiXLV> 
in-4», Amsterdam, 1703; Htetoria Paradisi illustrata 
librte quatuor, quibus non tantutn loci istius plenior 
descriptio exhibetur, sed et hominte integritas, lapsus 
ac prima restitutio declarantur secundum Genesios 
capita H et m, in-4», Amsterdam, 1705; Exercitationes 
Biblicse ad l loca Veteris et Novi Testamenti, 2 in-4», 
Amsterdam, 1706-1707; Scripturarise exercitationes 
ad xxv selecta loca Veterte Testamenti, in-4", Amster- 
dam, 1709; Scripturarise exercitationes ad xxv selecta 
loca Novi Testamenti, in-4°, Amsterdam, 1710; In prse- 
cipuas quasdam partes Pentateuchi commentarius, 
in-4°, Leyde, 1713; Fasciculus dissertationum philo- 
logico-exegeticarum ad seleclos textus Veteris Testa- 
menti, 2 in-4», Leyde, 1725 et 1727. — Voir Wessel, 
Oratio funebris in obitum J. Marchii, in-4", Leyde, 
1731; Paquot, Mémoires pour servir à Vhist. littéraire 
des Pays-Bas, t. il, p. 339. B. Heurtebize. 

MARDOCHAI (hébreu : Mordekai; Septante : Map- 
6o-/«!o;), Israélite captif à Babylone qui revint en Pales- 
tine avec Zorobabel. I Esd., n, 2. Son nom est en hébreu 
le même que celui de Mardochée, l'oncle d'Esther. 

1. MARDOCHÉE (hébreu : Mordekai : Septante : 
MapSoxaïo; ; Vulgate : Mardocheeus), cousin (oncle, 
d'après la Vulgate) et tuteur d'Esther. Esth., il, 7. Son 
nom n'est pas hébreu. Comme le nom babylonien Mar- 
dukêa, il parait dérivé de Marduk, le dieu de Babylone. 
Voir Mérodach. Mardochée appartenait à la tribu de 
Benjamin. Esth., n, 5. Josèphe, Ant. jud., XI, vi, 2, 
dit qu'il était un des princes de la nation. Il avait fait 
partie de la même déportation que le roi Jéchonias, au 
temps de Nabuchodonosor, ce qui signifie que la pré- 
sence de sa famille en pays étranger remontait à cette 
époque; car Jéchonias avait été déporté en 596, et les 
événements auxquels fut mêlé Mardochée se passaient 
vers 478, par conséquent 120 ans après. Voir Assiiérus, 
t. i, col. 1143; Esther, t. n, col. 1973. Il habitait à 
Suse, capitale de l'empire des Perses. Il avait une 
cousine, nommée Edissa ou Esther. Celle-ci étant devenue 
orpheline, il s'en fit le tuteur. C'est donc sur son ordre 
ou au moins avec son consentement qu'Esther se pré- 
senta à l'eunuque Egée, chargé de recruter des jeunes 
filles pour le harem de Xerxés. C'est lui encore qui lui 
défendit de parler de sa nation et de sa patrie. Chaque 
jour, Mardochée se promenait devant la cour de la 
maison des femmes, pour veiller sur le sort d'Esther 
et savoir ce qui lui arriverait. Esth., ri, 5-11. 

Quand Esther eut été accueillie favorablement par 
Xerxés et élevée à la dignité de reine, Mardochée con- 
tinua à se tenir aussi près d'elle que possible, « à la 
porte du roi, » c'est-à-dire à la porte extérieure du 
palais, au pied du donjon (voir le plan du palais, t. h, 
fig. 607, col. 1974), et il trouvait le moyen de commu- 
niquer avec elle, par l'intermédiaire des eunuques ou 
des servantes. Pendant qu'il se tenait à cette porte, 
deux eunuques, Bagathan et Tharès, qui étaient pré- 
posés à sa garde et que le grec appelle àpxKrcaiiaToçiXçxèç, 
officiers gardes du corps, formèrent le complot de 
mettre le roi à mort. Mardochée surprit leur secret, ce 
qu'il put parfaitement faire sans l'intermédiaire de 
l'esclave Barnabaze, que Josèphe, Ant. jud., XI, vi, 4, 
introduit ici, on ignore d'après quelle donnée. Il le fit 
connaître à Esther, et celle-ci en informa le roi, de la 
part de Mardochée. Après enquête, les deux coupables 
furent pendus, et le fait consigné dans les annales 
royales. Esth., II, 20-23. 

Cependant Xerxés prit pour premier ministre Aman, 
originaire d'Agag, en Médie. Voir Ac AGITE, 1. 1, col. 260; 



Aman, t. i, col. 433. Sur l'ordre du roi, les serviteurs 
qui se tenaient à la porte du palais devaient fléchir 
le genou devant lui et l'adorer, c'est-à-dire porter 
le front jusqu'à terre. Voir Adoration; t. i, col. 234. 
Hérodote, vil, 136, raconte que les ambassadeurs lacé- 
démoniéns, venus à Suse, se refusèrent à rendre pareil 
honneur à Xerxés lui-même, en alléguant qu'ils 
n'adoraient pas un homme. Mardochée fit comme eux, 
et bien qu'il se tint habituellement à la porte du palais 
et qu'on le connût comme Juif, il persista à rester 
debout au passage d'Aman. Celui-ci finit par en être 
informé. Sa colère s'étendit à toute la race juive, à 
laquelle appartenait celui qu'il regardait comme son 
insulteur, et il obtint du roi un décret ordonnant qu'à 
un jour donné tous les Juifs de l'empire fussent exter- 
minés et leurs biens pillés. Esth., m, 1-15. 

A cette nouvelle, Mardochée prit des vêtements de 
deuil, fit éclater sa douleur sur la place de la ville et, 
en poussant des gémissements, vint jusqu'aux portes 
du palais, mais sans entrer dans la cour, ce qui ne lui 
était pas permis avec son costume de deuil. Les suivantes 
et les eunuques d'Esther, habitués à voir Mardochée, 
apprirent à la reine en quel état ils l'avaient aperçu. 
Celle-ci lui envoya aussitôt un vêtement, sans doute pour 
qu'il pût pénétrer dans la cour du palais et arriver plus 
près d'elle, personne du reste n'étant autorisé à entrer 
dans le harem. Mardochée ayant refusé le vêtement, 
Esther envoya près de lui son eunuque particulier, 
Athach, pour en savoir la cause. Mardochée révéla alors 
à celui-ci le projet d'Aman, lui remit pour la reine une 
copie du décret royal déjà affiché à Suse et lui dit de 
recommander à Esther d'intervenir auprès du roi en 
faveur de son peuple. Celle-ci fit répondre que, d'après 
la loi bien connue du pays, elle ne pouvait se présenter 
devant le roi sans être appelée, sous peine de mort 
immédiate. Mardochée lui renvoya dire que, sa vie étant 
en danger comme celle de ses concitoyens, elle devait 
profiter de sa dignité royale pour tenter d'assurer le 
salut commun. Esther consentit à se dévouer, mais 
elle voulut que tous les Juifs se préparassent avec elle 
à son audacieuse tentative par un jeûne de trois jours. 
Tout ce dialogue entre Mardochée et sa nièce eut lieu 
par intermédiaire, comme l'imposait la condition 
d'Esther. Hérodote, m, 68, 69, rapporte un dialogue, 
par intermédiaire d'eunuques, entre Otanès et sa fille 
Phédyme, épouse de Cambyses, pour arriver à la 
découverte du faux Smerdis. Des deux côtés, le procédé 
employé est tout à fait le même. Cf. M. Dieulafoy, 
L'Acropole de Suse, Paris, 1892, p. 369-370. 

Le troisième jour, Esther se présenta devant le roi, 
fut reçue favorablement, invita le roi à un festin avec 
Aman et lui fit agréer semblable invitation pour le 
lendemain. Cependant Aman, en sortant de chez la 
reine, aperçut assis à la porte du palais Mardochée, 
qui ne fit pas le moindre mouvement à son passage. 
Profondément irrité, Aman fit préparer une potence 
haute de cinquante coudées pour y pendre son ennemi. 
Le lendemain matin, il se rendit au palais pour obtenir 
du roi la condamnation désirée. Mais, pendant la nuit, 
Xerxés n'avait pu dormir. Il s'était fait lire les annales 
royales et, ayant appris que Mardochée n'avait reçu 
aucune récompense pour la dénonciation du complot 
de Bagathan et de Tharès, il consulta Aman sur les 
honneurs à rendre à quelqu'un que le roi voulait récom- 
penser. Aman s'imagina qu'il était question de lui. Il 
donna ses conseils en conséquence. Lui-même aussitôt 
fut chargé de rendre ces honneurs à Mardochée. On 
revêtit ce dernier d'un vêtement porté par le roi, on le 
fit monter sur un cheval monté par le roi, on lui mit 
sur la tête une couronne royale, et Aman dut le précé- 
der sur la grande place de la ville en criant : « Il mérite 
cet honneur, celui que le roi a voulu honorer. » Héro- 
dote, m, 84; vu, 116, mentionne les robes modiques 



755 



MARDOCHÉE — MARÉSA 



756 



que les rois de Perse donnaient à ceux qu'ils voulaient 
honorer. Actuellement encore, une pelisse de cachemire 
déjà portée par le chah est, en Perse, la suprême 
récompense accordée à ses serviteurs. Cf. Dieulafoy, 
L'Acropole de Stise, p. 384. Hérodote, m, 140-141, raconte 
aussi une anecdote qui rappelle d'assez près le cas de 
Mardochée. Un Grec de Samos, Syloson, avait jadis 
donné son manteau à Darius. Quand celui-ci fut devenu 
roi, Syloson vint à Suse, s'assit au vestibule du palais, 
et finit par dire aux gardes qu'il avait autrefois obligé 
Darius. Appelé par celui-ci, il lui demanda l'indépen- 
dance de Samos, sa patrie, et il l'obtint. Il dut être très 
humiliant pour Aman de promener en triomphe le 
Juif Mardochée, alors que le décret d'extermination des 
■Juifs était affiché depuis plusieurs jours dans la ville 
•et connu de tous. On s'est même demandé comment 
Xerxès, qui avait porté ce décret, put ensuite décerner 
tant d'honneurs à Mardochée. Rien n'est plus conforme 
au caractère du monarque que cette contradiction 
apparente. Un jour qu'il naviguait sur un vaisseau 
iphenicien pour passer de Grèce en Asie, une tempête 
s'éleva et le pilole déclara à Xerxès que le vaisseau allait 
sombrer, parce qu'il portait trop de passagers. Un bon 
nombre de Perses se dévouèrent alors et se jetèrent à 
la mer. Quand on eut atteint la côte d'Asie, le roi 
donna une couronne d'or au pilote pour l'avoir trans- 
porté sain et sauf, puis il lui fit couper la tête pour 
avoir causé la mort d'un grand nombre de Perses. Cf. 
Hérodote, vm, 118. Il se peut donc très bien qu'il ait 
procédé de même vis-à-vis de Mardochée; prévoyant 
qu'il allait périr bientôt en vertu du décret, il se hâta 
de le récompenser au préalable. « Hâte-toi, » avait-il 
dit à Aman. Esth., vi, 10. 

La femme du ministre et ses amis jugèrent de fort 
mauvais augure ce qui venait de lui arriver. En effet, 
dans le festin qui suivit, Esther fit sa dénonciation, qui 
bouleversa l'esprit de Xerxès. Ce dernier se retira dans 
Te parc, songeant peut-être à l'impossibilité de revenir 
sur un décret royal. Quand il revint dans la salle du 
festin, il aperçut Aman penché sur le lit de la reine pour 
implorer sa grâce. Il crut qu'il voulait faire violence à 
Esther et en manifesta son indignation. On couvrit 
aussitôt le visage d'Aman, comme celui d'un condamné, 
et un eunuque ayant parlé de la potence de cinquante 
coudées dressée pour Mardochée, le roi y fit aussitôt 
pendre son ministre. Esth., vu, 1-10. -Aman périt ainsi 
pour un crime de lèse-majesté qu'il n'avait pas commis, 
mais bien digne de mort pour le massacre qu'il prépa- 
rait. Cf. Dieulafoy, L'Acropole de Suse, p. 385-389. 

Le même jour, Mardochée fut admis à l'audience de 
Xerxès. Esther apprit au roi qu'il était son parent. 
Alors le roi remit à Mardochée l'anneau qu'il avait jadis 
confié à Aman, et à l'aide duquel ce dernier avait scellé 
le décret prescrivant l'extermination des Juifs. Esth., 
m, 10, 12. De son côté, Esther mit son parent à la tête 
de sa maison, c'est-à-dire de la maison d'Aman, que le 
roi venait de lui donner. Mais le plus important restait 
à faire. Il fallait conjurer l'effeî du décret précédem- 
ment porté contre les Juifs de l'empire. On sait que, 
chez les Perses, il était de règle absolue de ne jamais 
revenir sur un ordre royal. Cf. Dan., vi, 8, 9, 12, 15; 
Hérodote, ix, 108; Dieulafoy, dans la Revue des études 
juives, Paris, 1888, p. 269. Il fallait donc prendre un 
autre moyen pour préserver les Juifs. Aussi Esther 
affecte-t-elle d'attribuer à Aman les lettres qui ordonnent 
l'extermination. Esth., vm, 5. Le roi, se vantant alors 
d'avoir fait pendre Aman à cause de sa violence contre 
les Juifs, dit à Mardochée d'envoyer d'autres lettres 
scellées de son anneau. Le nouveau ministre se garda 
bien de contrevenir à la loi irrévocable du royaume. Il 
fit rédiger par les secrétaires royaux de nouvelles 
lettres, adressées aux cent vingt-sept satrapes de l'empire 
perse, libellées dans la langue propre à chaque province 



destinataire, et scellées avec l'anneau royal. Le treizième 
jour du mois d'adar avait été designé par Aman pour le 
massacre des Juifs. Esth., in, 13. Les satrapes reçurent 
l'ordre de faire rassembler les Juifs de chaque ville afin 
que tous ensemble pussent se défendre au jour marqué 
et, au besoin, exterminer leurs ennemis. Ainsi le pré- 
cédent décret restait en vigueur. Mais les Juifs, main- 
tenant couverts par la faveur royale, étaient en mesure 
de faire face à leurs persécuteurs. Mardochée sortit du 
palais avec la couronne d'or et les insignes de sa nou- 
velle dignité. On s'en réjouit à Suse et une ère de sécu- 
rité et de prospérité s'ouvrit pour les Juifs. Esth., vm, 
1-15. Le treizième jour d'adar arrivé, les Juifs, soutenus 
par les autorités locales, tinrent tête à leurs ennemis. 
A Suse, ils en tuèrent cinq cents, et le lendemain, à la 
demande d'Esther et sur l'autorisation du roi, trois 
cents autres. Les dix fils d'Aman furent pendus. Dans 
les provinces, il y eut 75 000 morts. Le texte sacré 
remarque par deux fois que les Juifs ne touchèrent pas 
aux richesses de leurs victimes, bien qu'Aman eût stipulé 
le pillage de leurs propres biens. Mardochée écrivit 
ensuite le récit de ce qui s'était passé; il l'envoya aux 
Juifs des provinces et régla que le quatorzième et le 
quinzième jour d'adar seraient désormais pour les Juifs 
des jours de réjouissance nationale, en souvenir du 
péril auquel ils avaient échappé. Esth., ix, 20-23. 

Mardochée resta premier ministre de Xerxès, Esth., 
x, 3, mais on ne sait pas combien de temps. Gilmore, 
The Fragments of the Persika of Ctesias, Londres, 
1888, p. 153, a conjecturé qu'il pourrait être identifié 
avec Matacas, que Xerxès chargea d'aller piller le 
temple de Delphes. Cf. Ctesias, Persica, 27. La conjec- 
ture est à rejeter, le pillage du temple de Delphes ayant 
eu lieu avant l'arrivée de Mardochée au pouvoir. Voir 
AssuÉRtis, t. i, col. 1143. Les événements racontés au 
livre d'Esther eurent lieu au plus tôt en 479, et Xerxès 
fut assassiné en 465. Étant donné le caractère fantasque 
du monarque, il est douteux qu'Esther soit restée en 
faveur auprès de lui jusqu'à la fin et que Mardochée ait 
conservé sa fonction pendant' sept ou huit ans. Sur le 
tombeau d'Esther et de Mardochée à Ecbatane, voir 
Ecbatane, t. n, col. 1532. — Cf. Oppert, Commentaire 
historique et philosophique du livre d'Esther d'après 
la lecture des inscriptions perses, dans les Annales de 
philosophie chrétienne, Paris, janvier 1864; Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, Paris, 6 e édit., 
t. iv, p. 621-670; Les Livres Saints et la critique ralio- 
nalis te, Paris, 5« édit., t. îv, p. 599-611. H. Lesêtre. 

2. MARDOCHÉE (JOUR DE), nom de la fête des 
Phurim dans II Mach., xv, 37. Voir Phurim. 

MARES (hébreu : Mérés; omis dans les Septante), 
un des sept conseillers d'Assuérus (Xerxès I er ), roi de 
Perse. Esth., i, 14. On a rapproché son nom du san- 
scrit méréS, « digne. » 

MARÉSA (hébreu : Marêéâh; Marê'sâh), nom d'un 
ou de deux Israélites et d'une ville de la tribu de Juda. 

1. MARÉSA (Septante : Mapiaà), fils aîné de Caleb 
(voir Caleb 2, t. h, col. 58), frère de Jéraméel, de la 
tribu de Juda, d'après les Septante. D'après l'hébreu et 
la Vulgate, le fils aîné de Caleb fut Mêsâ', Mésa, qui est 
donné comme le père de Ziph, tandis que pour lés tra- 
ducteurs grecs, qui ne nomment pas Mésa, c'est Marésa 
qui est le père de Ziph. Les trois textes portent ensuite : 
« Et les fils de Marésa, père d'Hébron; » et filii Maresa 
patris Hebron. La phrase est incomplète et il est malaisé 
de la comprendre et de rétablir la leçon primitive. Parmi 
les nombreuses hypothèses qu'on a imaginées pour 
résoudre la difficulté, aucune n'est pleinement satisfai- 
sante. 



757 



MARÉSA 



MARIAGE 



758 



2. MARÉSA (Septante : Maptsct), fils de Laada, de la 
tribu de Juda, descendant de Séla. I Par., iv, 21. Les 
uns voient en Marésa un nom d'homme, qui, d'après 
quelques commentateurs, ne serait pas différent de Ma- 
résa 1. D'autres pensent que les mots du texte : 
« Laada, père de Marésa, » signifient que Laada fonda 
ou restaura la ville de Marésa. 

3. MARÉSA (Septante : tantôt Mapttra, tantôt Mapinoâ et 
tantôt Mapitrrj), ville de la tribu de Juda, dans la plaine des 
Philistins ou Séphéla. 

1° Description. — Mentionnée avec Céila (Khirbet Qfyâ, 
t. h, col. 387) et Achzib (Aïn el-Kezbéh, t. i, col. 136), 
Marésa est la dernière nommée du troisième groupe de 
la plaine. Jos., xv, 44. Eusèbe et saint Jérôme la placent 
à deux milles d'Éleuthéropolis (Beit Djibrin), Onoma- 
slica sacra, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 276, 277. 
C'est le Khirbet Mer'asch actuel, au sud-sud-ouest de 
Beit Djibrin, au nord-est de Lachis. Voir la carte de 
Juda, t. m, col. 1756. Cf. Survey of Western Palestine, 
Memoirs, t. m, p. 262. « [II] s'étend sur une colline 
oblongue et peu élevée, aujourd'hui hérissée de brous- 
sailles et notamment de lentisques. La ville dont ce 
Khirbet présente les restes débordait, en dehors de 
cette colline, dans la plaine adjacente. Des amas confus 
de pierres, des silos, des cavernes et des excavations en 
forme d'entonnoirs renversés, voilà tout ce qui reste de 
l'antique Marésa. » V. Guérin, Judée, I. Il, p. 323. 

2° Histoire. — Marésa fut donnée par Josué à la tribu 
de Juda. Jos,, xv, 44. Elle fut rebâtie, d'après quelques- 
uns, par Laadah. I Par., iv, 21. Voir Marésa 2. Plus 
lard, elle fut fortifiée par Roboam, pour défendre son 
royaume contre l'invasion menaçante des Égyptiens. 
II Par., xi, 8. — Lorsque Zara, l'Éthiopien, marcha, sous 
le second successeur de Roboam, Asa, contre le royaume 
de Juda, il arriva jusqu'à Marésa avec sa nombreuse 
armée. Asa l'attaqua dans la vallée de Séphata, qui est 
voisine de cette ville, le battit et le poursuivit jusqu'à 
Gêrare. II Par., xiv, 9-15. — Depuis cette époque jus- 
qu'au temps des Machabées, Marésa n'est nommée dans 
l'Écriture que. deux fois; une première fois comme la 
patrie du prophète Éliézer, fils de Dodaû, qui annonça 
à Josaphat que Dieu avait brisé les navires qu'il avait 
préparés pour aller à Tharsis, à cause de son alliance 
avec Ochozias, roi d'Israël. II Par., xx, 37. — Marésa est 
nommée la seconde fois dans la prophétie de Michée. 
i, 15, parmi les villes de la plaine des Philistins qu'il 
menace de la colère de Dieu, si elles ne se convertissent 
pas. Faisant un jeu de mots sur son nom, comme sur 
celui des autres villes qu'il énumère, il dit : « Je t'amè- 
nerai un nouveau possesseur (yôrês), habitant de Marésa 
{rnaréSâh, possession). » — Sous les Machabées, Marésa 
était tombée au pouvoir des Iduméens. Josèphe, Ant. 
jud., XIII, ïx, 1. Judas Machabée la ravagea dans son 
expédition contre Azot. Josèphe, Ant. jud., XII, vin, 6; 
cf. I Mach., v, 65-68. Au f. 66, Josèphe et l'ancienne 
Italique lisent Marésa, au lieu de Samarie, et leur leçon 
paraît être la véritable. Voir Reland, Palxstina, 1714, 
p. 889. Mais ce ne fut qu'une razzia ; Marésa ne demeura 
pas au pouvoir des Juifs et Gorgias, battu par Judas, 
s'y réfugia peu de temps après. II Mach., zu, 35. Voir 
Gorgias, t. m, col. 277 (165 avant J.-C). Elle resta sous 
la domination syrienne jusqu'à Jean Hyrcan I er , qui s'en 
empara vers l'an 110 avant J.-C, et obligea les habitants 
à se soumettre à la circoncision. Josèphe, Ant. jud., 
Xlll,ix, 1; x, 2 (il appelle la ville Màpido-à). Voir Jean 4, 
t. m, col. 1155. Sous le règne d'Alexandre Jannée 
(106-79 avant J.-C), elle était toujours sous la domina- 
tion juive. Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 4. Pompée lui 
rendit son indépendance l'an 63 avant J.-C. Ant. jud., 
XIV, rv, 4; Bell, jud., I, vu, 7. Le proconsul Gabinius 
la fortifia. Ant. jud., XIV, v, 3; Bell, jud., VIII, iv; 
mais elle fut détruite par les Parthe3, alliés avec Anti- 



gone, quand ils envahirent la Palestine du temps d'Hérode, 
en l'an 40 avant J.-C; Ant. jud., XIV, xm, 9; Bell, jud., 
I, xiii, 9, et elle ne se releva plus de ses ruines. 

F. Vigouroux. 
MARETH (hébreu : Ua'àrath; Septante : Moq-apw6), 
ville de la tribu de Juda. Jos., xv, 59 (58). Elle fait par- 
tie du quatrième groupe des villes de la « montagne » 
et est nommé entre Gédor (voir Gédor4, t. m, col. 152) 
et Béthanoth (t. i, col. 1633). On a proposé d'identifier 
Mareth avec le Beit Vmmar actuel, petit village à un 
kilomètre et demi de Gédor (Khirbet Djedùr). Il est tra- 
versé par une route ancienne. Dans le voisinage est une 
source de bonne eau appelée 'AinKûfin. Cf. Survey of 
Western Palestine, Memoirs, t. m, p. 303. Beit Vmmar 
lai-même, situé sur une montagne, n'a ni puits ni ci- 
ternes. V. Guérin, Judée, t. m, p. 298, 379. On ne sait 
rien de l'histoire de Mareth. 

MARI (hébreu : 'îs, ba'al, gébér ; Septante : âv^p; 
Vulgate : maritus, vir), celui qui est uni à une femme 
par le mariage. Dans plusieurs passages, Gen., xvi, 2; 
xxx, 1, 9; xxxviii, 14; xxxix, 16; Jud., xh, 9, la Vulgate 
ajoute le mot maritus absent du texte hébreu. — 1° Les 
droits et les devoirs du mari concernent la famille qu'il 
a à gouverner, voir Famille, t. u, col. 2171-2173; la 
femme qu'il choisit ou que ses parents choisissent pour 
lui, voir Fiançailles, t. u, col. 2230-2231, qu'ensuite il 
épouse et doit traiter avec affection et égards, Esth,, i, 
17, 20; Tob., x, 13; I Cor., vu, 2-39 ; xi, 9-12; Eph., v, 
22-33; Col., m, 18, .19; I Pet., m, 1-7, voir Mariage, 
Noce ; qu'il pouvait être amené à soupçonner légitime- 
ment, Num., v, 12-31, voir Eau de jalousie, t. il, 
col.l522;avec laquelle il pouvait divorcer sous l'ancienne 
loi, Lev., xxi, 7 ; Deut. xxiv, 2, mais non sous la nouvelle, 
Marc, x, 2; Luc, xvi, 18; Rom., vu, 2, 3, voir Divorce, 
t. il, col. 1448-1453, et dont il autorisait les vœux, Nuin., 
xxx, 7-16, voir Vœu; les enfants, voir Éducation, t. u, 
col. 1595-1598; Enfant, t. n, col. 1788-1790; les biens 
de la famille, voir Dot, t. n, col. 1496-1497 ; Héritage, 
t. m, col. 610-611, etc. Au mari appartenait le droit de 
régler l'amende infligée à ceux qui avaient causé l'accou- 
chement prématuré de sa femme. Exod., xxi, 22. — En 
raison de son alliance avec la nation d'Israël, le Sei- 
gneur dit qu'après sa conversion elle ne l'appellera plus 
ba'âlî, « mon maître, » mais 'îsî, « mon mari. » Ose., il, 
9, 18 (Vulgate, 7, 16). — 2° C'est en lui donnant des 
enfants que la femme s'attachait le cœur de son mari. 
Gen., xxix, 34; xxx, 20. Mais quand la femme était sté- 
rile, le mari avait beau lui dire : « Ne vaux-je pas mieux 
pour toi que dix fils? » 1 Reg., i, 8, elle n'en était pas 
consolée. — Quand la reine Vasthi eut refusé de pa- 
raître au banquet où l'appelait Assuérus, les courtisans 
prétendirent que cet exemple serait fatal à la suprématie 
maritale. Ils déterminèrent aisément leur fantasque 
maître à publier un édit irrévocable pour répudier 
Vasthi, et ordonner que toutes les femmes rendissent 
honneur à leur mari, depuis le plus grand jusqu'au plus 
petit et que tout homme fût le maître dans sa maison. 
Esth., I, 17-20. Cette prescription, qui relève avant tout 
de la loi naturelle et divine, a été rappelée par les Apô- 
tres. I Cor., xi, 9; Eph., v, 22, 24 ; Col., m, 18; I Pet., 
m, 1. — Saint Joseph est formellement appelé le mari 
de la Très Sainte Vierge. Matth., i, 19. — Notre-Sei- 
gneur dit à la Samaritaine d'appeler son mari et ajoute 
qu'elle a eu cinq maris, et que l'homme avec qui elle 
vit maintenant n'est pas le sien. Joa., iv, 16-18. Elle 
avait été séparée successivement de ses cinq maris soit 
par la mort, soit par le divorce, et maintenant elle vivait 
irrégulièrement. H. Lesètre. 

MARIAGE, union légitime de l'homme et de la 
femme. — La Bible hébraïque ne renferme aucun mot 
pour désigner le mariage; on trouve seulement hâfun- 



759 



MARIAGE 



760 



nâh, vo[MppeiWç, despomalio, Canl., m, 11, qui se rap- 
porte à la célébration du mariage, aux noces. Le mariage 
est appelé, dans le grec du Nouveau Testament, y<i[io{, 
et dans la Vulgate : conjugium, connubium, matrimo- 
nium. Les expressions suivantes, se rapportant au ma- 
riage, se lisent dans la Bible : hâfan, ya[iëpeueîv, ImyaiL- 
6p£vi6tv, jungere connubium, sociare conjugium, « don- 
ner une fille à marier; » nâèâ' 'iSSâh, Yuvaïxa é-/eïv, 
uxorem ducere, habere in conjugio; lâqah 'iSsdh, 
XafiëavÊÏv -pvaîxa, accipere uxorem, ou simplement 
nâSâ', Xapiavsfv, ferre, I Esd., IX, 2, « prendre fem- 
me, ■) se marier; bd'al, uuvoi'xiïedôat, dormire cum, 
« se marier; » y<x[jisîv, ya\i.r\<jxi, nubere, « se marier; » 
ya^u, matrimonio jungere, « marier. » — On appelle 
le mari : hâfân, vvi[içioç, sponsus; ba'àl, n. le maître, » 
bvr$, maritus, et une fois, avec le pluriel de majesté, 
bo'âlayîk, « ton mari, » xûpeoç, dominabitur, Is., liv, 
5; 'is, « l'homme, » par opposition à l'épouse, àvirjp, vir; 
gébér, avec le même sens, âvifip, vir; — l'épouse : be'û- 
lâh, yuvïj, uxor, ou be'ûlaf ba'al, auv<i>xï|y. - Jîa àvSpi, ha- 
bensvxrum, l'épouse, celle qui est sous la puissance d'un 
mari; 'îssâh, « la femme, » par opposition au mari, 
ywr,, uxor ; hâbérét et lebâS, y\)vr\, uxor, Mal., il, 14, 
15; iidddh, « l'épouse, » Eccle., h, 8, d'après beaucoup 
de modernes; les versions anciennes ont traduit ce mot, 
qui ne se lit que dans ce passage, dans un tout autre 
sens : Septante : oivo^iov xal o'ivoyéaç, « échansons 
(hommes) et échansons (femmes) ; » Vulgate : scyphos 
et urceos in ministerio ad vina fundenda, « des coupes 
et des cruches pour servir à verser le vin; » fibbâ'êl, 
tii<rrjvf\ yuviî, in matrimonium assumpta, « la femme 
mariée; » Sêgdl, l'épouse royale, pa<T(Xt<T<ra, regina, uxor; 
— les conjoints, -fS-fajuixÔTe;, matrimonio juncti. Pour 
les autres relations de famille créées par le mariage, 
voir Parenté. 

I. Dans l'Ancien Testament. — /, au paradis ter- 
restre. — Dieu créa d'abord le premier homme, mais 
comme un être qui n'était pas appelé à vivre seul; car 
Dieu dit : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul, je lui 
ferai une aide semblable à lui. » Gen., h, 18. Cette aide 
ne se trouvait pas parmi les êtres déjà créés. Dieu la fit 
donc, en se servant d'une partie du corps d'Adam, pour 
bien marquer l'identité de nature et en même temps 
la dépendance de la femme vis-à-vis de l'homme, I Cor., 
Xi, 8, et il présenta Eve à celui qui allait devenir son 
époux. Adam reconnut en elle « l'os de ses os et la chair 
de sa chair », c'est-à-dire un être tout semblable à lui et 
tiré de lui par la puissance du Créateur. Puis, sous 
l'inspiration de Dieu, il formula en ces termes la loi 
du mariage : « L'homme quittera son père et sa mère et 
il s'attachera à sa femme, et à eux deux ils ne seront 
qu'une seule chair. » Gen., h, 24. Il importe peu, au 
point de vue de la question du mariage, que cette for- 
mule soit d'Adam lui-même ou de l'écrivain sacré; dans 
l'un et l'autre cas, elle représente la pensée de Dieu et 
constitue la toi du mariage. Ainsi, d'après l'institution 
divine, le lien qui attache l'homme à son épouse est plus 
étroit et plus impérieux que celui qui l'attache à ses pa- 
rents. L'homme doit quitter ces derniers pour s'attacher 
à sa femme. Cette attache est exprimée par le mot dâbaq, 
qui s'emploie pour marquer une union intime, de cœur 
et de volonté, à Dieu, Deut., x, 20, à des personnes très 
chères, Ruth, n, 8, 21, à la Loi, Ps. exix (cxvm), 31, 
etc. L'effet de cette attache intime est indiqué par les 
mots : « Eux deux ne seront qu'une seule chair, » non 
seulement par origine, puisque le corps de la femme a 
été tiré du corps de l'homme, mais encore par destination, 
de sorte qu'on ne puisse séparer l'homme de la femme 
sans une opération barbare, comme celle qui consiste à 
trancher la chair de quelqu'un. Cf. S. Jean Chrysostome, 
In Mat th., xix, t. lvhi, toi. 597. La traduction de la 
Vulgate : « Ils seront deux en une seule chair, » est 
moins expressive que le texte hébreu, mieux rendu par 



les Septante : « ils seront deux sic rapxa pu'av, » pour 
former « une seule chair ». Notre-Seigneur rend ainsi le 
texte : « Ils ne sont plus deux, mais une seule chair. » 
Matth., xix, 6; Marc, x, 8; cf. I Cor., vr, 16. Dans cette 
première page de son histoire, le mariage apparaît 
comme une institution réclamée par la nature même de 
l'homme, comme voulu et réglé par Dieu, et soumis à la 
double loi de la monogamie et de l'union intime, par- 
faite et indissoluble entre les époux. L'indissolubilité n'est 
pas formulée expressément, mais seulement par compa- 
raison avec le lien filial et par la force même des termes 
employés pour caractériser l'union conjugale. Notre- 
Seigneur dira plus tard à ceux qui rappelleront l'autori- 
sation du divorce accordée par Moïse : « Au commen- 
cement, il n'en fut pas ainsi. » Matth., xix, 8. 

n. A l'époque patriarcale. — Lamech est signalé 
comme ayant pris deux femmes. Gen., iv, 18. II n'est 
d'ailleurs ni loué ni blâmé pour ce fait; on ne peut 
même pas affirmer qu'il ait été le premier à pratiquer 
la polygamie, bien que Tertullien, De exhort. ad cast., 
5; De monogam., 4, t. n, col. 920, 934, l'en accuse. 
Voir Polygamie. Noé n'a qu'une femme avant le déluge. 
Gen., vu, 13; vin, 16. Mais il est probable que beaucoup 
de ses descendants en prirent plusieurs, selon la cou- 
tume en pleine vigueur à l'époque d'Abraham. Celui-ci 
avait épousé Sara ; sur la demande de cette dernière, il 
fit d'Agar, esclave de Sara, sa concubine, et il en eut 
Ismaël. Gen., xvi, 2, 15. Les fils que le mari avait d'une 
esclave de sa femme étaient regardés comme les fils de 
l'épouse elle-même. Gen., xxx, 4-13. Voir Concubine, 
t. il, col. 906. Le père demandait lui-même une épouse 
pour son fils, sans qu'il paraisse que celui-ci fût consulté. 
Ainsi procédèrent Abraham pour Isaac, Gen., xxiv, 3-7, 
51, 67, Juda pour son premier-né, Gen., xxxvm, 6, etc. 
Agar fit de même pour Ismaël. Gen., xxi, 21. Il est à 
remarquer qu'on demandait le consentement de la jeune 
fille choisie pour épouse. Gen., xxiv, 58. Isaac envoya 
Jacob en Chaldée pour y prendre lui-même une épouse 
parmi ses cousines, Gen., xxvm, 2, et celui-ci obtint 
successivement Lia et Rachel. Gen., xxrx, 23, 30. Bien, 
que Laban l'eût trompé, en lui donnant d'abord Lia au 
lieu de Rachel, Jacob ne regarda pas cette première 
union comme invalide. De son côté, Ésaù avait trois 
femmes, prises parmi les Chananéennes, Gen., xxxvi, 2, 
3; ce choix déplut toujours à Isaac et à Rébecca. Gen., 
xxvi, 35; xxvii, 46. Abraham, Isaac et Jacob prirent 
seuls des femmes dans leur pays d'origine ; comme Esaû, 
plusieurs fils de Jacob se marièrent à des étrangères. 
Gen., xxxvm, 2; xli, 45. L'un des fils de Juda, Onan, 
fut puni de mort parle Seigneur, comme ayant manqué à 
la fois à la loyauté prescrite dans le mariage pour que 
sa fin soit atteinte, et à la coutume du lévirat, qui avait 
déjà force de loi. Gen., xxxvm, 8-10. En Egypte, Joseph 
fut marié par le pharaon à Aseneth, fille d'un prêtre de 
On. Gen., xli, 45. II n'eut d'ailleurs ni à la choisir, ni 
à la refuser. Voir Aseneth, t. i, col. 1082. 

m. dans la léoislaiion mosaïque. — Moïse dut ré- 
glementer la question du mariage, si importante pour 
la constitution de la famille. Les prescriptions législa- 
tives sur le mariage ont un triple but : rappeler aux 
Hébreux la pureté morale qui doit présider à tous les 
actes de la vie, maintenir la vigueur et la fécondité de 
la race, et enfin détourner le peuple de Dieu des licences 
et des abus que se permettaient les autres peuples dans 
la pratique du mariage. Lev., xvm, 3. 

1° Empêchements de parenté. — En règle générale, 
il est défendu de se marier avec quelqu'un du même 
sang, Se'êr beiârû, « chair de sa chair, » expression qui 
embrasse à la fois les consanguins et les alliés les plus 
proches. Lev., xviu, 6. Le législateur entre ensuite dans 
le détail, en visant ordinairement l'union avec les pa- 
rentes, parce que c'étaient les hommes qui prenaient les 
femmes en mariage et non les lernmes qui prenaient 



761 



MARIAGE 



762 



les hommes. La prohibition était néanmoins valable 
dans l'un et l'autre cas, et elle portait à la lois sur 
l'union matrimoniale et sur l'union en dehors du ma- 
riage. Sont interdits les mariages entre parents et en- 
fants en ligne directe, Lev., xvm, 7; les mariages d'un 
homme avec la femme de son père, c'est-à-dire avec sa 
belle-mère, même après la mort du père, bien entendu, 
autrement il y aurait adultère, Lev., xvm, 8; Deut., 
xxii, 30; xxvii, 20; avec sa sœur, soit celle qui a le 
même père et la même mère, soit celle qui a seulement 
le même père et est née à la maison, soit celle qui a 
seulement la même mère et est née par conséquent 
<lans une autre maison, Lev., xvm, 9; Deut., xxvii, 23; 
avec sa petite-fille, Lev., xvm, 10; avec une sœur née 
du même père, mais d'une autre mère, défense qui 
précise celle du f. 9, et ordonne de traiter comme sœur 
véritable celle qui n'est pas née de la même mère que 
le fils, Lev., xvm, 11; avec sa tante paternelle, Lev., 
xvm, 12; avec sa tante maternelle, Lev., xvm, 13; avec 
son oncle ou avec la femme de son oncle, Lev., xvm, 
14; avec sa belle-fille, Lev., xvm, 15; avec la femme de 
son frère, Lev., xvm, 16, sauf le cas du lévirat, Deut., 
xxv, 5-10; voir Lévirat, col. 213; avec la fiile de sa 
femme, unie à un premier mari, ou avec sa petite-fille, 
ces enfants appartenant légalement au second mari, 
par suite de la mort du premier. Lev., xvm, 15. Dans 
cette dernière défense est comprise l'union avec la belle- 
mère, formellement indiquée ailleurs. Deut., xxvii, 23. 
Ces sortes d'unions étaient incestueuses et frappées de 
mort ou d'autres peines graves par la Loi. Voir Incestf, 
t. m, col. 864-867. Sur tes conséquences funestes des 
unions consanguines, voir Surbled, La morale dans 
ses rapports avec la médecine et l'hygiène, Paris, 1892, 
t. i, p. 245-257. 

2° Empêchements temporaires. — Le mariage était 
encore prohibé avec la sœur de sa femme, du vivant 
de cette dernière; en d'autres termes, malgré la tolé- 
rance de la polygamie, on ne pouvait épouser en même 
temps les deux sœurs, afin d'éviter les rivalités comme 
celles qui s'étaient produites dans la famille de Jacob. 
Gen., xxix, 30-31; xxx, 1, 2, 9; Lev., xvm, 18. L'usage 
■du mariage était défendu pendant tout le temps que la 
femme avait ses règles. Lev., xvm, 19. L'union avec une 
femme mariée, tant que vivait son mari, ou bien tant qu'il 
ne l'avait pas répudiée légalement, constituait le crime 
■de l'adultère. Lev., xvm, 20. Voir Adultère, t. i, col. 
242-245; Divorce, t. n, col. 1448-1453. Entre cet article 
■de la Loi et un autre qui défend des actes criminels 
opposés à la fin du mariage. Lev., xvm, 22-23,. se lit 
celui-ci : « Tu ne donneras pas de ta race pour qu'elle 
■soit consacrée à l'idole Moloch. » Lev., xvm, 21. Cf. Lev., 
xx, 2. Cette prohibition ne parait pas ici à sa place, 
■entre deux autres de nature différente. Au lieu de leha- 
'âbîr lam-Molék, « pour consacrer à Moloch, » les Sep- 
tante ont lu : lehé"ébid lemélék, Xa-rpeûeiv ôépxovtt, « pour 
servir au roi. » Au lieu de lam-Molék, « a Moloch, » la 
version syriaque a lu lehêlék, par simple substitution 
d'un n à un b. Le hêlék est l'étranger qui passe, II Reg., 
Xli, 4, qui va et vient, d'où un sens qui parait beaucoup 
plus naturel pour ce verset, le verbe âbar ayant aussi 
la signification de « laisser aller » : « Ne donne pas de 
toi-même en t'abandonnant à tout venant, » c'est-à-dire/ 
ne t'unis pas à la première venue. Cf. de Hummelauerj 
In Exod. et Levit-, Paris, VÊfr; p. 484. Il serait donc 
ici question de la fornicatftmyu'ont la mention vient 
parfaitement à sa placé dansPlet contexte. Cette explica- 
tion est ■ néanmoins fort tfbdtéuse. Voie Fornication, 
t.ii. col. 2314-2317. 

3° Mariages avec les étrangers. — Il était défendu 
de contracter mariage entre Isràéliter et Chananéens. 
Exod., xxxiv, 15, 16; Deut., vu, 3, 4. Les unions entre 
Israélites et Ammonites ou Moabites entraînaient l'ex- 
clusion de la société israélite pour les délinquants et 



toute leur postérité. Deut., xxm, 3. Les mariages avec 
les Édomites et les Égyptiens étaient tolérés, mais l'ad- 
mission de la descendance dans la société israélite ne 
pouvait avoir lieu qu'à la troisième génération. Deut., 
xxm, 7, 8. 

4° Mariages avec des esclaves. — Quand un Hébreu, 
acheté comme esclave, avait reçu une épouse de la 
main de son maître, il recouvrait sa liberté à la sep- 
tième année et pouvait se retirer; mais la femme et 
les enfants restaient la propriété du maître, à moins 
que le libéré consentit à demeurer en qualité d'esclave 
volontaire. Cet article suppose que la femme était 
étrangère, autrement elle aurait recouvré sa liberté dans 
les mêmes conditions que son mari; il suppose éga- 
lement que le mariage était rompu par le fait même, 
et l'on conçoit que si le mari préférait sa liberté à son 
épouse, c'est qu'il n'avait pas grande affection pour 
cette dernière, peut-être imposée plus ou moins par le 
maître. Exod., xxi, 4-5. L'Hébreu qui achetait une 
jeune fille israélite pour en faire son esclave, avait la 
faculté soit de l'épouser lui-même, soit de la fiancer à 
son fils. Si, après les fiançailles, la jeune esclave n'était 
gardée ni par l'un ni par l'autre comme épouse, il 
fallait lui rendre la liberté et la renvoyer honorable- 
ment. Exod., xxi, 7-9. Celui qui avait saisi à la guerre 
une captive, pouvait en faire ensuite son épouse, pourvu 
qu'elle ne fût pas Chananéenne. Il devait lui laisser 
d'abord tout un mois pour pleurer ses parents, et si, 
après qu'il l'avait épousée, elle lui déplaisait, il devait 
la renvoyer libre. Deut., xxi, 10-14. 

5" Mariages avec une jeune fille séduite. — Celufqui 
persuadait à une jeune fille, encore libre, de s'unir à lui, 
était ensuite obligé de payer sa dot au père et de l'épou- 
ser; si le père refusait, le séducteur avait à lui payer 
l'équivalent de la dot. Exod., xxii, 16, 17. D'après une 
rédaction postérieure de la même loi, si le séducteur et 
la jeune fille étaient pris, le premier payait au père 
cinquante sicles d'argent et épousait la jeune fille, sans 
avoir jamais le droit de la répudier. Deut., xxii, 28, 29. 
La séduction d'une jeune fille déjà fiancée était traitée 
comme un adultère, à cause de la valeur attribuée 
aux fiançailles chez les Hébreux. Deut., xxii, 23-27. 

6» Mariages des prêtres. — Un prêtre ne pouvait 
épouser, à raison de la sainteté de son caractère, ni 
une courtisane ni une répudiée. Lev., xxi, 7. Le grand- 
prêtre ne devait prendre pour épouse qu'une vierge 
israélite, à l'exclusion de toute femme veuve, répudiée, 
deshonorée ou simplement étrangère. Lev., xxi, 13-14. 

7« Mariages des héritières. — Toute jeune fille qui 
possédait un héritage devait se marier avec quelqu'un 
de la tribu de son père, afin de ne pas troubler les par- 
tages faits entre les tribus. Num., xxxvi, 8. 

8° Règles protectrices du mariage. — Le mariage 
était naturellement interdit à celui qu'une mutilation 
empêchait d'en remplir les obligations. Deut., xxm, 1. 
La Loi ordonnait de lapider la jeune fille qui n'était 
pas trouvée vierge par son mari. Deut., xxii, 20-21. 
Quand le mari avait des soupçons sur la fidélité de sa 
femme, il la soumettait à une épreuve légale qui per- 
mettait soit de la punir, soit de reconnaître son inno- 
cence et ainsi de rendre la tranquillité au mari. 
Num., v, 11-31. Voir Eau de jalousie, t. n, col. 1522. 
Quand le mari avait de justes raisons pour se séparer 
de sa femme, il pouvait la répudier légalement; mais, 
pour que le caprice n'eût aucune part dans celte sépa- 
ration, il n'était pas permis au premier mari de 
reprendre la femme répudiée, après qu'elle avait eu un 
autre mari. Deut., xxiv, 1-4; Jer., m, 1. La peine de 
mort encourue par l'adultère, Deut., xxii, 22, devait 
contribuer à maintenir la fidélité entre les époux. Enfin, 
le nouveau marié était exempt du service militaire et 
de toute charge durant la première année de son union,, 
afin d'être tout entier à son épouse. Deut., xxiv, 5. 



763 



MARIAGE 



7G4 



9» Caractère de cette législation. — La loi mosaïque 
s'accommodait aux mœurs du temps en autorisant le 
divorce et en laissant en vigueur l'usage de la polyga- 
mie, qui pratiquement n'était le plus souvent pour les 
Israélites que de la bigamie. Le plus grand malheur 
consistant pour eux à n'avoir pas d'enfants, il fallait 
bien leur permettre de prendre une seconde femme 
quand la première ne leur en donnait pas. Moïse ne 
pouvait « changer brusquement ces coutumes pour 
rétablir les institutions primitives de l'humanité, la mo- 
nogamie et l'indissolubilité absolue du lien conjugal... 
Il fallait, pour établir cette loi dans sa pureté et sa 
rigueur, la grâce puissante attachée à la loi évangé- 
lique », et encore, on sait le grand étonnement des 
Apôtres quand Notre-Seigneur formula les conditions 
du mariage chrétien. Matth., xix, 10. « Moïse devait se 
tenir dans une région moins élevée et se borner à faire 
respecter le lien conjugal, par la répression de l'adul- 
tère et la prohibition de la prostitution. Il est yrai que 
l'on trouve à une époque très ancienne le principe de 
la monogamie en vigueur chez certains peuples, chez 
les Hellènes et les Latins. Mais cela ne rendait pas 
l'établissement de ce principe plus facile, chez les 
Hébreux, dont les mœurs étaient toutes différentes. Sous 
bien des rapports, le peuple choisi de Jéhovah était, 
quant à ses coutumes et ses instincts, inférieur à 
d'autres peuples. Sa mission venait du libre choix du 
Créateur et non de ses mérites. » De Broglie, Conf. sur 
l'idée de Dieu dans VA. T., Paris, 1890, p. 240, 241. 
Ces concessions avaient pour contrepoids les empêche- 
ments de parenté et les règles sévères de pureté légale, 
qui maintenaient l'idée et la pratique du mariage à un 
certain niveau moral et contrastaient heureusement 
avec la licence tolérée chez d'autres peuples sous ce 
rapport particulier. 

IV. DANS L'ANCIENNE LÉGISLATION BABYLONIENNE. — 

La législation du Pentateuque sur le mariage et sur la 
constitution de la famille devrait être, à en croire bon 
nombre d'auteurs, rapportée à une époque très posté- 
rieure à Moïse. La découverte du code des lois de 
Hammourabi, qui régnait à Babylone à une date qu'on 
fixe entre le xxm e et le xx e siècle avant J.-C, suivant le? 
assyriologues, cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, Paris, t. il, 1897, p. 27, oblige au 
contraire à penser que Moïse n'a souvent fait que 
codifier des usages que les ancêtres de son peuple 
avaient rapportés de la Chaldée et auxquels les Hébreux 
avaient dû rester à peu près fidèles durant la période de 
leur développement en Egypte. Voici les articles du 
code babylonien sur le mariage qui se retrouvent dans 
la législation mosaïque ou dans les coutumes israélites : 

1» Fiançailles, — La femme peut être unie à un homme, 
tout en étant encore vierge et en demeurant chez son 
père. L'union est pourtant déjà parfaitement légale et 
réelle, si bien que celui qui violente cette femme est 
puni de mort. Art. 130. C'est absolument la situation de 
la fiancée hébraïque. Voir Fiançailles, t. n, col. 2231. 

2° Dot. — La fiancée recevait de son père un trous- 
seau et parfois d'autres biens; mais le fiancé fournissait 
une dot au père de la jeune fille. De là, différentes 
éventualités possibles. Si le jeune homme, après avoir 
versé la dot, ne veut plus épouser la jeune fille, la dot 
reste au père de cette dernière. Art. 159. Si c'est le père 
qui ne veut plus donner sa fille après avoir reçu la dot, 
il doit rendre ce qu'il a reçu. Art. 160. Ce qu'une 
femme a apporté en se mariant appartient à ses enfants 
après sa mort. Art. 162. Si elle meurt sans enfants, 
ce qu'elle a apporté retourne à son père, restitution 
ou défalcation faite de la dot reçue par ce dernier. 
Art. 163, 164. Chez les Hébreux se retrouve l'usage 
invariable du mohar ou dot payée par le fiancé ou ses 
parents au père de la jeune fille. Voir Dot, t. n, 
col. 1495. L'apport de la femme n'est constaté qu'une 



fois, .Tud., xv, 18, mais il est certain que la fiancée 
pouvait être héritière, par conséquent posséder des 
biens personnels, auquel cas il était pourvu à ce que 
ces biens ne sortissent pas, sinon do la famille pater- 
nelle, du moins de la tribu. Num., xxxvi, 8. 

3» Épouse et concubine. — Le mari dont la femme 
n'a pas d'enfants peut prendre une seconde femme, à 
condition toutefois de. garder dans sa maison et de sus- 
tenter la première, si celle-ci ne préfère retourner dans la 
maison de son père avec ses biens personnels. Art. 148, 
149. Celui qui a eu des enfants de l'esclave que lui a 
donnée sa femme ne peut épouser une autre concubine. 
Art. 144. Si sa femme n'a pas d'enfants, il peut épouser 
une concubine, mais sans lui donner le rang d'épouse. 
Art. 145. Si l'esclave qui a eu des enfants du mari 
cherche querelle à sa maîtresse à propos de ses enfants, 
la maîtresse ne peut la vendre, mais elle la marque et 
la garde comme esclave. Art. 146. Elle ne pourrait vendre 
une pareille esclave que si elle n'avait pas d'enfants. 
Art. 147. Chez les Hébreux, on constate la même dis- 
tinction entre épouses et concubines. Voir Concubine, 
t. il, col. 906. On voit Sara, Gen., xvi, 3, Rachel, 
Gen., xxx, 4, Lia, Gen., xxx, 9, et d'autres donner leur 
esclave à leur mari pour qu'il en ait des enfants. Quand 
Agar eut un enfant d'Abraham, elle méprisa Sara, qui 
la maltraita et l'amena à s'enfuir. Gen., xvi, 6. Plus 
tard, Sara demanda impérieusement qu'Agar fût chassée. 
Cette demande déplut fort à Abraham, qui voulait sans 
doute s'en tenir à la règle de ses ancêtres, et il ne fallut 
rien moins que l'intervention de Dieu pour le décider. 
Gen., xxi, 10-12. La loi babylonienne limite, au moins 
en certains cas, le nombre des épouses et des concu- 
bines. Elle permet une seconde épouse, mais seulement 
quand la première est stérile, et elle interdit une seconde 
concubine à celui qui en a déjà reçu une de sa femme 
et en a obtenu des enfants. Voir la traduction des textes 
du code d'Hammourabi, col. 336. D'assez nombreux 
exemples montrent que, chez les anciens Hébreux, la 
polygamie s'est étendue bien au delà de ces limites. 

4° Dignité du mariage. — Plusieurs lois consacrent 
la dignité du mariage et lui assurent une haute impor- 
tance dans la constitution de la société babylonienne. 
Celui qui a calomnié une fiancée et ainsi a empêché 
son mariage ne peut ensuite prétendre à l'épouser. 
Art. 161. Si un homme a des enfants à la fois de sa 
femme et de sa concubine, ces enfants partagent ses 
biens à parts égales après sa mort, en laissant toute- 
fois ceux de l'épouse choisir les premiers. Art. 170. La 
paternité met donc tous les enfants légitimes à peu près 
sur le même rang, avec une préférence cependant pour 
ceux qui sont nés de l'épouse. Si une jeune fille libre 
se marie avec un esclave, les enfants qui naissent du 
mariage sont libres. Art. 175. Du reste, l'épouse est 
considérée dans le mariage surtout par rapport aux en- 
fants. Ainsi, la femme qui n'a pas d'enfants peut, en 
certains cas, se retirer chez son père. Art. 149. A dé- 
faut d'enfants, ses biens retournent à la famille pater- 
nelle. Art. 163, 164. Si elle devient veuve après avoir 
eu des enfants, elle se doit à ces derniers, ne peut se 
remarier qu'avec autorisation du juge et après inven- 
taire des biens qui doivent revenir aux enfants du pre- 
mier mariage et demeurent inaliénables. Art. 177. Elle 
peut disposer des biens que son mari lui a laissés, en 
faveur du fils qu'elle préfère, mais non en faveur d'un 
frère à elle. Art. 150. Les époux sont responsables 
solidairement des dettes contractées dans le mariage, 
mais nul n'est responsable de celles que son conjoint 
a contractées avant le mariage. Art. 151, 152. Ainsi, dans 
le mariage babylonien, tout vise à la procréation des 
enfants et à la prospérité de la descendance. Les mêmes 
idées ont régné chez les Hébreux ; chez eux, l'épouse 
compte surtout comme mère, et l'héritage passe aux 
enfants suivant des règles assez larges qui ne diffèrent 



765 



MARIAGE 



7GS 



pas sensiblement des lois d'Hammourabi. Voir Héritage, 
t. m, col. 610. 

5° Répudiation. — La femme maudite par son mari 
jure par le nom de Dieu qu'elle n'est pas coupable d'adul- 
tère et peut retourner chez son père. Art. 131. La femme 
maudite est ici la femme qui déplaît sans qu'il y ait eu 
faute de sa part. La femme, épouse ou concubine, qui 
est répudiée après avoir eu des enfants, doit recevoir ce 
qu'elle a apporté et, de plus, de quoi élever ses enfants ; 
ceux-ci élevés, elle est libre. Art. 137. Si elle n'a pas d'en- 
fants, elle n'emporte avec elle que ce qu'elle a apporté. 
Art, 138. Si elle n'avait pas eu de dot, elle a droit à une 
mine ou à une demi-mine d'argent. Art. 139, 140. L'épouse 
qui s'est mal conduite dans la tenue de sa maison peut être 
répudiée sans rien recevoir ou être gardée comme esclave, 
quand le mari épouse une autre femme. Art. 141. L'épouse 
à son tour peut se plaindre du mari ; si elle le fait à bon 
droit, elle prend tout ce qui lui appartient et retourne 
chez son père. Art. 142. Si sa plainte n'est pas fondée et 
qu'elle-même soit la coupable, on la jette à l'eau. Art. 143. 
La loi babylonienne n'exige donc aucune raison sé- 
rieuse de la part du mari pour lui permettre le divorce ; 
elle stipule seulement quelques garanties en faveur de 
la femme répudiée ; en revanche, celle-ci s'expose à une 
terrible pénalité si elle se permet de se plaindre de son 
mari quand elle-même a des torts sérieux à se repro- 
cher. La tradition du divorce s'est conservée chez les 
Hébreux à peu près dans les mêmes conditions. Voir 
Divorce, t. n, col. 1449. Moïse n'a fait que consacrer la 
coutume ancienne; il restreint toutefois au mari le droit 
de divorcer. Cette restriction ne pouvait que rendre les 
divorces beaucoup moins nombreux. Mais on comprend 
que Moïse, se trouvant en face d'une coutume qui re- 
montait si loin, n'ait pas tenté de la supprimer. 

6° Crimes contre le mariage. — La femme qui fait 
tuer son mari, en vue d'en prendre un autre, est pen- 
due. Art. 153. Cette loi se retrouve équivalemment, mais 
sous une forme plus générale, dans l'Exode, xxi, 14 : qui- 
conque emploie la ruse pour faire périr son prochain 
est condamné à mourir. L'adultère est puni de mort; 
on jette à l'eau les deux coupables, si le mari ne fait 
grâce à sa femme, et le roi au délinquant. Art. 129. La 
peine est sans condition dans la loi mosaïque. Lev., xx, 
10; Deut., xxii, 22. Quand une femme est soupçonnée 
d'adultère par son mari, on lui fait subir l'épreuve de 
l'eau en la jetant dans le fleuve. Art. 132. Si elle échappe, 
elle est censée innocente. Les Hébreux n'avaient pas de 
fleuves à leur disposition, comme les Babyloniens. La 
loi mosaïque a substitué à l'ordalie par l'eau du fleuve 
le rite de l'eau de jalousie pour le cas où une femme 
est soupçonnée d'adultère. Num., v, 11-31. Voir Eau de 
jalousie, t. n, col. 1522. Ce rite ne prêtait pas aux acci- 
dents fortuits, comme l'usage babylonien, et il nécessi- 
tait une intervention de Dieu plus directe et par con- 
séquent plus significative. La femme qui, ayant de quoi 
vivre dans la maison de son mari emmené en captivité, 
s'unit à un autre, est jetée à l'eau. Art. 133. Elle a commis 
en effet un véritable adultère. S'il n'y a pas de quoi vivre à 
la maison du captif, sa femme peut aller avec un autre. 
Art. 134. Quand son premier mari revient, elle retourne 
avec lui, en laissant au second les enfants qu'elle a eus 
de lui. Art. 135. Mais si le premier mari a déserté ^sa. 
ville par mépris, la femme n'est pas obligée de retour- 
ner avec lui. Art. 136, Dans ces derniers cas, il y a 
véritable divorce, momentané ou définitif, imposé par 
les circonstances. La loi mosaïque ne prévoit pas ces 
cas particuliers. Elle proscrit absolument le retour de 
la femme répudiée auprès de son premier mari, quand 
elle en a eu un second. Deut., xxiv, 4. Mais le divorce 
provenait de la volonté du mari, et non de la force des 
choses, comme dans le code babylonien. Les empê- 
chements au mariage portés par la loi mosaïque ne se 
trouvent pas dans le code babylonien, sauf pour les 



unions du premier degré en ligne directe. Ainsi Phommfr 
qui a commerce avec sa fille est chassé de la ville. 
Art. 154. Celui qui a commerce, à la suite de son fils,, 
avec la fiancée de ce dernier, est jeté à l'eau. Art. 155. 
Si le père du fils a eu seul commerce avec la fiancée, 
il lui paye une demi-mine d'argent, lui rend tout ce- 
qu'elle a apporté, et celle-ci peut épouser qui elle veut. 
Art. 156. L'inceste entre la mère et le fils entraîne pour 
les deux coupables la mort par le feu. Art. 157. Celui 
qui a commerce avec la femme qui l'a élevé et a eu des 
enfants de son père, est chassé de la maison paternelle. 
Art. 158. Cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques, iv sér. r 
Paris, 1902, p. 64-86, 145-151. Ces dernières lois tendent 
à sauvegarder la pureté du mariage, en frappant les 
unions les plus odieusemeut incestueuses. Il est mani- 
feste que Moïse a trouvé à l'état traditionnel, chez soa 
peuple, la législation de' Hammourabi sur le mariage. Il 
en a maintenu lès articles principaux et a précisé ou 
perfectionné les autres. Nous n'avons donc pas dans la 
législation mosaïque un code créé de toutes pièces, ni 
un ensemble de lois qui sont venues avec le temps 
s'ajouter les unes aux autres. Les parties principales 
existaient déjà cinq cents ans avant Moïse. 

v, de josué A jésus-christ. — La Sainte Écriture 
fait allusion à un assez grand nombre de mariages, 
ordinairement contractés conformément à la législation 
mosaïque. Les infractions graves sont signalées aux 
articles Adultère, t. i, col. 242, Fornication, t. n, 
col. 2314, et Inceste, t. m, col. 864. Deux points sont 
cependant à remarquer dans le cours de l'histoire des 
Israélites. 

1° Intervention du père de la jeune fille. — C'est la 
père qui marie sa fille et qui, au besoin, la promet en. 
mariage sans demander son avis. Ainsi Caleb promet 
sa fille en mariage à celui qui s'emparera de Cariath 
Sépher, Jud., i, 12, et Saùl promet la sienne à celui 
qui vaincra Goliath. I Reg., xvn, 25. Abesan marie lui- 
même~ses trente filles, Jud., xn, 9; le père de la 
femme de Samson dispose de sa fille, pourtant mariée 
déjà, Jud., xiv, 20; les officiers de David amènent Abisag 
au roi sans la consulter, III Reg., i, 2, et Salomon peut 
lui-même la donner en mariage à qui il lui plaît. 
III Reg., n, 17. Esther est présentée à Assuérus, qui la 
prend pour épouse, Esth., n, 15-17; mais elle avait été 
élevée dans un harem perse et en dehors des conditions 
ordinaires de la civilisation juive. C'est son parent 
Mardochée qui remplit auprès d'elle l'office de père. 

2° Mariages avec des étrangers. — 1. Ces mariages 
sont relativement peu fréquents avant la captivité, alors 
que les Israélites étaient en contact moins immédiat 
avec les étrangers autres que les Chananéens. D'ailleurs 
on ne voyait pas ces unions d'un bon œil, comme en 
témoigne la répugnance des parents de Samson, quand 
celui-ci veut épouser une Philistine. Jud., xiv, 2-3. 
Les auteurs sacrés signalent le mariage d'une Israélite 
avec un Égyptien, au temps de Moïse, Lev., xxiv, 10, 
celui de Salomon avec la fille du roi d'Egypte, III Reg., 
vu, 8, celui de la fille de Sésan avec un esclave égyptien, 
I Par., il, 34-35, celui d'Abigaïl, sœur de David, avec 
Jéther l'Ismaélite (?), I Par., n, 17, celui d'une femme de 
Nephthali avec un Tyrien, qui en eut pour fils Hiram, 
III Reg., vu, 14, et celui d'Achab avec Jézabel, fille du 
roi de Sidon. III Reg., xvi, 31. Ces mariages n'étaient 
pas contraires à la Loi. Mais celui de Salomon avec 
Naama l'Ammonite, qui fut mère de Roboam, III Reg., 
xiv, 21, et ses unions avec d'autres étrangères, Moabites, 
Iduméennes, Sidoniennes et Héthéennes, étaient en 
opposition formelle avec les prescriptions mosaïques. 
111 Reg., xi, 1-2. La légitimité de Roboam, bien qu'issu 
d'un mariage réprouvé par la Loi, ne parait pas avoir 
été mise en question au moment de la révolte de Jéro- 
boam. Mais cette infraction de Salomon à une loi grave 
fut bien probablement au nombre des motifs qui por- 



767 



MARIAGE 



768 



tèrent le Seigneur à diviser son royaume après sa mort. 
III Reg., xi, 33. — 2. Pendant la captivité, les Hébreux 
déportés en différentes régions de l'empire chaldcen 
reçurent de Jérémie, xxix, 6, le conseil de se marier et 
de marier leurs fils et leurs filles. Les mariages avec 
les peuples de cet empire n'étaient pas proscrits par la 
Loi, et il est possible que des unions aient été contrac- 
tées alors entre Israélites et étrangers, comme il arriva 
pour Esther. Néanmoins les déportés se marièrent géné- 
ralement entre eux, ainsi qu'on le voit par l'exemple de 
Tobie,Tob.,vi, 11 ; vil, 15; de Susanne,Dan., im, 1-2, etc. 
— 3. Après la captivité, la petite colonie juive revenue en 
Palestine se trouva mêlée à la population étrangère qui 
avait occupé le pays. Les mariages entre Israélites et 
Chananéens, Héthéens, Ammonites, Moabites, Égyptiens, 
etc., devinrent assez nombreux pour constituer un vrai 
péril national, indépendamment de la grave infraction 
portée à la loi mosaïque. I Esd., IX, 1, 2. Sur l'initiative 
d'Esdras, on prit une mesure énergique pour réprimer 
cet abus : tous les Israélites furent mis en demeure de 
se présenter à Jérusalem dans les trois jours, et ceux qui 
avaient épousé des étrangères durent s'engager à les 
renvoyer. On a conservé dans le livre sacré le nom 
des prêtres, des lévites et des notables qui avaient con- 
tracté de ces unions. I Esd., x, 1-44. Le même abus 
se reproduisit plus tard. De mariages d'Israélites avec 
des femmes d'Azot, d'Ammon et de Moab, étaient nés 
des enfants qui ne savaient même plus parler la langue 
nationale. Un petit-fils du grand-prêtre Éliasib, Manassé, 
avait épousé la fille de Sanaballat, le Horonite. Néhémie 
cbassa ce violateur de la Loi, réprimanda sévèrement 
les autres, et leur fit promettre de ne plus retomber 
dans une faute qui avait perdu Salomon. II Esd., xm, 
23-28. Les prêtres qui ne voulurent pas se soumettre aux 
injonctions de Néhémie s'en allèrent rejoindre à Samarie 
le gendre de Sanaballat, afin de pouvoir conserver leurs 
femmes. Josèphe, Ant. jud., XI, vm, 2. Dans les temps 
postérieurs, les Juifs se montrèrent observateurs 
rigides de la loi qui prohibait ces sortes de mariages. 
Ce fut même une des marques caractéristiques de leur 
race. Alicnarum concubitu abstinent, « ils s'abstiennent 
de toute union avec des étrangères, » écrit Tacite, Hist., 

y, 5. , 

3° Mariages scandaleux. — Josèphe parle d'un cer- 
tain nombre de mariages contractés par des person- 
nages en vue, dans des conditions telles qu'ils firent 
scandale parmi les Juifs. Joseph, neveu du grand- 
prêtre Onias II et receveur des impôts, se maria avec 
sa propre nièce et en eut Hyrcan, qui fut le héros de 
singulières aventures. Le frère de Joseph avait ménagé 
ce mariage, d'ailleurs prohibé par la Loi, pour l'em- 
pêcher d'épouser une danseuse d'Alexandrie, ce qui 
l'eût déshonoré aux yeux des Juifs. Josèphe, Ant. jud., 
XII, IV, 6. Hérode le Grand eut dix femmes, et parmi 
elles une Samaritaine nommée Malthace, qui fut la 
mère d'Archélaûs. Josèphe, Ant. jud., XVII, i, 3. Voir 
Hérode le Grand, t. m, col. 645. Du reste, dans sa 
famille, les mariages furent souvent contractés dans 
des conditions défendues par la loi mosaïque. Voir le 
tableau généalogique, t. m, col 639. Le nombre des 
femmes prises par Hérode le Grand n'étonnait pas les 
Juifs. Leurs docteurs permettaient au roi d'en avoir 
jusqu'à dix-huit, tant épouses que concubines. San- 
hédrin, il, 4. Cf. II Reg., ni, 2-5; xn, 8, 9. Archélaùs 
épousa Glaphyra, veuve de son frère Alexandre, dont 
elle avait eu des enfants, de sorte qu'on ne pouvait 
invoquer la loi du lévirat pour justifier cette union 
interdite par Moïse. Josèphe, Ant. jud., XVII, xm, 1. 
Enfin Hérode Antipas, après avoir répudié la fille du 
roi arabe Arétas, épousa Hérodiade, femme de son frère 
Hérode Philippe, encore vivant, ce qui compliquait la 
transgression d'un adultère. Josèphe, Ant. jud., XVIII, 
v, 1; Malth., xiv, 3-12. Ces infractions à la loi mosaïque 



contribuèrent à rendre les Hérodes encore plus odieux 
aux Juifs fidèles. 

vi. les coutumes JUIVES. — 1° Interprétation de la 
loi. — La loi mosaïque sur le mariage est résumée par 
Josèphe, Ant. jud., IV, vm, 23, et par Philon, De 
specialibus legibus, m, édit. Mangey, Londres, 1742, 
t. Il, p. 299-334. Elle est interprétée dans plusieurs 
traités du troisième livre de la Mischna : Yebamoth, 
sur le lévirat, Kethuboth, sur le contrat de mariage, 
Sota, sur la conduite à tenir quand il y a soupçon 
d'adultère, Gittin, sur le libelle de répudiation, et 
Kidduschin, sur les fiançailles. Voici les principaux 
articles précisés par les docteurs. Bien qu'une femme 
répudiée pût être assimilée à une veuve, son beau- 
frère ne pouvait l'épouser. Sota, IV, 1 ; vm, 3. Le prêtre 
ne pouvait épouser qu'une vierge ou une veuve israélite, 
mais il était permis à sa fille de se marier dans n'im- 
porte quelle tribu. Josèphe, Ant. jud., III, xn, 2. Si sa 
fille ainsi mariée à un Israélite d'une tribu quel- 
conque avait à son tour une fille qui épousait un prêtre, 
le fils né de cette union pouvait même être désigné 
pour le souverain pontificat. Siphra, 236, 2. Le prêtre 
ne pouvait épouser ni une prisonnière de guerre, Jo- 
sèphe, Ant. jud., III, xn, 2; XIII, x, 5; Cont. Apion., i, 7, 
ni une prosélyte, ni une esclave libérée; l'interdiction 
ne portait pas sur la fille du prosélyte et de l'esclave 
libérée, si la mère était Israélite. Yebamoth, VI, 5; 
Bikkurim, i, 5. Le prêtre sans enfants devait s'abstenir 
de prendre une femme incapable d'en avoir, incapacité 
qu'on savait discerner à certains signes. Yebamoth, 
vi, 5. Les prêtres prenaient toutes les précautions pour 
s'assurer de la légitimité de leurs unions. Josèphe, 
Cont. Apion., I, 7; Kidduschin, iv, 4, 5. Ézéchiel, 
xliv, 22, dans sa description du nouveau Temple, 
défendait aux prêtres d'épouser soit une femme répu- 
diée, soit une veuve, à moins qu'elle fût la veuve d'un 
prêtre. Mais cette défense du prophète n'était pas con- 
sidérée comme obligatoire. D'après Philon, De monar- 
chia, H, 9, t. Il, p. 230, le grand-prêtre ne pouvait épou- 
ser qu'une vierge de race sacerdotale. Cette prohibition 
paraît n'avoir d'autre autorité que celle de la traduction 
des Septante dans le texte du Lévitique, xxi, 13. Voir 
Grand-prêtre, t. m, col. 300. — Les docteurs s'oc- 
cupèrent aussi de l'application de la loi aux prosélytes. 
Les enfants qui n'avaient pas trois ans et un jour au 
moment de la conversion de leur mère étaient censés 
nés Juifs et soumis à toutes les obligations du judaïsme. 
Kethuboth, I, 2, 4; m, 1, 2. Les enfants nés avant la 
conversion de leur mère n'étaient tenus ni à la loi du 
lévirat ni à celle qui concerne la constatation de la 
virginité de la jeune épouse. Deut., xxn, 13-21; Yeba- 
moth, XI, 2; Kethuboth, iv, 3. Les prosélytes pouvaient 
épouser les mutilés et les bâtards. Yemaboth, vm, 2. Ils 
étaient tenus aux prescriptions concernant le rite de 
l'eau de jalousie, Eduyoth, v, 6, bien que Jochanan ben 
Sakkaï déclarât ce rite abrogé. Sota, IX, 9. — Les 
époux ne pouvaient se refuser à l'usage du mariage 
s'ils n'avaient déjà au moins deux fils, d'après Scham- 
maï, un fils et une fille, d'après Hillel. Yebamoth, vi, 
6. Les Esséniens, à part une petite minorité d'entre eux, 
réprouvaient le mariage, à cause des impuretés nom- 
breuses auxquelles il entraînait. Josèphe, Ant. jud., 
XVII, i, 5; Bell, jud., II, vm, 2, 13. 

2° Célébration du mariage. — jOn pouvait contracter 
mariage dès qu'on avait atteint l'âge nubile, treize ans 
et un jour pour les jeunes gens, douze ans et un jour 
pour les jeunes filles. En réalité, les jeunes gens 
attendaient leur dix-huitième année. Aboth, v, 21. Une 
veuve ou une répudiée ne devait pas se marier avant 
que trois mois se fussent écoulés depuis la mort du 
premier mari ou la répudiation. Ce délai était réputé 
suffisant pour permettre de juger de l'état de la femme. 
C'était ordinairement le père, ou à son défaut la mère, 



763 



MARIAGE 



770 



qui demandait pour son fils une jeune fille en mariage, 
comme à l'époque patriarcale. Les docteurs permet- 
taient à la jeune fille majeure, c'est-à-dire probable- 
ment ayant plus de douze ans et un jour, de se refuser 
à une union qui lui déplaisait, bien qu'elle fût déjà 
réglée par ses parents. Quand la demande en mariage 
était agréée, le père du jeune homme payait la dot ou 
mohar aux parents de la jeune fille. Voir Dot, t. n, 
col. 1495-1497. On procédait ensuite aux fiançailles, qui 
avaient la même valeur légale que le mariage, duraient 
ordinairement un an et ne permettaient aux futurs 
«poux de communiquer normalement que par inter- 
médiaires. Voir Fiançailles, t. n, col. 2230, 2231. Au 
temps marqué, le mariage était célébré au milieu des 
festins et des démonstrations de joie. Voir Noces. Cette 
célébration ne comportait aucune cérémonie religieuse, 
bien qu'on y récitât certaines formules de bénédiction. 
Au sabbat suivant, les nouveaux époux étaient conduits 
à la synagogue, le mari par ses hôtes, la mariée par 
des femmes. Le mari était invité à faire la lecture et 
versait une aumône. Les époux étaient ensuite recon- 
duits à leur maison par les mêmes cortèges, et, pendant 
un an, le nouveau marié jouissait des immunités que 
lui garantissait la Loi. Deut., xxrv, 5. 

3° Droits et devoirs des époux. — La femme avait le 
droit d'exiger dix choses de son mari, trois qui étaient 
stipulées par la Loi : la nourriture, le vêtement, le 
devoir conjugal, Exod., xxi, 10, et sept qui étaient 
prescrites par les docteurs : les soins dans la maladie, 
le rachat dans la captivité, la sépulture après la mort, 
l'entretien aux frais du mari, le domicile même quand 
elle devenait veuve, la nourriture de ses propres 
filles jusqu'à leur mariage, la part d'héritage et la dot 
pour ses fils. La femme devait à son mari quatre choses : 
le fruit de son travail, sa présence habituelle, la jouis- 
sance des biens qu'elle possédait, et, après sa mort, le 
droit de profiter de ces biens avant tous les autres. 
Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 491- 
503. Sur la condition des femmes mariées chez les 
Israélites, voir Femme, t. n, col. 2189, 2190, et Mère. 

4» Après le mariage. — Conformément à la loi, Deut., 
xxn, 20, 21, le mari faisait procéder contre la femme 
qu'il n'avait pas trouvée vierge. Il la déférait à un san- 
hédrin de vingt-trois membres, et, convaincue d'avoir 
eu des rapports criminels avec un autre depuis ses fian- 
çailles, la coupable était lapidée, ou, si elle était la fille 
d'un prêtre, brûlée vive. Lev., xxi, 9. Si le mari l'avait 
accusée à faux, il ne pouvait plus jamais la répudier, 
payait au père ou à l'épouse elle-même, si elle n'avait 
plus de père, une double dot, soit cent sicles d'argent, 
et enfin subissait la flagellation. Quant aux faux témoins, 
ils étaient passibles du supplice qui eût été infligé à celle 
qu'ils accusaient. Celui qui avait fait violence à une jeune 
fille non encore fiancée, devait la prendre pour femme 
.sans jamais pouvoir la répudier, Deut., xxn, 28, 29, et 
en outre payait une amende de cinquante sicles à son 
_père, ou à la jeune fille même si le père n'existait plus. 
Dans ces sortes d'unions, le consentement du père et 
de la jeune fille violentée était requis; en cas de refus, 
le délinquant avait d'autres amendes à payer. Cf. Iken, 
Antiq. hebr., p. 503, 504. Dans certains cas, le divorça 
intervenait plus ou moins longtemps après le mariage. 
Voir Divorce, t. îi, col. 1448. Cf. J. Cauvière, Le lien 
■conjugal et le divorce, Paris, s. d., p. 3-9. 

vu. symbolisme du mariage jniF. — Le mariage 
■était le symbole de l'union de la race choisie avec son 
, Dieu. Cette idée est développée allégoriquement dans 
i le Cantique des cantiques. Voir t. n, col. 194-196. Elle 
est familière aux prophètes. Le Psaume xlv (xliv) repré- 
sente sous la figure d'un mariage l'union du Dieu sau- 
veur avec l'humanité rachetée. Dans Isaïe, liv, 5, Dieu 
■est l'époux de la nation Israélite, l'époux même de sa 
Jerre, et celle-ci fait la joie de son Dieu comme la fiancée 

DICT. DE LA BIBLE. 



fait la joie du fiancé'. Is., lxii, 4, 5. Jérémie, n, 2, dit 
que la race élue a été fiancée à Dieu au désert, et, pour 
exhorter ses contemporains à la conversion, il les ap- 
pelle des enfants rebelles vis-à-vis de celui qui est leur 
ba'al, le maître et l'époux. Jér., m, 14. Osée, il, 18-22, 
appuie davantage encore sur ce symbolisme. I! présente 
Dieu comme le fiancé irrévocable et comme le mari 
d'Israël. C'est en vertu de ce symbolisme que l'union de 
la nation israélite avec les faux dieux est qualifiée sou- 
vent de fornication, voir t. n, col. 2316, et surtout d'adul- 
tère. Voir t. i, col. 242. — Sur les mariages des Hébreux, 
voir Selden, Vxores Hebrseor., seu de nuptiis et divor- 
tiis, Francfort-s.-O., 1673; Ugolini, Vxor hebrsea, dans 
le Thésaurus ant. sacr., Venise, 1744, xxx; Buxtorf, 
De sponsalibus ac divortiis, Bâle, 1652; Iken, Antiqui- 
tates hebraicœ, Brème, 1741, p. 491-510; Munk, Pales- 
tine, Paris, 1881, p. 378-379; H. Zschokke, Die biblische 
Frauen des A. T., Fribourg, 1882. 

II. Dans le Nouveau Testament. — /. l'enseigne- 
ment de notre-sejgneur. — 1" Le divin Maître inaugure 
son ministère en honorant de sa présence, à Cana, le 
mariage tel qu'il se célébrait chez les Juifs. Joa., il, 2-11. 
Il fait allusion aux noces dans ses paraboles. Matth., xxil, 
1-14; xxv, 1-13. A cette époque, il n'était plus question 
de bigamie ni de polygamie parmi les vrais Juifs. C'est 
donc seulement au sujet de l'indissolubilité du mariage 
que Notre-Seigneur affirme énergiquement la volonté 
divine. Il condamne absolument le divorce et qualifie 
d'adultère le second mariage du vivant des conjoints. 
Matth., v, 31-32, Aux pharisiens qui l'interrogent, il rap- 
pelle la loi primitive du mariage, qui est l'indissolubilité 
absolue et l'union des époux formant « une seule chair ». 
Matth., xrx, 3-9. Voir Divorce, t. h, col. 1451-1453. Les 
Apôtres, étonnés de la rigueur de cette doctrine, estiment 
qu'ainsi la loi du mariage impose un joug trop onéreux, 
et que mieux vaut né pas se marier. Ils semblant accu- 
ser Notre-Seigneur de détourner du mariage. Il leur 
répond en leur parlant de trois lois plus dures encore 
que celle du mariage : la loi de la nature, qui interdit 
le mariage à certaines catégories de personnes, malgré 
leur désir, la loi de la force, qui met certains hommes 
hors d'état de se marier, et enfin la loi de la grâce, qui 
portera des âjnes privilégiées à s'abstenir du mariage, 
non pas à cause de ses obligations, mais par esprit de 
sacrifice, « pour le royaume des cieux. » Matth., xix, 10- 
12. — 2° Le concile de Trente, De sacram. matrim., 
can. 1, enseigne que le mariage est l'un des sept sacre- 
ments de la Loi nouvelle et qu'il a été institué par 
Jésus-Christ. 11 renvoie â Matth., xix; Marc, x; Eph., 
v. Les Évangélistes n'indiquent pas en quelle occasion 
eut lieu cette institution. Mais n on prouve, d'après 
S. Paul, Eph., v, que le mariage entre chrétiens est le 
signe d'une chose sacrée dans le Christ et dans l'Église, 
et que la grâce lui est jointe; toutefois, on ne prouve 
pas que la puissance de produire la grâce est attachée 
au contrat matrimonial lui-même. L'argument tiré de 
l'Apôtre pour établir la réalité du sacrement de mariage 
n'est donc pas complet; c'est la tradition qui le com- 
plète. L'Apôtre enseigne seulement l'économie de cette 
élévation » du mariage à la dignité de sacrement. Gas- 
parri, De matrim., Paris, 1893, t. i, p. 130. ;< Quand 
on considérera que Jésus-Christ a donné une nouvelle 
forme au mariage, en réduisant cette sainte société à 
deux personnes immuablement et indissolublement 
unies, et quand on verra que cette inséparable union est 
le 'signe de son union éternelle avec son Église, on 
n'aura pas de peine à comprendre que le mariage des 
fidèles est accompagné du Saint-Esprit et de la grâce. » 
Bossuet, Expos, de la doct. chrét., IX, Bar-le-Duc, 1880, 
t. m, p. 29. Cf. Turmel, Hist. de la Théol. positive, Pa- 
ris, 1904, p. 157, 346, 348. 

11. ENSEIGNEMENT DE SAINT PAUL. — Saint Paul est 

le docteur du mariage chrétien; il applique à l'union 

IV. - 25 



771 



MARIAGE 



772 



conjugale les règles de l'Évangile. — 1° La loi chré- 
tienne du mariage. — 1. Saint Paul flétrit les docteurs 
qui prohibent le mariage. I Tim., rv, 3. Les Esséniens 
professaient l'aversion du mariage. Josèphe, Ant. jud., 
XVIII, i, 5. En dehors de la Palestine, la réprobation du 
mariage faisait partie de la doctrine de la gnose alors â 
ses débuis. Les faux docteurs prétendaient, comme plus 
tard Saturnin et Basilide, que le mariage et la généra- 
tion étaient des œuvres de Satan. Cf. S. Irénée, Adv. 
heures., I, xxiv, 2, t. vu, col, 675, et le pseudo-Ignace, 
Epist. ad Philadelp., 6, t. v, col. 829. Ces hérétiques ne 
s'abstenaient d'ailleurs du mariage que pour se livrer 
aux pires immoralités. L'Apôtre rappelle la loi évangé- 
lique sur l'indissolubilité abolue du mariage. Rom., va, 
2, 3; I Cor., vu, 10, 11. Il ne permet qu'une exception 
à la règle: quand, dans un mariage, l'une des deux par- 
ties est chrétienne et l'autre infidèle, si cette dernière 
ne consent pas à vivre en paix, s'en va et se marie avec 
un autre, la partie chrétienne recouvre sa liberté et peut 
de son côté contracter un nouveau mariage. I Cor., vu, 
1 2-15. Voir t. il, col. 1453. Cf. M. Rossallus, De senten- 
tia Pauli I Cor., vu, 42-47, dans le Thésaurus de Hase 
et Iken, Leyde, 1732, t. il, p. 798-809. En dehors de ce 
cas, le mariage ne cesse pas d'exister validement. A la 
manière dont s'exprime l'Apôtre, « je dis, non le Sei- 
gneur, » on conclut généralement qu'il conseille, mais 
qu'il n'ordonne pas au fidèle de rester avec l'infidèle. Les 
motifs pour lesquels la cohabitation est souhaitable sont 
la possibilité de convertir l'infidèle et l'intérêt qu'il y 
a à sauver les enfants. Mais ce sont là deux résultats 
souvent problématiques, auxquels il n'est pas toujours 
sage de sacrifier la liberté et la paix que Dieu veut assu- 
rer à ses serviteurs. Cf. Cornely, In I epist. ad Cor., 
Paris, 1890, p. 179-188. — 2. Saint Paul laisse à tous la 
plus grande liberté à l'égard du mariage. Il conseille' 
aux non-mariés et aux veufs de rester tels qu'ils sont, 
v-pourvu que leur abstention n'implique aucun blâme con- 
tre le mariage et ne se propose pour but que la pratique 
delà continence chrétienne. I Cor., vu, 26-28. Les parents 
sont donc parfaitement libres de marier leur fille, s'ils 
le jugent bon, et la veuve, bien que plus heureuse dans 
l'état où elle se trouve, peut se remarier, si tel est son 
désir. I Cor., vu, 36-40. Il en est cependant auxquels 
l'Apôtre recommande formellement le mariage; ce sont 
les célibataires, les veufs et surtout les jeunes veuves qui 
se sentent incapables de garder la continence en dehors 
de l'état de mariage. I Cor., vu, 2, 8, 9; I Tim., v, 14. 
Il suit de là que les secondes noces sont permises , quel- 
quefois même désirables. Toutefois, comme elles suppo- 
sent en général une certaine incapacité de résister aux 
désirs charnels, saint Paul défend d'admettre au nombre 
des évêques, des diacres et des veuves employées au ser- 
vice de l'Église, des personnes qui ont été mariées plus 
d'une fois. I Tim., m, 2, V&; v, 9. — 3. Une grave infrac- 
tion à la loi du mariage s'était produite à Corinthe. Un 
chrétien avait épousé la femme de son père, c'est-à-dire 
une femme prise en secondes noces par son père. Cf. 
Lev., xvhi, 8. Cette union allait contre les prescriptions 
mosaïques et surtout contre les convenances naturelles 
les plus élémentaires. Saint Paul n'hésita pas à excom- 
munier le coupable. I Cor., v, 1-15. 

2° La vie chrétienne dans le mariage. — 1. Tout en 
honorant le mariage comme une institution divine et 
nécessaire, l'Apôtre constate qu'il opposé généralement 
un obstacle à la vie parfaite. La femme mariée s'inquiète 
du monde et s'occupe de plaire à son mari. I Cor., vu, 
34. On ne peut l'en blâmer. Mais il y a là un attrait d'ordre 
inférieur qui, joint aux tribulations de la vie de famille, 
rend l'étal de mariage moins désirable que le célibat chré- 
tien. D'ailleurs la vie est courte ^'il ne faut donc pas s'ab- 
sorber dans les soins temporels ; « que ceux qui ont des 
épouses soient comme n'en ayant pas, » c'est-à-dire qu'ils 
De laissent pas les soucis conjugaux prévaloir contre les 



exigences ou même les convenances du service de Dieu. 
I Cor., vu, 29. — 2. L'Épitre aux Hébreux, xm, 4, de- 
mande « que le mariage soit honoré et le lit nuptial sans 
souillure ». Saint Paul explique qu'en vertu du mariage, 
le mari se doit à sa femme et la femme à son mari, de 
sorte que le corps de chaque conjoint appartient, non à 
lui-même, mais à l'autre conjoint, lequel du reste n'est 
autorisé à s'en servir que pour les fins voulues de Dieu. 
Cette mutuelle servitude ne peut être interrompue que 
temporairement, par consentement réciproque et en vue 
d'un avantage spirituel, comme la prière. Encore faut-il 
revenir au plus tôt à la vie commune, pour se garantir 
contre la tentation. I Cor., vu, 3-5. — 3. D'autres devoirs 
s'imposent encore aux époux. Le mari doit aimer sa 
femme, Eph., v, 25 ; Col., in, 19, la nourrir et en prendre 
soin. Eph., v, 29. La femme doit être soumise à son 
mari, Eph., v, 22-24; Col., m, 18, le respecter, Eph., v, 
33, et l'interroger à la maison pour s'instruire des choses 
de la foi. I Cor., xiv, 35. Saint Pierre recommande aussi 
aux femmes d'être soumises à leurs maris, afin de rame- 
ner à Dieu ceux qui en seraient éloignés; il veut qu'elles 
gardent en tout la modestie et le calme, sous le regard 
de Dieu, Il exige que les maris se montrent intelligents 
dans l'honneur qu'ils doivent à leurs femmes, plus faibles 
qu'eux physiquement, mais leurs cohéritières au point de 
vue de la grâce et du salut. I Pet., m, 1-7. — 4. Dans ces 
textes, il n'est point fait d'allusion directe au caractère 
religieux et sacramentel du mariage chrétien. Saint 
Ignace, Epist. ad Polycarp., 5, t. v, col. 724, dit qu'il 
est convenable que les époux ne s'unissent qu'avec l'avis 
de l'évêque, pour que les mariages soient selon le Sei- 
gneur et non réglés par la passion. Il ne connaît pas de 
rite particulier transmis par les Apôtres pour la célé- 
bration du mariage chrétien. Les premiers fidèles con- 
tractaient donc leur union à la manière de^ Juifs, ou 
même avec les formes légales en vigueur dans l'empire, 
en excluant toutefois ce qui pouvait avoir un caractère 
païen. Les mariages romains se contractaient d<> trois 
manières : par l'usage, en cohabitant pendant un an et 
un jour; par contrat, quand les parties se liaient en simu- 
lant une vente, et par une cérémonie religieuse appe- 
lée confarreatio. Cette dernière forme ne pouvait être 
employée par les époux chrétiens, à cause de ses rites 
idolâtriques. Chez les Grecs, la célébration du mariage 
comportait également des actes idolâtriques dont ne pou- 
vait s'accommoder la foi chrétienne. Cf. Rich, Dict. des 
antiq. grecques et romaines, trad. Chéruel, Paris, 1873, 
p. 186, 396; Fustel de Coulanges, La Cité antique, Pa- 
ris, 7* édit., p. 43-45. Malgré l'absence de l'intervention 
ecclésiastique, saint Paul attribue au mariage chrétien 
d'importants effets de grâce. Comme le baptême et la 
pénitence, le mariage a le caractère de guérison et de 
préservation ; il contient dans de justes limites les ins- 
tincts sensuels, en leur accordant la satisfaction à la- 
quelle ils ont droit, I Cor., vu, 8, 9; I Tim., v, 14, en 
empêchant ainsi le péché, en coupant court à la tenta- 
tion, I Cor., vu, 5, et en soumettant la chair à une dis- 
cipline morale qui contribue à sanctifier un état dans 
lequel la nature tend toujours à avoir la première place. 
I Cor., vii, 5; Heb., xm, 4. Le mariage chrétien devient 
aussi un moyen de sanctification, puisque l'épouse doit 
se sauver en engendrant des enfants, sans cesser pour 
cela de pratiquer les vertus chrétiennes. I Tim., n, 15. 
Dans ces conditions, le mariage, qui sert à édifier, à 
compléter et à perpétuer l'Église, doit nécessairement 
recevoir d'elle l'appui et la bénédiction d'une grâce spé- 
ciale. Cf. Dôllinger, Le christianisme et l'Église, trad. 
Bayle, Paris, 1863, p. 510-512. Sur le mariage, sacrement 
de la loi nouvelle, voir Dictionnaire de théologie, au 
mot Mariage. ' 

III. SYMBOUSUEDB MARIAGE CHRÉTIEN. — 1» DaDS le 

Nouveau Testament, le Sauveur prend facilement le titre 
d'époux et fait représenter sous la figure du mariage son 



773 



MARIAGE 



MARIE 



774 



union avec l'humanité régénérée. Matth., ix, 15; xxn, 
1-14; xxv, 1-13; Joa., m, 29; II Cor., xi, 2. Les noces 
de l'Agneau avec son épouse, l'Église triomphante, sont, 
dans saint Jean, la figure du bonheur céleste. Apoc, xix, 
7; xxi, 2, 9; xxn, 17. — 2° Saint Paul assimile l'union 
de Jésus-Christ et de l'Église à l'union matrimoniale. La 
première est le type et l'exemplaire de la seconde. Pour 
le montrer, l'Apôtre établit un parallèle entre les deux 
unions. Jésus-Christ est le chef de l'Église, l'époux est 
le chef de l'épouse ; l'Église est soumise au Christ, les 
femmes doivent soumission à leurs maris; le Christ 
aime l'Église, il s'est livré pour la sauver, la rendre 
belle et sans tache, la nourrir et l'entourer de soins, 
l'époux doit aimer l'épouse comme sa propre chair et 
la traiter en conséquence. Eph., v, 22-31. Ce symbolisme 
n'est pas arbitraire. Il suppose une relation réelle entre 
les deux ordres d'idées; il élève le mariage à une hau- 
teur qui le rapproche du type sacré et en fait quelque 
chose de supérieur à ce que la nature peut produire à 
elle seule. Saint Paul en effet ajoute : « Ce mystère est 
grand, mais il l'est eïç Xpcdrbv xai eïç rrjv èxxXvidtav, en 
vue du Christ et de l'Église ; » en d'autres termes, ce qui 
fait la grandeur de ce symbole, à savoir de l'union de 
l'époux et de l'épouse, c'est la chose qu'il symbolise, vers 
laquelle il tend, à savoir l'union du Christ et de l'Église. 
Cette tendance n'est pas seulement figurative, elle est 
réelle et effective, puisque l'Église se recrute avec les 
enfants que lui fournissent les mariages chrétiens. La 
Vulgate ne rend pas toute la force du grec par les mots 
in Christo et in Ecclesia, « dans le Christ et dans 
l'Église. » Elle traduit [tuarviptov, « mystère, » par sacra- 
mentum. Ce mot est en latin un terme technique qui 
désigne la consignation faite par les plaideurs, le procès 
lui-même, l'enrôlement et le serment militaires. Il est 
pris ici pour traduire |iui7T/ipiov, et il en a le sens. Lac- 
tance, Divin, institut., vu, 24, édit. Thomasius, Anvers, 
1570, p. 434, appelle sacramentum le mystère de l'avenir 
révélé par les prophètes, et Prudence, Peristephan., x, 
18, édit. Giselin, Leyde, 1596, p. 130, donne le même nom 
au mystère du Christ que les Apôtres auront à prêcher 
dans le monde. Ce mot n'apparaît que plus tard avec le 
sens particulier de « sacrement ». Saint Jérôme ne l'em- 
ploie avec ce sens, ni dans ses œuvres, ni dans la Vulgate. 
Eph., v, 32. Cf. S. Irénée, Adv. hœres., 1, vm, 4, t. vu, 
col. 532. 

IV. LE MARIAGE DE LA SAINTE VIERGE ET DE SAINT 

joseph. — Au moment où s'opéra le mystère de l'incar 
nation, Marie et Joseph étaient unis ensemble par des 
fiançailles, en vertu desquelles ils appartenaient déjà 
l'un à l'autre. Voir t. n, col. 2231. Quand le moment de 
célébrer le mariage arriva, Joseph hésita, en constatant 
ce qui était advenu à sa fiancée. L'ange intervint alors 
pour lui dire de ne pas craindre de prendre Marie pour 
sa femme, itapaXaëeïv Mapîav tt|v yuvaîxa trou. Matth., i, 
20. Le verbe itapaXaSeïv veut dire « prendre avec soi », 
spécialement celle dont on veut faire sa femme. Cf. Héro- 
dote, iv, 155; Xénophon, (Economie, vu, 6. Marie, en 
effet, habitait encore dans la maison paternelle, comme 
c'était la règle pour toutes les fiancées. Joseph obéit à 
l'ordre divin et prit Marie chez lui comme étant devenue 
sa femme, itapIXccësv tï|v -pvaïxa avrcoû. Matth., i, 24. Ce1à x 
signifie que les noces furent célébrées suivant la coutume 
et qu'à partir de ce jour Joseph reçut et garda Marie 
dans sa maison. Cette union * constituait un véritable 
mariage, l'usage total du mariage n'étant nullement 
essentiel à sa réalité. Cf. Lehmkuhl, Theolog. moral., 
Fribourg-en-Br., 1890, t. n, p. 482; Gasparri, De matri- 
mon., t. i, p. 120, 121. La vie fut commune entre les 
deux époux. Joseph exerça l'autorité dans la famille, 
Matth., i, 21 ; Luc, n, 4, 22; Matth., h, 14, 21-23, et eut 
les droits de père vis-à-vis de l'enfant Jésus. Luc, II, 
48. Marie reçut de Joseph ce que la femme a le droit 
d'attendre de son mari, l'affection, le dévouement, la 



protection dans des circonstances difficiles, l'habitation, 
la nourriture, et un concours respectueux et généreux 
dans les soins dont il fallait entourer le divin Enfant. 
Saint Joseph s'acquitta si dignement et si discrètement 
de sa tâche que le monde ne le connut que comme 
époux de Marie et père de Jésus. Luc, m, 23; IV, 22; 
Matth., xiii, 55; Marc, vi, 3. Saint Augustin, Cont. 
Julian., V, xn, 45, t. xliv, col. 810, explique comment 
on trouve dans cette union les trois liens constitutifs du 
mariage : le contrat par lequel les époux se donnent 
l'un à l'autre, l'amour conjugal qu'ils ont l'un pour 
l'autre, l'affection qu'ils ont en commun pour l'enfant. 
Cf. Bossuet, p* Panégyrique de S. Joseph, 1™ part. 

H. Lesêtre. 
MARIAM (hébreu : Miryâm; Septante : Mapwv), fils 
d'Ezra, descendant de Caleb, fils de Jéphoné, de la tribu 
de Juda. I Par., îv, 17. Quelques-uns pensent que Ma- 
riam peut être une femme, qui aurait porté le même nom 
que Marie, sœur de Moïse. Les Septante lui donnent 
pour père Jéther, qui est son frère d'après l'hébreu et la 
Vulgate. Le texte des f. 17-18 paraît d'ailleurs altéré et 
il est difficile de rétablir la leçon primitive. 

MARIE, nom de la sœur de Moïse, de la mère de 
Jésus et de plusieurs autres femmes du Nouveau Testa- 
ment. 

I. Forme du nom. — Marie se lit en hébreu miryâm. 
Ce nom désigne toujours la sœur de Moïse, la seule qui 
s'appelle ainsi dans l'Ancien Testament. Le même nom, 
il est vrai, est assigné à un homme, I Par,, iv, 17; mais 
en cet endroit les Septante le traduisent par Mapwv, et 
quoique la Vulgate ait conservé Mariam, il est fort pro- 
bable que l'orthographe de l'hébreu a été altérée, surtout 
dans un passage rempli de noms propres dont la trans- 
cription exacte est très peu sûre. Dans les Septante, 
miryâm devient Mapiâpi, orthographe analogue à celles 
du syriaque et de l'araméen, qui écrivent Maryam. Dans 
le Nouveau Testament, le nom de la Sainte Vierge est 
toujours Mopiâfi, comme le nom de la sœur de Moïse ; 
il n'y a d'exception que pour un passage de saint Luc, 
II, 19, dans lequel le Vaticanus et le Codex Bezse, sui- 
vis par un certain nombre de critiques, lisent Mapi'a. 
Au génitif, Mapiâp. devient Maptaç, au datif Mapfa, à 
moins que Maptân ne soit traité comme indéclinable. 
Cette dernière forme sert également à l'accusatif et au 
vocatif. Les autres femmes de l'Évangile sont toujours 
appelées Mapia. Il est possible qu'en conservant exclu- 
sivement pour la Sainte Vierge la forme archaïque du 
nom, Maptâ[i, les Évangélistes aient tenu à la distinguer 
des autres femmes jusque dans ce détail de l'appellation. 
La Vulgate traduit invariablement par Maria, dans 
l'Ancien comme dans le Nouveau Testament. Dans 
Josèphe, AnX. jud., II, IX, 4, le nom prend la forme 
Mapiômiïi. 

II. Signification du nom. — En recherchant les expli- 
cations que les écrivains anciens et modernes ont don- 
nées du nom de « Marie », on arrive à compter soixante- 
sept étymologies différentes. Cf. Bardenhewer, Der Name 
Maria, Fribourg-en-Brisgau, 1895, p. 157-158. Ces expli- 
cations supposent toujours que le mot miryâm appar- 
tient à la langue hébraïque. Les unes le traitent comme 
nom composé, les autres comme nom simple. Voici les 
principales : 

1» Nom composé. — « Mer amère, » de mar, « amère, n 
et yâm, « mer. » Mais le composé hébreu devrait être 
yâm-mar, et non pas mar-ydm. — « Leur révolte, » 
miryâm, de merî, « révolte, » suivi de l'adjectif posses- 
sif. Le mot se trouve II Esd., îx, 17. Il n'y a là qu'une 
simple coïncidence syllabique, et l'on ne conçoit guère 
un nom pareil donné à une jeune fille. — « Maltresse 
de la mer, » de l'araméen mdri, « maître, » Dan., rv, 16, 
et de yâm, « mer. » — « Myrrhe de la mer, » de mor, 
« myrrhe, » et de yâm, « mer, » — ï Goutte de la' mer, » 



773 



MARIE 



776 



stilla maris, de mar, v( goutte, » Is., xl, 15, et yâm, 
« mer. » — « Étoile de la mer, » Stella maris. Cette 
explication, devenue si populaire, est présentée par saint 
Jérôme, De nomin. hebraic., de Exod., de Matth.,t. xxiii, 
col. 789, 842. Un seul manuscrit, datant de la fin du 
IX e siècle et conservé à Bamberg, porte stilla maris au 
lieu de Stella maris. Saint Jérôme connaissait trop bien 
l'hébreu pour donner à mar le sens d' « étoile ». Dans 
Isaïe, XL, 15, il traduit parfaitement ce mot par stilla, 
« goutte. » Il a donc dû écrire primitivemeut dans son 
commentaire stilla maris, qui est devenu sous la plume 
des copistes Stella maris, par suite de la facilité avec 
laquelle on substituait e à i dans l'ancienne orthographe 
latine. Ainsi les paysans disaient vea pour via, vella pour 
villa, speca pour spica. Vairon, Ber. rustic, I, u, 14; 
xlviii, 2. Quintilien, Inst. oral., I, îv, 17, constate aussi 

, qu'on substituait Menerva, leber, magester, etc., à Mi- 
nerva, liber, magister, etc. Aulu-Gelle, Noct. Attic, X, 
xxiv, 8, fait une remarque analogue. Bien d'autres exem- 
ples pourraient être fournis ; cf. Bardenhewer, Ber Name 
Maria, p, 69, 70. En voici un qui porte sur le mot ici en 
question. Dans son commentaire sur Job, xxxvi, 27 : 
Qui aufert stillas pluvite, saint Grégoire le Grand, 
Moral., xxvn, 8, t. lxxvi, col. 405, donne des explications 

. qui supposent nécessairement dans le texte : steUas plu~ 
vise. Il lit de même stellse pluviarum au lieu de stillse 
pluviarum dans Jérémie, m, 3, t, lxxv, col. 867. Cette 
manière de lire et de transcrire explique naturellement 
la substitution de Stella maris à stilla maris dans le 
texte de saint Jérôme, puis la consécration définitive de 
la première étymologie, dont le caractère poétique et sym- 

. bolique était si bien fait pour fournir matière aux dévelop- 
pements oratoires. 

2° Nom. simple. — D'autres auteurs ont traité miryâm 
comme un nom simple, pouvant avoir les sens suivants : 
èXiti;, « espérance, » d'après Philon, De somn., Il, 20, 
édit. Mangey, t. H, p. 677, sans qu'on voie de quelle racine 
hébraïque ce sens peut provenir, môraS, « espérance, » 
étant trop éloigné de miryâm; — « amère, s de mar, 
qui a ce sens ; — « hauteur, » de mârôm, qui a ce sens ; 

. — « rebelle, » de moréh, qui a ce sens; — « maîtresse, » 
de l'arméen mârî, « maître; » — « don, » en faisant 
dériver miryâm de rûm, comme ferùmdh, qui veut 
dire « présent »; — « illuminatrice, » en rattachant 
miryâm à 'ôr, « briller, » ou à rd'âh, « voir, » d'où 
mar'éh, « faisant voir; » — « myrrhe, » de rnôr, qui a 
ce sens. Ces étymologies, et d'autres analogues, ne sont 
guère satisfaisantes, parce que les dérivations propo- 
sées sont vagues, lointaines ou arbitraires. 

3» Sens le plus probable. — Hiller, Onomasticutn 
sacrum, Tubingue, 1706, p. 173, a montré que dans 
miryâm, la terminaison dm, n'est qu'une forme finale 
sans signification précise. P. Schegg, Evang. nach Mat- 
thàus, Munich, 1856, p. 419, a fait dériver miryâm de la 
racine mara', «; être gras, bien portant, » en assyrien marû, 

. « gras, » en arabe marjâ, « gras, fort; »d'où le mot mery', 

. « bétail gras. » II Reg., vi, 13, etc. Avec les idées orien- 
tales sur la beauté, « bien portante » ou «bien nourrie » 
a le sens de « belle ». De son enquête sur les sens donnés 
au nom de « Marie », Bardenhewer, Der Name Maria, 
p. 154-155, tire plusieurs conclusions, dont les plus 
importantes sont celles-ci. Il n'y a point de raison pour 
ne pas s'en tenir à la ponctuation massorétique, Miryâm, 
bien que les versions supposent Maryàm. Ce mot con- 
slitue un nom simple, auquel est ajoutée une finale. Il 
ne peut venir que de mârâh, « être rebelle, récalci- 
trante, » ou de mârâ, « être bien portante » et consé- 
quemment « belle ». Le premier sens ne pouvait conve- 
nir pour former le nom d'une jeune fille ; c'est donc le 
second qui est le plus probable. 

4» Nom égyptien — H ne serait pas impossible ce- 
pendant que le nom de « Marie » ait une origine égyp- 
tienne. Moïse, Aaron et leur sœur étaient nés en Egypte. 



Le nom d'Aaron ne peut s'expliquer en hébreu. Voir 
Aaron, t. i, col. 2. Lé nom de Moïse, donné à l'enfant 
par la fille du pharaon, était nécessairement un nom 
égyptien, bien qu'une étymologie hébraïque lui soit 
attribuée. Exod., n, 10. Voir Moïse. Il est donc au 
moins possible que le nom de leur sœur, Marie, ait eu 
une origine égyptienne. Il signifierait alors « chérie », 
de mery, meryt, qui veulent dire « chéri ». Ce sens 
conviendrait bien au nom d'une fille aînée. Cf. De Hum- 
melauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 161. Ce qui 
pourrait confirmer cette dernière hypothèse, c'est que, 
si le nom de « Marie » avait une origine hébraïque, on 
le rencontrerait plus fréquemment dans l'Ancien Testa- 
ment, où il n'est porté que par la sœur de Moïse. Mais 
d'autre part on se demande alors pourquoi il a été choisi 
par les parents de la Sainte Vierge et par plusieurs autres 
dans le Nouveau Testament. — On ne peut donc rien 
affirmer de certain quant au sens et quant à l'origine de 
ce nom. H. Lesêtre. 

1. MARIE, sœur de Moïse. — 1° Elle était fille d'Amram 
et de Jochabed. Exod., vi, 20; Num., xxvi, 59 ; I Par., vi, 
3. Aaron, son frère, avait trois ans de plus que Moïse, 
Exod., vu, 7, et elle était l'aînée des deux frères, âgée 
au moins d'une dizaine d'années à la naissance de Moïse, 
comme le suppose le rôle qu'elle joua au bord du Nil 
pour sauver son petit frère. C'est en cette circonstance 
qu'elle apparaît pour la première fois. Jochabed, après 
avoir caché son jeune fils durant trois mois, vil qu'elle 
ne pouvait pas le dérober plus longtemps aux recherches 
et l'exposa sur le Nil, en laissant sa fille aux environs 
pour voir ce qui se passerait. La fille du pharaon aper- 
çut la corbeille qui contenait l'enfant, la fit prendre et 
eut pitié du petit malheureux. Marie s'approcha alors et 
proposa à la princesse d'aller lui chercher une femme 
du peuple hébreu, pour nourrir l'enfant. La proposition 
fut acceptée et la jeune fille alla chercher sa propre mère, 
à laquelle la fille du pharaon confia Moïse. Exod., n, 4-10. 
Le dévouement et l'ingéniosité de Marie, probablement 
conseillée par sa mère, contribuèrent ainsi à assurer le 
salut et la destinée de son frère. D'après Josèphe, Ant. 
jud., III, il, 4; VI, 1, Marie aurait épousé Hur, qui sou- 
tint avec Aaron les bras de Moïse pendant la bataille 
contre les Amalécites, Exod., xvii, 10-13, et fut le grand- 
père de Béséléel. Voir Hur, t. n, col. 780. 

2° Marie était âgée d'environ quatre-vingt-dix ans au 
moment du passage de la mer Rouge. Exod., vu, 7. Quand 
Moïse et les enfants d'Israël eurent chanté le cantique de 
la délivrance, Marie devint prophétesse, neby'âh, c'est- 
à-dire saisie par l'esprit de Dieu. Elle prit en main le 
tambourin, et, suivie des femmes qui avaient aussi des 
instruments et commencèrent les danses de joie, elle 
répondit aux hommes d'Israël en reprenant les premiers 
mots du cantique, comme un refrain qu'ensuite les 
femmes ne se lassèrent pas de redire. Exod., xv, 20, 21 ; 
Mich., vi, 4. Plus tard, Marie fit allusion à l'inspiration 
que Dieu lui avait communiquée en ce jour. Num., xn, 2. 

3° On était arrivé dans le désert, après le départ du 
Sinaï, à la station de Haséroth, quand Marie et Aaron se 
laissèrent aller à un mouvement de jalousie contre Moïse. 
Le prétexe mis en avant fut que Moïse avait pris pour 
femme une Éthiopienne, soit qu'on qualifiât ainsi Sé- 
phora, qui était Madianite, Exod., n, 21, mais pouvait 
compter des Éthiopiensparmi sesancêtres, cf. De Humine- 
lauer, In Num., Paris, 1899, p. 97, soit qu'après la mort 
de Séphora Moïse ait réellement épousé une Éthiopienne 
d'Arabie. Cf. Rosenmûller, In libr. Num., Leipzig, 1798, 
p. 214. Voir Moïse, Séphora. On se plaignait sans doute 
de l'influence que l'épouse de Moïse exerçait sur lui, alors 
que des femmes d'Israël eussent mérité, semblait-il, 
d'avoir plus de crédit auprès de lui qu'une étrangère. 
Aaron et Marie firent sonner haut le privilège qu'ils 
avaient eu, aussi bien que Moïse, de recevoir les comniu- 



777 



MARIE, SŒUR DE MOÏSE — MAR1K, MEKU l)K DIKU 



TUS 



nications particulières de Dieu. Exod., xv, 20; xxvm, 30; 
Lev., x, 8. Ils en concluaient qu'ils avaient plus de droits 
à partager les honneurs et le pouvoir que sa femme, et 
aussi peut-être que les soixante-dix anciens que le Sei- 
gneur venait d'adjoindre à Moïse pour le règlement des 
affaires courantes. Num., xi, 16, 17. Moïse, doux et pa- 
tient, ne fit aucune opposition à ces prétentions. Mais le 
Seigneur intervint pour venger l'autorité de son servi- 
teur, et, en punition de sa témérité, Marie fut frappée de 
la lèpre. Aussitôt Aaron, comprenant qu'il était lui-même 
aussi coupable que sa sœur, conjura Moïse de ne pas la 
laisser comme un enfant mort-né, dont la chair est 
consumée par le mal. A son tour, Moïse implora le Sei- 
gneur. Dieu se laissa toucher. 11 voulut cependant que 
Marie, qui avait mérité sa malédiction, fût enfermée sept 
jours, hors du camp, après quoi elle y serait reçue. Le 
texte ne dit pas si Marie fut guérie sur-le-champ ou seule- 
ment le septième jour. Cette seconde hypothèse paraît 
plus vraisemblable, à cause de l'exemple à donner au 
peuple. D'ailleurs, le texte emploie ici le mot sdgar, qui 
ne veut pas dire seulement « exclure », exclusa, mais 
« enfermer », dçupfofrr), « elle fut séparée et mise à part, » 
ce qui convient mieux pour une personne atteinte de la 
lèpre auprès d'un camp autour duquel chacun peut aller 
et venir. On attendit la guérison de Marie pour partir de 
Haséroth. Num., xii, 1-15. La lèpre de Marie est rappelée 
dans le Deutéronome, xxiv, 9, pour faire comprendre au 
peuple que cette maladie comporte une intervention de 
Dieu, et que, dans son traitement, il faut se comporter, 
comme le prescrit la loi divine. 

4° Marie mourut à la station de Cadès et y fut ensevelie. 
Num., xx, 1. Voir Cadès, t. h, col. 22. C'est à la station 
suivante, à la montagne de Hor, qu'Aaron mourut, Num , 
xx, 28, la quarantième année après la sortie d'Egypte. 
Num., xxxni, 38. Il ne s'ensuit nullement que Marie 
soit morte cette même année, comme le dit Josèphe, Ant. 
jud., IV, IV, 6 ; car les Hébreux restèrent très longtemps 
à Cadès, Deut, i, 46, et la mention de la mort de Marie 
suit immédiatement celle de l'arrivée à cette station. 
Josèphe ajoute qu'on l'enterra sur la montagne de Sin 
et que le peuple prit le deuil pendant trente jours. Saint 
Jérôme, De sit. et nomin., t. xxm, col. 885, dit que, de 
son temps, on voyait encore le tombeau de Marie. 

H. Lesètre. 

2. MARIE, mère de Jésus (fig. 217). Elle avait été 
figurée et prophétisée dans l'Ancien Testament et les 
Évangiles nous font connaître les principales circons- 
tances de sa vie. 

I. Figures et prophéties dans -l'Ancien Testament. 
— Ces figures et ces prophéties sont signalées par les 
Pères et par la liturgie de l'Église. 

/. figures. — 1° Eve. La première femme reçut 
d'Adam le nom d'Eve, c'est-à-dire « vie », parce qu'elle 
fut la mère de tous les vivants. Gen., m, 20. Mais en 
leur transmettant la vie naturelle, elle leur transmit la 
mort spirituelle. Marie est la mère de tous les vivants 
dans l'ordre de la grâce, et elle n'a pas failli à sa mis- 
sion. Les Pères l'appellent la nouvelle Eve et signalent 
le contraste qui existe entre la mère du Sauveur et la 
mère du genre humain. Cf. S. Justin, Dial. cum Try- 
phon., 100, t. vi, col. 709-711; Tertullien, De carne 
Christi, 17, t. H, col. 782; S. Irénée, Adv. h3eres.,ïïï; 
22; v, 19, t. vn, col. 958, 1175; S. Cyrille, Cateçhes., 
xii, 15, t. xxxiu, col. 741 ; S. Jérôme, Ep. xxil ad Eu- 
stoch., 21, t. xxil, col. 408; S. Augustin, De agone 
Christi, 22, t. XL, col. 303; etc. Voir Newman, Du culte, 
de la Sainte Vierge dans l'Égl. cath., trad. du Pré de 
Sainl-Maur, Paris, 1866, p. 36-51 ; Terrien, La mère de 
Dieu et la mère des hommes, Paris, 1902, t. m, p. 8-13, 
353. — 2° Le buisson ardent, que le feu embrase sans 
le consumer, Exod., m, 2, figure de Marie qui porte en 
elle le Fils de Dieu incarné, sans nulle altération de sa 
virginité. Cf. Ant. 3 ad Laud. Circumcision. — 3° L'arche 



d'alliance, sur laquelle se manifeste la présence de 
Dieu, figure de Marie qui porte Dieu en elle. Voir Arche 
d'alliance, t. i, col. 923. — 4» La toison de Gédéon, sur 
laquelle la rosée s'arrête sans mouiller la terre, Jud., vi, 
37, 38, figure de Marie qui reçoit dans son sein le Sau- 
veur venu du ciel. Cf. S. Ambroise, De Spirit. sanct., 
i, 8, 9, t. xvi, col. 705; S. Jérôme, Epist. cvm, 10, 
t. xxil, col. 886; Ant. 2 ad Laud. Circumcision. — 
5° L'épouse du Cantique. Voir Cantique des cantiques, 
t. Il, col. 197. Parce que l'épouse du Cantique est une 
figure de Marie, l'Église a emprunté à ce livre la plu- 
part des éléments de son office de la Sainte Vierge. Sur 
l'interprétation du Cantique appliqué à la Sainte Vierge, 
voir Gietmann, In Eccles. et Cant. cant., Paris, 1890, 
p. 417-418. — 6° Le jardin fermé, Cant., iv, 12, voir 
Jardin, t. m, col. 1132, figure de la virginité de Marie. 




217. — La Vierge de Ravenne. Bas-relief grec du vi" siècle. 
D'après Anna Jameson, Legends of the Madonna, 1858, p. 3. 

Cf. Respons. 7 Noct. Immac. Concept. — 7» La fontaine 
scellée, Cant., iv, 12, voir Aqueduc, 1. 1, col. 799, même 
signification. — 8° La sagesse. Prov., vin, 22-31; 
Eccli., xxxiv, 551. Cf. Bulle Ineffabilis, Lect. iv ad 
Noct. x decemb. L'Église emprunte les textes de ces 
passages dans ses offices de la Sainte Vierge. — 9» Dif- 
férents personnages comme Sara, Débora, Judith, 
Esther, etc., ont été aussi considérés comme des figures 
de Marie. — 10° Enfin beaucoup d'autres figures de Marie 
sont indiquées soit par les Pères, soit par l'Église dans 
ses prières. Cf. Terrien, La mère de Dieu, t. I, p. 120, 
121; t. H, p. 117, 118; Lecanu, Histoire de la Sainte 
Vierge, Paris, 1860, p. 51-82. Plusieurs sont rappelées 
dans l'Ave maris Stella, les Litanies de la Sainte 
Vierge, etc. 

II. Prophéties. — 1° Le protévangile. Dans la sen- 
tence portée contre le tentateur, le Seigneur s'exprime 
ainsi : « J'établirai inimitié entre toi et la femme, entre 
ta race et la tienne; elle (cette race) te broiera (yeéùf) 
la tête et tu lui broieras (tesûf) le talon. » Gen., m, 15. 
Le même verbe hébreu, Sûf, est employé dans les deux 
membres de la seconde phrase. Les Septante emploient 
dans les deux cas le verbe uiptu, « guetter, » qui atténue la 
force de l'hébreu. L'édition de Complute lui substitue le 



779 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



780 



verbe TE(p<i>, « accabler, briser. » Aquila, Symmaque, le 
Syriaque et le Samaritain traduisent par des verbes qui 
ont le sens de « broyer ». S. Jérôme, Quœst. }iebr. in 
Gen.j t. xxiii, col. 943, dit que le verbe contero, 
« broyer, » rend mieux l'hébreu que servo, « garder, » 
par lequel Yltala rendait les Septante. C'est .sans doute 
pour concilier les deux textes et ne pas trop heurter 
l'usage reçu de son temps qu'il se sert des deux verbes 
contero, « broyer, » et insidiori, « dresser des em- 
bûches : » « Elle te broiera la tête et tu attenteras à son 
talon. » Les deux actions marquée» par le même verbe 
sont donc de même nature : la race de la femme exer- 
cera sur le serpent un sévice qui appellera une riposte 
de la part de ce dernier. Seulement la blessure sera 
mortelle pour le serpent, dont la tête sera broyée, tandis 
que pour la race de la femme, dont le talon seul sera 
broyé, la blessure, si cruelle qu'elle soit, n'entraînera 
pas la mort et sera guérissable. — La Vulgate actuelle 
rend par ipsa, « elle, » la femme, le pronom hébreu 
hû', aùtéc, qut-wst masculin et se rapporte à la race. La 
tête du serpent sera donc écrasée non par la femme 
elle-même, «oit Eve, soit sa descendante, Marie, mais 
par la race de la femme. Cette race est prise collective- 
ment, comme la race du serpent. Mais de même que la 
race maudite a triomphé au paradis par Satan, la race 
de la femme triomphera plus tard par Jésus-Christ. Cf. 
S. Irénée, Adv. liserés., m, 23, t. vu, col. 964; S. Justin, 
Dial. cum Tryphon., 100, t. vi, col. 712; S. Cyprien, 
Testim.-cont. Judœos, n, 9, t. iv, col. 704; S. Épiphane, 
Hœres., III, n, 18, t. xlii, col. 729; etc. La Sainte 
Vierge n'est donc pas personnellement visée par la pro- 
phétie, comme le texte de la Vulgate le donne à croire; 
mais il est question d'elle par voie de conséquence 
directe. La bulle Ineffabilis, après avoir rappelé la pre- 
mière partie de la sentence : « J'établirai des inimitiés 
entre toi et la femme, entre ta race et sa race, » indique 
en ces termes la part qui revient à la Sainte Vierge 
dans l'accomplissement de l'oracle : « La très sainte 
Vierge, unie au Christ par un très étroit et indissoluble 
lien, avec Lui et par Lui, a exercé contre le serpent 
d'éternelles inimitiés, et, en triomphant de celui-ci de 
la manière la plus complète, lui a écrasé la tête de son 
pied immaculé. » Lect. vi ad Noct. xiv decemb. — 
2» L'Almah et l'Emmanuel. Is., vu, 10-17. Voir 'Almah, 
t. i, col. 390-397; Lagrange, La Vierge et Emmanuel, 
dans la Revue biblique, Paris, 1892, p. 481-497; 
A. Lémann, La Vierge et l'Emmanuel, Paris, 1904. — 
3° Le texte de Jérémie, XXXI, 22. Il est traduit dans la 
Vulgate : « Le Seigneur a créé une chose nouvelle sur 
la terre : une femme entourera un homme. » Saint Jé- 
rôme, In Jerem., t. xxiv, col. 880, seul parmi les Pères 
latins, entend ce texte de la Vierge qui doit enfanter le 
Messie. Les Septante traduisent tout autrement : « Le 
Seigneur a créé le salut en plantation nouvelle, les 
hommes entoureront dans le salut. » Aquila traduit : 
« Le Seigneur a créé quelque chose de nouveau dans 
la femme. » Saint Athanase, t. xxv, col. 205; t. xxvi, 
col. 1276, combinant les deux textes, dit que la nouvelle 
plantation est Jésus, et que ce qui a été créé de nouveau 
dans la femme, c'est le corps du Seigneur enfanté par 
la Vierge Marie sans la coopération de l'homme. Quant 
au texte hébreu, il semble avoir souffert en cet endroit, 
ce qui explique la diversité des traductions. Le sens pa- 
rait être celui-ci : « Dieu crée sur la terre une chose 
nouvelle : la femme retourne vers l'homme. » Il s'agit, 
dans ce chapitre de Jérémie, du retour en grâce de la 
nation israélite, répudiée par le Seigneur. Quand un 
homme avait répudié sa femme, il ne pouvait plus la 
reprendre. Deut, xxiv, 1-4; Jer., m, 1. Or le Seigneur 
va faire une chose nouvelle, que la Loi n'a jamais per- 
mis de faire : il va permettre à la femme répudiée de 
revenir à son mari, c'est-à-dire il va permettre à la na- 
tion coupable de retrouver l' amiti é de son Dieu. A s'en 



tenir à ce sens du texte hébreu, il n'y aurait donc pas là 
de prophétie concernant la Sainte Vierge. Cf. Conda- 
min, Le texte de Jérémie, xxxi, 22, est-il messianique? 
dans la Revue biblique, 1897, p. 396-404. — 4» On peut 
encore considérer comme concernant indirectement la 
Sainte Vierge les prophéties qui se rapportent au Fils 
de Dieu fait homme par l'incarnation. Voir Jésus-Christ, 
t. m, col. 1432-1434. 

II. Avant la naissance du Sauveur. — /. origine 
et parsni's SE marie. — La Sainte Vierge était de la 
tribu de Juda et de la descendance de David. Saint Luc, 
ii, 4, dit avec insistance que saint Joseph se rendit à 
Bethléhem parce qu'il était « de la maison et de la 
famille de David ». Mais, dans le chapitre précédent, 
32, 69, les mentions qui sont faites de la maison de 
David se rapportent à Marie, en tant que mère du Sau- 
veur. Saint Paul parle du Fils de Dieu « né de la race 
de David selon la chair ». Rom., i, 3. C'est seulement 
de la Sainte Vierge que le Fils de Dieu est né selon la 
chair; c'est donc par elle qu'il appartient à la descen- 
dance de David. Cf. Tertuilien, De carn. Christi, 22, 
t. il, col. 789; S. Augustin, De consens. Evangelist., n, 
2, 4, t. xxxiv, col. 1072. — 2° Les parents de la Sainte 
Vierge ne sont connus que par la tradition. Voir Anne, 
t. I, col. 629; HÉLI, t. m, col. 570; Généalogie de Jésus- 
Christ, t. m, col. 169. Saint Jean Damascène, Hom. l, 
de Nativ. R. V., 2, t. xcvi, col. 664, appelle les parents 
de la Sainte Vierge Joachim et Anne, et il ajoute que, 
dans un âge avancé, ils durent à de ferventes prières la 
naissance de leur tille. Saint Grégoire de Nysse, t. xlvii, 
col. 1137, reproduit le même renseignement en l'attri- 
buant à une histoire « apocryphe ». La source ainsi 
indiquée est l'apocryphe appelé « Protévangile de 
Jacques », qui commence par le récit de l'annonciation 
de la naissance de Marie faite à Anne et à Joachim, et 
dont la composition remonte à la fin du il" siècle. Voir 
Évangiles apocryphes, t. n, col. 2115, et le De nativi- 
tate sanctee Marise, à la suite des œuvres de S. Jérôme, 
t. xxx, col. 298-305. Cette tradition est acceptée par 
saint Germain de Constantinople, Or. de présentât., 2, 
t. xcvm, col. 313; le pseudo-Épiphane, De laud. Dei- 
par., t. xliii, col. 488; l'auteur d'un sermon De Nativ. 
R. V. M., dans les œuvres de S. Hilaire, t. xcvi, 
col. 278j S. Fulbert de Chartres, In Nativ. Deipar., 
t. Cxli, col. 324, etc. — 3° L'auteur de l'Évangile apo- 
cryphe fait habiter Joachim et Anne à Nazareth. Cf. Acla 
sanctorum, 26 juillet, t. vi, 1729, p. 233-239; 3 mars, 
t. m,1668, p. 78-79. Ils habitaient plus probablement à 
Jérusalem une maison que saint Sophrone de Jérusalem, 
en 636, Anacreontic, xx, 81-94, t. lxxxvii, col. 2822, 
appelle « la sainte Probatique où l'illustre Anne enfanta 
Marie ». Un siècle plus tard, saint Jean Damascène, 
Hom. in Nativ. R. M. V., t. xcvi, col. 667, dit égale- 
ment que la mère de Dieu est née dans la sainte Proba- 
tique, Des témoignages d'auteurs postérieurs repro- 
duisent la même indication. Voir Bethsaïde (Piscine de), 
t. i. col. 1730-1731, et le plan, col. 1725. L'emplacement 
de la maison des parents de Marie serait occupé par 
l'église de Sainte-Anne, qui n'est qu'à une trentaine de 
mètres de l'ancienne piscine, d'où le nom de « sainte 
Probatique » que les anciens ont donné à cette église. 
Le 18 mars 1889, on a retrouvé la crypte qui avait jadis 
renfermé le tombeau de sainte Anne (fig. 218). Il est pro- 
bable qu'à la place de cette crypte, il y avait primitive- 
ment un jardin dans lequel Anne et Joachim auraient 
été inhumés, selon la coutume ancienne. I Reg., xxv, 1; 
xxvin, 3; III Reg., n, 34; IV Reg., xxi, 18. D'ailleurs 
cet emplacement se trouvait alors en dehors de la ville, 
à environ cent vingt mètres de î'enceinte du Temple. 
On croit que la crypte contiguë à celle des tombeaux 
occupe la place de Urchambre dans laquelle serait née 
la Sainte Vierge. C'est pour cette raison que l'église 
anciennement bâtie à cet endroit s'appela d'abord Sainte- 



781 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



782 



Marie de la Nativité. Cf.Guérin, Jérusalem, Paris, 1889, 
p. 284, 351-357, 430; A. Socin-Benzinger, Palâstina 
und Syrien, Leipzig, 1891, p. 80; L. Cré, Tombeau de 
saint Joachim et de sainte Anne, dans la Revue biblique, 
1893, p. 245-274; H. Vincent, La crypte de Sainte-Anne 
à Jérusalem, dans la Revue biblique, 1904, p. 228-241. 
Il est vrai que quand, dans la vallée du Cédron, l'on 
descend l'escalier qui mène à l'église de l'Assomption, 
où l'on vénère le tombeau de Marie, on rencontre à 
droite une petite chapelle, avec deux autels qui recou- 
vrent des tombeaux dits de sainte Anne et de saint Joa- 
chim. Mais cette attribution est erronée et ces tombeaux 
appartiennent à des personnages de l'époque des croi- 




218. — Plan de l'église Sainte-Anne à Jérusalem. — A. Antique 
citerne. — G. Chambre située sous l'abside. — N. Crypte de la 
Nativité. — T. Tombeau de sainte Anne. D'après la Revue 
biblique, 1893, p. 273. 

sades. Cf. de Vogué, Les églises de la Terre-Sainte, 
Paris, 1850, p. 310. 

ri. l'immaculée conception. — 1» Aucun texte de la 
Sainte Écriture n'énonce explicitement ce dogme. Mais, 
étant donnée la définition de l'Église, déclarant que la 
Vierge Marie a été préservée de toute atteinte du pééKfr 
originel, on est en droit de retrouver le dogme à l'état 
implicite dans le texte sacré. — L'inimitié entre la 
femme et le serpent et la victoire promise à la race de 
la femme s'étendent donc jusqu'à la soustraction totale 
de Marie à l'influence de Satan. Gen., m, 15. La bulle 
Ineffabilis note la convenance du triomphe total de la 
mère de Dieu sur l'antique serpent. Cf. Noct. ix dec, 
lect. r; xir dec., lecl. vi. — De même, la plénitude de 
grâce que l'ange Gabriel salue en Marie comprend 
l'innocence parfaite et l'exemption même de la faute ori- 
ginelle. Luc., i, 28. — .Enfin, l'application que l'Église 



fait à Marie, dans un sens dérivé, de ce qui est dit de la 
Sagesse :_« Le Seigneur m'a créée au commencement de 
ses œuvres, avant qu'il se fût mis à faire tout autre 
être, » Prov., vm, 22; cf. Missal., vin dec, Epist., per- 
met de conclure que, fille d'Adam quant à la succession 
du temps, la Vierge Marie lui est antérieure dans le 
plan divin, et dès lors elle reçoit la vie spirituelle dans 
des conditions qui, en vertu des mérites de Jésus-Christ, 
ne dépendent en rien de celles que le péché du premier 
homme a imposées à tous ses autres descendants. 
Rom., v, 12. Cf. S. François de Sales, Traité de Vamour 
de Dieu, n, 4-6, édit. Pages, p. 89-97. — 2» Ce privi- 
lège de la Sainte Vierge commença à être fêté à Con- 
stantinople à la fin du vn e siècle, fut insinué pour la 
première fois en Occident par saint Anselme, De conceptu 
virginal-, xviu, t. clvjii, col. 451, célébré d'abord en 
Angleterre, dès le xi= siècle, puis à Lyon, en 1140, mal- 
gré le blâme de saint Bernard, Epist., 174, t. clxxxii, 
col. 332, défendu énergiquement par l'Université de 
Paris, érigé en fête solennelle par le concile de Londres 
de 1328, proclamé article de foi par le concile de Bâle, 
le 17 septembre 1439, mais à un moment où ce concile 
n'avait plus aucune autorité, célébré dans l'Église uni- 
verselle à partir de Sixte IV, qui introduisit la fête de 
la Conception dans le Bréviaire romain, en 1477, enfin 
défini dogmatiquement par Pie IX, le 8 déc. 1854. Cf. 
H. Kellner, Heortologie oder das Kirchenjahr und die 
Heiligenfeste in ihrer geschichtl. Enlwickelung, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1901, p. 151-155; Le Bachelet, L'Im- 
maculée Conception, Paris, 1903;Lesêtre, L'Immaculée 
Conception et l'Église de Paris, Paris, 1904. 

«7. naissance. — 1° D'après le De nativ. S. Marim, 2, 
6, t. xxx, col. 298, 301, Marie serait née à Nazareth. 
Antonin de Plaisance, Itiner., 5, t. lxxh, col. 901, semble 
le supposer, assez vaguement, du reste. Les bulles des 
papes Paul II (1471), Jules II (1507), Léon X (1519), 
Paul III (1535), Pie IV (1565), Sixte V (1586) et Inno- 
cent XII (1698), sur la Santa Casa de Lorette, disent 
que la Sainte Vierge est née, a été élevée et a été saluée 
par l'ange dans cette maison, par conséquent qu'elle est 
née à Nazareth. Ces papes n'entendent pas assurément 
décider sur un fait historique, et ils ne font sans doute 
qu'adopter l'opinion courante à leur époque. — Une 
autre tradition fait naître Marie à Sepphoris, à cinq 
kilomètres au nord de Nazareth. Là habitèrent en effet 
sainte Anne et saint Joachim. Du moins, une église 
bâtie sous Constantin en cet endroit avait peur but de 
consacrer ce souvenir. Cf. Liévin, Guide de> la Terre- 
Sainte, Jérusalem, 1887, t. m, p. 183. Saint Épiphane, 
Hser. xxx, 4, 11, t. xu, col. 410, 426, parle de ce mo- 
nument. Si les parents de la Sainte Vierge ont vraiment 
possédé une maison à Sepphoris, il est possible et 
naturel que Marie y soit allée; mais rien ne démontra 
qu'elle y soit née. — Le plus probable est donc que la 
naissance de Marie eut lieu à Jérusalem, comme nous 
l'avons vu attesté plus haut par saint Sophrone et saint 
Jean Damascène, et comme permet de le supposer la 
découverte de l'emplacement de la maison de sainte 
Anne et de saint Joachim près du Temple. L'affirmation 
de saint Jean Damascène est d'autant plus significative 
qu'elle n'est pas conforme à celle des apocryphes, dont 
pourtant ce Père a fait usage pour parler de la Sainte 
Vierge. — 2» La naissance de Marie n'a guère été célébrée à 
Rome que vers la fin du VII e siècle. Peut-être en faisait-on 
mémoire auparavant dans d'autres églises. Deux sermons 
de saint André de Crète, t. xcvii, col. 806, se rapportent 
à cet événement et supposent la fête. Cf. Kellner, Heor- 
tologie, p. 146. Le synode de Salzbourg, can. 10, en 799, 
prescrit quatre fêtes en l'honneur de la Mère de Dieu : 
la Purification le 2 février, l'Annonciation le 25 mars, 
l'Assomption le 15 août et la Nativité le 8 septembre. 

IV. LA PRÉSENTATION ET L'ENFANCE DE MARIE. — 1° Le 

Protevangelium Jacobi, vu-vin, et le De nalivitate 



783 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



784 



Marije, vil-vm (Evangelia apocrypka, 2« édit., Tischen- 
dorf, Leipzig, 1876, p. 1W7, 117-179), racontent qu'en 
accomplissement du vœu fait par ses parents, Marie fut 
conduite au Temple à l'âge de trois ans, qu'elle en 
monta seule les degrés, y fit son vœu de virginité et y 
demeura pour être élevée avec les autres vierges. Là 
elle jouit des visites quotidiennes des anges et de visions 
divines. Quand elle eut atteint sa quatorzième année, 
le grand-prêtre voulut la renvoyer dans sa famille pour 
qu'elle se mariât. Mais elle objecta son vœu. Le grand- 
prêtre embarrassé consulta le Seigneur, puis fit venir 
les jeunes gens de la famille de David et promit Marie 
pour épouse à celui dont la verge fleurirait et sur la- 
quelle le Saint-Esprit se reposerait en forme de colombe. 
Joseph fut l'heureux privilégié. Cette légende est adoptée 
par saint Grégoire de Nysse et saint Germain de Constan- 
tinople, dans leurs sermons cités plus haut. Le Coran, 
xix, 16, parle aussi de Marie née de parents très âgés, 
s'éloignant ensuite de sa famille du côté de l'Orient et 
prenant en secret un voile pour se couvrir. L'auteur du 
Christus patiens, faussement attribué à saint Grégoire 
de Nazianze, t. xxxvm, col. 244, écrit également d'après 
la même légende. — 2° En fait, les enfants mâles pre- 
miers-nés avaient seuls à être présentés au Temple, 
parce qu'ils appartenaient de droit au Seigneur. Exod., 
Xiil, 2, 12. Pourtant, il n'est nullement étonnant que les 
parents de Marie, surtout s'ils habitaient à Jérusalem 
près du Temple, aient eu la pieuse pensée d'y présenter 
leur enfant, pour remercier le Seigneur de la leur avoir 
donnée à la suite de longues prières, s'il faut en croire 
les apocryphes. Cette démarche se conçoit encore mieux 
de la part de Marie. Les paroles qu'elle adressera bientôt 
à l'ange :« Comment cela se fera-t-il, puisque je ne 
connais point d'homme? » Luc, i, 34, indiquent qu'elle 
avait consacré à„ Dieu sa virginité par un vœu exprès. 
Cf. S. Augustin, De sancta virginit., I, 4, t. XL, col. 398. 
Il est possible qu'elle ait fait ce vœu à un âge très 
Rendre, surtout si le développement de son intelligence 
et de sa conscience a, par la grâce de Dieu, devancé 
les lois de la nature, ainsi que plusieurs Pères l'admettent 
pour saint Jean-Baptiste, d'après Luc, I, 41. Cf. Tertul- 
lien, De carne Christi, 21, t. u, col. 788; S. Ambroise, 
De fide, iv, 9, 113, t. xvr, col. 639; S. Cyrille de Jérus., 
Catech., m, 6, t. xxxm, cot. 436, etc. Cependant on ne 
peut rien affirmer de précis à ce sujet, et l'argument 
en vertu duquel Notre-Seigneur n'a dû refuser à sa 
mère aucun des dons naturels ou surnaturels qui 
dépendaient de sa munificence filiale, est un argument 
a priori, dont l'application doit être réglée par l'ensei- 
gnement ou la pratique de l'Église. Or, dans sa liturgie, 
l'Eglise admet le fait de la présentation de la Sainte 
Vierge au Temple, mais elle se tait et sur l'âge de Marie 
quand elle accomplit cet acte et fit son vœu, et sur 
les dons naturels et extranaturels dont elle fut gra- 
tifiée. — 3° L'éducation de Marié dans le Temple, 
affirmée par les apocryphes, est assez problématique. 
Nulle part la littérature juive ne mentionne la coutume 
d'élever des jeunes filles dans le Temple. Voir Éduca- 
tion, t. u, col. 1595. Josèphe, Bell, jud., V, v, 5, 
décrit par le détail les locaux dont se composait 
l'édifice sacré; aucun n'est indiqué comme destiné à 
recevoir des jeunes filles. Cf. Reland, Antiguitates 
sacrée, Utrecht, 1741, p. 52-54; Schûrer, Geschichte 
des jûdischen Volkes im Zeit J. C, Leipzig, t. u, 1898, 
p. 262-279, 325. Sans doute, le jeune Joas fut élevé 
dans l'ancien Temple jusqu'à l'âge de sept ans. IV Reg., 
XI, 3. Mais il était roi et ce séjour lui était imposé par 
les circonstances. Quant aux jeunes filles « enfer- 
mées », que l'attentat sacrilège d'Héliodore faisait courir 
de tous côtés, II Mach., m, 19, rien ne fait supposer 
qu'elles habitassent le Temple. Autour du parvis des 
prêtres, il est vrai, il existait des salles qui avaient une 
double entrée, l'une par l'intérieur de ce parvis, et 



l'autre par la grande cour des gentils. Les femmes 
pouvaient ainsi accéder au moins dans la partie de ces 
salles qui se trouvait en dehors de l'enceinte sacer- 
dotale. C'est apparemment dans' l'une de ces salles que 
plus tard Marie et Joseph trouvèrent l'enfant Jésus au 
milieu des docteurs. Luc, n, 46. Y avait-il des chambres 
au-dessus de ces salles, ou d'autres locaux en dehors 
des cours du Temple, pour y recevoir des jeunes filles, 
et les élever ? Rien n'autorise à l'affirmer. Dans sa 
description de la vie de la Sainte Vierge avant l'annon- 
ciation, saint Ambroise, De virgin., II, n, 9, 10, t. xvi, 
col. 209, 210, suppose expressément que Marie vivait 
dans la maison de ses parents. La maison de sainte 
Anne était séparée du Temple par une route et par le 
Birket Israël, piscine qui avait quarante mètres de 
largeur. Voir t. m, col. 1348, et le plan, col. 1326. Rien, 
n'était donc plus facile à la jeune enfant que d'être 
conduite et ensuite de se rendre elle-même dans la 
maison du Seigneur pour y prier. Ainsi faisait, à cette 
époque même, Anne la prophétesse, qui « ne s'éloignait 
pas du Temple et servait Dieu jour et nuit dans les 
jeûnes et les supplications », Luc, n, 37, sans qu'on 
soit en droit d'en conclure qu'elle habitait dans le 
Temple même. Cf. Corn. Jansénius, Tetrateuchus in 
sanct. J. C. Evang., Louvain, 1699, p. 484; Knaben- 
bauer, Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 138. Une basi- 
lique fut bâtie par Justinien sur l'esplanade de l'ancien 
Temple en l'honneur de la Sainte Vierge. Elle prit le 
nom de Sainte-Marie la Neuve, pour qu'on ne la con- 
fondît pas avec l'église de la Nativité. Par la suite, on 
l'appela l'église de la Présentation, quand on voulut 
localiser en cet endroit le séjour de Marie dans le 
Temple. C'est maintenant la mosquée el-Aksa. Cf. V. 
Guérin, Jérusalem, p. 362; Liévin, Guide de la Terre 
Sainte, t. i, p. 447. — 4» La présentation de la Sainte 
Vierge est mentionnée officiellement pour la première 
fois comme objet de fête dans une constitution de 
Manuel Comnène, en 1166. D'Orient, la fête s'intro- 
duisit à la cour papale d'Avignon, en 1371. Sixte IV en 
institua l'office, un siècle plus tard, et Sixte V en 
étendit la célébration à toute l'Église, en 1585. Cf. Kell- 
ner, Heortologie, p. 155, 156. La liturgie ecclésiastique 
de cette fête ne garantit officiellement que le fait 
même de la présentation de Marie, en négligeant tous 
les détails consignés dans les apocryphes. Voir Gosselin, 
Instructions sur les principales fêles de l'année, 
3 in-12, Paris, 1880, t. ni, p. 360-385. 

v. les fiançailles. — 1° Les jeunes filles juives se 
mariaient très jeunes. Elles étaient nubiles dès l'âge 
de douze ans et demi. Suivant les circonstances, on 
attendait plus ou moins pour les marier. Les fiançailles 
précédaient et se célébraient suivant un certain céré- 
monial. A partir de ce moment, la fiancée appartenait 
légalement à son fiancé, bien que la cohabitation ne 
commençât qu'au mariage, ordinairement postérieur 
d'un an aux fiançailles. Voir Fiançailles, t. H, 
col. 2230-2232. Marie fut fiancée à Joseph, qui était 
son parent. Voir Joseph (Saint), t. m, col. 1670. Il est 
possible que la Sainte Vierge, dont on connaît une 
sœur, mais à laquelle aucun frère n'est attribué, ait été 
une héritière, comme le donne à penser son voyage à 
Bethléhem à l'époque du recensement, et qu'en consé- 
quence elle ait été obligée de se marier avec un homme 
de sa tribu. Num., xxxvi, 6. Mais la loi ne l'obligeait 
pas à épouser un parent et même elle excluait formel- 
lement certains degrés de parenté. Voir Mariage, col. 760. 
Cette union fut donc le résultat d'un choix probablement 
fait, suivant la coutume, par les parents de saint 
Joseph. — 2° On peut se demander comment se con- 
cilient en Marie le vœu de virginité et le consentement 
aux fiançailles. Sans-doute, la Sainte Vierge comptait 
bien que Dieu, qui lui avait inspiré son vœu, intervien- 
drait providentiellement pour en assurer l'exécution» 



785 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



786 



D'autre part, elle ne pouvait se refuser aux fiançailles 
sans se singulariser grandement, dans un pays où toute 
jeune fille aspirait au mariage comme à l'accomplis- 
sement d'un devoir. Il est donc à présumer que Marie 
avait agréé personnellement le choix qui avait été fait 
de son fiancé, et que d'autre part elle le connaissait 
assez pour avoir l'assurance que, prévenu ou non, il res- 
pecterait la promesse qu'elle avait faite à Dieu. Tout s'ac- 
complit comme elle l'avait souhaité. Voir t. H, col. 2231. 

ri. l'annonciation. — 1° Quand Marie, fiancée à 
Joseph, reçut la visite de l'ange, elle ne partageait pas 
encore la demeure de son futur époux, ce qui n'avait 
lieu qu'après la célébration publique du mariage. 
L'Évangile dit qu'elle résidait alors à Nazareth. Luc, i, 
26. Elle avait donc quitté Jérusalem, soit que ses parents 
fussent morts, soit qu'elle voulût se rapprocher de son 
fiancé. Le voyage de Marie à Bethléhem, à l'époque du 
recensement, permet de supposer qu'elle était alors 
devenue héritière et par conséquent orpheline. Cepen- 
dant cette conclusion n'est pas rigoureuse, parce que 
d'autres motifs, et même le simple désir de ne pas 
quitter son époux si tôt après la célébration du mariage, 
pouvaient déterminer Marie à se mettre en route. 
L'ange qui vint trouver la Sainte Vierge à Nazareth 
était Gabriel. Voir Gabriel, t. m, col. 22. Quand il eut 
rempli son message, Marie se soumit à la volonté divine 
et le mystère de l'Incarnation s'accomplit. Voir Annon- 
ciation, t. I, col. 649-654. — A raison de son caractère 
évangélique, le souvenir de l'annonciation a été célébré 
de bonne heure dans l'Église, quoique à des dates diffé- 
rentes. Dès le milieu du v e siècle, saint Proclus, à Con- 
stantinople, Orat., i, t. lxv, col. 679, et saint Pierre 
Chrysologue, à Ravenne, Serm., cxl, clxii, t. lu, 
col. 575, 579, font mention d'une fête de dévotion ayant 
pour objet ce mystère. 

vu. la Visitation. — 1° L'ange avait averti Marie 
que sa parente Elisabeth, bien qu'avancée en âge et ré- 
putée stérile, avait été favorisée d'une bénédiction ines- 
pérée et en était à son sixième mois. Luc, I, 36. Voir 
Elisabeth, t. h, col. 1689. « En ces jours-là, » c'est-à- 
dire dans les jours de son annonciation, peu de temps 
après la visite de l'ange, Marie partit avec empresse- 
ment pour aller visiter sa cousine, « sans incrédulité 
sur l'oracle de l'ange, sans hésitation à croire la nou- 
velle, sans aucun doute sur la réalité de l'exemple, mais 
joyeuse de sa résolution, ne songeant qu'à remplir un 
pieux devoir et empressée à faire plaisir. » S. Ambroise, 
Expos. Evang. sec. Lue., n, 19, t. xv, col. 1560. Elle 
partit donc; mais l'Évangéliste ne dit pas dans quelles 
conditions. Elle ne pouvait guère se dispenser de faire 
part à son fiancé de son projet de voyage et au moins 
de quelques-unes des raisons qui lui inspiraient sa ré- 
solution. Joseph ]'accompagna-t-il? On ne saurait le dire. 
Le voyage de ce dernier était naturel si l'on se trouvait 
alors à l'époque de la Pàque ou de quelque grande fête 
juive. Mais l'Évangéliste garde le silence à ce sujet et 
l'on en est réduit aux conjectures. Toutefois l'on ne 
peut supposer l'absence de saint Joseph en se basant 
sur ce seul fait qu'il continua à ignorer ce que Dieu 
avait accompli en Marie. Les paroles d'Elisabeth, Luc, 
I, 43, ont pu n'être pas entendues par lui ou n'être pas 
assez claires pour le renseigner sur ce qui s'était paisse 
en sa fiancée. Cf. Goleridge, La vie de votre vie, Jrad. 
Petit, Paris, 1888, t. il, p. 162. En tous cas, Dieu qui 
avait fait connaître à sainte Elisabeth la mystérieuse 
maternité de Marie se réservait de la révéler à son heure 
à saint Joseph. 

2° Quand elle fut arrivée à la ville où demeurait Za- 
charie, voir Jeta, t. m, col. 1518, Marie entra dans la 
maison de ce dernier et salua Elisabeth. L'enfant que 
celle-ci avait dans son sein tressaillit de joie à la voix 
de la Sainte Vierge, qui portait en elle le Verbe incarné. 
En même temps, Elisabeth fut remplie de l'Esprit- Saint. 



Par sa présence, le Fils de Dieu sanctifiait ainsi en même 
temps l'enfant qui devait être son précurseur et la mère 
de cet enfant. Cf. S. Augustin, Epist., clxxxvii, ad Dar- 
dan., VU, 23, 24, t. xxxiii, col. 840. « L'enfant tressaillit, 
la mère tut remplie; mais elle ne le fut pas avant son 
fils : quand le fils eut été rempli de PEsprit-Saint, il en 
remplit sa mère. d S. Ambroise, Expos. Evang. sec. Luc, 
n, 23, t. xv, col. 1561. Sous l'inspiration de ce divin Es- 
prit, Elisabeth s'adressa à haute voix à Marie et lui dit : 
« Tu es bienheureuse entre les femmes et béni est le 
fruit de ton sein. Et d'où me vient que la mère de mon 
Seigneur me visite ? Car dès que la voix de ta salutation 
est arrivée à mes oreilles, l'enfant a tressailli de joie 
dans mon sein. Heureuse es-tu d'avoir cru, car ce qui 
t'a été dit par le Seigneur s'accomplira. » Luc, i, 39-45. 
Il est à remarquer qu'Elisabeth reprend une partie des 
paroles de l'ange Gabriel, Luc., i, 28, ce qui indique que 
les deux personnages parlent en vertu de la même ins- 
piration. L'Esprit de Dieu continue ses révélations à 
Marie par l'organe de sa parente, et à celle qui s'est 
déclarée la servante docile du Seigneur il fait donner 
l'assurance que, à cause de sa foi, tout ce que l'ange lui 
a annoncé s'accomplira. Marie prit la parole, non pour 
répondre à Elisabeth, mais pour adresser ses hommages 
et ses actions de grâces à Dieu, l'auteur de tant de 
merveilles accomplies en elle et en sa parente. Luc, i, 
39-46. 

3° La Sainte Vierge resta environ trois mois dans la 
demeure d'Elisabeth. Luc, i, 56. Pourquoi cette men- 
tion du temps que dura le séjour de Marie, sinon pour 
insinuer discrètement qu'elle assista à la naissance du 
Précurseur? Cf. S. Ambroise, Expos. Evang. sec. Luc.,_ 
n, 29, 30, t. xv, col. 1562, 1563. Il ne sera plus question 
d'elle dans le récit de cette naissance; mais il est dans 
les habitudes de saint Luc d'épuiser tout ce qui concerne 
un fait ou un personnage, avant de passer à un autre. 
Cf. Lesêtre, La méthode historique de S. Luc, dans la 
Revue biblique, 1892, p. 179-182. Un certain nombre d'au- 
teurs pensent cependant que Marie n'assista pas à la nais- 
sance de saint Jean-Baptiste. 

4° La Visitation de la Sainte Vierge, à raison même de 
la place qu'elle occupe dans le récit évangélique, n& 
pouvait manquer d'être célébrée par une fête. Celle-ci 
n'apparaît cependant qu'au xin« siècle, sous l'influence 
franciscaine. Pendant le grand schisme, elle fut instituée 
officiellement, en 1389, par Urbain VI et Boniface IX, 
et en 1441, le concile de Bàle, dans sa xliii" session, 
statua qu'elle serait célébrée le 2 juillet. Cette date 
rattache la fête à celle de saint Jean-Baptiste, dont elle 
suit immédiatement l'octave. Cf. Kellner, Heortologie, 
p. 156. 

VIII. LE MAGNIFICAT. — 1» Après qu'Elisabeth eut fé- 
licité sa parente, sîjtsv Mapiâ[i, ait Maria, dit saint Luc, 
i, 46. Trois anciens manuscrits occidentaux, le Vercel- 
lensis, le Veronensis et le Rhedigerianus lisent la va- 
riante : ait Elisabeth. Le manuscrit Vatic. du De psal- 
modiée bono de Nicétas, t. lxviii, col. 373, présente aussi, 
dans une énumération des cantiques liturgiques, la men- 
tion suivante : cum Helisabeth Bominum anima nostra 
magnificat. Cf. G. Morin, dans la Revue biblique, 1897, 
p. 286, 287. Mais le nombre infime des manuscrits por- 
tant cette variante ne saurait contrebalancer un instant 
l'autorité de tous les autres et celle des Pères, qui sont 
unanimes à lire le texte actuel. D'ailleurs, après les 
humbles paroles prononcées par Elisabeth dans la salu- 
tation à Marie, la formule : Et ait Elisabeth : Magni- 
ficat, est aussi anormale que la formule : Et ait Maria 
est naturelle et justifiée par la suite du cantique. On a 
voulu voir à tort une preuve de l'existence de la va- 
riante dans Origène, Hom. ru in Luc., t. xiii, col. 1817. 
Cf. A. Durand, L'origine du Magnificat, dans la Revue 
biblique, 1898, p. 74-77; Lepin, Le Magnificat doit-il 
être attribué à Marie ou à Elisabeth? Lyon, 1902. — 



787 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



788 



2° Le Magnificat est l'œuvre d'une âme très familiarisée 
avec les textes sacrés. Les expressions et souvent les 
pensées en sont empruntées aux écrits de l'Ancien Tes- 
tament, particulièrement au cantique d'Anne, mère de 
Samuel. I Reg., ïi, 1-10. Dans son cantique, Marie com- 
mence par faire éclater sa joie à la pensée du Dieu 
Sauveur qui a abaissé un regard de bonté sur la bas- 
sesse, TomsiviiXTic, de sa servante, c'est-à-dire de son 
esclave, SovXt\, ancilla. Bien que convaincue de sa bas- 
sesse et ne s'estimant qu'une esclave aux yeux de Dieu,' 
elle prophétise que toutes les nations la proclameront 
bienheureuse, comme vient de le faire Elisabeth, Luc, i, 
42, 45, comme le fera la femme de l'Évangile, Luc, xi, 
27, comme le feront jusqu'à la fin des temps les chré- 
tiens qui réciteront Y Ave Maria. 

ix. l'hésitation de saint joséph. — 1» A son re- 
tour à Nazareth, ou peu de temps après, Marie fut 
trouvée, E'SpéOï), avec les signes extérieurs de ce que le 
Saint-Esprit avait opéré en elle. On comprend que Jo- 
seph, qu'il ait accompagné Marie chez sa parente ou 
non, se soit au retour montré plein de sollicitude à 
son égard. Il constata donc ce qui se passait en elle, 
mais il ne connaissait pas le secret que Dieu n'avait 
encore révélé qu'à Marie et à Elisabeth. L'épreuve fut 
dure pour lui, et aussi pour sa sainte fiancée, à laquelle 
il ne put sans doute dérober longtemps les indices de 
son inquiétude. Celle-ci garda néanmoins le silence, 
comptant avec raison que Dieu, qui avait pris soin 
d'informer Elisabeth, avertirait aussi Joseph. Dieu mit 
fin à l'épreuve de Joseph par le moyen sur lequel comp- 
tait Marie. Un ange lui apparut pendant son sommeil et 
lui révéla le mystère. C'était justice. Joseph avait droit, 
autant du moins qu'une créature peut avoir un droit vis- 
à-vis de Dieu, d'être informé de ce qui avait été fait à 
une fiancée qui lui appartenait légitimement. L'ange lui 
dit donc que ce qui était engendré en Marie, àv aûrij 
Yevv»)9év, venait du Saint-Esprit, et qu'en conséquence il 
n'hésitât pas à la prendre pour sa femme. Matth., I, 18- 
20. 

x. le mariage. — 1» Tous Ces événements s'étaient 
passés avant que Marie et Joseph habitassent ensemble, 
wp\v 5] (njveXôeïv aùioûç, antequam convertirent, Matth., i, 
18, comme c'était la règle entre fiancés. Sur l'ordre de 
l'ange, Joseph, à son réveil, prit pour sa femme, tt|V 
-yuvatxa aÛToï, celle qui n'était précédemment que sa 
fiancée, [ivi)<TTeu8efoT<i. Les paroles de l'évangéliste, «à 
son réveil, » exsurgens a sonino, « Joseph la prit pour 
sa femme, » indiquent que le doute de Joseph ne fut 
levé qu'à peu de jours de l'époque à laquelle devait se 
célébrer le mariage, et conséquemment l'introduction 
solennelle et définitive de Marie dans la maison de son 
époux. Matth., i, 24. Voir Mariage, col. 773. — 2" Ces 
faits de la vie de la Très Sainte Vierge ne peuvent être 
datés sûrement. Chez les Juifs, les jeunes filles étaient 
considérées comme nubiles dès l'âge de douze ans. On 
ne sait pas quel âge avait Marie quand elle se fiança. 
En tous cas, l'usage du mariage au cours des fiançailles 
ne présentait absolument rien d'anormal, si bien que 
personne, sauf Joseph, n'eut à s'étonner de l'état de 
Marie entre ses fiançailles et son mariage. Rien n'in- 
dique non plus le temps qui s'écoula entre les fiançailles 
de Marie, et la visite de l'ange. Entre cette visite et le 
mariage, il faut compter au moins trois mois, temps 
du séjour de Marie chez Elisabeth. Luc., i, 56. Mais on 
ne sait pas davantage combien de jours séparèrent le re- 
tour de Marie d'avec la célébration de son mariage, ni 
cette célébration d'avec la naissance du Sauveur. On 
laissait d'ordinaire un an s'écouler entre les fiançailles 
et le mariage; mais ce délai était abrégé, quelquefois 
jusqu'à un mois, à la volonté des fiancés. Cf. Iken, Ant. 
hébr., p. 497. Il s'écoula naturellement plus de trois 
mois entre les fiançailles de Marie et de Joseph et leur 
mariage; on ne peut pas savoir si le délai fut porté jus- 



qu'à un an. Enfin, étant données les coutumes orien- 
tales, la Sainte Vierge a parfaitement pu n'avoir que 
treize ans quand elle a mis au monde Notre-Seigneur. 
Avait-elle davantage? Dépassait-elle cet âge de plusieurs 
années? Aucun document ne permet de le dire. 

III. Pendant l'enfance du Sauveur. — /. la nais- 
sance A BETHLÉHEM. — 1° En vertu d'un édit de l'em- 
pereur Auguste, un recensement fut fait dans les pro- 
vinces de l'empire. La Judée, soumise alors à l'autorité 
romaine, malgré la royauté d'Hérode, dut subir cette 
opération administrative. Voir Cyrinus, t. n, col. 1189. 
Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 104- 
114. Le recensement se fit suivant la méthode juive. Les 
titres généalogiques des familles Israélites étaient soi- 
gneusement conservés. I Esd., n, 59, 62. Josèphe, 
Vit., 1, témoigne qu'il a établi sa propre généalogie 
d'après les tablettes publiques; il dit ailleurs, Cont. 
Apion., i, 7, que les familles sacerdotales tenaient avec 
le plus grand soin leurs tables généalogiques. Il en était 
certainement de même chez les principales familles du 
pays, et en premier lieu dans la famille de David, héri- 
tière de si grandes promesses. Les tables généalogiques 
se conservaient dans des conditions qui garantissaient 
leur authenticité, et naturellement dans le lieu d'origine 
delà famille. La famille de David, à laquelle apparte- 
naient Marie et Joseph, était originaire deBethléhem; 
c'est donc à Bethléhem qu'ils se rendirent pour le 
recensement, l'empereur Auguste ayant formellement 
autorisé les peuples relevant de l'autorité romaine à pro- 
céder dans les actes publics suivant leurs coutumes natio- 
nales. Ci. Dion Cassius, Liv, 9. Marie accompagna Joseph, 
soit pour obéir à un désir personnel ou à une inspira- 
tion divine, soit parce qu'elle était héritière ou qu'il 
s'agissait de fixer l'impôt personnel qui frappait les 
femmes depuis l'âge de douze ans. Digest., L, xv, 3, 
Mommsen, 1872, p. 356 (du III e siècle). Cf. Vigouroux, 
Le Nouveau Testament et les découv. qrchéol. mod., 
Paris, 2 8 édit 1896, p. 109; Schûrer, Geschichte des jù- 
dischen Volkes im Zeit J. C, Leipzig, t. i, 1901, p. 513. 

2° Un grand concours de Juifs avait afflué à Bethléhem 
à l'occasion du recensement. Aussi les nouveaux arri- 
vants ne trouvèrent pas de place dans le khan de la 
ville, voir Bethléhem, t. i, col. 1691, et Caravansérail, 
t. H, col. 253, 254, et furent obligés de se réfugier dans 
une grotte servant d'étable aux animaux. Voir Crèche, 
t. Il, col. 1107-1109; cf. S. Justin. Dial. cum Tryph,, 
78, t. vi, col. 657; Origène, Cont. Gels., I, 51, t. xi, 
col. 756; Eusèbe, VU. Constant., m, 43, t. xx, col. 1101; 
S. Jérôme, Epist. xlvi, 10; cvm, 10, t. xxn, col. 490 r 
884. C'est là que Marie enfanta le Sauveur pendant la 
nuit. Luc, ïi, 1-7. Des mots : « pendant qu'ils étaient là, 
le temps où Marie devait enfanter arriva, » on conclut 
que Marie et Joseph se trouvaient peut-être à Bethléhem 
quelques jours déjà avant la naissance de l'enfant Jésus. 
11 semble que ce dut être pour Marie une très dure 
épreuve que d'avoir à quitter subitement sa maison de 
Nazareth, dans laquelle elle avait tout préparé pour 
accueillir dignement l'Enfant à sa naissance, et ensuite 
de n'avoir à lui offrir qu'une étable et la paille d'une 
crèche. Mais sa foi en la conduite de la Providence était 
si vive que, dans tous ces événements, elle ne vit certai- 
nement que l'expression de la volonté divine, à laquelle 
elle se soumit avec autant de joie que de docilité. Les 
évangélistes, inspirés par elle, ne témoignent ici que de 
son attention à méditer ce qui arrivait. 

3° Saint Luc, n, 7, 16, dit que, quand l'Enfant fut né, 
Marie l'enveloppa elle-même de langes et le coucha 
dans la crèche, où les bergers le trouvèrent ensuite, 
au cours de la même nuit. Cette manière de parler per- 
met d'affirmer que l'enfantement ne causa à Marie ni 
douleur ni faiblesse. C'est là ce qu'ont enseigné S. Am- 
broise, In Ps. xlvii, ~iî, t. xiv, col. 1150; S. Grégoire 
de Nysse, Or. i de resurrèct., t. xlvi, col. 604j S. Jean 



789 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



790 



Damascène, Di fid. orthod-, rv, 14, t. xcxiv, col. 1160; 
Fortunat, vm, 7, t. lxxxvhi, col. 282; l'auteur du Chri- 
stus patiens, 63, 64, 70, jt. xxxvm, col. 142; l'auteur du 
Serm,. 194 inséré dans S. Augustin, t. xxxix, col. 2105; 
S. Thomas, Summ. theol., III a , q. xxxv, a. 6; Bossuet, 
Élév. sur les myst., XVI, 6, etc. Il ne convenait pas en 
effet, semble-t-il, que Marie fût soumise à la sentence 
portée contre Eve désobéissante et contre les autres 
femmes : « Tu enfanteras avec douleur. » Gen., m, 16. 

4° Marie vit donc les bergers adorer l'enfant Jésus et 
dut apprendre d'eux ce qu'ils avaient pu contempler et 
entendre en gardant leurs troupeaux. L'Évangéliste ne 
reproduit d'elle aucune parole; il rapporte seulement 
que « Marie conservait toutes ces choses », les faits et 
les paroles, « les méditant dans son cœur. » Luc.,n,19. 

5° Le huitième jour, Marie assista à la circoncision 
du divin Enfant, auquel on donna le nom de Jésus, qui 
lui avait été révélé à elle d'abord, Luc, i, 31, et ensuite 
à Joseph. Matth,, i, 21. Cette cérémonie se faisait ordi- 
nairement à la maison ou à la synagogue. L'Évangile 
mentionne la circoncision de Jésus sans indication de 
lieu. 11 est à croire que la sainte Famille n'était plus 
alors dans la grotte. Dès le matin de la naissance, les ha- 
bitants de Bethléhem, avertis par les bergers des événe- 
ments merveilleux de la nuit, Luc., n, 18, avaient dû 
probablement la recueillir dans une maison de la ville. 

u. la purification. — 1° La loi obligeait Marie à se 
présenter au Temple le quarantième jour après la nais- 
sance de l'Enfant, pour se purifier elle-même, Lev., xn, 
2-8, et pour consacrer au Seigneur son premier-né. 
Exod., xm, 2; Num., xvm, 15. La loi de purification 
ne Ja concernait nullement; elle se comporta néan- 
moins comme toutes les autres mères, par humilité et 
pour obéir au dessein de la Providence qui voulait que 
rien ne parût alors au dehors de son éminente dignité. 
U fallait d'ailleurs qu'elle s'associât à la consécration 
officielle de Jésus, comme elle devait être associée plus 
tard à son immolation. Il est à noter que Marie et 
Joseph offrirent à la place de Jésus non un agneau, 
comme les riches, mais deux petits oiseaux, comme les 
pauvres. Ils étaient donc sans grandes ressources et 
devaient sans doute ménager, loin de leur séjour habi- 
tuel, le peu dont ils disposaient. Cette pauvreté était 
très conforme aux volontés du Sauveur. II Cor., vin, 9. 

— 2° Dans le Temple, le vieillard Simêon prit l'Enfant 
dans ses bras et bénit Dieu de son apparition. Joseph, 

. qui passait pour le père de Jésus, et Marie étaient dans 
l'admiration en entendant le vieillard annoncer que le 
divin Entant venait pour éclairer les nations et glorifier 
Israël. Chaque révélation successive, celle de l'ange, 
celle d'Elisabeth, celle de Zacharie, celle de Siméon, 
apportait à Marie de nouvelles lumières sur sa destinée 
et celle de son Fils. Siméon s'adressa ensuite person- 
nellement à Marie pour lui annoncer des événements 
qui ne devaient se produire qu'après la mort de Joseph 
et auxquels elle aurait à prendre une très large et très 
douloureuse part : « Celui-ci est établi pour la ruine 
pour la résurrection de beaucoup en Israël, et en signe 
auquel on contredira; le glaive transpercera même ton 
âme. » Toutes ces choses arriveront « afin que soient 
révélées les pensées qui sont en beaucoup de cœurs ». 
Luc, u, 22r35. La première douleur était venue .sk 
Marie de son fiancé Joseph, lorsque celui-ci, ignorant 
le mystère, avait hésité à la prendre pour épouse. La 
seconde lui vient maintenant de son Fils, à l'occasion 
duquel un jour le glaive transpercera son âme. Quand? 
comment? pour combien de temps? dans quel but? 
avec quelle utilité? Elle l'ignore et cette incertitude même 
va lui causer désormais une peine de fous les instants. 

— 3° Après la purification, Marie et Joseph retournèrent 
à Nazareth. Luc, u, 39. Il est possible que saint Luc 
parle ainsi en passant complètement sous silence l'ado- 
ration des mages et la fuite en Egypte, déjà racontées 



par saint Matthieu, il, 1-23. Cf. S. Augustin, De cons. 
Evangeli&t., u, 5, t. xxxiv, col. 1078. Toutefois, il semble 
unir si étroitement l'accomplissement des rites de la 
purification et le départ pour Nazareth, qu'une autre 
hypothèse devient fort plausible. A la suite des événe- 
ments merveilleux dont il avait été témoin, Joseph se 
serait persuadé que l'Enfant, né à Bethléhem, devait 
être élevé dans cette ville. Il avait encore cette idée au 
retour d'Egypte. Matth., n, 22. Après la purification, il 
serait donc parti directement pour Nazareth avec Marie 
pour tout disposer en vue d'un changement de séjour, 
puis il serait revenu à Bethléhem. Cf. Cornely, lntrod. 
spec. in N. T. libr., Paris, 1886, t. m, p. 204. 

m. l'adoration des mages et léséjovr en Egypte. 
— 1° Le sainte Famille était établie à Bethléhem, dans 
une maison, quand les mages vinrent adorer l'Enfant. 
Matth., u, 11. Celui-ci avait alors plus de quarante jours, 
car sa présentation n'eût pas été possible après l'arri- 
vée des mages, et moins de deux ans. Matth., n, 16. 
Les mages « trouvèrent l'Enfant avec Marie sa mère », 
paroles qui n'excluent pas la présence de saint Joseph, 
mais qui indiquent que Marie tenait la place principale 
et que les mages virent surtout Jésus entre ses bras. Les 
présents qu'offrirent ces étrangers furent sans doute 
pour la sainte Famille la ressource ménagée par la 
Providence en vue du voyage qui allait s'imposer. Voir 
Mages, col. 551. 

2° Averti par l'ange des desseins homicides d'Hérode, 
Joseph prit l'Enfant et sa mère, et s'enfuit avec eux 
en Egypte. Plus de trois cents kilomètres séparent 
Bethléhem de la région habitable la plus voisine, sur 
les bords du Nil. C'était donc un voyage d'au moins 
une dizaine de jours à entreprendre. On ne sait en 
quel endroit la sainte Famille s'arrêta, ni combien de 
temps elle demeura en Egypte. Voir Jésus-Christ, 
t. m, col. 1443. Elle y rencontra certainement de nom- 
breux compatriotes. Les Juifs habitaient surtout le 
Delta, cf. Josèphe, Bell, jud., II, xvm, 8, et le nombre 
de ceux qui résidaient en Egypte atteignait un million, 
au dire de Philon, In Flaccum, 6, édit. Mangey, t. Il, 
p. 523. Ils avaient même à Léontopolis, dans le nome 
d'Héliopolis, un temple qui subsista de 160 avant J.-C 
à 73 ap. J.-C. Cf. Schûrer, Die Geschichle des jùdis- 
chen Volkes ira Zeit J. C, Leipzig, t. ni, 1898, p. 19- 
25, 99. Marie et Joseph trouvèrent donc en ce pays des 
familles capables de leur assurer aide et protection 
dans une certaine mesure. Sur les traditions et les 
légendes coptes concernant le séjour en Egypte, voir 
Jullien, L'Egypte-, Lille, 1891, p. 241-251; Id., L'arbre 
de la Vierge à Matariéh, 4 e édit., in-4°, Le Caire, 1904. 

3° A la mort d'Hérode, l'ange ordonna à Joseph de 
retourner dans le pays d'Israël. Joseph pensa d'abord 
à s'établir en Judée; mais, quand il apprit qu'Archélaûs 
régnait à la place de son père, il craignit qu'il en eût 
gardé la cruauté, et il remonta à Nazareth, en Galilée, 
qui était sous la domination d'Antipas, prince d'un 
caractère plus humain. Matth., n, 13-23. En toutes 
ces circonstances, Mcrie se laissa guider par saint Joseph 
qui, en sa qualité de chef de la famille, recevait les 
communications divines, prenait les décisions comman- 
dées parles circonstances et pourvoyait à leur exécution. 

IV. La vie a Nazareth. — /. la sainte famille. — 
La vie de Marie à Nazareth fut celle de toutes les femmes 
de son temps et de son pays. Joseph était charpentier; 
il travaillait pour subvenir aux besoins de la mère et de 
l'Enfant. Marie donnait ses soins maternels à Jésus, 
qui grandissait, se fortifiait, se montrait plein de sa- 
gesse et de grâce. Luc, n, 40. Chaque année, Marie 
et Joseph se rendaient à Jérusalem pour la fête de 
Pâque. Les hommes seuls avaient l'obligation de faire 
ce voyage, Exod., xxm, 17, mais les femmes l'entre- 
prenaient par piété, et Marie n'y manquait pas chaque 
année. Luc, n, 41-42. Peut-être l'enfant Jésus était-il 



791 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



792 



alors laissé à Nazareth, à la garde'de parents ou de voi- 
sins, auxquels Marie le confiait quand il y avait lieu de 
le faire. Luc, n, 44. Le silence et l'humilité gardaient 
contre toute indiscrétion le trésor que renfermait la 
maison de Nazareth. Jésus, Marie et Joseph passaient 
pour des personnes ordinaires, ainsi que le montre la 
suite de l'Évangile. Il est même à croire que le divin 
Enfant, pour laisser à sa mère le mérite de sa foi et de 
sa confiance en Dieu, ne lui révéla jamais rien des 
mystères de l'avenir, et que, pendant près de trente 
années, Marie, assurée de posséder auprès d'elle le Fils 
de Dieu, vécut surtout des souvenirs de ce qu'elle avait 
entendu et vu au moment de l'incarnation et de la nais- 
sance du Sauveur. Luc, n, 19. 

//. le voyage A jéhusalem. — 1° A l'âge de douze 
ans, Jésus devint ben-hatfôrâh, « fils de la Loi, » c'est- 
à-dire soumis aux obligations qu'elle imposait à tout 
Israélite. Il accompagna donc dès lors ses parents à 
Jérusalem aux fêtes de la Pâque. La première fois qu'il 
s'y rendit, il resta à dessein dans la ville quand ses 
parents s'en retournèrent après l'achèvement des fêtes. 
Ceux-ci, ne le voyant pas auprès d'eux le premier jour, 
crurent qu'il cheminait avec d'autres personnes de 
la nombreuse caravane des gens de Galilée. Voir t. h, 
col. 249, 250. Le soir venu, ils constatèrent son absence, 
reprirent le lendemain la route de Jérusalem et, le troi- 
sième jour venu, le retrouvèrent dans le Temple. Ce 
fut une grande épreuve pour Marie et comme un avant- 
goût de ce qu'elle aurait à subir plus tard pendant la 
passion et la sépulture du Sauveur. Elle connaissait 
trop bien ce qu'était Jésus pour redouter un accident 
fortuit ; mais elle se demandait pourquoi l'Enfant, ordi- 
nairement si docile, si prévenant et si affectueux, avait 
jugé à propos de se dérober ainsi à l'improviste aux soins 
de ses parents. Ce fut le sentiment douloureux qu'elle 
exprima par sa question : « Mon fils, pourquoi nous 
avoir traités de la sorte ? Voici que ton père et moi nous 
te cherchions tout éplorés. » A la réponse de Jésus : 
«f Pourquoi me cherchiez-vous 1 Ignoriez-vous qu'il me 
faut être aux affaires de mon Père ?» ni Marie ni Joseph 
ne comprirent rien. Luc, n, 41-50. Ce renseignement 
n'a pu venir â l'évangéliste que par Marie elle-même, 
avouant humblement qu'elle ne comprenait pas tout 
dans la conduite du Sauveur. Quelle que fût en effet la 
science surnaturelle mise par l'Esprit-Saint dans l'âme 
de Marie, il n'était pas nécessaire que Marie eût sur-le- 
champ l'intelligence de tous les mystères qui se présen- 
taient et que sa science allât plus loin que ne le récla- 
mait l'accomplissement actuel de sa mission. 

2° Au retour du voyage, 'Jésus « leur était soumis », 
reprenant pour de longues années encore la vie d'hu- 
milité et d'obéissance qu'il n'avait voulu interrompre 
qu'un moment. Ce nouveau fait s'ajouta aux précédents 
pour alimenter les méditations de Marie; « sa mère 
conservait toutes ces choses dans son cœur. » Les deux 
passages dans lesquels saint Luc, n, 19, 51, note que 
Marie conservait dans son cœur tout ce qu'elle voyait et 
entendait, sont comme l'indication de la source princi- 
pale à laquelle l'évangéliste a puisé les récits de l'enfance 
de Jésus. Cf. Richard, Zur Quellenkritik der Kind- 
heitsgeschichte Jesu, dans les Akten des Kongr. kathol. 
Gelehrten, Munich, 1901, p. 169. Quant au divin Enfant, 
elle le voyait grandir en sagesse, en âge et en grâce devant 
Dieu et devant les hommes. Luc, il, 51, 52. La vie de 
Marie se poursuivit tranquillement à Nazareth, sans 
qu'aucun accident ait été relaté par les évangélistes. Le 
seul événement qu'on peut sûrement attribuer â cette 
période fut la mort de saint Joseph, qui disparut quand 
son rôle de protecteur de Jésus fut devenu inutile, et 
que sa survivance eût plutôt constitué un embarras au 
moment où le divin Maître commençait son ministère 
public. 

IU. LA PERPÉTUELLE VIRGINITÉ DE MARIE. — 1° Marie 



eut le privilège d'associer en sa personne la virginité et 
la maternité divine. Sa virginité ressort des textes évan- 
géliques, de sa question à l'ange, Luc, I, 34, de la ré- 
ponse de celui-ci, Luc, i, 35, 37, de la conduite de saint 
Joseph, Matth., i, 19-25, de l'application à Marie de la 
prophétie d'Isaïe, vil, 14; Matth., i, 22, 23, des allusions 
de Notre-Seigneur s'adressànt aux Juifs. Joa., vin, 19. 
La virginité de Marie avant son enfantement, affirmée 
par saint Ignace, Ad Ephes., xvm, 2, t. v, col. 660, est 
ensuite prouvée par les Pères au moyen du texte d'Isaïe. 
Cf. S. Justin, Apol., 133; Dial., 43, 66, 67, 77, t. vi, 
col. 381, 568, 628, 629, 656; S. Irénée,ffœ»-es v m, 21, 1, 
5, t. vu, col, 946, 951 ; Tertullien, Adv. Jtidmos, 9, t. n, 
col. 618, etc. Sa virginité dans l'enfantement même, 
d'abord suspecte à quelques Pères, cf. Origène, In Luc, 
Hom. xiv, t. xiii, col. 1834; Tertullien, Adv. Marc, m, 
11; iv, 21; De carne Christ., 23, t. u, col. 336, 411, 412, 
790, etc., à cause de l'abus que les docètes faisaient de 
ce point de doctrine, cf. Clément d'Alexandrie, Strom., 
vu, 16, t. ix, col. 529, fut ensuite démontrée à l'aide du 
texte d'Isaïe, vu, 14, et d'un texte d'Ézéchiel, xliv, 2. 
Cf. S. Irénée, Heeres., iv, 33, t. vu, col. 1080; S. Am- 
broise, Epist. xlii, 5, t. xvi, col. 1125. Le texte de la 
loi, Exod., xhi, 2; Num., vin, 16, cité par saint Luc, 
il, 23, implique seulement que Jésus est le premier-né 
de Marie, mais ne veut pas dire nécessairement que sa 
naissance s'était produite selon les règles ordinaires. La 
loi parlait de ce qui arrive communément, mais ne visait 
pas la naissance miraculeuse du Fils de Dieu. Aussi la 
virginité de Marie dans son enfantement ne fait-elle aucun 
doute pour saint Augustin, Epist. cxxxvii, 8, t. xxxm, 
col. 519; Serm., li, 18, t. xxxvm, col. 3i3; Enchirid.t 
34, t. XL, col. 249; saint Léon, Serm., xxi, 2, t. liv, 
col. 192; saint Fulgence, De fide ad Petr., 17, t. xl, 
col. 758; Gennade, De eccl. dogniat., 36, t. xlii, col. 1219; 
saint Cyrille d'Alexandrie, Hom. xi, t. lxxvii, col. 1031 ; 
saint Jean Damascène, De fide orthodox., iv, 14, t. xciv, 
col. 1161 ; Paschase Radbert, De partu Virginis, t. cxx, 
col. 1367, etc. 

2° Après la naissance du Sauveur, Marie persévéra 
dans une virginité constante. Les paroles de saint Mat- 
thieu, i, 18, 25 : « Avant qu'ils ne fussent ensemble, » 
et « Il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eut enfanté 
son fils premier-né », ne constituent pas d'objection 
contre la virginité de Marie. « Avant qu'ils ne fussent 
ensemble » marque seulement le temps où Marie et 
Joseph, n'étant encore que fiancés, n'habitaient pas dans 
la même maison. Il est vrai que le verbe uuveXÔeîv 
s'emploie pour signifier non seulement « se réunir », 
mais aussi « avoir commerce » avec quelqu'un. Cf. Xéno- 
phon, Memor., II, II, 4, etc. Alors même que, malgré 
le contexte, on admettrait ce sens,, comme l'ont fait 
quelques Pères, il ne s'ensuivrait nullement que ce qui 
ne s'était pas produit jusque-là se produisit après. Cf. 
S. Jérôme, In Malth., i, 2, t. xxvl, 24, 25. L'autre expres- 
sion, « il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eut enfanté, » 
doit s'expliquer de même. Elle ne prouve en aucune 
façon qu'après la naissance du Sauveur, Joseph sortit de 
la réserve que lui commandaient les plus hautes conve- 
nances, les mystères dont il avait été témoin et l'éminente 
vertu que suppose sa vocation. Cf. S. Jean Chrysostome, 
In Matth., v, 3, t. lvii, col. 58; S, Jérôme, De perpet. 
virginit. B. M., 6, t. xxiii, col. 183-206; S. Ambroise, 
De institut, virgin., 38, 43, t. xvi, col. 315, 317; S. Tho- 
mas, Sunim. theol., III a , q. xxvm, a. 3; Pétau, De incarn., 
XIV, m, 11, etc. Le titre de premier-né donné par saint 
Matthieu, i, 25, à Jésus ne suppose pas nécessairement 
qu'il y ait eu d'autres enfants après lui. Le premier-né 
est avant tout celui qui n'a été précédé d'aucun autre. 
Ce nom s'imposait d'autant plus impérieusement chez 
les Juifs que le premier enfant mâle devait être consacré 
au Seigneur, sans qu'on eût à s'inquiéter s'il en vien- 
drait d'autres après lui. Exod., xxxiv, 19; Num., xviu, 



793 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



794 



15. Cf. S. Epiphane, Rser. lxxviii, 17, t. xlii, col. 728. 

3° La virginité et la maternité divine, au lieu de se 
nuire dans la Très Sainte Vierge, n'ont fait que se 
rehausser mutuellement. Il en devait nécessairement être 
ainsi ; car l'action du Saint-Esprit en Marie ne pouvait 
que donner plus de valeur aux vertus et aux privilèges 
qu'elle possédait déjà. L'Église dit qu'en naissant de la 
Vierge, le Fils de Dieu t n'a pas amoindri mais consacré 
l'intégrité de sa mère ». Miss. Puritat. B. M. V., secret. 
Les Pères enseignent de même que la maternité divine 
n'a fait que consolider et embellir la virginité de Marie- 
Cf. S. Pierre Chçysologue, Serm. cxhll in Annunt. B. 
M. V., t. lu, col. 581 ; Hesjchius, Rom. y, de S. M. Deip., 
t. xcm, col. 1461 ; S. Ildefonse de Tolède, De virg. 
perpet. S. M., t. xcxvi, col. 95; S. Bernard, De xn 
prserog. B. V. M., 9, t. clxxxiii, col. 434, etc. Il est 
incontestable que malgré sa propre virginité et la divinité 
de son Fils, Marie eut une maternité aussi réelle qu'au- 
cune autre femme. 

4° Il est plusieurs fois question dans l'Évangile de 
personnages appelés « frères de Jésus », quelquefois 
mentionnés en même temps que la mère de Jésus. 
Matth., xn, 46, 47; xm, 55, 56; Marc, m, 31, 32; vi, 
3; Luc, vm, 19, 20; Joa., n, 12 vu, 3, 5, 10; Act., i, 
14; I Cor., ix T 5; Gai., i, 19; Jud., 1. Ces frères ne sont 
ni des fils de Marie, ni des frères proprement dits du 
Sauveur, mais seulement des cousins plus ou moins 
rapprochés, suivant le langage familier aux Juifs. Voir 
Frère, t. n, col. 2403-2405. C'est donc prendre ces 
passages à contre-sens que de les interpréter de manière 
à nier la virginité perpétuelle de Marie. Cf. Lagrange, 
Le récit de l'enfance de Jésus dans saint Luc, dans la 
Revue biblique, 1895, p. 174-183. 

IV. LA MATERNITÉ DIVINE DE MARIE. — 1° Elle est 

aussi nettement affirmée que possible par les textes 
évangéliques. Marie « met au monde son premier-né », 
Matth., i, 25, et ce Fils est le « Verbe fait chair », Joa., i, 14, 
par conséquent Dieu même s'unissant en Marie une 
nature humaine. Les premiers Pères n'ont pas d'hési- 
tation à ce sujet. Cf. S. Ignace, Ad Ephes., 7, t. v, 
col. 652; S. Irénée, Adv. hœres., m, 19, 2, 3, t. vm, 
col. 940, 941. Tertullien, Adv. Prax., 27, t. n, col. 190, 
dit à l'hérétique Praxéas : « Ce qu'elle a conçu, elle l'a 
engendré, et celui qui est né, est Dieu. » Saint Ambroise, 
In Luc., h, 25, t. xv, col. 1521, dit avec la même énergie : 
« La Mère du Seigneur, enceinte du Verbe, est remplie 
de Dieu. » Quand Nestorius, Serm., i, 6, 7, t. xlvui 
col. 760, 761, dénia à Marie le titre de Mère de Dieu, sous 
prétexte que la créature ne peut engendrer le Créateur, 
et que d'elle ne peut naître qu'un homme instrument de 
la divinité ou porte-Dieu, le concile d'Éphèse proclama 
son titre véritable de Oeoxtfxoc, « celle qui engendre 
Dieu, » la mère de Dieu. Cette proclamation n'était que 
l'écho des affirmations de plus savants écrivains ecclé- 
siastiques. Cf. S. Cyrille d'Alexandrie, Apol. pro xn cap. ; 
Cont. Julian., vm, t. lxxvi, col. 320, 901; Epist. ad 
Acac., 14, t. lxxvii, col. 97; Jean d'Antioche, Epist. ad 
Nestor., 4, t. lxxvii, col. 1456; Théodoret, Heret. fab., 
iv, 2, t. lxxxiii, col. 436; S. Grégoire de Nazianze, Epist. 
ad Cledon., î, t. xxxvn, col. 177; Proclus, Hom. de 
Matr. Dei, t. lxv, col. 680, etc. Cf. Terrien, La mère de 
Dieu et la mère des hommes, Paris, 1902, t. i, p. 3-14> 
Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, 
p. 210-211. 

r. la sainteté de marie. — 1° Cette sainteté est la 
conséquence des grâces reçues par Marie et de l'usage 
qu'elle en a fait. Aux dons divins les plus magnifiques, 
elle répond par l'humililé et l'obéissance, Luc, i, 38, 48, 
et dans les circonstances les plus douloureuses, elle n'a 
ni impatience ni murmure. Luc, n, 7, 35, 48; Joa., xix, 
25-27. Marie, exemptée de la faute originelle, n'a jamais 
connu le péché. Cf. S. Thomas, Summ. theol., III», 
jj. xxvii, a. 4; Terrien, La mère de Dieu et la mère des 



hommes, t. n, p. 67-84. — 2» Quelques Pères grecs ont 
pourtant attribué à Marie certaines fautes légères. Saint 
Basile, Epist. cclx, t. xxxii, col. 965-968, croit que la 
Sainte Vierge succomba au doute quand Siméon lui fit 
sa prophétie et ensuite pendant la Passion. Saint Jean 
Chrysostome, Hom. iv, in Matth., t. lvii, col. 45, dit 
que Marie dut être avertie par l'ange de ce qui allait 
se passer en elle, car autrement elle serait tombée dans 
le trouble et la crainte. Il l'accuse de vaine gloire aux 
noces de Cana et quand plus tard elle arriva publique- 
ment avec les frères de Jésus. Matth., xn, 46, 47; Hom. 
xhir, in Matth., t. lvii, col. 464, 465; Hom. xxi, in 
Joan., t. lix, col. 130. Saint Cyrille d'Alexandrie, In 
Joan., t. lxxiv, col. 661-66 i, avance qu'au pied de la 
croix Marie fut scandalisée, découragée, en proie au doute 
sur la puissance de son Fils. Quelques autres Pères ont 
exprimé des pensées analogues. Cf. Pétau, De incarn., 
XIV, i, 3-7. En somme, ces Pères accusent moins la 
volonté de la Sainte Vierge que sa nature féminine. On 
ne peut pas dire que, quand ils attribuent certaines 
défaillances morales à Marie, ils représentent une tradi- 
tion apostolique. Ils ne font qu'interpréter, dans un sens 
personnel, certains passages de l'Évangile, et obéissent 
plus ou moins consciemment aux préjugés communs de 
leur temps sur l'infériorité naturelle de la femme. Cf. 
Newman, Dit culte de la Sainte Vierge, note F, p. 154- 
170. La vraie tradition de l'Église a ici pour organes les 
Pères qui ne font pas dire aux textes évangéliques plus 
qu'ils ne contiennent, et qui professent avec saint Am- 
broise, InL uc., ii,16-22, t. xv, col. 1558-1560; De virgin., 
i, 15; Epist., lxiii, 110; De obit. Valentin., 39, t. xvl, 
col. 210, 1218, 1371 ; saint Augustin, De nat. et grat., 
xxxvi, 42, t. xliv, col. 267; le Vén. Bède,/n Luc, n, 35, 
t. xcn, col. 346; etc., que, quand il est question de péché, 
il faut toujours excepter Marie, et cela pour l'honneur 
de son Fils. C'est la doctrine qu'a définitivement con- 
sacrée le concile de Trente, sess. VI, can. 23. « On sait 
les propositions de saint Chrysostome sur la Sainte 
Vierge, qui ne peuvent guère s'accorder avec le canon 23 
de la VI e session du concile de Trente : en ces occasions 
on se donne la respectueuse liberté de préférer au saint, 
non pas ses sentiments particuliers, mais ceux d'autres 
saints où la vérité s'est plus purement conservée. » Bo|- 
suet, Préf. suri'instr. pastor. de M. de Cambrai, sect. xi, 
Bar-le-Duc, 1870, t. v, p. 733. Cf. J. Turmel, Histoire 
de la théologie positive, Paris, 1904, p. 72-77; Dict. dé 
théologie, Paris, t. i, 1903, col. 1378-1382. 

V. Pendant la vie publique du Sauveur. — /. aux 
noces de cana. — 1» Dès le début du ministère public 
du Sauveur, il y eut des noces à Cana, « et la mère de 
Jésus était là. » Cana n'est guère qu'à six kilomètres de 
Nazareth. Les jeunes époux et leur fomille avaient des 
liens de parenté ou d'amitié avec la Sainte Vierge, ce qui 
explique qu'elle se trouvât là naturellement comme a 
une place qui lui revenait de droit. A cause d'elle, sans 
doute, Jésus fut invité avec ses disciples. Les parents des 
jeunss époux ne devaient pas jouir d'une grande aisance, 
car le vin fit défaut. Marie, à qui la maison était fami- 
lière, s'en aperçut au cours du festin, et non pas dès 
le début. Les mots ûoxep^davto; olvou, déficiente vino ) 
ne signifient pas nécessairement: « le vin étant en quan- 
tité insuffisante, » ce dont la Sainte Vierge aurait pu se 
rendre compte dès le commencement, mais : « le vin 
manquant, » ce qu'elle constata au moment où l'incident 
se produisit. Aussi dit-elle à Jésus : « Ils n'ont pas de 
vin, » ofvov ojx è'xoutnv, ce qui ne signifie pas : « Ils 
n'auront pas assez de vin. » On lit d'ailleurs dans le 
Sinaiticus, et dans plusieurs autres manuscrits anciens ; 
<s Us n'ont plus de vin, parce que le vin de la noce a été 
consommé. » Cf. Griesbach, Nov. Test, gresce, Halle, 1796, 
1. 1, p. 432. La Sainte Vierge prit ainsi l'initiative d'une 
demande discrète adressée à son Fils. Elle voulait 
épargner la confusion à une famille aimée, et elle ne 



;yo 



MARIE, MËRE DE DIEU 



79*6 



douta pas que Jésus n'eût le pouvoir et l'intention d'être 
secourable. 

2" Jésus lui dit : « Femme, qu'y a-t-il à moi et à toi ? 
Mon heure n'est pas encore venue. » Le Sauveur aurait 
pu dire : « ma mère, » comme Salomon, III Reg., h, 20, 
et Jérémie, xv, 10. Il se sert toujours de l'appellation 
« femme » quand il s'adresse à des femmes, même à sa 
mère. Matth., xv,28;Luc.,xm,12; Joa.,iv, 21; vm, 10. Il 
interpelle sous ce nom Marie-Madeleine après sa résur- 
rection. Joa., xx, 15. A la croix, il dit encore à sa mère : 
« femme, * bien qu'il y ait là d'autres femmes avec elle. 
Joa., six, 26. Chez lés classiques, cette appellation est 
usitée comme fort honorable. Cf. Iliad., m, 204; Xéno- 
phon, Cyroped., v, 1, 6; Dion Cassius, Hist., li, 12, etc. 
L'usage qu'en fait Notre-Seigneur et les circonstances 
dans lesquelles il l'emploie ordinairement montrent que 
ce terme n'avait de son temps rien que de respectueux. Les 
mots : « qu'y a-t-il à moi et à toi? » -ci é(iol xat <roi, repro- 
duisent un hébraïsme, mah lî vâlâk, assez fréquent dans 
la Sainte Écriture. Jud., xi, 12; II Reg., xvi, 10; xix, 
23; III Reg., xvn, 18; IV Reg., ni, 13; ix, 18; II Par., 
xxxv, 21, etc. Cette expression se retrouve équivalemment 
dans d'autres passages du Nouveau Testament. Matth., 
vm, 29; Marc, i, 24; Luc, iv,* 34; vm, 28; Matth,, 
xxvn, 19. Comme tous les idiotismes, elle ne peut se tra- 
duire littéralement. Elle signifie, selon les circonstances : 
« ne vous occupez pas de ce qui me regarde, ne vous 
inquiétez pas de ce que je dois faire, laissez-moi faire, » 
ou « qu'est-ce que cela nous fait, à moi et à vous? ce 
n'est pas notre affaire ». Le sens de l'expression peut 
aller de l'opposition la plus formelle à l'acquiescement 
le plus courtois, suivant la nature des interlocuteurs, des 
sentiments qui les animent et des circonstances dans 
lesquelles ils parlent. Sur les lèvres de Notre-Seigneur, 
l'expression pourrait se traduire par : « Que ne me lais- 
sez-vous faire ? i> L'expression qui suit, « mon heure n'est 
pas encore venue, » peut aussi s'entendre de plusieurs 
-manières. Elle pourrait signifier simplement : « Le 
moment n'est pas encore venu, » attendez donc un peu. 
Mais cette explication suppose que la demande de Marie 
iut formulée avant que le vin manquât réellement, ce 
qui n'est pas conforme au texte qui précède. De plus, si 
tel était le vrai sens, le Sauveur aurait dit, ce semble : 
« L'heure n'est pas encore venue, » et non pas « mon 
heure ». Cette expression « mon heure », ou s l'heure », 
indique toujours dans saint Jean, non pas la minute 
précise, mais le jour ou l'époque qui doivent voir se 
produire quelque grand événement messianique, la révé- 
lation de la mission du Sauveur, Joa., iv, 21, 23; v, 25, 
28, sa passion et sa glorification. Joa., vu, 30 ; vin, 20; 
xn, 23; xiii, 1; xvn,l. Même quand il s'agit de la femme 
qui va enfanter, « spn heure » indique moins un moment 
précis que l'ensemble d'heures ou de jours pendant les- 
quels celle-ci doit souffrir avant sa délivrance. Joa., 
xvi, 21. Quand donc Notre-Seigneur dit aux noces de 
Cana : « Mon heure n'est pas encore venue, » il ne veut 
nullement déclarer qu'il n'interviendra que dans tant 
de minutes, à tel moment du repas. Son heure, c'est 
l'époque fixée par le Père pour la première manifestation 
de sa mission messianique par le moyen d'un miracle. 
Il suivrait de là que Jésus-Christ aurait devancé cette 
heure fixée par son Père, pour obéir à la prière de sa 
mère, prière nécessairement prévue par le Père, qui dis- 
posa les événements en conséquence. Saint Irénée, 
Cont. hxres., III, xvi, 7, t. vu, col. 926, comprend ainsi 
le texte quand il dit qu'à Cana le Sauveur « repoussa la 
hâte intempestive de Marie », c'est-à-dire sa demande 
faite à une heure prématurée, alors qu'elle ignorait 
l'heure marquée par Dieu. On obtient une exégèse bien 
plus satisfaisante de ce passage en donnant aux mots : 
ofotw fy.u r, cJpa iioy, la forme interrogative. C'est ce 
qu'ont fait Tatien, d'après la version arabe du Diates- 
saron, Rome, 1888, et saint Grégoire de Nysse, t. xuv, 



col. 1308. Dans les textes grecs du Nouveau Testament, 
l'omission des particules interrogalives est relativement 
fréquente. Matth., vi, 25; vm, 29; xn, 10; Marc, vu, 18; 
Luc. , xiii, 2 ; xx, 4 ; Joa ., vi, 14 ; vu, 23 ; xm, 6 ; xvi, 31 ;xvni, 
37; xix, 10, etc. Cf. Beelen, Grammat. grœciiat. N. T., 
Louvain, 1857, p. 508-511 ; Viteau, Étude sur le grec du 
N. T., Paris, 1896, p. 23-26. La réponse de Notre-Sei- 
gneur devrait donc se traduire : « Femme, n'ayez aucune 
inquiétude, mon heure n'est-elle donc pas venue ? » 
L'heure de se manifester par un miracle était en effet 
arrivée, puisque Notre-Seigneur venait d'inaugurer son 
ministère public par son baptême, ejfrque Jean-Baptiste 
l'avait présenté comme l'Agneau de Dieu et le Messie. 
Joa., i, 29-51. C'est même pour « manifester sa gloire » 
qu'if avait voulu venir à Cana avec ses disciples. Joa., 
Il, 11. Cf. Ollivier, Les amitiés de Jésus, Paris, 1895, 
p. 23, 24; Bourlier, Les paroles de Jésus à Cana, dans 
la Revue biblique, 1897, p. 405-422, et surtout Knaben- 
bauer, Evang. sec, Joan., Paris, 1898, p. 118-122. 

3° Ce que Marie demandait n'était pas d'une nécessité 
absolue. Sa requête est une preuve de sa sollicitude vis-à 
vis de ceux qu'elle aimait, et la manière dont elle fut 
exaucée montre à la fois le crédit dont elle jouissait 
auprès de son divin Fils et la bonté du Sauveur disposé 
à faire des miracles pour procurer même le superflu aux 
protégés de sa mère, quaDd la gloire de Dieu y est inté- 
ressée. Joa., il, 1-11. 

//. AU COURS DE LA PRÉDICATION ÉVANGÉHQVE. — 

1» Bien que les évangélistes n'en disent rien, il est fort 
probable que la Vierge Marie faisait partie de ces pieuses 
femmes qui accompagnèrent Notre-Seigneur et ses dis- 
ciples dans leurs courses apostoliques, au moins à partir 
de la seconde année. Luc, vm, 1-3. Toutefois sa présence 
ou son souvenir ne sont mentionnés qu'en de rares cir- 
constances. 

2° Un jour que le divin Maître conversait longuement 
avec des pharisiens, dans l'intérieur d'une maison, sa 
mère et ses frères arrivèrent pour lui parler, et s'effor- 
cèrent en vain de pénétrer jusqu'à lui, tant la foule était 
grande. La présence de Marie indique immédiatement 
que cette démarche était commandée par un motif hono- 
rable et respectueux. Quelqu'un de l'assistance, s'aperce- 
vant de leurs efforts, dit à Jésus : « Voici votre mère et 
vos frères qui sont dehors et vous demandent. » Le Sau- 
veur, promenant alors ses regards autour de lui et éten- 
dant les mains vers ses disciples, répondit : « Ma mère 
et mes frères sont ceux qui font la volonté du Père, qui 
écoutent la parole de Dieu et la pratiquent. » Matth., xn, 
46-50; Marc, m, 31-35; Luc, vin, 19-21. Notre-Seigneur 
met ainsi au-dessus de la parenté naturelle le lien qui 
unit à Dieu l'âme obéissante et fidèle. Cette déclaration 
ne pouvait en rien déshonorer sa mère, qui, aux préro- 
gatives de sa maternité, joignait éminemment celles de 
sa docilité parfaite à toutes les volontés du Père céleste. 

3° Il faut expliquer de même l'autre parole que pro- 
nonce le Sauveur en réponse à cette femme qui s'est 
écriée dans la foule : « Bienheureux le sein qui vous a 
porté et les mamelles auxquelles vous vous êtes allaité ! » 
Jésus réplique : « Oui, mais (|ievo0v) heureux ceux qui 
écoutent la parole de Dieu et la gardent ! » Luc, xi, 27- 
28. Ce n'est pas là mettre la Sainte Vierge au second 
plan, mais tout au contraire faire un éloge délicat de son 
mérite et inviter toutes les âmes à se procurer le même 
bonheur qu'elle. Elisabeth a déjà constaté ce bonheur 
en Marie. Luc, i, 45. Cf. S. Augustin, De virgin., 3, 
t. xl, col. 398. Un auteur qui écrivait tout au plus au 
commencement du V e siècle, et dont les œuvres sont 
mises à la suite de celles de saint Justin, Qusest. et 
respons. ad orthod., i, q. 136, t. vi, col. 1389, après avoir 
remarqué que jamais Notre-Seigneur n'adressa de re- 
proche à sa mère, ajoute : « Dieu n'avait pas choisi une 
femme quelconque pour qu'elle devint la mère du Christ, 
mais celle qui dépassait toutes les autres en vertu. Aussi 



797 



MARIE, MERE DE DIEU 



iy& 



le Christ voulut-il que sa mère fût proclamée bienheu- 
reuse, à -cause de cette vertu même qui lui a valu d'être 
mère en restant vierge. » 

4° Quand le Sauveur vint dans la synagogue de Nazareth, 
on affecta de s'étonner de sa renommée et de le traiter 
avec un certain dédain. On disait : et N'est-ce pas le fils 
du charpentier? Sa mère n'est-elle pas Marie, et ses 
frères Jacques, Joseph, Jude et Simon? Ses sœurs ne 
sont-elles pas au milieu de nous? » Matth., an, 55, 56; 
Marc., vi, 3. De ces textes il ressort que saint Joseph 
était mort, puisqu'on ne parle plus de lui comme habi- 
tant Nazareth, et que la Sainte Vierge avait mené dans cette 
ville une vie assez simple et assez humble pour que rien 
ne la distinguât des autres femmes de la ville. Les gens 
de Nazareth n'ont aucune idée du mystère de l'incarna- 
tion, et ils croient rabaisser Jésus en prétendant que 
son père a été le charpentier, et que sa mère a été Marie, 
une femme en tout semblable aux femmes ordinaires. 

5" En dehors de ces circonstances, l'Évangile ne fait 
aucune mention de Marie, même dans les occasions où 
sa présence semblerait naturelle. Ainsi elle n'est signalée 
ni dans les voyages du Sauveur à Jérusalem, ni à la 
montagne des Béatitudes, ni à la multiplication des 
pains, ni au cours du voyage de Galilée à Jérusalem, 
que saint Luc, x-xix, raconte avec tant de détails, ni à 
Béthanie, ni à Jérusalem au jour de l'entrée triomphale, 
ni à l'institution de la sainte Eucharistie. Cet effacement 
peut s'expliquer en partie par un désir de la Sainte 
Vierge de n'être mentionnée dans les récits évangéliques 
que quand c'était absolument nécessaire. Mais il indique 
surtout la règle de discrétion absolue que la mère du 
Sauveur tint à suivre pendant tout le ministère aposto- 
lique de son divin Fils. N'étant appelée elle-même ni à 
prêcher ni à agir, elle s'appliquait à ne gêner en rien, 
par sa présence, l'activité et la liberté d'action de Notre- 
Seigneur et des hommes qu'il formait à l'apostolat. Son 
humilité profonde lui défendait d'ailleurs de paraître 
partout où sa qualité de mère de Jésus eût pu lui attirer 
quelque gloire. 

III. PENDANT LA PASSION DU SAUVEUR. — 1° Marie se 

trouvait à Jérusalem au moment de la Passion de son 
divin Fils. C'était l'époque de la Pàque, à laquelle elle 
ne pouvait manquer de venir prier au Temple. C'était 
aussi le moment où allait s'accomplir pour elle la 
prophétie de Siméon. La tradition suppose une rencontre 
de Marie avec Jésus sur le chemin de la croix. Un plan 
de Jérusalem, de 1308, indique l'église de Saint-Jean- 
Baptiste avec le titre de Pasni. Vgis, « le Spasme de la 
Vierge. » Cf. de Yogûé, Les églises de la Terre-Sainte, 
Paris, 1860, p. 438; Liévin, Guide de la Terre-Sainte, 
Jérusalem, 1887, t. i, p. 175. Vllinerarium Burdiga- 
lense, de 333, et la Peregrinatio Sylviss, un peu 
postérieure, ne disent rien qui se rapporté à cette 
tradition, En réalité, c'est seulement au xiv" siècle 
qu'on commença à localiser les endroits marqués par 
quelque souvenir de la Passion, et entre autres, celui 
où la Sainte Vierge se serait évanouie à la vue de son 
Fils mené au supplice. A partir du xv siècle, il y a tou- 
jours une station de Sancta Maria de Spasmo dans 
les chemins de la croix établis en Europe, à l'imitation 
de celui de Jérusalem. Cf. Thurston, dans The Month, 
1900, juil.-sept., p. 1-12, 153-166, 282-293; Boudinhôn/ 
Le Chemin de la Croix, dans la Revue du clergé fran- 
çais, 1 er nov. 1901, p. 449-463. La tradition du spasme 
n'est pas très conforme à l'attitude de Marie au pied de 
la croix. Néanmoins on comprend cette défaillance 
physique à un moment où la Sainte Vierge se présente 
comme femme et comme mère, tandis qu'à la croix 
elle a à remplir un rôle officiel en vue duquel Dieu lui 
donne une grâce particulière. 

2» Quand Notre-Seigneur fut attaché à la croix, après 
les premiers moments de tumulte et lorsque les phéno- 
mènes extraordinaires qui se produisirent dans la nature 



commencèrent à répandre l'effroi, la Sainte Vierge, 
quelques saintes femmes et saint Jean vinrent se placer 
au pied même de la croix. Marie était debout, dans 
l'attitude ferme et intrépide qui convenait à la mère du 
Rédempteur mourant. Cf. S. Ambroise, De institut, 
virgin., 7, t. xvi, col. 318. Le glaive prédit par Siméon 
perça alors son âme, mais ne la terrassa pas. Jésus vit 
à ses pieds sa mère et son disciple bien-aimé. S'adressant 
à Marie, il lui dit : « Femme, voici ton fils, » puis il dit 
à saint Jean : « Voici ta mère. » Les Pères expliquent 
ce texte en ce sens que Notre-Seigneur, sur le point de 
mourir, ne voulut pas laisser à l'abandon sa mère 
tendrement aimée, et la confia à saint Jean, auquel il 
demanda d'être pour elle un véritable fils. Ceux que les 
évangélistes appellent des « frères de Jésus » n'étaient 
donc nullement des fils de Marie. C'eût été pour eux 
une honte que leur mère fût confiée à un autre et Jésus 
ne l'eût fait d'ailleurs que s'ils avaient été des indignes; 
or ils l'étaient si peu que trois d'entre eux avaient été 
mis au nombre des apôtres. Cf. S. Épiphane, Hser. 
Lxxvili, 9, t. xlii, col. 714. A dater de ce jour, saint 
Jean reçut Marie eîç ta îêià, in sua, dans ce qui était à 
lui, dans sa maison. Joa., xix, 25-27. Seul parmi les 
Pères, Origène fait une application de ce texte à d'autres 
que saint Jean. Il dit en effet dans sa préface au 
commentaire In Joa,, 6, t. xiv, col. 32 : « Personne 
ne peut saisir le sens de l'Évangile s'il n'a reposé sur 
la poitrine de Jésus ou s'il n'a reçu de Jésus Marie pour 
qu'elle devienne sa mère... Quiconque est parfait ne vit 
plus lui-même désormais, mais le Christ vit en lui, et 
puisque le Christ vit en lui, il est dit de lui à Marie : 
voici ton fils le Christ. » D'après le savant interprète, un 
homme n'a donc Marie pour mère qu'indirectement, 
quand lui-même s'identifie à Jésus par la vie de la grâce. 
L'idée d'une maternité directe n'apparait que plusieurs 
siècles après lui. Au ix e siècle, Georges de Nicomédie, Or. 
vm in S. Mai: assist. cruci, t. c, col. 1476, fait dire à 
Notre-Seigneur parlant à sa mère : « Vous tiendrez ma 
place auprès de lui et de ses compagnons. Car avec lui et 
en lui je vous confie mes autres disciples. » Puis il le fait 
parler ainsi à saint Jean : « Je la fais mère et maîtresse 
non seulement pour toi, mais encore pour tous mes 
autres disciples. » En Occident, l'explication du texte 
dans le sens d'une maternité spirituelle de la Sainte 
Vierge ne se constate qu'au commencement du xn e siècle, 
avec Rupert de Deutz. Même saint Bernard, qui meurt 
dix-huit ans après le précédent, ne songe pas encore à 
interpréter le texte en ce sens. Il donne à la Sainte 
Vierge toutes sortes de noms, mais jamais celui de 
« mère des hommes ». Cf. Serm. dom. infr. oct. 
Assumpi., 15, t. clxxxih, col. 438. Par contre, son 
contemporain, Géroch, prévôt de Reichersperg, qui 
meurt en 1169, trente-quatre ans après Rupert, s'exprime 
dans les mêmes termes que ce dernier. Cf. Géroch, De 
glor. et honor. Fil. hom., x, 1, t. cxciv, col. 1105. A partir 
de ce moment, la doctrine devient de plus en plus 
commune. Cf. Tract, de Concept. B. M., 33, t. clix, 
col. 315; Bellarmin, De sept. verb. Christ., i, 12, 
Cologne, 1618, p. 105-113; Bossuet, Serm. pour la fête 
de la Nativ., 2» part., Bar-le-Duc, 1870, t. vu, p. 244, et 
note; Knabenbauer, Evang. sec. Joan., Paris, 1898, 
p. 544-547; Terrien, La mère de Dieu et la mère des 
hommes, t. m, p. 247-274. 

3° Marie, présente au Calvaire, assista à la mort de 
son divin Fils, et très vraisemblablement, avec les 
saintes femmes venues jusque-là, Joa., xix, 25; Matth., 
xxvn, 56; Marc, xv, 40; Luc, xxm, 49, à sa descente 
de la croix et à sa sépulture. Le jour du sabbat dut se 
passer pour elle dans le deuil et dans l'espérance. — Un 
concile de Cologne, en 1423, can. 11, institua, contre 
les Hussites, la fête des Douleurs de Marie, à célébrer 
le vendredi d'après le troisième dimanche qui sait 
Pâques. Benoît XIV, en 1725, rendit la fête universelle 



799 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



800 



et la fixa au vendredi de la semaine de la Passion. 
VI. Après ia résurrection du Sauveur. — /. les 

APPARITIONS DU SAUVEUR RESSUSCITÉ. — Les récits 

évangéliques ne font aucune mention de la Sainte Vierge 
dans le peu qu'ils racontent à propos des jours qui ont 
suivi la résurrection. Les Pères s'en sont tenus à ce 
silence. Georges de Nicomédie, Or. ix, t. c, col. 1500, 
est probablement le premier à dire que, la Sainte 
Vierge avant eu une part de choix aux angoisses de la 
croix, dut jouir avant tous et plus que tous du triomphe 
de son Fils. Au XII e siècle,, l'idée d'une apparition du 
Sauveur ressuscité à sa sainte Mère commence à se 
répandre en Occident avec Rupert, De div. offic, vu, 
25, t. clxx, col. 306, et est admise comme un fait de 
convenance par Eadmer, De excell. V. M., 6. t. eux, 
568, puis par saint Bernardin de Sienne, Quadrag. l, 
in Resurrect., Serm. Lll, 3; saint Ignace de Loyola> 
Exercic. spir., de resurrect., I a appar.; Suarez, De 
myst. vit. Christ., xlix, 1; Maldonat, In iv Evang., 
ad xxviii Matth., etc. Cf. Terrien, La mère de Dieu et 
la mère des hommes, t. i, p. 322-325. Les mêmes rai- 
sons de convenance permettent de supposer plusieurs 
apparitions du divin Maître à Marie, entre sa résurrec- 
tion et son ascension. Peut-être la Sainte Vierge assista- 
t-elle d'ailleurs avec grand empressement aux rendez- 
vous assignés en Galilée, Matth., xxvm, 7, 10, 16; Marc, 
xvi, 7, et à l'ascension de son divin Fils. L'Évangile et la 
tradition sont muets à ce sujet. 

//. la Pentecôte. — 1° Aussitôt après l'ascension, 
les Apôtres et les disciples se retirèrent à Jérusalem, 
dans le cénacle, au nombre d'environ cent vingt. Il y 
avait avec eux plusieurs des saintes femmes venues de 
Galilée, et « Marie, mère de Jésus ». Malgré sa haute 
dignité et son incomparable sainteté, ce n'était pas elle 
qui exerçait l'autorité et prenait la parole dans l'assem- 
blée, mais Pierre, établi chef de l'Église par le Sauveur. 
Act., i, 15. Tous priaient ensemble d'une manière con- 
tinue, Act.,i, 14, se rendant également dans le Temple 
pour louer et bénir Dieu. Luc, xxiy, 53. La Vierge 
Marie remplissait ainsi vis-à-vis de l'Église à son ber- 
ceau des devoirs analogues à ceux dont elle s'était 
acquittée jadis envers l'enfant Jésus. Sa prière contri- 
buait à la ferveur des autres et communiquait à leurs 
désirs des instances plus capables d'attirer la grâce de 
l'Esprit-Saint. 

2 e Le jour de la Pentecôte, Marie priait encore au 
milieu des disciples quand l'Esprit descendit « sur 
chacun d'eux ». Act., n, 3, 4. Elle le reçut donc aussi. 
L'Esprit de Dieu avait pris possession de l'âme de 
Marie dès le premier instant de sa conception. Il était 
venu en elle pour opérer le mystère de l'incarnation, 
Luc, i, 35, et lui donner les grâces nécessaires à 
l'accomplissement de sa mission vis-à-vis du Verbe 
incarné. Il revint à la Pentecôte augmenter encore la 
grâce en elle, peut-être aussi la mettre en mesure de 
remplir de nouveaux devoirs vis-à-vis de l'Église et de 
l'humanité. 

in. les dernières annébs de marie. — 1° Après la 
Pentecôte, la Sainte Vierge demeura à Jérusalem, à la 
garde de saint Jean, auquel Notre-Seigneur l'avait 
confiée. Sa présence cependant ne paralysa en rien le 
ministère de l'Apôtre, non seulement à Jérusalem, mais 
même en dehors de la ville. Act., vin, 14-17. Il en était 
absent au premier et au dernier voyage de saint Paul, 
Gai., i, 18, 19; Act., xxi, 18; mais il assistait au 
concile de Jérusalem, en l'an 51 ou 52. Son départ 
définitif pour Éphèse n'eut très probablement lieu 
qu'après la mort de la Sainte Vierge. Voir Jean (Saint), 
t. m, col. 1161, 1162. Un voile épais couvre la rie de 
Marie durant cette période. Sans nul doute, elle était 
pour tous un exemple et un, encouragement. S'il est dit 
des premiers chrétiens qu'ils « persévéraient dans la 
doctrine des Apôtres, restaient unis, rompaient le 



pain et priaient assidûment », Act., il, 42, ces paroles 
s'appliquent éminemment à elle. 

2° L'absence de documents authentiques ne permet 
pas de dire si la Sainte Vierge passa une partie de ses 
dernières années hors de Jérusalem ou de Palestine. 
Ceux qui supposent qu'elle fit un séjour à Éphèse, 
s'appuient sur un texte obscur et incomplet de la lettre 
synodale du concile d'Éphèse, qui peut vouloir dire 
tout simplement que « là le théologien Jean et la Vierge 
sainte Marie » avaient une église consacrée en leur 
honneur. Cf. 1. 1, col. 1136, et Labbe, Colleet. Concil., 
t. m, p. 573. L'apôtre saint Jean avait été inhumé à 
Éphèse, Eusèbe, H. E., m, 31; v, 24, t. xx, col. 280, 
493, et l'église élevée sur son tombeau était YApostoli- 
eon, voir t. n, col. 1847-1849, et non celle dans laquelle 
se réunit le concile d'Éphèse. La phrase de la lettre 
synodale ne peut donc signifier que « là même », é'vûb,. 
se trouvaient les tombeaux de Jean le théologien et de 
la Vierge sainte Marie. Il est vrai que Tillemont, 
Mém. pour servir à Vhist. ecclés., t. i, p. 467-471 ; dom 
Calmet, Dict. de la Bible, art. Jean, Marie, Paris, 1846, 
t. n, col. 902; t. m, col. 975-976, et d'autres pensent que 
la Sainte Vierge a vécu à Éphèse et y a été inhumée. 
Mais cela ne ressort nullement du texte de la lettre. 
Bien plus probablement celle-ci visait la double église 
dont on a retrouvé les ruines à Éphèse. Ce monument 
forme un rectangle de 88 mètres de long sur 33 de 
large. A l'intérieur, il y avait une première abside au 
milieu de l'église et une seconde au chevet, ce qui per- 
met de supposer une basilique ayant une partie dédiée 
à la Sainte Vierge et l'autre à saint Jean. Cf. Le Camus, 
Les sept Églises de l'Apocalypse, Paris, 1896, p. 131-133. 
On a cru trouver à Panaghia Kapouli, sur une colline à 
15 kilomètres d'Éphèse, les restes d'une maison qu'au- 
rait habitée la Sainte Vierge. Cf. JPoulin], Panaghia- 
Capouli, Paris, 1896 ; Gabriélovich, Ephèse ou Jérusalem, 
tombeau de la Sainte Vierge, Paris, 1897; Gouyet, Dé- 
couverte dans la montagne d'Ephèse de la maison où 
la T. S. Vierge est morte, Paris, 1898. Cette maison, 
recherchée et découverte d'après les indications de Cathe- 
rine Emmerich, Vie de la Sainte Vierge, Tournai, 1869, 
p. 480, 481, serait celle où Marie a vécu ses dernières 
années et près de laquelle elle a été inhumée. Une 
pareille affirmation ne saurait avoir plus de valeur histo- 
rique que les autres descriptions de Catherine. L'exac- 
titude de ce qu'elle a pu dire des ruines de Panaghia- 
Kapouli, dans leur état actuel , n'entraîne pas logiquement 
celle de la destination qu'elle lui attribue. Ms r Timoni, 
archevêque de Smyrne, écrit judicieusement en tête de 
Panaghia-Capouli ; « Chacun est libre entièrement 
de garder son opinion personnelle. » La thèse ne s'im- 
pose donc à aucun titre. On ne conçoit guère d'ailleurs 
saint Jean s'établissant dans la montagne, à 15 kilo- 
mètres d'Éphèse, avec la Sainte Vierge, qui ne serait 
venue là que pour ne pas se séparer de celui auquel 
Notre-Seigneur l'avait confiée. On concevra moins 
encore que les anciens Pères, qui mentionnent à Éphèse 
le tombeau de saint Jean, et même celui d'une fille 
de Philippe, cf. Polycrate, dans Eusèbe, H. E., xm, 31, 
t. xx, col. 280, ne fassent jamais la moindre allusion au 
séjour et au tombeau de Marie. Le premier qui en 
parle est un évêque jacobite du xin e siècle, G. Aboulfa- 
rage, surnommé Bar-Hébrseus, qui raconte que saint 
Jean conduisit avec lui la Sainte Vierge à Patmos, 
fonda ensuite l'Église d'Éphèse, et ensevelit la bien- 
heureuse Marie, sans qu'on sache où il l'inhuma. 
Cf. Assemani, Bibliot. orient., Rome, 1719-1728, t. m, 
p. 318. L'inexactitude des deux premiers renseignements 
dispose assez peu à accepter 1er troisième. Benoit XIV, 
De fest. D. N. J. C, I.^vn, 101, dit que Marie suivit 
saint Jean à Éphèse^et y mourut. En parlant de l'assomp- 
tion de Marie, il ne paraît pas très ferme dans son 
opinion favorable à Éphèse. Il voulait cependant 



801 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



802 



enlever du bréviaire les leçons qui mentionnent la mort 
de la Sainte Vierge à Jérusalem. Le temps lui manqua 
pour faire exécuter sa décision. Cf. Arnaldi, Super 
transitu B, M. V., Gênes, 1879, t. I, c. I. En somme, 
le séjour de la Sainte Vierge à Éphèse est possible. 
Mais les documents authentiques qui l'attesteraient font 
défaut jusqu'à ce jour, et les probabilités sont presque 
toutes contraires à cette hypothèse. Cf. Le Camus, Les 
sept Églises, p. 133-136; Jos. Nirschl, Das Grab der hei- 
ligen Jungfrau Maria, Mayence, 1896; Id., Das H ans 
und Grab der heïligen Jungfrau, Mayence, 1900; Bar- 
nabe d'Alsace, Le tombeau de la Sainte Vierge à Jéru- 
salem, in-8°, Jérusalem, 1903 ; Gabriélovich, Le tombeau 
de la Sainte Vierge à Éphèse, réponse au P. Barnabe, 
in-8°, Paris, 1905. 

3° Le séjour continu de la Sainte Vierge à Jérusalem 
jusqu'à sa mort ne laisse pas non plus de présenter cer- 
taines difficultés. Saint Jean ne demeura pas lui-même 
dans cette ville d'une manière constante. D'autre part, la 
persécution y sévit plusieurs fois et dispersa les chré- 
tiens. Act., vin, 1; xn, 1. Que devint pendant ce temps 
la Très Sainte Vierge? Après tout, il n'était pas nécessaire 
que, pour réaliser le vœu du Sauveur, saint Jean fût 
sans cesse auprès de Marie. Il ne manquait pas de disci- 
ples pour le suppléer momentanément, et quand les temps 
devenaient difficiles, il ne devait pas être malaisé de mé- 
nager un refuge à la Sainte Vierge à distance de la ville. 
L'antiquité n'a laissé aucun renseignement à ce sujet. 

IV. LA MORT, LA RÉSURRECTION ET il 'ASSOMPTION DE 

marie. — 1° L'histoire ne dit rien au sujet de ces évé- 
nements. Les apocryphes ont cherché à suppléer à son 
silence. Il existe un écrit grec connu sous le nom A'Hi- 
storia dormitionis et assumptionis B. M. V., mis sous le 
nom de saint Jean lui-même. Cf. Assemani, Bibl. 
orient., t. m, p. 287. C. Tischendorf, Apocal. apocriph., 
Mariai dormitio, Leipzig, 1856, p. xxxiv, estime que les 
parties essentielles du texte pourraient remonter au 
ive, peut-être même au II e siècle. De ce premier texte 
paraissent dériver d'autres récits ou des versions arabes, 
syriaques et autres, et spécialement le De transitu 
V. M., mis sous le nom de saint Méliton de Sardes, 
t v, col. 1231-1240. Cf. Le Hir, Études bibliques, Paris, 
1869, t. il, p. 131-185. Le pape Gélase, t. Lix, col. 152, ran- 
gea cet écrit parmi les livres qu'il condamnait. On trouve 
aussi dans le pseudo-Aréopagite, Div. nom., m, 2, t. m, 
col. 681, une allusion à la mort de la Sainte Vierge. 
Cf. P. Halloix, VU. Dionys. Areop., 6, t. iv, col. 747-750; 
J. de Voragine, La légende dorée, trad. Roze, Paris, 
1902, t. il, p. 415-459. Ces récits, diversement remaniés, 
n'ont probablement atteint leur forme définitive qu'au 
v« siècle. On y voit intervenir, autour de la Sainte Vierge 
mourante, les anges Gabriel et Michel, Notre-Seigneur 
lui-même, les Apôtres rassemblés miraculeusement de 
diverses régions, des disciples marquants, et enfin, par 
une réplique servile des récits évangéliques, Joa., xx, 
24-29, saint Thomas arrivé après tous les autres, provo- 
quant la réouverture du tombeau et la constatation de 
la disparition du corps. Cet épisode de saint Thomas ne 
se lit pas dans le De transitu V. M. Il est rejeté, avec 
plusieurs autres détails, par la fausse lettre de saint Jé- 
rôme à Paula et à Eustochium, t. xxx, col. 122-145, qui 
ne date d'ailleurs que du ix« siècle. Voir t. i, col. 1134. 
2» Modeste, évêque de Jérusalem dans le premier tiers 
du vn« siècle, Serm. in Assumpt., t. lxxxvi, col. 3288- 
3300, est le témoin le plus ancien qui place au mont 
Sion le lieu de la dormition de la Sainte Vierge. Il y 
avait à cet endroit une église célèbre, qui renfermait, 
assurait-on, le cénacle de l'Eucharistie et la chambre haute 
de la Pentecôte. A dater du vn« siècle, on localisa dans 
cette église l'emplacement précis qui aurait été illustré 
par la mort de Marie. On peut s'étonner que cette tra- 
dition, si elle est exacte, n'apparaisse que si tardivement, 
alors que celle qui concerne le cénacle peut remonter 

DICT. DE LA. BIBLE. 



jusqu'aux temps apostoliques. D'autres traditions placent 
le lieu de la dormition au mont des Oliviers, où le 
Commemoratorium de Casis Dei adressé à Charlemagne 
signale une église dédiée à sainte Marie. Cf. Tobler, 
Itiner. Terr. sanct.,t. i, p. 302. Peut-être cette seconde 
tradition n'était-elle qu'une tentative pour rattacher le 
souvenir de la Sainte Vierge à l'Éléona, comme la 
première la rattachait au cénacle. Ces localisations 
avaient pour but de fixer près des lieux de réunion des 
fidèles de Jérusalem le souvenir de la mort de Marie; 
elles sont relativement trop récentes pour fournir des 
données certaines sur le lieu même de la dormition. 
Cf. Zahn, Die Dormitio Sanctse Virginis und das Haus 
des Johannes Marcus, dans la Neue Kirchl. Zeitschrift, 
Leipzig, t. x, 1898, p. 5; Séjourné, Le lieu de la dormi- 
tion de la T. S. Vierge, et Lagrange, La dormition de 
la Sainte Vierge et la maison de Jean Marc, dans la 
Revue biblique, 1899, p. 141-144, 589-600; Mommert, Die 
Dormitio, Leipzig, 1899. En somme, on ne peut rien 
dire de précis ni sur le lieu où Marie passa ses der- 
nières années, ni sur l'âge qu'elle atteignit, ni sur les 
circonstances particulières de sa morl, ni sur l'endroit 
où arriva cet événement. 

3° Saint Épiphane, Dser., lxxviii, 11, t. XL, col. 716, 
a cru devoir douter de la réalité de cette mort. Il n'a pas été 
suivi. On a compris que la mère n'avait pas à être exemp- 
tée d'une loi que son divin Fils avait voulu subir. L'en- 
seignement commun, à partir d'Albert le Grand, Super 
missus, q. cxxxn, Oper., t. xx, p. 89, est que la Vierge 
Marie mourut sans douleur et par l'effet de son amour. 
Cf. Terrien, La mère de Dieu et la mère des hommes, 
t. il, p. 326-339. 

4° C'est l'évêque de Jérusalem, Juvénal, qui le pre- 
mier, en 451, signala la présence du tombeau de la Sainte 
Vierge à Jérusalem. Il est à noter que saint Jérôme, le 
pèlerin de Bordeaux et sainte Sylvie n'en font aucune 
mention. L'empereur Marcien et l'impératrice Pulché- 
rie, désirant consacrer à la Vierge Marie une église aux 
Blaquernes, à Constantinople, auraient demandé à 
l'évêque de Jérusalem de prendre dans le tombeau de 
Gethsémani les précieux restes de la mère de Dieu, et 
de les leur envoyer. Juvénal, invoquant une ancienne 
tradition, répondit que le corps sacré avait été emporté 
au ciel. Il se contenta d'envoyer à Constantinople le cer- 
cueil et les linges du tombeau sacré. Toute cette histoire 
est racontée par un certain Euthymius, dont le récit 
est inséré dans une homélie de saint Jean Damascène, 
Hom. H in dormit. B. V. M., 18, t. xcvi, col. 748, qu'on 
lit encore au Bréviaire, Lect. iv infr. oct. Assumpt,, 
il noct. Scheeben, Bandbuch der katholischen Dogma- 
lik, Fribourg, 1875, t. m, p. 572, 'pense que [le passage 
d'Euthymius a été ajouté après coup dans l'homélie. On 
se demande aussi quel est cet Euthymius qui cite, à pa- 
reille date, le pseudo-Denys l'Aréopagite, De div. nomin., 
m, 2, t. m, col. 690. Enfin, l'évêque Juvénal n'est pas 
digne d'une confiance absolue. On connaît ses intrigues 
pour se faire attribuer une juridiction patriarcale par les 
conciles d'Éphèse et de Chalcédoine. Saint Léon, Epist., 
cxix, 4, t. Liv, col. 1044, l'accuse d'avoir fabriqué de 
fausses pièces pour arriver à ses fins. Il lui écrit à lui- 
même pour déplorer une conduite par laquelle il s'est 
mis hors d'état de résister aux hérétiques ; il lui rappelle 
les lieux saints qu'il a sous les yeux, même le mont des 
Oliviers, mais sans aucune allusion au tombeau de la 
Sainte Vierge. Epist. cxxxix, 1, 2, t. liv, col. 1103, 
1105. Ce silence ne doit pas étonner, le saint pape en- 
trant trop peu dans le détail pour être amené à parler 
du tombeau de Gethsémani. Toujours est-il qu'on doit 
se demander jusqu'à quel point il faut s'en rapporter à 
ce que dit Juvénal, ou à ce que lui fait dire Euthymius. Il 
ne suit pas de là cependant que le fond de la tradition 
sur l'existence du tombeau de Marie à Gethsémani soit 
à rejeter. Tout ce que contiennent les deux apocryphes 

IV. - 26 



803 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



804 



n'est pas faux, cf. Épiphane, rnonach., De vit. sanct. 
Deip., t. cxx, col. 148, et depuis Juvénal et saint Jean 
Damascène, l'opinion la plus générale a été que la Sainte 
Vierge fat inhumée dans la vallée de Josaphat, à l'en- 
droit où existe aujourd'hui l'église de l'Assomption. En 
somme, la tradition en faveur de l'authenticité de ce 
tombeau remonterait au moins à l'époque des apo- 
cryphes, c'est-à-dire aux environs de l'an 400. 

5° La basilique qui recouvre le tombean aurait été 
fondée à peu près dans le même temps. Le tombeau lui- 
même a dû être taillé primitivement dans un massif ro- 
cheux ; il est maintenant à une grande profondeur, à cause 
de l'exhaussement du sol de la vallée. L'église actuelle 
a été bâtie par les latins, pour remplacer l'ancienne, 



il est à croire que le jardin de Gethsémani appartenait 
à des amis du Sauveur, Joa., Xvm, 2, il paraîtrait tout 
naturel que ceux-ci y eussent offert une sépulture, peut- 
être même auparavant, quand besoin était, un asile à 
la Vierge Marie. Cf. Le Camus, Notre voyage aux pays 
bibliques, Paris, 1894, t. î, p. 253. 

6» Sur l'assomption de la Sainte Vierge, voir Assomp- 
tion, t. i, col. 1132-1138, et Dict. de théologie catho- 
lique, t. i, col. 2127-2140; Kellner, Heortologie, p. 148- 
151. 

VII. Dans les écrits des Apôtres. — 1» Les Épîtres. 
— Un seul passage fait une allusion directe à la Sainte 
Vierge. C'est celui où saint Paul dit aux Galates, rv, 4, 
que Dieu a envoyé son Fils « fait de la femme », yevo- 



I 



1! 



1. Tombeau des parents de 
la Sainte Vierge. — 2. Tom- 
beau de saint Joseph . — 3. Tom- 
beau de la Sainte Vierge. — 
4. Autel des grecs. — 5. Autel 
des arméniens. — 6. Mihrab 
des musulmans. — 7. Voûtos. 
— 8. Autel des Abyssins. — 
9. Citerne. — 10. Grotte de 
l'Agonie . 




219. — Plan de l'église de l'Assomption. 



qui tombait en ruines. Un escalier de quarante-huit 
marches conduit à la petite basilique souterraine en 
forme de croix latine, de trente mètres de long sur huit 
de large. Toutes les communautés chrétiennes peuvent 
officier dans ce sanctuaire; les musulmans mêmes y ont 
une place pour prier; les latins en sont seuls exclus 
depuis 1757. Cf. Guérin, Jérusalem, Paris, 1889, p. 346- 
350. Au deux tiers de l'église, en allant vers l'est, s'élève 
un petit édicule à peu près carré, relié par un mur à la 
paroi sud et surmonté d'une coupole à peine visible. 
On accède dans cet édicule par deux portes; quatre ou 
cinq personnes peuvent à peine y tenir, et de nom- 
breuses lampes y brûlent continuellement. Une ban- 
quette en pierre, creusée en forme d'auge, et recou- 
verte par un autel, occupe la partie orientale de Pédi- 
cule. C'est là qu'aurait été déposé le corps de la 
Vierge Marie (fig. 219). Cf. Socin-Benzînger, Palâstina 
und Syrien, Leipzig, 1891, p. 90-91. A droite de la pe- 
tite façade de l'église de l'Assomption s'ouvre un cou- 
loir aboutissant à un escalier de quelques marches par 
lequel on accède dans la grotte de l'Agonie. Voir t. m, 
col. 232. Le tombeau de la Sainte Vierge est à peine à 
vingt-cinq mètres de cette grotte en ligne droite. Comme 



uivov êx fuvatxrfç, factupi ex muliere. Quelques manus- 
crits grecs et latins, suivis par plusieurs Pères, lisent : 
fevv<j)u.évov èx yuvatxôç, natum ex muliere, « né de la 
femme. » Photius, Ad Âmphiloch., q, 228, t. ci, col. 1024, 
montre que la leçon Y£vv<j>[iivov est inacceptable, parce 
que le Christ n'est pas « naissant » de la Vierge, mais 
« né » une fois pour toutes, YeYevvïiiiévo; ou -fEvvviOeti. La 
variante latine natum ne présente pas le même incon- 
vénient; mais le V. Bède, In Luc, xi, 27, t. xcn, col. 480, 
la réprouve avec raison parce qu'elle affaiblit le sens. 
Dans un autre passage, saint Paul emploie la première 
expression en parlant du même sujet : y^viiiievo; èx a7ilp- 
[la-roç AaueiS xaxà <ràpxa, factus ex semine David secun- 
dum camem. Rom., I, 3. Tertullien, De cam. Christ., 
20, t. Il, col. 786, remarque que le mot factum dit plus 
que le mot natum ; en employant le premier terme, 
l'Apôtre « rappela le Verbe fait chair et affirma la réalité 
de la chair faite de la Vierge ». Le mot mulier, « femme, » 
ne constitue aucune atteinte à l'idée de la virginité de 
Marie ; il désigne simplement le sexe, comme le grec 
"fuvïj, sans impliquer d'autre sens. Telle est bien du reste 
la pensée que saint Paul veut insinuer aux Galates, 
puisqu'il parle d'un homme uniquement «. fait deJa 



805 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



806 



femme ». Cf. Tertullieti, De virgin. vel., 6, t. n, col. 897; 
S. Cyrille Hieros., Catech., xn, 31, t. xxxm, col. 766; 
S. Jérôme, In epist. ad Galat., Il, 4, t. xxvi, col. 372. 
2° L'Apocalypse. — Saint Jean ne nomme pas une seule 
fois la Sainte Vierge par son nom de « Marie » ; il l'appelle 
« mère de Jésus ». Joa., H, 1, 3; xix, 25, 26. Les rap- 
ports plus intimes qu'il a eus avec elle, durant un bon 
nombre d'années, la connaissance plus parfaite qu'il a 
acquise de sa sainteté et l'intelligence qu'il a dû avoir 
de sa mission auprès de l'Église naissante, permettent 
d'attendre de lui au moins quelque allusion à cette 
Vierge dont la garde lui avait été confiée. Cette allusion 
paraît de prime abord se rencontrer dans le passage 
suivant de l'Apocalypse, xu,l-6 : « Une grande merveille 
apparut dans le ciel : Une femme revêtue du soleil, la 
lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de 
douze étoiles. Elle portait dans son sein, criait en enfan- 
tant et était à la torture pour enfanter. Un autre signe 
apparut dans le ciel : Un grand serpent roux, ayant sept 
têtes et dix cornes... Le serpent se tint devant la femme 
qui allait enfanter, afin de dévorer son fils quand elle 
l'aurait mis au monde. Et elle enfanta un fils qui devait 
gouverner toutes les nations avec une verge de fer. Et 
son fils fut enlevé vers Dieu et vers son trône. Et la 
femme s'enfuit dans la solitude, où elle avait une de- 
meure préparée par Dieu. » La femme décrite dans ce 
passage est avant tout l'Église, dont saint Jean annonce 
les destinées dans tout le cours de ce livre. C'est l'Église 
et non la Sainte Vierge, qui crie et souffre pour mettre 
au monde ses enfants. Mais Marie est à la fois la figure 
et le personnage le plus saillant de l'Église. Marie et 
l'Église se superposent l'une à l'autre dans la vision de 
saint Jean, et, si certains traits conviennent mieux à 
celte dernière, d'autres semblent mieux s'adapter à la 
Sainte Vierge. C'est elle dont le Fils a gouverné les na- 
tions avec la verge de fer, Ps. n, 9, et ensuite a été en- 
levé vers Dieu et vers son trône, au jour de son ascen- 
sion, pendant que la femme, sa mère, se retirait dans 
la solitude préparée par Dieu, sous la garde de l'apôtre 
saint Jean. Marie et l'Église ont également le soleil pour 
parure, la lune pour escabeau, les étoiles pour couronne. 
Le serpent, le diable du paradis terrestre, Apoc, xn, 9; 
xx, 2, a voulu dévorer l'enfant de Marie dès sa naissance, 
quand il le fit poursuivre par Hérode; à mesure que 
l'Église enfante les âmes à la grâce, il est encore là 
pour les perdre. Bien que l'Église soit au premier plan 
dans celte description, il parait donc indéniable que 
saint Jean avait aussi la Sainte Vierge devant les yeux. 
Cette idée est déjà exprimée dans le Serm. IV de sym- 
bolo ad catechum., 1, attribué à saint Augustin, t. XL, 
col. 661 , où on lit au sujet du texte de l'Apocalypse : « Per- 
sonne de vous n'ignore que le serpent est le diable. Cette 
femme désigne la Vierge Marie qui, dans une intégrité 
parfaite, a engendré notre chef, et qui a représenté en 
«Ile-même la figure de la sainte Église; de sorte que, 
<le même qu'elle est restée vierge en engendrant son 
Fils, ainsi l'Église ne cesse d'engendrer ses enfants sans 
perdre sa virginité. » Cette interprétation, bien que 
n'ayant très probablement pas saint Augustin pour au- 
teur, tire une importance particulière de ce fait que 
l'Église l'a insérée dans son office. In vigil. Pentecost., 
II Noct., lect. v. L'Église a également introduit le pas- 
sage de l'Apocalypse dans l'office de l'Immaculée Con- 
ception, Il Noct. resp. vi, ce qui indique la légitimité de 
son application à la Sainte Vierge. Cette application avait 
d'ailleurs été déjà faite par d'autres anciens auteurs, celui 
•d'une Exposit . in Apocal., dans les œuvres de saint Am- 
broise, t. xvn, col. 876; Haymon d'Halberstadt, In Apoc, 
ni, 12, t. cxvn, col. 1080; Alcuin, Comm. in Apoc, v, 
12, t. C, col. 1152; Cassiodore, Complexion. in Apoc, 
ad xii, 7, t. lxx, col. 1411 ; Richard de S. Victor, Ex- 
plic. in Cant., 39, t. cxcvi, col. 517; Rupert, Comm. 
in Apoc, vu, 12, t. clxix, col. 1039; S. Bernard, Serm. 



de xn prœrog. B. V. M., 3, t. CLXXxm, col. 430, etc. 
Bossuet, qui dans son Explication de l'Apocalypse, 
Bar-le-Duc, 1870, t. n, p. 228, entend de l'Église le 
commencement du chapitre xn, ne laisse pas ailleurs, 
Serm. pour la fête de VAssompi., 2 e p., t. vil, p. 643, 
d'appliquer les mêmes paroles à la Sainte Vierge. 
Newman, Du culte de la Sainte Vierge dans l'Église 
catholique, p. 62-71, explique le silence des plus an- 
ciens Pères, par rapport à cette interprétation, en re- 
marquant qu'ils ne demandaient des lumières à la Sainte 
Écriture que sur les points de doctrine attaqués de leur 
temps. Il ajoute que l'idée de la Vierge avec son Enfant 
était familière aux premiers chrétiens, comme le dé- 
montrent les peintures des catacombes, et que « l'Église 
n'eût pas été représentée par l'Apôtre sous cette image 
particulière, si la bienheureuse Vierge Marie n'eût pas 
été élevée au-dessus de toute créature et vénérée par 
tous les fidèles ». P. 68; cf. Hist. du développement de 
la doct. chrét., trad. J. Gondon,, Paris, 1848, p. 385-387. 
Il n'y a pas là, en ce qui concerne la Sainte Vierge, un 
simple sens accommodatice, comme on l'a prétendu 
quelquefois, cf. Drach, Apocal., Paris, 1873, p. 114, 
mais un vrai sens littéral, qui tantôt lui convient à elle 
seule et tantôt convient en même temps à l'Église. Cf. 
R. M. de la Broise, Mulier amicta sole, dans les Études 
des RR. PP. Jésuites, t. lxxi, avril-juin 1897, p. 289; 
Terrien, La mère de Dieu et la mère des hommes, t. iv, 
p. 59-84. 

VIII. Chez les premiers chrétiens. — Les monu- 
ments des premiers âges du christianisme révèlent quelle 
place tenait déjà la Sainte Vierge dans la piété et dans 
le culte. — 1° Aucune peinture ne nous a conservé les 
traits de la mère du Sauveur. Les madones byzantines, 
dites de saint Luc, ne datent guère que du vr= siècle 
et ne reproduisent qu'un type de convention. On en 
connaît au moins vingt-sept exemplaires, dont dix dans 
la seule ville de Rome. Cf. Lecanu, Histoire de la 
Sainte Vierge, p. 454-456. Voir Martigny, Dict. des 
antiq. chrét., Paris, 1877, p. 792. Aussi saint Augustin, 
De Trinit., vin, 5, t. xi.il, col. 952, pouvait-il dire : 
« Nous ne connaissons pas la figure de la Vierge Marie... 
Son visage était-il tel qu'il se présente à notre esprit 
quand nous parlons d'elle ou que nous nous la rappe- 
lons, nous n'en savons absolument rien, nous ne le 
croyons pas. » Les images de Marie qu'ont exécutées les 
premiers chrétiens ne sont donc pas des portraits. La 
plus ancienne est celle du cimetière de Priscille. Elle 
représente la Vierge tenant l'enfant Jésus comme pour 
l'allaiter; une étoile brille au-dessus d'elle et près d'elle 
se tient un prophète, Isaïe, ou peut-être Michée (t. I, 
fig. 102, col. 394). La peinture est d'un beau style clas- 
sique, comparable à celui des peintures de Pompéi. On 
s'accorde à la dater du commencement du n« siècle. La 
Vierge est plusieurs fois figurée dans des scènes de 
l'adoration des mages, au m e siècle, dans les cimetières 
de Domitille el de Calixte ; au iv«, dans celui des Saints- 
Pierre-et-Marcellin. Voir fig. 170 et 171, col. 547. Dans 
cette dernière scène, elle apparaît nu-tête, contrairement 
à l'usage. Au cimetière Ostrien, la Vierge est représentée 
avec une gracieuse figure, les bras à demi étendus et 
l'enfant Jésus devant elle (fig. 220). Cette peinture, 
qui est du rv« siècle et postérieure à Constantin, a servi 
ensuite de type à beaucoup d'autres. Les saints figu- 
raient sur les tombes des premiers chrétiens surtout 
comme avocats des âmes. Or Marie était avocate par 
excellence, ainsi que la nomme saint Irénée, Adv. 
hseres., v, 17, t. vu, col. 1175. Aussi est-elle toujours 
à la place d'honneur, ordinairement assise sur une 
chaise voilée, ce qui marque la puissance qu'on lui 
attribue. « Assurément on ne peut affirmer que ces 
images elles-mêmes aient été d'abord un objet de culte; 
on avait trop soin, dans les premiers siècles, d'écarter 
tout ce qui avait quelque ressemblance avec l'idolâtrie... 



807 



MARIE, MÈRE DE DIEU 



808 



Mais supposé que les chrétiens n'aient pas eu dés lors 
une dévotion spéciale envers la T. S. Vierge, comment 
expliquer qu'ils aient tant multiplié son image sur les 
parois des catacombes, où on l'a retrouvée une ving- 
taine de fois, sur les verres dorés et sur les sarco- 
phages? Sans doute, il y en aurait un bien plus grand 
nombre encore, si tant de monuments n'avaient été détruits 
et si même nous connaissions tous ceux qui subsistent 
cachés sous les décombres. » H. Marucchi, Élém. d'ar- 
ehéol. chrét.,\. i, Paris et Rome, 1899, p. 321 . Cf. De Rossi, 
Imagini scelte délia B. V. Maria, traite dalle Cala- 



saint Pierre et saint Paul (flg. 221), comme un person- 
nage supérieur aux deux autres. Les premiers chrétiens 
ne pouvaient indiquer d'une manière plus claire quelle 
place ils attribuaient à Marie dans leur vénération. Sur 
un autre verre, on voit sainte Agnès à côté de la Sainte 
Vierge. Ces objets, antérieurs au concile d'Éphèse, ainsi 
que les peintures des catacombes, démontrent que le 
culte de la Sainte Vierge n'est pas la conséquence de 
ce concile, mais qu'il est contemporain des origines 
chrétiennes, au moins sous sa forme la plus élémen- 
taire. Cf. F. A. von Lehner, Die Marienvèrehrung in~ 




.220. — La Vierge et l'enfant Jésus. Peinture du cimetière Ostrien. 
D'après Wilpert, Die Malereien der Katakomben Roms, pi. 173. 



combe Romane, Rome, 1863; M. Wolter, Les cata~ 
combes de Rome, trad. Alter, Paris, 1872, p. 38-52. 

2° Des tombeaux des catacombes et de la chaux des 
« loculi » on a retiré, entre autres objets, des verres 
dorés composés ordinairement de deux disques soudés 
au feu, entre lesquels on a gravé ou dessiné sur or 
différents sujets. Cf. Garrucci, Vetri ornati di figure in 
oro, Rome, 1858. Ces verres remontent en général au 
lïi<> on au iv» siècle. La Sainte Vierge y est assez sou- 
vent représentée, avec la légende MARIA ou MARA. Un 




221. — Marie et les Apôtres Pierre et Paul. Fond de verre. 
D'après Garrucci, Vetri ornati di figure in oro, 1868, pi. îx, n. 7. 

des spécimens les plus significatifs est celui dans le- 
quel Marie apparaît debout, les mains étendues, entre 



den ersten Jahrhunderten, Stuttgart, 1886; Martigny, 
Dict. des antig. chrét., p. 788-792. 

3° Une autre forme de dévotion des premiers chré- 
tiens pour la Sainte Vierge est le nom de « Marie » 
qu'ils aiment à porter et qui se rencontre dans les ins- 
criptions, à partir de la fin du iv e siècle. Cf. Martigny, 
Dict. des antiq. chrét., p. 515. 

IX. Chez les Juifs. — Quand les disciples du Sau- 
veur se multiplièrent et que l'Évangile se propagea 
dans le monde, les Juifs s'efforcèrent de jeter le dis- 
crédit sur la personne de Notre-Seigneur et sur son 
œuvre. Saint Justin, Dial. cura Tryph., 17, 108, t. vi, 
col. 512, 719, atteste qu'ils envoyèrent dans ce but des 
émissaires dans toutes les synagogues de la dispersion. 
Afin de déshonorer le Sauveur dans sa naissance, ils lui 
attribuaient pour père un misérable aventurier, Joseph 
Pandéra, qui aurait été le séducteur de Marie. Cette 
allégation se trouve déjà dans Celse. Cf. Origène, Cont. 
Çels., il, 32, t. xi, col. 852. Us l'appelaient aussi « fij£ 
de satda », c'est-à-dire de l'adultère. Ces odieux ou- 
trages reviennent fréquemment dans la Gémara. Cf. 
Sanhédrin, fol. 67, 1; Schabbath, fol. 104, 2; 1er. 
Chaghigah, fol. 77, 4; Babyl. Chaghigah, fol. 4, 2; 
Midrasch Koheleth, x, 5, etc. Le nom de Pandéra est 
le même que celui de Panther, qui se trouve introduit 
dans la généalogie deNotre-Seigneur, on ne sait sur quel 
fondement, par saint Épiphane, Hxr. lxxviii, t. xui, 
col. 728, et par saint Jean Damascène, De fide ortho— 
dox., iv, 14, t. xciv, col. 1157. D'après le premier, Pan- 
ther serait le grand-père de saint Joseph, et, d'après le 
second, le père de Barpanther, père lui-même de saint 
Joachim. Cf. In f est. S. Joachim, lect. vin. C'était pro- 
bablement le nom d'un ancêtre du Sauveur, qui n'en- 
trait pas dans la généalogie directe. Saint Épiphane et 
saint Jean Damascène lui donnèrent une place dans la 
généalogie, et les Juifs en abusèrent en le faisant servir 
de base à leurs calomnies. D'après le Talmud, le nom 
de Panther fut celui d'un ami et d'un officier d'Hérode 
Antipas, qui résidait à Magdala, et auquel Marie-Made- 



809 



MARIE, MÈRE DE DIEU — MARIE-MADELEINE 



810 



leine se serait attachée après avoir quitté son mari, 
Pappus ben Juda. Cf. Lightfoot, Hor. hebraic. in Matth., 
xxvn, 56. Il se peut que les talmudistes aient choisi ce 
nom décrié pour en tirer prétexte à leurs calomnies, en 
confondant à dessein la' mère de Jésus avec Marie-Made- 
leine. Tout ce que la haine des Juifs avait inventé contre 
Notre-Seigneur depuis l'origine, prit corps au xn« siècle 
dans un livre intitulé Tholdoth Yeschu, « histoire de 
Jésus. s Les calomnies sur la naissance de Jésus y sont 
longuement reproduites. Ses miracles sont reconnus, 
mais attribués à la vertu magique du nom de Jéhovah. 
Jésus les aurait opérés, prétend-on, pour prouver que 
sa mère l'avait enfanté sans cesser d'être vierge, con- 
formément à la prophétie d'Isaïe, vu, 14. Ainsi, jusque 
dans le mensonge, la vérité se fait jour. On peut voir 
une analyse de ce pamphlet dans les Démonstrations 
évangéliques de Migne, Paris, 1843, t. xn, col. 444- 
463. Cf. Pauvert, La vie [de N.-S. J.-C, Paris, 1867, 
p. 26-30. Il a été vigoureusement réfuté par un pro- 
testant, d'ailleurs acharné contre le catholicisme, J. 
C. Wagenseil, Tela ignea Satanx, hoc est arcani et 
horribilis Judseorum, adversus Christum Deum et 
christianam religionem, libri àvéxSotot, 2 in^i", 
Altorf, 1681. Quant aux allégations du Talmud contre la 
Sainte Vierge, on ne les imprima pas toujours dans 
toutes les éditions, par crainte de l'indignation des chré- 
tiens; mais il était enjoint aux rabbins de les en- 
seigner de vive voix . Cf. Drach, De l'harmonie entre 
l'Église et la Synagogue, Paris, 1844, t. i, p. 167, 168. 
Mahomet lui-même réprouva les procédés employés par 
les Juifs; il dit dans le Coran, Sur., iv, 155 : « A l'infi- 
délité ils ont joint la calomnie contre Marie. » En plu- 
sieurs autres endroits, Sur., m, 37-42; xix, 16-21; 
Lxvi, 12, il affirme avec respect la virginité de Marie. 
Voir J.-J. Bourassé, Summa aurea de landibus B. 
Mariée Virginis, omnia complectens qux de gloriosa 
Virgine Deipara reperiuntur, 13 in-4°, Paris, Migne, 
1866; A. Kurz, Mariologie oder Lehre der katholischen 
Kirche uber die allersel. Jung frau Maria, in-8", Ratis- 
bonne, 1881 ; Warner, Compendium histoHcum eorum 
qusc Mahumedani de Christo tradiderunt, Liège, 1643; 
Weil, Biblische Légende der Muselmànner, Franc- 
fort, 1845, p. 230. — Voir aussi von Lehner, Die Marien- 
verehrung in den ersten Jahrhunderlen, 2 e édit., 
Stuttgart, 1886; 'Benrath, Zur Geschichte der Marien- 
verehrung, dans les Theologische Studien und Kriti~ 
ken, 1886; Marianus, Jésus und Maria in ihrer ausseren 
Gestalt und Schônheit, Cologne, 1870; *M re Jameson, 
Legends of the Madonna as represented in the fine arts, 
Londres, 1852 ; Rohault de Fleury, La Sainte Vierge, 
études archéologiques et iconographiques, 2 in-4°, 
Paris, 1878; Liell, Die Darstellungen der allerseligen 
Jungfrau und Gottesgebârin Maria, Fribourg-en-Bris- 
gau, 1887; A. Jannucci, De Deiparentis Assumptione, 
Turin, 1884; A. Schàfer. Die Gottesmutter in der heili- 
gen Schrift, in-8°, Munster, 1887 ; A. Venturi, La Ma- 
donna, Milan, 1900; Olav Sinding, Maria Tod und 
Himmelfahrt. Ein Beitrag zur Kenntniss der frûhmil- 
telalterlichen Denkmâler, Christiania, 1903; H. Detzel, 
Christliche Ikonographie, Band I, Die bildilichen 
Darstellungen Gottes, der allerseligsten Jungfrau, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1894; Wetzer et Welte, Kirchenlexi- 
con, 2« édit., t. vin, 18S3, articles Maria, Marienfésïè, 
Marienlegende, Marienwallfahrtsorte, col. 711, 802, 
831, 846. H. Lesétre. 

3. MARIE-MADELEINE (grec : Mapfa T| MaySaXT,'^; 
Vulgate : Maria Magdalena), femme de Magdala, qui 
fut convertie par le Sauveur et s'attacha à lui. Les 
Évangélistes nomment trois femmes : la pécheresse, 
Marie de Béthanie sœur de Marthe et Marie-Madeleine, 
qui ont été identifiées par les uns et distinguées par les 
autres. Il y a donc lieu de voir d'abord ce qui est 



raconté de chacune d'elles et ensuite d'étudier les raisons 
favorables et défavorables à l'identification. 

I. La. pécheresse. — 1° Notre-Seigneur était en Gali- 
lée, dans une ville, probablement à Capharnaûm, quand 
un pharisien, nommé Simon, l'invita à un repas. Une 
femme connue dans la ville sous le nom de « péche- 
resse » le sut, vint dans la salle du festin avec un vase 
d'albâtre rempli de parfum, et, se tenant en arrière du 
Sauveur, près de ses pieds (ce que rendait possible la 
disposition des lits, voir Lit, col. 1289), elle se mit à 
arroser ses pieds de ses larmes, à les essuyer de ses 
cheveux, à les baiser et à les oindre de parfum. Ce 
spectacle scandalisa le pharisien; il pensait en lui- 
même que, si Jésus était un prophète, il aurait su quel 
genre de femme il avait près de lui et l'aurait écartée. 
Le Sauveur fit alors ressortir ce que l'acte de cette 
femme avait de louable, par comparaison surtout avec 
l'accueil quelque peu froid que Simon lui avait ménagé 
à lui-même. Il ajouta : « Beaucoup de péchés lui sont 
remis parce qu'elle a beaucoup aimé. » Puis il dit à la 
pécheresse : « Tes péchés te sont remis. » Comme on 
s'étonnait, il la congédia en lui disant : s Ta foi t'a sau- 
vée, va en paix. » Luc, vu, 36-50. 

2» La pécheresse en question était une femme qui 
avait acquis un mauvais renom par ses désordres publics, 
soit dans la ville même de Capharnaûm, soit dans les 
environs. Il fallait aussi qu'elle fût d'un certain rang 
pour attirer ainsi l'attention sur elle; il est probable 
qu'une femme du menu peuple eût passé à peu près 
inaperçue, malgré sa mauvaise conduite. Elle cherchait 
évidemment à se rencontrer avec Jésus, car, dès qu'elle 
le sut dans la maison de Simon, elle accourut, avec 
un parfum qui avait du prix et que n'aurait pu se pro- 
curer une personne sans aisance. Le récit de saint Luc 
ne dit pas si auparavant cette femme avait reçu quelque 
avertissement ou quelque bienfait du Sauveur. Mais, 
au témoignage même de celui-ci, elle a au cœur la foi 
et un grand amour; son attitude est celle de l'humilité 
et du repentir; son assurance atteste à la fois l'habitude 
qu'elle doit avoir des usages de la société aisée et l'im- 
périeux besoin qu'elle éprouve de manifester à Jésus 
les sentiments qui l'animent. — 3° Notre-Seigneur 
attend l'intervention tacite de Simon pour sembler 
s'apercevoir de ce qui se passe. La petite parabole qu'il 
lui adresse sur les deux débiteurs auxquels le maître 
remet des dettes très inégales est une merveille de dé- 
licatesse et d'à-propos. Simon est autorisé à se recon- 
naître dans le débiteur qui doit moins et qui, en consé- 
quence, montre moins d'amour; mais dès lors il est 
obligé d'avouer que, vis-à-vis de la femme qu'il incrimine, 
avec raison d'ailleurs, l'indulgence de son hôte s'explique 
par l'équilibre constaté entre le péché passé et l'amour 
présent. — 4" Les mots : « Tes péchés te sont remis, » 
opèrent ce qu'ils expriment. Les auditeurs les entendent 
comme tels. On pourrait penser que la pécheresse a au 
cœur un tel amour et un tel repentir que déjà ses pé- 
chés lui ont été remis, et que le Sauveur ne fait que 
lui donner l'assurance du pardon. Mais les paroles qui 
précèdent : « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce 
qu'elle a beaucoup aimé, » paraissent plutôt signifier 
que la rémission est actuelle et que, par conséquent, 
l'amour qu'a eu jusque-là la pécheresse, si grand qu'il 
ait été, n'a pas encore été assez parfait pour opérer la 
rémission sans l'intervention du Sauveur. 

II. Marie dé Béthanie, sœur de Marthe. — 1» L'hos- 
pitalité donnée au Sauveur. — 1. Au cours de son 
voyage à travers la Galilée et la Pérée, le Sauveur arriva 
sî; xto[i.Tiv Ttvâ, in quoddam castellum, « dans un certain 
bourg, » que l'évangéliste ne détermine pas autrement. 
Luc, x, 30. Beaucoup pensent que ce bourg n'est autre 
que Béthanie, que saint Jean, xi, 1, appelle x(i|i»i, castel- 
lum, « bourg de Marie et de Marthe. » L'identité des 
deux localités n'est cependant pas démontrée. Béthanie 



811 



MARIE-MADELEINE 



812 



pouvait être la résidence habituelle de Marie, de Marthe 
et de Lazare, sans empêcher les deux sœurs d'avoir 
une maison dans un autre bourg, en Galilée. Si d'autre 
part on observe que saint Luc, ix, 44-xix, 40, raconte 
tout d'un trait le dernier voyage de Nôtre-Seigneur 
de la Galilée à Jérusalem, il est difficile de placer à 
Bëthanie, par conséquent au terme du voyage, un épi- 
sode qui, dans le récit de l'évangéliste, vient presque 
au commencement et a dû se passer en Galilée. Ou 
bien il ne faut tenir aucun compte de l'ordre que 
saint Luc, i, 3, déclare avoir mis dans son récit et ad- 
mettre que l'écrivain sacré, qui ailleurs nomme deux 
fois Béthanie,' xix, 29 ; xxiv, 50, a ici des raisons pour 
ne le désigner que par une vague appellation. Ces re- 
marques ont, ce semble, plus de poids que celles qu'on 
met en avant pour identifier avec Béthanie le bourg 
dont il est ici question. — 2. Marthe reçut dans sa mai- 
son le Sauveur et son cortège, et pendant qu'elle se 
multipliait pour tout préparer, sa sœur, Marie, se te- 
nait aux pieds du Sauveur et l'écoutait. Sur une ob- 
servation de Marthe, le Sauveur dit de Marie : « Elle 
a choisi la bonne part, ttjv âfafi-rjv (j-epi'Sa, optimam 
partem, qui ne lui sera pas ôtée. » Luc. , x, 38-42. 
Cette bonne part, la part par excellence, c'est celle qui 
consiste à écouter le Sauveur, à recevoir ses lumières, 
à méditer ses enseignements, à vivre de sa grâce. 
Voir Marthe. 

2° La résurrection de Lazare. — 1. Lazare n'était 
pas avec ses deux sœurs dans le bourg de Galilée où 
s'arrêta Notre-Seigneur. Quand celles-ci furent reve- 
nues à Béthanie, leur frère tomba dangereusement 
malade. Saint Jean, xi, 2, dit ici que « Marie était celle 
qui oignit le Seigneur avec le parfum et lui essuya les 
pieds avec ses cheveux ». — 2. Les deux sœurs envoyè- 
rent avertir Notre-Seigneur de la maladie de leur frère. 
Plusieurs jours après, le Sauveur arriva quand le ma- 
lade était mort depuis quatre jours. Marthe alla au- 
devant de lui. Marie silencieuse et contemplative, 
telle qu'elle s'était montrée dans la précédente rencontre, 
était demeurée à la maison. Informée par sa sœur de la 
présence de Jésus, elle alla à lui aussitôt et, se jetant 
à ses genoux, elle lui répéta les mêmes paroles que 
Marthe : « Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne 
serait pas mort. » Les larmes de Marie et celles de 
tous les Juifs qui se trouvaient là émurent le Sauveur, 
qui alors ressuscita Lazare. Joa., xi, 1-44. 

3° Le festin de Béthanie. — 1. Quelque temps après 
cette résurrection, six jours seulement avant la Pâque, 
Simon le lépreux, de Béthanie, offrit un festin à Notre- 
Seigneur. Lazare fut au nombre des convives. Marthe 
servait, c'est-à-dire présidait au service; car elle se 
trouvait dans une maison amie et les femmes ne pre- 
naient pas ordinairement part au festin, surtout avec des 
docteurs juifs. Pendant le repas, une femme que saint 
Matthieu, xxvl, 7, et saint Marc, xiv, 3, ne nomment 
pas, mais que saint Jean, xn, 3, appelle Marie, entra 
avec un vase de parfum précieux, le brisa, en répandit 
le contenu sur la tête et sur les pieds du Sauveur, et 
essuya ses pieds avec ses cheveux. C'était, de la part de 
Marie, le même silence discret, la même générosité et 
le même amour que dans la première onction. Mais 
cette fois la pécheresse pardonnée, comblée de nouveaux 
bienfaits et admise dans l'intimité du divin Maître, 
s'enhardissait jusqu'à répandre son parfum sur la tête 
même de celui qu'elle vénérait. Quelques assistants, 
Judas surtout, murmurèrent de ce qu'ils tenaient pour 
une profusion inutile. Notre-Seigneur leur dit : 
« Pourquoi êtes-vous désagréables à cette femme? Ce 
qu'elle a fait pour moi est bien. En répandant ce par- 
fum sur mon corps, elle a préludé à ma sépulture. Je 
vous le dis en vérité, partout où sera prêché cet évan- 
gile, dans le monde entier, xrn racontera à sa louange 
•ee qu'elle a fait. » Matth., xxvj, 6-13; Marc, xiv, 3-9; 



, Joa., xn, 1-11. Saint Matthieu et saint Luc racontent ce 
1 festin après avoir dit qu'on était à deux jours de la 
; Pâque. Matth., xxvi, 2; Marc, xiv, 1. Mais l'indication 
! précise fournie par saint Jean, xn, 1, autorise à penser 
que les deux premiers évangélistes ont assigné cette 
place à leur récit non pour qu'il soit commandé par la 
date qui précède et qui se rapporte au complot des 
princes des prêtres, mais pour le rattacher à ce qu'ils 
disent immédiatement après du marché conclu par 
Judas. — 2. Après s'être demandé, à la suite de quelques 
autres, si le récit des quatre évangélistes ne se rappor- 
terait pas au même fait, saint Ambroise, Evang. sec. 
Luc., vi, 12-30, t. xv, col. 1671-1676, commente le récit 
de saint Luc en y mêlant les traits particuliers aux 
autres évangélistes, comme s'il n'y avait eu qu'un seul 
repas et une seule onction. Depuis lors, un certain 
nombre d'auteurs ont affirmé l'identité des deux récits. 
A y regarder de près, on n'y voit de commun que le nom 
de l'hôte, Simon, le repas et l'onction. Toutes les cir- 
constances diffèrent. On a d'un côté une pécheresse, de 
l'autre Marie, sœur de Marthe, désignée par son nom ; 
d'un côté, une onction sur les pieds, de l'autre une 
onction sur les pieds et sur la tête; d'un côté un vase 
dont on répand le contenu, de l'autre un vase qu'on 
brise ; d'un côté, un murmure intérieur de Simon sur 
l'accueil fait par Jésus à l'acte d'une pécheresse, dé 
l'autre un murmure formulé à voix haute par Judas et 
des disciples sur la prodigalité de Marie; d'un côté une 
parabole adressée à Simon et la rémission des péchés 
accordée à la pécheresse, de l'autre des observations 
aux disciples et des éloges à Marie. De plus, le premier 
Simon est un pharisien, le second un lépreux guéri. 
Le nom de Simon était si commun chez les Juifs que, 
sur douze Apôtres, deux le portaient. On ne doit donc 
guère s'étonner qu'il y ait eu un Simon invitant Notre- 
Seigneur en Galilée plus d'un ah avant sa mort, et un 
autre lui offrant un repas à Béthanie six jours avant sa 
mort. Enfin saint Jean, xi, 2, suppose deux onctions de 
Marie et il est excessif de dire avec Faillon, Monuments 
inédits sur l'apostolat de sainte Marie-Madeleine, Paris, 
1865, t. i, p. 64, qu'on ne peut nier l'unité des deux 
onctions sans mériter une censure théologique. 

III. Marie-Madeleine. — 1» A la suite du Sauveur. 
— Marie-Madeleine apparaît pour la première fois parmi 
les saintes femmes qui accompagnaient le Sauveur dans 
ses courses apostoliques et le servaient à l'aide de leurs 
propres ressources. C'étaient donc des personnes do 
quelque aisance. La première nommée est « Marie, qui 
est appelée Madeleine », Magdalena, et qui devait très 
probablement son nom à la ville de Magdala, sur la côte 
occidentale du lac de Tibériade, voir Magdala, col. 539, 
soit qu'elle y fût née, soit qu'elle y habitât depuis long- 
temps et y fût bien connue. Saint Luc achève de la qua- 
lifier en disant « de qui sept démons étaient sortis ». 
Elle n'était pas seule dans ce cas; car les quelques 
femmes qui accompagnaient ainsi le Sauveur « avaient 
été guéries d'esprits malins et de maladies ». Luc, vm, 
2. C'est évidemment Notre-Seigneur qui les avait guéries, 
Marc, xvi, 9, et la reconnaissance inspirait leur dévoue- 
ment. De ce que Marie-Madeleine avait été possédée de 
sept démons, il ne suit pas nécessairement qu'elle avait 
été pleine de vices, comme le croit saint Grégoire. Hom. 
in Evang., xxxm, 1, t. lxxvi, col. 1239. La possession 
du démon pouvait à la rigueur s'expliquer par d'autres 
causes que le péché. Le Talmud réprésente Marie-Made- 
leine comme mariée d'abord à un Juif, Pappus ben Juda, 
qu'elle aurait abandonné pour suivre un officier d'Hé- 
rode Antipas, nommé Panther, et résidant à Magdala. 
i Ailleurs, il la traite de satda, « adultère, » et dit qu'elle 
était magdila, c'est-à-dire pliant des cheveux de femme. 
Cf. Lightfoot, Horse hebraicçe in Matth., xxvn, 56; in 
| Luc., vm, 2; Buxtorf, Lexicon chald. talmud., p. 389, 
I 1459. On ne peut ajouter grande foi à ces renseigne' 



813 



MARIE-MADELEINE 



814 



ments. Cf. Sepp, La vie de N.-S. J.-C, trad. Ch. Sainle- 
Foi, Paris, 1861, t. i, p. 461-463. 

2° Au Calvaire. — 1. Marie-Madeleine n'était pas au 
nombre de ces femmes qui se lamentaient en suivant 
Jésus conduit au Calvaire; ces femmes en effet étaient 
de Jérusalem et Notre-Seigneur leur parla comme à des 
mères de famille. Luc, xxm, 27-29. Mais elle se tenait 
au pied de la croix, quand le Sauveur parla à sa mère 
et à saint Jean. Joa., xix, 25. Comme toutes les autres, 
elle restait debout, stabant, et non dans cette attitude 
tourmentée et désespérée que les peintres lui ont prêtée 
si souvent. Il ne convenait pas que son dévouement pour 
le divin Maître crucifié se départit alors de cette réserve 
dont la fermeté courageuse de Marie lui donnait l'exemple. 
— 2. Quand Jésus eut expiré, elle se mit respectueuse- 
ment à dislance, avec les autres femmes, pour contempler 
le solennel et douloureux spectacle que présentait le 
Calvaire. Malth., xxvii, 55, 56; Marc, xv, 40, 41; Luc, 
xxm, 49. — 3. Elle assista pieusement à la sépulture 
hâtive du Sauveur, sans que rien n'indique qu'elle y 
ait pris part. Mais elle regarda attentivement où l'on 
plaçait le corps du divin Maître, Marc, xv, 47; Luc, 
xxm, 55, et quand la pierre eut été roulée à l'entrée du 
sépulcre, elle s'assit à côté. Matth., xxvn, 61. Avant le 
commencement du sabbat, c'est-à-dire avant l'apparition 
des étoiles, le vendredi soir, elle dut s'en retourner à la 
ville, pendant que les autres femmes préparaient déjà 
des aromates et des parfums, pour compléter l'enseve- 
lissement du Sauveur. Luc, xxm, 56. 

3» Au sépulcre du ressuscité. — 1. Au soir du sabbat, 
après l'apparition des étoiles qui marquait le commence- 
mentd'une nouvelle journée, Marie-Madeleine et lesautres 
femmes achetèrent des aromates, pour aller ensuite 
achever l'ensevelissement, et avant la fin de la nuit, elles 
partirent pour le sépulcre où elles arrivèrent quand il 
faisait à peine jour. Matth., xxvm, 1; Marc, xvi, 1, 2; 
Luc , xxiv. 1 ; Joa. , xx, 1 . — 2. Quand elles furent auprès 
du sépulcre, elles virent que la pierre qui en fermait 
l'entrée avait été roulée de côté. Voir Jésus-Christ, t. m, 
col. 1477. Elles entrèrent alors et furent consternées en 
constatant que le corps ne s'y trouvait plus. Luc, xxiv, 3- 
4. Aussitôt Marie-Madeleine tira la conclusion qui lui 
paraissait s'imposer, et, revenant à la hâte vers les apô- 
tres Pierre et Jean, elle leur dit, comme parlant en son 
nom et en celui de ses compagnes : « Ils ont enlevé le 
Seigneur du sépulcre et nous ne savons pas où ils l'ont 
. placé. » Joa., xx, 2. Elle ne désigne que vaguement les 
auteurs de l'enlèvement, car elle ne sait si ce sont des 
amis ou des ennemis. Pierre et Jean partirent aussitôt et 
constatèrent que le sépulcre était vide. Joa., xx, 3-10. — 
3, Marie-Madeleine, qui les avait suivis, resta après leur 
départ à pleurer debout près du monument. Bien qu' elle 
le sût vide, elle s'inclina à un moment, par un instinct bien 
naturel, afin de regarder encore par la porte surbaissée. 
Elle vit alors deux anges vêtus de blanc, assis sur la ban- 
quette funéraire, l'un à la tête et l'autre aux pieds. Ils 
lui dirent : « Femme, pourquoi pleures-tu? » Elle répon- 
dit : « Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l'ont 
mis. ; Puis, se retournant, elle vit Jésus, debout devant 
elle ; mais, au lieu de le reconnaître, même quand illui dit : 
« Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu? » elle 
le prit pour le jardinier, dont la présence s'expliquait 
mieux que toute autre à pareille heure, et elle lui «lit : 
s Seigneur, si tu l'as enlevé, dis-moi où tu l'as mis et je 
le prendrai. » Elle est si pleine de la pensée du Sauveur 
enseveli qu'elle ne le désigne même pas nommément. 
Jésus lui dit alors ces simples mots : « Marie !» — « Maî- 
tre ! » s'écria-t-elle aussitôt en se retournant tout à fait 
vers lui, et elle se jeta à ses pieds pour les embrasser et le 
retenir. Mais Jésus reprit : (i-r) âmou (iou. Joa., xx, 17. 
La Vulgate traduit : noli me tangere, « ne me touche 
pas. » D'autres traduisent autrement, parce qu'ils ne 
s'expliquent pas comment le Sauveur défendrait à 



Marie-Madeleine de le toucher, alors qu'il le permet aux 
saintes femmes, Matth., xxvm, 9, et qu'il le commande 
à saint Thomas. Joa., xx, 27. Le verbe grec, tZircu, di- 
sent-ils, est comme un fréquentatif de la racine âç, 
« toucher, » il indique un contact prolongé, intensif, et 
signifie « ajuster, attacher, se saisir d'une chose », d'où 
le substantif ôiinià, * attache. » Cf. Bailly-Egger, Dict. 
grec- français, Paris, 1895, p. 255, 2202. D'après eux, le 
sens du» grec est donc : « Ne t'attache pas à moi, » ne 
me traite pas comme si tu ne devais plus être séparée de 
moi, comme si tu étais appelée à me suivre là où je vais. — 
Le Seigneur ajouta qu'il n'était pas monté vers son Père 
avec son humanité, que par conséquent il n'apparaissait 
pas encore pour prendre avec lui ceux qui étaient ses 
amis. Il commanda enfin à Marie-Madeleine d'aller dire à 
ses frères : « Je monte vers mon Père et votre Père, mon 
Dieu et votre Dieu. » Joa., xx, 11-17. Cette apparition est 
indiquée par saint Marc, xvi, 9, en ces termes : « Ressus- 
cité le matin du premier jour de la semaine, il apparut 
d'abord à Marie-Madeleine, de laquelle il avait chassé 
sept démons. » — 4. Marie-Madeleine s'acquitta de son 
message et dît aux disciples : « J'ai vu le Seigneur et 
voici ce qu'il m'a dit. » Joa., xx, 18. Ceux-ci étaient dans 
la désolation et dans les larmes ; mais loin d'ajouter foi 
aux paroles de Marie-Madeleine et des autres saintes 
femmes, ils prirent leurs affirmations pour des inven- 
tions d'esprits en délire. Marc, xvi, 10, 11; Luc, xxiv, 
10, 11. Les deux disciples d'Emmaùs font allusion à ces 
récits des femmes, mais sans y croire. Luc, xxiv, 22-24. 
Les Évangélistes ne parlent plus ensuite de Marie-Made- 
leine. — 5. Il est très vraisemblable qu'elle assista aux 
principales manifestations de Notre-Seigneur en Galilée 
et ensuite à son ascension. Elle devait être aussi au 
nombre des femmes qui se trouvaient dans le cénacle 
avec la Sainte Vierge et qui reçurent le Saint-Esprit à 
la Pentecôte. Act., i, 14; n, 3. Mais son nom n'apparaît 
plus dans les Livres Saints. 

IV. Identité des trois Marie. — 1» Diversité des 
opinions. — 1. Les Pères ne sont pas tous du même sen- 
timent sur la question des trois Marie. Clément d'Alexan- 
drie, Pœdag., n, 8, t. vin, col. 430, n'en admet qu'une. 
Origène, In Matth., xxxv, t. xm, col. 1721, fait de la pé- 
cheresse de saint Luc, des Marie de saint Matthieu et 
de saint Marc, et de la Marie-Madeleine de saint Jean, 
trois personnes différentes. Il est suivi par Théophy- 
lacte, Euthymius, Sévère ou Servius dans la Catena 
Lucm, vu, t. i, col. 775, etc. Les Constitutions aposto- 
liques, m, 6, t. i, col. 769, et saint Jean Chrysostome, 
Hom., lxii, 1, t. vm, col. 342, distinguent nettement 
entre la pécheresse et la sœur de Lazare. Tertullien, De 
pudicit., xi, t. n, col. 1001, les identifie. Saint Ambroise, 
In Luc, ri, 14, t. xv, col. 1672, regarde la non-identité 
comme possible, mais il ajoute que la pécheresse a fort 
bien pu devenir une femme plus parfaite. Saint Hilaire, 
In Ps. cxxil, 5, t. ix, col. 748, est pour la distinction. 
Saint Jérôme, Interpret. Origen. in Cant., Hom. i et n, 
t. xxm, col. 1123, 1130; In Matth., iv, 26, 7, t. xxvi, 
col. 191, sans doute sous l'influence d'Origène, admet 
que les deux onctions ont été faites par deux femmes 
différentes. Saint Augustin tantôt croit à l'identilé, De 
consens. Evang.,\l, 79, t. xxxiv, col. 1155, et tantôt hésite 
à l'affirmer. In Joa., xlix, 11, t. xxxv, col. 1748. L'au- 
teur du Sermo xxxv, ad frat. in eremo, inséré dans ses 
œuvres, t. XL, col. 1298, bien que postérieur à ce Père, 
affirme catégoriquement que Marie la pécheresse est la 
sœur de Marthe et qu'à la résurrection elle est devenue 
« l'apôtre des apôtres » . Saint Grégoire le Grand, In Ezeck., 
i, 8, 2; Hom. in Evang-, n, 33, 1, t. lxxvi, col. 854, 1239; 
Epist., xxv, t. lxxvii, col. 877 ; Expos, in I Reg., îv, 3, 
13, t. lxxix, col. 243, est invariablement pour l'identité 
des trois Marie. Saint Bernard partage le même avis, 
Serm. ni Dont, vi post Peut., 4; Serm. m in Assumpt. 
B. M., 2; Serm. iv in Dedic. Eccles., 3, non cependant 



815 



MARIE-MADELEINE 



816 



sans quelque hésitation. Serin, xil in Cant., 6, t. clxxxih, 
col. 342, 422, 527, 831. L'opinion de saint Grégoire fit 
néanmoins autorité dans l'Église; au moyen âge, on 
admit en général l'identité des trois Marie. L'hymne de 
saint Odon de Cluny, en l'honneur de sainte Marie-Made- 
leine, ne fait qu'une même personne de la pécheresse, 
de ia sœur de Lazare et de la Madeleine de la résurrec- 
tion. L'hymne de Godescalc ne fait aucune allusion à la 
sœur de Lazare et de Marthe. Cf. U. Chevallie», Poésie 
liturgique traditionnelle, Tournai, 1894, p. 200-201. La 
même remarque s'applique à l'hymne Collaudemus, du 
XIV e ou XV siècle, cf. Daniel, Thésaurus hymnologi- 
cus, Halle, 1841, p. 311, à la prière de Fr. Pétrarque à 
sainte Marie-Madeleine, cf. F. Clément, Carmina e 
poetis christ, excerpta, Paris, 1867, p. 551, et aux 
hymnes actuelles du Bréviaire romain. — 2. Les auteurs 
modernes ont été également divisés sur la question, 
J. Bollandus, Acta Sanctoruni, julii t. v, p. 187, admit 
l'identité des trois personnages. Lefèvre d'Étaples, De 
Maria Magdalena, Paris, 1516, 1518; De tribus et 
unica Magdalena, Paris, 1519, soutint avec éclat la 
thèse de la distinction des trois Marie. Il fut combattu 
par l'évêque de Rochester, John Fisher, De unica Mag- 
dalena libri très, Paris, 1519, et par le théologien fran- 
çais Noël Beda, Scholastica declaralio sententise et ritus 
Ecclesise de unica Magdalena, Paris, 1519. En 1521, la 
faculté de théologie de la Sorbonne prescrivit d'ensei- 
gner la thèse contraire à celle de Lefèvre d'Étaples. Cf. 
Duplessis d'Argentré, Collect. judicior. de novis error., 
Paris, 1728, t. m, 1, p. VI. Néanmoins Bossuet, Sur 
les trois Magdeleine, édit. Migne, Paris, 1856, t. v, 
col. 1647, croit plus conforme à la lettre de l'Évangile 
de distinguer trois personnages. Plusieurs anciens bré- 
viaires français fêtaient aussi trois Marie distinctes. 
Aujourd'hui l'office de l'Église, au 22 juillet, fait appel 
au triple souvenir évangélique de la pécheresse, de la 
sœur de Lazare et de la fervente amie de Jésus ressus- 
cité. Sans constituer un argument proprement dit, cette 
identification liturgique indique au moins qu'il n'existe 
aucune raison démonstrative contre l'unité des trois 
Marie. Parmi les auteurs plus récents, Sepp, La vie de 
N.-S. J.-C, trad. C. Sainte-Foi, Paris, 1861, t. i, p. 464; 
Lecanu, Histoire de N.-S. J.-C, Paris, 1863, p. 225, et 
Pauvert, Vie de N.-S. J.-C, Paris, 1867, t. i, p. 261, 
font deux personnes de la pécheresse et de Marie-Made- 
leine ; l'identité des deux est admise par Faillon, Monu- 
ments inédits sur l'apostolat de sainte Marie-Madeleine 
en Provence, 2 in-4», Paris, 1865, t. i, p. 1-283; Lacor- 
daire, Sainte Marie-Madeleine, Paris, 1872, p. 93-100; 
Curci, Lezionisopra i quattro Evangeli, Florence, 1874, 
t. u, p. 418; Fouard, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1880, 
t. i, p. 381; Bougaud, Le christianisme et les temps 
présents, Paris, 1877, t. u, p. 261; Fillion, Évang. selon 
S. Luc, Paris, 1882, p. 166, 167; Didon, Jésus-Christ, 
Paris, 1891, t. i, p. 352; Ollivier, Les amitiés de Jésus, 
Paris, 1895, p. 214-245; Coleridge, La vie de notre vie, 
t. xvir, trad. Petit, Paris, 1896, p. 430-435; Chevallier, 
Récits évangéliques, Paris, 1891 r p. 218-220; Le Camus, 
Laviede N.-S. J.-C, Paris, 1901, t. il, p. 324; Il santo 
Vangelo di N. S. G. C, Rome, 1902, p. 90, 188. Cf. 
Acta sanctorum, 22 juillet. 

2° Exposé des arguments. — 1. Ceux qui admettent 
la distinction des trois Marie font valoir les raisons 
suivantes : Saint Luc, vu, 37, parle d'une femme qui 
était connue dans la ville comme pécheresse; or, la 
sœur de Marthe parait avoir été dans une situation qui 
ne permet guère de supposer qu'elle ait pu mériter une 
qualification si déshonorante. — Le même Évangéliste, 
après avoir ainsi nommé la pécheresse, mentionne 
immédiatement après, parmi les pieuses femmes qui 
suivaient Jésus, « Marie, qui est appelée Madeleine, et 
de qui sept démons étaient sortis. » Luc, vin, 2. Comme 
il n'établit aucune relation entre les deux personnages, 



nommés si près l'un de l'autre avec des qualifications 
différentes, c'est donc qu'ils sont distincts. — Notre-Sei- 
gneur ne semble pas avoir connu la pécheresse avant le 
repas chez le pharisien, Luc, vu, 37-39, tandis que la 
sœur de Lazare appartenait à une famille amie dont le 
Sauveur fréquentait volontiers la demeure à Béthanie. 
Joa., xi, 32; xn, 3. — Marie-Madeleine était vraisembla- 
blement originaire de Galilée, puisque son nom se tire 
de la ville de Magdala, tandis que la sœur de Marthe, 
selon toute probabilité, était de Béthanie, en Judée. — Il 
est vrai que saint Jean, xi, 2, dit que Marie, sœur de 
Lazare, est celle qui oignit le Seigneur et lui essuya les 
pieds avec ses cheveux; mais ce verset est une paren- 
thèse qui sert à mieux faire connaître Marie par une 
action qui n'était pas encore accomplie, mais qui appar- 
tenait à l'histoire du passé au moment où l'Évangéliste 
écrivait. Des noms différents désignent les trois femmes. 
Or, dit Bossuet à la fin de sa note sur les Trois Magde- 
leine, « il ne s'agit pas de prouver qu'il est impossible 
que les trois soient la même; il faut prouver que l'Évan- 
gile force à n'en croire qu'une, ou du moins que ce 
soit son sens le plus naturel. » — 2. Ceux qui n'ad- 
mettent que deux Marie acceptent l'identification de 
Marie-Madeleine et de Marie, sœur de Marthe, mais 
distinguent d'avec elle la pécheresse, comme semble le 
faire saint Luc, vu, 37; vin, 2. — 3. Les partisans de 
l'identité des trois Marie établissent ainsi leur thèse : 
Saint Jean, xi, 2, en présentant Marie, sœur de Marthe, 
comme celle qui avait précédemment oint le Sauveur, 
ne peut que se référer au récit de saint Luc, vu, 36-50, le 
seul qui ait parlé avant lui d'une onction faite au Sauveur 
par une femme. Or cette femme était la pécheresse. 
Marie, sœur de Marthe, que l'Évangile présente comme 
une contemplative, Luc, x, 38-42, une femme pleine de 
foi en Notre-Seigneur, Joa., xi, 32, 33, et animée à son 
égard de la plus affectueuse vénération, Matth., xxvi, 7; 
Marc, xiv, 3; Joa., xn, 2, n'était donc autre que l'an- 
cienne pécheresse convertie. — Cette première identifica- 
tion entraine naturellement celle de Marie, sœur de 
Marthe, avec Marie-Madeleine. Partout où elle apparaît 
dans l'Évangile, à la suite de Jésus, au Calvaire, à la 
résurrection, Marie-Madeleine est l'âme « qui aime beau- 
coup », Luc, vu, 47, qui s'attache à Notre-Seigneur 
comme à « la meilleure part », Luc, x, 42, qui montre 
le caractère généreui, décidé, profondément dévoué, 
propre à l'héroïne du festin dé Béthanie. Joa., Xii, 3. II 
fallait être averti pour ne faire de la pécheresse et de 
Marie, sœur de Marthe, qu'une même personne; mais, 
de prime abord, il semble tout naturel d'identifier Marie- 
Madeleine d'une part avec la pécheresse, d'autre part 
avec la sœur de Marthe. Sans doute, sa possession par 
sept démons, Marc, xvi, 9; Luc, vin, 2, ne la désigne 
pas nécessairement comme pécheresse scandaleuse ; 
mais elle n'empêche pas non plus cette dernière quali- 
fication d'avoir été possible, elle la rend même probable. 
— Le verset de saint Jean, xi, 2, ne peut se rapporter à 
l'onction qui se fera à Béthanie même, dans quelques 
jours. L'Évangéliste parle d'un fait passé, T| àXstyasoc, 
quse unxit, « qui oignit; » il parle de la même manière 
quand il s'agit d'actions déjà accomplies par les personnes 
qu'il nomme, vu, 50; xvm, 14; xxi, 20, tandis que, de 
Juda qui doit trahir, il dit : eneXXev irapaSiSôvoct, erat 
traditurus, vi, 72. Or la seule femme qui antérieurement 
se soit signalée par l'acte que rappelle saint Jean, c'est 
la pécheresse dont saint Luc, vil, 36-50, a raconté le 
trait sans la nommer. Cf. S. Augustin, De consen. 
Evangel., n, 79, 154, t. xxxiv, col. 1155. Les textes pré- 
sentent toutefois de graves dificultés, qui rendent l'iden- 
tification quelque peu difficile à expliquer. Ainsi, comme 
le font remarquer les partisans de la distinction, saint 
Luc, vu, 36-50, après avoir raconté l'épisode de la péche- 
resse, passe aussitôt au récit des courses apostoliques du 
Sauveur et dit qu'il était accompagné de femmes, entre 



817 MARIE-MADELEINE — MARIE, MÈRE DE JACQUES ET DE JOSEPH 818 



lesquelles « Marie, qu'on appelle Madeleine, de qui sept 
démons étaient sortis ». Luc, vin. 2. Il n'établit aucune 
relation entre cette dernière et la pécheresse dont il 
vient de parler ; il présente au contraire Marie-Madeleine 
comme un personnage tout nouveau. Cette façon de 
parler peat s'expliquer cependant d'une manière assez 
plausible. Saint Luc se sera abstenu à dessein de donner 
le nom de la pécheresse soit pour ne point déshonorer 
Marie-Madeleine, devenue ensuite si illustre, soit pour ne 
pas scandaliser quelques-uns de ses lecteurs en montrant 
ïapécheresse convertie si vite admise à la suite de Jésus. 
Ce scandale a du reste ému un certain nombre d'auteurs, 
qui se sont refusés à croire que le Sauveur pût admettre 
parmi les saintes femmes une personne si décriée pré- 
cédemment. Mais, aux yeux des Juifs, cette admission 
ne fut pas plus étonnante que celle de Matthieu au nombre 
des apôtres. Il se peut aussi que saint Luc ait transcrit 
ses sources telles qu'il les trouvait. Tous conviennent 
qu'il l'a fait dans ses deux premiers chapitres ; pourquoi 
n'aurait-il pas reproduit l'histoire de la pécheresse sans 
la nommer, parce qu'on ne la nommait pas de son temps? 
Saint Jean, la fit connaître plus tard, alors qu'il n'y 
avait plus d'inconvénient à dire son nom. Saint Marc, 
il, 14, et saint Luc, v, 27, ne pouvant se dispenser ni de 
raconter la vocation du publicain Matthieu, ni de dési- 
gner cet homme par un nom propre, ne l'appellent-ils 
pas du nom moins connu de Lévi ? L'évangéliste aura 
écrit avec la même réserve au sujet de Marie-Madeleine. 
Cf. Coleridge, La vie de notre vie, t. xvn, trad. Petit, 
Paris, 1896, p. 430-435. — On constate aussi que saint 
Jean parle tantôt de Marie, soeur de Marthe, xi, 1-45 ; 
xn, 3, tantôt de Marie-Madeleine, xix, 25; xx, 1-18, sans 
jamais indiquer qu'il s'agit du même personnage. Mais 
il faut remarquer que, dans les récits de la passion et 
de là résurrection, plusieurs Marie sont en scène et que 
dès lors il devient indispensab le de désigner la sœur de 
Marthe par son surnom de Madeleine. D'ailleurs, quand 
la clarté du récit n'exige pas ce surnom, saint Jean ne 
lui donne que le nom de Marie, et c'est avec ce seul nom, 
son nom habituel par conséquent, que Notre-Seigneur 
l'interpelle pour se faire reconnaître. Joa., xx, 11, 16. — 
Ces difficultés tirées des textes ne sont donc pas insurmon- 
tables, et, en tenant compte surtout de l'identité des ca 
ractères, on est en droit d'affirmer comme probable que 
les trois Marie n'en font qu'une. « L'opinion qui tient pour 
une seule et même personne Marie-Madeleine, Marie, 
soeur de Lazare, et la pécheresse, est la plus probable ; 
elle n'est pas en opposition avec le texte évangélique, a 
un appui solide dans la tradition ancienne et ne se heurte 
à aucune difficulté assez sérieuse pour atténuer la valeur 
de cette tradition. » Corluy, Comment, in Evang. S, Joa., 
Gand, 1880, p. 263-279. Cf. Wouters, Inhistor. elconcord. 
Evang., xv, 1, dans le Sacrée Scripturx Curs. compl., 
tle Migne, Paris, 1840, t. xxiii, col. 917-925; Knabenbauer, 
Evang. sec. Matth., Paris, 1893, t. h, p. 399-401. 

V. Marie-Madeleine après la Pentecôte. — On ne 
sait rien de certain sur la vie de Marie-Madeleine après 
la Pentecôte ni sur le lieu de sa mort. Au vt» siècle, on 
■vénérait son tombeau à Éphése. Cf. Grégoire de Tours, 
De gloria martyr., 29, t. lxxi, col. 731. L'higoumène Da- 
niel prétend avoir vu encore à Ephèse, en 1106, le tom- 
beau et la tête de Marie-Madeleine. Cf. Tomasének, 
Comptes rendus de VAcad. de Vienne, t. cxxiv,/p. 33. 
Les historiens byzantins racontent que l'empereur 
Léon VI, en 899, fit transporter à Constantinople le 
corps de la sainte. Cf. Léo Grammaticus, t. cvm, col. 1 108, 
etc. Les martyrologes et les écrivains d'Occident, à cette 
époque, ne disent de Marie-Madeleine que ce qui est 
consigné dans l'Évangile. Un manuscrit provençal du 
martyrologe d'Adon, datant des premières années du 
Xn« siècle, et à l'usage des églises de la région d'Arles 
■et d'Avignon, se contente de mentionner, au 19 janvier, 
« Marie et Marthe sœurs de Lazare, dont la messe est 



contenue dans le livre de Gélase, » et, au 22 juillet, 
Marie-Madeleine, sans autre addition, comme dans tous 
les martyrologes. Cf. G. Morin, Un martyrologe d'Arles, 
dans la Revue d'hist. et de littérat. religieuses, Paris, 
1898, p. 23, 24. Au xi e siècle, les moines de Vézelay préten- 
daient posséder le corps de la sainte ; vers la fin du Xil«, 
on admit que sainte Madeleine était venue finir sa vie aux 
environs de Marseille, et en 1283, on crut découvrir ses 
reliques à Saint-Maximin, en Provence. La légende de 
sainte Marie-Madeleine, accrue des éléments apocryphes 
qui s'y sont ajoutés avec le temps, selitdans J. de Voragine, 
La légende dorée, trad. Roze, Paris, 1902, t. h, p. 242-260. 
Sur le séjour de la sainte en Provence, voir, en faveur 
de l'authenticité, C. F. Bellet, Les origines des Églises de 
France, Paris, 1898, p. 246-255; J. Bérenger, Les tradi- 
tions provençales, Marseille, 1904, p . 28-1 50, et contre l'au- 
thenticité, L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l'ancienne 
Gaule, Paris, 1894, 1. 1, p. 340-344. Voir Lazare, col. 139. 

H. Lesêtre. 

4. marie, sœur, de Marthe et de Lazare. Voir Marie- 
Madeleine (de Béthanie), h, col. 810., 

5. MARIE (grec : Mopi'a), épouse de Cléophas, Joa., 
xix, 25, mère de Jacques et de Joseph, Matth., xxvn, 56; 
Marc, xv, 40, 47; Luc, xxiv, 10, appelée aussi 1' « autre 
Marie », Matth., xxvn, 61; xxvm, 1, pour la distinguer 
de Marie, mère de Jésus, et de Marie-Madeleine. Cléophas 
est probablement le même qu'Alphée. Voir Alphée, t. 1, 
col. 418-419. Les femmes sont ordinairement nommées 
d'après le nom de leur mari, et non d'après celui de 
leur père. Cf. Luc, vin, 3; Matth., i, 6, etc. Marie de 
Cléophas est donc épouse et non pas fille de Cléophas. 
Jacques, Joseph, Simon et Jude sont nommés frères de 
Jésus, Matth., xm, 55, c'est-à-dire ses cousins. Voir 
Frère, t. n, col. 2403. Les textes précédents n'indiquent 
comme fils de Marie que Jacques et Joseph. Les deux 
autres seraient-ils des fils qu'Alphée aurait eus d'une 
autre épouse, morte à l'époque de la vie publique de 
Notre-Seigneur ? Pourquoi alors, dans l'énumération de 
saint Matthieu, xiii, 55, occupent-ils le second rang et 
non le premier, en leur qualité d'aînés ? Ou bien faut-il 
supposer qu'avant leur mariage commun, Marie aurait 
eu Jacques et Joseph d'un premier époux, et Alphée, 
Simon et Jude d'une première épouse, et qu'ensuite 
on aurait rangé les quatre fils par ordre de naissance ? 
Mais Jacques est aussi fils d'Alphée. Matth., x, 3; Marc, 
m, 18; Luc, vi, 15; Act., i, 13. 11 doit en être de même 
de Jude, et les quatre frères sont ensemble fils d'Alphée 
et de Marie. Lors donc que saint Matthieu, xxvii, 56, et 
saint Marc, xv, 14, appellent Marie mère de Jacques et 
de Joseph, ils n'excluent pas plus les autres fils que 
quand saint Marc, xv, 47, l'appelle simplement mère de 
Jacques, et saint Luc, xxiv, 10, mère de Joseph. — Le 
titre de « frères du Seigneur » donné aux quatre fils 
de Marie, épouse de Cléophas, suppose un degré assez 
rapproché de parenté entre cette Marie et les parents 
du Sauveur. Les textes ne permettent pas de déterminer 
le degré de cette parenté. Quelques-uns ont pensé que 
Marie Cléophas était une sœur aînée de la Sainte Vierge. 
Le même nom donné à deux sœurs dans une même 
famille ne constituerait pas une difficulté absolue contre 
cette hypothèse, surtout si l'une des deux le portait 
sous sa forme usuelle. Maria, et l'autre sous sa forme 
archaïque, Miryâm, Une note originale de la Peschito 
dit que Cléophas et Joseph étaient frères, que Marie et 
Marie, mère du Seigneur, étaient sœurs, et qu'ainsi les 
deux frères avaient épousé les deux sœurs. Cf. Tischen- 
dorf, Nov. Teslam. grœc., 8 e édit., t. i, p. 945. Mais la 
parenté des « frères du Seigneur » peut provenir d'une 
origine toute différente. Hégésippe, dans Eusèbe, H. E., 
111, xi, 4, t. xx, col. 248, affirme que Siméon, frère de 
Jacques et second évêque de Jérusalem, était cousin, 
àveJnoç, du Seigneur, parce que son père, Cléophas, était 



819 



MARIE, MÈRE DE JACQUES ET DE JOSErH — MARINI 



820 



frère de saint Joseph. Saint Épiphane, User. txxYili, 7, 
t. XLH, col. 708, donne le même renseignement. Marie 
Cléophas n'aurait donc été que la belle-sœur de Joseph, 
et par conséquent de Marie, mère de Jésus, bien que 
quelque autre parenté par consanguinité ait pu égale- 
ment exister entre elles deux. — Marie Cléophas n'est 
pas nommée parmi les saintes femmes qui accompa- 
gnaient le Sauveur dans ses courses apostoliques. Luc, 
vin, 1-3. Peut-être son mari vivait-il encore et ne pou- 
vait-elle le quitter. Devenue plus libre, elle apparaît au 
Calvaire auprès de Marie, mère de Jésus. Joa., xix, 25. 
Elle reste là après la mort du Sauveur, Matth., xxvn, 
56; Marc, xv, 40; elle assiste à la sépulture, Matth., 
xxvu, 61 ; Marc, XV, 47 ; elle se rend au sépulcre le 
lendemain du sabbat, Matth., xxvm, 1; Marc, xvi, 1, et, 
au retour, partage avec les autres saintes femmes la 
faveur de voir le Seigneur ressuscité. Matth., xxvm, 9 ; 
Luc, xxiv, 10. C'était donc une croyante et une sainte 
femme, qui sut se montrer digne de la parenté à laquelle 
elle avait l'honneur d'appartenir. Il n'est plus parlé d'elle 
en dehors des récits de la passion et de la résurrection. 

H. Lesêtre. 
6- MARIE, MÈRE DE JEAN MARC. — Quand saint Pierre 
fut délivré de sa prison par l'ange, il s'en alla à la maison 
de Marie, mère de Jean, surnommé Marc, dont une ser- 
vante, nommée Rhodé, finit par lui ouvrir la porte. Act., 
XH, 12. Jean Marc était le cousin de Barnabe, Col., iv, 
10, dont par conséquent Marie devait être la sœur ou la 
belle-sœur. De ce que Barnabe était originaire de Chypre, 
Act., iv, 36, il ne suit pas nécessairement que Marie l'ai 
été aussi. Elle était probablement veuve à l'époque où 
elle apparaît dans les Actes, puisque la maison qu'elle 
habite n'est désignée que par son nom à elle. Elle devait 
être avec les Apôtres dans les termes d'une assez grande 
intimité, pour que saint Pierre vînt ainsi directement 
chez elle au sortir de sa prison. Néanmoins la maison 
de Marie ne parait pas avoir été à ce moment le rendez- 
\VO_us habituel des disciples, puisque Jacques et les frères 
ne sont pas là. Act., xn, 17. Saint Pierre et saint Paul 
eurent grande amitié pour le fils de cette Marie. Voir 
Jean Marc, t. m, col. 1166. — Un certain nombre d'au- 
teurs ont pensé que la villa et le jardin de Gethsémani 
appartenaient à la mère de Jean Marc; ils en concluent 
que le jeune homme qui fut pris au sortir du jardin et 
s'enluit en abandonnant le vêtement qui le couvrait n'était 
autre que Jean Marc. Marc, xiv, 51, 52. La supposition 
est plausible, mais non démontrée. Cf. Knabenbauer, 
Evang. sec. Marc, Paris, 1894, p. 393. D'autres, pous- 
sant plus loin les conjectures, croient que la maison 
dans laquelle se célébra la dernière Cène était la maison 
même de Marie, mère de Jean Marc. Voir Cénacle, t. h, 
col. 400. Cette maison serait ensuite devenue le premier 
lieu de réunion des chrétiens de Jérusalem. Au VI e siècle, 
le moine Alexandre, t. xcm, col. 4092, suppose en con- 
séquence que le jeune homme qui portait la cruche 
d'eau, Luc, xxn, 10, était Jean Marc Vers 530, Théo- 
dosius dit de l'église de Sion, mère de toutes les églises, 
que ce fut la maison de saint Marc éyangéliste. Cf. Tobler, 
Itiner. Terrée Sanctee, Genève, 1877, p. 65. Cette maison 
était connue. Un texte arabe la mentionne au nombre 
des endroits mémorables de Jérusalem, au moment de 
la prise de la ville par les Perses en 614. Cf. Bévue 
biblique, Paris, 1897, p. 461. Les identifications tentées 
au sujet de cette maison de Marie sont plus ou moins 
sujettes à caution. On pourrait y placer, à la rigueur, le 
lieu de la dernière Cène, que saint Marc, xiv, 15, appelle 
âv(6i6ov, et saint Luc, XXII, 12, àvâyatov, deux mots qui 
signifient « étage supérieur ». Mais si rien ne s'y oppose, 
rien non plus n'y oblige. Cet étage supérieur est-il le 
même local que le OTtepûov, « chambre haute, » Act., 
i, 13, dans laquelle se réunissent les disciples après 
l'Ascension ? Ces mots ont le même sens et saint Jérôme 
les traduit tous par cœnaculum, comme pour faire une 



même salle du lieu de la dernière Cène et du lieu de 
réunion des disciples. Mais pourquoi saint Luc emploie- 
t-il deux mots distincts pour désigner un même local? 
Ne semble-t-il pas indiquer par là que l'àvct-yaiov de la 
Cène diffère du ÛTtepSov de la Pentecôte? On ne peut 
affirmer que l'un ou l'autre ait fait partie de la maison 
de Marie, mère de Jean Marc, et l'on peut nier avec Une 
plus grande probabilité que les deux à la fois n'ont pas 
appartenu à la même maison. Quant à faire de la maison 
de Marie le lieu habituel des réunions liturgiques, le 
texte des Actes, xu, 4, 5, 12, 17, n'y autorise pas, puisque 
dans les jours mêmes de la Pàque, alors que toute l'Église 
prie sans relâche pour saint Pierre prisonnier, Jacques 
et les frères, c'est-à-dire les Apôtres, sont réunis ailleurs, 
bien que beaucoup se trouvent cette nuit-là dans la maison 
de Marie. Si Pierre, au sortir de la prison, se demande 
où il ira, <?uvi8»v, considérant, Act., XII, 12, et choisit la 
maison en question, ce n'est pas qu'elle soit nécessaire- 
ment un lieu de réunions liturgiques, c'est tout simple- 
ment parce qu'elle était voisine de la prison. A partir du 
vu» siècle, la tradition confondit peu à peu dans le même 
emplacement la maison de Marie, mère de Jean Marc, le 
Cénacle, le lieu de la. descente du Saint-Esprit, celui de la 
dormition de la Sainte Vierge et celui de la première église 
établie par les Apôtres à Jérusalem. Voir col. 802-803; 
Lagrange, La dormition de la Sainte Vierge et la maison 
de Jean Marc, dans la Revue biblique, 1899, p. 589-600. 

H. Lesêtre. 

7. MARIE, chrétienne de Rome, à laquelle saint Paul 
envoie un salut, et qui paraît avoir tenu un rang distingué 
parmi les chrétiens de la capitale, car l'Apôtre, sur près 
de trente personnes qu'il fait saluer nommément, place 
Marie au quatrième rang et signale toute la peine qu'elle 
s'est donnée pour le bien de ses frères. Rom., xvi, 6. 

H. Lesêtre. 

MARIMUTH (hébreu : Merêmôf), nom, dans le 
texte hébreu, de trois Israélites, dont le premier est 
appelé dans la Vulgate tantôt Mérémoth, tantôt Méri- 
muth, tantôt Marimuth; le nom du second est écrit 
Marimuth et celui du troisième Mérimuth. 

1. MARIMUTH (Septante : Mepi|iûe, I Esd., vm, 33; 
'Pajjwie, II Esd., m, 3; Mepa[iti6, II Esd., m, 21), prêtre, 
fils d'Urie, descendant d'Accus, le chef de la septième 
classe sacerdotale instituée par David. II Esd., m, 21. 
Il revint de la captivité à Jérusalem avec Esdras et, le 
quatrième jour, il pesa l'argent, For et les vases de la 
maison de Dieu. I Esd., vm, 33. Plus tard, lors de la 
reconstruction des murs de Jérusalem sous Néhémie, 
Marimuth travailla à leur réédification avec les autres 
descendants d'Accus, entre les fils d'Asnaa qui rebâtirent 
la porte des Poissons et Mosollam, fils de Barachias. 
II Esd., m, 3-4. Il refit aussi la portion du mur com- 
prise entre la porte de la maison du grand-prêtre Élia- 
sib et l'extrémité de la même maison. II Esd., m, 21. 
La Vulgate écrit son nom Mérémoth, I Esd., vin, 33; 
Marimuth, II Esd., m, 3, et Mérimuth, II Esd., m, 21. 

2. MARIMUTH (Septante : Mapt|iû>0), fils de Bani, qui 
avait épousé une femme étrangère et qui la renvoya sur 
l'ordre d'Esdras. I Esd., x, 36. 

MARINI Marco, hébraïsant italien, né à Brescia 
vers 1541, mort dans cette Ville en 1594. Il entra chei 
les chanoines du Saint-Sauveur et, s'étant fait connaître 
par ses écrits, fut appelé à Rome par Grégoire XIII qui 
lui offrit, mais en vain, plusieurs évêchés. Parmi ses 
ouvrages on remarque : Annotationes literales in Psal- 
mos nova versione illustratos, 2 in-4», 1748-1750, publié 
par Mingarelli avec une Vie de l'auteur. Marini avait fait 
paraître : Arca Noe t seu thésaurus lingute sanctse 
novus, 2 in-f>, 1593; Grammatica Xinguse sacrée, in-4° r 
Baie, 1580. B. Heurtebize. 



821 



MARIUS — MARTE 



822 



MARIUS Léonard, théologien catholique, né à Goes, 
en Zélande. Docteur en théologie, il enseigna cette 
science, en 1618, à Cologne, où il dirigea en même 
temps le collège Batave, qui était alors en cette ville. Il 
mourut à Amsterdam en 1652. Outre des ouvrages com- 
posés pour la défense de la hiérarchie catholique, contre 
Marc-Antoine de Dominis, nous avons de lui : Com- 
mentarixis in Pentateuchum Mosis, in-f°, Cologne, 1621. 

A. Régnier. 

MARLORAT Augustin, dit Pasquier, théologien 
protestant, né en Lorraine en 1506. D'abord moine 
augustin, il se laissa gagner, à Genève, par les idées des 
réformateurs. Nommé alors pasteur d'un petit village 
de Suisse, il y resta quelque temps, et vint ensuite à 
Rouen. Là il fut impliqué dans le procès de Jean Bosc, 
qui fut convaincu d'avoir été l'un des principaux insti- 
gateurs de la révolte des protestants en cette ville : con- 
damné à mort en même temps que lui, il fut pendu le 
30 octobre 1562. Marlorat a laissé un certain nombre de 
commentaires des livres bibliques : Expositio eccle- 
siastica Geneseos, in-f», Morges, 1584; Expositio in 
Jobum, Genève, 1585; Catena in Apocalypsin; In CL 
Psalmos Davidis et aliorum SS. prophetarum expli- 
catio ecclesiastica, seu bibliotheca expositionum in psal- 
mos, ex probatis theologis collecta et in unum corpus 
non minus ingeniose quant laboriose concinnata; quse 
instructissimse et paucis multa comprehendentis biblio- 
thecee loco esse potest. Item Cantica sacra ex diversis 
Bibliorwm locis cum simili expositione, in-f>, Genève, 
1585; Commentarius in Jesaiam, in-f°, Paris, 1564; 
Thésaurus Scripturse Sanctse, in-f°, Lausanne, 1575; 
Novi Testamenti catholica expositio ecclesiastica, 
i. e. ex universis probatis theologis excerpta a quodam 
V. D. ministro, diu multumque in theologia versato. 
Sive bibliotheca expositionum Novi Testamenti, in-f°, 
1561, 1564, 1570 et 1585. A. Régnier. 

MARMA (hébreu : Mirmâh; Septante : Mapnà), flls 
de Saharaïm et de Hodès, de la tribu de Benjamin, qui 
devint chef d'une famille importante. Il était né dans le 
pays de Moab. I Par., vm, 10. 

MARMITE, vase de terre ou de métal dans lequel 
on fait cuire les aliments. Son nom ordinaire en hébreu 
est -w, str (Vulgate : olla), du verbe sir, « bouillir. » 
II (IV) Reg., iv, 38. Pour les autres noms, pour la des- 
cription et l'emploi du mot dans l'Écriture, voir Chau- 
dière, t. il, col. 628. 

MAROTH (hébreu : Mârôf, « amertumes »), ville 
nommée par Michée, i, 12, dans un passage, f. 10-15, 
rempli de jeux de mots sur le nom des localités qu'il 
énumère. « Celle qui habite Maroth, dit-il, est dans 
l'angoisse pour son salut. » Les Septante ont traduit : 
y.aTO(xo-jffï| ôSivac, et la Vulgate : quse habitat in amari- 
tudinibus. Le site de Maroth est inconnu. Cornélius a 
Lapide, Comment., Paris, t. xrv, 1860, p. 74, et autres, 
J. Knabenbauer, In prophetas minores, t. i, 1886, p. 407, 
supposent que Maroth peut être identique à Mareth, 
Jos., xv, 59, mais l'orthographe des deux noms est si 
différente en hébreu, nVm, Màrôt, et t\-\to, Ma'ârdf, 

qu'on ne saurait les confondre. Tout ce que l'on peut 
dire, c'est que Maroth se trouvait dans le pays de Juda 
et dans le voisinage des Philistins, et peut-être prés de 
Lachis, qui est nommée à sa suite dans la prophétie de 
Michée. 

MAROTTE Siméon. Voir Muis (de). 

MAROUTHA, évêque jacobite de Tagrit et métropo- 
litain d'Orient de 629 à 649, né à Sourzaq, village du 
Beith Nouhadré, dans l'empire perse, mort à Tagrit le 
2 mai 649. D'après sa biographie résumée par Bar- 



Hébrseus, Maroutha fut d'abord moine et prêtre au monas- 
tère de Nardas, il alla plus tard à Callinice au monastère 
de Mar Zaki où il passa vingt ans et étudia les saints. 
Livres. Il demeura enfin dans la montagne d'Édesse, 
puis au monastère de Mar Mataï où il établit des règles 
et des lois, et enfin à la cour du roi de Perse, à Séleucie- 
Ctésiphon. Les guerres entre Héraclius et Chosroès l'obli- 
gèrent à se retirer à 'Aquoula ou Koufah, d'où le patriarche 
jacobite Athanase le nomma évêque de .Tagrit et ma- 
phrien (métropolitain) de douze diocèses d'Orient. Il 
construisit dans le désert de Mésopotamie le monastère 
de Mar Sergis pour les hommes, près d'une source 
nommée 'Aingaga, et plus tard le couvent de Beith 
Ébré pour les femmes. Lorsque les Arabes subjuguèrent 
la Perse, il leur fit ouvrir la citadelle de Tagrit et ainsi, 
grâce à sa prudence, personne ne fut molesté. Il fut 
enseveli dans la citadelle. — Il écrivit quelques livres 
liturgiques, des hymnes, des prières rythmées pour le 
sacrifice de la messe et un commentaire sur les Évangiles 
qui est cité dans la catena du moine Sévère. Deux sco- 
lies de Maroutha sur Exode, xvi, 1, et Matth., xxvi, 6-14, 
sont imprimées dans les Monumenta syriaca de Mœsin- 
ger, Inspruck, 1878, t. il, p. 32. — Voir Bar-Hébraeus, 
Chroniconeccles., édit. Abbeloos etLainy, Louvain, 1872- 
1877, t. il, col. 111, 119, 123, ; Rubens Duval, La littéra- 
ture syriaque, Paris, 1899, p. 77, 374-375. 

F. Nau. 
MARRACCI ou MARACCI Luigi, orientaliste ita- 
lien, né à Lucques en 1612, mort à Rome, le 5 févrierl700. 
Il appartenait à la congrégation des clercs réguliers de 
la Mère de Dieu, et y fut maître des novices, supérieur, 
procureur général et assistant. Fort versé dans la con- 
naissance des langues orientales, il fut chargé d'ensei- 
gner l'arabe à la Sapience et à la Propagande. Il refusa 
tous les honneurs que voulut lui accorder Innocent XI. 
Il eut la part principale dans la publication de : Biblia- 
Sacra arabica Sacrx Congregationis de Propaganda 
fide jussu édita ad usum ecclesiarum orientalium r 
additis e regione Bibliis vulgaribus latinis, 3 in-f°, 
Rome, 1671. On lui doit plusieurs autres publications, 
dont le Prodromus ad refutationem Alcorani, in-8", 
Rome, 1691; in-f°, Padoue, 1698, et Y Alcorani textus 
universus, inf», Padoue, 1698, contenant le texte et lu 
traduction du Koran avec réfutation, sont particulière- 
ment célèbres, à cause de la profonde connaissance que 
l'auteur avait de l'arabe, quoiqu'on puisse lui reprocher 
quelques fautes de critique. B. Heurtehize. 

MARSANA (hébreu : Marsena'; Septante : Ma>i- 
jtàpP]), le sixième des sept grands de Perse à la cour 
d'Assuérus (Xerxès I er ). Esth., I, 14. Divers noms perses, 
conservés par les écrivains de l'antiquité, se rapprochent 
de Marsana : Mardonius (Marduniya), qui commandait 
les Perses àMarathon;Mardontès,Manisaros.VoirW. Pape,, 
Handwôrterbuch der Eigennamen, t. il, p. 860, 854. 

MARTE ou MARTRE, petit carnassier de la famille 




p<i»j\ 



222. — Marte. 



des nrastilidés (fig. 222) analogue à la belette et au putois. 
Voir Belette, 1. 1, col. 1560. Comme cet animal, mustela. 



823 



MARTE — MARTEAU 



824 



martes, se rencontre assez communément en Palestine, 
il est probable qu'il a été rangé aussi sous le nom de 
hôUd et proscrit par le Lévitique, xi, 29. 

MARTEAU, instrument de percussion, composé d'une 



bat le métal, Eccli., xxxvm. 30, voir 1. i, fig. 596, col. 1900; 
t. n, fig. 678, 679, col. 2313; le marteau de l'ouvrier qui 
enfonce les clous ou les chevilles. Jer., x, 4. Voir t. il, 




223. — Marteau assyrien en bronze. British Muséum. 
D'après une photographie. 

masse plus ou moins pesante fixée à l'extrémité d'un 
manche (fig. 223, 224). On s'est servi et l'on se sert encore 




224. — Martiolus (petit marteau). 
D'après Baumeister, Denkmaler, p. 318. 

de toutes sortes d'objets durs pour foire l'office de mar- 
teaux: de morceaux de bois résistant aux chocs, restés en 
usage sous forme de maillets ; de 
pierres taillées plus ou moins 
grossièrement et constituant soit 
des percuteurs, à l'aide desquels 
on façonnait les haches de pierre, 
cf. N. Joly, L'homme avant les 
métaux, Paris, 1888, p. 217-225, 
soit des marteaux plus perfec- 
tionnés (fig. 223); enfin de mé- 
taux, cuivre, bronze ou fer. Il 
y a plusieurs noms donnés au 
marteau en hébreu : 1° Maqqe- 
béf et halmût, <rcpi5pa, maliens, 
marteau ou maillet avec lequel 
Jàhel enfonça le clou dans la 
tête de Sisara. Jud., rv, 21 ; v, 26. 
Ces deux mots ne sont employés 
chacun qu'une seule fois, le pre- 
mier dans un texte historique, 
le second dans un texte poéti- 
que. — 2° Maqqâbâh, o-çvpa, 
maliens (fig. 225), le marteau Ou 
le maillet du tailleur de pierres, 
III Reg., iv, 7, voir t. n, fig. 344, 
646, col. 967, 2206; le marteau du 
forgeron, qui aiguise la hache en la martelant, Is., xliv, 
12, comme font nos moissonneurs pour leur faux, ou qui 




225. — Malleus (maillet). 

D'après Daremberg, 

Dict. des antiquités, 

t. m, p. 825. 




226. — Marteau du sacrificateur et vase pour recevoir le sang ou 
la libation. D'après Clarac, Musée de sculpture, p. 220. 

fig. 210, col. 600. De ce nom a pu venir celui des Macha- 
bées. Voir Judas Machabée, t. m, col. 1790. Le mal- 
leus désignait aussi le gros maillet de bois dont les bou- 
chers se servaient pour abattre les bœufs. Il était em- 
ployé dans les sacrifices païens (fig. 226, 227). Le prêtre 
appelé popa assommait la victime, avant que le cultra- 
rius l'égorgeàt. Cf. Ovide, Met., n, 625; Suétone, Cal., 32. 
Les Juifs, au contraire, égorgeaient les victimes sans les 
abattre au préalable. — 3» PaltîS, açipee, malleus, mar- 
teau servant à briser les rocs, Jer., xxm, 29, à marteler 
et à polir les métaux, Is., xli, 7. — ¥KêlafÔt, Xa$suW)piov, 
ascia, Ps. lxxiv (lxxiii), 6, les kalapâti ou marteaux 
assyriens avec lesquels les Chaldéens ont brisé les sculp- 




227. — Marteau du sacrificateur. 
D'après Gerhard, Auserlesene vosenbilder, pi. 229. 

tures du Temple. — 5» Le marteau de guerre a deux 
noms : mêfîs, pÔTteiXov, « massue, » jaculum, Prov., xxv, 
18, et mappês, htamopizi&K, collidis. Jer., li, 20. Baby- 
lone a été aux mains de Dieu un mappês, pour briser 
les nations, et un pattîS, pour frapper toute la terre. Jer., 
xu, 7; L,23. — 6° Outre ces substantifs, l'hébreu emploie 
le verbe IdtaS, qui veut dire forger au marteau, comme 



825 



MARTEAU — MARTHE 



826 



Tubalcaïn, iripupoxdiroi;, malleator, Gen., rv, 22; et ai- 
guiser des armes ou des outils en les martelant, xaXxeûevt, 
exacuere, I Reg., xm, 20, imXëdetv, vibrare. Ps. vil, 14. 
Aiguiser les yeux contre quelqu'un, Job, xvi, 10, [JéX»)- 
7tetpaT&v aÙToO ÉTc'lfioi, terribilibus oculis me intuitus 
est, c'est le percer du regard, lui témoigner de l'hostilité. 
Avec la civilisation gréco- romaine s'introduisirent en 
Palestine différentes espèces de marteaux les maillets 
de bois, <r<pûpa, malleus, des batteurs d'or, Pline, H. N., 
xm, 26; xvi, 84, des maçons et des menuisiers, Plaute, 
Merc, n, 3, 57, le maillet de fer ou de bois cerclé en fer 
des forgerons, Pline, H.. N., xxxiv, 20, 40; le <rçOptov, 
malleolus, diminutif du précédent, Celse, vm, 3; le 
marcus, gros marteau en fer des forgerons ; le marcu- 
lus ou martulus, réduction du précédent, Martial, m, 
57, 6; Pline, H. N., vu, 56, 57; le martio lus, -marteau 
pour les petits ouvrages. Pétrone, Satyric, 51, etc. Cf. 
Rich, Dictionn. des antiq. romaines et grecques, trad. 
Chéruel, Paris, 1873, p. 387, 394. Tous ces outils devaient 
d'ailleurs exister équivalemment chez les Hébreux. 

H. Lesètre. 

MARTHE (grec : MâpBa), sœur de Marie de Bétha- 
nie et de Lazare. — 1° Ce nom ne se lit nulle part dans 
l'Ancien Testament. Il vient probablement de l'araméen 
tnârâ', « maître, » et signifie « maîtresse ». "Voir Électra, 
t. il, col. 1652. Plutarque, Marins, 17, cite ce nom 
comme celui d'une prophétesse syrienne qui accompa- 
gnait le général Marius. Cf. Schegg, Evang. nach Luk., 
Munich, 1863, t. n, p. 530. 

2° Marthe est nommée pour la première fois à l'occa- 
sion de la réception de Notre-Seigneur et de ses disciples 
dans un bourg de Galilée, au cours de son dernier 
voyage dans ce pays. Elle se multiplie et se donne un 
grand mouvement, mpiesirâTo, satagebat, pour recevoir 
dignement ses hôtes. Elle agit en maîtresse de maison, 
habituée à commander et à surveiller, tandis que sa sœur 
Marie, longtemps absorbée par de tout autres occupa- 
tions, ne songeait, depuis sa conversion, qu'à écouter 
les paroles du Sauveur. Aussi Marthe s'étonne-t-elle que 
sa sœur ne prenne pas une part plus active à la prépa- 
ration du festin. Elle dit donc à Notre-Seigneur, sans 
doute avec plus d'enjouement et de simplicité que de 
mécontentement : « Seigneur, ne prenez-vous pas garde 
que ma sœur me laisse seule à servir? Dites-lui donc de 
m'aider. » Marthe s'imagine que Marie fera plus d'hon- 
neur au divin Maître en lui préparant son repas qu'en 
l'écoutant. Notre-Seigneur répond sur un ton à la fois 
grave et affectueux : « Marthe, Marthe, tu te mets en 
peine et tu t'agites pour beaucoup de choses. Or, une 
seule est" nécessaire. Marie a pris pour elle la bonne 
part et elle ne lui sera pas ôtée. » Luc, x, 38-42. Le 
Sauveur ne blâme que ce qu'il y a d'excessif dans l'acti- 
vité de Marthe ; cet excès empêche de songer au princi- 
pal, qui est le soin de la vie spirituelle. Marie a choisi 
la bonne part, la part bonne par excellence; celle que 
Marthe a prise pour elle n'est que d'nne bonté secon- 
daire. Notre-Seigneur ne veut donc pas que Marie soit 
réduite à abandonner le nécessaire et l'excellent pour ce 
qui est simplement utile et bon. Cet épisode de Marthe 
et de Marie se lit à la fête de l'Assomption, parce que la 
"Vierge Marie a réuni en elle la perfection de la vie com- 
templative et celle de la vie active. ^ 

3° Marthe apparaît de nouveau, avec son caractère par- 
ticulier, dans le récit de la résurrection de Lazare. La 
première, elle va au-devant du Sauveur, quand il 
approche de Béthanie, alors que Marie reste à la maison 
plongée dans son chagrin. Marthe s'adresse à Notre-Sei- 
gneur et lui répond avec le plus grand à-propos sur la 
résurrection future et sur sa foi en la divinité de celui 
qui lui parle. Elle-même va ensuite avertir sa sœur. Elle 
intervient encore" au moment où Jésus ordonne l'ouver- 
ture du sépulcre. Joa., si, 20-40. Néanmoins, Marie parait 
avoir occupé l'attention publique plus que Marthe ; car 



saint Jean, xi, 45, parlant du concours des Juifs à 
Béthanie, dit qu'ils étaient venus vers Marie. Marthe 
n'est pas nommée dans le grec ni dans les manuscrits 
de la "Vulgate, bien que le texte actuel la mentionne ici. 

4° Au festin qui a lieu à Béthanie, la veille des Rameaux, 
Marthe préside au service, Joa., xn, 2, tandis que Marie 
entoure de ses soins pieux la personne même du Sau- 
veur. Les deux sœurs apparaissent dans ce festin à peu 
près avec le même rôle que celui qu'elles ont rempli 
dans la maison de Galilée (voir col. 811). Le service de 
Marthe n'avait donc pas été condamné ni même blâmé; 
le Sauveur n'en avait signalé que le caractère excessif 
et exclusif. Après cet épisode, il n'est plus question de 
Marthe dans l'Évangile. On est étonné de ne pas la voir 
figurer, comme sa sœur, dans les récits de la passion et 
de la résurrection. Mais son absence s'explique par ce fait 
que les princes des prêtres songeaient à faire périr La- 
zare. Joa., xn, 10, 11. Les deux sœurs ne pouvaient à la 
fois abandonner leur frère ; pendant que Marie représen- 
tait la famille amie auprès du Sauveur mourant, Marthe 
dut rester auprès de Lazare menacé de mort. 

5° On n'a pas de documents anciens sur les dernières 
années de Marthe. Dans la seconde moitié du iv« siècle, 
à l'époque de la Peregrinatio Silviœ,i\ y avait à Béthanie 
deux églises, l'une à l'endroit de la rencontre de Jésus et 
de Marthe, l'autre sur le tombeau de Lazare. Saint Jérôme, 
Epist. cviii, Epitaph. Paulx, 12, t. xxii, col. 887, signale 
à Béthanie « le sépulcre de Lazare, la demeure de Marie 
et de Marthe », mais ne dit rien de la mort ni du tom- 
beau des deux sœurs. Le Petit Martyrologe romain, du 
ix« siècle, et Usuard se contentent de mentionner, au 
17 décembre, à Béthanie, le souvenir de Lazare et de 
Marthe, probablement à cause du vocable des deux églises 
dédiées dans ce bourg, l'une à saint Lazare, l'autre à 
sainte Marthe. En H87, on découvrit le tombeau de sainte 
Marthe à Tarascon et l'on bâtit au-dessus une église qui 
fut consacrée en 1197. On écrivit alors la légende qui 
faisait venir sainte Marthe de Palestine, avec son frère 
et sa sœur et beaucoup d'autres personnages célèbres 
depuis dans la Gaule ecclésiastique. Elle se serait établie 
à Tarascon, y aurait vaincu le monstre Tharascurus ou 
Tarasque, aurait ressuscité un jeune homme noyé à Avi- 
gnon, et, sur une invitation de sa sœur Madeleine, serait 
morte sept jours après elle, le 29 juillet. D'un des ser- 
mons mis sous le nom de saint Ambroise, Serm. xlyi, 
de Salomon., iv, 14, t. xvii, col. 698, on conclut même 
que Marthe était Phémorroïsse de l'Évangile, guérie d'un 
flux de sang par le Sauveur. Clovis I er , roi des Francs, 
serait venu à son tombeau, à Tarascon, et y aurait obtenu 
une guérison. Cf. Jacques de Voragine, La légende dorée, 
trad. Roze, Paris, 1902, t. h, p. 307-313; Faillon, Monu- 
ments inédits sur l'apostolat de sainte Marie-Madeleine, 
Paris, 1865, t. n, p. 453. Deux chartes de 964 et 967 
supposent à Tarascon une « terre de sainte Marthe », 
dépendant naturellement d'une église dédiée à la sainte. 
Cf. Bellet, Les origines des églises de France, Paris, 
1898, p. 250-255; J. Bérenger, Les traditions proven- 
çales, Marseille, 1904, p. 166-174. Cependant, un manu- 
scrit du martyrologe d'Adon, à l'usage des églises d'Arles 
et d'Avignon, et datant des premières années du xii e siè- 
cle, enregistre une fête de sainle Marthe, au 17 octobre, 
et une autre de Lazare et de Marthe, au 17 décembre, 
sans aucune mention du séjour à Tarascon. Dans un 
martyrologe d'Avignon, on lit au 29 juillet ces simples 
mots : « Ce jour, passage de la bienheureuse Marthe, 
sœur de Lazare, » insérés au xm e siècle. A la même 
époque, on a inséré à la marge inférieure du martyro- 
loge d'Adon, au 27 juillet : « Dans les Gaules, au bourg 
de Tarascon, sainte Marthe, hôtesse du Christ, etc. » Cf. 
G. Morin, Un martyrologe d'Arles, dans la Revue d'his- 
toire et de littérature religieuses, Paris, 1898, p. 23, 24 ; 
Duchesne, Fastes épiscopaux de Vancienne Gaule, Paris, 
1894, 1. 1, p. 325^29. H. Lesètbe. 



827 



MARTIANAY — MARTIN 



828 



MARTIANAY Jean, savant bénédictin de la congré- 
gation de Saint-Maur, né le 30 décembre 1647 à Saint- 
Sever-Cap, dans le diocèse d'Aire, mort à Paris à l'abbaye 
de Saint-Germain-des-Prés le 16 juin 1717. Il entra chez 
les bénédictins de La Daurade à Toulouse où il prononça 
ses vœux en 1668. Il étudia avec ardeur les langues 
orientales et l'Écriture Sainte dont il devint professeur 
dans plusieurs maisons de son ordre. Pendant qu'il 
■enseignait à Bordeaux, il publia sur la chronologie bi- 
blique un livre qui attira l'attention de ses supérieurs et 
le fit appeler à Paris. Son œuvre principale est l'édi- 
tion des Œuvres de saint Jérôme. Il l'annonça en 1690 
dans son Divi Hieronymi Prodromus, in-4°, 1690, et 
la publia à Paris en cinq volumes in-f» de 1693 à 1706, 
Sancti Eusebii Hieronymi Stridonensis presbyteri, 
■divina Bibliotheca antehac inedita, etc. Il la fît suivre 
•d'une Vie de saint Jérôme tirée particulièrement de 
ses écrits, in-4°, Paris, 1706. On lui doit aussi : Défense 
du texte hébreu et de la chronologie de la Vulgate, 
contre le livre intitulé : L'antiquité des temps rétablie 
du P. Pezron, de l'ordre de Cîteaux, in-12, Paris, 1689; 
■Continuation de la défense du texte hébreu et de la 
Vulgate, in-12, Paris, 1693; Relation de la dispute de 
l'auteur du livre de l'Antiquité des temps rétablie contre 
le défenseur de la Vulgate, in-12, Paris, 1707 (Martianay 
■défend les chiffres du texte hébreu et la chronologie de 
la Vulgate contre le P. Pezron qui défendait la chronologie 
■des Septante); Vulgata antiqua latina et itala versio 
Evangelii secundum Malthœum, e vetuslissimis eruta 
monumentis,in-A%, Paris, 1695; Remarques sur la version 
italique de l'Évangile de saint Matthieu qu'on a décou- 
verte dans de fort anciens manuscrits, in-12, Paris, 1695 ; 
Traité de la connaissance et de la vérité de l'Écriture 
Sainte, 4 in-12, Paris, 1694-1695; 1717; Continuation du 
premier Traité de l'Écriture, où l'on répond aux diffi- 
cultés que l'on a faites contre ce même Traité, in-12, 
Paris, 1699; 1719 ; Suite des Entretiens ou Traités sur la 
^vérité et la connaissance de la Sainte Écriture, in-12, 
Paris, 1703 ; Traité méthodique ou manière d'expliquer 
l'Écriture par le secours des trois syntaxes : la propre, 
la figurée et l'harmonique, in-12, Paris, 1704 (c'est une 
herméneutique dans laquelle l'auteur insiste sur la règle 
■d'interpréter les Livres Saints d'après les Pères et les 
•coneiles, et non d'après les principes des Juifs et des pro- 
testants) ; Défense de la Bible de saint Jérôme contre la 
critique de M. [Richard] Simon, in-12, Paris, 1699; Eru- 
ditionis Hieronymianes Defensio adversus Johannem 
Clericum, in-8», Paris,1700; Harmonie analytique de plu- 
sieurs sens cachés et rapports inconnus de l'Ancien et 
du Nouveau Testament, avec une explication littérale de 
quelques Psaumes et le plan d'une nouvelle édition de la 
Bible latine (plan d'une sorte de Polyglotte qui ne fut 
pas mis à exécution), in-12, Paris, 1708; Essais de traduc- 
tion ou Remarques sur les traductions françaises du 
Nouveau Testament, in-12, Paris, 1709 (2 éditions diffé- 
rentes la même année); Le Nouveau Testament de N.-S. 
J.-C, traduit en français sur la Vulgate avec des ex- 
plications littérales, 3 in-12, Paris, 1712; Prodromus 
biblicus sive conspectus facilis ac simplex expositionis 
novse Sacrorum Bibliorum, ex ipsis divinarum Scrip- 
turarum sententiis parallelis penitus contexta, in-4°, 
Paris, 1714; Explication historique du Psaume Exurgat 
Deus, in-12, Paris, 1715; Méthode sacrée pour ap- 
prendre à expliquer l'Ecriture Sainte par l'Écriture 
-même, in-8», Paris, 1716; Les trois Psautiers de saint 
Jérôme traduits en français, 1704; Psautier en trois 
colonnes selon la Vulgate, in-12, Bruxelles, 1716. . — 
Voir dom Tassin, Histoire littéraire de la congrégation 
de Saint-Maur, in-4», Paris et Bruxelles, 1770, p. 382- 
397; Journal des savants, 9 août 1717, p. 506-509; J. B. 
"Vanel, Nécrologe des religieux de la congrégation de 
Saint-Maur décédés à Saint-Germain-des-Prés, in-4°, 
Taris, 1896, p. 112-115. F. Vigouroox. 



1. MARTIN (Jacques de), bénédictin, né à Fanjeaux, 
dans l'Aude, le 11 mai 1684, mort à Paris, le 5 sep- 
tembre 1751. Ses études terminées à Toulouse, il entra 
en 1709 dans la congrégation de Saint-Maur. Après 
avoir enseigné les humanités, il vint en 1727 à l'abbaye 
de Saint-Germain-des-Près, où il mourut. Très érudit, 
mais d'une imagination hardie, il a laissé plusieurs 
ouvrages, parmi lesquels nous n'avons à mentionner 
que le suivant : Explications de plusieurs textes diffi- 
ciles de l'Écriture Sainte qui jusqu'à ce jour n'ont été 
ni bien entendus, ni bien expliqués par les commen- 
tateurs, avec des règles certaines pour l'intelligence du 
sens littéral de l'Ancien et du Nouveau Testament, 
2 in-4°, Paris, 1730. L'auteur y donne de bonnes expli- 
cations d'un certain nombre de passages obscurs, mais 
quelques gravures trop libres et des traits satiriques et 
mordants firent arrêter la vente de ce livre. Parmi 
d'autres bizarreries, l'auteur y affirme que l'étude des 
poètes profanes, et de Plaute en particulier, est un moyen 
très utile pour arriver à une bonne intelligence de l'Écri- 
ture Sainte. — Voir dom J. F. de Brézillac, Éloge de 
dom Martin, en tête du 2 e volume de son Histoire des 
Gaules; Ziegelbauer, Hist. 'rei literariss Ord. S. Bene- 
dicti, t. iv, p. 60, 64, 105; [D. François,] Biblioth. 
générale des écrivains de l'ordre de Saint-Benoît, t. Il, 
p. 304; Ch. de Lama, Biblioth. de la congrégation de 
Saint-Maur (1882), p. 170. B. Heurtebize. 

2. MARTIN Paulin, orientaliste et critique biblique 
français, né à Lacam (Lot) le 20 juillet 1840, mort à 
Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales) le 14 janvier 1890. 
Après avoir fait ses humanités au petit séminaire de 
Montfaucon (Lot), il étudia la théologie à Saint-Sulpice, 
où il fut élève de M. Le Hir. Étant trop jeune pour recevoir 
la prêtrise au terme de cette première série d'études 
théologiques, il alla les continuer au séminaire français, 
à Rome, y suivit les cours du collège romain, et fut 
ordonné prêtre en 1863. Au mois de février 1866, nommé 
chapelain de Saint-Louis-des-Français, il continua à 
travailler et prit les degrés de docteur en théologie et de 
licencié en droit canonique. Les langues orientales : 
hébreu, arménien, arabe, syriaque, furent l'objet prin- 
cipal de ses études. « Bientôt il obtint le renom mérité 
de syriacisaut distingué, et c'est dans cet ordre d'études 
qu'il publia les œuvres les plus achevées et les plus du- 
rables. » E. Mangenot, dans la Revue des sciences ecclé- 
siastiques, décembre 1891, p. 541. De retour en France, 
l'abbé Martin fut d'abord vicaire pendant quatre ans à 
Saint-Nicolas-des-Champs à Paris (1868-1872); il devint 
après chapelain de Sainte-Geneviève par voie de con- 
cours, puis aumônier pendant quelques mois de l'école 
Monge (1876), premier vicaire de Saint-Marcel-de-la- 
Maison-Blanche (1877), et enfin (octobre 1878) professeur 
d'Écriture Sainte et de langues orientales à l'Institut 
catholique de Paris. Il occupa cette chaire jusqu'à sa 
mort. En 1890, des infirmités précoces l'avaient con- 
traint d'aller chercher à Amélie-les-Bains le rétablisse- 
ment d'une santé ruinée par l'excès de travail. Il y 
mourut dans sa cinquantième année. 

On a de lui : Œuvres grammaticales d' Aboul'Faradj, 
dit Bar-Hébrseus, 2 in-8°, Paris, 1872; Grammatica, 
chrestomathia et glossarium lingum syriacse, in-8 8 , 
Paris, 1873; Histoire de la ponctuation ou de la tnas- 
sore chez les Syriens, in-8», Paris, 1875; Quatre ma- 
nuscrits importants du Nouveau Testament, auxquels 
on peut en ajouter un cinquième, in-8», Paris, 1886; 
Introduction à la critique générale de l'Ancien Testa- 
ment : Dé l'origine du Pentateuque. Leçons professées 
à l'école de théologie de Paris en 1886-i889, 3_ in-4», 
Paris, 1887-1889; L'Hexaméron de Jacques d'Édesse, 
in-8», Paris, 1888; Saint Jb tienne Harding et les recen- 
seurs de la Vulgate latine, Alain et Théodulfe, dans 
la Revue des sciences ecclésiastiques, 1887; La Vulgate 



829 



MARTIN — MASCARELL 



830 



au xiw siècle d'après Roger Bacon, dans le Musêon, 
■1888; Introduction à la critique textuelle du Nouveau 
Testament, partie théorique, Leçons professées à l'école 
supérieure de théologie de Paris en 1883-1883, litho- 
graphie, in-4°, Paris (s. d.); Descriptixm technique des 
manuscrits grecs, relatifs au Nouveau Testament, 
conservés dans les bibliothèques de Paris, in-4°, Paris, 
lithographie (ce dernier ouvrage est un supplément du 
précédent) ; Introduction à la critique textuelle du Nou- 
veau Testament, partie pratique, tome I er : Les plus 
anciens manuscrits du Nouveau Testament et Origène, 
leçons de 1883-1884, in-4», Paris, 1884, lithographie ; t. n : 
La finale de saint Marc, leçons de 1883-1884, lithogra- 
phie, in-4», Paris, 1884; t. m : Les versets de saint Luc, 
xxn, 43-44, sur la sueur de sang, leçons de 1884rl885, 
lithographie, in-4», Paris, 1885; t. IV : Les versets 3 et 4 
du ch. v de S. Jean et la section de la femme adultère, 
leçons de 1885-1886, lithographie, in-4», Paris, 1886; 
t. v : Le verset des trois témoins; leçons de 1885-1886, 
lithographie, in-4», Paris, 1886. Ces leçons lithogra- 
phiées, écrites au courant de la plume, sans aucune re- 
touche, sont diffuses, mais pleines d'érudition. L'abbé 
Martin publia aussi de 1887 à 1889, dans diverses re- 
vues, des articles sur I Joa., v, 7 : Le verset des trois 
témoins célestes et la critique biblique contemporaine 
(Revue des sciences ecclésiastiques, 1887) ; Les trois té- 
moins célestes (La Controverse et Le Contemparain, 
15 juillet 1888), réponse à M. Vacant; Le verset des trois 
témoins célestes est-il authentique; Un dernier mot 
{Revue des sciences ecclésiastiques, février, mars et mai 
1889), réponses à MM. Maunoury et Rambouillet, etc. Voir 
E. Mangenot, M. l'abbé Paulin Martin, dans la Revue 
des sciences ecclésiastiques, décembre 1891, p. 541-551. 

0. Reï. 
MARTINET. Voir Hirondelle. 

MARTINI Antonio, traducteur de la Bible en italien, 
né à Prato en Toscane le 20 avril 1720, mort à Florence, 
dont il fut archevêque, le 31 décembre 1809. Sur sa cé- 
lèbre version des Saintes Écritures en langue italienne, 
voir t. m, col. 1032. 

MARTYR, mot grec, |iâf>TU;, pluriel, (juip-cupEç, qui 
signifie « témoin », celui qui atteste ce qu'il a vu ou 
entendu. Il est fréquemment employé, dans la traduction 
des Septante et dans le Nouveau Testament grec, avec 
sa signification générale et avec sa double acception 
particulière, judiciaire et historique. — 1. Le témoin 
affirme en jugement l'exactitude des choses qu'il dépose. 
JExod., xxiii, 1; Deut., xvn, 6; etc., Matth., xvm, 16; 
xxvi, 65; Marc, xiv, 63; Act., vi,13; vii,58;IICor.,xni, 
1; I Tim., v, 19; Heb., x, 28. — 2. Au sens historique, 
le (lip-ruç affirme la vérité des choses qu'il rapporte, 
parce qu'il les a vues. Act., x, 41; I Tim., vi, 12. — 
3. Ceux qui attestent par l'effusion de leur sang la véra- 
cité de leur témoignage en faveur de Jésus-Christ, 
comme saint Etienne, Act., un, 20, Antipas, Apoc, u, 
13, sont appelés « ses martyrs », d'une manière géné- 
rale, nGtp-tupsç Ir,<xo5. Apoc, xvn, 6. C'est de là qu'est 
venue la signification particulière attribuée an mot mar- 
tyr en latin, en français, et dans plusieurs langues 
modernes, « celui qui scelle son témoignage de son- 
sang. » Notre Vulgate n'a employé qu'une seule fois le 
mot « martyr » et c'est avec cette acception particulière 
que l'on retrouve ensuite dans les plus anciens écrivains 
ecclésiatiques : Vidi mulierem ebriam... de sanguine 
martyrum Jesu. Apoc, xvn, 6. 

MARTYRE DE SAINT BARTHÉLÉMY, livre 
apocryphe. Voir Actes apocryphes, VIII, t. i, col. 164. 

MARZILLA Pierre Vincent, religieux bénédictin 
d'unj noble famille de Saragosse, mort vers 1620. Il 



enseigna la théologie à Compostelle, et parmi ses écrits 
on remarque : Paraphrasis intexta editioni Vulgatee in 
Pentateuchum, in-f°, Salamanque, 1600. — Voir Ziegel- 
bauer, Historia rei literariœ O. S. B., t. rv, p. 25, 225; 
N. Antonio, Biblioth. Hispana nova, t. n, p. 248. 

B. Heurtebize. 

MASAL (hébreu : MiS'âl, « demande, prière [?], » 

6-esenius, Thésaurus, Indices, p. 113; Septante : Maanâ), 

ville lévitique de la tribu d'Aser. Les Massorètes l'ont 

ponctué de deux manières différentes : httvin, MU'âl, 

T ; * 

dans Jos., xix, 26, et xxi, 30, et hvn, I Par., vi, 59 (Vul- 
gate, 74). Les Septante l'ont rendu par Maaadc dans Jos., 
xix, 26; MtxaaâX, dans I Par., vi, 74; ils l'ont défiguré 
dans Jos., xxi, 30, sous la forme BacreXXâv (Alexandri- 
nus ; Maa<râX). La Vulgate écrit son nom Masal, Jos., xxr, 
30; I Par., vi, 74, et Messal, Jos., xix, 26. — 1» L'Écri- 
ture ne nomme cette localité que trois fois : une pre- 
mière fois dans l'énumération des villes qui échurent à 
la tribu d'Aser, Jos., xix, 26, et les deux autres fois dans 
l'énumération des villes qui furent données aux Lévites. 
Jos., xxi, 30; I Par., vi, 74. Masal fut attribuée aux Lé- 
vites de la famille de Gerson. — 2° Eusèbe écrit son nom 
Macrav et dit qu'elle était située près du mont Carmel, 
sur la mer Méditerranée. Onomast., édit. Larsow et 
Parthey, 1862, p. 278, 279. Ces données sont générale- 
ment admises comme exactes, mais l'identification pré- 
cise de la localité est incertaine. D'après Van de Velde, 
Memoir to accompany the Map, p. 335, Masal aurait 
occupé le site du village ruiné appelé de nos jours Khir- 
bet Miseliéh ou Misalli, non loin de la mer, à cinq ou 
six kilomètres au nord-est d'Athlit. Voir la carte d'AsER, 
t. I, vis-à-vis la col. 1085. On y voit « plusieurs enclos, 
que séparent des murs de clôture en pierres sèches pro- 
venant de maisons renversées ». V. Guérin, Samarie, 
t. n, p. 283. Les explorateurs anglais du Palestine 
Exploration Fund placent à tort Masal dans l'ouadi 
Maisléh, au nord de Saint-Jean d'Acre. Armstrong, 
Wilson et Conder, Names and Places in the Old and 
New Testament, in-4», Londres, 1889, p. 129. — Masal 
se trouvait sur la route d'Egypte en Syrie qui longeait 
le Méditerranée. Nous ne savons rien de son histoire. Il 
est cependant possible qu'elle soit nommée dans la liste 
des villes soumises à Thothmés III, sous la forme 
Misa'ara, qu'on peut lire Misa'ala. W. M. Mûller, Asien 
und Europa,nach altàgyptischer Benkmâler, 1893,p.l81 . 

MASALOTH (Septante : Mat<?a).w6), localité où 
campa l'armée syrienne conduite par Bacchide et Alcime 
contre Judas Machabée, I Mach., ix, 2. Il n'en est fait 
mention nulle part ailleurs et sa situation est indiquée 
dans ce passage par les mots « qui est en Arbelles ». 
On peut, avec Ed. Robinson, Biblical Researches in 
Palestine, 1856, t. h, p. 398-399, voir dans ce nom les 
degrés ou terrasses, mbDn, mesiïlôf, qui conduisaient 
aux cavernes d'Arbèle en Galilée, non loin du lac de 
Tibériade. Voir Arbèle, t. i, col. 885. Tuch, Commenta- 
tio de Man aXw6 èv 'ApSriXoiç, 1853, suppose qu'il faut 
lire M«<7cra8ri>8, hébreu : Mesadôt, « forts, forteresses, » 
au lieu de MawaXwO, et que ce mot désigne les cavernes 
mêmes d'Arbèle dont parle Josèphe, Bell, jud., I, XVI, 
2, 4. Cf. Ant. jud., XII, xi, 1, où l'historien juif raconte 
que Bacchide attaqua et prit les Juifs qui s'étaient 
réfugiés dans les cavernes d'Arbèle, êv (rmjXai'oç. Plu- 
sieurs commentateurs, C. L. W. Grimm, Dos erste Buch 
der Maccabàer, 1855, p. 132, pensent que Josèphe a 
passé sous silence le mot MaioaXwO du texte; il est plus 
probable qu'il l'a traduit par « dans les cavernes ». Quel- 
ques critiques ont supposé sans raison que Masaloth était 
une altération de Casaloth. Voir Casaloth, t. H, col. 326. 

MASCARELL Vincent, jésuite espagnol, né à Va- 
lence le 8 avril 1660, mort à Valladolid le 13 avril 1730. 



831 



MASCARELL — MASOBIA 



832 



Entré dans la Compagnie de Jésus le 4 avril 1682, il 
enseigna la théologie, fut recteur d'Avila et de Léon et 
enfin professeur d'Écriture sainte à Salamanque pendant 
quatorze ans. Il nous a laissé un travail fort important 
sous le titre de Sacrée dissertationes prsesertim chro- 
nologies in divinam ScW^turam, Valladolid, 1721-1724. 
Le tome i" est consacré aux temps écoulés depuis la 
création jusqu'à la fondation du temple de Salomon; le 
h» aux années des rois de Juda et d'Israël; le ni" à 
celles d'Esdras, de Judith et d'Esther; le iv e expose et 
explique les généalogies de Notre-Seigneur et de la sainte 
Vierge, d'après saint Matthieu et saint Luc, ainsi que 
plusieurs passages difficiles de l'Ancien et du Nouveau 
Testament. Évidemment les dissertations chronolo- 
giques se sentent de l'époque où elles ont paru et la 
science moderne pourrait y relever quelques erreurs. 

P. Bliard. 
M ASCH Andréas Gottlieb, érudit protestant allemand, 
né à Beseritz en Mecklembourg le 5 décembre 1724, 
mort à Neu-Strelitz le 26 octobre 1807. Il fut célèbre en 
Allemagne comme prédicateur. On lui doit la continua- 
tion de la Bibliotheca sacra de Jacques Lelong (col. 163). 
Publiée à Paris en 2 in-8°, Paris, 1702 et 1709,. et à An- 
vers avec des additions, par Ch. Boerner, 2 in-8°, 1709, 
Masch la compléta de 1778 à 1790 et la publia à Halle, 
4 in-4° sous ce titre : Bibliotheca sacra post Cl. Cl. 
VV. Jacobi Lelong et C. F. Boemeri iteratas curas 
ordine disposita, emendaia, suppleta, continuata ab 
A. G. Masch. Elle fait connaître les éditions des textes 
originaux (part. 1, 1. 1), latines (part. II, t. m et iv) et des 
versions de la Bible, orientales et grecques (part. II, 1, 
t. h), latines (part. II, 2, t. in et iv), et versions des 
versions (c. iv, t. iv), publiées avant cette époque. — 
Voir Doring, Gelehrte Theologen Deutschlands der 
xviu** und XJ2"» Jahrhunderten, t. h, p. 422; AUge- 
meine deutsche Biographie, t. xx, 1884, p. 550. 

\ - MASÉPHA, ville de Juda. Voir Maspha3, col.'gSB-SSS. 

MASÉRÉENS (hébreu : ham-mUrâ'î; Septante : 
'Hiiourapoù'ii; ils ont conservé l'article au commence 
ment du nom; Vulgate : Maserei), descendants de Ca- 
leb, de la tribu de Juda, formant la quatrième des quatre 
familles qui émigrèrent de Cariathiarim à une époque 
inconnue. I Par., H, 53. Elle parait être allée s'établir 
dans une localité appelée Misrd 1 , d'où son nom. Cette 
localité n'est d'ailleurs mentionnée expressément nulle 
part; tout ce qu'on peut en dire, c'est qu'elle devait se 
trouver probablement dans le voisinage de Cariathiarim. 

MASÉRÉPHOTH (hébreu : Misrefôf maïm; Sep- 
tante : Ma<rpeçùG Matv; Vulgate : aqux Maserephoth), 
localité de Phénicie, nommée deux fois dans l'Écriture. 
Jos., xi, 8; xiii, 6. L'étymologie de ce nom de lieu est 
diversement expliquée. D'après Kimchi, mUrefôf maïm 
signifie des « eaux chaudes », des eaux thermales, de 
la racine sâraf, « brûler, » Voir Unger, De thermis 
Sidonis, Leipzig, 1803. D'autres-pensent qu'il s'agit de 
verreries, qui avaient été établies près de ces eaux (cette 
localité était située dans la région où l'on dit que le 
verre fut inventé), ou de fonderies de métaux. Cornélius 
a Lapide, Comment., Paris, 1859, t. m, p. 67; Masius, 
In Jos., dans Migne, Cursus completus Scripturse 
Sacrse, t. vin. 1838, col. 90; Gesenius, Thésaurus, 
p. 1341 ; Keil, Josua, 1863, p. 88. Le Targum a rendu 
mièrefot maïm par « fossés d'eaux » et divers commen- 
tateurs juifs y ont vu des salines, en supposant que ces 
fossés étaient préparés pour y faire évaporer l'eau de 
mer et y recueillir le sel. Cette explication est sans 
vraisemblance. — Josué, xi, 8, raconte que les Israélites, 
après avoir battu les Chananéens du nord de la Pales- 
tine près du lac Mérom, les poursuivirent jusqu'à Mière- 
fot Maïm. Ce nom reparait, xm, 8, associé, comme la 



première fois, à celui de Sidon, parce que ce lieu appar- 
tenait aux Sidoniens. Le site est incertain. Quelques 
commentateurs croient que Miirefôt est Sarepta, dont le 
nom dérivé de ]a même racine hébraïque, mais cette 
similitude accidentelle n'est pas une preuve et cette 
ville est située trop au nord. — D'après Thomson, The 
Land and the Booh, Central Palestine, Londres, 1883, 
p. 266, les eaux de Maséréphoth sont les sources appe- 
lées aujourd'hui 'Aïn Mescherfl, à Khirbet el-Muschei- 
rifêh, sur la côte de la Méditerranée, au sud de Ras- 
en-Naqourah, l'Échelle des Tyriens, au pied du Djebel 
Muschakka, à l'extrémité septentrionale de la plaine de 
Saint-Jean-d'Acre. 

MASIA (hébreu : Ma'âsêydh, « œuvre de Jéhovah; ■» 
Septante : Maao-îou), Benjamite, fils d'Éthéel et père de 
Colaïa. Un de ses descendants appelé Sellum habitait à 
Jérusalem du temps d'Esdras et de Néhémie. II Esd., 
xi, 7. 

MASIUS, nom latinisé du commentateur belge An- 
dré Maes. Voir Maes, col. 537. 

MASKIL (Septante : enjveffi?; Vulgate : intellectus, 

inlelligentia). Ce mot se trouve au titre de treize 

Psaumes : Ps. xxn, xlh, xliv, xlv, lu, lui, liv, lv, 

lxxiv, lxxviii, lxxxviii, lxxxix, cxi.ii. Le verbe bDir, 

èdkal, signifie « connaître, comprendre », et haskïl, 

« enseigner, » d'où maskil, [poème] « didactique ». Voir 

Ps. xxn, 8; xlvh, 8, et l'expression analogue ia¥?, Ps. lx, 

1. Mais le rapprochement de la racine arabe ►*•£■•, qui 

est de la même famille que l'hébreu bsi» et possède les 

même significations, donne une explication un peu dif- 

». <* •> . 

ferente : « poème, poésie, vers; »jj».*i,« connaissance, 

sensation, doctrine, vers, poésie; » j^Lio, « poète; » 

jAJù, « beau poème. » J. Parisot. 

MASMA (hébreu : Mtëmd', « audition; » Septante i 
Mau|jict), nom d'un Ismaélite et d'un Siméonite. 

1. MASMA, le cinquième des douze fils d'Ismaël. 
Gen., xxv, 14; I Par., I, 30. Le pays habité par la tribu 
arabe qui porta ce nom n'est pas déterminé [avec certi- ' 
tude. Certains commentateurs l'ont identifié avec les 
MamatjJLaveïç de Ptolémée, vi, 7, 21 (voir Keil, The 
Pentateuch, Edimbourg, 1866, 1. 1, p. 265), au nord-est 
de Médine; d'autres ont proposé des rapprochements avec 
El-Mismîyéh, dans le Ledjah, au sud de Damas, ou 
avec Djebel Misma', au sud-est de Kdf, à l'est de l'ouadi 
Sirhan, ou avec un autre Djebel Misma', situé plus au 
sud, vers Teinta, où l'on a trouvé des inscriptions. 
J. A. Selbie, dans Hastings, Dictionary of the Bible, 
t. m, 1900, p. 397; Ed. Glaser, Skizze der Gcschichte 
und Géographie Arabiens, t. n, 1890, p. 440. 

2. MASMA, fils de Mapsam et père d'Hamuel, de Za- 
chur et de Séméi, de la tribu de Siméon. I Par., iv, 
25-26. Dans la généalogie d'Ismaël, Gen., xxv, 13-14; 
I Par., i, 29-30, le quatrième et le cinquième de ses fils 
s'appellent en hébreu Mibsam (Mapsam) et MiSma, 
(Masma) comme ici le père et le fils. 

MASMANA (hébreu : Mismannâh, « graisse; » 
Septante : Maspiavâ), le quatrième des vaillants Gadites 
qui allèrent rejoindre David dans le désert de Juda, pen- 
dant la persécution de Saùl. I Par., xn, 10. 

MASOBIA (hébreu : ham-Mesôbâyâh, « le Méso- 
baïte; » Septante : 6 Mso-aoëtà; Sinaiticus : Meivaëtiâ), 
patrie de Jasiel, un des braves de David. I Par., XI, 47. 
Voir Jasiel 2, t. m, col. 1139. Masobia est complètement 



833 



MASOBIA — MASPHA 



834 



inconnue. Quelques-uns ont pensé que ce nom pouvait 
être une modification ou altération de Soba, petit royaume 
araméen du temps de David. Voir Soba. 

MASPHA (hébreu : Mispéh, à la pause Mispâh, avec 
mouvement Mispâtâh, « lieu d'observation, » de safâh, 
■a observer, guetter; » Septante-: Macrça, Ma<r<j7)çei,Mà<T- 
<ni?â6; Vulgate : Maspha et Masphath ordinairement; 
une fois Masphe, une fois Mesphe et une fois Masepha), 
nom d'un monument ou monceau de pierres, de plu- 
sieurs hauteurs, territoires ou villes-. En hébreu, le nom 
est quelquefois sans l'article, le plus souvent avec lui, 
ham-Mispéh ; il est parfois aussi traduit par mamk et 
<rxoTi7J dans la version grecque, par spécula dans la ver- 
sion latine et dans les autres versions par des noms ana- 
logues ayant la signification du nom hébreu. 

1. MASPHA est un des noms donnés par Jacob au 
monceau de pierres ou monument, encore appelé Ga- 
laad, et élevé par lui avant de se séparer de Laban son 
ieau-père en souvenir de leur alliance et de leurs enga- 
gements. Gen., xxxi, 49. 

1° Origine et signification du nom de Maspha. — 
L'origine de ce monument et les motifs de son appella- 
tion sont ainsi expliqués par l'historien sacré : Laban pro- 
pose à Jacob une alliance : « Viens [lui dit-il] et faisons 
une alliance pour qu'elle soit un témoignage entre moi 
■et toi. C'est pourquoi Jacob, continue le récit, prit une 
pierre et l'érigea en monument (massêbâh, grec : ot^Xï], 
latin : in titulum). Et Jacob dit à ses frères : Apportez 
■des pierres. Et ceux-ci en ayant rassemblé firent un 
grand tas et mangèrent dessus. Laban l'appela le mon- 
ceau du témoignage (yegar-sâhâdûtâ') et Jacob le nom- 
ma Gal'êd. Et Laban dit : Ce monceau (gai) est témoin 
('êd) entre moi et toi aujourd'hui. Pour cela il fut 
appelé Gal'êd (ou Galaad) et ham-Mispâh (nssan, « le 

lieu d'observation »), parce que Laban avait dit : « Que 
le Seigneur observe (^s», yesêf) entre moi et toi, quand 
-nous nous serons éloignés l'un de l'autre... » Et Laban 
dit encore à Jacob : « Voici ce monceau (gai) voici ce 
monument (ham-massêbah) que j'ai dressé entre moi et 
toi, témoin sera ce monceau, témoin sera ce monument 
•que je ne le franchirai pas pour aller vers toi et que 
toi tu ne franchiras pas ce tas ou ce monument, pour 
Tenir vers moi dans des intentions mauvaises. » 
•Gen., xxxi, 43-52. — Les Septante ont traduit l'expres- 
sion ham-Mispâh par r\ ôp^cri;, « la vision; » la Vulgate 
l'a complètement négligée; les Targums d'Onkelos et de 
Sifré le rendent par Sekûfd', « vue. » L'historien Jo- 
sèphe transcrit le nom de Maspha par Macrçâ-ni, « ce 
qui veut dire en langue hébraïque xaToitTeu<5|j.Evov 
(conspicuum), » ajoute-t-il. Ant. jud., VI, H, 1. Selon 
•Gesenius, Thésaurus, p. 1179, il faudrait lire au com- 
mencement du verset 49 : « et il appela le cippe Mis- 
pâh, nsïp ïiassm, » comme a traduit justement Saadia, 

■et la pierre fut appelée « l'observatoire ». — Le nom de 
Maspha employé d'abord simultanément avec celui de 
Galaad parait être demeuré dans la suite plus particuliè- 
rement attaché au cippe lui-même et à la région immé- 
diate où il se trouvait, tandis que le nom de Galaad de- 
vint celui de tout le pays et même de toute la contrée 
transjordanique. Voir Galaad 6, t. m, col. 47-48. / 
2° Nature, position et histoire du monument. — Le 
monument élevé par Jacob paratt avoir consisté en 
une pierre plus considérable autour de laquelle un 
grand nombre d'autres moins volumineuses furent 
accumulées, sans doute en forme de cercle ou d'enceinte. 
11 devait être identique de forme et de disposition à ces 
monuments de forme grossière élevés par les peuples 
primitifs et connus sous le nom de dolmens, si nombreux 
encore dans l'ancien pays de Galaad. La plupart d'entre 
eux sillonnés de petites rigoles aboutissant à des cavités 

CICT. DE LA BIBLE. 



en forme de coupe, paraissent avoir servi d'autel. Jo- 
sèphe témoigne, Ant. jud., 1, xix, 2, que celui de Jacob 
en eut la forme : rrr^).7]v àve6^<rav xaxà Bo>[aoO tr^pLa. 
La Bible elle-même semble insinuer que Jacob le fit 
servir d'autel, en disant qu'après l'avoir élevé « ils man- 
gèrent là sur le tas » et en ajoutant qu'ils jurèrent 
devant le monument et qu' « ensuite Jacob immola des 
victimes sur la montagne et invita ses frères à manger ». 
Gen., xxxi, 46, 53, 54. — Le monument ainsi élevé 
par Jacob se trouvait, d'après le récit de ses origines, 
à l'entrée des monts de Galaad, du côté de l'est, avant 
Mahanaïm et au nord du Jaboc que le patriarche devait 
franchir plus tard pour se rendre à Sichem et il faut le 
chercher en Galaad, dans le voisinage de la ville du 
même nom qui doit le lui avoir emprunté. Voir Mas- 
pha 2. — C'est là que Jephté appelé par ses compa- 
triotes pour marcher contre les Ammonites qui avaient 
envahi le pays de Galaad et l'opprimaient, fut investi du 
titre de prince et c'est en face, sans doute, du monu- 
ment de Jacob, « devant le Seigneur à Maspha, » qu'il 
fit répéter aux chefs de Galaad leurs promesses, leur 
demandant, selon toute probabilité, de les ratifier par un 
serment. Jud., xi, il. Peut-être son vœu fut-il formulé 
et accompli au même endroit. — Le monument de Ja- 
cob, on le voit par la conduite de Jephté, était devenu un 
objet de vénération, ou un sanctuaire en Israël, et c'est 
à lui, on n'en peut douter, que fait encore allusion le 
prophète Osée, au temps des rois de lui;., Ozias, Achaz 
et Êzéchias et du roi d'Israël Jéroboan. II, quand il 
s'écrie : « Écoutez-moi, prêtres et soyez attentifs, mai- 
son d'Israël et maison du roi; voici votre jugement : 
vous avez été un filet à Maspha et un piège sur le Tha- 
bor. » Ose., v, 1 (hébreu). Si le prophète eût entendu 
parler de Maspha de Benjamin, elle aussi un lieu de 
prière, se fût-il adressé aux Israélites et à la popula- 
tion au milieu de laquelle est Thabor? — Le culte des 
faux dieux avait alors remplacé à Maspha le culte du 
vrai Dieu. — Les Septante ont traduit le nom de Maspha 
par (jxoroâ et la Vulgate par speculatio. 

L. Heidet. 
2. MASPHA, région située au pied de l'Hermon. Elle 
est surnommée « terre de Maspha », 'éréz ham-Mispâh, 
Jos., xi, 3, et « plaine » ou « vallée de Maspha », biq'af 
Mispéh. Jos., xi, 8. Les Septante, Codex Vaticanus, par 
erreur sans doute des copistes, ont Macro-ujiâ au j). 3 et 
Ma<r<Tù>x au ,t. 8, tandis que VAlexandrinus porte Maa- 
(teçiO et Macrmiçà. — Jabin, roi d'Asor, fit entrer dans la 
coalition formée par lui contre Josué et les Israélites, 
« les Hévéens qui habitaient au pied de l'Hermon dans la 
terre de Maspha. » Les alliés réunis vinrent camper près 
du lac Mérom. Josué tomba sur eux à l'improviste, les défit 
et poursuivit les débris de leur armée « jusqu'à Sidon 
la grande, jusqu'à Masréphoth-Maïm et jusqu'à la plaine 
de Maspha, à l'orient », où il acheva l'extermination de 
leur armée. Jos., xi, 1-8. — La contrée de Maspha recevait 
probablement son nom d'une ville du même nom, in- 
connue maintenant. Selon quelques auteurs, ce serait le 
village actuel de Métullah, habité autrefois par des Mé- 
toualis, occupé présentement par une colonie juive, et si- 
tué entre le Merdj-'Ayoûn et la région en partie de plaine, 
qui se développe jusqu'au Djébel-Scheik, ou l'Hermon à 
Test. Voir la carte du Jourdain, t. m, col. 1726. Le pays de 
Maspha serait ainsi le Merdj-'Ayoûn, petite plaine fertile, 
de quatre à cinq kilomètres de longueur et de deux envi- 
ron de largeur, s'étendant au nord de Métullah, ou bien la 
région plate au sud-ouest de l'Hermon, depuis Métullah 
et Hébel el-Qémah jusqu'aux approches de Baniâs. 
Cette dernière plaine où se réunissent les affluents qui 
forment le Jourdain, est réellement au pied de la mon- 
tagne ou « sous » l'Hermon; l'autre en est séparée par 
la vallée du nahar-flasbdni et les montagnes qui la 
bordent à l'ouest. D'autres ont proposé d'identifier la 
vallée (béq'af) de Maspha avec la grande vallée du nahar- 

IV. - 27 



835 



MASPHA DE L'HERMON — MASPHA DE JUDA 



836 



Litany, qui se développe à l'est de PHermon et est 
appelée el-Béq'ah. Armstrong, Gonder et Wilson, Names 
and Places in the Old Testament, p. 127. Jos. Schwarz 
a cru reconnaître Maspha dans le Djebel Heis, appelé 
Heis Sa'qa'ra', où se trouve un tell-Dje~ba', à quatre 
heures au nord de Quneitrah. D'après l'auteur, Djêba' 
qui a une signification analogue à Maspha, serait une 
traduction du nom ancien. Tebuoth ha-Arez, nouv. édit., 
Jérusalem, 1900, p. 74. A trente kilomètres au nord 
nord-est de Quneitrah et à dix kilomètres à l'est d'un 
khân du même nom, on rencontre sous une suite de 
mamelons appelés teloul Sa'ar, un village du nom de 
Sa'ar Djéba\ C'est là, selon toute apparence, l'endroit où 
Schwarz voit la ville de Maspha. Au nord de ces collines 
et au sud-est de l'Hermon, commence la grande plaine 
traversée par la route venant du pont appelé djéser 
benât-Yaqôb; elle s'étend jusqu'à Damas et est connue 
aujourd'hui sous le nom d'Ouad' el 'Adjem, s la vallée 
des Perses; » ce serait là, dans sa partie méridionale 
au moins, la plaine ou vallée de Maspha. La même opi- 
nion paraît partagée par Riess qui indique cette vallée 
au sud-est du mont Hermon. Bibel-Atlas, 1887, p. 20. 
Bien que le récit de Josué soit susceptible d'être inter- 
prété diversement, l'expression « à l'Orient », rattachée 
à la plaine de Maspha, semble préciser sa situation par 
rapport au lac de Mérom près duquel se livra le combat 
et non par rapport à Sidon ou à Masréphoth et l'opinion 
de Schwarz et de Riess semble ainsi la plus fondée. — 
Lors de l'irruption des Héthéens, sous le règne d'Amé- 
nophis IV, au xv e siècle avant l'ère chrétienne et un 
siècle avant l'Exode, toute la région située au sud-est 
de l'Hermon fut envahie par eux. Parmi les villes dé- 
truites, entre Udumu (identifiée avec Daméh au sud 
de Damas), Aduri (Édréi, aujourd'hui ed-Dera'), Araru 
(Aro'er, 'Ar'ar), d'une part. etMugdalim (peut-être Medj- 
del e&Sémés) et Khini (peut-être Hineb), toutes deux 
au sud-est de l'Hermon, se trouvait une ville dont la 
tablette cunéiforme qui mentionne le fait a gardé seu- 
lement les premières lettres Mets. Selon Conder, la 
ville désignée devait êtce Maspha, transcrite Meis[pa]. 
The Tell Amama Tablets, n, The Hittite invasion of 
Damascus, 2» édit., Londres, 1894, p. 25. Cf. C. Bezold, 
The Tell el Amarna Tablets in the British Muséum, 
1892, p. 61. Le docte explorateur a cru reconnaître dans 
cette Meispa, Mizpa de Galaad, qu'il identifie en outre 
avec Ramoth-Mizpa dont le grand village actuel de Ram- 
tah, situé à dix kilomètres vers le sud-ouest d'ed-Dera 1 
rappelle le nom. La situation donnée à Meispa dans la 
lettre cunéiforme l'indique plutôt entre cette localité, 
l'ancienne Édréi, et l'Hermon, là où parait la placer 
aussi la Bible. Sur une autre des tablettes de Tell- 
Amarna, Bezold, loc. cit., 78, et Conder, ç. 24, on lit en- 
core le nom de Gubbu, localité où les Égyptiens, vers 
l'époque de l'invasion héthéenne, tenaient une garnison 
et vendaient des chars de guerre. C'est peut-être la 
Gaba 1 ou Djeba' dont nous avons parlé et qui devait 
appartenir à la « terre de Maspha », sans être identique 
à la ville de ce nom. L. Heidet. 

3. MASPHA (hébreu : ham-Mispéh, avec l'article; 
Septante : Maaçi; Vulgate : Masepha. Voir 'Maspha, 
col. 833), ville de la tribu de Juda. — 1° Situation. — 
Elle est citée parmi les villes de la Séphélâh (in campe- 
slribus), dans le second groupe, entre Déléan et Jechtel. 
Jos. . xv, 38. Ces deux dernières villes, appelées en hébreu 
Dil'dn et Yâqtêl, sont peut-être les villages actuels de 
Radna' et Qetna', situés entre Beit-Djibrin et Tell-Sdfiéh, 
dont la transformation linguistique peut très facilement 
s'expliquer. Parmi les autres villes du groupe dans lequel 
se trouve Maspha, on remarque Lachis (Umm Lâqis ou 
Tell-el-Hésy), Églon ÇEdjlân), Lehéman (Kh. Léhem), 
Kaama (peut-être Deir Ndaman); dans le premier 
groupe de la Séphélâh, sont nommés Esthaol ÇÉSoûa), 



Soréa (Sara'), Zanoé (Zânùa'), Jérimoth (Yarmouk), 
Adullam ('Aid-el-mté), Socho (ëoueikeh), Azéca (pro- 
bablement Tell-Zakarià) ; dans le troisième groupe sont 
Éther (el-Ater), Nesib (Beit-Nesib), Marésa (Maras); le 
quatrième groupe comprend Accaron ÇAqér), Azot 
ÇEsdûd), Gaza (Ghzzéh), et ses alentours. Le terrain où 
il faut chercher Maspha est ainsi circonscrit entré le 
tell-Zakaria et Youad'es-Senf, sur les bords duquel se 
trouvent Soueiékh-Yarmouk et 'Aidel-Mié, à l'est; 
Youâdi-Serar près duquel sont 'ESoua', Sora', au nord; 
les grands villages de la plaine appartenant aux terri- 
toires, de 'Aqer, 'Esdoud et Gaza, comme Yazour, Qasti- 
niéh et Bereir, à l'ouest; enfin le territoire de Beit-Dji- 
brin au sud, auquel appartient Mar'as, 'Ater et Nesîb. 
Eusèbe et saint Jérôme désignent le même territoire en. 
disant : « Il y a maintenant un autre Maspha dans le 
territoire d'Éleuthréropolis, au nord, ...en allant à Élia. » 
La lacune se trouvant dans les manuscrits permet de 
supposer que ces auteurs ne plaçaient pas Maspha sur 
le chemin même d'Éleuthéropolis à Élia, mais l'indi- 
quèrent à une certaine distance, à droite ou à gauche. 
Cf. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862,, 
p. 282, 283; De situ et nominibus locorum hebraicorum, 
t. xxin, col. 910. 

2° Identification et description. — Les histoires des 
Croisades citent fréquemment une forteresse située dans 
la même région, élevée, en 1138, par le roi de Jérusalem 
et connue sous les noms i'Alba Spécula, qui équivaut 
à celui de Maspha la blanche. Guillaume de Syrie, en. 
racontant ses origines, détermine son emplacement et 
en décrit le site. « Voyant les excellents résultats de la 
fondation de Bersabée (Beit-Djibrin) et d'Ibelin (Yabnah) 
les Francs, dit cet historien, élevèrent une troisième for- 
teresse. Il y avait avant en cette partie de la Judée où 
les montagnes s'abaissent et où commence la plaine, 
près des frontières de la Palestine et celles de la tribu 
de Siméon, à huit milles (huit lieues) d'Ascalon, un site 
qui, par rapport aux montagnes, est une simple colline, 
mais qui, par rapport à la plaine, mérite d'être appelé 
une montagne imposante. L'endroit est appelé en outre 
Tell-es-Saphi, ce qui en notre langue veut dire « mont » 
ou « colline éclatante [de blancheur] ». Les sages furent 
d'avis d'y établir une forteresse. Le roi, les princes, le 
patriarche, les prélats et toute la bourgeoisie s'y ras- 
semblèrent vers le commencement du printemps pour 
prêter leur concours aux maçons habiles que l'on avait 
appelés et aux ouvriers. On établit de solides fondements 
et l'on éleva au-dessus, avec de belles pierres de taille, un 
château avec quatre tours d'une grande élévation, d'où 
l'on pouvait voir et surveiller la ville ennemie (Ascalon). 
Son nom en langue vulgaire est Blanche-Garde et en 
latin Alba Spécula. Historia transmarina, 1. XV, 
C. XXV, t. CCI, col. 636-637. Ce récit paraît être l'indica- 
tion la plus sûre sur le site de cette ville de la Séphélâh. 
La plupart des palestinologues modernes s'accordent 
d'ailleurs à identifier Maspha de Juda avec le même- 
endroit. Son nom est écrit Tell es-Sâfi, dans la grande 
carte anglaise, Map of Western Palestine, Londres, 
1880, n» xvii ; mais les habitants prononcent plus, 
ordinairement Tell-Sâfiéh ou Tell es-Sàfiéh. C'est un 
mamelon de forme conique, surélevé de 226 mètres au- 
dessus du niveau de la mer Méditerranée, dominant 
toutes les collines des alentours et la plaine commen- 
çant à sa base, et ressemblant par lui-même à un massif 
donjon dressé par la nature pour surveiller la région et 
pour commander au pays. Cette forme et cette situation 
extraordinairement remarquables ne durent pas plus, 
échapper à l'attention des Hébreux qu'à celle des Francs. 
Si ceux-ci avaient à se tenir constamment en garda 
contre l'hostilité et les surprises des musulmans d'Asca- 
lon, les philistins du moyen âgé, les Israélites avaient à 
observer les vrais Philistins bien plus haineux, toujours 
prêts à marcher contre le peuple de Dieu, à envahir son 



837 



MASPHA DE JUDA — MASPHA DE BENJAMIN 



838 



pays : il était bien plus nécessaire de mettre des senti- 
nelles à ses frontières et l'on ne pouvait trouver pour 
cela un site plus favorable que Sâfiéh. 

3° Identité probable de Maspha et de Sephata. — La 
masse élevée et dénudée du teiJest d'un calcaire crétacé, 
se faisant remarquer au loin par son éclatante blancheur. 
De là plusieurs d'entre les modernes ont cru, comme 
l'historien du xn« siècle, reconnaître, dans le nom arabe 
de la colline, une expression signifiant sa nature, et l'ont 
estimé une traduction du nom local biblique de Libana 
ou Libna exprimant également « la blancheur » et ont 
identifié cette dernière ville avec Sâfiéh. C'est une illu- 
sion. Libana appartient au troisième groupe des villes de 
la Séphélâh, et ne peut être cherché dans le territoire où 
Sâfiéh se trouve, mais plus au sud. La carte mosaïque 
de Madaba l'atteste aussi : Sâfiéh est antérieur à l'occupa- 
tion de la contrée par les Arabes, ou si l'on aime mieux 
est une simple modification d'un nom plus ancien. Au 
sud de Nicopolis (Emmaûs), au nord d'une ville impor- 
tante dont la suscription a disparu, mais qui ne peut être 
différente d'Éleuthéropolis, et immédiatement à l'ouest 
d'une localité appelée Be6 Zaxap» près de laquelle est 
une église marquée xb toS àf (ou Zaxapfou, est placé un 
village ou une ville dont la représentation a presque 
entièrement disparu ;dans une restauration, mais dont 
le nom Eaçiflâ demeure. Elle occupe la position où il 
faudrait placer Sâfiéh, situé à vingt kilomètres environ 
au sud de 'Amoâs, la Nicopolis des Romains et des By- 
zantins, à douze kilomètres au nord de Beit-Djibrîn, 
l'Éleuthéropolis des mêmes à neuf kilomètres à l'ouest 
de TellrZakaria et du village bâti à ses pieds Kéfr'- 
Zakaria, certainement le Beth-Zachar.de la carte où, au 
v« siècle, furent trouvés les restes du prophète Zacharie 
et en l'honneur de qui on éleva une église. Sâfiéh a rem- 
placé Saphitha chez les populations arabes comme Mé- 
diéhn pris la place du Moditha de la même carte. D'autre 
part, le nom de Saphitha est trop semblable au Sephata 
de la Bible pour ne pas le reconnaître comme identique 
et comme désignant la même localité. C'est elle qui a 
dû donner son nom à la vallée où le roi Asa battit les 
Éthiopiens et leur roi Zara. II Par., xiv, 9-10. Cette 
vallée était dans le voisinage de Marésa et au nord, selon 
la traduction des Septante, comme Saphitha l'est d'Éleu- 
théropolis, comme Sâfiéh de Beit-Djibrîn et de Mar'oJS, 
Sephata (hébreu : Sefâtdh) de la même racine. Sâfdh 
est encore identique de signification à Maspha. On ne 
peut guère supposer, dira-t-on, l'emploi simultané des 
deux noms. Dans le même temps et dans le même milieu, 
c'est incontestable; mais n'est-il pas permis de voir dans 
Sephata une modification introduite dans l'usage entre 
le temps de Josué et d'Asa? Cette transformation n'était- 
elle pas d'autant plus nécessaire pour écarter toute confu- 
sion que le nom de la Maspha de la tribu de Ben- 
jamin, voisine de Juda, depuis la grande assemblée du 
peuple sous Phinées, ou depuis Samuel devait être dans 
toutes les bouches? Les savants objecteront encore le 
nom de Sephata des monuments égyptiens. Il se lit sous 

la forme w \ w 'j|| . 1 . . Sidiputa ou Sidphoth, 
avec Odullam et d'autres villes, paraissant être de la par- 
tie sud-ouest du district de Juda, dans le Voyage d'un 
Égyptien, au xcv* siècle avant notre ère, traduit par 
F. Chabas, Chalon-sur-Saône et Paris, p. 199, 313. C'est 

le même nom sans doute qui est écrit J, J^. ] \, Safta, 
sur les listes géographiques de Thothmès III (n. 116) 
et indiqué à l'entrée de la seconde route suivie quel- 
quefois par les Égyptiens pour gagner Mageddo et le 
nord de la Syrie. Cf. Max Mûller, Asien und Europa, 
Leipzig, 1893, p. 158, et Mageddo, col. 553. C'est pro- 
bablement encore la même ville que (Sésac) nomme 

J. ÎW ■ -A& J-> Sapatol ou Satpatar, , et recense 
parmi les villes de Juda conquises par lui. Chabas, ioc. 



cit., p. 199. Cette Sephata, Siphta ou ÇUlphoth des mo- 
numents égyptiens semble bien identique à la Sephata bi- 
blique, dont l'identité avec le Sâfiéh actuel est elle- 
même d'une très grande probabilité. Mais s'il en est 
ainsi, le nom de Sephata est certainement antérieur à 
l'exode et à Josué, et est-il encore possible, dans ce cas, 
de l'identifier avec Maspha? Nous le pensons. Le nom 
de Maspha pourrait avoir été le nom usité chez les Cha- 
nanéens et les Hébreux, alors que dès le principe les 
Égyptiens avaient adopté pour la même ville le nom 
Sephata. L'usage de noms de formes diverses pour dési- 
gner une même ville est certainement employé simul- 
tanément chez des peuples différents. Cependant quand 
les Égyptiens eurent occupé, sous le régne de Roboam, 
la ville appelée Maspha par les Juifs, le nom de Sephata, 
employé par les maîtres de la ville, devait devenir bien- 
tôt le nom universellement accepté et le nom de Maspha 
devait disparaître. — Dans cette hypothèse nous suppo- 
sons certaine l'identité de la ville nommée par les docu- 
ments égyptiens, bien qu'elle ne soit pas encore incon- 
testablement établie. Nous l'admettons néanmoins comme 
très plausible. Maspha d'ailleurs, qui se lit une seule 
fois dans la Bible, Jos., xrx, 29, pourrait être une va- 
riante de Sephata introduite dans l'Écriture seulement 
par les copistes. Ces hypothèses semblent acceptées ou 
supposées par de nombreux savants qui, malgré ces rai- 
sons, n'ont point cessé de considérer Tell-Sâfiéh comme 
identique à Maspha. Voir Victor Guérin, Description 
de la Palestine, Judée, t. n, p. 92; F. de Saulcy, Dic- 
tionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte, 
Paris, 1871, p. 220; Rich. v. Riess, Biblische Géogra- 
phie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 64; Id., Bibel-Atlas, 
ibid., 1880, p. 20 ; Survey of Western Palestine, Me- 
molrs, t. n, p. 440; Buhl, Géographie des Alten Palâs- 
tina, Fribourg et Leipzig, 1896, p. 196. 

4° Fouilles exécutées à Tell es-Sâfiéh. — En 1899, la 
« société anglaise d'exploration de la Palestine » a fait 
exécuter des fouilles au Tell-Sâfieh, par les soins du 
D' Bliss. La société semble avoir voulu se rendre compte 
si l'on ne trouverait pas en cet endroit des arguments 
pouvant justifier de son identité avec Geth des Philistins 
dont la situation n'a pu être jusqu'ici fixée définitive- 
ment. Malgré l'exiguïté du champ laissé aux explora- 
teurs pour pratiquer leurs recherches, à cause de la pré- 
sence du village musulman et de son cimetière occupant 
presque tout le sommet de la colline, le D r Bliss a pu 
recueillir un grand nombre de débris antiques et a fait 
plusieurs constatations importantes. Les fouilles ont 
confirmé le récit de Guillaume de Tyr et attesté l'exis- 
tence de plusieurs localités successives ou plutôt super- 
posées par le passage des civilisations diverses ayant 
occupé le tell, depuis les Francs en remontant jusqu'aux 
Chananéens et aux Amorrhéens, en passant par les Byzan.- 
tins, les Romains, les Grecs, les Juifs, les Phéniciens et 
les Égyptiens. Rien cependant n'est venu appuyer la 
présomption de l'identité avec Geth de Sâfiéh ou in- 
firmer son identification avec Sephata ou Maspha. Voir 
Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 
1899, p. 188-199, 317-333; 1900, p. 16-29, 77; Note de 
Clermont-Ganneau, ibid., 1899, p. 354; et dans la Revue 
d'archéologie orientale, t. vu, p. 170 ; Revue biblique, 
1899, p. 607, 608; 1900, p. 291; 1902, p. 112-114. 

L. Heidet. 

4. MASPHA, ville de la tribu de Benjamin. Son nom 
est transcrit Codex Vaticanus : Mnaa-rnii ; Alexandri- 
nus : Motaçi, Jos., xvm, 26; Vulgate : Mesphe; Maaa^i," 
Jud., xx, 2, 3; der n xlvii et xlviii (xl et xli); I Mach., 
in, 46, 47; Majcniçiie, Jud., xxi, 1, 5, 8; I Reg., vu; 
IV Reg., xxv, 23; Ma<jçâ, II Par., xvi, 6; II Esd., m, 7, 
15. Le nom est traduit mamâ, IJI Reg., xv, 22, récit 
parallèle à II Par., xvi, 6. La Vulgate transcrit Masphath 
I Reg., vn, et Jer., xl et xli; partout ailleurs elle écrit 
constamment Maspha, sauf Jos., xviii, 26. Maspha de 



83'J 



MASPHA DE BENJAMIN 



840 



Benjamin est la plus illustre de toutes les villes de ce 
nom et aussi celle dont la situation est le plus débattue. 

■I. Situation et identification. — 1° D'après Eusèbe 
et saint Jérôme. — La Bible ne fournit point de rensei- 
gnements catégoriques. Eusèbe et saint Jérôme semblent 
ignorer son site et nomment seulement « Maspha, Mao-çct 
et Masfa de Benjamin », sans ajouter aucune indication. 
Onomastic, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, 
p. 282, 283; De situ et nom. loc. heb., t. xxm, col. 911. 
Au nom «, Massepha de la tribu de Juda », ils ajoutent : 
«c près de laquelle habitait Jephté, près de Cariathiarim 
•où reposa jadis l'arche d'alliance, et où Samuel jugea 
le peuple et dont Jérémie fait mention. » Onom., p. 280, 
"289; t. xxm, col. 911. Les deux auteurs confondent à la 
fois et à tort Maspha de Galaad résidence de Jephté (voir 
Maspha 2) et Maspha de Benjamin où ont eu lieu les der- 
niers faits cités, avec Maspha de Juda (voir Maspha 4), 
«t celle-ci avec la Gabaa près de Cariathiarim où séjourna 
l'arche sainte. Cf. I Reg., vu, 1; II Reg., vi, 3, 4. Le 
motif de cette dernière confusion est, semblé-t-il, dans 
la brièveté des récits historiques de la Bible. Elle men- 
tionne l'arche à son retour du pays des Philistins éta- 
blie à Gabaa de Cariathiarim, puis Samuel convoquant 
le peuple « à Maspha devant le Seigneur » et immolant 
là des sacrifices; longtemps après, David trouva encore 
l'arche à Gabaa, d'où il la retira pour la transporter à 
Jérusalem. Eusèbe paraît avoir conclu de ce récit, 
comme quinze siècles plus tard d'autres le concluront 
pour tous les lieux où l'on voit passer l'arche sainte, que 
.Maspha et Gabaa sont un seul et même endroit. L'il- 
lustre écrivain ecclésiastique semble avoir oublié que 
l'arche se transportait en divers lieux pour être rapportée 
à sa place ordinaire, et son traducteur a négligé de le 
corriger sur ce point. La Maspha où Samuel jugea le 
peuple ne peut pas être Maspha de Juda située dans la 
Séfélah sur la frontière des Philistins, n: aucune des 
vautres situées en Galaad aux extrémités de la terre d'Is- 
raël; c'est Maspha, lieu de prières en Israël dès les 
jours anciens, où les Machabées viendront encore prier, 
I Mach., m, 46, et qui est située dans la montagne où Juda 
avait établi son camp, cf. I Mach., iv, 5, 18, 19, en face 
ou en avant de Jérusalem, I Mach., ni, 46, au nord de la 
"ville sainte, III Reg., xv, 22, sur le chemin, ou non loin, 
semble-t-il, qui conduisait de Samarie, Sichem et Silo, 
à la maison de Dieu ou au Temple, cf. Jer., xli, 6, c'est- 
à-dire Maspha de Benjamin à laquelle seule conviennent 
«es diverses indications. 

2° D'après les Francs. — Maspha n'est pas marquée 
sur la carte mosaïque de Madaba, mais le nom de Mas- 
phat se trouve sur un plan de Jérusalem du XII e siècle. 
Ce lieu est désigné par une église accostée de deux tours, 
placée à la gauche, ou à l'ouest, du Mons Gaudii (Néby 
.Samuel) et au nord-ouest de Jérusalem. Le chemin qui y 
conduit est opposé au chemin de Bethléhem et désigné 
par l'inscription : vicus ad civitatem Masphat. Voir 
Zeitschrift des Deutschen Palàstina Vereins, t. xv, 
1891, plan 1. J. Ziegler indique, également « Mispéh, à 
la montagne de Cariat-Jarim, près de Siloh » (Néby- 
Samuel). Palaestina, Strasbourg, 1532, f° 39. L'endroit 
désigné ne semble pas différent de l'actuel Qoubeibeh, 
où se trouvent les restes d'une église construite par 
les Croisés. Qoubeibeh est un tout petit village arabe, 
situé à 4 kilomètres et demi à l'occident de Néby-Sa- 
muel, à l'extrémité de la même montagne, à moins de 
six kilomètres au nord-nord-est de Qariat el-'Anab, la 
Cariathiarim de la Bible. Comme Eusèbe et saint Jé- 
rôme, les Francs du royaume de Jérusalem paraissent 
avoir identifié la Gabaa de Cariathiarim et même celte 
localité avec Maspha. Le dominicain Burchard, en 1283, 
indique en effet Cariathiarim entre Jérusalem et Lachis, 
sur la route de Lydda, à 4 lieues et demie de Jérusa- 
lem. « Lachis, ville des Gabaonites, est, selon lui, à peu 
près à l'occident {pêne ad occidentem) de Cariathiarim. » 



Descriptio Terfse Sanctœ, 2 e édit., Laurent, Leipzig, 
1873, p. 77. La localité dont parle l'auteur de cette des- 
cription ne peut être que Qoubeibeh, située à 12 kilo- 
mètres et demi au nord-ouest de Jérusalem (distance 
équivalente à celle déterminée par lui, dont les lieues 
valent environ 3 kilomètres), sur une ancienne voie 
allant de la ville sainte à Lydda par Beit-Likia et Gïm- 
zou. Beit-Likia, située elle-même à 8 kilomètres à 
l'ouest de Qoubeibeh, inclinant un peu au nord, est cer- 
tainement la a Lachis des Gabaonites » dont parle le 
moine du xn e siècle. On peut conjecturer de ces docu- 
ments que Cariathiarim pour les Croisés est le village 
même de Qoubeibeh, et son église est Maspha près de Ca- 
riathiarim. Cette Maspha-Cariathiarim des Croisés est- 
elle la Maspha-Gabaa des Pères du iv e siècle? Les Francs 
du moyen âge paraissent du moins l'avoir cru. Avaient- 
ils des motifs pour cela? Ils ne nous les font pas con- 
naître, mais il faut observer que la Bible inscrit Maspha 
de Benjamin, Jos., xvm, 25, 26, entre Béroth et Ca- 
phara, et Qoubeibeh est située entre el-Biréh et el-Gtb 
d'une part, deux localités identifiées avec Béroth, et Ka- 
fira, certainement la Caphara biblique, d'autre part, 
distante de 3 kilomètres seulement à l'ouest de Qou- 
beibeh. Il n'est aucunement impossible qu'Eusèbe et 
saint Jérôme aient fait allusion à la même localité, en 
nommant « Maspha près de Cariathiarim », sans pour 
cela y annexer celle-ci. Dans ce cas, toutefois, ce n'est 
pas à la tribu de Juda, dont la limite ne semble pas pouvoir 
remonter si au nord, qu'il fallait rattacher la Maspha « où 
Samuel jugea le peuple et dont parle Jérémie », mais à la 
tribu de Benjamin. Quoi qu'il en soit, l'église de Masphat 
de la carte du XII e siècle publiée par Rôhricht, figure sans 
doute l'église médiévale de Qoubeibeh dont il a été parlé; 
c'est la même église à laquelle doit faire allusion Pierre 
Diacre, écrivain du [XIII e siècle, s'il parle d'une œuvre 
contemporaine, «élevée à l'endroit appelé Cariathiarim 
où résida l'arche du Seigneur. » De locis sanctis, 
t. clxxiii, col. 1123. Dans l'église des Croisés de Qou- 
beibeh se voient enclavés dans la nef septentrionale, un 
pavement ancien et les dernières assises d'une construc- 
tion antérieure, de 18 mètres de longueur et de 8 à 9 de 
largeur; c'était sans doute l'emplacement tenu par les 
fondateurs de l'église pour l'aire sacrée « où avait reposé 
l'arche sainte » ou pour les restes de la maison d'Abinadab 
qui l'avait abritée. Cf. I Reg., vu, 1 et II Reg., VI, 3-4. 
Depuis le xvi e siècle, il est vrai, quelques pèlerins igno- 
rant les documents ont cru reconnaître dans l'église de 
Croisés a la maison de Cléophas transformée en église », 
dont parlent saint Jérôme et les anciens; et dans Qoubei- 
beh l'Emmaûs de l'évangile ; mais bien que l'église ait été 
relevée naguère et consacrée sous ce vocable, c'est une 
erreur. Eusèbe, saint Jérôme et tous les anciens n'ont 
pas connu d'autre Emmaùs que celui appelé de leur temps 
Nicopolis, aujourd'hui 'Amoâs ; s'ils ont jamais désigné 
(ce que nous n'osons pas formellement affirmer) le site 
de Qoubeibeh, c'est pour y montrer « Maspha près de 
Cariathiarim, où fut jadis l'arche du Seigneur, où Sa- 
muel jugea le peuple et dont fait mention Jérémie ». 
Quant aux Croisés, ils ont localisé Emmaùs à 60 stades 
de Jérusalem, à Qariath el-'Anab, et Qoubeibeh, selon 
toute apparence, fut pour eux la Masphat de Cariathia- 
rim « où résida l'arche du- Seigneur » et l'église y a 
été élevée pour honorer cet emplacement. Cf. t. i, 
EmmaCs 2, col. 1758-1762. 

4° D'après Surius et quelques autres. — Un siècle 
après Ziegler, le récollet Bernardin Surius, résident 
du Saint-Sépulcre de 1644-1647, assigne une situation 
différente à Maspha : « Au sortir de la sainte Cité, dit 
cetauteur, je pris la route de Nazareth... Nous arrivâmes 
sur le soir à la ville de Masphath, située dix milles 
d'Italie de Hiérusalem, bastie sur une colline fort fer- 
tile; elle estoit jadis belle et grande comme témoignent 
ses ruines antiques : en y entrant on passe au long de 



8M 



MASPHA DE BENJAMIN 



842 



la mosquée des Turcs, sous laquelle sourd une fontaine 
riche d'eau fraische, grand soûlas pour les pèlerins... 
Cette place est à présent nommée des Turcs Elbir. » 
Le pieux pèlerin ou voyage de Jérusalem, 1. III, c. u, 
Bruxelles, 1666, p. 547-648. La localité ainsi désignée est 
l'actuelle el-Biréh, située à 14 kilomètres au nord de 
Jérusalem, sur la route de la ville sainte à Naplouse, à 
3 kilomètres en deçà de Beitin (Béthel) et où l'on voit 
deux grandes piscines antiques. Surius ne dit pas sur 
quoi est fondée sa localisation; mais les identifications 
personnelles et savantes étaient trop rares en son 
temps, pour ne pas y voir l'expression d'une ancienne 
tradition. Bien que n'en ayant pas alors de preuve 
positive, j'avais cru pouvoir, en 1894, en formuler ce- 
pendant la conjecture : le nom de Machmas, présenté 
dans la description de Burchard (1283) et après lui dans 
une multitude d'autres, comme le nom antique et biblique 
i'el-Birêh, m'avait paru ou l'écho faussé d'une [vieille 
tradition ou une lecture erronée d'un copiste. Cette 
conjecture me paraît aujourd'hui un fait presque cer- 
tain. Parmi les copies de la carte de la Terre Sainte de 
Marin Sanuto (1306) il en est une conservée à la biblio- 
thèque de Florence et publiée par Rôhricht, dans la 
Revue de la Société allemande de Palestine, t. xxi, 
Leipzig, 1898, carte 6, où on lit, entre Jérusalem et 
Letana (pour Lebana) : Masphath vel Bira. D'autres 
copies, il est vrai, ont Magmas Maginas et Machmas. 
Rôhricht se demande, ibid., p. 105, s'il ne faudrait pas 
lire Magedo. Je ne le pense pas, car Sanut lui-mêpie, 
dans son texte et sur ses cartes, indique Mageddo à Su- 
buba, au côté occidental de la plaine d'Esdrelon. Ma- 
ginas, qui ne répond à aucun nom biblique ou histo- 
rique, est une erreur évidente. Machmas dont le nom est 
constamment demeuré attaché à un village situé à 7 ki- 
lomètres et demi à l'est-sud-est d'el-Birêh n'a pas pu 
être confondu avec celte dernière localité. Le nom de 
Maspha paraît donc le seul qu'ont pu nommer la tradi- 
tion et les anciens cartographes comme le nom autique 
de Bira ou el-Bîréh. Il suffit du reste de voir le nom 
de Masphath écrit avec les caractères en usage au xiii e 
et au XIV e siècle pour comprendre combien il était fa- 
cile à un scribe peu au courant de la géographie biblique, 
de prendre ce nom pour un autre. On peut se demander 
en outre si l'auteur du plan de Jérusalem cité plus haut, 
où l'église de Masphat est représentée à l'ouest de Mons 
Gaudii ou Saint-Samuel, n'aurait pas eu l'intention de 
désigner lui aussi el-Biréh. Ces plans et ces cartes 
non seulement n'ont pas la prétention d'une stricte pré- 
cision, mais souvent ils indiquent les' localités dans 
des situations plus ou moins fausses, là où une place 
reste libre, pourvu qu'elle ne soit_ pas trop éloignée 
de la place réelle que devraient occuper ces localités. 
Cette supposition est d'autant plus plausible pour Masphat 
et sa route, qu'ils se trouvent symétriquement en face de 
Bethléhem et de sa route, lesquels sont dans la réalité 
au sud de Jérusalem comme el-Biréh et le chemin y 
conduisant sont au nord. Quoi qu'il en soit, l'affirmation 
de Surius peut être défendue encore par des raisons 
non sans valeur. El-Biréh, t. i, fig. 493, col. 1623, situé 
en face de Jérusalem, au point le plus élevé de la région 
après Néby-Samuel, domine tout le pays et a pujrès 
bien porter le nom de Maspha; il se trouve sur la route 
de Samarie, Sichem et Silo à Jérusalem où le récit de 
Jérémie, xu, 6, semble placer Maspha; il est au nord 
de Rama (er-Râm) et non loin de Béthel, comme sem- 
blent indiquer Maspha, III Reg., XV, 22; II Par., xvi, 
7, et Jud., xix-xxi; enfin de tous les endroits choisis 
dans l'ancien territoire de Benjamin pour y localiser 
Maspha, el-Biréh est le seul se trouvant dans des condi- 
tions hydrographiques permettant la tenue des immenses 
réunions mentionnées dans l'histoire de Maspha. Voir 
L. Heidet, Maspha et les villes de Benjamin, Gabaa, 
Gabaon et Béroth, dans la Revue biblique, t. m, 1894, 



p. 321-356, 450; t. iv, 1895, p. 97; Revue d'Orient, 
2 e année, 1898, p. 295-300; A. M. Luncz, Jérusalem, 
revue hébraïque trimestrielle, t. vi, 1902, p. 53-56; 
La Palestine, guide historique et pratique, Paris, 1904, 
p. 317-321. Quelques-uns, pour confirmer cette opinion, 
ont fait remarquer qu'une source jaillissant à moins d'un 
kilomètre, à l'ouest-nord-ouest d'el-Biréh, porte le nom 
de 'Aïn-Misbah, ce nom, qui, suivant eux, ne serait pas 
différent de celui de « fontaine de Mispah », c'est-à-dire 
« de Maspha », confirmerait la tradition dont nous avons 
parlé. — La grande difficulté opposée à l'assertion de 
Surius, c'est le nom à'el-Biréh, qui suivant un grand 
nombre, ne serait pas différent de Béroth. Si cette 
Identification était établie d'une manière péremptoire, il 
faudrait nécessairement rejeter l'assertion de Surius, 
considérer l'indication de la carte de Marin Sanut 
comme une erreur incontestable et chercher Maspha ail- 
leurs, dans une situation répondant toutefois aux don- 
nées bibliques, comme l'ont fait l'abbé Raboisson et le 
lieutenant-colonel Conder. Pour eux, indéniables sont les 
données bibliques indiquant Maspha au nord de Rama, 
non loin de la frontière d'Éphraïm, sur la route de Si- 
chem à Jérusalem, et ces conditions ils les trouvent 
précisément réalisées par le tell en-Nasbeh, encore ap- 
pelé simplement Téll-Nasbéh. Cette colline, dont le som- 
met est couvert de ruines, se ramifie, au sud, 'à la mon- 
tagne A'el-Biréh dont elle est distante de 2 kilomètres 
seulement, et commande le chemin de Jérusalem à Na- 
plouse qui passe, à sa base, par un étroit défilé. L'abbé 
Raboisson a vu descendre, en mars 1897, le lendemain 
d'un jour de pluies torrentielles, ce qu'il aurait pu voir 
alors partout ailleurs, des ruisseaux nombreux tombant 
en cascade. En réalité, au pied du tell, au sud-est, est 
un puits étroit et profond, au fond duquel sourd un 
mince filet d'eau, appelé par les uns 'aïn 'Atâra, et 
par les autres 'aïn Djedy, la « source du chevreau », 
qui fréquemment tarit en été. Plus au sud se voient les 
restes d'une ancienne piscine de peu d'étendue. Le 
principal argument avancé en faveur du tell est fondé 
sur le nom de Nasbéh, simple modification, d'après ces 
auteurs, du nom de Maspha. Le P. Hugues Vincent 
trouve l'homophonie parfaite et absolument concluante 
dans la question. Raboisson, Les Mizpéh, in-8», Paris, 
1897 ; Conder, dans Palestine Exploration Fund, Quar- 
teriy Statement, 1898, p. 169, 251 ; H. Vincent, dans la 
Revue biblique, 1898 r p. 630; 1899, p. 315-316; 1901, 
p. 151; 1902, p. 458. Pour les paysans de la contrée, 
Nasbeh comme Misbah, dont l'homophonie est cepen- 
dant plus parfaite et plus concluante, sont des noms 
purement arabes, d'origine récente, dont la similitude 
avec Maspha est purement fortuite. Aïn Misbah, la 
« fontaine où l'on se baigne », de sabah, « nager, » 
vulgairement « se baigner », est ainsi désignée d'un petit 
bassin circulaire où sont recueillies les eaux de la 
source. Tell en-Nasbéh, « la colline de la Borne, s ainsi 
nommé d'une stèle ou d'un monceau de grandes pierres 
établi là pour marquer la limite du territoire d'el-Bîréh, 
était encore appelé, vers 1850, 'Atâra' ; une petite ruine, 
d'origine relativement moderne, que l'on voit au sud d& 
la colline, a conservé, ce nom dans celui de khirbet- 
' Atâra', ainsi que la source. D'ailleurs la langue des 
paysans judéens, différente de celle des massorètes, n'a 
jamais eu de propension à la transformation de s en P 
et en B. Toutefois, s'il fallait renoncer à localiser Mas- 
pha à el-Bîréh et si Tell en-Nasbéh n'était pas une des. 
anciennes 'Ataroth, c'est à ce lieu qu'il faudrait tout 
d'abord rapporter les indications bibliques énumérées à 
propos de l'assertion de Surius. 

4° Opinions diverses des modernes. — Les explora- 
teurs du xix» siècle ont identifié Maspha de Benjamin 
avec plusieurs autres localités, sans s'accorder dans le 
choix. Pour le rabbin Schwarz (1833-1865), Maspha est 
identique à Rama ou Ramalhaïm-Sophim, ville de Sa- 



843 



MASPHA DE BENJAMIN 



844 



muel, identique elle-même au moderne Néby-Samuîl. 
Le nom du prophète attaché à cet endroit et son 
ombeau qu'on y garde sont, prétend cet auteur, l'attes- 
tation de l'identité de Néby-Samuîl et de Rama ; et les 
assemblées nombreuses tenues à Maspha indiquent que 
celle-ci n'était pas différente de Rama, la résidence du 
prophète. Le nom de Maspha est d'ailleurs le synonyme 
de Ramâ-Sophim, « la hauteur de ceux qui font la 
garde, s et nul endroit ne peut plus justement reven- 
diquer ce titre que Néby-Samuîl, le sommet le plus 
élevé des alentours de Jérusalem, d'où le regard embrasse 
tout le pays. Tebuoth ha-Aréz, nouvelle édit., Jérusa- 
lem, 1C0O, p. 152 et 492. Robinson, pour des raisons 



infirmés par les documents positifs de l'histoire. — 
On doit apprécier de la même manière une autre iden- 
tification quelquefois proposée : celle de Tell el-Fûl. 
Voir t. m, fig. 2, col. 7. Cette colline est située à droite sur 
le chemin de Jérusalem à el-Biréh et à Naplouse, à 
5 kilomètres de distance au nord de Jérusalem et à 3 
au sud d'er-Ràm (Rama) ; elle domine toutes les collines 
des alentours et avait à son sommet une tour dont les 
ruines accusent l'importance. Tell el-Fûl, a-t-on pré- 
tendu encore, est identique à Nob où résidait l'arche 
sainte jusqu'à l'avènement de David, et par conséquent 
à Maspha, et d'après le prophète Isaïe, x, 32, il faut chercher 
Nob à Tell el-Fûl. Cf. Survey of Western Palestine, 




228. — NébySamutt. D'après une photographie de M. L. Heidct. 



analogues, propose le mêmeendroit. Biblical Researches, 
Boston, 1841, t. H, p. 139-149. L'autorité du docte 
Américain a rallié à cette opinion l'adhésion d'un grand 
nombre de géographes. Cf. Gratz, Schauplatz der heili- 
gen Schriften, Ratisbonne, nouv. édit., p. 350; Van de 
Velde, Map ofHoly Land, Gotha, 1865; H. Kiepert, Nette 
Handkarte von Palàstina, Berlin, 1876; Bourquemont, 
S. J., Maspha de Benjamin, dans les Études religieuses, 
avril 1864, p. 35; F. de Saulcy, Dictionnaire topo- 
graphique abrégé de la Terre Sainte, Paris,1871, p. 220; 
Armstrông, Names and Places in the Old Testament, 
Londres, 1887, p. 127; Survey of Western Palestine, 
Memoirs,t. m, p. 144; Riess, BïbéLAltlas, Fribourg-en- 
Brisgau, 1887, p. 20; Buhl, Géographie des Alten Pa- 
làstina, Fribourg et Leipzig, 1896, p. 167-168. La première 
raison sur laquelle est fondée cette identification, l'iden- 
tité de Ramathaïm et de Maspha, est très contestable et 
presque généralement rejetée. Voir Ramatiia. et Raha- 
thaïm-Sophim. La seule raison réelle est le site de 
Néby-Samull, auquel convient admirablement le nom 
de Maspha. Mais les arguments de cette nature sont 
souvent plus spécieux que solides et fréquemment 



Memoirs, t. m, p. 149, Conder, Primer of Bible Gedgra- 
phy, Londres, p. 90; Armstrông, Names and Places in the 
Old Testament, Londres, 1887, p. 127-128. Quel que soit 
le site de Nob, l'identité de ce lieu avec Maspha n'est 
guère soutenable (voir Nob) et l'emplacement de cette 
ville ne peut tirer à conséquence pour celui de Maspha. 
Tell el-Fûl est d'ailleurs plus souvent identifié avec 
Gabaa. Voir Gabaa, t. m, p. 6-10. 

Victor Guérin a identifié Maspha de Benjamin avec 
le village actuel de Sa'afàf (fig. 229). « Ce village, dit-il, 
est situé sur un plateau élevé d'où l'on domine parfai- 
tement la coupole et les minarets de Jérusalem. Sa 
population toute musulmane est de deux cents habitants 
environ. Les maisons y sont pour la plupart assez 
anciennes et voûtées. On y voit les restes d'une église 
du moyen âge avec voûtes et fenêtres ogivales. Quelques 
belles pierres, de toute apparence antiques, avaient été 
employées concurremment avec d'autres matériaux de 
moindre appareil, dans la construction de cette petite 
église. Près de là gisent ' les débris d'un bâtiment 
désigné par les habitants sous le nom de Deir el-Mah- 
rouq, « le couvent incendié. » Dans le voisinage de ce point 



«45 



MASPHA DE BENJAMIN 



est up puits appelé bir ed-Deir et dans le voisinage de 
ce puits est un birket long de douze pas sur six de 
large. Bien que creusé dans le roc, il avait été revêtu 
intérieurement d'un enduit assez épais dont une partie 
existe encore. L'opinion la plus probable est que le 
village de Cha'afath a remplacé et rappelle par son nom 
la célèbre et antique ville de Maspha de Benjamin, que 
d'autres voyageurs, mais à tort, selon moi, ont identifiée 
avec Néby-Samuil. Maspha, en hébreu, signifie « un lieu 
d'où l'on voit, un observatoire élevé », en grec mcomâ. 
Il dérive de la racine nsat, « observer, faire sentinelle. » 
Remarquons que le nom arabe de (sa'faf), kjb»_£o, dérive 
pareillement de la racine ^lio (SàfJ qui veut dire t voir » 



r 



846 

avaient la même signification; mais Cha'afath. seul est 
la Maspha de la Bible. Judée, t. i, p. 395-402. L'auteur 
s'est efforcé d'établir ailleurs que ni Néby-Samuît, ni 
Tell el-Fûl ne pouvaient être Maspha. Judée, t. i, p. 362- 
384, et Samarie, t. i, p. 188-197. — L'identification 
préposée par V. Guérin a été longtemps acceptée par un 
grand nombre de palestinologues. Voir Riess, Biblische 
Géographie,, in-f°, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 64; 
Dalfi, Viaggio biblico in Oriente, in-8°, Turin, 1875, 
t. iv, p. 6-9; G. Gatt, Mispa in Stamme Benjamin, dans 
la revue Die heilige Land, Cologne, 1879, p. 119-126, 
154-160, 184-194. — Stanley a cru identique à Maspha 
le Scopus de Josèphe, identique lui-même, selon F. de 




229. — Sa'afat. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



<et que WJlj».^) (ia'fd't) signifie « sommet, lieu d'où l'on 
domine au loin ». 11 y a donc entre les deux appellations 
hébraïques et arabes un rapport frappant et incontes- 
table... Le lieu de la rencontre du conquérant macédo- 
nien (Alexandre) et du grand-prêtre Yaddus est appelé 
par Josèphe Saçâ,nom qui a une singulière ressemblance 
avec la dénomination actuelle Cha'afath et parait être 
lui-même une corruption de la forme antique Mitspha, 
•en grec Mauçâ, d'où, par le retranchement du com- 
mencement, Saçi. Gela est si vrai que Josèphe inter- 
prète ce dernier mot par le terme grec ctxotcti, <a Spe- 
•« cula, observatoire. » Or, dans les Septante, le noin de 
Mitspah est quelquefois rendu par celui de o-iorcti, 
identique avec oxoirrj (par exemple, 111 Reg., XV, 22). Les 
trois noms de Mitspah ou Maspha, Safa et Cha'afath 
<expriment donc la même idée et sont dérivés de la 
même racine. » Cependant, suivant l'illustre explora- 
teur, il ne résulte pas de là que le plateau de Cha'afat 
soit le lieu de la rencontre d'Alexandre et du grand-prêtre 
•des Juifs, ni le Sxorcdç ou Scopus dont parle l'historien 
juif et où plus tard Cestius Gallus et Titus assirent leur 
camp. Les deux endroits étaient voisins, leurs noms 



Saulcy, à Clia'fat. Stanley, Sinaï and Palestine, in-8°, 
Londres, 1871, p. 226; de Saulcy, Voyage autour de la. 
Mer Morte et dans les terres bibliques, in-8°, Paris, 1883, 
t. î, p. 112-115. 

Les contradicteurs plus récents de cette identification 
ne nient pas la similitude de son et de signification 
entre Maspha et Cha'afat, ils ne contestent pas non plus 
que plusieurs des indications bibliques ne puissent 
s'appliquer au site de cette localité; ils font seulement 
observer, entre autres choses, que le récit de III Reg., 
xv, 22, ne permet guère de chercher Maspha au sud de 
Rama et que la tenue de l'assemblée dont il est parlé 
I Mach., ni, 46, à moins de 4 kilomètres de Jérusalem, 
dont la citadelle était alors aux mains des ennemis 
puissants et acharnés des Juifs fidèles, n'est guère vrai- 
semblable ni même possible. Quant aux rapports d'ana- 
logie et de consonance dans les noms, ils n'impliquent 
pas nécessairement une relation de dérivation et la 
communauté d'origine n'entraîne pas l'identité numé- 
rique et individuelle. — Nonobstant ces difficultés, lo 
plus grand nombre des palestinologues continuent à 
défendre soit l'identification de Schwarz et de Robinsoo 



847 



MASPHA DE BENJAMIN 



avec Néby-Samuîl, soit celle de Victor Guérin avec 
Cha'afat et à les considérer comme les plus probables. 
II. Histoire. — Maspha fut assignée par Josué à la 
tribu de Benjamin. Jos., xvm, 26. Ce fut l'endroit où 
s'assembla sous le grand-prêtre Phinées tout le peuple 
d'Israël, pour juger l'affaire de Gabaa, où la femme 
du lévite avait péri victime des odieuses brutalités des 
habitants. Quatre cent mille hommes, d'après le texte 
sacré, étaient présents. Les Benjamites furent sommés 
d'avoir à livrer les coupables, dont on voulait tirer un 
châtiment exemplaire. Toute la tribu refusa. La guerre 
lut déclarée et il fut décidé dans la même assemblée 
que l'on exterminerait ceux qui refuseraient leur con- 
cours. A Maspha aussi les- Israélites s'engagèrent par 
serment à ne pas donner leurs filles en mariage aux Ben- 
jamites. Jud., xx, 1, 3; xxi, 5, 8. Ce dernier fait, qui ne 
dut avoir lieu qu'à la fin de la guerre, indique que le 
camp avait dû demeurer à Maspha tout le temps que 
-durèrent les négociations et la lutte. — Après la défaite 
des Israélites à Aphec et la mort du grand-prêtre Héli, 
Samuel convoqua une assemblée générale du peuple à 
Maspha, pour prier le Seigneur en faveur d'Israël. Le 
peuple puisa de l'eau pour la répandre devant Dieu, jeûna 
un jour et confessa ses infidélités. Samuel commença 
dès lors à exercer sa judicature. Les Philistins, appre- 
nant la réunion de Maspha, se levèrent contre les Israé- 
lites. Ceux-ci effrayés conjurèrent Samuel de supplier 
le Seigneur de les délivrer de la main des Philistins. 
Samuel offrit en holocauste un jeune agneau. Le sacri- 
fice n'était pas achevé et déjà les Philistins engageaient 
l'action avec l'armée d'Israël. « Mais le Seigneur tonna 
avec un grand éclat ce jour-là contre les Philistins et 
les épouvanta, et ils furent taillés en pièces. » Les Israé- 
lites demeurés à Maspha s'élancèrent de la ville à la 
poursuite de l'ennemi et en achevèrent la défaite en les 
poursuivant jusque sous Bethcar. En souvenir de la 
victoire, Samuel érigea une stèle entre Maspha et Sen. 
.. I Reg., vu, 5-12. Les Israélites, après la victoire de 
Maspha, rentrèrent en possession de leurs anciennes 
frontières et Samuel choisit cette localité pour l'une des 
trois où chaque année il venait juger Israël, x, 13, 16. — 
La dernière assemblée plénière tenue par Samuel le fut 
aussi à Maspha. C'était pour procéder à l'élection d'un 
roi, comme le peuple l'avait demandé. Le sort désigna 
Saùl. I Reg., x, 17-25. — Deux cent cinq ans environ 
après cette élection, Baasa, roi d'Israël, s'était emparé 
de Rama de Benjamin, située à 10 kilomètres seulement 
au nord de Jérusalem, la capitale de Juda, et l'avait for- 
tifiée pour empêcher qui que ce soit de passer d'Israël 
en Juda et de Juda en Israël. Le roi de Juda Asa, ne se 
trouvant pas en mesure de repousser son voisin, solli- 
cita l'intervention des Syriens de Damas. Le roi de cette 
ville, Bénadad, fit attaquer au nord le royaume d'Israël 
par ses généraux. Pour défendre sa frontière, Baasa 
dut porter ses forces de ce côté et fut ainsi contraint 
de vider Rama et le territoire de Juda envahi. Asa 
attendait cette diversion pour reprendre sa terre, il 
appela tout son peuple à son-aide, prit les matériaux 
réunis par Baasa à Rama, et à dessein de prévenir de 
nouveaux empiétements de la part de son voisin, il alla 
fortifier, à 3 kilomètres à l'est de Rama, Gabaa de 
Benjamin, qui commande le passage de Machmas, et 
Maspha, sans doute située au nord de Rama et qui pou- 
vait garder la grande route qui venait d'Israël'en Juda. 
III Reg., xv, 17-22; II Par., xvi, 1-6. — Après la des- 
truction de Jérusalem et dû royaume de Juda par les 
Chaldéens, vers 588 av. J.-C, le Juif Godolias fut établi, 
par le roi de Babylone, gouverneur du pays; Maspha 
fut choisie pour être le siège de son administration. Le 
prophète Jérémie, laissé libre, vint s'établir près de Go- 
dolias et un grand nombre, de Juifs qui s'étaient enfuis 
dans les contrées des alentours revinrent les joindre. 
Le peuple aurait pu se reconstituer autour de Maspha, 



si la jalousie méchante de Baalis, roi des Ammonites; 
n'était venue faire avorter ce mouvement de restauration. 
L'Ammonite avait soudoyé Ismahel, fils de Nathanias, 
pour assassiner Godolias. Celui-ci averti ne voulut pas 
croire à une pareille trahison. Ismahel, qui était du sang 
royal de Juda, étant venu à Maspha avec un cortège de 
dix hommes et plusieurs grands de l'ancienne cour, fut 
invité à un festin. Pendant le repas, il se jeta avec ses 
complices sur Godolias et le tua. Il massacra ensuite 
tous les Juifs, les Chaldéens et les guerriers qui étaient 
réunis à Maspha autour de Godolias. Le lendemain de 
ce forfait, un groupe de quatre-vingts hommes partis de 
Sichem, Silo et Samarie et se rendant à la maison de 
Dieu où ils allaient offrir des dons, arrivaient à Maspha. 
Ils ignoraient ce qui s'était passé la veille. Ismahel 
sortit de la ville à leur rencontre et, feignant de s'affli- 
ger avec eux, il les invita à venir chez Godolias. Lors- ' 
qu'ils furent arrivés au milieu de la ville, Ismahel et ses 
satellites les massacrèrent, épargnant seulement dix 
d'entre ces hommes, qui promettaient de mettre à leur 
disposition des trésors et des provisions [cachées. Les 
cadavres furent jetés dans la piscine creusée par le roi 
Asa, quand il fortifia la ville contre Baasa. Les débris du 
peuple, les filles de la maison royale et tout le monde- 
demeuré à Maspha et confié aux soins de Godolias par 
Nabuzardan, chef de l'armée babylonienne, furent ré- 
duits captifs par Ismahel qui se proposait de les livrer 
aux Ammonites. Johanan, fils de Carée, apprenant ces 
indignités, prit avec lui tous les hommes qu'il avait à 
sa disposition et avec les officiers de l'armée marcha 
contre Ismahel. Il le rencontra près des grandes eaux 
de Gabaon. Ismahel, avec huit de ses hommes seule- 
ment qui purent s'échapper, s'enfuit au pays d'Ammon, 
et Johanan ramena toute la foule qui avait été arrachée- 
à Maspha. Cependant, redoutant la colère des Chaldéens, 
et malgré les objurgations de Jérémie, Johanan, avec 
tout le peuple qu'il avait ramené à Maspha, prit la route 
de l'Egypte et entraîna le prophète à sa suite. Jer., xu- 
xlii. — Maspha repeuplée, après le retour des Juifs de 
Babylone, contribua pour une part importante à la res- 
tauration des murs de Jérusalem entreprise par Néhé- 
mie. Jason le Méronatithe de Maspha, avec Melchias de 
Gabaon, construisit, près de la porte Ancienne, « le- 
trône du gouverneur d'au delà l'Euphrate, » c'est-à-dire 
« le tribunal du gouverneur ï. II Esd., m, 7. La porte 
de la Fontaine fut réédifiée par Sellum, fds de Chol- 
hoza, chef du district de Maspha. Il l'acheva, la couvrit,, 
en établit les battants, les serrures et les verrous; le' 
même bâtit [à côté] le mur de la piscine de Siloé près 
du jardin du roi, jusqu'aux degrés descendant de la cité 
de David, lbid., 15. Azer, fils de Josué, prince de Mas- 
pha, contruisit la seconde muraille près de la montée de 
l'arsenal, à l'angle, lbid., 19. — Mathâthias étant mort, 
son fils Judas Machabée prit le commandement de la 
petite armée qui devait combattre pour arracher la 
Judée et son peuple à la tyrannie des Gréco-Syriens 
infidèles. Avant d'entrer en campagne, il voulut se pré- 
parer à la guerre et y disposer les siens par un acte: 
solennel de religion. La ville sainte étant au pouvoir 
de l'ennemi, Judas, pour son dessein, choisit Maspha,. 
« parce qu'elle fut anciennement un lieu de prière en 
Israël. » Là, en face de Jérusalem et de son temple pro- 
fané, Juda et ses guerriers consacrèrent un jour au 
jeûne, puis revêtus du cilice, la tête couverte de cendre, 
les habits déchirés, tenant en leurs mains les livres de^ 
la Loi et exposant devant eux les vêtements sacerdo- 
taux, les prémices et les dîmes, présentant les Nazaréens: 
dont le temps était achevé, ils élevèrent la voix et imo-- 
quèrent le ciel : « Que pouvons-nous faire, s'écrièrent- 
ils, de ces hommes, où devons-nous les conduire ?' 
Votre sanctuaire est foule aux pieds et souillé; vos 
prêtres sont dans le deuil et dans l'abjection et les. 
nations se sont réunies contre nous pour achever notre.- 



849 



MASPHA DE BENJAMIN — MASPHA DE GALAAD 



850 



perte : vous connaissez leur dessein. Comment pourrons- 
nous nous maintenir devant eux, si vous ne nous assistez, 
ô notre Dieu? » Les trompettes retentirent alors avec 
éclat. Juda organisa sa petite armée, distribua les grades 
et les offices, remplit encore le précepte de la loi 
ordonnant d'inviter à se retirer ceux qui venaient de 
bâtir une maison neuve, de prendre une épouse, de 
planter des vignes, ou qui étaient trop peureux, et il 
leva le camp, pour se transporter avec ses hommes de 
Maspha au sud d'Emmaûs où il dressa son camp, atten- 
dant l'heure du combat (vers 168 av. J.-C). I Mach., m, 
46-57. Il n'est plus fait mention dès lors de Maspha ni 
dans la Bible, ni dans l'histoire. L. Heidet. 

5. MASPHA, ville appelée « Maspha de Galaad », à 
cause de sa situation dans cette région. Son nom est 
transcrit Mao-uriipâ par les Septante. Jud., XI, 11 et 34, et 
traduit ailleurs par le nom commun <rxomô. La Vulgate 
garde partout le nom propre de Maspha. Plusieurs fois 
le nom de Maspha semble plutôt désigner une contrée 
qu'une ville. Ainsi, Jud., xi, 29, Maspha de Galaad paraît 
assimilé au pays de Galaad et au territoire de Manassé 
que parcourut Jephté pour y lever des hommes afin de 
marcher contre les Ammonites; c'est du pays aussi que 
la ville de Ramoth semble être appelée Ramoth de Mas- 
pha (Rdmaf ham- Mispéh). Jos., xm, 26. Il est diffi- 
cile de dire si le territoire a été ainsi appelé directement 
à cause du monument élevé par Jacob et avant l'éta- 
blissement de la ville ou seulement après et à cause de 
celle-ci; l'existence n'en est pas moins certaine et parait 
attestée, Jud., xi, 34, quand il est dit que Jephté re- 
tourna à Maspha, dans sa maison. Dans la Vulgate Mas- 
pha, écrit Masphé, est séparé de Ramoth et ainsi pré- 
senté comme une ville distincte; c'est une erreur. 

1» Situation et identification. — La position de Mas- 
pha est indiquée seulement d'une manière générale en 
Galaad, mais son nom dit assez qu'elle 1& doit à la proxi- 
mité du monument dressé par Jacob. Il résulte de là 
qu'elle ne dut commencer à se former qu'après le 
passage de Jacob, et ses premiers habitants durent être 
attirés par la présence du sanctuaire. Cependant, 
d'après certains critiques, Maspha fut appelée ainsi à 
cause de sa situation. Des exégètes regardent comme 
identiques Maspha de Galaad et Ramoth-Maspha ou 
Ramath de Galaad et identifient Ramoth avec le Sait 
actuel, ils attribuent par conséquent le même site à 
Maspha, qu'ils placent ainsi au sud du Nahar-Zerqâ. 
l'ancien Jaboc. Cf. Jos. Schwarz, Tebuoth lia-Arez, nou- 
velle édit., Jérusalem, 1900, p. 269-270; Rich. von Riess, 
Biblische Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 64, 
79, et Bibel-Allas, ibid,, 1882, p. 20. 

La Bible indiquant le monument dé Jacob au nord 
du fleuve Jaboc et avant Mahanaïm empêche d'attribuer 
une autre situation à Maspha. S'il fallait localiser 
Ramoth au sud' du Zergâ, il faudrait conclure que 
Maspha et Ramath sont deux villes distinctes. La plu- 
part des exégètes soutiennent d'ailleurs avec raison 
cette distinction. Voir Ramoth-Maspha et Ramoth en 
Galaad. — Soûf est la localité qui depuis longtemps 
a le plus souvent été proposée pour être identifiée avec 
Maspha. C'est un grand village bâti sur une colline 
rocheuse s'avançant en promontoire des hautes njDn> 
tagnes du 'Adjloûn, au-dessus de la vallée de Djéras". 
Il est à cinq kilomètres au nord-est de la ville de ce 
nom, à six kilomètres vers l'est de 'Adjloûn et à vingt- 
cinq kilomètres au sud à'eUlJioson. La population du 
village est d'environ huit cents habitants dont un tiers 
sont chrétiens, parmi lesquels quelques-uns catholiques. 
Une fontaine abondante jaillit sous le village, à l'est, 
pour former le cours du Nahar-Djéras. Les collines 
des alentours étaient naguère ombragées par des bois de 
grands chênes et d'autres essences; depuis quelques 
années des plantations de vigne et de figuiers prennent 



leur place. Soûf ou Sûf peut paraître un nom dérivé de 
Maspha, par l'élimination du préfixe M et de la voyelle 
finale; il semble procéder, du reste, de la même racine 
et peut avoir une signification analogue. Le nom de 
Se6eî|C ou Sévée, donné par Josèphe, Ant. jud., V, vu, 
12, au lieu de Maspha à la patrie de Jephté, n'est pas 
de nature à infirmer cette identification. La situation 
du village au nord du Zergâ l'ancien Jaboc, presque au 
commencement, du côté de l'est, des montagnes de 
Galaad, au sud-est de Mahnéh identifiée avec Mahanaïm, 
n'est pas en dehors des données de la Bible. 

Longtemps les palestinologues ont admis cette inden- 
tification comme probable, surtout à défaut d'une autre 
plus certaine. Cf. Armstrong, Conder et Wilson, Names 
and Places in the Old Testament, Londres, 1887,' p. 127; 
Conder, Heth and Moab, Londres, 1889, p. 181 ; Oliphant, 
Land of Galaad, in-8°, Edimbourg et Londres, 1880, 
p. 209-218; Buhl, Géographie des Allen Palâstina, Fri- 
bourg et Leipzig, 1896, p. 261-262. — Cependant Selah 
Merill, laissant Soûf, a placé Maspha au Qala't er-Ba- 
bad, immense château, en grande partie conservé, à 
deux kilomètres à l'ouest du village de 'Adjloûn et à cinq 
vers le sud-est de Mahnéh. Dressé au sommet d'une 
colline de mille mètres d'altitude au-dessus de la mer 
Méditerranée, dominant la large et profonde vallée 
de 'Adjloûn et d'où le regard embrasse non seulement 
l'ancien pays de Galaad dans presque toute son étendue, 
mais se porte encore au delà de la vallée du Jourdan 
sur la Judée, la Samarie et la Galilée, nulle forteresse, 
nul endroit ne justifierait mieux le nom de Maspha. 
Seulement le Rabad est un édifice tout entier de la fin du 
xn e siècle, où l'on ne retrouve aucune trace d'antiquité, 
trop au cœur des montagnes de Galaad pour répondre au 
récit de la Bible. Aussi cette opinion a-t-elle recueilli 
peu d'adhérents. S. Merrill, East of Jordan, p. 365-374; 
cf. Buhl, Géographie, loc. cit., p. 262; — Le D r Gotl. 
Schumacher travaillant, en 1896, au levé de la carte du 
sud de 'Adjloûn, a cru reconnaître le nom de Maspha 
dans celui de Misîbta qui lui était désigné par le mudîr 
de "Adjloûn comme celui d'une ruine antique et considé- 
rable se trouvant entre Soûf et Djéras. Mittheilungen- 
und Nachrichten des deutschen Palàtina Vereins, 1899, 
p. 1-2. Wellhausen y vit le nom de massêbah, mais non 
celui de Maspha ibid. p. 41. L'année suivante, le D r Schu- 
macher abandonnait la première identification, parce 
que le lieu lui paraissait trop en contre-bas pour avoir 
pu mériter le nom de Mispéh; il lui préférait le Djebel 
Menârah ou « le mont Minaret », situé directement au 
sud de Djéras, non loin de Misibfad dont le nom est 
l'analogue de Mispéh. De son sommet, élevé de plus de 
mille mètres au-dessus de la mer Méditerranée, le re- 
gard embrasse un panorama beaucoup plus étendu que 
du haut du Qal'at er-Kabad. A l'ouest et au nord-ouest 
s'aperçoivent les hauteurs de Djebel Nablûs et des monts 
de Safed; à l'est au delà des collines les hauts plateaux 
du Haurân et du Jfamâd, les pointes coniques du Dje- 
bel ed-Druz, et au sud l'œil peut suivre le cours sinueux 
de la Zerqâ tout entière et au delà contemple toute la 
partie septentrionale des monts de la Belqâ. Ibid., p. 66. 
En poursuivant ses travaux pour l'achèvement de la 
carte du sud de 'Adjloûn, M. Schumacher a rencontré 
au nord-est de Djéras, dans une région encore en partie 
boisée, un Tell-Masfah qui domine toutes les hauteurs 
des alentours. On y voit des dolmens et plusieurs autels 
antiques taillés dans le rocher. Les habitants du pays 
considèrent le tell comme un ma'bed, « sanctuaire » 
ou « lieu de culte ». Des Bédouins m'ont indiqué l'endroit 
à quatre ou cinq heures au sud d'el-Hoson du 'Adjloûn, 
mais je n'ai pu le visiter. Le nom de Masfah, absolu- 
ment identique au nom de la célèbre localité biblique, 
dans la région même où nous amène le récit sacré, 
ne permet pas de douter qu'il ne se soit maintenu à la 
même place dès les temps les plus reculés. 



851 



MASPHA DE GALAAD — MASSA 



852 



2° Histoire. — Maspha, au temps les plus recalés, à 
cause sans doute de ses souvenirs et peut-être aussi à 
cause de son importance, semble avoir été en quelque 
sorte la capitale du pays de Galaad et le lieu des grandes 
réunions du peuple de la Transjordane. Quand les Am- 
monites envahirent la contrée occupée par les Israé- 
lites, le peuple de Galaad vint camper à Maspha, et c'est 
là que les chefs se réunirent pour délibérer sur ce qu'il 
y avait à faire. Jud., x, 17. Ayant appelé Jephté pour 
lui proposer de se mettre à la tête de l'armée, c'est à 
Maspha qu'il posa ses conditions et reçut la promesse 
d'être établi le chef du peuple. Jud., xi, 11. Dès ce 
moment le nouveau juge d'Israël parait s'être fixé à 
Maspha. Il entre en pourparlers avec le roi des Ammo- 
nites pour lui faire évacuer le pays. Celui-ci s'y étant 
refusé, Jephté, rempli de l'esprit de Dieu, parcourt la 
contrée pour lever une armée. Maspha parait avoir 
été le lieu de ralliement, car c'est de là que Jephté se 
mit en marche pour aller attaquer les Ammonites. 
Jud., xi, 29. Après sa victoire complète sur l'ennemi, 
Jephté reprit le chemin de Maspha où était sa demeure. 
Jud., xi, 34. On sait comment la fille de Jephté ignorant 
le vœu imprudent de son père sortit de la ville avec 
ses compagnes, pour aller à sa rencontre, et changea en 
un jour de deuil un jour de triomphe. Jud,, xi, 34-40. 
« Jephté le Galaadite jugea Israël six ans, mourut et fut 
enseveli en sa ville de Galaad, » ajoute son historien. 
Jud., xil, 7. En disant sa ville, il semble désigner la 
même localité où Jephté avait sa maison, bien que le 
texte l'appelle Galaad. Il faut probablement lire, il mourut 
en sa ville en Galaad. La préposition a, be, « en, » a pu 
facilement disparaître par la négligence d'un copiste. Au 
temps du roi d'Israël Jéroboam II (824-783 ou 783-743), 
.Maspha, devenue un centre d'idolâtrie et de crimes, est 
menacée par le prophète Osée des vengeances du Sei- 
gneur. Ose., v, 1 (hébreu); vi, 8. Cf. Maspha 1, col. 833; 
Galaad 5, t. m, col. 47. Maspha a été ruinée et son 
nom s'est conservé seulement dans quelques familles 
d'Arabes bédouins. Maspha semble avoir appartenu à la 
tribu ,de Gad, comme l'indiquent Eusèbe et saint Jé- 
rôme, Onomastic, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 
1862, p. 283, 285. En en faisant une ville lévitique, ils 
paraissent la confondre avec Ramoth de Galaad. 

L. Heidet. 

6. MASPHA, ville de Moab où David persécuté par 
Saùl conduisit ses parents pour les mettre à l'abri des 
colères du roi. I Reg., xxn, 3-4 : « Et David partit delà 
(Odollam), dit le récit sacré, pour Maspha qui est en 
Moab, et il dit au roi de Moab : Que mon père et ma 
mère, je vous prie, demeurent avec vous, jusqu'à ce que 
je sache ce que Dieu fera à mon égard. Et il les laissa 
auprès du roi de Moab et ils demeurèrent avec lui, tout 
le temps qu'il demeura dans la forteresse. » Certains exé- 
gètes ont trouvé ces dernières paroles équivoques et ont 
cru pouvoir traduire ; ils demeurèrent avec David tout le 
temps qu'il demeura dans la forteresse d'Odollam. Cf. 
Vigouroux, La Sainte Bible polyglotte, t. h, p. 405, 
note 4. L'interprétation qui parait indiquée par la phrase 
elle-même et le contexte est la suivante : Et il les laissa 
auprès du roi de Moab, tout le temps que David dut 
demeurer dans la forteresse, c'est-à-dire à Odollam ou 
dans un lieu d'un accès difficile pour échapper à Saûl. 
C'est l'interprétation la plus généralement adoptée. — 
Quelle que soit d'ailleurs la signification de la fin du 
passage, la ville où David mena ses parents, d'après ses 
paroles, parait être celle même où résidait le roi de 
Moab, probablement sa capitale. De là plusieurs inter- 
prètes ont cru que Maspha et Moab n'étaient pas diffé- 
rentes de Kir Moab, aujourd'hui le Kérak, la plus forte 
des villes de l'ancien pays de Moab, à l'est de la mer 
Morte et située sur une montagne élevée d'où le regard 
embrasse tout le pays, la mer Morte dans presque toute. 
son étendue et jusqu'aux montagnes de Juda. Voir Km 



Moab, t. m, col. 1895-1907. Maspha serait ici l'équiva- 
lent de qîr ou de Kérak, « forteresse, donjon. » Cf. Ge- 
senius, Thésaurus, p. 1179 ; J. Schwarz, Tebouoth ha- 
Arez, nouv. édit., Jérusalem, 1900, p. 254. L'hypothèse 
n'est pas invraisemblable, mais peut s'appliquer, de la 
même manière à toute autre ville importante où le roi 
Moab aurait eu sa résidence, comme Rabboth-Moab, Ar 
ou Ar-Moab, aujourd'hui Habba ou quelque autre. 
Cf. Ar, Ar-Moab, t. i, col. 814-817. Des critiques mo- 
dernes attribuent le nom de Maspha de Moab à une 
erreur du copiste : il faudrait lire selon eux Misrephoth 
de Maon, T. K. Cheyne, Encyclopecdia biblica, Lon- 
dres, art. Hareth, t. n, 1901, col. 1963, mais cette hy- 
pothèse est tout à fait gratuite. L. Heidet. 

7. MASPHA, lieu élevé du désert de Juda d'où Josa- 
phat, avec son armée, vit toute couverte de leurs cada- 
vres la région où s'étaient entre-égorgés ses ennemis, 
les Ammonites, les Moabites et les Iduméens. II Par., xx, 
24. Le texte hébreu a : ham-Mispéh le-midbar, le mas- 
pha ou « l'observatoire du désert »; les Septante ont 
traduit l'expression par le nom commun 7| mcomâ et la 
Vulgate de même par Spécula. Lès autres versions font 
de même. Il ne semble pas d'ailleurs qu'il ait existé une, 
ville de ce nom dans le désert; il pourrait s'y rencontrer 
cependant une tour, ou une maison de garde. L'endroit 
se trouvait au sud ou au sud-est du désert de Thecué 
d'où venait le roi Josaphat et à l'ouest de la mer Morle, 
mais il n'a pu être jusqu'ici déterminé d'une manière 
précise. Voir Josapha.t, t. m, col. 1649. 

L. Heidet. 

MASPHATH, orthographe, dans la Vulgate, du nom 
de lieu qu'elle écrit ailleurs Maspha, Masphe ou même 
Masepha et Mesphe. Voir ces divers noms. La forme 
Masphath se trouve dans le premier livre des Rois et 
dans Jérémie et désigne toujours Maspha de Benjamin. 
I Reg., vu, 5, 6, 7, 11, 12, 16; Jer., xl, 6, 8, 10, 12, 13, 
15; xli, 1, 3, 6, 10, 14, 16. Dans I Sam. (I Reg.), vu, 5, 
6 et 7, le texte hébreu porte ham-Mïspdtdh, avec le hé 
locatif, ce qui a amené le traducteur à écrire Masphath, 
et il a eonservé cette orthographe pour l'uniformité, aux 
f. 11, 12, 16 du même chapitre, quoique le texte origi- 
nal ait dans ces passages hani-Mispch. Il a fait de 
même, pour les mêmes raisons, dans Jérémie, où on lit 
en hébreu, xl, 6, 8, 10, 12, 13; xli, 1, kam-Mispâfâh, et 
XL, 15; xli, 3, 6, 10, 14, 16, ham-Mispéh. 

MASPHE, orthographe, dans la Vulgate, du nom de 
lieu écrit ailleurs ordinairement Maspha. Dans Josué,xi, 
8, campus Masphe est le territoire appelé terra Maspha 
au ji. 3 du même chapitre. Voir Maspha 2, col. 834. — 
Jos., xm, 26, la ville nommée Masphe est Maspha de Ga- 
laad. Voir Maspha 5, col. 849. 

M ASRÉCA (hébreu : Maèrêqah; Septante : Mas<r£y.xà, 
MoKiExxà), ville inconnue, située probablement en Idu- 
mée. Elle est nommée dans la liste des rois d'Idumée, 
où nous lisons qu'Adad, fils de Badad, étant mort, 
Semla de Masréca régna à sa place. Gen., xxxvi, 36; 
I Par., I, 47. Eusèbe et saint Jérôme, Onomast., 1862, 
p. 280, 281, disent que c'est une ville d'Idumée, dans la 
Gébalène, c'est-à-dire dans [la partie septentrionale de 
l'Idumée. On peut interpréter le nom de Masréca par 
« vignobles ». 

MASSA (hébreu : Maisa', « élévation »), nom d'un 
fils d'Ismaël, et, d'après divers interprètes, d'un pays. 

1. MASSA (Septante : Mocaor,), le septième des fils 
d'Ismaël. Gen., xxv, 14; I Par.,i, 30. On a rapproché son 
nom de celui de la tribu arabe des Mauavof, Ptolémée, 
v, 19, 2, qui habitaient le désert d'Arabie, du côté de la 
Babylonie, et des Masmi, Pline, H. N., vi, 30, tribu no- 



«53 



MASSA — MASSORE 



854 



made de la Mésopotamie, et l'on admet aujourd'hui que 
cette tribu est celle qui est mentionnée dans les inscri- 
ptions cunéiformes. Voir Arabie, t. i, col. 863. Les 
Ma-as-'a-ai sont énumérés dans une liste de peuples 
apportant leur tribut à Théglathphalasar II, roi de Ni- 
nive, immédiatement avant les gens de Théma et de Saba. 
Western Asiatic Inscriptions, t. m, pi. 10, col. 7, lig. 38; 
E. Schrader, Keilinschriften und Geschichtforschung, 
1878, p. 262 ; Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies, p. 301. 
On retrouve aussi leur nom sous la forme MaS-'a- ai, 
dans une tablette du temps du roi Assurbanipal. Wes- 
tern Asiatic Inscriptions, t. iv, pi. 56, 1. Il y est raconté 
•qu'un certain Akamaru, fils d'Ammêtâ, de la tribu des 
MaS-'a-ai, a fait une razzia chez les Nebaioth et qu'il en 
■a tué tous les hommes, excepté un seul qui est allé 
porter au roi la nouvelle. Frd. Delitzsch, Paradies, 
p. 302; G. Smith, History of Assurbanipal,p. 296-298; 
A. Smith, Keilschrifttexte Asurbanipal? *. H, p. 36-38. 
ia tribu de Massa a donc très probablement habité l'Ara- 
!bie septentrionale. Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und 
Géographie Arabiens, t. n, 1890, p. 441, identifie Massa 
avec Messa et Mes. Voir Mes et Messa. 

2. MASSA, nom du pays dont Lamuel aurait été roi, 
•d'après un certain nombre d'exégètes modernes. 
Prov., xxxi, 1. Voir Lamuel, col. 62. Les Septante, 
Prov., xxiv, 69, ont traduit le mot massa' par -/pr]|iaTia- 
1j.ôç, « réponse divine, oracle, » et la Vulgate par vitio. 
Hitzig, dans Zeller, Theologische Jahrbûcher, 1844, 
p. 269-305, crut reconnaître des noms propres là où les 
"versions anciennes avaient vu des noms communs et au 
lieu de traduire : « Paroles de Lamuel, roi. Vision, » il 
traduisit : « Paroles de Lamuel, roi de Massa. » Son 
opinion a trouvé beaucoup d'adhérents. Voir Kaulen, 
Lamuel, dans Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, 2 e édit., 
t. vu, 1891, col. 1372. D'après cette explication, Lamuel 
était un roi de la tribu arabe de Massa, dont il est parlé 
•dans Massa 1, ou d'un autre pays inconnu, mais ou ne 
peut rien affirmer avec certitude. Voir Cr. H. Toy, 
Commentary on the Proverbs, in-8», Edimbourg, 1899, 
p. 538-539. Plusieurs commentateurs croient qu'Agur, 
l'auteur des Proverbes, xxx, 1-33, était également de 
Massa. Voir Agur, t. i, col. 288. 

MASSAH (hébreu : Massdh, traduit dans les Sep- 
tante par rUtpaa[iA;, Ilsfpa, et dans la Vulgate par Ten- 
tatio), nom donné à une localité sise à Raphidim, où les 
Israélites « tentèrent (nassôf, mirent à l'épreuve) Jéhovah, 
•en disant : Jéhovah est-il au milieu de nous ou n'y est-il 
pas? » Elle fut aussi appelée Meribah (jurgium), « à 
■cause de la querelle ou révolte (rib) des enfants d'Is- 
raël qui s'en étaient pris à Dieu et avaient murmuré 
contre lui, parce qu'ils souffraient du manque d'eau. » 
Exod., xvn, 7. Cet événement est rappelé dans Deut,, VI, 
16; ix, 22; xxxm, 8; Ps. xcv, 8 (texte hébreu). Cf. aussi 
Heb., m, 8, qui cite le Psaume. Massdh se lit dans tous 
ces passages; Meribâh, en parallélisme avec Massdh, 
seulement dans Deut., xxxm, 8, et Ps. xcv, 8. La Vul- 
gate traduit toujours le premier nom par Tentatio, tandis 
que le second, omis dans Exod., xvn, 7, est rendu par 
Contradictio, Deut., xxxm, 8, et par Irritatio, Ps. xciv, 8, 
(Exacerbatio dans Heb., m, 8). Sur un autre Meribâfc 
ou Mê Meribâh, voir Eaux de contradiction, t. ri, 
col. 1523. 

Le récit de l'Exode suppose que les Hébreux s'atten- 
daient à trouver des sources à Raphidim. Quand on y 
fut arrivé, l'eau sur laquelle on avait compté manqua. 
Les Israélites, qui pendant les trois jours précédents 
n'en avaient eu que la quantité nécessaire pour étan- 
cher leur soif, éclatèrent en murmures. Exod., xvn, 2-4. 
Dieu ordonna alors à Moïse de frapper le rocher d'Horeb 
et il en jaillit de l'eau en abondance. Ifôrêb signifie 
* sécheresse, lieu aride et sans eau ». Jud., vi, 37, etc. 



Les savants anglais de VOrdnance Survey qui 'ont 
exploré le Sinaï en 1868 distinguent le lieu de ce nom, 
dont il est question dans ce récit, du mont Horeb où 
Moïse avait eu la vision du buisson ardent. Quant au 
rocher dont parle l'Exode, les voyageurs au Sinaï se 
sont préoccupés de bonne heure de le retrouver. Les 
moines grecs du couvent de Samte-Catherine croient le 
posséder dans leur voisinage et ils le montrent aux pèle- 
rins qui l'ont souvent décrit. Mais cette identification 
est inadmissible, parce que ce rocher se trouve dans 
l'ouadi el-Ledja, et que l'événement raconté dans les 
Livres Saints se passa dans l'ouadi Feiran (Pharan), 
comme l'atteste une tradition antique que nous rencon- 
trons dans Eusèbe et dans saint Jérôme, au IV e siècle, 
Onomastic, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 310, 311, 
et comme il résulte du texte même de l'Exode où nous 
lisons, xvn, 1, que le miracle eut lieu à Raphidim. Or, 
Raphidim était dans le désert de Pharan. Voir Raphidim. 
Une tradition locale identifie Massah avec une des fon- 
taines de l'ouadi Feiran. « Une des légendes les plus 
plausibles et les plus intéressantes relatives à l'Exode, 
dit M. H. S. Palmer, Sinai, in-16, Londres (1878), p. 78- 
79, est celle qui se rattache à un lieu de l'ouadi Feiran 
appelé Hésy el-Khattalin, ou la Source cachée des écri- 
vains. C'est, d'après les Bédouins, l'endroit où Moïse 
frappa le rocher pour donner de l'eau à son peuple 
souffrant de la soif. Il faut remarquer ici que les Bé- 
douins désignent souvent Moïse sous le nom d'écrivain du 
livre de la Loi. La coutume ancienne, qui date, croyons- 
nous, de temps immémorial et qui consiste en ce que 
chaque passant dépose une petite pierre, dans les lieux 
célèbres par quelque légende, pour marquer qu'il n'ou- 
blie ni le lieu ni la tradition qui y est attachée, cette 
coutume est encore observée par les Bédouins quand ils 
passent à Hésy el-Kkattatin. Toutes les pierres et les ro- 
chers du voisinage qui s'y prêtent sont couverts de mon- 
ceaux de petits cailloux ainsi déposés. » Les Arabes pré- 
tendent imiter ainsi l'exemple des Israélites. Voir aussi 
Ed. H. Palmer, The Désert of the Exodus, 1871, t. i, 
p. 159. Si l'identification n'est pas pour cela certaine, 
elle ne manque pas néanmoins de quelque probabilité. 

F. VlGODRODX. 

MASSÊBAH, nom hébreu (massêbâh) d'un cippe, 
stèle ou pierre dressée, de nâsab, « être droit, debout. » 
Il se dit spécialement d'un cippe idolâtrique. Voir Idole, 
i, 16», t. m, col. 819. 

MASSL Franz Xaver, prêtre catholique allemand, né 
le 8 décembre 1800 à Straubing, mort le 3 mars 1852 à 
Passau. Il étudia la théologie à Ratisbonne, où il fut 
ordonné prêtre en 1825. Après avoir rempli des fonc- 
tions ecclésiastiques dans diverses paroisses, il devint 
en 1846 curé de Passau. On a de lui, outre de nom- 
breux volumes de sermons, une Erklârung der heili- 
gen Schriften Neuen Testaments nach den beràhm- 
ten und bewâhrten âltern und neuen Schriftauslegem, 
3 in-8°, Sraubing, 1831-1850. Les cinq premiers vo- 
lumes ont eu trois éditions. Massl a pris pour base de 
son commentaire, qui est surtout pratique et pieux, Le 
Maistre de Sacy. Voir Reusch, dans Allgemeine Deutsche 
Biographie, t. xx, 1884, p. 568. 

MASSORE, ensemble de travaux des docteurs juifs, 
portant sur la lettre même du texte hébreu de la Bible. 
— Le mot massore, massôrâh, vient probablement de 
màsâr, « transmettre oralement; » il signifie alors « tra- 
dition ». Quelques-uns le tirent de 'âsdr, « lier, » d'où 
le mot màsorét, employé par Ézéchiel, xx, 37, avec le 
sens de « lien ». D'après cette étymologie, la massore 
serait le lien qui fixe l'immutabilité du texte. Cf. Bâcher, 
dans The Jewish Quarterly Review, t. m, 1891, p. 785- ^ 
790. Le premier sens est plus généralement accepté. Le 
mot massôrâh, ou masôrâh, n'en est pas moins de for- 



855 



MASSORE 



856 



mation hybride, de sorte que c'est surtout à l'usage qu'il, 
convient d'en demander l'origine et le sens. Cf. Schûrer, 
Geschichte des jûdischen Volkes im ZeitJ. C, Leipzig, 
t. h, 1898, p. 328. 

I. Les massorètes. — 1° Leur époque. — Au xii 6 siècle, 
Abenesra divisait en cinq classes les docteurs juifs qui, 
jusqu'à son temps, avaient travaillé sur la Bible. Il 
distinguait successivement : 1° les docteurs de la grande 
Synagogue et les scribes, jusqu'à l'an 70; 2° les docteurs 
de la Mischna; 3° les docteurs de la Gémara ou com- 
mentaire de la Mischna; 4° les docteurs de la massore; 
5° enfin les grammairiens. Cf. P. Morin, Exercitationes 
biblicse, n, 12, 7, Paris, 1669, p. 411. Les docteurs juifs 
commencèrent en effet par s'occuper de la Bible au point 
de vue de la doctrine et de l'histoire. C'est seulement 
quand ils eurent fini de consigner par écrit les traditions 
et les explications des anciens à ce sujet, qu'ils passèrent 
à un autre ordre d'études. Le Talmud étant terminé vers 
le milieu du V e siècle, les massorètes se mirent à l'œuvre 
et achevèrent leur tâche vers le début du vm e siècle. 
Toutefois ces limites comportent une assez grande 
latitude; car il est certain que l'œuvre des massorètes 
englobe des travaux dus aux docteurs qui les avaient 
précédés, et qu'à son tour elle fut remaniée et peut-être 
complétée par les docteurs de la période grammaticale. 

2" Leurs écoles. — La tradition attribue la massore aux 
docteurs des écoles de Tibériade. Bien que contestée 
par quelques-uns, cette indication traditionnelle est com- 
munément acceptée. Après l'achèvement du Talmud et à 
l'époque de la plus grande prospérité des écoles de 
Babylone, celles de Palestine et très particulièrement 
celles de Tibériade consacrèrent tous leurs efforts à la 
conservation littérale des textes sacrés. Ce sont ces 
dernières qui exécutèrent la presque totalité du travail 
massorétique, sans pourtant que les noms des auteurs 
successifs aient été conservés. Ils ne sont connus que 
sous le nom général de ba'àlê masorâh ou massoréf, 
« maîtres de la massore. » 

3° Leur langue. — A l'époque massorétique, deux lan- 
gues étaient en usage dans les écoles palestiniennes. La 
première était le néo-hébreu, provenant de l'hébreu 
biblique, enrichi de mots nouveaux, de dérivés des 
anciens radicaux, de conjugaisons plus nombreuses et 
d'une syntaxe plus complexe, pour permettre à la langue 
sacrée de se plier à l'expression d'idées abstraites et didac- 
tiques et de donner satisfaction aux exigences intellec- 
tuelles d'écoles en contact avec le monde grec. L'autre 
langue était l'araméen, se divisant en trois dialectes : 
le judéen ou chaldéen de la Bible, qui se retrouve dans 
les Targums d'Onkélos et de Jonathan; le galiléen, en 
usage dans les parties araméennes du Talmud de Jéru- 
salem, et le babylonien, en usage dans les parties ara- 
méennes du Talmud de Babylone. Le dialecte galiléen 
est le seul des trois qui soit habituellement employé dans 
la massore. Cf. Dalman, Gràmmatik des jùdUch-palâs- 
tinischen Aramâisch, Leipzig, 1894, p. 33-40. Le néo-hé- 
breu sert à la rédaction d'un certain nombre de notes, 
spécialement de celles qui se rapportent au nombre des 
lettres, etc. ; l'araméen sert à énumérer les keri et les 
chetib, etc. Dans certaines notes, les deux langues sont 
mélangées; dans d'autres, les abréviations sont telles 
qu'on ne peut discerner en quelle langue elles sont 
écrites. Il est probable que le mélange du néo-hébreu 
et de l'araméen dans les mêmes notes accuse des révi- 
sions ou des additions postérieures à la rédaction primi- 
tive. Cf. Hyvernat, Petite introduction à Tétude de la 
Massore, dans la Revue biblique, Paris, 1903, p. 532- 
539. 

II. Les sources de la massore. — Comme son nom 
l'indique, la massore est avant tout traditionnelle. Les 
massorètes s'appliquent particulièrement à fixer les 
observations littérales que les docteurs se sont transmises 
oralement dans la suite des temps. Voilà pourquoi cer- 



tains rabbins ont fait remonter la massore jusqu'à Esdras, 
ce qui ne peut être vrai que dans un sens très restreint. 
Il est indubitable qu'avant l'introduction des signes 
diacritiques dans les textes hébraïques, les docteurs 
devaient faire connaître à leurs disciples les principes 
qui réglaient la lecture de ces textes. Cet enseignement 
oral doit même remonter jusqu'aux plus anciens temps 
de l'histoire des Hébreux. Mais il ne constituait pas la 
massore, il en préparait seulement les éléments. Cet 
enseignement se développa peu à peu. Il ne prit d'exten- 
sion sérieuse que quand, sous l'influence pharisaïque, 
on commença à attacher une importance, trop souvent 
excessive, à la lettre même du texte sacré. Des signes 
particuliers furent introduits dans la transcription des 
textes. La « petite corne », xepaîa, apex, dont parle Notre- 
Seigneur à propos de la Loi, Matth., v, 18; Luc, xvi, 17, 
ne désigne probablement que le jambage recourbé de 
certaines lettres, et non un signe diacritique. Mais dès 
l'époque de la Mischna, quelques signes existaient déjà. 
Il n'en est fait pourtant que de très rares mentions. 
Pesachim, ix, 2, sur Num., ix, 10, et Sota, v, 5, sur 
Job, xin, 15. Sur Gen., xix, 35, saint Jérôme, Qumst. 
hebraic. in Gen., t. xxm, col. 966, dit que les Juifg 
mettent un point au-dessus pour marquer que la chose est 
incroyable. La massore indique en effet un point sur la vav 
du mot ûbequmâh, « et elle se leva . » Le Talmud mentionne 
les points placés au-dessus de quinze mots, pour rappeler 
certaines explications mystérieuses qui se transmettaient 
oralement, la forme majuscule donnée à certaines lettres, 
et la forme minuscule donnée à d'autres, ainsi que plu- 
sieurs autres détails qu'on retrouve dans l'œuvre des 
massorètes. Ces derniers, en beaucoup de cas, n'ont donc 
fait que reproduire des indications fournies par une tra- 
dition antérieure, remontant à une époque plus ou 
moins lointaine. Il faut en dire autant du keri et da 
chethîb, qui n'est que la constatation de leçons adoptées 
par les anciens docteurs. Enfin la notation des voyelles, 
qui constitue la partie la plus importante de leur œuvre, 
reposait naturellement sur la prononciation tradition- 
nelle de l'hébreu, comme on peut s'en rendre compte en 
comparant leur texte à points-voyelles avec la reproduc- 
tion de ce texte en lettres grecques, qui se trouve dans 
les Hexaples d'Origène, et çà et là dans les transcriptions 
des Pères. Ce qu'on doit aux massorètes, c'est donc sur- 
tout la consignation par. écrit de remarques qui avaient 
été faites antérieurement sur la lettre du texte sacré, et 
auxquelles ils ont dû parfois ajouter les leurs. 

III. L'œuvre massorétique. — 1° Sa disposition gra- 
phique. — Avant l'invention de l'imprimerie, les anno- 
tations massorétiques ne pouvaient pas trouver place en 
marge des, manuscrits bibliques. Elles étaient consignées 
sur des feuillets détachés, qui s'enrichissaient continuel- 
lement d'additions et finirent bientôt par réclamer plus 
de place que le texte lui-même. Plus tard, pour faciliter 
la diffusion de l'œuvre massorétique, les rabbins en 
écrivirent les remarques les plus importantes sur les 
feuillets mêmes des Bibles manuscrites. Ces annotations 
occupaient les marges du texte et l'espace laissé libre en 
haut et en bas du feuillet. Mais de cette disposition 
résultait une très grande confusion. On peut voir, dans 
la Revue biblique, 1902, p. 551, la reproduction d'un 
feuillet massorétique tiré d'un manuscrit du IX e siècle, 
qui est conservé au British Muséum. La première Bible 
massorétique fut imprimée à Venise par Bomberg, avec 
la collaboration du juif Jacob Ben Chayim, sous le titre 
de Biblia magna Rabbinica, 1525. Ce qu'on y a con- 
servé de la compilation massorétique a été disposé dan» 
un ordre adopté depuis dans les publications postérieures. 
On distingue en conséquence la massore en deux parties, 
l'une textuelle et l'autise finale. Cette dernière est disposée 
par ordre alphabétique à la fin de chaque livre. Elle se 
compose de remarques qui, à raison de leur étendue, 
n'auraient pu trouver place dans les marges du texte. La 



857 



MASSORE 



858 



.massore textuelle se divise elle-même en petite et en 
grande. La petite massore est écrite dans les marges 
intérieures des colonnes du texte, à droite et à la hauteur 
«lu mot qu'elle vise. Ce mot est généralement indiqué 
par un petit cercle placé au-dessus de lui ; si la remarque 
se rapporte à deux mots, le petit cercle est entre ces deux 
mots. La grande massore est disposée en haut de la page, 
«n bas, et dans la marge latérale, si celle-ci est restée 
libre. Chaque note de la grande massore est séparée par 
<leux points. La grande massore contient ce que n'aurait 
•pu dire la petite. Cette dernière est représentée par des 
abréviations dont il faut avoir la clef. En voici quelques 
«xemples : "j pour n>S, terme araméen correspondant à 
l'hébreu lo' yês, « n'étant plus » ailleurs, ou ânxt tel * 
(livov; on pour l'hébreu fyâsêr, o défectif; » "jo pou r 
mâle', «c plein; » a, ;, i, etc., lettres marquant le nombr 
•de fois, deux, trois, quatre, etc., que le mot se trouvé 
dans la Bible; ptD, s signe, » indiquant que les mots 
•visés sont l'objet d'une note de la grande massore. etc. 
Le texte biblique apparaît ainsi entouré de toutes parts 
par celui de la massore. C'est probablement ce qui a 
suggéré l'idée de regarder celle-ci comme le « lien » qui 
enserre le texte, et même de l'appeler siydg lat-(ôrdh' 
« haie autour de la Loi, » bien que la mâsorét désignée 
ainsi par R. Akiba, Aboth, m, 13, soit la tradition hala- 
chite, voir Midrasch, et non celle des massorètes. 

2° Notes sur les versets. — Le verset ou pàsûq, du 
chaldéen pesaq, « couper, » est déjà mentionné dans 
la Mischna. Les massorètes en marquèrent la fin par 
deux points : appelés, sof pàsûq, « fin du verset. » La 
division du texte par chapitres leur est postérieure. 
Voir Chapitres de la Bible, t. u, col. 559. Mais long- 
temps avant eux le texte du Pentateuque avait été par- 
tagé en 154 sections, pour les lectures du sabbat pendant 
trois ans. Consacrant un usage différent, qui tendait 
déjà à prévaloir de leur temps, ils ramenèrent le nombre 
des sections à 54, de manière que le Pentateuque pût 
être lu en une année. Cf. Scbûrer, Gesckichte desjiidis- 
chen Volkes im Zeît. J. C, Leipzig, t. u, 1898, p. 455, 
note 101. Chaque section ou pdrâsdh est ouverte, pefw- 
fyâk, ou fermée, setûmâh, suivant que, pour com- 
mencer, elle laisse inachevée ou ouverte la dernière 
ligne de la section précédente, ou bien n'en est séparée 
que par un petit espace sur la même ligne. La section 
est elle-même subdivisée en un plus ou moins grand 
nombre de sections plus courtes. Les massorètes 
notèrent le commencement des sections ouvertes par 
sas, et celui des sections fermées par ddd; les lettres s 
ou D marquèrent les subdivisions. Quand on ajouta à la 
lecture de la Loi celle des prophètes, la section prophé- 
tique fut nommée haftdrdh, de fâtdr, « congédier, » 
parce qu'après cette lecture on congédiait l'assemblée. 
Les massorètes indiquèrent ces sections prophétiques, 
non dans le texte même, comme pour la Loi, mais au- 
dessous du texte. Ces diverses indications sont repro- 
duites dans nos Bibles hébraïques; celles qui con- 
cernent les prophètes sont rejetées à la fin. — Les 
massorètes comptèrent les versets de chaque livre et 
inscrivirent le total à la fin du livre en lettres numé- 
rales et au moyen d'un mot dont les lettres reprodui- 
saient le total indiqué. Ils notèrent le verset qui tient le 
milieu de chaque livre, Gen., xxvii, 40; Exod., xxn^ 
28; Lev., xv, 7; Num., xvn, 5; Deut., xvn, 10, etc/Le 
total des versets est de 23206. Un verset, Jer., xxi, 7, a 
42 mots et 160 lettres; trois versets ont chacun 80 lettres; 
28 versets ou seulement 25 ont une première moitié 
dont le sens demeure imparfait; dans quatre versets, 
Gen., xviii, 5; xxiv, 55; Num., xii, 14; Ps. xxxvi, 7, il 
y a un vav qui a été ajouté par la faute des scribes et 
dont il ne faut pas tenir compte; la Loi n'a que deux 
versets commençant par la lettre D. Gen., xxxii, 14; 
Num., xxix, 33, etc. Dans nos Bibles imprimées, le 
dernier verset d'Isaïe, des Lamentations, de Malachie et 



de l'Écclésiaste, est suivi de la répétition au moins par-, 
tielle du verset précédent. C'est une attention des masso- 
rètes en faveur du lecteur. Comme ce dernier verset 
exprime une idée désagréable, ils reproduisent le verset 
précédent, qui est de nature à laisser meilleure impres- 
sion. 

3° Notes sur les mots. — Les massorètes indiquent 
les cas où les mots sont écrits sous forme pleine ou 
sous forme défective, c'est-à-dire avec le T et le > quies- 
cents et le n paragogique, ou sans les quiescentes x, i, », 
et sans n final. Ils comptent combien de fois tel mot se 
-lit au commencement, au milieu ou à la fin d'un verset, 
combien de fois il se lit dans toute la Bible. Ils signalent 
15 mots surmontés de points, parce que ces mots sont 
censés cacher des mystères. Les plus importantes 
remarques concernant les mots sont celles qui sont 
indiquées avec les formules qerî, « ce qui doit être 
lu, 9 et hefîb, « ce qui est écrit. » Voir Keri, t. m, 
col. 1889. Il y a treize passages où il reste un vide dans 
le texte, avec la note : « Est lu, mais n'est pas écrit; » 
d'autres qui ont la note : « Est écrit, mais n'est pas lu; » 
quelques-uns où le keri indique qu'on doit, soit séparer 
un mot en deux, soit en réunir deux en un. En dix en- 
droits, un mot jugé obscène par les massorètes doit être 
remplacé par un autre. Enfin le kéri porte fréquemment 
sur des additions, des suppressions ou des changements 
de lettres. La distinction du kéri et du chéthib est in- 
connue à Josèphe, à Philon et à saint Jérôme. Les 
anciennes versions ne la connaissent pas non plus; 
elles reproduisent le texte que leurs auteurs ont eu 
sous les yeux, et qui se trouve conforme tantôt au keri 
et tantôt au chéthib. D'autres part, les Juifs orientaux 
n'ont pas les mêmes kéri et les mêmes chéthib que les 
Juifs occidentaux. Ce sont donc les massorètes qui ont 
noté ces variantes, dont beaucoup sont sans importance. 
Il n'est pas à croire qu'ils les aient introduites arbi- 
trairement, sinon pour les mots qu'ils ont jugés obscènes. 
Plusieurs de ces variantes sont déjà signalées dans le 
Talmud. Les massorètes ont dû comparer les manuscrits 
qu'ils avaient en main et marquer les variantes qui leur 
paraissaient justifiées. Ils ont été bien inspirés en 
laissant en marge ces variantes. Ordinairement, ils 
mettent sur le chéthib les voyelles qui conviennent au 
kéri, afin que le lecteur soit plus sûrement averti. 

4» Notes sur les lettres. — Certaines lettres prennent 
une forme majuscule, qui est conservée dans nos Bibles 
imprimées. La première lettre de la Genèse est un 
grand 3 = 2, pour rappeler que l'œuvre de la création 
comprend deux choses, le ciel et la terre. Le mot hif- 
gallâh, « sera rasé, » Lev., xm, 33, porte un grand 
1 = 3, pour marquer que trois sortes d'hommes doivent 
être rasés : les nazaréens, les impurs et les lévites. Le 
nom d'Adam, I Par., i, 1, est écrit avec un grand « = 1, 
pour signifier qu'Adam est le premier homme, etc. Il y 
a trente-trois passages où une lettre est plus petite que 
les autres, en signe de mépris ou de diminution. Des let- 
tres sont suspendues au-dessus des autres, le 2 de me- 
naSséh, Jud., xvm, 13, le 7 de resâ'îm, Job, xxxvm, 13, 
15, et de mîyyâ'ar, Ps. lxxx, 14. Un 2 est renversé dans 
neuf endroits : Num., x, 35; xi, 1; Ps. cvn, 23-28, etc., 
pour marquer que les ennemis d'Israël doivent être 
-renversés de même. Deux lettres pouvant s'écrire diffé- 
remment, suivant qu'elles sont dans le corps du mot 
ou à la fin, et d, ; et ], les massorètes indiquent les 
cas où la forme de ces lettres est irrégulière. Ils ont 
compté combien de fois chaque lettre occupe le 
commencement, le milieu ou la fin d'un mot, combien 
de fois elle se trouve dans chaque livre et dans toute la 
Bible, le total des lettres qui composent le Livre sacré, etc. 
Mais ces calculs aboutirent à des résultats divergents, 
selon les manuscrits. Au mot fira, gâhôn, Lev., xi, 42, 
le i est majuscule, parce que c'est la lettre qui tient le 
milieu parmi toutes celles du Pentateuque. Le 7 du mot 



C59 



MASSORE 



MASTELYN 



860 



miyyâ'ar, Ps. lxxx, 14, est suspendu, parce que c'est 
la lettre qui tient le milieu parmi toutes celles des 
Psaumes. — On trouve un résumé de tous ces remarques 
massorétiques à la fin des Bibles hébraïques. Voir spé- 
cialement dans celle de Van der Hooght et Hahn, Leip- 
zig, 1867. 

5° Les points-voyelles. — Voir Hébraïque (Langue), 
t. m, col. 504-508. 

6» Les accents. — Ils ont existé de bonne heure, pour 
faire distinguer par l'intonation de la voix des mots qui 
se vocalisaient de même, mais qui avaient des sens 
différents. Saint Jérôme, Qu&st. hebraic, in Gen., H, 
23, t. xxin, col. 942, dit que c'est au moyen de l'accent 
qu'on peut distinguer 'issâh, « femme, s de îssd', « il 
prend. » Les massorètes ont ingénieusement complété 
et combiné le système des accents, pour marquer la 
syllabe tonique, unir ou disjoindre les mots, ponctuer 
les phrases et même servir de notation musicale pour 
la lecture correcte des textes sacrés dans les réunions 
des synagogues. En vingt-huit passages, les massorètes 
interrompent un verset par un petit cercle appelé pisqâ', 
« pause, » pour indiquer un changement de ton dans la 
lecture. Cf. Num., xxv, 19; Dent., n, 8; Jos., îv, 1; 
vm, 24'; Jud., il, 1; I Reg., xiv, 36; xvi, 2, 12; xvii, 37; 
xxi, 10; xxiu, 11 ; Il Reg., v, 19; vi, 20; vu, 4; xn, 13; 
xvii, 14; xvin, 2; xxi, 1, 6; xxtv, 10, 11, 23; III Reg., xm, 
20, etc. 

IV. Valeur de la massore. — Les massorètes ont 
rendu de réels et importants services à la critique 
textuelle de la Bible, en fixant nettement l'état du texte 
à leur époque et en le protégeant contre les corruptions 
ultérieures. Grâce à eux, nous possédons la Bible, hébraï- 
que en l'état où elle se trouvait au v siècle après J.-C, 
et même bien antérieurement, puisque les massorètes 
s'appuient surtout sur les travaux des docteurs qui les 
avaient précédés. Le scrupule qui les a empêchés de 
corriger quoi que ce soit dans le texte lui-même et leur 
a inspiré de mettre en marge leurs annotations constitue 
une garantie de plus en faveur de la valeur objective 
de leur œuvre. Ils ont encore eu le mérite de fixer la 
prononciation de l'hébreu, et d'en faciliter l'intelligence, 
par leur ponctuation. Il est assez probable que la 
prononciation réglée par leurs points-voyelles et leurs 
accents diffère de celle des anciens Hébreux. Elle n'en 
a pas moins sa très grande utilité. Il n'est pas indiffé- 
rent de remarquer que la secte des Caraïtes, qui rejette 
en bloc toutes les traditions rabbiniques, voir Caraïtes, 
t. il, col. 243, adopte cependant les points-voyelles et 
la prononciation massorétique de l'hébreu. Ce fait 
tendrait à prouver l'ancienneté de la vocalisation fixée 
par les massorètes. La peine que se sont donnée ces 
derniers pour noter les irrégularités verbales, les 
variantes et tout ce qui intéresse la lettre du texte, n'a 
pas été non plus sans résultat, puisqu'elle a servi à mieux 
expliquer le texte lui-même. Quand la massore sera 
mieux connue et mieux étudiée dans le détail, elle four- 
nira sans nul doute des ressources plus précieuses encore 
pour l'intelligence des textes sacrés. A ces divers titres, 
les massorètes méritent reconnaissance. Il importe peu 
dès lors qu'une partie de leurs efforts aient été con- 
sacrés à des puérilités et à des préoccupations plus ou 
moins étranges. La notation de lettres soi-disant mys- 
térieuses sent déjà la kabbale. Voir Kabbale, t. m, 
col. 1881. Le remplacement de mots qu'ils regardent 
comme obscènes serait une impertinence envers les 
auteurs sacrés, si le changement des temps n'imposait 
■parfois au langage certaines modifications. Quant au 
compte et à la forme des lettres, aux lettres médianes, 
et à ces mille détails d'ordre tout conventionnel, ce sont 
choses inutiles, dans la plupart des cas. Un respect 
exagéré pour la lettre de la Bible a pu inspirer ces 
recherches, mais ne leur a communiqué aucune utilité 
pratique. — Sur la Massore, voir EUas-Lévita, ifassoret 



kani-Massoret, ou « Clef de la Massore »; cf. t. il, 
col. 1669; Chr. D. Ginsburg a publié The Massoret-ha~ 
Massoreth of Elias Levita, Londres, 1867 (texte hébreu 
avec traduction anglaise); J. Buxlorf, Tiberias sive 
commentarius Masorethicus quo primum explicatur 
quid Masora sit, tum historia Masoretharum ex Hebrse- 
orum annalibus excutitur... secundo clavis Masorse 
traditur, Bâle, 1700, publié d'abord à la fin du rv« vol. 
de la Biblia maxima Rabbinica, Bâle, 1620; Cappel^ 
Critica sacra, m, 15; v, 12, Paris, 1650, p. 170-372;. 
Morin, Exercitationes biblicse, h, 12, Paris 1669, p. 383;: 
Walton, Biblia polyglotta, Londres, 1654, dont les Pro- 
legomena, rv, traitent de la massore, dans le Sacrse 
Scripturee Cursus completùs de Migne, Paris, 1839, 
t. i; col. 265-290, et ensuite de la kabbale, col. 290-296";, 
Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, 
Rotterdam, 1685, p. 131-159; A. Gilly, Précis d'introduc- 
tion à l'Écriture Sainte, 3 in-12, Nimes, 1867, t. i, 
p.148-150; Cornely, lntroductio in utriusque Testamenti 
libros sacros, 4 in-8°, Paris, 1885, t. I, p. 258-262; Har- 
ris, The rise and development of the Massorah, dans- 
The Jewish Quarterly Review, i, 1889, p. 128-142, 223- 
257; Blau, Masoretische Untersuchungen, Strasbourg, 
1891, et Massoretic studies, dans The Jewish Quart. 
Review, vm, 1896, p. 343-359; ix, 1897, p. 122-144, 471- 
490; Ginsburg, The Massorah compiled front manus- 
cripts, Londres, 1880-1885, et Introduction lo the mas- 
soretico-critical édition of the Hebrew Bible, Londres, 
1897; Hyvernat, Petite introduction à l'étude de la Mas- 
sore, dans la Revue biblique, 1902, p. 551-563; 1903,. 
p. 529-549. H. Lesêtre. 

MASSORÈTE, nom donné aux savants juifs qui ont 
compilé la Massore. Voir Massore, I, col. 855. 

MASSUE, morceau de bois qui va en grossissant à, 
l'une de ses extrémités, et dont on se sert pour frapper,, 
assommer, briser, enfoncer, etc. La massue s'appelle en 
hébreu tôtafy, le tartahu assyrien, que les versions, 
rendent par crçûpa, nialleus, « marteau. » Pour l'hippo- 
potame, « le fôfâh n'est qu'un brin de paille. » Job, xli,. 
20. Contre un tel animal, on lève plutôt une massue qu'un 
marteau. La massue est le çôizaloy des Grecs, lliad., Hl r 
559, Odys., ix, 319; Sophocle, Trachin., 512, etc., et la 
clava des Latins. Cicéron, Verr., h, 4, 43; De senect., 
16/ Silius Italicus, vm, 524, etc. La xopvvri était la massue- 
de guerre, lliad., vu, 141; Hérodote, i, 59. Les Assyriens, 
qui suivaient l'armée de Xerxés portaient des massues, 
de bois hérissées de nœuds de fer. Hérodote, viï, 63. Il 
est possible que leurs devanciers aient déjà connu cette- 
arme et que, par conséquent, les Hébreux l'aient vue 
aux mains de leurs ennemis. — Les Septante ont traduit 
par pdirâ).ov l'hébreu nié fît, Prov., xxv, 18, qui dési- 
gne le marteau de guerre et peut s'entendre parfaite- 
ment d'une sorte de massue armée de fer. Le Sêbét ou 
bâton était aussi employé comme arme et devait prendre 
alors une forme approchant de celle de la massue. 
Voir Bâton, t. i, col. 1513. Cf. Is., x, 24; xiv, 5; 
xxviii, 27. H. Lesêtre. 

MASTELYN Marc, commentateur belge, chanoine 
régulier, né à Bruxelles vers 1599, mort aux Sept-Fons 
le 23 décembre 1652. Il embrassa la vie religieuse à 
Groenendael près de Bruxelles et suivit à Louvain les 
cours de théologie, qu'il fut eusuite chargé de professer 
dans son monastère ainsi que la philosophie. Il fut prieur 
du monastère de Sept-Fontaines. Il compléta et publia 
un travail sur les Psaumes commencé par Jean de 
Bercht, un de ses confrères : Elucidatorium in Psalmos 
Davidicos, in-4", Anvers, 1634. — Voir Pagnot, Mé- 
moires pour servir à l'hist. littéraire des Pays-Bas, t. IX, 
p. 360; A. Goevaerts, dans Biographie nationale de 
Belgique, t. xa.\, 1891, ç. 6-Vi. t&. Hsxiïsîsws.. 



861 



MAT — MATHAN 



862 



NIAT (hébreu : hibêl, de hébél, « cordage, b tôrén; 
Septante : 1<jtôç; Vulgate : malus), pièce de bois dressée 
sur un navire pour supporter la voilure. — Dans les 
Proverbes, xxiii, 34, seul passage où se lise le mot hibêl, 
l'ivrogne est comparé à l'homme couché sur le sommet 



montagne. Le prophète annonce à Israël qu'en punition 
de ses infidélités, il en sera réduit à fuir même devant 
des ennemis peu nombreux, jusqu'à ce qu'il reste isolé 
comme un mât au sommet de la montagne et un éten- 
dard sur la colline. Voir Étendard, t. n, col. 2000. Ce 




230. — Mât d'un navire de guerre philistin. Tomheau de Bamsès III à Médinet-Habou. 
D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, pi. 220. 



d'un mât. Il est terriblement ballotté quand la mer est tant 
soit peu agitée, à cause de l'amplitude que la hauteur du 
mât donne aux moindres mouvements du navire. Sur un 
navire de guerre philistin (fig. 230), on voit des combat- 




23t. — Mâts d'ornement à banderoles en Egypte. 
D'après Maspero, Archéologie égyptienne, 1887, flg. 7p", p. 71. 

tants qui chancellent au haut des mâts, un entre autres 
qui tombe d'une espèce de hune construite au sommet 
du mât principal. — Isaïe, xxxm, 23, compare l'Assyrie 
à un navire désemparé, dans lequel les cordages ne 
serrent plus le pied du mât pour tendre les voiles. Ézé- 
chiel, xxvii, 5, décrit aussi la cité de Tyr sous la figure 
d'un vaisseau dont le mât a été fait avec un cèdre du Li- 
ban. Voir Navire. — Dans un autre passage d'Isaîe, xxx, 
17, le mât, fôrén, est un signal dressé sur le haut d'une 



mât n'est pas un mât de navire, mais une haute pièce de 
bois dressée sur un lieu élevé pour y servir de signal. 
Israël, châtié par Dieu, restera au milieu des peuples 
comme le témoignage visible de la justice divine qui 
punit les rebelles. En Egypte, sur la façade des temples, 
on employait des mâts analogues, formés de poutres- 
entées l'une dans l'autre et consolidés par des agrafes, 
pour soutenir des banderoles décoratives (fig. 231). Cf. 
Maspero, L'archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 70. 

H. Lesêtre. 
MATHAN (hébreu : Matfân, « don »), nom d'un 
prêtre de Baal et de deux Israélites. C'est une abrévia- 
tion de Mathanias. Voir Mathanias. 

1. MATHAN (Septante : Ma8âv, MaTÔâv), prêtre de 
Baal qui desservait le temple de ce dieu à Jérusalem 
sous le règne d'Athalie. Il est possible qu'il fût phéni- 
cien et non d'origine juive, le nom de Mathan était, 
usité en Phénicie et à Carthage. Gesenius, Thésaurus, 
p. 929. Athalie l'avait sans doute amené avec elle dans la 
capitale de la Judée. Il fut tué après la reine, devant l'au- 
tel même de Baal, lorsque Joas eut été proclamé roi par 
le grand-prêtre Joïada. IVReg.,xii,18; II Par.,xxm,17. 

2. MATHAN (Septante : NiSocv), père de Saphatias, 
contemporain de Jérémie. Jér., xxxvm, 1; Voir Sapha- 
tias, fils de Mathan. 

3. MATHAN (Ma-rdôv), fils d'Éléazar, père de Jacob et 
grand-père de saint Joseph, époux de la Sainte Vierge, 
dans la généalogie de saint Matthieu, i, 15. La place 
correspondante dans la généalogie de saint Luc, m, 29, 
est occupée par Mathat, ce qui a fait croire à un cer- 
tain nombre de commentateurs que Mathan et Mathat 
sont un seul et même personnage, mais on ne saurait 
l'établir. D'après Nicéphore, H. E., II, m, t. cxlv, 
col. 760, Mathan aurait été prêtre, ce qui est en contra- 
diction avec la généalogie évangélique, et père d'Anne, 
qui devint la mère de la Sainte Vierge. 



863 



MATHANAÏ — MATHATIAS 



-864 



MATHANAÏ (hébreu : Mafnaï), nom de trois Israé- 
lites qui vécurent après la captivité. Leur nom hébreu 
est probablement une contraction de Mathanias. Voir 
Mathanias. 

1. MATHAMAI (Septante : Metôavia; Sinaiticus : 
MaOaviâ), un des fils d'Hasom qui avait épousé une 
femme étrangère et qui la renvoya du temps d'Esdras. 

I Esd., x, 33. 

2. MATHANAÏ (Septante : Marfavai), un des fils de 
Bani qui s'était marié avec une étrangère et qui la ré- 
pudia après le retour de la captivité. I Esd., x, 37. 

3. MATHANAÏ (Septante : HoctSavaf), prêtre, descen- 
dant de Joïarib, qui vivait du temps du grand-prêtre 
Joacim, fils de Josué. II Esd., xii, 19. 

MATHANIA, MATHANIAS (hébreu : Mattanyâhû, 
et, par abréviation : Mattanyâh, « don de Yah ou Jého- 
vah »), nom de onze Israélites. La Vulgate l'a rendu tantôt 
par Mathanîa, tantôt par Mathanias, une fois par Ma- 
thaniaû. I Par., xxv, 4. Les noms de Mathan et de Ma- 
thanaï ne sont probablement qu'une contraction de 
Mathanias. 

1. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâh; Septante : 
B«T6av{a;; Alexandrinus : Ms09aviaç), nom que portait 
le roi de Juda Sédécias avant qu'il fût élevé sur le 
trône. IV Reg., xxiv, 17. Voir Sédécias. 

2. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâh; Septante : 
MatÔavJaç), lévite, fils de Micha, descendant d'Asaph, 
qui vivait après la captivité à Jérusalem. I Par., ix, 15. 

II habitait Jérusalem et était le chef des lévites chargés 
de prier et de louer Dieu dans le Temple, II Esd., xi, 
17, par le chant des hymnes, c'est-à-dire chef des chan- 
tres. II Esd., xii, 8. Il est sans doute aussi le même qui 
était chargé, avec quelques autres, de la garde des portes 
du saint lieu, II Esd., xii, 25, car c'était une des fonc- 
tions que remplissaient les chantres. I Par., xv, 18, 21. 

3. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâhû ; Septante : 
MatOavïa;), lévite, un des quatorze fils d'Heman, qui 
vivait du temps de David. Il fut le chef de la neuvième 
classe de musiciens, comprenant ses fils et ses frères, 
composée de douze personnes. I Par., xxv, 4, 16. Au f. 4, 
la Vulgate écrit son nom Mathaniaû. 

4. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâh; Septante : 
Ma-rflctvfa;), lévite, de la famille d'Asaph, ancêtre de 
Jahaziel, fils de Zacharie, qui prédit au roi Josaphat la 
victoire sur les Moabites. II Par., xx, 14. 

5. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâhû; Septante : 
Maxôavi'aç), lévite de la famille d'Asaph, qui prit part à 
la purification du Temple de Jérusalem sous le règne 
d'Êzéchias. II Par., xxix, 13. 

6. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâh; Septante : 
Maxôavîa), un des fils d'Élam qui avait épousé une 
femme étrangère et qui la renvoya du temps d'Esdras. 
I Esd., x, 26. Voir Élam 4, t. n, col. 1630. 

7. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâh; Septante : 
Moctfaverf), un des fils de Zéthua qui avait épousé une 
femme étrangère et qui fut obligé par Esdras à la répu- 
dier. II Esd., x, 27. 

8. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâh; Septante : 
Matôavia), un des fils de Phahath-Moab, qui vivait du 
temps d'Esdras. II dut renvoyer une femme étrangère 
avec laquelle il s'était marié. I Esd., x, 30. 



9. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâh; Septante : Mat- 
ôavt'a), un des nombreux fils de Bani qui avaient épousé 
des femmes étrangères et qui furent forcés par Esdras 
à les renvoyer. I Esd., x, 37. Voir Bani 1, t. i, col. 1429. 

10. MATHANIAS (hébreu : Matanyâh; Septante : 
MotTÛavtaç), père de Zaccur et ancêtre de Hanàn gar- 
dien des greniers sous Néhémie. Il Esd., xm, 13. 

11. MATHANIAS (hébreu : Mattanyâh; Septante 
MaxÔa'jLa), prêtre, fils de Michaïa, ancêtre de Zacharie 
qui vivait du temps de Néhémie et jouait de la trom- 
pette. II Esd., xm, 34 (hébreu, 35). D'après plusieurs 
interprètes, ce Mathanias, qui avait pour père Michaïa 
et comptait un Asaph parmi ses aïeux, n'est pas diffé- 
rent de Mathanias 2, lévite descendant d'Asaph et fils 
de Micha. Micha peut s'écrire en effet Michaïa et, malgré 
la différence d'orthographe, Micha et Michaïa peuvent 
être la même personne. Mais le texte sacré fait du fils 
de Micha un lévite et du fils de Michaïa un prêtre. Cette 
différence notable suffit pour distinguer Mathanias le 
prêtre du Mathanias lévite. 

MATHANIAU, orthographe, dans la Vulgate, du 
nom de Mathanias, fils d'Héman. I Par., xxv, 4. Voir 
Mathanias 3. 

MATHANITE (hébreu : ham-Mitnî; Septante : & 
MaxBom), surnom patronymique ou ethnique de Josa- 
phat, un des vaillants soldats de David. I Par., xi, 43. 
Voir Josaphat 5, t. m, col. 1650. Ce surnom pouvait 
désigner la famille ou plus probablement la patrie de 
Josaphat, mais on ne trouve rien dans l'Ancien Testament 
qui puisse nous éclairer à ce sujet. 

MATHAT (MaxElât), nom de deux personnages qui 
figurent dans la généalogie de Notre-Seigneur en saint 
Luc, m, 23 (grec, 24), 29. 

1. MATHAT, fils de Lévi et père d'Héli qui fut le père 
de saint Joseph, époux de la Sainte Vierge. Luc, m, 23 
(grec, 24). Voir Généalogie 2, t. m, col. 166. 

2. MATHAT, fils de Lévi et père de Jorim, ancêtre de 
Nôtre-Seigneur qui vivait avant la captivité de Babylone. 
Luc, m, 29. 

MATHATHA (hébreu : Mattaftâh; Septante : Max- 
6a6i), nom de deux Israélites. C'est probablement une 
abréviation de Mathathias. Voir Mathathias. 

1. MATHATHA, un des fils d'Hasom qui vivait da 
temps d'Esdras et avait pris une femme étrangère qu'il 
dut renvoyer. I Esd., x, 33. 

2. MATHATHA, un des ancêtres de Notre-Seigneur 
dans la généalogie de saint Luc, W, 31. Il était fils de 
Nathan et petit-fils de David. 

MATHATHIAS, nom de dix personnages. Il est 
écrit avec quelques légères variantes en hébreu et dans 
le grec de l'Ancien et du Nouveau Testament. La Vul- 
gate a uniformément Mathathias. Il signifie « don de 
Yah ou Jéhovah », et correspond au grec, ©Eo'Swpoç, 
®eo8<ipr|Toç, 0eo8(5mo;, ©e68oxo<;. Voir aussi Mathan, 
Mathanaï, Mathanias, Mathat, Mathatha, Matthieu, 
Matthias. 

1. MATHATHIAS (hébreu : Mattitydh; Septante : 
M«T6a8faç), lévite, fils atné de Sellum, descendant de 
Coré, qui vivait à Jérusalem et était chargé de la prépa- 
ration des gâteaux qu'on faisait frire dans la poêle pour 
les offrandes religieuses. I Par., rx, 31. 



865 



MATHATHIAS — MATHUSAEL 



866 



2. MATHATHIAS (hébreu : Mattityâhû; Septante : 
Ma-c6aO;<x, MaTÔaOîote I Sinaiticus : MeTraOt'oc), lévite qui 
vivait du temps de David et fut un des musiciens placés 
sous la direction d'Asaph. Il jouait devant l'arche du 
kinnôr (be-kinnôrôt 'al haS-semînîf). I Par., xv, 18, 21; 
xvi, 5. Dans ce dernier passage, le texte hébreu écrit 
son nom Mattityâh et le grec, MarraOîaç. S'il est le 
même, comme on ne peut guère en douter, que le Ma- 
thathias (hébreu : Mattityâhû; Septante : MarOaOiaç ; 
Alexandrinm : MaTtaôta;), nommé I Par., xxv, 3, il 
était le sixième fils d'Edithan, l'un des trois chefs de 
chœur de David, et avait été d'abord sous sa direction; 
lorsqu'on distribua les musiciens en classes qu'on tira 
au sort, il fut à la tête de la quatorzième division, com- 
posée de ses fils et de ses frères et comprenant douze 
personnes. I Par., xxv, 21. 

3. MATHATHIAS (hébreu : Maftityâk; Septante; 
MaTSavt'aç), un des fils de Nébo qui avait épousé une 
femme étrangère et la répudia du temps d'Esdras. 
I Esd., x, 43. 

4. MATHATHIAS (hébreu : Mattityâh; Septante : 
M«t9a9t'ac), le premier des six personnages qui se tin- 
rent à la droite d'Esdras pendant que celui-ci fit au 
peuple la lecture de la Loi. Mathathias était peut-être 
un prêtre ou du moins un homme notable. II Esd., vin, 4. 

5. MATHATHIAS (grec : Mavcaetaç), prêtre de la fa- 
mille de Joarib (voir Joïarjb 1, t. m, col. 1596), père 
des cinq frères Machabées qui affranchirent les Juifs du 
joug des Séleucides. Il descendait d'Asmon ou Hasmon, 
par Simon, son grand-père, et Jean, son père. I Mach., 
il, 2-5; xiv, 29. Voir col. 480. C'était un prêtre plein de 
zèle pour l'observation de la Loi. Il était déjà avancé 
en âge lorsque Antiochus IV Épiphane, roi de^ Syrie 
(175-164 avant J.-C), le premier des persécuteurs de la 
religion, voulut imposer de force aux Juifs les pra- 
tiques polythéistes des Hellènes. Voir t. i, col. 697. 
Mathathias, accablé de douleur, s'était retiré de Jérusa- 
lem et réfugié avec ses fils à Modin. Voir Modin. La 
persécution alla l'y chercher. Des envoyés d'Antiochus 
s'y rendirent afin de forcer les habitants à sacrifier aux 
faux dieux. Ils pressèrent le vieillard d'obéir aux ordres 
du roi, en lui faisant les plus magnifiques promesses. 
« Quand toutes les nations obéiraient au roi Antiochus, 
répondit-il, ... moi et mes fils et mes frères, nous obéi- 
rons à la loi de nos pères... Nous n'écouterons pas les 
paroles du roi Antiochus, et nous ne sacrifierons pas 
en transgressant les commandements de notre Loi. » 
I Mach., il, 19-22. Et comme un Juif infidèle s'apprêtait 
à sacrifier aux idoles, Mathathias, saisi de douleur, se 
précipita sur lui et le tua sur l'autel. Il frappa en 
même temps l'envoyé d'Antiochus et détruisit l'autel 
idolâtrique. Ce fut là le commencement de la guerre 
sainte. « Que quiconque a le zèle de la Loi, me suive! » 
s'écria l'héroïque vieillard, et lui et ses fils s'enfuirent 
sur les montagnes, I Mach., n, 27-28. Les Juifs fidèles, 
les Assidéens (t. i, col. 1131) les y rejoignirent en 
grand nombre et ainsi se forma une petite armée, à 
qui le saint vieillard inspira son ardeur. Ils allèrent 
tous ainsi détruire les autels païens et circoncirë^ïës 
enfants incirconcis d'Israël. Après avoir ainsi enflammé 
les cœiïrs, sentant sa fin approcher, Mathathias exhorta 
ses fils à donner leur vie pour rester fidèles à la Loi et 
il désigna son fils Judas comme général de l'armée 
sainte. Le mouvement qu'il avait inauguré ne devait 
plus s'arrêter jusqu'au complet triomphe. Il mourut en 
167 et fut enseveli à Modin, pleuré par tous les Juifs 
fidèles. I Mach., Il, 70. Ses cinq fils furent dignes d'un tel 
père : fidèles à ses recommandations, ils versèrent tous 
leur sang pour la cause sacrée de la religion et de la 
patrie. Voir Machabées, col. 479. F. Vigouroux. 

DICT. DE LA BIBLE. 



6. MATHATHIAS (grec : MaT8a6sat«), fils d'Absalom, 
IMach., xi, 70, et frère de Jonathas. I Mach., xm, 11. 
Voir Jonathas, 4, t. m, col. 1624. Lorsque Jonathas Ma- 
ehabée livra bataille à l'armée syrienne de Démétrius, 
dans la plaine d'Azor(voir AsorI, 1,3°, 1. 1, col. 1107), ses 
troupes s'enfuirent d'abord et la bataille eût été perdue 
si Mathathias et Juda, fils de Calphi, deux de ses prin- 
cipaux officiers, n'avaient tenu bon avec lui. Leur résis- 
tance donna aux fuyards le temps de reprendre cou- 
rage et de se rallier à leur chef, qui remporta une 
victoire éclatante. I Mach., xi, 67-74. 

7. MATHATHIAS (grec : MarSaOîa;), fils de Simon 
Machabée. Ptolémée, fils d'Abobi, gendre de Simon, et 
l'un de ses officiers, fit périr traîtreusement Mathathias, 
avec le grand-prêtre Simon lui-même et son autre fils 
Judas, dans la forteresse de Doch (t. h, col. 1454), où 
il venait de leur donner un grand festin. I Mach., xvi, 
11-17. 

8. MATHATHIAS (grec : MaTOaOfct;), nom d'un des 
trois ambassadeurs que Nicanor, général du roi dé Syrie 
Démétrius I er , envoya à Judas Machabée pour traiter de 
la paix, qui fut en effet conclue. II Mach., xiv, 19. La 
Vulgate a abrégé le nom de cet ambassadeur en Mat- 
thias. 

9. MATHATHIAS (grec : MarSaSta;), fils d'Amos et 
père de Joseph le père de Janné, dans la généalogie de 
Notre-Seigneur en saint Luc, m, 25. 

10. MATHATHIAS (grec : Max8a6['aç), fils de Séméi 
et père de Mahath, dans la généalogie de Notre- 
Seigneur en saint Luc, m, 26. 

MATHIAS. Voir Matthias. 

MATHIAS (Jacques de), luthérien danois, docteur 
en théologie, mort en 1586 a publié : Grammatica, 
Rhetorica, Dialectasacra, seu de tropis Sacrx Scriphirœ 
vel Introductio ad Scripturam,ia-¥, Copenhague, 1589; 
Prselectiones in Ecclesiasten et Joelen, in-4", Bâle, 1589; 
Prselectiones in Hoseam, in-4», Bâle, 1590. — Voir 
Walch, Bibliotheca theol., t. n, p. 498; t. iv, p. 568, 
573. B. Heurtebize. 

MATHISIUS, MATTHYS, Gérard, théologien 
catholique, né dans le duché de Gueldres vers 1523, 
mort à Cologne le 10 avril 1572 ou plus probablement 
le 11 avril 1574. Il fit ses études à Cologne et professa 
dans cette ville où, en 1545, il fut chargé d'enseigner le 
grec. Quelques années plus tard, en 1552, il devenait 
doyen de la faculté des Arts et, le 12 novembre 1557, il 
était nommé régent du collège Montanum, charge qu'il 
exerça jusqu'à sa mort. Il avait été en outre recteur de 
l'Université du 20 décembre 1562 au 24 mars 1564 et fut 
chanoine de la collégiale des Saints-Apôtres, puis de la 
cathédrale de Cologne. Parmi ses écrits, on remarque : 
In Epistolam B. Pauli ad Romanos commentaria 
nunc recens conscripta ac édita, in-12, Cologne, 1562. 
— Voir Valère André, Biblioth. Belgica, p. 279; Pagnot, 
Mémoires pour servir à l'hist. littéraire des Pays-Bas, 
t. vin, p. 302. B. Heurtebize. 

MATHUSAEL (hébreu : Mefûsd'êl; Septante : MaOou- 
dâXa), patriarche antédiluvien, le quatrième descendant 
de Caïn, fils de Maviaël et père de Lamech. Gen., iv, 
18. Son nom a une forme archaïque ; le premier élément, 
nietû, ne se retrouve que dans un autre nom propre de 
la même époque, celui de Mathusalem. D'après Gese- 
nius, Thésaurus, p. 830, il se décompose en wid, forme 

construite de hd, «homme, s en tf, abréviation de ~itfî» 

T Y * 

IV. - 28 



867 



MATHUSAEL — MATSOR 



indiquant le génitif, et S», « Dieu : » « homme de Dieu. » 
F. Mùhlau et W. Volck, Gesenius' Handwôrterbuch, 
8» édit., 1878, préfèrent dériver sâ'êl de sâ l al, « homme 
de prière » ou « de demande ». 

MATHUSALA, MATHUSALÉ, MATHUSALEM 

(hébreu : MetûHêlah, « homme du trait, du dard » [?] ; 
Septante : Ma9o-jci>,«), fils d'Hénoch et père de Lamech, 
le huitième des patriarches antédiluviens de la branche 
de Seth. Son père Hénoch l'engendra à 65 ans; il eut 
lui-même son fils Lamech à 187 ans; après quoi il vécut 
encore 782 ans et mourut, après avoir engendré des 
fils et des filles, à l'âge de 969 ans : c'est la vie la plus 
longue dont il soit parlé dans l'Écriture, d'où l'expres- 
sion proverbiale : « vieux comme Mathusalem. » Gen., v, 
21-27. A'oir Longévité, col. 355. — Des critiques moder- 
nes prétendent que Mathusala et Mathusaël dont le 
nom se ressemble et qui ont l'un et l'autre un fils appelé 
Lamech sont une seule et même personne, mais les 
noms de Mathusala et de Mathusaël ne sont pas iden- 
tiques et les deux Lamech sont différents. Voir Lamech 2, 
col. 42. 

MATIN (hébreu : bôqér; Septante : Ttpuf, npwsa; 
Vulgate : marie, dîluculo), partie de la journée qui en 
comprend les premières heures, et spécialement le temps 
qui succède immédiatement à l'aurore. A'oir Aurore, 
1. 1, col. 1265. Ce qui appartient au matin s'appelle dans 
les versions : £w9iv<S<;, irptotviSç, matutinus. — 1° Dans 
le récit de la création, il est répété plusieurs fois que 
« il y eut soir, il y eut matin, ce fut un jour ». Gen., i, 
5, 8, 13, 19, 23, 31. Les Hébreux comptaient les jours 
d'un coucher de soleil à un autre, sans doute parce 
qu'ayant des mois lunaires, dont ils déterminaient le 
commencement par une méthode tout empirique, ils 
trouvaient naturel que le jour commençât comme le 
mois, le soir, à l'apparition de la lune. Mais cette ma- 
nière de limiter le jour n'était pas générale; les Égyp- 
tiens et les Babyloniens le faisaient commencer au ma- 
tin. Dans le texte de la Genèse, les mots « soir » et 
« matin » doivent donc être considérés comme les 
limites d'une durée déterminée : il y eut soir, après la 
journée écoulée, il y eut matin, après la nuit écoulée, 
et ce fut un jour. Dans Daniel, vm, 14, 26, au contraire, 
l'expression « soir matin », désigne un jour tout entier, 
comme le vu^TiiiEpov des Grecs, II Cor., xi, 25, compté 
à la manière des Hébreux. Le prophète se sert sans 
doute de cette expression composée parce que, dans ce 
passage, il est question du sacrifice perpétuel, et que 
les mots 'éréb, « soir, » bôqér, « matin, » rappellent le 
sacrifice qui se faisait à ces deux moments de la journée. 
Cf. Rosenmûller, Daniel, Leipzig, 1832, p. 267; Fabre 
d'Envieu, Le livre duprophète Daniel, Paris, 1891, t. H, 
2» part., p. 817. Il est à remarquer cependant que, 
quand il s'agissait de manger l'agneau pascal, la manne, 
les victimes des sacrifices, Exod., n,10; xvi, 19; Lev., vu, 
15, la journée s'étendait « jusqu'au matin », parce que 
ces actes se faisaient plus communément le jour que la 
nuit, et qu'il fallait laisser une certaine latitude pour 
les terminer. — 2° Le matin était consacré par l'offrande 
de sacrifices dans le Temple, chaque jour, Exod., xxix, 
38, 39; Num., xxvm, 4, et spécialement pendant les fêtes 
de la Pâque, Num., xxvm, 23, et durant les grandes 
solennités. Voir Sacrifices. C'est aussi le matin que 
l'on offrait l'encens, que l'on préparait les lampes du 
sanctuaire, Exod., xxx, 7, que l'on mettait du bois sur 
l'autel des holocaustes, Lev., vi, 5, etc. Le matin était 
considéré comme le temps propice pour la prière. Ps. v, 
4, 5; lxxxviii (lxxxvii), 14; cxlih (cxui), 8; exix 
(cxvin), 148 ; Is., xxvi, 9; Eccli., xxxix, 6; Sap., xvr, 
28, etc. Chaque matin,- les Juifs récitaient le schéma, 
prière composée de trois passages de la Bible : Deut:, vi, 
4-9; xi, 13-21; Num., xv, 3741. Cette prière devait se 



dire dès le lever du jour, dès qu'on pouvait distinguer 
entre le bleu et le blanc. Berachoth, I, 1, 2. — 3° On 
n'avait pas coutume de manger ni de boire dès le ma- 
tin, ou du moins on ne le faisait que très légèrement. 
La matinée appartenait au travail et à l'accomplissement 
des différents devoirs d'état. C'était, pour le prince, 
l'heure de rendre la justice. Jer., xxi, 12. Aussi des 
princes mangeant le matin, et consacrant ainsi à de 
grossières jouissances les moments les plus précieux" 
de la journée, faisaient le malheur de leur pays. Eccle., x, 
16. Boire et s'enivrer le matin était une marque de 
décadence morale. Is., v, 11. Les Juifs ne prenaient rien 
avant l'heure de la prière publique, qui était la troi- 
sième heure ou neuf heures du matin. Berachoth, 
f. 28, 2. C'est pourquoi quand, à la Pentecôte, on accuse 
les disciples d'être ivres, saint Pierre se contente, pour 
les défendre, de dire qu'on n'est encore qu'à la troi- 
sième heure. Act., n, 15. — 4" Ce fut le matin, dès la 
pointe du jour, que Notre-Seigneur fut jugé officielle- 
ment et condamné par le sanhédrin, Matth., xxvn, 1; 
Marc, xv, 1, et que, deux jours après, il ressuscita. 
Marc, xvi, 2, 9; Luc, xxiv,l; Joa., xx, 1. — 5° L'étoile 
du matin est la planète Vénus, la plus brillante de toutes 
et qui est surtout remarquable lorsqu'elle précède le 
lever du soleil. Eccli., l, 6; Apoc, n, 28; xxn, 16. La 
nuée du matin est, en Orient, une nuée qui disparaît 
vite à la chaleur des rayons solaires. Ose., vi, 4; xm, 3; 
Am., iv, 13. Sur la pluie du matin, Joël., n, 23, qui est 
dans l'hébreu la pluie « de la première saison », voir 
Pluie. — 6° L'expression « du matin au soir » marque 
tantôt la continuité d'une action qui se prolonge toute 
une journée, Exod., xvnr, 13, 14; Ps. cxxx (cxxix), 6; 

I Mach., ix, 13; x, 80; Act., xxvm, 23, etc., tantôt, au 
contraire, la rapidité de ce qui ne dure qu'un jour. 
Job, iv, 20; Is., xxxviii, 12; Eccli., xvm, 26, etc. Le 
mot hiSkîrn, « se lever matin, » très souvent employé 
dans l'Ancien Testament, marque, suivant les cas, 
l'empressement avec lequel on fait une chose, dès le 
point du jour, la considérant comme la première à mé- 
riter l'attention, Gen., xix, 27; xxi, 14; Exod., vm, 20; 
Num., xiv, 40; Deut., xvi, 7; Jos., vu, 16; II Reg., xv, 
2; Job, xxiv, 14; Prov., i, 28; vm, 17; Jer., vu, 25, etc., 
ou la diligence particulière qu'on apporte à exécuter un 
acte important. HPar.,xxxvi, 15; Jer., vu, 13; Soph., m, 
7, etc. Pendant les jours qui précédèrent sa mort, le . 
Sauveur enseignait dans le Temple, et le peuple s'em- 
pressait dès le matin, wpôptÇev, manicabat, pour venir 
l'écouter. Luc, xxi, 38. Le verbe ôp8pîÇe[v correspond à 
l'hébreu hïSkîm, se lever matin, s'empresser. Quant au 
verbe manicare, qui vient de mane, « matin, » il n'existe 
pas dans le latin classique et étonnait saint Augustin, 
qui le trouvait dans une ancienne traduction de Jud., IX, 
32, et lui préférait maturare. Quœst. in Heptat., vu, 
46, t. xxxiv, col. 808. Il se lit dans saint Pierre Chry- 
sologue, Serm., 82, t. lu, col. 431, et ensuite assez 
souvent dans le latin du moyen âge. H. Les être. 

MATRED (hébreu : Matrêd, « poussant en avant[?] , » 
Septante : Matpa'ft), MaTpâS), fille de Mézaab et mère de 
Méétabel, laquelle devint la femme d'Adar ou Adad, roi 
d'Édom. Gen., xxxvi, 39; I Par., i, 50. Voir Adad 2, 1. 1, 
col. 165. 

MATSOR (hébreu : Mâfôr), nom de l'Egypte, d'après 
un grand nombre de commentateurs modernes, dans 
IV Reg., Xix, 24; Is., xix, 6; xxxvii, 25; Mich., vu, 12. 
Les anciennes versions ont pris à tort ilâçôr pour un 
nom commun dans ces passages et lui ont donné le 
sens de « forteresse, fortification » (Septante itepioxti; 
Vulgate : [civitas] munita), signification qu'a, en effet, 
ce mot, Ps. xxxi (xxx), 22 {in civitate munita); lx (lix), 

II ; Hab.,-11, 1; H Par., vm, 5, ou bien elles l'ont tra- 
duit d'une façon plus ou moins analogue. Ainsi la Vul- 



MATSOR — MATTHANA 



870 



gâte, au lieu de i canaux d'Egypte s, traduit agute clausse, 
IV Reg., xjx, 24, c'est-à-dire « eaux gardées, défendues » ; 
rivi aggerum, Is., xix, 6; xxxvil, 25, pour « ruisseaux 
d'Egypte garnis de remblais, de retranchements »"; civi- 
tates munîtes, Mich., vu, 12, « villes fortifiées » pour 
« villes d'Egypte ». On peut admettre d'ailleurs que le 
nom propre de Màsôr vient de ce que la route d'Asie 
en Egypte était défendue par des forteresses (égyptien : 
mtr, msr). Cf. Diodore de Sicile, i, 31: 'H Aî-pjitroc 
TOtvTer^ôdev <pv<rixûc îu^iipMTai. Les anciens Égyptiens 
n'ont jamais désigné leur pays par ce nom, mais les 
Assyriens l'appelaient aussi Musur, Musru, Misr (Misri, 
généralement dans les lettres de Tell el-Amarna). Les 
consonnes du nom de Mâsôr sont les mêmes que celles 
de Misravm, ce qui a fait penser à quelques-uns que 
Màsôr est la forme simple de Misraïm, mais ce point 
est douteux. 

MATTHÂI (Christian Friedrich von), philologue 
allemand, né à Grôst (Thuringe) le 4 mars 1744, mort à 
Moscou le 14 (26) septembre 1811. Après avoir reçu sa 
première éducation à l'école de Sainte-Croix (Kreuz- 
schule) à Dresde, il étudia depuis 1763 à l'université de 
Leipzig et devint en 1772, à Moscou, professeur extraor- 
dinaire de littérature ancienne. Dans un voyage en 
Saxe, une maladie mit obstacle à son retour en Russie. 
En 1785 on lui conféra, dans sa patrie, la place de rec- 
teur à la Landesschule de Misnie et en 1789, le titre de 
professeur de langue grecque à l'université de Witten- 
berg. Nommé en 1805 conseiller aulique de Russie, il 
retourna à Moscou, où il reprit ses fonctions de profes- 
seur de littérature classique. — Au xviii» siècle les 
trésors littéraires des bibliothèques de Russie étaient 
encore peu connus et peu exploités: Matthâi en tira 
grand profit pour ses nombreuses publications, dont il 
enrichit tant la littérature grecque profane que la litté- 
rature sacrée du Nouveau Testament. Ses œuvres prin- 
cipales relatives à la science biblique sont : 1° BîxTopoç 
7rpE<rëuTÉpoij 'AvTtox«'«« x«l ètXXwv tivûv if fuv 7taTép<t>v 
c^riYTjcrie et; to xaxà Mripxov âftov EÙafYÉXtov; ex codi- 
cibus Mosquensibus in-8», edidit, Moscou, 1775. — 
2» Sanctorum Apostolorum septem Epistolse catholicœ; 
ad codiçes manuscript. Mosquenses primum a se exa- 
minâtes recensuit et inedita scholia grmea adjecit, 
versionem latinam vulgatam codici diligentissime 
scripto conformavit, in-8°, Riga, 1782. — 3° Actus Apo- 
stolorum, grsece et latine ; textum ad codices manuscript. 
Mosquenses... recensuit, etc. (comme le précédent), 
in-8», Riga, 1782. — 4° D. Pauli Epistolee ad Romanos, 
ad Titum et ad Philemonem, grsece et latine; varias 
lecliones ex codicibus manuscript. Mosquens. numquam 
antea examinatis, scholia grseca, maximam partem 
inedila, et animadversiones criticas adjecit, in-8», Riga, 
1782. — 5» D. Pauli Epistolse ad Hebrssos et ad Colos- 
senses, grmee et latine; varias lecliones, etc. (comme le 
précédent), in-8», Riga, 1784. — 6° D. Pauli Episto- 
lse I" et II* ad Corinthios, grsece et latine; varias le- 
ctiones, etc., in-8», Riga, 1787. — 7° D. Pauli Epistolœ 
ad Galatas, adEphesios et ad Philippenses, grsece et la- 
tine; varias lectiones, etc., in-8°,'Riga,1789. — SfD. Pauli 
Epistolse ad Thessalonicenses et ad Timotheum, grsece 
et latine; varias lectiones, etc., et animadvefàiones 
criticas adjecit, ac denuo recensuit ; cum notitia codi- 
cum reliquorum omnium, codicum speciminibus et 
appendice, in-8», Riga, 1785.— 9° Johannis Apocalypsis, 
grsece et latine; ex codicibus numquam antea exami- 
natis edidit et animadversiones criticas adjecit, in-8», 
Riga, 1786. — 10° Evangelium secundum Joannem, 
grsece et latine; ex codicibus, etc. (comme le précédent), 
in-8», Riga, 1786. — 11° Evangelium secundum Lucam, 
grsece et latine, etc., in-8», Riga, 1786. — 12" Evange- 
lium secundum Marcum, grsece et latine, etc., in-8", 
.Riga, 1787. — 13° Evangelium secundum Matthseum, 



grsece et latine, etc., cumaliquot codicum speciminibus 
et indice codicum omnium, qui in quattuor Evangeliis 
primo sunt adhibiti, in-8», Riga, 1788. — 14» Tredecim 
Epistolarum Pauli codex grsecus cum versione latina 
vetere vulgo antehieronymiana, olim Bœmerianus, 
nûne bibliolhecx electoralis Dresdensis, summa fide 
et diligentia transcriptus et editus; cum tabulis sere 
expressis ; accessit ex eodem codice fragmentum Marci 
M, in-4°, Misnie, 1791. — 15° Euthymii Zigabeni 
Commentarius in quattuor Evangelia, grsece et latine. 
— Textum grsecum numquam editum ad fidem duo- 
rum codic. membranaceorum bibliothecarum SS. Sy- 
nodi Mosquensis auctoris œtate scriptorum diligenter 
recensuit et repetita versione latina Joannis Hentenii 
suisque adjectis animadversionibus edidit, 3 in-8», 
Leipzig, 1792. — 16» Animadversiones ad Origenis 
Hexapla, ex, codice B SS. Synodi Mosquensis 
Num. xxxi in-folio excerptse. Dans le Repertorium fur 
biblische und morgenlàndische Litteratur, IV. Theil, 
Leipzig, 1779. — 17» Varise lectiones ad LXX, lectiones 
Aquilse, Symmachi, Theodotionis et editionis quintse 
et sextx ad Canticum canticorum, dans le même ou- 
vrage, XVI. Theil, Leipzig, 1785. — 18° Ueber die soge- 
nannten Recensionen, welche Bengel, Semler und 
Griesbach in dem griechischen Text des Neuen Testa- 
mentes wollen entdeckt haben, in-8°, Ronneberg et 
Zwickau, 1804. Matthâi considérait les manuscrits qu'il 
éditait comme le texte primitif du Nouveau Testament. 
Il y avait, en effet, une concordance presque complète 
dans ces documents. Quant aux différences peu consi- 
dérables, Matthâi les attribuait aux essais de correction 
d'Origène, de saint Jean Chrysostome et d'autres Pères 
et commentateurs. C'était une erreur; car les documents 
dont il se servait, d'ailleurs très importants, provenaient 
pour la plupart du mont Athos et ne contenaient que le 
texte byzantin. L'erreur fut relevée par Griesbach, Eich- 
horn, Semler et autres. Les éditions de Matthâi n'en 
conservent pas moins une valeur durable à cause des 
matériaux qu il y a réunis. — Voir Meusel, Dos gelehrte 
Teutschland, Lemgo, 1797, t. v, p. 68-72; Allgemeine 
deutsche Biographie, t. xx, p. 606; O. von Gebhardt, dans 
Herzog, Realencyclopâdie, 3 e édit., t. n, p. 757; A. Ju- 
licher, Einleitung in das Neue Test., I e et 2» édit., 
Leipzig, 1894, p. 397; F. S. Freukle, Einleitung in das 
Neue Test., Fribourg, 1897, p. 456; Hermann Freiherr 
von Soden ; Die Schriften des Neuen Test., t. i, part, i, 
Berlin, 1902, p, 5. E. Michels. 

MATTHANA (hébreu : Matfânâh, « don; » Sep- 
tante : MavOavoiEfv), cinquante-troisième station des 
Israélites se rendant d'Egypte en Palestine. Elle est men- 
tionnée seulement dans les Nombres, xxi, 18-19, entre 
Béer (le Puits) et Nahaliel. Voir Béer 2, t. i, col. 1548. 
Eusèbe et saint Jérôme, Onomast., édit. Larsow et Par- 
they, 1862, p. 274, 275, disent que Matthana s'appelait de 
leur temps Maschana et était situé sur l'Arnon, à douze 
milles (dix-huit kilomètres) à l'est de Médaba. Que Mat- 
thanah ait été à l'est de Médaba et à douze milles de 
cette ville, c'est assez difficile à admettre, parce qu'il 
en résulterait que les Israélites, pour se rendre dans 
la Terre Promise, auraient fait à l'est un long détour qu'on 
aurait de la peine à expliquer. Aussi Hengstenberg, Die 
Geschichte Bileani's, in-8», Berlin, 1842, p. 240, note, 
croit-il qu'il faut lire « au sud ». Voir aussi Keil, Pen- 
tateuch, t. m, 1867, p. 147. Quoi qu'il en soit, le site 
précis de Matthanah est inconnu. Tout ce que l'on peut 
dire, c'est que cette localité était sur la route de l'Arnon 
aux plateaux de Moab, au nord de l'Arnon et à l'orient 
de la mer Morte. Le campement de Matthana n'est pas 
mentionné dans le catalogue de Num., xxxni, 45. Des 
critiques modernes pensent qu'il ne doit pas y figurer, 
en effet, parce que Matfânâh est un nom commun, qui 
a été pris à tort pour un nom propre, et que les mots ; 



871 



MATTHANA — MATTHIEU (SAINT) 



872 



ilim-midbdr Maftdndh, doivent être considérés comme 
formant la finale du chant du Puits (voir ce chant, Béeh 2, 
t. i, col. 1548), et signifient : « (Puits,) don du désert. » 
Voir G. B. Gray, A critical and exegetical commentant 
on the Numbers, in-12, Edimbourg, 1903, p. 290. Cette 
interprétation est en contradiction avec les versions an- 
ciennes. Le Targum d'Onkélos et la version arabe font 
seuls exception. Wallon, Polyglott., t. r, p. 638-639; 
t. iv, p. 280-281. 

MATTHI^ Christian, théologien danois protestant, 
né vers 1584 à Meldorp dads le Holstein, mort à Utrecht 
le 20 ou 21 janvier 1655. Après [avoir exercé diverses 
fonctions, il fut nommé professeur de théologie à Altdorf 
d'où il revint en 1622 à Meldorp comme surintendant 
des églises de la province. 11 obtint, en outre, une chaire 
à l'université de Sora. En 1639, il vint en Hollande et 
habita successivement les villes de Leyde, La Haye et 
Utrecht. On remarque parmi ses ouvrages : Hethodica 
Sacrée Scripturse loca vindicandi ratio, in triade loco- 
runi, videlicet Zach., xu, iO de Messise divinitate et 
officio; Johan., xx, 28 de Thomse apostoli fide et con- 
fessione; I Johan., n, i, 2, de Christo advocato et pro- 
pitiatore noslro, in-4°, Nuremberg, 1618; Historia pa- 
triarcharum in qua illorum ortus, progressas atque 
egressus methodo nova et artifwiosa describuntur, in-4 , 
Lubeck, 1642; Analyste logica in Matthseum evange- 
listani, in-4°, Amsterdam, 1652; CommentariusinPsal- 
mos pxnitentiales, in-4°, Hambourg, 1692; Antilogiee 
Biblicœ sive conciliationes dictorum sacrorum Biblio- 
rum, in-4», Hambourg, 170Ô. — Voir Paquot, Mémoires 
pour servir à l'hist. littéraire des Pays-Bas, t. xr, p. 28; 
Walch, Biblioth. theologica, t. m, p. 88; t. iv, p. 635, 
837. B. Heurtebize. 

MATTHIAS, nom d'un ambassadeur syrien et d'un 
apôtre. 

1 . MATTHIAS, ambassadeur de Nicanor. H Mach., xiv, 
19. Son nom est écrit en grec Mathathias. Voir Matha- 
thias 8, col. 866. 

2. MATTHIAS (grec : Ma69£a?), apôtre qui fut substitué 
à Judas Iscariote. — Le nom de Matthias paraît con- 
tracté du nom hébreu Mattanyâh, qui signifie « don de 
Jéhovah », et qui revient plusieurs fois dans l'Ancien 
Testament. IV Beg., xxiv, 17; I Par., ix,15; II Par.,xx, 
14; I Esd., x, 26, 27, 30, 37; II Esd., xi, 17, 22; xn, 
8, 25, 35; xm, 13. Matthias était un des soixante-douze 
disciples. Eusèbe, H. E., i, 12, t. xx, col. 117. Quand 
saint Pierre proposa de remplacer Judas, après l'ascen- 
sion de Notre-Seigneur, il demanda que l'élu fût un de 
ces hommes qui n'avaient cessé d'accompagner les Apô- 
tres durant la vie publique du Seigneur Jésus, depuis 
le baptême de Jean-Baptiste jusqu'à l'ascension, et qui 
pût être avec eux le témoin de sa résurrection. Il fallait, 
en effet, qu'il fût capable de remplir parfaitement la 
mission dont l'infidèle s'était rendu indigne. Deux dis- 
ciples furent mis en avant comme répondant exactement 
aux conditions exigées, Joseph Barsabas, surnommé le 
Juste, et Matthias. Rien ne permet de porter un juge- 
ment sur la valeur relative des deux personnages, mal- 
gré le surnom de Juste attribué au premier, et la se- 
conde place assignée à Matthias dans le récit. Les Apôtres 
auraient pu choisir eux-mêmes entre les deux candidats. 
Ils préférèrent s'adresser directement à Dieu, afin qu'il 
désignât lui-même son élu au moyen du sort. De cette 
manière, l'appel du remplaçant de Judas serait aussi 
directement divin que celui des onze autres membres du 
collège apostolique. Le sort désigna Matthias, qui aussi- 
tôt fut mis au nombre des Apôtres. Act., i, 21-26. — 
On n'a que de vagues renseignements sur le ministère 
ultérieur- de saint Matthias. Héracléon, au rapport de 



Clément d'Alexandrie, Strom., nr, 9, t. Tin, col. 1281, 
prétend qu'il mourut de mort naturelle, ainsi que saint 
Philippe, saint Matthieu et saint Thomas. Nicéphore, 
H. E., h, 40, t. cxlv, col. 862, paraît plus digne de foi, 
quand il dit que saint Matthias prêcha l'Évangile en 
Ethiopie et y subit le martyre. D'après une autre tradi- 
tion, il aurait prêché la foi en Judée et y aurait été la- 
pidé par les Juifs. Acta sanctorum, 21 februarii t. m, 
1668, p. 444445. H. Lesêtre. 

3. MATTHIAS (ÉVANGILE APOCRYPHE DE). Voir 

Évangiles apocryphes, ii, 4°, t. u, col. 2117. 

MATTHIEU (SAINT), apôtre et évangéliste^fig. 232). 
I. Nom. — 1» Orthographe. — Le nom de saint Matthieu- 
est écrit en grec de deux façons. Dans les plus anciens 
manuscrits onciaux n, B, D, on lit Ma96aîoç, et cette 
forme a été adoptée par Lachmann, Tischendorf, Tré- 
gelles, Westcott et Hort, etc. Dans les onciaux plus ré- 




232. — Saint Matthieu. 
D'après Cahier, Caractéristiques des saints, t. i, p. 395. 

cents C, E, K, L, etc., et dans les cursifs, on trouveMat8aïoç r 
lecture qui a été conservée par Griesbach et en général 
dans les éditions du texte reçu. Cette diversité d'ortho- 
graphe suppose une origine différente du nom. Schinie- 
del, Grammatik des neutestamentlichen Sprachidioms, 
8 S édit., Gœttingue, 1894, et Blass, Grammatik des neu- 
testamentlichen Griechisch, Gœttingue, 1896, § 3, n. 1, 
préfèrent la forme MatGaïo;. Suivant ce dernier, la leçon 
MaBBaïoç serait le résultat de l'assimilation du t de 
MatOaîo; avec le 0, par le même principe que Bà-nyot 
est devenu Bixx ^ '-A-tOsî 'A69iç, Earcipw Ea<p<p(i. Curtius, 
Grundzûge der griechischen Etymologie, p. 418, croit 
que Ma88aîo; était l'orthographe primitive, mais que, 
conformément à la règle générale de l'adoucissement 
dans la prononciation grecque, les deux aspirées 06 étant 
trop dures, on a changé la première en une sourde t. 
S'il en est ainsi, la forme MatOato; serait conforme à 
la prononciation et la forme primitive Ma66ato; conforme 
à l'étymologie. La leçon Ma69aîoç est la transcription 
grecque d'une forme héoraïque ou arainéenne. Gelle-ci 

serait »BD, >no, n«ED ou ixnn. Ces formes diverses auraient 
-- .- T .- -T- 

été transcrites en grec avec la finale «to;, conformément 



873 



MATTHIEU (SAINT) 



874 



à de nombreux exemples analogues qu'on trouve dans 
l'Ancien Testament. >fid a en sa faveur les noms hébreux 

en >- transcrits en ato; comme MapSo^aïo;, Eaëëaftaaç, 
Bnjêa:oç, etc. »nn ressemblerait aux noms de peuples 
terminés en > et devenus, par exemple, 'IouSaîo;, Xava- 
•vaïo;, etc. n'ïin semble moins probable, car les noms 
en n» ont ordinairement une transcription grecque en 
«a, ta;; ainsi rwnn est devenu Ma-rOavîaç. La forme ara- 

T: — 

xnéenne >>«n, qu'on trouve dans le Talmud, traité Sanhé- 
drin, 43, Laible-Dalmann, Jésus Christus im Talmud, 
p. 15*, serait analogue à indt, Zotx>;aîoç. Cf. Dalmann, 

Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, t. i, p. 40-41. 

2° Étymologie. — Quelle qu'ait été la lecture du nom 
•de Matthieu, on en a proposé diverses étymologies. Ge- 
senius, Thésaurus, Leipzig, 1839, t. Il, p. 929, et Fûrst, 
Hebr.-chald. Handwôrterbuch, 3 e édit., Leipzig, 1876, 
t. i, p. 806, pensent que »fio, qui est une abréviation 

de >nBD, a le même sens que n'nmiD, MccTToeNaç, con- 
tracté parfois en Ma-rôia;, et signifie « don de Jéhovah ». On 
aboutit à la même signification en rapprochant >fid de 
»3no et de h>jbd. Les critiques, qui comparent tnn aux 
autres noms propres de même terminaison et de signi- 
fication passive, le traduisent par « donné, gratifié ». Cf. 
S. Jérôme, Liber de nominibus hebraicis, t. xxm, 
col. 842. Ewald, Hitzig, Noldeke, etc., font dériver >rra de 
>pqn et traduisent « le fidèle ». Ils supposent que le N 
initial est tombé sous l'influence de la langue araméenne. 
Enfin Grimm, dans les Theolog. Studien und Kriliken, 
1870, p. 723-729; Lexicon grwco-latinum in libros N. 
T., 1879, a fait venir ce nom de d>îid, pluriel du singu- 
lier inusité nn, de telle sorte qu'il signifierait a. le vi- 
ril ». >no seraitalorsunadjectifsemblableà >jn, 'Ayyocïoç, 
venant de in, « fête. » Voir t. i, col. 266. 

II. Son identité avec Lévi. — La première fois que 
saint Matthieu est nommé dans l'Évangile, Matth., ix, 9, 
c'est au sujet de sa vocation. Or dans les passages paral- 
lèles de saint Marc, n, 14, et de saint Luc, v, 27, il est 
appelé Lévi. Cette différence de nom a donné occasion 
au problème, depuis longtemps discuté, de la distinction 
des personnages nommés Matthieu et Lévi ou de leur 
identité. Au rapport de Clément d'Alexandrie, Strom., 
iv, 9, t. vin, col. 1281, le valentinien Héracléon distin- 
guait Matthieu de Lévi et les citait tous deux au nombre 
de ceux qui n'avaient pas confessé Jésus-Christ devant 
les tribunaux. Clément, en reproduisant les paroles 
d'Héracléon, approuve seulement la distinction faite par 
cet hérétique entre ceux qui ont confessé la foi par la 
pratique de toute leur vie et ceux qui l'ont confessée 
devant les juges. Il ne porte pas de jugement sur les 
■exemples donnés par Héracléon. D'ailleurs, dans une 
note sur les Constitutions apostoliques, 1. VIII, c. xxn, 
t. I, col. 1118, Cotelier pense qu'Héracléon a écrit Aeuiç 
pour Aeët ou AeSëatoç. Origène, Cont. Celsum, i, 62, 
t xi, col. 773, distingue le publicain Matthieu d'un autre 
publicain nommé Asërj?, qui a suivi Jésus, mais n'a pas 
été apôtre, sinon suivant certains exemplairesdeJ'Évan- 
gile de Marc. Par ces derniers mots, Origène faisait 
allusion sans doute aux manuscrits du second Évangile 
qui, comme le Codex Bezm, D, les manuscrits a, b, c, d, 
e, ff,i> q, r de l'ancienne Vulgate avaient, m, 18, Lebbée, 
au lieu de Thaddée. Wordsworth et White, Novum Te- 
stamentum D. N. J. C, Oxford, 1891, 1. 1, fasc. 2, p. 201. 
Origène confondait donc Lévi avec Lebbée. Presque 
tous les mêmes manuscrits avec les cursifs grecs, 13, 
69, 124, et le manuscrit G de la Vulgate (Sangerma- 
■nensis) du IX e siècle, avaient, Marc, n, 14, au lieu de 
Lévi, fils d'Alphée, Jacques, fils d'Alphée. Wordsworth 



et White, op. cit., p. 201. Saint Chrysostome, In Matth., 
hom. xxxii, n. 3, t. lvii, col. 381, croyait que Jacques, 
fils d'Alphée, comme Matthieu, avait été, lui aussi, pu- 
blicain. Cette opinion aurait été aussi adoptée par Pho- 
tius, dans Possin, Catena Patrum grsecorum, Marc, n, 
14, et exprimée dans une des deux listes d'apôtres 
publiées par Cotelier, Constit. apost., II, lxiii, t. I, 
col. 755. Certains manuscrits grecs de Théodoret, In 
Num., q. xvi, t. lxxx, col. 368, présentent la leçon 
©aSêaîoç 6 xai Aeêt, tandis que d'autres disent ©otSSatoç 
o xa\ Asééaîo;. Cf. Acta sanctorum, septembris t. VI, 
p. 200. On ne peut pas citer comme représentant la 
pensée d'Origène, la préface de son commentaire sur 
l'ÉpItre aux Romains, t. xiv, col. 836, car elle est de Rufim 
qui a traduit en latin ce commentaire. Quoi qu'il en soit 
de la confusion de Lévi avec Lebbée et conséquemment 
de sa distinction d'avec Matthieu par Origène, il semble' 
difficile de ne pas admettre l'identité de Lévi et de Mat- 
thieu. En effet, les trois récits évangéliques de la voca- 
tion du publicain se ressemblent pour le fond et pour 
le style et ne diffèrent qu'au sujet du nom, Matthieu ou* 
Lévi. En outre, ils sont placés dans le même ensemble 
de l'histoire de Jésus. Ils sont précédés tous trois du 
même miracle, la guérison du paralytique de Capharnaùm 
et suivis du repas offert par le publicain à Jésus et à' 
ses disciples avec les mêmes circonstances du blâme des 
pharisiens et de la réponse du Maître. Ils rapportent 
donc évidemment le même fait. Les différents noms du 
héros ne s'opposent pas à l'identité de la personne, car 
plusieurs autres personnages évangéliques ont porté 
deux noms, non seulement un nom hébreu et un nom 
grec ou latin, mais même deux noms hébreux, par 
exemple Joseph et Barsabas, voir t. i, col. 1470, Joseph 
et Barnabas, ibid., col. 1461, et même trois, comme 
Jude, Lebbée et Thaddée, voir col.143 et t. m, col. 1802. 
L'analogie avec Simon, surnommé Céphas, Joseph, sur- 
nommé Barnabas, permet de conclure que Lévi était le 
nom juif du publicain, et Matthieu le surnom qu'il reçut 
comme chrétien. L'auteur du premier Évangile le laisse 
entendre, en disant Ma66«îov \ztàv.z\o-i, IX, 9. Cette 
façon de parler signifie : « l'homme connu sous le nom 
de... » Cf. Matth., i, 16; x, 2; xxvii, 17, 22; Eph., H, 11. 
Elle indique ici que le publicain était connu dans 
l'Église sous le nom de Matthieu au moment où écrivait 
l'auteur qui l'employait. Donc plus probablement il se 
nommait Lévi à l'époque de sa vocation, Marc, n, 14; 
Luc, v, 27, 29; plus tard, il fut appelé Matthieu et ce 
dernier nom fut transporté par le premier évangéliste 
dans le récit de sa vocation. Eusèbe, Demonst. evang., 
ni, 5, t. xxil, col. 216; saint Jérôme, In Matth., ix, 9, 
t. xxvi, col. 55, 56; saint Chrysostome, In Matth., 
hom. xxx, n. 1, t. lvii, col. 361-362, y ont reconnu un 
acte d'humilité de la part du premier évangéliste. Tandis 
que par respect pour sa personne saint Marc et saint 
Luc citent son ancien nom de Lévi, lui-même ne craint 
pas d'avouer sa première profession et de se nommer, 
Matthieu le publicain. 

Resch, Aussercanonische Paralleltext zu den Evan- 
gelien, dans Texte und Unters., Leipzig, 1896, t. x, 
fasc. 4, p. 69, a cherché à identifier saint Matthieu avec 
Nathanael. Celui-ci, en effet, semble avoir été appelé 
par Jésus à l'apostolat, Joa., i, 45-51. Or, son nom ne 
se trouve expressément dans aucune des listes aposto- 
liques. Cependant, si Nathanael a été apôtre, son nom> 
doit être l'un des douze, et précisément Nathanael, 
m Dieu a donné, » a le même sens étymologique que 
Matthieu, « don de Jéhovah. » Nathanael est donc la? 
même personne que Matthieu. Cette identification est 
inadmissible, car la vocation de Nathanael n'a rien de 
commun avec celle de Matthieu. Aussi Nathanael étant 
un apôtre, vaut-il mieux l'identifier, comme on le fait 
plus généralement, avec saint Barthélémy. Voir t. i,. 
col. 1470-1472. 



875 MATTHIEU (SAINT) — MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



876 



III. Matthieu dans les Évangiles. — 1° Lévi, Juif 
d'origine comme son nom l'indique, était fils d'Alphée. 
Marc., il, 14. L'Évangile de Pierre, xiv, 60, dit aussi que 
Lévi était fils d'Alphée : Aeueiç i toO 'AXçatfov. E. Preus- 
chen, Antilegomena, Giessen, 1901, p. 18. Celte filiation 
a été l'occasion de la confusion, signalée plus haut, de 
Lévi avec Jacques, fils d'Alphée. Mais les deux apôtres 
ne sont pas parents, et il n'y a pas identité, mais simple 
homonymie pour leurs pères. Voir t. i, col. 418. Du 
reste, si Matthieu et Jacques avaient été frères, ils 
auraient, vraisemblablement, été réunis dans les listes 
des apôtres comme cela a lieu pour les deux couples de 
frères, Simon et André, Jacques et Jean, fils de Zébédée. 
Voir t. I, col. 783. Tatien, au témoignage d'Ischodad, 
auteur syrien du IX e siècle, aurait rapproché Matthieu 
le publicain de Jacques Lebbée, fils d'Alphée. Cf. Gous- 
sen, Studia biblica, t. I, p. 66. Lévi était teXûvïjç, 
« publicain, » Luc, v, 27, non pas sans doute un 
employé romain, ni même un fermier des impôts, >N3i, 

mais un simple péager, D3ia, au service d'Hérode^ ou 

du fermier des impôts de la ville ou de la contrée. Lévy, 
Neuhebr. Wôrterbuch, Leipzig, 1883, t. m, p. 114. Voir 
Publicain. Il était assis à son bureau de douanier à 
Capharnaûm même, qui était peut-être aussi le lieu de 
sa naissance, lorsque Jésus, passant par là, le vit et 
l'appela à le suivre. Cette vocation n'était pas encore la 
vocation à l'apostolat, mais le simple appel à la suite de 
Jésus comme compagnon habituel et disciple perma- 
nent. Lévi, dont le caractère paraît en cette occurrence 
ferme et décidé, se levant et abandonnant tout, ajoute 
saint Luc, v, 28, suivit Jésus. Matth., rx, 9; Marc, n, 
14; Luc, v, 27,28. 

2° Immédiatement après son appel, Matthieu offre à 
Jésus, chez lui, un repas auquel il invite les péagers 
de Capharnaûm, et les pharisiens s'indignent de voir 
Jésus manger avec les publicains. Matth., ix, 10, 11; 
Marc, n, 15, 16; Luc, v, 29, 30. Ce dernier évangéliste 
dit expressément que Lévi fit un grand repas dans sa 
propre demeure. Le récit de Marc a aussi nécessaire- 
ment ce sens, car en disant que les publicains man- 
geaient avec Jésus, le narrateur laisse bien entendre 
que le pronom etÙToO se rapporte à Matthieu et non à 
Jésus. Il n'y a pas de raison de mettre le premier Évan- 
gile en contradiction avec les deux autres, et de prétendre 
que Jésus lui-même faisait un banquet dans sa propre 
demeure. Matthieu jouissait donc d'une certaine aisance, 
puisqu'il célébrait par une fête son adieu à son emploi 
et son entrée dans la suite de Jésus. Matthieu n'est plus 
nommé dans l'Évangile que dans les listes des douze 
Apôtres. Or, tandis que lui-même, par modestie sans 
doute, ne se donne que le huitième rang, Matth., x, 3, 
avec la qualification de publicain, saint Marc, m, 18, et 
saint Luc, vi, 15, le placent au septième sans épithète. 
Voir t. i, col. 783, 784. Disciple et apôtre, il accompagna 
Jésus au cours de sa vie publique et de sa passion et 
fut ainsi le témoin oculaire et auriculaire des faits et 
des discours de son Maitré, qu'il devait plus tard consi- 
gner par écrit. Voir t. i, col. 784, 785. Il vit le Seigneur 
ressuscité apparaître aux onze réunis, et il assista à son 
ascension. 

IV. Matthieu après la mort de Jésus. — 1° Matthieu 
n'est pas même nommé dans les autres écrits du Nou- 
veau Testament, sinon au livre des Actes, i, 13, dans la 
liste des apôtres, où il figure au huitième rang. Il prit 
donc part à l'élection de Matthias comme il avait reçu 
le Saint-Esprit à la Pentecôte, et il demeura avec les 
autres apôtres à Jérusalem jusqu'au moment de leur 
dispersion pour aller prêcher partout l'Évangile. Belser, 
Einlèitung in dos N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1901, 
p. 25, 34, fixe cette dispersion à l'an 42. Cf. Harnack, 
Die Chronologie, Leipzig, 1897, 1. 1, p. 243 sq. Clément 
d'Alexandrie, Psédag., u, 1, t. toi, col. 405, nous apprend 



que saint Matthieu menait une vie austère, s'abstenait de 
viandes et ne mangeait que des fruits, des baies et des 
légumes. Mais Zahn pense que, pour ce détail, Clément 
a confondu Matthieu avec Matthias (confusion qui s'est 
produite souvent, et sans dessein préconçu, dans l'anti- 
quité) et qu'il l'a emprunté à l'Évangile ou aux Traditions 
de Matthias, qu'il cite plusieurs fois, Geschichte des 
Neutestamentlichen Kanons, Erlangen et Leipzig, 1892,. 
t. ii, p. 751-761 ; cf. Preuschen, Antilegomena, p. 12-13. 
Eusèbe, en effet, H. E., m, 29, t. xx, col. 277, nous 
apprend que Matthias enseignait qu'il ne fallait pas 
manger de viande. Clément ajoute au même endroit que 
saint Matthieu a prêché l'Évangile aux Juifs pendant 
quinze ans et qu'ensuite il est allé convertir les païens. 
Saint Irénée, Cont. hxr., 1. III, c i, n. 1, t. vu, col. 844 r 
atteste aussi, au moins indirectement, la prédication de 
saint Matthieu en Palestine; cf. Eusèbe, H. E., v, 8, 
t. xx, col. 449 ; il suppose une prédication orale de saint 
Matthieu aux Hébreux, quand il affirme qu'il leur a 
laissé encore, %oà, par écrit un Évangile dans leur 
langue maternelle. Eusèbe, H. E., m, 24, col. 265, 
affirme expressément cet apostolat chez les Hébreux. 

2" La plus grande incertitude règne au sujet des 
régions que saint Matthieu a évangélisées après son 
départ de la Palestine, et les écrivains ecclésiastiques 
sont là-dessys en complet désaccord. Rufin, H. E., i, 9, 
t. xxi, col. 478 ; saint Eucher, Inst. ad Salon., i, 2, t. L, 
col. 809 ; saint Grégoire le Grand, In I Reg., iv, 13, 
t. lxxix, col. 243; l'historien Socrate, H. E., i, 19, 
t. Lxvn, col. 125, disent qu'il alla en Ethiopie, et c'est 
la tradition adoptée parle bréviaire romain. Saint Paulin 
de Noie, Poema, xix, t. lxi, col. 514, assure qu'il a 
converti les Parthes. Saint Isidore de Séville, De ortu et 
abilu Patrum, 76, t. lxxxiii, col. 153, le fait venir en Macé- 
doine et mourir chez les Parthes. Siméon Métaphraste, 
Vita S. Matth., iv, 5, t. cxv, col. 817, rapporte qu'il a 
évangélisé les Parthes et les Éthiopiens. Nicéphore 
Calliste, H. E., n, 41, t. CXLV, col. 865, dit qu'il a prêché 
l'Évangile auxAnthropophages. Ce dernier renseignement 
ne proviendrait-il pas de la confusion souvent faite entre 
saint Matthieu et saint Matthias et ne serait-il pas tiré 
des Actes grecs de saint André et de saint Matthias dans 
la cité des Anthropophages, qui existent en syriaque sous 
le nom de saint Matthieu et de saint André ? Les mêmes 
incertitudes régnent sur le temps, le lieu et la mort du 
premier évangéliste. Tandis que le gnostique Héracléon, 
dont le témoignage rapporté par Clément d'Alexandrie 
a été cité plus haut, range saint Matthieu au nombre des 
témoins de la foi qui n'ont pas subi le genre de la mort 
violente pour Jésus-Christ, les autres écrivains anciens 
qui parlent de son trépas le font martyr dans les lieux 
divers que, selon eux, il aurait évangélisés. Les détails 
sur son martyre contenus dans ses Actes apocryphes, 
voir t. i, col. 163-164, ne sont pas dignes de foi. L'Eglise 
latine célèbre sa fête le 21 septembre, et l'Église grecque 
le 16 novembre. Ses reliques auraient été découvertes, 
à Salerne, en 1080, par saint Alphane. Voir Acta san- 
ctoi'um, septembris t. vi, p. 211-216. Sur les légendes 
qui le concernent, voir Lipsius, Dia apocryphen Apos~ 
telgeschichten und Apostellegenden, Brunswick, t. il, 
p. 109-141 ; Bonnet, Acta Apostolorum apocvypha, 
Leipzig, 1898, t. n, p. 217-262. On a mis sous le nom 
de saint Matthieu un Liber de ortu beatse Mariœ et 
infantia Salvaloris, dont le texte latin est une adapta- 
tion du grec publiée au v siècle. C. Tischendorf, Evan- 
gelia apoci'ypha, p. 51-112. Généralement on représente 
l'évangéliste saint Matthieu sous le symbole de l'homme 
ailé, et l'iconographie chrétienne lui met la lance à la 
maincommeattribut caractéristique. Cf. A ctasanctorum, 
septembris t. vi, p. 194-227. E. Mangenot. 

2. MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT). — I. AUTHEN- 
TICITÉ. — L'authenticité du premier Évangile n'a été con- 



877 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



878 



' testée, dans l'antiquité, que par Fauste le manichéen 
qui, au témoignage de saint Augustin, Cont. Faustum 
manich., xvn, 1-4, t. xlii, col. 339-342, prétendait que 
saint Matthieu n'était pas l'auteur de cet Évangile, car 
il ne pouvait parler de lui-même à la troisième per- 
sonne. Les anabaptistes soutinrent plus tard que le juif 
Matthieu, qui a écrit en hébreu, n'a pas rédigé le pre- 
mier Évangile qui est écrit en grec. Sixte de Sienne, 
Bibliotheca sacra, 1. VII, haer. n, Naples, 1742, p. 980. 
Beaucoup de critiques modernes depuis Schleiermacher 
n'accordent plus à saint Matthieu que la composition 
d'une collection de discours de Notre- Seigneur qui est 
entrée dans l'Évangile grec dit de saint Matthieu et a 
été utilisée par saint Marc et saint Luc. Voir t. H, 
col. 2096-2097. Ils s'appuient sur une affirmation de Pa- 
pias que nous allons citer et interpréter et sur d'autres 
arguments qui seront discutés dans la suite de cet 
article. La tradition ecclésiastique n'a jamais hésité à 
attribuer à saint Matthieu le premier Évangile canonique 
qui a été primitivement rédigé en araméen et dont nous 
ne possédons plus qu'une traduction grecque. Réservant 
pour plus tard la question de la langue originale de cet 
Évangile, nous prouverons d'abord que le texte grec a 
toujours été regardé dans l'Église comme l'œuvre de 
saint Matthieu. 

1» Existence et connaissance de l'Évangile grec de 
saint Matthieu à la fin du I er siècle et au commence- 
ment du n°. — Les Pères apostoliques les plus anciens 
connaissent cet Évangile. Si la première épttre de saint 
Clément de Rome aux Corinthiens ne contient que de 
simples allusions au texte grec de saint Matthieu, la 
Didaché a des citations textuelles. Voir t. n, col. 2063- 
2064. Ainsi, Didaché, i, 2-6, Matth., xxn, 37-39; vu, 12; 
v, 44, 46, 47; vi, 39, 48, 41, 40, 26; Didaché, n, 2, 3, 
Matth., xix, 18; v, 33; Didaché, m, 7, Matth., v, 5; 
Didaché, v, Matth., xv, 19; Didaché, vi, 1, Matth., xxiv, 
4; Didaché, vu, 1, 3, Matth., xxvtn, 19; Didaché, vm, 
1, 2, Matth., vi, 16, 5, 9-13; Didaché, ix, 5, Matth., vu, 
6; Didaché, x, 5, 6, Matth., xxiv, 31; xxi, 9, 15; Dida- 
ché, xi, 7, Matth., xti, 31; Didaché, xn, 1, Matth., xxi, 
9; Didaché, xiii, 1, Matth., x, 10; Didaché, xv, 3, 4, 
Matth., v, 22-26; xvin, 15-17 (comme citation expresse 
de l'Évangile); Didaché, xvi, 1,4-7, Matth., xxv, 13; 
xxiv, 24, 10; x, 22; xxrv, 13, 30, 31; xxvi, 64. Funk, 
Patres apostolici, 2 e édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 2-36. 
Nous avons déjà signalé, t. n, col. 2084, les emprunts et 
les allusions faits à l'Évangile de saint Matthieu par 
l'épttre de Barnabe et nous avons dit qu'une de ces cita- 
tions est donnée comme scripturaire. Saint Ignace d'An- 
tioche et saint Polycarpe connaissent aussi le premier 
Évangile. Voir t, n, col. 2065. Mais de tous les témoi- 
gnages des Pères apostoliques le plus précieux, parce 
qu'il est précis et affirme le premier que Matthieu est 
l'auteur d'un Évangile, est celui de Papias, évéque 
d'Hiérapolis et disciple de saint Jean. Eusèbe, H. E., 
va, 39, t. xx, col. 300, nous l'a conservé. Il est court et 
clair; mais les critiques l'ont obscurci par les interpré- 
tations les plus diverses. Citons-le d'abord dans sa 
teneur originale : MxiOno; y.ïv ovv âêpatSi SiccXIxtm t» 
Xéytot tfvveypâ^aTo (ou uvveTàÇaTo), T|pu.iriveu(re 8' aùtà w; 
rjv Suvatôs (ou 7]8ûvaro, tjv Suvoctov) jfxaaro;. Papias disait 
donc de saint Matthieu qu'il avait écrit en Tièbreu 
x« "kéyia, que chacun interprétait de son mieux. Quelques 
critiques pensent, les uns sans aucune hésitation, les 
autres avec vraisemblance seulement, que Papias avait 
appris ce renseignement, comme celui qui se rapporte 
à l'Évangile de saint Marc, du prêtre Jean. Ils le con- 
cluent du rapprochement des deux données dans Eusèbe. 
Mais l'historien de l'Église ne le dit pas explicitement 
et cite seulement les paroles de Papias sur Matthieu; 
ce pourrait donc fort bien n'être que le dire de Papias. 
Eusèbe, son traducteur syriaque et tous ceux qui ont 
cité le texte de Papias ont entendu de l'Évangile même 



de saint Matthieu les A<5yta que l'évêqué d'Hiérapolis 
assure avoir été rédigés en hébreu par saint Matthieu. 
Schleiermacher, dans les Theologische Studien und 
Kritiken, 1832, p. 735-768, prétendit le premier que par 
l'expression ; ta Xôyia, Papias ne désignait pas l'Évangile 
de saint Matthieu, mais bien un livre différent, qui était 
écrit en hébreu et qui ne contenait que des discours 
de Notre-Seigneur, Xdytoc xupiaxct. Saint Matthieu aurait 
donc composé seulement une collection ou un recueil 
des discours de Jésus, qui est devenu pour de nombreux 
critiques une des deux sources écrites des synoptiques. 
Voir t. H, col. 2096-2097. Cette conclusion ressortirait 
non seulement du sens précis du mot Xôyta, qui désigne 
spécifiquement des paroles, des sentences, des discours, 
mais encore du contraste établi, dit-on, par Papias entre 
l'œuvre de Matthieu qui ne comprenait en hébreu que 
des discours de Jésus, et l'Évangile de saint Marc qui 
rapportait, lui, toi ïraô toû XpiuroO $ Xe^ôévta tj tpcr/- 
ôivta, les paroles et les actes du Christ. Il n'est pas cer- 
tain que Papias, dont l'ouvrage est perdu, établissait un 
contraste entre le contenu des deux premiers Évangiles, 
et encore moins qu'Eusèbe, en juxtaposant les deux 
renseignements de l'évêqué d'Hiérapolis, ait voulu dé- 
terminer la différence du contenu des écrits de saint 
Matthieu et de saint Marc. D'ailleurs, quels que soient 
les sens divers du mot Xdyiov, Papias désignait par les 
Xoyia xuptaxâ de Matthieu autre chose qu'un recueil de 
discours du Seigneur. Deux observations suffisent à le 
montrer. Papias ne dit-il pas d'abord de l'Évangile de 
Marc, qui rapportait les paroles et les actes du Christ, 
qu'il reproduisait la prédication de Pierre et non 
oTjvtaÇiv twv xupiocxûv X<Sywv? En outre, son propre écrit 
était intitulé : Aoyîtov xupcaxûv cÇKiyTJiTK;. Or nous savons 
par les fragments qui nous en restent que Papias 
n'expliquait pas seulement des paroles et des sentences 
du Seigneur, mais qu'il racontait encore des faits de sa 
vie. L'expression : ri Xôyia pourrait donc fort bien 
signifier autre chose qu'un recueil de discours et repré- 
senter le contenu d'un récit pareil à celui de l'Évangile 
actuel de saint Matthieu. Mais il ne faut pas le serrer 
de trop près et y chercher une indication précise du 
contenu de l'écrit de Matthieu. Papias désigne celui-ci 
d'un terme général, suffisamment clair pour ses lecteurs, 
car son intention, semble-t-il, n'est pas d'indiquer la 
nature précise du contenu. Il veut plutôt signaler que 
l'Évangile de saint Matthieu a été primitivement rédigé 
en hébreu. C'est sur la langue originale de cet écrit 
qu'il met l'accent; la mention formelle des interpréta- 
tions orales et multiples des premiers temps le montre 
bien. Papias parle vraisemblablement, en effet, des tra- 
ductions grecques que chacun faisait comme il pouvait 
dans les assemblées liturgiques sous forme de targum 
oral, tant qu'il n'y eut pas de version de l'Évangile hé- 
breu. Enfin, l'aoriste T|P|JHÎvev<TS semble viser une époque 
passée et permet de conclure que Papias connaissait 
déjà une version grecque écrite de l'Évangile de saint 
Matthieu. Voir t. n, col. 2066. Cf. Funk, Patres aposto- 
lici, Tubingue, 1901, t. i, p. 359-360. Les Pères aposto- 
liques à la fin du I er siècle et au commencement du H" 
connaissaient donc le texte grec du premier Évangile 
canonique, et Papias savait que cet écrit avait été primi- 
tivement rédigé en hébreu par saint Matthieu. 

2" Connaissance et diffusion de l'Évangile grec de 
saint Matthieu au cours du ip siècle. — Cet Evangile 
se répand par tout le monde chrétien et se trouve aux 
mains des catholiques et des hérétiques eux-mêmeSi — 
1. Chez les catholiques. — Le Pasteur d'Hermas, com- 
posé à Rome vers 140, cite plusieurs passages de saint 
Matthieu. Signalons seulement les citations certaines : 
Matth., xix, 17, Sim., v, 1, 5; 3, 2, 5; Matth., xjii, 38, 
Sim., v, 5, 2; Matth., xxvm, 18, Sim., v, 6, 4; 7, 3; 
Matth., xvi, 27; xxi, 22, Sim., m, 3, 6; Matth., x, 39, 
Sim., îx, 26, 3. Funk, Patres apostolici, t. i, p, 531, 



879 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



880 



534, 538, 54Ô, 642, 548, 622. La m Clementis, qui est 
du même temps, cite assez souvent saint Matthieu. Voir 
t. il, col. 2067. Saint Justin connaît des Mémoires des 
Apôtres et fait de nombreux emprunts au premier Évan- 
gile, lbid., col. 2068. Cet Évangile était un des quatre 
qui entraient dans la trame du Aià xtaaiçutv de Tatien. 
Athénagore, Légat, pro christ., 11, 12, 32, t. vi, col. 912, 
913, 964. cite des paroles de Notre-Seigneur qu'on ne 
retrouve sous cette forme que dans saint Matthieu. 
Saint Théophile d'Antioche fait de même. Ad Autol., 
m, 13, 14, t. vi, col. 1140. D'ailleurs saint Jérôme a eu 
en mains un commentaire de cet apologiste sur l'Évan- 
gile de saint Matthieu. In Matth., prol., t. xxvi, col. 20; 
Epist., cxxi, ad Algasiam, 6, t. xxii, col. 1020. Voir 
t. h, col. 2072. — 2. Chez les hérétiques. — A Alexandrie 
vers l'an 120, Basilide avait écrit une sorte de commen- 
taire sur l'Évangile. Or un passage, rapporté par Clé- 
ment d'Alexandrie, Strom., m, 1, t. vm, col. 1100, est 
l'explication de Matth., xix, 10-12. Voir t. h, col. 2064. 
Marcion connaissait le premier Évangile, qu'il rejetait. 
Valentin acceptait les quatre Évangiles; son disciple 
Marc citait l'Evangile de saint Matthieu. Les ébionites 
se servaient uniquement de cet Évangile. Les ophites, 
les séthiens et le docète CarpOcrate s'en inspiraient et 
le citaient. Voir t. h, col. 2070. Le Protévangile de 
Jacques, qui est de la fin du II e siècle, emprunte à saint 
Matthieu des récits de l'enfance de Jésus. Voir t. il, 
col. 2115. Tous ces témoignagnes visent exclusivement 
l'Évangile grec de saint Matthieu, et comme ils pro- 
viennent de toutes les parties du monde chrétien, ils 
prouvent que ce texte grec était répandu partout au 
il» siècle. 

3° Affirmations explicites et constantes que saint 
Matthieu est l'auleur du premier Évangile. — Dès la 
fin du II e siècle, les Pères et les écrivains ecclésiastiques 
tout en se servant exclusivement du texte grec du pre- 
mier Évangile, savent et affirment expressément que 
saint Matthieu en est l'auteur, quoiqu'il ait primitive- 
ment écrit en hébreu. Ainsi saint Irénée, qui parle de 
l'original hébreu, Cont. hser., m, 1, t. vu, col. 844, ne 
cite que le texte grec, et il prouve par la tradition ecclé- 
siastique et l'aveu des hérétiques eux-mêmes que ce 
texte grec est un des quatre Évangiles canoniques, reçus 
dans toute l'Église. Voir t. h, col. 2071-2072. En Afrique 
Tertullien expose les mêmes principes que l'évêque de 
Lyon. Il appelle saint Matthieu fidelissimus Evangelii 
commentator, De came Christi, c. xxn, t. H, col. 789. 
Le fragment de Muratori, d'origine romaine, bien que ne 
mentionnant dans la partie conservée que les deux der- 
niers Évangiles, connaissait les premiers et les noms 
de leurs auteurs. Nous pouvons le conclure du nombre 
des Évangiles canoniques qu'il indique et des notices 
qu'il fournit sur saint Luc et saint Jean. Clément 
d'Alexandrie, qui n'admet non plus que quatre Évangiles 
canoniques, assure que saint Matthieu est l'auteur du 
premier, qu'ailleurs il cite en grec. Eusèbe, H. E., vi, 14, 
t. xx, col. 552. Origène est on ne peut plus catégorique : 
'ûç lv itapaSô<7£i jjlixOwv Ttep'i tûv ttaaâpiav eùaYY&Xt'cov, 
a xal |A^va àvavTcp^n]Tâ É<mv èv ty] ExxXeffîi toû ©eoù - ôti 
itpûTov |iÈv ylfp<xitza.i tô xatà tov îeots T£>.(ivr)v, ûorepov 
Sï àîtoVroXov'ïiriffoû XptitoO MaTOaîov. Eusèbe, H. E., 
mi, 25, ibid., col. 581. Eusèbe lui-même, H. E., m, 24, 
col. 265, dit expressément : MeaSocîoç p.èv icapaSoù; tô 
xoct* ciùtov eùaYYÉ^'ov. Saint Cyrille de Jérusalem, Ca- 
tech., xiv, 15, t. xxxiii, col. 884, dit aussi : MatOaîo; ô 
Ypâi^as tô eùafY^' 0V - Saint jipiphane, User, xxx, 3, 
t. xli, col. 409, affirme de saint Matthieu que èv tîj xatv?i 
Sia6^xi) ixair^ata rrjv toû EÙaYYEXi'ou èxOeaiv te xa; 
^^puY|ia. Saint Jérôme déclare à plusieurs reprises que 
saint Matthieu est l'auteur du premier ivangile, De viris 
illust., 3, t. xxiii, col. 613; Comment, in Matth., prol., 
t. xxvi, col. 18. Cf. S. Chrysostome, In Matth. Honi. i, 
3, t. lvh, col. 17. Tous les autres Pères sont du même 



avis; il est inutile de rapporter leurs témoignages, car 
personne ne nie que telle ait été la tradition unanime 
de l'Église catholique. 

4° Réponse aux objections des critiques modernes. — 
Néanmoins certains critiques du xix e siècle ont osé sou- 
tenir, à l'encontre de la constante et unanime tradition 
de l'Église, que le texte grec du premier Évangile n'est 
pas de la main de l'apôtre saint Matthieu. Il faut exami- 
ner les raisons qui leur paraissent suffisantes pour 
contredire l'antiquité. Nous considérerons plus loin la 
question de la langue originale du premier Évangile. — 
1° L'Évangile grec, attribué par la tradition à saint 
Matthieu, ne peut pas être de cet apôlre, bien que le 
récit de la vocation du publicain Matthieu, ix, 9-13, soit 
favorable à l'opinion traditionnelle, parce que l'auteur 
ne parait pas avoir été témoin des faits qu'il raconte. 
Dans son récit, il ne trahit nulle part sa personnalité; 
il ne se met pas en scène; on ne lit pas un seul « je » 
ni un seul « nous »; la narration est impersonnelle au 
même degré que si elle avait été rédigée par un disciple 
postérieur qui ne connaissait que par ouï-dire les actes 
et les paroles de Jésus. — Les anciens écrivains ecclé- 
siastiques et les commentateurs avaient remarqué que, 
dans tout son Évangile aussi bien que dans le récit de 
sa vocation, saint Matthieu efface le plus possible sa 
personnalité ; ce n'est pas sa personne qu'il met en relief 
mais bien celle de Jésus. Son souci de disparaître n'a 
empêché aucun Père de reconnaître son œuvre dans le 
premier Évangile. On a cependant constaté que le publi- 
cain manifestait sa compétence spéciale au sujet des im- 
pôts. Seul de tous les Évangélistes, il emploie les termes 
techniques :th Stâpaxn», xvn, 24 (23) ; téXy) t\ xfjvaov, xvii, 
25(24); <rcarîipa, xvn,27(26); tô v6|jua-[jia to0 xrjvaou, XXII, 
19. — 2» Les récits du premier Évangile sont rédigés 
avec trop d'art pour provenir d'un apôtre; ils ne 
racontent pas certains faits importants et ils ne pré- 
sentent jamais ces détails précis et circonstanciés qu'y 
aurait introduits un témoin oculaire. — Saint Matthieu, 
écrivant dans un but dogmatique (voir plus loin), ne 
s'est pas proposé de rapporter en détail tous les faits 
dont il avait été témoin. Il a choisi ceux qui allaient à 
son but et comme il ne rédige pas une biographie de 
Jésus, il ne relate que ce qui répond à son dessein et 
dans la mesure dans laquelle cela y répond. — 3° Jûli- 
cher, Einleitung in das N. T., 3 e et 4« édit., Tubfngue 
et Leipzig, 1901, p. 240, remarque avec raison qu'un 
apôtre pouvait fort bien insérer dans un Évangile des 
récits qui paraissent aux critiques modernes fortement 
légendaires, et même une histoire de l'enfance de Jésus 
s'il l'avait apprise d'autres personnes. Par conséquent, 
l'histoire de l'enfance et les miracles que les critiques 
déclarent mythiques ou légendaires, le fussent-ils, ne 
seraient pas un argument suffisant pour enlever à 
l'apôtre saint Matthieu la composition du premier 
Évangile. — Appuyés sur l'unanime tradition de l'Église 
nous maintenons donc à saint Matthieu l'attribution 
qu'on lui a toujours faite de l'Évangile grec qui porte 
son nom, quoique cet Évangile, nous allons le voir, ne 
soit qu'une traduction de l'original araméen. 

II. Langue originale. — 1» Données patristiques. — 
La plupart des écrivains ecclésiastiques, cités plus haut, 
qui attribuent expressément le premier Évangile à saint 
Matthieu, ajoutent que l'apôtre a écrit cet Évangile en 
hébreu, lëpaiSi BiaXéxTw, dit Papias. « Chacun, continue- 
t-il, l'interprétait comme il pouvait. » Ce premier témoi- 
gnage d'un Père apostolique a une valeur inattaquable. 
Ce n'est pas un renseignement littéraire venu on ne sait 
d'où. Papias décrit une situation qui a existé un certain 
temps dans les chrétientés de sa patrie et qui a produit 
dans la vie ecclésiastique; une gêne réelle, dontle souve- 
nir était gardé. Durant la jeunesse de Papias, les Églises 
d'Asie avaient donc un Évangile hébreu, qui était conçu 
comme l'œuvre de saint Matthieu, qui n'existait qu'eu 



881 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



882 



hébreu et qu'on était obligé d'interpréter souvent en grec 
comme on pouvait, parce qu'on n'en avait pas encore 
fait une traduction grecque. C'est inutilement que plu- 
sieurs critiques ont tenté de diminuer l'autorité du té- 
moignage de Papias. Ils ont remarqué qu'au rapport 
d'Eusèbe, H. E., m, 39, t. xx, col. 300, l'évêque d'Hiéra- 
polis. était un petit esprit, cçôSpa toi ajiucpô; <Sv tôv voCv, 
et ils ont gratuitement supposé qu'un Ébionite lui aura 
présenté comme l'œuvre de saint Matthieu l'Évangile 
apocryphe des Hébreux. Mais si Eusèbe appelle Papias 
un « petit esprit », c'est uniquement au sujet du millé- 
narisme dont il était imbu. En dehors de cette circons- 
tance, Eusèbe rapporte avec confiance les paroles et les 
renseignements de Papias, qu'il regarde comme dérivant 
des traditions primitives. Par conséquent le témoignage 
du vieil évêque sur l'original hébreu de saint Matthieu 
a autant de valeur que les autres qu'Eusèbe nous a con- 
servés sur l'Évangile de saint Marc et sur l'apôtre Jean. 
C'était une tradition qui s'était répandue dans les Églises 
d'Asie, à l'époque où vivaient encore les disciples immé- 
diats de Jésus et les premiers chrétiens de langue 
hébraïque. Longtemps même l'Évangile de saint Matthieu 
•y avait été conservé dans sa teneur originale, et chacun 
le traduisait en grec de son mieux. D'ailleurs, il n'exis- 
tait alors aucun autre livre hébreu, dont la tradition 
ecclésiastique ait parlé et qui ait été traduit en grec. Le 
recueil de discours de Jésus, que les critiques modernes 
découvrent dans les lôiia. de Papias, n'a jamais existé. 
Sa supposition n'est qu'un moyen récemment inventé 
pour résoudre la question synoptique. Voir t. n, col. 2097. 
Mais l'ancien état de choses que signale Papias avait 
cessé lorsqu'il écrivait. Nous l'avons déjà dit, sa manière 
de s'exprimer permet de conclure qu'une traduction 
grecque de l'Évangile hébreu de saint Matthieu existait 
de son temps dans les Églises d'Asie. Chacun savait alors 
qu'elle représentait l'écrit original de l'apôtre. Cf. Zahn, 
Èinleitung in da$ N. T., 2 e édit., Leipzig, 1900, t. n, 
p. 259-260. 

Du reste, Papias n'est que le premier chaînon d'une 
longue tradition patristique. Les partisans modernes de 
l'originalité du texte grec de saint Matthieu ont prétendu, 
il est vrai, que les Pères de l'Église avaient répété sim- 
plement le renseignement fourni par Papias. Leur té- 
moignage n'ayant pas de valeur propre et indépendante, 
la tradition ecclésiastique de la rédaction du premier 
Évangile en hébreu n'avait que l'appui fragile de la 
parole de l'évêque d'Hiérapolis. De tous les Pères qui 
parlent de l'original hébreu de saint Matthieu, saint 
Irénée et Eusèbe de Césarée ont seuls connu l'ouvrage 
de Papias. On n'en trouve aucune trace dans les écrits 
d'Origène, et cependant cet écrivain, admet, aussi bien 
qu'Irénée avant lui et qu'Eusèbe après lui, que l'Évangile 
de saint Matthieu a été primitivement rédigé en hébreu. 
D'ailleurs, l'Église d'Alexandrie connaissait ce fait par 
une autre voie que par l'ouvrage de Papias. On racontait, 
«n effet, que saint Pantène, prêtre et catéchiste de cette 
Église, était allé avant 180 dans l'Inde, c'est-à-dire vrai- 
semblablement dans l'Arabie Heureuse qui était alors 
couramment nommée l'Inde, et qu'il y avait trouvé un 
Évangile écrit dans l'idiome et en caractères hébraïques; 
les chrétiens du pays le regardaient comme l'Évangile 
de saint Matthieu et comme un exemplaire écrit de la 
main même de saint Barthélémy, leur apôtre. Eusèbe, 
H. E., v, 10, t. xx, col. 456; S. Jérôme, De viris, 36, 
t. xxin, col. 651. Quel que soit le fondement de cette 
donnée, il est clair qu'elle est indépendante du témoi- 
gnage de Papias. Pantène l'ayant apprise la rapporta à 
Alexandrie. Voir t.i, col. 1471-1472. 

Quant à l'Évangile des Hébreux, c'est par pure hypo- 
thèse qu'on a prétendu qu'il aurait donné occasion à la 
tradition patristique d'un original hébreu de saint Mat- 
thieu. Montré par quelque judéo-chrétien de Syrie ou 
-de Palestine à Papias, il aurait été involontairement con- 



fondu par lui avec l'Évangile de saint Matthieu, et Papias 
aurait par son erreur inconsciente été le point de départ 
d'une fausse tradition. Cette hypothèse sans fondement 
est peu vraisemblable. On ignore quels rapports l'Évan- 
gile des Hébreux avait avec celui de saint Matthieu. Clé- 
ment d'Alexandrie, Origène et Eusèbe, qui l'ont connu, 
ne signalent pas qu'il était apparenté avec saint Matthieu. 
Saint Jérôme et saint Épiphane ont cru, il est vrai, que 
c'était l'Évangile hébreu de cet apôtre. Les critiques sont 
à son sujet dans le plus complet désaccord. Voir t. m, 
col. 552-553. Cf. P. Batiffol, Six leçons sur les Évan- 
giles, 2« édit., Paris, 1897, p. 34-38; dom L. Sanders, 
Études sur saint Jérôme, Bruxelles, Paris, 1903, p. 284- 
295. Il est aujourd'hui difficile de décider s'il n'était 
qu'une édition, altérée par les Ébionites, de l'Évangile 
hébreu de saint Matthieu. On peut légitimement penser 
que l'opinion de sa parenté avec cet Évangile s'est fondée 
sur l'ancienne tradition que saint Matthieu avait com- 
posé son récit évangélique en hébreu pour les Hébreux. 
Comme les ébionites étaient des judéo-chrétiens de la 
Palestine, on en a conclu qu'ils avaient dû garder, mais 
en l'altérant, l'Évangile rédigé primitivement pour leurs 
ancêtres.^ 

2° L'Évangile primitif de saint Matthieu était-il 
hébreu ou araméen"? — P. Schegg, Evangelium nach 
Matthâus, Munich, 1856, t. i, p. 13-15, a soutenu qu'un 
Évangile qui a été écrit en Judée et pour les Juifs et 
dont le fond est en rapports si étroits avec l'Ancien Tes- 
tament n'avait pu être rédigé que dans la langue de 
l'Ancien Testament, par conséquent en hébreu, mais 
dans un hébreu présentant déjà les formes spéciales de 
la langue de la Mischna. Franz Delitzsch, qui d'abord 
admettait que saint Matthieu avait écrit en araméen, 
Neue Untersuchungen uber Entstehung und Anlage 
der hanon. Evang., 1853, t. i, p. 7, 45, 49, 50, a prétendu 
plus tard qu'il s'était servi de la langue hébraïque. The 
Hebrew N. T., Leipzig, 1883, p. 30. A. Resch, Ausser- 
canonische Paralleltexte zu den Evangelien, dans Texte 
und Untersuch., Leipzig, 1893, t. x, fasc. i, p. 83-108, 
a supposé aussi à la base des synoptiques un Évangile 
primitif hébreu. Voir t. n, col. 2097-2098. Mais la majo-. 
rite des critiques reconnaît que le premier Évangile de 
saint Matthieu, ou au moins le recueil de discours inti- 
tulé Aoyta xupiaxâ, était composé dans l'idiome parlé 
en Palestine du temps de Notre-Seigneur, c'est-à-dire 
en araméen. Cet idiome est appelé, dans le Nouveau Tes- 
tament, iêpaU ScaXéxToc, voir t. m, col. 515; et c'est lui 
que Papias et les autres Pères désignent par le nom 
d'hébreu quand ils affirment que saint Matthieu a rédigé 
son Évangile en hébreu. Cf. A. Meyer, Jesu Mutter- 
sprache, Leipzig, 1896; G. Dalman, Die Worte Jesu, 
Leipzig, 1898, t. i, p. 34-57. Il est resté, d'ailleurs, dans 
le texte grec de saint Matthieu, quelques mots araméens, 
tels que paicà, v, 22 ; fia|juovâ{, vi, 24'; tlxravva, xxi, 9; 
xop6av5{, xxvn, 6, qui ne sont pas expliqués et qui ont 
été conservés du texte primitif. A. Brun, L'Évangile ara- 
méen de l'apôtre Matthieu, Montauban, 1901. 

3° La version grecque de l'Évangile araméen de 
saint Matthieu. — Le texte original du premier Évan- 
gile est perdu depuis longtemps. On suppose que 
destiné à l'Église chrétienne de Palestine, il a dispan 
avec elle ou qu'il s'est conservé, plus ou moins altéré, 
chez les sectes hérétiques des Ébionites et des Naza- 
réens sous le nom d'Évangile selon les Hébreux. Cette 
dernière hypothèse s'appuie en particulier sur les 
témoignages de saint Jérôme et de saint Épiphane ; mais 
il n'est pas démontré que l'Évangile selon les Hébreux 
était le texte aramaïque de saint Matthieu, et il est même 
peu vraisemblable que ce texte ait encore existé au 
IV siècle, fût-ce sous une forme altérée. Sa disparition 
rapide s'explique par l'impossibilité de son emploi dans 
les Églises chrétiennes hellénistes et par l'existence 
d'une version grecque dès la plus haute, antiquité. 



883 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



584 



Aussi loin que nous puissions remonter, en effet, nous 
constatons la connaissance et l'emploi de cette version 
grecque. Les plus anciennes citations du premier Évan- 
gile par les Pères. sont grecques et se rapportent au 
texte grec de saint Matthieu, et Papias nous laisse 
entendre qu'au moment où il écrivait les Églises d'Asie 
avaient déjà une version grecque de l'Évangile de saint 
Matthieu. Les Pères postérieurs à Papias ont cité le 
texte grec seul comme l'œuvre de l'apôtre, et les plus 
anciennes versions, sauf peut-être la version syriaque 
découverte et publiée par Cureton, ont été faites sur le 
texte grec. L'auteur de cette traduction grecque est 
inconnu. Eusèbe, Qusest. ad Marinum, u, t. xxn, 
col. 941, et saint Jérôme, De vir. ill., 3, t. xxm, col. 613, 
ignorent son nom ou n'ont point sur lui de renseigne- 
ment certain. C'est par pure conjecture que certains 
noms ont été plus tard proposés. Plusieurs manuscrits 
grecs minuscules, avec Théophylacte, In Matlh., prol., 
t. cxxm, col. 145, désignent saint Jean; on a mis en 
avant saint Barthélémy, parce que Panténe avait trouvé 
en Arabie un manuscrit de saint Matthieu écrit par cet 
apôtre de l'Ethiopie; la Synopsis Scripturse Sacrée, 
attribuée à saint Athanase, t. xxvm, col. 432, a pensé 
à Jacques le Mineur, frère du Seigneur. 

Nonobstant le témoignage constant et unanime de 
l'antiquité, beaucoup de critiques modernes estiment 
que le texte grec de saint Matthieu est, non pas une 
traduction de l'araméen, mais l'original lui-même. 
C'est aujourd'hui l'opinion dominante. Sur quels argu- 
ments s'appuie-t-elle? Hug, Einleitung in die Schrif- 
ten des N. T., 4 e édit., 1847, t. Il, p. 30 sq., s'est efforcé 
de démontrer à grand renfort d'érudition qu'au 
1 er siècle de notre ère la langue grecque était d'un 
usage universel en Palestine, et que presque tous les 
Juifs pouvaient la comprendre, la lire et la parler. Or 
l'Évangile de saint Matthieu, destiné aux chrétiens de 
la Palestine, était naturellement rédigé en grec, dans 
celte langue qui était à la portée, non seulement des 
destinataires immédiats de son récit, mais encore de 
tous les chrétiens qui parlaient grec. Mais la thèse de 
Hug n'est pas démontrée et, quelle qu'ait été l'intro- 
duction de l'hellénisme dans le monde palestinien, voir 
t. in, col. 575-579, il est avéré que la langue grecque 
n'était ni connue ni parlée par la masse du peuple sous 
lesHérodes, voir t. m, col. 314-315; cf. E. Schûrer, Ge- 
schichte des jûdischen Vclkes im Zeitalter Jesu Christi, 
3» édit., Leipzig, 1898, t. n, p. 63-66, et que les Juifs 
de Palestine se distinguaient de leurs coreligionnaires 
de la dispersion, parlant grec, en les nommant hellé- 
nistes et en se réservant le titre d'hébreux. Voir t. m, 
col. 582. Cf. R. Simon, Histoire critique du texte du 
N. T., Rotterdam, 1689, p. 47-71. 

Aussi les critiques n'insistent-ils plus sur cette con- 
sidération et préfèrent-ils étudier les caractères propres 
du texte grec pour y reconnaître ceux d'un ouvrage 
original et non pas d'une traduction^ Ils font valoir : 
1» la langue et le style du premier Évangile. Le grec 
de saint Matthieu est coulant, clair, moins chargé d'hé- 
braïsmes que celui de saint Marc. On y remarque l'em- 
ploi du génitif absolu et la subordination régulière des 
membres de phrase par l'opposition de ji.lv et de 61. Le 
style est partout le même, et les mêmes mots : xàtt, 
xxt ISoû, -f) ^cktiXeîx tûv oûpavûv, etc., sont constamment 
répétés. Il y a enfin des jeux de mots grecs, tels que 
paxtoyoxsîv et jioXuXoyîa, VI, 7; àçaviÇovui et ôrc&iç 
çavtoir!, vi, 16; xaxoù; xaxâç aTtoXêffEt, XXI, 41 ; xôi^oviai 
xal ô^ovTai, xxiv, 30, etc. Toutes ces observations ne 
se concilient pas aisément avec le travail d'un traduc- 
teur et révèlent une œuvre originale. — Si le style du 
texte grec actuel est coulant, clair et présente les formes 
propres de la phrase grecque, c'est simplement parce 
que le traducteur inconnu savait bien cette langue et 
ne s'est pas borné à rendre littéralement l'original 



araméen. D'ailleurs, ce style simple, uniforme et peu 
soigné, s'adapte aisément à une traduction. Les ara- 
maîsmes n'y manquent pas. On nous concède qu'ils 
trahissent un écrivain grec d'origine juive. Peut-être, 
s'ils existaient seuls, ne dépasseraient-ils pas cette con- 
clusion. Mais, la tradition ecclésiastique nous appre- 
nant l'existence d'un original araméen, ils la confirment 
suffisamment, loin de la contredire. Enfin, les jeux de 
mots sont rares et exceptionnels, et chacun sait qu'ils 
peuvent se produire par hasard ou intentionnellement 
dans une traduction. La version latine a très bien 
rendu : xaxoùç xaxâiç àitoXé<ret, xxi, 41, par malos 
maie perdet. On pourrait encore y signaler des asso- 
nances particulières, telles que orationes orantes, xxm, 
14; excolantes culicem, xxm, 24; molentes in mola, 
xxiv, 41; cum venerit, invenerit, xxiv, 46, qui n'ont 
pas d'équivalentes dans le texte grec, sans qu'il en 
résulte logiquement que le texte latin représente l'ori- 
ginal de saint Matthieu. — 2° Les citations de l'Ancien 
Testament en saint Matthieu sont faites, tantôt d'après 
le texte hébreu, par exemple, xxvir, 9, tantôt d'après les 
Septante, par exemple, xxi, 16, tantôt enfin d'une ma- 
nière un peu divergente de ces deux textes ou en les 
citant successivement comme xm, 35. Cette diversité 
de recours aux livres de l'ancienne alliance et la ma- 
nière dont plusieurs citations sont interprétées indiquent 
assurément un écrivain au courant de la littérature 
hébraïque; elles ne supposent pas nécessairement un 
auteur écrivant en hébreu ou en araméen. — Cette 
diversité, constatée déjà par saint Jérôme, dans les cita- 
tions bibliques du premier Évangile, ne prouve ni pour ni 
contre la langue originale, employée par saint Matthieu. 
On a, en effet, calculé le nombre de ces citations, qui 
est de quarante-cinq environ, et on a remarqué qu'elles 
se répartissent en deux groupes : le plus grand nombre 
se rencontre dans les discours mêmes de Jésus; onze 
seulement ont été employées par l'évangéliste lui-même 
pour rapprocher un fait de la vie du Sauveur d'une 
prophétie messianique. Or les unes et les autres suivent 
le texte hébreu et le texte grec de l'Ancien Testament 
tour à tour. On ne peut donc tirer de ce fait aucune 
conclusion certaine pour ou contre la langue originale 
du premier Évangile, car un écrivain araméen pouvait 
employer la version des Septante, connue de son temps 
en Palestine, comme un helléniste recourir à l'original 
hébreu. Cf. Anger, Ratio qua loci V. T. in Evangelio 
Matthxi laudantur, 1861 j Massebiau, Examen des cita- 
tions de l'A. T. dans l'Evangile selon saint Matthieu, 
1885. — Pour expliquer L'apparente originalité du texte 
grec, il n'est pas nécessaire de supposer, avec Bengel 
et quelques autres critiques, que saint Matthieu, après 
avoir écrit d'abord son Évangile en hébreu, l'aurait 
publié plus tard en grec. L'historien juif Josèphe, il est 
vrai, a composé sa Guerre juive dans sa langue pater- 
nelle, puis il l'a traduite en grec pour les Romains. 
Mais un procédé semblable est moins naturel de la part 
d'un apôtre, et il est plus vraisemblable que la traduc- 
tion grecque du premier Évangile est d'une autre main 
que celle de saint Matthieu. 

III. Plan et analyse. — Bien que les indications 
chronologiques soient nombreuses dans le récit de 
saint Matthieu, les critiques admettent généralement 
aujourd'hui que, sauf pour l'enfance et la passion de 
Jésus, le premier évangéliste n'a pas suivi l'ordre chro- 
nologique des événements. Dans le ministère public, 
il groupe les faits et les discours par ordre d'affinité et 
les dispose de façon à atteindre plus directement le but 
spécial qu'il se proposait. Les données chronologiques, 
sont vagues et générales, et le narrateur relie ses récits 
par la répétition continue de « alors », tixi, « en ces 
jours-là, -» etc. Le_groupement des actes et des paroles de 
Jésus, quoique systématique, n'est pas aussi logique et 
aussi serré que le désireraient les lecteurs occidentaux. 



885 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



886 



Aussi les critiques ne sont pas encore parvenus à trou- 
ver et à proposer une division satisfaisante; beaucoup 
des plans élaborés exposent les idées de ceux qui les 
ont construits plutôt que celles de l'évangéliste. La 
marche générale est cependant simple et claire; elle 
répond à celle de l'histoire et comprend trois périodes, 
plus ou moins longues et plus ou moins développées dans 
la narration de la vie de Jésus : 1° son enfance et sa 
vie cachée; 2° son ministère public; 3» sa vie souffrante 
et glorieuse ou sa passion et sa résurrection. Seules les 
subdivisions de la seconde période ont été diversement 
comprises et présentées. 

1° La première partie, i, 1-n, 23, sert comme d'intro- 
duction à la vie de Jésus. Pour l'enfance et la vie 
cachée, saint Matthieu suit une tradition différente de 
celle de saint Luc. Voir Luc 2, col. 391. Son récit com- 
mence par une généalogie, descendant d'Abraham à 
Jésus et partagée en trois séries égales de générations, 
], 1-17. Voir t. m, col. 166-168. Il raconte ensuite la 
naissance virginale du fils d'Abraham et de David, i, 
18-n, 1, la venue des mages à Bethléhem, n, 2-12, la 
fuite en Egypte, n, 13-15, le massacre des innocents, 
n, 16-18, et le retour à Nazareth, n, 19-23. Pour l'agen- 
cement des faits de l'enfance de Jésus par la combinai- 
son des deux récits de saint Matthieu et de saint Luc, 
voir t. m, col. 1441-1445. 

2° La deuxième partie, m, 1-xxv, 46, qui concerne le 
ministère public de Jésus, se subdivise naturellement 
en trois sections. — l re section, la préparation et les 
préliminaires du ministère public, m, 1-rv, 11. Elle 
comprend trois faits : 1° la prédication de Jean-Baptiste, 
m, 1-12; 2» le baptême de Jésus par son précurseur, m, 
13-17; 3° la tentation du Sauveur au désert, îv, 1-11. — 
2 e section, la prédication de Jésus en Galilée, iv, 12-xvm, 
35. Cette prédication comprend trois groupes de récits, 
qui en marquent les diverses phases et les progrès : 
l«r groupe, les débuts de ce ministère, iv, 12-vn, 29. 
Jésus se met à prêcher la pénitence et la venue du 
royaume des cieux en Galilée, iv, 12-17, et y choisit ses 
premiers disciples, iv, 18-22. Il parcourt tout le pays et 
attire à lui les foules en guérissant les malades, iv, 23- 
25. Devant la multitude accourue sur ses pas, il parle 
sur la montagne. Le grand discours, rapporté par saint 
Matthieu, v, 1-vn, 29, comprenant des éléments qui se 
retrouvent ailleurs et dans des situations différentes en 
saint Marc et en saint Luc, ne semble pas avoir été tenu 
par Jésus d'un seul trait dans sa teneur actuelle. C'est 
une sorte de discours programme sur la justice que 
saint Matthieu a placé au début du ministère en Galilée 
pour inaugurer la prédication évangélique. Conformé- 
ment à sa méthode de grouper les faits et les ensei- 
gnements analogues, saint Matthieu a inséré dans la 
trame d'un discours réel et primitif de Jésus des instruc- 
tions étrangères et en a fait une œuvre composite, 
assez bien organisée et tendant à son but. Cette con- 
clusion ne résulte pas seulement de l'analyse du dis- 
cours lui-même, qui révèle des additions à un thème 
premier, elle se fonde encore sur la finale historique 
du sermon sur la montagne : « Et il arriva que, quand 
Jésus eut achevé ces discours... » Le pluriel, toùç idfouç 
toutou;, indique vraisemblablement la pluralité des 
enseignements réunis et groupés dans le grand discours 
précédent. Cf. A. Robinson, The study of tlie/Gospels, 
Londres, 1902, p. 73-85; A. Loisy, Le discours sur la 
montagne, Paris, 1904, p. 1-5. Voir t. m, 'col. 1449. — 
2» groupe, la partie centrale de la prédication en 
Galilée, vin, 1-xin, 52. Les faits y sont réunis systéma- 
tiquement en deux recueils symétriques, qui ont pour 
thème une prophétie messianique, Matth., vm, 17; xn, 
17-21, et se terminent par un grand discours. Le 
premier recueil comprend une série d'actes par lesquels 
le Messie montre sa souveraineté, vm, 1-x, 42. On y 
distingue onze faits : les guérisons du lépreux, vm, 



1-4; du serviteur du centurion, vm, 5-13; de la belle- 
mère de saint Pierre, vm, 14-17; les observations faites 
à deux disciples, vm, 18-22; l'apaisement de la tem- 
pête, vin, 23-27; la délivrance de deux démoniaques, vm, 
28-34; la guérison d'un paralytique, ix, 1-8; la vocation 
du publicain Matthieu et les paroles prononcées dans 
sa maison, ix, 9-17; la guérison d'une femme malade 
d'une perte de sang et la résurrection de la fille de 
Jaîre, ix, 18-26; la guérison de deux aveugles, ix, 27-31; 
celle d'un possédé muet, ix, 32-34; tous ces miracles 
attestaient la bonté et la puissance de Jésus, ix, 35. Sa 
compassion pour les foules sans pasteur l'amène à 
choisir des apôtres, ix, 36-x, 4, à qui il trace, dans un 
assez long discours, les devoirs et les résultats de leur 
mission, x, 5-42. Le second recueil contient surtout 
des paroles ou sentences dans lesquels le Messie mani- 
feste sa sagesse, xi, 1-xm, 52. Nous y trouvons d'abord 
une série d'enseignements divers, provoqués par des 
faits particuliers : le témoignage sur la personne et 
l'œuvre de Jean-Baptiste à l'occasion de l'ambassade quo 
le précurseur prisonnier envoie à Jésus, xi, 1-19; les 
malédictions adressées aux villes incrédules de la Galilée 
et l'appel consolant aux âmes de bonne volonté, xi, 20- 
30; deux épisodes sabbatiques : celui des apôtres qui 
froissent des épis et celui de la guérison de l'homme 
dont la main était desséchée, xir, 1-14; la douceur du 
Messie prédite par Isaïe, xn, 15-21; la réfutation du 
blasphème des pharisiens qui accusent Jésus de chasser 
les démons au nom de Béelzébub, xn, 22-37; la répro- 
bation des scribes incrédules qui réclament un signe, 
xn, 38-45; à l'occasion de la venue de sa mère et de 
ses frères, Jésus révèle quelle sera sa famille spirituelle, 
xn, 46-50. Le recueil se termine par la manifestation 
de la nature et des progrès du royaume des cieux en 
sept paraboles de la semence, de l'ivraie, du grain de 
sénevé, du levain, du trésor, de la perle et du filet, xir, 
1-52. Vraisemblablement ces paraboles n'ont pas été 
prononcées en même temps; la con texture du discours, 
entrecoupé d'explications et d'interrogations, le laisse 
deviner. C'est l'évangéliste qui les a réunies au moment 
de sa prédication où Jésus a inauguré ce genre parti- 
culierd'enseignement qui est à la portée des âmes de bonne 
volonté, mais qui reste inintelligible pour les adversaires 
du royaume. — 3 e groupe, les dernières excursions en 
Galilée, xm, 53-xvm, 35. Visite à Nazareth, xm, 53-58; 
sentiment d'Hérode tétrarque de Galilée au sujet de 
Jésus et meurtre de Jean-Baptiste, xiv, 1-12; Jésus 
se retire dans le désert et y multiplie les pains, xiv, 13- 
21 ; il marche sur les eaux, apaise la tempête sur le lac 
et fait de nombreuses guérisons à Génésareth, xiv, 22- 
36; des scribes et des pharisiens de Jérusalem discutent 
sur les purifications extérieures et Jésus instruit ses 
apôtres à ce sujet, xv, 1-20; Jésus, étant allé au pays de 
Tyr et de Sidon, y guérit la fille d'une femme chana- 
néenne, xv, 21-28; revenu sur les bords du lac de Géné- 
sareth, il multiplie une seconde fois les pains, xv, 29- 
39; il discute avec les pharisiens et les sadducéens et 
met ses disciples en garde contre le mauvais levain 
des pharisiens, XVI, 1-12; à Césarée de Philippe, il 
annonce à Pierre, qui avait reconnu sa divinité, ses 
prérogatives futures et il prédit aux siens sa mort et sa 
résurrection, xvi, 13-23; il leur recommande l'abné- 
gation, xvi, 24-28; il est transfiguré, xvn, 1-13; guérison 
d'un lunatique, xvu, 14-20; nouvelle prédiction de la 
passion et de la résurrection, xvn, 21-22; à Caphar- 
naùm, Jésus paie le didragme, xvii, 23-26. Cette série 
de faits aboutit à un grand discours, xvm, 1-35. Le 
Sauveur y donne aux disciples une leçon d'humilité, 
leur signale la gravité du scandale, prononce la parabole 
de la brebis perdue, traité de la correction fraternelle, et 
pour répondre à une question de saint Pierre sur le 
pardon des injures, propose la parabole du serviteur 
qui doit à son maître. Les parties de ce discours ne 



887 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



s'enchaînent pas logiquement; plusieurs se retrouvent 
en saint Marc et en saint Luc au même moment, mais 
dans des occasions différentes. Le discours est donc 
probablement formé, comme les précédents, de mor- 
ceaux divers, dont le caractère collectif serait encore 
indiqué par la formule plurielle de la transition, xix, 
1. — 3" section, Jésus quitte la Galilée et se dirige par 
la Pérée vers Jérusalem, xix, 1-xx, 34. Le début de cette 
section est nettement marqué dans l'Évangile. Aban- 
donnant définitivement le pays de Galilée qu'il avait 
évangélisé jusqu'ici, Jésus passe le Jourdain; il guérit 
des malades, discute avec les pharisiens sur l'indisso- 
lubilité du mariage et recommande à ses disciples la 
virginité, xix, 1-12; il bénit les petits enfants, xix, 13- 
15; il s'entretient avec un jeune homme riche et expose 
à ses disciples les dangers des richesses et les avantages 
du renoncement, xix, 16-30; il prononce la parabole 
des ouvriers envoyés à la vigne, xx, 1-16 ; il annonce en 
secret aux seuls apôtres sa passion et sa résurrection, 
xx, 17-19; il répondà la demande indiscrète de la mère 
de Jacques et de Jean, xx, 20-28, et enfin il guérit deux 
aveugles à Jéricho, xx, 29-34. 

3° La troisième partie, xxi, 1-xxvm, 20, raconte la 
passion et la résurrection plusieurs fois prédites. On 
peut la subdiviser en (rois sections. — 1™ section, xxi, 
1-xxv, 46. Elle renferme une série de faits détachés, qui 
se produisent dans les premiers jours de la dernière 
semaine : l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem et 
l'expulsion des vendeurs du temple, xxi, 1-17; la malé- 
diction du figuier stérile, xxi, 18-22; l'interrogation 
faite à Jésus par les membres du sanhédrin, xxi, 23-27; 
la parabole des deux fils, xxr, 28-32; celle des vignerons, 
xxi, 33-46; celle des noces du fils du roi, xxn, 1-14; 
Jésus réfute les pharisiens et les hérodiens, qui le 
questionnent au sujet de l'impôt, xxn, 15-22; puis les 
sadducéens à propos de la résurrection, xxii, 23-33; 
les pharisiens reprennent l'offensive et un docteur 
interroge Jésus sur le premier des commandements, 
xxn, 34-40; le Sauveur réduit tous les pharisiens au 
silence sur le Messie, fils de David, xxn, 41-46. S'adres- 
sant ensuite à la foule et à ses disciples, il blâme 
sévèrement les scribes et les pharisiens et les maudit, 
xxiii, 1-39. Sortant du temple et interrogé par ses dis- 
ciples, il leur fait, au sommet du mont des Oliviers, un 
grand discours sur ce qui arrivera entre sa mort et sa 
seconde venue, sur la ruine de Jérusalem et sur la fin 
du monde, xxrv, 1-41; il y ajoute des conseils de vigi- 
lance, xxiv, 42-51, qui sont suivis de la parabole des 
dix vierges, xxv, 1-13, de celle des talents, xxv, 14-30, et 
de la description du jugement dernier, xxv, 31-46. Ce 
discours semble encore formé de morceaux différents, 
groupés par l'évangéliste, comme l'insinue de nouveau 
le pluriel : « tous ces discours, » xxvi, 1. — 2 e section, 
la passion, xxvi, 1-xxvn, 66. Jésus annonce aux disciples 
qu'il sera crucifié deux jours plus tard, xxvi, 1, 2; les 
sanhédrites trament sa mort, xxvi, 3-5; à Béthanie, une 
femme pécheresse oint Jésus, xxvi, 6-13; Judas trahit 
son maître, xxvi, 14-16; préparatifs de la Pàque et la 
dernière cène, xxvi, 17-29; prédiction du reniement de 
Pierre, xxvi, 30-35; l'agonie à Gethsémani, xxvi, 3646; 
Jésus est arrêté et conduit devant le sanhédrin, xxvi, 
47-68; triple reniement de Pierre, xxvi, 69-75; Jésus 
conduit à Pilate, xxvii, 1-2; désespoir de Judas, xxvn, 
3-10; comparution de Jésus devant Pilate, xxvn, 11-26; 
livré aux soldats, Jésus est mené au Calvaire et y est 
crucifié, xxvn, 27-44; circonstances de sa mort, xxvn, 
45-56; sa sépulture et une garde est placée au tombeau, 
xxvn, 57-66. — 3 e section, la résurrection, xxvm, 1-20. 
Jésus ressuscité apparaît aux femmes qui venaient visi- 
ter son tombeau, xxvm, 1-10; les prêtres juifs répandent 
le faux bruit que les disciples, après avoir soudoyé les 
gardes, ont enlevé de' nuit le corps de leur Maître, 
xxvm, 11-15; Jésus apparaît aux onze en Galilée et les 



envoie prêcher et baptiser dans le monde entier, xxvm, 
16-20. 

IV. Date. — Les critiques sur ce point sont en désac- 
cord parce que les témoignages des Pères ne sont pas 
convergents et qu'on tire des conclusions différentes des 
critères internes. — 1° Données patrisliques. — Le sen- 
timent général des anciens est que l'Évangile de saint 
Matthieu à été composé le premier des quatre récits 
évangéliques. S. Irénée, Cont. hœ>\, m, 1, t. vu, 
col. 844; Clément d'Alexandrie, cité par Eusèbe, H. E., 
w, 14, t. xx, col. 552; Origène, In Matth., tom. i, t. xm, 
col. 829, qui invoque la tradition antérieure; Eusèbe, 
H. E., m, 24, t. xx, col. 265; S. Épiphane, flser. u> 5, 
t. xu, col. 393; S. Jérôme, De vir. M., 3, t. xxm, col. 613; 
S. Augustin, De consens. Evangelist., i, 2, t. xxxiv, 
col. 1043; S. Jean Chrysostome, In Matth. Hom. iv, 1, 
t. lvii, col. 39. De cette première donnée l'on pourrait 
déduire approximativement la date du premier Évan- 
gile par comparaison avec celle du second. Voir Marc 2, 
col. 737. Quelques-uns de ces Pères, Eusèbe, loc. cit., 
ajoutent que saint Matthieu a rédigé son Évangile avant 
de quitter la Palestine pour aller convertir les païens. 
Or des critiques d'écoles et de tendances différentes 
fixent cette daté à l'an 42. Voir col. 875. Mais saint Iré- 
née, Cont. hœr., in, 1, t. vu, col. 844-845, tout en pla- 
çant l'Évangile de saint Matthieu en tête des quatre Évan- 
giles canoniques, semble reculer la date de sa composi- 
tion à l'époque où saint Pierre et saint Paul se trouvaient 
ensemble à Rome : 'O (xév &t\ Maxfiato; Iv toî; 'Eëpaîoiç 
tÎ). tfit'a fiiaXévtxw aùrâv xeà fpaqwiv Hr^îyv.VJ EicffytV.ov, 
toO IJÉTpou xai to0 IlavXou Iv 'Pw|ji?) £ÙaYYsXt!|o|Jilv(i>v y.at 
6e|ieX[oûv™v triv 'ExxXr)fffav. Il semble reporter aussi 
la rédaction du second Évangile après la mort de ces 
deux Apôtres. Voir Marc, col. 737. Or saint Pierre et 
saint Paul n'ont pu se trouver ensemble à Rome qu'après 
l'an 61. La composition du premier Évangile serait donc 
postérieure à cette dernière date. Par suite, il s'est pro- 
duit parmi les critiques qui tiennent compte de la tra- 
dition deux courants d'opinion. Les uns se rangent à 
l'autorité, selon eux décisive, du témoignage de saint 
Irénée, qui est bien fondé et n'a jamais été expressé- 
ment contredit, et ils reculent la composition de saint 
Matthieu à l'époque du commun séjour de saint Pierre 
et de saint Paul à Rome, entre 61 et 67. Les autres sui- 
vent la majorité des Pères et s'efforcent de concilier 
avec leur sentiment le témoignage divergent de saint Iré- 
née. Quelques-uns ont pensé que saint Irénée indiquait 
la date de la version grecque du texte araméen de saint 
Matthieu. Mais cette interprétation est contraire aux pa- 
roles de l'évêque de Lyon qui dit expressément que saint 
Matthieu a rédigé son récit évangélique dans l'idiome des 
Hébreux. Quelques autres ont fait remarquer avec plus 
de vraisemblance que le génitif absolu, toù nèrpou xàl 
toû IlaûXou èv "P<i|ji7) EÙayYsXiÇoiJiivcûV xai ÔejjieXioijvtwv 
de la phrase d'Irénée ne signifiait pas la simultanéité 
des travaux du premier évangéliste et des deux apôtres 
Pierre et Paul, mais seulement la différence des lieux 
(Palestine et Rome) et de la nature (écrit et prédication 
orale) de leurs travaux. D'ailleurs le texte de l'évêque de 
Lyon nous est parvenu incomplet et en mauvais état. La 
première phrase, qui n'est conservée qu'en latin, est 
inachevée et ne présente pas un sens clair. La phrase 
grecque concernant saint Matthieu, la suit immédiate- 
ment et contient un xaî qui ne répond rien de ce qui 
précède. Il y aurait donc un membre de phrase à sup- 
pléer. Le P. Cornely propose : -cà ûit' aÙToO xipvff<r<i|ieva 
ifoatyz xa'i... Ces mots établiraient un contraste entre le 
premier évangéliste qui a rédigé par écrit sa prédica- 
tion et les deux suivants qui ont écrit d'après saint Pierre 
et d'après saint Paul. Quoi qu'il en soit, il semble qu'on 
ne puisse pas tirer d'un texte obscur et imparfait une 
conclusion ferme et certaine. Cf. A. Camerlynck, Saint 
Irénée et le canon du N. T., Louvain, 1896, p. 27-31. — 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



890 



2° Critères internes. — Sans parler des tendances ébio- 
nites et judaïsantes, que Baur avait cru remarquer dans 
le premier Évangile et qui lui faisaient retarder la com- 
position de cet écrit jusqu'aux années 130-134, sous le rè- 
gne d'Adrien, Jùlicher, Einleitung in das N. T., 3 e et 
4« édit., Tubingue et Leipzig, 1901, p. 241-243, fixe la date 
du premier Évangile aux environs de l'an 100. Dans la pa- 
rabole des noces royales, la vengeance du roi qui envoie 
son armée pour tuer les invités qui avaient exterminé ses 
serviteurs et pour brûler leur ville, xxn, 7, suppose réa- 
lisée la ruine de Jérusalem par les Romains et nous re- 
porte à une date postérieure à 70. Le retard du maître et 
de l'époux, xxiv, 48; xxv, 5, suppose aussi une longue at- 
tente de la parousie, et l'expression : «jusqu'aujourd'hui, » 
xxvn, 8 ; xxvm, 15, un intervalle considérable écoulé entre 
le récit et les faits racontés. L'évangélisation du monde 
païen, xxvm, 18-20; cf. x, 23; l'annonce des persécutions 
des apôtres de la part des puissances terrestres, x, 17-19; 
le souci de ne donner aux Romains aucune occasion de 
scandale, xvii, 26; le rôle prêté à Pilate et à sa femme du- 
rant la passion, xxvn, 11-24, 58, nous reportent au règne 
de Domitien, durant lequel la communauté chrétienne 
avait intérêt à montrer son impartialité politique. D'au- 
tre part, la prédication apostolique par le monde entier 
et la formule trinitaire du baptême, xxvm, 19, ne con- 
viennent guère au I er siècle. Enfin la tendance de saint 
Matthieu est franchement catholique ; l'Église, pour 1 ui, est 
une société fortement organisée, xvi, 18, 19; xvm, 15-18, 
qui dispense les biens célestes et qui exige la .pratique 
des œuvres en vue de la récompense, xxv, 31-46. Le ca- 
tholicisme ainsi constitué nous éloigne de la tradition 
primitive et nous reporte à une époque déjà tardive. On 
voit aisément le caractère tendancieux de ces argu- 
ments, qui placent dans la réalité de l'histoire ce que 
l'évangéliste raconte comme prédiction de Jésus et condi- 
tions futures de l'Église fondée par Jésus-Christ. Une 
telle manière de raisonner est aussi défectueuse que celle 
de Baur et de l'école de Tubingue. — D'autres critiques, 
avec B. Weiss et A. Harnack, fixent la date de l'Évangile 
de saint Matthieu aux années 70-75, qui suivent immé- 
diatement la ruine de Jérusalem. Ils s'appuient sur la 
parabole des noces déjà citée et disent que le passage, 
xxii, 7, manifeste l'incendie de Jérusalem comme un 
fait accompli. Ils s'appuient surtout sur la proximité 
maintenue entre cette catastrophe et la seconde venue 
de Jésus. La transition : eùûlwi; 8è |i£-rà tyjv GXt^iv t<5v 
rinspâv èxetvuv avec la description des signes précurseurs 
de la parousie, xxiv, 29, rattache le récit à l'époque qui 
suit immédiatement la catastrophe, alors qu'on n'avait 
pas encore eu le temps de se convaincre que les deux 
faits n'auraient pas lieu consécutivement. Mais précisé- 
ment cette circonstance produit chez d'autres critiques 
l'impression que ce récit a été rédigé avant la destruction 
de Jérusalem. Un écrivain postérieur aurait, selon eux, 
plus expressément marqué l'intervalle qui devait exister 
entre les deux événements. Quelle que soit d'ailleurs 
l'interprétation qu'on en donne, les deux passages invo- 
qués ne suffisent pas à prouver la composition du 
premier Évangile après l'an 70. — Tous les critiques 
modérés pensent que saint Matthieu a écrit avant 70. Ils 
apprécient différemment les témoignages patristiquçs et 
les critères internes et ils s'écartent les uns des^ autres 
dans la fixation d'une 'date, approximative. Ms r Batiffol, 
Six leçons sur les Évangiles, 2 e édit., Paris, 1897, p. 51, 
se rallie à saint Irénée et place la composition du 
premier Évangile dans la période 65-70. Zahn, Einlei- 
tung in das N. T., 2= édit., Leipzig, 1900, t. Il, p. 163, suit 
la même voie et indique les années 61-66. Godet, Intro- 
duction au N. T., Paris et Neuchâtel, 1898, t. n, p. 245- 
249, aboutit à la conclusion que le premier Évangile date 
de 60 à 66. A. Schsefer, Einleitung in dos N. T., Pader- 
Lorn, 1898, p. 199, s'arrête aux années 50 où 51. Le 
P. Cornely, Introductio specialis in singulos N. T. libros 



Paris, 1886, p. 76-80, accorde un plus grand intervalle, 
entre 40 et 50. J. Belser, Einleitung in das N. T., Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1901, p. 30-32, se rallie catégorique- 
ment à l'ancienne opinion et adopte la date de 41-42. 
Voir t. H, col. 2062. 

V. Lieu de la composition. — Tous les Pères qui ont 
parlé de la composition du premier Évangile par saint 
Matthieu, de la date et du but de sa composition, ont 
affirmé que saint Matthieu l'avait rédigé en hébreu pour 
les Hébreux et avant de quitter la Palestine pour aller 
évangéliser d'autres contrées. Il en résulte donc que le 
premier Évangile a été rédigé en Palestine. La plupart 
das critiques modernes acceptent les données de la tra- 
dition et pensent que c'est à Jérusalem même que l'apô- 
tre a écrit. Quelques critiques ont voulu conclure des 
mots irépav toû 'IopSàvou, xix, 1, que l'auteur plaçait la 
Judée de l'autre côté du Jourdain et que par conséquent 
l'Évangile de saint Matthieu avait été rédigé sur la rive 
orientale de ce fleuve, à l'époque où les chrétiens avaient 
déjà quitté Jérusalem et s'étaient réfugiés à Pella, c'est- 
à-dire vers 66. Mais cette conclusion est peu vraisem- 
blable. En effet, le point de départ du voyage de Jésus est 
la Galilée et son terme les confins de la Judée en pas- 
sant au delà du Jourdain. On conçoit difficilement qu'un 
Juif, écrivant à l'est du Jourdain, ait désigné de cette 
façon la Judée elle-même, qui se trouvait pour lui à 
l'ouest du fleuve, puisque c'était le langage reçu chez 
ses compatriotes de désigner par cette expression la rive 
orientale du Jourdain. Saint Matthieu a donc employé 
le langage ordinaire et dit, comme on l'entend généra- 
lement, que Jésus était allé de la Galilée en Pérée. Pour 
interpréter autrement son récit, il faudrait prendre 
népav toû 'IopSàvou comme une apposition à ec; -rà Bpta 
TYjc 'IouSaiaç. Cf. Zahn, Einleitung in das iV._ T., t. Il, 
p. 297, 308. Msr Batiffol, Six leçons sur les Évangiles, 
p. 49-50, admettant que Matthieu, « juif de race, hellé- 
niste de culture et d esprit, a écrit son Évangile pour 
des chrétiens d'un pareil esprit, » et remarquant dans 
cet Évangile des paroles sévères contre les scribes, 
conclut : « Aussi n'est-ce point à Jérusalem que nous 
imaginerions que l'Évangile selon saint Matthieu a été 
rédigé, et volontiers penserions-nous qu'il a pu être 
rédigé en Syrie, par exemple à Antioche. » La détermina- 
tion du but et des destinataires du premier Évangile que 
nous allons faire, d'après la tradition, nous montrera s'il 
y a des motifs suffisants de ne pas tenir compte de cette 
tradition au sujet du lieu de la rédaction du récit et 
d'imaginer quelque hypothèse contraire. 

VI.IDestinataires. —1° Données patristiques. — Aussi 
haut que nous puissions remonter dans la tradition 
ecclésiastique, nous constatons que l'Évangile de saint 
Matthieu est présenté comme destiné aux Juifs. Saint 
Irénée, qui, le premier des Pères, parle du but et de la 
destination de cet écrit, affirme catégoriquement : Tb 
xotTCt Mat8aîov syayyÉ/.tov itpôç 'louSxiovq éfpâfri, 
Fragm., xxix, t. vu, col. 1244. Les paroles qui suivent 
sont, il est vrai, interprétées par quelques critiques 
dans un sens apologétique; selon l'évêque de Lyon, dit- 
on, saint Matthieu se proposait de prouver aux Juifs 
non encore chrétiens que Jésus était le Messie, fils de 
David, qu'ils attendaient. Voir plus loin. Mais on peut 
penser que par ce nom de « Juifs » aussi bien que par 
celui d'« Hébreux », Cont. hier., m, 1, ibid., ool. 8i4, 
saint Irénée désignait les judéo-chrétiens de Palestine, 
comme l'ont fait les autres écrivains ecclésiastiques. 
Origène, en effet, ne laisse là-dessus place à aucun 
doute. Il a appris par la tradition que saint Matthieu a 
destiné son Évangile toï; àizo 'IouSaVojjiou m<mvoa.aiv, 
Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 581 ; In Matth., tom. i, 
t. xill, col. 829; toï; 'ESpafoi;... toïç ex irepiTO|iîi; ma- 
tcûo-uitiv. In Joa., tom. VI, 17, t. xiv, col. 256; cf. ibid., 
prsef., 6, col. 29. Eusèbe, H. E., ni, 24, t. xx, col. 265, 
présente comme résultat de ses recherches et comme 



891 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



892 



le résumé de la tradition antérieure cette donnée : Ma- 
•tBaïoc (ièv fàp npATepov 'Eêpafoiç XYipvijaç, ûç ï;[ie).Xev 
if' izipovi Uval jcaTpfij) Tf^tirrr) ypaçîj nxpaSoùc tô xat' 
«ùtov tyocnAiov to Xeîîtov tyj aùroO itapou<rîa toutoi;> 
a?' 5v laréXXeTo, 8ià tîjç YpaçTjç ot7iû7cX^poù. Saint Jé- 
rôme fait écho à Eusèbe : Matthxus primttm in Ju- 
âsea propter eos qui ex circumcisione crediderunt 
Evangelium Christi composuit. De vir. ill., 3, t. xxm, 
col. 613. Ob eorum vel maxime causant, qui in Jesum 
crediderant ex Judmis, et nequaquam legis umbram, 
succedente Evangelii veritale, servabant. In Matth., 
prol., t. xxvi, col. 18. Saint Jean Chrysostome, In 
Mallh. Rom. i, 3, t. lvh, col. 17, répète les mêmes 
renseignements, et saint Grégoire de Nazianze, Carm., 
1,12, t. xxxvii, col. 474, dit d'un mot que saint Matthieu a 
écrit pour les Hébreux les miracles du Christ. Cf. Cosmas 
Indicopleustes, Topogr. christ., 1. V,t. lxxxviii,Co1. 286. 
Tous les commentateurs catholiques et beaucoup de 
protestants ont accepté le témoignage de la tradition 
ecclésiastique et l'ont confirmé par des arguments tirés 
du premier Évangile lui-même. 

2» Critères internes. — Du contenu de ce livre, en 
effet, on peut conclure qu'il était destiné à des lecteurs 
d'origine juive, habitant la Palestine et déjà convertis à 
l'Évangile. Si l'auteur avait écrit pour des païens et non 
pour des Juifs, il procéderait autrement, il insisterait 
sur d'autres points et il ne montrerait pas par la réali- 
sation des prophéties de l'Ancien Testament que Jésus 
est le Messie attendu des Juifs et le fils de David. D'ail- 
leurs, il ne juge pas nécessaire d'expliquer à ses lec- 
teurs des usages juifs dont saint Marc et saint Luc par- 
lent différemment à leurs lecteurs d'origine païenne. 
Ainsi il mentionne sans explication les ablutions 
judaïques, xv, 1, 2; cf. Marc., vu, 3, 4; le jour des 
azymes, xxvi, 17; cf. Marc, xiv, 12; Luc, xxii, 7; il 
parle du lieu saint, xxiv, 15; de la sainte cité, IV, 5; 
.xxvn, 53. Il met les gentils sur la même ligne que 
les publicains, xvm, 17. D'autre part, comme il rap- 
pelle les paroles les plus dures que Jésus ait pronon- 
cées contre les scribes et les pharisiens hypocrites, 
xxm, 1-4, 15-31, il ne peut guère s'adresser aux Juifs 
non convertis. Enfin, il envisage ses lecteurs comme des 
croyants ; il leur parle du royaume de Dieu et de l'Église 
comme à des initiés qui le comprendront. En résumé 
donc, il s'adresse à des judéo-chrétiens, et puisqu'il 
écrivait en araméen, à des judéo-chrétiens qui compre- 
naient cette langue, par conséquent non à des hellé- 
nistes qui parlaient grec, mais bien aux Juifs convertis 
de la Palestine. Si quelques mots hébreux, comme 
EiipwxYoOn])., i, 23; r<AYo(là, xxvn, 33; -fiXel, ^Xei, Xep.a 
<raSax 9av£f ) XXVH, 46, sont traduits ; si Haceldama n'est 
pas nommé sinon dans sa traduction grecque : ifpoî 
aïu-a-roç, xxvn, 8, on peut penser que ces explica- 
tions sont dues au traducteur grec du texte araméen. 
11 en serait de même du nom grec Hhpoi, employé 
au lieu de l'araméen Céphas pour désigner saint 
Pierre. 

VIL But. — 1" Tous les exégètes sont d'accord pour 
reconnaître, au moins d'une façon générale, que le pre- 
mier évangéliste a voulu principalement démontrer que 
Jésus était le Messie, fils de David, attendu des Juifs. 
Ils s'appuient à la fois sur le témoignage des Pères et 
sur le caractère général de l'Évangile de saint Matthieu. 
Saint Irénée ne se borne pas à dire que saint Matthieu 
a écrit pour les Juifs; il ajoute dans quel but : Outoc 
(les Juifs) Yctp èitef>û(iouv irivo açiîpa éx axépu.atoi; AaëtS 
Xpiurov à hi MatOaïoc xa£ ïti u.îaXov (npoSpo-ripav ifu>i 
tt)V TûtaOtyjv èrci6v[Aiav nayxoîoyç eaTieuSe 7tXir)poçoptav 
«apé*/eiv aùxoîî, wç eîVi in. (nrepiiaToç Aaé:8 o Xpturôi;" Stb 
xal àito tï|Ç y ev é<t£(i)ç cxùtoO îJpÇaTo. Fragm., xxix, t. vu, 
col. 1244. Saint Chrysostome, In Matth. Hom. n, 3, 
t. lvh, col. 17, répète la même chose : Aià 8t) tovto i 
lUv Mat8atoç, are 'E6pac'oi« Tpâçuv, ojJèv îrtiov éït,tyi<k 



SeïÇat, ^ on àirô 'A.ëpaàjt xat AatAS fjv... ovièv fâp ofowç 
àvlitaue tov 'IovSaîov, wç to u.a6eïv aùtov ôti toû 'Aêpaàu. 
xal toO AauiB sxyovoî iqv o Xpiffrôç. Théophylacte, Enar- 
rat. in Ev. Matth., praef., t. cxxm, col. 145, et Eufhy- 
mius, Comment, in Matth., t. cxxix, col. 113, repro- 
duisent la même pensée que saint Chrysostome, dont 
ils dépendent. Le caractère du premier Évangile répond 
bien au but de son auteur. Ce n'est pas, en effet, une 
biographie complète de Jésus. On y trouve, il est vrai, 
une esquisse de la vie du Sauveur et un sommaire de 
sa prédication. Mais les faits et les discours y sont grou- 
pés en vue d'une thèse à démontrer. L'auteur veut ma- 
nifestement prouver que Jésus, dont il raconte l'histoire 
et dont il expose les renseignements, est le Messie pro- 
mis au peuple juif, qu'il faut croire à sa parole et 
adhérer à sa doctrine. C'est pourquoi non seulement 
il débute, ainsi que le remarquait saint Irénée, par la 
généalogie davidique du Christ, mais surtout il dispose 
son récit de manière à faire ressortir dans la vie et la 
prédication de Jésus la réalisation continuelle de pro- 
phéties messianiques. De là, son souci constant de citer 
l'Ancien Testament et de montrer dans les événements 
l'accomplissement des oracles divins, en amenant les 
citations par des formules expressives, i, 22 ; n, 15, 17, 23; 
iv, 14; xxvn, 9, etc. De la encore sa préoccupation de 
signaler en Jésus toutes les prérogatives de roi, de lé- 
gislateur, de thaumaturge, de prophète et de souverain 
prêtre, que les écrivains de l'ancienne alliance ont 
attribuées au Messie. 

2° Tout en restant d'accord au sujet du but principal 
du premier Évangile, les exégètes modernes ont suivi 
des voies un peu divergentes, lorsqu'ils ont tenté de 
déterminer avec plus de précision la fin que se propo- 
sait saint Matthieu. Quelques-uns ont pensé que l'apôtre, 
en prouvant que Jésus était le Messie attendu, avait un 
but directement apologétique et polémique. Il s'adres- 
sait à ses coreligionnaires demeurés juifs et non encore 
convertis au christianisme en vue de les convaincre de 
la nature messianique de Jésus et en même temps de 
répondre aux calomnies que le sanhédrin avait répan- 
dues dans le public sur le compte du Sauveur, dont les 
disciples auraient enlevé le corps du tombeau pour 
faire croire à sa résurrection. Aberle, Einleitwig in 
dos N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1877, p; 20-32, a spé- 
cialement insisté sur cette considération qui, prise iso- 
lément, parait exagérée et se concilie difficilement avec 
les reproches sévères que le premier Évangile reproduit 
fréquemment contre les Juifs. Aussi la plupart des cri- 
tiques ont-ils, avec raison, atténué les vues propres 
d'Aberle, et sans nier toute fin apologétique et polé- 
mique contre les Juifs incrédules, ils ont mis l'accent 
sur le but dogmatique du récit de saint Matthieu. Tout 
en prouvant, en faveur des Juifs convertis, que Jésus 
de Nazareth était réellement le Messie prédit et attendu, 
cet écrit d'instruction dogmatique avait une pointe 
offensive contre les Juifs demeurés incrédules. Saint 
Matthieu, en effet, en établissant principalement que 
Jésus avait réalisé les prophéties messianiques et fondé 
sur terre le royaume messianique prédit, mais un 
royaume spirituel et non pas temporel comme les Juifs 
l'espéraient, voulait en outre expliquer que néanmoins 
il n'y avait pas lieu de s'étonner si les chefs de la na- 
tion juive et la plus grande partie du peuple n'avaient 
pas reconnu en Jésus le Messie et l'avaient, au con- 
traire, persécuté et mis à mort. Pour cela, tout en dé- 
crivant le véritable Messie et son œuvre, il raconte dans 
tout le cours de son récit la longue opposition des 
scribes et des pharisiens contre le Sauveur. C'est donc 
par aveuglement volontaire et coupable qu'ils n'ont pas 
reconnu en Jésus le Messie qu'ils attendaient. De la 
sorte, le but du livre n'était pas exclusivement didac- 
tique ; saint Matthieu visait à convaincre les Juifs in- 
crédules de leur erreur et à les en tirer, s'il était 



893 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) 



894 



possible, par la constatation de la réalisation des pro- 
phéties messianiques. « Son livre a un cachet plus juif 
que les trois autres. On dirait que l'auteur y adresse au 
peuple infidèle la sommation dernière de s'incliner de- 
vant le Messie méconnu, et comme l'ultimatum terrible 
qui précède l'heure de la ruine définitive. » Ms r Le 
Camus, La vie de N.-S. Jésus-Christ, 6 e édit., Paris, 
1901, t. i, p. 27. 

Le caractère particulier de la rédaction primitive de 
l'Évangile de saint Matthieu n'a pas -empêché cet Évan- 
gile, traduit en grec, d'être utile à des lecteurs grecs, 
soit aux Juifs hellénistes qui y trouvaient la confirma- 
tion de leur foi, s'ils étaient déjà convertis au christia- 
nisme, ou des motifs de se convertir, s'ils étaient 
demeurés juifs de croyance, soit même aux païens con- 
vertis qui y rencontraient l'exposé, fait sans doute à un 
point de vue particulier, mais identique de fond; de la 
catéchèse qu'ils avaient entendue de la bouche des 
autres apôtres. 

VIII. Style de l'Évangile gbec. — Le texte araméen 
de saint Matthieu étant perdu, on ne peut rien dire des 
caractères de son style. Quant au texte grec, il présente 
une telle liberté d'allures, une si parfaite unité et des 
particularités, déjà signalées, qu'au jugement de la ma- 
jorité des critiques, il n'est pas simplement l'œuvre 
d'un traducteur, mais bien un original grec. Pour 
concilier les témoignages des Pères en faveur d'un ori- 
ginal araméen et les arguments philologiques des cri- 
tiques en faveur d'un original grec, on peut admettre, 
comme nous l'avons déjà dit, que la traduction, exis- 
tant déjà au temps de Papias, a été faite assez librement 
pour être mise à la portée des lecteurs grecs, tout en 
reproduisant fidèlement le fond de l'écrit araméen pri- 
mitif. Quant aux qualités du style de cette version 
grecque, on peut dire que, comparativement aux deux 
autres synoptiques, l'Évangile de saint Matthieu tient 
le milieu entre la phrase simple, souvent lourde et pro- 
lixe de saint Marc, et l'élégance presque classique des 
parties propres à saint Luc. Il nous faut signaler en 
outre en saint Matthieu un certain nombre de mots 
caractéristiques et quelques tournures grammaticales. 
Appartiennent à son vocabulaire spécial les expressions 
souvent répétées : paaiXesa TtSv oùpavûv, trente-sept fois 
employée; 7taTY|p ô l7tovpâvio; ou i êv toïç oùpavotç, qu'on 
rencontre vingt fois; <xuvré>eta toû aiâvo;, cinq fois re- 
produit; 'IspodôXutia, partout usité, sauf xxm, 37, où on 
lit 'Iepou(ra)iri[jL; ulbç AautS, sept fois répété. Des locu- 
tions, rarement employées par saint Marc et saint Luc, 
sont fréquentes en saint Matthieu : àvaytopeîv, dix fois; 
(jaS)7)TEijEtv, trois fois; <ru(iëoûXtov Xaiiëâvetv, cinq fois; 
èiCTiâleiv, deux fois; ti<po;, six fois; oipiSpa, sept fois et 
toujours avec des verbes. Comme tournures spéciales 
nous citerons : 7tpo<rewetv, onze fois avec le datif de la 
personne; prfitit;, êppsÔTfj, dix-huit fois; sys'P 60 " 5 " ành; 
t<Ste servant quatre-vingt-dix fois de transition. Ces par- 
ticularités de style se rencontrent uniformément dans 
tout le premier Évangile et sont ainsi un indice de 
l'unité de l'auteur. Elles rendent aussi peu vraisem- 
blable l'utilisation par l'évangéliste de sources diffé- 
rentes, au moins de sources grecques. Quant à la ques- 
tion des sources écrites du premier Évangile, voir t. n, 
col. 2093-2098. 

IX. Bibliographie. — i. wtroquction. — Patrizi, 
De Evangelm,'l. l,c. i, Fribourg-en-Brisgau, 1853, p.l- 
32; Danko, Historia revelationis divines N. T., Vienne, 
1867, p. 263-273; H. de Valroger, Introduction histo- 
rique et critique aux livres du N. T., Paris, 1861, t. ii, 
p. 21-47; Aberle, Einleitung in das N. T., édit. Schanz, 
Fribonrg-en-Brisgau, 1877, p. 20-40; KauV'n, Einleitung 
in die heiligen Schrift A. und N. T., 2« édit., Fribonrg- 
en-Brisgau, 1887, p. 384-402; Fouard, Saint Pierre et les 
premières années du christianisme, Paris, 1886, p. 290- 
303, 531-535; Reuss, Die Geschichte der heiligen Schrift 



N.T., 6« édit., Brunswick, 1887, p. 187-196; R. Cornely, 
Introductio specialis in singulos N. T. libros, Paris, 
1886, p. 15-80; Trochon et Lesêtre, Introduction à 
l'étude de l'écriture Sainte, Paris, 1890, t. III, p. 44- 
74; H. J. Holtzmann, Einleitung in das N. T., 3« édit., 
Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 375-382; Trenkle, Einlei- 
tung in das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 96-106; 
A. Schsefer, Einleitung in das N. T., Paderborn, 1898, 
p. 188-212; P. Batiffol, Six leçons sur les Évangiles, 
2 e édit., Paris, 1897, p. 46-51 ; Godet, Introduction au 
N. T., Paris et Neuchâtel, 1898, t. n, p. 137-324; Jûli- 
cher, Einleitung in das N. T., 3 e et 4 e édit., Tubingue et 
Leipzig, 1901, p. 236-249; Zahn, Einleitungin das N. T., 
2« édit., Leipzig, 1900, t. Il, p. 252-334; J. Belser, Einlei- 
tung in das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 24-55. 
n. commentateurs. — 1° Pères. — Le commentaire 
de Théophile d'Antioche, dont parle saint Jérôme, De 
viris, 25, t. xxm, col. 643; Epist., cxxi, 6, t. xxn, 
col. 1020; Comment, in Mattn., prol., t. xxvi, col. 15, 
est perdu. Celui qui a été publié sous son nom par 
M. de la Bigne, Bibliotheca SS. Patrum, Paris, 1575, 
t. v, p. 169-192, par Otto, Corpus apolog., 1861, t. vin, 
p. 278-326, et par Zahn, Forschungen zur Geschichte 
des Neutestamentl. Kanons, 1883, t. n, p. 29-85, n'est 
pas de lui; c'est une compilation, de la fin du v" siècle 
environ, faite probablement dans le sud de la Gaule par 
un Latin. Cf. Zahn, op. cit., 1884, t. m, p. 198-277; Har- 
nack, dans les Texte und Untersuchungen, 1883, t. i, 
fasc. 4, p. 97-176 ; Pitra, Analecta sacra, 1884, t. n, p. 624- 
634,649-650; Hauck, dans Zeitschrift fur kirchl. Wissen- 
chaft und kirchl. Leben, 1884, t. v, p. 561-568; Sanday, 
dans les Studia biblica, Oxford, 1885, p. 89-101 ; Borne- 
mann, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, 1888-1889, 
t. x, p. 169-252. Origène, au témoignage de saint Jérôme, 
Comment, in Matth., prol., t. xxvi, col. 15, avait com- 
posé sur l'Évangile de saint Matthieu des scholies, 
vingt-cinq homélies et un commentaire en 25 tomes. Ce 
commentaire, composé à Césarée après 244, Eusèbe, 
H. E., vi, 36, t. xx, col. 597, nous est parvenu en par- 
tie : les tomes x-xvn, qui expliquent Matth., xm, 36- 
xxii, 33, existent en grec, t. xm, col. 886-1600; la suite, 
Matth., xvi, 13-xxvn, 63, a été conservée dans une tra- 
duction latine, ibid., col. 1599-1800. De petits fragments 
recueillis de divers côtés sont reproduits, ibid., 
col. 829-834. Saint Chrysostome a prononcé 90 homélies 
sur saint Matthieu, t. lvii, lviii. Des fragments des 
commentaires de saint Cyrille d'Alexandrie se trouvent, 
t. lxxii, col. 365-474. Cramer, Catena grsecorum 
Patrum in N. T., Oxford, 1844, t. i, p. 1-257, a publié 
des extraits d'autres commentaires grecs de saint Mat- 
thieu. D'autres chaînes sur saint Matthieu ont été pu- 
bliées par Possin, Toulouse, 1646, et par Cordier, 
Toulouse, 1647. Voir t. n, col. 484. Sur des manuscrits 
de la chaîne de Nicétas d'Héraclée, voir Faulhaber, Die 
Katenenhandschriften der spanischen Bibliotheken, 
dans la Biblische Zeitschrift, Fribourg-en-Brisgau, 1903, 
t. i, p. 367-398. — Dans l'Eglise latine, saint Hilaire de 
Poitiers, Com. in Evang. Matthmi, t. ix, col. 917-1078; 
saint Jérôme, Com. in Evang. Matthsei, t. xxvi, 
col. 15-218; saint Augustin, De sermone Domini in 
monte l. 11, t. xxxiv, col. 1229-1308; Qusest. Evang. 
I. 11, t. xxxv, col. 1321-1332 (le Liber queestionum XVII 
in Matth., t. xxxv, col. 1365-1376, qui lui est attribué, est 
très probablement apocryphe). L'Opus imperfecluni in 
Matthseum, longtemps attribué à saint Chrysostome et 
publié dans ses Œuvres, t. lvi, col. 611-946, est d'un 
écrivain latin, qui vivait à la fin du vr> siècle ou au 
commencement du vn e et qui était un peu infecté 
d'arianisme. Cf. Le pseudo-Chrysostome sur Matthieu, 
dans la Revue augustinienne, 15 octobre 1903, p. 289- 
313. Dom Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 
1903, t. m, p. 135-145, a réédité les Expositionculœ in 
Evangelium de saint Matthieu. 



895 



MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT) — MAUNOURY 



2° Moyen âge. — Chez les Grecs, Théophylacte, Enarrat. 
in Ev. Matthsei, t. cxxm, col. 139-488; Euthymius, 
Comment, in Matth., t. cxxix, col. 107-765; chez les 
Latins, Bède, In Matthsei Evang. expositio, t. xcu, 
col. 9-132; Raban Maur, Comment, in Matth., t. cvn, 
col. 727-1156; PaschaseRadbert, Expositio inMatthœum, 
t. cxx, col. 31-994; S. Bruno d'Asti, Comment, in 
Matth., t. CLXV, col. 63-314; Druthmar, Brevis exposi- 
tio in Matth. Evangelistam, t. cvi, col. 1261-1504 ; Ru- 
pertde Deutz, In Matth.. de gloria et honore filii ho- 
minis, t. clxviii, col. 1307-1634; S. Anselme de Laon, 
Enarratio in Matth., t. clxii, col. 1227-1500 ; Albert le 
Grand, In Matthseum, dans Opéra, , Paris, 1893,1894, 
t. xx, xxi, p. 1-336; S. Thomas, In Matthseum evange- 
listam, expositio, dans Opéra, Paris, 1876, t. xix, p. 226- 
268; Catena aurea in Matth. Evang., ibid-, t. xvi, 
p. 8-498. 

3° Temps modernes. — 1. Catholiques. — Nommons 
seulement les commentaires qui embrassent la Bible 
entière ou les quatre Évangiles, d'Erasme, de Denys 
le Chartreux, de Maldonat, de Jansénius, de Corneille 
de la Pierre, de Calmet, etc. A. Tostat a composé un 
commentaire long et diffus, surtout théologique, dans 
ses Opéra, 13 in-f°, Cologne, 1613, t. ix-xii. Les prin- 
cipaux commentaires de saint Matthieu publiés au 
XIX e siècle sont : Gratz, Kritisch-historicher Commen- 
tar ûber dos Evangelium des Matthàus, Tubingue, 
1821; P. Schegg, Evangelium nach Matthàus ùber- 
setu und erklârt, 3 in-S», Munich, 1856-1858; 2 e édit., 
1863; Arnoldi, Commentai' zum Evangelium des hl. 
Matthàus, Trêves, 1856 ; Bisping, Erklârung des Evan- 
geliums nach Matlhâus, Munster, 1864; Mac-Evilly, 
Exposition of the Gospels, Dublin, 1876; Van Steen- 
kiste, Commentarius in Evangelium secundum Mat- 
thseum, 4 in-8», Bruges,_ 1876; 3« édit., 1880-1882; 
4» édit., 1903; Fillion, Evangile selon S. Matthieu, 
Paris, 1878; Schanz, Commentât ûber das Evangelium 
des heiligen Matthàus, Fribourg-en-Brisgau, 1879; 
Liagre, Commentarius in libros historicos N. T., 
Tournai, 1883, t. i, p. 1-531 ; Knabenbauer, Commenta- 
rius in Evangelium secundum Matthseum, 2 in-8», 
Paris, 1892, 1893; Ceulemans, Comment, in Ev. sec. 
Matthseum, Malines, 1899 ; Van Ongeval, In Matthseum, 
Gand, 1900; Rose, Évangile selon saint Matthieu, Pa- 
ris, 1904; Gutjahr, Das heilige Evangelium nach Mat- 
thàus, Graz, 1904. 

2. Protestants. — En outre des anciens commentaires 
de Théodore deBèzeelde Grotius, nommons : Olearius, 
Observationes sacrse in Evangelium Matthsei, Leipzig, 
1713; Elsner, Commentarius critico-philologicus in 
Evangelium Matthsei, 1769; Kuinoel, Comment, in 
libros historicos N. T., Leipzig, 1807, 1. 1, Evangelium 
Matthsei; Fritzsche, Quatuor Evangelia, Leipzig, 1826, 
1. 1, Evangelium Matthsei ; Olshausen, Biblischer Com- 
mentar ûber sàmmlliche Schriften des N. T., Koenis- 
berg, 1830, t. i; Meyer, Kritisch-exegetisches Handbuch 
ûber das Evangelium des Matthàus, Gœttingue, 1832 ; 
2* édit., 1844; 6« édit., 1876; 8» édit., par Weiss, 1890; 
9 e édit., 1899; de Wette, Kurze Erklârung des Evange- 
liums Matthài, Leipzig, 1836; 4» édit., 1857; Baum- 
garten-Grusius, Commentât ûber das \Evangelium des 
Matthàus, Iéna, 1844; Bleek, Synoptische Erklârung 
der drei ersten Evangelien, édit. Holtzmann, Leipzig, 
1862; Lange, Theologisch-homilet. Bibelwerk, 4 e édit., 
Bielefeld, 1878; 5 e édit., par Zôckler; Abbott, The N. T. 
with notes and comments, Londres, 1875, t. i, Matthew; 
H. Lutteroth, Essai d'interprétation de quelques par- 
ties de l'Évangile selon S. Matthieu, Paris, 1860, 1864- 
1867, 1876; B. Weiss, Das Matthâusevangelium und 
■ seine Lucasparallelen , Halle, 1876 ; 2 e édit., 1902 ; Keil, 
Commentar ûber das ' Evangelium des Matthàus, 
Leipzig, 1877; Nôsgen, Evangelium Matth., Mark. u. 
Luk., 2« édit., Munich, 1896; Zahn, Das Evangelium 



des Matthàus, Leipzig, 1903; J. Wellhausen, Das Evan- 
gelium Matthsei, Berlin, 1904. 

E. Mangenot. 
MATTINA Léon, religieux bénédictin de la con- 
grégation du Mont-Cassin, né à Naples, mort à Padoue 
le 11 février 1678. Il avait fait profession de la règle de 
saint Benoit à l'abbaye de la Cava le 30 novembre 1648 
et fut chargé d'enseigner l'Ecriture Sainte à l'Université 
de Padoue. On a de lui : In libros Regum XLV dis- 
sertationes, in-4°, Padoue, 1675. — Voir Ziegelbauner, 
Hist. rei literarise ord. S. Benedicti, t. iv, p. 29; dom 
François, Bibl. générale des écrivains de l'ordre de 
Saint-Benoit, t..n, p. 223. B. Heurtebize. 

MAUDUIT Michel, théologien catholique français, 
né en 1644 à Vire, en Normandie, mort à Paris le 
18 janvier 1709. Entré jeune dans la congrégation de 
l'Oratoire, il y enseigna, pendant un certain temps, les 
humanités avec un grand succès. Dans une seconde 
période de sa vie, il se livra à la prédication. Enfin il 
s'adonna tout entier à l'étude de l'Écriture Sainte et à 
la composition de divers ouvrages, dont plusieurs sont 
des commentaires de différentes parties de la Bible : ils 
sont pleins d'érudition et montrent une grande connais- 
sance du latin et du grec. Ce sont : Analyse des Épîtres 
de saint Paul et des Épîtres canoniques, avec des 
dissertations sur les endroits difficiles, 2 in-12, Paris, 
1691, 1693 et 1702; Analyse de l'Évangile selon 
l'ordre historique de la concorde, par ***, 3 in-12, 
Paris, 1694; 4 in-12, Paris, 1703, et Rouen, 1710. Cet 
important ouvrage a eu dans la suite de nombreuses 
éditions; nous ne citerons que celles de Malines, 
9 in-12, 1821, et de Paris, 4 in-8», 1843-1844; Analyse 
des Actes des Apôtres, 2 in-12, Paris, 1697. — Une 
Analyse de l'Apocalypse, terminée avant la mort de 
l'auteur, est demeurée manuscrite. Voir le Mercure 
de France, mai 1709; Moréri, Dictionnaire historique, 
à l'article Mauduit; Ingold, Essai de bibliographie ora~ 
torienne, Paris, 1880-1882, p. 107. A. Régnier. 

MAUMAM (hébreu : Mehûmdn; Septante : 'Ajiâv), 
le premier des sept eunuques du roi Assuérus. Esth., i, 
10. On a rapproché- ce nom du perse Mehhum-van, 
« appartenant au grand Hum. » D'après M. Oppert, 
Commentaire du livre d'Esther, 1864, p. 20, c'est le 
perse Vahurnana, en persan .Ba/mia», '< magnanime. » 

MAUNOURY Auguste François, helléniste et exégète 
français, né le 30 octobre 1811, près de Domfront (Orne), 
dans une paroisse appelée Champsecret, mort à Séez, le 
17 novembre 1898. il fit au petit séminaire de Séez de 
très bonnes études, à la fin desquelles ses maîtres lui 
dirent qu'il devait être professeur à son tour. Son cours 
de théologie achevé, il fut chargé de la quatrième. 
Bientôt, on lui confia la seconde; et en 1852, déjà 
auteur renommé, il montait dans la chaire de rhétorique 
qu'il occupa vingt-deux ans. Vers 1866, M. l'abbé Mau- 
noury avait essayé sa plume aux commentaires de 
l'Écriture Sainte, et publié quelques explications de 
l'Évangile, dans la Semaine catholique du diocèse de 
Séez. Ayant cessé d'enseigner en 1875, il se livra entière- 
ment aux études d'exégèse. Il s'attacha à saint Paul. Les 
difficultés mêmes que présente le texte de l'Apôtre étaient 
un attrait pour le vieil helléniste. Il était depuis un an 
chanoine de la cathédrale, quand il commença à publier 
ses travaux sur les Épîtres. Il fit paraître, en 1878, le 
Commentaire sur l'jipitre de saint Paul aux Romains 
(il dit dans la préface « qu'un peu de grec éloigne de la 
Vulgate, que beaucoup de grec y ramène»); en 1879, Com- 
mentaire sur les deux Épîtres de saint Paul aux Co- 
rinthiens; en 1880, Commentaire sur les Épîtres de 
saint Paul aux Galates, aux Êphésiens, aux Philip- 
piens, aux Colossiens et aux Thessaloniciens; en 1882,. 



897 



MAUNOURY — MAURER 



Commentaire sur les Épîtres de saint Paul à Timothée 
à Tite, à Philémon, aux Hébreux; en 1888, Commen- 
taire sur les Epîtres catholiques de saint Jacques, saint 
Pierre, saint Jean et saint Jude. Chacun de ces volumes 
est in-8° et publié à Paris. C'est à saint Jean Chrysos- 
tome et à Théodoret que Maunoury demande le plus 
souvent ses explications. Sa doctrine exacte, profonde, 
pieuse, est fixée en des expressions d'une clarté et d'une 
concision caractéristique où se marque la personnalité 
de l'auteur. Connu jusque-là comme helléniste, Mau- 
noury se révélait théologien, et montrait comment la 
grammaire peut servir la science sacrée. Ces travaux 
reçurent un excellent accueil. On peut encore signaler 
des articles publiés dans des revues : Examen du 
texte de saint Paul : in quo omnes peccaverunl, dans la 
Revue des Sciences ecclésiastiques, mai et juin 1877, 
p. 442-458, 519-538, articles insérés plus tard, en 1879, 
à la suite de son Commentaire de l'Épitre aux Ro- 
mains. Ces deux articles eurent un contradicteur dans 
M. A. Leboucher, professeur de théologie au grand sé- 
minaire de Séez, qui publia sur la question deux fas- 
cicules : Élude critique sur le texte de saint Paul : in 
qvt> omnes peccaverunt, in-8°, Bar-le-Duc, 1877 et 1878. 
Plus tard, Maunoury voulut répondre aux articles de 
Paulin Martin contre l'authenticité du verset des trois 
témoins, I Joa., v, 7, dans un article intitulé : Le 
■verset des trois témoins célestes : réponse à M. l'abbé 
Martin, dans la même revue, avril 1889, p. 289-297. 
— L'auteur couronna son œuvre en 1894 par le Com- 
mentarius in Psalmos, 2 in-8°, Paris. Dans ce dernier 
ouvrage, le commentaire, écrit en un latin simple et 
élégant, suit la Vulgate et les Septante, sans demander 
au texte hébreu autre chose que des éclaircissements 
aux endroits les plus difficiles. — Entouré de la véné- 
ration de tous ses anciens élèves, Maunoury s'éteignit 
au petit séminaire de Séez, où il avait passé plus de 
soixante-dix ans. V. Prunier. 

MAUR (RABAN), Magnentius Hrabanus Maurus, 
écrivain ecclésiastique, né à Mayence, d'où son prénom 
de Magnentius, en 776, mort à Winfeld sur Rhin le 
4 février 856. Il fut élevé à l'abbaye de Fulde où il de- 
vint moine bénédictin et où il reçut le diaconat en 801. 
Peu après il fut envoyé à Tours où il suivit les leçons 
d'Alcuin. Ce fut Alcuin qui lui donna le surnom de 
Maurus, en souvenir du disciple de saint Benoît de ce 
nom. De retour à Fulde, il devint l'âme de l'école de 
l'abbaye et donna un grand éclat à son enseignement. 
Il fut ordonné prêtre en 814 et devint abbé en 822, di- 
gnité qu'il garda jusqu'en 842, époque où il donna sa 
démission. Le 26 juin 847, il fut sacré archevêque de 
Mayence. Pendant son pontificat, il tint trois conciles 
provinciaux. Sa vie fut très remplie et il fut un des 
hommes les plus remarquables de son temps. Il com- 
mença à écrire à l'âge de trente ans et continua pendant 
environ 41 ans. L'abondance de ses œuvres témoigne de 
son activité infatigable. Quoiqu'elles soient surtout une 
compilation, elles n'en rendirent pas moins de grands 
services, surtout dans les écoles. Ses œuvres complètes 
n'ont pas encore été publiées. G. Colvener en a édité la 
majeure partie, 6 in-f», Cologne, 1627. Migne a repro- 
duit cette édition, avec des additions diverses, dans sa 
Patrologie latine, t. cvii-cxh, col. 1851 -1852.Nous n'avons 
à mentionner ici que les écrits exégétiques de Raban 
Maur, mais ils constituent de beaucoup la partie princi- 
pale de son œuvre. Les voici avec les dates qui leur 
sont attribuées dans l'édition de Migne : 1° Commen- 
tariorum in Genesim libri quatuor, en 819 (t. CVH, 
col. 459-670); 2» Commentariorum in Matthmum li- 
bri oclo, en 822-826 (entre 814 et 822, d'après d'autres) 
(t. cvn, col. 727-1156); 3° Commentariorum in Exo- 
dum libri quatuor, en 834 (t. cvih, col. 9-246) ; 4° Expo- 
sitionum in Leviticum libri septem, en 834 (t. cvm, 

DICT. DE LA. BIBLE. 



col. 245-586); 5» Enarrationum in lïbrum Numéro- 
rum libri quatuor, en 834 (t. cvjii, col. 587-858); 
6° Enarrationis super Deuteronomium libri quatuor, 
en 834 (t. cvm, col. 857-998) ; 7" In lïbrum Josue libri 
très, en 834 (t. cvm, col. 999-1108); 8° Cammentaria 
in librum Judicum et Ruth, en 834 (t. cvm, col. 1107- 
1224); 9» Commentaria in libros quatuor Regum, 
en 834 (t. cix, col. 9-280); 10» Commentaria in li- 
bres II Paralipomenon, en 834 (t. cix, col. 279-540); 
11° Expositio in librum Judith, en 834 (t. cix, col. 539- 
592); 12» Expositio in librum Esther, en 836 (t. cix, 
col. 655-670); 13» Commentariorum in librum Sapien- 
tiœ libri ires, en 840 (t. cix, col. 671-762); 14» Commen- 
tariorum in librum Ecclesiasticum libri- deeem, en 840 
(t. cix, col. 763-1126); 15° Commentaria in libros Ma- 
chabeeorum, vers 840 (t. cix, col. 1125-1256); 16» Com- 
mentariorum in Ezechielem libri viginti, en 842 (t. ex, 
col. 495-1084); 17" Exposilio in Proverbia Salomonis 
(t. exi, col. 679-792); 18° Expositionis super Jerennam 
prophetam libri viginti (t. exi, col. 793-1272); 19» Enar- 
rationum in Epistolas Beati Pauli libri triginta (viginti 
noveni) (t. exi, col. 1273-1616, et t. cxn, col. 9-834); 
20° Allegorise in universam Sacram Scripturam (t. cxn, 
col. 849-1088), sorte de dictionnaire dans lequel un bon 
nombre de mots de l'Écriture sont expliqués d'une ma- 
nière allégorique ; 21» Commentaria in Cantica quse ad 
viatutinas Laudes dicuntur (t. cxn, col. 1088-1166). 
Le commentaire d'Isaïe date de l'époque où Raban 
Maur était abbé de Fulde; celui de Jérémie fut achevé 
pendant son épiscopat; il fut suivi de celui d'Ézéchiel 
et de Daniel. C'est à la même époque qu'il commenta 
saint Paul et saint Jean. Son travail s'étendit à tout 
l'Ancien et à tout le Nouveau Testament (t. cvn, col. 103), 
mais les commentaires sur Daniel et sur saint Jean 
n'ont pas été publiés, non plus que ses commentaires 
sur Esdras, Néhémie, Tobie, Job, les Psaumes, les Pro- 
verbes, l'Ecclésiaste, le Cantique des ^antiques, Isaïe, 
les douze petits prophètes, saint Luc, saint Marc, ies 
Actes des Apôtres, les Épîtres canoniques et l'Apoca- 
lypse. Sa vie a été écrite par un de ses disciples appelé 
Rodolphe; elle est en tête de ses œuvres, t. cvn, col. 41- 
106. Voir aussi Dahl, Leben und Schriften des Raba- 
nus Maurus, Fulde, 1828; Histoire littéraire de la, 
France, t. v, 1711, p. 151-203; Kunstmann, Hrabanus 
Magnentius Maurus, Mayence, 1841; Nik. Bach, Hra- 
banus Maurus der Schbpfer des deutschen Schulwesens, 
dans Zimmermann, Zeitschrift fur Alterthumswissen- 
schaft, t. n,1835, p. 636; Th. Spengler, Leben des heili- 
gen Rhabanus Maurus, in-8°, Ratisbonne, 1856; Kôh- 
ler, Hrabanus Maurus. Ein Beitrag zur Geschichte der 
Pâdagogik im Mittlalter, Chemnitz, 1870; Dietrich 
Tùrnau, Rabanus Maurus, Munich, 1900. 

MAURER Franz Valentin Dominik, exégéte protes- 
tant allemand, né à Rothweil (Wurtemberg) le 14 février 
1795, mort à Birlingen (Wurtemberg) le 13 janvier 1874. 
Il était né catholique. Après ses études au lycée de sa 
ville natale, il étudia la théologie à l'université de Tu- 
bingue et fut ordonné prêtre à Rottenburg en 1820. 
L'année suivante il apostasia pour devenir protestant. 
De 1826a 1833 il fut professeur à l'école Saint-Thomas, 
Thomasschule, de Leipzig. Il vécut plus tard tantôt 
à Stuttgart, tantôt à Cannstadt, et de 1843 à 1863 il exerça 
les fonctions de pasteur en plusieurs localités du Wur- 
temberg. Il prit sa retraite en 1867. — Les travaux de 
Maurer sont, pour la plupart, consacrés à l'exégèse. On 
a de lui : Commentar ûber dos Buch Josua, 2 in-8°, 
Stuttgart, 1831; Commentarius criticus in Vêtus Tes- 
tamentum, 4 in-8», Leipzig, 1832-1848 (le t. iv fut édité 
par Auguste Heiligstedt), ouvrage destiné aux étudiants 
en théologie, mais très superficiel; Observationes in 
Hoseam, publiées dans les Scholia in Vêtus Testante», 
tum de Rosenmùller, 2 e partie, 3 e édit., Leipzig, 1824. 

IV. - 29 



899 



MAURER — MAZZÔCHI 



900 



Outre ces œuvres exégétiques, Maurer publia : Prakti- 
scher Cursus ûber die Formenlehre der hebràischen 
Sprache, in-8°, Leipzig, 1837; Kurzgefasstes hebrâisches 
und chaldâisches Wôrterbuch, in -8°, Stuttgart, 1851 
(d'après Gesenius et Wurzelwôrlerbuch d'Ernest Meyer). 
— Voir Siegfried, dans Allgemeine deutsc/ic Biogra- 
phie, Leipzig, 1884, t. xx, p. 699. E. Michels. 

MAUVE. Quelques auteurs regardent la mauve sau- 
vage, Malva sylveslris, comme le Malluah ou plante 
dont se nourrissaient les pauvres indigènes d'après Job, 
xxx, 4. Mais il n'y a pas de raison fondée dans cette 
identification : on ne cueille pas d'ailleurs la mauve sur 
les buissons. La Malluah n'est pas non plus la corrète 
potagère, appelée «. mauve du Juif », t. h, col. 1026; 
mais c'est l'arrocheou Atriplex halimus,t. i, col. 1032. 

E. Levesque. 
MAVIAËL. (hébreu : Mehûyâ'èl et Mehîyd'êl; Sep- 
tante : Ma) e),êt|X), le troisième descendant de Caïn, fils 
d'Irad et père de Mathusaël. Gen., iv, 18. L'orthographe 
de ce nom en hébreu diffère, dans les divers manuscrits. 
On peut l'expliquer hypothétiquement comme signifiant 
[ o; frappé par Dieu ». Gesenius, Thésaurus, Additam., p. 97. 

1. MAYER Georg Cari, théologien catholique alle- 
mand, né à Aschbach (Bavière) 1811, mort à Bamberg le 
22 juillet 1868. Ordonné prêtre en 1837, il devint, l'année 
suivante, vicaire à la cathédrale de Bamberg; cinq ans 
plus tard il devint professeur au lycée et, en 1862, cha- 
noine à la cathédrale de la même ville. En théologie dog- 
matique Mayer était adhérent d'Antoine Gùnther, dont il 
propagea et défendit les erreurs par de nombreux écrits. 
Après avoir été combattus et réfutés longtemps par 
d'autres théologiens, ses ouvrages furent censurés en 
1857 et 1868. Mayer se soumit avec son maître à la sen- 
tence de l'Église. — Il a publié plusieurs oeuvres exé- 
gétiques : CoUhnentar ûber die Briefe des Apostels 
Johannes, in-8», Vienne, 1851 ; Die Echtheit des Evan- 
geliums nach Johannes, in-8°, Schaffhouse, 1854; Die 
patriarchalischen Verheissungenunddie messianischen 
Psalmen, in-8°, Nordlingue, 1859; Die messianischen 
Prophezien, 2 in-8°, Vienne, 1860-1865. Le tome pre- 
mier traite des prophéties d'Isaïe, le second de celles de 
Jérémie et d'Ézéchiel. Cependant les œuvres exégétiques 
de Mayer ne sont guère importantes; cette dernière 
surtout contient quantité d'opinions étranges et même 
bizarres, telle, par exemple, celle de la gloire future des 
juifs, etc. — Voir Allgemeine deutsche Biographie, 
Leipzig, 1885, t. xxi, p. 94-95; Hurler, S. J., Nomen- 
clator literanus Iheol. cathol., Insbruck, 1895, t. I, 
éo\. 1030-1031; Literarischer Handweiser, 1865,p. 302; 
1868, p. 40-1. E. Michels. 

2. MAVER Jean Frédéric, théologien luthérien, né à 
Leipzig le 6 décembre 1605, mort à Slettin le 30 mars 1712. 
Il enseigna la théologie, fut pourvu d'importants béné- 
fices et devint surintendant général des églises de Pomé- 
ranie. Très versé dans les lettres latine, grecque et 
hébraïque, il prit une part active à toutes les discus- 
sions de doctrine qui divisaient les protestants. Parmi 
ses très nombreux écrits nous ne citerons que les sui- 
vants : De pesnitentia bestiarum Ninivitica, in-4», 
Leipzig, 1673; Admirabile Jacobi cum duabus sorori- 
bus conjugium, in-4", Leipzig, 1674; De arbore scientix 
boni et mali, in-4°, Wittenberg, 1685; XJtrum Moses 
Jïgyplium juste interfecerit, in-4°, Wittenberg, 1685; 
Elias corvorum conviclor, in-4°, Wittenberg, 1685; 
Reformatio Josise régis ab idolo in Templo facta, 11 
Reg. xxiu, 6-7, in-4», Wittenberg, 1685; Tempus Christi 
jusliliœ nostrœ, Dan., ix,24, in-4», Wittenberg, 1685; 
De vulpeculis Sinsonis, iu-4», Wittenberg, 1686; De 
lapidatione Stephani, Act., vu, 59, in-4», Hambourg, 
1690; Ulrum autographa biblica hodie exsien t, in-4», 



Hambourg, 1692; De tiudio biblico recte instituendo, 
in-4», Hambourg, 1694; Historia versionis germanicse 
Bibliorum D. Martini Lulheri. Accedit manlissa de 
translalionibus Bibliorum germanicis ante Lutherum 
sive editis, sive inedilis et de notis veterum Biblicis 
dissertationes, in-4», Hambourg, 1701 : une première 
édition avait été publiée en 1693 ; Exegesis in Psalmum I 
etnuna cum annexis usibus elenchticis, in-4», Greifs- 
wald, 1702; De miraculis quse Christo tribuuntur ante 
miraculum in nuptiis Canse in Galilsea, in-4», Greifs- . 
wald, 1703; De prmceptoribus Christi, in-4», Greifswald, 
1704; De sacrificio matutino et vespertino, Ex., xxix, 
39, in-4", Greifswald, 1704; De benedictione sacerdolali, 
Num.,xvi, 22, in-4», Greifswald, 1705; Jobus liberossuos 
sanctificans, in-4», Greifswald, 1705; De Agno occiso ab 
origine mundi, Apoc, xin, 8, in-4°, Greifswald, 1706 ; De 
Anti-Scripturariis recentioribas, in-4», Greifswald, 1707 ; 
Dissertatio historico-ecclesiastica de Patriarchis He- 
brseorum, in-4», Greifswald, 1707; De templo Judxorum 
tertio, in-4», Greifswald, 1707; Paulus Suecorum apos- 
tolus dissertationibus academicis in epistolam ad Ga- 
latas reprœsentatus, in-4°, Greifswald, 1709; Bibliotheca 
Biblica sive Diisertationum de notitia auctorum ponti- 
ficiorum, reformatorum et lutheranorum, immo et 
Judseorum qui in Sacram Scripturam commentario- 
runi scripserunt, in academia Gryphiswaldenti émis- 
sarum decas, in-4°, Francfort, 1709; cet ouvrage fut 
continué par Ch. Arndt, in-4», Rostock, 1713. — Voir 
Tholuck, Geistder Luther. Theol. Wittenbergs,p. 234; 
Le Long, Biblioth. sacra, p. 854; Walch, Biblioth. theol., 
t. iv, p. 79, 373, 699, 1059, 1076. B. Heurtebize. 

MAYERHOFF Ernest Théodore, théologien luthé- 
rien allemand, né à Neuruppin le 5 décembre 1806, mor 
à Berlin en décembre 1837. On a de lui, entre autres 
écrits, Die petrinischen Schriflen, Hambourg, 1835; 
Der Brief an die Colosser, œuvre posthume, publiée 
par L. Mayerhoff, Hambourg, 1838. 

MAZZALOTH (hébreu : Mazzâlôt; Septante : 
MaÇouptiG; Vulgate : duodecim signa), nom hébreu 
des signes du zodiaque, d'après la plupart des com- 
mentateurs. IV Reg., xxiii, 5. Voir Astronomie, t. i, 
col. 1196. C'est l'assyrien mazzalta. H. Gunkel, Schôp- 
fung und Chaos, 1891, p. 140. 

MAZZAROTH (hébreu : Mazzârôl; Septante ; 
MaÇouptiO; Vulgate : Lucifer), mot hébreu qui so lil 
seulement dans Job, xxxvm, 32. On croit généralement 
que Mazzaroth est le même terme que Mazzâlôt. On l'a 
traduit autrefois de diverses manières : Vulgate : Luci- 
fer ou Vénus comme étoile du matin; Peschito : la 
grande Ourse, etc. On s'accorde communément aujour- 
d'hui à y reconnaître les signes du zodiaque. Voir 
Astronomie, t. i, col. 1196. 

MAZZOCHI (Alexis Symmaque Mazzocolo dit), anti- 
quaire italien, né à Santa-Maria près de Capoue le 
22 octobre 1684, mort à Naples le 12 septembre 1771. 
D'une famille pauvre, il fit ses études aux séminaires de 
Capoue et de Naples. Ordonné prêtre, il fut chargé 
d'enseigner le grec et l'hébreu. En 1732, il fut nommé 
chanoine de Capoue, mais l'archevêque Spinelli le rap- 
pela à Naples et en fit son théologal. H enseigna alors la 
théologie et l'Ecriture Sainte et devint supérieur du 
grand séminaire refusant un archevêché que lui offrit le 
roi de Naples. Parmi ses nombreux travaux, nous n'avons 
à mentionner que le suivant : Spicilegium Biblicum, 
3 in-4», Naples, 1763-1778. — Voir Lé Beau, Éloge de 
Mazzochi, dans les Mémoires de l'Académie des Inscrip- 
tions et Belles-Lettres, t. xxxvm; Picot, Mémoires 
pour servir à l'hist. eccles. du xviip siècle, t. iv (1855), 
p. 471. B. Heurtebize. 



901 



MAZZOTH — MÉDABA 



902 



MAZZOTH (hébreu : Masôt ; Septante: t« ô^uu-a; 
Vulgate : azyma), mot hébreu qui signifie « (pains) 
azymes, sans levain » et qui sert à désigner la fête de la 
Pâque. Cette fête est appelée hag ham-niasôt, Exod., 
xxiii, 15; II Par., vm, 13; xxx, 13, 21, et simplement 
masôp, Exod., xii, 17. Voir Paque. 

MÊ'AH, nota d'une tour de Jérusalem (Vulgate : Cen- 
tum, Emath). Il Esd., ni, 1 ; xn, 38 (39). Voir Émath 4, 
t. ii, col. 1723. 

MÉCHANT. Voir Impie, t. m, col. 845. 

MÈCHE (hébreu : pistdh; Septante : Xc'vov; Vulgate: 
linwnx), substance filamenteuse qui trempe dans l'huile 
des lampes et dont on allume l'extrémité qui émerge. 

1° Les anciens employaient diverses substances pour 
les mèches de leurs lampes : les feuilles de certaines 
plantes, comme la molène, <p>.ô[Aoç, ou l'une de ses va- 
riétés, 6puaXXîç, Pollux, vi, 103; x, 115; Pline, H. N., 
XXV, x, 4; le lin, Pausanias, I, xxvi, 6; l'étoupe. PJine, 
H. N., XIX, 1, 3; le papyrus, Pline, H. N., XXVIII, xi, 
47; le ricin, Pline, ff. N., XXIII, îv, 41, etc. Pour 
donner plus d'éclat à la lumière on ajoutait du soufre 
aux mèches, Pline, H. N., XXXV, xv, 50, ou du sel à 
l'huile, Hérodote, n, 62; Pline, H. N., XIII, i, 2; XV, 
m, 4. Cf. Daremberg et Saglio, Dict. des ant. grecques 
et romaines, t. m, p. 1332. — Les Hébreux se servaient 
surtout de lin pour les mèches des lampes, d'où le nom 
de pisfâh, « lin, » donné à la mèche. Voir Lin, col. 258. 
Quand les vêtements de lin que portaient les prêtres 
étaient hors de service, on en faisait des mèches pour 
les lampes du sanctuaire et de ses parvis. Gem. Schab- 
bath, 21, 1; 79, 2. Cf. Reland, Ântiquitates sacrss, Utrecht, 
1741, p. 95. La combustion de ces mèches n'était jamais 
bien complète ; aussi fallait-il les moucher de temps en 
temps, voir Mouchettes, et les débarrasser ainsi de 
résidus provenant soit de leur mauvaise composition, 
soit de l'épuration imparfaite de l'huile. 

2° Isaïe, xliii, 17, représente les ennemis d'Israël 
comme poursuivis par le Seigneur, anéantis et « éteints 
comme une mèche ». Le Seigneur n'a pas eu plus de 
peine à les faire disparaître qu'on en a pour souffler 
une mèche de lampe. Dans sa prophétie sur le Messie, 
Isaïe, xlii, 3, dit qu'il « n'éteindra pas le lin fumant », 
c'est-à-dire qu'il ne détruira en aucune âme la dernière 
ressource qui reste, si faible soit-elle, pour que cette 
âme revienne à la lumière et au salut. Notre-Seigneur 
s'appliqua cet oracle, Matthieu, xn, 20, et montra par 
tous ses actes qu'il était venu pour le réaliser. 

H. Lesètre. 

MÉCHÉRATHITE (hébreu : ham-Mekêràti; Sep- 
tante : ô Msx<">pa8p( : Alexandrinus : à Mixoupotôi), sur- 
nom d'Hépher, un des vaillants soldats de David. IPar., 
xi, 36. Si la leçon Méchérathite était certaine, il en résul- 
terait que Hépher était originaire d'une localité incon- 
nue, appelée Méchérah, mais il est probable que Méché- 
rathite est une corruption de Machatîte ou Maachatite 
(voir Maacha 10, col. 466), car dans le passage parallèle 
II Beg., xxiii, 34, au lieu et place de « Hépher, le Mé- 
chérathite », nous lisons : « Aasbaï, fils du Maachatite. » 

MÉCHITHAR, commentateur arménien catholique, 
né à Sébaste en Arménie l'an 1676 et mort à Venise en 
1749. Il fut le fondateur et le premier abbé général de la 
congrégation qui porte son nom et à laquelle il donna la 
règle de saint Benoît. Cet ordre monastique fut approuvé 
par Clément XI en 1712. Le couvent des Méchitharistes 
de Venise a été pour la nation arménienne, pendant les 
deux derniers siècles, comme un foyer de science reli- 
gieuse et d'études orientales. — Parmi les ouvrages rela- 
tifs à la Bible, publiés par Méchithar, nous citerons 1° une 
édition, très rare aujourd'hui, du texte de la Bible 



JJ«j«i»jiî-ii#5-u»,2»«-^>^ \pu/mlruA'j, illustrée de gravures, 
in-f°, Venise, 1733-1735; 2° un Commentaire de l'Évan- 
gile de saint Matthieu {Hpt-^nt-pf/uu (J>u>ii>0£^ 
uit-binuipuShpb} d'une doctrine pure et élevée,in-4°, Venise, 
1737; 3° un Commentaire de l'Ecclésiaste [jpt^at.p^i:'b 
^n^n^njpi»), ouvrage fort estimé, in-f°, Venise, 1736. 

J. Miskgian. 
MÉCHITHARISTES (TRAVAUX DES) SUR 
LES SAINTES ÉCRITURES. Voir Avédikian Ga- 
briel, Kôver-Akontz, Pacradoimi Arsène, Tchamtchian 
Michel et Zohrab Jean. J. Miskgian. 

MECHMAS (hébreu : MikmaS; Septante : M«xnâç), 
orthographe, dans la Vulgate, II Esd., xi, 31, du nom 
delà ville qu'elle appelle ordinairement Machinas. Voir 
Machmas, col. 507. 

MECHNEDEBAÏ (hébreu : Maknadbaï; Septante : 
Max«8vaëoû), un des fils de Bani qui, du temps d'Esdras, 
avait épousé une femme étrangère et consentit à la ren- 
voyer. I Esd., x, 40. Le nom est peut-être altéré. Les 
variantes, dans les manuscrits grecs, en sont nom- 
breuses: Sinaiticus: 'A/aSvaéo-i; Lucien : xai Na8*&oiS. 
D'après le grec, on pourrait supposer que le dernier 
élément du nom était le dieu Nabo. 

MÉDABA (hébreu : Mêdbd'; Septante : MaiSoëit, 
Jos., xm, 9; M?i8aë«; I Par., xix, et I Mach., ix, :36,; 




233. — Monnaie de Médaba trouvée à Jérusalem. 

ATTO KEEA ANTONINO. Buste d'Élagabale, à droite, la tête laurée. 

fy IrtHAABQN TrXH. Astarté, debout à gauche, la tète toure- 

lée," vêtue d'un court chiton et posant le pied droit sur une prous 
de navire; sur la main droite tendue, un petit buste d'honime> 
dans la main gauche, une corne d'abondance. Voir E. Babelon, 
dans Académie des Inscriptions, Comptes rendus, 1898, p. 389. 

Vulgate : Medaba, Nom., xxi, 30; Jos., xni,9,16; IPar., 
xix, 7; Is., xv, 2; Madaba, I Mach., ix, 36, 37), ville 
de la tribu de Ruben (fi g. 233). 

I. Nom. — Médaba, d'après Gesenius, Thésaurus, 
p. 775, et plusieurs autres interprètes, dériverait dewê, 
« eaux, » et de dâbâh, « être tranquille, » et signifierait 
« la ville aux eaux tranquilles ». Fûrst, Hebràiscfies 
Handwôrterbuch, Leipzig, 1876, t. i, p. 727, traduit 
« Rivière d'abondance, c'est-à-dire rivière forte et abon- 
dante ». L'état physique du territoire de Mâdaba, où 
font défaut toute espcce de cours d'eau et de sources ne 
paraît pas justifier cette étymologie, non plus que l'or- 
thographe de ce nom dans l'inscription de la stèle deMésa 
où ce nom est écrit Mahdeba', «sine. L'interprétation 
de saint Jérôme, De nominibus hebr., t. xxiii, col. 807, 
aquarum famés, « manque d'eau, » semble plus 
vraisemblable. Il traduit cependant encore : aquœ enii- 
nentes, « les eaux supérieures, » ibid., col. 795. 

II. Situation. — Médaba est citée la première fois au 
livre des Nombres, xxi, 30, dans le chant de guerre des 
Amorrhèens d'Hésébon célébrant leurs triomphes sur 
lesMoabites. « Leur joug, y est-il dit, a été brisé d'Hésé- 
bon à Dibon. Nous avons porté nos ravages jusqu'à 
Nophé et jusqu'à Médaba » (d'après l'hébreu); Vulgate, 
inexactement : « dans leur lassitude, ils sont parvenus 
à Nophé et jusqu'à Médaba. » Ce texte indique Médaba 



903 



MÉDABA 



904 



au sud d'Hésébon, entre cette ville et Dibon. Josué, 
Xni, 9 et 16, montre Médaba au nord de l'Arnon et 
d'Aroër, bâtie sur la lisière de cette vallée, sur la plaine 
(misor) à laquelle elle donne son nom et nécessaire- 
ment au sud d'Hésébon, puisqu'elle est attribuée avec 
son territoire à la tribu de Ruben dont Hésébon formait 
la limite septentrionale. Ptolémée, v, 16, place Mï|8dtëa 
{des manuscrits ont Urfiava, Mqôja et MriSûva), à 68° 
30' de longitude et 30° 45' de latitude, c'est-à-dire au 
sud d'Hésébon marqué à 68" 30' et 31". D'après Eusèbe, 
« Meddaba, ville d'Arabie, ayant gardé son ancien nom, 
■est située près d'Ésébon, » à dix milles ou 15 kilomètres 
de Cariathaîm, qui est l'occident, non loin de Baara; 
à douze milles de Matthané, située elle-même à l'Orient. 



appelé MiSôr de Médaba; il dominé la plaine de quelques 
mètres. Le sommet de la colline est couronné par les 
constructions de la mission catholique latine, entourées 
d'un mur; elles se dressent sur les débris d'anciens 
bâtiments paraissant être ceux de la citadelle de la 
ville. Les habitations du village se groupent tout autour, 
étagées sur les flancs de la colline. La plupart sont assez 
grossièrement bâties, bien que leurs murs soient for- 
més en grande partie avec des pierres d'un bel appareil, 
empruntées aux ruines des églises, des monuments pu- 
blics et des demeures particulières de la cité antique 
sur laquelle s'élève le village moderne. Souvent des 
tronçons de colonnes sont dressés aux portes des mai- 
sons et des chapiteaux corinthiens ou ioniques encastrés 









234. — Médaba, vu du sud-est. D'après une photographie de M. L. ifeidet. 



Onomasticon, aux mots Meddaba, Cariathaîm et Mat- 
thané, édit. Larsôw et Parthey, Berlin, 1862, p. 284, 
252, 275; cf. S. Jérôme, De situ et nominibus loc. hebr., 
t. xxin, col. 910, 885, 889, 904. A huit kilomètres, au 
sud, légèrement ouest de Ifesbân, l'antique Hésebon ; à 
vingt-sept kilomètres au nord de l'Ouadi-.Modje&, jadis 
la vallée d'Arnon, et autant ou à peu près des ruines de 
'Ar'ar et de Dibàn, dans lesquelles on reconnaît les 
villes bibliques d'Aroër et de Dibon ; à vingt-deux kilo- 
mètres au nord-nord-est de Khirbet Qêraïéh, identifié, 
avec grande probabilité, avec la Cariathaîm des Livres 
Saints (voir t. u, col. 773), on trouve aujourd'hui une 
localité appelée. par les Arabes Mâdaba ou Médaba. C'est 
évidemment l'ancien nom de Médaba. Cette identité du 
nom, la corrélation entre les indications bibliques et 
historiques et la situation de la localité actuelle, l'ont 
fait universellement reconnaître pour la ville de la Bible. 
La légère différence entre l'une ou l'autre des données 
anciennes et la position réelle de la ville peut s'expliquer 
par ce que les chiffres et les directions indiqués dans 
Eusèbe ou les autres spnt simplement approximatifs. 
III. Description. — Le village actuel de Mâdaba 
(fig. 234) est bâti sur une éminence s'élevant au centre 
d'une dépression forjnée au milieu du plateau jadis 



dans leurs murs. Dans plusieurs d'entre elles, de su- 
perbes mosaïques, avec de riches dessins de figures 
d'hommes, d'animaux et d'arbres, ou avec des inscrip- 
tions grecques, servent encore de pavement. Autour 
du village, çà et là, on remarque des traces d'une an- 
cienne enceinte. Elle parait avoir eu deux portes seule- 
ment, l'une à l'est, l'autre du côté septentrional. Les 
assises restant des jambages de la porte orientale sont 
faites de pierres taillées à refend d'un mètre environ 
de longueur et de plus de soixante centimètres de lar- 
geur et d'épaisseur. Appartenaient-elles aux portes de 
la ville de l'époque judaïque ? Il le semble. A l'intérieur, 
à droite de la porte en entrant, un espace entouré de 
bases nombreuses de colonnes paraît avoir été une place 
publique ou forum. La ville s'étendait en dehors de la 
muraille, où l'on retrouve des vestiges d'édifices impor- 
tants et de plusieurs églises. Une grande piscine de 
cent vingt mètres de longueur d'est à ouest et cent en- 
viron de largeur recevait, au sud de la ville, les eaux 
de pluie découlant du plateau par les ravins qui en- 
tourent la cité. Il est difficile de déterminer l'origine 
des débris nombreux amoncelés de toutes parts et de 
spécifier ceux qui peuvent avoir appartenu à la ville 
primitive ou à l'époque judaïque. Une inscription sépul- 



905 



MÉDABA 



906 



craie, en langue arâméenne et en caractères nabuthéens, 
est datée de la 46» année du roi nabuthéen (t. i, col. 943), 
nommé par saint Paul, II Cor., xi, 32, Arétas (IV) 
Philodème, c'est-à-dire de l'an 37 de l'ère chrétienne. 
Recueillie en 1889, par le P. Zéphyrin Biever, mis- 
sionnaire latin de la localité, elle est aujourd'hui au 
musée pontifical du Vatican. Cf. J. Lagrange, dans la 
Zeitschrift fur Assyriologie, 1890, p. 290; J. B. De Bossi, 
Inscrizione in scrittura e Ungua nabatea trovata in 
Madaba, in-4°, Borne, 1893. Les ruines de l'époque 
gréco-romaine sontde beaucoup les plus nombreuses. Les 
unes sont païennes, la plupart chrétiennes. On a décou- 
vert jusqu'ici, tant dans l'intérieur de l'enceinte qu'en 
dehors, neuf ou dix églises bâties du iv= ou v 8 siècle au vu». 
Elles étaient pavées de riches mosaïques, couvertes 
d'inscriptions grecques. L'œuvre la plus curieuse en ce 
genre est une carte géographique construite au V e ou 
au vi c siècle, La carte formait la plus grande partie du 
pavement d'une église située au nord-est de la ville. 
Sa longueur, dans le sens de la largeur de l'église, du 
nord au sud, était de 15 mètres et sa largeur de 13 en- 
viron. Elle comprenait tout le territoire des douze tri- 
bus d'Israël, le pays de Moab, la basse Egypte et une 
partie, ce semble, de l'Idumée, de l'Ammonitide et de 
la Syrie. Toutes les principales localités bibliques y 
étaient inscrites et figurées dans les formes qu'elles de- 
vaient avoir au temps de la construction de la mosaïque. 
Jérusalem y était représentée avec ses principaux mo- 
numents. Les souvenirs évangéliques avaient été l'objet 
d'une attention spéciale. Découverte en décembre 1896 
par le P. Cléophas Kœkilidos, bibliothécaire du cou- 
vent grec du Saint-Sépulcre de Jérusalem, la mosaïque 
venait malheureusement d'être gravement mutilée par 
les constructeurs de la nouvelle église qu'on élevait 
sur les ruines de l'ancienne. Il reste la tribu de Juda 
presque entière, une partie de la tribu de Benjamin 
et des tribus de Dan, Ephraim, Siméon, Ruben, des 
fragments insignifiants de Zabulon et de Nephthali, et 
d'autres plus considérables de Moab, de l'Egypte et du 
désert de l'égarement, le quart environ de la totalité de 
la carte. Elle était, ce semble, la représentation de la to- 
pographie sacrée telle qu'elle était connue alors et 
qu'Eusèbe de Césarée décrit dans son célèbre ouvrage, 
YOnomasticon, et dont il avait tracé lui-même un des- 
sin, comme il le dit dans la préface. Cf. Cléophas 
M. Kœkilidos, '0 h Ma8ï)Sâ Mocraïxbi; xai Tziay paçtxôç 
Tiepî Eupi'aç IlnXoiiejTÎvnç xai AiyÛ7UTov XâpTrjç, in-8", 
Jérusalem, 1897 ; J . Lagrange, La m osaïque géographique 
de Madaba, dans la Revue biblique, 1897, p. 165-184 et 
450458; E. Stevenson, dans le Nuovo bollettino di archeo- 
logia cristiana, Rome, 1897, p. 45-102; Clermont-Gan- 
neau, Archéologie orientale, Paris, t. n, 1898, p. 165-175. 
IV. Histoire. — 1° Médaba était déjà une ville impor- 
tante et célèbre, au moment de l'arrivée des Hébreux 
sur les confins de la terre de Chanaan, comme on le 
voit par le chant d'Hésébon dont nous avons parlé. 
Num., xxi, 30. Prise aux Moabites par les Amorrhéens 
leurs voisins, elle semble avoir été alors consumée par 
les flammes. C'est dans la plaine qui se développe au sud 
que s'avança le roi Séhon pour s'opposer à la marche 
de Moïse et de son peuple se dirigeant vers lâTérre 
Promise. La bataille se livra entre Médaba et Jassa, 
Jassa était située entre Médaba et Dibon. Voir Jassa, 
t. m, col. 1138. Séhon fut battu et la plaine de Médaba 
avec la ville fut donnée en possession par Moïse lui- 
même à la tribu de Ruben. Num., xxi; cf. Jos., xin, 
8-9, 15-18. — 2° L'armée des Syriens de Mésopotamie, 
de Maacha et de Soba, appelée par le roi des Ammonites 
Hanon, fils de Naas, pour le défendre contre David dont 
il redoutait la vengeance, à cause de l'injure faite à ses 
ambassadeurs, vint prendre position près de Médaba. 
EUe était forte, d'après I Par., xix, 7, de 32000 chars 
«le guerre. Les Ammonites s'étaient établis en ordre 



de bataille près des portes de la ville. Joab, envoyé par 
David, se trouvait entre les deux armées. Il chargea 
son frère Abisaï de faire face aux Ammonites, tandis que 
lui attaquerait l'armée des alliés. Les Syriens défaits 
prirent la fuite. Les Ammonites s'enfermèrent alors 
dans la ville tandis que Joab rentra pour le moment à 
Jérusalem. 1 Par., xix, 1-15. Ni le texte hébreu ni la 
version ne . nomment la ville près de laquelle se ran- 
gèrentles Ammonites, mais des interprètes ont cru qu'il 
s'agit de Médaba. Cependant le récit n'indique pas que 
les Ammonites se soient éloignés de leur capitale. S'ils 
eussent été près des portes de Médaba, leur armée eût 
été unie à l'armée de leurs alliés, et Joab ne se fût 
point trouvé entre deux corps séparés; Médaba n'était 
point non plus au pouvoir des Ammonites et ils ne 
pouvaient y rentrer. La ville où ils se réfugient est celle 
sans doute où Joab ne va pas tarder à venir les attaquer 
de nouveau, Rabbath-Ammon, leur capitale, I Par., 
xx, 1, aujourd'hui 'Amman, située à 30 kilomètres au 
nord-est de Médaba. — 3° Médaba, après les règnes 
de David et de Salomon, passa de nouveau, semblé-t-il, 
sous la domination des Moabites. Le roi Mésa se vante ' 
en effet de l'avoir reprise aux Israélites qui l'avaient 
occupée sous le règne d'Amri (930-918) : « Amri, dit-il 
dans l'inscription de sa stèle, lignes 7-8, avait pris la 
terre de Médaba, et Israël y avait habité pendant ses 
jours et (?) la moitié des jours de son fils [Achab], qua- 
rante ans... [et l'a reprise (?)]. »Cf. Vigouroux,LaJSi&(eet 
les découvertes modernes, 3 e part.,c. iv, 6" édit., Paris, 
1898, p. 469. — 4° Réoccupée par les Israélites alliés 
de Josaphat, roi de Juda, et du roi d'Idumée, cf. IV Reg., 
m, 25, elle se trouvait de nouveau au pouvoir des Moa- 
bites, au temps d'Isaïe. Le prophète, en annonçant les 
malheurs qui vont fondre sur ce peuple, cite (xv, 2) 
Médaba parmi les villes dont la ruine va susciter les 
rugissements de Moab. — 5° Après la captivité deBaby- 
lone et au commencement de la lutte des Machabées, 
Médaba était occupée par les fils de Jambri. I Mach., 
ix, 36. Un certain nombre de manuscrits et Josèphe, 
Ant. jud., XIII, i, 4, ont « les fils d'Amarée », c'est-à- 
dire, selon l'explication de divers interprètes, des 
descendants des anciens Amorrhéens. Cf. Jambri, t. m, 
col. 1115. Jonathan Machabée ayant envoyé son frère 
Jean demander aux Nabuthéens alors, amis des Juifs, 
de garder ses bagages (d'après le grec; de leur prêter 
leur appareil militaire, d'après la Vulgate), pendant la 
guerre contre le général gréco-syrien Bacchide, les ha- 
bitants de Médaba les surprirent dans le voisinage de leur 
ville, s'emparèrent du butin et mirent à mort Jean et ses 
compagnons. Voir Jean 2, t. m, col. 1153; Jonathas 3, 
t. m, col. 1620. Pour venger leur frère, Jonathan et 
Simon ayant appris que les Médabéens devaient célé- 
brer en grande pompe le mariage d'un des leurs avec 
la fille d'un des plus illustres d'entre les princes de 
Chanaan, de la ville de Nabatha, vinrent se placer avec 
leurs hommes d'armes dans un pli des montagnes bor- 
dant la plaine de Médaba, non loin du chemin par où 
devait passer le cortège nuptial. Comme l'époux, avec 
ses parents et ses compatriotes, s'avançait au bruit des 
cymbales et des instruments de musique, les frères de 
Jean sortant de leur embuscade, tombèrent sur eux à 
l'improviste et massacrèrent la plupart. Le nombre des 
tués fut d'environ 400, d'après Josèphe, loc. cit. Les 
autres se dispersèrent dans les montagnes, et les vain- 
queurs s'en retournèrent avec les dépouilles. I Mach;, 
ix, 35-42. Au lieu de Nabatha ou Nabatath, Gabatha, 
d'après quelques éditions de Josèphe, Nabat selon la 
version syriaque, on lit Madaba, dans la Vulgate. C'est 
à tort, ce semble, car le contexte indique clairement 
une autre localité pour la ville de l'épouse. Voir Naba- 
tha. — 6» Jean Hyrcan, profitant dé la mort d'Antio- 
chus VII, tombé dans sa guerre contre les Parthes (128), 
vint attaquer Médaba, dont il s'empara après six mois d'un. 



907 



MEDABA — MEDECIN 



siège difficile. Jos., Ant.jud., XIII, rx, 1. Elle appartenait 
encore aux Juifs quand mourut Alexandre Jannée (79). 
Id., ibid., xv, 4; Bell, jud., I, n, 6. — 7» L'inscription 
nabuthéenne de Médaba nous montre la ville occupée 
par les Arabes nabuthéens et sous la domination de leur 
roi Arétas (IV) qui régnait à Pétra, l'an 37 après J.-C. 
Elle est encore appelée « ville des Nabuthéens de la 
deuxième Arabie », dans les Actes du concile de 
Chalcédoine (431), où elle figure comme ville épiscopale 
de la province de Bosra. Cf. Lequien, Oriens christia- 
nus, 1740, t. m, p. 773. Toutefois, s'jl faut en croire la Mi- 
schna, Mikvaoth, vu, 1, aux temps qui suivirent la des- 
truction du Temple, Médaba aurait eu des habitants 
juifs. Cf. Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 
1868, p. 252. Les documents se taisent sur l'époque de 
la ruine de cette ville, mais il faut vraisemblablement 
en attribuer la destruction aux Perses de Chosroès (614). 
V. ÉTAT actuel. — Depuis cette époque néfaste, 
Médaba paraît avoir été complètement oubliée jusqu'aux 
premières années du xix e siècle. Son nom fut cependant 
retrouvé vivant dans la mémoire des Arabes de la 
•Transjordane par Seetzen, en 1806, Reisen durch 
Syrien, Palàstina, Berlin, 1854, t. i, p. 407-408. Ses 
ruines furent visitées et décrites d'une manière som- 
maire par Burkhardt, en 1810. Travels in Syria and the 
Holy Land, Londres, 1822, p. 365-367. Tristram, de Saulcy 
et plusieurs autres les signalèrent depuis. En 1880, le 
patriarcat latin de Jérusalem, qui, avec l'appui du consul 
de France, avait obtenu du gouverneur de Syrie Midhat 
pacha, les ruines de la ville et de la campagne des alen- 
tours, y installa une colonie d'Arabes chrétiens, de la 
tribu des Azézât, venus du Kérak. D'autres chrétiens et 
des musulmans sont venus les rejoindre. Bien que sou- 
vent menacée et plusieurs fois attaquée par les Bé- 
douins des alentours, la nouvelle Madaba n'a pas cessé 
de prospérer. Le gouvernement ottoman, peu de temps 
après l'occupation de Kérak (1884), y a installé sous 
l'autorité du mutsarref ou préfet de Kérak, dépendant 
lui-même du ouâly ou gouverneur général de Syrie, un 
mudir ou « directeur » du cercle, avec divers employés. 
La population actuelle est d'environ 800 habitants, dont 
350 sont catholiques latins, 450 grecs et les autres musul- 
mans. — Pour l'état des ruines et l'histoire de Médaba, 
outre les ouvrages déjà cités on peut consulter encore : 
Conder, Madeba, dans The Survey of Eastern Pales- 
tine, in-4«, Londres, 1889, p. 178-183; P. Séjourné, 
Médaba, dans la Revue biblique, i" année, 1892, p. 617- 
644; P. Lammens, S. J., Mddaba, la ville des mo- 
saïques, dans les Études religieuses, 1897, p. 721-736, 
1898, p. 44-61 et 73-74; G. Schumacher, Madaba, dans 
la Zeitschrift des deutschen. Palâstina-Vereins, t. xvm, 
1895, p. 113-125. L. Heiuet. 

MÉDAD (hébreu : Mêdad, « amour [?]; » Septante : 
Mw6â8), un des soixante-dix anciens qui furent dési- 
gnés dans le désert du Sinaï pour aider Moïse dans le 
gouvernement du peuple. De même qu'Eldad, il ne se 
rendit point à l'appel de Moïse auprès du tabernacle, 
mais il n'en reçut pas moins dans le camp même l'es- 
prit de prophétie. Num., xi, 24-29. Voir Eldad, t. n, 
col. 1648. 

MEDDIN (hébreu : Middin; Vaticanus : Aivwv ['?]; 
Alexandrinus : MaSûv; Lucien : MaSSeîv), ville du dé- 
sert de Juda, qui fit partie du territoire de la tribu de 
ce nom. Jos., xv, 61. Le site en est inconnu. Le texte 
sacré la place entre Betharaba (t. i, col. 1663) et Sacha- 
cha, mais la situation de ces deux villes est également 
ignorée. 

MÈDE (hébreu : ham-Mâdi; Septante : 6 Mr|8o<), 
nabitant de la Médie ou originaire de ce pays. Le nom 
des Mèdes n'est pas différent en hébreu de celui de la 



Médie, Mâddi, excepté dans la désignation de Darius le 
Mède, Daryâvéi ham-Mâdi. Dan.,xi, 1. Mais la Vulgate 
a rendu Mâdaî, tantôt par Media, voir Médie, tantôt par 
Medus et Medi. Medusne se lit au singulier que Is., xxi, 2, 
dans le sens collectif, et Dan., v, 31 ; xi, 1 (Darius Medus). 
Partout ailleurs, Medi est au pluriel pour signifier les 
Mèdes en général, Judith, xvi, 12; Esther, i, 3, 14, 18, 
19; x, 2; Is., xm, 17; Dan., v, 28; vi, 8, 12, 15; rx, 1; 
I Mach., vin, 8 (pour la Médie); Act., n, 9; pour dési- 
gner leurs rois, Judith, i, 1; Jer., xxv, 25; U, 11; Dan., 
vin, 20;IMach.,i, 1 ; leurs villes, IV Reg., xvn, 6; xvm, 
11; Tob., i, 16; ni, 7; iv, 21 ; v, 8; vi, 6; ix, 3, 6. — Me- 
dena provincia, dans I Esd., vi, 2, désigne la Médie. 

MEDE Joseph, théologien anglais, protestant, né à 
Berden dans le comté d'Essex, en octobre 1586, mort à 
Cambridge le 1 er octobre 1638. Ses études terminées, il 
obtint à Cambridge une chaire de professeur de langue 
grecque et la conserva jusqu'à la fin de sa vie, refusant 
la charge de président du collège de la Trinité de Dublin 
qui lui fut offerte en 1627. Parmi ses ouvrages on 
remarque ; Clavis apocalyplica ex innatis et insitis vi- 
sionum characteribus eruta et demonslrata, una cum 
commentario in Apocalypsim, in-4", Cambridge, 1627, 
qui a eu plusieurs éditions et a été traduit en anglais 
sous le titre The key of the révélation searched and 
démons trated out ofthe natural and proper characlers 
of the visions, with a conimentary thereupon, in-4% 
Cambridge, 1633. Les œuvres de J. Mede ont été publiées 
plusieurs fois : la meilleure édition est celle du D r Wor- 
tbington, 2 in-f°, Londres, 1672. On y remarque un grand 
nombre de dissertations sur divers textes de l'Ecriture. 
J. Mede est le premier qui ait contesté l'authenticité des 
prophéties de Zacharie. Epist., xxxi et lxi, dans ses 
Works. Londres, 1664, p. 786, 884. — Voir la vie de 
J. Mede, en tête de ses œuvres; W. Orme, Bibliotk. 
Biblica, p. 310. B. Heuetebize. 

MÉDECIN (hébreu : rôfê', de râfâ', «guérir, » et 
une fois, Is., m, 7, hobês, de hâbaê, « bander; » 
Septante : îaTpiSç : Vulgate : medicus), celui qui exerce 
la médecine. 

1° Chez les Égyptiens. — Il existait dans ce pays de 
nombreux médecins. Odyss., iv, 230; Hérodote, n, 84; 
m, 121. Les premiers médecins mentionnés dans la 
Bible sont égyptiens, ceux que Joseph chargea d'embau- 
mer le corps de son père Jacob. Gen., l, 2. Au dire 
d'Hérodote, n, 84, les médecins égyptiens étaient sur- 
tout spécialistes, soignant les uns la tête, les autres 
le ventre, etc. Il ressort cependant des monuments que 
la spécialisation n'allait pas toujours aussi loin. On trou- 
vait en Egypte des médecins sortis des écoles sacerdo- 
tales et dont l'instruction se complétait par les livres et 
l'expérience, puis des rebouteurs qui guérissaient les 
fractures en invoquant la déesse Sokhit, enfin des magi- 
ciens qui agissaient au moyen des amulettes et des pra- 
tiques magiques. Cf. Papyrus Ebers, pi. xcix, lig. 2-3; 
Maspero, Notes au jour le jour, 13, dans les Proceedings 
of the Society of Biblical Archseology, t. xm, p. 501- 
503 ; Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique, 
Paris, 1895, t. i, p. 216. 

2» Chez les Chaldéens. — Les Chaldéens n'avaient pas 
de véritables médecins, capables de reconnaître le carac- 
tère des maladies et de les soigner rationnellement. Cf., 
Lagrange, Les prêtres babyloniens, dans la Revue bibli- 
que, 1901, p. 396. Cf. A, Damon, Notice sur la profession 
de médecin, d'après les textes assyro-babyloniens, 
in-8», Paris, 1897 (Extrait dur Journal asiatique, mars- 
avril 1897). A l'époque des Achéménides, les Perses 
étaient encore obligés de s'adresser à l'Egypte pour 
obtenir des médecins capables. Hérodote, m, 1, Cepen-> 
dant, chez les anciens Chaldéens du xx e siècle avant 
J.-C, la profession médicale était soumise à des règle- 



909 



MÉDECIN 



910 



ments précis qui se retrouvent dans le code des lois 
de Hammurabi, art. 215-223. Le médecin qui, à l'aide du 
poinçon de bronze, opérait avec succès une plaie grave 
ou une cataracte sur l'œil, avait droit à un honoraire de 
dix, cinq ou deux sicles d'argent, suivant la qualité des 
personnes. S'il tuait son malade ou lui crevait l'œil, on 
lui coupait les mains à lui-même. S'il ne s'agissait que 
d un esclave, (le médecin en rendait un autre à la place 
de celui qu'il avait tué, ou pavait la moitié de son prix 
en argent, s'il lui avait crevé un œil. Enfin celui qui 
avait remis un membre cassé ou guéri un viscère malade 
avait également droit à un honoraire de cinq à deux 
sicles d'argent, suivant la qualité du malade. Il est aussi 
question du vétérinaire qui soignait les animaux et du 
chirurgien qui marquait les esclaves à l'aide d'un pro- 
cédé indélébile. Art. 224-227. Cf. Scheil, Textes èlamites- 
sémitiques, 2 e sér., Paris, 1902, p. 99-102, 156. Ces textes 
supposent certaines connaissances médicales, au moins 
empiriques, et l'attribution à certains hommes de l'art 
de guérir. 

3» Chez les Hébreux. — 1. La famille d'Abraham ne 
parait avoir emporté de Chaldée aucune tradition spé- 
ciale sur l'art de guérir. Même après leur séjour en 
Egypte, les Hébreux ne connurent guère, à cet égard, que 
les pratiques les plus simples. Dieu leur avait promis, 
dans un cas particulier, Exod., xv, 26, d'être le rôfê', 
o!(i(ievo;, sanator, « le guérisseur » de son peuple. La loi 
mosaïque obligea les prêtres à faire le diagnostic de 
certaines maladies, particulièrement de la lèpre et des 
affections analogues, afin d'écarter de la société ceux qui 
en étaient atteints. Lev,, xm, 3-56. Les prêtres se trou- 
vaient par là dans l'obligation de posséder différentes 
connaissances médicales d'ordre tout pratique ; plusieurs 
même arrivaient à acquérir assez d'expérience pour 
exercer la médecine dans une certaine mesure. La loi 
qui oblige à faire soigner celui qu'on a blessé, Exod., 
xxi, 19, suppose une connaissance quelconque de l'art de 
panser les blessures et de les aider à se guérir. La Vul- 
gate parle ici de frais de médecins, impensas in medicos 
restituât. A cette époque, il n'était pas question de mé- 
decins à honoraires chez les Hébreux. Le texte hébreu 
parle seulement de dédommagements pour l'interrup- 
tion du travail. Quant aux soins, ils ne pouvaient guère 
être donnés que par les parents ou les plus expérimen- 
tés du voisinage. A l'époque des rois, l'on constate la 
présence de médecins en titre, surtout pour soigner les 
Llessures. II Reg., vin, 29; ix, 15; Is., i, 6; Ezech., xxx, 
21 ; Prov., xii, 18. Asa, roi de Juda, consulta les méde- 
cins, lorsqu'il fut atteint de la podagre dont il mourut. La 
chose dut étonner, car le texte sacré observe qu'Asa ne 
chercha pas le Seigneur, mais recourut aux médecins. 
II Par., xvi, 12. Le prophète Isaïe, ni, 7, dit qu'au mo- 
ment de la détresse du pays, on cherchera partout des 
chefs, et qu'alors celui qu'on interpellera s'empressera 
de répondre : Je ne peux pas être médecin, fyôbêé, mé- 
diats. Les Septante traduisent par àpy^Yis. « chef, » 
sens qu'a plus probablement ici le mot hébreu. Jérémle, 
•vin, 22, demande des remèdes et un médecin pour la 
fille de son peuple, mais seulement dans un sens fi guré. 
Dans le texte du Ps. lxxxviii (lxxxvii), 11, il n'est pas 
question de médecins, rôfîm, mais de morts, yefâ'îm. 

2. Le livre de l'Ecclésiastique est le seul qui men- 
tionne les médecins avec quelque détail. Ceux-ci s'étaient 
donc établis parmi les Juifs d'une manière plus régulière 
vers l'époque des Séleucides. D'après le texte grec, « le 
médecin raille, miôtnti, la maladie longue, » il s'en 
moque, se flatte qu'elle cédera bientôt; d'après le texte 
hébreu : « une apparence de maladie fait la joie du 
médecin, » et cependant, malgré les assurances du mé- 
decin, « tel est roi aujourd'hui, qui mourra demain. » 
Eccli., x, 11-12. La Vulgate reproduit la première phrase 
sous cette double forme : « La maladie qui se prolonge 
fatigue le médecin, le médecin coupe le mal qui dure 



peu. » Plus loin, il est dit encore '. « Honore le médecin 
dans ton avantage, par les honneurs qui lui convien- 
nent; car c'est le Seigneur qui l'a créé. La guérison 
vient du Très-Haut, et il recevra des présents du roi. 
La science du médecin lui fera lever la tête, et il sera 
loué en présence des grands. » Eccli., xxxviii, 1-3. 
Enfin, après avoir recommandé au malade de commen- 
cer par purifier son âme et d'offrir à Dieu des sacrifices, 
le fils de Sirach ajoute :-« Ensuite donne accès au mé- 
decin, car c'est le Seigneur qui l'a fait, et qu'il ne se 
détourne pas de toi, car on a besoin de lui. Il est un 
temps où il y aura dans leurs mains la bonne odeur, 
eùwSfa (ou mieux probablement, d'après l'Alexandrin : 
eûoSfa, la bonne route, le succès; Vulgate : un temps 
où tu tomberas dans leurs mains); car eux-mêmes prie- 
ront le Seigneur afin qu'il leur fasse arriver l'apaise- 
ment et la guérison en vue de la vie. » Eccli., xxxviii, 
11-14. Dans tousses textes, l'auteur sacré réclame pour 
le médecin les égards qui lui sont dus. Il conclut par ce 
dernier trait : «Celui qui pèche en présence de son Créa- 
teur tombera aux mains du médecin. » Eccli., xxxviii, 15. 

3. Parmi les fonctionnaires du Temple, il y avait un 
médecin chargé de soigner les prêtres malades. Ceux-ci 
en effet devaient être sans chaussures pour servir dans 
le sanctuaire; ils ne buvaient que de l'eau, se nourris- 
saient surtout de viande et ne portaient qu'une tunique. 
Aussi étaient-ils souvent ^saisis de douleurs d'entrailles. 
C'est pourquoi celui qui les soignait s'appelait le « méde- 
cin des entrailles ». Schekalim, v, 1. Les Juifs de la 
dispersion avaient leurs médecins attitrés. Des inscrip- 
tions témoignent de l'existence d'un àpyt'atpoç, « médecin 
en chef, » dans les communautés juives d Éphèse et de 
Venosa. Cf. Schùrer, Geschichte des jùdischen Volkes 
im Zeit\ J. C, Leipzig, t. ni, 1898, p. 12-90. Hérode, 
dans sa dernière maladie, suivait docilement les pres- 
criptions des médecins, qui l'envoyèrent aux eaux de 
Callirrhoé (t. n, col. 69) et lui ordonnèrent des bains 
d'huile, sans succès. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVU, vi, 5. 

4. Les médecins sont mentionnés dans le Nouveau 
Testament, mais dans des termes qui ne supposent pas 
grande habileté chez ceux qui exerçaient alors en Pales- 
tine. D'après saint Marc, v, 26, l'hémorroïsse, qui obtint 
sa guérison en touchant le vêtement du Sauveur, « avait 
beaucoup souffert d'un bon nombre de médecins, y avait 
dépensé tout son avoir sans aboutir à rien qu'à voir 
empirer son mal. » Saint Luc, vm, 43, en sa qualité de 
médecin, Col., iv, 14, voir Luc, col. 379, dit seulement 
qu'elle « avait dépensé tout son avoir en médecins, 
sans qu'aucun ait pu la guérir ». C'est encore cet évan- 
géliste qui rapporte le proverbe dont Notre-Seigneur 
se servit dans la synagogue de Nazareth : « Médecin, 
guéris-toi toi-même, » Luc, iv, 23, proverbe qui se 
retrouve sous une forme équivalente chez les anciens 
auteurs. Cf. Euripide, TroL, 247; Ovide, De re amat., 
316; Bereschit Rabba, 23; Tanchuma in Gen., 4, 2. 
Enfin, pendant le festin auquel il assistait dans la maison 
du publicain Matthieu, Notre-Seigneur dit aux pharisiens 
qui murmuraient en le voyant avec des pécheurs : « Ce 
ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin du 
médecin, mais les malades. » Matth., ix, 12 ; Marc, n, 17; 
Luc, v, 31. — Un seul médecin, saint Luc, est nommé par 
son nom dans l'Écriture. Col., iv, 14. Voir Ad. Harnack, 
Medicinisches aus der âllesten Kirchengeschichte, dans 
les Texte und Untersuchungen, t. vin, Heft 4, 1892, 
p. 37-40. — Sur les sages-femmesqui donnaient leurs soins 
aux enfants au moment de la naissance, voir Enfante- 
ment, t. n, col. 1786. Sur les praticiens qui embau- 
maient les corps, Gen., l, 2, 25, voir Embaumement, 
t. n, col. 1727. — Cf. J. Preuss, Der Arzt in Bibel und 
Talmud, dans Virchmv's Arrhiv fur pathologische 
Anatomie und Physiologie, 1894, t. cxxxviii, p. 261-283; 
\V. Ebstein, Die Medizin im A lien Testament, Stuttgart, 
1501, p. 161-164. Voir Médecine. 11. Lesèthe. 



911 



MÉDECINE 



912 



MÉDECINE, art de soigner et de guérir les maladies. 

I. Époque patriarcale. — A cette époque, il n'est- 
question ni de médecins ni de médecine. On peut néan, 
moins appliquer aux hommes de ce temps ce que Pline, 
H. N., xxix, 5, disait plus tard : « Quantité de peuples 
vivent sans médecins, non pourtant sans médecine. » 
La médecine des premiers Hébreux s'inspira naturel- 
lement des pratiques des Chaldéens, leurs ancêtres, et 
ensuite des Egyptiens, chez lesquels ils se développèrent. 
La médecine chaldéenne consistait surtout à reconnaître 
et à chasser les démons ou les esprits regardés comme 
agents directs des diverses maladies. Toutes les fautes 
commises contre les dieux, particulièrement contre le 
dieu ou là déesse sous la protection desquels chacun 
était placé dès sa naissance, entraînait comme consé- 
quence l'invasion du corps par un génie mauvais, le 
dieu Fièvre, le dieu Peste, le dieu Mal-de-Tête, etc. Il 
s'agissait donc avant tout de chasser ce génie funeste 
au moyen de formules, d'actes, de purifications, de 
recettes, d'amulettes qu'on regardait comme capables 
d'effrayer les esprits et de les forcer à abandonner le 




235. — Ex-voto égyptien représentant des oreilles guéries. 

D'après Wilkingon, Manners and customs ofthe anc. Egyptians, 

édit. Birch, t. Il, fig. 460, n. 2, p. 358. 

corps rendu malade par leur présence. Cf. Fr. Martin, 
Textes religieux: assyriens et babyloniens, Paris, 1903, 
p. 71, l'hymne à Bau, déesse de la médecine, pour 
obtenir la guérison des palpitations de cœur, des frac- 
tures et de différentes autres maladies. Tous ces moyens, 
qui n'avaient aucune espèce de relation naturelle avec 
l'effet attendu, appartenaient à la magie et non à la 
médecine. Les Chaldéens ne dédaignaient pas cepen- 
dant d'utiliser les simples, bien que ces remèdes natu- 
rels leur inspirassent moins de confiance que les re- 
cettes magiques. Cet usage des simples fut probablement 
la seule pratique médicinale que les patriarches em- 
portèrent de leur pays d'origine. Cf. A. Boissier, Liste 
des plantes médicinales, dans la Revue sémitique 
d'épigraphie et d'histoire ancienne, t. n, p. 135-145; 
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient 
classique, t. i, 1895, p. 683, 780-782. Les Égyptiens at- 
tribuaient également les maladies à la présence d'esprits 
malfaisants introduits dans le corps par quelque opé- 
ration mystérieuse ou venus d'eux-mêmes par méchan- 
ceté. Pour les chasser, on employait les recettes ma- 
giques, mais on avait aussi recours aux remèdes naturels 
appliqués par de véritables médecins. Ceux-ci se for- 
maient à leur art par l'étude des livres et l'expérience. 
Souvent ils ignoraient le vrai siège du mal; les préju- 
gés religieux du pays leur interdisaient oute inspection 



anatomique du corps humain, que seuls les embau- 
meurs pouvaient entamer - , non sans encourir l'exécra- 
tion générale. Les médecins égyptiens n'en prescri- 
vaient pas moins d'utiles remèdes, particulièrement 
contre les maladies intestinales qui sévissaient sur les 
bords du Nil, Hérodote, il, 77, contre les ophtalmies 
également très fréquentes, etc. On attribuait les pré- 
ceptes de la médecine égyptienne à Horus, Diodore de 
Sicile, 1, 22; et Thot, devenu pour les Grecs Hermès 
Trismégiste, était regardé comme le premier médecin 
et le premier chirurgien. Cf. Papyros Ebers, die atteste 
Buck ùber Heilkunde, trad. H. Joachim, in-8», Berlin, 
1890; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 215, 216; 
P. Perret, Dictionnaire d'archéolog. égyptien., in-12, 
Paris, 1875, p. 329; J. G. Wilkinson, Manners of the 
aneient Egyptians, édit. Birch, 1878, t. n, p 355-358, 
404-413, 417. On a trouvé en Egypte des ex-voto repré- 
sentant des organes ou des membres dont on avait 
obtenu la guérison (fig. 235). 

II. Au temps de l'exode. — Moïse fut élevé, â la cour 
du pharaon, « dans toute la sagesse des Égyptiens. » 
Act., vu, 22. Il eut donc connaissance de ce qu'il y 
avait de sérieux dans la science de leurs médecins; il 
se servit plus tard de cette connaissance pour la rédac- 
tion de plusieurs de ses lois. Celles qui se rapportent 




236. — Scythes pansant des blessures. 

Relief du vase d'argent de Koulba. Musée de l'Ermitage, 

à Saint-Pétersbourg. 

aux divers genres d'impuretés renferment des prescrip- 
tions qui constituent d'excellents moyens prophylac- 
tiques contre beaucoup de maladies. Voir Impures 
(Choses), Impureté légale, t. m, col. 855- 861 ; N. Gué- 
neau de Mussy , Étude sur l'hygiène de Moïse, Paris, 1885. 
III. Pratiques médicales. — 1» Les pratiques médicales 
mentionnées dans la Sainte Écriture sont simples et 
assez peu nombreuses. On savait parfaitement bander 
et soigner les plaies et les blessures. Exod., xxi, 19. La 
pratique de la circoncision, en particulier, exigeait des 
soins qu'une longue expérience dut rendre très appro- 
priés à la circonstance. Voir Circoncision, t. n, col. 776. 
Isaïe, i, 6, parle de plaies pansées et bandées, et Ézé- 
chiel, xxx, 21, de bras cassé, puis pansé et enveloppé 
de bandages (fig. 236). Après la bataille de Ramoth- 
Galaad, le roi Joram alla faire soigner ses blessures à- 
Jezraël. IV Reg., vm, .29 ; ix, 15. Le bandage des bles- 
sures était accompagné de lotions d'huile, Is., i, 6, et 
anssi de vin mêlé à l'huile. Luc, x, 34. Ce mélange était 
fort apprécié des anciens. Cf. Pline, H. N., xxix, 9; 
xxxi, 47; Columelle, De re rustic., vu, 5, 18; Jems.. 
Berachoth, 3, 1, etc. Les onctions de baume, surtout 
de baume de Galaad, servaient à endormir les douleurs.. 
Jer., vm, 22; xlvi, 11; li, 8. Les apothicaires ou par- 
fumeurs préparaient les divers mélanges propres aux 
onguents. Exod., xxx, 35; Eccle., x, 1. Voir Baume, t. n, 
col. 1517. On mit un cataplasme de figues sur l'anthrax 
du roi Ézéchias. IV Reg., xx, 7; Is., xxxvm, 21. Voir 
Figuier, t. n, col. 2241. Ézéchiel, xlvii, 12, parle d'un 
arbre de la Jérusalem nouvelle, dont les feuilles servi- 
ront de remède, fèrùfàh, iyieiix, medicina. Saint Jean 
place aussi dans la Jérusalem céleste un arbre de vie- 
dont les feuilles serviront ei; ÔEpaireiav, ad sanitatetn y 



913 



MÉDECINE — MÉDEMÉNA 



914 



« pour la santé. » Apoc xxn, 2. Dans le livre de 
Tobie, vi, 5, le cœur, le fiel et le foie du poisson sont 
préconisés comme d'utiles remèdes. Le fiel est présenté 
par l'ange comme efficace contre les taies blanches, 
XeuxâfiaTa, albugo, des jeux. Tob., vi, 9; xi, 13-15, Le 
fiel entrait dans la composition des collyres anciens ; 
il ne s'ensuit pas pourtant que la guérison de Tobie 
soit purement naturelle. Voir Collvre, t. n, col. 844; 
Fiel, col. 2234. Le livre de la Sagesse, xvi, 12, men- 
tione, au nombre des remèdes, l'herbe et le cataplasme 
émollient, porâvr], iiâlnyiia, herba, malagma, comme 
spécifiques qu'on aurait pu employer contre la piqûre des 
mouches, des cousins ou des serpents. On peut encore 
signaler l'emploi de la mandragore qui, dit-on, favori- 
sait le sommeil et la fécondité, cf. Gen., xxx, 14; voir 
Mandragore, col. 653 ; l'usage de la musique pour 
calmer la surexcitation cérébrale de Saûl, I Reg., xvi, 
16; l'assainissement des eaux par le sel, IV Reg., il, 21, 
et l'adoucissement d'un mélange de coloquintes sau- 
vages par l'addition de farine. IV Reg., îv, 39-41. L'effi- 
cacité de ces deux derniers procédés est probablement 
attribuable à une cause surnaturelle. Il en est de même, 
plus sûrement encore, de l'eau de la piscine de Bethesda, 
qui, après son agitation par l'ange, guérissait le premier 
malade qui s'y plongeait. Joa., v, 2-4. Enfin, saint Paul 
recommande à son disciple l'usage modéré du vin 
comme réconfortant et remède contre les maux d'esto- 
mac. Comme les causes morales influent souvenl sur 
la santé, la fuite du mal, la joie du cœur, l'aménité des 
paroles sont recommandées au sage qui veut assurer 
son bien-être physique ou celui des autres. Prov., m, 
8; xn, 18; xvn, 22. Par contre, le vice est représenté 
comme essentiellement funeste à. la santé du corps. 
Prov., n, 18; v, 5; vu, 27; Eccli., xxxvn, 30-34. 

2° A partir de la domination des Séleucides, la méde- 
cine rationnelle des praticiens grecs eut occasion de 
s'exercer en Palestine. Le fils de Sirach recommande 
d'honorer le médecin et de recourir à ses soins, et en 
même temps, de prier le Seigneur, dé purifier son âme et 
d'offrir des sacrifices. Eccli., xxçviii, 1-15. — Hérode, 
atteint d'un mal effroyable, fit venir des médecins dont il 
suivit les prescriptions. Sur leurs conseils, il alla prendre 
les eaux de Callirrhoé, dont on se servait sous forme de 
bains et de potions. Voir Callirrhoé, t. n, col. 72. On 
le mit ensuite dans un bain d'huile, qui devint pour lui 
une cause d'aggravation plutôt que de soulagement. La 
médecine fut d'ailleurs impuissante à le guérir. Cf. Jo- 
sèphe, Ant. jud., XVII, vi, 5; Bell, jud., I, xxxm, 5. 
— Il existait aussi et il existe encore à Tibériade des eaux 
thermales auxquelles on allait demander la santé. Jo- 
sèphe, Vit., 16; Bell, jud., II, xxi, 6. De leur côté, les 
Esséniens restaient fidèles à la médication par les sim- 
ples. Ils s'étudiaient à connaître les plantes et les mi- 
néraux qui avaient la propriété do guérir les maladies 
et cherchaient à ce sujet des renseignements dans les 
livres des anciens. Josèphe, Bell, jud., Il, vu, 6. On 
faisait remonter jusqu'à Salomon plusieurs de ces livres. 
Josèphe, Ant. jud., VIII, n, 5. Les talmudistes citen'. 
un grand nombre de végétaux et de minéraux qui étaient 
employés comme remèdes : myrrhe, safran, hysope, 
cumin, menthe, bitume, etc. Voir Wunderbar, Bibtisch- 
talmudische Medicin, in-8°, Riga, Abth. i, 18!>0-1860, 
p. 73-118. 

3° A côté de cette médecine pratique et rationnelle, il 
se perpétuait chez les Juifs un art de guérir qui em- 
pruntait ses moyens à la magie ou à des procédés su- 
perstitieux, tels qu'en emploient les sorciers de tous les 
temps. Saint Marc, v. 26, parle de l'hémorroïsse qui avait 
en recours à toutes sortes de médecins sans résultat. 
Voici un exemple de la médication employée en pareil 
cas. « Rabbi Jochanan dit : Prenez le poids d'un denier 
de gomme d'Alexandrie, le poids d'un denier d'alun et 
le poids d'un denier de safran de jardin, pilez-les en- 



semble et donnez-les dans du vin à la femme hémor- 
roïsse. S'il n'y a pas d'effet produit, prenez trois fois 
trois logs d'oignons de Perse, cuisez-les dans du vin, 
ensuite faites-les boire à la femme en lui disant : Sois 
délivrée de ton flux. Si cela ne réussit pas, menez-la à 
un croisement de deux chemins, qu'elle tienne à la 
main un gobelet de vin, et que quelqu'un survenant 
par derrière lui fasse peur en disant : Sois délivrée 
de ton flux. S'il n'y a pas encore de résultat, prenez 
une poignée de cumin et une poignée de foin grec, 
faites-les bouillir dans du vin et donnez-les-lui à boire 
en disant : Sois délivrée de ton flux. » Suivent d'autres 
recettes analogues, dont l'inefficacité est également pré- 
vue. En fin de compte, on en vient à la suivante : « On 
creusera sept fossés, dans lesquels on brûlera des sar- 
ments de vignes non taillées, et la femme, tenant en 
main un gobelet de vin, s'assiéra successivement au 
bord de chaque fossé, et on lui dira en la faisant rele- 
ver : Sois délivrée de ton flux. » Bàbyl. Schabbath, 110. 
On comprend que les talmudistes eux-mêmes n'aient 
pas craint de dire, en parlant des rabbis qui préconi- 
saient de pareils traitements : « Le meilleur des méde- 
cins mérite la géhenne, s Kidduschin, 82, 1. Cf. Pline, 
H. N., xxix, 5. Aussi accourait-on de tous côtés auprès 
de Notre-Seigneur pour obtenir de sa puissance et de sa 
bonté des guérisons que ne pouvait procurer la méde- 
cine de son temps. 

4° Les remèdes sont désignés dans la Sainte Écriture 
par les noms généraux terûfàh, ùj Utà, medicina, Ezech., 
xlvii, 12; refu'ôf, îânotTa, medicamina, Jer., xlvi, 11; 
Sap., xn, 4; marpê', Jer., xxxm, 6; |iâXaY(J.ot Is., i, 6; 
Sap., XVI, 12; <pâp[iaxov, medicamentum, Sap., I, 14; 
è£tXai7|jL<Sî, medicina, Eccli., xvm, 20; remedium, Tob., 
vi, 7, etc. — Voir D. Calmet, De re medica veterum He~ 
brseorum, dans le Cursus Script. Sacr. de Migne, Paris, 
1838, t. xvn, p. 999-1012; Brunati, De la médecine chez 
les Hébreux, dans les Démonstr. évang. de Migne, Pa- 
ris, 1843, t. xiv, p. 480-490; F. Bœrner, Dissert, de 
statu medicinx ajntd veteres Ebreeos, Vitebsk, 1755; 
Sprengel, De medicina Ebrxorum, Halle, 1789; 
J. Schmidt, Biblischer Medicus, Zûllichau, 1743; Th. 
Shapter, Medica sacra, Londres, 1834; J. P. Trusen, 
Darstellung der biblischen Kranhheiten und der auf 
die Medizin bezïtglichen Stellén der heiligen Schrift, 
Posèn, 1843; R. J. Wunderbar, Biblisch-talmudische 
Medicin, 2 in-8°, Riga, 1850-1860; J. Roser, Kranh- 
heiten des Orients, Augsbourg, 1837; F. Pruner, Kranh- 
heiten des Orients, in-8°, Erlangen, 1847; Tobler, Bei- 
trag zur medizinischen Topographie von Jérusalem, 
in-8", Berlin, 1855; Bennett, Diseases of the Bible, 
in-16, Londres, 1887; W. Ebstein, Die Medizin in Allen 
Testament, Stuttgart, 1901, p. 164-168; Id., Die Medizna 
im Neuen Testament und im Talntud, in-8", Stuttgart, 
1903; F. von Oefele, Materialien zur Bearbeitung baby- 
lonischer Medicin, in-8°, Breslau, 1902; Frd. Kûchler, 
Beitràge zur Kenntniss des assyrisch-babylonischen 
Medizin, in-4°, Leipzig, 1904. H. Lesètre. 

MÉDEMÉNA, nom de deux villes de Palestine. 

1. MÉDEMÉNA (hébreu : Madmanndh; Vaticanus .• 
Max*?i[L',Alexandrinus:Be.8£êr l vâ),\ï[\edeJiitia,]os.,x\, 
31, attribuée plus tard à Siméon, si elle est, comme le 
pensent divers commentateurs, la même que Bethmar- 
chaboth. Jos., xix, 5. Voir Bethmarchaboth, t. n, col. 1696, 
Médeména est nommée entre Siceleg et Sensenna : elle 
était donc dans la partie la plus méridionale de la Pales- 
tine. Conder a placé autrefois cette ville, Tentwork in 
Palestine, 1878, t, H, p. 338 ; Survey of Western Pales- 
tine, t. m, p. 392, 399, à Umm Deimnéh, ruines situées 
à dix-neuf kilomètres au nord-est de Bersabée, où l'on 
remarque des amas de pierres et des restes de fondations, 
mais il a renoncé depuis à cette identification, préférant; 



915 



MÉDEMÉNA. — MËDIE 



916 



la placer à eUMinyéh, localité que Ed. Robinson, Bibli* 
cal Researches in Palestine, 2 e édit., t. i, p. 602, a re- 
trouvée au sud de Gaza, et dont le nom rappelle Mrjviotç 
qu'Eusèbe et saint Jérôme, Onomast., édit. Larsow et 
Parthey, 1862, p. 288, 289, assurent être Médeména 
et placent près de Gaza. — D'autres géographes identi- 
fient l'antique cité avec les ruines de Kldrbet Ma'an 
Yunès (le Castrum Meneenum du Codex Theodo- 
aianus), à 4 heures au sud de Gaza. V. Guérin, Judée, 
t. il, p. 230-231. Le nom de Médeména reparaît dans 
I Paralipomènes, II, 49, où nous lisons que Sâaph, fils 
de Caleb et de Maacha (d'après l'hébreu), fut « père 
de Médeména », c'est-à-dire qu'il s'établit dans cette ville 
et en fui le second fondateur ou le restaurateur. Dans 
ce passage, la Vulgate écrit le nom Madména. 

2. MÉDEMÉNA (hébreu : Madmêndh; Septante : Ma- 
8e6r)vâ), ville située probablement dans la tribu de Ben- 
jamin. Is.; x, 31. Eusèbe et saint Jérôme, Onomast., 
1862, p. 288, 289, et beaucoup d'autres après eux, l'ont 
confondue à tort avec Médeména 1. La prophétie d'Isaïe, 
où elle est nommée après Anathoth, x, 30, prouve, par 
tout l'ensemble du contexte, qu'elle était située, au nord 
de Jérusalem, sur la route que suivait l'armée assyrienne 
de Sennachérib envahissant la Palestine. Ses habitants, 
dit le prophète, « s'enfuient » pour échapper aux coups 
de l'ennemi. Le site est inconnu. Fr. Valentiner, Bei- 
trag tur Topographie des Stammes Benjamin, dans la 
Zeitschrift der morgenlàndischer Gesellscliaft, t. xn, 
1858, p. 169, l'identifie avec Schafât, petit village à 
trois quarts d'heure de Jérusalem, à l'ouest de la route 
de Naplouse, où les maisons sont construites avec d'an- 
ciens matériaux. J. Murray, Syria and Palestine, 1868, 
p. 307. On ne peut apporter aucune preuve plausible en 
faveur de cette hypothèse. 

MÉDÈNE (PROVINCE) (hébreu : Madai; omis 
dans les Septante ; Vulgate : Medena provincia), la Mé- 
die. Elle est ainsi appelée par la Vulgate, I Esd., vi, 2, 
où il est dit que 'Ahmetâ', « Ecbatane, » est la capitale 
de la province de Médie. Voir Ecfatane, h, % t. il, 
col. 1530 et Médie. 

MÉDIATEUR (grec : [u<j£ttiç; Vulgate : mediator), 
celui qui est interposé pour ménager les relations entre 
deux parties. — Les habitants de Galaad demandent à 
Jephlé que le Seigneur « entende entre eux », qu'il soit, 
d'après la Vulgate, mediator et testis, bien qu'il ne 
s'agisse que d'un serment. Jud., xi, 10. Job, ix, 23, ré- 
clame un arbitre, môkîah, u.emTT)«, entre lui et ses 
amis. Moïse a été le médiateur de la Loi ancienne 
transmise par le ministère des anges; il a servi ainsi 
d'intermédiaire entre Dieu et son peuple. Gai., m, 19, 20. 
Jésus-Christ est le médiateur de la nouvelle alliance et 
le seul médiateur entre Dieu et les hommes, médiateur 
unique, de même que Dieu est unique. I Tim., », 5. Il 
n'est pas un simple intermédiaire se contentant, comme 
Moïse, de transmettre aux hommes ce qui venait de 
Dieu. Il s'est fait lui-même rédempteur pour tous les 
hommes, il a souffert et il est mort, afin de lever par là 
l'obstacle qui empêchait les hommes de communiquer 
avec Dieu. I Tim., h, 6. Sa médiation n'est donc pas 
purement attributive et accidentelle, comme celle de 
Moïse; elle est réelle et naturelle, parce que Jésus-Christ 
réunit en sa personne la divinité et l'humanité entre 
lesquelles l'harmonie était à rétablir. Ayant réalisé en 
lui-même cette harmonie de la manière la plus intime 
qui se puisse concevoir, il a tout pouvoir et tout droit 
pour la réaliser entre le Père, dont il est le Fils et 
l'incontestable mandataire, et les hommes dont il a pris 
la nature. Ces derniers pourtant ne peuvent profiter de 
cette médiation qu'autant qu'ils l'acceptent. Cf. Pétau, 
fia incarnatione, XIII, i-xiy. La conséquence de cette 



médiation est l'alliance nouvelle contractée entre Dieu 
et l'humanité rachetée. Heb., vin, 6; IX, 15; xn, 24. 
Voir Jésus-Christ, t. m, col. 1514. H. Lesêtre. 

MÉDIE (hébreu : Mâdaï, II (IV) Reg., xvn, 6; xvm, 11 ; 
Esther, 1,3; Is., xm, 17; xxi, 2; Jer., xxv, 25, Ll,ll, 28; 
Dan., v, 28; vi, 13 (12); IX, I Esd., vi, 2; chaldéen : Mâdi, 
Dan., xi, 1; Mâdàia', Dan., vi, 1; Septante : MVjSot, 
IV Reg. xvn, 6; xvm, 11; Esther, i, 3; Is., xm, 17; 
xxi, 2; Jer., xxv, 25, xxvm (hébreu et Vulgate Ll), 28; 
Dan., IX, 1; v, 28; vin, 20; 1 Mach., i, 1; Act., H, 9; 
I Mach., xiv, 1, 2; Vulgate : Medi, dans tous les livres, 
excepté Media, Jer., li, 28; I Mach., vi, 56; xiv, 1-2; 
Medena, I Esd., vi, 2), contrée d'Asie. 

I. Description de la Médie. — La situation géogra- 
phique de la Médie est facile à déterminer, quoique les 
limites de cette région ne soient pas très précises. Elle 
était séparée de la Caspienne, au nord, par une chaîne 
de montagnes aujourd'hui connue sous le nom ira- 
nien d'Elburz et plus anciennement Harabèrëzaiti, ou 
Ariobarsanès. Les auteurs classiques ne donnent pas de 






:S 2 ...v 



'■''^fi '- - ""*= -M. VW - 



-*> i 






231. — Carte de la Médie. 

nom à cette chaîne, ils parlent seulement de son plus 
haut sommet que les Grecs appellent Iasonion et qui a 
5700 mètres d'altitude, Ptplémée, VI, n, 4; Strabon, XI, 
xm, 10. A l'est, elle confinait à la Parthie dont elle était 
séparée par le désert ; au sud, à la Perse et à l'Élymaide 
ou Susiane dont elle était séparée par les monts Para- 
rhoatras, à l'ouest, à l'Assyrie, dont elle était séparée par 
les monts Zagrus et Choatras; au nord-est, à l'Arménie, 
dont la séparaient le lac Thospitis, diverses montagnes et 
une partie du cours de l'Araxe, Pôlybe, v. 44; Strabon, 
XI, xm, i ; Pline, H. N., vi, 1; Ptolémée, VI, il, 1-5; 
divisent la Médie en deux parties : la grande Médie et 
la Médie Atropatène. Cette dernière ne porta ce nom 
que depuis le moment où le satrape Atropatès en devint 
le souverain indépendant, c'est-à-dire depuis la destruc- 
tion de l'empire perse par Alexandre Arrien, Anabas., 
m, 8; vi, 29; Diodore de Sicile, xvm, 3; Strabon, XI, xm, 
1. La Médie Atropatène était la partie nord-ouest de la 
Médie. Elle était située entre l'Arménie au nord, les 
Cadusiens à l'est, la grande Médie au sud et l'Assyrie à 
l'ouest. On. y trouve un beau lac salé appelé Kapauta ou 
Matianus. La principale ville était Gazaca, l'Ecbatane du 
Nord. Voir Ecbatane 1, t. n, col. 1529. L' Atropatène est 
un haut plateau dont la partie la plus basse, celle où est 
situé le lac Kapauta, a 1 300 mètres d'altitude. Les hautes 
montagnes de l'est et < leurs versants du côté de la 
mer Caspienne étaient le séjour de tribus aryennes qui 
firent pendant des siècles la guerre aux Mèdes et aux 
Perses (Dg. 237). 



917 



MEDIE 



918 



La grande Médie avait pour bornes : au nord, l'Hyrca- 
nie; à l'est, la Parthyène; au sud, la Gabiane et le pays 
des Cosséens; à l'ouest, les monts Zagros et l'Assyrie.. 
Strabon, XI, xm, 5-6. La majeure partie de la grande 
Médie se compose de plateaux élevés et froids. Du côté 
des portes Caspiennes on rencontre au contraire des 
vallons. riants et propres à toutes les cultures. Cette con- 
trée est très favorable à l'élevage des chevaux, elle pro- 
duisait une herbe que les anciens appellent herba medica. 
C'est là que se fournissaient les haras des rois perses. On 
appelait ces chevaux niséens (flg. 238) du nom de la 
plaine (Nisœi campi) où ils étaient élevés. Hérodote, 
vu, 40; Diodore de Sicile, xvii, 100; Élien, Hist. anim., 
m, 2; Strabon, XI, xm, 7. Ils figurent dans le tribut 
payé par les Mèdes aux Assyriens. G. Maspero, Histoire 



xi, 2, est également signalée par les' historiens de 
l'antiquité. Hérodote, vu, 62, dit qu'ils se nommaient 
primitivement Ariens et qu'ils prirent le nom de Mèdes 
à la suite de l'expédition de Jason et de Médée. Il n'y a 
pas à tenir compte de cette légende grecque et il faut 
seulement retenir le témoignage qui les rattache à la 
race aryenne. C'est là du reste un fait confirmé par la 
langue qui est du groupe aryen. Cf. J. Oppert, Le peuple 
et la langue des Mèdes, in-8», Paris, 1879. Les Mèdes 
vécurent longtemps en tribus séparées. Hérodote, i, 96. 
Ces tribus eurent des guerres fréquentes avec les Assy- 
riens, en particulier sous Théglathphalasar III, p. 49, 51. 
Fr. Lenormant, Lettres assyriologiques, 1. 1, in-8°, Paris, 
1871, p. 49-51. G. Maspero, Hist. ancienne, t. m, p. 142, 
153. A l'époque de Sargon, c'est-à-dire vers 710 avant 



I i . 
I 



£' ils. 



t .■ * 



I 



r 



\ 






pi 
• y 



» ^ i 










t£j= 



/. 



;i1 



>. ■ L 
^ - 

: > ï 



Et, "ïf ^ J * K* ^ 



238. — Char perse attelé de chevaux niséens. Palais de Persépolis. 




ancienne, 1899, t. m, p. 454. A côté des espèces les 
plus redoutables de bêtes féroces, le lion, le tigre, le 
léopard, l'ours, on rencontrait beaucoup d'animaux do- 
mestiques : l'âne, le buffle, le mouton, la chèvre, le chien, 
le dromadaire, le chameau à deux bosses. La flore n'était 
pas moins remarquable. Le pays produit des fruits va- 
riés, entre autres le citron que les anciens appelaient 
malum medicum. Virgile, Georg., II, v, 126-135; Pline, 
H. N: f xn, 3. Strabon, XI, xm, 7, mentionne aussi parmi 
les produits du pays le silphium, mais il était, dit-il, in- 
férieur à celui de la Cyrénaïque. Cf. G. Maspero, Histoire 
ancienne, t. m, p. 453-454. Nombreuses aussi étaient 
les pierres précieuses, en particulier le lapis-lazzuli. 
Pline, H. N., xxxvn, 5, 8, 10, 11. Cf. G. Maspero, ibid. 

Les principales villes de la grande Médie étaient 
Ecbatane, Rages, Bagistana, aujourd'hui Behistoun. Voir 
Ecbatane 1, t. il, col. 1520; Bagès. Près de Rages ou sur 
le même emplacement que cette ville s'éleva la colonie 
grecque d'Europos qui devint la capitale des Parthes 
sous le nom d'Arsacée. Strabon, XI, xm,.6-Cf. H. Kie- 
pert, Manuel de Géographie ancienne, trad. franc., 
in-S», Paris, 1887, p. 40-44. 

II. Histoire des Mèdes. — L'origine aryenne ou ja- 
phétique des Mèdes, qui est indiquée dans la Genèse, 



J.-C. un certain nombre de tribus se réunirent autour 
d'un prince qu'Hérodote, 1,96-98, appelle Déjocès et dont 
on retrouve le nom sous la forme Dayaoukkou ou 
Dahyaukâ dans les inscriptions assyriennes, Annales de 
Sargon, lig. 75-77. Cf. J. Oppert, Records of the past, 
t. vin, p. 33; H. Winckler, Die Keilschrifttexte Sargon's, 
in-8°, Leipzig, 1889, p. 20 Cf. G. Maspero, Hist. ancienne, 
t. m, p. 326. Ce Déjocès, d'abord allié aux Assyriens, 
avait été plus tard, à la suite d'une campagne de Sargon 
contre la Médie, en 715, déporté à Hamath en Syrie, 
Fr. Lenormant, Lettres assyriologiques, t. i, p. 59. Dans 
la suite il se rendit indépendant et fut ie véritable fonda- 
teur du royaume mède. Il profita pour cela des embarras 
de Sargon occupé à des guerres contre Babylone et la 
Commagène et par le siège d'Azot. Fr. Lenormant, Ibid. 
Cf. F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit., t. m, p. 566. C'est à l'époque de sa victoire sur 
les Mèdes que Sargon avait déporté un certain nombre 
d'Israélites en Médie. Sennachérib remporta quelques 
victoires sur ce pays, mais ce ne furent que des succès 
passagers et elles n'empêchèrent pas les Mèdes d'achever 
l'oeuvre de son indépendance. Déjocès avait fondé la ville 
d'Ecbatane, qui, selon H. Rawlinson, doit être distin- 
guée de ] 'Ecbatane du sud ou Hamadân (voir Ecbatake 1, 



919 



MÉDIE 



920 



t. n, col. 1529), et d'après G. Maspero, Histoire ancienne, 
t. m, p. 325 n. 2, doit être confondue avec elle. 

La liste des premiers rois de Médie nous a été trans- 
mise par Hérodote, i, 98-107 et par Ctésias, Epitome 
Diodori, 30-32, édit. Gilmore, in-8°, Londres, 1888, p. 97- 
111. Voici ces deux listes : 



LISTE D HERODOTE 

années. 

00 

Déjocès 53 

00 

,00 

, 00 

00 

Phraortes 22 

Cyaxare 40 

Astyages . 35 



LISTE DE CTESIAS 

années. 

Arbacès 28 

Madaucès 50 

Sosarmus 00 

Artycas 52 

Abianès 23 

Artaeus 40 

Artynè 22 

Astybarras 40 

Aspadas ou Astyages. . . 00 



La liste de Ctésias est une liste de fantaisie faite avec 
celle d'Hérodote, en répétant les années de règne de 
deux en deux. Le chiffre de 28 attribué à Arbacès est 
destiné à rendre la liste vraisemblable. G. Maspero, 
Bist. anc., t. m, p. 447. Il n'y a donc aucun compte à 
tenir de cette liste. Cf. Fr. Lenormant-E. Babelon, Uist. 
ancienne des peuples de l'Orient, t. v, 1887, p. 418; 
Gilmore, The Fragments of the Persika of Ktesias, 
p. 92-96. 

Le successeur de Déjocès, Phraorte ou Fravartisch, 
l'Arphaxad de la Bible, monta sur le trône vers 655, à 
l'époque où Assurbanipal était encore tout-puissant. II 
commença par s'annexer les petits États voisins et les 
Perses qu'il vainquit, puis il attaqua le roi d'Assyrie et 
fut battu et tué. Hérodote, i, 102; Fr. Lenormant- 
E. Babelon, Histoire ancienne, t. v, p. 424-428; G. Mas- 
pero, Hist. anc., t. m, p. 454-465. Voir Arphaxad, t. i, 
col. 1030. Le fils de Phraorte, Cyaxare ou Houvaksha- 
- tara, lui succéda. Ce fut un grand capitaine et un grand 
administrateur. Il organisa une armée régulière, battit 
Assurbanipal et assiégea Ninive. La ville fut sauvée 
grâce à une invasion des Scythes que le roi d'Assyrie 
appela à son secours. Hérodote, i, 103-104. Délivré d'eux 
par la trahison et par un immense massacre, Cyaxare 
s'allia à Nabopolassar, roi de Babylone, et cette fois Ni- 
aive succomba sous les coups des deux alliés. Ceux-ci se 
partagèrent les dépouilles. Le roi des Mèdes eut l'Assy- 
rie proprement dite et ses dépendances du haut Tigre, 
ainsi que les régions du [nord et de l'est. L'Arménie 
ruinée par les Scythes tomba également en son pouvoir 
ainsi que la Cappadoce et quelques pays voisins. Trois 
ans après la chute de Ninive, Cyaxare réclama un otage 
scythe qui s'était réfugié chez Alyatte, roi de Lydie, et 
après des alternatives de victoires et de défaites conclut 
avec lui un traité qui donnait pour limite aux deux 
royaumes l'Halys, rivière qui partage la Cappadoce. II 
scella l'alliance par le mariage de son fils Astyage ou 
Aytahaga, en assyrien Ischtouvigou, et mourut l'année 
suivante, 584 avant J.-C. Hérodote, l, 103-106, 16, 73-74; 
cf. Lenormant-E. Babelon, Hist. anc., t. jv, p. 428-435; 
G. Maspero, Hist. anc, t. m, p. 465-472, 480-486, 521, 
525-530. 

Le règne d' Astyage fut long et, pendant les trente 
premières années, sans événement important. La fin en 
fut marquée par la révolte de Cyrus, fils de Cambyse, 
roi de Perse, qui secoua le joug du roi de Médie, et 
substitua la suzeraineté des Perses à celle des Mèdes. Ce 
ne fut guère qu'une transformation intérieure; pour les 
peuples voisins ce fut toujours l'empire des Mèdes e 
des Perses. Hérodote, i, 46, 74-75, 107-130; Fr. Lenor- 
mant-E. Babelon, Hist. anc., t. v, p. 435-444; G. Mas- 
pero, Hist. anc, t. m, p, 595-500. Voir Cyrus, t. n, 
col. 1191. 

Cyrus étendit rapidement son empire. Il défit Crésus, 
roide Lydie, s'empara de Sardes et, après la Lydie, sou- 



mit les cités grecques de la côte, la Carie, la Lycie et 
les régions orientales de l'Iran. Maître de ce vaste 
domaine, il attaqua l'empire babylonien, s'empara de 
Babylone et délivra le peuple juif de la captivité. Héro- 
dote, i, 188-191 ; Xénophon, Cyropédie, vu, 5; Fr. Lenor- 
mant-E. Babelon, Hist. anc, t. v, p. 451, 453; 476-499; 
G. Maspero, Hist. anc, t. m, p. 613-617, 634-637. Ainsi 
s'accomplirent les prophéties. Le successeur de Cyrus, 
Cambyse, agrandit encore l'empire médo-perse ; il conquit 
l'Egypte. Une expédition malheureuse contre l'Ethiopie 
augmenta les crises d'épilepsie auxquelles il était sujet et 
il mourut sans qu'on sache s'il avait été assassiné ou 
s'il s'était donné la mort. Hérodote, III, i, 4, 7-38, 44, 
61-66, 89, 139, 181; Fr. Lenormant-E. Babelon, Hist anc, 
t. vi, p. 1-13; G. Maspero, Hist. anc, t. ni, p. 655- 
671. Pendant l'expédition de Cambyse en Egypte, un 
mage nommé Gaumata s'était emparé du trône en se 
donnant faussement pour Smerdis, fils de Cyrus. Après 
la mort de Cambyse, Darius conjuré avec six autres 
Perses le tua et fut proclamé roi en avril 521. Il régna 
jusqu'en 485. 

Darius I er affermit la domination médo-perse en 
Egypte, soumit une partie de l'Inde, les lies de la mer 
Egée, la rive européenne du Bosphore et de l'Hellespont 
et une partie de la région du Caucase. Il réprima une 
révolte de Babylone et entreprit une campagne malheu- 
reuse contre les Scythes. Ses armées furent encore 
battues par les Grecs à Marathon. Ce fut lui qui divisa 
l'empire en vingt satrapies. La Palestine était sous sa 
dépendance et il se montra bienveillant pour les Juifs. 
Voir Darius I er , t. u, col. 1209. Son successeur, Xerxès 
ou Ksayârsâ, de 485 à 465, est surtout célèbre par ses 
luttes contre les Grecs et ses défaites à Salamine et à 
Platée (480-479). Il mourut assassiné par deux de ses 
officiers. C'est lui que la Bible désigne sous le nom 
d'Assuérus. Voir Assuérus, t. i, col. 1141 ; Esther, t. n, 
col. 1973. Les règnes des successeurs de Xerxès n'ont 
point d'intérêt pour l'histoire biblique; il n'est de nou- 
veau question de l'empire médo-perse qu'à l'occasion de 
sa destruction par Alexandre, roi de Macédoine, vain- 
queur de Darius 111 Codoman. Cette destruction avait été 
annoncée par Daniel. 

Comme l'avait prédit le prophète, les Grecs détrui- 
sirent l'empire médo-perse et Alexandre fut maître de 
l'Asie jusqu'à l'Inde. I Mach., i, 1. Voir Darius III 
Codoman, t. n, col. 1306. Cependant la province de 
Médie ne fut jamais complètement soumise aux Grecs. 
Atropatès, satrape de la petite Médie, en conserva le gou- 
vernement, Justin, XIII, iv, 12; il se rendit plus indé- 
pendant encore à la mort d'Alexandre et se proclama- 
roi. C'est de lui que cette partie de la Médie prit le nom 
d'Atropatène. Sa dynastie régnait encore sur ce pays au 
temps de Stra^-J. Strabon, XI, xm, 1. Cf. J. G. Droy- 
sen, Histoire de l'Hellénisme, trad. franc., in-8", t. n r 
Paris, 1884, p. 32, 134, 437, 750; t. m, 1885, p. 80, 
344, 599. La grande Médie eut sous Alexandre pour 
satrape Pithon, qui conserva son gouvernement après 
la mort du roi, Justin, XIII, iv, 12; après lui Orutabès 
gouverna la province. Diodore de Sicile, XIX, xlvi, 5. 
Séleucus I er Nicator occupa la Médie, mais il ne s'y éta- 
blit pas solidement. Antiochus III fit aussi des expédi- 
tions dans ce pays et confia la satrapie de Médie à> 
Molon, Polybe, V, XL, 7. I. G. Droysen, Histoire de- 
V Hellénisme, t. n, p. 32, 134, 252, 287, 360; t. m, p. 344. 

Ces expéditions continuèrent sous Antiochus IV. 
I Mach., vi, 56. La Médie fut ensuite conquise par les 
Arsacides, rois des Parthes, et incorporée à leur empire. 
I Mach., xiv, 1-3. Voir AnsACE, t. i, col. 1034. Rages, 
ou Europos prit alors le, nom d'Arsacéia. Strabon, XI, 
xm, 6. Les Arsacides conclurent de nombreuses alliances 
matrimoniales avec les descendants d'Atropatès, souve- 
rains dé la Médie Atropaténe. Strabon, XI, nu, 1. 

III. Mœurs et coutumes des Mèdes. — La religion des.. 



921 



MÉDIE 



922 



Mèdes était celle de Zoroastre. Elle reposait essentiel- 
lement sur la croyance à deux principes, Ormuzd ou 
Ahouramazdâ (fig. 239), principe de la lumière et du bien, 




239. — Ahouramazdâ. Persépolis. 

D'après Texier, Description de F Arménie, la Perse 

et la Mésopotamie, 2 in-P, Paris, 1840-1852, pi. 111 bis. 

et Ahriman ou Angrômainyous, principe des ténèbres et 
du mal. Ormuzd et Arhiman sont secondés dans leur 
œuvre bienfaisante ou malfaisante par des génies de 



S'il sort de la voie droite, il ne peut y rentrer que par 
le repentir et la purification. Il doit bien traiter les 
animaux bienfaisants, créatures d'Ormuzd, et détruire les 
animaux nuisibles, créatures d'Ahriraan. La polygamie 
est encouragée. Après la mort, les corps étaient exposés 
à l'air et livrés en pâture aux bêtes de proie. On recueil- 
lait ensuite les os et on les enfermait dans un petit tom- 
beau de terre ou de pierre ou dans un monument creusé 
dans le roc ou élevé au-dessus de la plaine. L'âme du 
juste allait dans des plaines lumineuses, l'âme du cou- 
pable vers les régions ténébreuses et empestées du nord. 
Ni Ormuzd, ni Ahriman, ni les génies des différents 
ordres n'avaient de temples ni de statues; on leur 
dressait sur les collines, dans les palais ou dans les 
villes, des autels sur lesquels on allumait du feu en 
leur honneur. On leur offrait des parfums et des fruits 
et on leur sacrifiait des animaux. Le roi était l'image 
d'Ormuzd ici-bas; Phanias d'Éphèse, Fragmenta Histo- 
rîcorum Grxcorum, 9, édit. Didot, t. n, p. 296. Lui seul 
pouvait se passer de l'intermédiaire des Mages. Les 
Mages étaient les prêtres. Ils formaient une caste et 
étaient soumis à de nombreuses pratiques de purifica- 







240. — Soldats mèdes et perses. Palais de Persépolis. 
D'après Coste et Flandin, Voyage en Perse, Perse ancienne, t. il, pi. c, planches. Le premier et le troisième personnages sont mèdes. 



-différents ordres. Dans l'ordre du bien, les génies supé- 
rieurs sont les Ameschaspentas et les génies d'ordre 
secondaire les Yozatas. Les suppôts d'Ahriman sont les 
Darvand et les Daévas. Tiraillé entre les deux principes, 
l'homme doit s'efforcer d'agir selon la justice, c'est-à- 
-dire de suivre l'impulsion d'Ormuzd et de ses auxiliaires. 



tion, entre autres à l'abstinence de viande. Fr. Lenormant- 
E. Babelon, Hist. anc, t. v, p. 385-417 ; G. Maspero, 
Hist. anc., t. m, p. 377-395. 

Les anciens Mèdes (flg. 240) étaient un peuple guerrier. 
Hérodote, vu, 61 ; Strabon, XI, xiil, 6, 9, signalent leur 
habileté à tirer de l'arc. Voir Arc, 1. 1, col. 897. Us avaient 



923 



MËDIË 



92i 



aussi une excellente cavalerie. Strabon, XI, xrv, 2, 12. 
D'après Xénophon, Cyrop., II, i, 7, ils ne combattaient 
jamais pour le pillage, mais uniquement pour l'honneur. 
L'armée des Mèdes se composa d'abord de contingents 
fournis par les diverses tribus. Cyaxare organisa une 
armée régulière en séparant les corps de troupes d'après 
leurs armes. Hérodote, I, 103. Les fantassins étaient 
coiffés d'un bonnet de feutre à forme haute qu'on 
appelait tiare; ils étaient vêtus de tuniques longues aux 
manches amples (Bg. 241), garnies parfois de plaques de 




43^ ^Jmîï fhfM » 




241. — Soldat mède à -tunique longue et amples manches, 
portant le carquois. Persépolis. Bas-relief de la salle 
hypostyle de Xerxès. Moulage du Musée du Louvre. 

fer, ils portaient des jambières et dos brodequins en cuir 
mou. Leurs armes étaient la pique, une courte épée, un 



242. — Cavalier mède. Cylindre méde. Bibliothèque nationale. 

ou deux javelots légers, un arc et des flèches. Les cava- 
liers (flg. 242)étaient vêtus de la même façon, ne se ser- 
vaient ni de selles, ni d'étriers, et avaient les mêmes 



armes que les fantassins. Hérodote, vu, 61, 62, 86. Cf. 
G, Maspero, Hist. anc, t. m, p. 465-466. Les Perses 
adoptèrent ce costume après qu'ils eurent conquis la 
Médie. Hérodote, vu, 61-62; Xénophon, Cyropédie, I, 
m, 2; Strabon, XI, xm, 9. Voir t. i, flg. 587, col. 1886. 
Avant la conquête du pays par leS Perses, les mœurs 
des Mèdes étaient austères, mais ils prirent les habitudes 
de luxe de leurs vainqueurs, du moins les habitants de 
la grande Médie, car les montagnards de l'Àtropatène 
conservèrent leurs mœurs rudes en même temps que 
leurs habitudes de brigandage. Strabon, XI, XII, 5; xm, 
11 . Les rois de Médie étaient de la part de leurs peuples 
l'objet d'une adoration religieuse, ils étaient obligés 
d'avoir cinq femmes. Strabon, XI, xm, 11. A partir de 
la conquête de la Médie par les Perses, les mœurs, les 
usages, la vie des deux peuples se confondirent. Héro- 



Wmxrrî 





243. — Gardes du roi Darius. Suse. Musée du Louvre. 

dote, XI, xm, 11. La garde des rois de Perse se compo- 
sait de Mèdes et de Perses (fig. 243). 

III. Les Medes dans la Bible. — Les M*èdes descen- 
daient de J.ipheth parMadaï, son troisième fils. Gen., x, 
2; I Par., 1, 5. Voir Madaï, col. 531. Il est question pour 
la première fois des Mèdes dans la Bible à l'occasion de 
la prise de Samarie par les Assyriens. Le vainqueur 
transporta une partie des captifs dans les villes des 
Medes. IV (II) Reg., xvn, 6; xvm, 11. L'auteur du 
livre de Tobie nous montre ces captifs établis en Médie. 
Raguël et Gabélus étaient au nombre des Israélites 
transportés dans ce pays. Raguël était très probable- 
ment établi à Ecbatane. Septante, Tob., ni, 7; vi,,5, 
ix, 2; Vêtus Itala, vi, 10. Les Septante, vi, 9, et la Vulgatë, 
ni, 7, et vi, 9, portent par erreur Rages. Gela est évident 
par le verset qui dit que Gabélus et Raguël habitaient 
des villes éloignées. Tob., ix, 5. Gabélus était fixé à 
Rages. Tob., i, 16; iv, 21, v, 8; ix, 3, 6. Bans ce der- 



925 



MÉDIE — MÉDISANCE 



926 



nier verset les Septante n'ont pas le nom de la ville. 
Voir Ecbatane 1. t. ii, col. 1520; Gabélus, t. m, col. 21; 
Rages ; Raguel. Cf. F. Vigouroux, Manuel biblique, 
11 e édit., in-12, Paris, 1899, t. n, p. 178; Id., Les Livres 
Saints et la critique rationaliste, 5 e édit., in-12, Paris, 
1902, t. IV, p. 572-576. Après la mort de ses parents le 
jeune Tobie se fixa à Ecbatane. Tob., xrv, 14-16 (texte 
grec). La Vulgate ne nomme pas la ville. 

Au début du livre de Judith, il est question d' Arpha- 
xad, roi des Mèdes, qui, après avoir conquis un grand 
nomhre de nations, bâtit Ecbatane. Judith, i, 1-4. Le roi 
dont il s'agit ici porte un nom qui est inconnu dans la 
liste des rois de Médie. C'est probablement une erreur 
de transcription pour Aphraate ou Phraorte, fils et suc- 
cesseur de Déjocès, 647-625 avant J.-C. Dans les versets 
suivants est racontée la campagne de Nabuchodonosor, 
c'est-à-dire d'Assurbanipal, contre Arphaxad et sa défaite 
en une plaine appelée Ragau dans- le grec et dans la 
Vulgate, et Doura dans la version syriaque. Judith, i, 5- 
6. Voir Ragau; Assurbanipal, t. i, 1144; Arphaxad, 
t. i, 1030. Assurhanipal raconte dans l'inscription d'un 
cylindre qu'il a battu Birizfyatri, chef de la Médie, ainsi 
que ses alliés, et qu'il les emmena captifs à Ninive. 
Cyl. A, col. m, iv; G. Smith, History of Atsurbanipal, 
in-4°, Londres, p. 97; Eb. Schrader, Keilinschrtftli- 
che Bibliothek, t. n, p. 178; British Muséum, A guide 
to the Babylonian and Assyrian antiqitities, Londres, 
in-8», 1900, p. 197, n° 12. 

Isaïe, xiii, 17-18, annonce que les Mèdes marcheront 
contre Babylone et en extermineront les habitants. 
« Voici que j'excite contre eux les Mèdes qui ne font pas 
cas de l'argent et qui ne convoitent pas l'or. De leurs 
arcs, ils abattront les jeunes gens. Ils seront sans pitié 
pour le fruit des entrailles. Leur œil n'épargnera pas 
les enfants. » Il renouvelle cette menace, xxi, 2 : « Monte, 
Élam (la Perse)! assiège, Médie! » Jérémie, li, 11, 28, 
annonce également le châtiment de Babylone par les 
Mèdes. « Jéhovah a excité l'esprit des rois de Médie 
parce qu'il veut détruire Babylone. Préparez contre 
elle les nations, les rois de Médie, ses gouverneurs et 
tous ses chefs, et tout le pays Sous leur domination. » 
Il annonce égalemenf que les rois d'Élam et des Mèdes 
boiront la coupe de la colère divine. Jer., xxv, 25. 
Daniel expliquant à Baltassar le sens du mot Perês ou 
Phares, le traduit ainsi : Ton royaume a été partagé 
{perisaf) et il a été donné aux Mèdes et aux Perses. Dan., 
v, 26-28. La même nuit l'armée des Mèdes et des Perses 
entrait à Babylone et Baltassar, roi de Chaldée, était 
tué; Dan., v, 30; Hérodote, i, 191; Xénophon, Cyrop., 
VII, v, 26-31. Voir Baltassar 2, t. i, col. 1420; Cyrus, 
t. n, col. 1192. Le gouverneur de Babylone après la prise 
de cette ville est appelé par la Bible Darius le Mède, 
Dan , v, 31 (hébreu, v, 1); cf. ix, 1; xi, 1; le personnage 
dont le nom assyrien est Ugbaru était le chef de l'armée 
qui avait pris Babylone. Il exerça le pouvoir souterrain 
jusqu'à l'arrivée de Cyrus, trois mois après. Voir 
Darius le M&de, t. H, col. 1297. 11 se montra très 
bien disposé à l'égard de Daniel et en fit un des trois 
ministres qui étaient placés au-dessus des 120 satrapes. 
Dan., vi, 1-2 (hébreu, vi, 2-3). Cependant les satrapes, 
jaloux de l'influence de Daniel, obtinrent que Darius 
portât un édit d'après lequel quiconque adresserait une 
prière à un homme ou à un Dieu autre que lui^serait jeté 
dans la fosse aux lions. A cette occasion et à plusieurs 
autres reprises, Daniel signale une coutume suivant 
laquelle lorsqu'un écrit est signé du roi, il est irrévo- 
cable selon la loi des Perses et des Mèdes. Dan., vi, 8, 12, 
15 (hébreu, 9, 12, 16). Lorsque le gouverneur de Syrie, 
contestant l'existence de la permission donnée par 
Cyrus, essaya d'empêcher Zorobabel de reconstruire le 
Temple ainsi que l'avait permis Cyrus, celui-ci s'adressa 
à Darius I er , son successeur, et l'édit fut retrouvé à Ecba- 
tane, capitale de la grande Médie. Esd., vi, 2. Voir 



Ecbatane, 2, t. n, col. 1528; Daniel, t. n, col. 1250- 
1251. Dans une vision, Daniel avait vu la destinée de 
l'empire des Mèdes et des Perses sous le symbole d'un 
bélier à deux cornes, terrassé par le bouc, c'est-à-dire 
par le roi de Javanou le roi des Grecs, Alexandre. Dan., 
vin, 3-8, 20. C'était la répétition sous une autre forme 
de la vision du colosse où l'empire médo-perse était 
représenté par la poitrine et les bras d'argent, Dan., 
il, 32, 39, et devait céder la place à l'empire grec repré- 
senté par le ventre et les cuisses d'airain. C'était encore 
ce qu'il avait vu dans la vision de l'ours et du léopard, 
Dan., vu, 5-6; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, t. iv, p. 390-394. Isaïe, un, 17, fait allusion 
à la réputation des Mèdes comme archers; Jérémie, l, 
42, à l'excellence de leur caractère ; Isaïe, xm, 17, à leur 
désintéressement. 

La victoire des Grecs, ayant à leur tête Alexandre, roi 
de Macédoine, sur Darius, roi des Perses et des Mèdes, 
est mentionnée dans I Mach., i, 1. Voir Darius III 
Codouan, t. n, col. 1306. Lysias revenait d'une expédi- 
tion en Médie, lorsqu'il prit la direction des affaires soùs 
Antiochus V. I Mach., vi, 56. Les Parthes (Perses) con- 
quirent la Médie, c'est pourquoi Arsace est indiqué 
comme roi de Perse et de Médie, Démétrius II essaya en 
vain de lui prendre ce pays ; il fut battu et fait prisonnier. 
I Mach., xiv, 1-3. Voir Arsace, t. i, col. 1034. Dans 
I Mach., vin, 8, la Médie est nommée parmi les pays que 
les Romains donnèrent à Eumène II, roi de Pergame. 
C'est une erreur de transcription. Il s'agit ici de la 
Mysie. Voir Eumène II, t. i, col. 2043. Dans le Nouveau 
Testament il est question de Juifs ou de prosélytes hahi- 
tant la Médie parmi les auditeurs de saint Pierre, dans 
le discours qu'il prononça au Cénacle, le jour de la 
Pentecôte. Act., n, 9. 

IV. Bibliographie. — Fr. Lenormant. Lettres assyrio- 
logiques,i" série in-4°, Paris, 1871; G. Rawlinson, The 
five great monarchies, 4 e édit., in-8°, Londres, 1879, t. ti ; 
J. Oppert, Le peuple et la langue des Mèdes, in-8°, 
Paris, 1879; A. Delattre, Le peuple et l'empire des 
Mèdes, in-4 , Bruxelles, 1883; J. V. Praek, Medien 
und das Haus der Kyaxares, in-8°, Berlin, 1890; F. H. 
Weisbach et W. Bang, Die altpersischen Keilinscriften, 
in-4», Leipzig, 1893. E. Beurlier. 

MÉDISANCEfhébreu ^a/tîZ, dibbâh, etc. ; Septante: 
p),aaç7][ji{a, xaTaXaXti, XaXt'a, Xawopix, tyôyot; ; Vulgate : 
detractio, blasphemia, vituperalio, etc.), propos mal- 
veillant. Dans le langage moderne, qui est plus précis, 
la « médisance » s'entend proprement de la révélation par 
paroles des fautes ou des défauts du prochain et la « ca- 
lomnie » des accusations mensongères portées contre le 
prochain. Ces distinctions n'existent pas dans l'Écri- 
ture et la médisance, conformément à l'étymologie 
de ce mot, maledicentia, s'entend de toutes les pa- 
roles mauvaises, vraies ou fausses et plus orx moins 
injurieuses, qu'on profère contre quelqu'un. Outre les 
mots indiqués ci-dessus, qui s'appliquent plus spéciale- 
ment aux propos malveillants, il y a dans la Bible, 
dans le texte original comme dans les versions, nom- 
bre d'autres termes qui désignent des injures ou des 
outrages et qui se rencontrent dans des phrases qui 
condamnent ou blâment la médisance et les médi- 
sants. 

1° Les livres de l'Ancien Testament, et particulière- 
ment les livres sapientiaux, et dans le Nouveau Testament 
les Épitres s'élèvent souvent contre ce vice, parce que 
les conséquences en sont funestes. Ps. xlix, 19-21; 
cvm, 20; xxxix, 9-10; Prov., xvi, 27-30; xxi, 28; exix, 5; 
xviii, 6-7; xxiv, 28; xxvi, 20-24; xxx, 10; Eccli., xxvm, 
13-21; I Cor., v, 4, 11; vi, 10; Jac, m, 6. Le juste ne 
doit médire de personne. Ps. xrv, 3; Tit., m, 2; Jac, 
îv, 11 ; Ps. xrv, 5; xxxm, 13; c, 5; Prov., x, 18; xi, 13; 
xx, 19;Sap., i, 11; Eccli., v, 14, 16; Jer., vi, 28; Rom., i, 



927 



MÉDISANCE — MÉDITERRANÉE (MER) 



028 



30; II Cor., xil, 20; I Tim., m, 41 ; Tit., n, 3; I Pet., n, 

I. — C'est la langue qui est l'instrument de la médi- 
sance et elle donne la mort ou la vie, selon qu'elle parle 
bien ou mal. Prov., xvm, 21; Jac, m, 8-9. Aussi le mot 
« langue » est-il assez souvent employé dans l'Écriture 
dans le sens de médisant ou de médisance, Ps. cxl, 12 
(hébreu), « l'homme de langue »pour qui parle mal, 
« langue de mensonge » ou langue trompeuse, Ps. cvm, 
2; Prov., iv; 17; xn, 19 (cf. 22); xxvi, 28; « la langue 
double, i> Eccli., v, 11; « langue troisième, » Eccli., 
xxviii, 15. Cf. dans l'hébreu, Job, v, 21; Jer., xvm, 18; 
Ezech., xxxvi, 3. La médisance n'est souvent que calom- 
nie et mensonge, Prov., x, 18; xiv, 5, 25; mais même 
quand elle dit des choses vraies, si l'on n'est pas tenu 
par devoir ou par justice à révéler le mal du prochain, 
on est répréhensible et digne de blâme. Lev., xix, 16; 
Eph., iv, 31 ; I Pet., m, 10; Prov., vin, 13; cf. Rom., m, 
8; II Tim., m, 3. Il faut imiter l'exemple des anges qui 
ne disent du mal de personne. II Pet., n, 11; Juda, 9. 

2° L'Écriture rapporte plusieurs exemples de médi- 
sance et de calomnie, celui du serviteur de Miphiboseth, 
II Reg., xix, 27; des Chaldéens qui accusent les compa- 
gnons de Daniel auprès de Nabuchodonosor, Dan., m, 
8; des ennemis des Juifs revenus de captivité écrivant 
contre eux à Artaxerxès. I Esd., iv, 6-16, etc. — Les 
saints de l'Ancien Testament, Ps. xxx, 13-14; xl, 6; 
xxvi, 12; xxxiv, 11; Jer., xv, 10; Jésus-Christ, Matth., 
Xi, 19; Marc, ix, 39; Luc, n, 34; les Apôtres, Act., xix, 
9; xxiv, 5; xxvm, 22; II Cor., vi, 8, et les premiers chré- 
tiens, Matth., v, 11; Luc, vi, 22; I Pet., u, 12; iv, 4, 
furent en butte à la médisance. Saint Paul, Tit., n, 8; 
m, 2, et saint Pierre, I Pet., ni, 16, recommandent aux 
fidèles de ne pas fournir de prétexte aux médisants, afin 
qu'ils n'aient pas occasion de déshonorer l'Évangile, 
Rom., xiv, 16; cf. n, 34; II Pet., h, 2; Tit., u, 5; I Tim., 
vi, 1, mais quand ils sont irréprochables, ils doivent 
supporter avec patience un mal qu'ils ne peuvent éviter, 

I Pet., m, 9; cf. I Cor., iv, 13; à l'exemple de Jésus-Christ. 
Matth., xxvn, 39; Marc, xv, 32; Joa., ix, 28; I Pet., h, 
23; iv, 14. 

MÉDISANT (hébreu : nirgdn, Prov., xvi, 28; xvm, 8; 
xxvi, 20, 22; rakil, Lev., xix, 16; Prov., xi, 13; xx, 19; 
Ezech., xxn,9; Septante : xc<Ta(XaXuv(xaîâXaXoç),Rom.,i, 
30; SïyXtoo-ffoç; XoiSopoç; Vulgate : detractor, etc.), celui 
qui dit du mal des autres. Voir Médisance. 

MÉDITERRANÉE (MER). Ce nom ne se trouve pas 
dans la Vulgate (l'expression per mediterranea de 

II Mach., vin, 35, sous-entend loca, comme le grec ori- 
ginal 8tà tïjç [leaoyeîou sous-entend ôSoû, « par le chemin 
situé au milieu des terres »), mais la mer ainsi appelée 
est bien connue dans la Bible ; elle a même un rôle phy- 
sique et historique qu'il est important de signaler. 

I. Noms. — La Méditerranée porte dans l'Écriture 
les noms suivants : Hay-yâm hag-gâdôl; Septante : 
^1 8ïXa<7irc( ti (jeyâXï), « la Grande Mer. » Num., xxxiv, 
6, 7; Jos., I, 4; ix, 1; xv, 47; xxiu, 4; Ezech., xlvii, 
ip, 19, 20. Dans le monde connu des Hébreux, c'était, 
en effet, la plus vaste. — Hay-yâm hâ-'afrârôn; Septante : 
r, OaXacua 7| iuxâxri, « la mer Postérieure » ou « Occi- 
dentale », 7| WXaoca f| iiïl 8ua(iûv; Vulgate : mare 
novissimum, occidentale. Deut., xi, 24; xxxiv, 2; Joël, 

II, 20; Zach., Xiv, 8. On sait que les Hébreux détermi- 
naient les points cardinaux en regardant l'orient; la 
Méditerranée était donc « derrière » celui qui se tour- 
nait vers le levant et par là même « à l'occident ». — Yâm 
Pelistim; Septante : f| flâXacroa tîjç *uXKrc.e['(i; Vulgate : 
mare Palsestinorum, « mer des Philistins, » parce qu'elle 
baignait le territoire de ce peuple, c'est-à-dire le sud- 
ouest de la Palestine. E-xod., xxm, 31. — Yàm Yâfâ; 
Septante : OaXairoa 'LStcotiç, « la mer de Joppé, » ou de 
Jatta, le port le plus important de la côte palestinienne. 



II Par., n, 16; I Esd., m, 7. — Le plus souvent même 
la Bible emploie simplement le terme général, liay-yâm, 
ï| ôiXociTuoc, « la mer, » le contexte indiquant suffisamment 
qu'il s'agit de la Méditerranée. Num., xiii, 30; xxxv, 
5; Jos., xvi, 8; III Reg., v, 9; xvm, 43; 44; Ezech., 
xxvi, 17, etc. La Vulgate a cru quelquefois devoir spé- 
cifier : « la mer qui regarde l'occident, » Num., xxxv, 
5; « la grande mer. » Jos., v, 1; xv, 4. — La Médi- 
terranée était également, pour les Assyriens, « la mer 
du soleil couchant, » tiàm-tiv Sa Sul-mu Sam-H. Cf. E. 
Schrader, Die Keilinschriftenund dasAlte Testament, 
Giessen, 1883, p. 220; F. Vigouroux, La Bible et les 
découvertes modernes, Paris, 1896, t. m, p. 512. Pour les 
Égyptiens, c'était la « Très Verte», Ouaz-oîrît. Cf. Mas- 
pero, Histoire anciennedes peuples deV Orient classique, 
Paris, 1895, t. i, p. 17. Les Grecs l'appellent ordinaire- 
ment « la mer » ; les Latins, « Mer intérieure. » 

II. La côte syrienne de la Méditerranée. — Nous 
n'avons point à décrire ici la Méditerranée dans son 
ensemble. Ne l'envisageant qu'au point de vue biblique, 
nous montrerons son rôle physique dans la formation de 
la côte syrienne, ou, plus exactement, des côtes phéni- 
cienne et palestinienne, qui appartiennent plus spécia- 
lement à l'Écriture. Voir fig. 244. 

En suivant sur une carte la ligne qui marque le litto- 
ral méditerranéen depuis Beyrouth au nord jusqu'à 
Youadi Ghazzéh au sud, on voit qu'elle s'infléchit légè- 
rement du nord-nord-est au sud-sud-ouest. Elle présente 
en même temps deux aspects différents, déterminant par 
là le caractère de deux peuples distincts d'origine et de 
mœurs, quoique extrêmement rapprochés par la langue 
et les relations historiques. De Beyrouth au Carmel, 
elle est dentelée comme une scie, marquée de distance 
en distance par des pointes peu proéminentes, il est 
vrai, assez saillantes néanmoins pour former deux par- 
ties bien opposées. Ces promontoires portent le nom de 
rds ou cap: râs Damûr, râs el-Abiad, râs en-Naqûrah. 
Les sinuosités plus ou moins prononcéesde cette ligne 
brisée viennent aboutir à une échancrure plus profonde, 
qui est la baie de Saint-Jean-d'Acre, trait caractéristique 
de cette partie du rivage syrien. Les pointes avancées 
ont servi d'assiette à des villes qui s'étagent à égale 
distance les unes des autres, Beyrouth, Sidon, Tyr et 
Akka. Au-dessous du Carmel, il n'y a plus qu'une ligne 
presque absolument droite. Un petit promontoire à 
Athlit, deux ou trois petites baies à Tantûrah, une anse 
étroite à Césarée, l'affreuse rade de Jaffa. quelques 
criques ensablées plus bas, c'est tout ce qui vient en 
briser la monotone rigidité. C'est une barrière uniforme 
et nue, composée de dunes de sables, contre laquelle les 
flots de la mer déposent un long ruban d'écume. 

D'où vient au rivage ce modelé spécial, qui, nous le 
verrons, a eu ses conséquences dans l'histoire? La 
forme des côtes dépend en chaque point de la puissance 
mécanique des vagues s'exerçant contre la terre ferme, 
de la structure antérieure du littoral et des mouvements 
qui peuvent en affecter l'équilibre. On sait quelle est la 
force érosive de la mer. En dehors même de la marée, 
les vents qui soufflent du large, où nul obstacle ne les 
contrarie, poussent vers la terre des flots souvent impé- 
tueux. Sous le choc de ces masses liquides, les roches 
tant soit peu meubles se désagrègent et l'eau s'enfonce 
comme un coin à travers les fentes qu'elle rencontre. 
La vague ramène avec elle les matériaux ainsi désa-( 
grégés, qui accroissent sa puissance, et elle s'en sert 
comme d'une mitraille pour attaquer de nouveau le 
rivage exposé à son action. On voit dès lors comment 
certaines parties se creusent plus rapidement, sont plus 
profondément rongées que les autres, suivant le degré 
de résistance ou l'état de fendillement des roches. Ces 
inégalités engendrent des criques ou des anses plus ou 
moins découpées en arc de cercle. Ajoutons par ailleurs 
que les lits d'écoulement taillés par les fleuves entament 



929 



MÉDITERRANÉE "(MER) 



930 



]es bords de la mer et permettent à celle-ci d'envahir 
avec plus de facilité le continent. « Les progrès de l'éro- 
sion marine, favorisés par l'inégale résistance des roches, 
peuvent même, à la longue, amener la formation A'îles 
en avant des côtes. » À. de Lapparent, Leçons de géo- 
graphie physique, Paris, 1898, p. 262, 266. 

Il est facile, à la lumière de ces principes, de com- 
prendre la formation des côtes phénicienne et palesti- 
nienne. La première, que nous considérons depuis Bey- 
routh jusque vers le râs en-Naqûrah, est parallèle au 
Liban et à son prolongement galiléen. La montagne pro- 
jette ses racines jusqu'au rivage ; les puissants éperons 
qui se détachent du massif principal viennent se termi- 
ner par autant de caps, dont les flancs sont coupés à 
pic. Ces contreforts, qui servent de socle aux grandes 
cimes du Liban, sont seulement séparés par des vallées 
plus ou moins larges, à travers lesquelles s'échappent 
les torrents. Renan, Mission de Phénicie, Paris, p. 836, 
a donc bien défini la Phénicie, lorsqu'il a dit qu'elle « ne 



barques s'agrandirent; ils utilisèrent tous les accidents 
de terrain pour créer des bassins où les navires fussent 
protégés; ils profitèrent même des lignes de récifs qui, 
dans certains endroits, brisent l'élan de la vague, et en 
arrivèrent, au moyen d'enrochements artificiels, à avoir 
des ports fermés par une chaîne. C'est ainsi que la 
Méditerranée a contribué, pour sa part, à faire des Phéni- 
ciens le premier peuple marin. Cf. Perrot, Histoire de 
l'art dans l'antiquité, Phénicie, Paris, 1885, p. 8, 378. 
A partir du râs en-Naqûrah, la ligne devient plus 
droite, mais pour s'arrondir bientôt en arc de cercle 
entre Saint-Jean d'Acre et Khaïfa. Cette large échancrure 
est sans doute un reste des vieux âges géologiques, une 
sorte d'estuaire rappelant l'époque où les eaux méditerra- 
néennes pénétraient au cœur de la Palestine et faisaient 
de la plaine d'Esdrelon un vaste et superbe lac. Du 
Carmel à l'puadi Gbazzéh, les conditions ne sont plus 
les mêmes que sur la côte phénicienne. Au lieu d'une 
étroite bande de terre resserrée entre les montagnes et 




244. — Carte de la Méditerranée. 



fut pas un pays, mais une série de ports, avec une ban- 
lieue assez étroite ». Et cependant cette contrée, qui devait 
devenir le berceau de la navigation, n'offre aucun de ces 
vastes bassins naturels, aucune de ces rades bien closes 
qui s'ouvrent sur beaucoup de côtes. Mais les premiers 
navigateurs ne demandaient pas tant : une anse pour se 
réfugier et plier leurs voiles, une grève de sable où faire 
échouer leurs barques, c'est tout ce qu'il leur fallait. Et 
c'est précisément la configuration même du terrain qui 
contraignit les Phéniciens de se lancer sur la mer. La 
plaine côtière, resserrée entre celle-ci et la montagne, 
assez large par endroits pour offrir une place aux villes, 
aux vergers et aux champs, est coupée par des torrents 
que les pluies d'automne ou la fonte des neiges rendent 
infranchissables. Comment les villes disséminées sur 
ce cordon maritime pourront-elles communiquer en- 
semble pendant une partie de l'année? La voie de-mer 
était, en somme, la plus facile. Le matelot se contenta 
d'abord de longer la côte en la serrant de très prés, 
cherchant, pendant la tempête ou la nuit, un abri entre 
les saillies de la montagne, dans les petites anses mena-: 
gées par la nature. Les Phéniciens recherchèrent sur- 
tout, pour placer leurs premières bourgades, les points 
les plus faciles à défendre et en même temps les plus 
faciles à reconnaître du large, comme les Ilots et les 
promontoires. Leurs ports primitifs furent de simples 
petits ports de pêche, comme l'indique le nom de Sidon, 
hébreu : Sidôn, « pêcherie. » Avec le temps, leurs 

DICT. de LA CIBLE. 



la mer, nous voyons une plaine qui va s'élargissant à 
mesure qu'elle avance vers le sud. Avec ses collines 
sablonneuses et ses mamelons cultivés ou boisés, elle 
rappelle les vagues qui la recouvrirent autrefois et 
auxquelles elle doit son origine. Elle n'est autre chose, 
en efiet, qu'une plage soulevée, qui peu à peu a rejeté 
la mer loin des monts de Samarie et de Judée, dont elle 
baignait le pied, aux âges préhistoriques. Nous avons 
ici une côte plate, et, comme sur tous les terrains de ce 
genre, la mer y rejette, sous la forme d'un cordon litto- 
ral, les graviers, sables et limons que le courant qui 
longe le rivage peut charrier. Séchées par un soleil 
ardent, poussées et amoncelées par le vent, ces matières 
très meubles ont formé des dunes parfois assez hautes. 
Leur masse légère a fini par combler quelques vieux ports, 
et, comme en Egypte, est en train de faire un linceul 
aux antiques cités. On croit aussi que les: courants qui 
charrient le long de la côte le limon du Nil ont contri- 
bué à rectifier le littoral. Et ainsi le fleuve d'Egypte 
aurait non seulement formé le Delta, mais encore fourni 
son apport au littoral palestinien. En avant de ces plages, 
et parallèlement au rivage, il existe tout un cordon de 
récifs, constituant tantôt des brise -lames, tantôt des 
écueils .dangereux, comme à l'entrée du port de Jaflïu 
Ces rochers qui longent la côte, à quelques centaines de 
mètres, le plus souvent à fleur d'eau, sont des grès cal- 
carés-siliceux, de formation moderne, remplis de pé- 
toncles (Pectunculus violacescens). Ils sont ainsi pro^ 



IV. 



30 



931 



MÉDITERRANÉE (MER) — MEGILLOTH 



932 



duits par l'agglutination du sable et d'un grand nombre 
de coquillages, au moyen d'un ciment siliceux déposé 
par les eaux de la mer. Cf. L. Lartet, Géologie, dans le 
Voyage d'exploration à la mer Morte du duc de Luynes, 
Paris, t. m, p. 199; Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, 
dans le Tour du Monde, t. xlii, p. 161, 162. 

Les ports ou vestiges de ports que l'on rencontre au 
sud de Saint-Jean d'Acre, sont : Khaïfa, au-dessous du 
Carmel; A thlit, l'ancien Castellum Peregrinorum; Tan- 
tûrah, qui représente la vieille citéj-oyale chananéenne 
de Dor(\oir Dor, t. n, col: 1487); Qaïsariyéh, l'ancienne 
Césarée (voir Césarée du eord de la mer, t. n, col. 456) ; 
Jafta, l'antique Joppé. Voir Joppé, t. m, col. 1631. Au- 
dessous de cette dernière ville, on trouve à peine des 
traces de port. Un peu au sud du Nahr Rûbtn, se déve- 
loppe une petite baie, qui s'arrondit entre deux pro- 
montoires; elle constituait autrefois l'établissement 
maritime de Jamnia, aujourd'hui Yebnéh. Voir Jamnia ; 
t. m, col. 1115. Plus bas, quatre kilomètres à l'ouest 
à'Esdûd, l'ancienne Azot des Philistins, on aperçoit les 
ruines d'un petite ville et d'une forteresse commandant 
une rade, aujourd'hui solitaire-. C'est Minet Esdûd, 
VAzot maritime, 'AÇûtoc irapâXio? de certains auteurs. 
Il faut descendre jusqu'à Ascalon pour trouver des ruines 
assez considérables. Voir Ascalon, t. i, col. 1060. Enfin 
Gaza avait, elle aussi, son comptoir maritime vers le 
nord-nord-ouest, dans un endroit appelé El-Minéh. 
Voir Gaza, t. m, col. 118. En résumé, plus on descend 
vers le sud, plus le relief de la côte méditerranéenne 
s'efface, plus elle devient inhospitalière, dépourvue de 
ports. Si le littoral phénicien a comme poussé l'homme 
vers la mer, le littoral palestinien a été plutôt pour les 
Hébreux une barrière. Au lieu d'en faire un peuple 
marin, Dieu les a longtemps séparés des autres nations, 
les enfermant dans une triple barrière, les montagnes, 
le désert, la mer. Le « port » n'existe même pas en 
hébreu. Voir Port. La Méditerranée cependant, nous 
allons le voir, a été pour les Apôtres une grande voie de 
communication pour porter au loin l'Évangile. Cf. 
A. Legendre, La côte méditerranéenne, dans la Revue 
des Facultés catholiques de l'Ouest, Angers, février 1900, 
p. 315-333; juin 1900, p. 595-613. 

III. La Méditerranée dans l'histoire bielique. — 
La Méditerranée, dans les premiers livres de là Bible, 
sert ordinairement à déterminer la limite occidentale 
du pays de Chanaan. Num., xxxrv, 5, 6, 7; xxxv, 5; 
Deut., xi, 24; xxxiv, 2; Jos., xv, 4, 11, 47; xvi, 3, 8; 
xxni, 4. Ailleurs elle est mentionnée à propos des prin- 
cipales villes qui' sont sur ses bords :Tyr, Êzech., xxvi, 
2, 3, 5, etc.; Jalîa, où étaient amenés les cèdres du 
Liban envoyés à Salomon, III Reg., v, 9; II Par., n, 16; 
où s'embarqua Jonas, Jon., i, 3, 4, etc.; Césarée, dont 
Hérode le Grand avait fait un port remarquable, et d'où 
saint Paul partit pour Rome. Act., xxvn, 2. C'est de cette 
mer que le prophète Élie, placé sur le Carmel, vit mon- 
ter un petit nuage, grand comme le pas d'un homme, 
qui devint bientôt une nuée immense, couvrant tout 
le ciel. III Reg., xvm, 43, 44. C'est par elle que la civi- 
lisation s'est progressivement avancée de l'Orient vers 
l'Occident. Elle joue surtout un rôle considérable, vrai- 
ment providentiel, dans la première diffusion du chris- 
tianisme. Les Juifs, dispersés dans le monde gréco- 
romain, avaient établi des colonies sur une foule de 
points de la côte méditerranéenne, principalement en 
Asie Mineure et en Grèce. Or, c'est dans ces foyers du 
judaïsme que saint Paul, en particulier, porta la parole 
évangélique ; c'est sur « la Mer Intérieure j> qu'il fit ses 
incessants voyages, qu'il courut tant de dangers. Les 
villes les pius célèbres mentionnées dans les Actes se 
trouvent sur les bords de la Méditerranée ou non loin 
du rivage. Citons simplement : Antioche et Séleucie, 
Tarse, Attalie, Milet,Éphèse, Smyrne, Philippe, Thessa- 
lonique, Athènes, Corinthe. Voir ces noms. Les îles de 



Cypre, de Crète, de Rhodes, de Malte, etc., ont leur nom 
marqué dans ces annales primitives de la religion chré- 
tienne. Énumérer tous ces souvenirs serait faire l'his- 
toire de saint Paul; il nous suffit de rappeler ici, d'une 
manière générale, la place qu'occupe la mer dont nous 
parlons dans les événements qui ont changé la face du 
monde. Voir Paul (Saint). De même pour la civilisation 
profane et le commerce, voir Phéniciens. Pour les diffi- 
cultés de la navigation au temps des Apôtres, voir Navi- 
gation. A. Legendre. 

MEÉTABEL (hébreu : Mehêtab'êl, « celui ou celle 
dont Dieu est le bienfaiteur [?] »), nom, dans le texte hé- 
breu, d'une femme idnméenne et d'un Israélite. La Vul- 
gate écrit le nom de l'Israélite : Métabéel. 

1. MEÉTABEL (Septante : Mereêe^; Alexandrinus : 
MeToêe<î).), fille de Matred et petite-fille de Mézaab. Elle 
devint la femme d'Adar ou Adad, roi d'Édom, qui régnait 
à Phaù. Gen., xxxvi, 39; I Par., i, 50. 

2. MEÉTABEL. Voir MÉTABÉEL. 

MEGBIS (hébreu: Magbîs, « rassemblement [?]; » 
Septante ; MaYeëi?), nom d'homme, selon les uns; 
nom de ville, selon les autres. « Les fils de Megbis » revin- 
rent de la captivité de Babylone avec Zorobabel au nom- 
bre de cent cinquante-six. I Esd., H, 30. Ils ne figurent 
pas dans la liste parallèle de Néhémie. II Esd., vu, 33- 
34. Ou a rapproché ce nom de celui du Perse Mégabyze. 
Hérodote, n, 70, 160. Ceux qui font de Megbis une loca- 
lité la placent dans la tribu de Benjamin parce qu'elle 
est nommée après d'autres villes de cette tribu, Rama, 
Gabaa, Machmas, Béthel, Haï. Comme la plupart des 
noms qui figurent dans le catalogue d'Esdras sont cer- 
tainement des noms de villes, on peut en déduire avec 
probabilité que Megbis l'est aussi, quoiqu'elle soit d'ail- 
leurs complètement inconnue. 

MEGILLOTH, « rouleaux. » — 1" Nom. — A l'époque 
du Talmud, on appelle n'Alo tfDn, « les cinq rouleaux, » 
cinq livres de l'Écriture Sainte qu'on lisait à certaines so- 
lennités : le Cantique dés cantiques à Pâques, Ruth à ia 
Pentecôte, les Lamentations le 9 du mois A'ab (août), 
anniversaire de la destruction du temple d'Hérode, l'Ec- 
clésiaste à la fête des Tabernacles, Esther à la fête des 
Purim (14 adar). Bien que tous les livres anciens eussent 
généralement la forme de rouleau et qu'un volume 
quelconque, sans excepter le Pentateuque, pût s'appeler 
ainsi megillaf sêfer, Ps. XL, 8, Ezech., H, 9, ou simple- 
ment megillâh,Zach., v, 1 ; Jer., xxxvi, 14, 27, etc., l'usage 
restreignit peu à peu ce mot à un rouleau de peu d'étendue. 
La Mischna, par exemple, appelle megillat sôtdh la feuille 
où le mari jaloux devait écrire les malédictions contre 
sa femme soupçonnée d'infidélité. Num., v,23. On nomma 
megillâh, par antonomase, le rouleau où était écrit le 
livre d'Esther qui devait se lire tous les ans, le jour 
commémoratif du supplice d'Aman et de la délivrance 
des Juifs sous Assuérus. Un traité de la Mischna porte 
ce nom (10 e de la 2» partie). Il y est question, entre 
autres choses, du jour où doit se lire le livre d'Esther (du 
11 au 15 adar, suivant les localités) et de la manière 
dont cette lecture doit s'accomplir. On distinguait au 
moyen de qualificatifs d'autres rouleaux encore : le Rou- 
leau du jeûne, le Rouleau des hommes pieux (hasî- 
dim), le Rouleau des secrets, surtout le Rouleau des 
Asmonéens qui nous a été conservé dans un grand 
nombre de manuscrits. Voir The Scroll of the Hasmo- 
nœans Megillath Bene Hàshmunai, dans les Transac- 
tions of the 9"> international Congress of Orientalisls, 
Londres, 1893.J. n, p.3-35. 

2° Collection des cinq Megilloth. — Il n'est pas 
possible de dire à quelle époque les cinq Megilùiih 



933 



MEGILLOTH — MEIGNAN 



934 



commencèrent à avoir une existence indépendante. Nous 
croyons que le Livre de Ruth était joint originairement 
au Livre des Juges et les Lamentations à Jérémie, 
comme dans les Septante, et que le canon hébreu ne 
comprenait donc que vingt-deux livres. On détacha 
l'épisode de Ruth et les poésies ,des Lamentations pour 
des usages liturgiques et on prit l'habitude de les joindre 
aux trois autres petits Livres qui jouaient un rôle ana- 
logue. Dans les manuscrits et les éditions imprimées, 
de la Bible hébraïque les Megillôth sont tantôt réunies 
et placées après le Pentateuque, tantôt mêlées aux 
Hagiographes. Dans un cas ccmme dans l'autre, l'ordre 
est très variable. Voir Ginsburg, Introduction to the 
massoretico-crit. édition of the Hebrew Bible, Londres, 
1897, p. 4, 7. Dans les trois premières éditions de 
la Bible entière (Soncino, 14*8, Naples, 1491-1493, 
Brescia, 1494) qui placent les Megillôth après le Pen- 
tateuque l'ordre adopté est le suivant : Cant., Ruth, 
Lanient., Eccles., Esther. De Rossi, Annales Hebrmo- 
typogr. sxc. xv, Rome, 1799, p. 130, parle d'une édition 
des cinq Megillôth sans lieu ni date qu'il suppose avoir 
été imprimée à Bologne en 1482, à cause de l'identité des 
caractères avec ceux du Pentateuque paru dans cette 
ville. Ce serait la première édition. Le Livre d'Esther y 
est accompagné du commentaire d'Ibn-Ezra ; les autres, 
de celui de Raschi. Les rouleaux liturgiques du Livre 
d'Esther sont très communs et l'on en trouve dans toutes 
les grandes bibliothèques publiques. Nous ne nous sou- 
venons pas d'avoir jamais rencontré les cinq Megillôth 
seules dans le même rouleau ou le même codex. 

F. Prat. 
MEGPHIAS (hébreu : Magpî'ds; Septante : Meyai^), 
un des chefs du peuple qui, du temps de Néhémie, si- 
gnèrent l'alliance avec Dieu. II Esd., x, 20 (hébreu, 21). 

MÉHUSIM (hébreu : Mêhusim; Septante : 'û<r(v), 
femme de Saharaïm. Voir Husim 2, t. m, col. 784. 

MEIER Ernst Heinrich, exégète protestant allemand, 
né à Rusbend (Schaumbourg-Lippe), le 17 mai 1813, 
mort à Tubingue le 2 mars 1866. 11 fit ses études à Gœt- 
tingue, où il fut l'élève d'Henri Ewald qu'il suivit à Tu- 
bingue en 1838, mais qu'il abandonna plus tard en prenant 
parti pour Bauer contre son ancien maître. En 1848, il 
fut nommé professeur extraordinaire, et plus tard pro- 
fesseur ordinaire de langues orientales à Tubingue. Il 
était d'une sensibilité extrême et un travailleur acharné, 
mais il manquait de méthode dans ses études. Ses prin- 
cipaux ouvrages sont : Uebersetzung und Erklàrung 
des Propheten Joël, Tubingue, 1840; Hebrâisches Wur- 
zelwôrlerbuch, Mannheim, 1845. Der Prophet Jesaja 
erklârt (les xxm premiers chapitres), in-8°, Pforzheim, 
1850 ; Die Form der hebmïschen Poésie nachgewiesen, 
in-8°, Tubingue, 1853; Geschichte der poetischen Natio- 
nalrLiteratur der Hebrâer, in-8°, Leipzig, 1856 (cette 
histoire est une tentative de transformer l'introduction 
à l'Ancien Testament en une histoire de la littérature 
des Hébreux) ; Uebersetzung und Erklàrung der Debora- 
Liedes, in-8°, Tubingue, 1859 ; Erklàrung phônikischer 
Sprachdenkmâler, die man auf Cypern, Malta und 
Sicilien gefunden hat, in-4°, Tubingue, 1860. ^Yoit 
C. Siegfried, dans Allgemeine Deutsche Biographie, 
t. xxi, 1885, p. 189-192. ■' 

MEIGNAN Guillaume René, cardinal du titre de la 
Sainte- Trinité-des-Monts, né à Chauvigné (Mayenne) le 
12 avril 1817, mort à Tours (Indre-et-Loire) dans la 
nuit du 19 au 20 janvier 1896. Après avoir terminé ses 
études classiques, commencées au petit collège de 
Haute-Follis (Mayenne), continuées au lycée d'Angers 
dont le futur cardinal-archevêque de Cambrai, l'abbé 
Régnier, était proviseur, et à Château-Gontier (Mayenne), 
Je jeune Guillaume René alla étudier la philosophie au 



grand séminaire du Mans, et y reçut la tonsure des 
mains de Ms» Bouvier, le 28 mai 1836. A la fin de 
ses études théologiques, il fut ordonné sous-diacre en 
1839. Trop jeune encore pour être prêtre, il professa, 
en attendant, la troisième, dans un collège du Mans, celui 
de Tessé, aujourd'hui disparu. Il y retrouva, comme su- 
périeur, son professeur d'Écriture Sainte du séminaire, 
l'abbé Bercy, mort chanoine titulaire de Notre?Dame de 
Paris, orientaliste de mérite et qui avait étudié à Mu- 
nich, à Berlin, à Rome, les sciences bibliques sous les 
maîtres les plus célèbres. Par son influence, l'abbé Mei- 
gnan donna dès lors à ses études la direction qu'il 
leur conserva jusqu'à sa mort. Mo r Bouvier, après avoir 
ordonné prêtre le jeune professeur de troisième (14 juin 
1840), l'envoya à Paris pour s'y préparer, en suivant les 
cours de V. Cousin, à l'enseignement de la philosophie. 
Mais l'abbé Meignan ne séjourna à Paris que le temps 
nécessaire pour devenir bachelier es lettres (8 janvier 
1842) ; après quoi, conseillé par Ozanam, Montalembert 
et surtout par l'abbé Maret, resté toujours, depuis, son 
ami, ce fut à l'université de Munich, qu'avec l'agrément 
de son évêque, le jeune prêtre alla se préparer à l'ensei- 
gnement de la philosophie (9 avril 1842). Mœhler, Hane- 
berg, Klee, Gœrres, Dœllinger, Phillips, Windschmann 
y furent ses maîtres. Tout en étudiant la philosophie, il 
donna à l'exégèse une place dominante dans ses travaux, 
stimulé par le bruit que faisaient autour de lui les dis- 
putes de l'école de Tubingue, les échos de Baur, de 
Strauss, d'Ewald. Cet attrait, et l'abbé Bercy qui était 
venu rejoindre son élève à Munich, entraînèrent celui- 
ci à Berlin. Il suivit, à l'université de cette ville, les 
cours de Neander, d'Hengslenberg et surlout ceux de 
Schelling. Hengstenberg exerça sur son élève une 
grande influence. L'abbé Meignan resta à Berlin jus- 
qu'au 1 er mai 1843. De retour en France, il fut admis, 
par Msr Affré, dans le clergé de Paris. Nous l'y voyons, 
d'abord vicaire (juillet 1843) à Saint-Jaeques-du Haut-Pas 
et, en mê.ne temps, fréquenter à la Sorbonne les cours 
de Glaire, Garnier, Jules Simon, Cousin, Damiron, 
Egger. De Saint-Jacques, l'abbé Meignan fut nommé 
vicaire à Saint-Roch (janvier 1845). A cette époque, 
contraint d'aller chercher en Italie le rétablissement 
d'une santé compromise par le surmenage intellec- 
tuel, il mit à profit le séjour de Rome, dès qu'il en 
eut la force, pour étudier la science sacrée avec Pas- 
saglia, Patrizi, Theiner, comme maîtres, avec Gerbet 
et Perrone comme guides et amis, et prit le grade de 
docteur en théologie, à la Sapience (12 mars 1846). 
Après son retour en France, nous le trouvons, successi- 
vement, préfet des études au petit séminaire, naissant, 
de Notre-Dame-des-Champs; puis aumônier de la maison 
royale de la Légion d'honneur à Saint-Denis (1847). 
Après divers vicariats, il fut nommé à la chaire d'écri- 
ture Sainte à la Sorbonne (5 octobre 1861). C'est 
là que Mo r Darboy alla le choisir pour l'associer à 
l'administration de l'archidiocèse de Paris, d'abord 
comme promoteur, ensuite comme vicaire général et 
archidiacre de Saint-Denis (1863). Préconisé évêque de 
Chàlons en 1864, Ms r Meignan fut transféré de ce siège 
à celui d'Arras en 1882, et, de ce dernier, au siège 
archiépiscopal de Tours (1884), où le chapeau de car- 
dinal lui fut donné par Léon XIII, le 15 décembre 1892. 
Il mourut subitement, à l'âge de 79ans. 

Dans les nombreux écrits du cardinal Meignan, il 
convient de faire deux parts : celle du polémiste et 
celle de l'apologiste biblique. Polémiste, c'est surtout 
contre Renan et le rationalisme allemand que le car- 
dinal Meignan s'efforce de lutter, en suivant, chaque 
fois, l'adversaire sur le terrain de l'attaque. Apologiste, 
c'est du développement de cette preuve de- la divinité 
du christianisme, qu'avec Pascal et Leibnitz il estime' 
la plus solide, les prophéties messianiques, entendues 
non seulement des paroles prophétiques, mais encore des 



935 



MEIGNAN — MÉLANCHTHON 



936 



événements qui préparent et amènent Jésus-Christ, que 
ce prince de l'Église a composé une œuvre considérable, 
travail de toute sa vie, dont il dictait encore une page 
quelques heures avant sa mort. Mais, apologiste et po- 
lémiste, c'est surtout au grand public que s'adressent 
ses livres, travail de vulgarisation, sous une forme lit- 
téraire, des résultats de la critique allemande et de la 
controverse biblique; antidote, dans la pensée de l'au- 
teur, des écrits de M. Renan. Toutefois, dit le P. Bruc- 
ker, nonobstant la destination spéciale de ces écrits, 
« la discussion et la réfutation des objections y ont une 
place suffisante, mais secondaire... Une discussion 
minutieuse, outre qu'elle rebuterait le large public que 
[l'auteur] veut atteindre, serait inutile à sa démonstration, 
qui se soutient parfaitement sans cela. 11 fait bien voir, 
d'ailleurs, que la préoccupation principale de la cri- 
tique rationaliste est, non la recherche de la vérité, 
mais le désir de bannir l'élément surnaturel de la Bible... 
L'œuvre du cardinal de Tours est la meilleure réponse... 
à l'Histoire d'Israël de Renan. » Eludes religieuses, 
octobre 1895, p. 281-288. Voici la nomenclature de ces 
écrits : Les prophéties messianiques. Le Pentateuque, 
in-8°, Paris, 1856; Les Deux premiers livres des Rois, 
in-8°, Paris, 1878. Ces deux volumes, mis au courant, 
furent réédités, en 1895, le premier sous le titre : De 
l'Éden à Moïse, le second, sous celui de : De Moïse à 
David, in-8°, Paris. — David roi, psalmiste, prophète, 
avec une introduction sur la nouvelle critique, in-8°, 
Paris, 1889. Cette introduction fut très discutée, et le car- 
dinal Meignan, auquel on reprochait de s'y ranger à l'avis 
des rationalistes touchant le remaniement des Écritures, 
s'en émut et pria Léon X11I de la faire examiner. L'exa- 
minateur anonyme répondit : « Je n'aurais pas signé 
l'introduction, mais je n'y vois rien à reprendre. » 
Cf. Boissonnot, Le cardinal Meignan, in-8°, Paris, 
1899, p. 475. — Salomon, son règne, ses écrits, in-8°, 
Paris, 1890. — Les prophètes d'Israël, quatre siècles de 
lutte contre l'idolâtrie, in-8°, Paris, 1892. — Les pro 
phètes 'd'Israël et le Messie, depuis Salomon jusqu'à 
Daniel, in-8°, Paris, 1893. — Les prophètes d'Israël et 
le Messie, depuis Daniel jusqu'à Jean-Baptiste, in-8°, 
Paris, 1894. — M. Renan et le Cantique des Cantiques, 
in-8°, Paris, 1860; M, Renan réfuté par les rationa- 
listes allemands, in-8°, Paris, 1863. — Les Évangiles et 
la critique au xw siècle, Paris, 1863; réédité, en 1870, 
avec une notice de M. de "Vogué sur les monuments 
encore existant en Terre Sainte, iri-8°, Paris. — Le Monde 
et l'homme primitif selon la Bible, in-8°, Paris, 1869. 
— De l'irréligion systématique, ses influences actuelles 
sur les sciences, les gouvernements, et en particulier 
sur l'exégèse biblique, in-8°, Paris, 1886. 

0. Rey. 
- MEISNER Balthasar, théologien protestant, né en 
1587, mort en 1628. Docteur en théologie, il fut profes- 
seur à Wittenberg et publia : Hoseas novo commenta- 
rio per textus analysin, ejusdem exegesin, dubiorum 
solutionem et locorum communium adnotationem 
perspicue illustratus, in-8°, Wittenberg, 1620. — Voir 
Walch, Biblioth. theologica, t. IV, p. 569. 

B. Heurtebize. 
MÉJARCON (hébreu : Mê hay-Yarqôn, « eaux de 
Yarqôn » [yéréq signifie « verdure »; yêrdqôn, « pâ- 
leur »]; Septante : Q&laaaa 'lepâxcov), localité de la tribu 
de Dan, mentionnée entre Gethremmon (voir Gethrem- 
mon 1, t. m, col. 229) et Arécon. Jos., xrx, 46. Les eaux 
de Yarqôn ou Méjarcon peuvent désigner le Nahr elr 
Audjék. Voir Arécon, t. I, col. 930. 

MÉLANCHTHON Philippe, théologien protestant 
allemand, l'un des chefs de la Réforme, né à Bretten, le 
14févrierl497, mort à Wittenberg le!9avril 1560. Ii s'appe- 
lait proprement Schwarzerd, mais il est beaucoup plus 
connu sous la forme grecque qu'il donna à son nom. Il 



commença ses études à l'école de Bretten, puis il eut 
pour précepteur Jean Unger. En 1507, il fréquenta 
l'école" latine de Pforzheim, où il eut pour maître 
Georges Simler, qui lui fit comprendre et goûter les 
poètes latins et grecs. C'est de cette époque que date 
son intimité avec le célèbre Reuchlin, dont il était 
consin, et qui venait souvent à Pforzheim. A partir de 
1509, il suivit les cours de l'université de Heidelberg, et, 
•en 1512, il passa à celle de Tubingue, où il acheva ses 
études. En 1518, l'électeur de Mayence lui offrit la 
chaire de grec et d'hébreu à l'université de Wittenberg; 
il accepta, et enseigna avec le plus grand succès, tout 
en travaillant avec ardeur à différents ouvrages d'éru- 
dition. L'année suivante, il prit part à l'entrevue qui eut 
lieu à Leipzig entre les catholiques et les protestants; 
la même année, il fut nommé professeur à la faculté 
de théologie, et à partir de cette époque il s'occupa 
principalement d'études bibliques. En 1527, il fut chargé 
d'inspecter les Églises de la Thuringe et d'y répandre 
les nouvelles doctrines. En 1529, il assista à la diète de 
Spire, et en 1530 à celle d'Augsbourg, où son rôle fut 
important : on sait que la fameuse confession d'Augs- 
bourg fut son œuvre. Il espéra pendant quelque temps 
arriver à un accord qu'il paraît avoir désiré sincère- 
ment; mais la plupart des réformés s'obstinèrent à 
soutenir des doctrines inacceptables pour les catholi- 
ques. En 1541, il fut l'un des théologiens choisis par 
l'empereur Charles-Quint pour discuter les points fon- 
damentaux et tâcher d'arriver à une entente; mais cette 
entente fut encore impossible. Les colloques de Worms, 
en 1545, et de Ratisbonne en 1546, n'amenèrent pas un 
meilleur résultat. Les propositions de Charles-Quint, à la 
diète d'Augsbourg, en septembre 1547, furent également 
rejetées. Il faut reconnaître que Mélanchthon, malgré 
la modération de son caractère, contribua pour sa part 
à empêcher l'entente, car il s'attacha, avec obstination, à 
certains articles de foi évidemment contraires à la tra- 
dition catholique la plus ancienne. Il mourut cinq ans 
après la paix d'Augsbourg, en déplorant les divisions tou- 
jours croissantes des différentes sectes réformées. Parmi 
ses nombreux ouvrages, nous ne citerons que ceux qui 
se rapportent directement à l'Écriture Sainte ; ce sont : 
Commentarii in Epistolam ad Romanos recens scripti, 
in-8 15 , Wittenberg, 1532; Marbourg, 1533. Ce livre a été 
plusieurs fois réédité avec le texte grec. — Çommen- 
tarium in priorem ad Corinthios et in aliquot capita 
secundse, in-8°, Wittenberg, 1561. — Die Hauptartiket 
und furnemsten Punct der ganzen h. Schrifl, in-4», 
s. 1. n. d.; Strasbourg, 1522. — Annotationes in Epi- 
stolas Pauli ad Romanos et Corinthios, in-4°, Nurem- 
berg, 1522; in-4°, s. 1., 1523; in-8°, Strasbourg, 1523; 
Bâle, 1523; s. 1., 1524. — In obscuriora aliquot capita- 
Geneseos annotationes, in-8°, La Haye, 1523; in-4», 
s. 1., 1524. — In Evangelium Matthxi annotationes, 
in-8°, s. 1., 1523 (plusieurs édit.); In Evangelium Mat- 
thxi inque passionem Domini, in-8°, La Haye, 1531. — 
In Evangelium Joannis annotationes, in-8°, Bâle, 1523 
(plusieurs édit.); s. 1., 1523 (plusieurs édit.); in-4°, La 
Haye, 1524. — Annotationes, Verzûchnung ;und kûrzlich 
Anzaig des rechien Vertands der Epistel zu den Rô- 
mern verteutscht, in-4», s. 1., 1523. — riapoijAi'ii sive 
Proverbia Salomonis cum annotationibus , in-8°, Nu- 
remberg, 1525; La Haye, 1525 et 1529; 1532; 1538; Nu- 
remberg 1586. — Scholia in Epistolam Pauli ad Colos- 
sensés, in-8», La Haye, 1527 et 1534; Wittenberg, 1559. 
— Dispositio orationis in Epistolam Pauli ad Roma- 
nos, in-8», La Haye, 1529; s. 1., 1529; Wittenberg,. 
1530. — Argumentum in Jeremiam prophetam, in-8°, 
Wittenberg, 1542. — In Danielem prophetam com- 



mentarius, in-8°j Wittenberg, 1543; Leipzig, 1543; 
j Francfort, 1546 (a été traduit en allemand et en fran- 
| çais). — Insignis et uculentissima S. Scripturœ me- 
' thodus in- Mose ostensa. Idem Psalmorum exi et exie 



937 



MÉLANCHTHON — MELCHIRAM 



938 



pia et erudita eriawatio et alla, in-8», Erfurt, 1546. 

— Enarratio brevis concionuni libri cui titulus Eccle- 
siastes, in-8°, Wittenberg, -1550, 1551 et 1556; traduit 
en allemand, in-8 , Wittenberg, 1561. — Conciones 
explicantes integrum Evangelium Matthsei habitse a 
Sebast. Froschelio, scriptse a Melanchthone, in-8°, Wit- 
tenberg, 1558. — Psalterium Davidis intggrum, in 
quo psalmi 83 illustrali sunt, in-8", Wittenberg, 1561. 

— Enarratio Epistolm 1 ad Timotheum et duorum 
capitwm secundx, in-8», Wittenberg, 1561. — Voir 
Matthes, Ph. Melanchthon, sein Leben und Wirken, 
Altenburg, 1841; Herrlinger, Die Théologie Melanch- 
thon's, Gotha, 1879; A. Thoma, Philipp Melanchtons 
Leben, in-8», Karlsruhe, 1897; G. Ellinger, Philip Me- 
lanchton, in-8°, Berlin, 1902. A. Régnier. 

MELCHA (hébreu : Milkâh, « reine; » Septante : 
MeXx»), nom de deux femmes dans l'Ancien Testament. 

1. MELCHA, fille d'Aran et sœur de Lot et de Jescha, 
née à Ur des Chaldéens. Gen., xi, 27-29. Elle épousa 
Nachor, son oncle, et émigra avec Abraham à Haran en 
Mésopotamie, f. 29-31. Elle eut huit fils, dont le der- 
nier fut Bathuel, qui devint père de Eébecca, femme 
d'Isaac, Gen., xxii, 20-23; xxrv, 15, 24, 27, et grand-père 
de Rachel et de Lia, les deux femmes de Jacob. 

2. MELCHA, une des cinq filles de Salphaad, de la 
tribu de Manassé. Num., xxvi, 33; xxvii, î; xxxvi, 11; 
Jos., xvn, 3. Voir Maala, col. 468. 

MELCHI (grec : MeXxO, nom de deux Israélites. 
C'est sans doute une abréviation de Melchias. Voir Mel- 

CHIAS. 

1. MELCHI, fils de Janné et père de Lévi, un des an- 
cêtres de Notre-Seigneur, dans la généalogie de saint 
Luc, m, 24. 

2. MELCHt, fils d'Addi et père de Néri, un des ancêtres 
de Notre-Seigneur dans la généalogie de saint Luc, m, 28. 

MELCHI A. Voir Melchias 3, 4, 5. 

MELCH I AS (hébreu : Malkîyâh; une fois :Malkîyâhû, 
« Yàh (Jéhovah) est mon roi »), nom d'une dizaine d'Is- 
raélites. La Vulgate écrit quelquefois ce nom Melchia. 

1. MELCHIAS (Septante : MeX'/taç), lévite, fils d'Atha- 
naï et père de Basaïas, de la famille de Gersom, un des 
ancêtres d'Asaph qui fut chef de chœur du temps de 
David. I Par., vi, 40 (hébreu, 25). 

2. MELCHIAS (Septante : Wltlxtaç), prêtre, père de 
Phassur. Un de ses descendants s'établit à Jérusalem 
après la captivité. I Par., ix, 12; II Esd., xi, 12. Son 
fils Phassur fut un des ennemis du prophète Jérémie, 
xxi, 1; xxxviii, 1. Quelques commentateurs croient 
qu'il n'est pas différent de Melchias 11. 

3. MELCHIAS (Septante : MeXxîac; Vulgate : Melchia), 
prêtre, descendant d'Éléazar, qui fut institué .chef de la 
cinquième des vingt-quatre familles sacerdotales du 
temps de David. I Par., xxrv, 9. 

4 et 5. MELCHIAS (Septante : MeXx'a; Vulgate : Mel- 
chia), deux des « fils de Pharos » qui avaient épousé des 
femmes étrangères et qui les répudièrent du temps d'Es- 
dras. I Esd., x, 25. Dans ce f. 25, au lieu du second Mel- 
chias, les Septante portent : 'Aaaêi'a. 

6. MELCHIAS (Septante : Me^a, MiXyiac), un des 
G fils de Hérem » qui s'était marié avec une femme 



étrangère et qu'il renvoya à l'époque de la réforme d'Es- 
dras. I Esd., x, 31. 11 travailla, sous Néhémie, à la re- 
construction des murs de Jérusalem et de la tour des 
Fourneaux (t. h, col. 2344-2345). II Esd., m, 11. 

7. MELCHIAS (Septante : MsV/îa), fils de Réchab, chef 
du district de Béthacharam (t. I, col. 1651-1652). Du 
temps de Néhémie, il rebâtit une des portes de Jérusa- 
lem, la porte du Fumier (voir Jérusalem, 8», Porte Ster- 
quiline, t. m, col. 1365), avec ses battants et ses ver- 
rous. II Esd., m, 14. 

8. MELCHIAS (Septante : MeXyja), ben-has-sôrfî 
(Septante : EapsçQ, porte le texte hébreu ; filius aurificis, 
« fils de l'orfèvre, » traduit la Vulgate, dont l'interpré- 
tation est assez communément adoptée. II Esd., m, 30 
(hébreu, 31) ; cf. y. 31 (32). Lors de la reconstruction 
des murs de Jérusalem par Néhémie, Melchias répara 
« jusqu'aux nîaisons des Nalhinéens et des marchands, 
vis-à-vis de la porte de Mifqad (voir Jérusalem, 14°, 
Porte judiciaire, t. m, col. 1365), jusqu'à la chambre 
haute de l'angle » (texte hébreu, f. 31). 

9. MELCHIAS (Septante : MsXy.i'aç; Vulgate : Melchia) f 
un des sept prêtres qui se tinrent à la gauche d'Esdras, 
pendant qu'il fit la lecture de la Loi au peuple assem- 
blé à Jérusalem. II Esd., vm, 4. C'est probablement le 
même prêtre qui signa l'alliance contractée avec Dieu 
à l'instigation de Néhémie. II Esd., x, 3. Dans ce der- 
nier passage, les Septante écrivent le nom MeX/loc 
(Alexandrinus : MsXxet'a) et la Vulgate : Melchias. Il 
prit part également à la fête de la dédicace des murs 
de Jérusalem, II Esd., xn, 41, à moins qu'il ne faille 
reconnaître ici un autre prêtre du même nom, comme 
le font certains interprètes. 

10. MELCHIAS, fils d'Énan et père d'Àchitob, de la 
tribu de Ruben, un des ancêtres de Judith, vm, 1. Ce 
nom ne se trouve pas dans les Septante. 

11. MELCHIAS (hébreu : Ualkhjâhû; Septante : M$X- 
j(iaç), fils d'Amélech (hébreu ham-mélék). C'est dans la 
citerne de ce Melchias que les ennemis de Jérémie 
descendirent le prophète pour qu'elle lui servît de 
prison. Jer., xxxvm, 6. Divers interprètes pensent que 
ham-mélék est un titre de dignité ou signifie « faisant 
partie de la famille royale » et ils identifient ce Mel- 
chias avec le père de Phassur. Voir Melchias 2. Cette 
opinion ne manque pas de vraisemblance. 

MELCHIEL (hébreu :Malkî'êl, « Dieu est mon roi ; » 
Septante : MsXxtiX, MeX/i^X), le second des deux fils 
de Béria, petit-fils d'Aser et arrière-petit-fils de Jacob. 
Gen,, xlvi, 17. Il devint le chef de la famille des Mel- 
chiélites. Num., xxvi, 45. D'après I Par., vu, 31, il fut 
« le père de Barsaïth ». Mais Barsaïth est-il un nom de 
personne ou de lieu? Il est impossible de le déterminer. 
Voir Barsaïth, 1. 1, col. 1470. 

MELCHIÉLITE (hébreu : ham-Malki'êll; Septante 
6 MeXxfnXï; Vulgate : Melchiélitœ), descendant de Mel- 
cniel, de la tribu d'Aser. Num., xxvi, 45. Voir Melchiel. 

MELCHIRAM (hébreu : Malkirâm, « mon roi est 
élevé; » Seplante : MeXxipây-)» second ou troisième fils 
de Jéchonias, roi de Juda. I Par., m, 18. La Vulgate le 
donne comme troisième, de même que les Septante, 
parce que ces deux versions rendent le mot hébreu 'assîr, 
v. 17, comme un nom propre, tandis que d'autres tra- 
ducteurs le prennent pour un qualificatif de Jéchonias : 
« Jéchonias captif (à Babylone). » Voir Asm 1, t. î, 
col. 1102. D'autres traducteurs, tout en prenant Asîr 
pour un nom propre, font cependant de Melchiram le 



939 



MELCHIRAM — MELCHISÉDECH 



940 



second fils de Jéchonias, parce que, au lieu de traduire 
avec la Vulgate : « Les fils de Jéchonias furent Asir, Sa- 
lathiel, Meîchiram, etc., » ils traduisent ainsi l'hébreu : 
« Fils de Jéchonias, Asir, dont le fils fut Salathiel, Meîchi- 
ram, etc. » La Vulgate a omis, dans sa traduction, le 
mot « son fils », qui qualifie Salathiel dans l'hébreu. 
Ceux qui régardent 'assir comme un adjectif rapportent 
le premier possessif « son » à Jéchonias ; ceux qui en 
font un nom propre le rapportent à Asir, c'est-à-dire 
« fils d'Asir ». 

: MELCHISÉDECH (hébreu : Malkî-Çédék; Sep- 
tante : MEXx'ffsSéx), r °i de Salem, au pays de Chanaan, 
à l'époque d'Abraham. 

1° Ce qu'il était. — Le nom de Melchisédech, malkî- 
çédéq, est hébreu et signifie « roi de justice ». La ville 
de Salem n'était autre, d'après plusieurs commentateurs, 
que Jérusalem. Voir Jérusalem, t. m, col. 1319, et Sa- 
lem. Melchisédech était roi de cette ville et duterritoire 
qui en dépendait. De plus, il était prêtre de 'El 'Éhjûn, 
« le Dieu Très-Haut, » le vrai Dieu, le même que ser- 
vait Abraham. Du nom hébreu de Melchisédech et de 
sa résidence, on peut conclure qu'il était Chananéen, 
comme cet Amorrhéen de nom analogue, Adonisédech, 
qui était roi de Jérusalem à l'époque de la conquête du 
pays par Josué, x, 1. Malgré la malédiction qui avait 
frappé leur père Chanaan, Gen., ix, 25, tous les Chana- 
néens ne professaient pas nécessairement l'idolâtrie au 
temps d'Abraham. Le patriarche et ses fils sont souvent 
en rapport avec des hommes du pays qui ne paraissent 
mériter aucun blâme à raison de leur conduite ou de leur 
religion. Il n'y a donc pas lieu de faire de Melchisédech 
un Sémite étranger établi au pays de Chanaan. Le roi de 
Salem est en même temps prêtre, hôhên, nom qui appa- 
raît pour la première fois dans la Bible. Il exerce cette 
fonction en qualité de chef de famille. La Sainte Écri- 
ture n'en dit pas davantage sur L'origine et la condition 
de Melchisédech, Gen., xiv, 18. 

2° Sa rencontre avec Abraham. — Lorsque Lot, neveu 
d'Abraham, eut été pris à Sodome par Ghodorlahomor 
et ses trois alliés, le patriarche se mit à la poursuite 
des vainqueurs, les battit, fit sur eux grand butin et 
ramena Lot avec tout ce qu'il possédait. Voir Abraham, 
1. 1, col. 77. A son retour, le roi de Salem, Melchisédech, 
vint au-devant de lui, Heb., vu, 10, offrit du pain et du 
vin et bénit Abraham, en disant : « Béni soit Abraham 
par le Dieu Très-Haut, qui a fait le ciel et la terre ! Béni 
soit le Dieu Très-Haut qui a livré tes ennemis entre tes 
mains ! » Et Abraham lui donna la dîme de tout. Gen., 
xiv, 18-20. L'hiphil hôfî' a le sens de « faire sortir, 
mettre au-dehors, présenter ». Cf. Gen., xxiv, 53; Exod., 
iv, 6, 7; xii, 51, etc. Il est bien traduit par les versions : 
Krivs'j'xe, « il apporta, » proferens, « présentant. » Par 
lui-même, le mot ne signifie pas : offrir à Dieu, ou : 
offrir en sacrifice. Melchisédech se contente d'apporter 
du pain, léhém, comprenant peut-être toute espèce de 
nourriture, et du vin. Josèphe, Ant.jud., I, x, 2, dit que 
Melchisédech exerça l'hospitalité envers les soldats 
d'Abraham et leur donna en abondance les choses né- 
cessaires à la vie. Un certain nombre de commenta- 
teurs pensent que Melchisédech ne fit pas autre chose 
que ravitailler les hommes qui accompagnaient Abra- 
ham. Mais le texte sacré ajoute la remarque suivante : 
8 Et lui prêtre du Dieu Très-Haut, s Si ce renseignement 
n'avait pour but que de caractériser la personnalité de 
Melchisédech, il eût été mieux à sa place après le titre 
de « roi de Salem ». Mais il vient entre la mention du 
pain et du vin apportés par Melchisédech, et celle de la 
bénédiction prononcée sur Abraham. 11 n'était pas né- 
cessaire d'être prêtre pour bénir; quiconque avait 
autorité paternelle, civile- ou religieuse pouvait le faire. 
Voir Bénédiction, t. i, col. 1581. La qualité de prêtre, 
attribuée à Melchisédech, est donc rappelée à raison de 



l'acte qui précède, c'est-à-dire de l'offrande du pain et 
du vin. C'est ce que suppose la Vulgate en ajoutant 
la conjonction enim : « Car il était prêtre du Dieu 
Très-Haut. » Il est naturel qu'Abraham, rencontrant 
après sa victoire un prêtre du vrai Dieu, en ait profité 
pour offrir à Dieu ses actions de grâces. Il est égale-» 
ment présumable que Melchisédech, avant d'offrir des 
aliments aux vainqueurs, exerça sa fonction sacerdotale- 
en offrant à Dieu une partie des aliments apportés. Le 
texte ne le dit pas positivement, mais il ne dit pas non 
plus le contraire, et il insinue l'idée de l'offrande en 
insistant sur le sacerdoce de Melchisédech. L'Épîtreaux 
Hébreux, vu, 1-17, qui établit un parallèle détaillé entre 
Notre-Seigneur et Melchisédech, ne fait pas allusion à 
l'offrande de ce dernier, sans doute parce qu'il y avait 
dans les rites mosaïques un sacrifice ou oblation de 
farine ou de pain et de vin et qu'il n'y avait pas ainsi 
sur ce point de différence et de symbole particulier à 
relever entre Melchisédech et le sacerdoce d'Aaron. Mais 
les Pères supposent expressément un sacrifice de pain et 
de vin présenté à Dieu par le roi de Salem. Cf. S. Cyprien, 
Epist. lxiii, ad Cœcil., 4, t. ix, col. 376; S. Jérôme, Epist* 
lxxiii, ad Evagr. r 3, t. xxu, col. 673; In Matth., iv r 
26, t. xxvi, col. 195; S. Augustin, De divers, question.* 
61, t. XL, col. 49; De civ. Dei, xvi, 22, t. xli, col. 500. 
La même idée est exprimée, par Clément d'Alexandrie, 
saint Jean Chrysostome, saint Isidore de Peluse, saint 
Cyrille d'Alexandrie, saint Césaire d'Arles, Arnobe, etc. 
Cf. Pétau, De incarn. Verbi, XII, xii, 6-11. Elle est 
rappelée au canon de la Messe, 2* orat, post consecr., 
et semble visée dans la première antienne des vêpres 
du Saint-Sacrement. — En dehors de cet épisode de sa 
rencontre avec Abraham, les textes historiques ne font 
plus mention de Melchisédech. 

3» Son caractère figuratif. — Au Psaume ex (cix), 4, 
il est dit du Messie futur : « Tu es prêtre pour toujours 
selon l'ordre de Melchisédech. «L'expression hébraïque 
'âl-dibrâfi veut dire « à la manière, selon le mode », 
xarà tt|V tâ?iv, comme traduisent littéralement les Sep- 
tante. L'intention de l'auteur sacré est donc d'exclure 
toute autre espèce de sacerdoce, par conséquent le sacer- 
doce à la manière d'Aaron. Saint Thomas, Sum. tlieol., 
III a , q. xxu, a. 6, ad 2 um , observe que Melchisédech est 
nommé ici non comme le chef, mais comme le type d'un 
sacerdoce particulier. — L'auteur de l'Èpître aux Hébreux 
explique le caractère figuratif de Melchisédech. Il tire 
une première application de son nom propre, « roi de 
justice, » et du nom de sa ville, « roi de paix, » Salem 
se référant à, Sâlôm, qui veut dire « paix ». Melchisé- 
dech est « s,ans père, sans mère, sans généalogie, 
n'ayant ni commencement ni tin de vie, mais ressem- 
blant au Fils de Dieu et restant prêtre pour toujours ». 
Heb., vu, 3. Cette description ne va pas à faire de Mel- 
chisédech un être à part. Elle porte seulement sur le 
silence de la Genèse, qui ne dit rien de l'origine ni de 
la mort du personnage, « dont la génération n'est point 
racontée, » fù\ Y 6VSa * o Y°^t Jiev0 Ç> e dont la généalogie n'est 
pas donnée. » Heb., vu, 6. Saint Paul remarque ensuite 
que c'est le supérieur qui bénit et [qui reçoit la dime 
de son inférieur. Melchisédech reçoit la dime d'Abra- 
ham et le bénit. A Melchisédech sont donc inférieurs 
et Abraham lui-même et tous les prêtres lévitiques qui 
devaient un jour naître de lui. Or la Sainte Écriture 
dit que Jésus-Christ est prêtre selon l'ordre de Melchi- 
sédech; c'est donc qu'il a un autre sacerdoce que celui 
d'Aaron, que son sacerdoce est supérieur à celui de ce 
dernier et qu'il doit le remplacer. Heb., vm, 4-18. 
Comme on le voit, le raisonnement se base seulement 
sur la bénédiction donnée et sur la dime reçue. Ces 
deux actes pouvaient seuls établir la thèse de l'auteur 
sacré, à savoir la supériorité de Melchisédech sur 
Abraham et celle de Jésus-Christ sur les pontifes et les 
prêtres lévitiques. La nature du sacrifice offert par Mel- 



941 



MELGHISÉDEGH — MELITON 



942 



chisédech n'important nullement à la thèse, l'auteur 
n'en fait pas mention. On ne peut donc rien conclure 
de son silence contre l'interprétation des Pères et du 
concile de Trente qui dit de Jésus-Christ, Sess. xxn, 
de sacrif. Missœ, cap. r : « Se déclarant constitué pour 
toujours prêtre selon l'ordre de Melchisédech, il offrit 
son corps et son sang sous les espèces du pain et du 
vin. » Cf. Franzelin, De SS. Eucharist., th. vin, Rome, 
1873, p. 338-333. 

4" Opinions et hypothèses sur Melchisédech. — Les 
anciens Juifs, afin d'expliquer la supériorité du roi de 
Salem sur Abraham, imaginèrent que ce roi n'était pas 
autre que Sem, leur ancêtre, fils de Noé qui, d'après leurs 
calculs chronologiques, vivait encore à cette époque. Cette 
identification se trouve dans le Targum de Jérusalem, où 
nous lisons : « Melchisédech, roi de Jérusalem, est Sem 
(fils de Noé, ajoute le Targum de Jonathan), qui était 
grand-prêtre du Très-Haut. » Walton, Biblia Polygl., 
t. iv, p. 24. Saint Jérôme dit que c'était l'opinion générale 
des Juifs de son temps. Epist. lxxiii, ad Evang., 5, 
t. xxn, col, 679. Cf. In ls.,\. XII, c.xii.t. xxiv, col. 414. 
D'après saint Épiphane, User, v, 6, t. xli, col. 981, elle 
était aussi commune chez les Samaritains. Luther et 
Mélanchton l'acceptèrent au xvi c siècle. Saint Épiphane 
réfute cette erreur en s'appuyant sur la chronologie des 
Septante, lbid., col. 981-983. 

Des hérétiques, combattus par ce même Père, ibid., 
col. 972 et par d'autres docteurs de l'Eglise, soutinrent 
aux iv" et V e siècles que Melchisédech était une « force 
ou vertu de Dieu » supérieure à Jésus-Christ même, 
y.syâlr)v Tiva 6yva|xtv |j.e:ÏÔT£pov toO XptuToO, comme 
s'exprime l'évêque de Salamine. On les appela Melchi- 
sédéchiens. Tertullien, De prxscript., 53, t. n, col. 75; 
Théodoret, Hxret. fab., h, 6, t. lxxxiii, col. 392; 
S. Jean Chrysostome, Hom. in Melchis., 3, t. lvi, 
col. 260. Cf. S*. Augustin, De hxr., 34. t. nu, col. 31; 
S. Cyrille d'Alexandrie, Glaphyr. in Gen., il, 7, t. lxix, 
col. 67; Philastre, De hœres., 52, t. xn, col. 1168. — 
D'autres, au contraire, enseignèrent que le roi de Sa- 
lem était le fils de Dieu. S. Épiphane, Hœr. lv, 7, 
col. 985; S. Ambroise, De Abraham, i, 3, n° 16, t. xiv, 
col. 427. Pour d'autres, c'était le Saint-Esprit. S. Epiphane, 
Hxr. lxvii, 3, t. xliii, col. 176; S. Jérôme, Epist. lxxii, 
1, t. xxn, col. 676. D'après ce dernier Père, ibxd-, 2, 
col. 677, pour Origène et Didyme c'était un ange. Depuis 
on a imaginé que c'était Hénoch, Cham, Chanaan, Mes- 
raïm, Job. Voir Sal. Deyling, Observationes sacrœ, 3 part. 
in-4», Leipzig, 1708-1715, t. a, p. 55-65; Hermann van 
Elowich, Melchisedecus ab injuria P. Juricei defensus 
(Jurieu l'identifiait avec Cham), et Melchisedecus minus 
féliciter ab H. Hulsio in Henocho detectits, dans le 
Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. i, p. 175-187. 
La majorité des anciens Pères n'a jamais admis ces erreurs 
et ces hypothèses. « J'ai consulté Hippolyte, Irénée, Eu- 
sébe de Césarée et d'Émèse, Apollinaire aussi et notre 
Eustathe, dit saint Jérôme, Epist. lxxii, 2, col. 677, et 
j'ai constaté que tous, par des arguments différents et des 
sentiers divers ont abouti au même point, savoir que Mel- 
chisédech était un Chananéen, roi de la ville de Jérusa- 
lem, qui était appelé d'abord Salem. » Voir S. Cyrille 
d'Alexandrie, Glaphyr. in Gen., n, 7, t. lix, col. 67; Théo- 
doret, Qu&st. in Gen., 64, t. lxxx, col. 172; S. Épiphane, 
User, lxvii, 7, t. xlii, col. 181. — Aujourd'hui les assyrio- 
logues cherchent quelques traits de ressemblance entre 
Melchisédech et le roi de Jérusalem Ébed-tob ou Abdi- 
Khiba, dont on a retrouvé quelques lettres dans la 
correspondance de Tell el-Amarna, mais ces traits sont 
trop vagues pour qu'on puisse en tirer quelque conclu- 
sion positive. Voir Sayce, dans Hastings, Dictionary of 
the Bible, t. m, 1900, p. 335. Ils peuvent néanmoins 
confirmer les paroles de saint Jérôme, contre l'opinion 
de quelques critiques de nos jours, qui, renouvelant 
sous une autre forme les hypothèses aventureuses que 



l'on vient de voir énumérées, prétendent que Melchisé- 
dech est simplement le type du grand-prêtre juif au 
IV e siècle avant notre ère, H. Guthe, Bibelwôrterbuch, 
1903, p. 426, comme si l'idée que les Juifs se faisaient 
de leur patriarche n'était pas en opposition complète 
avec le rôle qu'on prétend lui faire ainsi jouer. — Voir 
L. Borger, Historia crilica Melchisedeci, in-8», Berne, 
1706; Henderson, Melchisedek, Londres, 1809; C. A. Au- 
berlen, Melchisédech' s ewiger Leben und Priesterthum, 
dans les Theologische Studien und Kritiken, t. n, 1857, 
p. 453-504; G. Rôsch, Die Begegnung Abraham mit 
Melchisedek, dans la même revue, 1885, p. 321-366; 
Fritz Hommel, Geschichte Babyloniens und Assyriens, 
in-8°, Berlin, 1885, p. 162; Id., Die altisraelitisclie 
Ueberlieferung in inschriftlicher Beleuchtung, in-12, 
Munich, 1897, p. 150-160; R. Kittel, Geschichte der 
Hebrâer,<L ! in-8°, Gotha, 1888-1892, 1. 1, p. 162. — On trouve 
dans les Œuvres de saint Athanase, t. xxvm, col. 525- 
530, une vie fabuleuse de Melchisédech [Historia de 
Melchisedec). H. Lesêtre. 

MELCHISUA (hébreu : Malkisu'a, « aide est mon 
roi; » Septante : MsX/iai; Aleœandrinus : Meyx'.iroué), 
un des quatre fils de Saûl, roi d'Israël, le troisième 
nommé dans I Reg., xiv, 49; le second, dans I Par., 
vin, 33 ; ix, 39. Sa mère était probablement Achinoam, 
fille d'Achimaas. I Reg., xiv, 50. Melchisua périt sur le 
champ de bataille de Gelboé comme son père et succomba 
sous les coups des Philistins comme ses frères Jonathas 
et Abinadab. I Reg., xxxi, 2; I Par., x, 2. 

MELCHOM (hébreu : Milkôm, Malkom; Septante: 
MoXo^, Me),-/6X), forme particulière, dans la Vulgate, 
IV Reg., xxm, 13; I Par., xx, 2; Jer., xlix, 1, 3; Amos, 
i, 15; Soph., i, 5, du nom du dieu appelé plus ordinai- 
rement Moloch. Voir Moloch. Dans I Par., xx, 2, la 
Vulgate a pris l'hébreu malkâm pour un nom propre, 
comme l'ont fait les Septante, Mo^àe- toû pauiXÉoiç 
txÙTûv, tandis qu'elle l'a considéré dans II Reg., Xli, 
30, comme un substantif commun désignant le roi des 
Ammonites, régis eorum, s leur roi. » Cette dernière 
interprétation est la plus communément adoptée, quoiqu'il 
soit aussi possible de le prendre pour le nom du dieu. 
David s'empara de la précieuse couronne qui était sur 
la tête de malkâm. Voir Couronne, 1, 1", t. n, 
col. 1083. 

MÊLÉ A (grec : MeXeî;), fils de Menna et père d'Élia- 
kim, un des ancêtres de Notre-Seigneur dans la généa- 
logie de saint Luc, m, 31. 

MÉLECH (hébreu : Mélék, « roi ; » Septante : MeXix), 
de la tribu de Benjamin, fils de Micha et arrière-petit-fils 
de Jonathas, fils de Saûl. 1 Par., vin, 35; ix, 41. 

MÉLITON, écrivain ecclésiastique. Tous les rensei- 
gnements biographiques qu'on possède sur lui se 
bornent aux points suivants : il vécut pendant la seconde 
moitié du II e siècle et fut évêque de Sardes, en Lydie. 
Sur son activité littéraire, on a un certain nombre de té- 
moignages. Polycrate d'Éphèse, dans sa lettre à Victor 
de Rome, écrite en 194 ou en 195 et citée par Eusèbe, 
H. E., V, 24, 5, t. xx, col. 496, mentionne « Méliton l'eu- 
nuque (c'est-à-dire ici-ï celui qui n'est pas marié »), agis- 
sant en toutes choses selon la direction de l'Esprit Saint 
et qui repose à Sardes dans l'attente de la possession dès 
cieux, pour laquelle il ressuscitera d'entre les morts ». 
A en croire Eusèbe, H. E., IV, xxvi, 4, et cf. VI, xm, 9, 
t. xx, col. 393 et 548, Clément d'Alexandrie aurait com- 
posé son ouvrage Ilspi toù maya, à cause de Méliton 
qui aurait écrit sur le même sujet un traité en deux 
livres. On ne s'accorde pas sur le sens exact de l'expres- 
sion ii a'tTi'aî tt,î toO MîXituvoî YP a< Pîiï> * à cause do 



943 



MÉLITON 



944 



l'écrit de MéJiton. » Hefele, Conciliengeschichte, 1874, 
t. i, p. 29; Weitzel, Passafeier, 1848, 26, 74; Steitz, 
Studien und Kritiken, année 1856, p. 778, et Thomas, 
Melito von Sardes, 1893, p. 11-12, pensent que l'écrit 
de Méliton donna simplement occasion à la composition 
de celui de Clément d'Alexandrie. Harnack, Texte und 
Untersuchungen, 1883, t. i, p. 24, admet que le traité 
de Clément fut dirigé contre celui de Méliton. Le témoi- 
gnage de Tertullien sur Méliton nou£ a été conservé par 
saint Jérôme, De viris ilhist., 24, t. xxm, col. 644, 
où il dit : Huius elegans et declamatorium ingenium 
Tertullianus in septem libris quos scripsit adversus 
ecclesiam pro Montano cavillatur dicens eum a pie- 
risque nostrorum prophetam putari. Il résulte de cette 
citation que, si d'une part Tertullien tourne en dérision 
le caractère élégant et déclamatoire de l'esprit de Méli- 
ton, de l'autre, il atteste sa fécondité d'écrivain, déclare 
que l'évêque de Sardes, ne fut pas montaniste et enfin 
qu'il était, conformément à l'assertion de Polycrate 
d'Éphèse, un prophète rempli de l'esprit de Dieu. On a 
essayé d'expliquer les mots a plerisque nostrorum, du 
texte de saint Jérôme par « les Montanistes ». Voir 
Schwegler, Montanismus, 1841, p. 171, 223; Hilgenfeld, 
Der Paschastreit der allen Kirche, 1850, p. 273. Cette 
interprétation ne tient pas debout, comme l'a démontré 
Harnack, Texte und Untersuchungen, 1883, t. i, p. 241- 
242. L'auteur inconnu, peut-être saint Hippolyte, du 
« Petit Labyrinthe », cite avec honneur Méliton. Après 
avoir rappelé que Justin, Miltiade, Tatien, Clément et 
d'autres sont des témoins de la divinité du Christ; il 
ajoute : Ta "ràp Eîpijvafou te xa\ MeXfxwvo; xai tûv Xot- 
itôv tiç àyvoeï 6iëXia, @eôv xai avOpamov xaT«YYsXX<ma 
tbv Xpi<TTov, voir Eusèbe, H. E., IV, XXVI, 5, t. XX, 
col. 393. Dans deux passages d'Origène, Ad Psalmi m 
insctiptionem, édit. Lommatzsch, t. xi, p. 411, t. vm, 
p. 49, Méliton est cité, dans le premier, comme ayant 
vu en Absalon un type du démon révolté contre le 
royaume du Christ, et, dans le second, comme ayant 
laissé des écrits sur Dieu anthropomorphe. C'est à Eu- 
sèbe que l'on doit les indications les plus abondantes 
sur l'œuvre littéraire de Méliton. Il donne une longue 
liste de traités composés par l'évêque de Sardes. H. E., 
IV, XXVI, t. XX, col. 393. 1» MeXf-ctavo; itepi tou ■KÔ.axa 8ûo. 
Le début de cet ouvrage transcrit par Eusèbe, ibid.,lY, 
xxvi, 2, col. 393, fournit une donnée pour la chronolo- 
gie de la vie de Méliton. Il y est parlé de « Servilius 
(lire Sergius, avec Rufln) Paulus, proconsul d'Asie ». 
Toutefois on n'est point d'accord sur l'interprétation pré- 
cise de celte donnée. Waddington, Fastes des provinces 
asiatiques, p. 226, -place le gouvernement de ce pro- 
consul en l'an 164-165; Keim, Aus dem Urchristen- 
tum, p. 165, en 166; Renan, Marc-Aurèle, 1882, p. 198, 
en 167; Hilgenfeld, Der Paschastreit der allen Kirche, 
1850, p. 25-2, en 168. Voir Thomas, Melito von Sardes, 
1893, p. 20; Harnack, Geschichte der altchristlichen 
Litteratur, 1897, t. H, p. 359. Il est vraisemblable que 
dans ce traité, Méliton soutint la tradition de l'Église 
d'Asie Mineure, c'est-à-dire la pratique des Quartodéci- 
mans. — 2° XltçX itoXtTei'a; xa\ Trpoçïirâv. Saint Jérôme, 
De viris illust., c. xxrv, t. xxm, col. 644, semble avoir 
lu nep'i itoXiTEÎac itpoovj-ôv, car il traduit De vita pro- 
phetarum. Cet écrit visait probablement le montanisme. 
Cf. Bonwetsch, Die Geschichte des Montanismus, 1881, 
p. 20. Pourtant, il n'est pas aisé de déterminer en quel 
sens Méliton s'est prononcé. Peut-être, comme saint Iré- 
née, a-t-il gardé une attitude expectante. — 3» Utpi èxxXï]- 
oîaç. — 4° IIep\ Kvpmxîjs. — 5* Iltp\ nimitûi àvGpwxo'j. 
D'autres manuscrits, la traduction syriaque et Rufin 
ont lu itep't <pû<7so>c àvOpûitou. — 6" Ilepi irXânEuK. Rufin 
traduit De figmento et saint Jérôme De plasmate. Woog, 
De Melilone, 1744, p. 23, et Piper, Theologische Studien 
<und Kritiken, 1838, p. 8J, interprètent ce titre par 
Creatio mundi. Mais tous les autres auteurs ont pensé 



qu'il s'agissait, dans ce traité de Méliton, de la création 
de l'homme. — 7° l O itepi -àiraxo-ij; touts»;. — 8° '0 reepl 
cùcOïimpe'iov. Les manuscrits grecs d'Eusèbe réunissent 
ces deux titres dans la formule suivante :. xai ô nsp'i 
ûiraxoïç nftrrewi; ala-9ï)Tï]p!(.>v. Mais Rufln a traduit De 
obedientia fidei ; de sensibus, et Nicéphore a séparé les 
deux titres. D'autre part, le traducteur syriaque a rendu 
seulement les mots xcd à itepi ûtocxoîjî Ttiorew;, tandis 
que saint Jérôme ne mentionne que De sensibus li- 
brum unum. Il est donc probable qu'il faut, avec la 
plupart des auteurs, distinguer deux traités. — 9° Ilept 
i^uX'i? x<x ^ a(i>u.aTo;. Quelques manuscrits ajoutent r\ 
vaôç. Cureton, SpiciUgium Syriacum, 1855, p. 31-50, 
et Otto, Corpus apolog. christ., 1872, t. IX, n. xm, 
ont publié quelques fragments syriaques de ce traité. 
G. Krûger, Melito von Sardes oder Alexandcr von 
Alexandrien, dans la Zeitschr. f'ùr wissensch. Théologie, 
t. xxx, 1888, p. 434-448; cf. Theolog. Litteralurzei- 
tung, 1893, p. 570, a conjecturé que quatre des frag- 
ments syriaques publiés par Cureton faisaient partie d'un 
même traité de Méliton qui aurait été intitulé Ilepl ^vxni 
%aï (Tto^LûcToç xai eU to icà6o;. Cette hypothèse ne sembla 
pas absolument démontrée. Si Harnack, Geschichte. der 
altchristlichen Litteratur, t. i, p. 251; t. n, part. I, 
p. 518, et E. Preuschen, dans la Realencyclopâdie fur 
pi'ote.stantische Theologie,t. xn,1903, p. 561, s'y rallient, 
Thomas, Melito von Sardes, p. 50, ne se montre pas 
très favorable et Bardenhewer, Geschichte der altkir- 
chlichen Litteratur, t. i, p. 1902, p. 555, se contente de 
mentionner l'opinion de Krûger. — 10» Hspi XompoO, 
c'est-à-dire d'après Rufin, de lavacro, et d'après 
saint Jérôme de baptismate. Un fragment de ce traité 
a été publié par le cardinal Pitra (Analecta sacra, 
t. n, p. 3-5) et Mercati {Symbolm Melitonianse, dans 
Theologisch Quartalschrift, t. lxxvi, 1896, p. 596-600) 
a donné, d'après un manuscrit de l'Ambrosienne à Mi- 
lan, des variantes à ce traité. — 11° nspi àlrfitia:, — 
12° Ilept XTÎuewç xaY fevé<îewî XpitrroO. — 13° Htp\ npo- 
çmTeia;. Beaucoup de manuscrits ont A6yo; aireoO itep\ 
7rpo<pï]TeJ<x{. Rufin traduit : De prophetia ejus et saint 
Jérôme : De prophetia sua. Dans un fragment de papyrus 
trouvé à Oxyrhynque et publié par Grenfell et Hunt, The 
Oxyrhynchus Papyri,.part. 1, 1898, p. 8-9, Harnack a cru 
retrouver un extrait de l'ouvrage de Méliton rapt TtpoçY|- 
Tei'a;. Voir Sitzungsberichfe der k. preuss. Akad. der 
Wissensch. zu Berlin, 1898, p. 517-519. Mais comme l'a 
très bien fait remarquer Erwin Preuschen, dans la Real- 
encyclopâdie fur protestatitische Théologie, 1903, t. xn, 
p. 166, cette identification n'est rien moins que certaine. — 
14» nep: çtXoÇevfaç, — 15° 'H xXei'ç, Clavis. Ce titre évoque 
le souvenir de l'œuvre qui a été considérée comme Je 
travail capital de Méliton, le pendant des Formulée spi- 
ritalis intelligentise d'Eusèbe. En 1653, Labbe avait signalé 
dans la bibliothèque des Jésuites du collège de Clermont 
à Paris un manuscrit latin, Melitonis Clavis sanctee 
Scripturx.\oirDescriploribusecclesiasticis,\&j3, t. Il, 
p. 87. Sirmond connut ce traité. Lequien le copia pour 
Grabe qui fut empêché par la mort de publier la Clavis 
dans son Spicilegium. La copie en question est aujour- 
d'hui encore conservée à la Bibliothèque bodléienne à 
Oxford. Magnus Crusius, cf. Fabricius-Harles, Biblio- 
theca grxca, t. vu, p. 150, et Woog, De Melitone Dis- 
sertaiio secunda, p. 21, transcrivirent également ce traité. 
Ni Galland (voir Bibliotheca Patrum, t. I, c. xxrv, 
p. cxx), ni Routh, Reliquiœ sacrse, 1814, 1. 1, p. 133, qui 
connurent l'ouvrage, ne jugèrent à propos d'en entre- 
prendre la publication. Le cardinal Pitra retrouva le 
manuscrit du collège de Clermont, à Rome, dans la 
bibliothèque Barberini, qui est aujourd'hui au Vatican, 
et il fut assez heureux pour découvrir la Clavis] sanctse 
Scripturse dans sept autres manuscrits. Le patient éru- 
dit publia le texte et consacra tous ses efforts à défendre 
l'authenticité du document découvert et l'identification de 



945 



MÉLITON 



946 



la Clavis avec la Klds citée par Eusèbe. Voir Spicilegiutn 
Solestnense, 1853, t. H, p. 1-519; t. m, p. 1-307; Ana- 
lecta sacra, t. il, p. 6-127, 573-585, 623. Toute cette 
érudition dépensée pendant trente ans de 1852 à 1884 fut 
en pure perte. Il est certain que la Clavis Sanctss Scrip- 
turx n'a rien de commun avec la KXsk de Méliton. Voir 
G. S. Steitz, dans les Theologische Sludien und Kritiken, 
t. xxx, 1857, p. 584-596; G. Salmon, dans A Dictionary 
of Christian Biography, 1882, t. m, p. 897-898; Har- 
nack, Texte und Vntersuchungen, t. i, 1883, p. 275-276, 
et Geschichte der altchristlichen Litteratur, 1892, t. i, 
p. 254; dom 0. Rottmanner, dans le Bulletin critique, 
•1885, p. 47-52 et le Theologische QuartaUchrift, t. lxxviii, 
-1896, p. 614-629; Duchesne, dans le Bulletin critique, 
'1885, p. 196-197; Thomas, Melito von Sardes, 1893, 
p. 66-68; Preuschen, Realencyclopâdie fur prot. Théo- 
logie, t. xii, p. 566; Bardenhewer, Geschichte der 
altkirchlichen Litteratur, t. i, 1902, p. 555. Toutefois, 
comme l'étude de la Clavis Sanctse Scripturse rentre dans 
le cadre du dictionnaire, nous en dirons un mot ici. 
Originairement écrit en latin, ce traité n'est nullement 
une traduction du grec. Dans les manuscrits, il est inti- 
titulé tantôt Anonymus de mystica significatione vo- 
cum ac loquutionum biblicarum (manuscrit de Troyes), 
tantôt Distinctionum quarumdam tractatus (autres ma- 
nuscrits de Troyes), tantôt Glossse in varios Sacrœ 
Scriptural libr os de sensu sprirituali multovum locorum 
(manuscrits de Paris). Seuls le manuscrit du collège de 
Clermont, aujourd'hui à la Vaticane, dans le fonds Bar- 
berini, et celui de Strasbourg attribuent à Miletus ou 
Melitus Asianus episcopus l'ouvrage qu'ils appellent 
Clavis ou Liber clavorum. Cette attribution et ce titre 
sont, sans doute, dus à la fausse érudition d'un clerc du 
xi» siècle qui aura lu dans saint Jérôme que Méliton 
composa un traité intitulé Claitis. L'ouvrage en question 
se présente sous une double rédaction, l'une complète, 
l'autre abrégée. C'est une sorte de lexique de la Bible, 
disposé non point d'après l'ordre alphabétique, mais se- 
lon l'ordre des matières, et donnant l'explication des di- 
vers sens mystiques auxquels les mots de la Bible 
peuvent donner lieu. Il y a quatorze chapitres intitulés 
respectivement : De Deo, de filio Dei secundum car- 
nem, de supernis creaturis, de diebus anni et tem- 
poribus, de numeris, de mundo et partibus eius, de 
signis infructuosis, de variis hominum appellationi- 
bus, de variis sedificationum vocabulis, de metallis et 
aliis sive his quse ex eis fiunt, de avibus, de bestiis et 
ceteris animantibus, de civitatibus sive provinciis. La 
Clavis renferme des emprunts à Denis l'Aréopagite, 
Grégoire le Grand et même à Paschase Radbert; elle 
est donc d'origine relativement récente, peut-être de 
l'époque des derniers Carlovingiens ou des premiers Ca- 
pétiens. Quant à l'ouvrage de Méliton, -f) KXetç, dont 
nous ne connaissons que le titre, on a émis de vaines 
conjectures pour en déterminer le caractère. Schwegler, 
Der Montanismus, p. 223, a pensé aux clefs du royaume 
des cieux; Otto, Corpus apotog., p. 401, à la clef de la 
science, xWç xrjç yv<i(js<oç (cf. Luc, XI, 51); Harnack, 
Texte und Vntersuchungen, t. I, p. 249, a songé aux 
clefs de l'Apocalypse (cf. Apoc, i, 8; m, 7; îx, 1 ; xx, 1), 
Toutes ces hypothèses ne reposent sur aucun fondement. 
— 16" Ilep! toO StaëôXou xal tîj? àiroxoeXij'J/ew; jîuiû-ïvov. 
Xes manuscrits grecs d'Eusèbe et le traducteur syriaque 
finissent ces deux traités. Rufin et saint Jérôme les sé- 
parent. On a rapproché du traité IIspl tîjc àTioxaX'J^sw; 
'Itoowou le passage de Gennade (Deecclesiasticis dogmali- 
bus, c xxv) : In divinis repromissionibus nihil terrenum 
vel transitorium expectamus, sicut Meletiani sperant. 
Par Meletiani, on entendait « disciples de Méliton », et 
l'on a conjecturé que Méliton aurait enseigné le chi- 
liasme dans son ouvrage sur l'Apocalypse. On pourrait 
toutefois voir aussi dans les Melitiani ou Melitani les 
travaux de Mélèce d'Egypte, mais comme rien ne prouve 



que ceux-ci professaient le chiliasme, on a généralement 
admis que Gennade visait Méliton de Sardes. — 17» Ilepl 
êv(jfc>(i(XTou ©eoCs. Comment faut-il définir ce traité? Saint 
Jérôme a gardé le titre grec. Rufin a traduit : De Deo 
corpore induto. Pitra, Spicil. Solesm., t: H, p. 11, et 
d'autres encore ont voulu identifier ce traité avec l'ou- 
vraje de Méliton cité par Anastase le Sinaïte (Hodegos, 
éd. Gretser, c. xih, p. 260) jtsp\ (japxtÔTewç Xpurtoû. 
Cette assimilation est généralement rejetée (cf. Harnack, 
Texte und Vntersuchungen, 1. 1, p. 256). C'est ce travail 
qui a fait reprocher à Méliton l'erreur de l'anthropo- 
morphisme par Origène (voir Théodoret, cap. 20, Qux- 
stionum in Genesim, t. xii, col. 93) et Gennade, De ec- 
clesiast. dogmat., c. IV, t. lviii, col. 982. Ce reproche ne 
semble toutefois pas absolument justifié. Voir Routh, 
Reliquise sacrai, t. i, p. 134-145 et Salmon, dans A Dic- 
tionary of Christian Biography, t. m, p. 898. Après 
avoir énuméré les dix-sept traités que nous venons 
d'examiner, Eusèbe ajoute que Méliton composa 'Eiri ■Kim 
xat to irpôç 'Avtwvtvov gi6).i'8iov, et il en reproduit 
trois extraits. Les deux premiers font allusion aux trai- 
tements barbares qu'ont à subir les chrétiens d'Asie 
Mineure; dans le troisième Méliton rappelle tout le 
bien que la philosophie chrétienne a fait à l'empire ro- 
main, et il oppose à la conduite de l'empereur actuel les 
écrits favorables aux chétiens dus à son grand-père 
Hadrien et à son père Antonin le Pieux. Il y a du même 
ouvrage un extrait dans la Chronique Pascale. Voir 
Patr. Gr., t. xcn, col. 632. On admet généralement que 
l'Apologie de Méliton fut présentée à Marc Aurèle vers 
169 et 176. En 1855, Cureton publia dans son Spicile- 
gium syriacum, p. 22-31, un texte syriaque qui porte pour 
titre : Oratio Melitonis philosophi quse habita est coram 
Antonino Csesare. Il y ajouta une traduction anglaise, 
ibid., p. 41-51. Le même texte a été republié par Pitra 
(Spic. Solesm., t. h, p. xxvii-liii), avec une traduction 
latine faite par Renan, puis par Otto {Corpus apolog., 
t. ix, p. 501-66), avec une traduction iatine. 11 y a eu 
une traduction danoise de Roerdam, Melitos Taie til 
Keyser Antonin... oversatte fra syrisk, 1856, une ver- 
sion allemande de B. Welte dans Theol. Quarlalschr., 
t. xliv, 1882, p. 392-410, et une autre de V. Grône, dans 
la Bibliothek der Kirchenvâter, Kempten, 1853. On 
ne retrouve pas dans ce texte syriaque les passages 
de l'apologie grecque cités par Eusèbe. Il n'est donc pas 
du tout certain que le texte publié par Cureton, soit de 
Méliton. Celui-ci et Salmon, A Dictionary, t. m, p. 895, 
ont cru qu'il s'agissait d'une apologie de Méliton diffé- 
rente de celle mentionnée par Eusèbe. D'après Ewald, 
dans les Gottingische gelehrte Anzeigen, 1856, p. 658, 
on pourrait identifier l'apologie syriaque avec l'ou- 
vrage intitulé : IIspl àlrfielai. Mais le texte syriaque 
semble bien être un original et ne point dériver du grec. 
Voir Nôldeke,dans les Jahrbùcher fur prot. Théologie, 
t. xih, 1887, p. 345, 351. D'après Bardenhewer, Ge- 
schichte der altkirchlichen Litteratur, t. i, p. 554, la 
question de l'attribution du texte de l'apologie à Méliton 
devrait encore être examinée de plus près. Eusèbe, H. E., 
iv, 26, t. xx, col. 396, cite également de Méliton un re- 
cueil d'extraits des Livres Saints, 'ExXoyat, en six livres. 
De ce traité en six livres, dédiés à un certain Onésime, 
Eusèbe, H. E., iv, 26, col. 396, donne le commence- 
ment. Ce passage est du plus haut intérêt, il constitue 
la plus ancienne liste des livres de l'Ancien Testament 
sortie d'une plume chrétienne. Il faut peut-être rattacher 
aux 'ExÀo-yat quatre scolies portant le nom de Méliton 
dans les chaînes sur la Genèse. Voir Routh, Reliq. sacrœ, 
t. i, p. 122-124; Otto, Corpus, t. ix, p. 416-418. Deux ou- 
vrages de Méliton sont mentionnés par Anastase le Si- 
naïte ; l'un est intitulé e!? zb iriOoe, et Anastase (Hodegos, 
c. xn, Patr. Gr., t. lxxxix, col. 197) en cite l'extrait sui- 
vant : 0eô{ iréirovïev Oui» SeljtSç 'lopar^hi&oç. Les fragments 
syriaques publiés par Cureton donnent aussi ces extraits. 



947 



MËLITON — MELLUCH 



II a été question plus haut de l'autre traité signalé par 
Anastase, Ilepl oapxtiasut Kf taxai. Il reste à dire au sujet 
des travaux de Méliton que les quatre lignes du frag- 
ment arménien ex Melitonis epistola ad Eutropium pu- 
bliées par l'abbé Martin, dans Pitra, Analecta sacra, 
t. iv, p. 16 et 292, ne sont pas du tout de l'évêque de 
Sardes. Autant faut-il en dire de la passion latine de 
Baint Jean, Acta Joannis, qui dans certains manuscrits 
porte le nom de Mellilus ou de Melilo, de la pièce inti- 
tulée De transitu B. Marise virginis et de la Catena in 
Apocalypsin. Tous ces ouvrages sont fort postérieurs à 
l'époque de Méliton. La passion de saint Jean date d'au 
delà du VI e siècle et dérive des actes gnostiques de Cet 
apôtre ; le récit de la mort de la Sainte Vierge est une 
compilation récente de sources grecques, et la Catena 
in Apocalypsin ne remonte pas au delà du xm c ou du 
xiv» siècle. Nous ne dirons rien de la doctrine de Mé- 
liton. On trouvera les éléments de cette étude dans les 
ouvrages qui ont été cités. Bon nombre des appréciations 
émises à ce sujet sont arbitraires et conjecturales. L'œuvre 
de Méliton n'est pas suffisamment connue pour qu'on 
puisse émettre sur elle un jugement sûr et définitif. 
Pour la même raison, on n'est pas davantage fondé à 
formuler contre Méliton certaines accusations qui re- 
posent sur de simples soupçons. Nous n'avons pas non 
plus donné à Méliton le titre de saint, qui est fort dis- 
cutable. Cf. Acta sanctorum, aprilis 1. 1, p. 102. 

J. VAN DEN GHEÏN. 

MELLO, nom qui désigne deux localités ou deux 
forteresses, l'une près de Sichem, l'autre à Jérusalem, 
et l'endroit où fut frappé le roi Joas. 

1. MELLO (hébreu : Bêf Millô'; Septante : Vaticanus : 
oTxot Br)6|j.aa).cJv, Jud., IX, 6; otxoî B/)6[ia«),).wv, Jud., IX, 
20; Alexandrinus : oïxoç MaXXwv, Jud., ix, 6, 20) serait, 
d'après la Vulgate, une ville située dans, le voisinage de 
Sichem. Jud., ix, 6, 20. 11 est dit, en effet, f. 6, que 
tous les hommes de Sichem et toutes les familles de la 
ville de Mello se rassemblèrent auprès du chêne de Si- 
chem pour établir Abimélech comme roi. Cette localité 
n'est plus mentionnée, du reste, qu'au j!'. 20, dans lequel 
Joatham, après avoir échappé au massacre de ses frères, 
égorgés par Abimélech, appelle sur celui-ci, sur les ha- 
bitants de Sichem et du bourg de Mello, qui n'ont pas 
eu honte de l'élire roi, un feu vengeur, ou plutôt les 
fureurs d'une guerre réciproque qui les dévore tous. 
Dans les deux passages, l'hébreu a simplement Bel 
Millô', « maison de Mello, » en sorte que l'on ne sait 
s'il s'agit d'un clan ou d'une ville. Comme Mello dé- 
signe ailleurs, II Reg., v, 9; III Reg., ix, 15, etc. (voir 
Mello 2), une forteresse ou une défense de la Jérusa- 
lem primitive, on a supposé que Bêt Millô' pouvait être 
lîi citadelle ou un des forts avancés de Sichem (aujour- 
d'hui Naplouse). Quelques-uns même l'identifient avec 
« la tour de Sichem » dont il est question Jud., ix, 46. 
V. Guérin, Samarie, t. i, p. 465, pense qu'on pourrait 
voir l'emplacement de Beth Mello dans un site ruiné, 
appelé Khirbet ed Dûârah, qui devait autrefois toucher 
presque à l'antique Sichem. A. Legendre. 

2. MELLO (hébreu : ham-Millô', toujours avec l'ar- 
ticle; Septante : r\ Sxpa, II Reg., v, 9; III Reg., xi, 27; 
ty)v MeXù xu\ tt)v axpav, III Reg., IX, 15; t^v Me>w, 

III Reg., ix, 24; tô âvdcXt)Hu.a, H Par., xxxii, 5; omis 

I Par., xi, 8), construction qui servait de défense à l'an- 
cienne cité jébuséenne, devenue cité de David et située 
au sud-est de Jérusalem, sur la colline d'Ophel. 

II Reg., v, 9. Voir Jérusalem, Topographie ancienne, 
t. m, col. 1350. Quelle était la véritable nature de ce 
qu'on appelle régulièrement dans l'Écriture « le Mello » ? 
On ne sait. Si, avec la plupart des auteurs, l'on rapproche 
le nom de la racine mdlà', « remplir, être plein, » il 
signifierait « le plein ». Cf. Gesenius, Thésaurus, t. i, 



p. 787, 789. De là on a conclu à une sorte de remparl, 
vallum, agger, ou de « terre-plein », à une place qui peut 
ère « remplie » de monde, à une tranchée ou à un fossé 
« plein » d'eau. Il convient de ne pas trop appuyer 
sur de semblables étymologies. Nous avons peut-être là 
un terme archaïque, un vieux mot jébuséen, dont là 
signification précise nous est inconnue. Les Septante 
eux-mêmes ont été embarrassés pour le rendre; ils y 
ont vu tantôt une « citadelle », âxpa, II Reg., v, 9; 
III Reg., xi, 27, tantôt une « élévation » ou rempart 
« élevé », âvai^iina, II Par., xxxii, 5, tantôt un nom 
propre de lieu, MsXii, III Reg., ix, 15, 24. Les Targums 
le traduisent par millêçâ', mot par lequel ils représen- 
tent ailleurs l'hébreu sôlelâh, qui désignait une terrasse 
élevée contre les murailles d'une ville assiégée. Les 
différents passages de l'Écriture où il est cité nous per- 
mettent de regarder le Mello comme un ouvrage de dé- 
fense, qui primitivement protégeait la ville des Jébuséens, 
et que David, Salomon et Ézéchias restaurèrent ou for- 
tifièrent tour à tour. II Reg., v, 9; III Reg., ix, 15, 24; 
xi, 27; I Par,, xi, 8; II Par., xxxii, 5. Il devait être un 
des points importants de Jérusalem, à en juger d'après 
les frais ou les corvées que sa restauration occasionna 
sous Salomon, III Reg., ix, 15, et le soin que prit Ézé- 
chias de le garantir contre l'attaque des Assyriens. 
II Par., xxxii, 5. Il semble qu'on peut le placer au 
nord-ouest de la colline d'Ophel, du côté de la vallée du 
Tyropœon. Voir la carte de Jérusalem ancienne, t, m, 
fig. 249. On croit aussi que c'est la tour ou citadelle, 
appelée Bê( Millô', où fut assassiné Joas. IV Reg., xn, 
20. — Cf. C. Schick, Die Baugeschichle der Stadt Jéru- 
salem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina- 
Vereins, Leipzig, t. xvn, 1894, p. 6; G. St. Clair, Mille, 
House ofMillo and Silla, dans lePalestine Exploration 
Fund, Quarterly Statement, Londres, 1891, p. 187. 

A. Legendre. 
3. MELLO (MAISON DE) (hébreu: Bè{ Millô', Sep- 
tante : olxoç MocaXti), endroit où Joas fut frappé par 
les conspirateurs. IV Reg., xn, 20. On est porté à croire 
que Mello désigne ici l'ouvrage de défense dont il est 
question II Reg., v, 9; III Reg., ix, 15, 24. Voir Mello 2. 
L'Écriture ajoute que c< la maison de Mello était à la 
descente de Sella ». Voir Sella. 

MELLOTHI (hébreu : Mallôfi, « ma plénitude; » 
Septante : MaXXifl!'; Alexandrinus; MeaXuOi, MeM^ef), 
lévite, le douzième des quatorze fils d'Héman, chef de 
chœur du temps de David. Mellolhi fut mis à la tête de 
la dix-neuvième division des musiciens du sanctuaire, 
comprenant, avec ses fils et ses frères, douze exécutants. 

I Par., xxv, 4, 26. 

MELLUCH (hébreu ; Mallûk, « conseiller [?] »), nom, 
dans la Vulgate, de trois Israélites. Ce nom propre hébreu 
a été écrit ailleurs par saint Jérôme Maloch. Voir Maloch. 

1. MELLUCH (Septante : MaXoûx)> îu n des fils de Bani » 
qui avait épousé une femme étrangère et qui fut obligé 
de la répudier du temps d'Esdras. I Esd., x, 29. 

2. MELLUCH (Septante : MaXov-/), prêtre qui signa 
l'alliance contractée avec Dieu du temps de Néhémie. 

II Esd., x, 4. Il est possible qu'il soit le même prêtre 
de ce nom qui était revenu avec Zorobabel de la capti- 
vité de Babylone. II Esd., xn, 2. Dans les deux passages 
il est nommé avec Hattus. Voir Hattus 3, t. ni, col. 449. 
S'il en est ainsi, ces deux prêtres auraient atteint une 
grande vieillesse. Divers commentateurs croient aussi 
que Melluch est le Milicho de II Esd., xn, 14, dont le 
nom aurait été défiguré. ïl est nommé comme chef de la 
famille sacerdotale qui, sous le pontificat de Joacim, 
était représentée par Jonathan. Voir Jonathan 11, t. ni, 
col. 1615. 



949 



MELLUCH 



MELON 



950 



3. MELLUCH (Septante : Ma>oûx). un des chefs 
israélites qui signèrent l'alliance théocralique du temps 
de Néhémie. II £sd., x, 27. 

MELO (Gaspard de), exégète catholique espagnol, 
mort vers 1597. Il appartenait à l'ordre des augustins 
de la province d'Estramadure. 11 était docteur en théo- 
logie, et fut professeur d'Écriture Sainte à Valladolid. 
Ou a de lui : In S. Matthasum, in-f", Vallisoleti, 1584; 
In S. Lucie Evangelium commentaria, in-f c , ibid., 
1597; In Apocalypsin commentaria, in-f°, ibid., 1589. 
Voir D. Nicolas Antonio, Bibliotheca hispana nova, 
in-P>, Madrid, 1783-1788, t. i, p. 259. 

A. Regnieb. 

MELON (hébreu 'âbattihîm, Num., xi, 5; Septante : 
TtlTtove;; Vulgate : pepones), fruit rafraîchissant recher- 
ché des Hébreux. 

I. Description. — On désigne sous ce nom vulgaire 
les fruits charnus de diverses Cucurbitacées appartenant 
à des genres très différents. Le melon proprement dit 
est produit par le Cuctimis Melo de Linné (fig. 245), 




245. — Cucumis Melo. Tige, fleurs et fruit. 

plante annuelle à tiges rameuses, ordinairement étalées 
sur le sol, bien qu'elles soient pourvues de vrilles qui 
pourraient s'attacher à un support. Feuilles pétiolées à 
limbe palminerve de contour variablesôuventréniformes- 
arrondies, plissées ou ondulées sur les bords, parfois 
nettement découpées en 3 ou 5 lobes. Tous les organes 
végétatifs sont rudes, étant recouverts de poils courts 
simulant de petits aiguillons. Les fleurs sont monoïques, 
c'est-à-dire mâles et femelles distinctes, mais portées 
sur le même pred : les premières avec 5 étamines tria- 
delphes, les autres avec un ovaire infère à 3 loges mul- 
tiovulées, toutes avec une corolle jaune à 5 lobes soudée 
avec le calice. Le fruit mûr sous une écorce épaisse 
présente une chair sucrée succulente et parfumée, avec 
des graines nombreuses dans la cavité centrale qui 
résulte de la résorption des loges et des placentas. La 
plante est très variable sous le rapport de la dimension 
de ses parties, mais surtout le fruit qui réduit parfois 
au volume d'une noix peut atteindre la grosseur d'une 
citrouille. Sa forme est ronde, allongée ou aplatie; sa 
surface peut être lisse ou relevée de rides imitant des 
broderies, souvent pourvue de côtes longitudinales sé- 
parées par autant de sillons allant du pédoncule jusqu'à 
l'œil, large cicatrice laissée par la désarticulation des 



enveloppes florales. — Le type primitif du melon, origi- 
naire de l'Inde, ne s'y retrouve plus, mais il devait peu 
s'écarter de la variété cultivée comme ornement sous 
le nom de Melon-de-poche, le Cucumis Dudaim à fruits 
déprimés de la taille d'un œuf, assez parfumés mais de 
saveur fade. Malgré son nom vulgaire de Melon 
d'Egypte, le Cucumis Chate L. a comme le précédent 
une origine plus orientale. — Les melons d'eau ou pas- 
tèques appartiennent au genre Citrullus et peuvent être 
regardés comme des variétés du Citrullus vulgaris de 
Schrader (fig. 246), distinct du genre Cucumis par ses 




246. — Citrullus vulgaris. Tige, fleurs et fruit. 

fleurs mâles solitaires, et ses vrilles rameuses. Le fruit 
est rond et lisse; la chair de couleur très variable n'est 
que légèrement sucrée, mais très aqueuse, ce qui la fait 
rechercher comme rafraîchissante. — Enfin, certaines 
Cucurbitacées ont pu être appelées Melon bien que leurs 
fruits n'aient aucune qualité alimentaire. Ainsi l'Ecbal- 
lium silvestre de Richard, vulgairement nommé Melon 
d'attrape, parce que ses baies se détachent élastiquement 
de leurs pédoncules à la maturité, lançant au loin un 
suc visqueux mêlé aux graines. Ainsi encore le Melon 
des prophètes, Cucumis prophetarum L., des déserts de 
l'Arabie, dont le fruit est tout hérissé, de la grosseur 
d'une cerise, avec une chair amère. F. Hy. 

II. Exégèse. — Les 'âbattihîm sont du nombre des 
fruits ou légumes que les Israélites sortis d'Egypte 
regrettaient de ne plus trouver au désert comme dans 
la terre de Gessen. Num., xi, 5. Ils sont placés aussitôt 
après les qiBu'îm, qui désignent certainement les com- 
combres (t. n, col. 890). D'après la traduction des 
Septante et de la Vulgate (iréirove;, pepones) les 'âbatti- 
hîm sont les fruits du Cucumis Melo, les melons ordi- 
naires. C'est du reste le sens du mot arabe de même 

racine, >o=o> ba((ikh, biltikh, Ibn El-Beïthar, Traité des 

Simples, dans Notices et extraits des manuscrits de la 
Bibliothèque nationale, in-4", t. xxn, 1877, p. 239. 
Selon Maimonide dans son commentaire sur Terumoth, 
vin, 6, cité par 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8», 
Amsterdam, 1748, t. n, p. 357, n.abbattichin s'appelle en 
arabe baftikh et dans notre pays (Espagne) melon. » 
Unger, Die Pflanzen des alten Aegyptens, in-8 , Vienne, 
1859, fig. 25, prétend avoir trouvé la représentation du 
melon dans une tombe de Saqqarah. Mais Aiph. de Can- 
dolle, Origine des plantes cultivées, in-8°, Paris, 1886, 



951 



MELON 



MEMBRES 



952 



p. 208, ne croit pas prouvée la culture du melon chez 
les anciens Égyptiens, et ne juge pas certaine l'identi- 
fication prétendue. Cependant FI. Pétrie a découvert 
dans les tombes gréco-romaines de Haouara ou Fayoum 
quelques spécimens du Cucumis Melo. Et sur les tables 
d'offrandes de la V e dynastie, il parait être plusieurs fois 
représenté (fig. 2i7). Fr. Wœnig, Die Pflanzen im alten 
Aegypten, in-8», Leipzig, 1886, p. 201, 205. 

Quoi qu'il en soit du melon ordinaire, celui qui était 
surtout connu en Egypte était le melon d'eau, Citrullus 
vulgaris. C'est lui surtout qui parait devoir être com- 
pris sous le terme hébreu 'âbattihim connu sous le 
nom arabe biftihh, d'où vient notre mot pastèque. Dans 
les tombes égyptiennes ont été fréquemment trouvées des 
graines et des feuilles du Citrullus vulgaris ; on en voit 
aussi sur des tables d'offrande delà V e dynastie (fig. 247). 



MELQART, le dieu principal de Tyr. Voir Hercule, 
t. m, col. 602. 

MELTIAS (hébreu : Melatyâh, « Yâh est libérateur; » 
Septante : MaXrt'aç), Gabaonite qui vivait du temps de 
Néhémie. Il travailla, avec Jadon de Méronath (t. m, 
col. 1104) et les gens de Gabaon et de [Maspha, à la res- 
tauration de la partie septentrionale des murs dé Jéru- 
salem. II Esd., m, 7. Meltias était probablement le chef 
des Gabaonites qui travaillaient avec lui, comme Jadon 
l'était peut-être des hommes de Maspha. Le texte ajoute 
un membre de phrase qui est ainsi traduit par la Vul- 
gate : « Ils bâtirent... pour le chef qui était dans la con- 
trée au delà du fleuve. » Les Septante traduisent : 
« ...jusqu'au trône du chef d'au delà du fleuve. » Le 
texte hébreu est fort obscur et diversement interprété par 




247. — Melons et pastèques sûr les tables d'offrandes. 
D'après Lepsius, Denkm&ler, Abtb. Il, Bl. 64, 68, 70. 



Le nom égyptien J „ " Lî "B| i i, beduqqa, bout- 
touka, est la forme antique du copte ftevyKe, fte-rrjçe, 
betuke, belikhe, apparenté au bitfikh arabe, et paraît être 
la pastèque. La version copte rend le hItiwv des Sep- 
tante, Num., xi, 5, par neAenenwn, pelepepôn.. Or ce 
mot se retrouve dans les Scalx, dit V. Loret, La flore 
pharaonique, 2» édit., Paris, 1892, p. 73, sous les deux 
formes neAnenEKiigoTq, pelpepen-n-houf, pastèque 
jaune, et neAneneitu.Ju.i<\.oii, pelpepen-m-milon , 
pastèque verte. Les pastèques sont excellentes en Egypte 
et y sont meilleures que les melons. 

La Bible ne nous parle pas des melons ou pastèques 
de Palestine : ils devaient y être cultivés. Aujourd'hui la 
plaine de Saron et la Sephéla sont riches en ce genre 
de culture. Des jardins qui environnent Jaffa on exporte 
annuellement d'énormes quantités de melons, surtout de 
pastèques. J. Wimmer, Palâstina's Boden mit seiner 
Pflanzen {Gôrres-Geseïlschaft, 1902, n), in-8», Cologne, 
1902, p. 58. — Voir 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8», 
Amsterdam, 1748, t. i, p. 356-382; Abd-Allatif, Relation 
de l'Egypte, trad. Silvestre de Sacy, in-4», Paris, 1810, 
p. 34-35, 125-128; H. B. Tristram, The Natural Hislory 
of the Bible, 8» édit., in-8», Londres, 1889, p. 468. 

E. Levesque. 

MÉLOTHI, ville d'Asie Mineure nommée seulement 
dans la Vulgate. Judith, n, 13. C'est probablement la 
ville de Cappadoce appelée Mélitène (MeXinivr,). Elle était 
la capitale du district du même nom et située dans la 
partie la plus orientale de la Cappadoce. Pline, H. N., 
yi, 3, en attribue la fondation à Sémiramis, reine d'Assy- 
rie, ce qui nous reporte peut-être au règne d'Assurbanipal. 
Voir t. i, col. 1144. Cette ville était située sur un petit 
affluent de l'Euphrate, dans une région très salubre. Ses 
ruines portent aujourd'hui le nom de Malatia. La Vulgate 
dit que c'était une ville célèbre, opinatissima. Elle le fut 
surtout pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne. 
Le texte grec ne la nomme pas. Comme elle était peu 
éloignée de l'Euphrate, Holoferne a pu s'emparer de cette 
ville dans sa première campagne. Voir Cal met, Commen- 
taire littéral, Judith, 1722, p. 382. 



les commentateurs modernes : les uns l'entendent en ce 
sens que les Gabaonites et les Masphites qui travaillaient 
en cet endroit dépendaient du gouverneur d'au delà du 
fleuve, et ils expliquent ainsi comment les gens de Maspha 
figurent en plusieurs endroits, Il Esd., m, 7, 15, 19, 
parmi les constructeurs des murailles ; d'autres pensent 
que c'est une indication locale; Meltias et Jadon bâtirent 
vers l'endroit où était le trône, c'est-à-dire le siège ou 
bien la résidence du gouverneur d'en deçà du fleuve, 
quand il se rendait à Jérusalem. La concision et le vague 
du texte laisse le champ ouvert à toute sorte de conjec- 
tures. 

MEM, e, et o à la fin des mots, treizième lettre de 
l'alphabet hébreu. Son nom signifie probablement 
« eau », comme le mot hébreu o>d, maïm = d>d. Dans 
l'ancienne écriture phénicienne, cette lettre paraît 
représenter l'eau courante vv».La lettre grecque y. d'où 

vient la nôtre, qui lui est à peu près semblable, M, m, 
n'est que la forme phénicienne retournée. Les anciens 
Grecs, en se servant de l'écriture dite boustrophédon qui, 
comme le bœuf, lorsqu'il laboure, allait alternativement 
de droite à gauche et, en retournant les lettres, de 
gauche à droite, changèrent finalement la direction de 
l'écriture et marchèrent toujours de gauche a droite, 
tandis que les Phéniciens et les Hébreux marchaient in- 
variablement de droite à gauche. 

MEMBRES (hébreu : yeçurim, baddîm ; chaldéen : 
haddâm; Septante : (liXoç, (j.éXr); Vulgate : membrum, 
membra), appendices longs et articulés, disposés par 
paires, de chaque côté du corps, pour l'exécution des 
principaux mouvements. Voir Bras, 1. 1, col. 1909; Jambe, 
t. m, col. 1113; Main, col. 580; Pied. 

1» Au sens propre. — Job, xvn, 7 ; xvin, 13, constate 
que, par l'effet de sa terrible maladie, ses membres sont 
devenus comme une ombre, et dévorés par le premier- 
né de la mort:, c'est-à-dire par le mal précurseur de la 
mort. — La mère des Machabées ne sait comment les 
membres de son enfant se sont formés dans son sein. 



953 



MEMBRES — MEMPHIS 



954 



II Mach., vn, 22. — On met en pièces les membres de 
ceux qu'on veut châtier ou martyriser. Dan., u, 5; 

II Mach., i, 16; vn, 7. — Antiochus Éphiphane se fra- 
cassa les membres en tombant de son char. II Mach., 
ix, 7. — Saint Jacques, m, 5, 6, appelle la langue un 
petit membre puissant par ses effets. — Les versions 
donnent quelquefois le nom de membres aux morceaux 
des victimes offertes en sacrifice. Lev,, i, 8, 12 ; ix, 13 ; 

III Reg., xviii, 33. 

2° Au sens figuré. — Notre-Seigneur dit qae la perte 
d'un membre est préférable à celle de tout le corps, 
Matth., v, 29, 30, c'est-à-dire qu'il vaut mieux consentir 



contribuant au bien de l'ensemble. Tout bien spirituel 
doit donc profiter à tous les membres, quel que soit celui 
d'entre eux qui l'opère. I Cor., xn, 12-30. Chacun des 
membres, faisant partie d'un corps bien ordonné et soli- 
dement assemblé, tire profit de ce qui édifie l'ensemble; 
dans l'Église, « nous sommes membres les uns des 
autres. » Eph., iv, 16, 25. H. Lesétre. 

MEMMIUS (grec : Mlfiaioç) Quintus, un des deux 
légats romains qui écrivirent aux Juifs pour confirmer 
les privilèges accordés à ce peuple par Lysias. II Mach., 
xi, '34. Ce personnage est par ailleurs absolument in- 




,J*wtftj>i't'/y an. 



248. — Memphis et ses environs. D'après la Description de l'Egypte, Paris, 1825, t. V. 



un sacrifice, même très pénible, plutôt que de compro- 
mettre le salut de son âme. — Il faut que les membres 
qui ont servi à l'iniquité servent désormais à la gloire 
de Dieu. Rom., vi, 13, 19; vu, 5, 23; Jacob., iv, 1. — 
Les membres du chrétien sont les membres du Christ, 
1 Cor., vi, 15; Eph., v, 30, et les temples du Saint-Esprit, 
I Cor., vi, 19, par l'effet de la grâce et de l'union intime 
de l'âme régénérée avec Dieu. C'est pourquoi il faut mor- 
tifier ses membres, Col., m, 5, c'est-à-dire faire mourir 
en soi tout ce qui est opposé à la volonté de Dieu. — 
Saint Paul développe la comparaison entre les membres 
du corps humain et les fidèles, qui font partie du corps 
mystique de l'Église. De même qu'il y a plusieurs membres 
dans un seul corps, chacun avec sa fonction spéciale, 
ainsi les fidèles sont les membres d'un même corps en 
Jésus-Christ, chacun avec son aptitude particulière, pro- 
phétie, ministère, enseignement, etc. Rom., xn, 4-7. 
Les fidèles sont le corps du Christ et chacun d'eux est 
un membre, avec ses fonctions particulières, plus ou 
moins honorables, mais toutes nécessaires au corps et 



connu. Voir Manilius. La gens Memmia était une 
famille plébéienne qui n'apparaît pas dans l'histoire ro- 
maine avant l'an 173 avant J.-C. Depuis lors elle occupe 
souvent le tribunat de la plèbe. Un Titus Memmius fut 
légat du Sénat en Achaïe et en Macédoine en 170. Tite 
Live, xuii, 5. Aucun des membres de la famille qui 
nous sont connus n'a porté le prénom de Quintus. On 
peut en voir la liste dans W. Smith, Dictionary of 
Greek and Roman biography, 1854, t. n, p. 1026-1027; 
V. De-Vit, Totius Lalinitatis Onomasticon, t. iv, 1887, 
p. 453. E. Beuruer. 

MEMPHIS (hébreu : Môf, Ose., ix, 6; Nôf, Is., xix, 
13; Jer., n, 16; xliv, 1, slvj, 14, 19; Ezech., xxx, 13, 
16; Septante : Mépqptc; Vulgate : Memphis), ancienne 
capitale de l'Egypte (fig. 248). 

I. Noms. — Memphis était appelée en égyptien 



U 



© , Men-noftr, « là bonne place, la bonne 
station, » d'où est dérivé le nom européen. Men-nofir 



955 



MEMPHIS 



95G 



était, à l'origine, le nom de la pyramide du pharaon 
Pépi I (Vie dynastie) et du quartier qui se forma dans 
le voisinage de la pyramide autour de la résidence du 
même souverain; de là le déterminatif de la pyramide 
dans le terme égyptien; plus tard le nom s'étendit à 
toute la ville. Memphis est appelée en copte, Axenqi, 
Aïeule, jULejuiie, ejutenA; en assyrien, Minpi, 



Me-im-pi; en arabe, <_sl^««. Tous ces noms, comme 
le nom hébreu et grec, dérivent de l'égyptien nien- 
nofir par la chute de r. final. — Dans les inscriptions 
égyptiennes, Memphis est encore désignée sous plu- 
sieurs appellations symboliques dont quelques-unes 




249. — Monnaies égyptiennes de l'époque romaine. 
Les revers reproduits ici portent tous le nom de MEM#IE. — 
1, 2, 3. Isis dans différentes attitudes. — Sur le plomb 4, le 
dieu Phtah. — 5. Le bœuf Apis. 

indiquent proprement des quartiers de la ville; voici 
les principales, d'après le Dictionnaire géographique 

de l'Ancienne Egypte, de Brugsch : y i W , Aneb, ou 
a nîln © ' Aneb-u, « la ville de la muraille, 
la ville des murailles. » « C'est un des noms qui ne 
sont pas rares dans les textes et qui servent à dé- 
signer la ville de Memphis, renommée par la gran- 
deur et la solidité de ses fortifications. » — Lt I O ? 
Aneb-hadj, « le Mur blanc, » nom donné à la ville 
de Memphis comme métropole du premier nome de 
la Basse-Egypte. Ce nom signifie proprement le quar- 
tier de Memphis contenant la citadelle. Les garni- 
sons, même étrangères, y résidaient. Au temps d'Hé- 
rodote, m, 91, les Persans se trouvaient év t# Aeuxû 

Tùyzïià èv Méjiç'.. — Ld CI - S i ©> Ha-ka-Ptah, 
« la demeure de la personne de Ptah, » expression qui 
désigna d'abord le temple de. Ptah, puis la ville entière 
et qui, d'après certains auteurs, devint dans la bouche 

des Grecs "AtYumo;, Egypte. — | J rj^ « ij, Ha-Ptah, 

ou C*3 ■ 8 "1, Pi-Ptah, « la demeure de Phtah, » nom 

i - î I 4£^* I 
sacré de Memphis. — ^ ■ % ©î Kha-nofer, « la bonne 



couronne. » — ^| ;ttt. © ) Khu-to-ui, « l'illumination 
des deux pays, » c'est-à-dire de la Haute et de la Basse- 



Egypte. 



"■ni 



, Ha-ka-knum~nuteru,* la mai- 
son de culte des architectes divins, j — t£ J ^^. ijl 



7^r. © } Ma-kha-to-ui, <s la balance des deux pays, » 
c'est-à-dire le point de partage de la Haute et de la 
Basse-Egypte. — is. On trouve dans une des médailles 
frappées pour le nome de Memphis le mot lui-même de 
No|ioç, circonstance qui la distingue de celle des autres 
préfectures. Au pied de la figure qui est au revers, on 
voit le bœuf Apis,. symbole du culte de cette ville; et au- 
tour on lit Nojj.o{ MevçiTïiç. On remarquera ici le v 
au lieu du p.. L'ancien nom y est mieux conservé que 
dans le mot Ms|iç(< adopté par les Grecs, et on l'y re- 
trouve comme dans d'autres noms qui subsistent encore 
en Egypte, tels que Menouf, Menfalout, etc. » Descrip- 
tion de l'Egypte, t. îv, p. 425. Le musée gréco-romain 
d'Alexandrie contient quatre médailles et trois jetons du 
nome de Memphis. La riche collection de M. Dattari du 
Caire 'compte de ce même nome treize médailles et 
onze plombs. Voir Monete imperiali greche. Nunii 
Alexandrini, Le Caire, 1900, p. 412-426. Nous devons 
à l'obligeance de M. Dattari de pouvoir reproduire quel- 
ques-uns de ces beaux échantillons (fig. 2£9). 

II. Emplacement. — Les savants de l'Expédition 
française eurent de la peine à découvrir la vraie place 
de Memphis; Guillaume de Tyr réfutait déjà une erreur 
souvent reproduite depuis, qui consistait à identifier Mem- 
phis avec le Vieux Caire, Babylone d'Egypte : « Neque- 
dent, aucunes genz disent que celé Babyloine fu la très 
nomée citez d'Egypte qui ot non Memphis, et était chiés 
de toute la terre entor; mes ne semble mie que ce soit 
voirs. Car outre le flun du Nil qui cort delez ceste Ba- 
byloine dont je vous parole, loin d'iluec bien à 'X- miles 
aperent les ruines et les murailles d'une trop anciene 
cité qui bien démonstrent que ce fu trop grand chose. 
Li vilain gaagneeur du pais disent que ce fu Memphis. » 
Guillaume de Tyr, édit. Paulin Paris, 1880, t. 'n, 
p. 273. « Li vilain gaagneeur » avaient raison. L'état 
actuel des fouilles ne permet pas encore de délimiter 
d'une façon précise l'enceinte de cette immense ville, 
mais il est sûr que Memphis s'étendait dans la plaine 
où l'on trouve aujourd'hui les villages de Bedraschên, de 
Mit-Rahînet, à une vingtaine de kilomètres du Caire, 
sur la rive occidentale du Nil. Les divers noms donnés 
à cette ville, indiquant plutôt des quartiers, des agglo- 
mérations autour des temples, laissent supposer que 
l'enceinte de Memphis était très développée. Voir Des- 
cription de l'Egypte d'après les Mémoires de Mail- 
let, par l'abbé Le Mascrier, Paris, 1735, p. 261; 
Brugsch's Egypt under the Pharaohs, 1881, t. î, 

p. 50. Memphis était dans le nome Lj I , Aneb-hadj. — 
An Atlas ofancient Egypt, Exploration Fund. Dans les 
champs où fut Memphis, on exhume parfois des colosses 
(fig. 250), qui attestent son ancienne splendeur, mais 
de ses monuments, il ne reste rien, si ce n'est les tom- 
beaux voisins de Saqqarah où ont été ensevelis ses an- 
ciens habitants, et sur son site croissent aujourd'hui de 
nombreux palmiers (fig. 251), « vert linceul étendu sur 
les décombres limoneux qui furent Memphis, » E.-M. de 
Vogué, Le maître de la mer, 1903, p. 297. Seuls, les 
tombeaux des vieux Égyptiens, qui les appelaient « des 
demeures éternelles », subsistent encore auprès, « là 
(où) commence avec le désert l'empire de la mort... 
Dans la jaune nudité de l'horizon, les dunes sépulcrales, 
perforées d'excavations, moutonnent indéfiniment au- 
tour des pyramides à degrés : ces pyramides de Saqqa- 
rah, aïeules de leurs énormes plagiaires de Gizé... Le 
peuple de Memphis venait reposer sur ce plateau, sous 
la garde de ses princes. » Ibid., p. 298. 

III. Histoire. — Mena, originaire de Thini, passe 
pour le fondateur de Memphis. On connaît le récit d'Hé- 
rodote, il, 99, et celuf de Diodore de Sicile, î, 50, 51 , 
67. Linant pacha aurait retrouvé la digue élevée par 
Mena pour détourner le cours du Nil; ce serait Ja 



957 



MEMPHIS 



958 



grande digue de Cocheiche utilisée encore de nos jours. 
Memphis a servi de capitale à plusieurs dynasties de 
souverains (III«, IV», VI«, Vils VIII», XXIV«). C'est, après 
Thèbes, dit M. Brugsch, la ville « sur laquelle les mo- 
numents épigraphiques et les papyrus ont le plus à nous 
apprendre ». Malgré ce langage des pierres et des pa- 
pyrus, l'histoire de Memphis reste enveloppée de ténèbres ; 
espérons que les fouilles pratiquées sur ses ruines, que 
les richesses trouvées chaque année plus nombreuses 
dans sa nécropole, apporteront quelque lumière; le mo- 
ment d'écrire son histoire n'est pas encore venu. On 
n'a que de vagues renseignements sur sa ruine si com- 



beaux. » N'y a-t-il pas là une allusion évidente à la vaste 
nécropole de Memphis, aussi et peut-être plus admirable 
encore que la ville elle-même ? Jérémie, n, 16, déclare 
aux Juifs qui comptent sur le secours de l'Egypte, que 
les enfants de Memphis leur briseront la tête, et xliv, 1, 
que la vengeance divine poursuivra ceux d'entre eux qui 
se réfugieront à Memphis. — 2» Lesautrestextesannoncent 
la ruine et la destruction de Memphis : « Les princes de 
Memphis se trompent, les chefs des tribus égarent 
l'Egypte, » dit Isaïe, xix, 13 (d'après l'hébreu), dans 
son oracle contre l'Egypte. Jérémie, Xlvi, 14, annonce 
aux habitants de Memphis l'invasion de l'armée de 




250. — Statue colossale de Ramsès II, découverte dans lea champs do Memphis. D'après uns photographie. 



plète; les désastres qu'éprouva Memphis de la part de 
divers conquérants ne semblent pas tout expliquer. La 
revue Le Nil a émis sur sa destruction une opinion 
singulière, l'idée d'un cataclysme : « De terribles inon- 
dations auraient enseveli sous d'énormes masses de 
limon les grandes villes de Thèbes et de Memphis. » 
De La Motte, Le Nil, 1880, p. 19 et 25 (note de M. Re- 
■villout). — Voir sur les ruines de Memphis. Abd-Al- 
latif, Relation de l'Egypte, trad. S. de Sacy, in-4°, 
Paris, 1810, p. 184-194; Mgypti historiée compendium, 
Clarendon Press, 1789, p. 119 et append. sans pagination. 
Sainte Iraîde était de Memphis. Koti Iep<x\'8o{ ex Aoïetoç 
Mé|xçs»ç. Synax. Ecoles, Const., Acta 11. Propyl., 
nov., 1902, p. 112. 

IV. Memphis dans l'Écriture. — Les textes bibliques 
sur Memphis peuvent être répartis en deux classes : les 
uns ne citent cette ville qu'incidemment, en parlant 
des Hébreux en Egypte; îes autres contiennent les pro- 
phéties contre la célèbre métropole. — 1° Parmi les pre- 
miers, le plus remarquable est le passage d'Osée, rx, 
6 : « (Les Israélites) sont partis à cause de la dévastation; 
l'Egypte les recueillera, Memphis leur donnera des tom- 



Nabuchodonpsor en Egypte, et, f. 19, que leur ville 
deviendra un désert. Ezéchiel leur annonce aussi la 
ruine : « Ainsi parla Adonaï Jéhovah : je détruirai 
les idoles et j'enlèverai de Memphis ces vains (simula- 
cres); il n'y aura plus de princes de la terre d'Egypte. » 
Ezech., xxx, 13 (d'après l'hébreu). 

L'histoire de Memphis montre suffisamment avec quelle 
effrayante exactitude se sont accomplies toutes ces ma- 
lédictions. C'est ce qu'un des plus grands égyptologues 
du xix« siècle, Mariette, a fort bien constaté dans son 
Voyage en Haute-Egypte, 1878, t. i, p. 31 : « Il n'y 
a pas de ville dont les destinées aient été aussi la- 
mentables que celle de Memphis. Elle était autrefois la 
ville par excellence, l'orgueil de l'Egypte ; elle étonnait 
le monde par le nombre et la magnificence de ses édi- 
fices. Elle n'est plus même aujourd'hui une ruine. Ainsi 
s'est vérifiée la parole du prophète : « fille habitante 
» de l'Egypte, préparez ce qui doit vous servir dans votre 
» captivité, parce que Memphis sera réduite en un désert; 
» elle sera abandonnée et elle deviendra inhabitable. » 
Jer., xlvi, 19. » 

V. Bibliographie. — Description de VÉgypte, expéV 



989 



MEMPHIS — MÉNANDRE 



960 



dit ion de l'armée française, textes, t. v; planches, t. v; 
Brugsch, Dictionnaire géographique de l'Egypte, Leip- 
zig, 1879-1880 ; vicomte J. de Rongé, Géographie ancienne 
de la Basse-Egypte, 1891, p. 1-7; Pierre Diacre, De 
loris sanclis, édit. de Naples, 1870,p. 30-31 ; Annales du 
musée égyptien (parurent pour la première fois en 
1899), Le Caire, t. i, p. 149, 230, 280; t. h, p. 97, 240, 
244, 285; t. m, p. 1, 169, 182; t. iv, p. 76; Mission 
archéol. institut français, t. Il, fasc. n, par M. Maspero, 
p. 133; V. De-Vit, Totius latinitalis Onomasticon, t. IV, 
1887, p. 458, cite tous les passages des auteurs anciens, 
grecs et latins, où Memphis est nommée; Abd-AUatif, 



MENA'AN'IM, de la racine fa, nûa', « agiter, se- 
couer, » II Reg., vi, 5, désigne un instrument de percus- 
sion que l'on faisait résonner en l'agitant. C'était vrai- 
semblablement le sistre. Voir Sistre. 

J. Parisot. 

MÉNANDRE (grec : Mévavè'poç), poète comique grec, 
Dé à Athènes en 342 avant J.-C, mort en 291, noyé, dit- 
on, en se baignant dans le port du Pirée. Il composa 
plus de cent comédies dont il ne reste que quelques 
courts fragments, publiés entre autres par Dûbner dans 
la collection des classiques grecs de Didot. Saint Paul, 
I Cor., xv, 33, cite un vers de Ménandre tiré de la co- 




251. — Ruines du temple de Phtah, à Memphig. D'après une photographie do M. Alb. Eid (avril 1904). 



Relation de l'Egypte, traduction Silvestre de Sacy, 
Paris, 1810, p. 184-194; Vansleb, Nouvelle relation en 
forme de journal d'un voyage fait en Egypte en 1672 
et 1673, Paris, 1677; Carte de la nécropole de Mem- 
phis, Le Caire, 1897, p. 10; Pierre Martyr d'Anghera, 
Legatio babylonica, 1577, p. 434; J. de Morgan, Fouilles 
à Dashour, 2 in4°, 1895-1903. "Voir aussi EGYPTE (HIS- 
TOIRE), t. h, col. 1609. F. Larrivaz. 

MEMPHITIQUE (VERSION) de la Bible. Voir 
Coptes (Versions), t. n, col. 933. 

MENIRA, HiDtp, mot chaldaïque qui signifie « parole, 
■verbe ». Il est employé dans les Targums d'Onkelos et de 
Jonathan Ben Uziel, et dans les livres juifs postérieurs 
pour désigner une sorte de médiateur entre Dieu et 
l'homme, >n >od>d, mêmrd de-Yehôvdh. Voir Logos, 
col. 327-328. Cf. J. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, 1640, 
col. 125; A. Maier, Commentai- ûber das Evangelien des 
Johannes, 1843, 1. 1, p.-119-124; E. Schurer, Geschichte 
dos jûdischen Volkes, 3= édit., t. ni, 1898, p. 557. 



médie de Thaïs (Menandri Fragmenta, à la suite de 
l'édition d'Aristophane, édit. Didot, 1862, p. 21) : *6stpou- 
<rtv $î8ï) xrô° 6 ' aji.ik.lat xaxat. Vulgate : Corrumpunt 
mores bonos colloquia malà. « Les mauvaises compa- 
gnies (et non « les conversations », comme a traduit la 
Vulgate) corrompent les bonnes mœurs. » Saint Jérôme- 
avait noté cet emprunt de l'Apôtre. Ad Corint/iios, dit-il, 
comm. in. TH., i, 12, t. xxvi, col. 572, qui et ipsi Attica 
facundia expolili, et propter locorum viciniam sapore 
conditi sunt, de Menandri comeedia versum sumpsit 
iambicum : Corrumpunt... » Il n'est pas certain, d'ail- 
leurs, que Saint Paul eût tiré directement sa citation de 
Ménandre. La sentence qu'il rapporte était probablement 
devenue proverbiale et c'est par là qu'il avait pu la con- 
naître. L'historien Socrate, H. E., m, 16, t. lxvii, col. 424,. 
dit à tort que l'Apôtre a emprunté ce vers à Euripide. 
— Voir W. Smith, Dictionary of Greek and Roman Bio— 
graphy, t. n, 1854, p. 1031-1034; Ch. Benoit, Essai sur- 
la comédiede Ménandre, in-8°, Paris, 1854; Ch. Ditandy, 
Études sur la comédie de Ménandre, in-8 , Paris, 1853;. 
G. Guizot, Ménandre, in-8», Paris, 1855. 



961 



MENASSE BEN ISRAËL — MENDIANT 



962 



MENASSE BEN ISRAËL, un des plus célèbres 
théologiens juifs, né à Lisbonne en 1604, mort à Mid- 
delbourg en 1657. Son père, appelé Joseph, était un 
riche marchand qui alla se fixer à Amsterdam Jorsque 
son fils était encore jeune. Menasse eut pour maître 
dans cette ville un rabbin renommé, Isaac Uzziel, sous la 
direction duquel il fit de tels progrès qu'on le choisit 
pour chef de la synagogue, à la mort d'Uzziel, quoiqu'il 
n'eût encore que 18 ans. En 1626, il fonda l'impri- 
merie hébraïque d'Amsterdam, et en 1628 il y imprima 
et publia son nai >;s, ou Figures de Rabba, contenant 
l'indication de tous les passages du Pentateuque cités 
dans le midrasch Rabba (et les cinq Megilloth, seconde 
partie parue en 1678). Sa réputation se répandit dans 
toute l'Europe lorsque, en 1632, il fit paraître en espagnol 
le premier volume de son Conciliador 6 de la conve- 
niencia de los lugares de las Escripturas, 4 in-4°, 
Amsterdam, 1632-1651. Le but de cet ouvrage est de con- 
cilier entre eux 472 passages du Pentateuque qui sem- 
blent se contredire. Il y cite 210 auteurs juifs et 54 
auteurs grecs, latins, espagnols ou portugais, sacrés ou 
profanes. Vossius en a traduit le premier volume en 
latin et Linds les quatre en anglais, 2 in-4°, Londres, 
1842. La renommée qu'il s'était acquise lui fit entre- 
prendre en 1655, un voyage en Angleterre pour obtenir 
que les Juifs bannis de ce pays depuis 1290 pussent y 
revenir. Sa requête fut refusée, mais Cromwell lui 
accorda une pension. Il mourut à Middelbourg en 
retournant en Hollande. Plusieurs de ses écrits sont 
restés en manuscrit. Les plus importants de ceux qui 
ont été imprimés, outre les deux déjà mentionnés, sont 
De creatione problemata xxx, in-8", Amsterdam, 1635; 
De la Résurrection de los muertos, in-12, Amsterdam, 
1636 (mis à l'Index le 3 août 1656); o»nn Tra, De 
termina vitse (en latin), in-8°, Amsterdam, 1639 (plu- 
sieurs éditions; traduit en anglais par Thomas Pococke, 
Londres, 1699) ; De la fragilidad humana (sur le péché 
originel et la chute de l'homme), in-4°, Amsterdam, 
1642; mp> p*i, Piedra gloriosa o de la statua de Nebu- 
chadnezar (explication en espagnol du second chapitre 
de Daniel), in-12, Amsterdam, 1655 (avec quatre gravures 
de Rembrandt faites exprès)'; Esperança de Israël, 
in-8°, Amsterdam, 1650 (traduit en anglais, in-4°, 
Londres, 1651 ; en hébreu, Amsterdam, 1698; en hébreu- 
allemand, in-8°, Amsterdam, 1691; en hollandais, in-12, 
Amsterdam, 1666); n»n hdwj, Le souffle de vie (en 
hébreu), in-4°, Amsterdam, 1652; nouvelle édit., Leipzig, 
1862 (sur l'immortalité de l'âme, avec l'exposition de 
tous les textes scripturaires qui, d'après les Rabbins, se 
rapportent à l'immortalité de l'âme et à la résurrection; 
le premier chapitre a étéi traduit en allemand par 
Springer, in-8°, Breslau, 1714). Une des publications les 
plus utiles de Menasse fut celle du texte hébreu de 
diverses parties de l'Ancien Testament, avec ou sans 
notes, du Pentateuque hébreu avec une traduction espa- 
gnole et des notes, de la Bible hébraïque complète, 2 in- 
4», Amsterdam (trois éditions, 1631, 1635, 1639). —Voir 
Kayserling, dans le Jahrbuch fur die Geschichte der 
Juden, Leipzig, 1861, t. n, p. 85 sq. ; Carmoly, Marias- 
ses ben Israël, une biographie, dans la Revue orien- 
tale, Bruxelles, 1842, p. 299-308; J. Fùrst, Bibliotheca 
judaica, in-8», Leipzig, 1883, p. 354-358. 

MENATSEAKH (hébreu : menasêah, « chef des 
chantres »). Ce mot, participe, de la forme pihel, du verbe 
hébreu nisêah, se lit dans le titre de cinquante-cinq 
Psaumes et dans Habacuc, m, 19, précédé de la prépo- 
sition S, lé, « à » (ainsi que II Par., n, 1, 17 [Vulgate, 
2, 18], xxxi, v, 13, sans préposition). Dans II Par., Il, 
2, 18, la Vulgate a traduit avec raison par prsspositi, 
« chefs » (Septante, f. 2, iitiavœtai, « chefs; » f. 18, 
èpfoSiwxTai, « chefs des travaux »). Les divers passages 
du texte hébreu où est employé le pihel, nisêah, montrent 

DICT. DE LA BIBLE. 



que ce verbe a toujours le sens de « présider ». I Par., 
xxni, 4; xv, 21; II Par., xxxrv, 12; I Esd., m, 8, 9. 
Voir Chef des chantres, t. n, col. 645. La Vulgate, dans 
le titre des Psaumes, a traduit lamnaséah par in finem, 
d'après les Septante qui lisaient sans doute nwb, lanêsah. 

MENCEL Jérôme, théologien luthérien, né en Silé- 
sie, ministre et superintendant d'Eisleben, mort en 1590, 
a composé Psalterium Davidis, oder Anslegung aller 
Psalmen Davids, richtig abgetheilet und nutzlich erk- 
làret, in-f°, Leipzig, 1594. — Voir Walch, Biblioth. 
theolog., t. iv, p. 494. B. Heubtebize. 

MENDELSSOHN Moïse, philosophe et commenta- 
teur juif allemand, né à Dessau, le 6 septembre 1729; 
mort à Berlin le 4 janvier 1786. Son père, appelé aussi 
Moïse, était maître d'école et copiste de manuscrits de la 
Bible hébraïque. A l'âge de seize ans, il adopta le nom 
de Mendelssohn comme nom de famille. A quatorze 
ans, il avait suivi à Berlin sbn maître, le rabbin Frânkel, 
qui l'avait initié aux études hébraïques et talmudiques, 
et il y vécut dans une extrême pauvreté jusqu'à 21 ans 
où un riche fabricant de soies de cette ville, Bernhard, 
le prit dans sa maison, d'abord comme précepteur, puis 
en 1754 comme comptable. Bernhard étant mort, sa 
veuve prit pour associé Mendelssohn. Il employa à 
l'étude et bientôt à la composition tout le temps que lui 
laissaient libre les affaires et il ne tarda pas à acquérir 
une grande célébrité, s Depuis Moïse (le législateur), 
disent les Juifs, jusqu'à Moïse (Maimonide) et à Moïse 
(Mendelssohn), il ne s'est élevé personne comme Moïse. » 
Il fut l'ami de Lessing qui a fait de lui le héros de son 
drame de Nathan le sage, dans lequel sont exposées les 
idées du philosophe juif sur la religion. Son idéal 
n'était pas l'unité de foi, mais la liberté de penser. 
Tout en observant minutieusement les prescriptions 
mosaïques, il prêchait l'indifférence en matière reli- 
gieuse. La meilleure édition de ses œuvres complètes 
est celle qui a été publiée par son petit-fils, Benjamin 
Mendelssohn, en 1843-'! 844. Ses écrits les plus importants 
sont ses écrits philosophiques ; nous n'avons à mention- 
ner, ici, que ses travaux exégétiques : un Commentaire 
en hébreu sur l'Ecclésiaste, Berlin, 1769 et 1781 (traduit 
en allemand par Rabe, Amspach, 1771 ; en anglais, par 
Preston, Londres, 1845); mb^n ma>ru nsD, Séférne(ibôf 
has-Salôm, « Le livre des sentiers de la paix, » traduction 
allemande du Pentateuque par Mendelssohn, avec un 
commentaire grammatical et exégétique en hébreu par 
Salomon Dubno (sur la Genèse), Aaron Jaroslaw, 
H. Wessely (sur le Lévitique), Herz Homberg (sur le Deu- 
téronome), Berlin, 1780-1783. L'introduction en hébreu 
par Mendelssohn fut publiée séparément, avant l'achève- 
ment du commentaire, en décembre 1782; on la trouve 
traduite en allemand, dans les Œuvres complètes, t. vu, 
p. 18 et suiv. Ce Pentateuque eut un grand succès par- 
mi les Juifs allemands. Une traduction allemande des 
Psaumes et du Cantique des Cantiques, qui fut publiée, 
in-8°, 1783-1788, est regardée comme classique par ses 
coreligionnaires. — Voir G. H. de Mirabeau, Mosès 
Mendelssohn, Londres, 1787; M. Kayserling, Moses Men- 
delssohn, sein Leben und seine Werhe, Leipzig, 1862, 
2« édit., 1887; Sainuels, Memoirs of Moses Mendelssohn, 
2« édit., Londres, 1827; Adler, Versohnung von Gott, 
Religion und Menschenthum durch M. Mendelssohn, 
Berlin, 1871; Axenfeld, Moses Mendelssohn in Verhàl- 
tniss zum Christenthum, Erlangen, 1865; J. Fûrst, Bi- 
bliotheca judaica, p. 359-367. 

M ENDIANT (Vulgate ,: mendiais), celui qui de- 
mande l'aumône. En hébreu, le mendiant n'est pas dis- 
tingué par un nom particulier du pauvre en général 
et ce n'est que le contexte qui détermine exactement les 
passages où il s'agit de la mendicité proprement dite. 

IV. - 31 



963 



MENDIANT — MÉNÉLAS 



Il en est de même dans la Bible grecque.' Voici les en- 
droits où l'Écriture fait allusion aux mendiants : 

1° Ancien Testament. — 1. Le Psalmiste, dans ses 
imprécations contre l'ennemi qui l'a trahi, Ps. cvin 
(cix), 40, s'écrie : « Que ses enfants soient errants et men- 
diants (littéralement : qu'ils demandent, ii'èlû; Septante : 
êîrair/iOTta-fcxrav ; Vulgate : mendicent ; et qu'ils cherchent, 
darSû, du pain) loin de leurs maisons en ruines !» — La 
Vulgate parle aussi du « mendiant », mendicus, au f. 17 
(hébreu, 16) du même Psaume, mais dans le texte ori- 
ginal, il est question du « pauvre », 'ebyôn, sans allu- 
sion expresse à la mendicité. — Il en est de même au 
Ps. xxxix (xl), 18, où l'hébreu a l âm, « misérable » 
(Septante : 5ttwy_6;) et le latin : mendicus. — 2. Une sen- 
tence des Proverbes, xx, 4, qui fait penser à la fable de 
la cigale et la fourmi, est entendue aussi de la mendicité 
par la Vulgate et par de nombreux commentateurs. Voir 
Gesenius, Thésaurus, p. 1348. (Les Septante ne tra- 
duisent pas l'hébreu d'après le texte massorétique :, 

A cause du froid, le paresseux ne laboure point; 

Il mendiera (donc) pendant l'été, mais il ne lui sera rien donné. 

Hébreu : yeSû'al, « demander, » comme Ps. cix, 10; 
Vulgate : mendicabit.) Plusieurs traducteurs modernes 
attribuent néanmoins à ces paroles du Sage une autre 
signification qui n'est pas sans vraisemblance; ils 
rendent ainsi le second vers : « A la moisson, il cher- 
chera (il voudra récolter quelque chose), mais il n'y 
aura rien. » — 3. Dans la lettre de Jérémie, que noiis 
n'avons qu'en grec, le prophète reproche aux prêtres ido- 
làtresde ne riendonneraux mendiants (Septante : -kiuijôç,; 
Vulgate : mendicans), non plus qu'à l'infirme, de la por- 
tion des victimes des sacrifices qui leur est attribuée. — 
4. Un épisode raconté IV Reg., vu, 3-10, nous montre 
quatre lépreux qui se tenaient à la porte de Samarie 
pendant le siège de la ville par les Syriens, du temps 
du roi d'Israël Joram. Il devaient être là pour deman- 
der l'aumône. — 5. La Vulgate, Deut., xv, 4, porte : 
« Il n'y aura aucun indigent ni aucun mendiant parmi 
vous. » La mention du mendiant est une addition de 
notre version latine et elle est en contradiction avec la 
suite du texte. Quelques versets plus loin, f. 11, le 
texte dit expressément : « Il ne manquera pas de pau- 
vres dans la terre de ton habitation. » Dans le f. 4, il 
s'agit de l'année sabbatique et Dieu défend aux Israélites 
d'exiger cette année-là de leurs frères des paiements qui 
les réduiraient à l'indigence. Le passage f. 2-4 doit 
se traduire ainsi : « Tu pourras exiger (ta dette) de 
l'étranger; mais pour ce qui t'appartient chez ton frère, 
ta main le lui remettra, afin qu'il n'y ait pas de pauvre 
('ébyôn) chez toi. » 

2° Dans le Nouveau Testament. —1. Nous y voyons que 
les mendiants et les pauvres n'étaient pas rares en Pales- 
tine et qu'on en rencontrait un peu partout dans le 
pays, comme encore de nos jours. — L'aveugle Bartimée 
mendiait (npoçaiTôv, mendicans) à Jéricho sur la voie 
publique. Marc., x, 46; Luc, xvm, 35. L'aveugle-né, 
guéri par Notre-Seigneur à Jérusalem se tenait à la 
porte du Temple pour mendier (npoçaixâiv, mendicus, 
mendicabat). Joa., ix, 8. — Jésus, dans la parabole du 
mauvais riche, met en scène un mendiant (irtaxôç, 
mendicus), Lazare, qui était couvert d'ulcères. Luc, xvi, 
20, 22. — Les apôtres Pierre et Jean, après la Pentecôte, 
guérirent un boiteux de -naissance, incapable de mar- 
cher, qu'on portait tous les jours à la porte du Temple 
appelée la Belle (t. i, col. 1568), pour y demander l'au- 
mône. Act., m, 1-8. 

2, C'étaient donc les infirmes et les estropiés qui men- 
diaient en Palestine, en se plaçant aux endroits, les plus 
fréquentés. L'Écriture recommandait avec tant d'instance 
la charité envers les pauvres qu'ils ne devaient pas 
manquer d'être secourus par les Juifs fidèles. Mais tous 
les enfants d'Abraham ne remplissaient pas leur devoir 



à ce sujet, comme le montre la parabole du mauvais riche. 
Luc, xvi, 21. « (Lazare,) dit la Vulgate, désirait ramasser 
les miettes qui tombaient de la table du riche, mais per- 
sonne.ne lui en donnait. » Ce dernier membre de phrase 
ne se lit pas dans le texte grec ; toutefois, en retranchant 
ces mots de la parabole, il reste que le mauvais riche 
était insensible aux misères de Lazare. — Les Apôtres 
ne négligèrent pas d'exciter les chrétiens à venir en aide 
aux indigents. Au commencement même de l'Église, les 
néophytes mirent tout en commun, et de la sorte, il n'y 
eut pas d'indigent (êvSêifjç, egens) parmi eux, Act., iv, 34; 
mais dès que la communauté naissante se fut augmentée, 
elle eut des pauvres dans son sein et les Apôtres prirent 
alors des mesures pour les secourir. Act., vi, 1^5. Saint 
Paul fit faire des collectes parmi les convertis pour 
secourir les frères qui étaient dans le besoin : le prêtre 
de la loi nouvelle devenait ainsi mendiant pour soulager 
les pauvres de Jésus-Christ. Gai., n, 10; Act., xi, 29-30; 
I Cor., xvi, 1-4; II Cor., vm, 1-6; ix, 1-2; Rom., xv, 25- 
27, 31. Vpir Aumône, t. i, col. 1244; Pauvre. 

F. Vigouroux. 
MENDOÇ A (François de), né à Lisbonne en 1573, mort 
à Lyon le 3 juin 1626. Entré au noviciat de Coïmbre le 
28 juin 1587, il enseigna la rhétorique et la philosophie 
à Lisbonne et à Coïmbre, puis l'Écriture Sainte à Évora. 
De ses leçons d'Écriture Sainte, il n'a été imprimé 
que trois volumes, plusieurs fois réédités depuis. Cet 
ouvrage est intitulé Commentariorum... in liegum 
libros tomi tres;\e tome i ar parut à Coïmbre en 1621, 
in-f°; le tome n à Lisbonne, 1624, in-f°;le tome m ne 
fut mis au jour qu'en 1631, après la mort de l'auteur, à 
Lyon, in-f°. P. Bliard. 

MÉNÉLAS (grec : MevéXoco;), pontife usurpateur qui 
vivait du temps d'Antiochus IV Épiphane (175-164 
avant J.-C). 11 était frère de Simon le Benjamite, II Mach., 
iv, 23; cf. m, 4, et n'était pas, par conséquent, de race 
sacerdotale. Il n'en aspira pas moins au souverain pon- 
tificat et l'acheta à prix d'argent du roi Antiochus. 
Envoyé auprès de ce prince, pour lui porter le tribut 
du grand-prêtre Jason (voir JaSON 4, t. m, col. 1141), 
il trahit ce pontife et obtint sa charge en offrant au roi 
de Syrie trois cents talents d'argent de plus (vers 170 
avant J.-C). Jason n'osa point attendre son retour et 
s'enfuit en Ammonitide. Cependant Ménélas avait promis 
plus qu'il ne pouvait tenir; il fut hors d'état de payer la 
somme qu'il s'était engagé à verser, et que lui réclamait 
Sostrate, le gouverneur syrien de Jérusalem. L'un et 
l'autre furent mandés en Syrie. Ménélas chargea son 
frère Lysimaque de tenir sa place en Judée et il partit 
pour Antioche, emportant des vases sacrés qu'il avait 
dérobés au Temple. Antiochus Épiphane était alors absent 
de sa capitale, et faisait la guerre en Cilicie. Ménélas en 
profita pour corrompre Andronique que le roi avait ins- 
titué gouverneur de la ville, et obtint de cette âme 
vénale que le prédécesseur de Jason, Onias III, le grand- 
prêtre légitime, injustement déposé, fût traîtreusement 
mis à mort. Voir Andronique 1, 1. 1, col. 565, et Onias III. 
Ce crime excita une telle horreur, qu'Andronique fut 
condamné par le roi à son retour et exécuté (170 avant 
J.-C). Pendant ce temps, Lysimaque commettait à Jéru- 
salem de tels excès, qu'il fut tué par le peuple révolté. 
Voir Lysimaque 2, col. 460; II Mach., iv, 23-42. Ménélas 
faillit être à ce moment victime de ses crimes et de ceux 
de son frère. Trois députés furent envoyés auprès du roi 
de Syrie, qui se trouvait alors à Tyr, pour exposer les 
griefs du peuple. L'indigne grand-prêtre ne pouvait se 
justifier : il eut recours à sa ressource ordinaire, la 
corruption : il gagna à prix d'argent un courtisan influent, 
Ptolémée, fils de Dorymène, et il réussit ainsi à échapper 
au châtiment qu'il avait mérité et à faire mettre à mort 
ses accusateurs. II Mach., rv, 43-50. Quelque temps 
après, il rentrait triomphant à Jérusalem où il conti- 



965 



MÉNÉLAS — MÉNEPHTAH I er 



966 



nuait ses cruautés et ses pillages. Sur ces entrefaites, 
Antiochus IV entreprit une seconde campagne en Egypte 
(170 avant J.-C.) et le bruit de sa mort Se répandit faus- 
sement en Judée. Jason, qui ne pardonnait pas à Mé- 
nélas de l'avoir supplanté, profita de cette circonstance 
pour l'attaquer brusquement à Jérusalem et l'obligea à 
se réfugier dans la citadelle. Mais Jason ne sut pas se con- 
cilier l'esprit des habitants et Antiochus arriva bientôt 
après pour le punir de sa révolte. Sa vengeance fut terrible : 
en trois jours, il extermina 80000 hommes et en réduisit 
40 000 en esclavage ; et, ce qui mit le comble à l'horreur 
des Juifs, à l'instigation même de Ménélas, « ce traître 
aux lois et à la patrie, » il profana le Temple et le pilla. 
II Mach., v, 1-7, 11-20; I Mach., i, 21-25. 

Ménélas devint ainsi plus puissant que jamais. D'après 
la Vulgate,"le roi de Syrie lui aurait donné, à lui et à 
Andronique, le gouvernement de Garizim, mais cette 
traduction parait peu exacte, et le texte grec, quoique 
obscur, ne dit point cela, mais porte : « (Antiochus) laissa 
dans Jérusalem, Philippe... Andronique à Garizim, et, 
outre ces deux, Ménélas, qui, plus méchant que les 
autres, s'élevait insolemment au-dessus de ses conci- 
toyens. » II Mach., v, 23. Le texte sacré ne parle plus de 
lui avant l'avènement d' Antiochus Eupator. Les victoires 
de Judas Machabée et la reprise de la ville de Jérusalem 
par les Juifs fidèles eurent pour conséquence nécessaire 
l'éloignement de Ménélas. On ignore qui remplit à cette 
époque les fonctions du souverain pontificat. Lorsque 
Antiochus V Eupator succéda à son père sur le trône de 
Syrie (164 avant J.-C), Ménélas jugea l'occasion propice 
pour recommencer ses intrigues. Une lettre du roi aux 
Juifs, II Mach., xi, 29, nous apprend qu'un Ménélas, qui 
était probablement te grand-prêtre usurpateur, lui avait 
demandé que les Juifs captifs en Syrie fussent autorisés 
à rentrer dans leur patrie (d'après la Vulgate, ce qu'ils 
désiraient, c'était de pouvoir fréquenter librement les 
Juifs qui habitaient en dehors de la Palestine). Antiochus 
avait accueilli favorablement la requête et envoyé Méné- 
las en Judée. II Mach., xi, 32. Mais ce succès devait être 
le dernier de cet ambitieux. Il ne pouvait se consoler 
d'avoir perdu le souverain pontificat et il voulait le 
recouvrer à tout prix. Quand Eupator et Lysias son 
tuteur rassemblèrent une forte armée contre les Juifs, 
il jugea l'occasion favorabte et alla prendre place dans 
les rangs des ennemis de sa patrie. C'était là que l'at- 
tendait la justice divine pour lui faire expier ses crimes. 
Lysias, loin de l'accueillir avec faveur, l'accusa d'être 
la cause de tous les maux et il fut condamné à périr 
dans une tour remplie de cendres. II Mach., xm, 1-7. 
Le texte grec dit que cet événement eut lieu à Bérée, II 
Mach., xm, 4, ville située entre Hiérapolis et Antioche, 
aujourd'hui Alep, Voir Bérée 2, t. i, col. 1606-1607. Le 
texte sacré semble indiquer que cette exécution eut lieu 
au commencement de la campagne d' Antiochus V. D'après 
Jpsèphe, Ant. jud.. XII, IX, 7, elle fut postérieure à la 
conclusion de la paix. Il est possible que l'auteur des 
Machabées ait raconté le supplice du traître par antici- 
pation, car son châtiment s'explique plus aisément après 
qu'avant la défaite de l'armée syrienne. Josèphe lui 
donne le nom juif d'Onias, avec le nom grec de Méné- 
las. Ant. jud., XII, v, 1. Cf. Bell, jud., I, i, 1>. 

F. VlGOUROUX. 



MÉNEPHTAH 

a. 



(M 



pharaon de la XIX e dynastie égyp- 



tienne, jils et successeur de Ramsès II, et selon toute 
probabilité le pharaon de l'Exode (fig. 252). Son nom 
signifie « aimé de Phtah s. 

I. Histoire. — Baïenra-Meriamon, Menephtah-hotep- 
hima, d'après ses deux cartouches, fut d'abord associé 
au pouvoir sur la fin du long règne de Ramsès II, puis 
il régna seul pendant quelques années, et enfin il associa 



à son trône son fils Séti II; on assigne généralement à 
son règne une durée de dix-huit années. Son tombeau 
se trouve à Thèbes, dans la vallée de Biban el-Molouk. 
Il y a eu de vives controverses entre égyptologues snr 
l'importance des œuvres de ce roi. Il ne semble pas 
qu'on se trompe beaucoup en concluant avec M. Chabas 
que « les pharaons qui nous ont laissé des monuments 
plus importants et plus multipliés que Ménephtah sont 
en bien petit nombre ». Son activité s'exerça surtout dans 
la Basse-Egypte ; à Tanis il fit construire de grands mo- 
numents, et souvent il unit ses cartouches à ceux de son 
père Ramsès II sur des sphinx et sur des statues colos- 




252. — Ménephtah. Musée du Caire. 
D'après une photographie. 

sales. E. de Rougé, Notice des monuments du Musée 
égyptien du Louvre, 1883, p. 5, 23. 

L'Écriture ne nomme point Ce pharaon, mais il y a lieu. 
de croire que son père Ramsès II fut l'oppresseur des 
Hébreux (voir Ramsès II) et par conséquent que c'est Mé- 
nephtah qui régnait sur l'Egypte lorsque Moïse reçut de 
Dieu la mission de délivrer son peuple de la servitude. 
Il n'obtint cette délivrance que grâce aux miracles des 
plaies d'Egypte. Voir Moïse. Un des monuments de Mé- 
nephtah semble contenir une allusion aux grands événe- 
ments de l'exode. A Karnak il avait fait graver sur une 
muraille le récit de son triomphe sur les Libyens; cette 
victoire fut pour lui d'autant plus glorieuse que des na- 
tions européennes assistaient les Libyens, et que c'est la 
première fois, que nous voyons ces nations en contact 
hostile avec les Égyptiens. Un autre monument, décou- 
vert en 1895 par M. Pétrie, raconte la même guerre, 
mais il contient de plus un passage où les Israélites 
sont nommés. C'est ine stèle en granit gris de Syène 
(fig. 253), haute de 3 m 12centim., large de WS et épaisse 
de m 33. Elle a été trouvée à Thèbes dans les ruines du 
Memnonium de Ménephtah; elle est actuellement au 
Musée du Caire (Portique du Nord). Une de ses faces 
porte une inscription en l'honneur d'Amenhotep III, 
qui. l'avait fait ériger deux siècles avant Ménephtah; 



967 



MENEPHTAH I" 



MENI 



968 



celui-ci s'en empara et fit graver sur l'autre face, 
dans une longue inscription, le récit de sa campagne 
de l'an v contre les Libyens. Le dernier paragraphe 
est le plus important. Voici ce qu'on y lit : « Mainte- 
nant que les Libyens ont été battus, le pays de Khita 
est pacifique, le Canaan est pris avec tout ce qu'il y a 
de mauvais en lui, les gens d'Ascalon sont amenés 
captifs, ceux de Guézer sont saisis, ceux d'Iounàman 
n'existent plus, le peuple d'Israël est rasé et il n'y a plus 
de sa graine, la Syrie est devenue comme les veuves de 
l'Egypte, tous les peuples réunis sont en paix. » Jusqu'ici 
aucun autre monument égyptien n'a fait allusion à ces 
dernières victoires de Ménephtah ; M. W. Groff dit que 
« ces lignes semblent avoir été ajoutées », Bulletin de 
l'Institut égyptien, 1896, p. 59, parce que les ca- 
ractères sont moins profondément gravés. Il paraît 
difficile d'admettre qu'on ait voulu glorifier ce pharaon 
après sa mort, en ajoutant de nouveaux traits à ses ex- 
ploits; ce n'était pas l'usage dans la vallée du Nil. Quoi 
qu'il en soit, cette stèle est le premier et l'unique mo- 
nument égyptien où l'on ait découvert jusqu'ici le nom 

des Israélites ' ' «^ ] ■ J^. i | | j^ J \ll-sir-da-l{r)-u. 
Ménephtah, qui est très prolixe dans sa stèle sur les 
Libyens, est très laconique au contraire sur les Israé- 
lites. « D'après les procédés de rédaction usités parmi 
les scribes égyptiens, cela signifie que le pharaon ne 
pouvait guère se vanter de ses rapports avec Israël. Il 
est cependant difficile, à cause de la brièveté de ces 
quatre ou cinq mots, de savoir exactement à quoi le fils 
de Ramsès II fait allusion. On peut émettre à ce sujet 
de nombreuses hypothèses. L'une des plus vraisembla- 
bles, c'est que le pharaon fait allusion à sa tentative 
d'anéantir en Egypte les enfants d'Israël. Il travailla, en 
effet, à les détruire de manière à les raser, pour qu'il 
n'en restât plus de graine,- comme il s'exprime; et si 
son projet ne se réalisa point, ce ne fut pas faute de faire 
tout ce qui dépendait de lui pour y réussir. » Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 6» édit. , t. iv, p. 683. 

Le désastre de la mer Rouge empêcha le roi d'Egypte 
de réaliser ses projets contre les Hébreux. Plusieurs 
commentateurs des Écritures ont pensé que Ménephtah 
avait péri lui-même dans ce désastre, mais leur opi- 
nion n'est pas fondée. « Le pharaon ne fut pas noyé 
avec son armée. Le texte sacré ne le dit point et l'his- 
toire égyptienne suppose le contraire... Ménephtah I e ' 
fut enseveli à Biban el-Molouk, dans le tombeau qu'il 
s'était préparé et qu'on y voit encore. » Vigouroux, ibid., 
t. il, p. 424. Cf. Fr. von Hummelauer, Commentarius 
in Exodum, 1897, p. 151. La momie de ce roi a été 
retrouvée en 1898 par M. Loret, dans le cercueil de Set- 
nakhiti et identifiée le 10 février 1900 par M. W. Groff. 
« La momie porte écrit en hiératique sur le linceul, à 
la hauteur de la poitrine, la mention : Roi Ba-en-ra, 
c'est-à-dire Mer-en-ptah. » Rapport de M. W. Groff, 
dans le Bulletin de l'Institut égyptien, 16 février 1900, 
p. 23. La momie a 1™75 et se trouve maintenant au 
Musée du Caire : elle n'a pas encore été déroulée (1905). 

II. Bibliographie. — Sur Ménephtah, voir Chabas, Re- 
cherches pour servir à l'histoire de l'Egypte aux temps 
de l'Exode, Chalon, juillet 1873; H. Brugsch, L'Exode 
et les monuments égyptiens, Leipzig, 1875; Egypt un- 
der the Pharaohs, Londres, 1881 ; Bulletin de l'Institut 
égyptien, an. 18951-896-1900, passim; Michel Julien, 
S. J., Sinaï et Syrie, Lille, 1893, p. 38; Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. n, p. 288- 
426; W. Groff, Moïse et les Magiciens à la cour de Pha- 
raon, dans la Rev. égypt., Nouv. sér., v, p. 219 ; Daressy, 
dans la Revue archéologique, 1898, t. Il, p . 263 ; P. Deiber, 
La stèle de Minepta-h et Israël, dans la Revue biblique, 
avril 1899, p. 267-277; Ph. Virey, Note sur le Pharaon 
Ménepthah et les temps de l'Exode, dans la même re- 
vue, octobre 1900, p. 578-586. F. Larrivaz. 



MENI (hébreu : Meni; Septante : ^ Tû^ï) ou bien rh 
Sai(iôviov on 6 Satjiojv, les manuscrits intervertissant 
l'ordre pour rendre les noms des deux divinités men- 
tionnées dans Is., lxv, 11; Aquila et Théodotien : ™ 
(i£tv£(; Symmaque : Ix-râ; («,o0; omis dans la Vulgate, 
saint Jérôme n'ayant pas soupçonné le véritable sens. 
In Is., lxv, 11, t. xxiv, col. 639), nom d'un dieu adoré 
par les Israélites infidèles. 

1° Il n'est nommé que dans un passage d'Isaïe, lxv, 
1112, où le prophète dit, d'après le texte hébreu : « Voua 
qui dressez une table pour Gad et remplissez une coupe 
pour Meni (afin de lui offrir des libations), je vous des- 
tine (manitî) au glaive. » Gad est le dieu de la Fortune. 
Voir Gad 3, t. m, col. 24. Meni est le dieu du destin. 
Son nom dérive de la racine niânâh, « compter, assi- 
gner, destiner, » et Isaïe fait un jeu de mots sur le nom 
du dieu lorsqu'il dit à ses adorateurs : « Je vous destine 
(manîfî) au glaive. » Mânâh signifie « part, portion, 
lot », Exod., xxix, 26; Lev., vu, 33, etc.; « sort, ce qui 
échoit à quelqu'un, » Jer., ira, 25. De même menât, 
Ps. xi, 6; xvi, 5; lxhi, 11, etc. Il y a donc tout lieu de 
penser que Meni est le destin divinisé. 

2° Le nom de Meni n'a pas été trouvé en dehors 
d'Isaïe d'une manière certaine. — 1. Le duc de Luynes, 
dans son Essai sur la numismatique des satrapies, 
in-4», Paris, 1846-1847, p. 65-66, pi. xii, 1 et 2, a publié 
deux monnaies de Sinope dont l'inscription a été lue par 
O. Blau, De nummis Achœmenidarum, in-4», Leipzig, 
1855, p. 6, 12, i:m37, « serviteur de Meni. » Cette lec- 
ture a été acceptée par Rôdiger, dans Gesenius, Thé- 
saurus, supplem., p. 97, et par T. K. Cheyne, Intro- 
duction to the Book of Isaiah, in-8°, Londres, 1895, 
p. 366; mais elle est fausse. Cf. E. Babelon, Monnaies 
des Achéménides, in-8°, Paris, 1893, p. lxxx-lxxxi. 
57. — 2. On lit sur un autel de Vaison en Provence : 
Belus Fortunes rector, Ménisque magister. Orelli et 
Henzen, Corpus inscript, latin, selectarum collectio, 
3 in-8», Zurich, 1855-1856, t. m, n. 5862, p. 168. Bélus, 
comme le montre l'inscription grecque parallèle, est 
le Bel d'Apamée (èv 'An<xu.si'a) en Syrie; Meni semble 
donc être une divinité orientale et son association à la 
Fortune, comme dans Isaïe, parait indiquer qu'il s'agit 
de Meni et de Gad. Mordtmann, dans la Zeitschrift der 
deutschen morgen làndischen Gesellschaft, t. xxxix, 1885, 
p. 44. Le mot Menis est toutefois diversement expliqué 
par les épigraphistes qui ont étudié cette inscription. Voir 
G. Kaibel, Epigrammata grseca ex lapidibus conlecta, 
in-8», Berlin, 1878, n. 836, p. 342; Léon Renier, Mélanges 
d'épigraphie, in-8», Paris, 1854, p. 129-146. — 3. On 
trouve du moins une divinité approchante en Arabie. 
Les anciens Arabes païens, avant l'islamisme, rendaient 
un culte à une déesse Manât, une des « filles d'Allah ». 
Voir J. Wellhausen, Reste arabischen Heidentwms, 
2« édit., in-8», Berlin, 1897, p. 25-29. Cf. Koran,ch. lui, 
19-20; Pauthier, Livres sacrés de l'Orient, 1857, p. 714. 
« Que vous semble, demande Mahomet, de Lat et d'al- 
Ozza? Et cette autre Menât, la troisième déesse? » Elle 
était adorée par les tribus arabes qui habitaient entre la 
Mecque et Médine, sous la forme d'une grande pierre qui 
fut brisée par un certain Saad la troisième année de 
l'hégire. Cf. Ed. Pococke, Spécimen historiée Arabum, 
in-4», Oxford, 1650, p. 91-92; A. P. Caussin de Perce- 
val, Essai sur l'histoire des Arabes, 3 in-8», Paris, 1847- 
1848, t. m, p. 242. Une des divinités adorées par les 
Nabatéens (voir Nabuthéens), vers le commencement 
de l'ère chrétienne, s'appelait aussi Manutu, pluriel, 
Manaouat, «. les destins. » Voir Corpus inscriptionum 
semiticarum, t. n, parti, 197, 1. 5; 198, 1. 4, 8, p. 222, 
224, 225, etc. Cf. Nôldeke, dans la Zeitschrift der 
deutsclien morgen tândischen Gesellschaft, t. xli, 1887, 
p. 709. Plusieurs savants pensent que Meni est la pla- 
nète Vénus. Voir Rôdiger, dans Gesenius, Thésaurus, 
supplem., p. 97; B. Winer, Bïblisches Realwôrterbuch, 




STELE DE MÉNÉPHTAH 
Musée du Caire 



969 



MENI 



MENNITII 



970 



3* édit., t. ix, p. 82; Frz. Delitzsch, Jesaias, 3« édit., 1879, 
p. 660-663; G. Siegfried, Gad-Meni, dans les Jahrbûcher 
fur protestantische Théologie, 1875, p. 356-367. D'autres, 
avec moins de vraisemblance, ont identifié ce dieu avec 
Mi)v ou Mrivri, le dieu ou la déesse Lune. Voir P. Scholz, 
Gbtzendienst und Zauberwesen bei den alten Hebrâer, 
in-8», Ratisbonne, 1877, p, 411. 

3° D'après le texte d'Isaïe, on offrait à Meni, des liba- 
tions, mais comme méséh, « le vin aromatisé » qu'on 
offrait comme libation à ce dieu est en parallélisme avec 
Sulhân, « la table » garnie de mets qu'on offrait à Gad, 
il est probable qu'on présente à la fois aux deux divi- 
nités des mets et du vin, suivant une coutume commune 
dans le paganisme. Cf. S. Jérôme, In Is., lxv, 11, 
t. xxiv, col. 639. — Voir W. Gesenius, Commentar 
ûber den Jesaia, 3 in-8°, Leipzig, 1820, t. ni, p. 283- 
285; Frd. Baethgen, Beitràge zur semitischen Religions- 
geschichte, in-8», Berlin, 1888, p. 79; Fr. Duhm, Dos 
Buch Jesaia, in-8°, Gœttingue, 1892, p. 446. 

F. Vigodboux. 

MENNA (grec : Moci'vdv), fils de Mathatha et père de 
Méléa, un des ancêtres de Notre-Seigneur, dans la gé- 
néalogie de saint Luc, m, 31. 

MENNI (hébreu : Minni, les Septante ont pris ce nom 
pour une préposition suivie d'un pronom suffixe, et ont 
traduit irap' éjioO, [tollite] a me, Jer., xxvm, 27), peuple 
mentionné par Jérémie, li, 27, comme devant prendre 
part à la destruction de Babylone avec les royaumes 
d'Ararat et d'Ascenez, et les rois des Mèdes. 

1° Ce peuple est souvent mentionné dans les inscrip- 
tions cunéiformes assyriennes et dans les inscriptions 
arméniennes de Van sous les formes Man-nai, Mun-nai, 
Min-nai, en vannique : Ma-a-na. C'est le pays nommé 
Mivvui; par Nicolas de Damas, cité dans Josèphe, Ant. 
jud., I, m, 6. Les inscriptions cunéiformes établissent 
que ces Menni occupaient un pays situé au nord de 
l'Assyrie entre U-rar-tu, l'Arménie proprement dite, et 
le Par-su-a, district voisin de la Médie, renfermé par 
conséquent dans les limites de l'Arménie actuelle. Voir 
Arménie, t. i, col. 1002. Il faut noter cependant que les 
Menni formaient une nation distincte, ayant ses rois par- 
ticuliers et souvent aussi une attitude politique contraire 
à celle de YUrartu proprement dit. Les inscriptions assy- 
riennes permettent de préciser la situation des Menni et 
de reconstituer une partie de leur histoire. Les annales 
d'Assurbanipal désignent comme capitale lzirtu, ail- 
leurs Zirtu, et comme villes principales Atrana, Usbia 
et Urmiate : cette dernière ville paraît être l'Ourmiah 
moderne. Ils occupaient donc le sud-ouest du lac de 
même nom, et non pas le pays de Van, comme on l'a 
cru longtemps, d'après une fausse assimilation de Man- 
nai et de Van, le V étant rendu par M en assyrien : Van, 
alors Dhuspas, était la capitale de l'Arménie propre- 
ment dite. 

2° Leur histoire nous est fragmentairement conservée 
dans les textes assyriens et les textes vanniques : sous le 
premier grand conquérant assyrien Théglathphalasar, 
au XII e siècle, ils ne sont pas encore mentionnés : mais 
l'envahisseur trouve à la place qu'ils occuperont plus 
tard un grand nombre de populations diverses. /Assur- 
nasirhabal (883-858) évita de même le conflit, tandis 
que Salmanaser (858-823) envahit leur pays dans sa tren- 
tième et sa trente et unième année, Udaki leur roi aban- 
donna sa capitale lzirtu, mais tout se borna à quelques 
villes ravagées et au payement d'un léger tribut. — Plus 
tard Samsi-Ramman, à l'occasion d'une campagne dans 
le Naïri ou Mésopotamie septentrionale, reçoit encore 
le même tribut : son successeur Ramraan-nirari (en 808 
et 807) mentionne aussi sans plus deux expéditions 
contre les Menni. Durant toute cette période, ils souf- 
frirent bien davantage de la part des rois Arméniens. 
Menouas et son fils Argistis y firent plusieurs apparitions, 



dans le but de leur imposer la suprématie de YUrartu: 
Sardouris y établit même sa résidence pour les main- 
tenir dans la soumission. Mais l'inflence assyrienne ne 
tarda pas à devenir prédominante. Iranzou, roi des Menni, 
rejeta les offres de Rousas l'arménien et resta fidèle à 
Sargon d'Assyrie (722-705) : Aza, son fils, fut mis à mort 
par ses sujets pour prix de sa fidélité à Sargon et rem- 
placé par Oullousun, qui fit alliance avec Rousas d'Ar-~ 
ménie. Mais Sargon arriva aussitôt ravageant et brûlant 
tout sur son passage. Oullousun fit sa soumission et fut 
maintenu sur le trône. Quant à VUratu, une invasion 
de Sargon le réduisit pour toujours à l'impuissance, et 
obligea Rousas à se donner la mort. — La suzeraineté 
assyrienne leur donna la paix, pendant le règne de Sen- 
nachérib (705-681) lorsque de nouveaux ennemis, les 
Cimmèriens et les Scythes, descendirent du Caucase, 
vers la fin du huitième siècle. Ces derniers s'établirent 
sur leur frontière septentrionale et envahirent même 
une portion de leur pays, puis après une vingtaine d'an- 
nées reprirent leur marche vers le sud, entraînant avec 
eux lés Menni contre l'Assyrie sous le roi scythe Ispakai. 
Mais Àsarhaddon (681-668) parvint à les arrêter et à main- 
tenir son autorité. Dès la quatrième ou la cinquième an- 
née d'Assurbanipal son fils (668-626), le roi des Menni, 
Ahseri, envahit de nouveau la frontière septentrionale de 
l'Assyrie, sans plus de succès : son pays fut ravagé par 
les Assyriens, ses villes détruites, et lui-même mis à mort 
par ses sujets révoltés. Son fils Oualli fit sa soumission à 
Assurbanipal, donna des otages, et fut maintenu sur le 
trône de son père. Malgré ses victoires continuelles, 
l'Assyrie était à bout de forces ; et les Scythes et les Mèdes 
par leurs attaques réitérées devaient bientôt amener sa 
chute. Comme Thubal et Mosoch, Ezech., xxxn, 26, il 
est probable que les Menni disparurent dans la tour- 
mente, absorbés par l'un ou l'autre des envahisseurs. 
L'Arménie, en y comprenant le pays des Menni, dépendit 
de la Médie depuis la chute de Ninive, puis de la Perse, 
après la prise de Babylone par Cyrus; elle est souvent 
mentionnée dans les inscriptions trilingues de Darius 
sans allusion aux anciens royaumes entre lesquels elle 
était partagée. 

3° Le texte où Jérémie les mentionne comme devan 
détruire Babylone avec l'aide d'Ararat et d'Ascenez (ou 
peut-être Askouz, « les Scythes, » suivant une correction 
proposée par Sayce) peut signifier simplement que les 
peuples du nord en général viendront la renverser sous 
la conduite de Cyrus. Leur présence dans l'oracle de 
Jérémie prouve bien son antériorité notable par rapport 
aux événements annoncés. 

VoirEb. Schrader, Keilinschriften und Geschichts-for- 
schung, 1878, p. 160-164, 519-520; Frd. Delitzsch, Wo lag 
das Parodies, p. 245-247; Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient, les Empires, p. 55 ; Lenormant, 
Les origines de l'histoire, t. n, p. 462, 463; Sayce, The 
Cuneiform inscriptions of Van, dans Journal of the 
Royal Asiatic Society, t. xiv, 3, p. 571-623 et dans les 
Records of the Past, new séries, t. iv, p. 114rl35 (Argis- 
tis) et t. i, p. 163 (Menouas) ; Schrader, Keilinschriftliche 
Bibliothek, 1. 1, 146-149, 178-189 ; t. n, p. 56-59; 240-243, 
Menant, Annales des rois d'Assyrie, p. 103, 104, 121, 
129, 182-183, 162-167, 279-281. E. Pannier. 

MENNITH (hébreu : Minnîf; Vaticanus : 'Apvûv; 
Alexandrinus : Se^uet'ô), ville du pays à l'est du Jourdain. 

1° Situation. — Le nom de Mennith, au témoignage 
d'Eusèbe, Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Ber- 
lin, 1862, p. 286, se retrouvait encore au iv« siècle, 
sous la forme MaaviO, Manith selon saint Jérôme, non 
loin de Philadelphie, c'est-à-dire de l'ancienne capitale 
des Ammonites, Rabbath-Ammon, aujourd'hui 'Amman, 
mais le nom de Manith paraît avoir disparu depuis le 
rv" siècle et l'insuffisance des données bibliques laisse 
les géographes dans la perplexité pour la localisation de 



971 



MENNITH 



972 



cette ville. « Jephté, dit l'Écriture, passa ensuite chez 
les enfants d'Ammon pour les combattre, et le Seigneur 
les livra entre ses mains. Il les battit depuis Aroër 
jusqu'à Mennith (ve'ad bôâkd Minnifl et jusqu'à (véad) 
Abel-Keramtm [où étaient] vingt villes, et il en fit un 
grand carnage. » II Jud., xi, 33. La traduction de la 
Vulgate est un peu différente : « Il frappa aussi d'une très 
grande plaie, dit-elle, vingt villes depuis Aroër jusqu'à 
l'entrée de Minnith et jusqu'à Abel qui est plantée de 
vigne3. x La version des Septante : InâzaUv aytoùç... 
cv àptdfiâ e?xo<Ti 7tdXeiç, suppose qu'ils ont lu ou 
compris -i>y D>-rary3..n;>. Ce sens du reste s'impose. — 
Les vingt villes dont il est ici parlé appartenaient-elles 
à l'ancien -territoire des Ammonites ou étaient-elles des 
localités prises sur la tribu de Gad et occupées par eux 
depuis qu'ils opprimaient les Israélites leurs voisins? 
Elles appartenaient, ce semble, à la tribu de Gad. Aroër 
ici nommée est en effet, selon toute vraisemblance, 
l'Aroër de Gad, « en face de Rabba. » Cf. Jos., xm, 25, et 
Aroër 2, t. i, col. 1224-1226. C'est la limite extrême, au 
nord et au nord-est de la région où étaient ces villes, 
puisque Jephté arrivait de cette direction, et c'est à 
l'opposé qu'il faut chercher Abel-Keramim et Mennith. 
Les vingt villes paraissent donc, ainsi qu'Aroër, avoir 
fait partie du territoire de Gad, avant d'être prises par 
les Ammonites. L'indication pourrait néanmoins signi- 
fier simplement « depuis la hauteur d' Aroër jusqu'à la 
hauteur d'Abel-Xeramim et de Mennith », bien que la 
première signification paraisse de beaucoup la plus pro- 
bable. L'intention de Jephté n'était pas de conquérir 
le territoire des Ammonites, c'était de délivrer ses com- 
patriotes de leur joug et de leur arracher le territoire 
des villes qu'ils prétendaient, à tort, être à eux. Cf. Jud., 
xr, 12-28. — Quoi qu'il en soit, l'expression « depuis 
Aroër jusqu'à l'entrée de Mennith, 'ad bô'âkd Minnip », 
laisse cette ville en dehors du territoire des vingt 
villes et par conséquent dans le territoire de Gad ou 
de Ruben non occupé par l'ennemi. Elle était évidemment 
voisine ou peu éloignée d'Abel-Keramim avec laquelle 
elle est nommée. 

2° Identification. — Tristram a cru découvrir le nom 
de cette dernière localité dans celui de Kouroum 
(Hbân, porté par une vallée voisine de Dibân et de 
I'ouâdi Môdjeb ou l'Arnon. Le nom de Karém, « vigne, » 
pluriel Kouroum, se trouve attaché à trop d'endroits, pour 
être probant par lui-même; il se trouve d'ailleurs ici 
beaucoup trop au sud pour correspondre à l'Abel-des- 
Vignes, située, suivant Eusèbe et saint Jérôme, au sep- 
tième mille seulement (onze kilomètres environ) de 
Philadelphie ou 'Amman. Onomasticon, p. 6, 9. — Conder 
a proposé de reconnaître Mennith, dans Miniéh, nom 
attaché à une ruine et à une fontaine situées à dix-sept 
kilomètres au sud-ouest de Médaba, dans les montagnes 
voisines du rivage oriental de la mer Morte et à sept kilo- 
mètres de ce lac. Armstrong, Wilson et Conder, Names 
and Places in the Old Testament, Londres, 1887, 
p. 126. Si cette identification était fondée, il en résulte- 
rait que les Ammonites avaient occupé non seulement 
une partie du territoire de Gad, mais encore le territoire 
de Ruben presque en entier, et Jephté aurait dû le recon- 
quérir, ce qui ne parait pas vraisemblable; elle est 
d'ailleurs infirmée par l'assertion d'Eusèbe, indiquant 
le village de Maanith, à quatre milles (six kilomètres envi- 
ron) d'Esbus (Hésébon) sur la route de Philadelphie. — 
Jos. Schwarz croit Mennith identique à Mageth, ville 
de Galaad prise avec Casbon par Juda Machabée. I Mach., 
v, 36. Casbon ou Chasbon (Septante : Xaaëwv) est, pour 
le rabbin, identique à Hésébon et Mageth = Mennith doit 
être Mindja', village situé à deux heures, vers l'est, de 
Uesbân. Tebuoth ha-Arez, nouvelle édit. Jérusalem, 
1900, p. 268. Le village désigné est sans doute la petite 
ruine de Mendjâ que l'on trouve à dix kilomètres au 
sud-est de fjesbdn et à trois est-nord-est de Médaba. 



La situation ne répond pas à celle de YOnomasticon et 
la transformation supposée par Schwarz de n en dj est 
peu probable. — La Manha à six kilomètres à l'est de 
Uesbàn, proposée par Kieperl, Neue Handkarle von 
Palâstina, Berlin, 1871, bien que plus voisine, se trouve 
encore en dehors de l'ancien chemin de Hésébon à Phila- 
delphie; la présence de ce nom en cet endroit est 
d'ailleurs contestable. — Parlant de Mennith : « Je n'ai 
pas trouvé trace de ce nom, dit Fr. de Saulcy, sur la 
route en question; mais à la place assignée par Eusèbe, 
se trouve une localité ruinée, nommée Omm-el-Kéna- 
féh. » Dictionnaire topographique abrégé de la Terre 
Sainte, Paris, 1877, p. 225. 

L'endroit désigné par le savant explorateur est, sans 
aucun doute, la ruine appelée non Omm-el-Kénaféh, 
mais Omm-eUQanâfid, « la mère, » c'est-à-dire « l'endroit ' 
peuplé de hérissons ». Cette ruine est située en effet sur 
l'ancienne voie romaine conduisant de Jfesbânk 'Amman, 
à cinq kilomètres au nord de la première localité et à 
dix-huit kilomètres au sud-ouest de 'Amman. La loca- 
lité était bâtie sur le sommet d'une assez large colline, à 
la droite et au principe de l'ouâdi-Hesbân. A sept ou 
huit cents mètres au nord-est, près du chemin à droite, 
dans une position analogue, et dominant tout le plateau 
ondulé et spacieux recouvert d'une terre brune et fer- 
tile que traverse la route d'Amman et souvent occupé par 
des campements de Bédouins 'Aduân ou des Béni-Sakher, 
leurs voisins, qui parcourent la contrée, est une autre 
petite ruine, comme sa voisine, manifestée par des mon- 
ceaux informes de pierres grossièrement équarries et par 
des citernes; elle est désignée du nom de Khirbet el- 
Beddih. Son nom n'est peut-être pas sans rapport avec 
Mennith. La lettre m des noms hébreux est souvent deve- 
nue b chez les Arabes : ainsi Jamnia est devenu Iabna et 
Tamnath, Tibna'. La finale h (») reste t (i = C_>) devant 
une voyelle. Alors même qu'il n'existerait pas d'exemple 
du changement de n en d, le renseignement d'Eusèbe et de 
saint Jérôme témoignant de l'existence, au IV e siècle, d'un 
village du nom de Manith, considéré par eux comme iden- 
tique avec l'antique Mennith, précisément à la distance 
à laquelle nous rencontrons Béddih, n'autorise-t-il pas 
à croire ce dernier dérivé de l'autre? En toute hypothèse, 
Mennith doit se chercher en cette région. Elle devait 
être près de la limite commune de Gad et de Ruben et 
elle appartenait probablement à cette dernière tribu. 
Les Ammonites, pour excuser leur invasion du territoire 
d'Israël, prétextaient leur ancien titre de maîtres du pays. 
Ils le pouvaient pour la terre de Gad; pour la terre de 
Ruben où se trouvait Hésébon elle avait appartenu à 
Moab, non à Ammon. Cf. Num., xxr, 26, 30. Si Jephté 
s'arrête à la limite de Mennith, n'est-ce pas parce que 
les Ammonites ne l'avaient pas occupée ni revendiquée ? 
La dernière localité reconquise par Jephté fut, ce semble, 
Abel-Keramim. Elle devait être aussi au nprd de Mennith 
et les sept milles de distance de Philadelphie à Abel-des- 
Vignes de V Onomasticon nous amènent non loin d'une 
ruine désignée du nom de Bél'at. Cette appellation 
n'aurait-elle pas quelque rapport avec l'Abel d'Eusèbe? 
Si la relation n'est pas évidente, elle n'est pas impossible- 
Bel'af est du reste à trois kilomètres seulement au nord 
est de Béddih, à seize ou dix-sept cents mètres à l'orient 
de la voie ancienne de 'Amman à Hesbdn et des Senau- 
bar. Près de cette « forêt de pins », la voie passe par une 
gorge resserrée et une vallée étroite qui se prolonge 
jusqu'à Béddih : peut-être faut-il voir là l'entrée de 
Mennith où Jephté cessa ses exploits. 

3° Mennith dansÉzéchiel. — D'après un grand nombre 
d'exëgètes modernes, Mennith est aussi nommée dans 
Ézéchiel, xxvn, 17. Le prophète, exaltant les avantages 
dont jouissait la ville dèTyr, montre les peuples devenus 
en quelque manière ses tributaires, en lui apportant les 
produits de leur pays. Parmi eux il en u mère les deux 
peuples de Juda et d'Israël. « La Judée et la terre d'Israël, 



973 



MENNITH — MENSONGE 



974 



'dit le prophète, ont trafiqué avec toi; ils ont exposé sur 
tes marchés le blé de Mennith, le pannag (gâteau [?] ), 
Je miel, l'huile et le baume. » L'expression de l'hébreu 
tvjd nsn, fattê Minuit, a été entendue diversement par 

les traducteurs. Pour les Septante c'est jtïto; xal puipa, 
« du blé et des essences aromatiques, » la Vulgate y voit 
frumentum primum, le Targum & du blé excellent » ou 
« du blé et des épices » ; la version syriaque, « du blé 
•et du riz; i, la version arabe, comme la Vulgate et le 
Targum, « du blé excellent. » Les interprètes modernes 
sont également d'avis différents. Pour plusieurs, les 
massorètes auraient, mal lu; la leçon constatée par les 
Septante est n*oïi n>ion, « du blé et des aromates » ou 
« du styrax ». Le styrax et le baume, >un n*SM, sont du 

reste deux produits exportés de la terre de Galaad, par 
les marchands ismaélites. Cf. Gen., xxxvn, 25. Cf. Kna- 
benbauer, Commentarius in Ezechielem, Paris, 1890, 
Ttxxvii, 17, p. 276-277. Les géographes inclinent plutôt 
pour la leçon des massorètes et la Mennith du prophète 
leur semble la Mennith du livre des Juges. — La région 
où elle se trouvait, connue sous le nom de Belqd ' , est 
d'ailleurs renommée aujourd'hui encore, par l'abon- 
dance et la qualité de son blé. F. de Saulcy, Diction- 
naire topographique abrégé de la Terre Sainte, Paris, 
1877, p. 260. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 807. Armstrong, 
Names and Places in the Old Testament, Londres, 
-1887, p. 126; Riess, Biblische Géographie, Fribourg-en- 
Brisgau, 1872, p. 54. L. Heidet. 

MENOCHIO ou MÉNOCHIUS Jean Etienne, né à 
Pavie en 1575, mort à Rome le 4 février 1655. Admis 
dans la Compagnie de Jésus le 25 mai 1594, il professa 
les humanités, l'Écriture Sainte et la théologie morale 
à Milan. Il fut ensuite supérieur de diverses maisons de 
son ordre, provincial de Milan, de Rome, assistant 
d'Italie et admoniteur des P. P. généraux Carafa et 
"Piccolomini. — Tout le monde connaît son important 
travail d'exégèse, Brevis explicatio sensus litteralis 
S.Scripturie optxmis quibusque auctoribus per epitomen 
•coMerfa, tant de fois réimprimé, sous divers titres, dans 
presque toutes les contrées d'Europe et inséré en tout 
•ou en partie dans plusieurs collections. Voici quel- 
ques-unes des éditions les plus connues: Cologne, 1630, 
1659; Anvers, 1679; Lyon, 1683,1697, 1703. Au commen- 
cement du XVII e siècle, le P. Tournemine, jésuite, fit 
«ne nouvelle réimpression de cet ouvrage et y ajouta 
un supplément considérable, Paris, 1719. Ce travail 
reparut dans la même ville, en 1721 et 1731, à Avignon 
en 1768 et à Gand en 1829. De son côté, le P. Zaccaria, 
en 1743, donna à Venise une édition augmentée, réim- 
primée, au même endroit, en 1755 et 1761. En France, 
au cours du xix e siècle, on ne compte pas moins de 
quatorze réimpressions de ces commentaires, joints à 
la traduction de la Bible du P. de Carrières. L'abbé 
Drioux en a donné une édition nouvelle en 8 vol. in-8°, 
Paris, 1872-1873. On doit citer encore comme ouvrages 
relatifs à l'Écriture Sainte : 1° Institutions politicse e Sa- 
■cris Scripturis depromptse, in-8°, Lyon, 1625; Cologne, 
1626; 2° Institutiones œconomicx ex Sacris Litteris de- 
promptx, in-8°, Lyon, 1627, traduit en italien par l'au- 
teur, in-4°, Venise, 1656; 3° De republica Hebrœorum 
libri octo, in-f», Paris, 1648; 4° Historia sacra degli 
.Atti degli Apostoli, in-4», Rome, 1654. 

P. Bliard. 

MENSONGE (hébreu : bad, kâzâb, kahas, Sdvé 
îêqér; chaldéen : kedab, Septante : iJieïSo; : Vulgate : 
mendacium), parole ayant pour but de faire croire au 
prochain le contraire de la vérité. 

1» La loi divine. — Dieu défend le mensonge. Exod., 
xxm,l;Lev.,xix, 11. Les écrivains sacrés rappellent cette 
■défense. Eccli., vu, 13,14; xli, 21 ; Eph., iv, 25 ; Col., ni, 9; 
-Jacob., m, 14, etc. Dieu hait le mensonge. Prov., xii, 22. 



La bouche qui ment tue l'âme. Sap., i, 11. Aussi Dieu 
fait périr le menteur. Ps. v, 7. Les menteurs n'entreront 
pas au ciel, Apoc, xxi, 27; xxn, 15, mais iront en enfer, 
Apoc, xxi, 8, car au ciel n'entrent que ceux qui sont 
sans mensonge. Apoc, xiv, 5. Pauvreté vaut donc mieux 
que mensonge. Prov., xix, 22. Mieux vaut même le vol 
que le mensonge habituel. Eccli., xx, 27. 

2° La pratique du mensonge. — 1. Le démon tire le 
mensonge de son propre fonds et est naturellement 
menteur, Joa., vin, 44. L'esprit de mensonge inspire les 
faux prophètes. III Reg., xxn, 23; II Par., xvm, 22; 
II Thés-, h, 10. Bien souvent les prophètes de mensonge 
se sont fait entendre. Is., îx, 15; Jer., v, 31; xx, 6; 
xxm, 14; xxvn, 10, etc; Ezech., xm, 6; Mich., n, 11; 
Zach., x, 2; II Pet., n, 1. Les prêtres et les scribes ont 
rempli ce rôle, Jer., vin, 8-10, et plusieurs ont pris le 
manteau des prophètes pour mentir. Zach., xm, 4. — 
2. L'homme est d'ailleurs naturellement porté au men- 
songe. Ps. iv, 3; cxvi (cxv), 11; Rom., m, 4, 7. Il aime 
le pain du mensonge, Prov., xx, 17, il mange le fruit 
du mensonge, Ose., x, 13, sa langue est comme un arc 
qui lance le mensonge. Jer., ix, 3. Le mensonge régnait 
en Israël à certaines époques. Is., lvh, 4; Ose., iv, 2. Les 
Cretois avaient la réputation d'être toujours menteurs. 
Tit., I, 12. Le Sauveur annonce à ses disciples que les 
méchants ne cesseront pas de dire le mensonge contre 
eux. Matth., v, 11. — 3. Les eaux inondent l'abri du 
mensonge, Is., xxviii, 17, voir Inondation, t. m, 
col. 883, ce qui signifie que le menteur subit inopiné- 
ment la peine de son mensonge. Une source menteuse, 
Jer., xv, 18, est celle dans laquelle on ne trouve pas 
l'eau sur laquelle on compte. Cf. Job, vi, 15-20; Cara- 
vane, t. il, col. 249. Mentir sur sa tête, c'est dire un 
mensonge qu'on paiera de sa vie. Dan., xm, 55, 59. — 
4. Dieu n'a pas besoin que, pour soutenir sa cause, on 
dise des mensonges. Job, xm, 7. 

3° Exemples bibliques. — 1. Satan ment odieusement 
quand il dit à Eve qu'elle ne mourra pas, si elle mange 
le fruit défendu, et qu'au contraire elle et Adam deviens 
dront comme des dieux. Gen., m, 4; cf. Joa., vin, 44. 
— 2. Caïn ment quand il prétend ignorer où est Abel 
qu'il vient de tuer. Gen., rv, 9. — 3. Par deux fois, Gen., 
xn, 13 ; xx, 2, Abraham fait passer Sara pour sa sœur, 
alors qu'elle était son épouse. Il est vrai que Sara était 
fille du même père, et non de la même mère, Gen., xx, 
12, et que par conséquent Abraham pouvait lui donner 
le nom de sœur. S'il n'y a là aucun mensonge, il y a 
cependant une réticence grave qui expose Sara au dés- 
honneur pour sauver la vie d'Abraham, alors que celui- 
ci aurait dû compter davantage sur la protection de 
Dieu qui lui avait déjà manifesté sa volonté. Voir Abra- 
ham, t. i, col. 76. — 4. Quand Rébecca dispose tout pour 
faire croire au vieil Isaac que Jacob est son fils aîné, 
et que Jacob se prête à la supercherie, Gen., xxvil, 11- 
29, il y là un grave mensonge, nettement caractérisé. 
Voir Jacob, t. m, col 1061. Il est bien vrai qu'Ésaù avait 
vendu à Jacob son droit d'aînesse, Gen., xxv, 29-34, et 
que l'intention divine était que Jacob fût l'héritier des 
promesses faites à Abraham et à Isaac. Mal., i, 2, 3; Rom., 
ix, 13. Mais encore Rebecca et Jacob devaient-ils s'en 
rapporter à Dieu de la réalisation de ses desseins, sans 
recourir à un stratagème et à des affirmations qui 
trompent si gravement Isaac. — 5. Bien moins grave esj; 
la feinte de Rachel, qui simule une indisposition acci- 
dentelle pour ne pas se lever de la selle dans laquelle 
elle a caché les théraphim de Laban. Gen., xxxi, 35. — . 

6. Les frères de Joseph commettent un mensonge grave 
et prolongé, quand ils s'arrangent pour faire croire à 
Jacob que son fils a été dévoré par une bête féroce. 
Gen., xxxvn, 32-33. Juda est amené plus tard à soutenir 
le mensonge devant Joseph lui-même. Gen., xliv, 20. -^ 

7. L'accusation de la femme de Puliphar contre Joseph 
est un odieux mensonge. Gen., xxxix, 14-18. — 8. Rahab 



975 



MENSONGE — MENTHE 



976 



protège par un mensonge, que personne ne songe à lui 
reprocher gravement, la fuite des espions israélites venus 
à Jéricho. Jos., M, 5. — 9. Les Gabaonites usent d'un 
artifice mensonger pour obtenir que leur ville et ses 
habitants soient épargnés. Josué les maudit et les réduit 
en esclavage. Jos., ix, 9-15, 23. — 10. Samson se joue de 
Dalila en lui disant des mensonges. Jud., xvi, 7, 13. — 

11. Pour dissimuler la fuite de David et le soustraire à 
la persécution de Saùl, Michol met un théraphim dans le 
lit du fugitif et fait croire aux gens du roi que David 
lui-même est là, alité et malade. I Reg., xix, 13-15. — 

12. Amnon se dit malade; mais c'est un mensonge par 
lequel il veut attirer chez lui sa sœur Thamar, dont il 
a dessein d'abuser. II Reg., xiii, 6. — 13. La conduite 
de David et de Joab, dans le meurtre d'Urie, implique 
une série de mensonges destinés à couvrir l'homicide. 
II Reg., xi, 14-26. — 14. Jézabel prépare l'homicide au 
moyen du mensonge, quand elle accuse Naboth d'avoir 
maudit Dieu et le roi. III Reg., xxi, 10-13. — 15. Giézi, 
serviteur d'Elisée, ment pour satisfaire sa cupidité et en 
est bien puni. IV Reg., v, 22-25. — 16. La ruse que 
Judith emploie pour s'insinuer dans la confiance d'Holo- 
pherne comporte un certain nombre de mensonges que 
n'excuse point le but atteint par l'héroïne. Judith, XI, 4- 

17. Voir Judith, t. m, col. 1822. — 17. Les deux vieil- 
lards qui accusent Susanne sont de cyniques menteurs. 
Dan., xiii, 36-40. — 18. Alcime ment quand il jure aux 
Assidéens de ne pas -leur faire de mal. I Mach., vu, 15. 

— 19. C'est par des mensonges que Tryphon attire à lui 
Jonathas et ensuite ses deux fils. I Mach., xn, 45, 48; 
xiii, 15, 16, 19. — 20. Hérode ment quand il dit aux 
mages qu'il veut aller adorer l'enfant Jésus. Matth., h, 
8. — 21. Satan ment de nouveau quand il se prétend 
possesseur de tous les royaumes de la terre. Luc, iv, 6. 

— 22. Les pharisiens et les princes des prêtres profèrent 
des mensonges quand ils affirment que Jésus chasse les 
démons par Beelzébub, Matth., xii, 24; Marc, m, 22; 
Luc, xi, 15; quand ils prétendent savoir qu'il est un 
pécheur, Joa., IX, 24; quand ils l'accusent devant Pilate. 
Luc, xxm, 2, 5; Joa., xviii, 30; xix, 12. — 23. Les faux 
témoins apostés contre le Sauveur dénaturent les paroles 
qu'il a prononcées. Matth., xxvi, 61 ; Marc, xiv, 58, Voir 
Témoins. — 24. Pierre commet une série de mensonges 
quand il renie Notre-Seigneur. Matth., xxvi, 69-75; 
Marc, xiv, 66-72; Luc, xxn, 55-62; Joa., xvm, 15-27. 

— 25. Les gardes du sépulcre reçoivent de l'argent pour 
mentir au sujet de la résurrection. Matth., xxvnl, 13-15. 

— 26. Ananie et Saphire dissimulent le prix du champ 
qu'ils ont vendu et ainsi « mentent au Saint-Esprit ». 
Act., v, 2-9. — 27: Enfin les Juifs mentent encore dans 
leurs accusations contre saint Paul. Act., xxi, 28. 

4» Sens relatif d'affirmations absolues. — Il faut 
observer que beaucoup de manières de parler usitées en 
Orient ne doivent pas être entendues à la lettre. Elles 
semblent, au premier coup d'œil, exagérer ou même 
contredire la réalité; mais elles sont purement conven- 
tionnelles et doivent se prendre daus un sens tout 
relatif. C'est ainsi qu'on procède, par exemple, à l'égard 
des expressions qui proclament, d'une manière si for- 
melle en apparence, l'universalité du déluge, ou de celles 
qui font aller Alexandre le Grand jusqu'aux extrémités 
du monde et disent que la terre se tut en sa présence. 
I Mach., i, 3. Quand les fils de Heth répondent à Abra- 
ham qu'ils lui donnent le champ et la grotte de Mak- 
pelah, alors qu'ils ne songent qu'à les lui vendre, ils ne 
mentent pas, mais ne font qu'entamer les pourparlers 
sous une forme conventionnelle et polie. Gen., xxm, 11. 
Voir L il, col. 889. Lorsque l'ange Raphaël se présente 
à Tobie sous le nom d'Azarias, fils d'Ananie, Tob., v, 8, 

18, il ne ment sûrement pas, mais prend des noms 
symboliques en harmonie avec sa mission ; il ne faut pas les 
considérer comme des réalités plus absolues que la forme 
d'emprunt dont l'ange se revêt. Voir Azarus 28, 



t. i, col. 1301. On interprétera de même dans un sens 
tout relatif les paroles du Sauveur : « Moi, je ne monte 
pas pour ce jour de fête, » Joa., vil, 8; « la jeune fille 
n'est pas morte, mais elle dort, s Luc, toi, 52, 53; 
« Lazare, notre ami, dort, » Joa., xi, 11; « le Fils de 
l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de 
la terre, » Matth., xii, 40; « sur le jour et l'heure (de la 
fin du monde), personne ne sait rien, ni les anges dans 
le ciel, ni le Fils, mais seulement le Père. » Marc,xin, 
32, etc. On sait enfin que des textes, même dogmatiques, 
sont communément ramenés de la forme jabsolue à la 
forme relative. Cf. Joa., vi, 54; Rom., v, 12; Heb., vi, 
6, etc. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner si, chez les 
écrivains sacrés, certaines locutions ne présentent pas 
cette exactitude rigoureuse à laquelle nous sommes 
accoutumés. Ces écrivains s'expriment comme on le 
faisait dans leur temps et dans leur pays. Cf. Cornely, 
Introductio generalis in N. T. Libros, Paris, 1885, t. i, 
p. 552, 567. H. Lesêtre. 

MENSTRUES. Voir Impureté légale, t. n, col. 858. 

MENTHE (Nouveau Testament : 7|8uo<7|jiov ; Vulgate : 
mentha), plante odoriférante. 

I. Description. — Herbe aromatique formant des 
touffes vivaces qui s'étendent progressivement au moyea 




254. — Mentha silvestris. 

de rhizomes rampant à fleur du sol en ramification 
indéfinie. Elle appartient à la famille des Labiées, 
dont elle possède les caractères généraux : tige dressée,, 
prismatique-quadrangulaire, portant sur 4 rangs des- 
feuilles opposées qui vont en diminuant de taille à par- 
tir du point où naissent les fleurs groupées en Êrax- 
verticilles axillaires ; calice en cloche, 4 étamines sou- 
dées vers la base du tube corollin : ovaire libre reposant 
sur un disque épais, profondément divisé en 4 lobes 
qui renferment chacun une loge uniovulée, et se 
séparent à la maturité en 4 coques monospermes. Le 
style unique, bifide au sommet, s'élève de la base de 
l'ovaire, entre les 4 lobes. La corolle suffit à distinguer- 
les Menthes parmi toutes les Labiées, étant presque 
régulière avec 4 divisions sensiblement égales, comme; 



977 



MENTHE — MÉPHAATH 



978 



d'ailleurs les examines à filets droits et équidistants. 
L'odeur pénétrante exhalée par tout l'appareil végétatif 
est due à une huile essentielle sécrétée par des glandes 
épidermiques. Chaque espèce possède un parfum spé- 
cial : la plus estimée à cet égard est le Mentha piperita 
L. dont l'origine hybride doit être attribuée à la culture. 
Du reste toutes les Menthes usitées en parfumerie 
semblent être issues par croisement d'un type unique, 
Mentha viridis L, qui lui-même parait, en définitive, être 
une simple variété du Mentha silvestris (fig. 254), caracté- 
risé par ses inflorescences terminales effilées en forme 
d'épi et seulement entremêlées de bractées sans feuilles 
véritables. On s'explique ainsi comment ces races déri- 
vées n'existent pas à l'état spontané. Les autres Menthes 
sauvages ont un parfum bien moins agréable : le Mentha 
rotundifolia L. s'en distingue par ses feuilles ridées à 
pointe obtuse ou arrondie; le Mentha aquatica L. par 
son inflorescence en tête arrondie, et le Mentha arven- 
sis L. par son long épi terminal interrompu par des 
feuilles vertes. Enfin le Mentha Pulegium L. mérite de 
former un genre à part pour son calice un peu divisé en 
2 lèvres et pourvu intérieurement d'un anneau de poils. 

F. Hï. 

II. Exégèse. — 1» La menthe n'est mentionnée que dans 
le Nouveau Testament, en deux endroits, Matth., xxiii, 
23; Luc, XI, 42. 'H8ûo<t[aov, terme sous lequel la menthe 
s'y présente, est un des noms bien connusde cette plante. 
« La menthe, dit Pline, H. N. xix, 47; doit à son odeur 
suave le nom qu'elle porte chez les Grecs (r)8û, « suave, » 
iojiYJ, « odeur »). Elle a aussi celui de menthe d'où les 
anciens Latins ont tiré le nom qu'ils lui ont donné. » 
« Mîv6ï], dit également Strabon, VIII, m, 14, que cer- 
tains appellent yi80o<t|jiov. » Aussi n'y a-t-il aucune diffi- 
culté d'identification. La menthe sauvage, Mentha sil- 
vestris, est répandue très abondamment dans la 
Palestine, et différentes variétés y sont encore cultivées 
dans les jardins. Les Juifs se servaient des branches et 
des feuilles odorantes dans leurs maisons, dans leurs 
synagogues, pour assainir et parfumer l'air. Sans doute 
ils devaient employer la menthe dans la parfumerie 
comme les Égyptiens. On Sait que chez, ces derniers 
cette plante, âgaï, entrait dans la composition du fameux 
parfum kyphi. La menthe servait aussi de condiment. 
« La menthe, dit Pline, H. N., xx, 53, a une odeur qui 
éveille l'esprit, et une saveur qui excite l'appétit : aussi 
entrait-elle ordinairement dans les sauces. » Dioscoride, 
m, 41 , la regarde comme tout à fait stomachique. On peut 
voir dans Celsius, Hierobotanicon, in-8», Amsterdam, 
1748, t. i, p. 546, combien elle est fréquemment men- 
tionnée dans les recettes culinaires d'Apicius. Les Juifs 
en faisaient le même usage comme en témoigne le Tal- 
mud à différentes reprises : Schem ve-Yobel, vu, 2 ; 
Oketzin, i, 2; Scheb., vu, 1. Aujourd'hui encore en 
Palestine on réduit en poudre la menthe séchée et on 
la mange comme aliment. 

2° Notre-Seigneur énumère la menthe parmi les 
plantes dont les pharisiens payaient la dîme. On a répété 
souvent qu'elle ne rentrait pas dans les objets soumis à 
la dîme, et que si les pharisiens la payaient, c'était par 
dévotion particulière et parostentation. Ce n'est pas exact. 
Sans doute il est probable qu'à l'origiDe on n'était tenu 
qu'à la dlme des trois récoltes mentionnées/auïteutéro- 
nome, xiv, 23. Mais sous l'influence de l'esprit phari- 
saïque les docteurs avant l'ère chrétienne avaient décidé 
que tout ce qui sert de nourriture, tout ce qui se cultive, 
tombe sous la loi de la dîme, Masseroth, i, 1. Par con- 
séquent la menthe ne pouvait être exceptée : il devait 
en être de la menthe, comme de Paneth et du cumin 
que le texte de saint Matthieu, xxm, 23, cite à côté de cette 
plante, et qui étaient expressément soumis à la dime. 
Masseroth,TV,5; Déniai, xi,l.J.C. Hottinger, Comment, 
de decimis, dans Ugolinus, Thésaurus antiquitalum, 
t. xx, col. 326. Aussi ce que Jésus-Christ reproche aux 



Pharisiens ce n'est pas de payer cette dime (hsec oportuit 
facere), mais de mettre tant d'ostentation à ces petites 
choses, tandis qu'ils omettaient les devoirs essentiels de 
la justice et de la charité. Matth., xxm, 23; Luc, xi, 42. 

E. Levesque. 
MENTON (hébreu : zâqân; Septante : çâpu-f?, Vul- 
gate : menium), partie inférieure du visage, faisant saillie 
au-dessous de la lèvre inférieure. Le mot zâqân ne dé- 
signe le menton qu'en tant que support de la barbe. 
Dans plusieurs cas, il s'agit indifféremment de l'un ou 
de l'autre : on rase la barbe ou le menton, Lev., xix, 27 ; 
xxi, 5; II Reg., x, 4; Ezech., v, 1, etc.; on arrache les 
cheveux de la tête et les poils du menton ou de la barbe. 
I Esd., ix, 3. Voir Barbe, t. i, col. 1450. C'est pourtant 
le menton, [plutôt que la barbe elle-même, qui est at- 
teint par la teigne. Lev., xin, 29. H. Lesètre. 

MENUHOTH (hébreu : ham-Menuhôf; Septante : 
'A[i|jt.av£8), nom qu'on lit dans un passage obscur de 
I Par., n, 52, et que l'on traduit et explique de manières 
diverses. La Vulgate. d'après le sens du mot hébreu, l'a 
rendu par requielio, a repos, » comme elle l'a fait aussi 
au ,t. 54, où ham-Mdnahfi correspond à ham-Menuhx>f. 
Parmi les modernes, les uns traduisent ainsi le f. 52 : 
« Les fils de Sobal, père de Cariathiarim, furent Hârô'éh 
(Vulgate : qui videbat), #asî-Ham-Menuhôt (Vulgate : 
dimidium requietionU). » Et le f. 54 : « Fils de Salma : 
Bethléhem, et le Nétophatite, 'A terôf Bêf Yo'db (Vulgate : 
Coronx donius Joab) et Hasi Ham-Manahfi (Vulgate : 
dimidium \requietionis), has-Sâre'î (Vulgate : Sarai). » 
D'autres prennent hâsi comme signifiant réellement, 
aux jr. 52 et 54, la moitié (des Manahathites). Le texte 
de ce passage étant altéré, il est difficile de se prononcer 
entre ces hypothèses contradictoires. On est plus géné- 
ralement d'accord pour admettre que Menuhôt doit 
être un nom de lieu, et que « père de Menuhôt ne veut 
pas dire père d'un fils appelé Menuhôt ou ffâsî Menuhôt, 
mais fondateur ou restaurateur d'une ville ainsi appelée. 
Les autres noms de lieux énumérés^'. 54, Bethléhem, etc., 
justifient cette interprétation. Il est, de plus, assez 
vraisemblable que Menuhôt n'est pas autre que la 
Manahath de I Par., vin, 6. Voir Manahath 2, col. 638. 

MENUISIER, artisan qui fait divers ouvrages en 
bois. Voir Charpentier, t. n, col. 599. 

MÉPHAATH (hébreu : Mêfa'af et Môfa'at (ketîb), 
Jer., xlviii, 21, « splendeur, lieu élevé, » de la racine 
iâfa', « resplendir, » qui dans la langue arabe a le sens 
de « dominer »; Septante, Vaticanus : MatçaâS, Maçct, 
MaeçXi, Ma>çâ8<x; Alexandrinus : MijçaâS, Ma»9i, 
MasyaàO, McoçâO), ville Iévitique de la tribu de Ruben. 

— Moïse la donna à cette tribu aussitôt après la con- 
quête de la région transjordanique sur les rois Séhon et 
Og. Jos., xiii, 18. L'assemblée des anciens, réunis à Silo 
sous la présidence du grand-prêtre Éléazar et de Josué, 
l'assigna pour habitation aux lévites de la famille de 
Mérari. Jos., xxi, 36 (hébreu, 37); I Par., VI, 79. — 
Méphaath est toujours nommée avec Jassa et Cédimoth, 
excepté Jer., xlviii, 21 (Septante, xxxi, 21), où cette 
dernière ville fait défaut. Dans la Vulgate, Jos., xxi, 36, 
on trouve à leur place Jaser et Jethson ; mais le passage 
parallèle des Paralipomènes, d'accord, pour ce verset de 
Josué, avec le texte hébreu et les versions, ne permet pas 
de douter que ce ne soit une erreur de copiste. Selon toute 
vraisemblance Méphaath est unie à ces villes à cause de 
leur proximité mutuelle, et, comme elles, doit se cher- 
cher sur la limite orientale de la tribu de Ruben et sur 
la frontière du désert. Cf. Num., xxi, 23 ; Deut., n, 26. 

— Cette situation lui est aussi assignée par Eusèbe de 
Césarée. Après avoir nommé « Méphaat dans la tribu de 
Benjamin; il en est un autre, ajoute-t-il, au delà du 
Jourdain, où il y a un poste militaire fortifié, près du 



979 



MÉPHAATH - MER 



980 



désert s. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 
1862, p. 288. Saint Jérôme, en traduisant in quo praesi- 
dium romarwrum militium sedet propter viciniam 
solitudinis, ibid., p. 289, témoigne qu'il n'a rien à 
changer à l'indication de l'archevêque de Césarée. La 
Méphaath de Benjamin n'est pas connue d'ailleurs et 
Eusèbe fait sans doute allusion à une ville dont les 
exemplaires de la Bible lus par lui portent une fausse 
lecture. — Le prophète Jérémie, xlviii, 21, nomme 
Méphaat parmi les villes du Misor, c'est-à-dire de la 
plaine de Madaba, alors au pouvoir des Moabites : « La 
sentence va être exécutée contre le Misor, contre Hélon, 
■contre Jasa, contre Méphaat, contre Dibon, contre toutes 
les villes de Moab, éloignées ou voisines. » — Meifa'ah est 
encore énumérée parmi les villages de la Belqa, dans 
l'ouvrage d'un auteur anonyme du XIV e siècle, Marâsid 
eVItlilà, édit. Jungboll, Leyde, 1857, t. H, p. 885. Dans 
«ne excursion à travers la région parcourue par les 
Arabes nomades, le D r Aloys Mousil, d'Olmùtz, a retrouvé 
à seize cents mètres au sud-est de Khareibet es-Sûq, et 
à neuf kilomètres exactement au sud de 'Amman, le nom 
de Neifa. Il est attaché à une localité ruinée assez con- 
sidérable, bâtie sur le plateau supérieur d'une colline 
élevée d'où l'on domine la plaine ondulée qui s'étend 
indéfiniment vers l'est. L'endroit convient admirable- 
ment pour une station chargée de surveiller le désert 
où campent les Bédouins. M. Clermont-Ganneau n'hé- 
site pas à reconnaître dans Neifa le Meifah du Kitdb 
el-Marâsid, dont l'initiale M est devenue N par une 
transformation souvent constatée et le Meifa'ah des 
Arabes ne peut pas être différent de la Mêfa'af bibli- 
que. Selon le docte écrivain, le nom de Mesae, p. 231, de la 
liste Notitix dignitatum imperii Romani, dans Reland, 
Palmstina, p. 229-234, doit être Mefae, datif de Mefa. 
La lettre s aura été lue f par le scribe. Méfa ou Mésa 
est énumérée avec Ziza et d'autres villes de la province 
d'Arabie occupées par des détachements militaires; 
elle était gardée par un poste de cavaliers indigènes. 
Cf. D' Aloys Mousil, à la suite de Reise in 'Amra und 
andere Schlôsser ôstlich von Moab, Appendice, p. 2, 
dans Sitzungoberichte der Kais. Akademie der Wissen- 
schaften in Wien, philosophisch-historische Classe, 
Vienne, 1902, t. cxliv, n. vu; Clermont-Ganneau, The 
site of Mepha'at, dans le Pal. Expl. fund, Quarterly 
Htalemenl, Londres, 1902, p. 260-261. 

L. Heidet. 

MÉPRIS (hébreu : bûz, bûzâh, bâzôh, md'os, qdlôn; 
Septante : àxiixt'a, ôvEiêio-jiôç; Vulgate : contemptus, 
despectio, abjectio, ignominia), expression du sentiment 
que l'on a pourxe qu'on estime sans valeur morale. 

1° Le mépris envers Dieu. — 1" Mépriser la loi de 
Dieu, c'est mépriser Dieu lui-même, qui en tirera ven- 
geance. Lev., xxvi, 15; Num., xv, 31; Sap., xiv, 30; 
I Tim., iv, 12. David s'est rendu coupable de ce mépris 
quand il a commis son crime, II Reg., xil, 9. Holopherne 
a directement méprisé le Dieu d'Israël. Judith, xm, 28. 
C'est encore mépriser Dieu que de mépriser ce qui se 
rapporte à lui, le serment qu'on lui a fait, Ezech., xvn, 
18,19; son autel, Mal., i, 12; son Temple et ses fêtes, 
Ezech., xxn, 8; II Mach., iv, 14; ses ministres, I Mach., 
vu, 34; les prophéties de ses envoyés. I Thess., v, 20. Sous 
la loi nouvelle, Dieu déclare même positivement que 
mépriser les ministres de son Église, c'est le mépriser 
en personne. Luc, x, 16. Il ne faut pas non plus mé- 
priser les dons de sa grâce. Rom., n, 4. — 2° Il était 
prophétisé que le Serviteur de Jéhovsh, le Messie, devait 
être méprisé. Is., xlix, 7. Notre-Seigneur le rappela, 
Marc, IX, 11, et, pendant sa passion, il encourut le 
mépris de tous, particulièrement celui d'Hérode. Luc, 
xxiii, 11. — 3° Dieu, à son tour, méprise ceux qui le 
méprisent, 1 Reg., n,-30, et qui s'écartent de ses lois. 
Ps. cxix (cxvm), 118. Il les rend méprisables, Mal., n, 
S, et un jour il les jugera. Joa., xn, 48. — 4° Dieu a 



dédaigné la demeure de Silo, à laquelle il voulait subs- 
tituer celle de Sion. Ps. lxxviii (lxxvii), 60. Mais il ne 
méprise pas les souffrances de l'affligé. Ps. xxn (xxi), 
25; en (ci), 18. 

2° Le mépris envers les hommes. — 1° Il y a des 
mépris qui sont justifiés. On méprise l'insensé, Prov., 
m, 35; l'impudique, Prov., vi, 33; l'incorrigible, Prov., 
xm, 18; le pervers. Prov., xii, 8. C'est avec raison qu'on 
méprise certains ordres de princes impies. Judith, n, 5; 
v, 4; ix, 14; x, 12; xi, 2; Esth., xm, 4; Dan., m, 12; 

I Mach., m, 14. Sion, restaurée par Dieu, peut mépriser 
le roi d'Assyrie. IV Reg., xix, 21. Édom, condamné par 
Dieu, est l'objet d'un juste mépris. Jer., xlix, 15; Abd., 
i. 2. Sion coupable est méprisée de ceux qui autrefois 
l'aimaient, Jer., iv, 30, et l'honoraient, Lam., i, 8; m, 
45. — 2° Il y a des mépris qui ne sont pas justifiés. G'e^t 
sans aucune raison valable qu'on méprise quelqu'un 
parce qu'il est malheureux, Job, xn, 5; parce qu'il est 
pauvre, quoique sage, Eccle., IX, 16; parce qu'il est 
jeune, I Tim., iv, 12; malgré son intelligence, Eccli., 
xxvi, 26; à cause de sa mine, Eccli., xi, 2; parce qu'il 
tient à des observances inoffensives. Rom., xiv, 3, 10. 
Souvent pourtant le serviteur de Dieu est petit et mé- 
prisé. Ps. cxix (cxvm), 141. Mais Dieu défend de mépriser 
les petits, Matth., xvm, 10. Il se sert d'eux, bien que 
méprisés du monde, pour anéantir ce qui est. I Cor., I, 
28. — Quand on sert deux maîtres, on en méprise un, 
c'est-à-dire qu'on a nécessairement pour l'un moins 
d'égards que pour l'autre. Luc, xvi, 13. Tobie, xm, 16, 
maudit ceux qui mépriseront Jérusalem. Les officiers 
d'Holopherne trouvaient qu'on ne pouvait mépriser une 
nation qui avait d'aussi belles femmes que Judith. 
Judith, x, 18. Saint Paul veut qu'on préfère les plus 
méprisés des chrétiens, c'est-à-dire les plus humbles 
d'entre eux, aux juges païens, pour dirimer les différends 
entre les frères. I Cor., vi, 4. Il félicite les Galates de 
ne l'avoir pas méprisé malgré sa maladie. Gai., IV, 14. 

II reprend ceux qui, à Gorinthe, lui reprochent d'être 
énergique de loin, mais faible et méprisable de près. 
II Cor., x, 10. — Les mépris déraisonnables viennent de 
méchants qui ne trouvent que matière à mépris dans 
la mort du juste. Sap., iv, 18. Qu'ils apparaissent, le 
mépris vient avec eux, Prov,, xvm, 3; qu'on les chasse, 
le mépris cesse. Prov., xxn, 10. Le passage de Prov., 
xvm, 3, se lit en hébreu : « Quand vient le méchant, 
vient aussi le mépris, bà' gam bûz. » Les Septante et la 
Vulgate ont lu : « Quand vient le méchant be'àgam, 
dans le marécage, » dans l'abîme, « mépris, » il méprise, 
il n'a pas souci de sa situation. — 3° Il y a des mépris 
gravement coupables : le mépris envers une mère deve- 
nue vieille, Prov., xxm, 22; envers un père affaibli par 
l'âge, Eccli., m, 15; envers le vieillard en général, 
Eccli., vin, 7; le mépris de l'esclave chrétien pour son 
maître, chrétien comme lui, I Tim., vi, 2; le mépris 
envers l'autorité souveraine, II Pet., il, 10; Jud., 8; le 
mépris pour le ministre de l'Église, à cause de sa jeu- 
nesse. I Tim., rv, 12; Tit-, n, 15; 1 Cor., xvi, 11. Job se 
rend cette justice, qu'il n'a jamais méprisé les droits de 
ses serviteurs. Job, xxxi, 13. Les grands de Perse crai- 
gnirent que l'exemple de Vasthi n'apprît aux femmes 
à mépriser leurs maris. Esth., i, 17. 

H. Lesétre. 

1. MER (hébreu : ydm; Septante et Nouveau Testa- 
ment : Qâlaoaa, excepté II Mach., v, 21 ; Act., xxvii, 5, 
où l'on trouve îté),ayoç, que la Vulgate a traduit par 
pelagus, rendant partout ailleurs par mare le mot hébreu 
ou grec), nom générique ou particulier donné dans la 
Bible à de vastes étendues d'eau. 

I. Nom. — L'hébreu yâm, que l'on rencontre dans 
toutes les langues sémitiques, se rattache, selon Gese- 
nius, Thésaurus, p. 598, à la racine inusitée, yâmam, 
identique à hâmam et hâmàh, « frémir, s'agiter avec 
bruit, » le hé initial permutant avec le yod. L'Écriture 



981 



MER — MER D'AIRAIN 



982 



prend le mot « mer » tantôt dans un sens large, tantôt 
dans un sens restreint. Dans la cosmogonie mosaïque, 
elle définit elle-même par miqvêh ham-mayim, « rassem- 
blement des eaux, s l'ensemble des mers, yanvmîm, en 
tant que distinct de la terre « sèche », hay-yabâsàh. 
Gen., i, 10. Cette acception générale se retrouve ailleurs, 
principalement dans les livres poétiques, où la mer n'est 
considérée que dans ses conditions physiques, comme 
une des grandes œuvres de Dieu, et fournissant ma- 
tière à des images, à des comparaisons. Cf. Exod., xx, 
11; Deut., xxx, 13; Job, vu, 12; ix, 8; Ps. xxm (hébreu : 
xxiv), 2; lxiv(lxv),8; lxxxvih(lxxxix),10; Is., v,30, etc. 
Envisagé sous ce rapport, l'hébreu yâm a pour corres- 
pondant, dans le parallélisme synonymique, (ehôm, 
« l'abîme. » Cf. Job, xxvm, 14; xxxvm, 16; Ps. cxxxiv 
(cxxxv), 6, etc. Voir Abîme, t. i, col. 52. 

II. Mers dans l'Écriture. — Le mot s'applique sou- 
vent â quelques mers particulières qui avoisinent la 
Palestine, sans même que le nom propre y soit toujours 
ajouté. Le nom de la Mer Rouge (hébreu : yam-Sûf; 
Septante, i\ ip\j8poc OâXoccrcra) revient à chaque instant 
dans les récits qui ont trait à la sortie d'Egypte. Cf. Exod., 
x, 19; xm, 18; xiv, 2, 9, 16, 21, etc. Voir Rouge (Mer). 
La Méditerranée est fréquemment mentionnée à pro- 
pos des limites de la Terre Sainte sous les dénomina- 
tions de yâm hâ-ahârôn, « mer postérieure, » c'est-à- 
dire « occidentale », Deut., xi, 24; yâm PeliSfîm, « mer 
des Philistins, » Exod., xxm, 31; yâm hag-gâdôl, « la 
grande mer, » Num., xxxiv, 6, 7; Jos., i, 4; ix, 1, etc. 
Voir Méditerranée (Mer), col. 927. — 3° Il se res- 
treint même aux deux grands lacs de Palestine : La 
Mer Morte ou « mer de Sel », yâm-ham mêlai}., Gen., 
xiv, 3; « mer du Désert, » yâm hâ-'Arâbâh, Deut., iv, 
49; « mer orientale, » yâm haq-qadmônî, Joël, n, 20; 
Zach., xiv, 8; voir Morte (Mer); et le Lac de Tibériade, 
appelé yâm Kinnérét, Num., xxxiv, 11 ; Jos., xn, 3; xm, 

, 27; f) 9âXa<r<ra t^; raXiXaîa;, « mer de Galilée, » Matth., 
IV ; 18; xv, 29, etc.; r, eiXaaaa ty]? TiêepiâSo;, « mer de Ti- 
bériade. » Joa., xxi, 1. "Voir Tibériade (Lac de). — 4° Bien 
plus les prophètes s'en servent parfois pour désigner 
deux grands fleuves : le Nil, Is., xix, 5; Ezech., xxxn, 
2, et l'Euphrate. Jer., li, 36. — 5° Enfin ls mot yâm est 
employé pour indiquer « l'ouest » de la Palestine, la 
Méditerrannée formant la limite occidentale de ce pays. 
On trouve alors des expressions comme celles-ci : ruâh 
yâm, « le vent d'ouest, » Exod., x, 19; pe'af-yâm, « le 
côté occidental, » Exod., xxvn, 12; xxxvm, 12 (hébreu); 
yammâh, avec le hé local, « vers l'ouest. » Gen., xxvm, 
14; Exod., xxvi, 22. — La « mer de Jazer », dont il est 
question Jer., xlviii, 32, n'est sans doute due qu'à une 
faute du texte. Voir Jazer, t. m, col. 1150. — Hyperbo- 
Hquement, le mot « mer » s'applique à un vaste bassin 
d'airain, yâm han-nehôSét, destiné aux ablutions des 
prêtres et placé dans le parvis intérieur du Temple de 
Salomon. III Reg., vu, 23. Voir Mer d'airain, col. 982. 

III. Ce qu'a été la mer pour les Hébreux. — La 
mer n'a pas été pour les Hébreux, comme pour d'au- 
tres peuples, un moyen d'expansion, une source de 
richesses, excepté sous le règne de Salomon, III Reg., 
ix, 26-28, car le peuple choisi n'était pas destinéA^tre un 
peuple de marins. Mais elle a été pour eux ce Qu'elle est 
pour tout homme qui sait comprendre les grands spec- 
tacles de la nature, une image et une voix : l'image de 
l'infinie grandeur, de l'immensité du Dieu qui l'a créée, 
la voix de sa puissance. Comme le ciel, comme les 
montagnes, elle provoque en eux et en nous, avec le 
Sentiment de notre néant, l'hommage de l'adoration. Les 
poètes sacrés et les prophètes ont mieux que personne 
saisi, éprouvé l'un et l'autre. Ps. lxviii (lxix), 35; lxxxviii 
{lxxxix), 10; xciv (xcv), 6, etc. Aucune poésie profane 
n'a dépassé la magnifique description de Job, xxxvm, 

a-ii : 



Qui donc a enfermé la mer dans ses digues, 

Lorsqu'elle sortait impétueuse du sein maternel; 

Quand je lui donnai les nuages pour vêtement, 

Et pour lange» d'épais brouillards; 

Quand je lui imposai ma loi, 

Que je l'entourai de portes et de verroux; 

Que je lui dis ; Tu viendras jusqu'ici, et tu n'iras pas 

Ici se brisera l'orgueil de tes 'flots? [plus loin ;] 

Aucune des beautés de la mer n'a échappé aux auteurs 
inspirés : son immensité, la profondeur de ses abîmes, 
le soulèvement et le bruit de ses flots, la vie qu'elle ren- 
ferme en son sein avec ses innombrables poissons, les 
voies qu'elle ouvre aux navigateurs : 

Voici la vaste mer, aux immenses bras ; 

Là fourmillent sans nombre 

Des animaux petits et grands. 

Là se meuvent les navires, 

Et le léviathan que tu as tait pour s'y jouer. 

Ps. cm <civ), 25, 26. 

La mer offre en même temps à l'écrivain sacré une 
foule d'images. Les impies sont comme la mer agitée, 
qui ne peut s'apaiser, et qui gonfle ses flots pour pro- 
duire de l'écume et de la vase. Is., lvii, 20. La douleur 
de Jérusalem ruinée est grande comme la mer. Lam. 
il, 13. Celui qui prie sans confiance est semblable au 
flot de la mer sans cesse agité et poussé de côté et 
d'autre par le vent. Jac, i, 6. Les pécheurs sont compa- 
rés aux vagues furieuses de la mer, qui rejettent l'écume 
de leurs infamies. Jude, 13. Les multitudes de peuples 
ressemblent à une grande mer, qui répand au loin le 
bruit de ses vagues frémissantes. Is., xvii, 12. Elles sont 
souvent aussi assimilées au sable de la mer. Gen., xxn, 
17; Jos., xi, 4, etc. — Pour les rapports de la mer avec 
la Palestine, voir Méditerranée (Mer), col. 927. 

A. Legendre. 

2. MER DE GALILÉE. Voir Tibériade (Lac De). 

3. MER DE SEL OU TRÈS SALÉE. Voir MORTE (Mer). 

4. MER DES PHILISTINS. Voir MÉDITERRANÉE. 

5. MER DU DÉSERT. Voir Morte (Mer). 

6. MER (GRANDE). Voir MÉDITERRANÉE. 

7. MER MÉDITERRANÉE. Voir MÉDITERRANÉE, col.927. 

8. MER MORTE. Voir Morte (Mer). 

9. MER OCCIDENTALE. Voir MÉDITERRANÉE (MER), 
col. 927. 

10. MER ORIENTALE. Voir Morte (Mm). 

11. MER ROUGE. Voir Rouge (Mer). 

MER D'AIRAIN, vaste bassin d'airain que Salomon 
fit fabriquer pour le service du sanctuaire, et qui était 
destiné à remplacer la cuve d'airain que Moïse avait 
fait fondre autrefois, avec les miroirs des femmes, pour 
le service du Tabernacle. Exod., xxxvm, 8. Le culte 
consistant principalement en sacrifices sanglants, l'eau 
était indispensable pour laver les victimes et les prêtres. 
De là, chez les peuples anciens, le besoin d'accumuler l'eau 
dans de grands réservoirs pour le service des temples. 
Voir le vase d'Amathonte destiné à cet usage (fig. 255).— 
1° Dans sa campagne contre Adarézer, roi de Soba, voir 
t. i, col. 212, David prit une grande quantité de cuivre, 
dont ensuite Salomon employa une partie pour faire la 
mer d'airain, yâm han-nehosé(, 6âXa<T<ra f, x a ^*?j) mare 
xneum. I Par., xvm, 8. Le Tyrien Hiram fondit les diffé- 



MER D'AIRAIN 



984 



jentes pièces qui devaient composer la mer d'airain dans 
la vallée du Jourdain, entre Sochoth et Sarthan. Voir la 
carte du Jourdain, t. m, col. 1726. La terre argileuse qui 
se trouvait dans cet endroit lui permettait de faire les 



t 







, V : ■ 






-1 



255. — ^usl dAuu!!i"P>. D'après l'original. Musée du Louvre. 
(1-85 de hauteur, 2-20 de diamètre.) 

vastes moules dans lesquels il coula ensuite le métal. 
III Reg., vu, 46; II Par., iv, 17. Les pièces furent néces- 
sairement coulées chacune à part, puis transportées k 
Jérusalem, où le montage dut se faire sur place. 

2" La mer fondue, yâm mûçâq, mare fusile, se compo- 
sait d'un bassin circulaire et de sa base. Le bassin avait 
dix coudées d'un bord à l'autre et cinq de hauteur. Il s'agit 
ici très vraisemblablement non de la coudée vulgaire, de 
m 450, mais de la coudée du Temple, de m 525. Voir 
Coudée, t. n, col. 1060, 1061. Le bassin avait donc 5 m< 2ô 
de diamètre et 2 m 625 de haut. Le tour du bassin était de 
trente coudées, soit de lô^oX). La mesure est approxi- 
mative, le rapport du diamètre à la circonférence don- 
nant 16 m 493. La contenance de la mer d'airain est éva- 
luée en baths, le bath équivalant à 38 lit. 88 ; elle était 
de 2000 baths, soit 777 hectol. 60, d'après III Reg., 
vu, 26, et de 3000 baths, soit 1166 hectol. 66, d'après 




256. — Essai de restitution de la mer d'airain. 
D'après Smith, Dict. ofthe Bible, t. m, col. 1176. 

II Par., iv, 5, et Josèphe, Ant. jud., VIII, in, 5. Or, en 
prenant pour bases de calcul les mesures données pour 
la largeur et la hauteur de la pièce, et même en la suppo- 
sant parfaitement cylindrique, on ne lui trouve qu'une 
capacité de 564 hectolitres, si on compte d'après la coudée 
du Temple, et 357 hectolitres, d'après la coudée vulgaire. 
Mais comme le bassin avait une palme, soit m 086 
d'épaisseur, et que le bord supérieur s'évasait en forme 
de lis, la capacité en était certainement inférieure à celle 
d'un cylindre ayant la largeur et la hauteur indiquées. 
II faut donc en conclure que les chiffres ont souffert. 
Toutefois les dimensions en largeur et en profondeur 



sont identiques dans les livres des Rois et des Parali- 
pomènes, et ces dimensions étaient plus faciles à vérifier, 
quand on le voulait, que la capacité. Il est donc probable 
que l'erreur de transcription porte sur les baths. En 
adoptant le chiffre de 1000 baths, soit 388 hectolitres, on 




257. — Essai de restitution de la mer d'airain. 
D'après Babelon, Archéologie orientale, p. 242. 

se rapprocherait asseï, semble-t-il, de la réelle conte- 
nance de la mer d'airain. On a pensé aussi que la mer 
d'airain pouvait avoir une base, comme le bassin d'airan, 
que Moïse avait fait placer dans le sanctuaire pour les 
ablutions des prêtres, Exod., xxx, 17-20, et que cette 
base formait une sorte de bassin inférieur contenant 
aussi une certaine quantité d'eau pour les ablutions, 
II Par., rv, 6, ce qui permettrait d'atteindre les 2000 baths 
du texte. Mais cette supposition s'accorde peu avec la 
description de III Reg., vu, 23-26, qui fait reposer la 
mer d'airain directement sur les bœufs' d'airain, et ne 
parle de bases que pour les dix bassins roulants. III Reg., 
vu, 27-35. Il se peut enfin que la forme d'hémisphère que 
Josèphe, Ant. jud., VIII, ni, 5, attribue à la mer d'airain 




258. — Grands bassins devant un temple. Bas-relief assyrien. 
D'après Botta, Monument de Ninive, pi. 141. 

ait comporté à la partie médiane un renflement de dia- 
mètre plus considérable que le diamètre supérieur, ce qui 
augmenterait beaucoup la capacité du récipient (fig. 256). 
Il parait pourtant naturel que le diamètre assigné à la 
mer d'airain ait été pris dans sa plus grande largeur. 

3» La mer d'airain avait une ornementation particu- 
lière. Au-dessous du bord, deux rangs de coloquintes 



985 



MER D'AIRAIN 



986 



faisaient le tour de la mer. Voir Coloquinte, t. n, 
col. 859. Il y en avait dix par coudée ; elles mesuraient 
donc 0°052 de diamètre, et elles avaient; été coulées 
avec la masse. Le bord lui-même affectait la forme d'un 
bord de coupe en fleur de lis. Douze bœufs d'airain 
portaient le vaste bassin sur leurs croupes tournées 
vers le centre. Ils étaient disposés en quatre groupes de 
trois, la tête tournée vers les quatre points cardinaux. 
III Reg., vn, 24-26 (fig. 257). Cf. Babelon, Manuel d'ar- 
chéologie orientale, Paris, 1888, p. 242. Il est très probable 
que la mer d'airain était pourvue de conduits par lesquels 
l'eau se déversait, sans qu'on fût obligé de monter au 
sommet pour y puiser. Elle était alimentée par l'eau des 
sources situées au sud de Bethléhem, jaillissant à une 
soixantaine de mètres au-dessus de la plate-forme du 
Temple et amenées à Jérusalem par tout un système 
d'aqueducs. Voir Aqueduc, t. i, col. 799, 800. On n'a 
aucune donnée sur le procédé employé pour faire arriver 
l'eau dans la mer d'airain. Ce vaste bassin fut appelé 




259 Essai de restitution d'un bassin mobile. 

D'après Babelon, Archéologie orientale, p. 243. 

« mer » à cause de ses dimensions. Il était naturellement 
immobile sur ses lourdes bases. Il occupait un empla- 
cement au côté droit du Temple, au sud-est, par consé- 
quent à gauche quand on entrait dans le parvis des 
prêtres, entre le parvis d'Israël et l'autel. III Reg., vii, 
39. Par la suite, le roi Achaz, dans les transformations 
qu'il fit subir au Temple pour le conformer au goût 
assyrien, fit enlever les bœufs- qui soutenaient la mer 
d'airain et les remplaça par une base de pierre. IV Reg., 
xvi, 17. Il craignait sans doute que son allié et son pro- 
tecteur, le roi d'Assyrie, s'il venait jamais à Jérusalem, 
fût choqué de voir servir de soutien à un bassin des tau- 
reaux qu'on regardait à Ninive comme des représenta- 
tions de la divinité. Voir Chérubin, t. H, col. 666. Après 
la prise de Jérusalem, la mer d'airain fut mise en pièces 
par les Chaldéens, qui emportèrent le métal à Babylone. 
IV Reg., xxv, 13. Dans le second Temple, la mer d'airain 
fut remplacée par un kîyyôr, ou bassin dans lequel arri- 
vait l'eau d'Étham. Le grand-prêtre Simon, fils d'Onias, 
fit des travaux pour l'adduction de l'eau en quantité 
abondante. Eccli., h, 3. Le bassin d'airain était pourvu 
de deux ouvertures par lesquelles l'eau coulait. Pour 
plus de commodité dans le service des prêtres, Ben 
Katin porta les ouvertures au nombre de douze. Il inventa 
également une sorte de pompe en bois qui, ajustée au 
bassin, permettait de le vider le soir et de le remplir le 
matin, les docteurs ayant jugé que la souillure atteignait 
tout ce qui restait dans un des récipients du sanctuaire 
pendant la nuit. Cf. Yoma, in, 10; Tamid, in, 8;Middoth, 
m, 6; Clemens, De labro xneo, Utrecht, 1725, et dans 



le Thésaurus d'Ugolini, t. xrc ; Reland, Antiquitates 
sacrée, Utrecht, 1741, p. 57. 
4> L'idée de la mer d'airain peut avoir été inspirée par 




260. — Modèle de vase à roues de Larnaca. 

D'après Furtwangler, Sittungsberichte der phil. Classe der 

K. Bayer. Akademie, part, n, 1899, p. 411. 

des ustensiles analogues en usage dans les pays chal- 
déens (fig. 258). On a retrouvé à Ninive des bassins ayant 
près de deux mètres de large; on en voit plusieurs, scul- 
ptés dans les bas-reliefs, qui sont portés par des bœufs. 
Cf. Layard, Nineveh and Babylon, Londres, 1853, p. 180. 
Les anciens Chaldéens fondaient de vastes bassins qu'ils 




261. — Autre vase à roues d'EnkÔmi (Chypre). 
D'après Furtwangler, Sitzungsberichte, 1899, part, n, p. 414. 

plaçaient à la porte de leurs temples pour servir à la pu- 
rification des adorateurs; ils donnaient à ces vases le nom 
à'abzou, le même qui sert à désigner l'océan céleste au 
sein duquel le monde repose. A Lagasch, le roi Ourninà 
avait ainsi établi une «t grande mer » et une « petite mer », 
Cf. Sayce, dans les Records of tfie Past, sér. il, t. i, 
p. 65, note 1 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 756. 



987 



MER D'AIRAIN — MÉRARITES 



5° Pour compléter l'utilité de la mer d'airain, Salomon 
fit exécuter dix bassins ayant chacun quatre coudées, soit 
2 m 10, de large, et contenant 40 baths, soit 15 hectol. 55. 
La hauteur n'est pas indiquée. Si elle était seulement de 
deux coudées, soit IKS, et que le bassin fût cylindrique, 
la capacité de ce dernier montait déjà à plus de 70 hec- 
tolitres. La largeur attribuée au bassin comprend donc ses 
ornements extérieurs; quant à sa profondeur, elle devait 
être médiocre. Chaque bassin était monté sur une base 
d'airain, composée de quatre panneaux ajustés à angle 
droit et décorés de chérubins, de lions, de palmes et de 
guirlandes. Cette base quadrangulaire avait quatre cou- 
dées, soit 2 m 10 de côté, et trois coudées, soit l ra 57 de 
hauteur. L'ensemble était monté sur quatre roues d'ai- 
rain. Au-dessus de la base quadrangulaire était un cercle 
d'une demi-coudée, soit m 26 de hauteur, servant sans 
doute à relier la base au bassin lui-même. Aux quatre 
coins, des espèces de consoles assuraient la stabilité des 
différentes pièces. Malgré l'imprécision de cette descrip- 
tion, on a essayé diverses restitutions (fig. 259) des bas- 
sins mobiles, mais elles ne sont pas satisfaisantes. Des 
bronzes découverts dans l'île de Chypre donnent une idée 
un peu plus nette de ce que pouvaient être ces bassins, 
sauf quant aux dimensions. On a trouvé à Larnaka un 
bassin de bronze composé d'une vasque hémisphérique, 
montée sur des pieds qui sont eux-mêmes pourvus de 
roulettes (fig. 260). L'ensemble a 0-39 de haut et 0-33 de 
large ; il pèse 9 kilogrammes 25. Ce petit meuble est d'une 
grande simplicité. Cf. A. Furtwângler, dans les Sitzungs- 
berichte der philosoph.-philolog . und histor. Classe der 
kônig, bayer. Akademie der Wissenschaften, Munich, 
part, il, 1899, n. 3 ; B. Stade, dans la Zeitschrift fur die 
alltestam, Wissenseha.fi, 1901, p. 145. D'après le texte 
biblique, les bassins du Temple auraient été un peu plus 
compliqués de forme, probablement à raison de leurs 
plus grandes dimensions. Un autre meuble analogue à 
celui de Larnaka a été trouvé à Enkômi (fig. 261). Mais 
il est assez mal conservé. Cf. A. Murray, dans le Journal 
of Royal Instit. of Brilish Architects, VU, 1899, p. 20. 
— Les bassins étaient placés cinq à droite et cinq à 
gauche, à l'entrée du parvis des prêtres. III Reg., vu, 
27-39; II Par., iv, 6. Le texte ne dit pas de quelle ma- 
nière étaient alimentés les dix bassins. 11 est peu probable 
que l'eau qui leur était destinée fût puisée dans la mer 
d'airain ; on roulait sans doute ces bassins jusqu'à une 
prise d'eau disposée de telle manière que le liquide pût 
se déverser dans ces récipients dont l'ouverture se trou- 
vait à environ trois mètres de hauteur. L'eau coulait en 
bas par des conduits ménagés dans les bases quadran- 
gulaires ; elle servait spécialement à laver les diverses 
parties des victimes offertes en holocauste. II Par., iv, 
6. Cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, m, 6. Le roi Achaz fit 
enlever les bases d'airain qui supportaient les bassins. 
IV Reg., xvi, 17. Plus tard les Chaldéens les retrouvèrent 
dans le Temple et les emportèreat. IV Reg., xxv, 13. 

H. Lesêtre. 

MÉRAIOTH (hébreu : Merayôt), nom de deux ou trois 
descendants d'Aaron. La Vulgate l'a écrit Maraïoth dans 
plusieurs passages. Voir Maraïoth, col. 711. 

1. MÉRAIOTH (Septante : MapiïjX; Alexandrinus : 
MapatiiB), grand-prêtre, descendant d'Aaron parÉléazar, 
fils de Zaraïas et père d'Amarias. I Par., vi, 6-7, 50-52 
(hébreu, v, 32-33; vi, 35-37). Esdras le compte parmi ses 
aïeux. I Esd., vu, 3. Dans ce passage, la Vulgate (voir 
col. 712) écrit son nom Maraïoth (Septante : MapetiB). Di- 
vers commentateurs croient que le Merayôt (Vulgate : 
Maraïoth; Septante : MapaftiO; Alexandrinus : Maptcifl) 
nommé, I Par., ix, 11, et II Esd., XI, 11, entre Sadoc et 
Achitob, est le père d'Amarias, qui ne se trouverait à cette 
place que par transposition. Achitob et Sadoc étaient ses 
descendants par son fils Amarias. D'après Lightfoot, A 
Prospect of the Temple Service, iv, 1, dans ses Works, 



2 in-f», Londres, 1684, t. i, p. 907, il aurait été le prédé- 
cesseur immédiat du grand-prêtre Héli dans le souverain 
sacerdoce et c'est à sa mort que le pontificat serait passé 
de la ligne d'Êléazar dans celle d'Ithamar. 

2. MÉRAIOTH, prêtre, fils de Sadoc et père d'Achitob. 

I Par., ix, 11; II Esd., xi, 11. D'après plusieurs com- 
mentateurs, il n'y aurait aucune interversion dans ces' 
deux passages des Livres Saints et ce Méraioth serait 
différent du précédent. Voir Méraioth 1. 

3. MÉRAIOTH (Septante :M«ptwe), chef d'une famille 
sacerdotale qui était représentée par flelci (t. m, col. 565), 
du temps du grand-prêtre Joacim. II Esd., xil, 15. La Vul- 
gate écrit son nom Maraioth. Voir Maraïoth 2, col. 712. 
Certains commentateurs l'identifient avec le Merimuth de 

II Esd., xii, 3. Voir Merimuth et Marimuth 1, col. 820. 

MÉRALA (hébreu :Mar'âlâh, « tremblant [?]; » Sep- 
tante : MayeXSà), ville frontière de la tribu de Zabulon, 
sur les confins d'Issachar, entre Sarid et Debbaseth, 
Jos., xix, 11. L'identification n'en est pas certaine, mais 
on peut placer avec probabilité le site de Mérala à Ma'lûl, 
au sud-ouest de Nazareth, au nord de Tell' Schordûd 
(Sarid), à l'ouest de Debûriyeh (Dabéreeth, t. n, 
col. 1195) et au nord-est de Djébata (Debbaseth, t. il, 
col. 1327). Ma'lûl est un village situé sur le sommet d'une 
colline où l'on remarque des d ébris antiques, pierres scul- 
ptées, fragments de colonnes et les ruines d'une ancienne 
église ; aux alentours sont des tombeaux creusés dans le 
roc. A quelque distance est la fontaine de 'Aïn Ma'lûl. 
Porter, Handbook for Syria and Palestine, 1868, p. 364. 
Voir la carte d'IsSACHAR, t. m, vis-à-vis la col. 1007: 
V. Guérin, Galilée, t. i, p. 387-390, a identifié MaHul 
avec Nahalal. Cette identification paraît moins probable. 

MÉRARI (hébreu : Merdrî, « triste; » Septante : 
Mspapi), nom de deux Israélites. 

1. MÉRARI, troisième et dernier fils de Lévi. Gen.,XLvi, 
11; Exod., vi. 16; Num., m, 17; I Par., vi, 1, 16; xxni, 
6. Tout ce que nous savons de sa personne se réduite 
ces deux points - , il accompagna Jacob en Egypte, Gen., 
XL vi, 11, et il eut deux fils, Moholi et Musi. Exod., vi, 
19; Num., jii, 20; I Par., vi, 19, 29; xxm, 21. Mais sa 
descendance joua un rôle important dans la suite de 
l'histoire sainte : elle forma, sous le nom de Mérarites, 
la troisième grande division des lévites. Voir Mérarites. 
— I Par., xxiv, 26-27, attribue d'autres fils, entre autres 
Oziaù, à Mérari, mais ce passage paraît altéré. Voir Oziaû. 

2. MÉRARI, de la tribu de Siméon, fils d'Idox et père 
de Judith, la libératrice de Béthulie. Judith, vm, 1 ; xvi, 8. 

MÉRARITES (hébreu : ham-Merarî; Septante : A 
Mapapt), famille de lévites, descendant de, Mérari. 
Num., xxvi, 57. La Vulgate les appelle Meraritœ dans ce 
passage et Num., iv, 33. Partout ailleurs ils sont dési- 
gnés sous le nom de « fils de Mérari ». Num., îv, 29, etc. 

1» Pendant l'exode. — A l'époque de la sortied'Ëgypte, 
ils étaient divisés en deux branches, les Moholites et les 
Musites. Num., m, 33. Le chef des Mérarites était alors 
Suriel, fils d'Abihaïel. Le nombre de ses membres était 
de six mille deux cents âgés d'un mois et au-dessus, 
Num., ni, 34-35, et de trois mille 'deux cents âgés de 
trente à cinquante ans. Num., iv, 42-45. Ils furent placés 
sous la direction d'Ithamar, fils d'Aaron, et chargés, 
dans le désert du Sinaï, de porter, en qualité de descen- 
dants du plus jeune des fils de Lévi, les parties les moins 
importantes des ustensiles sacrés, les planches du taber- 
nacle, ses colonnes et ses bases, les colonnes du parvis 
avec les pieux et les cordages et tout l'ameublement qui 
en dépendait. Num., m, 36-37; iv, 31-33. Pour transpor» 



'989 



MÉRARITES — MERCENAIRE 



990, 



ter ce lourd matériel, ils reçurent quatre chariots et 
huit bœufs. Num., vu, 8. En marche, ils suivaient im- 
médiatement, avec les Gersonites, l'étendard de Juda et 
précédaient ainsi l'étendard de Ruben. Num., x, 11-18. 
Ils occupaient cette place, afin d'arriver les premiers des 
lévites au campement avec les Gersonites et de pouvoir 
dresser le tabernacle de sorte qu'il fût prêt à recevoir 
le sanctuaire qui était porté par les Caathites, derrière 
la tribu de Ruben. Num., x. 21. Pendant les campe- 
ments, les fils de Mérari campaient au nord du taber- 
nacle. Num., m, 35. Lors du second recensement des 
Lévites fait par Moïse et Éléazar dans les plaines de 
Moab, près du Jourdain, les deux branches de Mérarites, 
les Moholites et les Musites, furent dénombrées avec 
leurs frères, mais l'auteur sacré ne donne que le total 
général des lévites, qui fut de vingt-trois mille depuis 
un mois et au-dessus. Num., xxvi, 57-62. 

2. Sous Josué. — Il n'est plus question des fils de Mé- 
rari jusqu'au partage de la Terre Promise. A cette époque, 
on leur assigna pour leur part douze villes avec leurs 
faubourgs, quatre dans la tribu de Zabulon : Jecnam 
(t. m, col, 1213), Cartha (t. H, col. 324), Damna (t. n, 
col. 1231) et Naalol; quatre dans la tribu de Ruben : 
Bosor, Jaser (voir Jasa, t. m, col. 1138), Cadémoth 
(t. n, col. 12), (Jethson) (t. m, col. 1523) et Méphaath (la 
Vulgate ajoute en trop Misor); et enfin quatre dans la 
tribu de Gad : Ramoth de Galaad, qui fut une ville de 
refuge pour les meurtriers, Manaïm ou Mahanaïm 
(col. 571), Hésébon (t. m, col. 657) et Jaser (voir Jazer, 
t. m, col. 1150). Jos., xxi, 7, 34-40. Cette liste des villes 
mérarites se retrouve dans I Par., vi, 63, 77-81, à quelques 
différences près. Deux des villes de Zabulon, Jecnam et 
Cartha, sont omises; Damna est devenue Remmono, 
leçon qui parait assez probable (voir Damna, t. u, col. 1231 
et Naalol a été transformé enThabor, changement qu'il est 
difficile d'expliquer. Voir Jethson, Naalol et Thabor 2. 

3° A l'époque des rois. — Nous ne savons rien de 
l'histoire des Mérarites pendant la période des Juges et 
le règne de Saûi, en dehors des listes généalogiques, 
I Par., vi, 44-47; mais ils jouèrent un rôle important 
avec les autres lévites sous le règne de David. Après 
la conquête de Jérusalem, ils prirent part à la fête de 
la translation de l'Arche de la maison d'Obédidom 
à Sion, au nombre de deux cent vingt, sous la con- 
duite d'Asaïa, leur chef (voir Asaïa 3, t. i, col. 1055). 
I Par. xv, 6. Plusieurs d'entre eux, en particulier Éthan, 
y figurèrent parmi les musiciens. I Par., xv, 16-19. 
Ethan (t. il, col. 2004), appelé aussi Idithun (t. ni, col. 807), 
devint l'un des trois chefs de chœur de la maison de 
Dieu, dans l'organisation religieuse établie par David, 
et il eut ainsi sous ses ordres les Mérarites, qui formè- 
rent un tiers des musiciens et des chantres du Temple, 
I Par., xxui, 6, 21-23, et furent sous la direction de ses 
six fils. I Par., xxv, 1 , 3, 9-17. Dans les cérémonies sacrées, 
les fils de Mérari étaient placés à gauche. I Par., vi, 44. 
Ils servaient les prêtres dans l'oblation des sacrificas et 
remplissaient aussi, quelques-uns du moins, les fonc- 
tions de portiers. I Par., xvi, 41-42; lx, 14, 23; cf. xxm, 
5-6. — L'Écriture ne nous apprend rien de spécial sur 
leur histoire, depuis David jusqu'à la captivité de Ba- 
bylone, excepté sous le règne d'Ézéchias, où^elle énu- 
mère des descendants de Mérari parmi les lévites qui 
purifièrent le Temple. II Par., xxix, 12-15, et sous le 
règne de Josias, où deux Mérarites, Jahath et Abdias, 
furent chargés, avec deux Caathites, de diriger les répa- 
rations du Temple. II Par., xxxiv,12. 

4« Après la captivité. — Un certain nombre de Mé- 
rarites revinrent de Babylone et de la Chaldée après 
l'édit de Cyrus et quelques-uns d'entre eux s'établirent 
à Jérusalem, Séméia, I Par., ix, 14; II Esd., xi, 15; 
Obdia. I Par., ix, 16; II Esd., xi, 17. D'autres Mérarites 
accompagnèrent aussi Esdras quand il se rendit en Ju- 
dée. I Esd., vm, 18-19. — Pour les deux autres branches 



lévitiques, voir Caathites, t. i, col. 3, et Gersonites, 
t. m, col. 214. F. ViGOUROlïX. 

MERCATOR Gérard, géographe, né à Ruppelmonde 
le 5 mars 1512, mort à Duisbourg le 2 décembre 1594. 
Après avoir commencé ses études à Bois-le-Duc, il les 
continua à Louvain, s'appliquant surtout à la philosophie 
et aux mathématiques. Vers 1559, il se fixa à Duisbourg 
et reçut le titre de cosmographe du duc de Clèves. 
Parmi ses ouvrages on remarque : Hamionia Evange- 
listarum, in-4°, Duisbourg, 1592, dirigé contre Ch. Du- 
moulin. Citons encore de ce célèbre géographe : Am- 
plissima Terrx Sanctsedescriptio, in-f°, Louvain, 1537; 
Chronologie/, sive temporurn detnonstratio ab initio 
mundi usque ad annum Christi i568 ex eclypsibus, 
observationibus astronomicis, sacrée Scripturse testimo- 
niis et optimis quibusque auctoribus concinnata, in-8', 
Bâle, 1577. — Voir G. Ghymn, Vie de Mercalor, en tête 
de l'édition de V Atlas, publiée en 1630; Valère André, 
Biblioth. Belgica, p. 280. B. Heurtebize. 

MERCENAIRE (hébreu : sâkîr; Septante : [u<t6mt('ç; 
Vulgate : mercenarius), celui qui est engagé à prix 
d'argent pour servir ou travailler. 

I. Artisans. — 1° Le mercenaire diffère de l'esclave en 
ce qu'il possède la liberté, ne se loue que pour un temps 
déterminé et reçoit un salaire. Les Hébreux employaient 
comme mercenaires soit des compatriotes, soit des étran- 
gers. L'Israélite que la nécessité obligeait à se vendre 
devait être traité non comme esclave, mais comme mer- 
cenaire. Lev., xxv, 40, 50, 53. Il fallait du reste lui 
rendre la liberté au bout de la sixième année en lui 
donnant son salaire. Deut, xv, 18. La Loi prescrivait 
expressément de traiter avec douceur le mercenaire, 
tant Israélite qu'étranger, et de lui payer son salaire 
avant le coucher du soleil. Lev., xix, 13; Deut., xxiv, 
14, 15. Le mercenaire avait droit de se nourrir des 
fruits spontanés de l'année sabbatique. Lev., xxv, 6. 
Mais, s'il était étranger, il ne pouvait manger ni la 
Pàque, Exod., XH, 45, ni les choses saintes offertes dans 
les sacrifices. Lev,, xxn, 10. — 2° Jacob se loua comme 
mercenaire chez Laban pour deuxpériodes de septannées. 
Gen., xxix, 18, 27. Les affamés se louent pour gagner 
leur pain. I Reg., n, 6. Salomon, pour la construction 
du Temple, prit à gage un grand nombre de mercenaires 
phéniciens et israélites. III Reg., v, 6; II Par., n, 10. Le 
roi Joas loua' aussi des ouvriers pour réparer l'édifice. 
Il Par., xxiv, 12. L'ange Raphaël remplit en quelque 
manière l'office de mercenaire auprès de Tobie. Tob., 
v, 17. L'Évangile mentionne des mercenaires au service 
du pêcheur Zébédée, Marc, i, 21, dans la maison du 
père du prodigue, Luc, xv, 17, 19, à la vigne du père 
de famille, Matth., xx, 1-8; etc. Il était considéré comme 
dangereux de prendre à gage les insensés et les pre- 
miers venus. Prov., xxvi, 10. — 3° La journée du mer- 
cenaire était rude, surtout sous le climat palestinien. 
L'auteur de Job, vu, 1, en fait une image de la vie 
humaine, et marque la joie du mercenaire à la fin de 
la fjournée. Job, xiv, 6. Cf. Matth., xx, 12. Les années 
« comme celles du mercenaire », dont parle Isaïe, xvi, 
14; xxi, 16, sont des années auxquelles on n'ajoutera pas 
un seul jour, mais qui seront en même temps des années 
pénibles. Le mercenaire est naturellement intéressé, et 
il soupire après son salaire, Job, vu, 2, auquel du reste 
H a pleinement droit. Matth., x, 10; Luc, x, 7; I Tim., 
v, 18. Il ne faut donc pas faire tort au mercenaire, qui use 
sa vie au service de celui qui l'emploie. Eccli., vu, 22. 
Le frauder serait commettre une sorte d'homicide. Eccli., 
xxxiv, 27. La question du salaire des mercenaires revient 
assez souvent dans la Sainte Écriture, Lev.,xix,13;Tob., 
rv, 15; Agg., i, 6 ; Mal., lu, 5; Jacob., v, 4; etc., ce qui 
donne à penser que les règles de la justice avaient besoin 
d'être rappelées à ce sujet. Voir Salaire. De son côté, le 



991 



MERCENAIRE — MERCURE 



992 



mercenaire envisageait surtout son gain ; son dévouement 
n'égalait pas celui du propriétaire qui travaille pour son 
avantage personnel. Joa., x, 12, 13. Dans ce passage, 
Notre-Seigneur compare le faux pasteur au mercenaire 
qui ne sait pas donner sa vie pour son troupeau. 

II. Soldats. — Au temps des Juges, Abimélech employa 
soixante-dix sicles d'argent à se constituer un corps de 
misérables et de gens prêts à tout pour l'aider dans ses 
projets ambitieux. Jud., ix, 4. Sur les mercenaires enga- 
gés dans l'armée à l'époque d'Amasias, IV Reg., vin, 20- 
22; II Par., xxv, 6, et sous les Machabées, voir Armée 
chez les Hébreux, 1. 1, col. 981. Pour se défendre contre 
David, les Ammonites enrôlèrent des mercenaires recru- 
tés en Syrie et dans les pays voisins. II Reg., x, 6; 
I Par., xix, 6, 7. Pendant que Bénadad, roi de Syrie, 
assiégeait Samarie, son armée, prise de panique, s'ima- 
gina que les Israélites avaient pris à leur solde des 
troupes héthéennes et égyptiennes, et elle prit la fuite. 
IV Reg., vu, 6. Jérémie, xlvi, 21, prédisant l'invasion 
de l'Egypte par Nabuchodonosor, dit : « Ses mercenaires 
sont au milieu d'elle comme des veaux engraissés ; eux 
aussi, ils tournent le dos et fuient sans résistance. » La 
décadence de l'esprit militaire s'était en effet accentuée 
chez les Égyptiens depuis les derniers Ramessides. Dès 
la xxi e dynastie, « les mercenaires constituaient la por- 
tion la plus effective et la plus vivace des armées pha- 
raoniques. » Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, Paris, t. n, 1897, p. 765-768. Ces 
mercenaires étaient des Libyens, qui envahirent ainsi 
peu à peu la vallée du Nil, y reçurent une haute solde, 
se firent une vie facile et large et devinrent à la longue 
les maîtres de leurs maîtres. A la veille de l'invasion 
chaldéenne, Apriès avait dû recourir aux mercenaires 
étrangers. Cf. Hérodote, h, 163. Amasis, qui lui succéda 
après l'avoir détrôné et eut à subir le choc des Chal- 
déens, ne put le faire qu'à l'aide des mercenaires. 
Cf. Maspero, Hist. anc., t. m, 1899, p. 554-558. 

Le général syrien, Timothée, prit avec lui des merce- 
naires arabes pour attaquer Judas Machabée. I Mach., 
v, 39. Antiochus Eupator avait aussi des armées merce- 
naires, utrôwraf, conductitii, 1 Mach., yi, 29. Dans les 
armées grecques et les armées romaines, tous les sol- 
dats étaient mercenaires, en ce sens qu'ils touchaient 
une solde. Les auxiliaires romains qui servaient en j 
Palestine à l'époque évangélique se trouvaient naturelle- 
ment dans ce cas. C'est pourquoi saint Jean-Baptiste les 
exhortait à se contenter de leur solde. Luc, m, 14. 

H. Lesètre. 

MERCURE (grec : 'Epiir,?), un des douze grands dieux 
de l'Olympe grec (iig. 262). — 1° Il est nommé dans les 
Actes, xiv, 11 (12). D'après la mythologie, il était fils de 
Jupiter et de Maïa, fille d'Atlas. Il accompagnait ordinaire- 
ment son père Jupiter dans ses courses sur la terre, par 
exemple lorsque l'un et l'autre reçurent en Phrygie l'hos- 
pitalité de Philémon et de Beaucis. Ovide, Metam., vin, 
620-724. Cf. Fast., v, 495. Ce conte était populaire en 
Asie Mineure et c'est là sans doute ce qui porta les 
habitants de Lystre en Lycaonie à s'imaginer que ces deux 
divinités leur apparaissaient en la personne de Paul et 
de Barnabe. A la vue d'un paralytique de naissance, qui 
n'avait jamais marché, et qui fut guéri miraculeusement 
par saint Paul, la foule émerveillée s'écria en lycaonien : 
« Les dieux se sont faits semblables aux hommes et ils 
sont descendus au milieu de nous. » Act., xrv, 10. Ils 
prirent donc les deux apôtres pour Jupiter et Mercure. 
Ce dernier, d'après la mythologie, était le messager des 
dieux, Homère, Odyss., v, 28; Hymn. in Herm., 3, et 
de Jupiter, Odyss., I, 38, 84; lliad., xxiv,333, le dieu de 
l'éloquence, Odyss., i, 86; Horace, Od., I, x, 1; ©sô; ô 
tûv Xéycov ï|-re[iwv, dit Jamblique. Cf. Roscher, Lexikon, 
t. i, col. 2362, 2388. Paul ayant porté la parole en cette 
circonstance devint Mercure à leurs yeux et son compa- 
gnon fut Jupiter. On voulut donc les honorer en cette 



qualité et leur offrir un sacrifice de taureaux selon les 
rites païens, ce que les deux missionnaires ne purent 
empêcher qu'à grand'peine. Act., xiv, 11-17. — Mercure 
était communément représenté comme un jeune homme 
élancé et imberbe. C'est à tort que quelques commen- 
tateurs ont essayé de se représenter ce qu'était physique- 
ment saint Paul en supposant que les Lystriens avaient 
dû trouver quelque ressemblance entre sa personne et 
les statues du dieu. L'Apôtre n'avait ni caducée, ni pé- 
tase, ni ailes aux talons, comme le dieu grec. Il fut 
simplement considéré comme le porte-parole de son 
compagnon et pris à ce titre pour le dieu Hermès, qu'on 
qualifiait d'ippuiveûî, interpres Divum. Virgile, Mneid., 
iv, 356. Cf. W. H. Roscher, Ausfûhrliches Leocikon der 
griechischen und rômischen Mythologie, Leipzig, t. i, 
1884-1890, col. 2342-2432; cf. t. n, col. 2802-2834. 

2» Le pétase, nétairoç, chapeau à larges bords dont 
était coiffé Mercure, apparaît dans II Mach., iv,12, dans 
une locution grecque (la Vulgate a traduit par fornix) 
qui signifie que le grand-prêtre hellénisant Jason (voir 
Jason 4, t. m, col. 1141), ayant établi un gymnase à la 




262. — Zeus et Hermès. Vase peint. 
D'après Gerhard, Etrusk Vasen, pi. vin, p. 10. 

façon des Grecs, à Jérusalem, « y convoquait les jeunes 
gens aux exercices gymnastiques. » Cela se disait en 
grec, \>iit> icéiaoov ^ev, parce que le dieu du pétase était 
le modèle et le protecteur des gymnastes. Cf., sur 
II Mach., iv, 12, J. Frd. Schleusner, Novus Thésaurus 
Veteris Testamenti, 1820, t. iv, p. 327. 

3° Le dieu Mercure est nommé dans la Vulgate, dans le 
livre des Proverbes, xxvi, 8. Là où le texte hébreu porte : 

C'est attacher une pierre à une fronde 
Que de rendre des honneurs à un insensé, 

La Vulgate dit : 

Comme celui qui jette une pierre dans le monceau de Mercure 
(acervus Mercurii), 

Ainsi est celui qui rend honneur à un insensé. 

h'acervus Mercurii était un tas de pierres. Nous lisons 
dans le Liber Glossarum publié dans les Œuvres de 
saint Isidore de Séville, t. Lxxxm, col. 1360, Mercurius, 
lapidum congeries in cacumine collium. Cf. Macri, 
Hierolexikon, 6» édit., 2 in-4», Bologne, 1765-1767, au 
mot Acervus Mercurii, t. I, p. 11-12. Saint Jérôme a 
donc rendu le sens de l'hébreu par une sorte de pro- 
verbe latin : honorer un insensé est aussi déraisonnable* 
que de jeter une pierre dans un tas de pierres, comme 
qui dirait : jeter une goutte d'eau dans une rivière. Les 
Septante et la Peschito ont traduit l'hébreu {margêmâh) 



993 



MERCURE 



MÈRE 



094 



par « fronde », comme dans la traduction de l'hébreu ci- 
dessus, mais d'autres le traduisent par « tas de pierres ». 
Ainsi Gesenius, Thésaurus, p. 1263. F. Vigouroux, 

MERE (hébreu : 'êm, correspondant à l'assyrien 
ummu, et quelquefois hôrdh; Gen., xlix, 26; Cant., m, 
4; Ose. il, 7, ou yôlédét, Prov., xvn, 25; xxm, 35; Jer., 
xv, 9, deux mots signifiant « celle qui engendre »; Sep- 
tante : fi^Ttip, xsxoOffa, xi'xxouaa; Vulgate : mater, geni- 
trix), celle qui porte en son sein et engendre des enfants. 

1» Différents sens du mot. — Outre son sens natu- 
rel, le plus ordinairement employé, le mot 'êm peut 
encore désigner, par extension, la belîe-mère,Gen. , xxxvu, 
10; cf. xxxv, 19; la grand'mère, III Reg., xv, 10; l'an- 
cêtre en général, Gen., m, 20; Ezech., xvi, 3; celle qui 
remplit des fonctions presque maternelles vis-à-vis d'un 
peuple, Jud., v, 7, et une nation par rapport à ses en-, 
fants. Is., l, 1; Jer., l, 12; Ose., iv, 5. Le même mot 
s'emploie en parlant des animaux. Exod., xxn, 29; xxm, 
19; Deut., xxn, 6. Par assimilation, on donne le nom de 
« mère » à ce qui est une cause. Ainsi la sagesse est la 
mère de toutes sortes de biens et de vertus. Sap., vu, 
12; Eccli., xxiv, 24. Il en est de même de la justice. 
Eccli., xv, 2. Babylone est la mère des fornications. 
Apoc, xvn, 5. La « mère des chemins » est un carre- 
four, d'où les chemins prennent naissance. Ezech., xxi, 
26 (hébreu). Le sépulcre est comme la mère de tous les 
hommes, parce qu'il les recevra tous dans son sein. 
Eccli., xl, 1. En renversant la métaphore, Jérémie, xx, 
17, eût souhaité que le sein de sa mère fût son sépulcre. 
Job, xvn, 14, appelle la pourriture du tombeau sa mère, 
parce qu'il descendra dans son sein. La Jérusalem cé- 
leste abritera les enfants de Dieu dans son sein; c'est 
pourquoi elle est comme leur mère. Gai., iv, 26. Enfin 
on nomme « ville-mère » ou métropole, celle qui exerce 
son action sur d'autres villes inférieures. II Reg., xx, 19. 
On trouve dans des inscriptions le titre de « mère de la 
synagogue », attribué sans doute à des femmes qui avaient 
bien mérité de la communauté, parmi les Juifs de la 
dispersion. Cf. Corp. inscrip. lat., t. v, n» 4411; t. vi, 
n° 29756. — En donnant lé nom de mère, de frères ou 
de sœurs à ceux qui écoutent sa parole, le Sauveur veut 
indiquer que, par leur fidélité à la grâce, ses disciples 
contractent avec lui des liens plus étroits que tous ceux 
de la nature. Matth., xn, 47, 50. 

2° Le sein de la mère. — C'est une malédiction pour 
la mère d'être stérile. I Reg., xv, 33. En faisant cesser 
cette stérilité, Dieu rend la mère joyeuse. Ps. cxm (cxn), 
9. La femme fidèle aux obligations de la vie chrétienne 
arrive au salut en engendrant des enfants. I Tim., n, 
15. L'expression « dès le sein de la mère » revient sou- 
vent pour marquer que quelqu'un a reçu ou fait telle 
chose depuis qu'il est au monde. Jud., xm, 7; xvi, 17; 
Job, xxxi, 18; Ps. xxu (xxi), 11; lxxi (lxx), 6; cxxxix 
(cxxxviii), 13; Eccli., xl, 1; xlix, 9;l, 24; Is., xnx, 1; 
Matth., six, 12; Luc, i, 15; Act,, m, 2; xiv, 1; Gai., i, 
15, etc. On dit dans le même sens « dès les mamelles 
de la mère ». Ps. xxn (xxi), 10. 

3° Les fils de la mère. — A cause de la polygamie 
en vigueur chez les Hébreux, les enfants du même père 
sont distingués entre eux par le nom de leurflière. Voilà 
pourquoi les historiens sacrés ne manquent' pas de nom- 
mer la mère des rois ou des personnages considérables. 
III Reg., xi, 26;xrv,31;xv, 2,10;xxm, 42;IVReg., vm, 
26; xn, 1; xiv, 2; xv, 2, 33;xvm, 2; xxi, 1, 19; xxn, 1; 
xxm, 31, 36; xxiv, 8, 18; I Par., n, 26; II Par., xn, 13; 
xm, 2;xx,31; xxn, 2; xxiv,l; xxv, 1; xxvi, 3; xxvn, 1; 
xxix, 1. On appelait ses frères maternels « fils de ma 
mère ». Gen., xx, 12; Deut., xm, 6; Jud., vm, 19. On 
aimait ses frères utérins bien plus que les autres, Cant., 
vm, 1; il était plus grave de leur manquer d'égards, 
Gen., xxvn, 29, et plus cruel d'être maltraité ou. aban- 
donné par eux. Cant., i, 5; Ps. l (xlix), 20; lxix (lxviii), 

PICT. DE LA BIBLE. 



9. Par contre, les défauts d'un fils faisaient la honte de 
sa mère, parce qu'on supposait que les fils du même 
père, mais d'une autre mère, n'avaient pas ces défauts. 
Prov., x, 1; xxix, 15. Saûl, reprochant à son fils Jona- 
thas son amitié pour David, ne manque pas de lui dire 
qu'il agit ainsi à la honte de sa mère. I Reg., xx, 30. 

4° L'amour maternel. — L'amour de la mère pour 
l'enfant apparaît souvent dans la Sainte Écriture, C'est 
Agar qui ne veut pas voir mourir son enfant au désert 
et pleure loin de lui, Gen., xxi, 14-16; la mère de Moïse 
surveillant son enfant confié aux eaux du Nil, Exod., n, 
2-9; Anne prenant soin de son fils Samuel, I Reg., i, 
22-24; la pauvre prostituée qui paraît au jugement de 
Salomon et préfère abandonner son fils à sa rivale plu- 
tôt que de le laisser périr, III Reg., ni, 26, 27; la veuve 
de Sarepta qui obtient d'Élie le retour de son fils à la 
vie, III Reg., xvn, 17-24; la femme de Sunam dont 
l'enfant, hiort d'insolation, est ressuscité par Elisée, 
IV Reg., rv, 18-21, 35; la mère de Tobie qui verse des 
larmes intarissables sur le départ et l'absence de son 
fils, Tob., v, 23-28; x, 4; la mère des Machabées qui, 
par son amour héroïque, encourage ses enfants au mar- 
tyre, II Mach., vu, 1-41; la veuve de Naïm dont la 
douleur touche le Sauveur, Luc, vu, 12-15; la Chana- 
néenne qui brave même le refus si dur en apparence 
de Notre-Seigneur et obtient la guérison de sa fille. 
Matth., xv, 21-28; Marc, vu, 2430. Parfois même cet 
amour maternel a toutes les ambitions en faveur de fils 
chéris. Tel il est chez Rébecca, qui fait bénir Jacob à la 
place d'Ésaû, Gen., xxvn, 6-46; chez Bethsabée, qui 
arrive à faire sacrer roi Salomon son fils, III Reg., i, 
15-31 ; chez la mère des fils de Zébédée, qui veut pour 
ses fils les deux premières places dans le royaume. 
Matth., xx, 20-28; Marc, x, 35-45, etc. — Au nombre 
des calamités qui devaient fondre sur Israël infidèle, 
Moïse avait noté celle-ci : « Au milieu de l'angoise et 
de la détresse où te réduira ton ennemi, tu mangeras 
le fruit de tes entrailles, la chair de tes fils et de tes 
filles. » Deut., xxvm, 53. L'amour maternel ne put em- 
pêcher des mères d'en venir à cette extrémité pendant 
l'horrible famine du siège de Samarie, IV Reg., vi, 28, 29, 
peut-être pendant celui de Jérusalem par les Chaldéens, 
Lam., n, 20; iv, 10, et certainement pendant le siège par 
les Romains. Josèphe, Bell, jud., VI, m, 4. — L'amour 
maternel est pris comme terme de comparaison pour 
caractériser l'amour de Dieu. Comme une mère console 
son fils, ainsi Dieu consolera Jérusalem. Is., lxvi, 13. Le 
Très-Haut est plus miséricordieux qu'une mère. Eccli., 
iv, 11. Notre-Seigneur se compare lui-même à la -poule 
qui^couvre ses poussins de ses ailes. Matth., xxm, 37. 

5° Le rôle de la mère. — Chez les Hébreux, c'était le 
père qui exerçait l'autorité dans la famille; mais c'était 
à la mère, comme dans tous les pays où la polygamie 
est en usage, qu'était réservée l'éducation des enfants. 
Chaque mère de famille habitait ordinairement à part 
avec ses enfants, séparée des autres femmes et des autres 
enfants de son mari ; c'était le seul moyen d'éviter les 
querelles trop fréquentes et trop vives suscitées par la 
jalousie des diverses épouses du même homme. Celui-ci, 
d'ailleurs, ne pouvait s'occuper lui-même d'élever ses 
enfants, à cause de leur trop grand nombre et de ses 
occupations extérieures. L'éducation des enfants étant 
réservée à la mère, on comprend combien il était im- 
portant que les Hébreux n'épousassent point des femmes 
païennes. — Au point de vue des transactions, du ma- 
riage des enfants, des rapports sociaux, la mère n'avait 
qu'un rôle secondaire. Dans certains cas, cependant, elle 
intervenait à défaut du père de famille. Ainsi Agar, dont 
Abraham ne peut plus s'occuper, cherche elle-même 
une femme pour son fils Ismaël. Gen., xxi, 21. Rébecca 
en réfère directement à sa mère des choses qui la con- 
cernent, probablement à cause du grand âge ou peut-être 
de la mort de son père Bathuel. Gen., xxiv, 28, 55. Voi* 

IV. - 32 



095 



MÈRE — MÉRIMUTH 



996 



BATHCEL, t. I, col. 1508. Dans la suite des temps, quand 
la polygamie disparut peu à peu, il y eut moins de rai- 
sons pour qu'une mère de famille traitât avec indépen- 
dance les affaires de ses enfants. En général, la mère 
occupait dans la société israélite une place beaucoup 
plus grande et beaucoup plus honorée que chez les 
autres peuples. Tous les égards lui étaient assurés grâce 
à renseignement des Livres Saints qui, dès leurs pre- 
miers récits, présentaient la femme comme une aide 
semblable à l'homme, pour laquelle celui-ci devait quit- 
ter fnéme son père et sa mère. Gen., n, 18, 24. Le livre 
des Proverbes, xxxi, 10-31, trace un beau portrait de 
la mère de famille, telle qu'on la concevait chez les 
Israélites. Elle se met elle-même au travail, gouverne 
serviteurs et servantes, surveille tout, le jour et la nuit, 
soulage les malheureux, et fait en sorte que son mari 
puisse paraître honorablement en public. Elle a des tils 
qui rendent hommage à son mérite et la proclament 
heureuse. Quant aux devoirs religieux qu'elle doit ac- 
complir, il est dit seulement qu'elle craint le Seigneur. 
La foi rituelle, en effet, à part quelques exceptions, ne 
vise directement que les hommes. A l'époque de Noire- 
Seigneur, les docteurs considéraient la femme comme 
frappée d'une sorte d'infériorité religieuse. Elle pou- 
vait remplir certains devoirs, comme réciter les prières 
quotidiennes, assister dans les synagogues à la lecture 
de la Loi, porter les phylactères et les franges, se rendre 
à îérusalem pour la Pâque et les autres fêtes, etc. Mais 
rien ne l'y obligeait. Au Temple, elle ne pouvait dépas- 
ser le parvis des femmes. De ce que la Loi ordonne 
souvent aux Israélites de transmettre les préceptes du 
Séigneurà leurs fils, Exod., x, 2; xm,8; Deut.,iv, 9, etc., 
on concluait qu'il n'y avait pas à instruire les fem- 
mes à ce sujet, et que même cette instruction était nui- 
sible. Cf. Sota, ni, 4; Kidduschin, f. 29, b. Le sort fait 
â la mère de famille par la facilité du divorce, toujours 
prononcé contre elle et même contre son gré, amoin- 
drissait encore sa situation, au moins dans certains 
milieux. Cependant, en général, cette situation était très 
honorée, et, en Palestine, on répugnait à témoigner 
autre chose que du mépris aux femmes de mœurs équi- 
voques, entourées souvent de tant d'hommages dans le 
monde ^gréco-romain. La mère de famille n'est que ra- 
rement 'mentionnée dans l'Évangile. Notre-Seigneur 
veut que le père et la mère de la jeune fille qu'il va 
ressusciter soient seuls présents au miracle avec les 
Apôtres. Marc, v, 40; Luc, vin, 51. Il annonce qu'à 
causette lui, il y aura dissentiment et même lutte entre 
laflUeetla mère, comme entre le fils et le père. Luc, xii, 
53. Mais la mère de famille ne figure pas dans certaines 
paraboles où l'on s'attendrait à sa présence, comme dans 
la "parabole du père qui dort dans sa maison avec ses 
enfants, Xuc, xi, 7, dans celle du serviteur préposé au 
gouvernement de la maison, Luc, xn, 42-45, dans celle 
de l'enfant prodigue. Luc, xv, 11-24, etc. Ce silence 
tient sans doute à la réserve que les mœurs du temps 
et du pays imposaient à la femme même mariée et à 
l'éloignement où on la tenait des affaires d'ordre public. 
L'Evangile contribua à relever encore davantage le rôle 
de -la mère de famille, sans rien lui taire perdre de la 
réserve qui convient à la femme. C'est ainsi que Pris- 
cille et beaucoup d'autres chrétiennes se rendront cé- 
lèbres par leur foi et leur dévouement. 

B» Devoirs envers la mère. — La mère est associée au 
père -dans -toutes les prescriptions de la Loi concernant 
les devoirs des enfants. Ansi il faut honorer son père 
et'sa mère, Exod., xx, 12; Deut., v, 16; Tobie, iv, 3, re- 
commande expressément à son fils le respect de sa mère. 
Les'trrres «apientiaux reviennent souvent sur ce sujet. 
Prov., xstni, 22; Eccli., m, 3, 18; vu, 29, etc. Sont égale- 
mentdéfendus, à l'égard du père et de la mère, les mau- 
vais traitements et la malédiction, Exod., xxi, 15, sous 
peine de mort, Lev., xx, 9, l'indocilité, Deut., xxi, 18, et 



le mépris. Dent., xxvn, 16. Les sentiments naturels vis-à- 
vis des parents sont si respectables que, quand une cap- 
tive a été acquise par droit de guerre, on est obligé, 
avant de l'épouser, de lui laisser un mois pour pleurer 
son père et sa mère. Deut., XXI. 13. Ces devoirs sont 
rappelés plusieurs fois dans la Sainte Écriture. Prov., i, 
8; vi, 20; xxiii, 22; Eccli., m, 5, 11, 18;Matth., xv, 4-6. 
7° Mères nommées spécialement dans la Bible. — 
Eve, mère des vivants, Gen., m, 20; — Sara, mère 
d'Isaac, Gen., xi, 20, etc. — Agar, mère d'Ismaël, Gen., 
xvi, 1; — Rébecca, mère d'Ésaù et de Jacob, Gen., 
xxvii, 15; — Lia, Rachel, Zelpha, Bala, mères des fils 
de Jacob, Gen., xxx, 1-25; — la mère de Moïse, Exod., 
ii, 1; — Rahab, mère de Booz, Jos., n, 1; — Anne, mère 
de Samuel, I Reg., i, 2; — Respha, mère de deux fils de 
Saûl qui furent crucifiés par les Gabaonites, II Reg., 
xxi, 8-10; — Bethsabée, mère de Salomon, III Reg., i, 11; 
. — la veuve de Sarepta, III Reg., xvn, 10-23; — la femme 
de Sunam, IV Reg., iv, 17, 36; — la mère de Lamuel, 
Prov., xxxi, 1; — Anne, mère de Tobie, Tob., i, 9; — 
la mère des Machabées, II Mach., vu, 1-41 ; — Elisabeth, 
mère de saint Jean-Baptiste, Luc, i, 60; — Marie, mère 
de Jésus, Matth., i, 16; — Marie, mère de Jacques, 
Matth., xxvii, 56; — Marie, mère de Jean-Marc, Act., 
xn, 12; — Eérodiade, mère de Salomé, Matth., xiv, 8; 
— la mère des fils de Zébédée, Matth., xx, 20; — la veuve 
de Naïm, Luc, vu, 12; — la Chananéenne, Marc, vu, 
26; — Eunice, mère de Timothée, II Tim., i, 5. — Voir 
ces différents noms. Pour les mères des rois, voir 
Femmes, vu, t. n, col. 2194. H. Lesêtrb. 

MÉRED (hébreu : Méréd; Septante : MwptxB, Mup£S), 
second fils d'Ezra, de la tribu de Juda. I Par., iv, 17. II 
eut une femme appelée Béthia. Voir Béthia, t. i, 
col. 1686. Selon la tradition rabbinique, cette Béthia 
aurait été la fille du pharaon qui adopta Moïse. W. Grott 
suppose que Béthia n'est autre que Bent-ânta, une des 
filles de Ramsès II, dont on a retrouvé le sarcophage. 
W. Groff, La fille de Pharaon, dans le Bulletin de l'Ins- 
titut égyptien, 1895, p. 316, 320; 1896, p. 66. Cette 
hypothèse est très contestable. Il faut remarquer d'ail- 
leurs que le passage qui concerne Méred semble altéré. 
Voir Judaïa, t. m, col. 1778. 

MÉRÉMOTH (hébreu : Merémôp; Septante : Mcpt- 
(i(i9), prêtre, fils d'Urie. I Esd., vin, 33. Il est appelé 
ailleurs par la Vulgate Marimuth et Merimuth. Voir 
Marimuth 1, col. 820. 

MERIBAH (bébreu : Meribâh, « querelle, dispute »), 
nom donné à deux localités de la péninsule du Sinaï. 

1. MERIBAH, nom qui fut donné, en même temps 
que celui de Massah, à l'endroit où les Israélites mur- 
murèrent à cause du manque d'eau à Raphidim. 
Exod., xvn, 7. Voir Massah, col. 853. 

2. MERIBAH <MÊ), nom qui signifie « eaux de dis- 
pute ». Il fut donne aux eaux ou à la fontaine que Moïse 
fit jaillir miraculeusement dans le désert de Sin, en frap- 
pant deux fois le rocher avec sa verge. Num., xx, 13. La 
Vulgate a traduit Mê-Merîbâh par « Eaux de contradic- 
tion ». Voir Eaux de contradiction, t. n, col. 1523. 

MERIBBAAL (hébreu : Merib Ba'al, I Par., vm, 34; 
Merî Ba'al, I Par., ix, 40, « qui lutte avec Baal; » Sep- 
tante : MépcêaiX), fils de Jonathas et petit-fils de Saùl ; il 
fut père de Micha. I Par., vm, 34 ; ix, 40. Dans les livres 
;des Rois, il est appeléMiphiboseth. Voir Miphiboseth 2. 

; MÉRIMUTH, prêtre, fils d'Urie. II Esd., m, 21 ; x, 5; 
;xn, 3. Il est appelé ailleurs Marimuth et Mérémoth. 
Voir Marimuth 1, col. 820. 



997 



MERLIN 



MÉRODACH 



MERLIN Pierre, commentateur protestant français, 
<nê vers 1535, mort vers 1603. II était fils de Jean Ray- 
mond Merlin, surnommé Monroy et fut disciple de 
Théodore de Bèze. Il joua un rôle important dans la 
Réforme. II présida le synode de Sainte-Foy en 1587 et 
celui de Vitré en 1583; il prit part aussi comme député 
des églises réformées de Bretagne au synode de Sau- 
mur en 1596. Les ligueurs l'avaient pris particulière- 
ment en haine. Jean Boucher, dans un sermon prêché 
en juillet 1591, prétendit qu'il était le père d'Henri de 
Navarre (Henri IV). On l'accusa aussi d'avoir épousé 
clandestinement Jeanne d'Albret; de ce mariage serait 
né d'Aubigné. On a de Merlin : Sermons sur le livre 
d'Esther, in-8», La Rochelle, 1591; Genève, 1594; Job 
commentariis illustratus Methodo analytica, in-8°, Ge- 
nève, 1599; Sainctes prières recueillies de plusieurs 
passages de l'Ancien et du Nouveau Testament, in-8°, 
Genève, 1609. — Voir Eug. et Ém. Haag, La France 
protestante, t. vu, 1857, p. 387-390. 

MÉROB (hébreu : Mérab, « accroissement; » Sep- 
tante : MEpôë, Meptig), fille aînée du roi Saûl. I Reg., xiv, 
49. Sa mère devait être Achinoam, fille d'Achimaas, f. 30. 
Son père l'avait promise en mariage à celui qui vain- 
crait Goliath, I Reg., xvn, 25, et quand David eut terrassé 
le géant, Saûl n'osa pas rétracter son engagement, xvin, 
17, mais, jaloux de la popularité du jeune héros, il ne le 
voulait point pour gendre. Il espérait que les Philistins, 
dans quelque combat, le délivreraient de celui en qui il 
voyait un rival, f. 17. Son espoir ne s'étant pas réalisé, 
il maria sa fille aînée à Hadriel le Molathite, ji. 19, fils 
de Berzellaï. Mérob (et non Michol, comme porte le 
texte actuel, voir Hadriel, t. ni, col. 395) eut d'Hadriel 
cinq fils. David les livra plus tard aux Gabaonites qui 
les crucifièrent à Gabaon, avec les deux fils de Respha, 
concubine de Saûl, pour se venger du mal que leur 
avait fait le premier roi d'Israël. II Reg., xxi, 8-9. — 
Saûl, qui, contrairement à ses promesses, n'avait pas 
donné Mérob à David, ne put s'empêcher de le marier 
ensuite avec sa seconde fille, appelée Michol. Voir Mi- 
chol. Pour expliquer comment les cinq fils d'Hadriel 
sont appelés fils de Michol, II Reg., xxi, 8, le Targum, 
"Walton, Biblia Polygl., t. h, p. 388, suppose que Mi- 
chol avait élevé les enfants de sa sœur Mérob, mais 
il est beaucoup plus probable qu'il y a eu dans ce pas- 
sage une confusion de noms, résultat de la distraction 
d'un copiste. La confusion est, du reste, très ancienne, 
puisqu'on la retrouve dans les anciennes versions (ex- 
cepté dans la Peschito) et dans Josèphe, Ant.jud., VII, 
iv, 3. 

MÉRODACH (hébreu : Merôdak; Septante, édit. 
Swete, Cambridge, 1894, Jér., xxvn, 2: Màiwfiebt; mAQ 
MeuSax, édit; sixtine, MaipuSà-/) est le grand dieu de Ba- 
bylone, Mardouk. En caractères syllabiques, ce nom s'écrit 
d'ordinaire Mar-duh; mais on trouve aussi, au moins 
une fois, l'écriture Ma-ru-duk, Rawlinson, The cunei- 
forrn inscriptions of Western Asia, t. m, Londres, 1870, 
pi. 2, n. vi, lig. 8. On n'a pas encore donné d'explication 
satisfaisante de son étymologie et de sa signification. — 
Mardouk est le fils d'Éa, dieu de l'abîme et.de Damkina; 
et le père de Nabû, dieu de la science des scribes. Il est 
un des dieux solaires, dans la journée lé soleil du matin, 
et dans l'année le soleil du printemps, peut-être parce 
que le soleil paraît sortir tous les matins de l'abîme 
dont Mardouk est « le premier-né ». Le plus employé de 

«es idéogrammes ►►}- ^»_*tl semble signifier, d'après 
les Babyloniens, « fils du soleil. » Rawlinson, The cunei- 
form inscriptions of Western Asia, t. v, Londres, 1884, 
pi. 43, b, ligne 56. Son doublet féminin est la déesse 
Zarpanltum, peut-être originairement l'aurore. 

1» A la fin du III* millénaire avant J.-C, sous le règne 
d'Hammourabi, lorsque Babylone eut conquis la supré- 



matie en Chaldée, elle assigna à Mardouk le rang su- 
prême dans le panthéon chaldéen. Pour affirmer sa su- 
zeraineté, les Babyloniens lui donnèrent le nom du dieu 
de Nippour, Bel, c'est-à-dire « le Seigneur » par excel- 
lence. C'est sous ce nom qu'il figure très souvent à par- 
tir de cette époque, soit dans les textes religieux, soit 
dans les textes historiques. Les fidèles expliquèrent cette 
prééminence par le rôle qu'avait joué leur dieu dans la 
création. Au commencement, lui seul avait osé affronter 
Tiâmat (le chaos), révoltée contre les grands dieux, 
(fig. 263), et, après avoir abattu le monstre, il avait créé 
le ciel, les astres, la terre et les hommes. Pour le récom- 
penser, les dieux qu'il avait délivrés des assauts de Tiâ- 
mat lui avaient « donné la royauté » (création, iv« ta- 
blette, lig. 14) et le pouvoir de fixer le destin du monde. 
— Le « roi des rois », le « seigneur des seigneurs » 
n'oubliait pas son œuvre. Il « prenait soin » de l'uni- 
vers ; « il soutenait la terre habitée et les extrémités du 
firmament; » il communiquait aux hommes les ordres 
d'Éa, son père, et il disait à son père les souffrances de 
l'humanité tourmentée par les mauvais démons. « Tu 
sais tout ce que je sais, répondait Éa; va, mon fils. » Et 
Mardouk, le magicien des dieux, par l'emploi des 
rites mystérieux prescrits par son père, par « l'eau 
pure » et par le feu, par ses « incantations pures », les 
incantations d'Éridu, la ville d'Éa, et de l'abîme, dé- 
truisait les maléfices de ces démons, « les méchants 
utukku, » «t les sept esprits mauvais, » qui envahisstnt 
les maisons, qui donnent aux humains « l'atroce mal de 
tête » et autres maladies. C'est ainsi qu'il « rendait la vie 
aux morts ». Il protégeait aussi la nouvelle lune contre 
les attaques qu'elle subissait de la part de ces mêmes 
esprits mauvais au cours de ses phases ou aux jours de 
ses éclipses. Le seigneur de l'incantation était encore le 
dieu des oracles et des décrets. 

Les Babyloniens honorèrent Mardouk de très bonne 
heure. Dans les contrats de la I re dynastie de Babylone, 
(fin du III millénaire avant J.-C), sous les prédécesseur^ 
d'Hammourabi, les contractants jurent par le nom de 
Mardouk, comme par ceux des dieux de leur ville et du 
prince régnant. On trouve aussi son nom, sous l'idéo- 
gramme ilu TU-TU, dans le récit du déluge, dont la ré- 
daction remonte au moins à la même époque. Hammou- 
rabi proclame dans le prologue de son Code que les 
dieux Anou et Bel ont confié à Mardouk, fils aine d'Éa, 
divin maître du droit, la totalité des hommes, qu'ils 
l'ont rendu grand parmi les Igigi (dieux du ciel); et, 
dans la conclusion, que c'est de lui qu'il tient son « pas- 
torat » des peuples. Après lui, tous les autres rois baby- 
loniens continuèrent à honorer Mardouk jusqu'au jour 
du triomphe de l'Assyrie. Pour avoir le droit de porter 
le titre de Sarru, « roi, » ils devaient d'abord se rendre 
à son temple et « saisir les mains » du dieu. Le nom de 
Mardouk entrait fréquemment dans la composition des 
noms propres babyloniens, ceux des particuliers comme 
ceux des princes; par exemple dans celui de Mérodach- 
Baladan, mentionné dans l'Écriture. Voir Mérodach- 
Baladan, col. 1001. 

Les Assyriens donnaient sans doute le pas à Asur, 
leur dieu national, mais ils nommaient aussi Mardouk 
dans les prologues de leurs annales parmi les grands 
dieux, leurs patrons. Lorsqu'ils s'emparèrent de Baby- 
lone aux vu» et vm» siècles avant J.-C, ils attribuèrent les 
malheurs de la grande ville à la colère de Mardouk, et 
pour consacrer la légitimité de leur pouvoir, ils s'as- 
treignirent à « saisir les mains de Mardouk », comme 
l'avaient fait autrefois les rois indigènes. 

Après la chute de Ninive, les monarques du second 
empire babylonien redoublèrent de piété envers Mardouk. 
Nabuchodonosor II surtout (604-561) multiplia les cons- 
tructions et les fondations en son honneur. Cyrus lui- 
même, quand l'empire de Babylone tomba sous ses 
coups en 538, se présenta comme le vengeur de Mardouk 



999 



MÉRODACH 



1000 



délaissé, prétendait-il, par Nabonide, le dernier roi de 
Babylone. Kambyse l'imita et fit des offrandes au dieu. 
Mais ses successeurs rompirent avec la tradition. Darius 
(488) démolit les fortifications de Babylone. Xerxès 
pilla le temple de Mardouk et le détruisit. Alexandre 
songeait à le rebâtir quand il mourut. Quelques années 
plus tard, Antiochus Soter (280-260) essaya de réaliser ce 
dessein. 

Ce temple était VE-saggil, c'est-à-dire « la maison éle- 
vée ». Il existait déjà sous Zabum, un des prédécesseurs 
d'Hammurabi. Ce dernier « s'y tient, dit-il, tous les 
jours » (Codé, recto, il, 10). La Mission allemande en a 
retrouvé les ruines en 1900 sous le tell dit Amrân-ibn 






un séjour forcé chez les Ilatti. Recueil de travaux 
relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes 
et assyriennes, xxiv, 1902; Mélanges assyriologigues, 
par François Martin, tirage à part, p. 8-9. Lorsque le 
dieu rentrait à Babylone après ces longs exils le peuple 
l'accueillait avec des transports d'enthousiasme dont nous 
retrouvons les échos dans les compositions des prêtres 
ou des scribes. "Voir ibid., p. 1-6, chant sur le retour de 
Mardouk à Babylone. 

Ses fêtes, interrompues par son absence, reprenaient 
alors leur cours. La plus solennelle était celle de l'Aqitu, 
ou du Zagmuku, c'est-à-dire du nouvel an. Elle se célé- 
brait au début de l'année babylonienne, au mois de Nisan. 




- Le dieu Mérodach luttant contre un monstre. Bas-relief de Ninive. 
D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. u, pi. 5. 



Ali. La ziggurat, ou tour à étages, de Mardouk, portait le 
nom de E-temen-an-ki, « la maison, fondement du ciel 
et de la terre » ou « pierre de fondation (première 
pierre) du ciel et de la terre ». Zarpanit, l'épouse de 
Mardouk; Éa, son père; Nabou, son fils, et son épouse 
Tasmêtoum ; d'autres dieux, tels que Nouzkou, divinité du 
feu, avaient leur chapelle dans l'E-saggil, où ils for- 
maient une cour à Mardouk, et, à son tour, Mardouk avait 
une chapelle dans leurs temples, par exemple dans 
VE-zida de Nabou. La statue du dieu lui-même trônait 
dans un sanctuaire appelé YE-kua. 

Plus d'une fois, au cours des siècles, elle en fut enle- 
vée par les vainqueurs de Babylone. Le roi Agoum-kak- 
rime, de la fin du xvii e siècle av. J.-C. ou du commen- 
cement du xvi» (dynastie Kassite), envoya des ambassa- 
deurs aux Hani, peuple dont la situation est inconnue, 
pour recouvrer la statue de Mardouk qu'ils avaient déro- 
bée. Plus tard, peut-être au commencement du xn e siècle, 
elle fut encore volée par les Élamites. Nabuchodono- 
sor I K ' (vers 1130) la reprit .par la force des armes et put 
« saisir les mains de Bel ». D'après un texte malheureu- 
sement très mutilé, il semble que Mardouk a fait aussi 



(mars-avril), pour fêter le retour du printemps et le re- 
nouvellement de la nature dus à l'action bienfaisante de 
la divinité solaire qu'était Mardouk. La statue du dieu 
sortait de l'E-saggil pour être portée solennellement sur 
une barque dans la grande rue de Babylone appelée Ai- 
ibur-sabum, « Que l'ennemi ne l'emporte pas. » Les 
autres dieux l'accompagnaient dans cette procession; 
Nabou quittait même, pour la circonstance, son temple de 
l'E-zida à Borsippa. Tous réunis sous la présidence de 
Mardouk, ils fixaient les destins de l'année; ce jour-là, 
les temples regorgeaient de victimes et d'offrandes, et si 
le roi était absent il rentrait à Babylone pour assister à 
la fête. Dans les dernières années de l'empire néo-baby- 
lonien, les chroniqueurs ont noté comme un signe de 
deuil que telle année le roi ne rentra pas à Babylone en 
Nisan pour <i prendre les mains de Bel ». Chronique de 
Ifabonide-Cyrus, col. 2, lig. 10. Il n'était pas jusqu'aux 
rois assyriens qui ne fissent du Zagmuku un jour de 
grande solennité, mais d'une solennité guerrière, 
comme il convenait à leur tempérament. Asarhaddon 
demande aux dieux la faveur de pouvoir passer en revue 
tous les ans au jour du Zagmuku, dans le premier mois* 



10<M 



MÉRODACH — MÉRODACH-BALADAN 



10C 



ses équipages, ses armes, ses troupes et le butin pris 
sur les ennemis. Annales, VI, 47-51. 

Les Babyloniens semblent avoir placé d'abord chacune 
de leurs planètes sous la protection d'un de leurs grands 
dieux, puis ils ont identifié la planète et son dieu. Bien 
que Mardouk fût un des dieux du soleil, ils lui attri- 
buèrent une planète qui prit le nom de Mardouk et, 
dans les derniers temps, de Bel, « le Seigneur. » Voir su- 
pra sur les noms du dieu. C'est celle que les Grecs 
ont pour cette raison appelée Zeûç, et que nous appelons 
encore Jupiter. Saint Épiphane, Hxr. xri, 2, t. xli, 
col. 249, la nomme Kwy.tS Bia>, et les Mandéens l'ap- 
pellent kaukebîl, «r étoile de Bel. i> L'auteur du Livre 
d'Hénoch, c. vin, 3, édit. Lods, 1892, p. 14, note 3, 
donne ce nom, Kôkabiel, à un des anges déchus. Nous 
ignorons si les astronomes babyloniens ont connu l'exis- 
tence des satellites de Jupiter et s'il faut voir ces satellites 
dans les quatre chiens que la mythologie de Bahylone 
donne à Mardouk. Enfin les écoles de Babylonie pa- 
raissent avoir identifié encore Mardouk, dans certains cas, 
à la constellation du Taureau. 

2° Mardouk n'est nommé qu'une fois dans l'Écriture, 
Jer., l, 2 : « Dites : Babylone est prise, Bel est confondu, 
.Mérodach est consterné. » Dans la pensée du prophète, 
Bel est-il ici une divinité distincte, le dieu de l'antique 
Nippour, ou simplement le surnom de Mérodach, em- 
ployé pour éviter la répétition ? On ne saurait le dire. Par- 
tout ailleurs, Is., xlvi, 1 ; Jer., u, 44; Baruch, vi, 40; Dan., 
xiv, 2, c'est sous ce surnom de Bel, « le Seigneur, » que 
JVfardouk est désigné, comme chez les Grecs. 

3° Bibliographie. — Bawlinson, Thecuneiforminscrip- 
tions of Western Asia, t. îv, 2 e édition, Londres, 1891, 
pi. 3, pi. 29, etc. ; t. v, Londres, 1884, pi. 51&, lig. 27, etc. ; 
Cuneiform Texts from Babylonien Tableis in the Bri- 
tish Muséum, part. II, Londres, 1896, pi. 26, lig. 13; 
Délégation en Perse, t. il : Textes éternités-sémitiques, 
IV série par Scbeil, Paris, 1902 (Code d'Hammourabi); 
Sargon, Annales, lig. 309-311, édition Winckler, Leipzig, 
1889; Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. n, Ber- 
lin, 1890, p. 140, lig. 46; p. 278, ligne 6; t. m, 2» partie, 
Berlin, 1890, p. 10, Annales de Nabuchodonosor, col. 1, 
lig. 1 sq., col. 5, lig. 38-50; t. VI, Berlin, 1900, Mylhen 
und Epen; Pognon, Les inscriptions babyloniennes du 
Wadi-Brissa, Paris, 1887, inscription en caractères cur- 
sifs, 2«, 3 e et 7 e colonnes; King, The seven Tablets of 
Création, Londres, 1902 ; Hérodote, r, 283 ; Strabon, xvi, 1 ; 
Arrien, Exp. Alex., vu, 17 ; Schrader, Die Keilinschriften 
und das Alte Testament, 3 e édition par Winckler et 
Zimmern, Berlin, 1903, p. 370; Jensen, Die Kosmo- 
logie der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 88, 134- 
140, etc.; Zeitschrift fur Assyriologie, t. vi, p. 227; 
Roscher, Ausfùhrliches Lexicon der Griechischen und 
Bômischen Mythologie, t. n, 2 e partie, Leipzig, 1894- 
-1897, col. 2343; Jastrow, Religion of Babylonia and 
Assyria, Boston, 1898; et l'édition allemande, profon- 
dément remaniée, du même ouvrage : Die Beligion 
Babyloniens und Assyriens, 1. 1, Giessen, 1905; François 
Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, l" sé- 
rie, Paris, 1903, introduction, p. yn-viii, 116, 120, etc. ; 
Weissbach, Das Siadtbild von Babylon, Leipzig, 1904. 

FiL-Martin. 

MÉRODACH-BALADAN (en hébreu Merôdak- 
Baladdn; Septante : MoepuSàx B«X«5iv), roi de Baby- 
lone, le deuxième de ce nom, en babylonien Marduk- 
aplu-iddin, le MapSone^roiSoç du canon de Ptolémée 
(lig. 264). Son nom signifie « Mardouk a donné un fils ». 
U est mentionné dans deux passages de la Bible, 
Is., xxxix, 1, et IV Beg., xx, 12, où les écrivains sacrés 
racontent l'ambassade du roi de Babylone à Ézé- 
«hias et la réception que lui fit le roi de Juda. Dans le 
dernier passage, il est écrit dans le texte hébreu ainsi que 
dans la Vulgate sous la forme Berôdak{ch)-Baladân, due à 
une faute de copiste ou à la permutation du d et du 3 



dont on trouve d'autres exemples. Cf. Zeitschrift fît 
Assyriologie, t. n, 1887, p. 268. Dans les Septante 
l'écriture est correcte aux deui endroits. — Ce prince ap 
partientà cette branche de Sémites qui, sous le nom' si 
Chaldéens, Kaldu, montèrent de l'Arabie orientale sa 
les bords du golfe Persique, vers le xi" siècle avan 
J.-C. au plus tard, y établirent de nombreuses pria 
cipautés et jouèrent un rôle très important dans 1 lus 
toire de la Babylonie et de l'Assyrie jusqu'à la chute di 
second empire babylonien, en 538. Mérodach-Baladai 
ne régna d'abord que sur Bit-Yakin,le plus considérant 
des royaumes chaldéens du « Pays de la Mer », commi 
disaient les Assyriens. C'est comme roi de ce pays 
comme « roi de la Mer », qu'il est mentionné pour la 
première fois dans les Annales des rois d'Assyrie, pai 
Théglathphalasar III. Inscription sur briquedeNimrud t 




264. — Le roi Mérodach-Baladan. 
Musée de Berlin. D'après Aegyptischen AUerthûmer, 1 1, pi. 71. 

lig. 26-28. Il reconnut la suzeraineté de ce roi en 729 
et lui apporta un riche tribut composé en grande partie 
« d'or, la poussière de son pays ». 

Mais son ambition s'étendait bien au delà des limites 
de Bit-Yakin. Il convoitait le trône de Babylone sur lequel 
étaient déjà montés d'autres princes du « Pays de la Mer » 
au XI e siècle. A la mort de Salmanasar IV, en 722, l'avène- 
ment d'une nouvelle dynastie à Ninive, celle des Sargo- 
nides, et les troubles politiques inséparables de ces chan- 
gements lui permirent de réaliser ses désirs. Soutenu 
par BîoumbanigaS, roi d'Élam, il s'empara de la partie 
méridionale de la Babylonie, alors tout entière sous le 
joug de l'Assyrie et de son roi Sargon, en 721. Sargon 
marcha contre les Éternités qu'il rencontra à Dûr-ilu. La 
Chronique babylonienne B, lig. 33-37, raconte que l'Assy- 
rien subit une grande défaite, mais Mérodach-Baladan 
n'eut pas la gloire de prendre part au triomphe de ses 
alliés. Lorsqu'il arriva sur le champ de bataille, la lutte 
était terminée. Dans ses Fastes, lig. 23, Sargon s'attribue 
la victoire. S'il l'avait remportée, il n'aurait pas reculé 
comme il le fit certainement. Affaibli par cet échec et 
trop occupé sur les autres frontières de son empire, il 



1003 



MÉRODACH-BALADAN — MÉROM (EAUX DE) 



1004 



dut tolérer l'usurpateur pendant de longues années, et 
« ce méchantdémon sans respect pour le nom du Seigneur 
des Seigneurs » (Mardouk), régna 12 ans sur Babylone 
« contre la volonté des dieux ». Sargon, Fastes, lig. 122- 
124. Naturellement Mérodach-Baladan se donne un tout 
autre rôle dans l'inscription qu'il nous a laissée, Keil- 
inschriftliche Bibliothek, t. m, 1™ partie, Berlin, 1892, 
p. 184, col. 1, lig. 21, à col. 2, lig. 2. Il se dit choisi entre 
tous les hommes par Mardouk, le grand Seigneur, pour 
régner sur Babylone. C'est Mardouk lui-même qui a dé- 
crété : « Que celui-ci soit le pasteur qui rassemble les 
dispersés ! » Le dieu a mis en sa main « un sceptre droit, 
une houlette qui fait prospérer les peuples ». En retour, 
il est plein de vénération pour Nabou et Mardouk, les 
dieux de l'E-saggil et de l'E-zida ». 

Il semble bien cependant que les accusations de Sar- 
gon ne sont pas sans fondement. Mérodach-Baladan 
opprima ses nouveaux sujets; il emmena en captivité 
les notables de Sippara, de Nippour, de Babylone, de 
Borsippa, et il les enferma dans sa ville de Dour-Yakin, au 
milieu des marais, pendant que leurs biens étaient la 
proie des nomades Souli. Les sanctuaires furent aban- 
donnés et pillés, les offrandes cessèrent, les statues des 
dieux prirent le chemin de l'exil. Sargon, Annales, 359- 
364, édit. Winckler, Leipzig, 1889. Enfin, le moment 
arriva où Sargon, rassuré sur la sécurité des autres par- 
ties de son empire, put reprendre la lutte. Appelé lui 
aussi et choisi entre tous les rois par « Mardouk qui dé- 
testait les mauvaises actions du Chaldéen », Annales, 
237-240, il se mit en campagne en 710, écrasa les tribus 
araméennes du Gamboulou, du Bit-Dakkouri, armées par 
Mérodach-Baladan, et s'empara des forteresses avancées 
du roi d'Élam. Annales, 245-286. A ces nouvelles, le 
Chaldéen épouvanté quitta Babylone au milieu de la 
nuit avec son armée pour chercher un refuge en Élam. 
En même temps il sollicitait l'appui de Shutur-Nahundi, 
Oîuccesseur de IJumbanigas, par l'envoi de ses meubles 
et de ses ornements les plus précieux. Après la. prise 
de ses forteresses, UÉlamite s'était sauvé dans les mon- 
tagnes; il ne se souciait pas d'irriter encore le colosse 
assyrien et de s'attirer de nouvelles représailles; tout en 
acceptant lesprésents de Mérodach-Baladan, il lui ordonna 
de rebrousser chemin. Ce fut une cruelle déception pour 
le Chaldéen. En recevant cet ordre, « il se jeta à terre, 
il déchira ses vêtements, il prit le rasoir, il éclata en 
lamentations. » Sargon, Annales, 294. Pendant ce temps, 
les notables de Babylone appelaient Sargon au trône. 
' Mérodach-Baladan n'avait d'autre refuge que les marais 
de son fief du « Pays de la Mer ». Il alla s'enfermer 
dans sa ville de Dûr-Iakin, en fortifia les défenses, 
coupa les ponts et amena dans les fossés l'eau de l'Eu- 
phrate. Mais là, pas plus qu'en rase campagne, il ne 
put résister aux furieux assauts des soldats de Sargon. 
Il fut battu et blessé, Dûr-Iakin fut détruite de fond en 
comble, et Sargon rendit la liberté aux nobles babylo- 
niens que le Chaldéen tenait captifs. S'il fallait même 
en croire une version des Annales de Sargon, salle xiv, 
lig. 18 et 19, « les grandes mains » du vainqueur au- 
raient pris Mérodach-Baladan. Mais ce scribe amplifie 
évidemment les exploits de son maître. Sargon n'aurait 
pas laissé la vie à un ennemi aussi détesté et aussi 
redoutable. Comme le dit expressément le grand texte 
des Annales, lig. 349, le vaincu « s'enfuit et on ne 
trouva pas son séjour». Il reparut en 704 après la moit 
de Sargon, sous Sennachérib, le fils et le successeur de 
ce prince, et se fit proclamer de nouveau roi de Babylone. 
C'est alors, sinon au commencement de son premier 
règne, que, plus pressé que jamais par le besoin de se 
faire des alliés et de créer des diversions aux extrémités 
de l'empire de son puissant ennemi, il envoya une am- 
bassade à Ézéchias. Ce prince, avec autant d'imprudence 
qu'il en apporta dans l'affaire d'Éqron ou Accaron (Sen- 
nachérib, Annales, col. 2, lig- 69-73), fit un accueil cha- 



leureux aux ambassadeurs. Il poussa la confiance et l'or- 
gueil jusqu'à leur montrer son arsenal et ses trésors. Isaïû 
l'en reprit vivement, et il lui annonça que tous ses tré- 
sors prendraient un jour le chemin de Babylone avec les 
descendants d'Ézéchias emmenés en captivité. IV Beg., 
xx, 12-19; Is., xxxix. Plus clairvoyant que le roi, le 
prophète savait aussi sans doute ce qu'était le formidable 
empire de Ninive et ce que pouvait coûter un pacte avec 
les ennemis de l'Assyrie. Ézéchias ne devait pas tarder 
à en faire la cruelle expérience : moins de trois ans- 
après (701), il voyait son pays ravagé, Jérusalem sur 1& 
point d'être prise, et il n'était sauvé que par la protection 
divine. Sennachérib, Annales, col. 3, lig. 1-42; IV Beg., 
xvm, 13-16. 

Le second règne de Mérodach-Baladan ne dura quft 
six mois. Sennachérib fit sa première campagne contre- 
le Chaldéen, que soutenaient cette fois les Élamites, et 
il battit les confédérés à Kis, en Babylonie. Le vain- 
queur s'empara de Babylone, des palais et des trésors, 
du vaincu. Sennachérib, Annales, col. 1, lig. 19 et suiv. 
La puissance de Mérodach-Baladan avait reçu un coup- 
mortel. Lorsque Sennachérib, après sa campagne de 
Judée, se dirigea de nouveau sur Bîl-Iakin, le Chaldéen 
emporta ses dieux « en barque et s'envola comme un 
oiseau à Nagitiraqqi, au milieu de la mer », pendant 
que les Assyriens ravageaient son pays et emmenaient ses, 
frères et ses parents en captivité. Sennachérib, Annales, 
col. 3, lig. 42-61. Il dut mourir peu après en Élam, car 
Sennachérib ne le mentionne pas dans le récit d'une 
troisième expédition qu'il fit encore contre Bit-Iakin. 
Mais dans sa huitième campagne, à la grande bataille 
qu'il livra contre les Élamites à Haloule, sur le Tigre, le 
roi assyrien trouva dans les rangs de ses ennemis un 
des fils de Mérodach-Baladan. Les descendants du 
Chaldéen comptèrent encore parmi les ennemis les. 
plus implacables de l'Assyrie sous Asarhaddon, Annales, 
prismes À et C, col. 2, lig. 32-40; prisme B, col. 2, 
lig. 1-26 et sous Assurbanipal, Annales, col. 7, lig. 16-50. 

On a de Mérodach-Baladan une charte de donation 
sur pierre noire (fig. 264). La pierre est ornée d'un bas-re- 
lief représentant le prince, avec cette inscriptio'n : « Por- 
trait de Marduk-aplu-iddin, roi de Babylone. » Elle est 
aujourd'hui au Musée de Berlin. — Cf. Beitrâge zur 
Assyriologie, t. n, p. 258; Schrader, Keilinschriftliche- 
Bibliothek, t. n, Berlin, 1890; t. m, l r « partie, Berlin, 
1892, p. 182; Winckler, Geschichle Babyloniens uni 
Assyriens, Leipzig, 1892 ; Rogers, A History of Babylonia 
and Assyria, t. n, 3 e édit., Londres, 1902; Schrader, Die 
Keilinschriften und das dite Testament, 3 e édit., Ber- 
lin, 1903; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, Paris, t. ni, 1899; Id., Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient, in-12, Paris, 1904. 

Fr. Martin. 

MÉROM (EAUX DE) (hébreu : mê-Mèrôm; Vatica- 
nus : tb Û8wp Mappwv ; A lexandnnus : ù> v8top Mepptov), 
lieu où Josué rencontra et défit les rois confédérés du 
nord de Chanaan. Jos., xi, 5, 7. 

I. Nom. — Ce nom n'est mentionné qu'en ce seut 
endroit de l'Écriture. Les Septante et Eusébe, Onoma- 
stica sacra, Gœttingue, 1870, p. 278, ont substitué Vn à 
\'m final, Meppwv, Meppâv, sans compter le redouble- 
ment de IV. Mais c'est là un changement qui n'est pas- 
rare; cf. Jecmaam, hébreu : Yoqme'âm; Alexandrinus .- 
'I«(iociv, I Par., vi, 68; Jéconam, hébreu : Yoqne'àm^ 
Vaticanus : 'Iextiiv, Jos., xix, 11, etc. La forme Mêrôrn, 
du reste, n'est pas inconnue dans l'onomastique ancienne,, 
comme nous le verrons tout à l'heure d'après les ins- 
criptions hiéroglyphiques. Elle se rattache à la racine 
rûm, n être élevé, » de sorte que l'expression mê-Mêrôm, 
« les eaux de la hauteur; » s'appliquerait bien au lac 
supérieur formé par le Jourdain et appelé Bahrel Hûléh, 
si l'identification ne présentait certaines difficultés. 

II. Identification. — Une opinion commune, en effet^ 



1005 



MÉROM (EAUX DE) 



♦006 



assimile les Eaux de Mérom au lac Houléh, mais elle 
provoque plus d'une objection. — Et d'abord, nulle 
part ailleurs le mot mê, état construit de maîm, « eau, » 
' ne désigne un lac; il s'emploie plutôt pour indiquer le 
courant d'un fleuve : mê hay-Yardên, « les eaux du 
Jourdain, » Jos., ni, 8, 13, etc.; une source ou un 
ensemble de sources : mê 'En SéméS, t les eaux de la 
Fontaine du soleil, » aujourd'hui, selon une croyance 
générale, la Fontaine des Apôtres, sur la route de Jéru- 
salem à Jéricho, Jos., xv, 7 ;mé Néftôâh, « les eaux de 
Nephtoah, s Jos., xv, 9, probablement Ain Liflà, à l'ouest 
de Jérusalem; mê Megiddô, « les eaux de Mageddo, » 
Jud., v, 19, les nombreuses sources qui entourent cette 



Meppav, à un bourg nommé Merrus, MeppoSç, sRné à 
douze milles (près de 18 kilomètres) de Sébaste, près 
de Dothaïn, ce qui nous porte loin du lac Houléh. — 
Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 
Londres, 1890, p. 50-54. 

Ces raisons ont sans doute leur valeur, mais elles s'ont 
rien d'absolu. — La première montre que l'expression 
mê-Mèrôm, appliquée à une certaine étendue d'eau, 
s'écarterait de la manière habituelle de parier des 
Hébreux, d'après les exemples qui nous sont connus. 
Mais, en restant une exception, elle n'a rien de contraire 
aux règles de la langue. On peut la rapprocher de celle 
qu'on rencontre, I Mach., xi, 67, in\ tô flStap toO revw,<rop, 




2C5. — Vue du lac Houléh. 



ville et forment les affluents du Cison; un réservoir, 
mê hab-berêkâh ha(-tah(ôndh, (( les eaux de la pis- 
cine inlérieure. » Is., xxii, 9. C'est donc plutôt ydm, 
« mer » ou « lac » qui convenait ici, comme dans yam 
Kinnerôf, « lac de Cénéroth » ou de Tibériade, Jos., xn, 
3; ydm ham-mélafy, s la mer de sel» ou la mer Morte. 
Gen., xiv, 3. — En second lieu, Josèphe, Ant. jud., V, 
I, 18, place le camp des rois confédérés « à Béroth, 
BYjptiÔYj, ville de la Haute Galilée, non loin_de Cadès », 
et il ne fait aucune mention des eaux. 4- En troisième 
lieu, le terrain de combat semble bien mal choisi sur 
les bords du lac Mérom : les Chananéens s'enfermaient 
maladroitement dans un cercle qui, en cas de défaite, 
devait rendre leur fuite extrêmement difficile. Sans par- 
ler du marais qu'elle renferme, la plaine, ou ardh el- 
Râléh, est entourée à l'ouest, au nord et à l'est, de 
montagnes bien faites pour arrêter une armée en déroute. 
Le massif occidental, en particulier, opposait une barrière 
naturelle aux fuyards qui auraient tenté de s'échapper 
vers Sidon. Jos., xi,8. — Enfin Eusébe et saint Jérôme, 
Onomastica sacra, p. 138, 278, identifient Merrom, 



et qui indique « le lac de Génésareth ». Elle rentrerait 
tout à fait dans les conditions ordinaires si, comme on 
pourrait le supposer, le lac avait emprunté soa nom à 
une ville voisine. Les monuments égyptiens, en effet, 
mentionnent à l'ouest du Bahr el Uùléh une ville de 
Marama, que l'on a, d'une façon vraisemblable, iden- 
tifiée avec le village actuel de Meirun ou Meirôn. Cf. 
A. Mariette bey, Les listes géographiques des pylônes 
deKarnak, Leipzig, 1875, p. 17 ; G. Maspero, Sur les nonu 
géographiques de la liste de Thoutmos 111 qu'on peut 
rapporter à la Galilée, extrait des Transactions of the 
Victoria Inslitute, or philosophical Society of Great 
Brilain, Londres, 1886, p. 3; W. Max Mùller, Asien 
undEuropanach altâgyptischen Denkmâlern, Leipzig, 
1893, p. 220. — Josèphe, en plaçant le camp ennemi à 
Béroth, non loin de Cadès, ne dit pas par là-même ques la 
bataille eut lieu dans cet endroit. Il nous raconte, dans 
un autre passage, Ant. jud., XIII, v, 7, que, longtemps 
après, l'armée de Démétrius vint camper à Cadès et 
combattit Jonathas Machabée dans la plaine située au- 
dessous. Pourquoi les rois chananéens n'auraient-ils 



1007 



MÉROM (EAUX DE) 



1008 



pas agi de même? — Si le pays qui avoisine le lac 
Houléh offrait quelques dangers pour la retraite, la plaine 
qui s'étend sur ses bords, principalement vers le sud- 
ouest, présentait aussi de grands avantages; c'est, dans 
ce district montagneux, un des rares champs de bataille 
où les princes confédérés pouvaient faire mouvoir leurs 
chariots de guerre. Il ne faut pas oublier d'ailleurs qu'ils 
étaient sur leur propre terrain, qu'ils en connaissaient 
les. moindres déniés et pouvaient ainsi plus facilement 
échapper à la poursuite des Israélites, étrangers jusque- 
là à. cette contrée; la route de Danias à la mer devait 
leur être particulièrement familière. — En suivant 
l'opinion d'Eusèbe et de saint Jérôme, le combat aurait eu 
lieu vraisemblablement dans la plaine appelée Sahel 
Arrabéh, au-dessous de Dothaïn (Tell Dothân). Mais, 
en admettant, sur l'autorité de ces auteurs, l'existence 
d'un village nommé Merrus, il est permis de penser que 
l'affinité entre ce nom et celui de Merom n'a rien de 
bien convaincant. Ensuite le champ de bataille est bien 
éloigné de la capitale de Jabin, chef de la confédéra- 
tion, et de celles des autres alliés : Asor, peut-être Khir- 
bet Harrah, en tout cas certainement située à l'ouest et 
non loin du lac Hûléh ;Maàon, Khirbet Madîn, à l'ouest 
de Tibériade; Sémeron, Semuniyéh, à l'ouest de Naza- 
reth; Achsaph, Kefr Yâsif, au nord-est de Saint-Jean 
d'Acre. Voir la carte de la Galilée, t. m, col. 88. — 
F. de Hummelauer, Josue, Paris, 1903, p. 239, 272, 
s'appuyant sur une restitution du texte assez probléma- 
tique, place Mérom près de Sémeron (Semuniyéh). 

III. Description. — La région qui porte le nom de 
ardh el-Hûléh est une dépression qui s'étend depuis 
Tell el-Qadi au nord jusque vers le Djisr Benât Ya'kub, 
« le pont des filles de Jacob, » au sud. Elle est bordée à 
à l'est et à l'ouest par deux murailles parallèles de 
montagnes; d'un côté, celles du Bjôlân, de l'autre, celles 
de Nephthali. Voir fig. 265. Elle sert de bassin de drai- 
nage à tontes les eaux qui descendent des hauteurs envi- 
ronnantes. Aussi n'est-elle, en somme, qu'un immense 
marais, solidifié à sa partie supérieure par le dépôt 
graduel des détritus des collines voisines, mais humide 
et bourbeux à mesure qu'on descend vers le sud, où 
elle se creuse en forme de cuvette, pour former le lac 
dont nous parlons. Il est probable que, dans les temps 
préhistoriques, elle était complètement couverte d'eau. 
Maintenant encore la saison pluvieuse fait varier les 
dimensions du lac. Cependant, entre celui-ci et les hau- 
teurs occidentales, s'étend un terrain assez vaste, propre 
à la culture, où des champs de blé et des pâturages sont 
séparés par de grands espaces laissés en friche, couverts 
de roseaux et de carex. La terre, d'un noir rougeâtre, 
paraît très fertile. Elle est rendue humide par de nom- 
breuses sources qui jaillissent de tous côtés à la 
surface du sol ; les deux plus importantes sont 
l'aîn el-Meïlahah et Vaïn el-Beldtah. Dans la plaine 
sont groupées les tentes des Arabes Ghaûarinéh, quel- 
quefois remplacées par des huttes allongées, quadran- 
gulaires, couvertes en chaume des joncées, et servant 
d'habitations à quelques familles sédentaires. 

Le lac Hûléh a la forme d'une poire ou d'un triangle, 
dont la base serait au nord et le sommet au sud. Voir 
figi 266. Élevé seulement de deux mètres au-dessus de 
la mer Méditerranée, il a de cinq à six kilomètres de 
long, et, en moyenne, autant de large, pendant la 
période des basses eaux; en hiver et au printemps, il 
déborde souvent à une grande distance. Sa profondeur 
varie de trois à cinq mètres. L'eau en est très limpide, 
mais malsaine à cause des détritus organiques qu'elle 
renferme. Elle nourrit des poissons en très grande 
quantité; à sa surface nagent des pélicans, des 
canards, et surtout de nombreuses grèbes. Le rivage, 
dont il est très difficile' d'approcher, est formé par un 
grand nombre de petits ilôts couverts de roseaux élevés 
et de magnifiques touffes de papyrus, hautes de deux à 



trois mètres. Sur ces bords, où l'eau n'est pas profonde, 
des milliers de poissons s'agitent entre les feuilles 
énormes des nénuphars (Nuphar lutea) et des nymphéas 
(Nymphéa alba). Les épais fourrés de roseaux et de 
papyrus qui entourent le lac deviennent une vraie forêt 
sur le terrain qui l'avoisine au nord. Là, ce sont des 
marécages parsemés de petits lacs, où il est impossible 
de s'aventurer, et à travers lesquels le Jourdain trace 
son cours sinueux. Voir fig. 267. Un Anglais, M. Macgre- 
gor, monté sur une périssoire, a pu le suivre et, après 
avoii parcouru le lac en tous sens, en a dressé la carte 
très exacte que nous reproduisons. Cf. Macgregor, The 
Rob Roy on the Jordan, Londres, 1869, p. 278-305. Les 
papyrus [Papyrus anliquorum), appelés Babir par les 




Ichelbs 



266. — Le lac Houléh. 
D'après Macgregor, The Rob Roy, p. S. 

Arabes, sont ici très beaux. « Le joli lac Hûléh est la 
limite orientale de l'aire de dispersion de cette remar- 
quable cypéracée africaine qui se rencontre en Syrie, 
près de Jaffa, et en Sicile, à Syracuse et à Palerme, où 
elle a été très probablement importée par les Grecs et les 
Romains. En Asie, elle ne se trouve nulle part au delà 
du lac Houléh. Ce fait de géographie botanique est 
intéressant à signaler, car il concorde en tous points 
avec ceux que fournit la zoologie. Les Chromis, si 
nombreux dans les eaux du lac de Tibériade, sont des 
poissons africains qui paraissent avoir accompagné 
dans leurs migrations les papyrus de la vallée du Nil, 
ainsi que les crocodiles émigrés dans le fleuve Zerka, 
près de Césarée. Chromis et papyrus ne se voient abso- 
lument plus de l'autre côté de l' Anti-Liban, dans les 
bassins de l'Oronte, du Tigre et de l'Euphrate, qui pré- 
sentent cependant des (Conditions climatériques à peu 
près analogues à celles de la vallée du Jourdain. » Lortet, 
La Syrie d'aujourd'hui, dans le Tour du monde, 
t. xliv, p. 341. 



1009 



MÉROM (EAUX DE) — MÉROZ (TERRE DE) 



1010 



Le lac Hûléh est appelé Eeiae^covétî; ou Sejie^tsv.T&v 
>îfjivï) « lac Séméchonite, » par Josèphe, Ant. jud., V, 
v, 1; IteH. jud., IV, i, 1. L'étymologie de ce nom est 
incertaine. Cf. Reland, Palxstina, Utrecht, 4714, p. 262. 
Le même historien, Ant. jud., XV, x, 3, signale dans 
cette contrée OùXàOoc, dont le nom semble bien l'équiva- 
de Hûléh, et de Nnbin, Rulta! (mer de), dont il est 
question dans le Talmud. Cf. A. Neubauer, La géogra- 
phie du Talmud, Paris, 1869, p. 24, 27. Il donne une 
brève description du lac, Bell, jud., III, x, 7; IV, 1, 1. 
Les géographes arabes appellent quelquefois celui-ci 
Buhairah Kadas, « petit lac de Cadès, » ou Buhairah 
Bâniyas, « petit lac de Banias, » à cause de la proximité 



Sisara, sur la montagne du Thabor, qui s'élève isolée au 
milieu de la plaine et est ainsi désignée par le mot 
mérômé. Jud., iv, 6, 12, 14. 

MÉRONATH1TE (hébreu: ham-Mêrônâtî /Septante: 
i èx MepocvOwi; 6 M-ripwvmOi-rr;;), originaire ou habitant: 
de Méronath ou Méronoth. Deux Israélites sont appelés 
Méronathites, Judias (t. m, col. 1104), préposé aux trou- 
peaux d'ânes de David, I Par., xxvn, 30, et Jadon 
(t. m, col. 1104), qui vivait du temps de Néhémie, et 
travailla avec les Gabaonites et les gens de Maspha à la 
restauration des murs de Jérusalem. II Esd., m, 7. On 
peut supposer, d'après ce dernier passage, que Méronoth 




267. — Marécages du lac Houléh. D'après Macgregor, The Bob Roy, p. 288. 



de ces deux villes. Mais le nom de Hûléh s'applique 
constamment et au lac et au district. Cf. Guy Le Strange, 
Palestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 32, 34, 
39, 52, 68, etc. 

IV. Bibliographie. — E. Robinson, Biblicalresearches 
in Palestine, Londres, 1856, t. n, p. 434-440; t. m, 
p. 392-396; Physical geography of the Holy Land, 
Londres, 1865, p. 180; Stanley, Sinai and Palestine, 
Londres, 1866, p. 391-393; W. M. Thomson, The Land 
and the Book, New- York, 1882, t. n, p. 450=455; Mac- 
gregor, The Bob Roy, Londres, 1869,/ p. 278-305; 
G. Schumacher, The Jaulân, Londres, 1888, p. 102; 
Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, dans le Tour du monde, 
t. XLrv, p. 342-346; G. A. Smith, The historical Geography 
ofthe Èoly Land, Londres, 1894, p. 481. 

A, Legendhe. 

MÉRÔMÉ, nom commun qui a été pris pour un 
nom propre par la Vulgate. Débora, dans son cantique, 
Jud., v, 18, dit que Zabulon et Nephthali affrontaient la 
mort 'al merômê àadéh, èx\ oi{") «YpoO, « sur les hau- 
teurs des champs. » Les troupes conduites par Débora 
«t Barac s'étaient rassemblées pour combattre contre 



était dans le voisinage de Gabaon et de Maspha et qu'il 
était habité du temps de Néhémie par des Juife revenus 
de la captivité, mais on ne sait plus rien ni de sa situa- 
tion, ni de son histoire. 

MÉROZ (TERRE DE) (hébreu : 'ère? Mêrôz; 
Septante, Codex Vaticanus : Mnjpciï; Alexandrinus : 
MaÇeip; Vulgate : terra Meroz), contrée sur laquelle 
Débora, en son cantique, Jud., v, 23, appelle ainsi la 
malédiction du ciel : « Maudissez la terre de Méroz, dit 
l'ange du Seigneur, maudissez ses habitants, parce qu'ils 
ne sont pas venus au secours du Seigneur, en aide aux 
vaillants de l'armée du Seigneur. » « La terre de Mé- 
roz » empruntait sans doute son nom à la principale 
ville du territoire. — Les habitants du pays, pour mé- 
riter la colère de la prophétesse, devaient, selon toute 
apparence, être tenus, en raison de leur situation et de 
leur parenté, à prêter leur concours aux guerriers ral- 
liés par Barac et Débora. Les tribus qui n'ont point 
pris part à la lutte, comme Ruben, Dan, Aser et les 
autres tribus de Galaad sont légèrement blâmées, mais 
non maudites. Cf. Jud., v, 15-17. Les trois tribus ac- 



1011 



MÉROZ (TERRE DE) — MERZ 



1012 



courues à l'appel et. spécialement louées pour leur dé- 
vouement et leur courage sont celles de Nephthali, de 
Zabulon et d'Issachar. Jud., iv, 6, 10; v, 15, 18. Non 
seulement Méroz aurait refusé de se joindre à elles, 
mais elle aurait encore prêté son appui à l'ennemi en 
dérobant les fuyards à la vengeance des Israélites vain- 
queurs : c'est ce que semblerait du moins indiquer Dé- 
bora en faisant suivre immédiatement la malédiction 
des Mérozites de la bénédiction invoquée sur Jahel, qui 
n'a pas craint de frapper Sisara réfugié dans sa tente. 
Cf. Jud.,. y, 23 et 24, et Hummelauer, Commentarius in 
libros Judicum et Ruth, Paris, 1888, p. 23. Les pa- 
roles du cantique de Débora les incriminent seulement 
de leur abstention, d'où il semble résulter qu'ils appar- 
tenaient à l'une de ces trois tribus. — Eusèbe connaît 
un village de « Méros (Merrous, selon le manuscrit de 
Leyde), situé à douze milles (16 kilomètres) de Sébaste 
et près de Dothaïm ». Onomasticon, au mot Meppiv, 
édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 286. G. Mar- 
nier voit le Méros d'Eusèbe dans la ruine appelée 
aujourd'hui Mahroûneh, située à peu près exactement 
à seize kilomètres au nord-nord-est de Sébastiéh, la 
Sébaste des anciens, à quinze cents mètres à l'est du 
tell' Dolân, l'antique Dothaïm, et sur la lisière méri- 
dionale du sahel 'Arrabéh, la plaine biblique de Dothaïm. 
Dans la Revue biblique, 1900, p. 591-599. Le nom de 
Mahroûneh est sans doute assez différent de Méros ou 
Méroz; mais Eusébe, en adjoignant celui-ci à Merran, 
semble le considérer comme identique. La lettre h 
n'existant point en grec, Mahroun ou Mehran devrait 
encore se transcrire Mappoûv ou Meppàv, qui aurait pu 
être prononcé Marrons ou Merrus par les Gréco-Romains, 
comme Hésêbon est devenu 'E<rëo0î et Esbus, par la 
suppression de h et le changement de tiens, Mahroûneh, 
toutefois.ou la Méros indiquée par Eusèbe, devait appar- 
tenir à l'ancien territoire de Manassé occidentale qui 
ne parait pas avoir pris part à la lutte contre les Chana- 
néens, ni avoir été convoqué à cet effet. — Plusieurs 
interprètes voient dans Méroz une transcription erronée 

\ pour Mérom ou Méron et le pays dont il s'agit serait ou 
le territoire des bords du lac Houléh, l'antique Mérom, 

■ ou le territoire du pays actuel de Safed où se trouve une 
localité du nom de Meirôn, célèbre elle-même dans les 
Talmuds et les écrits des écrivains juifs. Cf. Ad. Neu- 

"bauer, Géographie du Talmud, in-8°, Paris, 1868, 
p. 228-230. Cette Meirôn se trouve à six kilomètres à 
l'ouest de Safed. On rencontre encore un Meroùn er- 
Râs, situé, comme l'indique son nom, sur un sommet 
élevé, au centre de la Galilée supérieure, à dix-sept 
kilomètres au nord de cette même ville; et un khirbet 
du nom de Mâroûs à douze kilomètres au sud de Qédès, 
l'antique Cadès de Nephthali, et à huit kilomètres au 
nord-nord-est de Safed. Cette ruine est assez étendue, 
d'apparence antique, et l'on voit aux alentours divers 
tombeaux de forme hébraïque. Toutes ces dernières 
localités appartiennent au Djebel Çafed, la « montagne 
de Nephthali » d'autrefois. — L'historien Josèphe nomme 
encore, Bell, jud., III, m, 1 , une ville de Méroth (Mr,p(o6), 
dont le nom peut se prononcer Mérôs, qui marquait avec 
Thella la limite de la Galilée supérieure dans sa lon- 
gueur, c'est-à-dire d'est à ouest. Le nom de cette ville 
fortifiée par Josèphe, au commencement de la guerre 
de Judée, est écrit Mïjpû, ibid., II, xx, 6 (édit. B. Niese), 
et 'A[i7ip(ô0, Vita, 37. D'après le géographe Cellarius, 
ces noms seraient celui de Mérom grécisé; pour d'autres, 
ce serait celui de la ville de Meirôn de Galilée. Cf. Re- 
land, Palsestina, p. 895-896; Riess, Biblische Géographie, 
in-f>, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 63. Mais Méroth op- 
posé à Thella, limite orientale de la Galilée sur la rive 
du Jourdain, probablement aujourd'hui et-fell, doit se 
chercher à l'occident, à la même latitude et non loin de 
Ptolémaïde ou 'Acca. Le nom ne s'y retrouve plus. 
— J. Schwarz a cru reconnaître Méroz dans Meras- 



sas, nom d'un village situé à une heure au nord-ouest 
de Beisàn, identique, selon lui, à Mar'esah ou Marhësa- 
des Sifrê hagersa. Tebuoth ha'-Arez, nouvelle édit., 
1900, p. 205; cf. p. 43. Cette identification a été propo- 
sée encore par Burckhardt et Robinson. Burckhardt, 
Travels in Syria and the Holy Land, Londres, 1822, 
in-4°, p.4 33; E. Robinson, Biblical Researches in Pales- 
tine, Boston, 1841, t. m, p. 170. Ce nom répond mal à 
l'hébreu, selon Armstrong, Wilson et Conder, Nantes- 
and Places in the old Testament, Londres, 1887, p. 224. 
— Le petit village de Kefr Miser, que quelques voya- 
geurs croient avoir entendu prononcer Kefr Mours, 
situé à quatre kilomètres à l'est i"Endor et au sud du. 
mont Thabor, a été pris aussi pour Méroz. La métathèse, 
dans les anciens noms, n'est pas rare chez les Arabes, 
et Kefr Misr, voisine du Thabor, où Débora et Barac 
amenèrent leurs troupes pour la bataille, dans la tribu 
d'Issachar, se trouve dans les conditions du récit biblique- 
Cf. Riess, toc. cit. , - Dalfi, Viaggio biblieo in Oriente, in-8<V 
Turin, 1835, t. iv, p. 117. — Le défaut d'indication un 
peu précise sur la situation de cette ville et de la région 
du même nom ne permettra sans doute jamais de faire 
un choix motivé entre ces diverses localités pour les iden- 
tifier avec Méroz. Toutefois Mârûs paraît être, de tous 
ces noms, celui qui reproduit le mieux le nom biblique, 
et sa situation pourrait expliquer à ■ la fois le refus de 
ses habitants, la colère de Débora et sa malédiction. 
Barac commença à réunir ses troupes à Cadès, sa patrie, 
Jud., iv, 6, 10; le pays de Mâroûs, situé dans le voisi- 
nage de Cadès, dut être des premiers invités à donner 
l'exemple du courage et de l'abnégation ; le cœur faillit à 
ses habitants et leur lâcheté eût pu décourager les autres 
et compromettre l'entreprise projetée par la prophétesse 
Débora contre les oppresseurs de son peuple. 

L. Heidet. 
MERRHA (grec : Meppœv), localité inconnue. Ba- 
ruch, m, 23, parle des marchands de Merrha, qu'il 
nomme avec ceux de Théman, mais on ne retrouve ce 
nom nulle autre part ailleurs, ce qui porte à penser 
qu'il est altéré. On a proposé de lire à la place divers 
noms. La correction la plus vraisemblable est celle qui 
lit à la place.de Merrha(n), Médan ou Madian. La Vul- 
gate est traduite sur le grec et là version grecque a été 
faite sur un original hébreu que nous n'avons plus. Voir . 
Baruch 6, t. i, col. 1480. Le traducteur a pu lire un 
1, r, au lieu d'un i, d, et transformer ainsi Médan (Ma- 
dian) enMerrhan. Les marchands madianites sont men- 
tionnés dans la Genèse, xxxvu, 28. 

MERRICK James, érudit anglais protestant, ne 
le 8 juin 1720, mort à Reading le 5 janvier 1769. Il 
appartenait à l'université d'Oxford et était très versé dans 
la connaissance de la littérature sacrée et des langues 
orientales. On a de lui : Dissertation on Proverbs ix f 
i'6, containing occasional remarks on other passages 
in sacred and profane writers, in-4°, Oxford, 1744; 
Annotations critical and grammatical on the three first 
chapters of the Gospel according to S' John, in-8°, 
Reading, 1764; The Psalms translated or paraphrased 
in english verse, in-12, Reading, 1765; Annotations on 
the Psalms, in-4», Reading, 1768. — Voir W. Orme» 
Biblioth. biblica, p. 313. B. Heurtebize. 

MERZ Philippe Paul, théologien catholique alle- 
mand, né à Augsbourg, le 12 août 1725, mort dans cette 
ville le 15 octobre 1754. Il étudia la théologie protestante 
à Iéna et à Strasbourg. Il se convertit au catholicisme, 
fit son abjuration à Augsbourg le 12 août 1725 et devint 
ensuite prêtre et curé de Schwabsoien (Bavière). Il passa 
les dernières années "de sa vie à Augsbourg. Il est connu 
par son Thésaurus biblicus, hoc est, dicta, sentenlia et 
exempla ex sanctis Bibliis collecta, et per locos com- 
munes distributa, ad usum concionandi et disputandi, 



1013 



MERZ — MÉSA 



1014 



2in-4°, Augsbourg, 1633, 1738, 1751, 1791; in-4», Venise, 
1758; Crémone, 1824; in-8°, Paris, 1883. VOnomasti- 
cum biblicum seu index ac dictionarium histonco- 
etymologicum, Augsbourg, 1738, forme la seconde partie 
du Thésaurus. Merz prit pour base de la première par- 
tie de son travail, comme il le dit lui-même dans sa 
Préface, le Thésaurus Bibliorum de l'Anglais Guillaume 
Alot, et groupa par ordre alphabétique tous les textes 
se rapportant au même sujet, afin que les théologiens et 
surtout les prédicateurs les trouvassent tous réunis. — 
Voir Zapf, Augsburgische Bibliothek, p. 11; Veith, Bi- 
bliotheca Augustana, Augsbourg, 1793, t. x, p. 175; 
And. Ràss, Die Convertiten seit der Reformation, 
12 in-8 , Fribourg-en-Brisgau, t. ix, 1869, p. 415-425. 

MES (hébreu : Maë; Septante, MouôyJ, quatrième et 
dernier fils d'Amram, petit-fils de Sem. Gen., x, 23. 
Dans le passage parallèle, I Par., i, 17, le texte hébreu 
porte Méêék, les Septante, Mouôx, comme dans la Ge- 
nèse, et la Vulgate Mosoch, mais la leçon des Paralipo" 
mènes est probablement fautive. D'après Bochart, Pha- 
leg, il, 11, Opéra, édit. Lensden, Liège, 1692, t. i, 
col. 83, la postérité de Mas habita le mont Masius, opoç 
Mâffiov, qui séparait la Mésopotamie de l'Arménie. Cf. 
Gesenius, Thésaurus, p. 823. Le mont Masius est le 
Tûr ou Tûr'Abdîn actuel, district montagneux, qui, du 
côté du sud, finit aux basses plaines de la Mésopotamie 
et qui est borné, au nord et au nord-est, par le Tigre ; 
il s'étend des environs de Geziret ibn 'Omar, à l'est, 
jusque vers Mardin, à l'ouest. Il a pour limite au 
nord-ouest la chaîne du Koros. A. Socin, Zur Géogra- 
phie des Tûr 'Abdin, dans la Zeitschrift derdeutsclwn 
morgenlândischen Gesellschaft, t. xxxv, 1881, p. 237- 
238. L'opinion de Bochart est encore aujourd'hui admise 
par bon nombre de savants. H. Guthe, Kurzes Bibelwbr- 
terbuch, 1903, p. 417. Cf. G. B. Winer, Biblisches 
Bealwôrterbuch,S" édit., t. n, p. 59; H. Riess, Biblische 
Géographie, 1872, p. 61. Quelques-uns cependant croient 
que les descendants de Mes sont les Maasai dont parlent 
les inscriptions cunéiformes. Théglathphalasar III ra- 
conte dans le récit de ses guerres contre les Arabes (734- 
732 avant J.-C), qu'il soumit, entre autres tribus, celle 
des [Ma-as]-'-ai. Tablette de Nimroud, revers, ligne 53, 
dans Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. Il, 1890, 
p. 20. Elle habitait un pays désert qui est décrit comme 
« la terre de la soif et de la défaillance, où ne va au- 
tsun oiseau du ciel, où ne peut paître ni âne ni gazelle ». 
Il est aussi question d'un habitant du pays daMaS, dans 
une tablette du temps d'Asarhaddon ou d'Assùrbanipal, 
Western Asiatic Inscriptions, t. iv, pi. 54, n° 1. Cf. 
Frd. Delitzsch, Paradies, p. 302; Ëb. Schrader, Keilin- 
schriften und Geschichtsforschung, in-8°, Giessen,1878, 
p. 102, 262, 364. Frd. Delitzsch, Wo lag dos Paradies, 
1881, p. 242, identifie la terre de Mes (Mai) avec le dé- 
sert syro-arabe. Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und 
Géographie des Arabiens, t. h, 1890, rejette cette ori- 
gine et dit, p. 276 : « J'entends par (la terre de) MaS le 
désert entier, mais spécialement les oasis [de Djebel 
Sammar, de Djauf, et je l'identifie avec le MaS de la 
Genèse, x, 23. » Cf. ibid., p. 260, 310, 419. Il identifie 
aussi, p. 420, ce MaS avec le MèSâ de Gen., x, 30, ^t le 
Massa de Gen., xxv, 14. Delitzsch, au contraire, Bas 
Paradies, p. 259, distingue avec raison la terre de MaS 
des inscriptions assyriennes du Mai de Gen., x, 30. 
Pour lui ce dernier est le mont Masius. Mes l'araméen, 
Gen., x, 23, est formellement distingué dans l'Écriture 
de Massa l'Ismaélite, Gen., xxv, 14, et rien n'autorise à 
confondre l'un avec l'autre, non plus qu'avec Messa de 
Gen., x, 30. Voir Massa 1, col. 852, et Messa 2. 

F. Vigouroux. 

MÉSA (hébreu : ytf'D, Mê$d', « salut, délivrance »), 
nom d un roi de Aloab et d'un fils de Caleb. 



2. MÉSA (Septante : Mapiai), fils aîné de Caleb on 
Calubi, et frère de Jéraméel, de la tribu de Juda. Son 
père était fils d'Hesron. Voir Caleb 2, t. u, col. 58. 
Mésa fut « le père », c'est-à-dire le fondateur ou le restau- 
rateur de la ville de Ziph. I Par., Il, 42. La ville de Ziph 
mentionnée ici est, selon la plupart, celle des mon- 
tagnes de Juda, près du désert de ce nom, Jos., XV, 
34; I Reg. (Sam.), xxm, 14; xxvi, 1; d'après quelques- 
uns, celle de la Séphéla. Jos., xv, 24. Voir Frd. Keil, 
Chronik, 1870, p. 47-48. A cause de l'obscurité qu'offre 
la suite de ce passage dans les Paralipomènes, R. Kittel, 
The Books of the Chronicles, critical édition, in-4°, 
Leipzig, 1895, p. 57, lit yïnn, Marêsâh, comme l'ont fait 
les Septante (voir Hastings, Dictionary of the Bible, 
t. m, 1900, p. 349), et l'on peut alléguer le contexte en 
faveur de cette leçon, mais elle ne résout pas toutes les 
difficultés. Voir Marésa 1, col. 756. 

3. MÉSA (hébreu : ïw>a, MêSa'; Septante : Muai), 

roi de Moab, dont la Bible raconte les démêlés avec les 
rois d'Israël et de Juda. IV Reg., m, 4-26. Lui-même a 
laissé le récit de son règne dans une inscription parve- 
nue jusqu'à nous. Nous avons donc à examiner succes- 
sivement son inscription et le récit biblique pour mon- 
trer ensuite comment ils s'éclairent mutuellement. 

I. L'Inscription. — Elle a été vue en 1868 par le 
Rév. Klein, de la mission protestante de Jérusalem ; mais 
M. Clermont-Ganneau, alors attaché au consulat de 
France à Jérusalem, connaissait déjà son existence. Les 
Arabes de Dhîbàn où se trouvait la pierre, voyant l'in- 
térêt qu'y prenaient les Européens la-brisèrent, pensant 
qu'elle contenait un trésor. Heureusement M. Cler- 
mont-Ganneau avait pu se procurer un estampage aupa- 
ravant. Par ses soins les principaux morceaux ont pu 
parvenir au Musée du Louvre, où ils sont exposés avec 
l'estampage (fig. 268). D'après M. Klein, la pierre intacte 
avaitl m 13de hauteur, O ra 70de largeur, et0 m 35 d'épaisseur. 
On est aujourd'hui à peu près d'accord sur le texte. En 
voici la transcription en caractères hébreux ordinaires : 

TEXTE 

. 171 ~,ND . -fin . **WD3 . p . 7ÏTO . 33» 1 

abo . 5:ni . r>w . ]tt>bw . 3nd . by . -fia . >3n | ua> 2 

['] o:a | nrnpa . wasb . tint . nnan . wai | >3N . -mu . >ri 3 

iny | !*«Tff . bi3 . win . >dt . iDbwn . bsa . tjyïrn . >d . vïï 4 

-ma . wdd . i]js»».o . pi. \n> . 3Nd . nN .uyn . bN-m> .-fin . > 5 

| 3XD . ™ . i:7N . un . ni . idnh . tua . nsbnn | ns 6 
***ï . na» . ia>3] 

■Ïk . rx . nay . win . oby . T3N . b^-mm | nn33i . ra . nini 7 

ton . rw . jy3iM . rua . >a> . >xm . nn> . m . aï»n | Natna . y ' 8 

ll]3Ki . miran . m . otnt .fyDbys . nN .pw | >d>3 . wdï . m 9 

>.YiB.nb.p>i.nb7a.nii07.Y"iN3.3ï»."ri.w-i|pnp.riN 10 

*ayn .ba. ns . nnNi| rimai .np3 . nrtribNn |rmsy. nX .hn-n> 11 

[d]nt . rnrî.b.s-iN . tin . dcd . 3wnt | as«bi . waab. un .npn 12 

wn . nt»i . pur . xn* . nN . m . 3tnt | nnpa . wd3 . >jsb . nan 13 

ni | bNiw» . by . ras . n» . TnN . -fi . wdd . >b . idn>t | mna 14 

riNi | Dinsn .-fy . nyrmrn . ypna . n3 . diuAnt . nV» ohn 15 

[-iili . rnan | pn • Ii3i . p'iN . ri73w . -fij . i-inxi . m 16 

**» . dutd . npai | rmannn . was . -mryb . »3 | rian-n . n 17 

ni» rus . hmw . ^hB^ . wa: . «asi . on . 3nDt*T . mn> . fi 18 

i osa . wod . nvw\ | »3 . nannbra . m . 3wn . Y"' 19 

mn>sT . yrt>3 . nNuw | nun . bs . wn ■ ]rwa . 3nbd . npn 20 

tinm . py»n . ran . nmp . »ru3 . djn | |3n . by . nsDb 21 

ni | nnbiia . >nJ3 . d:nt . nn?w . >rua . djni | bs7n 22 

*ip3 . ]>[d't n]w»n . »NbD . «rwy . 32*»n . ibo . m . >r33 . 3: 23 

b* . nury . oyn . bsb . iont . nmpa . ipn . anpa . |n . nan hpn 2* 

idns . nrnpb . nrnson . 'ma . ïjnt | nn>33 . ia . ur« . oa 25 

| pis*3 . nbDDn . »nury . awo . iyny . trua . 3JN | b'snw» . > 26 

. |>y . »a . -iï3 . «rua . djn |«n . Din . >a . ras . na . >r:a . 3:n 27 

Nbo . d:nt I nyouro . |3>t .ba . '3 . p»an . p>T . ^[a . Nn] 28 

r:a . ajNT 1 p>sn . by . >ri3D» . tw* . ppa . n>*a n - nn . >]n 29 

*pi . ^» . am . ami . lynbya . tian linbai . rsi . N3-[nD]**> 30 



1015 



VESA 



1016 



*wN**i*rÏ3 . ro . aw> . \mm | Y"i>*n . ]m[ ] 31 

•** . uni | ja-nru . onrfm . -n . teos . «b . -ins'i 32 

'-rw7 . n-JD . m* 1 )?! . >do . «ras . n2[wn] 33 

[3]jni | jsiw . rw 34 

Les lettres surmontées d'un point sont douteuses; les 
lettres entre crochets sont suppléées par conjecture; les 
astérisques marquent la place des lettres illisibles. Les 
points séparatifs et les petites barres sont dans l'origi- 
nal. 

TRADUCTION 

4. Je suis Mésa, fils de Camos... roi de Moab, le Dibo- 
nite. | 

2. Mon père a régné sur Moab durant trente ans et moi 

j'ai régné 

3. après mon père. | Et j'ai fait ce sanctuaire à Camos 

de Qorkha | en signe de salut; 

4. car il m'a sauvé de toutes mes chutes et il m'a fait 

triompher de tous mes ennemis. | Amri, 

5. roi d'Israël, fut l'oppresseur de Moab durant de longs 

jours, car Camos était irrité contre son pays; | 

6. et son fils lui succéda et il dit lui aussi : J'opprime- 

rai Moab ! | C'est de mon temps qu'il parla ainsi, 

7. et j'ai triomphé de lui et de sa maison | et Israël a 

péri pour toujours. Or, Amri avait pris possession 
du pays 

8. de Mâdaba | et [Israël] y demeura durant ses jours et 

le terme des jours de ses fils, durant quarante ans, et 

9. Camos [nous] l'a rendue de mon temps. | Et j'ai bâti 

Ba'almé'on, et j'y ai fait la piscine, et j'ai bâti 

10. Qaryathen. | Or, les gens de Gad habitaient dans le 
pays d"Alaroth de toute antiquité, et le roi d'Israël 
s'était bâti 

11. 'Ataroth. | Et je combattis contre la ville, et je la 
pris, et je tuai tout le peuple 

12. de la ville, spectacle pour Camos et pour Moab ! | 
Et je m'y emparai de l'autel de son Génie et 

13. je le traînai devant Camos à Qiriath. | Et j'y fis ha- 

biter les gens de Saron et de 

14. Makharath. ( Et Camos me dit : Va ! prends Nébo 
sur Israël! et j'allai 

15. de nuit et je combattis contre elle depuis la pointe 
de l'aurore jusqu'à midi et je la pris 

16. et je tuai tout, sept mille hommes et jeunes gar- 
çons | et femmes et jeunes filles 

17. et servantes, | car je l'avais vouée à l'anathème en- 
vers 'Astar-Camos, et je pris de là 

18. les autels (? ou les vases?) de Iahvé, et je les traînai 
devant Camos. | Or, le roi d'Israël avait bâti 

19. Iahaç, et il y demeurait alors qu'il me faisait la 
■ guerre, 1 mais Camos le chassa devant moi! et 

20. je pris de Moab deux cents hommes, toute son 
élite, | et je les portai contre Iahas et je la pris 

21. pour l'annexer à Dibon. | C'est moi qui ai bâti Qor- 
kha, le mur des jardins et le mur 

22. de Parrière-ville, | et c'est moi qui ai bâti ses portes, 

et c'est moi qui ai bâti ses tours, | et 

23. c'est moi qui ai bâti le palais, et c'est moi qui ai 

fait la double piscine pour l'eau au milieu 

24. de la ville; | et il n'y avait pas de citerne au milieu 
de la ville, à Qorkha, et j'ai dit à tout le peuple : 
Faites-vous 

25. chacun une citerne dans sa maison ! et c'est moi 
qui ai fait creuser les fossés de Qorkha par les pri- 
sonniers 

26. d'Israël, | et c'est moi qui ai bâti 'Aro'er, et c'est 
moi qui ai fait la route de l'A mon. | 

27. C'est moi qui ai bâti Beth-Bamoth, car elle était dé- 
truite. | C'est moi qui ai bâti Beser, car elle était en 
ruines, 

28. avec les gens de Dibon, an nombre de cinquante, 
car tout Dibon est enrôlé | et j'ai placé le 

29. nombre complet de cent [hommes] dans les villes 



que j'ai annexées au pays. | Et c'est moi qui ai bâti 

30. Mâdaba, et Befh-Diblathen | et Befh-Ba'almé'on, et 
j'y ai porté les pasteurs... 

31. . troupeaux du pays. I Et Khoronén où 

habitait... 

32 et Camos me dit : Descends, combats 

contre Khoronén! | et je suis descendu... 

33 [nous l'a rendue] Camos de mon 

temps. Et ... de là. ... dix... 

34. . . année. . . et c'est moi.,. 

Pour la justification de la lecture et les notes philolo- 
giques et critiques, voir M. J. Lagrange, dans la Revue 
biblique, 1901, p. 525-536. 

II. Conclusions historiques. — Depuis le temps de 
Moïse, les Israélites s'étaient établis dans le pays de 
Moab. Un moment submergés par l'accroissement des 
Moabites, ils avaient repris l'avantage avec David. On di- 
rait que dès lors Moab ne fut plus qu'une tribu sans 
indépendance et sans roi, II Reg., vm, 2, mais il est 
douteux que la domination des Israélites s'étendit ja- 
mais au sud de l'Arnon qui fut toujours considéré 
comme la limite légale de Moab. Les troubles qui sui- 
virent la mort de Salomon lui permirent sans doute de 
relever la tête. Mésa est très fier de se dire fils de son 
père, mais il ne se donne pas d'autre ancêtre; il est 
est donc probable qu'une nouvelle royauté commença 
dans Moab avec ce prince dont le nom n'est qu'incom- 
plètement conservé, Chamos... Les premiers temps fu- 
rent prospères, on avait recouvré toute la plaine, depuis 
l'Arnon jusqu'à Médaba. Amri, roi d'Israël, reprit 
l'offensive; il occupa de nouveau Médaba, et sans dé- 
pouiller le chef des Moabites du titre de roi, si libérale- 
ment prodigué alors, il lui imposa le tribut. Mésa payait 
au roi d'Israël cent mille agneaux et cent mille béliers 
à laine; les grandes plaines de Moab ont toujours été 
propices à l'élevage du petit bétail. Des garnisons israé- 
lites établies jusqu'aux portes de Dibon devaient assurer 
sa fidélité. 

Sous Achab, fils d'Amri, Mésa se tint tranquille. Le 
règne d'Ochozias d'Israël ne fut qu'une longue maladie 
d'un an ou deux : <> Moab se révolta contre Israël après 
la mort d'Achab, » IV Reg., 1, 1 , et reprit d'abord Médaba. 

On peut s'étonner que Mésa, originaire de Dibon, ait 
porté son premier effort sur un point si éloigné, au 
risque de se voir coupé par les stations israélites inter- 
médiaires. A vrai dire, nous ne savons pas s'il se pique 
de raconter ses exploits en suivant l'ordre du temps. 
Nous le croirions cependant volontiers. Les Israélites 
occupaient surtout les villes de l'ouest, situées dans des 
posilions beaucoup plus fortes, sur les premiers contre- 
forts des montagnes qui baignent leurs pieds dans la 
mer Morte. Médaba avait probablement une population 
moabite, puisque Mésa la considère moins comme une 
conquête que comme une ville recouvrée; c'est sans 
doute par là qu'il était plus facile de commencer. Baal 
Méon, aujourd'hui Main, à deux heures et demie de 
Médaba, eut bientôt le même sort; Mésa ne dit pas l'avoir 
prise, mais seulement bâtie ou plutôt rebâtie. Ataroth 
lui coûta plus de peine. Il s'agissait d'une ville pure- 
ment israélite, occupée par la tribu de Gad de toute 
antiquité. Isolée du reste d'Israël, elle semble avoir pra- 
tiqué le culte de son Génie particulier, qu'on pourrait 
soupçonner n'être autre que Gad, dont les Grecs ont 
fait la bonne fortune ou la Tyché des cités. Voir Gad 2, 
t. m, col. 24. Ce culte du patron, si commun aujour- 
d'hui encore dans l'Orient musulman, n'empêchait pas 
plus le culte du dieu national qu'il n'est absolument en 
contradiction avec l'islamisme. Aujourd'hui il s'agit d'un 
saintd'origine souvent inconnue, peut-être mythologique; 
alors c'était une sorte de divinité inférieure, chargée 
des intérêts du lieu, analogue au Sim ou patron men- 
tionné par les inscriptions sabéennes à côté des grands 




STELE DE MESA, ROI DE MOAB 
Musée du Louvre 



1017 



MESA 



1018 



dieux.. Son autel fut traîné comme un trophée devant 
l'idole de Chamos établi à Qiriyath, nom qui indique 
peut-être la capitale religieuse, mais dont l'identification 
demeure incertaine. La population fut massacrée et 
remplacée par des gens venus d'ailleurs, sans doute du 
cœur même du pays de Moab. Mésa tranchait du poten- 
tat, mais moins clément que les Assyriens eux-mêmes, 
ou ne pouvant transporter assez loin de leur point d'at- 
tache les populations qu'il voulait faire disparaître de 
leur sol natal, il les exterminait « pour donner un 
agréable spectacle à Chamos et à Moab ». Une course 
rapide, une surprise de nuit, eurent raison de Nébo, 
ville située près de la célèbre montagne où Moïse était 
mort. Pour être plus sûr de réussir dans cette entre- 
prise difficile, Mésa avait voué à l'anathème toute la po- 
pulation du pays. Le dieu qu'il invoque sous un vocable 
spécial, Astar-Chamos, est peut-être la divinité féminine 
parédre de Chamos. Sept mille personnes du sexe mas- 
culin, sans compter les femmes et les filles, furent im- 
molées sans pitié. Dans cette cité comme dans tant d'au- 
tres en Israël, on pratiquait sans doute le culte de 
Jéhovah sur les hauts lieux. Mésa s'empara des objets 
relatifs à ce culte et pensa les humilier eux aussi devant 
Chamos. C'était une guerre d'extermination. 

Que faisait donc Joram, fils d'Achab et successeur de 
son frère Ochozias ? Engagé dans des guerres constantes 
avec les Syriens, moins heureux que son père, il lui 
était difficile de réduire Moab. La guerre contre les Sy- 
riens avait souvent pour théâtre Ramoth de Galaad. 
S'engager à fond contre Mésa, c'était s'exposer à voir 
fondre les Syriens sur les derrières de l'armée et à se 
Irouver pris entre deux ennemis également acharnés. 
La Bible ne nous parle pas de tentatives faites par Joram 
dans ce sens, mais il semble bien qu'elles eurent lieu. 
Entre Médaba et Dibon se trouvait, d'après YOnomas- 
ticon d'Eusèbe, la ville de Iahas. Mésa nous dit formel- 
lement que le roi d'Israël l'avait prise pour point 
d'appui pendant qu'il lui faisait la guerre, mais qu'il 
avait été réduit à fuir devant lui; Chamos l'avait chassé 
devant le roi de Moab! La manière dont ces choses 
sont dites, sans insister sur la défaite du roi d'Israël, 
montre que Joram, car ce ne pouvait être que lui, se 
vit forcé par la guerre syrienne à dégarnir les garnisons 
de Moab et par conséquent à renoncer à la lutte qu'il 
avait commencée. Dès lors il suffit à Mésa de réunir 
deux cents hommes, l'élite de Moab, pour enlever cette 
torteresse qu'il annexa à Dibon. 

Mésa termine ici le récit de ses exploits contre Israël. 
Il passe à la description de ce qu'il a bâti, restauré, 
embelli, et la campagne contre Oronaï appartient à d'au- 
tres circonstances, car cette ville ne fut jamais comptée 
parmi les cités d'Israël. On dirait donc, à le lire super- 
ficiellement, qu'il n'a jamais cessé d'être l'enfant gâté 
de la victoire. Cependant son début a quelque chose 
d'exalté qui trahit ses alarmes. Il était en règle 
avec Chamos puisqu'il lui avait immolé tout ce qu'il 
avait voué à l'anathème, puisqu'il lui avait offert en tro- 
phée l'autel d'Ataroth et les vases sacrés de Nébo. Et 
cependant il lui a élevé un sanctuaire, parce que ce 
dieu l'avait sauvé et lui avait donné de triompher de 
ses ennemis. Le roi d'Israël, si passif dans tout le récit 
des conquêtes, avait dit cependant lui aussi : « J'oppri^ 
meraiMoab ! » Qu'avait-il donc fait dans ce sens? Ce que 
Mésa indique discrètement, comme un homme échappé 
d'un grave danger et fort redevable à Chamos, la Bible 
le raconte assez longuement. 

III. Récit biblique. — Quelques détails de géographie 
sont nécessaires pour comprendre le récit du quatrième 
livre des Rois, m, 4-26. Le territoire de Moab se com- 
posait de deux longues plaines, bordées d'un côté par 
le désert, de l'autre par les montagnes escarpées qui 
dominent la mer Morte; elles sont séparées l'une de 
l'autre par la coupure de l'Arnon, précipice d'environ 



mille mètres de profondeur et dont les pentes sont 
presque inaccessibles. La plaine du nord était le champ 
de bataille entre Moab et Israël. Des hauteurs d'Hésébon, 
les Israélites pouvaient atteindre Dibon sans rencontrer 
d'obstacle. Cette ville elle-même n'avait aucune défense 
naturelle ; située presque au ras de la plaine, dépour- 
vue d'eau, elle n'était guère qu'un centre pour les tribus 
qui poussaient leurs troupeaux vers le désert. Battus à 
cette place, les Moabites risquaient d'être culbutés dans 
l'Arnon. Is., xvi, 2. En revanche, l'Arnon offrait une 
barrière infranchissable aux envahisseurs du nord : de 
ce côté Moab était bien chez lui. Au sud, une autre dé- 
pression comparable à l'Arnon, l'ouadi el-Afrsa, le sé- 
parait du Djébâl, et, presque au centre de la plaine, 
une position incomparable défiait toutes les attaques : 
c'est le Kérak (voir Kir-Moab, t. m, col. 1895), situé à 
mille mètres d'altitude, détaché des montagnes de l'est, 
accessible seulement au sud, mais facile à isoler par un 
simple fossé. C'est là que Renaud de Châtillon brava si 
longtemps les armées de Saladin; c'est là que l'accord 
général place la capitale de Moab, c'était là qu'il fallait 
frapper Mésa pour le punir de ses insolentes entreprises. 
Pour cela, on devait pénétrer par le sud, tourner la mer 
Morte, passer l'ouadi el-Ahsa dans le Ghôr et gagner 
les plateaux; un chemin assez bien tracé le permet en- 
core aujourd'hui sans trop de difficulté. Il va sans dire 
qu'une pareille campagne ne pouvait être entreprise 
sans le concours de Juda et même d'Édom qui aurait 
pu, en survenant par derrière, causer à l'armée israélite 
le même désagrément que les Syriens au nord. Le roi 
de Juda accepta sans difficulté de prendre part à l'expé- 
dition. Si ce roi était Josaphat, son consentement entraî- 
nait celui d'Édom qui vivait sous sa dépendance; si 
c'était Ochozias, comme le veut l'ancienne édition des 
Septante, on doit supposer qu'Édom, récemment 
affranchi, mais battu par Joram, ne crut pas prudent 
de s'opposer aux desseins des deux rois de Juda et 
d'Israël. Il marcha donc avec eux. 

Le récit de la campagne a été jugé sévèrement par 
Stade, Geschichte, p. 534 : « Der Erzâhler berichtet 
phantastisch..., und ohne das Terrain genau zu ken- 
nen. » L'auteur biblique n'aurait pas connu suffisam- 
ment le terrain. Reproche étrange dans la bouche d'un 
savant qui n'est jamais sorti de son cabinet! Ceux qui 
ne connaissent pas le terrain sont ceux qui s'obstinent 
à placer Édom à l'est du Ghôr ; la position d'Édom au 
sud de Juda une fois reconnue, tout s'explique aisément. 
Les rois confédérés entreprennent une marche tour- 
nante de sept jours; il leur faut, en effet, contourner 
le sud de la mer Morte; mais avant d'avoir pu pénétrer 
dans Moab, ils étaient déjà morts de soif. Toutes les 
eaux du Ghôr, qui sont abondantes, descendent, en effet, 
de l'est, mais elles devaient naturellement être gardées 
par les Moabites et du moins fallait-il les atteindre. 
L'armée était vraiment exposée à périr dans le sable 
brûlant de T'Araba. On consulta le prophète Elisée qui 
répondit, par égard pour le roi de Juda : « Faites dés 
fosses de place en place; vous ne verrez pas de vent 
et vous ne verrez pas de pluie, et cependant cette vallée 
se remplira d'eau. » Ici encore Stade croit la plaisante- 
rie facile. Le secret n'en était pas un; les rois savaient 
très bien que la vallée d"Arabim contenait des eaux 
souterraines : il n'y avait qu'à creuser. C'est de la haute 
fantaisie, car si on avait été dans les vallées moabites, 
l'eau n'aurait pas manqué, et, d'après le texte, il s'agit 
de tout autre chose. Ce phénomène, nous l'avons par- 
faitement compris, lorsque, par un ciel sans nuages, 
nous vîmes venir à nous de petits filets d'eau courante 
qui nous barrèrent le chemin dans le désert de Tih. Voir 
Revue biblique, 1896, p. 445. Il est vrai que la veille nous 
avions essuyé l'orage, mais la situation des confédérés 
était toute différente. Des orages terribles venus de la mer 
peuvent éclater sur les plateaux sans qu'on s'en doute 



4019 



MES A 



1020 



dans la profonde dépression du Ghôr : les eaux pren- 
nent alors leur pente naturelle et descendent soit vers 
la Méditerranée, soit vers la mer Morte. C'est ainsi que 
les rois virent à l'aurore les eaux descendre par le che- 
min d'Édom, et comme on pent le conjecturer avec cer- 
titude d'après l'ancienne version grecque, du désert de 
Chour, c'est-à-dire des plateaux du Tih. Si l'orage s'était 
déchaîné vers la montée d"Aqrabbim, les eaux devaient 
s'écouler naturellement par l'ouadi Fiqrê qui est bien 
le chemin d'Édom. Mais elles ne pouvaient aller bien 
loin dans le sable brûlant, il importait de les recueillir 
et c'est pourquoi le prophète avait donné le conseil de 
creuser non des puits, mais des fosses. Tous les détails 
portent et concordent avec la situation; c'est le phéno- 
mène du seil, bien connu des Bédouins de l'a péninsule 
sinaïtique. 

Les Moabites-ne pouvaient soupçonner le changement 
opéré dans la situation. Ceux qui ont visité les rives 
méridionales de la mer Morte savent quelles étranges 
couleurs changent parfois l'aspect des objets. Nous 
avons vu la mer Morte vraiment rouge le soir du 1 er no- 
vembre 1897; assurément on ne l'eût pas crue changée 
en sang; mais, de loin, les Moabites, sachant de science 
certaine qu'il n'y avait pas d'eau au campement d'Israël, 
ont pu prendre telle flaque d'eau rougie par l'aurore 
pour du sang répandu. Ils quittèrent leur position dé- 
fensive, s'engagèrent eux-mêmes dans un sol , tantôt 
mouvant, tantôt, rugueux, et furent battus. La contrée 
était ouverte, les Israélites mirent tout à feu et à sang, 
détruisant les villes, coupant les arbres, bouchant les 
sources, pendant que Mésa avec une élite se réfugiait 
dans sa capitale. Le roi de Moab a passé tout cela 
sous silence, il fallait s'y attendre. Cependant à quoi 
fait-il allusion quand il nous dit : C'est moi qui ai bâti 
Beth-Bamoth, car elle était détruite — c'est le propre 
terme de la Bible; — c'est moi qui ai bâti Beser, car 
elle était en ruines? A s'en tenir à son premier bulle- 
tin de victoire, on ne s'explique pas l'urgence de tant 
de réparations. Nous voyons même un indice moins 
facile à relever, mais [peut-être encore plus significatif, 
dans les constructions qu'il fit à Qorkha. Cette ville 
était sa capitale, puisqu'il y avait son palais royal. Or, 
il est évident que tout ce qu'il y construit, sauf précisé- 
ment ce palais, a pour but de mettre la ville en état de 
défense. Fut-ce .ayant ou après le siège qu'il y subit, 
c'est ce qu'il ne dit point; il se peut que les travaux, 
commencés à la hâte, furen t terminés à loisir, mais en 
tout cas une comparaison s'impose entre les travaux 
entrepris à Qorkha et les mesures prises par Ëzéchias 
pour .défendre Jérusalem contre Sennachérib. Ézéchias 
bouçh&la source, qui coulait en dehors de la ville et 
l'introduit dans la cité; il répare les murs avec leurs 
tours, fait un mur extérieur, met; en ordre l'arsenal. 
II .Par., xxxii:, 2, 5, 30. Quand on était Jnquiet à Jérusa- 
lem, on ^réparait le mur d'Ophel, II Par., xxvn, 3: lors 
de; ; la ..grande alerte décrite par Isaïe, tous les regards 
settomnaient .vers l'arsenal, bêt-ya'âr,'e$. ces deux noms 
ressemblent; étrangement à ceux des murs bâtis par 
Mésa;, S'il -fournit la ville d'eau, il est bien probable 
qu'il ne :se préoccupe pas à la romaine.de procurer les 
eaux en : abondance -pour le luxe des bains.-A y regar- 
der de près', c'*st encore un? njesure. défensive, analo- 
gue à celle d' Ézéchias, Les seules villes: d'Orient qui 
n'ont pas de citernes Sont celles quiont.l'eau à portée, 
comme c'est le cas du Kérak; mais en dehors delà 
ville. En cas de siège, on se trouvait au dépourvu. Mésa 
lait une double piscine pour le public, puis commande 
à chacun de se creuser une citerne dans sa maison. 
L'expédition des rois eut lieu à la saison des pluies, 
comme le prouve l'orage dont nous avons vu les effets; 
l'ordre était donc très pratique, et aussi la construction 
des fossés à laquelle on fit travailler les prisonniers 
faits naguère sur Israël. 



Si Ton doutait qu'on puisse parler avec autant de 
sérénité que Mésa d'une aussi chaude alerte, il suffirait 
pour s'en convaincre de relire dans II Par., xxxn, le 
récit de la campagne de Sennachérib contre Ézéchias. 
On voit bien que le roi d'Assyrie avait eu l'intention de 
s'emparer des villes de Juda, II Par.,xxxn,I, et de Jéru- 
salem, mais il en fut pour sa courte honte, et dès lors 
le récit se termine comme l'inscription de Mésa : « Et 
Ézéchias se fit des villes et de nombreux troupeaux. » 
II Par., xxxn, 29. Des villes prises, du tribut payé, des 
territoires arrachés à Juda, il n'est pas fait la moindre 
mention. De son côté, l'historien biblique ne dissimule 
pas le triomphe final de Mésa, mais ici c'est à son tour 
à glisser légèrement. Soit qu'iL ait été pris au dépourvu 
dans ses préparatifs de défense, soit qu'il manquât de 
vivres, Mésa reconnut bientôt que la résistance était 
impossible. Avec sept cents hommes, cette élite dont il 
a parlé, il essaya de se frayer un passage jusqu'au roi 
d'Aram. Le texte dit Édom, mais le roi d'Édom n'eût 
pu que le livrer à ses alliés. Aram pour Édom n'est pas 
même un changement dans l'ancienne écriture. Ce fut 
en vain. Alors il eut recours à. cette suprême ressource 
des Carthaginois en péril, le meurtre d'un enfant, et 
pour être plus agréable à son dieu qui ne peut être 
que Chamos, il choisit pour victime son propre fils, 
l'héritier de sa couronne. Il l'immola en holocauste, 
sur le mur, sans doute pour que le sang versé en 
l'honneur du dieu le rendît inviolable. De cela non plus 
il ne s'est pas" vanté, .mais; dans son cri de triomphe 
et d'action de grâces au Chamos de Qorkha, n'a-t-on 
pas comme un écho de ce drame ? C'est à Qorkha que 
Chamos l'avait sauvé, il veut lui élever un sanctuaire à 
Dibon, dans sa patrie, pour lui témoigner sa reconnais- 
sance, « parce qu'il l'a sauvé de toutes ses chutes et l'a 
fait triompher de tous ses ennemis. » 

Que se passa-t-il alors? Cela est demeuré un secret 
impénétrable. Les Israélites abandonnèrent le siège et 
rentrèrent chacun chez soi. On a supposé que Mésa 
avait acheté leur retraite et fait sa soumission; cette hy- 
pothèse ne concorde ni avec ses accents qui paraissent 
sincères, ni avec le texte sacré. Dans les opinions reli- 
gieuses d'Israël et de tous les Sémites, un échec final 
aussi lamentable (le prophète n'avait rien prédit de 
l'issue définitive de la campagne) né pouvait être attri- 
bué qu'à la colère divine ; c'est aussi ce que le texte dit. 

Quel fut l'événement interprété comme un châtiment 
de Jéhovah? Encore une fois le point demeure obscur. 
Peut-être les Moabites combattirent-ils dès lors avec 
l'énergie du désespoir; peut-être les Israélites redoute- 
ront-ils l'efficacité de l'horrible sacrifice; élevés depuis 
le règne d'Achab dans des idées â moitié païennes, ils 
ont pu craindre, non point que Chamos se mît en co- 
lère contre eux, mais que Jéhovah, auquel ils ne pou- 
vaient offrir de victimes humaines, se trouvât dans cet 
état d'infériorité que les anciens coloraient publiquement 
en disant que leur dieu était en colère. Si on admet que 
le roi de Juda était Ochozias, le plus simple est de sup- 
poser que dès. lors les Syriens étaient en campagne. Les 
deux rois, Joram et Ochozias, furent :vairiciis dans la 
première année du règne d'Ochôzias à Ramoth.Gàlaad 
et peu après tous deux périssaient de la main de Jéhu. 
Le triomphe de Mésa était complet et il a pn croire, au 
moment où sombrait la dynastie d'Amri et où Jéhu re- 
connaissait; la suzeraineté du. roi d'Assyrie, qu'Israël 
était perdu, perdu, pour toujours. Israël possédait un 
germe de vie et de résurrection que Mésa ne pouvait 
sonpçonner. " - — . . -, 

Bibliographie. — Clermont-Ganneau, La stèle de 
Mésa, roi de Moab, Paris, 1870 (la première publication 
sur ce sujet); Smend et Socin, Die Inschrift des Kônigs 
Mesa von Moab, Fribourg-en-Brisgau, 1886; Clermont- 
Ganneau, La stèle de Mésa, dans le Journal asiatique^, 
1887, t. ix, p. 72; Socin et Holzinger, Zur Mesainschrift, 



1021 



MESA — MÉSOPOTAMIE 



1022 



1897; Nordlander, Die Inschrift des Kônigs Mesa von 
Moab, Leipzig, 1896; Lidzbarski, Eine Nachprûfung 
der Mesa Inschrift, dans son Ephemeris fur semitische 
Epigraphik, n° 1, p. 1-10; J. Halévy, dans la Revue 
sémitique, juillet et octobre 1900; W. H. Bennett, art. 
Moab, dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. m, 
1900, p. 403-408; Cheyne, Encyclopsedia biblica, t, m, 
1902, p. 3040-3048. M. Albert Lôwy a essayé d'attaquer 
l'authenticité de la stèle de Mésa, dans A critical Examir 
nation of the so-called Moabite Stone in the Louvre, 
3 e édit., Londres, 1903. J. Lagrange. 

MÉSCHEK (hébreu : MêSék), nom ethnique que la 
Vulgate a toujours rendu par Mosoch, excepté dans le 
Ps. cxix (hébreu, cxx), 5, où elle a traduit : « Malheur 
à moi, parce que mon exil s'est prolongé; » tandis que 
le texte original porte : « Malheur à moi qui séjourne 
à Méschék. » Voir Mosoch. 

MESÉLÉMIA, hébreu : MeSélémyâhû [et Mesélé- 
myâh, I Par., ix, 21], « celui que Yah récompense; » 
Septante : MotreXXefit'a, MoasXXaiiîa ; Alexandrinus, 
MaoïXXanta [ModoXXàfi, MoooXXaiii', I Par., IX, 21]; Vul- 
gate : Meseleniia, I Par., xxvi, 1, 2; Mosollamia, I Par., 
ix, 21), lévite, de la famille de Caath. Il vivait du temps 
de David et fut chargé avec ses fils de la garde d'une 
des portes du sanctuaire. I Par., xxvl, 1-2. La porte 
orientale lui échut par le sort. I Par., xxvi, 14. Dans 
ce passage, la première syllabe de son nom est tombée, 
et il est appelé en hébreu : Sélémyahû. Septante : EeXe- 
(xia ; Vulgate : Selemia. Ses fils étaient au nombre de 
sept. L'aîné, qui s'appelait Zacharie, I Par., ix, 21; xxvi, 
2, fut désigné par le sort pour la garde de la porte sep- 
tentrionale. 1 Par., xxvi, 14. Outre ses fils, Mesélémia 
avait sous ses ordres ses frères, ce qui faisait un total 
de dix-huit hommes forts et robustes, I Par., xxvi, 9, 
pour garder les deux portes de l'est et du nord. Le f. 17 
nous apprend qu'il y avait, à l'est, six lévites par jour 
et, au nord, quatre par jour, chargés de monter la garde. 
Mesélémia, dans I Par., xxvi, 1, est appelé « fils de Coré, 
d'entre les fils d'Asaph ». Il était, en effet, Corite, mais 
non descendant d'Asaph, caries Corites descendaient de 
Lévi par Caath, I Par., vi, 16, 18, 21, tandis qu'Asaph 
descendait de Lévi par Gersôn. I Par., vi, 39-43. Voir 
Asaph, 1, t. i, col. 1056. Asaph doit être corrigé en Abia- 
saph, comme on le lit I Par., ix, 19. Abiasaph était, en 
effet, un des fils de Coré. Exod., vi, 24. 

MÉSENGUY François Philippe, écrivain janséniste 
français, né à Beauvais le 22 août 1677, mort à Saint- 
Germain-en-Laye le 19 février 1763. Il étudia à Beau- 
vais et à Paris. En 1700, il devint professeur de rhéto- 
rique au collège de sa ville natale. En 1707, il fut appelé 
à Paris au collège dit de Beauvais, dont Rollin était le 
directeur. Coffin, successeur de Rollin, le chargea de 
l'instruction religieuse des élèves. Il remplit ces fonc- 
tions jusqu'en 1727 où l'opposition qu'il fit à la bulle 
Unigenitus l'obligea de les résigner. Il alla habiter sur la 
paroisse de Saint-Étienne-du-Mont et y demeura jusqu'en 
1748. Il s'établit alors à Saint-Germain-en-Laye. 11 ne 
cessa qu'à sa mort, qui eut lieu dans sa 86 e année, de 
défendre le jansénisme, malgré les condamnations des 
papes. De ses nombreux écrits nous ne citerons que son 
Abrégé de l'histoire et de la morale de l'Ancien Tes- 
tament, in-12, Paris, 1728; Le Nouveau Testament tra- 
duit en français avec des notes littérales, in-12, Paris, 
1729; 3 in-12, 1752; Abrégé de l'histoire de l'Ancien 
Testament avec des éclaircissements et des réflexions, 
10 in-12, Paris, 1735-1753; Abrégé de l'histoire de V An- 
tien et du Nouveau Testament, 3 in-12, Paris, 1737- 
1738; Épîtres et évangiles avec des réflexions, in-12, 
Paris, 1737; Lyon, 1810. — Voir [l'abbé Lequeux, ami de 
Mésenguy], Mémoire sur la vie et les ouvrages de feu 



M. l'abbé François Philippe Mésenguy, in-12, Paris, 
1763. 

MESÉZÉBEL (hébreu : Mesêzab'ël, « celui que 
Dieu délivre; » Septante : MaÇEgi)),, Mtau>&ër{k, Bao-mCâ), 
un des chefs du peuple qui signèrent l'alliance avec 
Dieu, après la captivité, du temps de Néhémie. II Esd., '%, 
21. C'est sans doute le même qui est donné, m, 4, comme 
le père de Barachias et le grand-père de Mossolam, l'un 
de ceux qui travaillèrent à la reconstruction des murs 
de Jérusalem sous Néhémte, et xi, 24, comme le père 
de Phathahia, agent du roi de Perse dans l'administra- 
tion civile de la Judée. Si cette identification est exacte, 
Mesézébel était de la tribu de Juda et descendait de 
Zara. II Esd., xi, 24. La Vulgate, qui transcrit le nom 
hébreu Mesezebel dans II Esd,, m, 4; xi, 24, l'écrit Mesi- 
zabel, x, 21. 

MESILTAIM, forme duelle, l Par., xm, 8;. rv, 16, 

19, 28; xvi, 5, 42; xxv, 1, 6; II Par., v, 12, 13; xxix, 25; 
I Esd., ni, 10; II Esd., xn, 27, est un des noms hébreux 
des cymbales. On les appelle aussi selselim. Les deux 
noms dérivent de la même racine, qui est Vis, sâlal, 

« tinter, » rendre un son métallique. Arabe, J-o, t ^Ja. 
Voir Cymbale, t. n, col. 1163. J. Parisot. 

MESIZABEL, orthographe du nom de Mesézébel 
dans la Vulgate. II Esd., x, 21. Voir Mesézébel. 

MESOLLAM (hébreu : Mesullâm, « qui se confie [en 
Dieu] ; » Septante : MEtroXXâfi), lévite qui vivait du temps 
d'Esdras. Il l'aida avec plusieurs autres, à dresser la liste 
des Israélites revenus de captivité qui avaient épousé 
des femmes étrangères. I Esd., x, 15. Plusieurs commen- 
tateurs croient que ce Lévite est le personnage nommé 
parmi les chefs chargés de la conduite des captifs, qui 
retournèrent de Babylone à Jérusalem. I Esd., vm, 16. 
On l'a aussi identifié avec le Mosollam, gardien des portes 
du Temple, qui est nommé II Esd., xn, 25. Le nom hé- 
breu de MeSulldm fut très commun après la captivité. 
Voir Mosollam. La Vulgate ne l'a rendu qu'une fois par 
Mesollam. I Esd., x, 15. Dans I Esd., vm, 16, et II Esd,, 
xn, 25, elle écrit Mosollam, comme dans les autres 
passages où il est question d'autres Mesullâm. 

MÉSOPOTAMIE, plaine située entre le Tigre et 
l'Euphrate. — I. Nom. — La Mésopotamie est désignée 
dans le texte hébreu de la Bible sous les noms de 'ârani 
nahâraim ou Syrie des deux fleuves, Gen., xxrv, 10; 
Deut., xxiii, 4; Jud., m, 8; I Par., xix, 6; Ps. lx(i.ix), 
2; paddan 'âràm, plaine de Syrie, Gen., xxv, 20; 
xxviii, 2, 5, 6, 7; xxxi, 18; xxxv, 9, 26; xlvi, 15; ou 
simplement paddan, Gen., XLvm, 7 ; 'êber hannâbâr, 
le bord du fleuve, Josué, xxiv, 3, 14, 15; sedêh 'âram, 
la plaine de Syrie. Ose., xn, 12. Les Septante traduisent 
ces termes par Metroîtorajua auquel ils joignent le plus 
souvent le mot 2up(aç. On trouve aussi Eupi'a itoTajjiûiv, 
Jud., m, 8; rcÉpav toO irorafioO, Jos., xxrv, 3, 14; jreSiov 
Suptaç. Ose., xn, 12. La Vulgate emploie générale- 
ment le mot Mesopotamia et le plus souvent avec le 
mot Syrise. Dans Osée, xn, elle se sert des mots regio 
Syrise. 

IL Description de la Mésopotamie. — La Mésopota- 
mie est la plaine arrosée par le cours moyen de l'Eu- 
phrate et du Tigre, après leur sortie de la chaîne du 
Taurus jusqu'à la basse plaine de la Babylonie. A l'Orient, 
le vaste plateau de l'Iran domine les plaines du Tigre 
et forme un barrage transversal d'où s'épanchent les 
eaux. La Mésopotamie est comme un déversoir pour les 
populations des hantes terres voisines, qui peuvent 
facilement descendre parles vallées. De même les habi- 
tants dés chaînes riveraines de la Méditerranée regar- 



1023 



MÉSOPOTAMIE 



1024 



daient aussi vers PEuphrate, par delà l'étroite lisière du 
désert. Elisée Reclus, Géographie universelle, t. ix, 
in-4°, Paris, 1884, p. 378. La Mésopotamie se divise en 
deux parties distinctes. La partie nord que Strabon 
appelle Parorée est la plus rapprochée des montagnes. 
Strabon, XVI, I, 23. Elle est arrosée sur ces deux côtés 
par le Tigre et l'Euphrate, et au milieu par les 
affluents de l'Euphrate, le Balikh et le Chaboras ou 
Habor (t. m, col. 382) qui reçoivent eux-mêmes de nom- 
breux petits cours d'eau. Voir Euphrate, t. n, col. 2046. 
Cf. flg. 623, col. 2047. Le sol en est assez fertile. Il y a des 
forêts. Dion Cassius, lxviii, 26; lxxv, 9. Parmi les arbres 
qui y poussent, la Bible nomme le peuplier, l'amandier 



soulève par tourbillons. G. Perrot, Histoire de l'art, t. H, 
1884, p. 3-4, 10-13; G. Rawlinson, The ftve great monar- 
chies of the ancient eastern World, 4» édit., in-8», Lon- 
dres, 1879, t. i, p. 1-4. On y rencontre de nombreux ani- 
maux fauves et domestiques, surtout des porcs, des 
sangliers (fig. 270), des serpents, la plupart inoffensifs, 
des lions et des panthères. G. Maspero, Histoire.anc, 1. 1, 
p. 551-561. Voir Euphrate, t. n, col. 2048. Parmi les pro- 
duits naturels du pays, Strabon, XVI, s, 24, mentionne des 
sources de naphte et une pierre appelée gangitide. La 
Mésopotamie fut une des voies principales du commerce- 
dans l'antiquité. C'est par l'Euphrate que passe le che- 
min qui réunit les lignes de navigation entre l'Inde et 




269. — Animaux domestiques. D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. il, pi. 35. 



et le platane. Gen.,xxx, 37. On y trouve aussi des pâtu- 
rages qui nourrissent des troupeaux de moutons et de 
chèvres. Gen., xxx, 31-43 (flg. 269). Entre le Balikh et le 
Tigre l'hémione et l'onagre erraient par troupes. La plaine 
située plus au sud est soumise à un régime différent. 
Elle ne doit sa fécondité qu'aux inondations périodiques 
du Tigre et de l'Euphrate, qui débordent au printemps. 
Pline, H. N., v, 26 (21). Pendant six semaines, en no- 
vembre et en décembre, il pleut beaucoup, puis les 
ondées diminuent jusqu'en mai. Pendant l'hiver, le 
froid n'est pas excessif, cependant le matin une mince 
pellicule de glace couvre les marais. Pendant six mois, 
de juin à novembre, la chaleur est lourde pour les 
hommes comme pour les animaux. Le vent du sud 
pousse parfois devant lui des tourbillons de sable. Tanl 
que la terre reste humide, le pays est couvert d'herbes 
très hautes, où les chevaux et le bétail enfoncent jusqu'au 
poitrail. Parmi les plantes qui naissent dans le pays se 
rencontrent les céréales, le froment, l'orge et l'épeautre, 
ainsi que plusieurs espèces de légumes, la lentille, le 
pois chiche, le haricot, l'oignon, l'aubergine, le con- 
combre; on y trouve aussi le sésame, le ricin, le henné, 
le lin et le chanvre. Les palmiers y rendent les plus 
grands services aux habitants. La plaine pendant la plus 
grande partie de l'année est nue et désolée. Au prin- 
temps, au contraire, on y voit en abondance des feuilles 
et des fleurs. Dès le mois de mai, les herbes se dessè- 
chent. Il reste cependant de la verdure sur les bords 
des fleuves, ce sont des plantes aquatiques, des roseaux, 
des nénuphars. Ces plantes, serrées les unes contre les 
autres, offrent l'aspect de vastes prairies. Partout ailleurs 
l'aspect du pays est mbrne comme celui du désert. Les 
plantes desséchées forment une poussière grise que le vent 



la Méditerranée. Dès que les hommes surent diriger 
une embarcation, ils prirent cette voie de préférence à 
celle de l'Iran, si difficile à cause des plateaux et des 
montagnes qu'il faut traverser. Sous, les Babyloniens, 
maîtres du port de Térédon sur le golfe Persique et de 
celui de Tyr sur la Méditerranée, la Mésopotamie 




270. — La laie et ses petits au milieu des roseaux. 
D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. n, pi- 12. 

fut la principale voie commerciale du monde par 
l'Euphrate. Les Perses habitués aux routes de terre 
arrêtèrent ce mouvement et coupèrent le fleuve par 
des barrages. Alexandre et les Séleucides restaurèrent 
la route de l'Euphrate. E. Reclus, Géographie uni- 
verselle, t. ix, p. 378-379. La Mésopotamie appartenait 
ethnographiquement aux trois grands peuples sémi- 
tiques qui y touchaient; les Assyriens occupaient la 
partie orientale sur le Tigre, les Araméens ou Syriens 
la partie occidentale et septentrionale, enfin le steppe. 



1025 



MESOPOTAMIE 



1026 



du sud était aux Arabes nomades, "Apaëe? «rx^vîtai. 
Ces derniers occupaient la région par laquelle passait 
la route des caravanes, allant de Syrie ou d'Asie-Mi- 
neure vers Babylone, Strabon, XVI, i, 26-27. Cf. Xéno- 
phon, Anab., I, v, 1. C'est de la partie septentrionale, 
c'çst-à-dire de celle où habitaient les Araraéens, qu'il est 
surtout question dans la Bible. La ville principale et 
la plus ancienne de*cette région était Haran. Voir Ha- 
ban 3, t. ni, col. 424. Là encore se trouvaient Édesse 
(flg. 271) et Nisibe, sur le Mygdonius, aftluent du Cha- 
boras. Dans la partie méridionale il n'y avait pas de villes. 
Les Grecs avaient comparé la Mésopotamie à un vaste 
navire à cause de sa forme allongée. Strabon, II, i, 23, 



teur Éliézer chercher une femme pour lui en Mésopo-. 
tamie, mais en lui donnant ordre de ne pas permettre 
à Isaac de retourner dans ce pays. Gen., xxiv, 2-9. 
Éliézer partit pour la Mésopotamie et vint à Nachor ou 
Haran. C'est là qu'il rencontra Rebecca, fille de Bathuel, 
et illa ramena à Isaac. Gen., xxiv, 10-67; xxv, 20. Voir 
Éliézer, t. n, col. 1678; Isaac, t. in, col. 931. C'est de 
même en Mésopotamie et à Haran qu'Isaac envoya Jacob 
pour chercher une femme. Il- lui ordonna de prendre 
une des filles de Laban, frère de Rebecca, c'est-à-dire 
une de ses cousines germaines. Gen., xxvin, 2, 5, 6, 7. 
C'est près d'Haran que Jacob vit en songe une échelle mys- 
térieuse où les anges montaient et descendaient. Il resta 




271. — Orfah (ancienne Édesse). Grande Mosquée. 
D'après Chesney, The Expédition of Euphrates, t. u, pi. xxxiv, p. 77 



6; XVI, i, 22. Les Arabes l'appellent Al-Djeziréh, c'est- 
à-dire l'île. 

III. La Mésopotamie dans la Bible. — II est pour la 
première fois question de la Mésopotamie dans la Bible 
à l'occasion du voyage de Tharé et d'Abraham, d'Ur en 
Chaldée vers le pays de Chanaan. Tharé et sa famille 
quittèrent Ur pour se diriger vers Haran; ils traversè- 
rent donc toute la Mésopotamie du sud au nord. Gen., xi, 
31. Voir Haran 3, t. m, col. 424. Tharé mourut à Haran. 
Cette migration d'Abraham est rappelée par les Ammo- 
nites, quand Holoferne les interroge sur les Juifs. Ils 
sont, dit le prince des Ammonites, de la race des Chal- 
déens. Ils habitèrent d'abord la Mésopolamiêy^parce 
qu'ils avaient abandonné les dieux des Chaldéens pour 
adorer le Dieu du ciel et ils s'établirent à Charan 
(Haran). Judith, v, 7. Le livre de Josué, xxiv, 3, 14-15, 
fait également allusion au retour d'Abraham du bord 
du fleuve et aux faux dieux que sa race y adorait. C'est 
d'Haran qu'Abraham, sur l'ordre de Dieu, se rendit dans 
la terre de Chanaan. Gen., xii, 1, Voir Abraham, t. I, 
col. 74. Une partie de la famille de Tharé était restée à 
Haran. Abraham appelait cette ville son pays à cause du 
séjour prolongé qu'il y avait fait. Pour ne pas marier 
son fils Isaac à une Chananéenne, il envoya son servi- 

DICT. DE LA BIBLE. 



sept ans en Mésopotamie au service de Laban pour 
obtenir la main de Rachel, puis ayant été trompé par 
Laban qui lui avait fail épouser subrepticement Lia, il y 
resta sept autres années pour obtenir enfin celle qu'il 
aimait. Gen., xxvm,10;xxix, 30. Après avoir épousé Ra- 
chel, Jacob ne quitta pas le pays de son beau-père, car 
c'est là que naquirent ses douze fils. Gen., xxix, 31-xxx, 
23; xxxv, 26; xlvi, 15. Jacob désirant revoir la terre de 
Chanaan demanda à son beau-père de le laisser aller et 
il quitta le pays. Rachel emporta les idoles de son père, 
ce qui montre que les Araméens de Mésopotamie étaient 
polythéistes et idolâtres. Gen., xxx, 25; XXXI, 19, 34-36. 
Voir Jacob, t. in, col. 1062; Rachel. Balaam était de 
Mésopotamie. Sa patrie était Péthor, située au confluent 
de l'Eùphrate et du Sagur. Num., xxm, 7; Deut., xxm, 
4; cf. Num., xxn, 5, dans l'hébreu. C'est par erreur que 
la Vulgate en fait un Ammonite dans ce verset. Voir 
Balaam, t. i, col. 1390. Au temps des Juges, un roi de 
Mésopotamie, inconnu par ailleurs et nommé Chusan 
Rasathaim, asservit les Juifs pendant huit ans. Othoniel 
les délivra de son joug. Jud., ni, 10-11. Voir Chusan 
Rasathaim, t. n, col. 748. David fit une campagne en 
Mésopotamie et c'est à cette occasion qu'il composa le 
Psaume lix (hébreu, lx), ainsi qu'il est dit dans le titre. 

IV. - 33 



1Ô27 



MÉSOPOTAMIE — MESSA 



1028 



Cette campagne est probablement l'une de celles dont il 
est parlé dans 11 Reg. (Sam.), vm,3;x,6-19;I Par., xvm, 
3. Voir David, t. n, col. 1316, et Adarézer, 1. 1, col. 211. 
Dans I Par., xix, 6, nous voyons les Ammonites envoyer 
mille talents d'argent en Mésopotamie, afin d'y prendre 
à leur solde des chariots et des cavaliers. Ils y réunis- 
sent 32 000 chars, pour combattre David qui resta ce- 
pendant vainqueur. Il est de nouveau question de la 
Mésopotamie dans le livre de Judith. Dans sa seconde 
«ampagne, Holopherne passa l'Euphrate, traversa la 
Mésopotamie et renversa toutes les places fortes bâties 
sur le torrent d'Abronas jusqu'à la mer. Judith, grec, h, 
24; Vulgâte, n, 14. Le torrent dont il s'agit est le Cha- 
boras, affluent de l'Euphrate. La Vulgate l'appelle Mam- 
bré (col. 635) et la Peschito Jaboc, ce qui est une erreur, 
car le Jaboc est un affluent du Jourdain. Voir Abronas, 
t. i, col. 92; Jaboc, t. m, col. 1056. La Vulgate, Judith, 
m, 1, dit que les rois de Mésopotamie envoient des am- 
bassadeurs à Holopherne, et m-, 14. Au temps d'Assur- 
banipal, Holopherne traversa la Mésopotamie et maintint 
dans la soumission les tribus toujours disposées à la 
révolte. Judith, grec, h, 24; Vulgate, h, 14; m, 1, 14. La 
Mésopotamie suivit le sort du reste de l'empire assyrien ; 
elle passa sous la domination des Babyloniens, puis' 
sous celle des Mèdes et des Perses. Sous Darius I" la 
Mésopotamie du nord fit d'abord partie de la satrapie 
d'Athura ou de Syrie, et la plaine du sud de la satrapie 
d'Arabie. Inscription de Behistoun, col. 1, lig. 12-17; 
Weissbach-Bang, Die Altpersischen Keilinschriften, 
in-4°, Leipzig, 1893, p. 12-13; G. Maspero, Hist. anc., 
i. il, p. 688. 

IV. Histoire de la Mésopotamie en dehors de la 
Bible. — On sait peu de chose de l'histoire de la Mé- 
sopotamie jusqu'à l'époque où elle fut soumise aux 
Perses. Les Hébreux y séjournèrent au temps d'Abraham 
ainsi que nous l'avons vu plus haut. D'après les inscrip- 
tions assyriennes, le pays continua à être habité par des 
tribus indépendantes ayant chacune leur chef. Chusan 
Basa thaim qui asservit les Israélites au temps des Juges, 
était l'un de ces chefs. Jud., m, 10-11. Au temps de 
David, les Araméens de Mésopotamie paraissaient avoir 
subi la domination du roi de Soba, Adarézer. II Reg. 
, (Sam.), x, 16. Les Assyriens furent souvent en lutte avec 
ces tribus. ïhéglathphalasar I er traversa toute la Mésopo- 
tamie du nord avec ses armées. G. Maspero, Hist. anc, 
t. n, p. 643. Assurnazirhabal, en 880, soumit à la domi- 
nation assyrienne les chefs des tribus araméennes à la 
suite d'une importante expédition. Maspero, Hist. anc, 
t. H, p. 28-32, 118. Salmanasar III affermit cette con- 
quête (859-855). Ibid., p. 66. Cf. II (IV) Reg., xis, 13. 
Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit., t. m, p. 445, 668. Lors de la conquête de l'em- 
pire perse par Alexandre, la Mésopotamie fut soumise 
avec le reste des provinces. C'était une des régions 
qu'il avait lui-même parcourues avec son armée en sui- 
vant une route qui va de Chapsaque sur l'Euphrate à 
Carrhae, l'ancienne Haran, à Nisibe et de là à Arbèles. 
Àrrîen, Anab., III, va. Après la mort d'Alexandre, Per- 
diccas donna la satrapie de Mésopotamie à Archélaûs; 
lors du partage de Triparadisos, en 321, Antipater donna 
la satrapie de Mésopotamie à Amphimachos. Diodore de 
Sicile, XVIII, xxxix, 6. Elle passa ensuite sous le gou- 
vernement de Blitor qui fut destitué par Antigone; 
enfin elle fut soumise à Séleucus I er en 310. Josèphe, 
Ant. jud., XII, m, 4; Appien, Syriac, 55. Cf. G. Droy- 
sen, Histoire de V Hellénisme, trad. fr., t. n, in-8°, Paris, 
1884, p. 32, 133, 293, 515. Nicanor fut satrape sous An- 
tiochus. Pline, H. N., vi, 26 (30). Les Grecs fondèrent 
dans la Mésopotamie un certain nombre de colonies. 
Pline, H. N., vi, 26 (30). Les principales sont Nicépho- 
rîon fondée par Alexandre, Pline, H. iV./vi, 26 (30); 
Apamée et Amphipolis fondées par Séleucus I er , Pline, 
M. N., y, 24 (21); Antioche Callirhoé qui porta ensuite 



le nom d'Édesse. Pline, H. N., v, 24 (21). Nisibe prit 
le nom d' Antioche de Mygdonie. Josèphe, Ant. jud., XX, 
m, 3; Strabon, XVI, i, 23. G. Droysen, Histoire de 
l'Hellénisme, t. n, p. 670, 739-744. Après la chute de 
la dynastie des Séleucides, la Mésopotamie fut le théâtre 
des luttes entre les Parthes, les Arméniens et enfin les 
Romains. Ceux-ci la conquirent une première fois sous 
Trajan. Ce prince s'empara d'Édesse où régnait depuis 
137 avant J.-C. une dynastie indigène, de Nisibe et de 
Singara et organisa une province de Mésopotamie. Eu- 
trope, viii, 3. Il ne put conserver ses conquêtes et 
Hadriendutles ahandonnertoutàfait.DionCassius,LXvm, , 
29; Spartion, Hadrien, v; Eutrope, vin, 6. Sous Marc- 
Aurèle, la Mésopotamie fut reprise, Capitolin, Marc 
Antonin, vin et ix, Verus, vi, vii; Dion Cassius, lxxi,- 
1; cependant le pays ne fut jamais complètement en- 
levé aux princes indigènes, car nous trouvons encore 
sous Gordien III un roi d'Édesse. Eckhel, Doctr. Num., 
t. m, p. 516. La région gouvernée par les princes 
d'Édesse s'appelait l'Osrhoëne, elle était sous la suze- 
raineté des Parthes. 

V. Bibliographie. — Strabon, XVI, i, 21-28; Olivier, 
Voyage dans l'Empire ottoman, t. il, in-4°, 1804; Ains- 
worth, Researches in Assyria, Babylonia and Chaldea, 
in-8°, Londres, 1838; Cl. Chesney, The Expédition of 
the Survéy of the rivers Euphrales and Tigris, in-8°, 
Londres, 1850, t. i; W. K. Loftus, Travels and Resear- 
ches in Chaldea and Susiana, in-8», Londres, 1859; 
Hœfer, Chaldée, in-8°, Paris, 1853, p. 151-192 ; F. Le- 
normant et E. Babelon, Histoire ancienne, 9 e édit., in-12, 
Paris, 1885, t. iv, p. 1-18; G. Perrot et Ch. Chipiez, 
Histoire de l'art dans l'antiquité, t. i, in-4», Paris, 
1884, p. 2-14; H. Kiepert, Manuel de géographie an- 
cienne, trad. franc., in-8», Paris, 1887, p. 89-92; G. Mas- 
pero, Histoire ancienne des peuples de l'orient classique, 
1. 1, 1895, p. 551-564. E. Beurlier. 

MESPHAR (hébreu : Mispâr, « nombre; » Septante : 
Mixo-çôp), un des chefs israélites qui retournèrent de la 
captivité en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 2. Dans 
le passage parallèle, II Esd., vu, 7, Mesphar est appelé 
Mespharath. 

MESPHARATH (hébreu : Mispérét; Septante : 
MadtpapâG), nom, dans II Esd., vu, 7, du chef israélite 
appelé Mesphar dans I Esd., n, 2. Voir Mesphar. 

MESPHÉ, orthographe, dans la Vulgate, Jos., xvm, 
26, du nom d'une ville de Benjamin appelée ailleurs 
Maspha ou Masphath. Voir Maspha. 

MESRAIM (hébreu : Mi$raim; Septante : Medpacv), 
second fils de Cham, Gen., x, 6; I Par., i, 8, et père des 
Ludim, des Anamim, des Laabim, des Nephtuim, des 
Phétrusim et des Chasluim (voir ces noms). Gen., x, 
13-14; I Par., i, 11-12. Ses descendants peuplèrent 
l'Egypte, qui est appelée en hébreu, de son nom, Mis- 
raïm. Voir Egypte, t. n, col. 1603. 

MESROB, traducteur de la Bible en arménien. Voir 
Arménienne (Version) de la Bible, 1. 1, col. 1010. 

MESSA. La Vulgate rend sous cette forme un nom 
de lieu et un substantif commun, dont elle fait un nom 
propre. Ces deux mots sont complètement différents en 
hébreu et ne proviennent pas de la même racine. 

1. MESSA (hébreu : Miiâ'; Septante : Ma<r<rîi), loca- 
lité mentionnée, Gen., x, 30, dans la description des 
limites du pays occupé par les Jectanides : « Ils habitè- 
rent depuis Messa en 'allant vers Séphar la montagne de - 
l'Orient. » Ces derniers mots sont diversement traduits, 
mais, quoi qu'il en soit de leur signification, il est cer- 



*029 



MESSA — MESSE 



f03(J 



tain, d'après le langage de la Genèse, que Messa se trou- 
vaiten Arabie. Tout le monde est d'accord sur ce point; 
les sentiments sont divers lorsqu'il s'agit de déterminer 
la situation précise de Messa. Bochart, Phaleg, il, 30, 
Opéra, Liège, 1692, 1. 1, col. 144, a cru reconnaître Messa 
dans la MoOo-a de Ptolémée, vi, 8 (MoOÇa d'Arrien, 
Peripl.; Muza de Pline, H. N., vi, 23), port de mer bien 
connu à l'époque classique, dans l'Arabie méridionale, 
au nord du détroit de Bab el-Mandeb, non loin de la 
Moka actuelle, sur la mer Rouge. Voir W. Smith, Dictio- 
nary of Greek and Roman Geography, au mot Muza, 
t. il, 1857, p. 379. Gesenius, Thésaurus, p. 823, et autres 
commentateurs, Winer, Realwôrlerbuch, 3 e édit., t. n, 
p. 85; Caliver Bibellexicon, 1885, p. 580, au lieu de 
placer Messa au sud-ouest de l'Arabie en font, au con- 
traire, la frontière septentrionale du pays occupé, d'après 
eux, par les Jectanides, voir Jectan, t. m, col, 1215, et 
l'identifient avec la Mésène des anciens, située à 
l'embouchure du Tigre. Philostorge, H. E., m, 7, 
Pafr. gr., t. lxv, col. 489, la décrit en ces termes : 
« Avant de se jeter dans la mer, (le Tigre) qui a uni ses 
eaux à celle de l'Euphrate, se divise en deux grands 
fleuves. Il se déverse ensuite dans la mer de Perse (ou 
Golfe persique) par deux embouchures fort éloignées 
l'une de l'autre, enfermant entre ses deux bras un long 
espace de terre; c'est là qu'habite le peuple appelé du 
nom de Méséniens (I6vo; tûv Ms<xï)v<5^). » Cf. Dion Cas- 
sius, lxvih, 28. Cette position parait trop septentrionale, 
si l'on s'en rapporte aux explorateurs récents de l'Ara- 
bie qui fixent le domaine des Jectanides dans l'Arabie 
méridionale, entre le Yémen de nos jours à l'ouest et 
le Hadramaut à l'est. Cf. Zeller, Biblisches Wôrterbuch, 
2 in-8», Karlsruhe, 1884, t. i, p. 71-72. Éd. Glaser, Skizze 
der Geschichte und Géographie Arabiens, in-8°, Berlin, 
1890, t. il, p. 336, 420, 437, identifie Massa, Gen., xxv, 
14, avec M aciya, près du Djebel Sammar, dans l'Arabie 
centrale, et pour lui, Massa, Gen., xxv, 14; Mes, Gen.,x, 
23, et Messa ne sont qu'un même nom écrit de trois façons 
différentes. Cette identification des trois noms n'est pas 
admissible. Voir Mes, col. 1013. Mais, quoi qu'il en soit 
de ce point, rien n'empêche d'admettre, conformément 
à son opinion, que le Djebel Sammar fut la limite sep- 
tentrionale de la région habitée par les Jectanides qui 
auraient occupé le pays, au sud de cette montagne, 
jusqu'à Séphar, placé par lui dans l'Arabie méridionale. 
Voir Séphar. A. Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, 
in-8°, Giessen, 1850, p. 182, a identifié Messa avec 
Biseha, dans le Yémen septentrional, au sud-ouest de la 
Mecque; c'est une pure hypothèse. E. Kautzsch, dans 
Riehm's Handwôrterbuch des biblischen Altertums, 
1893, 1. 1, p. 764. Le problème de l'identification de Messa 
n'est pas encore résolu d'une manière certaine. 

F. VlGOUROlIX. 
2. MESSA (hébreu : Massdh). D'après la Vulgate, 
lorsque le grand-prêtre Joïada voulut faire sacrer dans 
le Temple le jeune roi Joas, il donna cet ordre aux 
gardes, après leur avoir assigné leurs postes : « Vous 
garderez la maison de Messa. » IV Reg., xi, 6. Le tra- 
ducteur a pris, dans ce passage, un substantif commun 
pour un nom propre; îibo, massdh, de ndsah, « arra- 
cher, repousser, chasser, » signifie l'actiofTd'éloigner, 
de repousser et le membre de phrase doi^se traduire : 
« Vous veillerez à la garde de la maison (du Temple) 
pour en empêcher l'entrée. » 

MESSAL (hébreu : Mii'âl; Septante : Maeurâ), ville 
d'Aser. Jos., xix, 26. Dans Jos., xxi, 30, et I Par., vi, 74, 
la Vulgate écrit ce nom Masal. Voir Masal, col. 830. 

MESSALÉMETH (hébreu : Meiullémét, « amie [de 
Dieu], » Gesenius, Thésaurus, p. 1426; Septante : Me- 
ffoXXan), fille dUarus (t. m, col. 443), de Jétéba, ville 
dont le site est inconnu (t. m, col. 1518). Elle épousa 



le roi de Juda Manassë et fut la mère d'Amon qui suc- 
céda à son père sur le trône. IV Reg., xxi, 19. Le nom 
de cette reine est le féminin du nom propre Mesullâm 
(Vulgate : Mosollam) qui est fréquent dans TAnciea 
Testament. L'historien sacré donne, avec le nom de son 
père, Tindicaliondu lieu d'origine, ce qui n'avait pas eu. 
lieu pour les reines-mères qui l'avaient précédée, mais 
qui se reproduit pour toutes celles qui suivent. 

MESSE, sacrifice de la loi nouvelle qui est offert 
par le prêtre sur l'autel et consiste dans l'oblation non 
sanglante du corps et du sang de Notre-Seigneur sous 
les apparences du pain et du vin. 

I. Nom. — 1° Étymologie. — Le nom de messe ne se 
lit pas dans l'Écriture; il tire son origine du missa de 
l'Ile, missa est, qui correspond à la formule des anciennes 
liturgies orientales grecques : 'Ev etp'rivi) Xpioxoû nopeu- 
8m(1£v, « partons dans la paix du Christ. » Le mot «lissa 
lui-même est expliqué de manières diverses. Baronius, 
Ann. eccles., édit. d'Anvers, 1612, t. i, an. 34, n. lxi, 
p. 160, le fait venir du mot hébreu hed, missâh, auquel 

un grand nombre de traducteurs et de commentateurs 
donnent le sens d' « oblation », « offrande, » dans 
Deut., XVI, 10 (Vulgate, oblatio). On a voulu faire dériver 
aussi missa du grec [hjijuk, « initiation, institution; » 
d'autres mots encore. On admet communément aujour- 
d'hui que missa est un substantif ayant le sens de missio, 
« envoi, » cf. Suétone, Calig., 25, contrairement à l'opi- 
nion de ceux qui le prennent comme participe en sous- 
entendant un substantif, hostia, concio, etc. On le trouve 
avec le sens de « renvoi » dans la Peregrinatio publiée 
sous le nom de sainte Sylvie par Fr. Gamurrini, in-4°, 
Rome, 1887, p. 89 : Facit oblationem (episcopus), mane 
sabbato, jam ut fiât missa. Cf. Duchesne, Origines du 
culte chrétien, 2» édit., 1898, p. 473. Voir Forcellini, 
Totius Latinitatis Lexicon, édit. Vincent De-Vit, t. iv, 
1868, p. 143; S. 'Avit, Epist. i, t. lix, col. 199-200 et la 
note; Du Çange, Glossarium médise et infirme Lati- 
nitatis, édit. Henschel, t. iv, 1845, p. 433; Rohaut de 
Fleury, La messe, études archéologiques, t. i, 1883, 
p. 46; N. Gihr, Das heilige Messopfer, 4 e édit., Fribourg- 
en-Brisgau, 1887, p. 314. 

2° Emploi. — Le nom de missa parait avoir été en 
usage dès le second siècle dans l'Église latine. Il est 
employé incontestablement avec cette signification au 
iv e siècle par saint Ambroise. Il écrivait à sa sœur Mar- 
celline, Epist., xx, 4, t. xvi, col. 995 : Ego mansi in 
munere, missam facere cœpi. Dans un sermon pour le 
carême, attribué à ce saint docteur, Serm., xxv, 5, t. xvn, 
col. 656, nous lisons : Qui juxta Ecclesiam est et occur- 
rere potest, quotidie erudiat missam. Cf. au v 8 siècle, 
Paulin Petricordiensis, Vita Martini, iv, vers 69, t. lxi, 
col. 1039. Depuis saint Grégoire le Grand, le mot missa 
est devenu généralement dans l'Église latine le terme 
employé pour désigner le saint sacrifice. 

3° Noni de la messe dans le Nouveau Testament. — 
Dans le Nouveau Testament, la messe est appelée « la 
fraction du pain s, ï) r-Xâutç to5 aprou, fractio panis, 
Act., h, 42; cf. Luc, xxrv, 35 (Matth., xxvi, 26; Marc, 
xcv, 22 ; Luc, xxn, 19; I Cor., xi, 24), à cause de la com- 
munion, pour laquelle on rompait le pain consacré et 
qui en était une des parties principales. Voir aussi Act., 
xx, 7, 11; xxvii, 35; I Cor., x, 16. Saint Paul, I Cor.,, 
xi, 20, appelle aussi le sacrifice eucharistique xup'.<xxàv ; 
Stîirvov (Vulgate, dominica csena, « le souper du Sei- 
gneur, » à cause du souper ou de la Cène, pendant la- 
quelle le Seigneur avait institué le sacrifice de la Loi 
nouvelle). Dans la Didac/ié, ix, 3, 4, édit. Harnack, 1884, 
p. 30, le sacrifice eucharistique est simplement appelé 
xXd<T|ia, « fraction du pain. » Cf. xiv, 1, p. 53. 

II. Institution. — 1» Le sacrifice de la messe avait été 
préfiguré dans l'Ancien Testament parla Pàque ou im- 



1031 



MESSE 



MESSIE 



1032 



molation de l'agneau pascal et prophétisé par Mala- 
chie, i, 10-11 : 

Lequel d'entre vous fermera Les portes 

Pour que tous n'allumiez pas inutilement le feu sur mon autel? 

Je ne prends aucun plaisir en vous, dit Jéhovah Sabaoth, 

Et je n'agrée point l'offrande de vos mains. 

Car du lever du soleil à son couchant 

Grand est mon nom parmi les nations, 

Et en tout lieu on offre de l'encens à mon nom 

Et une offrande (hébreu : minhâh) pure, 

Car grand est mon nom parmi les nations, 

Dit Jéhovah Sabaoth — (Traduction sur l'hébreu). 

Ce sacrifice, cette offrande pure, qui doit être offert 
en tout Heu et parmi les nations, non plus seulement à 
Jérusalem, c'est un sacrifice non sanglant, une minhâh; 
consistant en une oblation de farine, Exod., xxix, 40, 
Num., xxvm; de pain sans levain, Lev., h, 4, ou d'épis 
de blé broyés et rôtis. Lev., n, 14. Notre-Seigneur réalisa 
la prophétie en instituant le jeudi saint le sacrement 
de l'Eucharistie où il changea le pain et le vin en son 
corps et en son sang et en donnant à ses Apôtres et à 
leurs successeurs l'ordre et le pouvoir d'offrir partout 
dans la suite des temps le même sacrifice. « J'ai appris 
du Seigneur ce que je vous ai aussi enseigné, dit saint 
Paul, I Cor., xi, 22-25, c'est que le Seigneur Jésus, dans 
la nuit où il fut livré, prit du pain et, après avoir rendu 
grâces, le rompit et dit : Prenez et mangez, ceci est mon 
corps qui sera livré, pour vous (la plupart des manus- 
crits grecs portent simplement : qui est pour vous); 
faites ceci en mémoire de moi. De même, après avoir 
soupe, [il prit] le calice et dit : Ce calice est la nouvelle 
alliance en mon sang; faites ceci, toutes les fois que 
vous en boirez, en mémoire de moi. » Cf. Matth., xxvi, 
26-29; Marc., xiv, 22-25; Luc, xxii, 19-20. Le concile de 
Trente, sess. xxii, can. 2, a donné l'interprétation au- 
thentique des paroles :«Faites ceci en mémoire de moi.» 
Si quis dixerit Mis verbis : Hoc facite in meam comme- 
morationetn, Christum non instituisse Apostolos sa- 
cerdotes; aut non ordinasse, ut ipsi aliique sacerdotes 
offerrent corpus et sanguinem suum, anathema sit. 
Pour les détails de l'institution, voir Cène, t. n, col. 408. 
Cf. G. Bickell, Messe und Pascha. Der apostolische 
Ursprung der Messliturgie und ihr genauer Anschluss 
an die Einsetzungsfeier der h. Eucharistie durck 
Christus, in-8°, Mayence, 1872, p. 77-78; J. Corluy, 
Spicilegium dogmatico-biblicum, 2 in-8°, Gand, 1884, 
t. n, p. 398-437. 

III. Rites primitifs. — Conformément aux ordres du 
Seigneur, les Apôtres offrirent le saint sacrifice de la 
messe, après la Pentecôte, à Jérusalem, avant leur dis- 
persion dans le monde, Act., Il, 42, 46, et divers passages 
du Nouveau Testament nous apprennent de quels rites 
ils firent usage dans sa célébration. Ils reproduisirent 
les diverses circonstances de la Cène dont le sacrifice 
chrétien était le mémorial et le renouvellement. Ce 
sacrifice était nni, de même qu'à la Cène, à un repas 
qu'on appela « le repas du Seigneur », I Cor., xi, 20, 
comme on l'a vu plus haut. Le repas lui-même, d'après 
l'opinion d'un grand nombre de commentateurs, ne 
tarda pas à prendre le nom d'agape (Iv Tat; «Y<xitatç 
[Vulgate, in epulis suis], Judae, 12). "Voir Agapes, t. i, 
col. 260. La « fraction du pain » ou le sacrifice eucharis- 
tique, « l'eucharistie, » ainsi que le traduit la version 
syriaque dans les Actes, n, 42, avait lieu le soir, comme 
au moment de son institution, Act.,xx, 7; cf. S. Justin, 
Apol. l, 26, t. vi, col. 379, à la clarté des lampes selon 
l'usage juif, Act., xx, 8, tantôt dans une maison et tan- 
tôt dans un autre (xax* oïxov, circa domos), Act., Il, 46, 
ou bien dans un local spécial (êv èxxXijat'a), I Cor., xi, 18, 
le lendemain du jour du sabbat ou dimanche (iv asTg p.tï 
tûv cra66dtTa>v). Act., xx-, 7 '. Cl. Didachê, xiv, 1 (xarà xu- 
piaxirjv), p. 53. La cérémonie sacrée était accompagnée 
d'une prédication des Apôtres, Act., n, 42; xx, 7 ; on 



priait, Act., il, 42, et l'on chantait des Psaumes (atvoûvtEt 
tôv ®côv, collaùdanles Deuni). Act,, H, 47; cf. Eph., v, 
19. On faisait aussi le dimanche une collecte pour les 
pauvres, I Cor., xvi,2, mais la partie essentielle de l'acte 
liturgique, c'était la fraction du pain, c'est-à-dire la 
consécration du corps et du sang de Noire-Seigneur, 
Act., il, 42, 46; xx, 7, suivie de la communion, ainsi 
que le montre le langage de saint Paul. « Le calice de 
bénédiction que nous bénissons, dit l'apôtre, I Cor., X,. 
16, n'est-il pas la communion au sang du Christ? et 
le pain que nous rompons, n'est-il pas la communion 
au corps du Christ? » Ce langage indique clairement 
que les fidèles qui assistaient aux saints mystères y 
faisaient la sainte communion. Cf. I Cor., Xi, 27. Tels 
sont les rites primitifs de la messe qui se développèrent 
peu à peu dans les premiers siècles et formèrent les 
diverses liturgies de l'Église. — Pour la bibliographie, 
voir N. Gihr, Dos keilige Messopfer, 1887, p. ix-xiv; 
Id., Le saint sacrifice de la messe, trad. franç.,2in-8°, 
Paris, 1894, 1. 1, p. ix-xv; A. Legendre, L'Église nais- 
sante et l'Eucharistie, dans la Revue des facultés catho- 
liques de l'Ouest, t. xi, décembre 1901, p. 194-202. 

F. VlGOUROUX. 

MESSIANIQUES (PROPHÉTIES). Voir Jésus- 
Christ, t. m, col. 1429-1436, et Messie. 

MESSIE (hébreu : mâsiah; Septante : Xpi<rr6<;; Mec- 
ffi'a;, dans Joa., I, 42; IV, 25 : de Taraméen meSiah, avec. 
redoublement de la seconde consonne ; Vulgate : Chris tus f 
Messias), nom. sous lequel le Sauveur a été attendu et 
ensuite connu. Le mot vient du verbe mâSâh, « oindre, » 
consacrer par une onction et rendre apte à exercer une 
fonction théocratique, celle de prêtre, Exod., xxvm, 41, 
celle surtout de grand-prêtre, Lev., iv, 3, 16, celle de 
prophète, III Reg., xix, 16, et celle de roi israélite. 
I Reg., ix, 16; xv, 1, 17, etc.; Ps. xvm (xvn), 51; xx 
(xix), -7; lxxxix (lxxxviii), 39, 52; Lam., iv, 20; Hab., 
m, 3. Dans Isaïe, xlv, 1, le nom est même employé au 
sujet de Cyrus, à cause du rôle providentiel que ce 
prince eut à exercer à l'égard des Israélites. 

I. Jésus-Christ Messie. — 1° Le mâsiah par excel- 
lence est le Sauveur. Ps. n, 2; xlv (xi.rv), 8; Dan., ix, 
24. Notre-Seigneur fait allusion à ce nom quand il s'ap- 
plique la prophétie d'Isaïe, lxi, 1, où il est dit : « Jého- 
vah m'a oint, » mdSah Yehovdh 'ôti. Luc, iv, 21. Voir 
Christ, t. n, col. 717. Dans les apocryphes juifs, on. 
trouve les noms de Messie ou Oint, Renoch, XLvni, 10; 
lu, 4; Apoc. Barueh., xxix, 3; xxx, 1, etc.; IV Ésd., 
vu, 29, de Xpio-rô; xupîovi, Psal. Salom., xvn, 36; xvm, 
6, 8, et ceux de ham-mâHah, ou, en araméen, meHâh', 
etmalkd 'meêiâh, « roi Messie, » dans la Mischna, Be- 
rachoth, i, 5; Sota, ix, 15. Quand le mot Xpto-rôi; fut 
devenu nettement chrétien, Aquila traduisit l'hébreu 
mâSiah par 'HXetu,nivo4, qui également signifie « oint ». 
Cf. S. Jérôme, In Is., xxyii, 13, t. xxiv, col. 314; In 
Zach., xiv, 15; In Mal., m, 1 ; iv, 6, t. xxv, col. 1534, 
1565, 1578. Pour les Juifs, le nom de Messie désignait 
le même personnage que les appellations de « fils de 
l'homme », « élu, » « fils de Dieu, » « fils de David. » 
Voir Jésus-Christ, t. ni, col. 1438. — Les Talmudistes, 
Bab. Sukka, 52 a, ont supposé un Messie secondaire, 
« fils de Joseph » ou « d'Éphraïm », qui devait succomber 
dans la lutte contre les puissances adverses, tandis que 
le Messie supérieur, « fils de David, » devait régner. Il 
n'y a là qu'une fausse interprétation de deux passages 
bibliques, Deut., xxxm, 17, et Zach.,xn,10. Cf. Schûrer, 
Geschichte des jûdischen Volkes in Zeit J. C, Leipzig, 
t. h, 1898, p. 537. — Dans le Testament des XII pa- 
triarches, il est dit à plusieurs reprises que le Messie doit 
être à la fois de la tribu de Lévi et de celle de Juda. 
Siméon, 7; Lévi, 2; Dan, 5; Gad, 8; Joseph, 19. Le 
premier et le troisième de ces passages se retrouvent 
dans la version arménienne du Testament; on ne peut 



4033 



MESSIE 



1034 



donc guère soupçonner une main chrétienne d'avoir in- 
terpolé le texte grec dans le sens d'une double descen- 
dance du Messie, dans le but d'expliquer par son origine 
même son sacerdoce et sa royauté. La parenté de Marie 
avec Elisabeth, Luc, i, 36, ne prouve nullement qu'elle 
ait été de la tribu de Lévi. Saint Clément, I ad Cor., 32, 
1. 1, col. 271, dit bien que de Jacob sont sortis les prêtres 
et les lévites, le Seigneur Jésus selon la chair, les rois 
et les princes par la famille de Juda ; mais sa manière 
de parler ne suppose pas nécessairement la descendance 
lévitique du Messie. Aussi saint Augustin, Cont. Faust., 
xxin, 4, 9, t. xlii, col. 463, 471, combat-il l'assertion de 
Faustus, prétendant que Joachim, père de Marie, était 
prêtre et par conséquent de race lévitique. Le renseigne- 
ment fourni par le Testament est en somme contraire à 
toute la tradition chrétienne, qui rattache le Messie à la 
seule tribu de Juda. Cf. Schûrer, Geschichte, t. m, 1898, 
p. 257. — Quand l'imposteur Barkochéba, « fils de 
l'étoile, » parut en Judée sous l'empereur Hadrien, les 
Juifs voulurent voir en lui le Messie, et le célèbre 
R. Akiba le reconnut comme tel. Cf. Jer. Taanith, îv, 
fol. 68 d. 

2° Le nom de mâHah, « oint, » suppose une onction 
reçue par le Sauveur. Is., lxi, 1. Saint Pierre dit que 
le Père a oint Jésus, Act., iv, 27, qu'il l'a oint dans le 
■Saint-Esprit et dans la puissance. Act., x, 38. L'Évangile 
ne mentionne aucune onction matérielle reçue par Notre- 
Seigneur durant sa vie. Il s'agit donc ici d'une onction 
spirituelle, analogue, bien que très supérieure, à celle 
que reçoivent de Dieu même les chrétiens. I Joa.; If, 20, 
27. Cette onction a pourauteur l'Esprit-Saint, que l'Église, 
dans le Veni Creator, appelle spiritalis unctio. Le Saint- 
Esprit a oint le Sauveur au moment de son incarnation, 
Luc, i, 35; Matfh., i, 20, et au jour de son baptême. 
Matth., m, 16; Marc, I, 10; Luc, m, 22; Joa., I, 32, 33. 
Du texte de l'Épître aux Hébreux, i, 9, quelques Pères 
ont conclu que le Fils de Dieu était « oint » même avant 
son incarnation ; d'autres ont cru que l'onction ne se rap- 
portait qu'à sa nature humaine. Cf. Petau, De incarn. 
Verbi, XI, vin, 1-13. Celui-ci résume ainsi leur ensei- 
gnement, De incarn., XI, ix, 1 : « L'onction et le titre 
de Christ conviennent l'un et l'autre proprement et di- 
rectement au Fils de Dieu et à la personne du Verbe, non 
à cause de la nature divine, mais à cause de l'humanité 
qu'il a prise, de même que la faim, la soif, la fatigue, la 
douleur, la mort sont attribuées au Verbe et à Dieu, 
mais en tant qu'homme ou incarné. Ainsi se concilient 
•entre eux les anciens, attribuant les uns à Dieu même, 
les autres à l'homme et plusieurs aux deux ensemble, le 
nom de Christ et l'onction qu'il signifie. » L'onction de 
l'Esprit-Saint a été complète et parfaite dès le premier 
instant de l'incarnation du Sauveur. Celui-ci ne pouvait 
■Être moins favorisé sous ce rapport que son précurseur. 
Luc, i, 15. L'onction qui se fit au baptême, sans pouvoir 
rien ajouter à la première, eut pour but de fournir un 
signe visible à Jean-Baptiste, Joa., i, 32, 33, et de mar- 
quer le début du ministère public du Sauveur, qui, à 
dater de ce moment, se mit à prêcher, à faire des mi- 
racles, à choisir ses disciples, en un mot, à exercer ses 
fonctions sacerdotales. Cf. Petau, De incarn., XI, îx, 8-14. 
— Pour les prophéties messianiques, voir Jés/us-Christ, 
t. ni, col. 1429-1434. r 

3» En vertu de l'onction divine qui le constitue Messie, 
Jésus devient le fondateur et le chef du royaume de 
Dieu. Dans les psaumes h et lxxii (lxxi), le Messie 
avait été annoncé comme le roi établi par Jéhovah sur 
Sion pour régir tous les peuples dans la justice et la 
paix. L'idée d'un royaume gouverné spirituellement par 
l'oint du Seigneur remontait donc à l'Ancien Testament. 
L'ange annonça à Marie que son fils régnerait sur la 
maison de Jacob, Luc, i, 32, et ensuite il avertit les 
,bergers*que celai qui venait de naître était le Christ 
Seigneur. Luc, H, 11. Il est appelé par les Mages « roi 



des Juifs », par Hérode fi le Christ », et par les princes 
des prêtres, répétant la prophétie de lvnchéé, « le chef 
qui doit paître Israël. » Matth., Il, 2, 4, 6. Ces trois 
dénominations désignent équivalemment le même per- 
sonnage, et ce personnage est si bien fait pour régner 
qu'Hérode voit en lui un compétiteur et prend ses 
mesures pour le supprimer. A la synagogue de Nazareth, 
Notre- Seigneur lit le début du texte d'Isaïe, lxi-lxii, 
qui annonce le nouveau royaume sous une formé allé- 
gorique, et il se présente lui-même comme l'oint, le 
Messie, qui procure l'accomplissement de la prophétie 
et, par conséquent, vient fonder le royaume attendu. 
Luc, iv, 17-21. Aux envoyés de Jean, qui l'interpellent 
pour savoir s'il est le Messie, il répond en citant les 
miracles qu'il a opérés, Matth., xi, 3-6, et qu'Isale, xxxv, 
5, 6; lxi, 1-5, avait prédits dans ses descriptions de la 
restauration d'Israël. De même, quand les Juifs le mettent 
en demeure de déclarer s'il est le Messie, il les renvoie 
au témoignage des œuvres qu'il opère au nom de son 
Père, et qui ont été marquées par les prophètes comme 
caractéristiques du nouveau royaume. Joa., x, 24-26. 
C'est en effet au nom de son Père qu'il fonde; et régit 
ce royaume ; voilà pourquoi saint Pierre dit aux Juifs, 
en parlant de Jésus, que Dieu l'a fait « Seigneur et 
Christ ». Act., Il, 36. Pendant sa passion, le Sauveur 
revendique pour lui-même le titre de Messie, que les 
membres du sanhédrin identifient avec celui de « Fils 
de Dieu ». Matth., xxvi, 63, 64; Marc, xiv, 61, 62; 
Luc, xxn, 66-70. Au tribunal de Pilate, ceux-ci l'ac- 
cusent de se donner comme le Christ-Roi, Luc, xxm, 
2, si bien que le magistrat romain, prenant ce titre dans 
son sens temporel, demande à Jésus s'il est roi des 
Juifs. Luc, xxm, 3; Joa., xvm, 33. Le Sauveur répond 
affirmativement, mais explique que le royaume dont il 
est roi n'est pas d'institution humaine et ne se défend 
pas par des moyens humains. Pilate en comprend assez 
pour conclure que ce royaume ne menace pas l'autorité 
romaine et décider qu'il n'y a pas là motif à condamnation. 
Joa., xvm, 36-38. Il retient cependant le nom de Christ' 
ou de Messie comme équivalant à celui de roi des 
Juifs, Matth., xxvn, 17, 22; Marc, xv,9, 12, et c'est sous 
ce dernier titre, que les princes des prêtres remplacent 
par celui de Fils de Dieu, Joa., xix, 7; Matth., xxvn, 42, 
43, que Jésus est insulté et crucifié. Joa., xix, 3, 19, 21. 
Le bon larron est le dernier à faire mention du royaume 
pendant la vie du Sauveur. Luc, xxm, 42. Notre-Sei- 
gneur est donc celui qui a été oint pour être roi, chef 
du royaume spirituel, 1' « oint de Jéhovah », le « Fils de 
Dieu », établi roi sur Sion pour dominer sur toutes les 
nations. Ps. n, 2-9. Voir Royaume de Dieu. 

IL Idée du Messie chez les Juifs contemporains de 
Jésus-Christ. — 1° Pour annoncer le règne du Messie 
futur, les prophètes avaient employé des expressions 
grandioses qui, à première vue, pouvaient éveiller l'idée 
d'une domination temporelle. Is., xxxv, 10; xl, 9-11; 
xli, 1, 2; xlv, 22-25; lx, 1-22, etc. Successivement 
victimes de la captivité et ensuite de la domination 
étrangère, les Israélites furent naturellement portés à 
chercher une consolation dans l'espoir du brillant ave- 
nir promis par les prophéties. Le joug de l'oppression 
politique pesait durement sur eux ; ils y étaient d'autant 
plus sensibles que, fiers des faveurs divines dont ils 
avaient jadis été l'objet, ils s'imaginaient que leur titre 
de « peuple choisi », Is., xli, 8, 9, constituait pour eux 
un droit à l'indépendance nationale et même à l'hégé- 
monie universelle. Cf. Matth., m, 9. « Nous espérions que 
ce serait lui qui délivrerait Israël, » Luc, xxiv, 21, disent 
les disciples d'Emmaûs en parlant de Jésus. « Seigneur, 
est-ce maintenant le temps où vous rétablirez le royaume 
d'Israël? » répètent les Apôtres en se rendant à la 
montagne des Oliviers d'où Jésus doit s'élever au ciel. 
Act., i, 6. Le joug du péché, dont les prophètes avaient 
eu surtout en vue de prédire la délivrance, se faisait 



1033 



MESSIE 



1036 



beaucoup moins sentir au commun des âmes. Les 
Israélites s'étaient habitués en conséquence à concevoir 
et à attendre un Messie qui les débarrassât de ce dont 
ils souffraient le plus, la sujétion à l'étranger. 

2» A l'époque de Notre-Seigneur, les anciennes prophé- 
ties recevaient généralement des docteurs une interpréta- 
tion conforme à cette idée. Le Messie devait être un roi 
temporel, un dominateur terrestre que Dieu susciterait) 
auquel il prêterait sa puissance et qu'il revêtirait de 
sainteté. C'est ce qu'enseignent les Psaumes de Salomon, 
xvii, 23-46, qui datent de l'époque de Pompée, le qua- 
trième livre d'Esdras, le livre d'Hénoch, et les autres 
apocryphes de l'époque. A la venue du Messie, les 
puissances adverses doivent s'élever contre lui. Orac. 
Sibyll.,, m, 663; IV Esd., xm, 33-36; Henoch, xc, 16. 
L'antéchrist, I Joa., n, 18, 22; iv, 3; II Joa., 7, appelé 
plus tard parles rabbins Armilus, c'est-à-dire Romulus; 
cf. Bousset, Der Antichrist in der Ueberlieferung des 
Judentums, 1895, et le compte rendu de cet ouvrage par 
Eaufmann, dans Der Monatsschr. fur Gesch. und 
Wissensch. des Judenthums, t. XL, 1896, p. 134, était 
comme la personnification de toutes ces puissances 
ennemies. Daniel, xi, 1-45, pouvait servir de base à 
cette donnée. On trouvait dans Joël, m, l'annonce du 
châtiment qui devait anéantir tous ces ennemis d'Israël. 
Bien de plus formel que cette conviction dans les 
apocryphes, et rien de plus populaire que cette assu- 
rance. Cf. Assumpt. Mosis, x; Henoch, xc, 18-37; Psal. 
Salom., xvil, 27, 39; Apoc. Baruch, xxxix, 7-xl, 2; 
lxx, 9; lxxii, 2-6, etc. L'extermination doit se faire 
par les armes, ou par un jugement solennel, IV Esd., 
xm, 28, 38; Apoc. Baruch., XL, 1, 2; xlvi, 4-6; lu, 4-9; 
lv, 4; lxi, 8, 9; lxii, 4-9, et un ange doit intervenir 
pour exercer cette vengeance divine. Apoc Baruch., 
lxii, 10, 11. On lit dans les Targums de Jonathan sur 
Is., x, 27, du pseudo-Jonathan et de Jéruschalmi sur 
Gen., xlix, 11 : « Les peuples seront broyés par le roi 
Messie... Qu'il est beau le roi Messie qui doit surgir de 
la maison de Juda! Il ceint ses reins, s'avance dans la 
plaine, engage le combat contre ses ennemis et met â 
mort les rois. » La conséquence de cette lutte victorieuse, 
c'était l'établissement à Jérusalem d'un grand royaume 
établi par Dieu même et qui devait dominer le monde 
entier. On appelait ce royaume « le grand royaume du 
roi immortel ». Orac. Sibyll., in, 47, 48; cf. Psal. 
Salom., xvil, 4; Assumpt. Mosis, x, 1, 3. Le Messie 
était destiné à tenir en main « le sceptre de toute la 
terre », Orac. Sibyll., m, 49, et Israël devait avoir le 
bonheur de « monter sur le cou et sur les ailes de 
l'aigle », Asçumpt. Mosis., x, 8, allusion probable à 
une victoire définitive sur les Romains. Saint Jérôme, 
In Joël, m, 8, t. xxv, col. 982, rappelle ces idées encore 
en faveur parmi les Israélites de son époque : « Les 
Juifs se promettent ou plutôt rêvent qu'au dernier temps 
il seront rassemblés par le Seigneur et ramenés à Jéru- 
salem ; et, non contents de ce bonheur, ils affirment que 
Dieu même livrera en leurs mains les fils et les filles 
des Romains, pour que les Juifs les vendent, non aux 
Perses, aux Éthiopiens et aux autres nations voisines, 
mais à un peuple éloigné, les Sabéens. » Voir JÉsus- 
Cbbist, t. m, col. 1435-1439; Schûrer, Geschichte des 
jûd. Tolkes, t. n, p. 530-540; de Broglie, Les prophéties 
messianiques, Paris, 1904, t. I, p. 23-41. 

3° Le Messie qui devait accomplir ces hauts faits vien- 
drait de Dieu ; mais on ignorait de quelle manière il ap- 
paraîtrait. Joa., vu, 27. On croyait à une apparition sou- 
daine, et il est possible que Satan ait exploité cette 
croyance dans une de ses tentations, quand il proposa 
au Sauveur de se jeter du haut du Temple et de se laisser 
porter par les mains des anges. Matth., iv, 5, 6; Luc, iv, 
9-11. On comprenait aussi que le Messie ferait reconnaître 
la divinité de sa mission par des miracles extraordinaires. 
Après la multiplication dés pains, les Juifs comparent Jé- 



sus àMoïse, mais attendent de lui quelque chose de plus, 
fort que ce miracle. Joa., vi, 30. D'autres réclament un 
signe dans le ciel. Matth., xvi, 1; Marc, vm, 11; Luc.,, 
xi, 16. On n'excluait pas cependant des miracles plus 
humbles. On lit dans la Mischna, Sanhédrin, 98 : 
« Quand le Messie doit-il venir? ■- Demande-le-lui à 
lui-même. — Mais où le trouver? — Tu le trouveras à 
la porte de la ville, au milieu des pauvres et des 
malades/» Cf. Matth., xi, 4, 5; Luc, vu, 22; Joa., vu, 31. 

4° Cette conception d'un Messie temporel, puissant, 
libérateur politique de son peuple et vainqueur des 
nations, apparaît continuellement dans l'Évangile. Hé- 
rode redoute un Messie de cette nature quand il se 
dispose à faire périr l'Enfant Jésus. Matth., n, 13. A la 
suite de la multiplication des pains au désert, les Gali- 
léens croient avoir trouvé en Jésus le Messie temporel 
qu'ils attendent et ils songent à -s'emparer de lui pour 
le faire roi, Joa., vi, 15, c'est-à-dire pour l'obliger à 
prendre le rôle politique conforme à leurs désirs. A 
Jérusalem, les Juifs s'indignent de la prétention de 
Jésus à être le Fils de Dieu, c'est-à-dire le Messie, lui 
qui leur semble si méprisable et en qui ils ne voient 
aucune aptitude à réaliser les aspirations nationales. 
Les pharisiens le rejettent parce qu'il n'est pas assez 
Messie, c'est-à-dire chef politique disposé à soulever la 
nation contre les Romains; les sadducéens le repoussent 
parce qu'il est trop Messie, c'est-à-dire promoteur d'un 
nouvel ordre de choses menaçant pour les situations 
acquises. Les uns et les autres s'entendent pour le 
trouver dangereux au point de vue politique. Joa., xi, 
48. Le peuple cependant, surtout celui qui est étranger 
à Jérusalem, ne comprend rien à leurs calculs et ne 
partage pas leur antipathie; il serait disposé à voir en 
Jésus le Messie et à prendre parti pour lui. Matth., xxi, 
9; Marc, xi, 9-10; Luc, xix, 38. « Bénie la royauté de 
notre père David, qui arrive. » Marc, xi, 10. Néanmoins, 
devant Pilate, ses ennemis l'accusent de tendances poli- 
tiques, très conformes à l'idée qu'ils se faisaient du mes- 
sianisme: il est roi des Juifs, Joa., xvm, 33; il met tout 
le peuple du pays en révolution, Luc, xxm, 5; il est le 
Christ, le Messie, Matth., xxvn, 22; en se faisant roi, il 
se met en révolte contre César, Joa., xix, 12, et les Juifs 
ne veulent avoir d'autre roi que César, Joa., xix, 15; 
affirmation suggérée à une foule haineuse par les 
meneurs du sanhédrin, mais radicalement opposée au 
vœu de la nation, comme le montreront les soulève^ 
ments qui vont aboutir à la guerre de Judée et à la 
ruine de Jérusalem. Ainsi les Juifs attendent un Messie 
temporel, qui réalise leurs idées d'indépendance et de 
domination. Rome le sait, et, en conséquence, gouverne 
d'une main ferme et parfois brutale la remuante nation. 
En Jésus se trouvent les caractères de Messie humble, 
souffrant et spirituel, auxquels la plupart des Juifs ne 
veulent prêter aucune attention; par contre, les carac- 
tères de Messie temporel et dominateur, rêvés par les 
Juifs, lui font défaut, au moins au sens que ceux-ci 
entendent. Leur déception aboutit à cette solution sin- 
gulière : comme Jésus n'est pas, vis-à-vis des Romains, 
ce qu'ils voudraient qu'il fut, ils le rejettent; mais c'est 
précisément en l'accusant d'être ce qu'il n'a jamais 
voulu être, malgré leurs désirs, qu'ils le font con* 
damner par Pilate. Celui-ci, d'ailleurs, n'est pas dupe de 
leurs affirmations. 

5° Lorsque par la suite les événements eurent déjoué 
toutes les prévisions d'Israël sur la venue du Messie, les 
docteurs expliquèrent le retard de son apparition par les 
péchés du peuple. Le Messie ne pouvait arriver que quand 
on ferait pénitence. « Si seulement tout Israël faisait pé- 
nitence en commun l'espace d'un jour, la délivrance par 
le Messie s'ensuivrait. Si Israël observait seulement deux 
sabbats de la manière qui convient, il serait immédiate- 
ment délivré. » Sanhédrin, 97 a; Aboda sara, 9 a. On 
finit par renoncer à toute attente, parce que la condition, 



4037 



MESSIE 



1038 



supposée, la pénitence d'Israël, faisait défaut. « Maudits 
ceux qui se livrent aux calculs sur le Messie ! Qu'arrive- 
t-il en effet? 11 arrive que le Messie ne se presse nulle- 
ment de justifier ces supputations imaginaires... Mais 
si Dieu attend, et si nous, nous attendons, qu'est-ce 
donc qui empêche le salut? C'est l'inflexible justice, ce 
sont nos péchés. Qu'Israël fasse pénitence et il sera 
sauvé; autrement, il ne le sera pas. i> Sanhédrin, 98, 
99. Cf. II Pet., m, 3-9. Plus tard, Maimonide et d'autres 
docteurs reconnurent que beaucoup des prophéties 
messianiques devaient être entendues en paraboles et 
en énigmes. Plusieurs avouèrent même que « toute 
l'œuvre du Messie est spirituelle et divine, mais non 
corporelle ». Cf. Eb. Hamel, Ex Hos., in, 4, 5, dans le 
Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. i, p. 1018. 
La grande erreur des contemporains de Notre-Seigneur 
fut que, 'pour la plupart, ils ne surent pas se placer à 
ce point de vue pour interpréter les anciennes prophéties. 
Cf. Lepin, Jésus Messie et Fils de Dieu, 2 e édit., Paris, 
1905, p. 1-54. 

III. Réserve de Jésus vis-a-vts du titre de Messie. 
— 1» Il ne pouvait convenir au Sauveur de prendre pu- 
bliquement un titre dont la signification était si étrange- 
ment faussée. Se présenter au peuple comme le Messie, 
c'était prendre officiellement la charge des revendica- 
tions nationales, assumer un rôle politique dont Rome 
devait immédiatement s'inquiéter, et surtout reléguer à 
l'arrière-plan ce qui constituait la mission principale du 
Sauveur, la rédemption par la souffrance et la fondation 
du vrai royaume spirituel, le « royaume des cieux ». En 
heurtant ainsi de front l'opinion générale de ses con- 
temporains, Notre-Seigneur savait qu'il se les aliénerait 
presque tous. Mais il ne pouvait, d'aucune manière, fa- 
voriser des prétentions absolument chimériques, basées 
sur une interprétation grossière, étroite et trop inté- 
ressée des prophéties. L'opposition qu'il allait ainsi sus- 
citer contre lui procurerait l'accomplissement de sa mis- 
sion rédemptrice et dégagerait le royaume spirituel des 
liens du particularisme et de l'exclusivisme qui enchaî- 
naient le messianisme conçu par les Juifs. Il fallait donc 
s'attendre à ce que Notre-Seigneur, sans nier sa qualité 
de Messie, en déclinât pourtant le titre dans les occasions 
où les auditeurs n'étaient pas en mesure de l'entendre 
correctement. 

2° Pendant que Jean prêche et baptise, des émissaires 
du sanhédrin viennent lui demander s'il est le Christ. Jean 
répond que non, parle de celui qui doit venir et bientôt 
après le montre, sans pourtant le désigner formellement 
comme Messie. Joa., i, 25-30. Cette réserve n'empêche pas 
André de conclure et de dire à son frère Simon : « Nous 
avons trouvé le Messie. » Joa., i, 41. Nathanaël, informé à 
son tour, s'étonne que le Messie»puisse venir de Nazareth ; 
mais bientôt il reconnaît en Jésus « le Fils de Dieu, le roi 
d'Israël ». Joa., i, 41-49. Notre-Seigneur laisse dire, parce 
qu'il va garder à ses côtés ces premiers disciples et saura 
leur imposer le silence quand il sera nécessaire. A la 
Samaritaine, il déclare ouvertement que lui-même est le 
Messie attendu. Joa., iv, 25, 26. Les Samaritains con- 
cluent de sa prédication qu'il est le « Sauveur du monde ». 
Joa., IV, 42. L'antipathie qui les anime contre les Juifs 
ne leur permet pas de croire que le Messie^puisse venir 
pour établir l'hégémonie politique de ces derniers. 
Notre-Seigneur déclare que le salut vient des Juifs, 
Joa., iv, 22; mais en se donnant comme le Messie, il 
sait qu'il ne court pas en Samarie les mêmes risques de 
fausse interprétation qu'en Galilée et en Judée. De fait, 
le titre que lui assignent les Samaritains est très correct, 
et, même pris dans un sens peu compréhensif, il indique 
an moins que les étrangers ne seront pas exclus d'un 
royaume dont les Juifs restreignent le bienfait à eux 
seuls. 

3° Lorsque les envoyés de Jéan-Baptiste viennent lui 
demander s'il est « celui qui doit venir », c'est-à-dire le 



Messie, Notre-Seigneur ne répond pas directement, mais 
équivalemment, en montrant qu'il fait les œuvres attri- 
buées au Messie par le prophète. Matth., xi, 4, 5; Luc, 
vu, 21, 22. Encore a-t-il soin le plus souvent de pres- 
crire le silence à ceux qui ont été l'objet ou les témoins 
d'un miracle qui pourrait révéler sa qualité de Messie. 
Cette défense est intimée au lépreux de Galilée, Matth., 
vin, 4; Marc, i, 44; Luc, v, 14; à Jaïre et aux siens, 
après la résurrection de la jeune fille, Marc, v, 43; Luc, 
VIII, 56; aux deux aveugles, Matth., IX, 30; aux témoins 
de la guérison du sourd-muet, Marc, vu, 36; à l'aveugle 
de Bethsaïde. Marc, vm, 26. Il ne veut pas que les dé- 
mons, qui prétendent le connaître, disent qui il est. 
Marc, I, 34; Luc, iv, 41; Marc, m, 12. En voyant tant 
de miracles, les Galiléens se demandaient en effet : 
« N'est-ce pas lui le fils de David? » c'est-à-dire le Mes- 
sie, Matth., XII, 23, et il ne fallait pas qu'ils arrivassent 
trop vite à une conclusion affirmative, étant donnée la 
signification politique qu'ils attachaient à ce titre. Au 
contraire, au démoniaque de Gérasa, qui veut le suivre 
après sa délivrance, Notre-Seigneur ordonne de s'en 
retourner chez lui et de publier le miracle dont il a été 
favorisé. Luc, vin, 39. Le danger d'un messianisme po- 
litique n'existe pas en effet dans cette région païenne. 
En Judée et à Jérusalem, Notre-Seigneur ne porte pas 
de semblable défense à ceux qui sont les objets de sa 
bonté. Il accomplit des miracles parmi les Juifs préci- 
sément pour attirer leur attention. Mais, quel que soit 
l'éclat de ces miracles, guérisons du paralytique et de 
l'aveugle-né, résurrection de Lazare, il n'est pas à craindre 
que les Juifs acceptent comme Messie un homme qui 
répond si mal à leur idéal politique. A son entrée triom- 
phale à Jérusalem, non seulement il laisse librement 
retentir autour de lui des acclamations d'un caractère 
nettement messianique, mais il oppose une fin de non- 
recevoir aux pharisiens, qui lui demandent de les faire 
cesser.- Matth., xxvi, 9; Marc, xi, 9, 10; Luc, xix, 38- 
40; Joa., xii, 13. C'est qu'alors le moment est venu pour 
lui de révéler tout ce qu'il est, malgré les conséquences 
qui vont résulter pour lui de cette révélation. 

4° Interrogé par Jésus, Pierre lui déclare qu'il recon- 
naît en lui le Christ, le Messie. Matth., xvi, 16; Marc, 
viii, 29; Luc, ix, 20. Le Sauveur défend aux apôtres de 
publier ce qu'ils savent à ce sujet, et aussitôt, pour cor- 
riger les idées fausses que peut faire naître dans leur 
esprit ce titre de Messie, il leur annonce sa passion. 
Matth., xvi, 20, 21; Marc, vin, 30, 31; Luc, ix, 21, 22. 
De fait, cette annonce leur semble si parfaitement contra- 
dictoire avec la revendication que Jésus vient de faire du 
titre de Messie, que Pierre manifeste un violent étonne^ 
ment et se fait sévèrement rappeler à l'ordre. L'idée 
formulée par Pierre était à peu près générale parmi les 
Juifs. Saint Jean, xn, 37, 38, note qu'ils ne croyaient pas 
à«Quiacruà notre parole ? » c'est-à-dire à la prophétie 
de la passion qui commence par ces mots. Is., lui, 1. Un 
Messie souffrant leur paraissait contradictoire et inconce- 
vable. Voir Jésus-Christ, t. m, col, 1438, 3. C'était pour 
eux un scandale. I Cor., i, 23. Après la transfiguration, 
le Sauveur, qui s'apprête à revenir en Galilée, prescrit 
aux trois témoins du miracle de garder le silence, et, 
presque aussitôt après, il réitère l'annonce de sa passion. 
Matth., xvii, 9, 21; Marc, ix, 8-9, 30; Luc, ix, 36, 44. 
Pour les apôtres eux-mêmes, il y avait une contradiction 
irréductible entre ces deux termes, Jésus Messie et Jé- 
sus souffrant. 

5° Il est donc incontestable que le Sauveur, pendant 
l'exercice de son ministère apostolique en Galilée, im- 
posa aux témoins de ses miracles une véritable disci- 
pline du secret, à laquelle d'ailleurs on ne se soumettait 
pas toujours. Marc, i, 45; Matth., ix, 26; cf. Marc;, v; 
43; Matth., IX, 31; Marc, vu, 36. Cette discipline n'était 
pas commandée par une raison d'humilité, car Notre- 
Seigneur ne l'impose qu'en Galilée, et même', en una 



1039 



MESSIE — MESSMER 



1040 



circonstance, il ordonne de publier le miracle. Luc, 
vin, 39. Elle avait pour but d'éviter une équivoque dan- 
gereuse et d'enlever à la mission du Sauveur tout carac- 
tère politique. Le nom de Messie « avait été en quelque 
sorte capté et confisqué par les pharisiens ; discrètement 
ils le transformaient en un symbole politique, dans le- 
quel ils incarnaient la libération prochaine, l'inaugura- 
tion d'un règne sans fin, où les préoccupations morales 
et religieuses seraient à l'arrière-plan, où le temple et 
la loi seraient maintenus comme les principaux organes 
de purification et de sanctification ». Rose, Études sur 
les Évangiles, Paris, 1902, p. 181 ; Évang. selon S. Marc, 
Paris, 1904, p. xv-xxvm. Gf. Wrede, Das Messias- 
geheimniss in den Evangelien, Gœttingue, 1901, et Re- 
vue biblique, 1903, p. 625-628. Répudiant la conception 
d'un messianisme politique, Notre-Seigneur devait écar- 
ter un nom qui, par suite d'une interprétation abusive, 
en était venu à impliquer cette conception. 

IV. Revendication du titre de Messie. — 1» Notre- 
Seigneur revendique pour lui-même, devant le sanhé- 
drin, le titre de Messie. On lui demande s'il est le Christ, 
Fils de Dieu. Il répond affirmativement et annonce qu'on 
verra le Fils de l'homme à la droite de Dieu et venant 
sur les nuées du ciel. Matth., xxvi, 63-64; Marc, Xiv, 
61-62. Ce Fils de l'homme apparaissant sur les nuées du 
ciel avait été prédit par Daniel, vu, 13-14. Les Juifs 
crevaient qu'il viendrait en effet, dans l'appareil de la 
gloire et de la puissance, pour abattre leurs ennemis. 
C'était le Messie sur lequel ils comptaient. Notre-Sei- 
gneur leur déclare qu'il est ce Messie et qu'en effet il 
viendra sur les nuées. Mais les conditions qu'il suppose 
ne sont pas les mêmes. Cette apparition glorieuse est 
précédée par celle du Messie humble et souffrant. Les 
Juifs ne veulent pas entrer dans cet ordre d'idées; ils 
accusent le Sauveur de blasphème et le condamnent à 
mort, procurant ainsi l'accomplissement d'une des con- 
ditions essentielles de la mission messianique. — La 
nécessité de cette condition est rappelée par l'ange aux 
saintes femmes, Luc, xxiv, 7, e. surtout par le Sauveur 
ressuscité aux disciples d'Emmaûs : « Il a fallu que le 
Christ souffrît ces choses et qu'il entrât ainsi dans sa 
gloire. » Luc, xxrv, 26. Les disciples croyaient à la ré- 
demption d'Israël, Luc, xxrv, 21, mais à une rédemp- 
tion politique, telle que la comprenaient les pharisiens. 
Notre-Seigneur remet les choses au point en prenant 
lui-même le titre de Messie et en expliquant que la souf- 
france et la mort faisaient partie essentielle du pro- 
gramme messianique. Il revient encore sur cette impor- 
tante question avant de monter au ciel. Il fait entendre 
à ses Apôtres que la passion et la mort du Messie no 
sont pas des accidents fortuits, par lesquels la malice 
des hommes a cherché à entraver son œuvre, mais 
qu'ils entraient dans le plan divin révélé par les Écri- 
tures, et que la souffrance du Messie était indispensable 
à la réalisation de ce plan. Pour mieux les convaincre 
et les mettre à même de convaincre le monde à leur 
tour, il leur ouvre l'intelligence au vrai sens, des Écri- 
tures. Luc, xxiv, 44-46. Notre-Seigneur se déclare donc 
Messie en faisant de ses souffrances non pas un obstacle 
dont il a triomphé, mais un moyen qu'il a employé pour 
justifier son titre. 

2° Dans leurs prédications, les Apôtres ne cessent d'af- 
firmer que Jésus est le Messie. Dès son premier dis- 
cours, saint Pierre explique que les souffrances de Jésus 
ont été conformes « au dessein immuable et à la pres- 
cience de Dieu », et que Dieu l'a fait réellement « Sei- 
gneur et Messie ». Act., H, 23, 36. Aux Juifs de Thee- 
salonique, saint Paul démontre par les Écritures que 
le Messie a dû souffrir et que le Messie, c'est Jésus. 
Act., xvn, 2, 3. Devant Agrippa, il détend la même 
thèse. Act., xxvi, 23. Dans ses épltres, il associe presque 
continuellement le nom de Christ ou de Messie à celui 
de Jésus. Voir Jésus-Christ, t. m, col. 1424. Il insiste, 



dans sa prédication, sur le supplice du Sauveur et se 
plaît à parler du Messie crucifié, comme d'un dogme 
essentiel à l'économie de la religion chrétienne. I Cor-, 
i, 23-24; h, 1-2; v, 7; Gai., vi, 14. 

3° De ce que Jésus proclame devant le sanhédrin qu'un 
jour il reviendra sur les nuées du ciel, Matth., xxvi, 63, 
64; Marc, xiv, 61-62, on n'est pas fondé à conclure qu'il 
ne sera Messie qu'à l'époque de cette apparition glorieuse. 
Les termes mêmes de l'interrogatoire ruinent cette hypo- 
thèse. Le grand-prêtre ne demande pas à Jésus s'il a la 
prétention d'apparaître un jour du haut du ciel comme 
le Messie attendu, mais si, dans le moment même, il 
est le Christ. Matth., xxvi, 63; Marc, xiv, 61. Dans la 
seconde séance du sanhédrin, les juges interpellent le 
Sauveur : « Si tu es le Christ, dis-le-nous. » Jésus rap- 
pelle que le Fils de l'homme sera assis à la droite du 
Dieu puissant. « Tu es donc le Fils de Dieu ? » répli- 
quent les Juifs. « Vous le dites, je le suis, » répond-il. 
Luc, xxn, 66-70. Dans la pensée du sanhédrin, comme 
dans celle de Jésus, il ne s'agit donc pas d'un Messie 
futur, mais d'un Messie présent. C'est là précisément ce 
qui exaspère les Juifs. D'un homme qui promettait d'ap- 
paraître un jour sur les nuées du ciel, ils se seraient 
peu inquiétés ; ils l'auraient attendu à l'œuvre. Il en 
était tout autrement pour eux de quelqu'un qui se don- 
nait actuellement pour le Messie, et dont la vie se trou- 
vait en contradiction si formelle avec leur attente. — De 
la parole de saint Pierre qui, après avoir annoncé aux 
Juifs la résurrection du Sauveur, ajoute que Dieu l'a 
fait « Seigneur et Christ », Act., Il, 36, on ne peut pas 
déduire à meilleur droit l'idée que la dignité messia- 
nique n'aurait été conférée à Jésus qu'à sa résurrection. 
Pierre lui-même, pendant la vie mortelle du Sauveur, 
a solennellement reconnu en lui le Messie. Matth., xvi, 
16 ; Marc, vin, 29 ; Luc, ix, 20. Il n'est pas admissible 
qu'il se contredise. Ce qui est vrai, c'est que ces Juifs, 
que les miracles et les affirmations du Sauveur n'ont 
pas convaincus de sa qualité de Messie, vont être obligés 
de se rendre à ce dernier argument, la résurrection 
certaine de celui qu'ils ont crucifié. En droit, Jésus a 
été « Seigneur et Christ » dès son incarnation; en fait, 
les Apôtres et un certain nombre de Juifs ne l'ont connu 
comme tel que durant sa vie publique. La foi de ces 
derniers est restée faible; à eux, comme à ceux qui 
n'ont pas encore cru, saint Pierre présente la résur- 
rection comme le fait qui établit « avec certitude que 
Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez 
crucifié t. Il ne dit nullement qu'il n'en soit ainsi que 
depuis la résurrection. Dans son second discours, saint 
Pierre dira aux Juifs qu'ils ont crucifié « l'auteur de la 
vie », et il leur explique qu'il fallait « que le Christ 
souffrît ». Act., m, 15, 18. 11 est, donc bien clair que, 
dans sa pensée, Jésus était « auteur de la vie » et 
« Christ » avant sa résurrection. — Voir Schôttgen, 
Borx hebraiae et talmudicse, t. n, De Messia, 1742; 
Mack, Die metsianischen Erwartungen und Ansichten 
der Zeitgenossen Jesu, dans le Theologische Quartal- 
schrift de Tubingue, 1836, p. 3-56, 193-226; Colani, Jésus- 
Christ et les croyances messianiques de son temps, 
Strasbourg, 1864, p. 1-68; Castelli, Il Messia seconda 
gli Ebrei, Florence, 1874; Schônefeld, Ueber die messia- 
nische Hoffnung von 200 vor Christo bis gegen 50 nach 
Christo, Iéna, 1874; Stapfer, Les idées religieuses en 
Palestine à l'époque de Jésus-Christ, Paris, 1878, p. 111- 
132; Briggs, The Messiah o/ the Gospels, New-York, 
1894; The Messiah of the Apostles, 1895; Lepin, Jésus 
Messie et Fils de Dieu, Paris, 1905, 2" édit., p. 77-217. 

H. Lesêtre. 

MESSMER Aloys, théologien catholique autrichien, 
né le 11 novembre 1822 à Nassereuth (Tyrol), mort à 
Albano le 23 août 1857. Après avoir fait ses premières 
études et la philosophie à Inspruck, de 1835 à 1843, il 
étudia la théologie à Brixen de 1843 à 1847, et après un 



lOil 



MESSMER — MESURE 



1042 



an de ministère, il devint professeur d'Écriture Sainte à 
Brixen de 1848 à 1856. On a de lui des poésies et des 
travaux' scripturaires. Ces derniers sont : Geschichte der 
Offenbarung, 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1857 ; 2 e édit., 
t. i, Inspruck, 1869; Introductio in libros Novi Testa- 
menti, in-8°, Inspruck, 1858; Erklârung des Johannes- 
Evangeliums, in-8°, Inspruck, 1860; Erklârung des 
erstenKorinther-Briefes, in-8", Inspruck, 1862 ; Erklâ- 
rung des Briefes an die Galater, in-8°, Brixen, 1862; 
Erklârung des Colosser-Briefes, in-8°, Brixen, 1863. Ces 
quatre derniers ouvrages sont posthumes et furent pu- 
bliés par J. C. Mitterrutzner, qui a aussi édité Alois 
Messmer, ein Lebensbild gezeichnet nach dessen Ta- 
gebuch, Briefen, von J. G. Vonbank, 2 in-8", Brixen, 
1860. — Voir Stanonik, dans Allgemeine deutsche Bio- 
graphie, t. xxi, 1885, p. 500. 

MESSULAM (hébreu iMesullâm; Septante : MeffoX- 
Xâjji; Alexandrinus : MsacraX^v), père d'Aslia (t. i, 
col. 1103) et grand-père de Saphan Je scribe qui vivait 
du temps de Josias. IV Reg., xxn, 3. Le nom hébreu 
que la Vulgate écrit ici Messulam est ordinairement 
transcrit dans la version latine par Mosollam. Voir Mo- 

SOLLAM. 

MESURE, unité conventionnelle que l'on compare 
aux objets pour en connaître le rapport. 

I. Nom. — 1° Le mot mesure, mensura, est employé 
dans la Vulgate pour traduire un certain nombre de 
mots hébreux, qui tous désignent une évaluation en nom- 
bre, en longueur, en poids ou en capacité. Ce sont les 
mots mâdad, qui signifie également mesure de longueur, 
Ezech., iv, 5; XL, 1; et mesure de capacité, Ruth, m, 
15; midàh, qui est le terme le plus usité pour toute 
espèce de mesure, Exod., xxvi, 2, 8; Jos., m, 4; I Reg. 
(Sam.), vi, 25; vu, 9, 11, 37, etc.; mesurai}, qui signi- 
fie mesure de capacité, Lev., xix, 35; Ezech., iv, 
11, 16 ; fdknif, tokén, mafkônét, mesure, quantité, 
tâche, Exod., v, 8; xxx, 32,37;xLV,ll;Se'ge7, sicle, poids, 
Exod., xxxvin, 24; Num., m, 47, s'dlis', dans une large 
mesure, Ps. lxxx (lxxix), 6. Septante : èv [Uzçu,; Vul- 
gate : in mensura. Le mot grec qui désigne les mesures 
est le mot [jiTpov, que la Vulgate traduit toujours par 
mensura. Matth., vil, 2; xxm, 32; Marc, iv, 24; Luc, 
vi, 38; Joa., m, 34; Rom.,xm, 3; II Cor., x, 13, etc. 

2° La Vulgate ajoute souvent le mot mensura au 
nom des mesures de longueur ou de capacité désignées 
par un nom propre et ayant une valeur déterminée : 
■mensura palmi, Exod., xxxix, 9, etc.; mensura gomor, 
Exod., xvi, 18; mensura ephi, Ruth., 11,17; ou remplace 
par ce mot ceux qui désignent des mesures ayant en 
hébreu un nom spécial. 

3° Les Septante donnent souvent la traduction des me- 
sures hébraïques en mesures grecques. Ainsi le bath ou 
éphi est traduit par xoeûc, III (I) Reg., vu, 25 (26), 38; 
par /omÇ, Ezech., xlv, 10, 11; par xotOXï], Ezech., xlv, 
14. Les mesures grecques portant ces noms étaient 
-cependant loin d'équivaloir au Bath. Le x°sù; ne valait 
qu'environ 3 '28, le xotvtÇ, 4 ! 37; la xotuVti, ! 27. J. Wex, 
Métrologie grecque et romaine, trad. J. Monet, in-12, 
Paris, 1886, p. 26-27. 

II. Mesures de longueur. — i. dans i' ancien tes- 
tament. — Tous les peuples anciens ont emprunté 
les noms des mesures de longueur aux dimensions du 
«orps humain, doigt, pied, coudée, palme ou paume, etc. 
Les Hébreux n'ont pas fait exception. Les mesures de 
longueur usitées chez eux étaient : 

1° La Coudée (hébreu : 'ammâh; Septante : htjt;u;; 
Vulgate : cubitus). La coudée était l'unité de mesure de 
longueur, sa valeur moyenne était la distance qui sépare 
le coude de l'extrémité du doigt du milieu. Elle était 
-approximative et non exacte comme sont les mesures 
modernes. On distinguait deux sortes de coudées, la 



coudée vulgaire ou petite coudée et la coudée sacrée ou 
grande coudée. La coudée vulgaire mesurait m 450 
environ et la coudée sacrée, m 525 Les Juifs se servi- 
rent aussi des coudées usitées chez les peuples voisins. 
La coudée commune chaldéenne et assyrienne mesurait 
environ K 499.et la coudée royale environ O^ôiS. La 
coudée commune égyptienne était de m 450, la coudée 
royale de m 525. La coudée commune chez les Perses 
était de nl 444, la coudée royale de m 532. Chez les 
Grecs la coudée attique, ht^îï était de m 444, la cou- 
dée olympique de m 480. En Asie-Mineure la coudée 
avait à peu près la mesure de Ta petite coudée babylo- 
nienne, O^âS. La coudée romaine était l'équivalent de 
la coudée attique. Voir Coudée, t. n, col. 1060. 

2° L'Empan (hébreu : zéref ; Septante : ar.tâa\>.-f\ ; Vul- 
gate : palmus) était la moitié de la coudée. Ce mot 
désigne la paume de la main ou plus exactement la dis- 
tance comprise entre les extrémités du petit doigt et 
du pouce étendus. L'empan était l'unité de mesure chez 
les Chaldéo-Assyriens. Il est figuré sur la statue de 
l'architecte à la règle qui est au musée du Louvre. 
L'empan chaldéen mesure m 27425. Voir Coudée, t. n, 
col. 1061; Palme. 

3° Le petit Palme (hébreu : téfah, tofah; Septante : 
icrffvfi Vulgate : palmus). Le téfah. était le tiers du zé- 
ref; c'était la largeur de la main ; il équivalait à quatre 
doigts; aussi la Vulgate a-t-elle traduit ce mot par son 
équivalence, quatuor digiti, Ex., xxv, 25; xxxvii, 12; et 
même par très uncise. III (I) Reg., vu, 26. Voir Palme. 

4" Le Doigt (hébreu : 'esba' ; Septante : SaxtûXo;, 
Vulgate : digitus). Le mot hébreu n'est employé pour 
désigner une mesure que dans Jer., lu, 21. Il équivalait 
à l'épaisseur du doigt humain ou au quart du petit palme, 
soit environ à m 0218. Voir Doiot 2, t. n, col. 1462; 
Coudée, t. n, col. 1060. 

5° Le Gômed. Ce mot n'est employé qu'une fois, pour 
déterminer la longueur de l'épée à deux tranchants 
d'Aod. Jud., m, 16. Les Septante le traduisent par iriuSajji, 4 
la Vulgate par palma manus. On n'a aucun renseigne- 
ment sur cette mesure. 

6° La Canne (hébreu : Qdnéh; Septante : xàXa[io;; 
Vulgate : calamus), c'est la mesure dont se sert l'homme 
qui apparaît à Ezéchiel, pour évaluer les dimensions du 
Temple. Sa longueur est de six coudées et de six tôfàh, 
c'est-à-dire d'environ 3 Œ 675. Ezech., xl, 5. Il est aussi 
question de cette mesure dans l'Apocalypse, xxi, 15-16. 
Voir Canne 2, t. n, col. 132; Coudée, t. n, col. 1060. 

H. MESUHES DE LONGUEUR VANS LE NOUVEAU TESTA- 
MENT. — 1° Le Chemindu Sabbat, Act., 1, 12, qui équi- 
valait à environ six stades, distance de Jérusalem au 
mont des Oliviers. Josèphe, Ant. jud., XX, vin, 6; 
Bell, jud., V, n, 3; F. Blass, Acta Apostol., in-8», Gœt- 
tingue, 1895, p. 45. Voir Sabbat. 

2° Le Stade, Luc, xxiv, 13; Joa., xi, 18, mesure grecque 
équivalente à 600 pieds grecs ou 625 pieds romains, 
c'est-à-dire à t85 m . Le stade est aussi employé comme 
mesure de longueur dans II Mach., xi, 5; xn, 10, 29. 
Voir Stade. 

3° Le Mille, [lOuov, Matth., v, 41, mesure itinéraire 
romaine équivalente à mille pas, c'est-à-dire à environ 
1480™. Huit stades faisaient donc un mille. Voir Mille. 

4° La Brasse (grec : ôp-piâ ; Vulgate passus), Act., xxvu, 
28, mesure marine équivalente à la longueur comprise 
d'une extrémité à l'autre des deux bras étendus. La 
brasse des anciens équivalait à 1»> 85. Voir Brasse, t. i, 
col. 1910. 

5° Le Pas est dans la Vulgate l'équivalent de deux 
coudées. Num., xxxv, 4. 

III. Mesures de superficie. — L'arpent (hébreu : 
sémed; Vulgate -.jugerum). I Reg. (Sam.), xlv, 14; Is., v, 
10. Les Septante, dans la traduction du passage d'Isaïe, 
font du sémed la mesure de terrain que peut cultiver 
une paire de bœufs en un jour. C'est aussi le sens de. 



1043 



MESURE 



104S 



mot jugerum en latin. Pline, H. N., XVIII, m, 9. Il 
formait un rectangle de 28 800 pieds carrés romains ou 
25 ares, 18 m. carrés, 9 décim. J. Wex, Métrologie gree- 
que et romaine, trad. Monet, in-12, Paris, 1886, p. 21. 
Le tableau suivant donne la valeur des mesures de 
longueur chez les hébreux. Les chiffres placés au-dessous 
de chaque nom indiquent combien il contient d'unités de 
la mesure suivante, le dernier chiffre est l'évaluation de 
la mesure en mètres. Cette évaluation est approximative. 

Canne 3.217 

6 1/2 1 Coudée. . 0,525 

12 2 lZérat 0,262 

36 6 3 ITéfah 0,0875 

144 24 12 4 1 Doigt. 0,0218 

Mesures étrangères. 

Stade, 600 pieds grecs, 625 pieds romains. 185"00 

Mille, — — 1480-00 

Brasse, — — 1-60 

Sémed ou jugerum, arpent 2518"*9 

IV. Mesures de capacité. — /. mesures hébraïques. 
— Les mesures de capacité avaient la même contenance 
pour les solides et pour les liquides, quoique l'unité de. 
mesure portât des noms différents. 

1° L'unité de mesure polir les solides était V'Êfah, 
"Vulgate, éphi, qu'on croit généralement aujourd'hui 
avoir été emprunté par les Hébreux aux Égyptiens. On 
ne sait pas exactement sa contenance, on ne sait que sa 
valeur relative aux autres mesures de capacité. Voir 
Ephi, t. n, col. 1863. 

2° L'unité de mesure pour les liquides était le Balh, 
équivalent à Véphi. Ezech., XLV, 11, 14. Le balh n'est 
pas mentionné avant l'époque des rois. Ce mot est tra- 
duit dans les Septante par part), fiâ-coç ou par des noms 
de mesures grecques. La Vulgate le traduit par balus, 
metreta, amphora. Voir Bath, t. i, col. 1506. On évalue 
approximativement la contenance du bath ou de l'éphi 
à 38188. 

3" Le Hômér, appelé kôr à partir de l'époque des rois, 
était équivalent à dix baths ou éphis, Ezech., xlv, 11, 
soit en mesures romaines à 30 modii, Lev., xxvil, 16; 
Is., v, 10, ou 388>80. Voir Cor, t. n, col. 954. 

4° Le Léték ou demi-cor, valant par conséquent cinq 
baths ou éphis, Ose-, m, 2. 

5° Le $e'dh (grec : aâ-zav ; Vulgate : ordinairement sa~ 
tum) ou tiers d'éphi, Gen., xvm, 6; I Sam. (Reg.), xxv, 
18; III (I) Reg., xvm, 32 (Vulgate : aratiuncula) ; IV (II) 
Reg., vu, 1, 16, 18 (Vulgate : modius); Is., xxvn, 8 
(Vulgate : mensura). Le mot uôtov est la transcription 
grecque de la forme syro-chaldéenne, sa'ta'- Matth., xm, 
33; Luc., xm, 21. 

6» Le Bin, moitié du se'dh ou sixième de l'éphi. Le 
hin est d'origine égyptienne ; il contenait chez les Hé- 
breux 6'49. Voir Hin, t. m, col, 713. 

7° Le 'Omer; Vulgate : gomàr, dixième partie de l'éphi. 
Exod., xvi, 36. Viêèâràn, équivalent du gomor, servait 
à mesurer les solides et spécialement les farines. Il ne 
faut pas confondre le Corner ou cor avec Y'ômer. Voir 
Gomor, t. m, col. 273. 

8° Le Qab; Vulgate : cabus, tiers du hin, sixième par- 
tie du se'dh, dix-huitième de l'éphi, d'une valeur d'en- 
viron i'16. Voir Cab ; t. n, col. 4. 

9» LeLôg (Septante : xotûXt]; Vulgate : sextarius). La 
contenance du log est assez difficile à déterminer. 
D'après la Vulgate et Josèphe, Ant. jud., VIII, n, 9, 
ce serait la soixante-douzième partie de l'éphi, la 
douzième du hin et le quart du cab, c'est-à-dire environ 
0'50. Le log servait surtout pour les liquides. Voir 
Log, t. iv, col. 321. 

//. mesures étrangères. — 1» Dans le dernier cha- 
pitre de Daniel, xiv, 2, dont il ne reste que le texte 
grec, il est question d'une mesure perse appelée àpTaêr]. 
L'artabe équivalait an médimne attique, plus trois ché- 



nices, Hérodote, 1, 192, c'ést-â-dire à 55 litres. Polyen,lv, 
3, 32, lui donne simplement la valeur du medimne, 
soit 51>79. C'était à peu près le sixième du hômér. U 
servait surtout à mesurer les solides. Voir Artabe, 
1. 1, col. 1038. 

2» Le Modius, boisseau, mesure romaine, est men- 
tionné dans le [Nouveau Testament, Matth., v, 15; 
Marc, iv, 21; Luc, xi, 33. Mais il n'est pas question de 
sa capacité comme mesure. La Vulgate emploie ce mot 
pour traduire des mesures différentes, tantôt l'éphi, 
Lev., xix, 36; Deut., xxv, 14, 15, etc., tantôt le hômér, 
Lev., xxvn, 16; Is.,v, 10; tantôt le se'âh.'Vf (II) Reg., vu, 
1, 16, 18. Parfois aussi elle donne l'équivalence des me- 
sures hébraïques en modii, mais ces équivalences ne 
sont pas exactes, le modius latin ne correspondant à 
aucune mesure hébraïque. Voir Boisseau, 1. 1, col. 1840. 

3° L'Apocalypse VI, 6, nomme la mesure grecque appe- 
lée Chcenix, Vulgate : bilibris. C'était la 48 e partie 
du medimne, il contenait 1K)79. Voir Chcenix, t. il, 
col. 712. 

Les mesures de capacité peuvent être groupées d'après 
deux systèmes suivant leurs relations entre elles. 

1° Le système décimal. 

Chômer ou Cor 

10 Bath ou Éphi 

100 10 1 Gomor 

2° Le système duo-décimal. 

Ephi ou Bath 

3 1 Séàh 
6 2 1 Hin 

18 6 3 1 Cab 

72 24 12 4 ILog. 

Les valeurs de ces mesures sont indiquées dans le 
tableau suivant : 

litres 

I Cor. . . . 338,29 

10 1 Bath-Ephi 38,88 

30 3 1 Séàh 12,99 

60 6 2 1 Hin 6,49 

100 10 3 1/3 1 2/3 1 Gomor 3,Ç8 

180 18 6 3 1 4/5 1 Cab . . . 1,16 

720 72 24 12 71/5 4 1 Log. 0,29 

Mesures étrangères. 
Cbœnix 0'079 

V. Métaphores tirées dés mesures. — La Sainte 
Écriture emploie souvent d'une manière métaphorique 
le mot mesure. Avec mesure signifie tantôt parcimonieur 
sèment, Judith, vu, 11; Ezech., iv, 11, 16; Joa., m, 34, 
tantôt abondamment, Ps. lxxix (hébreu,LXXx), 6; Is. xxvn, 
8, pour indiquer la perfection du Tout-Puissant, Job, xi, 
7-9, dit que sa mesure est plus longue que la terre et 
plus large que la mer. Dieu a donné à la vie humaine la 
largeur de la main. Ps. xxxvili (hébreu, xxxix), 6 (la Vul- 
gate traduit: mensurabiles posuistidies). Poids et poids, 
éphi et éphi, c'est-à-dire fausse mesure, odieuse â Dieu. 
Prov., xx, 10; cf. Amos, vm, 5; Michée, vi, 10. Dieu a 
réglé tout avec mesure, nombre et poids, c'est-à-dire 
avec ordre et sagesse. Sap., xi, 21. La justice lui sert 
dé mesure, Is., xxvm, 17; la destruction. est symbolisée- 
par le cordeau et le niveau (Vulgate : mensura), Is.,xxxiv, 

II ; cf. Jérémie, xm, 25 ; xxxi, 39 ; le même mot signifie au 
contraire le partage et la prise de possession. Is., xxxiv, 
17. Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour nous exciter à la 
charité, dit que Dieu se servira à notre égard de la me- 
sure dont nous nous serons servi à l'égard du prochain. 
Matth., vu, 2; Marc, îv, 24; Luc, vi, 38. Le bon éco- 
nome est celui qui distribue en temps opportun aux 
serviteurs la mesure de froment. Luc, xn, 42. Repro- 
chant aux Pharisiens leurs crimes, Jésus leur dit : 
Comblez la mesurede vos pères. Matth., xxm, 32. Saint 
Paul recommande aux chrétiens d'être modestes, cha» 



1045 



MESURE -^ METAUX 



cun selon la mesure de la foi que Dieu lui a départie, 
Rom., xu, 3; ceux qui se mesurent à leur propre me- 
sure manquent d'intelligence. Lui-même ne se glorifie 
pas outre mesure, mais selon la mesuré du champ d'action 
que Dieu lui a assigné. II Cor., x, 12. La grâce nous a 
été donnée selon la mesure du don du Christ; nous de- 
venons hommes faits à la mesuredela stature du Christ ; 
chacun des membres du Christ opère selon sa mesure 
d'activité. Eph., iv, 7, 13, 16. 

VI. Bibliographie. — Outre les livres cités aux articles 
concernant chaque mesure, voir J . Benzinger, Hebràische 
archâologie, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 178- 
185; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12° édit., in-12, 
Paris, 1905, t. i, p. 327-332. E. Beurljer. 

MÉTABÉEL (hébreu : Mehêtab'êl; Septante : Meta- 
ëerj>), grand-père ou ancêtre de Semaïas, fils de Dalaïa. 
Semaïas fut le complice de Tobie et de Sanaballat dans 
leurs menées contre Néhémie. II Esd., vi, 10. — Une 
femme iduméenne porte dans l'original hébreu le même 
nom que le fils de Dalaïa, mais la Vulgate lui a donné 
une orthographe différente. Voir Meêtabel 1, col. 932. 

MÉTAUX, corps simples, solides, à la seule excep- 
tion du mercure, et caractérisés par des propriétés par- 
ticulières, comme la ténacité, la ductilité, la malléabi- 
lité, etc. 

I. Les métaux dans la Bible. — 1° Les métaux, à l'état 
natif, se présentent ordinairement dans une gangue ou 
avec un alliage dont il faut les dégager. La Sainte Écri- 
ture fait plusieurs allusions à cette espèce de scorie, 
qui s'appelle sîg, mot que les Septante rendent toujours 
par des périphrases, et que la Vulgate traduit tantôt par 
rubigo, « rouille, » Prov., xxv, 4, tantôt par scoria, 
ls., i, 22, 25; Ezech., xxn, 18, et d'autres fois par des 
périphrases, Prov., xxvi, 23; — Le mot (iitaXia, me- 
talla, est employé une fois, I Mach., vm, 3, mais avec 
son sens ordinaire de « mine ». — 2° Les métaux men- 
tionnés dans les Livres Saints sont les suivants : 

Antimoine, hébreu : pûk; Septante : oTi\t\u; Vul- 
gate : stibium. Voir 1. 1, col. 670. 

Argent, hébreu : késéf ; Septante : ê?pvupo«'; Vulgate : 
argenlum. Voir t. i, col. 945. 

Cuivre, hébreu : nehoSét elneliûiâh; Septante : xàltioi ; 
Vulgate : ses. Voir t. n, col. 1154. 

Étain, hébreu \bedil; Septante : xoKruréepo;; Vulgate : 
stannum. Voir t. n, col. 1990. 

Fer, hébreu : barzél; Septante : usSripov : Vulgate : 
ferrum. Voir t. H, col. 2205. 

Or, hébreu : zdhdb, 1iârû$, pdz; Septante : xpwsàç; 
Vulgate : aurum. Voir Or. 

Plomb, 'ânàk, 'oférêt; Septante : \>.6\iêoq; Vulgate : 
plumbum. Voir Plomb. Ces six derniers métaux sont 
nommés ensemble Num., xxxi, 22. Il est aussi question 
de certains alliages de métaux : 

Airain, alliage de cuivre et d'étain. Voir Airain, 1. 1, 
col. 323. . 

Bronze, même alliage. Voir Bronze, t. i, col. 1943. 

Électrum, hébreu : hasmal; Septante : r É XexTpov, al- 
liage d'or et d'argent. Voir Electrum, t. n, col. 1655. 

Enfin, dans l'Apocalypse, i, 15: n, 18, il est question 
d'un métal appelé yalxoklèavov, aurichaleum, et qui 
pourrait être un alliage de cuivre et d'or, voir Or, à 
moins que saint Jean n'ait formé le mot dont il se sert 
du grec x**x°Ç et de l'hébreu lâbân, « blanc, » pour 
désigner une sorte de cuivre blanc, alliage de cuivre, 
d'étain et d'un métalloïde qui donne au composé l'aspect 
de l'argent. Il est possible aussi qu'il ne s'agisse ici que 
de cuivre phénicien, en provenance du Liban. Voir 
Cuivre, t. u, col. 1157, 1158. 

II. La métallurgie chez les Hébreux. — 1» Les Hé- 
breux ne se sont jamais livrés à la grande industrie. Le 
travail des métaux se faisait par leurs voisins les Phi- 



listins, I Reg., xni, 19-22, et surtout par les Phéniciens.' 
III Reg,, vu, 13, 14. Les métaux leur arrivaient par im- 
portation. Us apprirent cependant à les utiliser eux- 
mêmes pour en fabriquer des ustensiles, des armes, 
des objets de décoration, etc. Voir Forgeron, t. n, 
col. 2310-2314. Ils savaient épurer l'or et l'argent au creu- 
set, pour les débarrasser du plomb et des scories. Ps. xi 
(xu), 7 ; Prov., xvn, 3; xxvn, 21 ; ls., î, 22, 25 ; Jer., -n, 28- 
30; Ezech., xxn, 18-22; Mal., m, 2, 3. Sur cette opération, 
voir Creuset, t. n, col. 1116. Us pouvaient fondre les 
métaux, Exod., xxxn, 4; ls., i, 25, etc., les marteler et 
les polir, ls., xli, 7, et même les réduire en parcelles 
semblables à la poussière. Exod., xxxn, 20. 

2° Les Livres Saints parlent fréquemment d'objets 
fabriqués avec l'or, l'argent, le cuivre et le fer. On peut 
en voir l'indication à chacun de ces mots. Au désert, 
les Hébreux utilisèrent les connaissances métallurgiques 
qu'ils avaient acquises en Egypte. Il fallait à leurs ou- 
vriers une grande habileté pour fabriquer les multiples 
objets d'or et d'airain qui constituèrent le mobilier 
sacré du Tabernacle, l'arche d'alliance avec ses chéru- 
bins, la table de proposition, le chandelier d'or, 
Exod., xxv, 10-40, les plaques ou lames d'or, destinées à 
recouvrir les meubles en bois, Exod., xxv, 11; xxvi, 
32; etc., ensuite pour couler le veau d'or. Exod.,xxxn, 
4. Après l'établissement en Chanaan, on trouve encore 
parmi les Hébreux le fondeur, çôrêf, àpyijpox<5iroç, ar- 
gentarius, capable de fondre une statue et de la tailler 
au ciseau. Jud., xvn, 3, 4. Le travail des métaux ne prit 
d'extension qu'à l'époque de Salomon ; mais les ouvrages 
nécessaires à la construction et ' t à l'aménagement du 
Temple et des palais s'exécutèrent sous la direction 
d'Hiram, le Phénicien, habile à travailler l'or, l'argent, 
l'airain et le fer. II Par., n, 14. Cet appel à un étran- 
ger suppose que, chez les Hébreux, il n'y avait personne 
qui fût capable de mener à bonne fin cette exécution. 
L'entreprise confiée à Hiram comporta des revêtements 
d'or sur les murailles du sanctuaire, sur les deux grands 
chérubins, sur différents motifs de sculpture, III Reg., VI, 
22, 28, 32, 35; la fonte des deux grandes colonnes d'ai- 
rain, de la mer et des dix bassins d'airain, et d'une 
grande quantité d'ustensiles d'or. III Reg., vu, 15-50; 

II Par., m, 15-17; iv, 1-22. Les objets d'airain, qui étaient 
de dimensions considérables, furent coulés, par pièces 
séparées que l'on monta ensuite, dans des moules argi- 
leux. Pour exécuter cette opération, on choisit un ter- 
rain propice, dans la plaine du Jourdain, entre Sochoth 
et Sarthan. III Reg., vu, 46; II Par., iv, 17. Voir Co- 
lonnes du Temple, t. n, col. 856-858; Mer d'airain, 
col. 982. Les citations des prophètes, indiquées plus 
haut, montrent qu'après les grands travaux exécutés 
sous Salomon, l'industrie métallurgique ne s'exerça chez, 
les Hébreux que dans d'assez modestes proportions. De 
temps en temps seulement, il est question de veaux d'or, 

III Reg., xu, 28; IV Reg., xvn, 16; Il Par., xi, 15; 
II Esd., ix, 18, et de statues, III Reg., xiv, 23; 

IV Reg., xvn, 10; II Par., xxvni, 2; xxxm,19; Jer.,XLin, 
13, fabriqués en vue des cultes idolâtriques. Il n'y eut 
rien à fondre pour le second Temple, puisque les usten* 
siles d'or et d'argent enlevés par Nabuchodonosor furent 
rendus à Zorobabel. I Esd., vi, 5. — La fonte des mé- 
taux exigeait une haute température et des opérations 
assez compliquées. L'argent fond vers 1000° et l'or vers 
1200°. On obtenait cette température dans des fours 
spéciaux, dans lesquels on activait la combustion au 
moyen de soufflets. Voir FORGERON, t. ii,'col. 2312, fig. 677, 
et Four, col. 2336, 2337. Des fondants alcalins, potasse, 
soude, etc., ajoutés au minerai, en facilitaient la tusion. 
Le cuivre ne fond que vers 1150°. On réduisait les mi- 
nerais de cuivre oxydé ou carbonate dans un fourneau, 
au contact do charbon et à l'aide des fondants. Les 
opérations du raffinage sont assez complexes. On les 
poussait aussi loin que le permettaient les moyens à la 



1047 



MÉTAUX — MEUBLES 



1048 



disposition des anciens. Quand le métal avait été coulé 
dans les moules, on achevait l'exécution du travail par 
le battage, le martelage, lé polissage, opérations aux- 
quelles se prêtent très bien l'or, l'argent et le cuivre, à 
raison de leur malléabilité et de leur ductilité. Si les 
pièces étaient de dimensions considérables, comme les 
colonnes du Temple, la mer d'airain, etc., on les coulait 
par morceaux, dont on faisait ensuite l'assemblage et 
l'ajustage. 

III. Chez d'autres peuples. — 1° Dans le livre de 
Daniel, n, 31-34, il est parlé de la statue que Nabucho- 
donosor vit en songe. Cette statue, qui avait la tête d'or, 
la poitrine et les bras d'argent, le ventre et les cuisses 
d'airain et les jambes de fer, n'a jamais existé. Mais 
l'idée en était suggérée au roi par les monuments qu'il 
avait ordinairement sous les veux. Les Chaldéens savaient 
exécuter toutes sortes d'objets en métal, et même des 
mers d'airain qu'on plaçait à l'entrée des sanctuaires. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient 
classique, Paris, 1895, t. i, p. 756, 757; t. n, 1897, p. 534. 
Ils fabriquaient de colossales statues d'or. Au rapport 
de Diodore de Sicile, h, 9, 5, la pyramide de Babylone, 
É-Saggatu, était couronnée par trois grandes statues d'or. 
Une statue d'or massif, de douze coudées de haut, occu- 
pait l'intérieur de la pyramide de Borsippa. Hérodote, i, 
183. Il n'est donc pas étonnant que Nabuchodonosor ait 
eu ensuite la fantaisie d'élever une statue d'or de soixante 
coudées de haut. Dan., m, 1. Il est probable que dans les 
soixante coudées était comprise la hauteur du piédestal et 
que la statue elle-même, au lieu d'être massive, ne com- 
portait qu'un revêtement d'or plus ou moins épais. Cf. 
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 
4896, t. iv, p. 299-302. La statue de Bel, dontparle ailleurs 
Daniel, xrv, 6, était d'argile, mjXôç, à l'intérieur, et de 
bronze ou de cuivre, ^a^-ôç» à l'extérieur. Baruch, vi, 
50, dit aussi des statues de Babylone qu'elles sont |0Xtva 
xai T.epiypvaa. xal ■Re.çii&pyvçia, lignea, inaurata et inar- 
gentata, « en bois et recouvertes d'or et d'argent. » Ce 
genre de statues ne comportait donc que des placages de 
métaux. — 2° A Éphèse, les orfèvres fabriquaient des 
réductions en argent du temple de Diane. Act., xix, 24, 
27. Voir DÉMÉTRius 3, t. n, col. 1364; Dune, t. lï, col. 1405; 
Orfèvre. — 3° On a cru que la ville phénicienne de 
Sarepta, sârfat, située sur la côte entre Tyr et Sidon, 
tirait son nom du verbe sàraf, « fondre. » Cf. Gesenius, 
Thésaurus, p. 4187. Il y aurait donc eu là autrefois des 
fonderies de métaux. Le fait est possible. Ce qui est 
certain, c'est que les Phéniciens fabriquaient beaucoup 
de verre dans cette ville; on trouve encore dans les 
ruines et sur le rivage les traces nombreuses de cette 
fabrication. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 
1884, p. 113. Aussi le nom de la ville serait-il plus pro- 
bablement dû à la fonte du verre. H. Lesêtre. 

METHCA (hébreu : Mitqâh; Septante : Maôexxol), 
vingt-deuxième station des Israélites dans le désert du 
Sinaï, située entre Tharé et Hesmona. Nuin., XXXHI, 28- 
29. L'emplacement en est inconnu. 

MÉTRÉTE (grec : u.ttpir)T-nç; Vulgate : metreta), me- 
sure pour les liquides, équivalant à peu près au bath. 
Aussi la Vulgate traduit-elle le mot bath par metreta. 
II Par., il, 10; iv, 5. On rencontre le mot grec t>.eTp»]TTJ«, 
dans les Septante. II Par., iv, 5. Le même mot se trouve 
dans la partie grecque de Daniel, xiv, 2. H est traduit 
dans la Vulgate par amphora. Dans le récit des noces 
de Cana, il est dit que les urnes dont se servaient les 
Juifs pour les purifications contenaient chacune deux ou 
trois métrètes, Joa., n, 6; c'est-à-dire deux ou trois baths. 
Le métrète était la plus grande mesure attique pour les 
liquides. Démosthène, Contr. Phenipp., 20. — Le 
ueT(W)Triç valait 12 -^deç, 72 ?l<rrae, 144 xottoai, c'est-à- 
dire environ 39 litres, c'était donc à peu près l'équiva- 



lent du bath, qui valait 38'88. J. "Wex, Métrologie 
grecque et romaine, trad. P. Monet, in-12, Paris, 1886, 
p. 24-26. E. Beurlier. 

MÉTRI (hébreu : ham-Matrî; Septante : Ma-crapOi 
famille de la tribu de Benjamin, que le texte hébreu 
appelle & la Mathrite ». Celui qui lui donnait son nom 
était un ancêtre de Cis et de Saûl. Lorsque Samuel fit 
désigner par le sort le futur roi d'Israël, le sort tomba, 
parmi les douze tribus, sur la tribu de Benjamin, et 
parmi les familles de Benjamin, sur celle de Métri, et 
parmi les membres de la famille de Métri, sur Saûl. 
I Reg., x, 21. 

MÉTRIQUE HÉBRAÏQUE. Voir Hébraïque (Lan- 
gue), t. m, col. 490-491. 

METS, aliments. Voir Nourriture. 

MEUBLES, MOBILIER (hébreu : kelî, comme l'as- 
syrien kalû, kalûtu; Septante : erxeûoç, axeûvi; Vulgate : 
vas, vasa, supellex), ensemble d'objets de nature assez 
diverse, constituant l'aménagement d'un édifice ou d'une 
maison, la charge d'un homme, etc. Le mot kelî paraît 




272. — Vases et ustensiles égyptiens en bronze. Musée de Berlin. 
D'après Aegyptische AUerthùmer, pi. 5. 

se rattacher au radical kûl, « mesurer, contenir, » et à 
l'assyrien kullu, « tenir, porter, lever. » Cf. Buhl-Gese- 
nius' Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 360. Il embrasse 
dans sa signification assez large toutes sortes de vases 
de terre et d'airain, Lev., VI, 28; xi, 33; Jer., XIX, H; 
xxxii, 14; les ustensiles du tabernacle, Exod., xxvn, 3; 
xxxvin, 3 (fig. 272) ; divers petits ustensiles de ménage, 
bassins, vases, etc., Is., xxn, 24; la vaiselle, III Reg., x, 
21; tout le ménage de quelqu'un, Gen., xxxi, 37; Jos., 
vu, 24; son habillement, Deut., xxii, 5; les bagages du 
voyageur, Jer., xlvi, 19; Ezech., su, 3; l'attirail d'un 
attelage de bœufs, II Reg., xxiv, 22; l'ensemble d'une 



1049 



MEUBLES — MEULE 



1050 



parure de toilette, Is.,lxi, 10; des navires en papyrus, 
Is., xviii, 2; des instruments de musique, II Par., xxx, 
21; xxxiv, 12; Ps. lxxi (lxx), 22; Am.,'vi, 5; des en- 
gins de destruction, Gen.,xux, 5; 1s., xxxii,7; Ezech.,ix, 
2; des moyens de défense, I Mach., xiv, 10; des armes 
de toute nature, Gen., xxvn, 3; Jud., xvm, 14; Ps. vu, 
14; Eccle., îx, 18;Jer.,xxi, 4;li,25, 20; Judith, xvi 23; 
l'équipement d'un berger, Zach., xi, 15; les agrès d'un 
bateau, Jon., i, 5, etc. La même expression se retrouve 
dans le Nouveau Testament pour désigner les meubles 
de la maison, Luc, xvn, 31 ; les objets de toutes sortes 
qui y sont gardés, Matth., xn, 29; Marc, m, 27; les 
ustensiles du Temple, Hebr., ix, 21 ; des agrès de navire, 
Act., xxvil, 17; un objet portatif quelconque. Marc, xi, 
16. On appelle vases d'élection, de colère ou de miséri- 
corde, Act., IX, 15; Rom., ix, 22, 23, les hommes qui 
sont l'objet du choix divin, de la colère ou de la miséri- 
corde. Saint Paul recommande au chrétien de traiter son 
corps, iras-jo;, t'as, avec respect et sainteté. I Thés., iv, 4. 
Le mobilier des Israélites était peu compliqué, ce 
qui se comprend dans un pays où la vie se passe presque 
tout entière en plein air. Quand la Sunamite veut meu- 
bler une chambre pour Elisée, elle y met « un lit, une 
table, un siège et un chandelier ». IV Reg., iv, 10. Qu'à 
ces quatre meubles on ajoute un moulin à bras, Deut., 
xxiv, 6, et une cruche, voir Cruche, t. H, col. 1136, l'on 
aura à peu près tout ce qui semblait nécessaire pour 
rendre une maison habitable. Quelques cavités ménagées 
dans l'épaisseur des murs servaient à ranger un certain 
nombre d'objets accessoires, comme les couvertures, 
les vêtements de rechange, les vases pour la cuisine ou 
la conservation des denrées, etc. Les gros, ustensiles de 
cuisine, comme le four à pain, le fourneau, etc., n'en- 
combraient guère l'intérieur de la maison, puisque la 
cuisine se faisait ordinairement dehors. Voir Cuisine, 
t. il, col. 1146. — Les maisons des riches comportaient 
un mobilier plus considérable que le contact avec les 
civilisations étrangères rendit peu à peu plus compliqué. 
Voir Maison, col. 586; Palais. Le traité Kelim, le pre- 
mier du sixième livre de la Mischna, s'occupe du mobi- 
lier des maisons et des règles à suivre pour lui garder 
ou lui rendre la pureté légale. — Sur les meubles pro- 
prement dits, voir Boisseau, 1. 1, col. 1840; Chaire, t. n, 
col. 508; Chandelier, t. n, col. 541; Chaudière, t. n, 
col. 620; Lampe, t. iv, col. 54; Lit, t. îv, col. 285; Mou- 
lin, Siège, Table, Tapis. Cf. Jahn, Archxolog. biblic, 
dans le Cursus complet. Scripturse Sacrx, de Migne. 
Paris, 1852, col. 852-853. H. Lesêtre. 

MEULE (hébreu : tefyôn, tâhânah, rêhAyîm, pélah, 
rékéb; Septante : puiXo;, èrcijiiSXtov, X£8o; [uAixd; ou [iv- 
livii;; Vulgate : mola, lapis molaris), ustensile de 
pierre servant à réduire le grain en farine. 

I. Les meules des anciens. — 1° Quand les premiers 
hommes ont connu l'usage du blé, ils se sont préoccu- 
pés de le réduire en farine pour en faire du pain, bien 
que, même au temps de Notre-Seigneur, on eût gardé 
l'usage de manger les grains de blé encore frais sans les 
moudre. Matth., xu, VI, 1 ; Luc, vi, 1. Dans le principe, on 
se contenta d'écraser le grain dans un mortier. Voir MOR- 
TIER. On perfectionna ensuite le procédé et l'on_écrasa 
le blé sur une pierre dure à l'aide d'une autre pierre 
mise en mouvement à grand effort. Un monument égyp- 
tien (fig. 273) représente une femme agenouillée devant 
une pierre oblongue, creusée légèrement à la surface, 
et écrasant le grain à l'aide d'une pierre plus petite 
qu'elle pousse et ramène des deux mains. La farine 
ainsi obtenue était mélangée de son, de poussière et de 
débris de pierre; elle renfermait des grains à peine 
concassés et d'autres encore entiers. Les dents avaient à 
compléter le travail. Aussi celles des vieillards se re- 
trouvent-elles souvent usées jusqu'à la gencive. Les 
Chaldéens employaient le même procédé. Sur un ca- 



chet chaldéen (fig. 274), on aperçoit en haut, à gauche, 
une femme agenouillée qui broie le grain, et devant elle 
de petits disques qui ont l'air d'être des pains préparés 




273. — Égyptienne écrasant le grain avec une pierre. 
Musée du Caire. 

pour la cuisson. Cf. Maspero, Histoire ancienne de& 
peuples de l'Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 320, 
699, 739. 

2» Les Hébreux ont connu de bonne heure les meules 
à mains. Ils s'en servaient au désert, Num., xi, 8, comme 
ils le faisaient antérieurement dans la terre de Gessen. 
Il n'est pas à croire cependant qu'ils aient emporté avec 
eux des objets aussi pesants; le désert leur fournissait 
en abondance les pierres nécessaires pour moudre, d'au- 
tant qu'ils n'avaient pas dû prendre beaucoup de blé 
avec eux. La meule se composait de deux pierres. L'une, 







274. — Femme chaldéenne broyant le grain. 

D'après Heuzey et de Sarzec, Découvertes en Chaldée, 

pi. 30 bis, n. 13. 

plus lourde et plus dure, s'appelait pélah falifit, «t meule 
de dessous, n Dans Job, XLI, 15, il est dit du crocodile 
qu'il a le cœur dur comme la meule de dessous. Les 
versions prennent cette meule inférieure pour une en- 
clume, axu,(ov ivriXatoi;, malleatoris incus. La meule 
supérieure était appelée rékéb, « la coureuse, » ou pé- 
lafr rékéb, « la meule coureuse, » îm\iJAiai, « la meule 
de dessus, » le catillus des Latins. Deut., xxiv, 6; Jud., rx, 
53; II Reg., xi, 21. L'ensemble de l'appareil prenait le 
nom de rèhdyîm, « les deux meules. » Exod., XI, 5; 
Is., xl vu, 2. Les Hébreux broyaient la manne à la meule, 
Num., xi, 8, comme plus tard ils broyèrent le blé. Les 
meules étaient si indispensables dans un ménage qu'il 
était défendu de prendre en gage soit les deux meules, 
rêhàyîm, soit même la meule de dessus, rékéb, ce qui 
eût été prendre en gage la vie même. Deut., xxiv, 6. Cf. 
Josèphe, Ant. jud., IV, vm, 26. C'étaient ordinairement 



t05i 



MEULE 



1052 



des femmes qui manœuvraient la meule, Matth., xxiv, 
41, et spécialement des esclaves. Exod., xi, 5. Le travail 
était fort pénible. Quand les Philistins eurent pris Sam- 
son, ils l'emprisonnèrent à Gaza et le mirent à la meule. 
Jud., xvi, 21. Isaïe, xlvii, 2, menace Babylone du même 
sort, quand il lui dit : « Prends les meules et mouds 
de la farine. » Jérémie constate que les jeunes hommes 
de Juda ont été mis à la meule par les Chaldéens. 
Lam., v, 13. — Saint Jérôme traduit; dans ce dernier 
passage, le mot tehôn, « meule, s par impudice abusi 
sunt, les Chaldéens « ont indignement abusé des jeunes 
gens ». Cette traduction se réfère à un passage de 
Job, xxxi, 10, où il est dit : « Si mon cœur a été séduit 
par une femme..., que ma femme soit la meule, fithan, 
pour un autre, » c'est-à-dire qu'elle soit son esclave. Le 
verbe tâhan est pris dans un sens obscène par les 
Septante, la Vulgate, le Targum, etc., comme le grec 
(liXXstv. Cf. Théocrite, rv, 58. Ce sens peut convenir 
dans le passage de Job; il est beaucoup moins probable 
dans celui de Jérémie. — Chez les anciens auteurs, le 
travail de la meule est toujours présenté comme propre 
aux esclaves et aux condamnés. Cf. Odyss., vu, 103; 
Théophraste, Char., 5; Aristophane, Nub., 1358; Calli- 
maque, Del., 242; Térence, Andr., i, 2, 29; Phorm., il, 
3, 19; Plaute, Asinar., i, 1, 16; Epidic, i, 2, 42; Mer- 
cat., il, 3, &2;Mostel., i,i, i6; Psenul., v, 3, 33;Pen.,i, 
1, 21, etc. 

3° Les meules .se perfectionnèrent avec le temps, de 
manière à fournir, avec plus de facilité, un meilleur 





275. — Moulin à bras de Pompéi. 

D'après Baumeister, Denkrnaler des klassichen AUertums, 

t. n, p. 933. 

travail. Les anciens avaient un moulin à bras, y_sipo- 
IiûXti, Xénophon, Cyr., vi, 2, 31, mola manuaria ou 
trusatilis, Aulu-Gelle, m, 3, 14, que l'on tournait. On 
en a découvert de nombreux spécimens à Pompéi, dans 
les boutiques des boulangers et il n'est pas de ruines de 
villes antiques où l'on ne trouve des débris de meules. 
La base du moulin de Pompéi (fig. 275) estformée d'une 
pierre surmontée d'une partie conique, la meta, d'en- 
viron deux pieds de haut. L'autre pièce de l'appareil 
affecte la forme d'un sablier; c'est, le catillus. Sa partie 
inférieure emboîte le cône de. la meta; la partie supé- 
rieure, évasée en entonnoir, sert de trémie pour le blé, 
qui descend par quatre trous percés à travers l'étran- 
glement du catillus. Une barre de bois, s'insérant dans 
deux cavités ménagées de chaque côté de cette der- 
nière pièce, permettait aux esclaves dé faire tourner le 
catillus sur la meta. Le grain, broyé par le frottement 
des deux pièces l'une sur l'autre, tombait en farine 
dans une rigole inférieure. Les Hébreux ne se sont pas 
servis communément d'appareils aussi perfectionnés. 
Cependant saint Matthieu, xxiv, 41, suppose deux 
femmes occupées à mettre en mouvement la même 
meule. Elles avaient un moulin fort analogue à celui 
qui est encore en usage en Orient, et qui est connu sous 
le nom de richd, à peu près comme les rêhâyîm de la 
Bible (fig. 276). Cf. Riehm, Handwôrterbuch des bibl. 
Alterlums, Bielefeld, 1894, t. n, p. 1041. Ce moulin, 



qu'on trouve dans tout l'Orient, se compose de « deux 
petites meules, larges de 58 à 60 centimètres, épaisses 
de 6 à 10. Celle de dessous est légèrement convexe, pour 
faciliter la chute de la farine. L'autre l'emboîte exacte- 
ment. Au milieu de la meule supérieure, seule mobile, 





276. — Moulin à bras. — A gauche, les deux meules superposées. 
A droite, au-dessous, meule inférieure; au-dessus, coupe de la 
meule supérieure. D'après Riehm, Handwôrterbuch des bibli~ 
schen AUertums, 1894, t. il, p. 1041. 



est un assez large trou, traversé diamétralement par 
une petite pièce de bois ou de fer, percée elle-même 
d'un trou où s'engage le pivot de fer s'élevant au centre 
de la pierre inférieure. Le moulin est ordinairement 
posé à terre sur une peau : une ou deux femmes, 
accroupies l'une en face de l'autre, tournent la pierre 
supérieure par un manche de bois planté debout sur la 
meule et près du bord. Si deux femmes travaillent en- 
semble, l'une d'elles tourne de la main gauche et se sert 
de la droite pour mettre lé grain dans le trou central, 
que le petit moyeu ne ferme pas entièrement (fig. 277). 
Les meilleurs moulins à main se fabriquent dans le 
Ledja, l'ancienne Trachonitide, avec la lave poreuse et 
relativement légère qui forme presque tous les rochers 
du pays. C'est unarticle d'exportation dans tout l'Orient ». 
JalUen, L'Egypte, Lille, 1891, p. 271, 272. La manœuvre 
du moulin, bien que longue et pénible, est invariable- 
ment confiée aux femmes. « Quoiqu'on ait cherché à 
établir quelques moulins à Jafla, la plupart du temps 
les habitants font eux-mêmes leur farine, en broyant le 
grain entre deux petites meules de lave que les femmes 




277. — Bédouines tournant la meule. 
D'après une photographie. 

tournent l'une sur l'autre au moyen d'une cheville de 
bois. Que dé fois n'ai-je pas vu des mères de famille, 
épuisées, manœuvrer ainsi sans relâche, pendant des 
heures entières, ces machines primitives et grossières, 
permettant à peine de moudre la farine nécessaire à la 
nourriture de leur mari et de leurs enfants ! Que de fa- 
tigues elles éprouvent pour avoir le pain d'une seule 
journée ! Jusqu'au moment où ces malheureuses pour- 
ront se reposer dans la paix de la tombe, elles seront 
condamnées à ce dur travail ! » Lortet, La Syrie d'au- 
jourd'hui, Paris, 1884, p. 381. Le frottement d'une, 
meule sur l'autre produit un bruit continu. Dans sa 
prophétie contre Juda, Jérémie, zxv, 10, dit que le Sei- 



1053 



MEULE 



1054 



gneur fera taire « la voix de la meule et la lumière de 
la lampe », double signe de la vie dans une maison. 
Saint Jean emploie la même image à propos de la ruine 
de la grande Babylone. Apoc., xvm, 22. Le bruit de la 
meule est encore aujourd'hui caractéristique des lieux 




278. — Cheval tournant la meule. 

Bas-relief du Vatican. D'après Baumeister, 

Denkmâler des klassichen AUertums, t. il, p. 933. 

habités en Orient. On l'entend parfois une grande partie 
de la nuit. L'Ecclésiaste, xn, 3, 4, dit aussi dans sa des- 
cription allégorique de la vieillesse : « Alors chôment 
celles qui avaient coutume de moudre (les dents), parce 
qu'elles ne sont plus en nombre... et le son de la meule 
s'affaiblit. » Il est d'ailleurs assez probable qu'à la voix 
de la meule se joignait parfois la voix de celles qui la 
ournaient et qui charmaient par des chants les longs 




nana. C'était une meule tournée par un âne, au lieu 
de l'être par un homme. Cf. Caton, De re rust., H; 
Ovide, Fast., vi, 318, etc. Un marbre du Vatican (fig. 278; 
représente cette meule. Elle a la même forme que celles 
des boulangers de Pompéi, mais elle est naturellement 
plus considérable. Un cheval la tourne; il a des plaques 
de cuir sur les yeux pour n'être pas incommodé par le 
mouvement gyraloire. Il se pourrait que les Philistins, 
en crevant les yeux à Samson, Jud., xvi, 21, aient voulu 
le mettre en état de tourner une meule semblable à la 
meule à âne. Il est toutefois plus probable qu'ils son- 
gèrent surtout à exercer leur vengeance et à rendre la 
fuite impossible à leur ennemi. Cf. F. L. Goetz, De pis- 
trini$veterum, Zwickau, 1730; Hoheisel, De molisma- 
nualibus veterum, Gedan, 1728, tous deux dans le Thé- 
saurus d'Ugolini, t. xxix; Ch. Dezobry, Morne au siècle 
d'Auguste, 5« édit., 1886, t. m, p. 419-428. Sur le mou- 
lin à olives, voir PRESSOIR. 

II. Le poids des meules. — 1° Quand Abimélech eut 
pris la ville de Thébès, les habitants se réfugièrent dans 
une tour et montèrent sur le toit. Abimélech s'étant 
approché de la porte pour y mettre le feu, une femme 
jeta d'en haut sur sa tête un pélal} rékéb, la partie su- 
périeure d'une meule, xXâ<j|/.a im\j.û\im,fragmen moles. 
Il fut tué sur le coup. Jud., ix, 53; II Reg., xi, 21. 
Une pareille pierre, tombant de haut, devenait un pro- 
jectile redoutable. Cf. Odyss., vu, 103; Suétone, Tib., 51. 
— Notre-Seigneur, en parlant de ceux qui portent au 
mal les petits enfants, dit qu'il vaudrait mieux pour, 
eux être jetés au fond de la mer avec une meule à 
âne attachée au cou. Matth., xviii, 6; Marc, ix, 41; 
Luc., ! xvn, 2. Ainsi ils périraient sûrement, mais du 
moins ils ne feraient pas périr l'âme de ceux qui sont 
incapables de se défendre. La submersion n'était pas 
un supplice juif. Cf. Exod,, I, 22. Les Romains l'em- 
ployaient pour châtier le parricide, cf. Cicéron, Pro 
Rose Jm 23 Juvmal vin 214 et partout on le considé- 



X. 
4 



& 



fj ' % N*. 







279. — rierro avec inscription chrétienne. 280. -^ Pierre avec inscription musulmane. 

D'après Loi-tet, La Syrie, p. 661. 



ennuis de leur mouvement monotone. Chez les Grecs, 
il est question d'une iropûXioc ù>Sr\, « chant de la meule, » 
pendant le travail de la mouture. Cf. Élien, Var. hUt., vu, 
4. — Sur les dents comparées à la meule, tahândh, 
Eccle., xn, 3, voir Dent, t. n, col. 1381. 

4° Enfin, dans saint Matthieu, xvm, 6, et saint Marc, ix, 
41, il est parlé de meule à âne, puiXoç ôvtx<5;, tnola asi- 



rait comme un grave supplice. Cf. Suétone, Octav., 67; 
Quinte Curce, x, 4; Josèphe, Ani. jud., XIV, xv, 10; 
Bell, jud., I, xxu, 2, etc. Parfois, on attachait au corps 
des objets pesants pour qu'il allât au fond de l'eau sans 
pouvoir surnager. Cf. Jer., u, 63. Josèphe, Cont. Apion. , r, 
34, rapporte un récit de Lysimaque d'après lequel un 
roi d'Egypte, que celui-ci appelle Bocchoris, aurait dé- 



1055 



MEULE — MEYER 



1056 



cidé de faire périr les lépreux en les jetant dans la 
mer enveloppés de feuilles de plomb. Lactance, De 
•mort, persec, 15, t. vu, col. 238, dit que l'empereur Ga- 
lère faisait jeter des chrétiens dans la mer avec des 
meules au cou. Actuellement encore, dans la baie de 
Beyrouth, les pêcheurs d'épongés qui ont â aller cher- 
cher leur butin à quinze ou vingt mètres de profon- 
deur, plongent en tenant à la main des dalles de marbre 
qui pèsent plusieurs kilogrammes et les entraînent rapi- 
dement au fond. Ces dalles portent des figures et des in- 
scriptions chrétiennes (fig. 279) ou musulmanes (fig. 280). 
selon la religion des pêcheurs, et sont munies d'un trou 
dans lequel passe une corde pour les ramener dans le 
bateau. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, 
p. 660-661. En parlant du supplice de la submersion avec 
une meule au cou, Notre-Seigneur veut donner une idée 
de la gravité du péché que commettent ceux qui scanda- 
lisent les petits. — Dans l'Apocalypse, xviu, 21, saint 
Jean dit qu'un ange puissant prit une pierre pareille à 
une grande meule et la jeta dans la mer en disant : 
« Ainsi sera précipitée violemment Babylone, la grande 
■ville, et on ne la trouvera plus. » Cette pierre figure la 
grande Babylone dont la chute et la ruine seront sans 
retour. On ne la reverra pas plus qu'on ne revoit une 
lourde pierre qui a été précipitée de haut dans le fond 
de la mer. H. Lesêtre. 

MEURTRE, MEURTRIER. Voir Homicide, t. m, 
Col. 740. 

MEUZEL, MOEZEL, Wblfgang, dit MUSCULUS, 

théologien protestant, né le 8 septembre 1497 à Dieuze 
en Lorraine, mort à Bâle le 30 août 1563. Agé de 15 ans, 
il entra dans un monastère de bénédictins près de Lix- 
heim et fut ordonné prêtre. La lecture des ouvrages de 
Luther ébranla sa foi, et ayant été élu prieur, il refusa 
cette charge. Bientôt il se mit à prêcher les nouvelles 
doctrines, quitta son monastère, vint habiter Strasbourg 
et s'y maria en 1527. Deux ans plus tard, il y devenait 
ministre et pouvait se livrer à son goût pour l'étude. 
En 1531, le sénat d'Augsbourg l'invita à venir dans 
cette ville, et depuis lors il prit part aux diverses as- 
semblées tenues entre les catholiques et les protes- 
tants. Ayant refusé en 1548 de souscrire à l'Intérim 
d'Augsbourg, il dut quitter cette ville. L'année suivante 
la ville de Berne lui offrait une chaire de théologie. 
Parmi ses écrits nous mentionnerons : Commentant in 
D. Joannis Evangelium, in-f°, Bâle, 1545; Commenta- 
rii in Matthœum, in-f°, Bâle, 1548; Commentarii in 
Psaimos, una cum nova venione latina, in-f°, Bâle, 
1550; Commentarii in Genesim, in-f», Bâle, 1554; Com- 
mentarii in Epistolam ad Romanos, in utramque Epi- 
stolam ad Corinthios, in-f°, Bâle, 1555; Commentarii 
in Esaïam prophetam, in-f», Bâle, 1557; Commentarii 
in Epistolas ad Galatas, et ad Ephesios, in-f», Bâle, 
1559; Commentarii in Epistolas ad Philippenses, Co- 
lossenses, Thessalonicensésetinprimamad Timotheum, 
in-f°, Bâle, 1565. — Voir la Vie de W. Menzel compo- 
sée par son iils Abraham et publiée dans le recueil : 
Synopsis festalium concionum, authore D. Wolf. Mus- 
culo Drusano, in-12, Bâle, 1595; Walch, Biblioth. theo- 
logica, t. iv, p. 455, 498, 540, 638, etc. ; Dupin, Biblioth. 
des auteurs séparés de l'Église romaine du xvi« siècle, 
t l (1718), p. 399. B. Heurtebize. 

MEXICAINE (VERSION) DE LA BIBLE. Les 

Mexicains aborigènes, à l'époque de la conquête espa- 
gnole, parlaient de nombreux dialectes. Le plus répandu 
était l'aztèque ou mexicain proprement dit. Il est désigné 
par le simple qualificatif de nahuatl, « clair, sonore. » 
Il est pauvre «n éléments phonétiques, mais abon- 
dant en mots fort longs. Quelques-uns ont de dix à 
douze syllabes. Tls ne sont pas cependant usités dans 



le langage parlé et paraissent devoir leur origine à 
la nécessité d'exprimer les idées chrétiennes qu'ensei- 
gnaient les 'missionnaires. Comme aucun des termes 
en usage ne pouvait les rendre, on créa de nouvelles 
expressions formées par la réunion de plusieurs radi- 
caux significatifs. — De bonne heure on traduisit une 
partie des Livres Saints en mexicain. Le dominicain Di- 
dacus de Santa-Maria traduisit les Évangiles et les 
Êpltres à Mexico (1579) et le Franciscain Louis Rodri- 
guez, les Proverbes. Mais il n'est rien resté de ces 
versions. En 1829, un agent de la Société biblique ap- 
pelé Ihomson fit traduire le Nouveau Testament d'ac- 
cord avec l'évêque de Puebla, mais la traduction de 
saint Luc fut seule imprimée. — Voir Bible of every 
Land, 1860, p. 465; W. Canton, A History of the Bri- 
tish and Foreign Bible, t. h, Londres, 1904, p. 94, 97, 
471. 

MEY (Jean de), théologien calviniste hollandais, né 
en 1617, mort le 19 avril 1678. Docteur en médecine et 
en théologie, il enseigna à Middelbourg cette dernière 
science, en même temps qu'il exerçait les fonctions de 
ministre. On a de cet auteur : Commentaria physica, 
sive eaypositio locorum Pentateuchi in quibus agitur 
de rébus naturalibus, in-4», Middelbourg, 1651; Sacra 
physiologia sive exposilio locorum Scripturse in quir- 
bus agitur de rébus naturalibus, in-4», Middelbourg, 
1661 ; Handboek der Spreuken Salomonis, in-4", Middel- 
bourg, 1667. Ses œuvres complètes ont été publiées à 
Delft, in-f», 1704. — Voir Walch, Biblioth. theol., t. iv, 
515. B. Heurtebize. 

MEYER Heinrich AugustWilhelm, théologien luthé- 
rien allemand, né à Gotha le 10 janvier 1800, mort à Ha- 
novre le 21 juin 1873. Après une éducation solide reçue 
au lycée de sa ville natale, il s'adonna à l'étude de la 
théologie luthérienne à l'université de Iéna (1818-1820). 
A partir de 1823, il fut pasteur en plusieurs localités, sans 
cependant cesser de poursuivre activement ses études. 
En 1837, il fut nommé « Superintendent » à Hoya et qua-, 
tre ans plus tard Consistorialrath et pastor primarius 
de l'église de Neustadt (Hanovre). De 1848 à 1861 il fut 
examinateur pour la théologie et plus tard Ober-Consis- 
torialrath. Ayant pris sa retraite en 1865, il la consacra 
au perfectionnement de ses écrits. 

Ses œuvres les plus remarquables sont : Das neue 
Testament, griechisch, nach den besten Hilfsmitteln 
kritisch revidiert, mit einer neuen deutschen Ueber- 
setzung und einem kritischen und exegetischen Kom- 
mentar, 2 inr8°, Gœttingue, 1829. — Son œuvre capitale 
est intitulée : Kr'uisch-exegetischer Commentar zum 
neuen Testament, 16 in-8°, Gœttingue, 1832-59. Les diffé- 
rentes parties de cet important ouvrage ont été publiées 
dans l'ordre suivant : Die drei synoptischen Evange- 
lien, 1832; Johannes, 1834; Apostelgeschichte, 1835; 
RBmerbrief, 1836; Corinther I, 1839; Corinther II, 
1840; Galater, 1841; Epheser, 1843; Pillipp., Coloss., 
Philemon, 1847. Son œuvre fut conlinuée et. achevée 
par ses jeunes collaborateurs et ses amis, parmi lesquels 
nous citerons Huther, Lûnemann, Dûsterdieck. Une 
fois terminée, on édita plusieurs nouvelles éditions de 
l'œuvre complète. En 1898, on en a publié à G-œttingue 
la 9° édition. 

Après la mort de l'auteur plusieurs savants comme 
Weiss, Wendt, Sieffert, etc., se mirent en devoir de 
refondre quelques parties séparées du Commentaire, en 
suivant plus ou moins la méthode rationaliste, tandis 
que Meyer se bornait presque exclusivement à l'inter- 
prétation grammalico-historique. A ce point de vue 
son ouvrage mérite des éloges, auxquels n'ont point 
droit ses successeurs rationalistes. — Voir Wagenmanu, 
dans Allgemeine deutsche Biographie, Leipzig, t. xxi, 
1885, p. 580-81; Herzog, Realencyclopedie fur protest. 



1057 



MEYER — MEZUZA 



1058 



Theol., 2= éd., t. IX, p. 732-34 : Cornely, Introductio in 
S. Script., 1. 1, p. 728-30; Kurzer Lebensabriss Meyers, 
dans la 4" éd. de la ix" partie du Kritisch-exeget. 
Commentar., Gœttingue, 1874, et dans l'avant-propos de 
la 7 e éd. de la 1" partie du même ouvrage. 

E. Michels. 
MÉZA (hébreu : Mizzdh; Septante : MoCé, dans 
Gen., xxxvi, 15, et dans IPar., i, 37; Alexandrinus : 
Mo-/é), le dernier des quatre fils de Bahnel qui était un 
des fils d'Ésaû par Basemath, Gen., xxxvi, 13; I Par., i, 
37. Il fut un des chefs Çallûf) iduméens, Gen., xxxvi, 
17, mais la région où il habitait et la tribu qu'il gouverna 
sont inconnues. 

MÉZAAB (hébreu : Mê Zâdb, « eaux d'or » ; Sep- 
tante: MatÇoâë; omis dans I Par., i, 50), père de Matred 
et grand-père maternel de Méétabel (col. 982), laquelle 
fut la femme d'Adar (Adad, I Par., i, 50; voir Adad 2, 
t. i, col. 165), le huitième et dernier des rois d'Édom 
énumérés Gen., xxxvi,39; IPar., i, 50. Les Targumistes 
et les anciens rabbins ont imaginé que Mézaab, à cause 
de la signification de son nom, était orfèvre ou raffineur 
d'or. Cf. Qumst. heb. inPar., 1,50; Patr. Lat., t. xxm, 
col. 1367. Plusieurs critiques modernes croient que ce 
passage de la Genèse est altéré et que Mézaab est un 
nom de ville ou de pays, peut-être Dizahab. Deut., i, 1. 
Voir Dizahab, t. n, col. 1453. 

M EZUZA (hébreu : mezûzâh) inscription que les Jui fs 
suspendaient à leurs portes. La Loi avait ordonné aux Is- 
raélites d'avoir sans cesse à la main et devant les yeux 
certains préceptes et de les écrire sur les poteaux de 
leurs maisons et surleurs portes. Deut., VI, 8, 9; xi, 20. 
Dans l'Ancien Testament, il n'est fait mention d'aucun 
personnage qui ait vu dans cette prescription autre chose 
qu'une invitation pressante à ne jamais oublier la Loi. 
Après la captivité, quand se développa le pharisaïsme, 
on se mit à entendre la prescription dans le sens le 
plus littéral, d'où l'institution des tephillim, voir Phy- 
lactères, et de la mezuza. Ce dernier mot se lit plu- 
sieurs fois dans la Bible, au pluriel, mezûzôt, avec le 
sens de « poteaux de porte ». Exod., xu, 7; xxi, 6; 
Deut., vi, 9; xi, 20, etc. Sur un morceau de parche- 
min, on écrivait, en lettres hébraïques carrées, cf. Me- 
gilla, i, 8, formant vingt-deux lignes, les deux passages 



du Deutéronome, vi, 4-9; xi, 13-21. Sur le revers du 
parchemin, on traçait le nom de Dieu, iw, Saddai; on 
roulait le parchemin et on l'enfermait dans un jonc ou 
une boîte oblongue munis d'une ouverture de manière 
à laisser apparent le mot Saddai (fig. 280). On suspen- 
dait ensuite le tout au poteau droit des portes de la 
maison et des chambres. Les portes des synagogues ne 
portaient point la mezuza; au Temple, on ne la fixait 



(^ 





280. — Mezuza. 

D'après Kitto, Cyclopsedia of Biblical Literature, 

1876, t. lit, p. 153. 

qu'à la porte de Nicanor. Cf. Josèphe, Ant. jud., IV, 
vin, 13; Berackoth, m, 3; Schabbath, vin, 3, etc. Parmi 
es sept petits livres du Talmud de Jérusalem, le second 
rai te de la mezuza. Cette pratique, du reste, n'était 
observée que par les Juifs rigoristes attachés à l'obser- 
vance littérale et servile des préceptes. L'Evangile, qui 
parle des phylactères et des franges, Matth., xxm, 5, 
ne fait aucune allusion à la mezuza. Cf. Dassovius, De 
ritibus Mezuzse, dans le Thésaurus d'Ugolini, t. xxi; 
Iken, Antiquitates sacrée, Brème, 1741, p. 536; Schûrer, 
Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, t. n, 1898, 
p. 484-485. 

H. Lesêtre. 



DICTIONNAIRE 



DE LA BIBLE 



TOME QUATRIEME 

DEUXIÈME PARTIE 

MIAMIN — PAVOT 



ENCYCLOPEDIE 

DES 



SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES 

RÉDIGÉE PAR 

LES SAVANTS CATHOLIQUES LES PLUS ÉMINENTS 

DE FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 



1° DICTIONNAIRE DE LA BIBLE 

Publié par F. VIGOUROUX, prêtre de Saint-Sulpice 

Ancien professeur a l'Institut catholique de Paris, Secrétaire de la Commission biblique 



2° DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE 

Commencé soug la direction de A. VACANT, prof, au Sém. de Nancy, 
Continué sous celle de Eug. MANGENOT, professeur à l'Institut catholique de Paris. 



3° DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE 

ET DE LITURGIE 

Publia par le R me dom Fern. CABROL, abbé de Farnborough et dom H. LECLERCQ. 



4° DICTIONNAIRE D'HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHII 

ECCLÉSIASTIQUES 

Publié par Mgr Alfred BADDRILLART, recteur de l'Institut catholique de Paris, 
Albert VOGT, docteur es lettres, et Urbain ROUZIÈS. 



5° DICTIONNAIRE DE DROIT CANONIQUE 

(En préparation) 



DICTIONNAIRE 

DE LA BIBLE 



CONTENANT 

TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLANTES, I>' ANIMAUX 

MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES 

LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES 

RELATIVES A l' ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT 

ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES 

PUBLIÉ PAR 

F. VIGOUROUX 



PHETIIE DE S.UNT-SOLPICE 



AVEC LE CONCOURS D'UN GRAND NOMRRE DE COLLABORATEURS 



DEUXIEME TIRAGE 



TOME QUATRIÈME 



DEUXIÈME PARTIE 



MIAMIN— PAVOT 







J»ARIS 

LETÛUZEY ET ANÉ, ÉDITEURS 

76 bi ', RUE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis 
1912 

TOUS DROITS RÉSERVES 



Imprimatur 
Parisiis, die 6 Januarii 1908. 



f Franciscus, Card. RICHARD, 
Arch. Par. 



DICTIONNAIRE 

DE LA BIBLE 



M 



(suite) 



M E£UZA (hébreu : mezûzdh), inscription que les Juifs 
suspendaient à leurs portes. La Loi avait ordonné aux Is- 
raélites d'avoir sans cesse à la main et devant les yeux 
certains préceptes et de les écrire sur les poteaux de 
leurs maisons et sur leurs portes. Deut., vi, 8, 9; XI, 20. 
Dans l'Ancien Testament, il n'est fait mention d'aucun 
personnage qui ait vu dans cette prescription autre chose 
qu'une invitation pressante à ne jamais oublier la Loi. 
Après la captivité, quand se développa le pharisaïsme, 
on se mit à entendre la prescription dans le sens le 
plus littéral, d'où l'institution des tephillini, voir Phy- 
lactères, et de la mezuza. Ce dernier mot se lit plu- 
sieurs fois dans la Bible, au pluriel, mezûzôt, avec le 
sens de « poteaux de porte ». Exod., xu, 7; xxi, 6; 
Deut., vi, 9; xi, 20, etc. Sur un morceau de parche- 
min, on écrivait, en lettres hébraïques carrées, cf. Me- 
gilla, I, 8, formant vingt-deux lignes, les deux passages 
du Deutéronome, vi, 4-9; xi, 13-21. Sur le revers du 
parchemin, on traçait le nom de Dieu, nv, saddai;on 
roulait le parchemin et on l'enfermait dans un jonc ou 
une boîte oblongue munis d'une ouverture de manière 
à laisser apparent le mot saddai (fig. 280). On suspen- 
dait ensuite le tout au poteau droit des portes de la 
maison et des chambres. Les portes des synagogues ne 
portaient point la mezuza; au Temple, on ne la fixait 
qu'à la porte de Nicanor. Cf. Josèphe, Ant. jtid., IV, 
vin, 13; Berachoth, m, 3; Schabbath, vin, 3, etc. Parmi 
les sept petits livres duTalmud de Jérusalem, le second 
traite de la mezuza. Cette pratique, du reste, n'était 
observée que par les Juifs rigoristes attachés à l'obser- 
vance littérale et servile des préceptes. L'Evangile, qui 
parle des phylactères et des franges, Matth., xxm, 5, 
ne fait aucune allusion à la mezuza. Cf. Dassovius, De 
ritibus Mezuzx, dans le Thésaurus d'Ugolini, t. xxi; 
Iken, Antiquitates sacrée, Brème, 1741, p. 536; Schûrer, 
Gesehichte des jûdischen Volkes, Leipzig, 1898, t. ii, 
p. 484-485. H. Lesêtre. 

MIAMIN (hébreu : Miyâmin, « de la droite »), nom 
de plusieurs Israélites dans le texte hébreu. La Vulgate 
a transcrit le nom de l'un d'entre eux, I Par., xxiv, 9, 
par Maiman (voir Maïman, col. 579), et elle a écrit 
Miamin un nom que l'hébreu écrit Minydmîn. II Esd.,xn, 
17 et 40 (41). On regarde Miamin comme une contrac- 
tion de Minydmîn. Voir Miamin 3. Un Lévite qui vi- 
vait du temps d'Ezéchias, II Par., xxxi, 15, et que le 
texte original appelle aussi Minydmîn, est nommé dans 



la Vulgate et dans les Septante Benjamin. Il fut chargé 
avec quelques autres, sous la direction de Coré (voir 
Coré 6, t. il, col. 972), de la distribution des revenus 
sacrés aux autres Lévites. 

1. MIAMIN (Septante : Meauév; Sinaiticus: 'Ajj.ctp.Eiv; 
Alexandrinus : Meouju'ia), un d'entre « les fils » de Pha- 
ros qui avait épousé une femme étrangère. Esdras 
l'obligea à la renvoyer. I Esd., x, 25. 

2. MIAMIN (Septante : Mia|uv), un dés prêtres qui 
signèrent l'alliance contractée entre Dieu et le peuple 
du temps de Nèhémie. II Esd., x, 7 (hébreu, 8). 

3. MIAMIN (Septante : Mtajufv), un des prêtres qui 
revinrent de la captivité de Babylone avec Zorobabel. 
II Esd., xu, 5. Certains commentateurs pensent que 
c'est le même prêtre qui signa l'alliance du temps de 
Néhémie. II Esd., x, 7. Si l'identification est fondée, il 
aurait atteint un âge très avancé. Plusieurs croient 
aussi que c'est le Miamin mentionné, II Esd., xu, 17, 
40 (hébreu, 41),- et que le texte hébreu appelle Minyd- 
mîn dans ces deux passages. Dans II Esd.,xn, l7,Phelti 
est nommé comme représentant de la famille sacerdo- 
tale de Miamin et de Moadia. Comme deux noms sont 
unis dans cet endroit, quelques critiques soupçonnent 
que Phelti représentait la seule famille de Moadia et que 
le nom du représentant de la famille de Miamin est 
tombé du texte. Ce Miamin peut être celui qui était 
revenu de la captivité de Babylone et qui serait mort 
avant cette époque, ou bien il faut l'identifier avec le 
Miamin que la Vulgate appelle Maiman (col. 579). Dans 
ce cas le Miamin dont parle II Esd., xu, 40, serait un 
autre personnage du même nom. Il sonna de la trom- 
pette à la dédicace des murs de Jérusalem relevés par 
Néhémie. 

MIBAHAR (hébreu : Mibhar, « choix »; Septante : 
MeêaâX ; Alexandrinus : Mocëâp), fils, d'après la Vulgate, 
d'Agaraï, un des vaillants soldats de David. I Par., xi, 
38. Le texte hébreu peut se traduire « fils d'un Aga- 
réen », ou bien « le Gadite », c'est-à-dire de la tribu 
de Gad, en changeant le -i, r, en t, d. Voir Agaraï, 1. 1, 
col. 263. La correction « le Gadite », facile à expliquer 
par la confusion qui s'est établie assez souvent entre 
le d et le r de l'alphabet hébreu, s'appuie dans le cas 
présent sur cette circonstance que Mibahar semble 



4059 



MIBAHAR — MICHAELIS 



1060 



correspondre dans la liste parallèle des gibborîm de 
David à Bonni (hébreu : Bânî), le Gadite.II Reg.,xxni, 
35. Trois manuscrits hébreux de Kennicott, les -versions 
syriaque et arabe portent « le Gadite ». I Par., XI, 38. 
Le nom de Mibahar peut être aussi altéré, mais les 
diverses tentatives qu'on a faites pour essayer d'en 
rétablir la forme primitive ne sont pas satisfaisantes. 

MICHA, nom, dans la Vulgate, de sept Israélites 
dont l'orthographe est plus ou moins différente en hébreu, 
selon que la forme en est pleine, développée ou contrac- 
tée. La signification en est : « Qui (est) comme Yàh ou 
Jéhovah. » La Vulgate elle-même a rendu de façons 
diverses les noms hébreux. Voir Michée. 

1. MlCHA (Mîkâ', dans II Reg. (Sam.), ix, 12; Mikâh, 
dans I Par., vm, 34, etc.; Septante : Mt^â), de la tribu 
de Benjamin, fils de Mîphiboseth ou Méribbaal, petit-fils 
de Jonathas et arrière-petit-fils de Saiil. II Reg., IX, 12; 
I Par., vin, 33-34: ix, 39-40. Micha eut plusieurs fils : 
Philhon, Mélech, tharaa et Ahaz. I Par., vm, 35; lx, 41. 

2. MICHA (hébreu : Mîlcydh • Septante : Mi^otsaç), 
père d'Achobor. Achobor ou Abdon (t. i, col. 147) était 
un des principaux de la cour de Josias, roi de Juda. 
IV Reg., xxil, 12; II Par., xxxiv, 29. C'est peut-être le 
même que le Michée, fils de Gamarias, dont parle Jéré- 
mie, xxxvi, 11. Voir Michée 3, col. 1063. 

3. MICHA (hébreu : Mikâh; Septante : Mr/ô), de 
la tribu de Ruben, fils de Séméi et père de, Réia. 

I Par., v, 5. 

4. MICHA (hébreu : Mikà' ; Septante : Mi^â), lévite 
de la branche de Gerson, descendant d'Asaph, fils de 
7ichri ou Zébédée et père de Mathanias. I Par., IX, 15; 
il Esd., xi, 17, 22. Voir Mathanias 2, col. 863. 

5. MICHA (hébreu : Mikâh; Septante .: Mt-xi), lévite, 
fils d'Oziel, de la branche de Caath, frère de Jésia et 
père de Samir. I Par., xxm, 20; xxiv, 24-25. Il fut un 
des chefs des lévites du temps de David. 

6. MICHA (hébreu : Mîkâ' : Septante : Mi^i), lévite 
contemporain de Néhémie. Il fut un des signataires de 
l'alliance contractée entre Dieu et son peuple. II Esd., x, 

II (hébreu, 12). 

7. MICHA (Septante : Mt^i), de la tribu de Siméon, 
père d'Ozias. Ozias était un des princes de Béthulie, lors 
du siège de la ville par Holoferne. Judith, vi, 11. 

MICHAEL (hébreu : Mîkâ'êl, « qui (est) comme 
Dieu? » Septante : Mt^a^X), nom d'un archange et de 
neuf ou dix Israélites. Ce nom avait été déjà porté par 
un Israélite du temps de Moïse; les autres Michaël ont 
vécu entre l'exode et le retour de la captivité de Babylone. 

1. MICHAEL, père de Sthur, de la tribu d'Aser. Sthur 
fut l'explorateur de la tribu d'Aser envoyé par Moïse du 
désert de Pharan dans la Terre Promise pour la visiter 
et en rendre compte ensuite au peuple. Num., xm, 14 
(hébreu, 13). 

2 et 3. MICHAEL, chef d'une famille de la tribu de 
Gad, qui résidait dans le pays de Basan. I Par., v, 13. 
C'est peut-être le même qui est mentionné dans le ver- 
set suivant comme fils de Jésési et père de Galaad. 
I Par., v, 14 Un certain nombre de commentateurs les 
distinguent cependant l'un de l'autre. 

4. MICHAEL, lévite, fils de Basaïaset père de Samaa, 
un des ancêtres du musicien Aseph. I Par., vi, 40. 



5. MICHAEL, de la tribu d'Issachar, fils d'Izrahia, 
frère aîné d'Obadia, de Joël et de Jésia, un des chefs de 
famille de sa tribu. I Par., vu, â. Il e^st peut-être le 
même que le père d'Amri. Voir MiChael 8. 

6. MICHAEL, de la tribu de Benjamin, fils de Baria, 
un des chefs de famille de sa tribu. I Par., vin, 16. 

7. MICHAEL, de la tribu de Manassé, un des chefs des 
troupes de sa tribu, qui alla rejoindre avec plusieurs 
autres David à Siceleg. I Par., su, 20. 

8. MICHAEL, père d'Amri, du temps de David le chef 
de la tribu d'Issachar. I Par., xxvn, 18. Voir Michael 5. 

9. MICHAEL, un des fils du roi Josaphat. Son père 
laissa la Couronne à son fils aîné Joram, mais il donna 
de grandes richesses à ses autres enfants et Joram les 
fit tous périr quand il se fut affermi sur le trône. 
H Par., xxi, 2-4. 

10. MICHAEL, père de Zébédia et fils ou descendant 
de Saphatias. Zébedia revint en Palestine en même temps 
qu'Esdras, a^ant avec lui quatre-vingts hommes. I Esd., 
vm, 8. 

11. MICHAEL, archange. Voir Michel. 

1. MICHAELIS Christian Benedict, orientaliste pro- 
testant, né à Élrich le 26 janvier 1680, mort à Halle 
le 23 janvier 1764. Il fut successivement dans cette der- 
nière ville professeur de philosophie, de théologie et de 
langues orientales. De ses divers écrits nous mentionne- 
rons : Vberiores annotaliones phïlùlogics?, exegeliess in 
hagiographos Veteris Testamenti libros, 3 in-4°, Halle, 
1720 : une partie des notes sont de son frère Jean-Henri 
Michaeiis. B. Heurtebize. 

2. MICHAELIS Jean, théologien protestant suédois, né 
à Slralsund le 27 janvier 1812, mort à Greifswalde 
te 11 mars 1674. 11 étudia à Kcpnigsberçr, à Rostock et à . 
Leyde etdevint à Greifswalde professeur d'éloquence, puis 
de théologie. Il exerçait en même temps les fonctions, de 
ministre en cette, ville. On a de lui, outre un lexique 
hébreu : Notée exegetico-critiese in Novum Testamen- 
tum prsscipue quoad hellenistica, in-4°, Rostock, 1706, 
publié par son fils Pierre Michaeiis. — Voir Walch, Bi- 
blioth. theologica, t. iv, p. 600. B. Heurtebize. 

3. MICHAELIS Jean David, théologien allemand pro- 
testant, né à Halte te 27 février 1717, mort à Goettingue 
le 22 août 1791. Il suivit les cours de l'université de 
Halle et en 1740 fit un voyage en Angleterre pendant 
lequel il se créa des relations avec les savants de Londres 
et d'Oxford. De retour à Halle, il reprit ses études sur 
les Livres Saints et les langues orientales: En 1746, il fut 
nommé professeur de philosophie à l'université de Gœt- 
tingue dont il fut bibliothécaire de 1761 à 1763. 
On lui doit une traduction allemande de la Bible. L'An- 
cien Testament fut publié à Gotha de 1769 à 1783 en 
13 in-4°; le Nouveau Testament de 1788 à 1792 en 
2 in-4°. Parmi ses autres écrits nous mentionne- 
rons : Tractatio critica de variis lectionibus Novi Te- 
stamenti caute colligendis et dijudicandis, in-4°, Halle, 
1749; Paraphrasen imd Anmerkungen ûber die Briefe 
Pauli, in-4°, Brème, 1750: il s'occupe des Épîtres aux 
Galates, aux Éphésieris, aux Philippiens, aux Colossiens, 
aux Thessaloniciens, à Timothëe, à Tite et à Philémon; 
Curse in versionem syriaeam Actuum Aposlolorum, 
in-4», Goettingue, 1755; Ueber die <irei wichtigsten Psal- 
men von Christo xvi, xl und ex, n-8°, Gœttingue, 1759j 
Erklàrung des Briefes an die Éebfâer, 2 in-4», Franc- 
fort, 1762; Epistolie de lxx hebdonwAibus DanielU, 



1061 



MICHAELIS — MICHÉE 



1062 



in-8°, Londres, 1773; Einleitung indiegôtllichen Schrif- 
ten des Neuen Bmdes, in-i», 1750; 2 in-4°, 1787-1788; 
Einleitung in die Qôttlichen Schriften des alten Bundes, 
in-4°, Hambourg, 1787 : ouvrage incomplet; Observa- 
tiones philologicse et criticœ in Jereniise Vaticinia et 
Threnos, in-4°, Gœttingue, 1793. On lui doit encore Orien- 
talische und exegetische Bibliothek qui parut à Franc- 
fort, in-8°, de 1771 à 1789, et Neue oi-ienlaliscke und 
exegetische Bibliothek publié à Gœttingue, in-8°, de 1786 
à 1793. Les derniers fascicules sont de Tychsen. — Voir 
/. D. Michaelis Lebenschreibung von ihm selbst abge- 
fasst, in-8", Leipzig, 1793; C. G. Heyne, Elogium 
J. D. Michaelis, in-4», Gœttingue, 1791. 

B. Heurtebize. 

4. MICHAELIS Jean Henri, orientaliste allemand pro- 
testant, né Klettemberg en Saxe le 15 juillet 1667, mort 
à Halle, le 10 mars J738. Après avoir suivi les cours de 
l'université de Leipzig, il devint professeur au collège 
théologique de Halle, et en 1699 il fut choisi pour ensei- 
gner le grec et l'hébreu à l'université de cette ville. Parmi 
ses écrits nous remarquerons : Dissertatio de Paradiso, 
in-4°, Halle, 1695; Dissertatio de Angelo, Job, xxxui, 
23, in-4°, Halle, 1701; Nova versio latina Psalterii 
Mthiopici cum notis philologicis, in-8°, Halle, 1701; De 
peculiaribus Ebrseorwm loquendi modis, in-4°, Halle, 
1702; De codicibus manuscriptis biblico-hebraicis 
maxime Erfhurtensibus, in-4°, Halle, 1706; Disserta- 
tiones de textu Novi Testamenti grœco, in-4°, Halle, 
1707 ; De usu lxX interpretum in Novum Testamentum, 
in-8°, Halle, 1709; De Isaïa propheta ejusque vaticinio, 
in-4°, Halle, 1712; De libro Coheleth, seu Ecclesiastes 
Salomonis, in-8», Halle, 1717 : De Cantico Canticorum 
Salomonis, in-8", Halle, 1717; Notx in Jobum, in-4", 
Halle, 1720; Adnotationes in Psalmos, in-4», Halle, 1720; 
Introductio historico-theologica in S. Jacobi Epistolam 
catholicam, in-4°, Halle, 1722. On lui doit en outre une 
édition de la Bible hébraïque : Biblia hebraica, 2 in-4°, 
Halle, 1720. Il collabora au travail de son frère Chrétien- 
Benoit Michaelis : Uberiores annotaliones philologicse 
exegeticee in hagiographos Veteris Testamenti libros, 
3in-4«, Halle, 17-20. — Voir Walch, Biblioth. theologica* 
t. nr, p. 86, 90, 100; t. iv, p. 202, 479, 484, etc. 

B. Heurtebize. 

MICHAIA (hébreu : Mîkâyàhû, « qui (est) comme 
Jéhovah? » Septante : Mcta^i), fille d'Uriel de Gabaa; 
elle fut une des femmes de Boboatn et la mère d'Abia, 
roi de Juda. Michaïa est probablement une altération 
du nom deMaacha. Voir Maacha4, col. 465-466. —Dans 
le texte hébreu, plusieurs Israélites portent le nom de 
Mîkâyàhû ou Mîkdydh; la Vulgate les a appelés Mi- 
chteas. Voir Michée. 

MICHAS (hébreu : Mîkdyehû et Mîkdh; Septante : 
Mf/aion; Alexandrinus : Mi^i), Éphraïmite qui vivait 
dans la montagne d'Éphraïm avant l'établissement de la 
royauté en Israël. Son histoire est racontée dans le pre- 
mier appendice du livre des Juges, xvii-xvm. Il s'était 
emparé de onze cents sicles d'argent que sa mère avait 
ramassés. Effrayé des imprécations de sa mère contre 
le voleur, il les lui restitua, et celle-ci remit deux cents 
sicles à un orfèvre ou fondeur, afin qu'il en fit une 
pésél (idole taillée, sculptée) et une massêkâh (idole ou 
objet en fonte). Jud., xvn, 3. La différence entre lesr deux 
mots pésél et massêkâh n'est pas facile à déterminer. Le 
Codex Vaticanus les traduit par fXu7tTi5v et xuveutôv; 
l'Alescandrinus omet le second mot; Vulgate : Sculp- 
tile atque confatile. Keil, Josua, Richter und Ruth, 1863, 
p. 328, suppose que le premier mot désigne l'idole scul- 
ptée et le second, la base en fonte sur laquelle elle était 
placée. Fr. von Hummelauer, Comment, in Jud., 1888, 
p. 298, pense que pésél est une idole en bois qui fut 
recouverte de lamelles -d'argent ou d'or, et c'est cette 
enveloppe métallique qui est appelée massêkâh. D'au- 



tres commentateurs croient que Michas fit fabrique!* 
deux idoles, l'une sculptée, l'autre fondue. Voir Idole, 
ii, 17° et 21», t. m, col. 820, 821. Quoi qu'il en soit, 
on ne peut douter que Michas n'ait voulu faire exé- 
cuter une image de Jéhovah. Son nom même, dont 
le sens est : « Qui est comme Jéhovah? » montre que 
sa famille adorait Jéhovah, mais de plus, le texte met 
formellement dans la bouche de la mère ces paroles ; 
« Que mon fils soit béni de Jéhovah !» et : « Je consacre 
de ma main cet argent à Jéhovah pour mon fils, afin 
d'en faire un pésél et une massêhâk. » Jud-, xvn, 2-3. 
L'idolâtrie de Michas consista donc à adorer, non pas 
un faux dieu, mais le vrai Dieu lui-même sous la 
forme d'une image (idolum), contrairement à la loi 
mosaïque qui proscrivait toute représentation sensible. 
Exod., xx, 4; Deut., IV, 15-19. Michas peut sembler ce- 
pendant avoir agi avec une certaine bonne foi, soit qu'il 
ignorât la prescription de Moïse, soit qu'il l'interprétât 
mal, car il dit, Jud., xvn, 13, après avoir attaché 
un lévite à son culte domestique : « Je sais maintenant 
que Jéhovah me fera du bien, puisque j'ai ce lévite pouf 
prêtre. » Ces paroles montrent qu'il connaissait la loi 
d'après laquelle la tribu de Lévi seule était consacrée 
au service de Jéhovah, mais aussi que, ou bien il la con- 
naissait imparfaitement, puisqu'il confiait à un simple 
lévite les fonctions sacerdotales, qui étaient réservées 
exclusivement aux descendants d'Aaron, ou bien qu'il 
n'en observait que ce qui lui plaisait.. Il avait, en effet, 
violé cette prescription auparavant, en faisant prêtre un 
de ses fils. 11 avait, de plu3, violé d'autres points de la 
loi, en établissant « une maison de Dieu » dans sa de- 
meure, et en faisant un éphod (t. n, col. 1865) et des the- 
raphim, 'espèces d'idoles domestiques. Voir Idole, ii, 
30», t. m, col. 822, et Theraphim. 11 fut puni de toutes 
ces infidélités : pésél, massêkâh, éphod, theraphim, 
et le lévite lui-même lui furent enlevés de force par les 
Danites, qui établirent à Dan (Laïs) un sanctuaire desservi 
de la même façon. — Pour l'histoire du lévite, qui s'ap- 
pelait Jonathan, voir Jonathan 1, t. m, col. 1614, et pour 
l'épisode des Danites, voir Dan 3, t. n, col. 1245-1246. 

F. VlGOUROUX. 
MICHÉA (hébreu : Mikâyâh; Septante : Mtxaictç ; 
omis dans plusieurs manuscrits grecs), prêtre qui vivait 
du temps de Néhémie. Il sonna de la trompette lors de la 
dédicace des murs de Jérusalem restaurés. II Esd., xn, 
40 (hébreu, 41). 

MICHÉE (Vulgate : Michxas), nom, dans notre ver- 
sion latine, de deux prophètes et de deux personnages 
de la cour des rois de Juda. Voir Micha, col. 1059, pour 
la forme hébraïque de ce nom. 

1. MICHÉE (hébreu : Mikdyehil(Mtkâh, IIPar.,xvnr, 
14); Septante: Mtxataç), fils de Jemla, prophète de Sa- 
marie. Après trois ans de paix entre Acliab d'Israël et 
Bénadad de Damas, le roi d'Israël voulut reprendre sur 
le roi de Syrie Ramoth de Galaad et il proposa à Josa- 
phat, roi de Juda, dont le fils Joram avait épousé la fille 
d' Achab, Athalie, de prendre part avec lui à cette cam- 
pagne. Josaphat se montra disposé à le faire, mais lui 
demanda de consulter préalablement Jéhovah. Achab 
rassembla donc ses quatre cents prophètes, qui lui pro- 
mirent la victoire. Le roi de Juda, se défiant de leur 
prédiction, requit un prophète de Jéhovah. Achab se 
décida alors à appeler Michée, quoiqu'il l'eût pris en 
haine, dit-il, parce qu'il lui annonçait toujours des 
maux et jamais du bien. III Reg., xxii, 1-8. Josèphe, 
qui ajoute au récit biblique plusieurs détails, dont les 
uns sont vraisemblables et les autres ne paraissent pas 
dignes de foi, dit que Michée était le prophète innommé 
qui avait prédit au fils d'un prophète qu'il serait dévoré 
par un lion, parce qu'il avait refusé de le frappera la 
tête selon l'ordre de Jéhovah. Un autre l'ayant frappé, 



1063 



'MICHÉE - MICHÉE (LE LIVRE DE) 



1064 



il se présenta blessé à Achab, lui reprocha d'avoir laissé 
échapper Bénadad de ses mains, et lui annonça que Dieu 
le châtierait de cette faute. III Reg., xxii, 3543. De là, 
d'après Josèphe, Ant. jud., VIII, xiv, 5, la haine du roi 
pour Michée. Quoi qu'il en soit, le fils de Jemla annonça 
d'abord ironiquement la victoire à Achab, comme le fai- 
saient Sédécias, fils de Chanaana,etles autres faux pro- 
phètes d'Israël, mais aussitôt après, il lui prédit le sort 
funeste qui lui était réservé à Ramoth Galaad. Sédécias 
ayant frappé à la joue Michée, qui lui avait reproché, 
ainsi qu'à ses collègues, de tromper le roi par des men- 
songes, apprit de lui comme son maître le châtiment qui 
allait fondre sur lui. Achab, irrité, fit jeter le prophète 
■en prison pour le punir à son retour, mais il périt sur 
le champ de bataille, selon la prédiction divine. 
III Reg., xxn, 9-37; II Par., xvm, 3-34. Voir Achab 1, 
t. i, col. 123-124. — Il n'est plus question de Michée dans 
l'Écriture, mais, quoiqu'il n'apparaisse qu'en passant, 
•son rôle n'en est pas moins très remarquable. Nous 
voyons par cet épisode, comme plus tard par l'histoire 
•de Jérémie, et par plusieurs autres faits, que les faux 
prophètes étaient nombreux à cette époque et que les 
prophètes véritables avaient à lutter contre eux et souvent 
à en souffrir. Michée attribue leurs fausses prédictions 
à l'esprit de mensonge. Il dit à Achab : « J'ai vu Jého- 
vah assis sur son trône et toute l'armée du ciel se tenait 
•devant lui, à sa droite et à sa gauche. Et Jéhovah dit : 
Qui trompera Aehab pour qu'il monte et tombe à 
Ramoth Galaad? Et l'un répondit d'une manière et 
l'autre d'une autre. Alors un esprit vint se présenter 
devant Jéhovah et lui dit: Moi, je le tromperai. Et Jého- 
vah lui demanda : Comment? Et il répondit : J'irai et 
je serai un esprit de mensonge dans la bouche de tous 
ses prophètes. Jéhovah lui dit : Tu le tromperas et tu 
l'emporteras ; va et fais ainsi. Maintenant donc Jéhovah 
a mis un esprit de mensonge dans la bouche de tous 
tes prophètes; Jéhovah a prononcé du mal contre toi. » 
III Reg., xxii, 19-23. Dieu avait donc permis à l'esprit de 
mensonge de tromper Achab, afin qu'il trouvât, dans sa 
crédulité même, le châtiment de son impiété. Cette scène 
rappelle celle par laquelle débule le livre de Job, i, 
6-12; h, 1-6. Cf. aussi Zach., m, 1-5; Ps. lxxxviii (lxxxix), 
8-9; Is., vi, 1-4; Dan., x, 4-21. Ces grandes images pré- 
paraient celles que nous lisons dans plusieurs des pro- 
phètes postérieurs à Michée. Elles nous présentent Dieu 
sous des symboles dont nous ne trouvons pas de trace 
dans le Pentateuque. La distinction des esprits bons et 
mauvais s'y dessine de plus en plus manifestement. Nous 
y voyons enfin que, si l'homme se perd, c'est par sa faute, 
et parce qu'il résiste à Dieu, lequel permet le mal, mais 
nous donne les moyens de l'éviter. F. Yigouroux. 

2. MICHÉE (hébreu : Mîkâyâhû; Septante : Mc/afa;), 
un des chefs du peuple qui vivait du temps de Josaphat 
et que ce roi envoya dans les villes de Juda, la troisième 
année de son règne, avec plusieurs autres grands offi- 
ciers et avec des prêtres et des lévites pour instruire ses 
sujets de la loi de Dieu. II Par., xvii, 7. 

3. MICHÉE (hébreu : Mîkdyehù; Septante : Mtxataç), 
fils de Gamarias et petit-fils de Saphan, contemporain 
de Jérémie. La cinquième année du règne de Joakim, 
604 avantJ.-C, au neuvième mois (novembre-décembre), 
Baruch lut les prophéties de Jérémie dans le Temple, 
dans la chambre de Gamarias. Le fils de ce dernier était 
présent. Ayant entendu la lecture, il alla raconter au palais 
du roi, aux principaux de la cour, ce qui s'était passé. 
Ils firent appeler Baruch, et quand ils eurent pris con- 
naissance des prophéties, ils recommandèrent à Baruch 
d'aller se cacher avec Jérémie ; ils remirent ensuite les 
oracles qui venaient de leur être communiqués à Élisama 
le scribe- Joakim prévenu, se les fit lire par Élisama et, 
après en avoir entendu trojsôu quatre pages, il s'empara 



du rouleau, le coupa avec un canif et le jeta dans un 
brasier plein de charbons ardents qui était devant lui, 
malgré Gamarias et quelques autres. Il voulut aussi faire 
saisir Baruch et Jérémie, mais on ne les trouva point. 
Jer., xxxvi, 9-26. 

4. MICHÉE (hébreu : Mîkàh ou Mikayâh; Septante : 
Miyat'oç M ou Mec^afa;, Mixaiac; Vulgate : Michxas), 
le sixième des petits prophètes. Son nom hébreu, qui est 
une abréviation de Mîkâyhû, Jud., xvil, 2, 4, signifie : 
« qui est comme Dieu ? » Saint Jérôme, In Mich., t. xxv, 
col. 115, s'appuyant sans doute sur le mot hébreu mâkak 
ou mùk, Lev., xxv, 25, 35; Ps. cvi, 43, l'interprète : 
« humilité. » Michée était originaire de Morasthî, 
Mich., i, 1; Jer., xxvi, 18, village situé au sud-est de 
Jérusalem, dans les environs de Geth. C'est pour cela 
que les Septante et la Vulgate l'appellent, Mich., i, 1, 
le « Morasthite » : tôv toO Ma>paa6eî; Morasthites. Il 
est différent d'un autre prophète du même nom, fils de 
Jemla, qui vivait un siècle auparavant. III Reg., xxn, 
8, 25, 26, 28. Voir Michée 1. Michée a dû vivre assez long- 
temps dans son pays natal', car il en connaît bien les loca- 
lités. Mich., i, 10-15. Il prophétisa à Jérusalem sous 
les règnes de Joatham, d'Achaz et d'Ézéchias, Mich,, i, 1, 
et fut par conséquent contemporain d'Isaïe. Le livre 
attribué à saint Épiphane, De vitis proph., 13, t. xliii, 
col. 407, a conservé les traditions suivantes concernant 
la vie de Michée. Il dit que ce prophète issu de la tribu 
d'Éphraïm, fit beaucoup de choses contre Achab, roi de 
Juda, et qu'il fut mis à mort par son fils Joram, parce 
qu'il l'avait repris de son impiété et de ses crimes. Après 
sa mort, il fut enseveli dans un tombeau près du mo- 
nument d'Énacim. L'auteur du De vitis a confondu sans 
doute le petit prophète, qui ne fut contemporain ni 
d'Achab ni de Joram, avec Michée 1. La même erreur 
se retrouve dans le Chronicon paschale, Patr. gr., 
t. xcn, col. 365. D'après Sozomène, H. E., vu, 29, t. lxvii, 
col. 1505-1508, le corps de Michée fut trouvé à la fin du 
règne de l'empereur Théodosë à dix milles d'Éleuthéro- 
polis en Palestine. V. Ermoni. 

5. MICHÉE (li. livre de). — î. Division et analyse. 
— Quelques auteurs, comme Driver, lnlrod., 7 e édit., 
1898, p. 326, divisent la prophétie de Michée en deux par- 
ties : i-v, vi-vii. Mais la division la plus naturelle est celle 
en trois parties, correspondant à trois discours, dont 
chacun commence par : « Écoutez, » i-ii, m-v, vi-vn. — 
1° La première partie, i-ii, contient des menacés et an- 
nonce des châtiments : les péchés d'Israël seront punis, i, 
2-5; Samarie sera dévastée, jt. 6-8; Juda sera ravagé et 
ses habitants seront transportés en captivité, f. 9-16; les 
vices des grands et des opulents sont la cause de tous 
ces maux, il, 1-11 ; le prophète promet aux bons le retour 
de la captivité et des temps meilleurs, J. 12-13. — 
2° Dans la deuxième partie, m-v, le prophète commence 
par s'élever contre les iniquités des princes et des ma- 
gistrats, m, 1-4; il fait ensuite des menaces contre les 
faux prophètes qui trompent le peuple, f. 5-8; il annonce 
la ruine de Sion etdu Temple àcausede leurs iniquités, 
f. 9-12; il prédit un âge de prospérité, iv, i~5; les Hé- 
breux déportés reviendront dans leur patrie, $. 6-10; ils 
seront puissants et subjugueront leurs ennemis, ;fr. 11-13; 
il annonce la naissance du Sauveur, v, 2-3 (cf. Matth.,n, 
6; Joa., vu, 42); les Juifs seront forts contre leurs enne- 
mis, jf.4-8; l'idolâtrie sera abolie, f. 9-13, et les peuples 
idolâtres seront châtiés, f. 14. — 3° Le troisième dis- 
cours, vi-vii, est nn simple dialogue entre Dieu et son 
peuple; annoncedela discussion, vi, 1-2; Dieu rappelle 
les bienfaits dont il a comblé Israël, il- 3-5; le prophète 
montre comment on peut apaiser la colère de Dieu, 
% 6-8; il prédit de terribles châtiments, si le peuple 
continue de vivre dans le dérèglement, f. 9-16; il im- 
plore néanmoins le pardon de Dieu pour les coupa- 



1065 



MIGHÉE (LE LIVRE DE) 



1060 



blés, vu, 1-14; Dieu se laisse toucher et promette retour 
d'Israël, et une gloire bien plus grande que celle des 
autres peuples, f. 15-17; enfin il termine en louant la 
bonté et 1^ miséricorde de Dieu, f. 18-20. — Sous le 
rapport des événements ou de l'objet des prophéties, 
Michée prédit : l'invasion de Salmanasar, i, 6-8 (cf. 
IV Reg., xvii, 4-6); celle de Sennachérib, i, 9-16 (cf. 
IV Reg., xvm, 13); la destruction de Jérusalem, m, 12; 
vu, 13; la captivité de Babylone, iv, 10, et le retour, iv, 
1-8; vu, 11; l'établissement du royaume messianique, iv, 
8, et la gloire de Bethléhem, v, 2. 

II. Authenticité. — L'authenticité de la prophétie 
de Michée en général n'a jamais été niée ni contestée; 
deux preuves surtout l'établissent : 1° la citation qu'en 
fait Jérémie, xxvi, 18; 2° les rapports qui existent entre 
Michée et Isale, son contemporain. En voici quelques 
exemples : Mich., n, 11, et Is., xxvm, 7; Mich., m r 5-7, 
et Is., xxtx, 9-12; Mich., m, 12, et Is., xxxii, 13-14; 
Mich., iv, 1-5, et Is., n, 2-5; Mich., v, 2-4, et Is., vu, 14; 
vin, 9-15. 

III. Intégrité. — La critique, par une minutieuse 
dissection du texte, a plutôt dirigé ses attaques contre 
l'intégrité. Tous les chapitres ont été soumis à l'examen 
le plus rigoureux. Pour procéder avec ordre, nous divi- 
serons cette matière en trois points. 

/. chapitres i-ni. — La prophétie de la fin de la 
captivité de Juda, n, 12-13, a été attribuée par Stade et 
Kuenen à un auteur contemporain de l'exil, et par Well- 
hausen à un auteur postexilien; la raison, c'est que, 
d'après eux, ce passage ne s'enchaîne nullement à n, 11. 

— Mais, comme le fait remarquer Driver, Introd., p. 328, 
cette hypothèse ne repose sur aucun fondement solide. 
L'idée de dévastation ou d'exil se trouve déjà énoncée 
dans i, 16k; n, 4, 5, et reviendra dans ni, 12; de plus n, 
12-13 a son parallélisme dans IV, 6-7; enfin la préserva- 
tion d'un petit « reste » avait déjà été annoncée bien 
avant par Amos, ix, 8-9; cf. aussi Ose., xi, 11. Ce qu'on 
peut dire c'est que n, 12-13 n'est peut-être pas à sa 
place naturelle. 

il. cBAPirnss iv-v. — Wellhausen regarde ces deux 
chapitres qui traitent de la gloire du Messie et du Messie 
lui-même, comme un appendice ajouté à m, 12 par une 
main postérieure ; il pense cependant qu'ils contiennent 
des paroles de Michée, comme v, 10-14, et probablement 
iv, 9-10, excepté dans le f. 10, ce qu'on appelle « la 
clause babylonienne », c'est-à-dire les mots « et tu 
viendras jusqu'à Babylone ». Cheyne paraît être du 
même avis. — Le rejet en bloc de ces deux chapitres n'est 
pas possible, car la critique interne remarque que le 
style est le même que celui du reste de la prophétie. 

— C'est pourquoi d'autres critiques ont été plus modé- 
rés : Stade, dans la Zeitschrift fiir die Alttest. Wissen- 
schaft^SSi, p. 165; 1883, p. 1 ; 1884, p. 291, regarde.'iv, 1-3, 
11-13; v, 1-4, 7-15, comme des additions postexiliennes, 
destinées à atténuer, par une perspective d'espérance, 
le sombre tableau de m, 12; ces passages auraient ce- 
pendant été regardés comme l'œuvre de Michée lui- 
même, et dans cette persuasion, une main plus récente y 
aurait ajouté iv, 5-10; v, 5-6. Kuenen, a critiqué cette 
opinion, s'appuyant sur cette raison que la perspective 
historique n'est pas la même dans les deux chapitres; 
il croit toutefois que certaines parties supposent encore 
l'existence de la monarchie; conséquemment il n'assigne 
à un auteur exilien ou postexilien que iv, 6-8 (supposant 
l'exil de Babylone), 10 (la clause babylonienne), 11-13 
(qui supposerait la période assyrienne et rappellerait la 
défaite des ennemis imaginaires d'Ézéchiel, xxvm-xxix, 
et de Zach., xii, 14), et peut-être l'allusion aux Astar- 
thês (Vulgate : luci, « bois sacrés »), v, 13-14. — W. R. 
Smith et Nowack, dans la Zeitschrift fur die Alttest. 
Wissenschaft, 1884, p. 285, regardent iv, 11-13, comme 
une addition postérieure. Driver, Introd., p. 330, tout 
en reconnaissant que les raisons de ces deux critiques 



ne manquent pas d'une certaine force, remarque ce- 
pendant qu'elles ne sont pas décisives; car les pro- 
phètes, dans leurs descriptions de l'avenir, ne sont pas 
toujours cohérents avec eux-mêmes (cf. par exemple, 
Is., m, 25-26 et xxix, 5-8). De plus iv, 11-13, peut ne 
pas être de la même époque que m, 12 et iv, 9-10, et 
par conséquent refléter une nouvelle phase des concep- 
tions de Michée. Toutefois, le même auteur regarde 
comme une glose marginale la « clause babylonienne », 
iv, 10, parce qu'elle serait incompatible avec la victoire 
promise aux Juifs, iv, 11-13, et le ton général de v, 2-6. 
Toutes ces objections ne reposent au fond, comme on le 
voit, que sur la négation à priori de l'inspiration pro- 
phétique. 

i/l. chapitres vi-vn. — Ces deux chapitres, qui con- 
tiennent un dialogue entre Dieu et son peuple, ont été 
intégralement attribués par Ewald à un prophète écri- 
vant au temps de Manassé. Ce critique s'appuie sur 
les différences qu'on remarqne entre i-v et vi-vii : 
1» Dans i-v, Michée ne s'élève que contre les chefs de 
la nation, tandis que les chapitres vi-vii, englobent 
dans leurs récriminations le peuple tout entier; 2° dans 
VI, 16, les mots : « Les ordres d'Amri et toute œuvre de 
la maison d'Achab, » se rapportent directement au 
temps de Manassé; 3° les différences de style sont sen- 
sibles : vi-vii est dramatique dans ses peintures; la 
prophétie se déroule entre interlocuteurs, ce qui- est 
étranger aux prophètes; le ton élégiaque se rapproche 
de Jérémie. Wellhausen, Einleitung de Bleek, 4 e édit., 
p. 425, admet les conclusions d'Ewald, sauf pour vu, 
7-20, qu'il regarde comme une addition postexilienne; 
Giesebrecht, Beitràge, 1890, p. 216, qui se range à cette 
opinion, s'appuie sur deux raisons : 1° l'état décrit dans 
vu, 7-20, est tout à fait différent de celui qui est décrit 
dans vu, 1-6; 2° vu, 7-20 aune grande ressemblance avec 
Is., XL-LXvl. Mais, remarque Driver, Introd., p. 334. 
ces deux arguments ne sont pas démonstratifs : le con- 
traste entre vu, 7-20, et vu, 1-6, est réel et suppose un 
Intervalle d'au moins un siècle entre les deux situa- 
tions; mais le prophète décrit deux situations diffé- 
rentes, et d'autre part Je temps n'est rien dans la repré- 
sentation prophétique; quant à la ressemblance avec 
Is., xl-lxvi, elle est aussi sensible, comme le montra 
le tableau suivant : Mich., vu, 8 b , 9 b , et Is., xlii, 16; 
lxii, V>; Mich., vu, 9 a , et Is., xlii, 24, 25; lxiv, 5t- 
Mich., vu, 10, et Is., xlix, 25, 26; li, 23; Mich., vu, 11, 
et Is., lviii, 12; Mich., vu, 12, et Is., xliii, 5-16; xux, 
12; Mich., vu, 14, et Is., lxiii, 17 b ; lxiv, 9; lxv, 9, 10 
(cf. Jer., l, 19); Mich., vu, 15, et Is., xli, 18; xliii, 16- 
17; xlvhi, 21 ; Mich., vu, 16-17, et Is., xlv, 14; liv, 15; 
Mich., vu, 18-20, et Is., xliii, 25; xliv, 22; liv, 8-9; lv, 
7 b ; toutefois Mich., vu, 7-20, ne contient aucune de ces 
claires allusions à l'exil, comme on en trouve dans 
Is., xl-lxvi. Il faut ajouter que la mention de l'Assyrie 
plutôt que de Babylone dans Mich., vu, 12, et l'emploi, 
vu, 15, du mot -.Misrâîm, pour désigner l'Egypte, qu'on 
ne trouve que dans Is., xix, 6; xxxvn, 2 (cf. IV Reg., xix, 
24), sont en faveur de l'authenticité des chapitres vi-vm. 

IV. CaNonicité. — La canonicité de la prophétie de 
Michée n'a jamais été contestée; elle a toujours fait 
partie du Canon juif ou chrétien. Voir Canon, t. n, 
col. 138-167. Les Pères ont cité Michée comme Écriture 
canonique. Cf. Kilber, Analysis biblica, édit. Tailhan, 
in-8», Paris, 1856, t. i, p. 499^500. 

V. Texte, style et langue. — Le texte original est 
l'hébreu. La prophétie de Michée se trouve dans toutes 
les versions. Elle se distingue par l'élévation des pensées 
et la beauté des expressions. Ce qui caractérise le style 
de Michée, ce sont des jeux de mots, ce qui est d'ailleurs 
commun à tous les écrivains orientaux, Mich., i, 10-15; 
vi, 11; des images et des comparaisons pittoresques, 
Mich., i,16; H, 12-13; iv,9-10; des transitions brusques. 
Mich., m, 12-iv,l ; iv, 9-11 ; vn,ll-12. La prophétie, rv, 1-3, 



1007 



MICHÉE (LE LIVRE DE) 



MICHEL 



1068 



se compose, d'après Bickell, Carmina Vet. Test, me- 
trice, p. 211, de 18 vers heptasyllabiques. Michée a beau- 
coup de rapports avec Isaïe. Cf. Trochon, Les petits 
prophètes, in-8°, Paris, 1883, p. 250. On remarque aussi 
des différences, qui tiennent à l'origine et au caractère 
des deux prophètes : Isaïe écrit comme un homme 
appartenante la société cultivée; Michée au contraire 
parle comme un homme du peuple; il se montre sym- 
pathique aux paysans dans leurs souffrances; il attaque 
plus directement qu'Isaïe les injustices dont ils étaient 
victimes de la part de leurs chefs. Mich., m, 3-4. Isaïe 
parait plus préoccupé des mouvements politiques de 
son temps, et Michée plus préoccupé d'idées religieuses 
et morales. Cf. Driver, Introd., p. 326. 

VI. Prophétie messianique. — Mich., v, 2-5, est une 
prophétie littéralement messianique; voir la traduction 
d'après l'hébreu dans Vigouroux, Manuel bibl., t. n, 
p. 817. 1° Le Nouveau Testament l'a entendue dans ce 
sens. Cf. Matth., n, 6; Joa., vu, 42. 2° La tradition en a 
donné la même interprétation. 3° Les caractères décrits 
dans la prophétie ne peuvent convenir qu'au Messie' 
Cf. Knabenbauer, In Proph. minores, in-8», Paris, 1886, 
1. 1, p. 440-445. — La citation de la prophétie, dans saint 
Matthieu, ir, 6, diffère du texte original : Et tu Bethlehem 
Ephrata, parvulus es in millibus Juda, dit Michée, v, 2. 
— Et tu Bethlehem terra Juda, nequaquam minima es 
in principibus Juda, dit Matth., n, 6. On a donné 
plusieurs explications de cette variante textuelle. Les 
uns ont regardé comme possible que saint Matthieu ait 
suivi une explication répandue parmi les Juifs de son 
temps, suivant laquelle on ne voulait pas, pour l'hon- 
neur de la maison de David, reconnaître le peu d'impor- 
tance de Bethlehem ; cette opinion n'est pas probable, 
car elle donne au passage, contrairement au texte, une 
tournure interrogative : « Et toi Bethlehem, terre de 
Juda, serais-tu trop petite? » D'autres pensent que Mi- 
chée et saint Matthieu se sont placés à deux points de 
vue différents : le premier parlerait de la grandeur ma- 
térielle de Bethlehem, et le second de sa grandeur mo- 
rale. Saint Jérôme, In Mich., n, 5, t. xxv, col. 1197, 
croit que saint Matthieu a reproduit, en historien fidèle, 
les paroles de Michée, telles que les scribes les avaient 
prononcées. L'opinion la plus probable, c'est que saint 
Matthieu s'est contenté de rapporter le sens de la pro- 
phétie sans s'attacher aux termes mêmes. Quoi qu'il en 
soit, la signification messianique de la prophétie n'est 
nullement altérée. 

"VII. Bibliographie. — La plupart des commentateurs 
sont ceux qui ont commenté les douze petits prophètes 
en général; on peut en voir la liste dans le Man. bibl., 
t. il, p. 783, note 1 ; Knabenbauer, In proph. min., t. i, 
p. 5-9. Comme ouvrages spéciaux, on peut mentionner : 
le commentaire de Gaspar Grisar, Salamanque, 1570; 
L. Reinke, Der Prophet Micha, in-8°, Giessen, 1874; 
* C. P. Caspari, Veber Micha den Morasthiten und seine 
prophetische Schrift, in-8", Christiania, 1851-1852; 
"Roorda, Comment, in vaticinia Miches, Leyde, 1869; 
*E. C. Arnaud, Étude sur le prophète Michée, in-8», 
Genève, 1882; "Ryssel, Untersuchûngen ùber die Teœt- 
gestalt und die Echtheit des Bûches Micha, in-8", Leip- 
zig, 1887; 'T. K. Cheyne, dans la Cambridge Bible for 
Schools, 1882, 1895; *J. Taylor, Tlie Massoretic Text and 
the ancient versions of Micha, in-8", 1891; * H. J. Elhorst, 
De prophétie van Micha, in-8", Arnheim, 1891 ; * W. H. 
Kosters, dans la Theologisch Tijdschrift de Leyde, 
1893, p. 249; *J. T. Beck, Erklârung der Propheten 
Micha und Joël, in-16, Gutersloh, 1898. 

V. Ermoni. 

MICHEL (hébreu : Mikd'êl; Septante : Mix<x^; Vul- 
gate : Michael), l'un des trois anges nommés dans la 
Bible (fig. 281 ). Voir Michael, col. 1060. Trois passages de la 
Sainte Écriture font mention spéciale de l'ange Michel. 

I. La vision de Daniel. — La troisième année de 



Cyrus, le prophète Daniel eut une vision au cours de 
laquelle un personnage, envoyé vers lui, lui annonça 
la prochaine délivrance des Israélites. Mais, ajouta-t-il, 
« le chef du royaume de Perse m'a résisté vingt et un 
jours, et Michel, un des premiers chefs, est venu à mon 
secours, et je suis demeuré là auprès des rois de Perse. » 
Dan., x, 13. Le même personnage dit encore au pro- 
phète : « Maintenant je vais retourner combattre le chef 
de la Perse, et, au moment où je m'en irai, voici le 
chef de Javan qui viendra..., et il n'y en a pas un qui se 
tienne avec moi contre ceux-là, sinon Michel, votre chef. » 
Dan., x, 20, 21. Parlant ensuite de la délivrance finale 
d'Israël, Daniel dit : « En ce temps-là se lèvera Michel, 




281. — Saint Michel. D'après le tableau de Raphaël 
peint pour François I". D'après une photographie. 

le grand chef, qui tient pour les enfants de ton peuple. » 
Dan., xn, 1. 

1° Dans ces différents textes, un chef, Sar, apyrmv, est 
attribué au royaume de Perse, à Javan, c'est-à-dire aux 
Grecs, et à Israël. Ces chefs ne sont pas des hommes, 
puisque, d'une part, le chef du royaume de Perse est 
distinct des rois de Perse, et que, d'autre part, Israël 
n'a jamais eu pour chef temporel un homme du nom 
de Michel. Ceux qui veulent que le « chef du royaume 
de Perse » soit Cyrus, oublient que ce prince n'est pas 
un êar, mais un roi, méléh, titre que le prophète ne 
manque pas de lui donner quand il parle de lui. Dan., i, 
21; x, 1. Il n'y a pas à s'arrêter non plus à l'idée de 
quelques interprètes qui, dans le prince des Perses, 
ont voulu voir un démon qui s'efforçait de nuire à ce 
royaume. Cf. Cassien, Coll. patrum, vm, 13, t. xlix, 
col. 738; De la Haye, Bibl. maxim. in Dan., x, dans 
le Curs. compl. Scripturx Sacras de Migne, Paris, 1841, 
t. xx, col. 318. Les Pères sont à peu près unanimes à 
voir dans ces princes des Perses, des Grecs et des Israé- 
lites, des anges chargés de veiller sur ces peuples. Cf. 
S. Clément, 1 Cor., xxxix, 1, t. i, col. 269; Clément 
d'Alexandrie, Stront., vi, 17; -vu, 2, t. ix, col. 389, 413; 
Origène, In iien., ix, 3; In Exod., vm, 12, t. xn, 213, 
352; Cont. Gels., v, 29, t. xi, col. 1224; Eusèbe, 
Dem. evang., iv,- 10, t. xxii, col. 272; S. Basile, I» 



1069 



MICHEL 



1070 



Js., x, 240, t. xxx, col. 540; Adv. Eunom,, in,1, t. xxix, 
col. 656; S. Grégoire de Nazianze, Poem. dogm., vu, 
13-26, t. xxxvji, col. 410 ; S. Jean Chrysostome, In Co- 
los., m, 3, t. lxii, col. 322: S. Cyrille d'Alexandrie, 
Cont. Jul., iv, t. lxxvi, col. 680; Théodoret, In Dan., x, 
13, t. lxxxi, col. 1496; S. Hilaire, In Ps. cxxjx, 7, t. ix, 
col. 722; S. Jérôme, In Dan., x, t. xxy, col. 556; S. Au- 
gustin, In Ps, Lxxxrm, 3, t. xxxvn, col. 1121, etc. Cf. 
Petau, De angelis, II, vin, 10-15. La plupart d'entre eux 
s'appuient sur un texte du Deutéronome, xxxn, 8, où 
Moïse dit que « Dieu fixa les limites des peuples d'après 
le nombre des enfants d'Israël », ce que les Septante 
ont traduit : « d'après le nombre des anges, » ayant lu 
sans doute « fils de Dieu » au lieu de « fils d'Israël ». 
A ce texte ainsi compris en grec, plusieurs Pères, 
saint Basile, Théodoret, etc., joignent le texte de Daniel 
pour établir l'existence d'anges préposés à la surveil- 
lance et à la garde des peuples divers. Cf. Schabbath, 156. 

2° Michel est appelé successivement « un des premiers 
chefs », puis « votre chef », par rapport au peuple au- 
quel appartient Daniel, et enfin « le grand chef », au 
point de vue de la protection d'Israël. Il suit de là qu'il 
occupe un rang élevé dans la hiérarchie des anges et 
qu'il a été spécialement chargé par Dieu de prendre 
soin du peuple israélite. Aux yeux des Juifs cependant, 
le titre de « chef » donné à l'ange Michel n'empêchait 
pas que Dieu ne fût le chef direct et le protecteur immé- 
diat d'Israël. Cf. Eccli., xvn, 14, 15; Targ. Jerus., sur 
Deut., xxxn; Midrasch rabba, sur Deut., c. h, etc. 
L'ange Michel est reconnu comme protecteur du peuple 
juif par Targ., sur Cant., vin, 9. 

3» La vision de Daniel montre que les anges préposés 
à la garde des nations exercent activement leur minis- 
tère. L'ange de la Perse s'oppose pendant vingt et un 
jours à un dessein dont l'exécution parait désirable, qui 
est cependant combattu par d'autres anges, et que l'ange 
Michel est seul à défendre. Ce dessein ne peut être que 
la délivrance du peuple israélite, annoncée dans cette 
vision du prophète. L'ange des Perses, puis celui des 
Grecs s'opposent à cette délivrance immédiate, parce 
que, croit saint Grégoire, Moral., XVII, xn, 17, t. lxxvi, 
col. 20, les Israélites n'ont pas encore suffisamment 
expié leurs fautes envers Dieu. Il y a lieu de penser 
que le châtiment d'Israël ne préoccupait pas exclusive- 
ment les deux anges des Perses et des Grecs, mais que 
ceux-ci voulaient prolonger le séjour des captifs au milieu 
de leurs vainqueurs, surtout à cause des avantages d'ordre 
moral qui en résultaient pour ces derniers. Cette dis- 
cussion, qui dure de longs jours entre des anges chargés 
de peuples dont les intérêts sont différents, suppose que, 
pour ces anges, la volonté de Dieu reste mystérieuse 
dans le cas qui les intéresse. Chacun exerce alors son 
influence dans le sens qui lui parait le plus conforme 
au bien. Sitôt la volonté de Dieu connue, tous s'incli- 
nent, et c'est ainsi que l'ange Michel obtient la libération 
de son peuple. Cf. S. Grégoire, ibid.; S. Thomas, 
Sum. theol., I", q. cxm, a. 8; Petau, De mundi opi- 
fic, IV, xiii, 16. 

4° Le prophète Daniel est le premier à faire connaître 
les noms des deux anges Gabriel et Michel, et à attri- 
buer à des anges la garde des nations. Ce dernier point 
n'est cependant pas sans analogie avec ce que la Sainte 
Ecriture raconte d'un bout à l'autre sur le rôle des^ariges 
vis-à-vis des hommes. Gen., xvi, 7; Num., xXn, 22; 
Jud., Il, 1; II Reg., xxrv, 16, etc. On a cherchée établir 
une relation de similitude entre les anges, gardiens des 
nations, et les génies intermédiaires admis par les 
Perses. Dans le système religieux de Zoroaslre, on trouve 
d'abord, au-dessous d'Ormuzd, six Ameshaspentas, 
génies supérieurs ou énergies qui président aux règnes 
et aux forces delà nature. Puis viennent des milliers de 
Yazatas, chargés de veiller dans le détail au jeu des 
organes du monde visible. Avec les derniers d'entre eux 



se confondent presque les Fravashis ou nourriciers, 
sortes de génies féminins qui s'unissent à chaque homme 
pour le nourrir, combattre les démons et procurer la 
pratique et l'avènement du bien. Cf. J. Darmesteter, Lé 
Zend-Avesta, Paris, 1892-1893, t.i, p. 5-19, 23-25; t. n, 
p. 296-322, 500-505. Alors même qu'il faudrait admettre 
un certain développement de Pangélologie hébraïque au 
contactdes doctrines perses, voirt.l, col. 590, une influence 
réelle serait ici difficile à prouver. Les Fravashis 
pourraient tout au plus être assimilés aux anges gar- 
diens, avec cette différence essentielle que ces derniers 
sont de purs esprits qui ne s'unissent pas aux hommes. 
Quant aux Ameshaspentas et aux Yazatas, leur nature 
est assez mal définie et leur pouvoir ne s'étend que sur 
le monde matériel, tandis que les anges chargés des na- 
tions exercent leur tutelle sur des êtres raisonnables. 
Du reste, il est question des anges dans la Bible bien 
avant le contact avec les Perses, et, ni par leurs noms 
sémitiques ni par la nature de leurs fonctions, les anges 
bibliques ne dérivent des génies zoroastriens. Cf. de Bro- 
glie, Cours de l'hist. des cultes non chrétiens, Paris, 
1881, p. 41; Lagrange, La religion des Perses, Paris, 
1904, p. 50-51. 

5» L'ange Michel est ordinairement compté parmi les 
sept anges qui se tiennent devant le Seigneur et dont 
il est plusieurs fois question. Tob., xn, 15; Apoc, i, 4; 
v, 6; vin, 2. Ces sept anges n'ont rien de commun avec 
les sept grands officiers des rois de Perse. Esth., I, 10; 
I Esd., vu, 14. L'histoire deTobie à pour théâtre l'Assy- 
rie et non la Perse. Quant à saint Jean, il serait plus 
qu'arbitraire de rattacher ses inspirations à des usages 
perses. On sait aussi que les six Ameshaspentas sont 
parfois portés au nombre de sept par l'addition soit 
d'Ormuzd, soit d'un autre génie appelé Sraoscha. Cf. 
Darmesteter, Le Zend-Avesta, t. i, p. 357-372. Avec ces 
génies, les sept anges n'ont guère de commun que leur 
nombre; or, le nombre sept était un des nombres sacrés 
et symboliques des Hébreux dès l'origine. Gen., XXI, 30; 
Exod., xn, 15; xx, 10; Lev., xxm, 18, etc. Lés rapports 
sont donc trop superficiels entre les idées zoroastriennes 
et les données bibliques sur les anges, pour que l'on 
puisse admettre logiquement une influence directe des 
premières sur les secondes. Du reste, sur une question 
fondamentale, l'Écriture donne une solution très anté- 
rieure et très supérieure à celle de Zoroastre. Pour ce 
dernier, Ormuzd et Ahriman sont deux personnifications 
du bien et du mal, indépendantes l'une de l'autre et li- 
mitant mutuellement leur puissance. Dans la Bible, 
Jéhovah est le créateur tout-puissant, et Satan, le prince 
du mal, n'est qu'un être créé et subordonné. Job, 1,12; 
il, 6; cf. Gen., m, 14,15. 

II. L'Épître de saint Jude. — Parlant du démon, à 
l'occasion de ceux qui vivent dans l'immoralité, saint 
Jude, 9, s'exprime ainsi : « L'archange Michel lui-même, 
lorsqu'il contestait avec le diable et lui disputait le corps 
de Moïse, n'osa pas porter contre lui une sentence d'exé- 
cration, mais il se contenta de dire : Que le Seigneur 
te corrige! » La Vulgate emploie ici le verbe imperet : 
« Que le Seigneur te commande! » Le grec a le verbe 
ÊTceTi|i3v, « blâmer » et « infliger » la peine due à un 
forfait. L'apostrophe est empruntée à Zacharie, ni, 2,: 
îg l ar Yehôvdh bekâ, « que Jéhovah te reproche, » te 
contraigne; Septante : èjctTi|J.T|<Tai xiipto; èv <rot; Vulgate : 
increpet Dominus in te. 

1° Michel est qualifié d'archange, àpxâxyi^at, nom 
qui correspond aux titres de « l'un des premiers chefs » 
ou de « grand chef » qui lui sont donnés par Daniel. 
Voir Archange, t. i, col. 911. Dans la classification théo-« 
logique, les archanges n'occupent que le huitième rang 
de la hiérarchie angélique, et Michel appartient à cet 
ordre. Cf. Pseudo-Denys, De cœlest. hierarch., IX, 2, 
t. m, coi. 259. Les titres qui lui sont attribués n'auraient 
donc qu'une valeur relative. Néanmoins, sons le nom 



1071 



MICHEL 



1072 



d'anges, la Sainte Écriture comprend souvent tous les 
esprits célestes, sans distinction d'ordres. Cf. Heb., i, 
4-7, 13, 14, etc. Un archange peut dès lors être un des 
principaux anges, c'est-à-dire un des chefs de la hiérar- 
chie céleste. Quant à Michel en particulier, plusieurs 
croient qu'il prit la place de Lucifer, après l'avoir ter- 
rassé; or, on regarde comme probable que Lucifer était le 
premier de tous les anges. Cf. S. Thomas, Sum. theol., l a , 
q. lxiii, a. 7. En réalité, on manque de renseignements 
autorisés pour déterminer exactement la dignité de 
Michel et des autres archanges nommés dans la Bible. 
« En tout ceci, rien de certain, dit Petau, De angelis, II, 
vi, 16; tout ce qu'on en dit procède de conjecture et 
d'opinion, peut par conséquent s'étendre à l'infini et ne 
doit être utilisé qu'avec grande réserve par le théologien, 
obligé à traiter solidement des choses divines. » 

2° L'archange Michel conteste avecle diable et lui dis- 
pute le corps de Moïse. Cette contestation se conçoit 
entre les deux esprits, dont l'un défend le plan divin 
tandis que l'autre le combat. Apoc., xii, 7-9. Ici, la di?- 
pute a pour sujet le corps de Moïse; mais saint Jude 
ne donne aucune explication sur le motif de cette dis- 
pute. Le Deutéronome, xxxiv, 5, 6, raconte que Moïse 
mourut dans le pays de Moab, sur le mont Nébo, que 
Josué l'inhuma dans la vallée de Beth-Phogor et que 
personne ne sut l'emplacement exact de cette sépulture. 
Dans cette vallée était honorée une divinité moabile, 
appelée Béelphégor. Voir Béelphégor, t. i, col. 1543, 
et Bethphogor, 1. 1, col. 1710. On a fait diverses suppo- 
sitions pour expliquer la contestation : Satan aurait 
voulu que l'honneur de la sépulture fût refusé à Moïse 
parce qu'il avait tué un Égyptien, Exod., h, 12; ou bien 
il aurait désiré que son sépulcre fût connu et visible sur 
le mont Nébo, afin d'y devenir pour les Israélites un 
objet d'idolâtrie; ou encore il se serait opposé à l'inhu- 
mation dans la vallée de Bethphogor, de peur que le 
voisinage des restes du propbète ne nuisit au culte de 
l'idole. Cf. Fromond, In Epist. Judée, dans le Sacrœ 
Scripturss curs. compl. de Migne, Paris, 1857, t. xxv, 
col. 988; Wouters, In Epist. cathol. dilucidat., q. yji, 
ibid., col. 1036-1037. On ne peut rien affirmer à ce 
sujet. Voir Moïse. 

3° Plusieurs Pères ont pensé que saint Jude avait em- 
prunté à un apocryphe, l'Assomption de Moïse, ce qu'il 
dit ici à propos de la discussion entre Michel et Satan. 
Voir Apocalypses apocryphes, t. i, col. 759; Clément 
d'Alexandrie, Enarr. in epist. Judce, t. ix, col. 733; 
Origène, De princip., m, 2, t. xi, col. 303; Didyme 
d'Alexandrie, Enarr. in epist. Judse, t. xxxix, col. 1815; 
Photius, Amphiloch. qux&t., 151 al. 183, t. ci, col. 813; 
Protogène de Sardes, Cité par Gélase de Cyzique, Com- 
ment. actor. concil. Nicgen., n, 20, t. lxxxv, col. '1234, 
et dans Mansi, Sacr. concil. collect., t. n, p. 860. Sain! 
Jérôme, In Tit., i, 12, t. xxvi, col. 608, admet aussi 
l'emprunt, mais observe que l'utilisation par saint Jude 
d'un passage de l'apocryphe n'entraîne nullement l'ap- 
probation du livre tout entier. Le seul texte que l'on 
possède de VAssomption de Moïse est une ancienne 
traduction latine, retrouvée et publiée par Ceriani, 
Monum. sacr. et prof an., 1. 1, fasc. I, Milan, 1861, p. 55- 
64, mais dont la fin manque. C'est dans cette fin que 
devait être racontée la mort de Moïse et qu'il était vrai- 
semblablement question du combat auquel saint Jude 
fait allusion. L'absence de ce dernier morceau ne per- 
met pas de savoir en quels termes l'apocryphe parlait 
de l'événement, ni s'il donnait plus de détails que saint 
Jude. Cf. Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes im 
Zeit I. C, Leipzig, t. m, 1898, p. 217. Cette discussion 
entre deux esprits n'avait pu être connue que par une 
révélation faite peut-être à Josué; le souvenir en avait 
été conservé par tradition orale et faisait partie de la 
Hagada. Voir Midrasch, h, 2°, col. 1709. C'est là que 
J'auteur de l'apocryphe avait pu la recueillir peu après la 



mort d'Hérode le Grand. Il n'importe donc guère de 
préciser à quelle source saint Jude a puisé, que ce soit 
directement à la Hagada, on au livre qui s'était inspiré 
de cette dernière, 

. 4° L'archange, bien qu'ayant en face de lui le chef des 
anges révoltés et condamnés, n'osa pas porter de sen- 
tence contre lui. Il eut encore égard à l'ancienne dignité 
de Lucifer et préféra que l'ordre vînt de Dieu en per- 
sonne. Saint Jude établit un contraste entre cette réserve 
de l'archange et l'effronterie des hérétiques. « Que le 
Seigneur te corrige! » Ces paroles, qu'elles aient été 
insérées ou non dans l'Assomption de Moïse, se retrou- 
vent dans un passage de Zacharie, m, 2, où c'est Jého- 
vah lui-même qui dit à Satan, adversaire du grand- 
prêtre Jésus : « Que Jéhovah te réprime ! » Comme il 
paraît assez anormal que Jéhovah lui-même parle ainsi 
et que, dans le verset précédent, c'est l'ange de Jéhovah 
qui est indiqué, il est à croire que, comme dans d'autres 
passages bibliques, Jéhovah est nommé pour l'ange qui 
parle en son nom. Cf. Rosenmùller, Proph. minor., 
Leipzig, 1816, t. iv, p. 153. Voir Ange, t. i, col. 586. L'ar- 
change Michel aurait donc prononcé lepremier une parole 
qui a été ensuite répétée par un autre ange de Jéhovah. 

III. Le combat de l'Apocalypse. — Saint Jean, dans 
une de ses visions, décrit ainsi ce qui se passa au ciel : 
« Il y eut un combat dans le ciel; Michel et ses anges 
combattaient contre le dragon ; le dragon et ses anges 
combattaient, mais ils ne purent vaincre et leur place 
même ne se trouva plus dans le ciel. » Apoc, xn, 7-8. 
Saint Jean identifie ensuite le dragon avec l'ancien ser- 
pent, le diable et Satan. Ce combat est décrit dans une vi- 
sion qui montre la femme enfantant, puis poursuivie par 
le dragon chassé du ciel et protégée contre ses attaques. 

1° D'après le contexte, ce combat n'est nullement celui 
qui a eu pour cause, à l'origine, la révolte de Lucifer el 
de ses anges. La femme qui enfante est incontestable- 
ment et en premier lieu l'Église, dont Satan cherche à 
faire périr les enfants. Le combat se livre dans le ciel, 
il est vrai, mais seulement dans un ciel où peut péné- 
trer Satan, que les visions prophétiques nous montrent 
admis en présence de Dieu. Job, i, 6; n, 1; Zach., m, 
1. D'ailleurs saint Jean suppose formellement comme 
antérieurs au combat, et la chute de Satan, qui a entraîné 
avec lui le tiers des étoiles, cf. S. Thomas, Sum. theol., I a , 
q. lxiii, a. 8, et la tentation du paradis terrestre, puisque 
le dragon n'est autre que l'ancien serpent. Apoc, xu, 
4, 9. En fait, les Pères n'invoquent pas ce passage de 
l'Apocalypse pour l'appliquer à la chute primordiale de 
Satan et de ses anges. Cf. Petau, De angelis, III, m, 
1-18. Seul, André de Césarée, In Apoc. comm., t. evi, 
col. 215, se sert de Apoc, xn, 9, 10, mais seulement 
pour caractériser le rôle ordinaire de Satan. Quel que 
soit le sens qu'on donne à l'Apocalypse, et qu'on entende 
le chapitre xn des commencements de l'Église ou de la 
fin des temps, cf. S. Grégoire le Grand, Hom. in 
Evang., xxxix, 9, t. lxxvi, col. 1251, il est certain que 
le combat dont il est parlé dans ce chapitre ne se rap- 
porte pas à l'épreuve des anges. C'est donc dans un sens 
toutaccommodatice que l'on joue sur le nom de Michel, 
pour montrer l'archange terrassant Lucifer révolté, au 
cri de : « Qui est comme Dieu? » Ce sens est accepté 
par Bossuet, Élév. sur les mystères, 4 e sem., 3« élév., 
Bar-le-Duc, 1870, t. vin, p. 416, qui, pourtant, dans son 
Explication de l'Apocalypse, xn, 7, t. n, p. 229, entend 
par ce combat celui que Satan livre contre l'Église. 

2» Un vieux mythe babylonien met aux prises Mardouk 
(Mérodach), le champion des grands dieux, et Tiâmat, 
personnification du chaos, qui s'était révoltée contre la 
souveraineté des dieux. Mardouk l'attaque, l'enveloppe 
d'un filet, et, pendant qu'elle ouvre la gueule pour avaler 
la bourrasque poussée contre elle, lni enfonce sa lance, 
lui déchire la poitrine et lui ôte la vie. Cf. Sayce, The 
Assyrian Story oftlie Création, dans les Records oftlie 



4073 



MICHEL 



4074 



Past, II' sér., t. i, p. 137-140; Jensen, Die Kosmologie 
der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 280-287. Un autre 
mythe non cosmogonique raconte la lutte de Bel contre 
le dragon. Bel n'est probablement pas autre que Bel- 
Mardouk, mais le dragon n'est pas Tiâmat, c'est un 
monstre marin qui cherche à mettre à mal la * terre et 
ses habitants. Bel-Mardouk le terrasse et devient le 
maître du pays. Cf. Jensen, Mylhen und Epen, p. 44- 
46, dans la Keilinschriftliche Bibliothek de Schrader, 
t. vi, Berlin, 1900. Ce mythe, très populaire en Chaldée, 
y a été souvent représenté. Dans une de ces représen- 
tations (voir fig. 263, col. 999), Bel a le diadème sur la 
tête et une double paire d'ailes aux épaules; de chaque 
main il brandit la foudre trident contre le monstre. 
Ce dernier est une bête mâle, qui réunit les caractères 
du lion, du griffon, de l'oiseau et de l'habitant des eaux. 
Un mythe analogue se retrouve jusque dans la légende 
chrétienne, d'après laquelle des dragons sont terrassés 
par sainte Marthe, saint Front, saint Georges, etc. Aussi 
bien, rien n'était-il plus naturel que de prêter la figure 
d'un animal extraordinaire et terrible au mal physique 
ou moral dont on était délivré par un personnage puis- 
sant. Cf. Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, 
Paris, 1905, p. 369-383. Mais ces mythes ont-ils exercé 
une influence sur les écrivains sacrés ? Quelques auteurs 
le prétendent. La trace en serait visible dans les pas- 
sages qui décrivent la lutte de Jéhovah contre Rahab, 
Job, ix, 13; xxvi, 12, 13, ou la puissance avec laquelle 
il contient la violence de la mer. Job, xxxvm, 8-11; 
Is., u, 9, 10; Ps. lxxxix, 10-13, etc. Us concluent de 
là que le combat de Michel contre le dragon, dans 
l'Apocalypse, ne serait qu'une réminiscence de la lutte 
de Jéhovah contre Rahab, et par conséquent une trans- 
position facilement reconnaissable des mythes de Mar- 
douk victorieux de Tiâmat, ou de Bel-Mardouk victo- 
rieux du dragon. Cf. H. Gunkel, Schôpfung und Chaos 
in, Vrzeitund Endzeit, Leipzig, 1895, p. 171-398 ; Bousset, 
Die Offenbarung Johannis, Gœttingue, 1896, p. 395, 398; 
Loisy, Les mythes babyloniens, Paris, 1901, p. 31-40. 
Buhl, Gesenius' Handwôrterb., Leipzig, 1899, p. 763, rap- 
proche aussi Rahab de la Tiâmat babylonienne. Il y a en 
effet analogie entre certaines conceptions cosmogoniques 
des Hébreux et celles des Chaldéens. La communauté 
d'origine explique ces ressemblances de forme, sans 
qu'on soit toujours autorisé à étendre au fond même des 
idées l'analogie des expressions. De ce que des textes 
poétiques empruntent des images chaldéennes pour 
parler de la puissance créatrice de Jéhovah, Une suit pas 
logiquement que les écrivains sacrés se soient repré- 
senté Dieu sous la figure de Mardouk. Pour beaucoup 
de traditions d'ailleurs, avant de décider si les Hébreux 
sont tributaires des Chaldéens, il faudrait écarter par 
des arguments péremptoires l'hypothèse si naturelle 
de traditions primitives, plus ou moins modifiées par 
le génie inventif des poètes chaldéens, mais plus fidè- 
lement conservées par les ancêtres directs d'Abraham, 
et, en tous cas, ramenées à leur pureté primitive par 
les auteurs inspirés. Cf. Loisy, Les mythes babylo- 
niens, p. 101-102. Quant à l'assimilation établie entre 
Michel et Mardouk, le dragon satanique et Tiâmat, elle 
est plus contestable. On se figure difficilement que saint 
Jean ait été si bien au courant des mythes babyloniens 
et les ait transposés pour le besoin de son exposition 
doctrinale. Sans doute, il y a lutte entre Michel et le 
dragon comme entre Mardouk et Tiâmat. Mais faut-il 
faire dériver de l'épisode babylonien toutes les his- 
toires bibliques qui opposent deux personnages l'un à 
l'autre? Les héros babyloniens représentent des forces 
de la nature, les personnages de l'Apocalypse sont de 
purs esprits; les premiers combattent inconsciemment 
pour l'organisation du monde physique, les seconds 
luttent intelligemment pour ou contre l'établissement 
du royaume spirituel; Mardouk et Tiâmat sont des êtres 



flottants, mal définis, dont les exploits sont conçus 
d'une manière qui défie le bon sens ; Michel et Satan 
ont une histoire dont la Bible fournit les éléments, 
avec parcimonie, sans doute, mais assez nettement; 
leur rôle se développe logiquement, depuis la tentation 
de PÉden jusqu'aux derniers événements prédits ou 
décrits par l'Apocalypse. Saint Jean n'avait pas à em- 
prunter les éléments descriptifs de sa vision à des tra- 
ditions étrangères; si, sous ce rapport, il voulait suivre 
des modèles, il en trouvait parmi les anciens prophètes 
d'Israël, qu'il a d'ailleurs imités si souvent. Mais à sup- 
poser même qu'on pût démontrer une certaine dépen- 
dance du récit de saint Jean par rapport au mythe ba- 
bylonien, comme on a pu le faire pour la vision des 
chérubins d'Ézéchiel, voir Chérubin, t. h, col. 664, 
n'en resterait pas moins à constater l'originalité de sa 
doctrine et l'harmonie parfaite de sa vision avec toutes 
les données prophétiques et apocalyptiques de la Bible. 
Cf. Jacq. Simon (Loisy), Chronique biblique, dans la 
Revue d'hist. et de liltér. relig., Paris, 1897, p. 467. 

3° Dans ce passage de l'Apocalypse, Michel apparaît 
clairement comme le protecteur de l'Église, à l'égard 
de laquelle il remplit la même fonction qu'autrefois à 
l'égard d'Israël. Au début de l'histoire des Israélites, 
Satan avait cherché à nuire à l'ancien peuple en inter- 
venant à propos du corps de Moïse et Michel l'avait 
combattu. Dès le commencement de l'Église, Satan 
s'efforce encore de faire périr ses enfants et Michel le 
terrasse. L'archange est donc à bon droit considéré 
comme protecteur de l'Église. Daniel, xn, 1, avait 
déjà annoncé ce rôle, en présentant Michel comme 
défenseur du peuple élu, à l'époque messianique et à 
la fin des temps. L'Église lui reconnaît officiellement ce 
titre. Elle l'appelle le « préposé du paradis », II Noct., 
2 ant., xxix Sept. ; le « prince de la milice des anges », 
il Noct., resp. 1 ; « prince très glorieux, » u Vesp., ad 
Magnif., et, dans les litanies des saints, elle lui assigne 
la première place après la Sainte Vierge. Elle implore 
son secours : « Archange Michel, viens au secours du 
peuple de Dieu, » nNoct., ant. 1, xxix septemb.; « c'est 
lui qui se tient debout pour vos fils, >' resp. 3. A cause 
de sa lutte victorieuse contre l'ennemi du salut des 
âmes, elle le considère surtout comme le défenseur 
des âmes que vont passer dans l'autre vie. C'est lui 
« à qui Dieu a confié les âmes des saints, pour qu'il 
les conduise au joyeux paradis », // Noct., resp. 2; il 
est le « messager de Dieu pour les âmes justes ». /// Noct., 
ant.l. « Archange Michel, je t'ai établi prince sur toutes 
les âmes à recevoir. » Laud., ant. 3. A l'alléluia de la 
messe de sa fête, comme dans la prière qui suit la 
messe, elle lui dit : « Saint archange Michel, défends- 
nous dans le combat, pour que nous ne périssions pas 
dans le terrible jugement . » A l'olfertoire de la messe 
des Morts, elle demande que « le porte-étendard saint 
Michel les introduise dans la sainte lumière », et, 
dans les prières pour la recommandation de l'âme des 
agonisants, elle supplie « que saint Michel les reçoive, 
lui, l'archange de Dieu, qui a mérité d'être placé à la 
tête des milices célestes ». C'est dans la même pensée 
qu'elle nomme l'archange parmi les saints auxquels se 
fait la confession des péchés, afin qu'il défende le 
pécheur repentant. Déjà, dans la tradition juive, Cha- 
gigah, 11 6; Menachoth, 110 a, l'ange Michel était 
considéré comme offrant à Dieu chaque jour les âmes 
justes sur l'autel de la Jérusalem céleste. La pensée de 
l'Église sur le saint archange Michel est heureusement 
exprimée par les hymnes composées en son honneur 
par Raban Maur, Notker le Bègue, Adam de Saint- 
Victor, etc. Cf. U. Chevalier, Poésie liturg. Iradit. de 
l'Église cath. en Occident, Tournai, 1894, p. 237-242. 
— Voir Ma' Germain et Brin, Saint Michel archange, 
2« édit., in-18, Paris, 1883; Frd. Wiegand, Der Erzen- 
gel Michael in der bildenden Kunst, in-8°, Stuttgart, 



1075 



MICHEL 



MIDI 



1076 



1886; Bousset, Der Antichrisi in der Ueberlieferung 
des Judenthums, des neuen Testaments und der alten 
Kirche, Gœttingue, 1896, p. 151-153, 166, 171; cf. Revue 
biblique, 1896, p. 652, 653; W. Lueken, Miehael. Eine 
Darstellung und Vergleichung der jâdischen und der 
morgenîândisch-christlichen Tradition von Erzengel 
Miehael, in-8», Gœttingue, 1898. H. Lesêtre. 

1. MICHOL (hébreu : Mikal, peut-être forme con- 
tractée de Mîka'êl,« qui (est) comme Dieu? «Septante : 
MeX-^iiX; Joséphe, Ant. jud., VI, XI, 4, Mzyaka), la plus 
jeune des deux filles de Saùl et femme de David. Sa 
mère devait être Achinoam. IReg., xrv, 49-50. Saûl avait 
promis de donner sa fille aînée, Mérob, en mariage au 
vainqueur de Goliath, mais il ne tint pas sa parole. Voir 
Mérob, col. 997. Il lui promit cependant plus tard de 
lui donner Michol qui l'aimait, à la condition qu'il tue- 
rait cent Philistins. David en tua deux cents et il épousa 
Michol, Il avait alors une vingtaine d'années. IReg., xvm, 
19-28. Elle lui sauva la vie peu de temps après, lorsque 
Saûl voulut le faire périr. Ayant appris que son père 
envoyait ses gardes pour s'emparer de David, elle le fit 
échapperde la maison par la fenêtre et mit un theraphim 
ou une espèce de mannequin dans son lit afin qu'on le crût 
malade. Lorsque la supercherie fut découverte, son mari 
était en sûreté. Saùl fit de violents reproches à sa fille; 
elle se justifia en disant que David l'avait menacée de la 
tuer. I Reg., xix, 12-17. Elle devait rester plusieurs années 
sans revoir David. Son père se vengea en la mariant de 
force à Phalti ouPhaltîel de Gallim. IReg., xxv, 4i. Son 
premier époux la recouvra plus tard, en mettant pour 
condition à sa réconciliation avec Abner, l'ancien géné- 
ral de Saûl et le soutien d'Isboseth, son rival, que Michol 
lui serait rendue. Abner la lui ramena, en effet, malgré 
les pleurs de Phaltiel. II Reg., m, .12-16. L'affection 
était-elle le seul motif de la conduite de. David? La po- 
litique n'y était-elle pas pour sa part? Avec quels senti- 
ments Michol reprit-elle sa place auprès de lui, où elle 
trouvait deux autres femmes, Abigaïl et Achinoam ? Nous 
l'ignorons. Elle reparaît seulement en une circonstance, 
lors du transfert de l'arche de la maison d'Obédédom 
à Jérusalem, et c'est pour faire des reproches à David. 
En regardant par la fenêtre du palais la procession solen- 
nelle, elle avait vu David, revêtu d'un manteau de byssus 
et d'un éphod de lin, dansant et jouant devant l'arche, 
« et elle l'avait méprisé dans son cœur. » Il Reg., vi,16; 
I Par., xv, 29. Quand le roi revint, elle alla à sa ren- 
contre et lui manifesta violemment sa désapprobation. 
David lui répondit avec vivacité en lui rappelant le rejet 
que Dieu avait fait de son père et en justifiant sa con- 
duite par ses sentiments de piété. Lé texte sacré termine 
le récit en disant : « Et Michol, fille de Saûl, n'eut point 
d'enfant jusqu'au jour de sa mort. » II. Reg., VI, 20-25. 
Le nom de Michol se lit encore une fois II Reg., xxi, 8, 
mais on admet communément que c'est Mérob qu'il 
faut lire à la place. Voir Mérob, col. 997. Josèphe, 
Ant. jud., VII, iv, 3, prétend, en s'appuyant évidem- 
ment sur II Reg., xxi, 8, que Michol serait revenue plus 
tard auprès de Phaltiel, qu'il désigne sans le nommer, 
et en aurait eu cinq enfants, mais cette affirmation est 
formellement contredite par II Reg., vi, 25. Le Targum 
sur Ruth, m, 3, appelle Phaltiel, hàsîdà', « pieux, » et 
dit qu'il plaçait une épée entre lui et Michol pendant 
leur mariage. Les Qusest. hebr. in I Reg., Xxv, 44, dans 
les Œuvres de saint Jérôme, t. xxiii, col. 1344, font allu- 
sion à cette tradition. Elles disent de plus, in II Reg., 
m, 5; vi, 23, col. 1347, 1350, que Michol est la même 
qu'Égla (t. Il, col. 1599), qui donna à David Jéthraam 
et qu'elle mourut en couches, mais tout cela ne repose 
sur aucun fondement. 

2. MICHOL, nom donné par la paraphrase chaidaïque 
au prophète dont l'histoire est racontée III Reg., xm, 



12. C'était un faux prophète, selon les uns; un vrai pro- 
phète, selon les autres. Voir Keil, Die Rucher der Kù- 
nige, 1865, p. 154. 

MICHTHAM. Voir Miktam. 

\. MIDI (hébreu : négêb, sâhârayim, duel de sokar, 
« lumière, » par conséquent « la double lumière », la 
lumière dans sa plus grande force, nehôn hay-yôm, 
Prov., iv, 18, « le fort du jour »; Septante : u.s.ci)(iëp!a, 
vôtoç ; Vulgate : meridies, meridÀanum), le moment du 
jour où le soleil est au plus haut point de sa course. En 
hébreu, comme dans la plupart des langues, le midi 
désigne plusieurs choses différentes. — 1° La région. 
Un pays, une montagne, une ville sont au midi quand 
ils se trouvent, par rapport à un spectateur ou relative- 
ment â d'autres lieux, du côté où brille le soleil quand 
il est au milieu de sa course. Gen., xu, 9; Exod., xxvi, 
18, 35; Num., n, 10; Jos., x, 40; Ezech., xx, 46; Act., 
vin, 26, etc. Le côté méridional d'une construction, d'un 
objet fixe, etc., est celui qui est tourné juste en face du 
soleil à midi. Exod., xxvn, 9, etc. — 2» L'heure. Le 
midi désigne également le milieu du jour, c'est-à-dire 
le moment où le soleil, parvenu à son plus haut point 
dans le iirmamènt, mettra autant de temps à descendre 
sous l'horizon qu'il en a mis à monter. Le moment exact 
de midi ne pouvait pas être déterminé avec précision 
chez les Hébreux, Le cadran solaire d'Ézéchias, Is., 
xxxviii, 8; IV Reg., xx, 9-11, était une rareté. Voir 
Cadran solaire, t. n, col. 26. Pratiquement, d'ailleurs, 
on n'avait pas besoin de fixer le milieu du jour avec 
grande exactitude, et l'heure de midi se rapportait 
approximativement à un temps plus ou moins long. 
Ainsi saint Jean, xix, 14, dit qu'il était « à peu près la 
sixième heure », allant de midi à trois heures, quand 
le Sauveur fut livré aux Juifs par Pilate, et saint Marc, 
xv, 25, dit que c'était « la troisième heure », allant de 
neuf heures à midi, quand on le crucifia. Cette double 
indication revient à dire que le chemin de l'Antonia 
au Calvaire fut parcouru par le Sauveur et son cor- 
tège autour de midi, avec une certaine latitude dans !a 
détermination de l'heure. — C'est à midi que Joseph 
prit son repas avec ses frères, Gen., xun, 16; que mou- 
rut d'insolation le fils de la femme de Sunam, IV Reg., 
iv, 20; que Jésus s'assit au puits de Jacob pour attendre 
la Samaritaine, Joa., iv, 6; que les ténèbres commen- 
cèrent à couvrir la terre le vendredi-saint, Matth., xxvn, 
45; Marc, xv, 33; Luc, xxm, 44; que saint Pierre 
priait. Act., x, 9, etc. — 3° La lumière. A midi, la lu- 
mière du soleil a son plus vif éclat. Cette lumière est 
un symbole de la prospérité du juste, Job, xi, 17; 
Prov., iv, 18, de son innocence, Ps. xxxvn (xxxvi), 6, 
de sa bienfaisance. Is., lviii, 10, etc. L'absence de la 
lumière à midi est un signe de la malédiction divine; 
Am., vin, 9. Aller à tâtons en plein midi, c'est être 
frappé d'aveuglement moral par la justice de Dieu. 
Deut., xxvin, 29; Job, v, 14; Is., lix, 10. Une ville 
attaquée ou un pays ravagé en plein midi ont la ruine 
à craindre, car l'ennemi est assez puissant pour n'être 
pas obligé d'opérer la nuit et par ruse. Jer., vi, 4; 
xv, 8; xx, 16. Le « démon du midi », Ps. xci (xc), 6, 
dont parlent les versions, n'est autre chose que « la 
ruine qui dévaste en plein midi », qétéb ydiûd sâhâ- 
rayim., qui s'attaque à l'homme en plein jour comme 
la flèche, aussi bien que d'autres fléaux qui le sur- 
prennent pendant la nuit. Les Septante ont rattaché 
yaèûd au mot $êd, « idole, » qu'ils traduisent ordinai- 
rement par « démon ». Dans un passage de Job, xxiv, 
1 1, il est parlé des malheureux qui endurent les ardeurs 
du soleil, meridiati sunt, au milieu des récoltes. Le 
verbe hébreu correspondant, yaçhiru, vient de sâhar, 
c'est-à-dire de la même racine que $âharayîm, d'où le 
sens adopté parla Vulgate, et reconnu par Buhl-Gese- 



1077 



MIDI — MIDRASCH 



1078 



nios' Handwôrtet'buch, Leipzig, 1899, p. 695, et divers 
auteurs, tandis que Frz. Delitzsch, Dos Buch lob, 
Leipzig, 1876, p. 321, etd!autres traduisent par « fou- 
ler l'huile ». Ce verbe ne se lit pas ailleurs, et les 
deux sens qu'on lui prête s'harmonisent à peu près 
également avec le contexte et le parallélisme. — 4° La 
chaleur. Le plein midi est le moment où les rayons du 
soleil sont le plus ardents et brûlent la terre. Eccli., 
xliii, 3. Aussi était-ce l'heure où, en Orient, l'on faisait 
la méridienne. II Reg,, rv, 5; xi, 2; Cant., i, 6. Le roi 
Bénadad qui, à cette heure, pendant le siège de Samarie, 
buvait et s'enivrait sous ses tentes avec ses alliés, et 
comptait bien que les assiégés ne sortiraient pas au fort 
de la chaleur, fut cependant surpris par eux et mis en 
déroute. III Reg., xx, 16. Couvrir d'ombre quelqu'un en 
plein midi, c'était le protéger et lui assurer la vie. Is., 
xvi, 3; Eccli., xxxiv, 19. H. Lesêtre. 

2. MIDI, point cardinal. Voir Cardinaux (Points), 
t. n, col. 257. 

MIDRASCH, commentaire rabbinique du texte de 
la Sainte Écriture. Le mot « Midrasch » vient du verbe 
ddras, a rechercher, expliquer, si Ce commentaire, qui 
porte à la fois sur la partie législative et sur la partie 
historique et morale des Livres sacrés, a pour but d'étu- 
dier le texte non seulement en lui-même, mais encore 
à l'aide de rapprochements avec d'autres passages, de 
combinaisons diverses et d'explications allégoriques. Les 
Midraschim, ou commentaires composant le Midrasch, 
sont tous écrits en hébreu. 

I. Les livres du Midrasch. — Les livres qui composent 
le Midrasch sont les suivants : 

1° Mechilta, de kûl, « mesurer, » la mesure, l'usage, 
sur une partie de l'Exode. Ce livre est attribué à R. Is- 
maël, qui vivait au sud de la Palestine, sur la frontière 
de l'Idumée, vers la fin du premier siècle. Son interpréta- 
tion est littérale, quelquefois à l'excès. Cf. Morin, Exer- 
citat. biblicse, Paris, 1669, n, 9, 1 ; J.-B. De Rossi, Dizio- 
nario storico degli autori ebrei, Parme, 1802, t. n, p. 44. 

2° Siphra, « le livre, » sur le Lévitique. 

3» Siphre ou Siphri, « les livres » par excellence, sur 
les Nombres et le ûeutéronome. Ce livre est également 
attribué, pour la plus grande partie, à R. Ismaël et à 
son école. Ces trois premiers livres sont traduits en latin 
dans Ugolini, Thésaurus antiquit. sacrar., t. xrv, p. 2-586. 
Cf. Kônigsberger, Die Quelien der Halacha, I Theil., 
Der Midrasch, Francfort, 1890. 

4° Rabboth ou Midrasch Rabboth, « les grands com- 
mentaires, » ensemble de commentaires composés à dif- 
férentes époques sur le Pentateuque et les Migilloth 
(Cantique, Rulh, Lamentations, Eçclésiaste, Esther). Ces 
commentaires sont les suivants : — 1 . Bereschith rabba, 
sur la Genèse, rédigé en Palestine vers le VI e siècle, sauf 
les cinq derniers chapitres qui sont plus récents. — 
2. Schemoth rabba, sur l'Exode, datant du XI e au XII e siè- 
cle. — 3. Vayyikra rabba, sur le Lévitique, rédigé en 
Palestine vers le VII e siècle. — 4. Bamidbar rabba, sur 
les Nombres, probablement dû à deux auteurs dont le 
dernier vivait au xn e siècle. — 5. Debarim rabba, sur le 
Deutéronome, du commencement du x° siècle. — 6. Schir 
haschirim rabba, ou Agadath Chasith, sur le Cantique, 
probablement antérieur au milieu du IX" siècle. — 1. Mi- 
drasch Rulh, de la même époque que le précédent. 
— 8. Midrasch Echa, sur les Lamentations, rédigé en 
Palestine, dans la seconde moitié du vn e siècle. —9. Mi- 
drasch Kohelelh ou Kolteleth rabba, sur l'Ecclésiasle, 
probablement antérieur au milieu du IX' siècle. — 10. Mi- 
drasch Eslher ou Hagadath Megilla, antérieur au x 8 siè- 
cle. Tous les Rabboth ont été traduits en latin, dans 
Ugolini, Thesaw, anliq. sacr., t. xiv, p. 586-1630; t. xv, 
p. 2-969, et en allemand par Wûnsche, Leipzig, 1880-1885. 

5° Pesikta, commentaire des passages du Pentateuque 



et des Prophètes qui se lisaient aux jours de fêtes et aux 
principaux sabbats de l'année. On en place généralement 
la composition vers le début du tiii« siècle. Cf. Wûnsche, 
Pesikta des Rab Kehana in's Deutsche ùbertragen, 
Leipzig, 1885. En dehors de cette Pesikta, attribuée à 
R. Abba ben Kahana, il existe encore une Pesikta rabba- 
thi, de la seconde moitié du IX e siècle, commentant 
les lectures de certaines fêtes et d'un certain nombre 
de sabbats, et une Pesikta sutarta, commentaire d'un 
rabbin de Mayence, Tobia ben Éliézer, au commencement 
du xu» siècle, sur le Pentateuque et les cinq Megilloth. 
Cette dernière apparlient donc plutôt aux Rabboth. Elle 
est traduite en latin dans Ugolini, Thésaurus, t. xv, xvi. 

6° Pirke de rabbi Éliézer ou Barajtha de rabbi Élié- 
zer, commentaire en cinquante-quatre chapitres, datant 
au plus tôt du vm e siècle, et se rapportant à l'histoire de 
la création, du premier homme, des patriarches et du 
temps de Moïse. Il a été traduit en latin par G. H. Vors- 
tius, Leyde, 1644. Cf. Lévi, Éléments chrétiens dans le 
Pirké Rabbi Éliézer, dans la Revue des études juives, 
t. xviii, 1889, p. 83-89. 

7° Tanchuma ou Yelandenu, dont le fond parait re- 
monter à Tanchuma, rabbin du V e siècle, et dans lequel 
on rencontre fréquemment la formule Yelandenu rab- 
benu, « que notre maître nous l'apprenne. » Ce midrasch 
ne prit sa forme définitive que vers le ix° siècle, proba- 
blement en Grèce ou dans l'Italie méridionale. Cf. Neu- 
bauer, Le midrasch Tanchuma, daus la Revue des 
éludes juives, t. vin, 1886, p. 224-238; Midrasch Tan- 
chuma, ein agadischer Commentar zum Pentateuch 
von Rabbi Tanchuma ben Rabbi Abba, zum erstenMale 
herausgegeben von S. Buber, Wilna, 1885. 

8° Yalkut Schimoni, commentaire d'ensemble sur 
toute la Bible hébraïque, composé d'extraits des commen- 
taires antérieurs, à la manière des chaînes bibliques des 
catholiques. Le Yalkut, de lâqat, « rassembler, » est 
attribué à R. Siméon, qui aurait vécu au sud de l'Alle- 
magne, vraisemblablement à Francfort-s.-M., au commen- 
cement du xni e siècle. — Cf. Zunz, Die gottesdienstli- 
chen Vortrâge der Juden, Berlin, 1832, 3 e édit. par 
Brull, 1892; M. Schwab, Répert. des articles relatifs à 
l'hist. et à la liltér. juives, de 1783 à 1898, 1 er part., Paris, 
1899, 2 c -3° part, autogr., 1900; Schûrer, Geschischte der 
jûdischen Volkes im Zeit. J. C., Leipzig, 1. 1, 1901, p. 138- 
146; A. Wûnsche, Bibliothecarabbinica, eine Sammlung 
aller Midraschim zum ersten Maie im deutsche ùber- 
tragen, in-8°, Leipzig, 1880 sq.; Ret ha Midraschim, 
Sammlung kleiner Midraschim herausgegeben von Ad. 
Jellineck (en hébreu), 4 in-8», Leipzig, 1855-1877. 

II. Objet du Midraschim. — Les commentaires rabbi- 
niques portent, les uns sur les textes juridiques des 
Livres Saints, les autres sur les textes historiques et 
moraux. Les premiers prennent le nom de Halaka ou 
Halacha, de hâlak, « aller, » par conséquent, règle à 
suivre; les autres celui de Hagada ou Agada, c'est-à-dire 
« récit » ou « enseignement ». 

1° La Halacha. — 1. Elle ne s'appliquait qu'aux textes 
législatifs. Elle faisait donc surtout l'objet de la Siphra 
et des autres Midraschim qui abordaient plus ou moins 
incidemmeut des textes de cette nature. Les halachistes 
avaient pour mission de connaître parfaitement les lois, 
d'en déterminer le vrai sens, d'indiquer les cas dans les- 
quels leur application s'imposait, d'en modifier la teneur 
pratique quand les circonstances l'exigeaient, de ré- 
soudre les conflits qui naissaient d'obligations incon- 
ciliables dans des cas donnés, de suppléer par analogie 
au silence des textes législatifs dans un très grand nombre 
d'autres cas, etc. Pour faire face à toutes ces exigences, 
les docteurs s'inspiraient non seulement de la loi écrite, 
mais aussi du sens de la justice qui devait les animer et 
du droit coutumier. En somme, la législation hébraïque 
s'alimentait à deux sources, la Loi mosaïque et la Halacha, 
qui d'orale ne devint écrite que postérieurement à l'ère 



1079 



MIDRASCH — MIEL 



1080 



chrétienne. La Halacha elle-même comprenait des déci- 
sions traditionnelles dont on taisait remonter l'origine à 
Moïse, celles des anciens halachistes formant la plus 
grande partie de la Halacha, et enfin les prescriptions des 
docteurs. Ces dernières étaient considérées comme de 
moindre importance, parce que les docteurs ne remon- 
taient pas plus haut qu'Esdras. Le droit coutumier n'en 
créait pas moins des obligations aussi strictes que la 
Loi elle-même, et on allait jusqu'à prétendre que la 
transgression d'une prescription des docteurs était plus 
grave que la transgression de la Loi. Cf. Sanhédrin, xi, 
3. — 2. Il suit de là que la Halacha créait un droit qui 
se développait et se modifiait sans cesse, au moins sur 
les points de détail. Néanmoins les décisions actuelles 
des docteurs, tout en déterminant une ligne de conduite 
à suivre, ne faisaient partie de la Halacha que quand la 
majorité des docteurs s'étaient prononcés dans le même 
sens. — 3. La Loi était toujours tenue pour la base du 
droit coutumier, à quelque distance que la Halacha s'éloi- 
gnât de cette Loi. On y rattachait les conclusions des 
docteurs au moyen de certains procédés logiques, qui 
ont inspiré les sept règles suivantes formulées par Hillel : 
du facile au difficile, du moins au plus; — du semblable 
au semblable, par analogie ; — d'après un passage de la 
Loi ; — d'après deux passages de la Loi ; — du général 
au particulier et du particulier au général ; — explication 
d'un texte par un autre texte; — explication d'un texte 
par le contexte. R. Ismaël porta à treize ces règles ou 
Middoth. On eut à leur égard tant de vénération que 
les vrais Israélites ne manquaient pas de les réciter 
chaque jour à leur prière du matin. — 4. La Halacha 
porta surtout son attention sur les lois d'ordre religieux, 
concernant les sacrifices, les fêtes, le Temple et ses mi- 
nistres, la pureté et l'impureté légales. Les lois civiles 
et criminelles furent le sujet de beaucoup moins d'études. 
Seule la législation du mariage reçut d'assez notables 
développements. Ce droit coutumier n'existait guère 
encore qu'à l'état oral à l'époque de Notre-Seigneur. 11 
n'en pesait pas moins lourdement sur les consciences, 
soumises à une multitude d'obligations contre lesquelles 
le divin Maître s'élève quand il en a l'occassion. Matth., 
xv, 2-9; xxiii, 1-26; Marc, vu, 2-7. — Voir B., Kcenigs- 
berger, Die Quellen der Halacha, in-8°, Berlin, 1890. 

2° La Hagada. — Elle ne procède pas comme la 
Halacha, qui ne fait que développer une législation pri- 
mitive, en y rattachant même les conclusions qui en 
paraissent le plus éloignées. La Hagada complète l'his- 
toire en y ajoutant les faits conservés de mémoire et 
parvenus par voie traditionnelle à des générations éloi. 
gnées. Ces faits ont parfois une physionomie nettement 
légendaire. Tels sont ceux qui s'ajoutent au récit de la 
création, Aboth, v, 6, à l'histoire d'Adam, d'Hénoch, 
des patriarches, et qui ont servi de thème à un certain 
nombre de livres apocryphes. D'autres fois, les additions 
historiques revêtent un caractère plus positif. On en 
trouve des traces nombreuses dans Josèphe; Philon, les 
auteurs judéo-hellénistes, le Targum, le Talmud, les 
diverses Apocalypses, le livre des Jubilés, etc. Il n'est 
guère possible de contrôler la valeur de ces renseigne- 
ments. Plusieurs pourtant figurent dans le nouveau Tes- 
tament. C'est par la tradition juive, par conséquent par 
la Hagada, que l'on sait que Moïse a été élevé dans 
toute la science des Égyptiens, Act., vu, 22; que les 
magiciens qui lui firent opposition s'appelaient Jannès 
et Jambrès ou Mambrès, II Tim., m, 8 ; que la Loi fut 
donnée à Moïse par l'intermédiaire des anges, Act., vu, 
53; Gai., ni, 19; Heb., Il, 2; que saint Michel disputa 
à Satan le corps de Moïse, Jud., 9; que Salmon avait 
Rahab pour épouse, Matth., i, 5; que la famine du temps 
d'Ëlie dura trois ans et demi, Lnc, îv, 25; Jacob., v, 17; 
que parmi les martyrs de l'ancienne Loi, il en est qui 
furent sciés. Heb., xi, 37, etc. — 2. Les Hagadistes 
s'occupent aussi d'étudier et de commenter l'enseigne- 



ment moral et religieux de la Sainte Écriture. Mais il 
faut bien avouer qu'ils ne procèdent à ce travail qu'avec 
des vues étroites, systématiques, s'éloignant trop fré- 
quemment du véritable esprit religieux. Au lieu de s'atta- 
cher au fond même de l'enseignement biblique, ils se 
perdent en spéculations sur des idées accessoires, des- 
tinées à tenir plus de place dans les écoles que dans la 
règle des mœurs. Les docteurs avaient heureusement 
soin de ne pas donner à ces spéculations le caractère 
impératif dont ils revêtaient leurs décisions juridiques. 
Par la suite, ils formulèrent quatre règles d'exégèse dont 
les quatre lettres du mot hébreu pardês, « paradis, » leur 
rappelèrent le début : pesât, « dépouillé, » le sens simple 
et littéral; réméz, « signification, » le sens allégorique: 
derûi, « recherche, » le sens qui se déduit de la re- 
cherche ; sôd, « secret, » le sens théosophique. — 3. Les 
écrivains du Nouveau Testament n'adoptent pas cette 
exégèse arbitraire et artificielle. De temps en temps 
cependant, dans saint Paul en particulier, on rencontre 
des explications qui semblent procéder de la méthode 
haggadiste, et qui, devenues pour nous sans force pro- 
bante, constituaient à l'égard des Juifs des arguments 
ad hominem parfaitement légitimes. Rom., x, 6-8; Gai., 
m, 16 ; iv, 22-26, etc. La Hagada ne fit que s'enfoncer 
avec le temps dans l'extravagance, pour aboutir à la 
kabbale. Voir Kabbale, t. m, col, 1881. Cf. Welte, Geisl 
und Werth der altrabbinischen Schriftanslegung, dans 
le Theolog. Quartalschrift, Tubingue, 1842, p. 19-58; 
Bâcher, Die Agada der babylonUchen Amorâer, Stras- 
bourg, 1878; .Die Agadader Tannaiten, Strasbourg, 1884, 
1890 ; Die Agada der palâstinensischen Amorâer, Stras- 
bourg, 1892, 1896; Hamburger, Real-Encydop. fur Bible 
und Talmud, t. il, 1883, p. 19-27; 338-353; t. m, 1892, 
p. 1-9; Schûrer, Geschichte des judischen Volkes im- 
Z. J. G., t. il, 1898, p. 330-350. H. Lesêtre. 

MIEL (hébreu : debaS; assyrien : diSpu; ya'ar et 
ya'erâh, nofét, « distillation des rayons de miel; » 
Septante : jiiéXij Vulgate : mel; le rayon de miel s'ap- 
pelle çûf, xïipiov tiiXitoî, favus wtellis, Prov., xvi, 24), 
produit animal dû aux abeilles (t. i, col. 26), .d'une sa- 
veur extrêmement douce. « Qu'y a-t-il de plus doux que 
le miel? » Jud., xiv, 18. 

I. Nature du miel. — 1» Le miel est une substance 
sucrée que les abeilles extraient des fleurs, qu'elles 
élaborent dans leur estomac et qui leur sert ensuite à 
nourrir leurs larves. Il se compose d'un mélange de 
sucre analogue à celui du raisin, de sucre incristallisable 
comme la mélasse et d'un élément aromatique particu- 
lier. Les abeilles le déposent dans les alvéoles de leurs 
gâteaux de cire. Voir Abeilles, t. i, col. 26, 27. Quand 
ces gâteaux sont exposés au soleil, il en découle un 
miel blanc ou vierge; un miel jaune et moins pur est 
ensuite tiré des gâteaux par compression. La qualité du 
miel, sa douceur, son parfum, dépendent de la nature 
des plantes sur lesquelles les abeilles vont butiner. 
Délayé dans l'eau, le miel donne par fermentation un 
liquide agréable, l'hydromel. Le miel abondait en Pales- 
tine; aussi la Sainte Écriture en fait-elle souvent men- 
tion. — 2» Josèphe, Bell, jud., IV, vin, 3, donne le nom 
de miel à la liqueur que l'on exprimait des palmiers de 
Jéricho, et il dit que ce miel était à peine inférieur à 
celui des abeilles. H s'agit sans doute ici de la substance 
appelée huile ou beurre de palme. Cf. Hérodote, i, 193. 
D'autres auteurs ont pensé qu'il pouvait être question, 
dans les Livres Saints, d'nne sorte de miel végétal, tej 
que la manne du tamarix mànnifera. Sous l'influence 
de la piqûre d'un insecte, le coccus manniparus, l'arbris- 
seau laisse découler une substance jaune, qui pend en 
gouttelettes aux tiges et ensuite tombe à la chaleur du 
soleil. Cette substance est on miel véritable ; elle en a 
le goût, la douceur, la composition chimique, avec ad- 
dition d'un cinquième de dextrine. Les Arabes la re- 



1081 



MIEL 



1082; 



cueillent et la mangent avec du pain, comme le miel. Cf. 
Berthelot, Comptes rendus de VAcad. des sciences, Paris, 
sept. 1861, p. 584-586; Vigouroux, La Bible et les dé- 
couvertes modernes, Paris, 6° édit., t. n, p. 462-470. 
Mais aucun des passages dans lesquels il est parlé de 
miel ne suppose formellement une substance végétale, 
différente du miel des abeilles. — 3° Toutefois, on s'est 
demandé s'il ne fallait pas, au moins en quelques en- 
droits, identifier le débets hébreu avec le dibs arabe. Le 
dibs est un produit obtenu avec des grains de raisin. 
Voir t. m, col. 1714. Ceux-ci sont pressés exactement 
comme des olives. Le jus est mis à bouillir pendant 
une heure dans un bassin de métal, refroidi dans une 
auge, puis versé à nouvean dans le bassin. Après trois 
heures d'ébullition, on a le racon, substance noire et 
liquide. Pour obtenir le' dibs proprement dit, on main- 
tient l'ébullition pendant quatre heures; le produit, 
transporté ensuite à la maison, est tourné et battu avec 
une branche fraîche de figuier une heure par jour pen- 
dant un mois. Au bout de ce temps, on a le dibs, subs- 
tance épaisse et d'un jaune brun. Il faut quatre kilo- 
grammes de raisins pour un kilogramme de racon, 
valant 40 paras, et cinq kilogrammes pour un de dibs, 
valant 60 paras. On trouve encore en Palestine des ins- 
tallations qui ont dû servir à cette fabrication et portent 
les traces d'une grande antiquité. Cf. Wood, Bible 
animais, Londres, 1884, p. 611. Les Grecs et les Ro- 
mains préparaient, par un procédé analogue, ce qu'ils 
' appelaient êipvjjjia, Hippocrate, 359, 6; uipaioç olvo; ou 
a-ipaiov, Aristophane, Vesp., 878; defrutuni et sapa. 
Pline, H. N., xiv, 11; cf. Virgile, Georg., i, 296; Ovide, 
Fast., IV, 780. A. Russell, Thenatural History of Aleppo, 
Londres, 1756, p. 82, témoigne de la prédilection des 
Syriens pour le dibs, qui a l'apparence d'un miel gros- 
sier. Rosenmûller, In Gènes., Leipzig, 1785, p. 334; 
Ezechiel, Leipzig, 1810, t. Il, p. 269 ; Winer, Bibl. Realwbr- 
terbuch, Leipzig, 1833, p. 603; Delitzsch, Die Genesis, 
Leipzig, 1853, t. n, p. 106; Wood, loc. cit.; Tristram, 
The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 324, 
et d'autres, pensent que le debaS envoyé par Jacob à 
Joseph, Gen., xliii, 11, ou échangé avec Tyr par les 
Hébreux, Ezech., xxvn, 17, n'était que du dibs. Buhl, 
Gesenius' Handieôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 170, admet 
ce sens pour les deux passages précédents. Cf. Robinson, 
Neuere biblisek. Forschungen, Berlin, 1857, p. 50. 
l'existence du dibs à l'époque de Jacob ou même d'Ézé- 
chiel n'est pas démontrée. La mention du miel d'abeille 
parait toute naturelle dans les deux passages allégués. 
•Le miel est à peine mentionné dans les monuments 
égyptiens, tandis que la vigne et le vin y figurent assez 
souvent; Jacob était donc bien avisé en envoyant à son 
fils un produit du pays de Chanaan. C'est très probable- 
ment aussi du miel animal, si abondant en Palestine, 
que les Hébreux vendaient à Tyr, au même titre que 
leurs autres produits naturels, froment, baume, huile, 
résine, etc. Cf. Fr. de Hummelauer, In Genesim, Paris, 
1895, p. 558. En tous cas, rien, dans la Sainte Écriture, 
n'indique que le mot debaS puisse s'entendre tantôt 
du miel d'abeilles et tantôt du dibs. — 4" On ne sait pas 
si les anciens Hébreux élevaient des abeilles en ruches 
artificielles, pour en recueillir plus aisément le miel. 
Le miel était ordinairement trouvé là où les essaims 
s'établissaient de préférence, dans le creux des rochçrs^ 
Deut., xxxji, 13; Ps. lxxxi (lxxx), 17, et dans les cavités 
des vieux arbres. I Reg., xiv, 26. Le jjiXt âypiov, mel 
xilvestre, dont se nourrissait saint Jean-Baptiste, 
Matth., m, 4; Marc, i, 6, avait cette dernière origine. 
Cf. Fillion, Evang. selon S. Matth., Paris, 1878, p. 70; 
Jansenius, Comment, in Evang., Louvain, 1699, p. 28, etc. 
Selon d'autres, Liagre, In S. Matth., Tournai, 1883, 
p. 65; Knabenbauer, Evang. sec. S. Matth., Paris, 1892, 
p. 121, etc., ce serait seulement le suc de certaines 
plantes, auquel JJiodore de Sicile, xix, 94, donne le nom 



de pi\i Sypiov. On remarque que ce suc convenait 
mieux que le miel d'abeilles à l'austérité du Précur- 
seur. Mais le miel sauvage n'était pas toujours d'une qua- 
lité supérieure à celle du miel végétal, et il abondait 
dans le désert, où les Bédouins continuent à le recueil- 
lir. Cf. Tristram, The natur. history, p. 325. Il n'y a 
donc pas lieu de s'écarter ici non plus du sens ordinaire 
du mot («.éXi, « miel. » 

II. Le miel dans la Palestine actuelle. — Le miel 
abonde encore aujourd'hui en Palestine, parce que les 
abeilles sauvages et domestiques y sont toujours très 
nombreuses. Les premières habitent, comme autrefois, le 
creux des vieux arbres et surtout les trous des rochers, 
de sorte que le miel coule littéralement «t de la pierre », 
selon l'expression biblique. Deut., xxxii, 13. Les se- 
condes sont élevées dans des ruches, de forme très 
simple. « Ces ruches consistent en des espèces de cylindres 
de terre séchée au soleil, en forme de tuyaux; elles ont 
environ l m 20 de longueur et sont fermées aux deux ex- 
trémités avec de la terre, en laissant seulement au 
centre une ouverture assez large pour que deux ou trois 
abeilles puissent y passer à la fois... On ne connaît point 
la coutume barbare de détruire les essaims pour s'em- 
parer du miel. Quand les ruches sont pleines, on enlève 
la terre qui les ferme aux deux bouts et l'on extrait le 
miel avec un crochet de fer; les rayons qui renferment 
les, jeunes abeilles sont soigneusement replacés et les 
ruches fermées de nouveau. On trouve partout du miel 
à acheter, en voyageant dans le pays. Les habitants du 
pays en font usage pour des préparations culinaires et 
en particulier pour des gâteaux. Il a le goût délicat 
et aromatique du miel parfumé de thym de l'Hybla ou 
de l'Hymette... Mais quelque nombreuses que soient les 
colonies d'abeilles dans les villages, le nombre des 
mouches à miel sauvages est encore beaucoup plus 
grand. Les innombrables fissures et les fentes des ro- 
chers calcaires qui flanquent partout les vallées offrent 
un asile sûi aux essaims, et beaucoup de Bédouins, par- 
ticulièrement dans le désert de Juda, gagnent leur vie 
en faisant la chasse aux abeilles et en allant vendre à 
Jérusalem des jarres de ce miel sauvage dont saint Jean- 
Baptiste se nourrissait dans le désert et que longtemps 
auparavant Jonathas avait goûté innocemment quand le 
rayon était tombé par terre du creux de l'arbre où il était 
suspendu. » H. B. Tristram, The Land of Israël, p. 86-87. 

III. Usages du miel. — 1° Le miel constituait tout 
d'abord pour les Hébreux un aliment sain, abondant et 
économique. Les Orientaux, observe Tristram, Nat. Hist-, 
p. 325, ont l'habitude de manger du miel à un degré qui 
causerait la nausée à nos estomacs occidentaux. Il est 
plusieurs fois question, dans la Sainte Écriture, du miel 
servant à la nourriture, I Reg., xiv, 14, 26-27 ; II Reg., xvil, 
29; III Reg.,xrv, 3;Cant., v, l;Is., vn,15;Eccli.,xxxix, 
31; Matth., m, 4; Marc, i, 6; Luc, xxiv, 42, conservé, 
Jer., xli, 8, transporté, Gen., xliii, 11, ou vendu, 
Ezech., xxvn, 17, pour le même usage. Il est recom- 
mandé de n'en point manger à l'excès. Prov., xxv, 16. 
Pour donner une idée du goût de la manne, on dit qu'il 
ressemblait à celui du miel. Exod., xvi, 31. Sur le miel 
trouvé dans le corps du lion mort, Jud., xiv, 18, voir 
Abeille, t. I, col. 27. — 2° On mélangeait quelquefois 
le miel avec le lait, pour rendre celui-ci plus sucré et 
plus doux. Is., vil, 15, 22; Callimaque, Ad Jov., 49; 
Bochart, Hierozoicon, Leipzig, 1793, t. I, p, 718. Avant 
la découverte de l'Amérique, c'était le miel qui servait 
le plus habituellement pour sucrer les autres substances. 
Chez les Arabes, le mélange de ces deux aliments est 
très apprécié. Voir Lait, col. 39. Cf. de la Roque, Voyage 
dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 197. On considé- 
rait le mélange du miel avec le lait on le beurre comme 
très favorable à l'alimentation des jeunes enfants. 1s., 
vil, 15. Saint Jérôme, In Is., ni, 7, t. xxiv, col. 110, dit 
que ce sont là les « mets de l'enfance î. Cf. Epist. Bar- 



1083 



MIEL - MILAN 



1084 



nabee, 6, t. n, col. 741; Tertullien, De coron., S; Adv. 
Marc, i, 14, t. n, col. 79, 262, etc. Le traité Sola, f. 11, 
prétend que le Seigneur nourrissait miraculeusement les 
petits enfants des Hébreux, en Egypte, avec du miel et 
du beurre. Il est question de semblable nourriture dans 
Odyss., xx, 69, dans le code de Manou, cf. Journal des 
Savants, oct. 1826, p. 593, etc. On faisait aussi des gâ- 
teaux avec de la farine mêlée de miel. Lev., n, 11. Cf. 
Horace, Bpist., I, s, 10. Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 4, 
raconte que le corps d'AristobuIe, empoisonné à Rome 
par les partisans de Pompée, fut enseveli dans du miel 
et ensuite transporté en Judée dans le tombeau des rois. 
Les Hébreux n'ont jamais employé le miel à pareil 
usage. —, 3° On était obligé de donner aux prêtres la 
dîme et les prémices du miel. Lev., n, 12; II Par., xxxi, 
5. Cependant, cette substance ne pouvait en aucun cas 
faire partie des offrandes apportées au Temple. Lev., u, 
11. Les rabbins comprenaient aussi le dibs dans celte 
prohibition. Le miel végétal entre facilement en fer- 
mentation, Pline, H. N., xvm, 11; Plutarque, Syni' 
pos., iv, 5, d'où le sens du mot hidebbîs, « fermenter, 
se corrompre, » dans l'hébreu talmudique. Buxtorf, 
Lexic. c/talii. et talm., Bâle, 1640, p. 500. Or, la Loi 
excluait du culte toute matière fermentée, tandis que 
le miel servait fréquemment dans les cultes païens. 
Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischen Quitus, Heidelberg, 
1839, t. il, p. 303, 322, 336; Martin, Textes religieux as- 
syriens et babyloniens, Paris, 1903, p. 251, 253, 255, etc. 
Le miel d'abeilles était proscrit à cause des impuretés 
que pouvait lui faire contracter son origine animale. 

IV. Le miel dans les métaphores. — 1° Le miel était 
avec le lait le symbole de la fertilité naturelle du sol. 
Le pays de Chanaan est ordinairement appelé une terre 
où « coulent le lait et le miel ». Exod., m, 8, 17; xin, 
5; xxxin, 3; Lev., xx, 24; Num., xm, 28; xiv, 8; xvi, 
13, 14; Deut., vi, 3; xi, 9; xxvi, 9, 15; xxxi, 20; Jos., v, 
6; Is., vu, 15, 22; Jer., xi. 5;xxxii, 22;Ezech., xx,6,15; 
Bar., i, 20; IV Reg., wiii, 32; Eccli., xlvi, 10. Cette 
expression, devenue pioverbiale, marque la grande 
richesse du pays que Dieu voulut donner à son peuple ; 
pays de gras pâturages fournissant l'abondance du lait, 
pays de forêts et de rochers caractérisé, même dans les 
déserts, par l'abondance du miel. 11 est à croire que 
dans l'expression 'érés zâbaf hâlâb û-debâS, « terre cou- 
lant le lait et le miel, » le vav indique la concomitance, 
comme dans plusieurs autres passages. Cf. Job, xu, 12; 
II Reg., xu, 13. Les Hébreux nomades devaient aimer, 
comme les Arabes, le mélange du lait et du miel. Voir 
Lait, col. 39, et Guidi, Une terre coulant du lait et du, 
miel, dans la Revue biblique, 1903, p. 241-243. Outre 
l'idée d'abondance, il y a donc encore dans l'expression 
biblique celle de nourriture agréable et succulente. Le 
mélange de lait et de miel était également connu des 
anciens Grecs, sous le nom de u.e).(xpatov. Cf. Odyss., x, 
519; Euripide, Orest., 115. Le lait et le miel figurent 
d'ailleurs ici tous les autres produits naturels du pays 
de Chanaan, produits si abondants qu'ils sembleront 
couler eux-mêmes du sol. Quand. Rabsacès veut décider 
les habitants de Jérusalem à se rendre et à se laisser 
déporter en Assyrie, il ne manque pas de leur promettre 
une contrée semblable à la leur, abondante en blé, en 
vin, en huile et en miel. IV Reg., xvm, 32. Cf. Deut., vm, 
8. Dans sa description de l'âge d'or, Ovide, Metam., i, 
112, 113, emploie la même image que les Livres Saints : 

Fluminajam lactis, jani flumina neetaris ibant, 
Flavaque de viridi stillabant ilice mella, 

« des fleuves de lait, des fleuves de vin coulaient alors, 
et des chênes verts distillaient les miels d'or. » Cette 
expression est doue bien typique pour caractériser la 
fertilité d'un pays. Cf. Euripide, Bacch., 142; Horace, 
Od., II, XIX, 10; Claudien, Laud. Stilic., I, 84. Ctésias, 
lndic, 13, prend la figure trop à la lettre, quand il si- 



gnale dans l'Inde itora\ù>; vu ittxpis fluv uiXi, un fleuve 
de miel coulant du rocher. Dans Job, xx, ,17, il est dit 
du méchant qu'il ne verra plus les ruisseaux, les tor- 
rents, les fleuves de lait et de miel, pour signifier que 
toute prospérité lui sera ravie. En général, le miel dé- 
signe tous les bienfaits temporels et spirituels dont Dieu 
a comblé son peuple. Deut., xxxn, 13; Ps. lxxxi (lxxx), 
17; Ezech., xvi, 13, 19. — 2° A raison de sa douceur, le 
miel est le symbole des choses douces, suaves et agréa- 
bles. Les auteurs sacrés comparent à la douceur du 
miel celle de la sagesse, Provv, xxiv, 13; Eccli., xxiv, 
27; celle de la loi de Dleù,Ps. xix (xvm), H; celle du 
rouleau sacré que les prophètes reçoivent l'ordre de 
manger, Ezech., m, 3-; Apoc, x, 9, 10; celle de la mé- 
moire d'un pieux roi, Eccli., XLix, 2; enfin celle des 
paroles du sage, Prov,,xvi, 24, de l'épouse, Cant^iv", 11, 
et même de la courtisane. Prov., v, 3. 

H. LesÊtre. 
MIGDAL-ÉDER (hébreu : Migdal-' Edér ; Codex 
Alexandrinus : ILip-ro; Taôép; omis dans le Vaticanus; 
Vulgate : Turris gregis), tour nommée dans la Ge- 
nèse, xxxv, 21. C'était probablement une petite tour 
comme on en voit encore dans les environs de Bethléhem. 
Elle servait d'abri et d'observatoire aux bergers qui gar- 
daient leur bétail, ainsi que l'indique son nom de s Tour 
du troupeau ». Cf. IV Reg,, xvm, 8; II Par., xxvi, 10. 
C'est au delà de cette tour, en continuant sa route vers 
Hébron, que Jacob fit sa première halte après la morl 
de sa femme Rachel, et c'est en cet endroit que Ruben 
commit son inceste avecBala. VoirBALA 1, t. i,col. 1390. 
D'après saint Jérôme, Onoma&tic, édit. Larsow et Par- 
they, 1862, p. 115, elle était à mille pas au sud de 
Bethléhem. Ce Père l'identifie avec la localité où les 
anges annoncèrent aux bergers la naissance de Notre- 
Seigneur. lbid., p. 115-117; Queest. hebr. in Gen., xxxv, 
21, col. 992. IL est impossible de fixer sa situation d'une 
manière précise. Michée, rv, 8, parle d'un Migdal- 
'Êdér (Vulgate : turris gregis) : c'est une image par 
laquelle il désigne Jérusalem. Cf. S. Jérôme, Quiest. in 
Gen., loc. cit. — Il y avait dans le sud de la Palestine 
une ville appelée Edër, t. u, col. 1588. 

MIKTAM (hébreu : niikldm; Septante : (mjXoYpaçi'a; 
Vulgate : tituli inscriptio), mot qui se trouve au titre de 
six psaumes, Ps. xvi, lvi-lx (Vulgate, xv, lv-lix), et en 
tête du cantique d'Ézéchias, Is., xxxvijj, 9, où les Sep- 
tante traduisent irpoffeux 1 ! ?' ' a Vulgate : scriptura. Il 
ne se lit nulle part ailleurs dans l'Écriture. Le sens n'en 
est pas certain. On l'explique par « écrit, poème », ans, ■ 
kâtab, oro, kâfani, ou bien par « énigme, sentence », 
»^, katama, « cacher, trésor. » Voir Gesênius, Thésau- 
rus, p. 724. La présence de ce terme dans les titres des 
Psaumes semble impliquer une signification musicale 
ou la désignation d'un genre de poésie. Voir Maskil, 
col. 832. Mais les termes de cette sorte, cessant d'être 
appliqués pratiquement, ont perdu pour nous leur si- 
gnification. J. Parisot. 

MIL. Voir Millet. 

MILAN, oiseau de proie, de la famille des falconidés. 
Le milan a un bec robuste, des ailes très étendues et 
la queue profondément fourchue (fig. 282). Son vol est 
puissant et rapide, mais son courage laisse à désirer, 
car le milan fuit devant l'épervier et n'ose disputer sa 
proie au corbeau. Le milan royal, milvus regolis, me- 
sure environ 70 centimètres de long. Il est de couleur 
fauve, avec ailes noires et queue rousse. Il se nourrit de 
petits quadrupèdes, rats, taupes, mulots, de reptiles, d'in- 
sectes et même de viande en putréfaction. U aperçoit sa 
proie d'une hauteur prodigieuse, fond sur elle comme 
un trait et l'emporte sui* un arbre pour la dévorer. — Le 
milan royal est très commun en Palestine, surtout en 



1085 



MILAN 



MILET 



1086 



hiver; l'été, il abandonne les terres basses pour vivre 
de préférence dans les régions montagneuses. On le 

trouve fréquemment au 
Carmel, prèsde Naplouse 
et dans le nord de la Ga- 
lilée. En hiver, il vit par 
troupes le long de la côte, 
au sud de la Judée, â 
l'ouest de la mer Morte 
et dans les déserts voi- 
sins de Bersabée. — Le 
milan est rangé parmi les 
oiseaux impurs, proba- 
blement sous le nom de 
'ayydh, que les Septante 
traduisent par Jxtïvoç, 
« milan, » Lev., xi, 14; 
Peut., xiv, 13, alors que 
la Vulgate donne le nom 
de milan au dà'âh, qui 
est probablement le vau- 
tour, voir Da'ah, t. il, 
col 1195, et le nom de 
vautour au 'ayydh. Dans 
Job, xxvih, 7, il est dit 
que le sentier souterrain 
delà mine échappe même 
à l'œil du 'ayydh, que les 
deux versions traduisent 
alors par vautour.Comme 
le milan ne pouvait man- 
quer d'être mentionné, 
il est probable qu'il est 
bien désigné par 'ayydh, 
ainsi que l'ont cru ies traducteurs grecs du Pentateuque. 
Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 
1889, p. 188. Voir Vautour. H. Lesetre. 

MILET (grec : Mî^toî), ville d'Asie Mineure, située 
à l'entrée du golfe Latmique (flg. 283). — En se rendant 




282. — Le milan royal. 




283. — Monnaie de Milet. 

EEBAETOE TJEPQN. Tête de Néron. — $■ EniTI AAMA. 

(Nom de magistrat.) Apollon assis, son arc à la main. 

de Macédoine à Jérusalem par l'Asie Mineure, saint Paul, 
venant de Samos, aborda par mer à Milet. Comme il ne 
voulait pas aller à Éphèse, c'est à Milet qu'il convoqua 
les anciens de l'Église d'Éphèse. Act., xx, 15-18. Dans 
une autre occasion que nous ne connaissons pas, saint 
Paul vint de nouveau à Milet et y laissa Trophime qui 
était malade. II Tim., iv, 20. 

1» Description et histoire de Milet. — D'après Strabon/ 
XIV, I, 6, qui tire ses renseignements d'Éphore, Milet 
fut à son origine un établissement crétois fondé par Sar- 
pédon, non sur la côte même, mais un peu au-dessus 
de la mer. De son temps la ville fondée par Sarpédon 
s'appelait le Vieux-Milet. Nélée, originaire de Pylos, 
fonda, non loin de là, la Nouvelle Milet, où il s'établit 
avec les Ioniens chassés du Péloponèse par l'invasion 
dorienne. Strabon, XIV, i, 3. C'est la ville ionienne qui 
est surtout célèbre dans l'histoire. Arrien, Anab., 1, 18, 
mentionne les deux cités, la vieille et la nouvelle Milet, 



entourées chacune de fortifications. La nouvelle Milet 
avait quatre ports dont un pouvait contenir une flotte 
entière. Strabon, XIV, i, 6. Ces ports étaient protégés 
par le groupe des lies Tragées, dont la plus grande était 
Ladé. Assise sur le bord du golfe Latmique près de l'em- 
bouchure du Méandre, le plus considérable des fleuves 
de l'Asie Mineure, Milet voyait affluer vers elle les pro- 
duits que les caravanes allaient chercher jusqu'à l'Eu- 
phrate et au Tigre, ceux de la Carie, de la Lydie et de 
la Phrygie. Par ses ports, elle recevait les cargaisons 
que lui apportaient les navires de la Méditerranée. La 
plaine du Méandre, large et fertile, nourrissait d'abon- 
dants troupeaux, qui fournissaient les laines que tra- 
vaillaient les Milésiens. Strabon, XII, vm, 16; Pline, 
H. N., vm, xxix, 2 (9). Aujourd'hui la baie a été com- 
blée par les alluvions du Méandre et ce n'est plus qu'un 
vaste marais dont les émanations empoisonnent l'air. Les 




284. — Carte des environs de Milet. 

ruines ae Milet se trouvent à sept kilomètres de la mer, 
et l'emplacement de la ville ancienne est occupé par un 
village turc appelé Palatia. L'insalubrité du pays n'a pas 
permis jusqu'ici d'y faire des fouilles suffisantes pour 
retrouver les monuments antiques. 0. Rayet, en 1872, y 
a découvert les ruines du théâtre. Les fouilles de M. Wie- 
gand ont dégagé quelques restes (fig. 285) des époques 
hellénistique et romaine. Jahrbuch dek. deutsch. arch. 
Instituts: Archàol. Anzeiger, t. xvi, 1901, p. 191-199. 
Milet fut la métropole de l'Ionie, et elle fonda de nom- 
breuses colonies, surtout sur les bords du Pont-Euxin. 
Strabon, XIV, i, 6; Pline, H. N., iv, 11 (18); 12 (26); v,32 
(40) ; vi, 2 (2); 6 (6); 28 (32). Comme toute la côte, elle 
fut successivement soumiseâ la domination des Lydiens, 
des Perses, d'Alexandre et des Séleucides, tout en con- 
servant son organisation particulière, c'est-à-dire le gou- 
vernement de chefs qu'on appelait les tyrans. Lorsque 
les Romains conquirent l'Asie Mineure, Milet resta une 
cité importante de la province, mais au second rang seu- 
lement. Voir Carie 1, t. n, col. 279. Telle était sa situa- 
tion au temps où saint Paul y aborda. Milet était la patrie 
de plusieurs personnages célèbres de l'antiquité, en par- 
ticulier de Thaïes, d'Anaximène, d'Hécatée et d'Eschine 
le rhéteur. Strabon, XIV, 1, 7. C'est près de Milet que se 
trouvait le temple fameux d'Apollon Didyméen (fig. 286), 
connu sous le nom de Temple des Branchides du nom 
de la famille sacerdotale qui le desservait. Ce temple 
fut brûlé par Darius, lors de la prise de la ville, et la 
statue d'Apollon, œuvre de Kanachos, fut transportée à 
Ecbatane. Séleucus la rendit à Milet. Hérodote, i, 46, 92. 
127-, h, 159; vi, 19. Cf. G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire 
de l'Art, t. vm, p. 270-280. 



1087 M IL ET 1088 

2» Idilet dans le Nouveau Testament. — 1. Saint Paul, | cette ville n'était pas éloignée de Milet où il devait faire 




285. — Ruines de Milet. D'après M. Wiegand, Archàologkches Anzeiger, Beiblatt 4, flg. 3, p. 194. 

en terminant son troisième voyage de mission, quitta I escale, il fit appeler dans cette ville les prêtres (voir 
Philippes après Pâques. Act., XX, 6. Comme il désirait I t. h, col. 2122) d'Ëphèse. Saint Luc a décrit avec la plus 




286. — Ruines du temple d' Apollon Didyméen. 
D'après O. Rayct et A. Thomas, Milet et le golfe Lathmique, Planches, in-f, Paris, 1877, pi. 32. 

arriver à temps à Jérusalem pour y crlébrer la fêle de j parfaite exactitude la situation géographique de Milet. 
ia Pentecôte, il renonça à aller à Ephèse, mais comme I — 2. En passaDt une seconde fois à Milet, l'Apôtre fut 



•1089 



MILET — MILLÊNARISME 



1090 



obligé d'y laisser son compagnon Trophime qui était ma- 
lade. II Tim., IV, 22. Cet événement ne put avoir lieu 
qu'après la première captivité de saint Paul. Voir 
Conybeare et Howson, Life and Epistles of St. Paul, 
c. xxvn, in-12, Londres, 1877, p. 780. — On a peu de 
traces de l'Église primitive de Milet. Une inscription 
grecque mentionne le martyr Onesippos, Corpus inscr. 
grœc, n. 8847; une autre contient une invocation aux 
sept archanges gardiens de la cité, Corpus inscr. grœc, 
n. 2892. Elle parait être du iv« siècle. Au v« siècle, Milet, 
qui jusqu'alors avait dépendu de la métropole d'Aphrodi- 
sias,devintune église indépendante, W. Ramsay, Histori- 
cal Geography of Asia Minar, in-8", Londres, 1890, p. 428. 
Bibliographie. — Texier, Asie Mineure, in-8°, Paris, 
1862, p. 331-336; O. Rayet et Thomas, Hilet et le golfe 
Lalmique, in-4°, avec atlas in-f°, Paris, 1877 ; G. Perrot et 
Ch. Chipiez, Histoire de l'Art dan» l'Antiquité, t. VIII, 
in-4», Paris, 1904, p. 268-270. E. Bebrlier. 

MILICHO (Melôkî [heri : Melîkû]; Septante : 'Au.ce- 
Xo'ix), prêtre qui revint de la captivité avec Zorobabel. 
II Esd., xii, 14. C'est, d'après plusieurs commentateurs, 
le même personnage que celui dont le nom est écrit ail- 
leurs dans la Vulgate Melluch. Voir Melluch 2, col. 948. 

IMILKOM (hébreu : Milkôm), un des noms hébreux 
du dieu Moloch. Voir Moloch. 

MILLE (grec : jj-iXiov, mot formé du latin mille; Vul- 
gate : mille passus), mesure itinéraire d'origine romaine 
équivalant â mille pas, c'est-à-dire à un peu plus de 



m?ca1sàr|| 
BFAVêPONTlgr 
ffiVAWSCOSÎ 

BSDpœfJAftl 

«TtsTÂfEssa 

m 





287. — Bornes milliaires trouvées en Gaula sur la Via Doritia. 
A gauche, borne d'Auguste, de forme cylindrique avec l'inscrip- 
tion : IMPerator CAESAR IYLii Filius AVGuatus, PONTIFex 
MAXVMUS, COnSul XII, consul DESIGNATus XIII, Millia Pas- 
suum XIIII, TRIBVNTCIA POTESTATE XX, — 3 avant J.-C. — 
A droite, borne de Tibère ; à pilier carré avec l'inscription : TI- 
hcrius CAES.AR DlVI AVGusti Filius, PONTIFex MAXimus 
TRIBunicii POTestate XXXIII REFECIT ^ RESTTTVIT, 
LXXIII, — 30 après J.-C. — D'après E. Desjardins, Géogra- 
phie de la Gaule romaine, t. iv, p. 175, 177. 

1 480 mètres. Notre-Seigneur donne à ses disciples ce 
précepte de charité : « Si quelqu'un veut t'obliger à 
faire mille pas, va avec lui pendant deux autres mille. » 
Matth., v, 41. Les routes romaines étaient divisées en 
longueurs de mille pas et à chaque mille était pla- 
cée une borne ou milliarum. Sur ces bornes était gra- 
dée une inscription. Sous la République, elle contenait 
le nom d'un magistrat qui avait fait on réparé la route; 

DICT. DE Là BIBLE. 



sous l'Empire, le nom du prince. Un chiffre précédé 
ou non des lettres M. P., millia passuum, indiquait la 
dislance d'un endroit déterminé (flg. 287). La forme or- 
dinaire des bornes milliaires était celle d'une colonne 
ronde, de 3 mètres de hauteur et de 2 mètres de circon- 
férence. Quelques bornes de Tibère sont des piliers 
quadrangulaires. En Orient, les inscriptions sont sou- 
vent bilingues, en grec et en latin. Corpus inscr. latin., 
t. m, n. 205, 312, 347, 3705; t. ix, n.6072; t. x, n. 6854. 
On rencontre encore en Palestine des milliaires le long 
des anciennes voies romaines, en particulier sur la 
route de Jérusalem à Naplouse. La présence de ces 
bornes servait à donner les indications topographiques; 
on disait : ad lapidem primum, secundum, etc. Tacile, 
Ann., xv, 60; Hist., H, 24, 45; iv, 11, etc. 

E. Beorlier. 

MILLÊNARISME, erreur de ceux qui ont cru à un 
règne temporel et triomphant du Christ et de ses saints 
sur la terre. Comme, dans sa forme chrétienne, cette 
erreur supposait un règne de mille ans, ses partisans 
furent appelés millénaires, millénaristes ou chiliastes. 

I. Origines de cette erreur. — 1° Origines juives. 
— 1. La croyance à un règne temporel du Messie futur 
est née chez les Juifs d'une interprétation littérale et 
servile des anciennes prophéties. Déçus dans leurs espé- 
rances d'indépendance, de prospérité et de domination 
nationales, la plupart des Juifs palestiniens se sont con- 
solés en cherchant dans les prophéties l'assurance d'un 
avenir meilleur et plus conforme à leurs désirs. Isaïe, 
xxrv-xxvn, annonçait le châtiment des impies et le réta- 
blissement d'Israël dans le pays de Chanaan, la gloire 
du peuple élu, xxxv, et de la nouvelle Sion, Liv, Lx, le 
rassemblement des peuples à Jérusalem, lxvi, 18-23. 
Ézéchiel, xl-xlviii, décrivait le nouveau royaume de 
Dieu. Aggée, n, 7-9, et Zacharie, il, 6-13, célébraient le 
nouvel ordre de choses. Daniel surtout promettait à la 
nation choisie la délivrance et la domination, sous l'em- 
pire de son Messie triomphant. Dan., vu, 9-14, 26, 27. 
Ces heureux événements devaient se produire à une 
époque déterminée. Dan., xn, 5-13. Les prophéties visaient 
le royaume spirituel, mais les Juifs, trop pressés de 
les interpréter dans uu sens qui leur convenait mieux, 
les entendaient d'un royaume temporel dont ils devaient 
être les maîtres par la grâce de leur Messie. Ces idées 
constituent le fond des apocryphes composés aux envi- 
rons de l'époque évangélique. Voir Jésus-Christ, t. m, 
col. 1436-1439; Messie, col. 1032; Lepin, Jésus Messie et 
fils de Dieu, 2 8 édit., Paris, 1905, p. 11-23. — 2. La durée 
de ce règne temporel restait problématique. Elle était 
certainement bornée, puisque les apocryphes suppo- 
saient, à la suite de ce règne, un renouvellement du 
monde, une résurrection générale et un dernier juge- 
ment. Cf. Schûrer, Geschichte der judischen Volkes im 
Zeit J. C, Leipzig, t. H, 1898, p. 544-553. Suivant certaines 
données, le règne temporel du Messie devait durer jusqu'à 
la fin de ce monde corrompu, Apoc. Baruch, XL, 30, jus- 
qu'au jour du jugement, 1 VEsd., xn, 34, et, somme toute, 
pendant quatre cents ans. IV Esd., vil, 28, 29; Sanhé- 
drin, 99 a. Ce chiffre était obtenu par l'application à la 
durée de la captivité en Egypte, Gen., xv, 13, d'un ver- 
set du Psaume xc (lxxxix), 15 : « Rejouis-nous... autant 
d'années que nous avons connu le malheur. » Selon 
d'autres, les jours de la création représentaient la durée 
du monde en milliers d'années, puisque, d'après le même 
Psaume, f. 4, mille ans sont aux yeux de Dieu comme le 
jour d'hier. On obtenait ainsi 2000 ans avant la. Loi, 
2000 anssous la Loi, 2000 ans sous le Messie et lOOOans pour 
le règne temporel représenté par le repos de Dieu le 
septième jour. Sanhédrin, 97 a. La version syriaque du 
IV e livre d'Esdras réduit la durée de ce règne à 
30 années. Au dire d'autres rabbins, il devait être de 
40 ans, selon le temps du séjour des Israélites au désert; 
de 7000 ans, parce que les noces juives duraient sept jours 

IV. -35 



1091 



MILLÉNARISME 



1092 



et que les noces du Boi-Messie avec son peuple devaient 
durer sept jours divins, soit 7000 ans, etc. Cf. Corrodi, 
Geschichte des Chiliasmus, Francfort, 1781, 1. 1, p. 324- 
2° Origines chrétiennes. — 1. Notre-Seigneur eut à 
prêcher son Évangile au milieu d'un peuple qui, à 
l'exception de quelques âmes mieux éclairées, était 
imbu de l'idée d'un royaume temporel. Le Sauveur 
s'appuie sur cette espérance qui anime ses contempo- 
rains; mais jamais il ne dit rien qui puisse favoriser 
l'interprétation grossière qu'ils font des prophéties. 
Fïls de l'homme, par conséquent Messie, il annonce le 
royaume, et en même temps il le fonde. Il dit aux pha- 
risiens : « Si je chasse les démons par le doigt de Dieu, 
le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu'à vous... 
Le royaume de Dieu est au milieu de vous. » Luc., xi, 
20; xvii, 21. Il ne faut donc pas l'attendre sous une autre 
forme. De plus, le Sauveur se dispense de répondre direc- 
tement aux questions qui visent le prétendu royaume tem- 
porel. Matth., xx, 21-23; Act., i, 6, 7, etc. On ne peut 
rien conclure à ce sujet des textes dans lesquels il pro- 
met le centuple « dans l'avenir » à ceux qui auront tout 
quitté pour le suivre. Matth., xix, 29; Marc, x, 29; 
Luc., xvm, 29. Il est visible que ces paroles ne sont 
pas à entendre dans un sens littéral, et que la récom- 
pense promise est « dans les cieux », Matth., v, 12, où 
tous seront « comme les anges ». Luc, xx, 36. Avant de 
mourir, il annonce non pas qu'il va fonder le royaume 
attendu, mais qu'il va retourner à son Père et que de là 
il enverra l'Esprit de Dieu. Joa., xvi, 5-7. Plus tard, 
sans doute, le Fils de l'homme reviendra sur les nuées ; 
mais ce sera pour juger définitivement les hommes et 
régler leur sort éternel. Matth., xxv, 31-46. Dans tout 
cet avenir prédit par le Sauveur, aucune place n'est 
laissée à l'idée même lointaine d'un millénium. — Tou- 
tefois, l'on a cru trouver dans saint Jean, v, 25-30, au 
moins l'annonce de deux résurrections successives : tout 
d'abord, il y a des morts qui entendront la voix du Fils 
de Dieu et qui vivront; puis il y aura une résurrection 
générale pour tous sans exception, bons et mauvais. 
Cette première résurrection et la vie qui en est la con- 
séquence ne constitueraient-elles pas une sorte de stade 
analogue au millénium? Cf. Prager, Bas tausendjâhrige 
Reich, Leipzig, 1903, p. 33-40, Mais Notre-Seigneur 
explique lui-même que ce passage de la mort à la vie 
est l'effet de la foi qu'on a en sa parole et en sa mission, 
Joa., v, 24; il ajoute qu'il est lui-même « la résurrection 
et la vie », d'abord spirituellement, pour ceux qui croient 
en lui, Joa., xi, 25, 26, et même déjà corporellement, 
par exception, en faveur de ceux auxquels il rend la vie 
du corps afin de faire naître la foi dans d'autres âmes. 
Joa., xi, 44-45. Cette première résurrection est donc un 
phénomène spirituel qui appartient normalement au 
fonctionnement du royaume messianique. Quant à celle 
qui atteint le corps privé de vie, elle n'est alors ni 
générale pour les justes, puisque quelques-uns seulement 
ont été ressuscites par la puissance de Dieu, ni définitive, 
puisqu'ils sont ensuite retournés au tombeau. Rien ne 
serait donc plus gratuit, plus contraire à la lettre et à 
l'esprit de l'Évangile, que de prêter au Sauveur l'idée de 
composer son royaume avec les quelques privilégiés 
tirés par lui du tombeau. — D'ailleurs, Notre-Seigneur, 
dans sa description des derniers temps, exclut for- 
mellement toute possibilité de règne sur la terre. En 
effet, c'est seulement quand le ciel et la terre sont déjà 
bouleversés que le Fils de l'homme apparaît, envoie ses 
anges rassembler les élus et procède au jugement. 
Matth., xxiv, 29-31; Marc, xm, 24-27; Luc, xvi, 25- 
27. — 2. Saint Paul, qui ne peut manquer de connaître' 
les idées de ses compatriotes sur le règne temporel, 
n'écrit absolument rien qui puisse les accréditer. Pour 
encourager ceux qui sont persécutés, il rappelle que le 
Fils de Dieu viendra un jour pour le jugement, qui 
précédera le châtiment des méchants et la glorification de 



! bons avec Dieu. II Thés., i, 5-10. Jésus-Christ est 
ressuscité le premier; après lui viendront ceux qui ont 
cru en lui; puis ce sera la fin, quand il remettra le 
royaume au Père, après en avoir chassé les puissance» 
adverses. I Cor., xv, 23. S'il n'est pas question ici des 
méchants, ce n'est pas qu'ils soient réservés pour une 
résurrection différente, c'est tout simplement que 
l'Apôtre ne s'occupe pas d'eux dans ce passage. Pour 
lui il ne connaît qu'une résurrection. I Cor., xv, 51. 
Ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d'abord, 
puis les vivant» seront emportés dans les nuées à la ren- 
contre du Christ, pour être toujours avec lui. I Thés., 
iv, 16-17. Ici encore saint Paul procède par prétention,, 
en ne faisant pas mention des méchants, mais il écarte 
formellement toute idée de royaume terrestre : ce n'est 
pas le Christ qui vient régner sur la terre, ce sont ses- 
élus, morts et vivants, qui sont emportés dans les hau- 
teurs, pour n'être plus séparés de lui. — Saint Pierre 
suppose, dans les derniers temps, un bouleversement 
de la terre qui ne permettrait pas d'y fonder un royaume: 
temporel. II Pet., m, 5-7, 10-13. Sans doute, il attend 
« de nouveaux cieux et une nouvelle terre » ; mais quand 
le jugement sera déjà passé. Il ne s'agit donc pas d'un 
régne antérieur à ce jugement. Ces cieux et cette terre 
sont le royaume éternel. — 3. C'est l'Apocalypse de 
saint Jean qui semble fournir aux millénaristes chrétiens 
le meilleur appui pour leur système. L'apôtre dit que 
l'ange qui a la clef de l'abîme lie Satan pour mille ans. 
et le jette dans l'abîme, d'où il ne doit être remis en 
liberté qu'au bout de mille ans, pour un peu de temps. 
Pendant ces mille ans, ceux qui n'ont pas reçu le carac- 
tère de la bête vivent et régnent avec le Christ. Us ne 
régnent ainsi qu'après la première résurrection, qui les 
exempte de la seconde mort. Au bout de ces mille ans, 
Satan revient pour séduire les nations; mais bientôt il 
est rejeté dans l'abîme avec le faux prophète pour les 
siècles des siècles. Apoc, xx, 2-7. A première vue, il 
paraît être ici question d'un règne temporel de mille 
ans, réservé aux fidèles serviteurs du Christ, entre deux 
agressions de Satan. C'est à peu près l'idée que les 
Juifs se faisaient de ce règne. Seulement saint Jean rap- 
porte au Christ Jésus ce que les Juifs attribuaient à leur 
Messie encore à venir. Le vrai sens du texte de l'Apoca- 
lypse ne favorise pourtant pas l'hypothèse du régne tem- 
porel. Ce sens, dégagé peu à peu, a été fixé à la suite des 
discussions auxquelles le texte apocalyptique donna lieu. 
II. Le texte de l'Apocalypse. — 1° Il est incontes- 
table que le livre de l'Apocalypse est rempli de symboles, 
d'allégories et de métaphores. La plupart de ces éléments 
sont empruntés aux anciens prophètes, surtout à Isaïe et 
à Daniel, el même aux apocalypses juives, particulière- 
ment au livre d'Hénoch, à tel point que quelques-uns 
se sont demandé si l'œuvre de saint Jean ne serait pas 
une adaptation chrétienne de documents juifs. Cf. Apo- 
calypse, 1. 1, col. 754. Ces emprunts de l'auteur au sym- 
bolisme juif, tant biblique qu'apocryphe, sont manifestes. 
La teneur même de son livre avertit donc dés l'abord 
qu'il ne faut pas s'en tenir au sens littéral, et que, pour 
entendre un passage à la lettre, il faut avoir des raisons 
très positives. Autrement ce serait tomber dans la même 
erreur que les Juifs dans l'interprétation des anciennes 
prophéties. Or les raisons qui pourraient obliger à in- 
terpréter littéralement le passage sur le règne de mille 
ans font défaut. — 2° Tout d'abord, la durée précise de 
mille ans de règne doit mettre en garde contre une 
interprétation littérale. Cette mention est de telle impor- 
tance, si on l'entend à la lettre, qu'il faut nécessairement 
que quelque chose lui corresponde dans le quatrième 
évangile. Or il n'en est rien. Dans l'entretien qui pré- 
cède la résurrection de Lazare, Marthe fait profession 
de sa foi en la résurrection, « au dernier jour. » Le 
Sauveur n'ajoute rien, sinon pour déclarer qu'il est 
lui-même le principe de toute résurrection. Joa., xi, 24r 



1093 



MILLÉNARISME 



1094 



26. Après U dernière Cène, Notre-Seigneur parle des 
demeures multiples qui sont dans la maison de son Père; 
il va en préparer une à chacun de ses apôtres, puis il 
reviendra pour les prendre avec lui. Joa., xiv, 2, 3. Où 
les emmènera-t-il? Dans cette maison de son Père dont 
il vient de parler, dans le ciel. La parole adressée au 
sujet de saint Jean : « Si je veux qu'il demeure jusqu'à 
ce que je vienne...,» Joa., xxi, 22, suppose une venue 
du Christ au moment de la mort naturelle de chacun, 
d'après Joa-, xiv, 3, ou une manifestation quelconque 
de sa puissance, comme la ruine de Jérusalem ou la pro- 
pagation merveilleuse de l'Évangile. Cf. Matth., XVI, 28; 
Marc., vin, 39; Luc, IX, 27. Mais il n'y a pas là d'allusion 
à l'inauguration d'un règne temporel, et l'apôtre avertit 
lui-même «lue les paroles du Maître ne signifient pas : 
s. Il ne mourra pas. » Joa.,xxi, 23. — Dans l'Apocalypse 
même, on trouve des manières de parler comme celles- 
ci : « Au vainqueur, je donnerai à manger de l'arbre de 
vie, qui est dans le paradis de mon Dieu. s Apoc, H, 7. 
« Le vainqueur n'aura rien à craindre de la seconde 
mort. » Apoc, H, 11. « Au vainqueur,... je donnerai 
pouvoir sur les nations,.., comme moi-même j'en ai reçu 
le pouvoir de mon Père. » Apoc, h, 27. Le sens de ces 
expressions symboliques est expliqué par cette autre 
sentence : « Celui qui vaincra, je le ferai asseoir avec 
moi sur mon trône, comme moi aussi j'ai vaincu et me 
suis assis avec mon Père sur son trône. » Apoc, m, 21. 
Or ce trône du Père est dans le ciel; ce n'est pas le 
trône d'un royaume temporel. Le trône de Dieu, dressé 
dans le ciel, est ensuite décrit. Apoc, iv, 2-11. Puis 
viennent différentes scènes préparant le jugement. Apoc, 
vi, 1-17. Immédiatement après, les élus sont introduits 
devant le trône de Dieu et devant l'Agneau. Apoc, vu, 
9-17. Aucune mention n'est faite d'un règne temporel 
intermédiaire. D'autres symboles représentent la même 
idée. Ce sont les âmes vierges'qui sont auprès de l'Agneau 
et l'accompagnent partout. Apoc, xiv, 1-5. C'est, dans 
le ciel, la grande voix de la foule immense qui célèbre 
la chute de Babylone. Apoc, xix, 1-8. Jusqu'ici, les 
scènes décrites par l'apôtre se déroulent sur deux thé- 
âtres, la terre, qui est celui de la lutte, et le ciel, qui 
est celui de la récompense. Dans une nouvelle vision, 
saint Jean introduit la mention de ce règne de mille ans 
réservé aux fidèles disciples du Christ, et au bout duquel 
Satan reprend sa liberté pour tâcher de séduire les 
nations. — 3° Avant tout, il faut se rappeler que ce texte 
est prophétique et qu'en général les prophéties attendent 
de l'événement leur meilleure explication, parfois même 
la seule qui soit possible. Aussi leur sens obvie n'est-il 
pas toujours celui qu'il faut préférer; si ce sens, clair 
en apparence, n'est pas en harmonie avec d'autres pro- 
positions certaines de l'Écriture, c'est qu'il n'est pas le 
vrai. Voir Herméneutique, 4 e règle, t. m, col. 618. Il 
faut remarquer ensuite, dans le passage en question, 
des manières de parler qui ne sauraient être entendues 
à la lettre, la clef de l'abîme, la grande chaîne, la porte 
scellée pendant mille ans. Apoc, xx, 1-3. Mais surtout 
les fidèles qui doivent prendre part au règne de mille 
ans sont des décapités, des morts, favorisés d'une première 
résurrection et n'ayant pas à craindre une seconde mort. 
Apoc,xx,4-€. Il est difficile d'admettre qu'ils règnentmille 
ans avec le Christ en corps et en âme, car saint Jean nïT^ 
le dit pas; Jésus-Christ a déclaré au contraire qjftl 
ressusciterait ses enfants « au dernier jour », Joa., vi, 
39, 44, c'est-à-dire immédiatement avant le jugement. 
Saint Jean qui a consigné cet enseignement dans son 
Évangile ne peut le contredire ici; d'autre part, le règne 
de mille ans ne coïncide pas avec le dernier jour, puis- 
que doit se produire ensuite, à l'instigation de Satan, 
une nouvelle insurrection des nations contre le Christ. 
Apoc, xx, 7-9. Ce sont donc seulement des âmes qui 
tègnent avec le Christ durant mille ans. Dès lors, com- 
ment ce règne peut-il être entendu d'un règne temporel ? 



— Tout s'explique au contraire avec une harmonie 
suffisante si l'on interprète ce passage allégoriquement. 
Le démon est lié une première fois par la venue du 
Christ sur la terre, Joa., xii, 31, et par le pouvoir laissé 
à l'Église. Les mille ans désignent le temps qui doit 
s'écouler entre la venue du Christ et l'apparition de 
l'Antéchrist. Les âmes des martyrs et des saints sont 
celles qui, après une première mort, celle du corps, 
entrent dans la bienheureuse éternité, passage qui est 
appelé première résurrection. Il est à noter d'ailleurs 
que saint Jean ne place ni à Jérusalem ni sur la terre 
le règne de mille ans. La seconde mort est celle de 
la damnation qui frappera les impies. Enfin le dernier 
assaut de Satan et des nations contre le Christ sera le 
règne persécuteur mais éphémère de l'Antéchrist. « Con- 
cluons donc que tout ce qu'on dit de ce règne de mille 
ans, pris à la lettre, engage à des absurdités inexplicables; 
que le Fils de l'homme ne viendra plus visiblement 
qu'une fois, lorsqu'il paraîtra en sa gloire sur une nuée, 
et que ceux qui l'auront percé le verront prêt à les 
juger; que, lorsqu'il viendra en cette sorte, il ne sera 
pas mille ans à tenir ses saints sur la terre; qu'il pro- 
noncera aussitôt son irrévocable jugement et ira régner 
éternellement dans le ciel.» Bossuet, Explic. de l'Apo- 
calypse, part, il, c xx, Réflexion sur l'opinion des millé- 
naires, Bar-le-Duc, 1870, t. h, p. 276. Cf. Hurter, Tkeolog. 
dogmat. compend., Insprûck, 1879, t. m, p. 527-533. 
Est-ce bien ce second sens qu'il faut préférer au premier, 
au sens littéral conforme à l'idée juive? C'est aux Pères 
à le dire, d'après une autre règle d'herméneutique. 
Voir t. m, col. 625. 

III. Le millénarisme et les Pères. — 1° Le milléna- 
risme se présenta tout d'abord sous une forme assez 
grossière avec l'hérésiarque Cérinthe, qui, s'inspirant 
surtout des apocalypses juives, rêvait d'un règne du 
Christ à Jérusalem, durant lequel ses fidèles pourraient 
s'adonner à la fois à tous les plaisirs de la chair et aux 
fêtes liturgiques. Eusèbe, H. E, m, 28 ; vu, 25, t. xx, 
col. 270, 694, qui parle de ce système d'après Caïus et 
Denys d'Alexandrie, rappelle l'observation de ce dernier 
rapportant que plusieurs croyaient l'Apocalypse com- 
posée par Cérinthe lui-même, sous le nom supposé de 
saint Jean, en faveur de son système. Voir Apocalypse, 
t. i, col. 742-743. II est plus que douteux que Cérinthe 
ait emprunté ses principales inspirations à l'œuvre de 
saint Jean, dans laquelle il apparaît trop clairement que 
« le royaume de Dieu n'est ni le manger ni le boire ». 
Rom., xiv, 17. Sa conception est bien plutôt juive. 
Duchesne, Les origines chrétiennes, Paris, 1878-1881, 
lithog., p. 53, 54, pense que Caïus, dont Denys d'Alexan- 
drie ne fait que reproduire l'assertion, accuse Cérinthe 
de millénarisme plutôt par raisonnement que par tra- 
dition, sans que pourtant la théorie millénariste ait lieu 
d'étonner chez l'hérésiarque. Le millénarisme matéria- 
liste et judaïque de Cérinthe fit horreur à l'Église. — 
2° L'Épitre de Barnabe, vu, 13, pose en principe que 
Dieu exécute la fin des choses sur le modèle de leur 
commencement, et l'auteur en conclut que mille ans du 
règne glorieux succéderont à six mille ans de durée du 
monde, comme le septième jour aux six autres. Barn., 
xv, 4-8. — En Asie Mineure, l'évêque d'Hiérapolis, Papias, 
professait le millénarisme. A ce sujet, Eusèbe, H. E., 
m, 39, t. xx, col. 300, l'accuse de médiocrité intellectuelle 
et ajoute que, s'il a été suivi, c'est à cause de son an- 
cienneté. Cf. S. Jérôme, De vir. illust., 18, t. xxm, 
col. 637. Mais le vieil auteur ne faisait que refléter les 
idées qui avaient cours dans son milieu et qui, après 
lui, furent admises par des esprits qu'on ne peut taxer 
de faiblesse. — Saint Justin déclare qu'il croit avec 
beaucoup d'autres au règne de mille ans, bien que de 
pieux chrétiens pensent différemment. Il appuie son 
opinion sur Isaïe, lxv, 17-25, et sur le texte de l'Apoca- 
lypse. Il va jusqu'à dire que le millénarisme est une 



1095 



MILLÉNARISME 



1096 



opinion de tons points orthodoxe. Dial. cum Tryph., 
80-81, t. vi, col. 664-669. - Saint Irénée, Adv. hmres., 32- 
35, t. vil, col. 1210-1221, croit que le inonde doit durer 
six mille ans et qu'ensuite viendront les mille ans du 
Christ. Il se référé à l'autorité de Papias et invoque des 
textes d'Isaïe, xxvi, 9; xxx, 25; lvhi, 14; de Jérémie, 
Xxm, 7; d'Ezéchiel, xxvm, 25; xxxvn, 12, et même de 
saint Matthieu, xix, 29. — Tertullien, Adv. Marc., m, 
24, t. h, col. 355-356, admet le règne de mille ans et dit 
qu'il a traité ce sujet dans un livre. De spe fidelium, 
aujourd'hui perdu. Il invoque le témoignage d'Ezéchiel, 
XLViii, et de l'Apocalypse, xh, sur la nouvelle Jérusalem- 
Devenu montaniste, il ne s'en attacha que plus étroi- 
tement à une opinion que professaient les sectateurs de 
Montan. Il repoussait pourtant l'idée platonicienne, 
d'après laquelle les hommes, après un long séjour dans 
la tombe, doivent revivre pour contribuer à la recons- 
titution de la race humaine. De anima, 30, t. n, col. 700. 
Cf. Platon, Respub., x; Phed., trad. Callet, Paris, 1845, 
p. 187, 492. — Méliton de Sardes pense que l'empire 
romain, converti au christianisme, établira un jour le 
règne millénaire. Cf. Eusèbe, H. E., IV, 26, t. xx, col. 393. 

— 3° La réaction contre le millénarisme fut portée à 
l'excès par les Aloges, qui allèrent jusqu'à attribuer à 
Cérinthe le quatrième Évangile et l'Apoealyse, pour mieux 
combattre les théories que les Montanistes en tiraient. 
Cf. S. Épiphane, Hier, u, 2, t. xli, col. 892. Il faut 
avouer du reste que la faveur accordée par ces derniers 
au millénarisme contribua puissamment à le discréditer. 

— S. Cyprien, malgré ses attaches avec Tertullien, ne 
dit mot des idées millénaristes de celui-ci et se contente 
d'affirmer que les âmes justes passent directement de ce 
monde à l'éternité bienheureuse. De moHal.,ii, 15, t. iv, 
col. 592. — A Rome, au début du iii e siècle, Caïus dispute 
contre le montaniste Proclus et combat le millénarisme 
de Cérinthe. Cf. Eusèbe, H. E., vi, 20, t. xx, col. 572; 
S. Jérôme, De vir illust, 59, t. xxiu, col. 670; Théodo- 
ret, Hseret. fabul., it, 3, t. lxxxiii, col. 389. Il semble 
qu'il rejetait l'Apocalypse. Saint Hyppolyte, partisan 
décidé du millénarisme, s'applique à combattre Caïus. Cf. 
Ebed-Jesu, Capita adversus Caium, dans Gry, Le mil- 
lénarisme, Paris, 1904, p. 91-95. — Clément d'Alexandrie 
ne touche pas à la question; mais Origène, avec sa 
méthode allégorique, voit du plus mauvais oeil le millé- 
narisme, et, à travers bien des théories qui lui sont 
personnelles, conclut que les parfaits vont droit de la 
terre au ciel. De princip., II, xi, 2, 6,7, t. xi, col. 241, 
246. — Avec saint Méthode, l'idée millénariste se modifie : 
c'est seulement après le jugement que les justes doivent 
goûter sur la terre un repos de mille ans avec le Christ. 
Sympos., ix, 1, 5, t. xvm, col. 178. — Au milieu du 
m e siècle; Népos, évêque d'Àrsinoé, en Egypte, compose 
un Elenchus contre l'interprétation allégorique d'Origène 
et cherche à remettre en faveur les théories millénaristes. 
Denys d'Alexandrie le réfute avec succès, mais, dans ce 
but, sacrifie la composition de l'Apocalypse par l'apôtre 
saint Jean. Cf. Eusèbe, H. E., vu, 25, t. xx, col. 696. 
Saint Jérôme, In Is., xxui, t, xxiv, col. 627, dit qu'Apol- 
linaire de Laodicée réfuta Denys; saint Épiphane, Bmr. 
Lxxril, 36, t. xlii, col. 696, ne croit pas qu'Apolli- 
naire ait soutenu les idées millénaristes; mais le con- 
traire est certain, puisque Vitalius et ses partisans 
suivaient les doctrines chiliastes d'Apollinaire. Cf. S. 
Grégoire de Nazianze, Ep. en ad Cledon., t. xxxvn, 
col. 197. — Bientôt la paix de l'Église et d'autres discas- 
sions autrement graves firent tomber dans l'oubli les 
doctrines du millénarisme en Orient. Au concile d'Êphèse, 
on ne les traitait plus que de « rêveries » et de « fables ». 
Labbe, CoU. teme., t. m, p. 837. — 4» En Occident, le 
millénarisme est encore professé par Lactance, Divin. 
Institut., vu, 21, t. vi, col. 808; Jules Hilarien, Libel. 
de durât, tnùndi, 18, t. nu, col, 1105; Commodien, 
Carmen apot;, 14, t. v, col. 235; saint Ambroise, 



De bono mortis, 45-47, t. xrv, col. 560, qui s'appuie 
sur le quatrième livre d'Esdras, In Ps. t, 51-56, 
t. xiv, col. 951; In Ps. csrm, 3, 16, t- *▼> col. 1228; 
Victorin de Pettau, au rapport de saint Jérôme, De vir. 
illust., 18, 74, t. xxiii, col. 638, 684, car son commentaire 
de l'Apocalypse, t. v, col. 317, a été retouché; Sulpice 
Sévère, Dial, Gallns, n, 14, t. xx, col. 211, Cf. S. Jé- 
rôme, In Ezech., xxxvi, t. xxv, col. 339. — Là s'arrê- 
tèrent les conquêtes de l'idée millénariste. A l'exemple 
d'Eusèhe, In Is., lxv, 23, t. xxi, col. 513, de saint Cyrille 
d'Alexandrie, In Is., lxv, 10, t. lxx, col. 1420, etc., qui 
reconnaissent dans l'Église la Jérusalem nouvelle des 
prophètes, saint Jérôme est très ferme contre le millé- 
narisme, sans toutefois le condamner absolument, à 
cause des saints et savants personnages qui l'ont pro- 
fessé. In Is., xvin, t. xxiv, col. 627. Il reproche à ses 
partisans leurs conceptions terrestres et judaïques, In 
Is., lxvi, t. xxiv, col, 627, 651 ; In Ezech., xvm, 15, 
t. xxv, col. 339. Il explique que les prophéties d'Isaïe 
ont pour terme l'Église, In ls., i, 1; xm, 18; liv, 13; 
lxv, 13, t. xxiv, col. 23, 205, 526, 641, et que 
l'Apocalypse doit être entendue dans le même sens. In 
Is., xxx, 26, t. xxiv, col. 350. 11 ne se dissimule pas que 
son interprétation ne sera pas du goût de tous, mais il 
a conscience d'être dans le vrai en se tenant entre deux 
excès opposés, le millénarisme judaïque et charnel et 
l'hérésie qui nie la résurrection des corps. In ls., xvm, 
t. xxiv, col. 627. — Saint Augustin avait d'abord admis 
le règne de mille ans. De civ. Dei, xx, 7, t. xli, col. 667; 
Sertn. ceux, 2, t. xxxvm, col. 1197. Il se rattachait 
par là à son maître saint Ambroise. Mais ensuite, étudiant 
de plus près le chapitre xx de l'Apocalypse, il reconnaît 
et enseigne que, des deux résurrections dont parle saint 
Jean, la première doit s'entendre de la conversion des 
âmes et la seconde seule a pour objet les corps. Quant 
à la période millénaire, elle représente simplement le 
cours actuel des choses. De civ. Dei, xx, 6, 7, t. xli, 
col. 665-668. — S. Grégoire reproduit la même idée. 
Moral., xxxii, 22, t. lxxvi, col. 649. — Mais déjà l'hypo- 
thèse millénariste est discréditée en Occident comme en 
Orient, et le décret de Gélase range parmi les « apocry- 
phes » les écrits de Népos, de Tertullien, de Lactance, 
de Montan, de Commodien, de Victorin, etc., qui l'ont 
patronnée. Labbe, CoU. conc., t. ix, p. 1264. — 5» Le dé- 
cret de Gélase, à le supposer authentique, est le seul 
acte officiel par lequel l'Église ait stigmatisé le milléna- 
risme. Ce système disparut de lui-même devant l'argu- 
mentation des Pères et aussi quand la conversion du 
monde et d'autres questions théologiques beaucoup plus 
graves détournèrent les esprits de l'attente par trop 
judaïque d'un règne temporel du Christ. Il n'y a donc 
pas d'accord général, ni surtout définitif des Pères en 
faveur du règne temporel. C'est l'explication allégorique 
et spiritua liste du texte apocalyptique qui a prévalu. 
L'accord unanime s'est fait depuis longtemps dans ce 
sens. L'interprétation spirituelle des passages eschato- 
logiques d'Isaïe et de l'Apocalypse ne peut plus être 
écartée et maintenant fait loi dans l'Église. — 6° Au xvi» 
siècle, les anabaptistes et les mennonites ressuscitèrent 
le rêve millénariste et prétendirent établir e. le royaume 
de Dieu sur la terre ». Théoriquement, la conception 
chiliaste fut reprise au xix e siècle par des luthériens 
allemands et, au moins en partie et avec certaines mo- 
difications, par quelques catholiques, Pagani, The End 
of the World, 1856; Schneider, Die chiliast. Doctrin, 
1859; Chabauty, Avenir de l'Église catholique selon le 
plan divin, 1890; Rohling, de Prague, En route pour 
Sion, trad. franc, de Rohmer, 1902, etc. L'ouvrage de 
Chabauty a été mis à l'index le 13 décembre 1896. Cf. 
Le canoniste contemporain, Paris, 1897, p. 120. 

Voir J. C. Romig, De chiliasmb prxsenti, dans le 
Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. n, p. 1042- 
1054; Corcodi, Gescfcic/ite des Chillasmus, Zurich, 1794; 



1097 



MILLËNARISME — MIMOSA DU NIL 



1098 



Klee, Tentant, theol. de Chiliasmo, Mayence, 1825; 
Lafosse, De Deo ac divin, altribulis, q. IV, a, 2, dans le 
Theol. curs. complet, de Migne, Paris, 1841, t. vu, 
col. 179-183; J.B. Kraus, Die Apokatastasis, Ratisbonne, 
1850; Veit, Script, sacr. contra ineredul. propugnata, 
IX, II, 2, dans le S. S. curs. complet, de Migne, Paris, 
•1857, t. iv, col. 1117-1119; Schneider, Die ehiliast. Doc- 
trin, Schaffouse, 1859; Franzelin, De divina Tradi- 
tions, Rome, 1875, th. xvi, p. 191-206; Drach, Apoc. de 
S. Jean, Paris, 1873, p. 24-29; Atzberger, Die chrislli- 
che Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung, 
Fribourg, 1890; Chabauty, Avenir de l'Église catholique 
selon le plan divin, Poitiers, 1890; Gunkel, Sclwpfung 
und Chaos, Urzeit und Éndzeit, Gœttingue, 1895; 
Terrien, La grâce et la gloire, Paris, 1897, t. n, p. 405- 
413; Bousset, Der Antichrist, Gœttingue, 1895; Ermoni, 
Les phases successives de l'erreur millénariste, dans la 
Revue des questions historiques, 1 er oct. 1901 ; Prager, 
Dos iausendjâhrige Reich, Leipzig, 1903; Turmel, Hist. 
de la théol. positive, Paris, 1904, p. 183-185; L. Gry, 
Le millénarisme dans son origine et ses développe- 
ments, Paris, 1904. H. Lesêtre. 

MILLET, MIL (hébreu : dôhan, Ezech., iv, 9; Sep- 
tante : xéYxpoîJ Vulgate : milium), graminée et graine 
de cette plante. 

I. Description. — Herbe originaire de l'Inde, mais 
cultivée dans toutes les régions chaudes et tempérées du 




288. — Panicum miliaceum. 



globe pour ses graines farineuses qui restent incluses 
entre les glumelles soudées. La couleur en est très diverse, 
rouge, jaune ou blanche. La plante, par ailleurs, varie peu. 
Le Vamcum miliaceum de Linné (fig. 288) appartient à 
la série des Graminées saccharifères où l'épillet com- 



prend une seule fleur fertile et terminale avec le rudi- 
ment de fleurs stériles vers la base. La glume inférieure 
est très réduite, et les glumelles fructifères atteignent la 
consistance du parchemin. Les feuilles élargies et étirées 
en pointe ont à la base du limbe une rangée de cils ser- 
vant de ligule. La panicule très ample, formée de ramifica- 
tions longues et onduleuses, incline son sommet à la matu- 
rité. Le caryopse est ovoïde, marqué de o stries. Toute 
la plante est recouverte de poils; la tige annuelle et de 
croissance rapide peut dépasser un mètre de hauteur, 
et se ramifier vers le sommet. F. Hv. 

II. Exégèse. — Le dôhan est le nom hébreu du millet, 
Panicum miliaceum, encore aujourd'hui appelé dohn, 
£j=2-, par les Arabes. C'est le même nom dans les langues 

voisines, dôhan, dohînâ" en chaldéen, duhno' en syriaque. 
DoA<*rc,ditKimchi, est ce qu'on appelle mîliyon (milium, 
millet). Celsius, Hierobotanicon, in-8», Amsterdam, 
1748, t. i, p. 454. La traduction des Septante, Ezech., iv, 

9, y.éyxpo;, et de la Vulgate, milium, donne exactement 
le même sens. En ce passage, Ezéchiel reçoit l'ordre de 
se nourrir pendant 390 jours d'un pain fait de fro- 
ment d'orge, de fève, de millet et d'épeautre. Dans cette 
prophétie symbolique, ce mélange forcé de froment 
qui vient à manquer avec des graines de nature infé- 
rieure, exprimela misère et la détresse où seront réduits 
les captifs après la ruine de Jérusalem. Le millet est 
cultivé de nos jours en Palestine, comme en Egypte et 
en général dans l'Orient. On n'a pas jusqu'ici de preuves 
matérielles très certaines de la culture de cette graminée 
dans l'ancienne Egypte et la Babylonie. Unger, P/lanzen 
des alten Aegyptens, in-8°, 1859, Vien ne , s'appuyant sur u n 
passage d'Hérodote, croyait à son existence dans l'ancienne 
Egypte : mais les monuments et les tombeaux n'ont 
encore donné ni dessin ni graine : on a tout lieu de 
conjecturer cependant une ancienne culture du Pani- 
cum miliaceum. A. de Candolle, Origine des plantes 
cultivées, in-8°, Paris, 1886, p. 320. « On fait diverses 
sortes de pain avec le millet, » dit Pline, H. N., xvm, 

10. Il servait surtout à la nourriture des pauvres. — Le 
nom de dohn a été souvent appliqué en Egypte et chez 
les Arabes à des plantes voisines du millet, à certaines 
espèces de sorgho. A la suite de Pline, H. N., xvm, 
10, Prosper Alpin, Hist. nat. Mgupli, in-8», Leyde, 1735, 
t. I, p. 176, appelle le sorgho millet d'Ethiopie. Aussi 
est-il probable que sous le nom de dôhan, doivent être 
comprises quelques espèces de sorgho. Voir Sorgho. — 
Les Septante, suivis par Aquila et Théodotion, traduisent 
par xsyxpoî, « millet, » le mot hébreu îdd:, nismân, dans 

Isaïe, xxvm, 25. La Vulgate fait de même et rend ce mot 
par milium, mais nismân est un participe se rappor- 
tant au mot orge (se'ôrâh) qui précède et signifiant 
rangé à sa place. Le sens de ce passage est donc celui- 
ci : Le laboureur « ne met-il pas le froment en ligne, 
l'orge à sa place marquée, et l'épeautre en bordure »? 

E. Levesque. 
MILLO. Voir Mei.i.o. 

MIMOSA DU NIL, espèce de petit acacia que cer- 
tains auteurs, comme H. B. Tristram, Natural Historij 
of the Bible, 8« édit., Londres, 1889, in-12, p. 392, iden- 
tifient avec le mol hébreu senéh, Exod., m, 2, 3, 4; Deut. 
xxxm, 6, que les Septante rendent par giroç et la Vulgate 
par rubus, le buisson ardent, t. I, col. 892. Leur prin- 
cipale raison est tirée de la similitude du nom hébreu 
senéh avec le nom égyptien de l'acacia, Sent. Or, le 
mot égyptien ne rappelle en aucune façon senéh, mais 
bien Httdh, Hltim, nom hébreu de l'acacia, où le nun 
s'est assimilé par un daguesch avec le teth, 1. 1, col. 1969. 
Le senéh est une espèce d'aubépine, la Cratsegus sinai- 
tica, assez abondant dans la péninsule sinaïtique. Voir 
Buisson ardent, t. i, col. 1969-1970, et Acacia, t. i, 
col. 102. , E. Levesque. 



1099 



MINE 



1100 



1. MINE (grec: [UT(i}.}.a; Vulgate : métallo), gisement 
de minéraux exploités au moyen d'excavations dans la 
roche ou le sol. 

1° En Palestine. — Il est dit au Deutéronome, vm, 9, 
que dans le pays de Chanaan les pierres sont du fer et 
qu'on y taille le cuivre dans les montagnes. Celte indi- 
cation termine une énumération dans laquelle tous les 
termes sont pris au sens propre ; il est donc difficile 
de les entendre métaphoriquement de pierres dures 
comme du fer, la métaphore ne pouvant d'ailleurs s'ap- 
pliquer ensuite au cuivre taillé dans les montagnes. 
Toutefois, il ne suit pas de là que la Palestine ait été à 
proprement parler un pays minier; on ne peut croire 
non plus que l'écrivain sacré ait voulu faire allusion à 
des mines cachées, que les Israélites n'ont jamais décou- 
vertes. De telles mines ne pouvaient constituer pour eux 
une richesse. Dans la bénédiction d'Aser, il est bien dit 
aussi : « Que tes verroux (Vulgate : calceamentum) 
soient de fer et d'airain. » Deut., xxxm, 25. Il ne ré- 
sulte pas davantage de ce texte que le territoire d'Aser 
ait renfermé des minerais de fer et de cuivre. C'était 
une riche contrée; Aser devait « plonger son pied dans 
l'huile ». Deut., xxxm, 24. Il lui était donc aisé de se 
procurer les métaux par des échanges avec les Phéni- 
ciens, ses voisins immédiats. Cf. Wichmanushausen et 
E. Cob, Aser metallifossor, dans le Thésaurus de Hase 
et Iken, Leyde, 1732, t. i, p. 449-470. Du désert de Tib à 
Hébron, il. est vrai, et ensuite à l'est et au nord-est de 
Jérusalem, en Samarie, en Galilée, dans le Liban et 
PHermon, la dolomie qui se mêle parfois au calcaire 
néocomien contient des pyrites de fer. Cf. Tristrarn, 
The natwal history of the Bible, Londres, 1889, p. 19. 
Mais en fait, il n'y avait pas de mines de fer ni de cuivre 
dans la Palestine proprement dite. Voir Cuivre, t. n, 
col. 1157; Fer, t. h, col. 2207. On n'a trouvé de minerais 
de fer que dans le Liban. Cf. Volney, Vogage en Egypte 
et en Syrie, Paris, 1823, t, i, p. 233; Russegger, Reisen 
in Europa, Asien und Africa, 1841-1849, t. i, p. 693; 
t. m, p. 284. A Deïr el-Kamar, à vingt kilomètres au sud 
de Beyrouth, des Juifs exploitaient encore naguère le mine- 
rai de fer du Liban et en fabriquaient des fers à cheval 
qu'on expédiait dans toute la Palestine. Cf. Schwarz, 
Dos heilige Land, 1852, p. 323. À l'est de la même ville, 
dans les montagnes du Kesrouan, d'autres mines sont 
exploitées, particulièrement à Masra. La malléabilité du 
fer qu'on y trouve le fait préférer au fer étranger pour 
la clouterie et les menus ouvrages. Cf. Chauvetet Isam- 
bert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 87. Mais ces mines 
n'étaient pas au pouvoir des anciens Israélites. Josèphe, 
Bell, jud., IV, vin, 2, donne à la chaîne montagneuse qui 
s'étend du nord au sud à l'est du Jourdain le nom de x<S 
oi57ipoCv xaXoijjjLEvov opô;, « la montagne qu'on appelle de 
fer. s A quelque distance au sud-ouest du village de Bour- 
mah, situé sur le Jaboc, entre le Jourdain et Gérasa, voir 
la carte de Gad, t. m, col. 28, on a retrouvé en effet les 
trous d'une ancienne exploitation de minerai de fer. Il 
,y a là un grés très ferrugineux qu'on a recommencé à 
exploiter à plusieurs reprises au siècle dernier. Cf. 
Wetzstein, dans Frz. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, 
1876, p. 358. Le basalte abonde dans la région monta- 
gneuse de la Palestine; il renferme une forte proportion 
d'oxyde de fer, mais cet oxyde n'est pas exploitable pour 
fournir le métal. Voir Basalte, 1. 1, col. 1485. Les raines 
de cuivre n'existaient pas non plus en Palestine. H y en 
a une à Antabès, au nord d'Alep, mais elle n'est pas 
exploitée. On tirait beaucoup de cuivre de Phunon, en 
Idumée, entre Pétra et Soar. Cf. Reland, Paleestxna illu- 
slrata, Utrecht, 1714, p. 951 ; Revue biblique, 1898, p. 114. 
La grande quantité de cuivre que David prit à Adarézer, 
I Par., xviu, 8, prouve au moins qu'en Syrie l'on n'était 
pas en peine pour se procurer ce métal. Il résulte de 
ces constatations que le texte du Deutéronome, vin, 9, 
doit s'entendre dans ce sens assez large que les Israé- 



lites auraient toute facilité pour trouver autant de fer 
et de cuivre qu'ils voudraient dans le pays de Chanaan, 
soit par des échanges, soit par une action directe sur 
les mines des régions limitrophes, qui d'ailleurs furent 
assez souvent soumises à leur domination. 

2° Dans la péninsule sinaîtigue. — L'auteur du livre 
de Job, xxvni, 1-2, parle de mines d'argent, d'or, de 
fer et de cuivre. Il fait sans doute allusion à différentes 
exploitations connues de lui dans le Liban, les monts 
de Galaad, l'Idumée, etc., et à celles des Égyptiens en 
Nubie, au Pouanit, et dans d'autres pays, voisins de la mer 
Bouge, d'Où ils tiraient l'or. Voir Or. Mais sa description 
parait viser spécialement les mines de cuivre et de tur- 
quoises que les Égyptiens exploitaient dans la presqu'île 
sinaïtique. Voir Cuivre, t. h, col. 1157. Dans les flancs 
d'une vallée de la presqu'île, située à l'ouest, à peu près 
à mi-chemin entre les sources de Moïse et la pointe méri- 
dionale, et appelée ouadi Maghara, « vallée de la 
caverne, » les Monltou, qui fréquentaient anciennement 
ces parages, avaient découvert des veines de minerais 




289. — Le pharaon Snéfrou aux mines du Sinaï. 
D'après Lepsius, Denlimâter, Abt. il, Bl. 2. 

métalliques et des gisements de pierres précieuses, parti- 
culièrement de turquoises, qu'ils se mirent à extraire 
et à exporter sur les bords du Nil. Ces objets excitèrent 
la convoitise des Égyptiens, qui organisèrent des expé- 
ditions pour aller exploiter la mine à leur profit. Un roi 
de la III e dynastie, Zosiri, parait s'être occupé le premier 
de mettre la main sur la mine. Snofrou, premier roi de 
la IV e dynastie, organisa plus sérieusement l'exploitation 
et prit des mesures efficaces pour écarter par la force 
les premiers occupants. Sur une tablette qui se voit 
encore au versant nord-ouest de l'ouadi, Snofrou est repré- 
senté tenant de la main droite une massue avec laquelle 
il va frapper un Bédouin terrassé (flg. 289). Cf. Lepsius, 
Denkm., h, 2. Un autre bas-relief montre son succes- 
seur, Chéops, dans la même attitude. Les Égyptiens 
appelaient mafka ou mafkait le produit qu'ils venaient 
chercher dans ces parages ; la déesse Hâthor était dans 
le pays la dame du mafka, et la mine ou baît se trouvait 
dans la région des grottes ou bibît. En quelques heures, 
les ouvriers pouvaient transporter les produits de l'ex- 
ploitation jusqu'au rivage, dont ils n'étaient séparés que 
par une rangée de hauteurs et une plaine étroite. Pour 
se mettre à l'abri des bandes de Monltou, ils se retiraient, 
quand c'était nécessaire, dans une sorte de village 
fortilié, bâti sur le sommet d'un petit monticule à pic, 
qui se dressait au sud de l'ouadi. Le fond de la vallée 
avait été transformé en lac artificiel au moyen d'un 
barrage. Les galeries d'exploitation de la mine sont 
basses et larges, avec de gros piliers de soutènement 
ménagés dans la roche. Les mineurs détachaient les blocs 



4101 



MINE 



1102 



dans la roche de grès brun, les broyaient en fragments 
et tamisaient le tout. Ils en extrayaient les oxydes de 
cuivre et de manganèse avec lesquels on fabriquait en 
Egypte les émaux bleus de diverses nuances. Jls recueil- 
laient aussi la turquoise, pierre précieuse qui contient 
1 à 5 pour cent de protoxyde de cuivre, et qui, dans la 
mine de Maghara, est d'un beau bleu prenant à l'air et 
à l'humidité une teinte verdâtre. Pour attaquer le grès, 
Jes ouvriers se servaient d'outils de silex ou peut-être 
aussi de bronze. Cf. E. H. Palmer, Tlie Désert of the 
Exodus, Londres, 187^, t. I, p. 197; Revue biblique, 
1896, "p. 627. On retrouve encore sur place d'anciens 
outils de silex, et l'on reconnaît sur le grès la marque 
tracée par des instruments analogues. On voit aussi, à 
certains endroits des galeries, des places noircies par 
la fumée des lampes. De temps en temps, un pharaon 
envoyait un officier avec quelques centaines d'hommes 
supplémentaires, parfois même deux ou trois mille, quand 
il avait besoin d'une production plus considérable. On a 
encore les rapports de quelques-uns de ces officiers. 
Cf. H. S. Palmer, Sinai, Londres, 1878, p. 95-97 ; Mas- 
pero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique, 
t. l, Paris, 1895, p. 354-358; .lullien, Sinaï et Syrie, 
Lille, 1893, p. 75-77. La mine, exploitée avec certaines 
intermittences jusqu'à la fin de la VI dynastie, fut 
abandonnée jusqu'au commencement de la XII e , puis 
reprise et délaissée jusqu'à son abandon définitif après 
Tholhmès III, de la XVIII e dynastie. Dès la XII e dynastie, 
de nouvelles mines avaient été découvertes à trois ou 
quatre heures au nord de l'ouadi Maghara, à Sarabit el- 
Khadim. Deux temples y furent successivement élevés à 
la déesse Hâthor. Bientôt abandonnées, elles furent 
exploitées de nouveau sous la XVIII e dynastie, et ensuite 
sons les rois de la XIX e , Séti I er , Ramsès II, et de la 
XX e , Ramsès III et Ramsès IV. On y trouvait la turquoise 
et les minerais de fer et de cuivre. On voit encore aux 
environs de grands amas de scories provenant de l'ex- 
ploitation. Cf. Lepsius, Briefe aus Aegypten, Aethio- 
pien iïnd der Halbinsel des Sinai, Leipzig, 1852, p. 338; 
Frz. Delitzsch, Das Buch lob, p. 355-357; Vigouroux, 
Mélanges bibliques, Paris, 1882, p. 263-285; Chauvet 
et Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 15-20. On 
a également signalé des mines de cuivre dans l'ouadi 
Razaita, près du mont Habashi. II y. avait là de riches 
veines de métal qui ont dû être très anciennement ex- 
ploitées par les Égyptiens. Cf. E. H. Palmer, The Désert 
of the Exodus, t. i, p. 256. — Les traits qui composent 
la description que Job, xxvin, 3-11, fait du travail des 
mines paraissent empruntés à des exploitations diffé- 
rentes. Le puits que l'on creuse et dans lequel l'ouvrier 
se balance loin des humains, suppose une mine s'enfon- 
çant sous terre et dans laquelle on descend le mineur 
par des cordes. Cf. Pline, H. N., xxxill, proœm. et 4, 21. 
C'est probablement aussi dans d'autres mines que celles 
du Sinaï qu'il fallait empêcher l'eau de filtrer. Mais )à, 
comme dans la plupart des exploitations, il y avait à 
attaquer la roche, à pénétrer dans des profondeurs 
qu'ignoraient les animaux, à bouleverser les entrailles 
du sol comme le feu, qui avait si visiblement tourmenté 
les montagnes voisines de la mer Morte, à creuser des 
canaux dans le roc pour amener l'eau nécessaire au 
lavage du minerai, enfin à tirer dehors, au grand jour,, 
ce qui auparavant était caché dans le sein du sol ou de 
la montagne. Cf. Pline, H. N., xxxm, 4, 21. 

3» En Espagne. — Judas Machabée sut que les Romains, 
par leur prudence et leur patience, avaient mis la main 
sur les mines d'or et d'argent qui étaient en Espagne. 
I Mach., vin, 3. En 201 av. J.-C., après la victoire de 
Zama remportée sur les Carthaginois, la péninsule 
Ibérique était tombée au pouvoir des Romains. Quarante 
ans plus tard, le prince juif pouvait donc les croire 
solidement installés dans ce pays. Voir Espagne, t. n, 
col. 1951. L'Espagne était célèbre parmi les anciens par 



ses richesses minérales. Cf. Pline, H. N., in, 4; Dibdore 
de Sicile, v, 35; Strabon, III, n, 9. La région située au 
sud-est de l'Espagne, entre Carthagène et Almeira, avec 
Cuevas pour centre, est une région argentifère dépuis 
longtemps connue et exploitée, grâce à sa situation lit- 
torale. En 1840, on découvrait encore un riche filon de 
galène argentifère dans la Sierra Almagrera, et en 1870 
de l'argent natif à une faible profondeur daîîs des terres 
argentifères. Des découvertes analogues ont été faites 
aux temps préhistoriques. Dans les tombes de cette époque, 
on a recueilli des perles en or ou en argent, métaux qui 
n'avaient pu être utilisés alors qu'à l'état natif. Des dia- 
dèmes d'or ou d'argent entourent parfois des crânes 
humains. Un peu plus tard, l'argent apparaît employé à 
la fabrication d'objets de parure, d'armes et même 
d'outils. Cette profusion de l'argent suscita de bonne 
heure la convoitise des étrangers; de gré ou de force, 
ils le prirent aux indigènes et le transportèrent sur les 
côtes orientales de la Méditerranée. On a même pu 
supposer que l'argent natif recueilli en Espagne avait 
été le premier à apparaître en Asie Mineure, à l'ancienne 
Troie et en Syrie. Les Phéniciens, qui allaient chercher 
le cuivre à Tamassos, dans l'île de Chypre, ne tardèrent 
pas à pousser jusqu'à la côte Ibérique. Ils y échangeaient 
l'argent contre des marchandises manufacturées, et ils 
tiraient si grand profit de ce négoce que, quand leur 
charge était complète, et qu'il restait de l'argent sur 
le marché, ils en substituaient des lingots aux plombs de 
leurs ancres. Cf. Diodore de Sicile, v, 35; H. et L. Siret, 
Les premiers âges du métal dans le sud-est de l'Es- 
pagne, Anvers, 1887, et dans la Revue des questions 
scientifiques, Bruxelles, janv.-avril 1888, p. 5-60, 368-418. 
A l'époque romaine, on ne se contentait plus de ramasser 
l'argent à l'état natif, on exploitait les filons argentifères 
et on dégageait le métal précieux du plomb auquel il 
était mélangé. 

4» A Patmos. — Saint Victorin de Pettau, martyrisé 
en 303, dit que saint Jean fut condamné aux mines dans 
l'île de Patmos par Domitien. In Apoc, x, 11, t. v, 
col. 333. Cf. Fouard, Saint Jean, Paris, 1904, p. 100. 
Mais il est seul à noter cette particularité et son assertion 
ne paraît pas fondée. Cent ans avant lui, Tertullien, De 
prtescri.pt., 36, t. H, col. 49, avait seulement parlé de 
relégàtion; or on sait que cet auteur emploie toujours 
les termes juridiques. C'est uniquement d'exil et de relé- 
gation que parlent le pseudo-Méliton, sur les Acl. et 
miracul. S. ioan. Apost., de Leucius, t. v, col. 1241; 
Origène, In Matth., xvi, 6, t. xm, col. 1385; Eusèbe, 
H. E., m, 18, t. xx, col. 252; S. Jérôme, Cont. Jovin., 
i, 26; De vir. illust., 9, t. xxm, col. 247, 625, etc. Les 
traditions locales désignent à Patmos la grotte dans 
laquelle l'Apôtre aurait composé l'Apocalypse; elles ne 
connaissent point de mines dans lesquelles il aurait tra- 
vaillé. Cf. V. Guérin, Description de Vile de Patmos, 
Paris, 1856 ; Meyer, Der Orient, Leipzig, 1882, t. n, p. 56; 
Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, 
t. Il, p. 327. Saint Jean fut donc simplement relégué à 
Patmos, comme les deux Flavia Domitilla l'avaient été 
par le même Domitien, l'une dans l'île de Pandataria* 
Dion Cassius, lxvii, 13, l'autre dans l'île de Pontia. Cf. 
Eusèbe, H. E., m, 18, 4, t. xx, col. 240; S. Jérôme, Epist. 
MVlli ad Eustoch., 7, t. xxn, col. 882. 

H. Lesétre. 

2. MINE (hébreu : mânéh; grec : u.vï; Vulgate : mna! 
une fois, mina, III Reg., x, 17), poids. Le nom de la 
mine est d'origine sémitique; les documents cunéiformes 
assyriens l'appellent mana, l'hébreu mânéh, forme sous 
laquelle le mot se retrouve dans les textes épigraphiques 
phéniciens et puniques. Il est passé en grec avec sa 
transcription littérale dans le mot [xvî, en latin dans 
mina ou mna. 

I. La mine dans la Bible. — La mine est indiquée 
dans la Bible à partir de l'époque des rois comme ser- 



H03 



MINE 



1104 



rant à peser l'or et l'argent. — Salomon met dans le 
Temple 300 petits boucliers d'or du poids de 3 mines 
chacun. I (III) Reg., x, 17. La Vulgate donne pour le 
revêtement d'or de chacun 300 mines, ce qui est un 
poids exagéré. C'est évidemment une erreur de transcrip- 
tion ou de traduction. — Les chefs de famille, pour la 
reconstruction et l'ornementation du temple, après la 
captivité, offrent entre autres 5000 mines d'argent, sui- 
vant I Ésd., il, 69; 2000 mines suivant II Esd., vu, 
72. Simon Machabée envoie aux Romains un bouclier 
d'or du poids de 2C0O mines, 1 Mach., xiv, 24, de 1000 mines 
suivant I Mach., xv, 18. — Les Hébreux se servaient 
pour la mine du poids en usage chez les peuples voi- 
sins, en particulier du système babylonien. Ezéchiel, xlv, 
12, évalue la valeur monétaire de la mine dans un texte 
reproduit d'une façon différente, dans l'hébreu et dans 
les Septante. Le texte hébreu qui est suivi par la Vul- 
gate porte : vingt sicles, vingt-cinq sicles et quinze 
sicles, c'est-à-dire soixante] sicles font une mine. Les Sep- 
tante disent que cinquante sicles font une mine. D'après 
l'hébreu, la mine vaudrait donc environ 852 grammes let 
d'après les Septante environ 710 grammes. Josèphe, 
Ant. jud., XIV, vu, 1, dit que la mine juive valait de son 
temps deux livres romaines et demie, c'est-à-dire envi- 
ron 1068a r 65, ce qui est un peu plus que la mine baby- 
lonienne de poids fort. Ailleurs, Ant. jud., III, n, 7, 
il évalue le poids du chandelier d'or à 100 mines, or, 
nous savons qu'il pesait un talent. Exod., xxv, 39. La 
mine serait donc ici le centième du talent. Ce serait 
dans ce cas une mine pesant la moitié de la précédente, 
c'est-à-dire environ le poids de la mine babylonienne 
légère ou 509 grammes. — La mine n'est mentionnée 
qu'en une seule circonstance dans le Nouveau Testamen t 
C'est dans une parabole de Notre-Seigneur rapportée 
par saint Luc, XIX, 13, 16, 18, 20, 24, 25. En voir l'ex- 
plication, Jésus-Christ, 3 e groupe de paraboles, 1», t. m, 
col. 1495. 

II. La mine chez les Chaldéo-Assyriens. — La mine 
est mentionnée dans les documents chaldéens dès le 
XX e siècle avant J.-C. Il en est plusieurs fois question 
dans le code de Hammourabi. Voir Scheil, La loi de 
Uammourabi, in-18, Paris, 1904, n. 24, p. 6; n. 1S8, 
p. 41. La mine est divisée en tiers et en demies, ibid., 
p. 43, 48. Il s'agit toujours dans ces textes de mines 
d'argent. Dans les lettres découvertes à Tell el-Amarna, 
il est question de mines d'or. Voir Monnaies. Les con- 
trats de toutes les époques mentionnent les prix des 
esclaves, des maisons, etc., en mines d'or et d'argent. 
E. Babelon, Les origines de la monnaie, in-18, Paris, 
1897, p. 56-57. 

Les Chaldéo-Assyriens faisaient usage de deux systèmes 
de poids, dont l'un était exactement le double de l'autre. 
Chacun de ces deux systèmes avait les mêmes unités : 
le talent qui valait 60 mines, et la mine qui valait 
60 sicles. La série forte ou lourde était appelée poids 
du roi, la série faible ou légère, poids du pays. Dans la 
série forte, la mine pesait environ 1009s r 20, dans la 
série faible 504o r 60. Mais si le système des divisions 
était partout le même, le poids varia suivant les époques 
et suivant les parties de l'empire; aussi dans l'indica- 
tion des pesées a-t-on soin d'indiquer qu'il s'agit de mines 
du roi Doungi, de mines de Babylone ou de mines de 
Charcamis. Sur le poids on trouve parfois ces indications 
avec le nom du fonctionnaire qui les vérifiait. Fr. Lenor- 
mant, E. Babelon, Histoire ancienne, 9 e édit., in-4°, 
Paris, 1887, t. v, p. 190-191. On possède dans les musées 
des poids ayant la valeur des multiples ou des sous- 
multiples de la mine, ils ont la forme de lions (fig. 290), 
ou de canards ou d'autres animaux. Cf. Fr. Lenormant, 
E. Babelon, Rist. anc., t. iv, p. 229; t. v, p. 190. Les 
Grecs adoptèrent la mine avec le talent; la mine était 
la soixantième partie du talent, mais elle était divisée en 
100 drachmes; le slatère ou didrachme valait 1/50 de 



mine.- Le poids de la mine varia selon les temps et les 
pays, la mine de Phidon d'Argos pesait 637 grammes. 
Dans les systèmes eubéens et athéniens primitifs,elle 
pesait 873 grammes. Rien qu'à Athènes on trouvait sept 
poids différents de la mine. La mine solonienne pesait 
436V 60, la mine éginète du commerce 602o'60; l'an- 
cienne mine éginète de 672 grammes réduite après Solon 
à 655 grammes; la mine faible phénicienne, de 373 gram- 




290. — Mine forte assyrienne. D'après l'original. 
Musée du Louvre. Poids : 1009 grammes. 

mes; la mine babylonienne faible d'argent de 560 gram- 
mes; la mine forte d'argent de 1120 grammes; la mine 
babylonienne faible d'or de 420 grammes ; la mine 
babylonienne forte d'or de 840 grammes. F. Hultsch, 
Griechische und Rôniische Métrologie, 2 e édit., in-8°, 
Berlin, 1882, p. 138. Au temps des Machabées, nous 
trouvons un poids de plomb d'une mine portant le nom 
d'Antiochus IV Épiphane et pesant 51 9 grammes (flg. 291 ), 




291. — Mine d'Antiochus. Poids en plomb du Cabinet des mé- 
dailles. — Victoire, debout, entre deux étoiles, tenant dans la 
main droite une couronne et dans la main gauche une palme- 
BASIAEÛE ANTIOXOr 6E0r EIII»ANOrE MUA. 

une autre d'Antiochus X le Pieux, de l'an 220 des Sé- 
leucides (92 avant J.-C.) pèse 6149"-40. Soutzo, Étalons 
pondéraux primitifs, in-8», Bucharest, 1886, p. 61. Une 
autre mine du Cabinet des médailles,«galement en plomb, 
pèse 1069 grammes. C'est une mine de poids fort baby- 
lonien. Elle est originaire d'Antioche (fig. 292). Au temps 
des Romains, on comptait encore cinq mines différentes, 
la mine de 16 onces, pesant 4369' 50; la mine de 18 onces, 
pesant 491o r 20, appelée mine italique; la mine de 28 on- 



1105 



MINE — MINISTRE 



1106 



ces, pesant 545»' 80, la mine de 24 onces, pesant 6549' 90, 
la raine de 26 onces, pesant 709(K 50. Hultsch, Gr. und 
rôm. Métrologie, p. 672. De tout ceci il ressort claire- 




292. — Mine babylonienne. Cabinet des médailles. 
Éléphant. — Tout autour : ANTIOXEQN THE MHT[POnO]AE£!£ 
KAI 1EPAS KAI AETAOr KAI AÏTONOMOr, Au dessus de 
l'éléphant : ArOPANOMOrNTGN. Au dessous : AMTIOXOr KAI 

nonAior. 

ment que rien n'a été plus variable que le poids de la 
mine chez tous les peuples. 

Bibliogbaphie. — J. Oppert, dans Th. Mommsen, 
Histoire de la monnaie romaine, trad. Blacas, Paris, 
4 in-8», 1865-1873, t. I, p. 401 ; Brandis, Das Munz- 
Mass- und Gewichtswesen in Vorderasien, in-8°, Ber- 
lin, 1866, p. 44-52, 596; G. Smith, On assyrian Weights 
and Measures, dans la Zeitung fur âgypt. Sprache, 
1872, p. 110; J. Oppert, L'étalon de mesures assyriennes, 
dans le Journal asiatique, t. IV, 1874, p, 469; F. Hultsch, 
Griechische und Rômischc Métrologie, 2 e éd., in-8°, 
Berlin, 1882; A. Aurès, Essai sur le système métrique 
assyrien, dans le Recueil de travaux relatifs à la phi- 
lologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes, 
7° fasc, 1888, p. 17; C. F. Lehmann, Das Altbabylo- 
nische Mass- und Gewichtssystem als Grundlage lier 
ântike Gewichts- Mûnz- und Maassysteme, dans les 
Actes du vm' Congrès international des. orientalistes 
tenu en i889 à Stockholm et à Christiania, in-8°, 
Leyde, 1893, section sémitique, p. 167-249; F. Hultsch, 
Die Gewichte des Alterthums nach ihrem Zusam- 
menhange, in-8", Leipzig, 1898, p. 8; Id., Metrologicorum 
scriptorum reliquise, édit, Teubner, 2 in-18, Leipzig, 
1864 et 1866. E. Beurlier. 

NIINHÂH, nom hébreu des sacrifices non sanglants. 
La Vulgate l'a traduit par oblatio. Voir Oblation. 

MINISTRE, dans le sens strict, celui qui est au ser- 
vice d'un roi pour le conseiller ou exécuter ses ordres; 
dans un sens plus général, serviteur, aide. 

I. Dans l'Ancien Testament. — Différents noms 
désignent ceux qui remplissent cette fonction : 1° Yô'ês, 
frfuéouXoç, consiliarius, le conseiller. I Par., xxvn, 32, 
33; I Esd., vu, 28; vin, 25. Le Messie est par excel- 
lence le yô'ês de Dieu. Is., rx, 6. Voir Conseiller, 
t. Il, col. 922. — 2° Mesârêf, 7rape<rrr,x(<k, vinoup^dç, 
minister, l'assistant, rôle rempli par Josué auprès de 
Moïse, Exod., xxiv, 13; Jos., i, 1; par les officiers 



auprès de Salomon. III Reg., x, 6, etc. Le meSdrêt 
est aussi le ministre sacré, XeiToupyûv, XetToupyôç, mi- 
nister, qui est chargé du culte divin. I Esd., vin, 17; 
Is., lxi, 6; Jer., xxxm, 21 ; Joël., i, 9; u, 17. Le même 
nom est attribué aux anges, ministres chargés de l'exé- 
cution des volontés divines. Ps. cm (en), 21 ; civ (cm), 
4. — 3° 'Ébéd, SoOXoç, servus, puer, minister, l'esclave, 
le ministre dont la situation est très humble vis-à-vis du 
roi oriental. On appelle de ce nom, 'ébéd, les ministres 
du roi d'Egypte, Gen., xl, 20; xli, 10, 37, 38; l, 7; du 
roi en général, I Reg., vm, 14; de Saùl, I Reg., xvi, 
15; de David, II Reg., x, 2, 4; du roi d'Assyrie. Is., 
xxxvi, 9. Le nom de 'ébéd ham-mélék, «. serviteur du 
roi, » parait même avoir constitué un titre officiel. 
IV Reg., xxii, 12. Cf. Abdémélech, t. i, col. 20. Le mi- 
nistre, ûrnipé-njç, intelligent, est agréable à son roi. Prov., 
civ, 35. Mais tel le prince tels les ministres, "ktnovpyol, 
ministri. Eccli., x, 2. Les princes doivent se souvenir 
qu'ils sont sur la terre les ministres, •jitïjpÉrai, ministri, 
du royaume de Dieu. Sap., vi, 5. — 4° Sârak, Tar.tixdç, 
princeps, nom chaldéen des ministres du roi de Baby- 
lohe. Dan., vi, 3, 4, 5, 7, 8. — 5° Sdrîs, « eunuque, » 
nom qui, dans certains cas, Gen., xxxix, 1 ; IV Reg., 
xxv, 19, etc., a dû perdre son sens générique pour dési- 
gner simplement un fonctionnaire royal. Voir EUNUQUE, 
t. u, col. 2046. 

II. Dans le Nouveau Testament. — 1" Le mot mi- 
nistre, Stàxovoç, Joa., il, 5, OjcTjpÉTT)ç, Joa., xvm, 3, 
SojXoç, Joa., xvm, 26, minister, désigne souvent de 
simples serviteurs. Voir Serviteur. — 2° Dans chaque 
synagogue, il y avait un ûutjpêtvk, minister. Luc, iv, 
20. C'était le hazzân, dont les fonctions consistaient à 
tendre les Saintes Écritures au lecteur pendant le ser- 
vice divin et ensuite à les remettre en place, cf. Sota, 
vm, 7, 8; Yoma, vu, 1, puis encore à rendre service à 
la communauté, par exemple, en infligeant la flagella- 
tion à ceux qui avaient été condamnés à la recevoir, 
cf. Makkolh, m, 12, en apprenant à lire aux enfants, 
cf. Schabbath, i, 3, etc. IÎ y avait aussi des hazzanîm. 
dans le Temple. Cf. Sukka, iv, 4; Tamid, v, 3. Ce sont 
les ùmipsTai, ministri, dont il est plusieurs fois ques- 
tion dans saint Jean, vu, 32, 45, 46; xvm, 3, 12, 22; 
xix, 6, et dans les Actes, v, 22, 26. Voir Synagogue. — 
3° Le prince temporel est le ministre de Dieu, pour le 
bien. Rom., xm, 4, 6. Lui-même a des ministres, et 
Notre-Seigneur en aurait pour se défendre, s'il était un 
roi de la terre. Joa., xvm, 36. — 4° Satan a des ministres, 
qui se déguisent en ministres de justice. II Cor., xi, 
15. — 5° Le nom de ministre est surtout donné à ceux 
qui sont au service direct de Dieu et de l'Église. Ainsi, 
Notre-Seigneur veut que son serviteur, Stâxovoç, mini- 
ster, soit un jour dans le royaume éternel du Père, où 
il sera lui-même. Joa., xu, 26. De même que, sous la 
Loi mosaïque, les prêtres et les lévites étaient charges 
du ministère sacré, c'est-à-dire du culte liturgique dans 
le sanctuaire, Exod., xxvin, 35; Num., i, 50; I Par., 
VI, 32; Heb., IX, 21, etc., ainsi, sous la Loi nouvelle, 
il y a des « ministres de la nouvelle alliance, non par 
la lettre, mais par l'Esprit ». II Cor., m, 6. Le « minis- 
tère de mort », c'est-à-dire incapable de donner la vie, 
le « ministère de damnation », c'est-à-dire incapable de 
sauver, dont fut chargé Moïse, fut pour lui une cause de 
gloire; à plus forte raison la gloire sera-t-elle attachée 
au « ministère de l'Esprit », au « ministère de justice », 
c'est-à-dire qui justifie par la grâce de Jésus-Christ. 
II Cor., m, 7-9. — 6» Différentes sortes de ministres 
apparaissent dans l'Église naissante. — 1. Les Apôtres, 
ministres de Jésus-Christ, non seulement dans l'ordre 
des choses liturgiques, comme les anciens prêtres, 
mais dans toutes les fonctions dont le Sauveur leur a 
transmis la charge. Act., i, 17, 25. Ainsi ils sont mi- 
nistres de la parole, Luc, i, 2; Act., vi, 4, et ministres 
de la réconciliation, II Cor., v, 18, comme le Sauveur 



1107 



MINISTRE — MIPHIBOSETH 



1108 



l'a été. Rom., xv, 8; Gai., n, 17. Us sont en général 
les ministres de Jésus-Christ, ses envoyés, ses repré- 
sentants et ses aides immédiats. I Cor., III, 5; iv, 1 ; 
II Cor., vi, 4; xi, 23. Parmi eux, saint Paul à été spé- 
cialement constitué ministre auprès des Gentils. Act., 
xxi, 19; xxvi, 16; Rom., xi, 13;xv,16; Eph., iii,7; Col., l, 
23, 25; I Tim., I, 12; II Tim., iv, 11. — 2. Les ministres 
institués par les Apôtres avec la plénitude des pouvoirs pour 
la prédication, le gouvernement et la distribution de la 
grâce. Act., xi, 29; xii, 25; xin, 5; IICor.,vi, 3; xi, 8; 
Eph., iv, 12; vi, 21; Col., I, 7; lv, 7; I Thés., m, 2; 
I Tim., iv, 6; II Tim., îv, 5; Apoc, n, 19. VoirÉvÈQUE, 
t. n, col. 2121; Prêtre. — 3. Les ministres inférieurs, 
particulièrement chargés du soin des pauvres et de 
l'administration temporelle des biens de l'Église. 
Act., vi, 1 ; Rom., xil, 7; I Cor., xvi, 15; Il Cor., vni, 
4; ix, 1, 12, 13; Col., iv, 17. Ce ministère était rempli 
par des hommes choisis, voir Diacre, t. n, col. 1401, 
et quelquefois, dans une certaine mesure, par des 
femmes. Voir Diaconesse, t. n, col. 1400. — 7° Jésus- 
Christ, de qui tous ces ministres reçoivent Je pouvoir et la 
grùce, a été excellemment le ministre des choses saintes, 
lleb., vin, 2, le ministre de la réconciliation, Rom., xv, 

8, et le ministre de la médiation toute-puissante auprès 
du Père. Heb., vm, 6. — 8° Les anges sont les mi- 
nistres de Dieu auprès de ceux qui sont appelés au salut, 
Iléb., I, 14.' — 9° Saint Paul emploie plusieurs fois, et 
même conjointement, les mots Xerroupyia et Siaxov'a. 
Le premier a surtout trait au culte direct de Dieu. Cf. 
Luc, i, 23; Heb., vm, 6; ix, 21;. x, 11. Les Gentils 
sont invités à faire l'aumône aux pauvres de Jérusalem, 
>siTo\>p-fïi<Toii, miniurare. Rom., xv, 27. L'Apôtre appelle 
êiaxovîa Tfj; XsiToupY'aî, ministerium officii, la remise 
qui est faite aux pauvres de Jérusalem des aumônes 
des Gentils. II Cor., ix, 12. Il emploie le mot XsttoupYt», 
obsequium, pour caractériser le dévouement qu'Épa- 
phrodite a exercé à son égard. Phil., n, 30. Enfin il 
appelle du même nom la prédication par laquelle il a 
amené les Philippiens à la foi. Phil., n, 17. En se ser- 
vant ainsi d'un mot qui, dans la Sainte Écriture, se 
rapporte d'ordinaire au culte de Dieu, saint Paul donne 
à entendre que l'aumône, Ja prédication, le dévouement 
envers les ministres de Dieu, ont pour terme suprême 
non pas l'homme, mais Dieu lui-même qu'ils honorent 
indirectement. H. Lesètre. 

MINNIM (Septante : x<ipSai; Vulgate : chordx). Le 
mot hébreu, pluriel de \v, mên, « partie, corde, » dé- 
signe d'une manière collective les instruments à cordes. 
Ps. CL, 4. Voir aussi Ps. xlv; 9. Dans le Ps. xlv (xliv), 

9, les Septante ont traduit minnî siml.iûkd par 1% wv 
ïjîfopaviv <ie; Vulgate : ex quibus delectaverunt te, (les 
maisons d'ivoire) « dont vous ont réjoui... » La traduc- 
tion du texte original adopté par Ja plupart des mo- 
dernes est : « (dans les maisons d'ivoire,) les instru- 
ments à cordes (te réjouissent). » Voir Musique. 

J. Parisot. 
MINUIT, dans le sens du milieu de la nuit, et non 
de la douzième heure de la nuit. — Le Seigneur annonça 
à Moïse qu'il frapperait les premiers-nés d'Egypte, dans 
la dixième plaie, « au milieu de la nuit » (hébreu : ka- 
hâfôt hal-layelàh ; Septante : rcept ftiaaç vûxTac; Vul- 
gate : média nocte). Exod., xi, 4. — Booz s'éveille « au 
milieu de la nuit » (hébreu : ba-hàsî hal-layelàh, 
Septante : év ici (isaovuxTt'w; Vulgate : nocte média) 
pendant qu'il dormait dans son aire. Ruth, m, 8. — La 
veillé qui commençait au milieu de la nuit est appelée 
dans les Juges, vu, 9, r'ôs hâ-'asmôrêt hat-fikonâh 
(Septante: êv àp^îj tï; (puXaidic |Ua«ic; Vulgate : inci- 
j>ienlibus vigiliis noctis médise). C'est le moment que 
-choisit Gédéon pour attaquer les' Madianites avec ses 
trois cents hommes. — La tradition populaire place à 
minuit la naissance de Notre-Seigneur. Saint Luc, n, 



8, dit qu'un ange annonça aux bergers qui veillaient la 
nuit sur leurs troupeaux que le Sauveur venait de 
naître à Bethléhem, d'où il résulte que la Nativité 
avait eu lieu pendant la nuit, mais l'évangéliste ne spé- 
cifie pas davantage. C'est sans doute au texte de Ja Sa- 
gesse, xvm, 14-15, qne la tradition a rattaché l'heure de 
la naissance de Jésus. Cum enim quielum sïlentium 
contineret omnia, et nox in suo cursu médium iter ha- 
beret, omnipotens sermo tuus de cselo, a regalibus 
sedibus, durus debellator in mediam extermina terrant 
prosîlivit. La liturgie romaine reproduit ce texte avec 
quelques légères modifications, comme antienne du 
Benedictus, à l'office de la veille de l'Epiphanie. L'au- 
teur de la Sagesse fait allusion dans ce passage à 
l'extermination des premiers-nés des Égyptiens et aux 
paroles de l'Exode, xi, 4, mais l'Église, qui voit avec rai- 
son dans la délivrance des Hébreux du joug de l'Egypte 
la figure de la délivrance par Jésus-Christ de la servi- 
tude du péché, ne précise point par là l'heure de la 
Nativité. Voir Nuit. 

MINUTUM (grec : Xeirrdv; Vulgate : minutum), pe- 
tite pièce de monnaie de cuivre. C'est le mot par lequel 
les Évangiles désignent les pièces que la veuve mit dans 
le trésor du Temple et qui fut l'occasion de la remarque 
de Jésus qui loua cette femme de sa générosité, puis- 
qu'elle donnait de son nécessaire, tandis que les riches 
ne' donnaient que de leur superflu. Marc, XII, 41-44; 
Luc, xxi, 1-4. Elle déposa dans le tronc deux minuta 
ce qui, d'après saint Marc, xii, 42 est l'équivalent d'un 
quadrans. Le quadrans valait, au temps de Jésus- 
Christ, le quart de l'as sextantarius, c'est-à-dire envi- 
ron trois centimes. Le minutum valait donc un centime 
et demi. Le XeTtTiiv désigne en grec le quart du xaXxoî;, 
soit le trente-deuxième de l'obole ou quart de centime 
en monnaie attique. Les mots minutum ou Xsttcôv ne 
sont donc pas employés ici comme des termes techniques, 
mais comme signifiant la plus petite monnaie. Du reste, 
la veuve, suivant l'usage des Juifs, a dû mettre dans le 
trésor, non une monnaie étrangère, mais une petite 
pièce nationale, par exemple une pièce de cuivre de Jean 
Hyrcan, voir fig. 211, t. m, col. 1155. On traduit souvent 
en français |le minutum de l'Évangile par « obole i> et 
1' « obole de' la veuve » est devenue proverbiale, mais 
cette traduction n'est pas rigoureusement exacte. — Le 
Xemôv, minutum, se lit une autre fois dans saint Luc, 
xn, 59. Notre-Seigneur engage le débiteur à payer sa 
dette à son créancier avant d'être traîné en justice et 
condamné à la prison, d'où il ne pourrait sortir qu'après 
avoir payé le dernier minutum. E. Beurlieh. 

MIPHIBOSETH (hébreu : Mefibôëéf; Septante : 
Sfem> têo<7É6 ; Josèphe; Mettcptêooôoi;), nom d'un fils et d'un 
petit-fils de Saûl. Le second élément du nom, bôSét, se 
trouve trois fois dans l'onomastique de la famille de 
Saûl, dans les deux Miphiboseth et dans Isboseth (t. ni, 
col. 986), mais ils ne sont ainsi appelés que dans les-livres 
des Rois; dans les Paralipomènes, la terminaison Baal 
est substituée à 6ôseY;le Miphiboseth, fils de Jonathas, de- 
vient Meribbaal, I Par., vm, 31; ix, 40, et Isboseth devient 
Esbaal (t. n, col. 986), 1 Par., vm, 33; ix, 39. D'une ma- 
nièreanalogue, le surnom donné à Gédéon, Jérobaal (t. m, 
col. 1300), se transforme aussi, en hébreu, II Sam., xi, 
21, en Yerubéset, « celui qui combat contre Baal ou la 
honte. » Le nom de Miphiboseth est aussi un nom ou- 
trageant pour Baal. Saint Jérôme l'interprétait : ex ore 
ignominia (dans P. de Lagarde, Onomastica sacra, 
2 e édit., in-8°, Gœttingue, 1887, p. 69). Aujourd'hui, plu- 
sieurs hébraïsants dérivent Mefî de pa'âh, « souffler. » 
Gesenius, Thésaurus, p. 813, 1085. Un grand nombre de 
commentateurs modernes pensent que le vrai nom des 
descendants de Saûl était Meribbaal et Esbaal et que 
leur nom a été changé à cause de l'horreur qu'inspirait 



4109 



MIPHIBOSETH — MIRACLE 



1110 



aux Juifs fidèles le nom de Baal. Cette explication parait 
assez plausible. Le nom de BôMt, « chose honteuse, » était 
donné par mépris au dieu Baal. Voir Idole, 8°, t. m, 
col. 818. Mais peut-on en conclure, comme le font divers 
interprètes (M. Grundwald, Die Eigennamen des Alten 
Testamentes, in-8°, Breslau, 1895, p. 71,73), que Saûlet 
la tribu de Benjamin rendaient un culte à Baal ? Rien, 
dans l'histoire du premier roi d'Israël, ne légitime cette 
•conclusion. Il désobéit aux ordres de Dieu, mais les au- 
teurs sacrés ne lui reprochent point de s'être livré à 
l'idolâtrie. Le nom de Meribbaal, porté par un de ses fils 
•et un de ses petits-fils, loin de prouver que la famille 
de ce prince adora Baal, établit le contraire, Merl ou 
Mcrîb Ba'al signifiant « celui qui combat Baal ». Gese- 
nius, Thésaurus, p. 819. Mefî bôset, contracté de maf'i 
bôëéf, ibid., p. 1085, peut être expliqué d'une manière ana- 
logue, avec F. Miihlau et W. Volck, Gesenius' Handwôrter- 
buçh, 8= édit., 1878, p. 496 (cf. W. von Baudissin, Studien 
zur semilischen Religionsgeschichte, 2 in-8°, Leipzig, 
1876-1878, t, i, p. 108), dans le sens de « celui qui souffle 
sur Baal » ou son image, c'est-à-dire le traite avec mé- 
pris. Quant à Esbaal, il est vrai qu'il pourrait se traduire 
par « homme de Baal », en conservant le premier élé- 
ment 'U, qu'il a dans 'ÎS bôsét, mais cet élément 'is ne se 
trouve nulle part dans les noms théophores, et il est rem- 
placé par 'êS, « feu, » dans les deux passages des Parali- 
pomènes où le fils de Saûl est nommé; cette traduction 
n'est donc pas naturelle. Il faut remarquer enfin que 
ta'al fut primitivement un nom commun, signifiant 
« maître ». Un des ancêtres de Saûl portait ce nom de 
Ba'al, I Par., vin, 30, dans le sens général, car il ne 
pouvait porter le nom d'un dieu. Cf. Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, p. 461. 

1. MIPHIBOSETH, fils du roi Saûl et de Respha. II 
fut livré par David, avec son frère Armoni, t. i, col. 1017, 
et cinq autres descendants de Saûl, aux Gabaonites qui 
les crucifièrent, afin de se venger du mal que leur avait 
fait Saûl et d'obtenir de Dieu la fin d'une famine. Les 
restes de Miphiboseth, protégés par l'admirable dévoue- 
ment de sa mère, furent ensevelis avec ceux des 
autres victimes dans le tombeau de Cis, leur ancêtre. 
II Reg., xxi, 8-14. Voir Respha. 

2. MIPHIBOSETH, fils de Jonathas et petit-fils de 
Saûl. Il n'avait pas cinq ans lorsque son père et son 
grand-père tombèrent sur le champ de bataille de 
Jezraël. Quand la fatale nouvelle arriva à Gabaa, où se 
trouvait l'enfant, sa nourrice s'enfuit précipitamment en 
l'emportant sur son épaule, selon la coutume orientale. 
Josèphe, Ant. jud., VII, v, 5. Voir t. h, iig.568, col. 1787. 
Elle tomba avec son précieux fardeau; le jeune Miphi- 
boseth fut grièvement blessé dans sa chute et privé pour 
tout le reste de sa vie de l'usage de ses jambes. II Reg., îv, 
4. Ce fut là le commencement des malheurs de cet in- 
fortuné prince et cet accident nous explique en grande 
partie ce qui lui arriva plus tard. Son infirmité, jointe à 
la déchéance de sa famille, le rendit fort timide; il parlait 
de lui dans les termes les plus humbles, il s'appelait 
« un chien mort», II Reg., ix, 8; « un esclave boiteux. » 
II Reg., xix, 26. Emmené avec ses autres parents à l'est 
du Jourdain, dans le pays de Galaad, il fut élevé par 
Machir de Lodebar (voir Machir 2, col. 507), dans le/ 
voisinage de Mahanaïm, où résidait son oncle Isboselh, 
qui avait succédé à Saûl. David avait promis solennelle- 
ment àson ami Jonathas de protégersafamille. I Reg.,xx, 
15, 42. Quand il régna sur tout Israël après la mort 
d'Isboseth, le fils de Jessé songea à tenir sa promesse. 
Il s'enquit de ce qu'étaient devenus les enfants de Jona- 
thas et il apprit par un ancien serviteur de Saûl, nommé 
Siba, l'existence et la demeure de Mipliiboseth. Celui-ci 
s'était marié et avait un fils appelé Micha. David le fit 
Venir avec son fils à Jérusalem, lui rendit les biens de 



Saûl, lui fit partager sa table et chargea Siba de pren- 
dre soin, avec les siens, de ses possessions. Siba, qui 
avait acquis une certaine fortune, peut-être aux dépens 
des héritiers de Saûl, avait quinze fils et vingt esclaves. 
II fut sans doute mécontent de devenir le serviteur de 
Miphiboseth, mais il ne pouvait résister aux ordres du 
roi et s'y soumit, quitte à se venger plus tard JI Reg., ix, 
1-13. Dix-sept ans après, David était obligé de s'enfuir 
au delà du Juordain devant son fils Absalom. Siba l'avait 
accompagné, emmenant les ânes et les provisions de 
son maître pour les offrir au roi. Celui-ci lui ayant 
demandé où était Miphiboseth, le serviteur infidèle 
l'accusa d'être resté à Jérusalem pour remonter sur le 
trône de son grand-père. Le caractère faible et sans 
énergie du fils de Jonathas rendait invraisemblable le 
récit de Siba, mais David le crut et lui donna tous les 
biens du malheureux prince. II Reg., xvt, 1-4. Ce ne 
fut qu'après le retour de David que Miphiboseth put se 
justifier en lui faisant connaître ce qui s'était passé. 
La vérité, c'est que Siba avait trompé et trahi le fils de 
Jonathas ; il lui avait dérobé son âne et l'avait mis ainsi 
dans l'impossibilité de partir, à cause de son infirmité, 
mais il avait passé lui-même ce temps dans le deuil. 
David lui rendit la moitié de ses biens et laissa l'autre 
à Siba. II Reg., xix, 24-30. Nous ne savons plus rien sur 
le fils de Jonathas, si ce n'est que David ne voulut point 
livrer son fils aux Gabaonites, lorsqu'ils crucifièrent 
d'autres descendants de Saûl. II Reg., xxn, 7. 

MIRACLE (hébreu : 'ô(, môfêf, ma'àldl, mifld'âh, 
pelé'; chaldéen : 'âf, temah; Septante : uruistov, rspaç, Oacj- 
|wt<riov, Siivaniç; Vulgate: signum, portentum, prodigmm , 
miraculum, mirabile, ostentum, virtus), acte qui, dans 
sa substance ou son mode de production, dépend d'une 
cause étrangère aux lois de la nature. L'acte peut être 
au-dessus de ces lois, s'il les dépasse, comme la rétro- 
gradation de l'ombre sur le cadran d'Ézéchias, IV Reg., 
xx, 10; contre ces lois, comme la préservation des trois 
jeunes hommes dans la fournaise, Dan., ni, 25; en dehors 
de ces lois, comme la guérison d'un infirme par un seul 
mot. Act., in, 6. La Sainte Écriture donne le nom de 
miracle non seulement aux actes qui ne peuvent provenir 
que d'une intervention directe et extraordinaire de Dieu, 
mais encore à ceux qui sont attribuables à des agents 
intelligents supérieurs à l'homme. La Vulgate n'emploie 
le mot miraculum que dans l'Ancien Testament. Encore' 
n'apparalt-il qu'une seule fois avec le sens de miracle. 
Is., xxix, 14. Partout ailleurs, il traduit des mots hébreux 
qui signifient signe, terreur, épouvante, etc. Exod., 
xi, 7; Num., xxvr, 10; I Reg., xiv, 15; Job, xxxm, 7; 
Is., xxi, 4; Jer., xxiii, 32; xuv, 12. 

1. Principes généraux. — 1° Possibilité du miracle. 
— 1. Cette possibilité est la conséquence de deux vérités 
incontestables, affirmées dans toute la Sainte Écriture : 
Dieu est le Créateur tout-puissant, le Maître absolu de 
la nature; les choses qu'il a créées dépendent totalement 
de lui, en outre que, quelles que soient les lois établies 
pour régir l'ordre de la nature, il peut toujours accom- 
plir des actes qui dépassent, laissent de côté ou même 
contrarient ces lois. Il ne le fait jamais sans raison con- 
forme à sa souveraine sagesse. « Il fait tout ce qu'il 

~^veut. » Ps. csv (cxui), 3. « Rien n'est impossible à 
Dieu. » Matlh., XIX, 26; Marc, x, 27; Luc, I, 37; xvm, 
27. Cette puissance est affirmée aussi bien dans l'ordre 
physique que dans l'ordre moral. Pour marquer que 
Dieu intervient dans certains cas d'une manière extra- 
ordinaire, la Sainte Écriture dit qu'il agit «avec une main 
forte et le bras levé». Exod., vi, 6; Deut.,vn, 19; xxvi;8; 
Ps. lxxxix (lxxxviii) 11, 14; cxxxvi (cxxxv), 12, etc. 

2. Les lois de la nature impliquent elles-mêmes cette 
possibilité du miracle. En dehors des lois mathéma- 
tiques, que la raison ne conçoit pas autres qu'elles sont, 
toutes les lois qui régissent le monde visible ne sont 



illi 



MIRACLE 



1112 



telles qu'en vertu d'une volonté qui les a établies dans 
l'état que nous constatons. Elles ne portent pas en elles- 
mêmes la raison d'être ce qu'elles sont. "Voilà pourquoi 
elles ne peuvent pas être connues a priori, comme les 
lois mathématiques; elles ne le sont que par observa- 
tion. C£ Pauvert, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1867, 
t. i, p. 90-95. Il n'y a donc pas à s'étonner si la volonté 
qui a primitivement fixé à son gré les lois de la nature 
soumet en certains cas la nature à des lois différentes, 
issues de la même initiative divine. L'auteur de la Sa- 
gesse, dans ses quatre derniers chapitres, s'appuie sur 
cet ordre d'idées pour montrer comment les mêmes 
forces naturelles , soumises aux ordres de Dieu, favorisent 
les Hébreux et châtient les Égyptiens. « La créature, 
soumise à vous, son Créateur,... se pliant à toutes les 
transformations, était aux ordres de votre grâce. » Sap., 
xvi, 24-25. 

2° Raisons d'être du miracle. — Ces raisons sont 
multiples. La convenance du miracle ne peut guère être 
déterminée a priori; car il y a toujours quelque pré- 
somption â déclarer que Dieu doit agir de telle ou telle 
façon, dans les choses qui dépendent de sa libre volonté. 
Mais étant données, d'une part, la puissance, la justice, 
la bonté et la sagesse infinies de Dieu, de l'autre la fra- 
gilité, les illusions et les défaillances de la volonté et 
de la raison humaine, il est aisé de saisir quelques-uns 
des motifs qui ont porté Dieu à faire des miracles. La 
Sainte Écriture manifeste ou insinue ces motifs. 

1. Dieu fait des miracles pour rappeler à l'homme 
qu'il existe, en dehors et au-dessus de la nature, un 
Créateur et un Maître tout-puissant. « Ce qu'on peut 
connaître de Dieu est manifeste pour les hommes, car 
Dieu le leur a rendu manifeste. Depuis la création du 
monde, ses perfections invisibles, sa puissance éternelle, 
sa divinité sont visibles à l'esprit au moyen des créatures. 
Aussi sont-ils inexcusables,... pour avoir changé la 
gloire du Dieu incorruptible en images représentant 
l'homme corruptible. » Rom., t, 19-23. « A travers les 
biens visibles, ils n'ont pu comprendre celui qui est, 
et, en considérant ses œuvres, ils n'ont pas reconnu le 
Créateur... Charmés de la beauté » des êtres créés, 
«ils les ont pris pour des dieux. » Sap., xm, 1-3. « C'est 
pourquoi ils ont été tourmentés comme ils le méritaient 
par des êtres semblables à ceux-là. » Sap., xvi, 1, Le 
Seigneur fait donc des miracles pour rappeler à l'homme 
sa personnalité oubliée. Il dit au pharaon d'Egypte, par 
l'organe de Moïse : « Je vais envoyer toutes mes plaies 
contre ton cœur, contre tes serviteurs et contre ton 
peuple, afin que tu saches que nul n'est semblable â 
moi 3ur toute la terre. » Êxod., ix, 14. Cette pensée 
revient souvent chez les écrivains sacrés. Cf. Exod., 
ix, 29; x, 2; xiv, 4, 18; xxix, 46; Deut., iv, 35; xxix, 
6; Ps. o (xcix), 3; Is., xlv, 3, etc. Cf. P. de Broglie, Les 
prophélies messianiques, Paris, 1904, t. Ji, p. 29-45. 

2. Le miracle est aussi destiné à rappeler à l'homme, 
même croyant et fidèle, l'action perpétuelle de Dieu 
dans le monde. La Providence agit régulièrement, mais 
invisiblement. Son action continue passe inaperçue aux 
yeux des hommes inattentifs. Dieu se sert de merveilles 
extraordinaires pour attirer l'attention sur les merveilles 
ordinaires de son action directrice et conservatrice à 
l'égard de l'humanité. C'est ce qu'explique saint Au- 
gustin, In Joa., xxiv, 1, t. xxxv, col. 1593, à propos du 
miracle de la multiplication des pains. Pour obtenir ce 
résultat, Dieu se contente d'opérer lui-même immédiate- 
ment et instantanément des effets habituellement tribu- 
taires du temps et des causes secondaires. Cf. S. Tho- 
mas, Cont. Gent., m, 99. 

3. Très souvent le miracle a pour but d'accréditer les 
hommes auxquels Dieu confie une mission particulière. 
11 en est ainsi pour Moïse, Exod.,'iv, 2-9; vu, 8-10, etc. ; 
pour Josué, Jos., in, 7-13; pour Gédéon, Jud., vi, 36- 
40; pour Samuel, I Reg,, Hi, 20, 21 ; pour Élie, III Reg., 



xvm, 19-39; pour Elisée, IV Reg., n, 13-15; pour Isaïe, 
Is., xxxviii, 7, 8; pour Daniel, Dan., il, 28, 47; pour 
les Apôtres et les disciples du Sauveur. Matth., x, 8; 
Marc, xvi, 17, 18; Act., m, 7, etc. Notre-Seigneur lui- 
même présente très formellement ses miracles comme 
preuve de sa mission divine. Voir Jésus-Christ, t. m, 
col. 1504-1507. 

4. Enfin les miracles servent à confirmer la réalité soit 
des choses qui sont annoncées pour un avenir plus ou 
moins lointain, soit des faits d'ordre surnaturel que 
l'expérience ne peut constater directement. Ainsi l'ombre 
rétrograde sur le cadran d'Ézéchias pour attester la pro- 
longation de vie qui lui est accordée. Is., xxxvm, 7, 8. 
Zacharie devient muet et donne par là à conclure qu'il 
a eu une vision dans le sanctuaire. Luc, i, 20-22. La 
maternité d'Elisabeth, avancée en âge, est indiquée à 
Marie pour la confirmer dans sa foi au mystère de l'in- 
carnation accompli en elle-même. Luc, i, 36, 37. Les 
anges apparaissent à la crèche, Luc, n, 9-14, et au 
sépulcre, Matth., xxviii, 2-5, pour manifester la divi- 
nité du nouveau-né et plus tard la réalité de sa résur- 
rection. C'est pour cette raison que les miracles sont si 
souvent appelés des « signes » ; ils constituent des 
preuves visibles de faits qui échappent provisoirement 
ou définitivement à toute constatation immédiate. 

3" Constatation du miracle. — Dans tout miracle, il y a 
à distinguer l'effet et la cause. L'effet peut tomber sous 
les sens ou l'ester inaccessible à tout procédé d'observa- 
tion. — 1 . Si le miracle, d'ordre purement spirituel, n'est 
pas constatable par les procédés ordinaires d'observation, 
il est ordinairement appuyé par des faits observables, 
qui lui servent de garantie. Ainsi, Dieu assistait invisi- 
blement sou peuple à la sortie d'Egypte, et la colonne 
de nuée était le témoignage sensible de cette assistance. 
Exod., xm, 21-22. La présence invisible de Dieu dans 
le temple de Salomon fut indiquée, au jour de la dédi- 
cace, par le feu et la gloire de Jéhovah que le peuple 
vit descendre sur l'édilice. II Par., vu, 2, 3. L'accomplis- 
sement du mystère de l'incarnation en Marie eut pour 
preuve sensible la maternité d'Elisabeth. Luc, i, 36. Le 
miracle invisible de la rémission des péchés du paraly- 
tique fut garanti par la guérison de l'infirme. Matth., 
ix, 6, 7; Marc, n, 10, 11; Luc-, v, 24, 25. La présence 
du Saint-Esprit dans les Apôtres et les premiers fidèles 
se manifestait par le don des langues. Act., n, 4; x, 46; 
xix, 6. En pareil cas, il n'y a qu'à tirer cette conclusion: 
le fait surnaturel invisible est vrai, puisque le fait sur- 
naturel visible, apporté eii garantie du premier et en 
relation étroite avec lui, est régulièrement constaté. 

2. Quand le miracle est accompli dans l'ordre physique, 
l'effet extérieur se constate exactement par les mêmes 
moyens que les effets purement naturels. Il n'est pas 
plus difficile à tout un peuple de voir que le Jourdain 
est à sec, de telle sorte qu'on puisse le traverser à pied 
sec, que de voir l'eau remplir ses bords. Jos., m, 17. 
Quand Elisée eut ressuscité le fils de la Sunamite, celle- 
ci s'assura que la vie avait succédé à la mort avec autant 
de facilité et de certitude qu'elle en avait eu précédem- 
ment à constater que la mort avait succédé à la vie. 
IV Reg., IV, 20, 36, 37. Après sa guérison, la vision était 
aussi aisée à reconnaître chez l'aveugle-né que l'avait 
été auparavant la cécité. Joa., ix, 9, 10, 20, 21. Pour 
constater le côté sensible de l'effet miraculeux, les sens 
n'ont qu'à s'exercer dans leurs conditions ordinaires. 
Quelquefois le miracle a produit des modifications qui 
changent complètement la nature d'un corps. Les sens 
n'en sont pas moins aptes à saisir ce qui, dans le corps 
ainsi transformé, reste à leur portée. Les yeux de Moïse 
voient très sûrement qu'un buisson tout en feu ne se 
consume pas. Exod., m, 2. Les serviteurs de Cana savent 
très bien qu'ils ont mis de.l'eau dans les auges de pierre 
et les convives sentent parfaitement que ce qu'ils boivent 
est du vin. Joa., il, 9. A la transfiguration, les trois Apôtres 



H13 



MIRACLE 



au 



n'ont pas de peine à se rendre compte de la transforma- 
tion survenue dans la personne du Sauveur. Matth., xvn, 
2. Après la résurrection, le corps de Notre-Seigneur n'est 
certainement plus dans la condition antérieure; il est 
devenu comme spirituel et échappe aux lois naturelles 
qui régissent les êtres matériels. Il n'en est pas moins 
certain qu'on peut le voir et le toucher, et qu'avec ce 
corps ressuscité, que les Apôtres ne trouvent plus dans 
le tombeau et qui porte encore les traces de la passion, 
Jèsus-Christ accomplit dès actes qui produisent sur les 
sens des autres hommes la même impression que les 
actes antérieurs à sa mort. Matth., xxvm, 9; Luc, xxiv, 
15-30; Joa., xx, 17 ; Luc, xxrv, 44-42; Joa., xx, 27, etc. 
Les faits miraculeux ne sont donc nullement soustraits, 
daus leur matérialité sensible, à l'observation naturelle. 
Ils sont constatables, absolument au même titre que les 
faits les plus naturels. 

3. Le fait matériel une fois constaté, la raison humaine 
se préoccupe d'en rechercher la cause. C'est ce que ne 
manquent pas de faire les témoins. Ils reconnaissent 
alors que l'effet n'est en proportion avec aucune cause 
naturelle et ils le proclament. A la vue des miracles 
opérés sous leurs yeux, les magiciens d'Egypte, qui se 
connaissent en merveilles surnaturelles, s'écrient : 
« Le doigt de Dieu est là. » Exod., vin, 19. Nabuchodo- 
nosor tire la même conclusion lorsque Daniel lui rappelle 
le songe qu'il avait oublié. Dan., H, 47. Les Apôtres sont 
saisis d'étonnement à la vue de la tempête subitement 
apaisée. Matth., vin, 27; Marc, IV, 40; Luc, vm, 25. 
L'aveugle-né, après sa guérison, conclut judicieusement 
que celui qui l'a guéri ne peut venir que de Dieu. Joa., 
IX, 33. Jésus-Christ établit la vérité de sa mission en 
accomplissant des œuvres qu'aucun autre n'a jamais 
faites. Joa., xv, 23. Après avoir vu la guérison subite du 
boiteux de Lystres, les païens proclament que les dieux 
sont descendus chez eux sous forme humaine, et, en 
Barnabe et Paul, ils saluent des êtres surhumains. Act., 
xiv, 11, 12. Il y a une conclusion qui s'impose au bon 
sens : tout acte qui dépasse les forces ordinaires de la 
nature est attribué instinctivement et légitimement à 
une puissance supérieure à la nature. 

4. On oppose cette difficulté que, pour admettre la 
réalité du miracle, il faudrait fomaltre toute la puis- 
sance des forces, de la nature; autrement, dit-on, ce se- 
rait s'exposer à attribuer à une cause surnaturelle un 
effet simplement dû à une cause naturelle encore 
inconnue. « Si nous ne pouvons indiquer exactement 
où le naturel finit et où le surnaturel commence, nous 
pouvons néanmoins acquérir une connaissance assez 
exacte des propriétés de l'un et de l'autre pour distin- 
guer leurs effets. Pour savoir que, dans un cas donné, 
on a transgressé une certaine loi, il n'est nullement 
nécessaire de connaître le recueil entier des lois... 
D'ailleurs, accepter ces faits tels qu'ils se sont passés, 
les reconnaître pour historiques, mais les attribuer à 
une connaissance exceptionnelle des forces secrètes de 
la nature, c'est supposer un miracle non moins grand 
que ceux qu'il s'agit d'expliquer. Il restera toujours à 
dire comment une science si singulière, si unique en 
son genre, s'est rencontrée une fois dans le monde pour 
.n'y plus reparaître. » Hettinger, Apologie du chris- 
tianisme, trad. De Felcourt et Jeannin, Paris, s. d., 
1. n, p. 188-190. Les miracles attribués à Moïse, à Jésus- , 
Christ, aux Apôtres, etc., sont en contradiction très nette 
avec certaines lois de la nature, et, comme deux lois 
naturelles ne peuvent être en contradiction mutuelle 
quand il y a identité de circonstances, il s'ensuit que 
Jesfaits qui impliquent une telle contradiction ne peuvent 
être d'ordre parement naturel. Telles sont les guérisons 
instantanées opérées d'un seul mot? les résurrections de 
jnorts, l'obéissance des forces physiques de l'univers à 
ame influence purement spirituelle, etc. 

5. On ne peut non plus poser en principe que les 



miracles bibliques supposent la foi de ceux qui en sont 
l'objet, et qu'il y a là dès lors une sollicitation mal 
définie du moral sur le physique, qui peut expliquer 
certains faits extraordinaires. Il est vrai qu'en certains 
cas la foi est antécédente au miracle. C'est ce que l'on 
constate chez la Sunamite, IV Reg., IV, 28-37; chez les 
compagnons de Daniel jetés dans la fournaise, Dan., 
Hi,17; chez plusieurs suppliants dans l'Évangîle, Matth., 
vm, 10, 1S; ix, 2, 22, 29; xv, 28; Marc, n, 5; v, 34; 
x, 52; Luc, v, 20; vn, 9, 50; vm, 48; xvn, 19; xvm, 
42, etc.; chez ceux qui appelèrent saint Pierre auprès 
de Tabitha. Act., ix, 38, 40, etc. Il faut aussi évidemment 
que la sainte Vierge ait eu la foi pour que la merveille 
de l'incarnation s'accomplit en elle. Luc, i, 38, 45. 
Notre-Seigneur dit même qu'avec une foi sincère, bien 
que relativement faible, on arriverait à commander à 
une montagne et à en être obéi. Matth., Xvn, 19; xxi, 
21; Luc, xvn, 6. Néanmoins, dans la plupart de ces 1 
cas, la foi qui intervient n'est pas la foi de celui qui est 
l'objet du miracle, c'est la foi d'un tiers, qui demande 
ou espère un miracle. Mais presque toujours, le miracle 
apparaît dans la Sainte Écriture comme moyen de per- 
suasion, par conséquent comme un fait antécédent à la 
foi, destiné à la produire et n'y arrivant pas toujours, 
ainsi que le manifestent l'endurcissement du pharaon 
malgré les plaies d'Egypte et l'incrédulité des Juifs 
malgré les miracles opérés par le Sauveur. La lenteur 
des Apôtres et des disciples à croire à la résurrection de 
Notre-Seigneur, malgré fes prédictions si nettes et plu- 
sieurs fois répétées, est particulièrement significative à 
ce sujet. Marc, xvi, 14; Matth., xxvm, 17. Habituelle- 
ment, dans la Sainte Écriture, les miracles apparaissent 
comme des moyens employés par Dieu pour manifester 
son action, accréditer ses envoyés et produire la foi dans 
les esprits; ils ne peuvent donc être regardés comme des 
effets de cette foi qui n'existe pas encore. 

4° Interprétation des récits miraculeux. — 1. Les 
récits miraculeux contenus dans les Livres Saints doivent 
être entendus dans le sens littéral, quand il n'y a aucune 
raison sérieuse qui oblige ou autorise à les entendre 
autrement. Les miracles de l'Évangile sont particulière- 
ment dans cette condition. En dehors de leur caractère 
surnaturel, qui ne légitime contre eux aucune fin de 
non-recevoir, rien, dans les récits très positifs des évan- 
gélistes, n'induit à croire qu'il s'agit là soit d'allégories, 
soit de desbriptions poétiques ou hyperboliques. Si par- 
fois il y a lieu d'interpréter naturellement un fait d'appa- 
rence surnaturelle, on ne peut le faire que dans la 
mesure où la saine raison et l'autorité de l'Église le 
permettent. Ainsi quelques auteurs ont pensé que, dans 
l'histoire de la piscine de Bethesda, l'agitation de l'eau 
par un ange n'était que l'ébullition naturelle et pério- 
dique de la piscine, expliquée d'après les idées popu- 
laires. Joa., v, 4. Cf. Fillion, Évang. selon S. Jean, Pa- 
ris, 1887, p. 97. Alors même qu'on pourrait, à la rigueur, 
interpréter le texte en ce sens, d'après ce principe qu'on 
ne doit admettre le surnaturel que quand il s'impose, 
il n'en restera pas moins à respecter le caractère mira- 
culeux d'un phénomène à la suite duquel un seul ma- 
lade est guéri, quelle que soit la nature de sa mala- 
die, et sans que l'eau garde ensuite aucune vertu cura- 
tive. 

2. Les récits miraculeux de l'Ancien Testament ont 
souvent à être interprétés d'une manière moins rigou- 
reusement littérale. On a cru reconnaître, et l'Église 
laisse au moins enseigner que plusieurs de ces récits 
revêtent des formes poétiques, ailégorigues ou hyperbo- 
liques dont il est permis de les dépouiller pour arriver à 
la vérité historique. Dans l'EncycliqueProuidentissimus, 
voir t. I, p. xxix, le bouverain Pontife remarque que, 
quand les écrivains sacrés parlent des phénomènes 
naturels, « ils les décrivent d'une manière métapho- 
rique ou en se servant du langage communément usité 



1115 



MIRACLE 



1116 



de lenr temps. » Et, en général, « Dien, parlant aux 
hommes, s'est conformé, pour se faire comprendre, à 
leur manière d'exprimer les choses. » C'est en vertu de 
ce principe que certains commentateurs croient pouvoir, 
sans manquer de respect aux Saintes Lettres, faire une 
part plus grande aux causes naturelles dans la produc- 
tion des plaies d'Egypte, dans l'apparition des cailles 
au désert. Voir Caille, t. h, col. 36, etc. On a de même 
cherché à ramener plusieurs récits poétiques ou allégo- 
riques à un sens littéral plus facile à expliquer. Cf. de 
Broglie, Confér. sur la vie surnat., Paris, 1882, t. h, 
p. 138-141 ; L'idée de Dieu dans l Ancien Testament, 
Paris, 1892, p. 61. Ainsi en serait-il pour d'autres faits 
surnaturels. La plupart de leurs éléments pourraient 
être regardés comme des conséquences des lois natu- 
relles; comme dans les plaies d'Egypte, l'intervention 
surnaturelle se manifesterait alors seulement par l'an- 
nonce des événements, leur adaptation parfaite aux 
vues de Dieu, par le parti que la Providence en tire pour 
arriver à ses fins, etc. La question est à examiner pour 
chaque miracle en particulier. Mais, en principe, il n'est 
ni nécessaire, ni utile, ni prudent d'étendre le surna- 
turel au delà de la limite que lui assignent les textes 
sacrés. Cf. S. Thomas, Sum, tkeot., I», q. lxvih, a. 1; De 
Smedt, Principes de la critique historique, Paris, 1883, 
p. 48-59. L'Église s'est contentée de condamner ceux 
qui prétendent « qu'il ne peut y avoir de miracles, que 
par conséquent tous les récits à ce sujet, même ceux 
qui sont contenus dans la Sainte Écriture, sont à re- 
léguer parmi les fables et les mythes, que d'ailleurs 
les miracles ne peuvent jamais être connus avec cer- 
titude et qu'on ne peut légitimement s'en servir pour 
prouver la divine origine de la religion chrétienne ». 
Conc. Valic, Can. de fide, in, 4. Cette définition ne 
vise aucun miracle en particulier et elle laisse toute 
latitude pour déterminer sagement, d'après les données 
de l'histoire, de la science, etc., et sous le contrôle de 
l'Église, la limite qui sépare ou peut séparer dans 
chaque cas l'action ordinaire de Dieu par les forces de 
la nature de son action extraordinaire. 

5» Distinction des faits surnaturels. — Les faits 
d'apparence surnaturelle, dont il est fait mention dans 
la Sainte Écriture, doivent être distingués selon leur au- 
teur et leur nature. — 1. Les faits vraiment surnatu- 
rels ont Dieu seul pour auteur. En eux-mêmes, ces 
faits présentent toujours des caractères de puissance, 
de convenance, de sainteté, d'utilité, de bonté, qui 
permettent d'en reconnaître le divin auteur. Dieu agit 
tantôt directement, tantôt par l'intermédiaire des anges 
ou des hommes. L'action de ces derniers intermédiaires 
est toujours visible, et elle résulte du pouvoir conféré 
par Dieu de sa propre initiative ou sollicité de lui par 
la prière. L'intervention des anges n'est pas toujours 
reconnaissable. Notre-Seigneur opère des miracles par 
la puissance de la divinité qui est en lui. Son huma- 
nité ne constitue pas un intermédiaire dans la produc- 
tion du miracle, comme l'ange ou l'homme ; elle n'agit 
que comme instrument de la divinité à laquelle elle est 
personnellement unie. 

2. Il y a des miracles diaboliques, c'est-à-dire des 
eflets produits par des êtres supérieurs à l'homme en 
puissance, mais qui, simples créatures, ne peuvent 
intervenir que dans les limites permises par la Provi- 
dence. Voir Démon, t. h, col. 1366-1373; Magie, t. iv, 
col. 562-569. L'intervention des esprits mauvais appa- 
raît au paradis terrestre, Gen., m, 1-5; Apoc, xii, G; 
en Egypte, pendantles premières plaies, Exod., vu, 11, 
22; vin, 7; dans la tentation de Job, i, 12; il, 6; vu, 1; 
dans les épreuves de Sara, fille de Raguel, Tob., vi, 
16, 19; vin, 3; dans la tentation , du Sauveur, Matth., îv, 
1-11; Marc, i, 13; Luc, iv, 2-13; dans les prestiges 
de Simon le magicien, Act., vm, 9-11 ; dans ceux d'Ély- 
mas, Act., xm, 8; dans les possessions si fréquemment 



mentionnées. "Voir DÉMONIAQUE, t. n, col. 1374-1379. Le 
surnaturel diabolique se reconnaît à ses caractères 
d'excentricité, d'inconvenance, d'impureté et -d'oppo- 
sition à la doctrine révélée. Les inventions du démon 
et le commerce des hommes avec lui sont prévus par 
la Loi et sévèrement prohibés. Deut., xvm, 10-13. A la. 
fin des temps, les faux prophètes et les faux christs, 
tous agents du démon, multiplieront les prodiges au 
point d'ébranler les plus fidèles disciples de Jésus- 
Christ eux-mêmes, si ceux-ci pouvaient l'être. Matth., 
xxiv, 24; Marc, xm, 22; II Thés., n, 9. 

3. lly a enfin un faux surnaturel qui n'est que de la 
supercherie. C'est le cas de l'idole de Bel, que ses 
prêtres faisaient passer pour avoir besoin de nourriture, 
et du grand serpent que les Babyloniens vénéraient 
comme un dieu. Daniel, xiv, 2, 17-19, 23, 26, dévoila ces 
supercheries. Les tromperies analogues étaient nom- 
breuses dans les cultes idolàtriques. — Voir sur les mi- 
racles de la Sainte Écriture, dans les Démonstr. évang. 
de Migne : Clarke, Sur la vérité et la certitude de la 
religion chrétienne, xix, t. v, col. 1233-1243; Duguet, 
Principes de la foi chrétienne, II, l, 6; H, 1-5, t. vl, 
col. 43-49; de Launay, Nouvelle analyse de Bayle, v-vm; 
t. vi, col. 707-716; Leclerc, Lettre II, sur les miracles, 
t. vi, col. 933-943; Para du Phanjas, Philosophie de la, 
religion, 190-211, t. x, col. 231-251; Statler, Certitude 
de la religion révélée, 142-201, t. x, col. 661-701; Bon- 
net, Recherches sur le christianisme, v-vii, t. XI, col. 487- 
497; Duvoisin, Démonstr. évang., i, v-vn, t. xm, 
col. 770-776, 806-841. — Voir aussi de Bonniot, Le mi- 
racle et ses contrefaçons, Paris, 1887; Lescœur, Jésus- 
Chrit, Append., De la réalité des miracles, Paris, 1888, 
p. 387-422; Id., La science et les faits surnaturels con- 
temporains, Paris, 1897, p. 14-29, 92-101 ; Introduction 
scientifique à la foi chrétienne, par un ingénieur de 
l'État, Paris, s. d., p. 105-118, 157-172; Vacant, Miracle, 
dans le Dict. apologét. de la foi cath. de Jaugey, Pa- 
ris, 1889, col. 2041-2116; Leroy, La constatation du 
miracle, Paris, 1901; Coste, Qu'est-ce que le miracle? 
Paris, 1902; de la Barre, Faits surnaturels et forces 
naturelles, Paris 1903; P. de Broglie, Les conditions 
modernes de l'accord entre la foi et la raison, Paris, 
1903, t. h, p. 28-46; Id., Les fondements intellectuels 
de la foi chrétienne, Paris, 1905, p. 132-158. 

II. Les miracles de l'Ancien Testament. — 1» Dans 
ta Genèse. — 1 . Le séjour d'Adam au paradis terrestre 
et sa chute comportent plusieurs faits merveilleux. 
Voir Adam, t. i, col. 173-176; Arbre de la vie, t. i, 
col. 895-897; Chérubin, t. n, col. 659-660; Eve, t. n, 
col. 2118-2121; Paradis terrestre, Serpent; de Bro- 
glie, Confér. sur la vie surnatur., t. n, p, 45-226; La- 
grange, L'innocence et le péché, dans la Bévue biblique, 
Paris, 1897, p. 341-379. — 2. Sur l'histoire primitive 
jusqu'à l'époque d'Abraham, voir CaïN, t. n, col. 37-40; 
Longévité, t. iv, col. 355; Déluge, t. n, col. -1343-1358; 
Babel (Tour de), t. i, col. 1346-1349; Confdsion des 
langues, t. n, col. 920. — 3. L'histoire des patriarches 
postdiluviens renferme des révélations divines, des. ap- 
paritions d'anges, voir Ange, t. i, col. 586, et divers 
autres miracles, la ruine de Sodome et de Gomorrhe, 
Gen., xix, 15-29, voir Sodome; l'interruption du sacri- 
fice d'isaac, Gen., xxii, 11-13, voir Abraham, t. i, 
col. 80; Isaac, t. m, col. 931; la multiplication des 
troupeaux de Jacob, Gen., xxx, 37-43; xxxi, 5-13, voir 
Brebis, t. i, col. 1918; l'explication des songes par 
Joseph, Gen., xxxvii, 5-11; xl, 9-22; xli, 25-36, voir 
Joseph, t. ni, col. 1658-1663; Songes, etc. 

2° Pour la fondation de la nation israélite. — De 
nombreux et grands miracles sont opérés par Dieu pour 
délivrer son peuple de l'Egypte, le conduire à travers 
le désert et l'établir dans le pays de Chanaan. — 1. Plu- 
sieurs ont pour but de convaincre Moïse de sa mission : 
le buisson ardent, Exod., m, 2, voir Buisson ardent, 



an 



MIRACLE 



1118 



t. i, col. 1969-1970; la verge changée en serpent, la 
lèpre de la main,~Feau changée en sang. Exod., iv, 2-9, 
28-30. Voir Moïse. — 2. Sur les dix plaies d'Egypte, 
voir Plaies d'Egypte; Verge; Eau, t. n, col. -1520-1521 ; 
Grenouille, t. m, col, 347-348; Cousin, t. n, col. 1093- 
1095; Mouche; Peste; Ulcère; Grêle, t. m, col. 336; 
Sauterelle; Ténèbres; Premikr-nê. La Sainte Écri- 
ture mentionne ensuite l'apparition de la colonne de 
nuée, Exod., xm, 21-22, voir Colonne de nuée, t. n, 
col. 853-856; le passage de la mer Rouge, Exod., xiv, 
21-28, voir Rouge (Mer) ; l'adoucissement des eaux de 
Mata, Exod., xv, 23-25, voir Eau, t. n, col. 1521; la 
chute des cailles et de la manne, Exod., xvi, 8-15, voir 
Caille, t. n, col. 33-36; Manne, t. iv, col. 656. — 3. Pen- 
dant le séjour au désert, d'autres merveilles se produisen t : 
la manifestation divine du Sinaï, Exod., xix, 3-24, voir 
Sinaï; l'apparition de la gloire de Dieu sur le tabernacle, 
Exod. , xl, 32-34, voir Gloire de Dieu, t. m, col. 251-252; 
la combustion de l'holocauste d'Aaron par le feu du ciel, 
Lev., ix, 23-24; le châtiment céleste de Nadab et Abiu, 
Lev., x, 1,2; la seconde chute des cailles, Num., xi, 
31, 32; la lèpre infligée à Marie, sœur de Moïse, Num., 
xu, 10-15, voir Lèpre, t. iv, col. 184; le châtiment 
divin de Coré, Dathan, Abiron et de tous les révoltés, 
Num., xvi, 19-49; la floraison de la verge d'Aaron, 
Num., xvh, 8 ; la production de l'eau par la percussion du 
rocher, Num., xx, 8, voir Eaux de contradiction, t. n, 
col. 1523; les guérisons par la vue du serpent d'airain, 
Nuin., xxi, 9, voir Serpent d'airain; la parole pro- 
férée par l'ànesse de Balaam, Num., xxn, 30, voir Ba- 
laam, t. I, col. 1391; la sépulture de Moïse. Deul., 
xxxiv, 5, 6. — 4. L'établissement des Hébreux dans la 
terre de Chanaan donne lieu à un certain nombre de 
miracles : le passage du Jourdain, Jos., m, 15-17, voir 
Jourdain, t. m, col. 1743-1744 ; la destruction des murs 
de Jéricho par le son des trompettes, Jos., vi, 20, voir 
Jéricho, t, ni, col. 1292-1293; la découverte par le sort 
du prévaricateur Achan, Jos., vu, 18, voir Achan, t. i, 
col. 129-130 ; l'arrêt du soleil et la victoire de Gabaon, 
Jos., x, 11-13; le feu sortant de la pierre pour consu- 
mer les offrandes de Gédéon, Jud., vi, 21 ; la rosée et la 
toison, Jud., vi, 36-40; l'annonce de la naissance de 
Samson, Jud., xm, 2-5, et les faits extraordinaires qui 
remplissent sa vie. 

3° Sous les rois. — La période qui s'étend de Samuel 
à la captivité s'ouvre par les révélations faites au jeune 
Samuel, I Reg., m, 4-18; la chute de l'idole de Dagon 
devant l'arche, IReg., v, 2-5; le retour de l'arche con- 
duite par deux vaches seules, I Reg., vi, 7-12; le châ- 
timent des Bethsamites, I Reg., vi, 19; l'indication du 
choix de Saûl par le Seigneur, I Reg., ix, 17, et ensuite 
du jeune David, I Reg., xvi, 12, pour être rois; enfin 
l'évocation de Samuel par la pythonisse d'Endor. 
I Reg., xxvm, 11-20; voir Évocation des morts, t. h, 
col. 2129-2131. — 2. Sous David, qui reçoit plusieurs 
fois des communications divines. II Reg., il, 1; vu, 
4, 5. Oza est frappé pour avoir touché l'arche, II Reg., 
vi, 7 ; une peste de trois jours est envoyée par Dieu à 
la suite du dénombrement. II Reg., xxiv, 15. Salomon 
est favorisé deux fois de communications divines, III 
Reg., m, 5; ix, 2, et, à la dédicace du Temple, une 
nuée miraculeuse remplit l'édifice. III Reg., vm, 10, 

11. — 3. Sous les rois suivants, ce sont les prophètes 
qui font ordinairement les miracles. Ahias annonce à 
Jéroboam sa prochaine royauté, III Reg., xi, 31, et à la 
femme de Jéroboam la mort de son fils, III Reg., xiv, 

12, etc.; à la menace d'un autre prophète, la main de 
Jéroboam se dessèche et son autel schismatique se 
brise. III Reg., xih, 3-5. Les prophéties elles-mêmes, 
qu'elles se rapportent à des événements prochains ou à 
un avenir plus éloigné, rentrent dans la série des faits 
nettement surnaturels. Voir Prophétie. — 4. Le pro- 
phète Élie opère de nombreux et grands miracles, sur- - 



tout dans le royaume d'Israël, montrant ainsi que Dieu 
ne se désintéresse pas de la partie schismatique de son 
peuple. Il prédit la sécheresse prolongée, III Reg., 
xvh, 2; est nourri par des corbeaux dans le torrent en 
Carith, III Reg., xvh, 4, 6, voir Corbeau, t. il, col. 961 ; 
multiplie la farine et l'huile de la veuve de Sarephta, 
III Reg., xvii, 14-16; ressuscite le fils de cette veuve, 
111 Reg., xvh, 22; fait descendre le feu^du ciel sur 
son sacrifice du mont Carmel, III R&g., xvm, 34-38; 
reçoit de l'ange la nourriture qui lui donne la force 
de marcher quarante jours jusqu'au mont Horeb, III 
Reg., xix, 5-8; est envoyé par Dieu pour sacrer Hazaël 
roi de Syrie, Jéhu roi d'Israël et Elisée prophète, 

III Reg., xix, 15, 16; fait dévorer par le feu du ciel 
cent deux envoyés du roi Ochozias, dont il prédit la 
mort, IV Reg., î, 10-12, -16; se fait un passage à travers 
les eaux du Jourdain en les frappant avec son man- 
teau, IV Reg., n, 8, et enfin disparait dans un char de feu. 

IV Reg., n, 11. Voir Élie, t. n, col. 1670-1675. - 

5. Elisée, disciple d'Élie, se fait aussi un passage dans 
les eaux du Jourdain avec le manteau de son maître, 
IV Reg., n, 14; adoucit les eaux de Jéricho, IV Reg., n t 
19-22; annonce aux rois ligués contre Moab l'arrivée 
de l'eau dont ils manquent, IV Reg., ni, 16-20, voir 
Inondation, t. m, col. 883; multiplie l'huile de la veuve, 
IV Reg., iv, 3-6; prédit à la Sunamite la naissance 
d'un fils, qui meurt ensuite d'insolation et qu'il ressus- 
cite, IV Reg., iv, 16-37; adoucit avec un peu de farine 
l'amertume d'une marmite de coloquintes, IV Reg,, iv, 
40, 41, voir Coloquinte, t. il, col. 859; multiplie le 
pain pour la nourriture de cent hommes, IV Reg., iv, 
42-44 ; guérit Naaman de la lèpre et la transmet à Giézi, 
son serviteur, pour le punir, IV Reg,, v, 10, 14, 26, 27 ; 
fait surnager le fer d'une hache, IV Reg., vi, 6; dé- 
couvre au roi d'Israël les plans de guerre du roi de 
Syrie, et conduit à Samarie même les soldats de ce 
dernier, frappés d'un aveuglement momentané. IV 
Reg., vi, 9-20. Après sa mort, un cadavre mis en con- 
tact avec ses ossements ressuscite aussitôt. IV Reg., xm, 
21. Voir Elisée, t. n, col. 1690-1696. - 6. Sous Ézé- 
chias ont lieu les deux miracles de la rétrogradation 
du cadran solaire, IV Reg., xx, 9-11, voir Cadran 
solaire, t. n, col. 27, 28, et de l'extermination de l'ar- 
mée de Sennachérib. IV Reg., xix, 35. Voir Ézécihas, 
t. n, col. 2145-2146. Sur le miracle de Jonas englouti 
par un monstre marin, Jon., n, 1, voir Baleine, t. i, 
col. 1413. Enfin la captivité elle-même, dont les pro- 
phètes annoncent le commencement et la fin, doit être, 
à ce double titre, rangée parmi les événements mer- 
veilleux. Voir Captivité, t. n, col. 227-240. 

4° De la captivité à Jésus-Christ. — 1. Pendant la cap- 
tivité, l'ange Raphaël se fait le compagnon du jeune To- 
bie, et communique à des objets ordinaires le pouvoir 
de chasser le démon et de guérir de la cécité. Tob., v, 

6, 7; vi, 7, 9; vm, 2; xi, 13-15. A Babylone, Daniel a 
l'intelligence des songes, Dan., i, 17; n,2745; iv, 16-30, 
et des paroles mystérieuses de la salle du festin de Bal- 
tassar. Dan., v, 25-28. Ses trois jeunes compagnons 
sortent sains et saufs de la fournaise, Dan., m, 94, et 
lui-même échappe miraculeusement aux dangers de la 
fosse aux lions. Dan., vi, 22; xiv, 39. — 2. Le second 

Jivre des Machabées raconte aussi quelques miracles 
opérés pendant la période postérieure à la captivité : la 
renaissance du feu sacré, II Mach., i, 20-22; le châti- 
ment d'Héliodore, II Mach., m, 25-35; l'apparition de 
cinq cavaliers célestes auprès de Judas Machabée, 
II Mach., x, 29; la vision dans laquelle se montre à ce 
dernier le prophète Jérémie priant pour le peuple. 
II Mach., xv, 14. 

5» Caractère des miracles de l'Ancien Testament. — 
1. Ces miracles portent en général le cachet qui convient 
à une loi de crainte. Beaucoup sont grandioses, de ma- 
nière à inculquer une haute idée de la majesté de Dieu. 



1119 



MIRACLE 



1120 



Les uns sont terribles, comme le déluge, la destruction 
de Sodome et de Gomorrhe, les plaies d'Egypte, l'en- 
gloutissement de l'armée égyptienne dans la mer Rouge, 
le châtiment des révoltés du désert, la destruction de 
Jéricho, l'extermination de l'armée de Sennachérib, etc. 
Ils obligeaient à révérer en Jéhovah le Dieu qui com- 
mande à l'univers, qui a pris Israël sous sa tutelle 
particulière, et entend être respecté de tous les peuples 
et spécialement du sien. D'autres grands miracles ma- 
nifestent la bonté de Dieu à l'égard des hommes voués 
à son service. De ce nombre sont la multiplication des 
troupeaux de Jacob, la manne, les cailles, l'eau accor- 
dée au désert, etc. — 2. Il y a des miracles particuliers 
qui constituent des actes de sévérité : le châtiment de 
Nadab et Abiu, celui d'Achan, des Bethsamites, d'Oza, 
le feu du ciel descendant, à la voix d'Élie, sur les en- 
voyés d'Ochozias, etc. Ces miracles sont destinés à frap- 
per de terreur un peuple encore grossier, trop facile- 
ment oublieux de la sainteté deûieu. Il fallait de temps en 
temps des interventions de cette nature pour mettre à la 
raison ceux qui étaient tentés de ne pas distinguer assez 
nettement entre Jéhovah et les faux dieux. — 3. Enfin, 
plusieurs miracles ont déjà une saveur toute évangélique, 
montrant que le Dieu de l'Ancien Testament est le même 
que celui du Nouveau. C'est l'idée que suggèrent l'in- 
terruption du sacrifice d'Abraham, les guérisons par la 
vue du serpent d'airain, les résurrections d'enfants par 
Élie et Elisée, la multiplication qu'ils font des subs- 
tances alimentaires, la guérison de Naaman et d'Ézé- 
chias, etc. — 4. Pour la longue période qui va de Moïse 
à Jésus-Christ, les miracles sont relativement peu nom- 
breux. Au début, ils se multiplient et revêtent un ca- 
ractère grandiose. Les conditions dans lesquelles se 
trouvait alors le peuple de Dieu imposaient cette néces- 
sité. Dieu voulait délivrer ce peuple de ses ennemis et en 
même temps lui inculquer, pour toute la suite de son 
histoire, une forte idée de la puissance, de la sainteté 
et de la bonté du Maître auquel il appartenait. On peut 
dire que toute la pensée religieuse d'Israël a vécu 
des miracles de l'Exode. Ce sont ces grands fails que 
rappellent les fêtes annuelles et que célèbrent les can- 
tiques sacrés. Les miracles du temps de Josué corro- 
borent l'effet des précédents. De plus, ils inspirent aux 
peuples de Chanaan la crainte de Jéhovah. Le miracle 
n'apparaît plus ensuite que de loin en loin, comme pour 
rappeler à Israël que le Dieu de l'Exode s'occupe toujours 
de lui. Les miracles d'Élie et d'Elisée forment une sorte 
de recrudescence de l'activité divine à la veille de la 
captivité. On dirait que le Seigneur veut donner une 
dernière leçon à son peuple, lui faire comprendre ce 
que sa fidélité lui eût attiré de bienfaits surnaturels, lui 
laisser un dernier souvenir qui le soutint au cours de. 
ses malheurs. Les miracles de Daniel sont, à Babylone, 
pour les Hébreux et les Chaldéens, une nouvelle mani- 
festation de la puissance de Jéhovah. Au retour de la 
captivité et en attendant l'Évangile, les miracles cessent 
à peu près totalement, comme les prophéties. Eccli-, 
xxvi, 3-8. 

III. Les miracles du Nouveau Testament. — 1° Dans 
l'Évangile. — 1. Le Nouveau Testament débute par le 
récit d'apparitions angéliques à Zacharie, Luc, i, 11, et 
à Marie, Luc, I, 26, et de deux naissances, celle de Jean- 
Baptiste, qui est accompagnée de merveilles, Luc, i, 7, 
36, 57, et celle de Jésus, qui constitue un miracle unique. 
Luc, i, 35. — 2. La vie de Notre-Seigneur, de sa nais- 
sance à son ascension, présente un grand nombre de 
miracles. Voir Jésus-Christ, t. m, col. 1503-1509. Parmi 
ces miracles, il en est qui touchent la personne même 
du Sauveur et sont sans exemple, avant ou après lui :. 
sa conception surnaturelle, sa transfiguration, sa propre 
résurrection et son ascension. Les autres accusent une 
puissance divine, qui s'exerce de sa propre initiative et 
sans nul effort. Mais le pouvoir peut en être communi- 



qué aux hommes. Notre-Seigneur le communique en 
effet à ses Apôtres et à ses disciples, en les envoyant 
prêcher l'Évangile, Marc.,xvi, 17, 18,20; il ajoute même 
qu'avec la foi en lui on pourra, non seulement repro- 
duire ses miracles, mais encore en opérer de plus grands. 
Joa., xiv, 12. 

2° Dans les Acte* des Apôtres. — 1. Les premiers 
miracles opérés pour la fondation de l'Église sont : la 
descente du Saint-Esprit à la Pentecôte et le don des 
langues, Act., n, 2-8, voir Langues (Don des), t. rv, 
col. 74; la conversion d'abord de 3000 hommes, Act., 
», 41, puis de 5 000, Act., iv, 4; la guérison du boiteux 
à la porte du Temple, Act., m, 6, 7 ; le châtiment d'Ana- 
nie et de Sapbire, Act., v, 5, 10; voir Ananie, t. i, 
col. 540, 541 ; les guérisons nombreuses par la seule 
ombre de saint Pierre, Act., v, 15, 16; les miracles de 
saint Etienne, Act., VI, 8, et sa vision du Fils de Dieu, 
Act., vu, 55; les miracles de saint Philippe à Samarie, 
Act., vin, 6; et son enlèvement après la conversion de 
l'eunuque. Act., vin, 39. — 2. Saint Pierre continue la 
conquête évangélique par divers miracles : la guérison 
du paralytique de Lydda, Act., IX, 34; la résurrection 
de Tabitha, Act., ix, 40; l'apparition de l'ange à Cor- 
neille et la révélation divine faite à saint Pierre, Act., 
x, 3, 10, 11; la délivrance de la prison d'Hérode, Act., 
xii, 7, et le châtiment subit du prince. Act., xii, 23. — 

3. Saint Paul, converti par miracle, Act., ix, 3-18, frappe 
de cécité le magicien Elymas, Act., xm, 11 ; guérit un 
boiteux à Lystres, Act., xiv, 9; chasse le démon qui 
possédait et inspirait une jeune fille, à Philippes, Act., 
xvi, 18; est, miraculeusement délivré de ses liens en 
prison, Act., xvi, 26; guérit des malades par le contact 
des linges qu'il a portés, Act., Xix, 12; à Troade, ressus- 
cite le jeune Eutychus. tombé par la fenêtre du troisième 
étage, Act, xx, 10; reçoit la visite d'un ange qui lui 
annonce le salut des passagers du navire, Act., xxvn, 
22-24; n'a rien à souffrir, à Malte, de la piqûre d'une vi- 
père, Act., xxviii, 5, et guérit de la fièvre et de la dysen- 
terie le père de Publius, chef de l'île. Act., xxvm, 8. — 

4. Outre ces miracles, il faut encore mentionner les 
dons spirituels, qui mettaient les âmes des premiers chré- 
tiens dans des états surnaturels ayant leur manifestation 
extérieure. Voir Dons surnaturels, t. u, col. 1483-1487. 

3° Caractère des miracles du Nouveau Testament. — 
1. Les miracles de l'Évangile sont tous des miracles de 
puissance et de bonté. Aucun ne s'inspire d'une pensée 
de sévérité contre ceux qui font mal, et quand Jacques 
et Jean veulent faire descendre le feu du ciel sur une 
ville de Samarie, Notre-Seigneur les reprend en disant : 
« Vous ne savez de quel esprit vous êtes. » Luc, IX, 55. 
Il faut qu'en tout le Sauveur n'apparaisse qu'avec sa 
bonté et son amour pour les hommes. TH., m, 4. C'est 
ce qui donne à l'ensemble de ses miracles un caractère 
d'utilité, de charité, d'amabilité, de prévenance, qui ne 
se trouve nulle part ailleurs, ni avant ni après lui. 

2. Les Apôtres sont l'objet de miracles qui n'ont point 
leurs analogues dans l'Évangile, le don des langues, les 
délivrances de prison, le transport subit en des lieux 
éloignés, etc. Ils en font d'autres qui paraissent par 
quelques côtés plus grands que ceux de Notre-Seigneur: 
saint Pierre guérit par sa seule ombre, et saint Paul par 
le contact des linges qu'il a portés. Mais aussi certains 
caractères des miracles de l'Ancien Testament repa- 
raissent parfois, quand le réclame l'intérêt de l'Église 
naissante. On constate la sévérité ancienne dans les châ- 
timents d'Ananie et de Saphire, d'Élymas et d'Hérode. 
'3. Tous les miracles du Nouveau Testament se pré- 
sentent dans des conditions qui ne permettent aucun 
doute sur leur réalité. La plupart ont été entourés d'une 
grande publicité et les témoignages des écrivains sacrés, 
acceptés par les contemporains,' offrent toutes les garan- 
ties désirables. D'autres miracles n'ont eu que de rares 
témoins, ou même n'en ont eu qu'un seul, comme la 



1121 



MIRACLE — MIRAGE 



1122 



visite de l'ange à Marie, la tentation de Jésus-Christ au 
désert, l'apparition de l'ange à son agonie, etc. Mais ces 
témoins sont tellement qualifiés qu'il serait déraison- 
nable de ne pas s'en rapporter à eux. On leur doit la 
même foi qu'aux témoins nombreux, quelle que soit la 
nature des faits qu'ils racontent. Voir Actes des Apôtres, 
t. i, col. 152-158; Jean (Évangile de saint), t. m, 
col. 1167-1183; Luc (Évangile de saint), t. iv, col. 386- 
391; Mabc (Évangile de saint), col. 719; Matthieu (Évan- 
gile de saint), col. 876. 

4. Les miracles de l'Évangile et des Actes, à part ceux 
qui se rapportent directement à la personne de Notre- 
Seigneur ou à des circonstances transitoires, comme 
les différents dons surnaturels, ne sont pas des faits 
isolés dans l'histoire de la religion. Ils ont été reproduits 
dans tous les siècles, offrant ainsi à chaque génération 
une démonstration, par analogie, de la possibilité et de 
la réalité des miracles évangéliques. 

5. Il y a à noter une différence caractéristique entre 
les miracles de Jésus-Christ et ceux des hommes. Les 
hommes ne peuvent produire un effet surnaturel que 
par un pouvoir d'emprunt, qui leur vient de Dieu, seul 
auteur du surnaturel absolu. Ainsi, quand les Apôtres 
font des miracles, ou bien ils prient Dieu au préalable, 
comme saint Pierre à Joppé, Act., ix, 40, ou bien ils 
déclarent formellement que le miracle est opéré au nom 
et par la puissance de Dieu. Act., m, 6; IX, 34, etc. Si 
le texte sacré n'indique ni l'une ni l'autre de ces condi- 
tions, la prédication des Apôtres donne assez formelle- 
ment à entendre qu'ils n'agissent en tout qu'au nom de 
Dieu. S'il en eût été autrement, leur pouvoir miracu- 
leux eût aussitôt pris fin, ou du moins eût revêtu un ca- 
ractère capable de dévoiler son origine diabolique. Le 
Sauveur a dit en effet : « Il n'est personne qui, après 
avoir fait un miracle en mon nom, puisse aussitôt parler 
mal de moi. » Marc, ix, 38. Un acte opéré avec un pou- 
voir surnaturel venu de Dieu ne peut en effet accompa- 
gner une parole proférée contre Dieu. Quand, au con- 
traire, c'est Jésus-Christ qui opère le miracle, il ne se 
réclame d'aucun autre pouvoir et il ne demande ce pou- 
voir à personne : il agit 4e sa propre initiative et par 
sa vertu personnelle. Sans doute il répète que « le Fils 
ne peut rien faire de lui-même que ce qu'il voit faire au 
Père », Joa., v, 19, que lui-même « il fait les œuvres 
de son Père », Joa., x, 37, que le Père, demeurant en 
lui, fait ses œuvres. Joa., xiv, 10. Mais il déclare que lui 
et son Père ne font qu'un, Joa., x, 30, d'où il suit que, 
dans la production des actes d'ordre surnaturel, Jésus- 
Christ n'est pas un principe d'action différent de son 
Père. Si, avant de ressusciter Lazare, il remercie le Père 
de l'avoir exaucé, tout en observant que le Père l'exauce 
toujours, Joa., xi, 41, 42, il ajoute qu'il ne parle ainsi qu'à 
cause de la foule, afin qu'elle croie que le Père l'a envoyé. 

6. Notre-Seigneur n'opère en effet de miracles que 
pour prouver la divinité de sa mission. Il n'entend pas 
prouver directement sa divinité personnelle. Sans doute, 
agissant de sa propre initiative et par sa propre puis- 
sance, il pouvait prouver par là qu'il est Dieu. Mais cette 
initiative et cette puissance indépendante se supposent 
plus aisément qu'elles ne se démontrent, tant qu'elles 
restent isolées de l'affirmation du Sauveur sur sa nature 
divine. Logiquement, le miracle prouve donc seulement 
que Notre-Seigneur est l'envoyé de Dieu et que sa pa- 
role est digne de foi. Cf. Jésus-Christ, t. m, col. 1505- 
1506. La valeur de cette parole une fois établie par le 
miracle, il ne reste plus qu'à l'écouter et à la croire. 
Les miracles des Apôtres ont une valeur analogue. Ils 
démontrent que les Apôtres sont les envoyés de Dieu et 
que le témoignage qu'ils appuient sur les miracles est 
vrai. Ce témoignage a ensuite la force de prouver logi- 
quement la divinité de Notre-Seigueur et de son ensei- 
gnement. Les miracles sont ainsi d'une importance 
capitale dans le Nouveau Testament. « Jésus-Christ a 

dict. de la bible. 



fait des miracles, et les Apôtres ensuite, et les premiers 
saints en grand nombre; parce que, les prophéties 
n'étant pas encore accomplies et s'accomplis?ant par 
eux, rien ne témoignait que les miracles. Il était prédit 
que le Messie convertirait les nations. Comment cette 
prophétie se fût-elle accomplie, sans la conversion des 
nations ? Et comment les nations se fussent-elles conver- 
ties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des pro- 
phéties qui le prouvent? Avant donc qu'il ait été mort, 
ressuscité, et qu'il eût converti les nations, tout n'était 
pas accompli : et ainsi il a fallu des miracles pendant 
tout ce temps-là... Les pharisiens et les scribes font 
grand état de ses miracles, et essaient de montrer qu'ils 
sont faux ou faits par le diable, étant nécessités d'être 
convaincus, s'ils reconnaissaient qu'ils sont de Dieu. » 
Pascal, Pensées, édit. Guthlin, Paris, 1896, p. 228-229. 

H. Lesétre. 

MIRAGE, illusion d'optique provenant d'une inégale 
réfraction des rayons lumineux à travers dés couches 
d'air d'inégale densité. Les objets saillants paraissent 
alors se dresser au milieu d'un lac immense, que le 
voyageur aperçoit à distance, mais qu'il ne peut jamais 
atteindre. Ce phénomène se produit surtout dans les 
déserts fortement échauffés par les rayons du soleil, 
particulièrement dans les plaines sablonneuses de 
l'Egypte. Il avait été déjà observé par les anciens. 
Quinte-Curce, vu, 5, raconte que, lorsque Alexandre 
arriva en Sogdiane, la chaleur du sol dégagea une sorte 
de brouillard, « de telle façon que les plaines ressem- 
blèrent à une vaste et profonde mer. » D'après le Co- 
ran, xxiv, 39, « les œuvres de l'infidèle ressemblent à la 
vapeur qui s'élève dans le désert; le voyageur altéré y 
court chercher de l'eau, et, lorsqu'il s'en est approché- 
l'illusion a disparu. » 

Rosenmûller, Jesai&t vaticin., Leipzig, 1793, t. n, 
p. 739, Gesenius, Thésaurus, p. 1480, et beaucoup 
d'autres, ont pensé que le mot Sdrâb désignai t le mirage,, 
comme le mot arabe sarâb. Il se lit deux fois dans Isaïe„ 
Dans sa description de l'heureux temps de la restaura- 
tion messianique, le prophète dit : 

Des eaux jailliront dans le désert 

Et des ruisseaux dans la solitude ; 

Le Sdrâb se changera en lac 

Et le sol desséché en source d'eaux. — Is., xxxv, 6, 7. 

Ailleurs il dit encore en parlant du même sujet : « L& 
sdrâb et le soleil ne les frappera pas (yakkêm); car 
celui qui a pitié d'eux sera leur guide et les mènera 
vers des sources d'eaux. » Is., xlix, 10. Le Targum a 
conservé le mot de l'original : Naiiw, Serôbd'. Les Sep- 
tante ont traduit le mot hébreu dans le premier passage- 
d'Isaïe, par SvuSpoc, « terre sans eau » (Vulgate : arida, 
c terre desséchée »). Dans le second, ils rendent Sdrâb 
par 6 xocuitùm, « le vent brûlant » (Vulgate : sestus, « la 
chaleur »). Le verbe ndkdh, « frapper, » employé par le- 
prophète, Is., xlix, 10, peut s'appliquer à la chaleur, 
au vent brûlant, au soleil, qui semblent lancer des traits 
ardents sur le voyageur. Il s'applique ici, d'après les 
exégètes, qui donnent à Sdrâb le sens de mirage, à l'ar- 
deur de la soif qui fait souffrir si cruellement dans le 
désert et que la déception da mirage irrite encore da- 
vantage. D'après d'autres auteurs, si le sens de mirage 
peut convenir au premier passage d'isaïe, il convient 
difficilement au second. Aussi la signification de grande 
chaleur leur paraît-elle préférable. Les Septante et la 
Vulgate qui ont ainsi traduit, leur donnent raison. Mais 
\ il faut observer qu'ils ne pouvaient pas traduire littéra- 
{ lement le mot, parce que le grec et le latin n'ont point 
' de terme signifiant « mirage ». Le nom ordinaire du roi- 
i rage en arabe est ( >U^o, sarâb, et c'est là un argu- 
ment très fort en faveur de ceux qui attribuent cette 
signification au mot hébreu. Voir Gesenius, Thésaurus, 
\ p. 1480. H. Lesêtke. 

IV. - 36 



1123 



MIRoir 



1124 



MIROIR (hébreu : mctr'âh et rëi, de râ'âh, « voir, y> 
gillâyén; Septante : xÔTOjrrpov, opaai;, idoitxpov; Vul- 
gate : spéculum), surface métallique suffisamment polie 
pour reproduire une image qu'on place vis-à-vis d'elle 
(fig. 293). — Dès le séjour des Hébreux au désert, il est 




(fig. 295), quelquefois doré, en alliage de cuivre et d'étain, 
ce qui donnait les meilleurs résultats, ou même en ar- 
gent. Cf. Pline, H. tf., xxxm, 45; xxxiv, 48. Les femmes 



293. — Image se réfléchissant dans un miroir. Vase grec. D'après 
Ed. Gerhard, Antike Bildwerke, Stuttgart, 1827-1839, pi. uni. 

question de miroirs. « Il fit la mer d'airain avec sa base 
au moyen des miroirs des femmes qui veillaient à la porte 
du Tabernacle. » Exod., xxxviii, 8. Cette veillée se faisait 
par dévotion. Cf. I Reg., ri, 22. Il y avait là un usage 
que saint Cyrille d'Alexandrie, De adorât, in spir., ix, 
t. lxviii, col, 629, signale comme en vigueur chez les 
Égyptiens : (< C'était une coutume, surtout chez les 
femmes égyptiennes, de se rendre aux temples vêtues 
de tuniques de lin, en portant, avec une attitude reli- 
gieuse, un miroir à la main gauche et un sistre à la 
droite. » Les monuments égyptiens représentent fré- 
quemment des miroirs métalliques. Cf. t. n, fig. 640, 
col. 2192; Wilkinson, Manners and customs ofthean- 
cient Egyptians, Londres, 1837, t. m, p. 384; Erman. 
Aegypten und àgyptisches Leben in Alterlhuni, Tu- 
bingue, 1885, p. 316, 399. On en a retrouvé un bon 
nombre, et spécialement , dans le sarcophage de la reine 
Hatespou, de la XVIII e dynastie, vers le xv« siècle avant 
J.-C. , un miroir de bronze doré, à poignée en ébène garnie 
d'un lotus d'or ciselé (voir 1. 1, fig. 623, col. 1944). Cf. Mas- 
pero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient élas- 
tique, Paris, t. il, 1897, p. 96. Ces miroirs étaient ordinai- 
rement ronds ou légèrement elliptiques (t. i, fig. 294). On 
ne les destinait pas à être fixés à unemuraille ou à un meu- 
ble; tous sont des miroirs à main, pourvus d'un manche 
tcuipté de diverses façons ou orné de figurines. Les an- 
ciens n'ont connu que les miroirs en métal, en cuivre 




204. — Miroir égyptien. Musée du Louvro. 

Israélites avaient emporté des miroirs d'Egypte. Elles on 
firent le sacrifice pour fournir le cuivre nécessaire à la 




295. — Miroir punique, en cuivre, trouvé dans un tombeau de Car- 
thage, le 2 novembre 1904. Une partie du miroir n'ayant pas 
été oxydée, il réfléchit encore l'image placée devant lui. D'après 
un dessin de M. d'Anselme. 

fabrication de la mer d'airain. — L'auteur du livre de 
Job, xxxyn, 18, dit que le ciel est comme re'î mûsâq, 
« un miroir fondu, » opcidiç iiiïfji<Ku>$, « vision de ce 



1125 



MIROIR — MISAEL 



1126 



<ju'on verse, » xre fusi sunt, « sont fondus en airain. » 
Cette conception d'un ciel qui ressemble à un miroir 
de métal répond à la double idée que se faisaient les 
anciens d'un ciel plus ou moins solide, voir Firmament, 
t. h, col. 2280, cf. Deut., xxvm, 23, et en même temps 
d'un ciel lumineux, éclairé par l'éclat du soleil et des 
astres et brillant comme un miroir poli. — Isaïe, m, 
23, mentionne, parmi les atours des femmes de Sion, 
les gilênîm, spécula. Le mot est employé une autre 
fois au singulier, gilldyôn, Is., toi, 1, pour désigner 
une tablette polie sur laquelle on écrit. II se rattache 
à la racine gâlâh, « être lisse. » Les miroirs ne pou- 
vaient manquer de figurer parmi les nombreux objets 
de toilette qu'énumère le prophète. Les Septante tra- 
duisent par 8i«çavî| Xaxwvai, sortes de vêtements dia- 
phanes et transparents de Laconie, comme les étoffes 
de Cos dont parlent Pline, H. N., xi, 26; Horace, i>at. I, 
ii, 101; Sénèque, De beneftc., 10, etc. La racine gâlàh 




296. — Grecque se regardant dans un miroir. Terre cuite de 
Tanagra. D'après la Gazette archéologique, t. iv, 1878, pi. 10. 

signifie aussi, en hébreu et en arabe, « être net, dé- 
nudé. » Rosenmûller, Jesajee vaticin., Leipzig, 1810, 
t. i, p. 130-131, défend l'étymologie adoptée par les 
Septante. La première est généralement préférée. — Au 
livre de la Sagesse, vu, 26, la sagesse est présentée 
comme le « miroir sans tache » de la majesté de Dieu. 
Cette sagesse, qui vient de Dieu et qui gouverne l'âme de 
l'homme, reproduit en effet en quelque manière les 
attributs divins. Mais, quoique le miroir soit sans tache, 
ce n'est encore qu'un miroir, et, comme remarque 
saint Paul, I Cor., xm, 12, en cette vie, nous ne voyons 
les choses divines que « par un miroir », c'est-à-dire 
par une vision intermédiaire et imparfaite. Quelques 
auteurs ont pensé que saint Paul fait allusion ici, non 
au miroir, mais au specular, substance transparente, 
pierre, corne, ivoire, etc., que les anciens mettaient aux/ 
fenêtres en guise de vitres. Cf. Odyss., xix, 563; Pline; 
H. N., xix, v, 23; Martial, vm, 14, etc. On lit dans Terlul- 
lien, Deanim., 53, t. n, col. 741 : « La lumière des choses 
est confuse pour l'âme, comme à travers un specular de 
corne. » Saint Paul voudrait dire alors que nous voyons 
les choses divines comme à travers une substance qui 
ne laisse passer qu'une lumière incomplète et confuse. 
Mais l'Apôtre se sert du mot ïaanzpov, qui a toujours le 
sens de miroir. Cf. Pindare, Nem., vu, 14; Josèphe, 
Ant. jud., XII, il, 10, etc. Le vitrage en pierre spécu- 



laire se nomme en grec àfoir-rpa. — Enfin saint Jacques 
i, 23, compare celui qui écoute la parole de Dieu et ns 
la pratique pas, à « un homme qui regarde son visage 
dans un miroir et qui, après s'être regardé, s'en va et 
oublie aussitôt quel il était ». Ni l'un ni l'autre ne 
tirent parti de la connaissance qu'ils ont acquise. A. 
l'époque où écrivaient les deux Apôtres, l'industrie 
grecque fabriquait des miroirs de grande beauté. Il y 
avait des miroirs en forme de disques, avec une face 
convexe soigneusement polie, et une surface concave 
ornée de figures gravées au burin. Ces miroirs avaient 
un manche sculpté qui permettait de les tenir à la main, 
ou une sorte de socle au moyen duquel on les posait 
sur un meuble. Différentes peintures et des figurines 
(fig. 296) représentent des femmes se regardant au mi- 
roir. Cf. une peinture de Cumes, dans Monumenti an~ 
tichi, in-f", Milan, 1839, t. i, vis-à-vis la col, 955; J. E. 
Middleton, Engraved Gems, in-4», Cambridge, 1891, pi. I, 
n. 11 et p.. vu. D'autres miroirs faisaient partie d'une boite 
en forme de disque; le couvercle, orné de figures en bas- 
reliefs à l'extérieur, présentait à l'intérieur une surface 
polie et argentée qui se relevait verticalement et réfléchis- 
sait les images. Cf. M. Collignon, Manuel d'archéologie 
grecque, Paris, s. d., p.' 346-354. Quand il écrivait aux 
Corinthiens, saint Paul avait eu l'occasion de voir ces 
différentes sortes de miroirs à Athènes et dans les villes 
de Grèce et d'Asie Mineure qu'il avait parcourues. 

Voir J. de Witte, Les miroirs chez les anciens, in-8", 
Bruxelles, 1872; Baumeister, Denkmàler des clasisscheti 
AUerthums, 3 in-4», Munich, 188M888, t. ni, p. 1690- 
1693; Mylonas, 'EXXvrvmà xa-rou-rpa, in-8», Athènes, 1876; 
Ed. Gerhard, Etruskische Spiegel, 4 in-4°, en 5 vol., 
Berlin, 1843-1867; Id., Ueber die Metallspiegel der 
Etrusker, 2 part, in-4», Berlin, 1838-1860 ; Wilkinson, 
Manners and customs of the ancient Egyptians, édit. 
Birch, t. n, p. 350-351; Dumont, Miroirs grecs ornés de 
figures ou de traits, dans les Monuments grecs de l'As- 
sociation des études grecques, 1873; Guhl et Koner, Leben 
der Griechen und Rbmer, 6 e édit., in-8°, par fi. Engel- 
mann, Berlin, 1893, p. 317, 746,' 747. 

H. Lesêtre. 

MISAAM (hébreu : Mis'àm; Septante : MciraaX), 
fils d'Elphaal, de la tribu de Benjamin. I Par., vm, 12. 

MISACH (hébreu : Mêsak; Septante : Mkt«x), nom 
chaldéen donné à Misaël, un des trois compagnons de 
Daniel. Dan., i, 7; n, 49; m, 12. Ces jeunes Israélites 
ayant été choisis pour être élevés à la cour du roi Na- 
buchodonosor, leur nom fut changé selon la coutume 
du pays. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, 6 e édit., t. iv, p. 277. On a donné du nom de 
Misach les étymologies les plus diverses. Toutes les ex- 
plications fondées sur le sanscrit et le perse doivent être 
rejetées, puisque le mot est chaldéen. Pour l'histoire de 
Misach, voir Misaël 3. 

MISAEL (hébreu : MiSd'êl, « qui est ce que Dieu 
est »), nom de trois Israélites. 

1. MISAEL (Septante : Miaar^; UaraSiri, Alexandri- 
nus; Mio-aSaî dans Lev.), fils d'Oziel, de la tribu de Lévi. 
Exod., vi, 22. Oziel était l'oncle d'Aaron et de Moïse. 

MJuand Nadab et Abiu, fils d'Aaron, eurent été frappés 
de mort pour avoir mis un feu étranger dans leur en- , 
censoir, Moïse ordonna à Misaël et à son frère Élisa- 
phan d'emporter leurs cadavres du sanctuaire en dehors 
du camp et il les y transportèrent vêtus de leur tunique 
de lin. Lev., x, 4-5. 

2. MISAEL (Septante : MiiraïjX), un des Israélites qui 
étaient placés à la gauche d'Esdras, lorsque ce dernier 
lut la loi au peuple sur un marchepied de bois dans la 
place située devant la porte des Eaux. II Esd., vm, 4. 



1127 



MISAEL — MISCHNA. 



1128 



' 3. MI8AEL (Septante : Miirar,*), jeune Juif de race 
royale, un des compagnons de Daniel à la cour de Na- 
buchodonosor à Babylone. Il fut appelé en chaldéen 
Misach. Son histoire est la même que celle de ses deux 
compagnons Ananie (voir Ananie 5, 1. 1, col. 540) et Aza- 
rias (voir Azarias 13, t. i, col. 1210). Il est toujours 
nommé le second'parmi les trois jeunes gens. Dan., i, 
3-20; n, 17-18; m, 12-97. — Mathathias, père des Afacha- 
bées, pour exciter ses fils à défendre généreusement la 
religion de leurs pères, leur rappela en mourant les 
«xemples de la protection divine à l'égard de leurs an- 
cêtres et en particulier comment Ananie, Misaël et Aza- 
rias avaient été sauvés des flammes de la fournaise où 
les avait fait jeter Nabuchodonosor. I Mach., n, 59. 

MISCHNA, recueil des lois traditionnelles des 
écoles pharisiennes. La Mischna est la partie principale 
du Talmud; la Gemara en est le commentaire. 

I. Son nom et son objet. — Le mot hébreu misnâh 
vient de Sânâh, « doubler, changer » (cf. senayim, 
« deux »); il signifie « redoublement ». 11 est assez sou- 
vent employé dans la Bible. Exod., xvi, 22; Deut., xv, 
18; xvn, 18, etc. Les Pères le traduisent par BeuTÉpwe-iç. 
Cf. S. Jérôme, Epist. cxxi, ad Algas., q. x; Epist. 
xvm, ad Damas., 20, t. xxu, col. 1034, 374 ; In Matth., 
xxn, 23, t. xxvi, col. 163, etc. ; S. Augustin, Cont. adv. 
leg. et prophet., il, 1, t. xxn, col. 637; Novell, de Jus- 
tinien, 146, 1, etc. Ils donnent aux auteurs de la 
Mischna le nom de SeutspuTotf. Cf. S. Jérôme, In Is., 
3, 10, t, xxiv, col. 133; In Eabac., 2. t. xxv, col. 1301, 
etc. Saint Jérôme indique en ces termes l'objet de la 
Mischna : « Lorsqu'à certains jours ils exposent leurs tra- 
ditions à leurs disciples, on a coutume de dire: ol «roçot 
SeuTsptoffiv, c'est-à-dire les sages enseignent leurs tradi- 
tions. » Epist. cxxi, ad Algas., q. x, t. xxu, col. 1034. La 
Mischna est donc, par opposition avec la Loi écrite dans 
les Livres sacrés, la « répétition » orale de la loi tradi- 
tionnelle, telle que les docteurs l'enseignaient à leurs 
disciples. C'est ce qui fait que le verbe sânâh est pris 
par les auteurs juifs dans le sens d' « enseigner ». Cf. 
Aboth, n, 4; m, 7; Taanith, lv, 4, etc. Cet enseignement 
n'était qu'un développement, par les docteurs, des lois 
mosaïques qu'il fallait expliquer et accommoder aux di- 
vers cas possibles. La Mischna considérait la Loi comme 
objet d'enseignement théorique, ce qui la distinguait 
de la Halacha, qui visait plus spécialement l'application 
pratique. Voir Midrasch, col. 1077. 

II. Divisions de la Mischna. — Cet enseignement 
des docteurs juifs sur la Loi se divise en six sedârim 
ou « ordres », formant soixante massikfôt ou « traités », 
portés à soixante-trois par le sectionnement adopté 
dans les textes imprimés. Chaque traité est divisé en 
perâqîm ou « chapitres », divisés eux-mêmes par la 
suite en miSniyôt ou « petites leçons ». Tous ces trai- 
tés sont écrits en hébreu, et, sauf les traités Aboth et 
Middoth, qui sont aggadistes, c'est-à-dire historiques, 
ils se rattachent à la Halacha ou étude de la législation. 
Les traités qui composent la Mischna sont les suivants : 

l. prbmibb ordre ou Sédér teràHm, « ordre des se- 
mences : » 

1. Berachoth, sur les prières. 

2. Pea, sur la partie du champ et de la récolte à 
laisser aux pauvres. Lev., xix, 9, 10; xxiii, 22; Deut., 

• xxiv, 19-22. 

3. Demai, sur l'usage des fruits au point de vue de 
la dîme. 

4. Kilayim, sur le mélange des espèces dans les 
animaux, les plantes et les étoffes. Lev., xix, 19; 
Deut., xxu, 9-11. 

5. Schebiith, sur l'année sabbatique. 

6. Temmoth, sur la taxe en faveur des prêtres. 

7. Maaseroth, sur la dîme en faveur des lévites. 

8. Hlaaser scheni, sur la seconde dime. Deut., xiv, 22. 



9. Challa, sur le prélèvement en faveur des prêtres. 
Num., xv, 17-21. 

10. Orla, sur l'interdiction des fruits d'un nouvel 
arbre pendant trois ans, Lev., xix, 23-25. 

11. Bikkurim, sur l'offrande des prémices. 

il. second obdbe ou Sédér mô'èd, « ordre des fêtes :» 

12. Schabbalh, sur le sabbat. 

13. Erubin, sur le chemin permis le jour du sabbat, 

14. Pesachim, sur la fête de la Pâque. 

15. Schekalim, sur l'impôt du didrachme. Exod., xxx, 
1 ; Matth., xvn, 24. 

16. y orna, sur le jour de l'Expiation. 

17. Sukka, sur la fête des Tabernacles. 

18. Beza ou Yom tob, sur ce qu'on peut faire un jour 
de fête ou de sabbat, spécialement si on peut manger 
un œuf pondu ce jour-là. 

19. Rosch haschana, sur le premier jour de l'année 
nouvelle. 

20. Taanith, sur les jours de deuil. 

21. Megilla, sur la lecture du livre d'Esther à la 
fête des Phurim. 

22. Moed katan, sur les jours qui sont entre le pre- 
mier et le dernier d'une grande fête. 

23. Chagiga ou IJagiga, sur l'obligation d'aller à Jé- 
rusalem aux trois grandes fêtes. 

m. troisième ordre ou Sédêr nà&îm, « ordre des 
femmes : » 

24. Yebamoth, sur le lévirat. Deut., xxv, 5-10. 

25. Kethuboth, sur les contrats de mariage. 

26. Nedarim, sur les vœux, valeur de ceux des femmes. 

27. Nasir, sur le nazirat. 

28. Sota, sur la procédure envers la femme soupçon- 
née d'adultère. 

29. Gittin, sur le divorce et la lettre de répudiation. 

30. Kidduschin, sur les fiançailles. 

IV. quatrième ordre ou Sédér nezîqtn, « ordre des 
dommages : » 

31. Baba kamma, « la première porte, » sur les con- 
séquences de différents dommages causés à autrui. 

32. Baba mezia, « la porte du milieu, » sur les rap- 
ports entre maîtres et serviteurs, ouvriers et employeurs, 
etc. 

33. Baba bathra, « la dernière porte, » sur les rapports 
entre concitoyens. 

34. Sanhédrin, sur le sanhédrin etlajustice criminelle. 

35. Makkoth, sur la flagellation. 

36. Schebuoth, sur les serments. 

37. Eduyoth, sur les témoignages. 

38. Aboda sara, sur l'idolâtrie. 

39. Aboth ou Pirke Aboth, reeueil de sentences pro- 
venant de sages ayant vécu de 200 avant à 200 après J.-C. 

40. Horayoth, sur les décisions erronées du sanhédrin, 
sur les fautes du grand-prêtre ou des princes. 

v. cinquième ordre ou Sédér qôddsîm, « ordre des 
choses saintes : » 

41. Sebachim, sur les sacrifices sanglants. 

42. Menachoth, sur les offrandes. 

43. Chullin, sur la manière d'immoler les [animaux 
non destinés aux sacrifices. 

44. Bechoroth, sur les premiers-nés des hommes et des 
animaux. 

45. Arachin, sur le rachat des personnes ou des choses 
consacrées au sanctuaire. 

46. Temura, sur l'échange des choses consacrées à 
Dieu. 

47. Kerithoth, sur les transgressions de défenses 
accompagnées d'une menace d'extermination. 

48. Meîla, sur la soustraction d'un objet consacré a 
Dieu. 

49. Tatnid, sur le sacrifice quotidien et sur le service 
du Temple. 

50. Middoth, sur les mesures et les règlements du. 
Temple. 



1129 



MISCHNA 



MISÉRICORDE 



H30 



51. Kinnim, sur les sacrifices de pigeons faits par les 
pauvres. 

vi. sixième obdre ou Sédér tohorôp, « ordre des 
purifications : » 

52. Kelim, sur la purification des ustensiles. 

'• 53. Ohaloth, sur la purification d'une habitation, sur- 
tout après un décès. 

54. Negaim, sur les lépreux. 

55. Para, sur la vache rousse. 

56. Tohoroth, sur différentes sortes de moindres 
impuretés. 

57. Mikvaoth, sur l'eau qui convient aux purifications. 

58. Nidda, sur les impuretés de la vie du mariage. 

59. Machschirin, sur les impuretés causées par les 
liquides tombant sur les fruits. Lev., xi, 34, 38. 

60. Sabim, sur les flux de pus ou (le sang. 

61. Tebul Yom, «c le baigné du jour, » sur l'impureté 
■qui demeure jusqu'au coucher du soleil même pour 
celui qui s'est baigné. 

62. Yadayim, sur le lavement des mains. 

63. Dkzin, sur la purification des fruits. 

III. Auteurs de la Mischna. — 1» Quand Jérusalem 
eut été prise et le Temple ruiné, les docteurs juifs com- 
prirent que le rôle politique de leur nation était terminé. 
Il cherchèrent alors à consolider leur unité religieuse 
en consacrant tous leurs efforts à l'étude de leurs lois 
et de leurs traditions. La Mischna fut le résultat de cette 
activité. Cette compilation cite environ cent cinquante 
•docteurs, la plupart assez rarement, d'autres dans pres- 
que tout les traités, les uns tenant pour l'affirmative 
dans une question, les autres pour la négative. — 2° La 
comparaison des textes et la manière dont sont habi- 
tuellement groupés les interlocuteurs permet de distin- 
guer quatre générations successives da docteurs : Pre- 
mière génération, de 70 à 100 : R. Jochanan ben Sakkai, 
K. Zadok, R. Chananja, chef des prêtres, R. Éliézer ben 
Jakob. — Seconde génération, de 100 à 130 : R. Gamaliel 
il, cité 84 fois; R. Josua ben Chananja, cité 146 fois; 
R. Éliézer ben Hyrcanos, cité 324 fois; R. Ismaël, cité 
71 fois; R. Akiba ben Joseph, cité 278 fois, voir Akiba 
ben Joseph, t. i, col. 329; R. Tarphon, cité 51 fois, etc. 
— Troisième génération, de 130 à 160 : R. Juda ben Élai, 
cité 609 fois; R. José ben Chalephta, cité 335 fois; R. Meir, 
cité 331 fois; R. Simon ben Jochai, cité 325 fois; R. Simon 
ben Gamaliel, cité 103 fois, etc. — Quatrième génération, 
de 160 à 200 : R. Juda han-Nasi, cité 37 fois, voir Juda 
han-Nasi, t. m, col. 1777; R. José ben Juda Élaï, cité 
14 fois. Ces docteurs enseignaient dans les écoles fondées 
à Séphoris et à Tibériade. — 3° La date des autorités 
citées dans la Mischna permet de conclure qu'elle a été 
rédigée par écrit vers la fin du second siècle. Cette 
rédaction est attribuée à R. Juda han-Nasi, surnommé 
Je Saint. Mais comme ce docteur a dû certainement avoir 
à sa disposition autre chose que des sources purement 
orales, on est amené à penser qu'il existait déjà des 
recueils écrits datant de la seconde et de la troisième 
génération des docteurs. Saint Épiphane, Hxr. xxxui, 
9, t. xli, col. 563, distingue quatre êevrep<i<rsi{ des Juifs : 
celle de Moïse, c'est-à-dire le Deutéronome, celle de 
R. Akiba, celle de Juda et celle des Asmonéens, proba- 
blement la codification entreprise par Jean Hyrcan, 
pour fixer les doctrines des pharisiens. Il en est ques- 
tion dans Megillath Taanith, 10. Cf. Deronbourg, Essai 
de restitution de l'anc. rédaci.de Masséchèt Kippourim, 
dans la Revue des études juives,Varis, 1883, t. vi, p. 41. 

IV. La Tosephta. — C'est un recueil, surtout aggadiste, 
<}ui a été ajouté à la Mischna, d'où son nom de fôséftà', 
a addition. » La matière en appartient à l'époque des 
docteurs de la Mischna et la division par traités est la 
même; seuls les traités 39, 49, 50, 51, font défaut. Ce 
xecueil est assez étroitement apparenté à la Mischna, 
dont il prétend être le complément. Les rédacteurs ont 
utilisé des sources antérieures à la Mischna; ils citent 



certains documents d'une manière plus complète; par 
contré, ils allèguent des autorités postérieures aux doc- 
teurs de la Mischna. Us sont donc de date plus récente 
que ces derniers. — Sur la Gémara et les commentaires 
de la Mischna, voir Taimud. 

V. Valeur de la Mischna. — La Mischna, « répétition 
de la Loi, » finit par devenir pour les Juifs une seconde 
loi dont l'importance dépassait celle de la première. 
Beaucoup de pharisiens envisageaient déjà les choses 
de cette manière au temps de Notre-Seigneur, qui le 
leur reproche sévèrement. Matth., xv, 2, 3; Marc, vu, 
5, 8. Ce faux jugement ne fit que s'accentuer avec le 
temps. La Mischna se contente de rapporter les opinions 
des docteurs célèbres par rapport à la pratique de la Loi. 
Celle-ci n'avait pu entrer dans tous les détails. Il était 
donc bon que des hommes sages intervinssent pour fixer 
ceux qui avaient besoin de l'être. Seulement ils tombèrent 
trop souvent dans la minutie et l'arbitraire. Leurs règles, 
avec leurs multiples prescriptions, finirent par occuper 
dans les préoccupations des Juifs autant de place qu'elles 
en avaient dans l'enseignement oral; la Loi, courte et 
lumineuse, disparut ainsi comme étouffée par les brous- 
sailles de la haie au moyen de laquelle on prétendait la 
protéger. Ce fut un très grave inconvénient pour la re- 
ligion juive, qui, au lieu d'être un culte « en esprit et 
en vérité », se réduisit, pour beaucoup, à un vain forma- 
lisme, aussi onéreux à pratiquer qu'impuissant à sanc- 
tifier, Matth., xxm, 4; Luc, xi, 46; Act., xv, 10. Néan- 
moins la Mischna est pour nous une source très pré- 
cieuse de renseignements. Elle nous fait connaître, avec 
les détails les plus circonstanciés, ce qu'était la vie juive 
à l'époque de Notre-Seigneur. Comme les traditions 
consignées dans ce livre se transmettaient depuis les 
anciens âges, nous trouvons là des éclaircissements sur 
la manière dont on comprenait et dont on pratiquait 
beaucoup de prescriptions légales, sur lesquelles la 
Sainte Écriture ne contient que de brefs articles. Bien 
des minuties, sans doute, sont de date relativement 
récente, et bien des décisions représentent des opinions 
particulières plutôt que des traditions autorisées. « Bien 
que la Mischna soit plus épurée » que la Gémara, qui 
en est le commentaire, « les passages de l'Écriture n'y 
sont guère souvent expliqués selon le sens littéral. On 
les a accommodés aux préjugés de la tradition, pour auto- 
riser les décisions de leurs docteurs. » R. Simon, Hist. 
crit. du Vieux Testament, Amsterdam, 1685, p. 372. 
Cf. Cornely, Inlroduct. in U. T. libros sacros, 1. 1, Pa- 
ris, 1885, p. 595. Il n'en est pas moins vrai que les trai- 
tés de la Mischna sont d'un secours très utile pour 
l'intelligence d'un bon nombre de passages de l'Ancien 
et du Nouveau Testament. Les traités sont d'ailleurs 
assez courts, bien divisés et par conséquent d'une con- 
sultation facile. 

VI Bibliographie. — La Mischna a été traduite en la- 
tin et annotée par G. Surenhusius, Mishna sive totius 
Hebrseorum juris systema, 6 in-fol., Amsterdam, 1698- 
1703; en allemand, par Rabe, in-4», Anspach, 1760-1763; 
on a aussi édité The Mischna on which the Palestinian 
Talmud rests, Cambridge, 1883, et Mischnajoth,Die sechs 
Ordnungen der Mischna, Berlin, 1887-1898. — Sur le 
texte même, voir Frankel, Rodegetica in Mischnam, 
Leipzig, 1859; Additamenta et index, 1867; J. Briill, 
Einleitung in die Mischnah, Francfort, 1876-1884; Weiss, 
Zur Geschichte der judischen Tradition, Vienne, 1871- 
1891; Derenbourg, Les sections et les traités de la Mis- 
chnah, dans la Revue des Études juives, Paris, 1881, 
t. m, p. 205-210; Schûrer, Geschichte des judischen 
Volkes im Zeit J. C, Leipzig, 1901, t. i, p. 113-125. 

H. Lesêtre. 

MISÉRICORDE (hébreu : hanndh et hannôf, (ehin- 
nâh, fahânûnîm, mots dérivés du verbe hânan, « avoir 
pitié; » héséd, rahâmim et en chaldéen : rahàmîn, 
« entrailles, s voir t. il, col. 1818; Septante : sXeoç, oïx- 



1131 



MISÉRICORDE — MISOR 



1132 



•cipiiôçj Vulgate : misericordia, miseratio), sentiment ; 
qui porte à témoigner de la pitié, à porter affection et i 
secours à celui qui est malheureux, soit physiquement, 
6oit moralement. 

I. Miséricorde de Dieu. — 4° Il est constamment 
fait mention de la miséricorde de Dieu dans l'Écriture 
Sainte. Même dans l'Ancien Testament, elle est rappe- 
lée à chaque page, et, selon les circonstances, implique 
compassion, amour, pardon, tendresses et prévenances 
de toutes sortes. Exod., r xix, 4; Deut., xxxn, 11; Ps. xxv 
(xxiv), 6; xl (xsxix), 12; lxxxix (lxxxviii), 2, 50; xciv 
(xem), 19; cvn (cvi), 43; 1 Esd., ix, 8; Dan., n, 18, etc. — 
2° La miséricorde divine est très grande. Num., xiv, 18, 
19; Ps. v, 8;li(l),3;lxviii (lxvii),7;Is., lxiii, 15; Jon., 
iv, 2; Eccli., xvil, 28, etc. Elle remplit la terre. Ps. xxxm 
(xxxh),5;l (Li),3;cxix(cxvm),64.Elle s'élève jusqu'aux 
cieux. Ps. xxxvi (xxxv), 6; lvii (lvi), 11. Elle s'étend sur 
toutes ses œuvres, c'est-â-dire se fait sentir à toutes ses 
créatures, Ps. cxlv (cxliv), 9. (Le parallélisme ne per- 
met pas de traduire, dans ce dernier passage, que la 
miséricorde de Dieu est au-dessus de toutes ses autres 
œuvres.) Elle atteint toute chair. Eccli., xviu, 12. Elle 
s'étend jusqu'à la millième génération, c'est-à-dire indéfi- 
niment. Exod., xx, 6; xxxiv, 7; Deut., v, 10. Elle est à ja- 
mais et remplit toute la durée des êtres créés. I Par., xvi, 
34; II Par., vu, 3; Dan,, m, 89,90; I Mach., iv, 24, etc. 
Ces paroles : « car sa miséricorde est à jamais, » re- 
viennent même comme refrain dans deux Psaumes, cxvm 
(cxvn), 1-29; cxxxvi (cxxxv), 1-26. — 3° Plusieurs fois 
la Sainte Écriture associe en Dieu la miséricorde et la 
fidélité, pour faire entendre que Dieu s'est engagé à 
traiter ses créatures avec bonté et qu'il ne faillira pas à 
sa parole. Exod., xxxiv, 6; Ps. xxv (xxiv), 10; XL (xxxix), 
12; lxi (lx), 8; lxxxv (lxxxiv), 11; lxxxix (lxxxviii), 
15, 25. — 4° La miséricorde de Dieu s'est particulière- 
ment exercée vis-à-vis de David et de ses descendants, 
à cause du Messie à venir. II Reg., vu, 15; xxn, 51; 
III Reg., m, 6; I Par., xvil, 13; II Par., i, 8; Ps. xvm 
(xvil), 51.; Is., LV, 3. — 5» Afin de marquer qu'il va être 
sans pitié pour la maison d'Israël, Dieu ordonne à Osée 
d'appeler l'un de ses fils lo' ruhdmâh, « celui pour qui 
on est sans miséricorde. » Ose., i, 6, 8. Mais ensuite 
Dieu pardonnera et fera appeler la maison d'Israël 
ruhdmâh, « celle à qui on fait miséricorde. » Ose., u, 
21-23; cf. Rom., ix, 25. Voir Lo-Ruchamah, col. 363. 
— 6° Notre-Seigneur est ému de pitié pour les malheu- 
reux qui se présentent à lui. Luc, vu, 13; x, 37. — 
7° Saint Paul appelle Dieu « Père des miséricordes », 
II Cor., i, 3, et dit qu'il est riche en miséricorde. 
Eph., H, 4. 

II. Miséricorde de l'homme. — 1° La miséricorde de 
l'homme envers son semblable constitue une partie 
essentielle du devoir de la charité envers le prochain. 
A ce titre, elle est souvent mentionnée par les auteurs 
sacrés. Gen., xxi, 23; Jos., n, 14; xi, 20; II Reg., x, 2; 
m, 8; ix, 1; Job, xxxi, 1C; Eccli., xvm, 12; Zach., vu, 
9, etc. Cette miséricorde honore l'indigent qui en est 
l'objet. Prov., xiv, 31. Elle doit être accompagnée de 
fidélité, c'est-à-dire de constance et de justice. Jos., H, 
14; Prov. m, 3; xiv, 22; xvi, 6; xx, 28. — 2» La misé- 
ricorde est plus agréable à Dieu que le sacrifice, parce 
qu'elle tient à la charité commandée par la loi mo- 
rale, tandis que le sacrifice est un rite extérieur com- 
mandé par la loi cérémonielle destinée à l'abroga- 
tion. Ose., VI, 6; Matth., ix, 13; xn, 7. Aussi est-il dit 
que « faire miséricorde, c'est offrir un sacrifice », 
Eccli., xxxv, 4, tandis que parfois l'offrande faite à Dieu 
peut constituer une violation formelle du devoir de la 
charité envers le prochain. Matth., xv, 5, 6; Marc, vu, 
10-13. — 3° Notre-Seigneur recommande très instam- 
ment la miséricorde envers les autres hommes. Il pro- 
met au miséricordieux que miséricorde lui sera faite, 
Matth., v, 7, cf. Jacob-, h, 13, et lui r mème pardonnera 



les fautes comme on les pardonnera au prochain. 
Matth., vi, 12; Luc, xi, 4. Les paraboles du bon Sama- 
ritain, Luc, x, 30-37, et du serviteur impitoyable, 
Matth., xvm, 23-35, sont la mise en scène de ta miséri- 
corde et de son contraire. — 4° Saint Paul recommande 
aux chrétiens d'avoir des entrailles de miséricorde. 
Phil., il, 1; Col., m, 12. H. Lesêtre. 

MISLIN, Jacques, prélat de la maison de Sa Sainteté, 
né à Porrentruy (Suisse), le 27 janvier 1807, mort à 
Vienne le 6 décembre 1878. En 1830, il était professeur 
au collège de Porrentruy et trois ans après il en devint 
le principal. Révoqué par le gouvernement bernois ea 
1836, lors des troubles politiques et religieux qui pré- 
cédèrent et suivirent la promulgation des fameux Articles 
de Baden, il entra alors comme précepteur chez le 
comte Ch. de Bombelles, frère cadet du ministre d'Au- 
triche à Berne; en cette qualité, il donna des leçons- 
d'histoire et de géographie aux archiducs d'Autriche, 
qui devinrent l'empereur François-Joseph, et l'empereur 
Maximilien du Mexique. Plus tard à Parme, il remplit 
aussi les fonctions de bibliothécaire de l'impératrice 
Marie-Louise, veuve de Napoléon I er , et assista cette prin- 
cesse à ses derniers moments. C'est en 1848 que M9 r Mis- 
lin fit son premier voyage en Palestine ; en 1856, il fut 
chargé d'accompagner le duc (aujourd'hui roi des Belges) 
et la duchesse de Brabant dans leur voyage en Orient. 
Le fruit de ces voyages et de ses études fut le livre in- 
titulé : Les Saints Lieux, Pèlerinage à Jérusalem en 
passant par l'Autriche, la Hongrie, la Slavonie, les 
Provinces danubiennes, Constantinople, l'archipel, le 
Liban, la Syrie, Alexandrie, Malte, la Sicile et Mar- 
seille, 2 in-8°, Paris, 1851. La deuxième édition parut 
en 1858 en trois volumes in-8°, et la troisième en 1876, 
3 in-8», Paris. Il publia également : De quelques sanc- 
tuaires de la Palestine, in-8°, Paris, 1855 ; La Très Sainte 
Vierge est-elle née à Nazareth ou à Jérusalem? in-8% 
Paris, 1863. Son ouvrage Les Saints Lieux a été traduit 
en italien : I Luoghi Santi, Milano, in-8°, 1858; en 
espagnol : La TieiTa Santa, Barcelone, 1852; en alle- 
mand : Die heiligen Orte, Vienne, 1860. Une autre tra- 
duction faite par Je D r Hartwein et publiée à Ratisbonne 
est si imparfaite que l'auteur se crut obligé de protester. 
Le mérite de Ma' Mislin est d'avoir attiré l'attention du 
monde catholique sur la Terre Sainte et ses sanctuaires 
vénérables. Depuis l'Itinéraire de Chateaubriand, aucun 
ouvrage de ce genre n'avait excité pareil intérêt ni 
exercé autant d'influence. Voir Revue 4e la Suisse ca- 
tholique, Fribourg, 1879, t. x, p. 156; La Liberté, Fri- 
bourg en Suisse, 1878, n. 290, 291; le Bulletin de la 
Société de géographie de Paris, 4 e série, t. m, p, 530- 
565; et dans le t. v, p. 36, le Discours de Malte-Brun sur 
les Progrès des sciences géographiques; H. Hurter, No- 
menclator literarius, Inspruck, t. m, 1895, col. 1275. 

E. FOLLETÊTE. 

1. MISOR (hébreu: Mîéôr, « droit, plat »),haut plateau- 
du pays de Moab, à l'est du Jourdain. Voir Moab, U, n, 20. 
Comme ce mot signifie « plaine », Is., xl, 4; xlii, 16; 
Ps. cxliii, 10; I (III) Reg., xx, 23, 25, la Vulgate l'a tou- 
jours traduit par un nom commun, excepté Jos., xxi, 
36. Voir Misor 2. Il est employé cependant comme nom 
propre et précédé de l'article, ham-MiSôr, lorsqu'il 
désigne le plateau de Moab et spécialement la plaine de 
Médaba (ftg. 297). Saint Jérôme l'a rendu par planifies, 
Deut., m, 10; par terra campestris de tribu Ruben, 
Deut., iv, 43; par campestria Medaba, Jos., xin, 9; par 
planitiesquse ducit Medaba, 1. 16; par in campeslribus, 
f. 17 ; par omnes urbes campeslres, f. 2 1 ; par campestris 
soliludo, Jos., xx, 8; par terra campestris, Jer., xlviii, 
21. Septante : Mi<r<ip, Deut., m, 10; Jos., xm, 9, 16, 17, 
21 ; Jer., xlviii, 8, 21. Eusèbe, qui a pris Miiôr pour une 
ville, l'appelle en grec Mio<ip, et saint Jérôme, Afisojv 
Onomastic, édit. Li.rsow et Parthey, 1862, p. 288, 289, 



1133 



MISOR - MITHRIDATE 



1134 



291. — Laplaine de la tribu de Juda est appelée MUôr, 
II Par., xxv>, 10. Jérémie, xxi, 13, donne à Jérusalem 
le nom de Sûr Itam-mUôr, « le rocher de la plaine » 
(Vulgate : Solides atque campestris). Voir Gesenius, 
Thésaurus, p. 643. — Le plateau de Moab était appelé par 
excellence ham-Mîsôr, « le (pays) plat, » à cause du 
contraste qu'il présente avec le sol inégal et rocheux de 
la partie occidentale de cette région et avec les mon- 
tagnes boisées du pays de Galaad au nord. Le plateau 
commence â Ja hauteur des bancs élsvés qui limitent la 
vallée du Jourdain à l'est et s'étend, avec de légères 
ondulations, jusqu'au désert d'Arabie. Ii était célèbre 



MISPHAT (hébreu : MiSpât, «. jugement; » Sep- 
tante : jonrô rijç xpimuc, « fontaine du jugement »), 
fontaine du désert de Sin. Nous lisons dans la Genèse, 
xiv, 5-7, que Chodorlahomor et ses alliés, ayant battu les 
Kaphaïm à Astaroth Carnaïm, et avec eux les Zuzim, 
puis les Étnim â Savé-Cariathaïm et enfin les Chorréens 
dans les montagnes de Séir jusqu'aux plaines de Phar 
ran, « étant revenus sur leurs pas, allèrent â la fontaine 
de Misphat, qui est Cadès, et ravagèrent tout le pays 
des Amalécites et battirent les Amorrhéens, qui habi- 
toient à Asasonthamar (Engaddi). » L'origine du nom est 
inconnue. Tout ce que nous apprend le texte, c'est que 




297. — Misor de Médaba. D'après une photographie de M. L. Keidet. 



par ses pâturages, où l'on élevait de nombreux trou- 
peaux. Plusieurs villes, entre autres Médaba (col. 902), 
Jos., xm, 9, 16, y étaient florissantes. Les nombreuses 
ruines qu'on y voit encore attestent l'antique prospérité 
du pays. J. L. Porter, Fïve yeat's in Damascus,1 in-12, 
Londres, 1855, t. il, p. 183-181. 

2. MISOR, ville lévitique de la tribu de Ruben, d'après 
la Vulgate. Jos., xxi, 36. Elle ne figure point dans le 
texte hébreu, mais elle se trouve aussi dans les Septante, 
sous la forme Misw dans l'édition sixtine, sous la forme 
Miiûp dans le Codex Alewandrinus. C'est certainement 
par erreur que ce nom a été introduit comme nom de 
ville. dans les deux versions; elles disent l'une et l'autre 
qu'il y avait quatre villes lévitiques dans la tribu de 
Ruben, et elles en énumèrent cinq. Il n'y avait pas, en 
réalité, de ville appelée Misor, mais quelques manuscrits 
contenaient sans doute le nom de la plaine ham-MiSôr 
et de là a dû naître la confusion. Certains manuscrits 
hébreux et même quelques éditions imprimées ne con- 
tiennent pas le t. 36 du ch. xxi de Josué, relatif aux 
villes lévitiques de la tribu de Ruben. 



cette fontaine est la même qui fut plus tard appelée 
Cadès. Voir Cadès 1, t. n, col. 13. 

MITHRIDATE (hébreu : Mitredâf; Septante :Mi6pà- 
8âTTj{), nom de deux officiers perses. Ce nom, qui était 
commun chez les Mèdes et chez les Perses, et que les au- 
teurs grecs ont transcrit sous les formes Mi6pa8iTïK, MiOpi- 
Sin\(, MfcpiBaTTiç, dérive de Mithra, nom du soleil et du 
dieu Mithra en iranien, et de la racine da, « donner. » 
Il signifie « don de Mithra » ou « donné par Mithra ». 

1. MITHRIDATE, trésorier (hébreu : gizbâr) de Cyrus, 
roi de Perse. I Esd., i, 8. Cyrus lui donna l'ordre de 
remettre à Sassabasar, c'est-à-dire Zorobabel, les vases du- 
temple de Jérusalem qui avaient été emportés parNabu- 
chodonosor à Babylone, afin que le chef des captifs, en 
retournant en Palestine, pût les reprendre avec lui. Les 
Septante ont considéré gizbâr comme un nom ethnique, 
roc(j6apT]vd{, et la Vulgate a pris ce mot comme nom du 
père de Mithridate, filius Gazabar, mais on ne peut 
douter que gizbâr ne soit le substantif perse qui signifie 
« trésorier i>. Dans III Esd., H, 11, le grec rend exacte- 



1135 



MITHR1DATE — MITYLÈNE 



H36 



ment gizbâr par Y«ïoçvjk«|, « trésorier, » et la traduction 
latine placée à la fin de nos éditions de la Vulgate porte 
également: Mithridatus qui erat super thesauros ipsius. 
Saint Jérôme a traduit lui-même le pluriel chaldéen de 
giibdr, dans I Esd., vu, 21, par custodes arcs, publics, 
c'est-à-dire par « trésoriers ». Septante : -caîî yâïaej. Cf. 
Dan., m, 2, 3. Voir Gazabar, t. n, col. 124. 

2. MITHRIOATE, officier perse, un des chefs qui 
gouvernaient la Samarie, sous le règne d'Artaxerxès. 
I Esd., îv, 7. 11 écrivit à ce roi, avec Bésélam, Thabée, 
et les autres membres du conseil placé à la tête de la 
Samarie, afin d'obtenir de ce prince qu'il empêchât les 
Juifs de retour de la captivité sous Esdras, de rebâtir le 
temple de Jérusalem. Sur leur dénonciation, Artaxerxès 
fit, en effet, arrêter les travaux qui furent interrompus 
jusqu'à la seconde année du règne de Darius. I Esd., iv, 
9-24. 

MITRE (hébreu :migbâ'âh; Septante : xtëapi; : Vul- 
gate : mitra, tiara), coiffure des prêtres de l'ancienne 
loi dans les fonctions liturgiques. — 1» La mitre était 
une sorte de turban de fin lin, destiné à marquer la 
dignité sacerdotale de ceux qui le portaient et à leur 
servir de parure. Exod., xxviir, 40; xxix, 9; xxxix, 28 
(26); Lev., vm, 13. Aucun détail n'est donné sur cette 
coiffure; mais Moïse la distingue très nettement de celle 
du grand-prêtre, appelée misnéfef, Exod., xxvm, 4. 
Voir Cidaris, t. il, col. 750; Tiare. La différence 
semble s'être beaucoup atténuée dans la suite des temps. 
La tiare du grand-prêtre est elle-même appelée v.iSapi;, 
mitra, par le traducteur de l'Ecclésiastique, xlv, 14. Jo- 
sèphe, Ant.jud., III, vu, 3, 7, assimile l'une à l'autre la 
mitre du simple prêtre et la tiare du grand-prêtre. Il dit 
que cette dernière était faite d'une pièce d'étoffe plusieurs 
fois contournée sur elle-même et cousue. C'était donc 
un véritable turban et il en était de même de la mitre. 
Seulement celle-ci était plus haute et moins large. Cf. 
Gem. Joma, 12, 2; Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 
1741, p. 77; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 175. — 
2» Le nom de mitre est donné par les versions à 
quelques autres coiffures. Judith, x, 3, se couvre la 
tête d'une mitre, [UTpa, mitra, avant d'aller trouver 
Holoferne. Les voiles des femmes de Jérusalem, re'âlôf, 
J.S., m, 19,' sont appelés xôap.oc, « ornement, » dans les 
Septante et « mitres » dans la Vulgate. Baruch, v, 2, 
•dit que Dieu mettra la mitre d'honneur sur Jérusalem 
restaurée, La droiture sert à Job, xsix, 14, de turban, 
$ânîf, diadema, c'est-à-dire de mitre. — Sur les tebû- 
Um babyloniens qu'Ézéchiel, xxm, 15, mentionne sur 
la tête de Jérusalem et de Samarie, voir Tiare, Coif- 
jurb, t. h, col. 828-829. H. Lesêtre. 

M1TSAR (hébreu : Mise'âr, « petite (chose), » nom 
d'une montagne près de l'Hermon). Ps. xlii (xli), 7. 
Toutes les anciennes versions ont pris ce mot pour un 
"Boni Commun et l'ont traduit par « petit mont ». Sep- 
tante : ô'po; (uxpo'c ; Vulgate : a monte mndico. Les 
-voyageurs ont donné le nom de Petit-Hermon à une 
colline de la partie orientale de la plaine d'Esdrelon, 
mais le contexte du Psaume où est nommé Miçe'dr 
semble montrer que cette a montagne », har, était près 
de l'Hermon. Le Psalmiste exilé exhale ainsi ses plaintes, 
Ps. xui (xli), 7: 

Mon Dieu ! mon âme est abattue. 
i Aussi je pense à toi, de la terre du Jourdain, 

De l'Hermon et de la montagne de Mise'âr. 

Quelques interprètes traduisent « loin de la terre du 
Jourdain et loin de l'Hermon, loin de la petite mon- 
tagne », qu'ils supposent être un nom donné au mont 
Sion ou à la colline sur laquelle le Temple était bâti. 
Voir Frdi Baethgen, Die Psalmen, 1892, p. 123. 



MITYLÈNE (grec : MrevAqv?), latin Mitylene), capitale 
de l'Ile de Lesbos dans la mer Egée (fig. 298). A la tin de 
son troisième voyage de mission, en retournant de Ma- 
cédoine à Jérusalem, saint Paul côtoya l'Asie Mineure et 
s'arrêta à Mitylene, venant d'Assos (t. i, col. 1138). Act., 
xx, 14. Le nom de Mitylene est très souvent écrit MvtiXiîv»;. 
C'est l'orthographe des monnaies et d'un grand nombre 
d'inscriptions. Mionnet, Description des médailles, 
Suppl., t. vi, p. 58 ; Corpus inscriptionum atticarum, 
1. 1, n . 52 c, 96 ; t. iv, p. 22, etc. 

I. Description et histoire de Mitylene. — Mitylene 
était la plus grande ville de l'Ile de Lesbos. Elle possé- 
dait deux ports dont l'un, au sud, qui était fermé et 
ne pouvait recevoir qu'une cinquantaine de navires; 
l'autre, celui du nord, plus vaste et plus profond, était 
protégé par un môle. En avant de ces deux ports était 
une petite île, qui formait un quartier de la ville. Mity- 
lene était abondamment pourvu de tout. Thucydide, ni, 
6; Strabon, XIII, il, 2; Pausanias, vm, 30. La beauté 
de la ville et la force de ses remparts étaient célèbres. 




298. — Monnaie de Mitylene. 
IOVAIAN NEAN FEPMANIKOY MVTI. Tête de Julie. — fi|. 
KAIC[AP CEBAJCTON MYTI. Caligula, debout tenant une 
patère. 

Horace, Epist., I, xi, 17; Cicéron, Contr. Rull., ri, 16. 
Plutarque, Pompée, 42, parle de son théâtre et Athé- 
née, Deipnoscph., x, 24, de son prytanée; Vitruve, i, 6, 
dit que le vent y était violent et les changements de 
température très brusques. La ville actuelle (fig. 299), 
qui comprend environ 14000 habitants, est peuplée pour 
les deux tiers de Grecs et pour un tiers de Turcs. Elle 
porte le nom de Métélin. La citadelle turque s'élève 
sur l'emplacement de l'ancienne acropole. Le port du 
Nord est aujourd'hui ensablé .et ne peut contenir que 
quelques barques. La digue hellénique existe encore sur 
une étendue de 200 mètres ; elle a près de 8 mètres de 
de largeur. 

Mitylene eut une part importante à l'établissement 
des Grecs à Naucratis en Egypte, Hérodote, n, 178, elle 
prit part à l'expédition de Cambyse en Egypte, Hérodote, 
m, 13-14; et à celle de Darius contre les Scythes. Hé- 
rodote, iv, 97. Pendant la guerre du Péloponèse, il est 
souvent question de Mitylene. Le révolte de Lesbos 
contre les Athéniens fut sévèrement réprimée. Les murs 
de Mitylene et sa flotte furent détruits et son territoire 
partage entre les Athéniens. Thucydide; m, 36, 49, 50. 
Sous Alexandre, les Mityléniens firent un traité avec la 
Macédoine contre les Perses. Ils passèrent, après lui, 
sous le protectorat des Séleucides. Les Romains sacca- 
gèrent Mitylene parce qu'elle s'était ralliée à la cause de 
Mithridate. Suétone, Cœsar, 2. Elle fut ensuite comprise 
dans la province d'Asie et après avoir été embellie par 
Pompée, Strabon, XIII, u, 3, reçut le titre de ville libre. 
Pline, H. N., v, 31 (39). Cf. .1. Marquardt, Organisation 
de l'Empire romain, t. n ; Manuel des Antiquités 
romaines, de Th. Mommsen et S. Marquardt, trad. 
franc., t. ix, in-8», Paris, 1892, p. 255, 258, 260. Telle 
était sa situation au temps où saint Paul y aborda. Il ne 
parait pas qu'il y ait eu d'église chrétienne dans cette 
ville à l'époque apostolique. Voir Conybeare et Howson, 
The Life and Epistles of S'. Paul, 1877, c. xx, p. 548. 
— Mitylene était la patrie de Piltacus, d'Alcée et de 
Sapho. Strabon, XIII, u, 3. 

II. Bibliographie. — Voir L. L. Plehn, Lesbiacorvm.. 
liber, in-8», Berlin, 1826; Boutan, Mémoire sur Lesbos, 



U31 



MITYLÈNE — MOAB 



H38 



dans les Archives des Missions scientifiques, t. v, 1864; 
A. Conze, Reise auf dev Insel Lesbos, in-4°, Hanovre, 
4865; M. C. Cichorius, Rom und Mytilene, in-8», Berlin, 
1888; Th. Mommsen. dans les Sitzungsberichte der 
Kônigl. Akad. der Wissenscliafien, in-4°, Berlin, 1889, 
p. 953; H. Cagnat, dans la Revue archéologique, 3« série, 
t. xv, 1890, p. 143; R. Koldelvey, Die antiken Bauresten 
der lnsel Lesbos, in-f°, Berlin,' 1890; Pal. G. Candargy, 
La végétation de l'île de Lesbos, in-8», Lille, 1899; W. 
Wroth, Catalogue of Grcek Coins of Troas, Eolis and 



« d'ancien disciple » de Jésus-Christ. Il reçut saint Paul 
à Jérusalem dans sa maison, lors du dernier voyage de 
l'Apôtre dans cette' ville. Act. xxi, 16. Le titre d'ancien 
disciple qui lui est donné indique qu'il fut un des pre^ 
miers qui s'attachèrent au Sauveur. Tillemont, Mé- 
moires ■pour servir à l'histoire ecclésiastique, \1(A, t.i, 
p.27,le compte parmiles soixante-douze dis^eîples.Comme 
ce furent les compagnons de saint Paul qui le condui- 
sirent chez Ainason, il semble que l'Apôtre ne le con- 
naissait pas auparavant. On ne sait rien autre chose de 







299. ^- Mitylène. D'après Dos deutsche Kaiserpaar in heiligen Lande, in-8», Berlin, 1899, p. 82. 



Lesbos (contenant les monnaies de Mitylène), in-8», Lon- 
dres, 1894, p. 184-215. E. Beurlier. 

MIZMOR (hébreu : mizmôr; Septante : (J/aXu.<5<:; 
Vulgate : psalmus), appellation commune des Psaumes. 
Ps. m, 1, iv, 1, et suivants. La racine hdt, « couper, tail- 
ler, » puis « diviser » les sons, avec l'instrument ou avec 
la voix, « moduler » (au sens ancien), a été appliquée à 
la composition, puis à la récitation chantée des vers, en 
même temps qu'au jeu des instruments à cordes. Ce 
verbe est en chaldéen l'équivalent de l'hébreu ]y:, niggên, 
« toucher les cordes (avec la main), » if/âXiu), et zimrâh 
désigne dans* Amos, v, 23, le son des harpes; mais ne 
-arabe, j-»j> zamara, s'applique particulièrement au jeu 
de flûte et du .hautbois. Le terme mizmôr se rencontre 
parfois en apposition avec le mot Sir, sous les formes 
de mizmôr sir, Ps. lxv, lxvii, lxviii, lxxxvii, et de 
tir mizmôr, Ps. XL vin, lxvi, lxxxhi, cviii; dont la 
première désignerait, d'après certains commentateurs, 
voir Eusèbe, Comment, in Ps., t. xxm, col. 66, la pièce 
chantée dans laquelle les paroles précédaient le jeu des 
instruments, et la seconde serait celle où le prélude 
musical devançait le texte. Mais la simple apposition 
grammaticale, qui ne constitue pas de dépendance d'un 
terme à l'autre, ne justifie pas cette distinction de sens 
que rien n'appuie par ailleurs. Voir Chant. 

J. Parisot. 

MNASON (grec : Mvicrwv, « qui se souvient »), chré- 
tien originaire de l'île de Cypre, qui est qualifié 



sa vie. Sa fête est célébrée le 14 juillet. Actasanctorum, 
julii t. m, 1723, p. 148-149. 

MNESTHÉE (grec : Msvi]<j6e4;), père d'Apollonius. 
TI Mach., iv, 21. Apollonius fut un officier d'Anliochus IV 
Épiphane qui l'envoya en Egypte et en Palestine. Voir 
Apollonius 3, 1. 1, col. 777. 

MOAB (hébreu : Mô'âb; Septante : Mwâë), nom 
de l'un des deux fils de Lot, du peuple dont il fut la 
souche et du pays occupé par eux. — Ordinairement 
employé seul et sans complément, le nom de Moab dé- 
signe soit le pays, soit le pays avec son peuple, fréquem- 
ment le peuple seul et deux ou trois fois seulement le fils 
de Lot; le sens en est généralement déterminé par le 
contexte ou l'ensemble du récit. 

1. MOAB, fils aine de Lot. Voir Moab 2. 

2. MOAB, contrée à l'est de la mer Morte, où demeu- 
rèrent le fils aine de Lot et ses descendants, désignés 
sous le même nom. 

I. Nom. — Le nom de Moab, lt plus ordinairement 
employé seul pour désigner le pays, est r mplacé parfois 
par l'expression « terre de Moab ». Ce terme se rencontre 
surtout dans le Deutêronome et les Juges. La formule 
iedê Môâb (âvpoc Mwdt6, regio Moabitis), constamment 
usitée au livre de Ruth, semble être l'équivalent de 
« terre » ou « pays de Moab », bien que littéralement 



1139 



MOAD 



1140 



elle désigne plus spécialement « la campagne de Moab » 
ou son haut plateau. Dans la Vulgate, l'expression hé- 
braïque « terre de Moab » est fréquemment remplacée 
^par le nom de Moabitis, « la Moabitide, » qui parait 
être la transcription de la forme grecque MwaëîTiç, 
employée par les Septante et par Joséphe. — Le nom 
de Moab fut à l'origine cel ui du fils de Lot, qui le transmit 
à ses enfants par qui il passa au pays habité par eux 
«Les deux filles de Lot, dit l'Écriture, conçurent de leur 
père et l'aînée enfanta un fils qu'elle nomma Moab; 
c'est le père de Moab. » Gen., xix, 36-37. Les Septante et 
la "Vulgate traduisent : « C'est le père des Moabites; » 
on pourrait entendre encore, d'après l'analogie d'autres 
passages : « C'est par lui que fut peuplé le pays de 
Moab. » — Le nom de Moab, selon Joséphe se fondant 
sur le récit biblique, signifie « du père », àito mxtpoç 
(3N-D më-'àb). Ant. jud., I, xi, 5. Cette étymologie a 

été défendue par de Wette, Tuch et plusieurs autres. 
Cf, Gesenius, Thésaurus, p. 775. L'orthographe du nom' 
de Moab employée par les anciens Moabites semble fa- 
vorable à cette interprétation. Dans l'inscription de la 
stèle de Dîbân, le nom est constamment écrit 3XD, Màb, 
lig. 1, 2, 5, 6, 12, 20, et peut être vocalisé 3nd. Les 

Arabes ont conservé la forme , ,llo ou , >U, Maâb ou 

Mâb. Les inscriptions cunéiformes transcrivent le nom 
d'une manière identique, Ma-'-ab, Ma-'-a-ab; mais on 
trouve aussi Mu-'-a-ba et M a-'-ba.Ct, Schrader, Die Keilin- 
sc/iriften und das dite Testament, 1883, p. 140, 257-355. 
La transcription araméenne Mûèa, fréquemment em- 
ployée depuis le m e siècle, parait empruntée aux Assy- 
riens. Voir d'autres étymologies dans Gesenius, Thésau- 
rus, p. 775. — Selon les critiques rationalistes, pour qui 
le récit biblique est une simple légende, Moab fut origi- 
nairement un simple nom de lieu, indiqué par d, et dérivé 
de la racine 3N>, yd'ab (avide desiderant), signifiant 

terra desideràbilis, «pays plein de charmes. «Cf.Cheynej 
Encyclopedia biblica, Londres, t. m, col. 3164. Cette 
étymologie, déjà soutenue parMaurer, est contestée par 
Gesenius, comme une conjecture sans fondement. Thé- 
saurus, p. 775. 

II. Géographie, — i. limites et étendue. — Le 
nom de « terre » ou « pays de Moab », dans la Bible et 
l'histoire, a une double signification ou extension: tantôt 
il s'applique seulement à la partie de la contrée possé- 
dée par le peuple de Moab au moment de l'arrivée de 
Moïse et des Hébreux et conservée par lui tout le temps 
de la période biblique et de son existence comme peuple 
distinct; tantôt il comprend toute l'étendue du territoire 
occupé par les Moabites avant la conquête que fit d'une 
partie le roi amorrhéen Séhon et qu'ils reprirent sous les 
rois schismatiques d'Israël. Dans le premier sens, c'est 
le pays de Moab proprement dit, celui qui fut l'héritage 
inaliénable du peuple issu du fils aîné de Lot, et qu'il 
n'était pas permis aux Israélites de toucher, Deut., n, 
18-19; dans le second sens, c'est le pays de Moab histo- 
rique ou de fait pour une longue période de l'histoire. 

1» Moab dans son sens restreint. — 1 . Frontière septen- 
trionale. — Le pays de Moab, dans sa signification stricte, 
était tout entier au sud de l'Arnon qui formait sa fron- 
tière septentrionale. Cette rivière, au moment où les 
Israélites s'avançaient vers la Terre Promise, séparait 
Moab des Amorrhéens. Num., xxi, 13; cf. 26. L'Arnon 
devint la frontière entre Israël et Moab après la conquête 
par les Hébreux du royaume de Séhon. Num., xxi, 
25, 26; Deut., n, 24, 36; m, 8, 12, 16; iv, 48; Jos., XII, 
1, 2; xin, 9, 16; Jud., xi, 18, 22. La même frontière 
était revendiquée par Jephté, comme la frontière légi- 
time et constante entre Israël et- Moab, depuis la con- 
quête faite sur Séhon jusqu'alors, trois siècles plus tard. 
Jud., xi, 18-26. Elle l'était encore ou l'était redevenue 
.au temps du roi Jéhu. IV Reg., x, 33. — L'identité du 



Môdjeb actuel avec l'antique Arnon, reconnue déjà par 
le livre de Josué ou Chronique des. Samaritains (c. i, 
et xlii, édit. Juynboll, Leyde, 1848, p. 130 et 179), 
proposée par le rabbin Estôri, Caftor va-Phérach, 
Jérusalem, 1S97-1899, p. 632, et fondée sur des données 
incontestables, est universellement acceptée aujourd'hui. 
2. Frontière méridionale. — La frontière méridionale 
du pays de Moab passait près de 'lyyîm, appelée aussi 
lyyê hâ-'Abârim, dans la Vulgate Ijeabarim, et située 
à deux stations ou deux journées de marche au nord 
de Phunon. Les Israélites, en effet, « étant partis de 
Phunon vinrent camper à Obolh, et d'Oboth ils vin- 
rent à 'Yyyê hd-'Abârim sur la frontière de Moab. » 
Num., xxxm, 43-45. Phunon a été reconnue en septem- 
bre 1896, par le D r A. Musil, dans le Khirbet Feinân, 
situé à quarante kilomètres environ au sud de Tafïléh. 
Cf. Al Bachir, journal arabe de Beyrouth, 20 décembre, 
1897, et la revue Al Machriq, Beyrouth, 1898, p. 211-212. A 
quatre kilomètres au nord de Tafïléh est une ruine dési- 
gnée dans la carte de Kiepert, Berlin, 1877, sous le 
nom de 'Aime et du nom de 'Ime dans d'autres cartes. 
Cette localité semble être le 'Iyyim de la Bible. Le Deu- 
téronome paraît d'ailleurs (cf. i, 1, et n, 9) placer Thophel 
dont Tafïléh rappelle évidemment le nom, près de la 
même frontière de Moab et, dans tous les cas, la dis- 
tance indiquée entre Phunon et 'lyyîm nous amène en- 
core dans la même région. Or, à peu de dislance au 
nord de 'Aiméh, on descend dans une vallée profonde 
et abrupte connue aujourd'hui des Arabes sous le nom 
d'ouad'el-Jfasâ ou el-'Ahsâ : il paraît très probable que 
c'est là l'antique frontière méridionale du pays de Moab. 
Lespalestinologues modernes identifient assez communé- 
ment cette vallée avec le torrent de Zared franchi par 
les Israélites après la station de 'Iyyim. Num., xxi, 12; 
cf. Deut., il, 13-14. Voir Zared. — Le territoire de Moab 
est également prolongé jusqu'à cette vallée par Isaïe. 
Annonçant les châtiments dont le Seigneur va frapper 
Moab, le prophète nous montre ce peuple en fuite 
«jusqu'à Çô'aï », les eaux de Nemrim desséchées et les 
habitants du pays portant les épaves- du pillage au 
nafral hâ-'Ardbîm. Is.,xv, 5-7. — La vallée des 'Arâbîm, 
« des Arabes, » suivant les Septante (çocpa^Y* "Apaêptç), 
« des Saules, » d'après la Vulgate, pour d'autres in- 
terprètes, aurait été dans le texte primitif « la vallée des 
'Abârim », près de 'lyyim, sur la frontière de Moab, que 
franchirent les Israélites pour pénétrer dans le désert à 
l'est de ce pays. Ce nom lui aurait été donné à la suite 
de ce passage et le nom d"Arâbîm, serait une mauvaise 
lecture des copistes, qui auraient confondu les lettres b 
et r, à peine différentes dans l'ancienne écriture hé- 
braïque. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, si « les eaux 
de Nemrim » du prophète ne sont pas diflérentes, et 
les indications d'Eusèbe le supposent, de la rivière de 
Vouadi Nemeird actuel que l'on rencontre à quinze 
kilomètres au sud du Kérak, la frontière de Moab est 
reculée par là au delà du bassin de celte rivière, c'est-à- 
dire jusqu'à l'ouadi el-f[a$â, la première vallée plus 
ausud. — Le site attribué à $ô'ar, la Ségor de la Vulgate, 
nommée Zwàp et Zudpoc par les Septante et d'autres 
écrivains, justifie cette induction. Joséphe. Bell, jud., IV, 
vin, 4, indique, en effet, cette vallée à l'extrémité du 
lac Asphaltile et en Arabie, c'est-à-dire à l'extrémité 
sud-est de la mer Morte. Eusèbe et saint Jérôme la pla- 
cent au sud de « Nemrim dont parlent les prophètes Isaïe 
et Jérémie dans leurs visions contre Moab ». Onomaslic.? 
édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 298, 299. La. 
carte mosaïque de Médaba la représente, à l'orient de 
la mer Morte et vers son extrémité. Les auteurs arabes 
sont unanimes à lui attribuer la même situation. Ces 
indications nous amènent nécessairement à Youad' eJ- 
Ijasâ. A sa sortie des montagnes, la rivière qui suit 
l'ouadi forme, dans le Ghôr Çâfîéh, un delta dont un 
des bras va se jeter dans la mer Morte exactement à son. 



1141 



MOAB 



1142 



extrémité sud-est, et l'autre plus au sud va se perdre 
dans la Sebkhah. Sô'ardevaitse trouver soit près du pre- 
mier embranchement, au nord, soit dans l'espace com- 
pris entre ces deux bras, dont le plus méridional mar- 
quait probablement de ce côté la frontière de la terre 
de Moab, au temps d'Isaïe. — Un autre argument montre 
cette frontière au même endroit au temps de Josèphe. 
Pour l'historien juif, la Gabalène(roëo>.tTi« ou raëa>.m;), 
Ant. jud., II, i,l; cf. IX, ix, 1, est identique à l'Idu- 
mée ou une de ses divisions. Or, la Gabalène ou Gaba- 
litide n'est pas différente du Gebâl des Arabes, dont la 
frontière septentrionale, qui la sépare du pays de Kérak 
et de Maâb, est précisément l'ouad' el-Hasâ. Cf. Ibn 
Khordabéh, Kitdb el Masâlik ou el-Mamâlik, édit. Goeje, 
Leyde, 1889, p. 56; El-Dimisqi, Cosmographie, édit. 
Mehren, Saint-Pétersbourg, 1866, p. 213; A. Neubauer, 
Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 67; Burkhardt, 
Travels in Syria and the Holy Land, in-8", Londres, 
1822, p. 400-402. — De ces diverses données il résulte que 
la frontière méridionale de Moab partait de l'extrémité 
de la mer Morte ou de la partie montagneuse qui lui fait 
suite et se conlondait, selon toute probabilité, avec 
l'ouad' el-ffasd des Arabes; il apparaît encore que depuis 
les temps les plus reculés jusqu'au i er siècle de l'ère chré- 
tienne et plus bas, elle demeura constamment la même. 

3. Frontière orientale. — La frontière orientale de 
Moab était formée par le désert appelé, Deut., il, 8, « le 
désert de Moab, » et qui se développe à l'est jusqu'à 
l'Euphrate. Les Israélites, après avoir stationné k'Iyyim, 
près de ce « désert qui est en face de Moab, à l'orient », 
passèrent le torrent de Zared, selon toute apparence 
l'ouad' el-Uasdactue\,en face de 'lyyim et de Thophel, au 
sud-est du territoire de Moab, là où la vallée commence 
à s'en éloigner. Moïse et son peuple avaient la défense de 
ne point toucher au territoire de Moab et de ne point 
y pénétrer contre le gré de ses habitants, et ceux-ci leur 
en avaient refusé l'entrée et le passage; ils suivirent le 
désert qui longe le pays, en le remontant jusqu'à l'Arnon. 
Num., xxi, 11; xxxm, 44; Deut., n, 8, 13-14; Jud., xi, 
17-18. La ligne où devait cesser l'occupation effective 
de Moab et où commence le désert se confond à peu près 
avec le chemin suivi chaque année par le grand pèle- 
rinage musulman se rendant de Damas à la Mecque. 

4. Frontière occidentale. — Tout le pays s'étendant 
entre le Môdjeb et le Ifasà est bordé, à l'occident, par 
la mer Morte, qui a toujours dû être, de ce côté, sa 
frontière naturelle. 

5. Le pays de Moab ainsi limité mesure, dans sa plus 
grande longueur du nord au sud, environ soixante kilo- 
mètres, et dans sa largeur d'ouest à est, de la mer 
Morte au chemin -du hadjj, environ quarante kilo- 
mètres. Sa superficie, si l'on tient compte des accidents 
du terrain, peut être de près de 4 500 kilomètres carrés. 

2° Moab dans son extension la plus grande. — 
1, Frontières orientale et occidentale. — Dans sa plus 
grande étendue, le pays de Moab, outre la région au 
sud de l'Arnon dont nous venons de parler, a embrassé 
une portion considérable de la contrée située au nord 
de l'Arnon et comprise entre cette rivière et le Jaboc. 
Cf. Num., xxi, 26-30; Deut., i, 5. — Cette partie, ainsi 
que la première, était bornée du côté de l'orient par 
le désert sur le bord duquel passe le chemin du pèleri- 
nage de la Mecque et qui est appelé, Deut., n, 26, « désert 
de Cadémoth, » de la ville de ce nom, située sur ses 
confins. Les villes de Jassa et de Méphaath, indiquées 
avec la précédente, se trouvaient également sur la limite 
de ce désert. Cf. Num., xxi, 23; Jos., xm, 18; Jer., 
XLvm, 21, et Eusèbe, Onomaslic, 1862, au mot Mi)<pai6, 
p. 288. — Les Araboth de Moab, c'est-à-dire la partie infé- 
rieure de la vallée du Jourdain qui appartint au peuple de 
Moab, aboutissait en face de Jéricho au Jourdain : ce 
fleuve devenait ainsi, jusqu'à la mer Morte qui la conti- 
nuait, la frontière occidentale de cette partie du pays 



de Moab. Cf. Num., xxil, 1; xxvi, 63; xxxiii, 48-49; 
xxxv, 1; xxxvi, 13; Deut., xxxiv, 1, 8; Jos., xm, 32. 

2. Frontière septentrionale. — La frontière septen- 
trionale n'est pas déterminée d'une manière précise et 
elle a plusieurs fois varié. Au temps les plus reculés, 
elle passait au nord d'Hésébon et des villes de sa 
dépendance, qui, avant la conquête de SébîSn, apparte- 
naient à Moab, Num., xxi, 25-30; elle se trouvait ainsi 
entre le territoire de ces villes d'une part, et celui de 
Jaier et les villes groupées autour de cette dernière qui 
formaient le territoire limitrophe des Ammonites, en 
face de Rabba ('Arnmàn) et qui furent conquises par 
Moïse après Hésébon. Cf. Num., xxi, 32; Jos., xm, 25. 
Cette frontière se confondait vraisemblablement avec la 
vallée nommée aujourd'hui ouadi Nâ'ûr qui se trouve 
à peu près à égale distance entre le K/iirbet Çâr, située 
au nord, assez communément identifiée avec Jazer et 
dont le site doit, en toute hypothèse, se' chercher dans la 
région, et tfesbân, l'antique Hésébon, située au sud, à 
neuf kilomètres de cette dernière ruine. Dans la vallée 
du Jourdain, la frontière était sans doute formée par 
Vouadi Nimrîn actuel, limite naturelle, au nord de la 
région inférieure cultivable de la vallée du Jourdain, où 
se trouvent aujourd'hui les localités de Sûeiméh, Tell- 
Râmeh et Kefrein, identifiées avec Bethjésimolh, Beth- 
aram et Abelsatim, désignées comme villes des Ara- 
both de Moab. Cf. Num., xxxm, 49. Cet ouadi passe au 
nord et non loin du tel l Nimrim qui lui donne son nom et 
est le site peu contestable de Nemra ou Bethnemra. Cette 
dernière ville n'est point indiquée avec les précédentes 
comme ville des Araboth; mais isolée du côté du nord de 
toute autre localité par un terrain pierreux et stérile, elle 
n'a pu être séparée de ses voisines, et son territoire 
appartient en quelque sorte nécessairement à celui des 
Araboth de Moab dont il forme l'extrémité septen- 
trionale. — Le roi Mésa, quand il reconquit la contrée 
au nord de l'Arnon, ne put cependant reporter la fron- 
tière au delà de Médaba, car ni Hésébon, ni les villes 
des Araboth ne sont nommées dans son inscription de 
la stèle de Dibân, parmi les cités rendues par lui au 
pays de Moab. — Au temps des prophètes lsaïe et Jéré- 
mie, Moab avait repris ses anciennes limites. Parmi les 
localités de Moab nommées par le premier, xv, 4, à côté 
d'Hésébon on trouve Éléalé, Yel-'Al actuel, situé au nord 
de Jfesbân. Jérémie cite en outre, xlviii, 21, Méphaath, 
dont le nom, un peu modifié par le temps, a été retrouvé 
naguère dans celui de Nef a, donné à une ruine dis- 
tante de quatorze kilomètres environ au nord-est de 
Ifesban. Cette localité était sans doute la plus reculée 
au nord du territoire de Moab limitrophe de ce côté au 
pays des fils d'Ammon, dont la capitale était à peine éloi- 
gnée de dix kilomètres de Méphaath. La partie du terri- 
toire de Moab, au nord de l'Arnon, ainsi limitée, offre 
une étendue d'environ cinquante kilomètres en longueur 
du nord au sud, et de quarante-cinq en largeur, d'ouest 
à est : elle était à peu près égale à la partie située au sud 
et les deux réunies avaient une longueur totale de cent 
dix kilomètres environ et une superficie approximative 
de neuf mille kilomètres carrés. Le pays de. Moab, dans 
sa plus grande étendue, commençait au 31» de latitude 
nord et se prolongeait jusqu'au 31° 55', et du 33° 10' de 
longitude est de Paris jusqu'au 33° 45'. 

3. L'étendue générale du pays de Moab serait plus 
considérable encore, d'après la traduction de la Vulgate, 
Num., xxii, 1 : [Filii Israël] castrametati sunt in cam- 
pestribus Moab, ubi trans Jordanem Jéricho sita est. 
D'après cette interprétation, il faudrait rattacher à Moab 
toute la région à l'occident du Jourdain où se trouve 
Jéricho. Les Septante traduisent : « ils campèrent à l'oc- 
cident de Moab, non loin du Jourdain, prés de Jéricho, 
itapr(êa>.ov in\ S-Jcr^wv MoitxS itapà xm 'IopSâvqv xaxà 
'Ispi-/». Les massorètes lisent : « ils campèrent aux 'ar- 
bâlhde Moab, au delà du Jourdain de Jéricho. » L'his- 



H43 



MOAB 



1144 



toire, le contexte, et les deux versions elles-mêmes dans 
les autres endroits où se retrouvent les mêmes expres- 
sions : be-arbôf. Môdb mê-êber le-Iardên Ier&hô, justi- 
fient la lecture massorétique ; les deux traducteurs se 
sont trompés en faisant de Jéricho le complément local 
non du Jourdain, mais du verbe « camper ». Les Sep- 
tante ont confondu en outre, ici, be-'arbôf, nom de lieu, 
avec la locution adverbiale « à l'occident ». Ces erreurs 
incontestables ne peuvent être prises en considération 
pour la détermination des limites et de l'étendue du pays 
de Moab. 

il. divisions et description. — 1° Division générale. 
— Le pays de Moab, pris dans son ensemble, est natu- 
rellement divisé, par la gigantesque fissure appelée la 
vallée d'Arnon, en deux parties, qui, à cause de leur 
position respective, peuvent être appelées, l'une Moab 
méridional, l'autre Moab septentrional. La première 
partie, appelée encore au XV e siècle Madb, est connue 
aujourd'hui sous le nom de « pays de Kérak », belad 
el-Kérak; la seconde est comprise pour sa plus grande 
partie, dans l'appellation de Belqâ, qui, d'après les Ara- 
bes, signifierait le « pays de Balaq », nom du roi de Moab 
bien connu qui appela Balaam. Jusque vers le xiv c siè- 
cle lé nom de Belqâ désignait toute la contrée depuis le 
Zerqà (Jaboc) jusqu'au delà du Kérak, non compris le 
Ghôr ou vallée du Jourdain. Cf. Et-Tahiry, Syria 
descripta, édit. Rosenmûller, Leipzig, 1828, p. 18 ; Yaqût, 
Géographie, édit. F. Wustenfeld, Leipzig, 1866, t. i, 
p. 710. Peu différentes par leur caractère physique, les 
deux parties de Moab le sont profondément par le carac- 
tère moral que leur a imprimé leur destin particulier 
politique, historique et religieux. — Tandis que Moab 
méridional demeure la possession constante des Moabites 
depuis leur origine jusqu'à leur dispersion en tant 
que peuple, Moab septentrional passa par les vicissi- 
tudes les plus diverses. Propriété primitive de Moab, 
cette partie passe aux mains de Séhon qui en fait un 
royaume amorrhéen; les Hébreux le lui enlèvent peu 
après pour en faire la part de deux de leurs tribus, 
celles de Ruben et de Gad. Disputée plus tard entre les 
rois d'Israël et de Moab, ceux-ci finissent par la réunir 
à leur territoire. Reprise en grande partie par les Juifs, 
à cause d'eux, elle subira le choc terrible des Romains. 
Dans le déroulement de ces faits, elle tient constamment 
attachés sur elle les regards de l'histoire, tandis que Moab 
méridional n'apparaît qu'accidentellement. Mais ce qui 
distingue surtout chacune de ces deux parties, c'est la 
diversité de leur importance au point de vue religieux. 
Sans doute la partie méridionale n'est pas sans une su- 
périorité relative par rapport aux autres nations, à cause 
de la parenté des ancêtres de son peuple avec les pa- 
triarches hébreux, et à cause de son voisinage de la 
Terre Promise et de ses relations avec Israël; elle ne 
reste pas moins confondue avec le commun des pays 
profanes et demeure comme eux constamment souillée 
par les erreurs et les ignominies de l'idolâtrie. Il en est 
tout autrement de la partie septentrionale. Incorporée 
par la conquête de Moïse à l'héritage du peuple de Dieu, 
elle devient partie intégrante de la Terre Sainte, et sanc- 
tifiée par le culte du vrai Dieu, elle acquerra elle-même 
un caractère sacré. Des souvenirs nombreux et grands 
se rattachent d'ailleurs à elle. Pour l'Ancien Testament 
ce sont d'abord ceux de la dernière période de la vie du 
législateur d'Israël; sa conquête, ses instructions su- 
prêmes à son peuple, sa bénédiction aux douze tribus et 
sa mort sur le mont Nébo; puis le souvenir non moins 
illustre de l'ascension d'Élie. Pour le Nouveau Testament, 
c'est le souvenir de la prédication de Jean-Baptiste et de sa 
mort, du baptême du Sauveur et de son dernier séjour 
avant sa Passion. La mémoire de ces faits donne au pays 
septentrional de Moab un reflet de gloire et le couronne 
d'une auréole de sainteté dont l'éclat ne le cède pas à ce- 
lui des saints lieux les plus célèbres et les plus vénérés. 



2» Division d'après le caractère physique. — Le pays 
de Moab, dans son ensemble, tant au sud de l'Àrnon ou 
du Môdjeb qu'au nord, est formé de trois régions s'éten- 
dant parallèlement dans le sens de la longueur du pays 
du nord au sud et complètement différentes l'une de 
l'autre par l'aspect comme par la nature : une région 
de haut plateau ou de plaine, une région accidentée ou 
de montagnes et une partie basse et déprimée. 

1. Le haut plateau. — Il est ordinairement nommé 
iedéh Môdb, « la campagne de Moab. » Ainsi Gen., 
xxxvl, 35; Num., xxt, 20; Ruth, iv, 3; I Par., i, 46; 
vih, 8; ou bien, au pluriel, sedê Môâb, « les champs de 
Moab, » Ruth, I, 1, 2, 22; n, 6; l'un et l'autre rendus 
par to reeSc'ov Mmàëou àypô; Muâê dans les Septante et 
par terra Moab, regio Moab, Moabitis, dans la Vulgate. 
Appliqué tantôt à la portion septentrionale, tantôt à la 
méridionale, ce nom, on n'en peut douter, était primiti- 
vement donné en général à tout le plateau. Jérémie, 
XLVHI, 8, semble attribuer la même extension au nom 
ham-Misôr, <t la plaine. » Voir Misor 1, col. 1132. Entre 
la conquête de Moïse et la réoccupation de la partie 
septentrionale par les Moabites, le nom de MUôr était 
particulièrement affecté à cette partie, soit d'une manière 
générale, soit en le précisant par le nom d'une des villes 
principales de la région, comme le MUôr [de] Mêdâba'. 
Cf. ûeut., m, 10; Jos., xm, 9, 17, 21 (texte hébreu). La 
portion de la plaine où fut la ville de Cariathaïm a été 
désignée du nom de Savé Cariathaïm, hébreu : Sdvêh 
Qiridtâini, « le plateau de Cariathaïm. » Gen., xiv. 5. 
Une autre portion, dans le voisinage de Bamoth et au 
haut du Phasga, était appelée èedêh Sôfîm, « la campagne 
des sentinelles, » Vulgate : locus sublirnis. Num., xxm, 
14. — Le plateau de Moab forme une large bande d'environ 
30 kilomètres, s'étendant, du nord au sud, dans toute la 
longueur du pays, du côté de l'est, sur la lisière du désert 
oriental. Son altitude moyenne, comme celle du haut pla- 
teau de l'Asie occidentale dont il est le terme, est de 7 à 
800 mètres. Son sol est ondulé, dominé çà et là de collines 
généralement en forme de mamelons, dont la base cal- 
caire n'est que partiellement recouverte de terre végétale. 
Au nord de l'Arnon, le point appelé Umm el-Djereisât, 
à l'ouest de Médaba, a 896 mètres d'altitude, Ma'în 872, 
Djelûl 823; fle? 6dn900, EVâl 934, es-Samik 927, Vmm 
cs-Summâq, sur la limite septentrionale, en a 968; 
plus à l'ouest, le Djebel Zabbûd a 1 140 mètres d'altitude. 
Au sud de l'Arnon, le plateau s'élève graduellement et 
plusieurs de ces sommets ont une élévation de 1100 
à 1200 mètres au-dessus du niveau de la mer Méditerra- 
née et de 1500 à 1600 au-dessus du niveau de la mer 
Morte. Ainsi Kérak est à 1026 mètres d'altitude, él-Môtéh, 
plus au sud, à 1167 mètres, Dat-Rds à 1165 et eUDja'far 
à 1254, c'est-à-dire à 1647 mètres au-dessus de la mer 
Morte. Le fond du plateau est une terre de couleur d'un 
brun plus ou moins sombre, d'une épaisseur de trois à 
quatre mètres et d'une grande fertilité. — Le plateau de 
Moab est sillnonë par une multitude de ravins, dont les 
principaux, Youadi Môdjeb, Vouadi Ledjjûn, Vouadi 
Sa'ideh, Vouadi Fiqréh, Youadi Oudléh, immenses fis- 
sures aux parois escarpées, se creusent jusqu'à 6 ou 
700 mètres au-dessous du niveau de la plaine, en pré- 
cipices d'un aspect à la fois terrible et grandiose. La 
plupart se ramifient au Môdjeb, ceux du sud en se joi- 
gnant à Youadi Ledjjûn, qui traverse la plus grande 
partie du plateau méridional en se dirigeant du sud au 
nord, pour rejoindre le Môdjeb en face de 'Ard'ér. Au 
nord, le plus grand nombre sont les confluents de Youadi 
Ouâléh, qui coupe le plateau septentrional en diagonale 
pour s'unir, sous le nom (Youadi fleiddn, an Môdjeb, 
à 4 kilomètres en amont de son embouchure. Les autres 
rejoignent les vallées moins importantes du Zerqâ-Ma'în, 
au nord, de Kérak, de Nenieirâ et û'el-Bîasd, au sud. 

2. La région accidentée. — En s'approchant de la 
grande dépression du Ghôr, le plateau qui forme la par-. 




300. — Carte (sans les montagnes) du pays de Afonb. 



Miï 



MOAB 



114S 



tie principale de Moab, s'affaisse brusquement et s'in- 
cline en une pente rapide. En se précipitant vers la 
vallée du Jourdain ou vers la mer Morte, les torrents 
de l'hiver ont creusé à travers les terres et les rochers 
une multitude infinie de sillons qui ont formé une série 
de chaînes de collines, orientées d'est à ouest, et se 
succédant parallèlement dans toute la longueur du pays- 
Ces monts aux pentes accessibles, bien que parfois assez 
raides et glissantes dans leur partie la plus septentrio- 
nale, au-dessus de la vallée du Jourdain et le long du 
plateau supérieur, sont encore généralement couverts 
de terre où la végétation peut se développer; mais ils de- 
viennent de plus en plus abrupts, sauvages et stériles 
à mesure qu'ils se rapprochent de la mer Morte. Le long 
de son rivage ce sont des masses Irocheuses de grés 
jaunes et rouges et de porphyre, d'épaisses coulées de 
lave, ou de noirs monceaux de pierres volcaniques, 
quelquefois séparés de distance en distance les uns des 
autres par de profondes Crevasses à parois perpendicu- 
laires de 100 à 200 mètres de hauteur et à peine larges 
de 10 mètres. — La superficie de cette région, trop acci- 
dentée pour pouvoir être mesurée avec précision, peut 
être estimée à la moitié de celle du plateau. — Cette 
longue lisière, formée ainsi d'une succession de groupes 
informes de collines tourmentées et entrecoupées de ra- 
vins et de gouffres, généralement d'altitude inférieure à 
l'altitude moyenne du plateau, ne pourrait qu'impropre- 
ment être appelée une chaîne de montagnes, bien que 
de l'occident elle en ait l'aspect; les Israélites semblent 
l'avoir désignée sous le nom général A'asédoth Çaldô(, 
plur. de 'éiéd ou 'aSed). Le nom de éSéd han-nehdlim 
(Vulgate : scopuli torrefttium), Num., xxi, 15, désigne 
précisément les escarpements des vallées de Moab. 
«Comme il est arrivé à la mer Rouge, ainsi [est-il advenu] 
aux torrents -de l'Arnon, les escarpements des torrents 
se sont inclinés pour laisser [les fils d'Israël] s'arrêter à 
Ar et se reposer sur le territoire de Moab. «L'appellation 
d'Asédoth de Phasga employée pour désigner la portion 
accidentée de territoire s'éleVant au-dessus de la mer 
Morte et au nord de l'Arnon, suppose l'usage de désigner 
de ce nom A'Asédoth toute la région ainsi accidentée 
de Moab, dont les parties étaient déterminées par des 
appellations spéciales. Les contreforts escarpés de la 
chaîne des monts de Judée formant la muraille occi- 
dentale du bassin de la mer Morte, furent également, 
aux temps anciens, désignés sous le nom d'Asédoth. Cf. 
4°Deut.,in, 17 (Vulgate: radiées montis Phasga); (Ase- 
doth),i\, 49 {radiées montis Phasga); Jos-, xii, 3 (Vul- 
gate : Asedoth, Phagga); xm, 20 (Asedoth, Phasga); 
2° Jos., x, 40; xii, 8 (Vulgate : Asedoth). Pour n'être pas 
confondus avec ceux-ci, les conlreforts escarpés du haut 
plateau de Moab devaient être appelés les Asedoth « de 
l'orient )>,mhrâhâh (Vulgate : contra orientent), Deut., 
m, 17, ou « les escarpements orientaux ». — La partie 
inférieure bordant la vallée du Jourdain et la mer Morte 
est nommée « la montagne de la vallée », har hâ-émêq, 
■nions convallis. Jos., xm, 19. — Le massif des monts com- 
pris entre Youadi Jiesbân, au nord, et Vouadi Zerqâ- 
Ma'în, au sud, et par où passèrent les fils d'Israël, pour 
atteindre le Jourdain et la Terre Promise, fui connu sous 
le nom de monts Abarim. Voir Abarim (Monts), t. i, 
col. 16-17. Parmi les sommets du massif, on trouve 
men tionné « le mont Nébo, dans la terre de Moab,en facede 
Jéricho ». Deut., xxxn, 49; cf. Num., xxvn, 12; xxxm, 
47-48. Son nom s'est conservé jusqu'aujourd'hui dans 
celui de Djebel Nébâ, donné à un sommet de 806 mètres 
d'altitude, silué à 8 kilomètres au nord-ouest de Mâdaba. 
Voir Nébo (Mont). 'Non loin se Irouvait « le som- 
met de Phasga », r'ôs hap-Pisgdh, dont le nom semble 
avoir servi à désigner un sommet particulier, Num., 
xxin, 14, le groupe de collines- dont cette hauteur était 
environnée et tout le massif dominant la mer Morte au 
nord-est. Cf. Deut., xxxiv, 1; Num., xxvit, 12; xxi, 



20; xxxm, 47. Le sommet du Phasga était au sud du 
Nébo et dominait la partie méridionale de la vallée du 
Jourdain, appelée jadis Jésimon, dont la ville de Beth- 
jésimoth semble avoir pris le nom. Cf. Num., xxi, 
20, et xxm, 14. Voir Jésimon, t. m, col. 1400. Ces 
derniers noms se reconnaissent dans celui de Sûeùnéh, 
donné à une source et à une ruine situées toutes deux 
vers la pointe nord-est de la mer Morte. Le sommet de 
Phasga pourrait être la hauteur connue sous le nom 
d'el'Maflùbîeh, dont l'altitude est de 840 mètres et qui se 
dresse en face du Nébo, au sud, de l'autre côté de 
Youad' edj-Djedeid. Voir Phasga. Le Nébo et le Phasga 
sont les seuls sommets de la région montagneuse de 
Moab dont l'Écriture fasse particulièrement mention. — 
Elle parle encore de deux vallées de cette région mon- 
tagneuse, mais sans les désigner par des noms spéciaux, 
la vallée près de Phasga, dominant le Jésimon et où 
campèrent les Hébreux avant de descendre à la vallée du 
Jourdain, Num., xxi, 20, et « la vallée dans la terre de 
Moab, devant Bethphégor », où fut enseveli Moïse. 
Deut., xxxiv, 6. La première peut être identifiée assez 
probablement avec Youad' edj-Djedeid et la seconde pa- 
rait être Youadi 'Ayùn Mûsâ. « La vallée des pas- 
sants, » gê hâ 'Obrîm (vattis viatorum) dont le nom 
pourrait être vocalisé gê hd-'Abârîm, indiquée par lu 
prophète Ezéchiel, xxxix, 11, à l'orient de la mer, appar- 
tient sans doute à ce district. — Au temps du Sauveur, 
on désignait toute la région accidentée de Moab, depuis 
Liviade à Zoar, du nom de monts de Moab ou d'Arabie 
et le nom de « montagne de fer » parait avoir été plus 
spécialement donné au pâté de rochers volcaniques qui 
domine la mer Morte. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, v, 
2; Bell, jud., IV, vin, 2. 

3. La plaine inférieure. — Sifuée au pied des hxu- 
teurs, à 1100 mètres au-dessus du niveau moyen du pla- 
teau et à plus de 300 au-dessous du niveau de la mer 
Morte, par la singularité de cette dépression, par son 
climat, par sa flore et ses produits, cette région, qui ap- 
partient à la vallée du Jourdain et aux rivages de la mer 
Morte, diffère essentiellement des deux autres, dont elle 
est la plus occidentale. Comprise dans la dénomination 
générale de « cercle du Jourdain », kikkâi\ hay-Yardên, 
Gen., xm, 10, 11, ou de « vallée des Bois », 'Eméq has-Sid- 
dîm, Gen., xiv, 3, ou simplement de « la Vallée », Jos., xm, 
19, elle a dû être spécialement appelée 'Arabâh de Moab, 
du nom donné à la vallée du Jourdain. Dans l'hypo- 
thèse de la formation de la mer Morte postérieurement 
à la catastrophe de Sodome, cette région, comprise 
entre le Jourdain à l'ouest et la montagne à l'est, se se- 
rait étendue primitivement, du nord au sud, de Beth- 
nemra à Bala, appelée plus tard Ségor. C'est une éten- 
due de 100 kilomètres sur une largeur moyenne de 7 ki- 
lomètres. Même avec ces 700 kilomètres carrés de 
superficie, cette partie aurait été encore la moindre du 
pays de Moab, bien que près de trois fois environ plus 
étendue que ce qui en demeurait quand Moïse et les 
Hébreux vinrent camper dans cette région, au nord de 
la mer Morte. A cette époque, la partie basse se ratta- 
chant au pays de Moab se composait comme aujourd'hui 
de quatre morceaux ou districts principaux : 1° la partie 
inférieure de la vallée du Jourdain, à l'extrémité septen- 
trionale de la mer Morte, 2° le territoire de $ârah, 3° la 
petite péninsule du Lisàn actuel, à l'issue de la vallée 
de Kérak, et 4» le district appelé maintenant Gliôr es 
Sâfièh, à l'extrémité méridionale de la mer. 

1) Le premier territoire, le plus important des quatre, 
est fréquemment mentionné sous le nom d'Araboth de 
Moab, 'Arbôt Moab, campestria Moab, « la plaine [infé- 
rieure] de Moab. » Il est désigné aujourd'hui du nom 
spécial de Ghôr $eisbân et sa portion la plus occiden- 
tale, en face de Râméh, de celui de Zôr Ghdrbék, ra- 
dicalement semblableau nom de 'Arabâh, avec lequel 
il pourrait n'être pas sans rapport. Sa longueur, de lVu- 



1149 



MOAB 



1150 



adi Nimrïn à la mer Morte, ne dépasse pas 15 kilomètres, 
et sa plus grande largeur est à peine de 13 kilomètres. 
Il est plat, légèrement incliné vers le Jourdain et la mer 
Morte. Sa dépression au point de jonction de Vouadi 
Ijesbân avec Vouadi Kefrein, qui est à peu près au 
Centre, est de — 338 mètres. Le sol, formé d'une terre 
noire, est généralement très fertile. 

2) Le second district est situé à 20 kilomètres au sud 
du précédent et de l'extrémité septentrionale de la mer 
Morte ou de Sûeiméh, et à moins de 3 de l'embouchure 
du Zerqà Ma'în. Le nom actuel de Sdrah peut rappeler 
celui de la ville de Sarathasar, hébreu : Sérét has-Sahar, 
Jos., xm, 19, qui rappelle lui-même le nom delà localité 
traduit KaXXipôr) par Josèphe. Cette induction est confir- 
mée par la carte mosaïque de Médaba. Snr cette carte, 
au bord de la mer Morte, â l'ouest d'une montagne où 
se lit le nom de [B] APOY, entre deux vallées dont l'une, 
au nord, ne peut être différente du Zerqà Ma'în passant 
sous Mekaûr et où sont des sources thermales, le Bai- 
poa; de l'historien juif, et dont la seconde au sud, est 
évidemment l'Arnon, est figurée une petite plaine plan- 
tée de palmiers. On y voit un édifice semi-circulaire 
d'où sort un cours d'eau et un autre édifice terminé en 
abside non loin duquel passe une autre rivière de bref 
parcours. Cette petite plaine, où se lit l'inscription 
©EPMA KAAAIPOH2, représente le territoire de Sd- 
rah dont nous parlons. — Il est indiqué, Jos., xm, 19, 
« dans la montagne de la vallée, » c'est-à-dire sur la 
lisière de la montagne et de l'Aràbah ou du Ghôr. Sd- 
rah (ou Sdrah), en effet, est encore dans la ligne de la 
montagne, mais par sa situation et ses caractères, il ap- 
partient en réalité à l'Aràbah. C'est un petit plateau incliné 
vers la mer Morte. De hautes collines de pierre volca- 
nique l'entourent, rangées en hémicycle. Son étendue 
sur le rivage est de 3 kilomètres et sa profondeur de 
2 environ. Une terre noire mêlée de pierres recouvre 
en partie son fond généralement de lave. 

3) Le troisième territoire est à 30 kilomètres plus 
au sud et au delà de l'Arnon (le Môdjcb) : c'est le Lisân, 
« langue » de terre s'avançant en presqu'île dans la mer 
Morte, à l'issue de la vallée de Kérak. L'identité du 
nom l'a fait prendre par quelques-uns pour le Lâsôn de 
la Bible, Jos., xvn, 2; mais l'identité des lieux est bien 
moins certaine. Voir Morte (Mer). Dans sa plus grande 
longueur le Lisân mesure 17 kilomètres et forme un 
petit golfe, de 7 kilomètres de profondeur et de 3 de 
largueur, qui a servi autrefois comme aujourd'hui 
de port aux barques entretenant, par la mer Morte, 
des relations de commerce avec le pays de Moab. La 
superficie du Lisân avec le Ghôr, c'est-à-dire « la dépres- 
sion » s'étendant le long de la montagne, n'est guère 
inférieure à celle du Ghôr Seisbdn ; mais formé d'une 
marne mêlée de sel, le Lisân est généralement stérile; 
dans le Ghôr seulement se trouvent quelques kilomètres 
carrés de terre cultivable. 

4) Le quatrième territoire est le Ghôr Sâfiêh, ainsi 
nommé du nom d'un village bâti au milieu d'un terrain plat 
et fécond sur le bord de la ramification méridionale de 
Youad 'el-Ijiasâ. La partie du Ghôr s'étendant de l'ex- 
trémité méridionale de la mer Morte à cette limite, entre 
la montagne à l'est et la Sebkhah, région marécageuse 
prolongeant la mer Morte à l'ouest, est de 5 kilomètres 
de longueur et de 4 de largeur. D'après l'histoire et la 
carte de Médaba, c'est le pays de Sô'ar ou Ségor où Lot, , 
fuyant Sodome, chercha un refuge et où prirent nais^ 
sance les ancêtres des peuples d'Ammon et de Moab. 

Çà et là, et à l'issue des vallées le long de la mer, se 
rencontrent encore de petits terrains plats, aptes à la 
culture : les Bédouins les appellent des ghûeirs, « des 
petits ghôrs. » Les sommets des arbres morts qui, aux 
alentours, s'élèvent des eaux de la mer, quelquefois jus- 
qu'à plus de 50 mètres de distance, témoignent de l'élé- 
vation progressive des eaux, qui finiront parfaire dispa- 



raître ces petits territoires, comme déjà sans doute elles 
en ont englouti d'autres de la même manière. 

m. eaux. — 1» Eaux de pluie consei-vées dans les 
citernes et les piscines. — Toute la région supérieure 
de Moab, c'est-à-dire les deux tiers de son territoiro 
total, a toujours été complètement privée de sources 
et d'eau courante. Moïse, arrivé avec les Israélites à la 
hauteur de l'Arnon, à l'endroit qui fut^appelé Béer, 
reçut de Dieu l'ordre de réunir le peuple et de lui pro- 
curer de l'eau en faisant creuser un puits. Le chan 
composé à cette occasion et conservé dans les Nombres, 
xxr, 17-18, témoigne de la joie éprouvée par les émi- 
grants à l'apparition de l'eau et par là même de la pénu- 
rie dont ils avaient souffert en suivant le plateau méri- 
dional de Moab qu'ils venaient de parcourir, depuis le 
passage du Zared. La même pénurie est attestée pour le 
plateau septentrional, par la proposition de Moïse au roi 
Séhon pour lui demander de laisser passer les Israélites : 
s Permets que nous passions par ton territoire, lui 
disait-il; nous n'irons ni par les champs ni par les 
vignes et nous ne boirons point de l'eau des puiu. » 
Num., XXI, 22. 11 s'agit évidemment des citernes et de 
l'eau de pluie conservée par leur moyen et que les habi- 
tants de la région, alors comme aujourd'hui, gardaient 
avec un soin jaloux et ne cédaient qu'à prix d'argent. 
« L'eau que tu voudras bien nous donner à boire, nous 
la paierons, » avait ajouté Moïse. Deut., Il, 28. On ne 
connaît guère qu'un endroit, et dans un cercle fort 
restreint, où l'eau se rencontre si l'on creuse des puits, 
à Vouadi Tamad, en amont des ouadis LJeiddn et 
Ouâléh, et à l'est de Medeinéh, sur la frontière du 
désert, où était la limite du royaume de Séhon, et où 
étaient arrivés Moïse et les Israélites quand le besoin 
d'eau leur fit creuser un puits où ils la trouvèrent en 
effet. Partout ailleurs sur le plateau, les habitants ont 
toujours dû se faire des citernes et des piscines pour 
recueillir les eaux de pluie de l'hiver, afin de les conserver 
pour les divers usages de la vie. Parmi les ouvrages de 
ce genre, les piscinesd'Hésébon sont célébrées par l'Epoux 
du Cantique des Cantiques, vu, 4, qui leur compare les 
yeux de l'Épouse. Le roi Mésa raconte avec fierté, dans 
l'inscription de sa stèle, comment il pourvut le Qarhâh de 
Dibon d'une double piscine et fit creuser dans cette ville de 
nombreuses citernes pour procurer de l'eau à ses habi- 
tants. 

2° Sources et rivières. — Il faut descendre dans la 
profondeur des ravins et des vallées pour trouver des 
sources. Là elles jaillissent nombreuses et beaucoup 
d'entre elles sont fortes et abondantes. Leurs eaux sont 
généralement saines, légères et agréables à boire. Les 
fontaines de Moab méridional furent jadis obstruées par 
les soldats de l'armée coalisée et victorieuse d'Israël, 
Juda et Édom au temps du roi de Moab Mésa. IV Reg., 
m, 25. Aucune des fontaines de Moab n'est désignée 
spécialement cans les Écritures, mais plusieurs sont 
célèbres dans l'histoire. Celles qui sortent du pied du 
mont Nébo étaient réputées avoir jailli à la prière de Moïse 
voulant donner de l'eau à son peuple. Elles sont depuis 
longtemps connues sous le nom de « Fontaines de 
Moïse », 'Ayùn Mûsd. Voir Asédoth, t. i, col. 1076, et 
Nébo (Mont). La fontaine de Sùeimeh (Bethjésimoth), 
dans le Ghôr Seisbdn, a été, comme celle de Nébo, visi- 
tée par les pèlerins et estimée miraculeuse. Voir Beth- 
jésimoth, t. i, col. 1687. Les anciennes relations men- 
tionnent encore la fontaine dont les eaux servirent à 
l'usage de saint Jean-Baptiste, quand il résidait en cette 
région. Elle est désignée sur la carte mosaïque de Médaba 
sous le nom d'Ainôn, à l'endroit nommé Sapsas, près 
de Bethabara, en face de Jéricho : c'est sans doute le 
'Aïn eUKharrâr actuel, qui sourd à un kilomètre du 
Jourdain, à l'est de ce fleuve et du couvent grec du Pro- 
dromos. Voir Bethab&ra, t. i, col. 1650. Un grand 
nombre de ces sources donnent immédiatement nais- 



1151 



MOAB 



1152 



sance à de forts courants d'eau qui, en se réunissant, 
forment des ruisseaux ou des rivières relativement con- 
sidérables, vu surtout la grande inclinaison de leur lit, 
et la brièveté de leur parcours. La rivière de Môdjeb, la 
plus considérable de toutes, mesure à peine, avec sa 
plus longue ramification, le nahar Ledjjûn 50 kilo- 
mètres. La rivière qui arrosait les ouadis famad, Ouâleh 
et Jfeidân est le principal affluent du Môdjeb, dont elle 
égale presque la longueur et l'importance. Le bassin 
de ces deux rivières occupe la plus grande partie du ter- 
ritoire total de Moab. Il est tributaire de la mer Morte. 
— Au nord du Môdjeb, la seule rivière un peu consi- 
dérable parmi celles qui se jettent directement à la mer 
Morte, est le Zerqâ Ma'in, ainsi nommé de Ma'in, 
ruine de l'ancienne Baalmaon sous laquelle elle prend 
naissance, au sud, au 'Aïn ez-Zerqà, La longueur de son 
parcours est de moins de 20 kilomètres. Les autres ri- 
vières de quelque importance parmi celles se rendant 
directement au lac, au sud du Môdjeb, sont le seil-Djer- 
rahet les rivières dès ouadis Béni Blâmmad, Qéneiyeh, 
Kérak et Nemeira. « Les eaux de Nemrim, » dont les 
prophètes Isaïe, xv, 6, et Jérémie, xlvui, 34, annon- 
cent le dessèchement, ne paraissent pas différentes de 
la rivière de Nemeird actuelle. L'embouchure du courant 
est à 6 kilomètres au nord de l'extrémité méridionale 
de la mer Morte et du Ghôr $âfîéh où il faut chercher 
Zoara ou Ségor, et c'est « au nord de Zoara » qu'était, 
selon Eusèbe, la ville de Nemrim, dont la rivière porte le 
nom.. Onomastic, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, 
p. 298. Plusieurs interprètes, il estvrai, ont cru pouvoir 
reconnaître les eaux auxquellesfontallusionles prophètes 
dans celles de Youadi Nimrin ; cette rivière, qui baigne 
la frontière septentrionale de Moab et arrose la plaine 
des Araboth, se développant autour de Bethnemra porte 
un nom également identique à celui de la prophétie. Il 
serait difficile de faire un choix, si le récit lui-même 
n'indiquait pas, avec suffisamment de clarté, le sud de 
Moab. Des eaux de Nemrim, Isaïe, xv, 7, fait en effet pas- 
ser les fugitifs de Moab au nattai hd-'Ardbîm, le torrent 
des Saules, qui passait à l'extrémité de la terre de Moab, 
au sud, là où coulent les eaux de Youad'el-ffasâ actuel. 
Cf. Nemrim. La rivière d'el-Ifasâ, dont les eaux se divi- 
sent à la sortie des montagnes pour arroser le Ghôr 
$dfieh et se jeter ensuite à la mer Morte après avoir tra- 
versé la Sebkhah, est la première après le Môdjeb, par 
le développement de son cours et par l'abondance de 
ses eaux. Elle est assez couramment, avons-nous dit, 
identifiée avec le Zared. Voir Zared (Torrent de). Les 
eaux de Youadi Nimrin, au nord, sont celles de Youadi 
Cha'îb qui descend de l'ancien pays de Galaad et a sa 
source près du Sait actuel. Après avoir arrosé le Ghôr, 
elle se déverse au Jourdain à peu de distance au-dessus 
du gué el-Ghoranîéh. La rivière de l'ouadi Kefrein, qui 
coule au sud de Youadi Nimrin, envoie également ses 
eaux à la mer Morte par le Jourdain. Une partie consi- 
dérable de celles-ci lui vient de Youad es-$îr. Cet affluent 
prend naissance sous les ruines d'es-Sir, à l'est de celles 
de Sâr, réputé l'ancien Jazer, en dehors du territoire 
de Moab. L'autre affluent principal du nahar Kefrein 
est le nahar ffesbân. Il a son origine à la source appelée 
'Aïn Ifesbân du nom de ffesbdn, l'ancienne Hésébon, 
située à 5 kilomètres au sud-est. Voir Hésébon, t. îir, 
col. 660. Le nahar ifesbân parcourt prés de 30 kilo- 
mètres avant de se joindre au nahar Kefrein, 5 kilo- 
mètres à l'ouest du Tell Râméh. Tous deux, après avoir, 
arrosé soit seuls, soit ensemble, le Ghôr dans toute sa 
largueur, se jettent au Jourdain à 5 kilomètres en aval 
de leur point de jonction, au sud-est, et à 3 kilomètres 
en amont de l'embouchure du Jourdain. — Le camp des 
Israélites, dans les Araboth de Moab, dressé entre 
Bethjésimoth (Sûeiméh) et Abelsatim (Kefrein), était 
parcouru par ces deux courants. 
3° Eauxtliermales. —En outre de ces eaux naturelles 



et ordinaires, le pays de Moab possède encore de nom- 
breuses sources thermales et minérales. On en connaît 
au sud du Môdjeb, dans les vallées el-ffammad et el-Hasa. 
Les plus connues des explorateurs modernes, au nord 
du Môdjeb sont celles de Youadi Zerqà-Ma'în. Ces sour- 
ces, au nombre d'une dizaine, jaillissent au fond d'un 
revin abrupt, sauvage et presque inabordable de la 
rive droite du Zerqâ au nord de Mekaûr, la Machéronte 
de l'histoire. Leurs eaux sont chargées de diverses sub- 
stances minérales, surtout de soufre, et leur tempéra- 
ture s'élève jusqu'à 70° centigrades. Elles sont désignées 
aujourd'hui sous le nom de Ifammâm ez-Zerqâ, « les 
bains du Zerqâ. » Ce sont certainement les sources 
thermales de la gorge profonde qui protège Machéronte 
au nord, dont parle Josèphe et appelées par lui Baaru 
ou Baaras. Bell.jud., VII, vi, 3. Ce nom est évidemment 
une transcription d'un des dérivés de Béer « puits, » et 
probablement le mot de forme araméenne Béerah ou Bée- 
rath. Au iv° siècle, saint Jérôme traduisant Eusèbe, in- 
dique « Béelméon près de Baaru en Arabie, où les sources 
chaudes jaillissent spontanément du sol ». Onomasticon, 
édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 103. Voir Calli- 
rhoé, t. il, col. 69-72. — Les sources de Sârah ne sont pas 
très éloignées de celles du Zerqâ, mais elles en sont 
séparées par la vallée infranchissable du Zerqâ et par 
des montagnes abruptes de grés et de basalte. Le nombre 
des sources de Çàrah ne peut être facilement déterminé. 
Les nombreux ruisseaux qui en dérivent sortent souvent 
de fourrés inextricables, de hauts roseaux entremêlés de 
broussailles de toute espèce. Ces ruisseaux se divisent 
et se subdivisent en une multitude infinie de petits cou- 
rants qui se croisent et s'entrecroisent, sillonnant le 
plateau dans tous les sens, et le couvrant en quelque 
sorte d'un réseau de canaux dont il est impossible de 
remonter au point d'origine pour les compter. Plusieurs 
de ces petits ruisseaux apparaissent seulement pendant 
l'hiver et tarissent l'été, laissant marquée d'un mince 
dépôt de sel, la ligne de leur parcours. Le nombre des 
sources permanentes peut être de douze ou quinze, 
dont cinq ou six sont plus importantes par leur débit. 
Deux d'entre elles, au sud du plateau, forment de petites 
rivières qui courent dans des ouadis peu profonds, au 
milieu d'arbustes divers. Leurs eaux ont près de 40° de 
température et paraissent mêlées de substances miné- 
rales. Deux autres sont particulièrement remarquables. 
La première sourd, au nord du plateau, au pied d'un 
rocher, dans une petite vallée qui forme la limite du 
territoire de Sârah. La température de l'eau à sa sortie 
est de 50». Elle forme aussitôt un gros ruisseau qui 
court se perdre dans la mer Morte, 200 mètres plus loin. 
Sans autre goût qu'une très légère saveur saline tra- 
hissant peut-être une nature alcaline, ces eaux sont 
potables et j'en ai usé pendant quinze jours sans être 
aucunement incommodé. La seconde source se précipite 
en grondant d'un orifice profond qui s'ouvre sous une 
colline de basalte et de lave, vers l'extrémité nord-est 
du plateau. Elle n'est pas moins abondante que la pre- 
mière. La température de l'eau est de 60». Les dépota 
de matière d'un jaune rougeâtre, laissés par ces eaux le 
long de leur parcours, indiquent qu'elles sont char- 
gées de substances minérales, dont le soufre parait, 
comme aux sources du Zerqa, être la plus considérable. 
Les eaux de Çârah ne nous paraissent pas différentes 
des bains de Callirhoé dont parle Josèphe, et célèbres 
dans l'histoire. Le vieil Hérode, se sentant pris de la 
maladie qui devait l'emporter, vint leur demander des 
forces qu'elles ne pouvaient lui rendre. Ant. jud., 
XVII, vi, 5; Bell.jud., 1, xsxm, 5. — Les anciens font 
allusion à d'autres sources autour de Bétharan ou de Beth- 
jésimoth, qui jouissaient de vertus diverses ou qui, à cause 
de leur nature minérale, étaient estimées mauvaises ou 
peu potables. Voir BethjésijSoth, t. i, col. 1687. Cf. 
El-Muqaddassi, Géographie, édit. Goeje, Leyde, 1877, 



1153 



MOAB 



1154 



p. 184. — Ces diverses eaux thermales de Moab, selon plu- 
sieurs interprètes, seraient désignées déjà, soit en géné- 
ral, soit en particulier, dans la Genèse, xxxvi, 24, où il 
est raconté qu'Ana, fils de Sébéon, « trouva les yêniîni 
au désert. » L'hypothèse, quoique contestable, a réuni un 
cerîain nombre de partisans. Voir Ana, t. i, col. 532-533. 
Celles de Sârah nous paraissent clairement indiquées dans 
le Sihor de la montagne de la vallée, sans toutefois qu'il 
soit tait allusion à leurnature et à leur usage. Il est cepen- 
dant un passage de l'Écriture où il pourrait en être ques- 
tion à ce point de vue, c'est celui du psaume lix (hébreu 
lx), 10, répété Ps. cvn (cvm), 10. Personnifiant le peuple 
de Dieu, le Psalmiste énumère diverses tribus d'Israël 
et plusieurs des nation? voisines, en spécifiant le rôle 
de chacune par rapport à lui. Après avoir appelé Éphraïm 
le soutien de sa tête, Juda son législateur, et avant d'ajou- 
ter: « ma chaussure, mon pied, s'appuiera surÉdom, » 
il dit : « Moab est le vase où je me lave, » Môâb sir râhn, 
dans la Vulgate, olla spei meî. Selon toute apparence, le 
chantre sacré veut dire que le pays de Moab sert à Is- 
raël pour ses bains salutaires. La conduite d'Hérode 
indique suffisamment qu'ils n'étaient ni inconnus, ni 
méprisés des Israélites et des Juifs. 

jv. climat et productions. — 1° Climat. — Le pays 
de Moab, comme le pays de Galaad, ou comme la Judée 
prise sur le littoral méditerranéen, a deux climats dis- 
tincts : celui de la région supérieure, et celui du Ghôr : 
le premier est un climat tempéré, l'autre un climat 
chaud. Pour l'un et l'autre, il y a deux saisons : la sai- 
son des pluies de l'hiver, de novembre à avril, et la sai- 
son sèche ou l'été, de mai à octobre. Les températures 
que l'onpeut considérer comme extrêmes sont, pour la 
première zone élevée, — 3° centigrades et -f- 35°, et pour 
le iihôr O et -i- 50° ; ces températures sont très rares, 
pour le Ghôr surtout. La température la plus ordinaire 
de l'hiver est de + 8° à + "16° au plateau supérieur et 
de •+- 15° à 22° dans le Ghôr. Les écarts de plus de 8 de- 
grés entre les minima et les maxima sont peu fréquents. 
La distribution des pluies ne s'opère pas avec une régula- 
rité absolue : elles sont plus ou moins précoces et cessent 
plus ou moins tôt, et elles peuvent être plus ou moins 
abon dantes. La quantité moyenne est de 60 centimètres. 
Environ deux années sur trois la neige descend sur le 
plate au qu'elle recouvre en entier, mais rarement deux 
fois dans un même hiver. Elle se maintient parfois au 
delà d'une semaine, surtout dans la partie méridionale, 
dont l'altitude est plus considérable. Les vents de l'oc- 
cident sont les plus constants. Les vents d'est soufflent 
plus fréquemment [en hiver et dans les mois intermé- 
diaires de mars et d'avril, etde septembre à octobre. Brû- 
lants pendant l'été, ils sont d'un froid vif pendant l'hi- 
ver. L'air des plateaux est sec et salubre. Quelques 
miasmes se développent dans le Ghôr, aux alentours de 
Sueiméh, où les eaux, abandonnées à elles-mêmes, for- 
ment des marais. Les Arabes du plateau et de la mon- 
tagne descendent dans les diverses parties du Ghôr au 
commencement de la saison des pluies et l'abandonnent 
dès le mois de mai. 

2» Flore. — Favorisée par un climat identique à celui de 
la Judée, la flore de Moab n'est ni moins riche, ni moins 
variée. Ce sont, en général, les mêmes espèces, parmi 
lesquelles dominent les anémones, les coquelicots et 
diverses sortes de lins. Les chardons et les arbustes 
épineux abondent après les récoltes et pendant l'été. Les 
bords des fontaines et des rivières sont couverts de 
cresson et de menthe. Le sénevé se développe dans le 
Ghôr et sur les rives du Jourdain. La truffe abonde dans 
la plaine de Médaba. Dans les terrains spéciaux des 
vallées qui bordent la mer Morte, les explorateurs ont 
trouvé plusieurs espèces de plantes inconnues à la Ju- 
dée. Le retem, genêt à fleur blanche odorante (fig. 301), 
remplit les vallées comme les flancs des collines infé- 
rieures. Le 'oscher ou asclépiade se mêle partout au 

D1CT. DE LA BIBLE. 



retem dans le Ghôr et à Çârah. Dans les touffes d'oléan- 
dres ombrageant les rivières, on en remarque à fleur 
blanche. Le tamaris, les roseaux et les diverses es- 
pèces de saules qui croissent sur les rives du Jourdain 
se retrouvent près de la plupart des autres rivières. Le 
prophète Isaïe, xv, 6-7, d'après la Vulgate, signalerait ces 
derniers arbres dans les vallées les plus méridionales de 
Moab et la végétation abondante, en général, de la région 
de Nemrim. Le nom de 'Arû'êr donné à une ville bâtie 
sur le bord de l'Arnon et à une autre située plus au nord 
suppose la présence du genévrier dans leur voisinage. 
Quelques buissons de chêne et de térébinthes, de lentis- 
ques, de sumacs, épars sur les collines au nord de H esbdn 
et de El'&l, attestent l'existence, au temps passé, de forêts 




301. — Genêt à fleurs blanches. 
D'après une photographie de M. l'abbé Gélinet. 

en cette région. Il y reste seulement maintenant un petit 
bosquet de pins rabougris et noueux. Tout le reste du 
plateau, tant au nord qu'au sud de l'Arnon, est complè- 
tement dépouillé de toute espèce d'arbres. On retrouve 
quelques chênes, quelques térébinthes et quelques carou- 
biers dans l'une ou l'autre des vallées qui aboutissent 
à l'ouadi Reidàn et qui sont au sud du Môdjeb. Le nom de 
'Abel haë-ëittîm, porté par une ville des Araboth, indique 
la présence du sent ou d'acacias désignés par l'ap- 
pellation de sittîm. Cette espèce a disparu de l'endroit, 
mais on la retrouve à ÇdraA et en d'autres endroits. 
On voyait autrefois à Barou une plante, arbre ou ar- 
buste, comparée par Josèphe à la rue et à laquelle il 
attribue des propriétés extraordinaires, entre autres 
celle de paraître semblable à une flamme pendant la 
nuit. Bell, jud., VII, vi, 3. Des explorateurs ont cru 
reconnaître cette espèce dans un grand retem qui croit 
au Hammam ez-Zerqd et dont le tronc atteint jusqu'à 
30 centimètres de diamètre, et l'arbre le développement 
d'un grand amandier; mais cette plante n'a rien de la rue, 
ni les autres propriétés que lui attribue l'écrivain juif.. 

IV. - 37 



1155 



MOAB 



115G 



3° Produits de la culture. — Les diverses céréales, 
l'orge, les lentilles, les fèves, les pois chiches, le doura, le 
kersenné et plusieurs autres espèces, sont cultivées avec 
succès dans la terre de Moab ou pourraient l'être comme 
dans les pays voisins de Galaad et de la Palestine; toutefois 
la culture principale et spéciale de celte contrée paraît 
toujours avoir été le blé. Le blé de Moab, selon plusieurs 
commentateurs, est cité par le prophète Ézéchiel, xxvii, 
17 (hébreu), comme le blé de choix vendu sur les mar- 
chés de Tyr, sous le nom de « blé de Mennith ». Voir 
Mennith, col. 970. Les blés de la Belqâ, la région où se 
trouvait Mennith, et ceux du pays de Kérak sont les plus 
recherchés aujourd'hui sur les marchés de Jérusalem, 
que ces pays semblent avoir toujours approvisionnés. 
« La terre de Moab, appelée maintenant pays de Kérak, 
disait en 1840 le rabbin Schwarz exprimant le senti- 
ment populaire, est jusqu'à présent une contrée comblée 
des plus abondantes bénédictions : ses blés sont excel- 
lents entre tous les blés du monde et c'est de là que 
s'approvisionne la Ville sainte. » Tebuoth ha-Arez, Jé- 
rusalem, 1900, p. 254. — La culture de la vigne se 
partageait avec celle du blé le territoire de Moab, dès 
l'époque la plus reculée. « Nous n'irons ni par les 
champs ai par les vignes, » disait Moïse à Séhon en lui 
demandant d'autoriser les Israélites à passer à travers le 
pays. Num., xxi, 22.Balaam allant rejoindre Balac, pas- 
saitpar des vignes entourées de murs en pierres sèches. 
Num., xxii, 24. Le nom de la vigne (kérém), porté par 
divers endroits et les innombrables pressoirs antiques 
taillés dans le roc, épars sur toutes les hauteurs de 
Moab, témoignent de la généralité de cette culture. Les 
diverses essences fruitières, le figuier, l'amandier, le 
grenadier, le cognassier et le poirier, le pommier, 
l'abricotier et le pêcher, dont la culture est toujours 
nnie à celle de la vigne en Galaad, ne devaient pas être 
négligées dans le pays voisin de Moab. Quand Joram 
et Josaphat envahirent le territoire de Moab, le pays 
était couvert d'arbres fruitiers qui furent coupés par 
l'ennemi. IV Reg., m, 19-25. Le géographe arabe 
el-Muqadassi, Géographie, édit. Goeje, Leyde, 1874, 
p. 180, mentionne parmi les produits des pays de l'is- 
lam vantés et recherchés, les amandes de Moab. L'on 
rencontre aujourd'hui entre Mekaîir elle tleidàn, deux 
. vallées entièrement plantées d'amandiers abandonnés et 
devenus sauvages, restes sans doute de la culture à la- 
quelle fait allusion l'auteur arabe du X e siècle. De nom- 
breuses localités sont désignées par les noms à'Vnim 
er-Rummdnéh, er-Remeniên, comme des jardins de 
grenadiers, où l'on ne voit plus un seul pied de celte 
espèce. Quelques oliviers abandonnés au djebel l Atâr'ûs, 
près de NaSir, et en quelques autres endroits de la 
région du sud, sont également l'indice de la culture anti- 
que de cette espèce si estimée dans toutes les contrées du 
même climat. L'auteur cité nomme encore l'indigo, jadis 
cultivé sur une large échelle dans les parties inférieures 
du Ghôr. — La culture principale de cette dernière 
zone était celle du palmier et de la datte. A Sârah et 
dans divers autres endroits du Ghôr, on voit encore un 
certain nombre de palmiers, débris des anciennes plan- 
tations. Il n'en est pas parlé formellement dans la Bible, 
mais la situation de cette région identique de nature 
en face de Jéricho et d'Engaddi, où le palmier, au temps 
de l'empire romain, produisait, au dire de Pline, 
H. N., v, 14; xm, 4, la datte la plus estimée de 
l'univers, ne permet pas de douter qu'elle n'ait de tout 
temps partagé la même gloire. La carte-mosaïque de 
Médaba figure des plantations de palmiers dans les plaines 
de Liviade, de Callirhoé et de Zoara. En ce dernier endroit 
cette culture donna lieu à une industrie qui, en se per- 
fectionnant, devait devenir l'une des principales du 
monde civilisé. Depuis l'occupation musulmane les habi- 
tants du haut plateau de Moab transformaient par la 
cuisson le jus de leurs raisins en dïbs, ou en un sirop 



épais et condensé, pour le vendre au loin. Les habitants 
de Sughâr (Ségor ou Zoara) traitèrent de même les 
dattes de leurs palmiers. La substance ferme et com- 
pacte ainsi obtenue s'exportait jusqu'aux extrémités de 
l'Occident, où elle était très recherchée pour l'édulcora- 
tion des liqueurs et des mets. Cf. El Muqadassi, loc. cit. 
Elle était appelée, du nom du lieu de provenance, 
Sughâr ou Suqqâr. Le suc de la canne déjà cultivée dans 
le pays à cette époque, cf. ld., ibid., p. 161, 162, 181, 
devait supplanter, le dibs de Sughâr et lui prendre 
son nom, conservé sous la forme suggar ou sukkar, 
le « sucre ». Saint Jérôme cite le baume avec la 
datte, comme produit de Ségor. Onomasticon, édit. Lar- 
sow et Parthey, Berlin, 1862, p. 97. — Le prophète Jé- 
rémie, faisant allusion à la splendeur de ces cultures, 
appelle le pays de Moab un carmel, « un jardin divin, » 
où ne cessaient de retentir les cris de joie et de fête. 
La récolte cependant et la vendange cesseront de s'y 
faire; les pressoirs seront abandonnés et le vin cessera 
de couler. La désolation et la tristesse vont se répandre 
partout, et le prophète pleure sur les vignobles de Sa- 
bama dévastés et détruits. Jer., xlviii, 32-33. — La plu- 
part de ces cultures sont encore mentionnées au 
XIII e siècle par le géographe arabe Edrisi, Dikr es-Sdm, 
édit. Rosenmûller, Leipzig, 1823, p. 4, elles devaient 
cesser totalement un peu plus tard. La culture du blé 
et de l'orge a repris sur les hauts plateaux et au Ghôr 
Çeisbdn, près A'er-Râméh, Kefrein et Tell-.Nimrîn. 
Quelques arbres fruitiers ont été replantés dans la vallée 
de Kérak. Près des fontaines, les terrains étroits qui s'y 
trouvent sont encore semés de concombres, de poireaux, 
d'oignons et parfois de tabac. 

4° Faune. — 1. Animaux sauvages. —■ Le nom des 
deux Ariel (« lion de Dieu ») de Moab tués par Banaias, 
un des vaillants guerriers de David, II Reg., xxui,20, 
et I Par., xi, 22, s'il ne désigne pas des lions, suppose du 
moins la présence de cet animal en Moab, comme les 
noms de Bethnemra, « la maison des léopards, » et 
Nimrîn, « les léopards, » supposent l'existence de ces 
derniers dans le voisinage des localités de ces noms. Le 
lion a depuis longtemps disparu, mais le léopard s'y 
retrouve encore assez fréquemment ainsi que les espèces 
similaires, la panthère et le guépard. La montagne au 
sud de Nemeirâ appelée ras el-Khanâzii' a été également 
désignée ainsi des nombreux sangliers qui la hantent; 
de même 'Ayùn ed-Dîb, « les fontaines du loup, » schau- 
net ed-Diâb, « la retraite des loups, » Vmni el-Qenâfid, 
« la mère des hérissons ou des porcs-épics, » attestent 
la présence des animaux de ces noms. La gazelle 
se montre sur les plateaux avec d'autres antilopes sem- 
blables au cerf. Le beden ou bouquetin vit en troupes 
à Sârah et circule sur toutes les montagnes rocheuses 
du rivage de la mer Morte. Le lièvre se rencontre au mont 
Nébo et en quelques autres lieux. L'autruche et l'onagre 
du désert apparaissent quelquefois sur les frontières 
de Moab, mais sans y fixer leur demeure. La plupart 
des oiseaux, des reptiles, serpents et lézards et des in- 
sectes communs à la Syrie se trouvent en Moab en plus 
grand nombre. Les sauterelles y font aussi de plus fré- 
quentes apparitions. Les eaux du Môdjeb et de la vallée 
de Kérak sont remplies de poissons divers et estimés. 

2. Troupeaux et animaux domestiques. — Soit à 
cause de la nature du sol et de sa disposition, soit sur- 
tout à cause de l'abondance de ses sources et de ses 
rivières, dans le pays de Moab l'herbe croit plus abon- 
dante et est plus permanente ; pour cette raison, il était 
considéré dans les temps anciens comme « une terre 
de troupeaux », un pays essentiellement propice à leur 
élevage et à leur entretien : c'est à ce titre que les Ru- 
bénites et les Gadites, dont les troupeaux étaient innom- 
brables, demandaient à Moïse de leur laisser la posses- 
sion de la partie de Moab au nord de l'Arnon, conquise 
parles Israélites sur les Amorrhéens.Num.,xXXii,l-5. — 



1157 



MOAB 



1158 



Les troupeaux des Rubénites étaient composés des mêmes 
espèces queles troupeaux des Israélites en général, et il 
n'est pas douteux qu'il en a été de même chez les Moa- 
bites et les autres populations qui occupèrent le pays. 
La vache et le bœuf devaient être communs et apparaissent 
comme victimes destinées aux sacrifices. Num., xxn, 
40; xxiii, 1-4, 14, 80. Balaam, appelé par Ealaq, demande 
sept jeunes bœufs, pour les immoler sur les sept autels 
dressés par ses ordres. Aujourd'hui le bœuf est élevé 
exclusivement en vue du labourage. L'espèce ovine paraît 
à côté de l'espèce bovine dans les rites religieux, et, avec 
les sept bœufs, Balaam demande également sept béliers. 
Num., xxiii, 1, 4; cf. xxn, 40. La masse des sujets de 
cette espèce devait être innombrable. Le tribut exigé 
par Achab du roi Mésa était, pour Moab méridional 
alors seul en possession des Moabites, de cent mille 
agneaux et cent mille béliers couverts de leur toison. 
IVReg., m, 4. La chèvre, le chameau, l'âne et le cheval, 
bien que la Bible ne les spécifie pas, devaient faire par- 
tie des richesses de Moab, autrefois comme maintenant. 
Le mulet y est aujourd'hui très commun et employé 
pour les travaux de la campagne'et le transport des 
fardeaux. 'Ain el-Djâmûs, « la fontaine du buffle, » à 
l'ouest de Nâ'ûr, témoigne que cette espèce faisait 
autrefois partie des troupeaux. 

v. villes. — Les ruines innombrables de villes et 
de villages dont est parsemé le sol de Moab, tout en 
attestant la multitude de ses habitants, témoignent en 
même temps qu'ils étaient surtout sédentaires, au con- 
traire des habitants actuels, presque exclusivement 
nomades. De même qu'au pays de Chanaan, en Moab, au- 
tour des villes principales munies de remparts, 'ârê mib- 
sdr, civitates,urbes munitœ, Num. , xxxn, 36 ; IV Reg., m, 
19, étaient des villes secondaires, les benêt, ce filles, » 
viculi. Num., xxi, 25; Jos., xm, 17, 23. Parmi ces der- 
nières il y avait des villes plus « remarquables », 'ir 
mïbhôr, urbs électa. IV Reg., m, 19. Il y avait encore 
« les villes de troupeaux », gidrôt s'ôn, caulx peco- 
«m, ou « les villages », hasrê, villœ. Num., xxxn, 36; 
Jo3., xm, 23. — Le prophète Jérémie, xlviii, 24, dis- 
tingue les villes de Moab en deux catégories : « les 
villes éloignées et les villes rapprochées, » hdr-refyoqôf 
ve-haq-qerôbôt, entendant sans doute par les premières 
les villes de Moab méridional et par les secondes celles 
de Moab septentrional. 

1» Villes de Moab méridional. — On en trouve sept, 
ou clairement ou très probablement désignées comme 
étant de cette catégorie. Ce sont : 

1. ArMoab (hébreu : 'ArMôâb). Is.,xv, 1; Num.,xxi, 
28. Son nom semble être l'équivalent de 'ir Mûâb, « la 
ville, la capitale de Moab, » comme l'indique d'ailleurs 
le nom de Rabbath-Moab ou Rubath-Môba qu'elle a 
longtemps porté. Elle a été appelée Aréopolis par les 
Grecs et les Romains. Cf. Eusèbe, Onomastic, au 
mot Moab, 1862, p. 292, 293. C'est aujourd'hui Habbah. 
Voir Ar, t. I, col. 814-817. 

2. Gallim (hébreu, 'Eglaîrn; Septante : 'AfaXXeiV), 
Is., xv, 8, est indiquée par Eusèbe, à 8 milles au nord 
d'Aréopolis. Onomastic, p. 10. Elle est aujourd'hui in- 
connue. Voir t.m, col. 98. 

3. Kir Moàb (hébreu : Qîr Môâb, to Tetyoç tîjç M<oa6i- 
tiSoç, murus Moab, Is., xv, 1; appelée encore Qir Iférés, 
Jer., xlviii, 36 (cf. Is., ivi, 11 : teï^o; èvexaivtuac), 
lu par les Septante q rhr' s, w pour to, xeipâêaç aùxH-oû, 
Vulgate : murus fictilis, murus cocli lateris, et Qir 
tfâréSet, Is., xvi, 7; IV Reg., m, 25). Elle fut réellement 
« le boulevard de Moab » et probablement sa capitale. 
Cf. IV Reg., ni, 25. Nommée plus tard Kerak-Moba, 
c'est aujourd'hui le Kérak, le chef-lieu du pays. Voir 
Kir-Moab, t. m, col. 1895-1907. 

4. Luith (hébreu : Lûhîf ; Septante : Aoucie). Is., xv, 5; 
Jer., xlviii, 5. Il existait encore au iv siècle, d'après 
le témoignage d'Eusèbe, une localité du nom de Luitha, 



entre Aréopolis et Zoara. Onomastic, p. 266. F. de 
Saulcy croit l'avoir retrouvée dans une ruine appelée 
Noueïd ou Noueïn. Voir col. 414-415. 

5. Maspha de Moab (hébreu iMispéhMôâb; Septante : 
Ma<j9V)ça6 tti- Mwàë). I Reg., xxn, 3. David y mit ses 
parents à l'abri des persécutions de Saûl, sous la pro- 
tection du roi de Moab. Elle semblerait avo^r été une 
résidence royale. Il est possible qu'elle fut identiqua 
avec la colline couverte de ruines nommée Sîhan, à 
laquelle le nom « d'échanguette de Moab » conviendrait 
très bien; mais ce n'est nullement certain. Voir Mas- 
fha, col. 851-852. 

6. Namrim (hébreu : Nimrim; Septante : NEneipeÎH- 
et Nsêpeîv). Is., xv, 6; Jer., xlviii, 34. Cette ville est 
connue par les eaux ou la rivière à laquelle elle donne 
son nom. On connaissait au iv e siècle une localité du 
nom de Bennamarim (il faut probablement lire Bethna- 
marim) au nord de Zoara. Eusèbe, Onomastic, p. 298. 
Le nom de Nemeirâ est encore porté aujourd'hui par 
une vallée et une rivière situées au nord du Ghôr §d- 
fiéh, où se trouvait l'ancien Ségor ou Zoara. Une forte- 
resse du nom de Bordj Nemeirâ, bâtie à l'issue de la 
vallée, occupe peut-être le site de la ville ancienne. Voir 
Nemrim. 

7. Ségor (hébreu : Sô'ar; Septante : 2-rn-wp, Zo-fiip, 
ZtSfopa). Is., xv, 5; Jer., xlviii, 34. Cette ville s'appe- 
lait primitivement Bala (Bêla'). Gen., xiv, 2. Elle fut 
le premier endroit où Lot se réfugia en fuyant Sodome. 
Gen., xix, 22-30. Elle se trouvait à l'extrémité sud-est 
de la mer Morte. On l'a identifiée avec le village actuel 
A'es-$âfiéh, dans le Ghôr du même nom. Kitchener pro- 
pose plutôt le Khirbet Labrusch, grande ruine s'éten- 
dant au pied de la montagne désignée du même nom, 
et située à 2 kilomètres au sud-est A'es-^âfîéh. Pal. 
Expl. Fund, Quarterly Statements, 1884, p. 216. 
M. Clermont-Ganneau préfère l'endroit où se trouvent 
les (auàhin es-Sukkar, nom dont la traduction pour- 
rait être « les moulins de Ségor » aussi bien que « les 
moulins à sucre ». lbid., 1886, p. 20. Voir Ségor. 

2° Villes de Moab septentrional. — Arrachées aux 
Moabites par Séhon, elles furent conquises sur ce prince 
par Moïse et données quelques-unes à Gad, la plu- 
part à Ruben. Le plus grand nombre d'entre elles sont 
citées à ce titre. Num., xxxii, 3, 33-34; Jos., xm, 8-10, 
27. Isaïe, xv-xvi, et Jérémie, xlviii, nomment les 
mêmes villes avec quelques autres comme villes de 
Moab. Les noms d'un grand nombre d'entre elles sont 
reproduits dans une forme souvent identique dans l'in- 
scription de Mésa. Les Évangiles et Josèphe mention- 
nent plusieurs autres localités du même territoire, 
pour des époques postérieures â l'organisation des 
tribus. 

a) Villes moabites de Gad. — Elles sont au nombre 
de trois, situées dans la vallée du Jourdain ou les Ara- 
bothde Moab. Ce sont : 

1. Abelsatim ou Settim et Sétim ('Abêl-haS-Sittîm, 
Num., xxxm,49; Sittim, Num., xxv, 1; Jos., n,l;m,l). 
Son nom est remplacé dans l'ancienne version arabe par 
celui d'el-Kefrein, porté encore par une ruine située à 
10 kilomètres du Jourdain. Josèphe la nomme Abéla. 
Ant. jud., IV, vu, 5. Voir t. i, col. 33. 
^^Betharan ou Betharam (Bêt hâ-Rân, Num., xxxn, 
36; Bêt hâ-Râm, Jos., xm, 27). Rebâtie par Hérode, 
elle fut appelée par lui Liviade, Connue du nom de Beit 
er-Hâméh, chez les anciens Arabes, c'est aujourd'hui 
Tell er-Ràmèh, où sont seulement des ruines, à 2 kilo- 
mètres au sud d'el-Kefrein. Voir t. i, col. 1664. 

3. Bethnemra ou Nemra (Bêt Nimrâh-, Num., xxxn, 
36; Jos., xvn, 27; Nimrâh, Num., xxxn, 3). Son nom 
se retrouve au Tell Nimrîn, situé à 5 kilomètres envi- 
ron au nord de Kefrein. Voir Gad (Tribu de), t. nr, 
col. 28, et au nom particulier de chacune de ces villes. 
Voir t. i, col. 1697. 



•4459 



MOAB 



4160 



b) Villes moabites de Ruben. — Elles sont au nombre 
de trente-deux ou trente-trois. 

1. Aroër ÇAro'êr), Num., xxxn, 34; Jos., xm, 9, 16; 
Jer., xlviii, 19, située sur le bord de la vallée d'Arnon, 
aujourd'hui 'Ar'âer, à 3 kilomètres au sud-est de Dibon, 
t. i, col. -1023. 

2. Asédoth du Phasga('4sdô? hap~Pisgàh), Jos., xm, 
20, qui paraît désigner plutôt un territoire avec des 
habitations, dans le voisinage du mont Nébo. Voir t. i, 
col. 1076. 

3. Ataroth ('Atârôf), Num., xxxn, 3, 34, aujourd'hui 
Khirbet 'Atdrits, au sud du Zerqâ-Ma'in. Voir t. î, 
col. 1203. 

4. Baalméon ou Belmaon et Béetbmaon (Ba'al-Mé'àn, 
Num., xxxn, 38; I Par., v, 8 ; Bêt-Ba'al-Mé'ôn, los., xm, 
17 ; Bêl-Mé'ôn, Jer., xlvhi, 23, t. i, col. 1310), aujourd'hui 
Ma'în, à 14 kilomètres au sud-sud-ouest de Biesbân. 

5. Bamoth ou Bamothbaal (Bdmôt, Num., xxi, 19, 
20; Bdmôf-Ba'al, Jos., xm, 17). Elle se trouvait en face 
de Nébo, probablement au sud. Voir t. i, col. 1423. 

6. Béer-Élim ou « le puits d'Éllm » ou « des dieux » 
(Béer 'Elim, puteus Elim, Is., xv, 8). C'est probable- 
ment le nom de la localité élevée près du puits creusé 
sur la frontière sud-est au nom de Moïse et des princes. 
Num., xxi, 16-18. Voir t. i, col. 1548. 

7. Béon (Be'ôn). Num., xxxn, 3. Si ce nom n'est pas 
pour Maon, il faut chercher cette localité dans le voi- 
sinage du Nébo. Voir t. i, col. 1528, 1604. 

8. Bethgamul (Bèt-Gdmûl, Jer., xlvhi, 23). Proba- 
blement Khirbef-Djemeil, à 12 kilomètres au nord-est 
de 'Ara'ér. Voir t. I, col. 1685. 

9. Bethjésimoth ou Bethsimoth (Bê(-Iia-Yesimôt), 
Num., xxsiii, 49 ; Jos., xnr, 20, maintenant Hûeiméh 
dans la vallée du Jourdain et prés de la mer Morte. Voir 
t. i, col. 1686. 

10 Betbphogor (Bêf Pe'ôr), Jos., xm, 20, était pro- 
bablement située entre le Nébo et la vallée du Jourdain. 
Voir t. i, col. 1710. 

11. Bosor ou Bosra (Bosrâh, Jer., xlviii; 24, Bésér, 
Jos., xx, 8; I Ghron., vi, 63 [Vulgate, 78]) est identifié 
par plusieurs avec le Qasr BeSelr, château ruiné situé 
à 2 kilomètres au nord-ouest de Dibàn. A 2 kilomètres 
au nord-ouest de cette dernière localité, on trouve une 
ruine appelée Barzâ, dont le nom peut être une métathèse 
de Bosra. Voir t. i, col. 1856. 

12. Cariathaïm (Qiriâ(âîm), Num., xxxu, 37; Jos.. 
xm, 19; Jér., xlviii, 23; Gen„ xiv, 5, probablemen! 
identique avec le Khirbet Qereiyôt, à 3 kilomètres au 
sud-ouest de 'Atârûs. Voir t. n, col. 270. 

13. Carioth (Qeriyôt}, Jer., xi/vm, 24, 41. On rencontre 
un Qereîyet fêléh, entre Youadi Ouâléh et le Môdjeb, 
dont le nom rappelle celui de Carioth. Voir Carioth 2, 
t. n, col. 283. 

14. Cédimoth ou Cadémoth (Qedèmô(, Jos., xm, 18; 
xxi, 37 (hébreu); I Par., vi, 64 |79]). Elle parait avoir 
été située sur la frontière du désert, à l'est de Médaba : 
entre Jasa et Méphaat. Voir t. h, col. 12. 

15. Deblathaïm (Bêt-Diblâ(âim). Jer., xlviii, 27. Le 
nom i'et-Teim attaché à une ruine située à 2 kilom. au 
sud de Médaba, est peut être un reste du nom de Debla- 
thaïm. Voir t. n, col. 1330. 

16. Dibon, appelée encore Dibongad (Dibôn), Num., 
xxi, 30; xxxn, 3, 34; Jer., xlviii, 18; Jos., xm, 17. Elle fut 
une résidence des rois de Moab. C'est aujourd'hui Dîbân, 
ruine située à 2 kilomètres au nord du Môdjeb et à 3 au 
nord-ouest d"Arâ'ér. Voir t. n, col. 1409. 

17.Éléaléh(\E7e'dié'),Num.,xxxii,3,33; Is., xv,4; Jér., 
xlviii, 34, aujourd'hui El'âl. Elle est à 2 kilomètres 
et demi au nord-est de Biesbân. Voir t. n, col. 1648. 

18. Helmondéblathaïm ('Almôn-Diblâtayemâh pour 
Diblâlâîm). Num., xxxm, 4647. Voir Helmosdébla- 
thaïm, t. m, col. 585 et Deblathaïm, t. n, col. 1330. 

19. Hélon (Bolôn), Jer., xlviii, 21, ville du Misor, 



identique probablement avec el-Lehûn, ruine située à 
3 kilomètres à l'est de 'Arâ'er. Voir t. m, col. 586. 

20. Hésébon (Ifèsbôn). Num., xxt, 26-30, 35; xxxn,3, 
37; Deut., i, 4; Jos., xm, 10; Is., xv, 4; xvi, 8, 9; Jer., 
xlviii, 2, 34; 45, etc. Aujourd'hui Besbân, à 10 kilo- 
mètres au nord de Médaba. Elle fut la ville la plus 
importante de Moab septentrional et la capitale du 
royaume amorrhéen de Séhon. Voir t. m, col. 657. 

21. Jasa ou Jassa (Yâhsdh). Num., xxi, 23; Jos., xm, 
18; Is., xv, 4; Jer., xlviii, 34. Elle semble avoir été à la 
frontière sud-est; mais elle n'a pas été retrouvée. Voir 
t. m, col. 1138. 

22. Lésa (Lésa'). Gen., x, 19. Suivant le Targum de 
Jonathan, 'ce serait Callirhoé. Elle devait être dans le 
voisinage de $ârah. Voir col. 187. 

23. Matthana (Matfânàh). Num., xxi, 18, 19. Comme 
la précédente elle était à l'est, sur la frontière du désert. 
Eusèbe l'indique à 12 milles de Médaba, à l'est. Ono~ 
mastic, p. 274. Or, à 18 kilomètres au sud-est, on trouve 
la ruine de Medeinéh, qui rappelle son nom. Voir 
col. 869. 

24. Médaba ou Màdaba (Mêdbâ"). Num., xxi, 30; Jos., 
xm, 16; Is., xv, 2. La ville la plus importante et la plus 
célèbre après Hésébon- et Dibon. Son nom n'a pas 
changé. Voir col. 902. 

25. Mennith (Minnîf). Jud., xi, 33. La situation que 
lui donne Eusèbe, à 4 milles d'Esbus, sur la route 
de Philadephie ('Amman), en fait une ville de Moab. Le 
Khirbet Beddih, situé à 6 kilomètres au nord de Ifesbdn, 
correspond à cette indication. Voir col. 970. 

26. Méphaat (Mêfà'at). Jos., xm, 18; Jer., xlv;:i, 21. 
Son nom se trouve dans celui de Néf a, ruine située à 
12 kilomètres environ à l'est-nord-est de la précédente. 
Voir col. 978. 

27. Nabo ou Nébo (Nêbô). Num., xxxn, 3, 38; Is., xv, 
2; Jer., xlviii, 1. Elle était sans doute à la montagne 
du même nom.. Le Targum d'Onkélos semble la faire 
identique à Sîâghah. Num., xxxn. 3. Voir Nébo. 

28. Nahaliel (Nahâlîêh), Num., xxi, 19, était située 
entre Matthanah et Bamoth. Voir Nahaliel. 

29. Nophé (Nôfah). Num., xxi, 30. La carte Portion 
of Eastern Palestine, levée par Conder et Mantell, 
Londres, 1881, indique un Nâiféh à 3 kilomètres et demi 
à l'est-sud-est de Ma'în, mais l'indication est contes- 
table. Voir Nophé. 

30. Oronaim (Bôrimaîm). Is., xv, 5; Jer., xlviii, 3, 
5. Elle n'a pas été retrouvée. Voir Oronaïm. 

31. Qiriat Hussôt. Vulgate : « la ville à l'extrémité des 
confins du royaume, » où Balac vint avec Balaam. Num., 
xxn, 39. Son site est inconnu. T. m, col. 272. 

32. Sabama ou Sabam (Sibmdh). Jos., xm, 19; Is.,, 
xvi, 9; Jer., xlviii, 32. Est célèbre par ses vignobles. 
A 6 kilomètres au nord-ouest de Hesbân, on montre une- 
ruine dont le nom Sânab pourrait être une corruption 
de Sabama. Voir Sabama. 

33. Saratbasar ($ere{ has-Sahar). Jos., xm, 19. Soft 
nom existe dans celui de Çârah. C'est la Callirhoé de 
Josèphe. Voir Sarathasar. 

c) Diverses autres villes. — La ville de « Béthanie au 
delà du Jourdain »,ouBethabara,où Jean-Baptiste résida,, 
Joa., i, 28; x, 40, doit être placée dans Moab septen- 
trional et la plaine de la vallée du Jourdain. Cf. t. ij» 
col. 1647-1650, 1164-1165. Josèphe mentionne encore 
plusieurs villes qui ne sont pas nommées dans l'Écri- 
ture. Les noms de plusieurs d'entre elles ont été rendus 
méconnaissables, mais plusieurs autres sont certaines : 
telles sont Samega, Lemba et Machéronte. La première 
parait identique avec la ruine appelée es-Samik que 
l'on trouve à 5 kilomètres à l'est de llesbân. Lemba, 
peut-être pour Lebba, se reconnaît dans le nom de Libb- 
porté par une ruine qui couvre le sommet d'une large 
colline située à 13 kilomètres au sud de Médaba, sur la 
roule de l'Arnon. Machéronte, aujourd'hui Mekaûr- ■ 



1161 



MOAB 



1162 



(flg. 302, col. 1173), est une ruine située entre le Môdjeb 
et le Zerqâ-Ma'în, et distante, au sud-ouest, de 11 kilo- 
mètres de 'Atâr-ûs et de 25 de Médaba. Cette ville est cé- 
lèbre par la mort du Précurseur et la résistance achar- 
née qu'elle opposa aux Romains. 

Prophétisant les malheurs de Moab, Jérémie lui 
annonçait que la dévastation passerait par toutes ses 
villes et qu'aucune n'y échapperait, xlviii, 8. La pro- 
phétie s'est réalisée à la lettre, La seule ville qui pendant 
ces derniers siècles semble avoir conservé d'une ma- 
nière à peu près constante une petite population, le 
Kérak, malgré la force de sa situation a été plusieurs 
fois prise et dévastée; elle ressemblait d'ailleurs, à 
cause' du caractère sauvage de ses habitants semi- 
nomades, plutôt à un repaire de bandits qu'à une ville. 
Toutes les autres, nulle exceptée, ont été ruinées et 
sont demeurées des monceaux de décombres. Depuis 
trente ans seulement, Médaba a commencé à se rele- 
ver, et quelques paysans, établis au milieu des ruines de 
Râméh et de Djelûd, ou, au sud du Môdjeb, à Môtéh, 
à el-Khanzîréh, à Qatrabbéh, à Mezra' et à Dera', en ont 
formé de tout petits villages, pauvres et misérables. Ce 
sont à peu près toutes les localités habitées actuelle- 
ment; les autres restent la demeure des bêtes du désert 
et des reptiles. 

VI. monuments et bêbRIS. — Dans plusieurs des 
principales villes anciennes de Moab, à Hésébon, à Mé- 
daba, à Rabbah, à Chihàn, au Kérak, il n'est pas rare 
•de rencontrer des colonnes entières ou en tronçons, 
des chapiteaux d'ordres divers, des pierres avec mou- 
lures, des inscriptions, des pavés en mosaïque aux 
dessins les plus variés et les plus artistiques. Dans ce 
dernier genre, la mosaïque-carte de Médaba représen- 
tant la Terre Promise avec le pays de Moab et les alen- 
tours est le plus curieux. Ces débris ont appartenu les 
uns à des demeures particulières, les autres à des édi- 
fices publics, portiques ou colonnades, temples, basi- 
liques et églises. La plupart sont l'œuvre des habitants 
de race gréco-romaine qui depuis l'invasion des Macé- 
doniens se sont, à diverses époques, répandus dans le 
pays de Moab. Plusieurs d'entre ces restes, mais dont 
il n'est pas facile de discerner l'origine, sont dus sans 
doute soit aux Arabes Nabuthéens, Ghassanides, Sassa- 
nides ou autres, qui depuis l'affaiblissement de la race 
moabite ont envahi peu à peu tout le pays, soit aux 
Juifs de l'époque asmonéenne ou hérodienne, soit quel- 
ques-uns aux Moabites eux-mêmes de l'époque ancienne. 
— - Les œuvres qu'il faut faire remonter à ceux-ci sont 
certainement cette multitude de citernes entièrement 
■creusées dans le roc et dont toutes les villes de Moab 
étaient abondamment pourvues; et probablement les 
piscines les plus antiques, comme celles d'Hésébon, 
de Dibân, de Kérak. L'inscription de la pierre de Dibân 
signale plusieurs travaux utilitaires de ce genre exécu- 
tés par les ordres du roi Mésa. Cette dernière ville 
avait aussi un palais royal et un Qarhah où fut dressée 
la stèle aujourd'hui au Louvre, dont l'inscription fait 
le récit de ces travaux. S'agit-il d'un temple et les villes 
de Moab en possédaient-elles? C'est douteux. Le nom 
paraît plulôt désigner une terrasse, une plate-forme à 
-ciel ouvert, entourée vraisemblablement d'une muraille. 
Les édifices sacrés des peuples primitifs étaient le plus 
souvent des enceintes de pierres brutes ordinairement 
rangées en cercle, des stèles informes étaient leurs 
statues, et des blocs grossièrement taillés et disposés en 
table leur servaient d'autels. Ce sont des monuments de 
cette sorte qui sont indiqués au livre des Nombres, xxn, 
41, et xxih, où il est raconté comment Balac, sur la de- 
mande de Balaam, fit élever sept autels pour y immoler 
des victimes. On en retrouve d'innombrables à travers 
tout le pays de Moab, mais spécialement aux alentours 
du mont Nébo, précisément là où devaient se trouver 
Jes hauts lieux (bàmôt) de Baal et où le roi de Moab con- 



duisit Balaam pour lui faire maudire Israël. Un grand 
nombre d'autres se voient encore sur les premières col- 
lines aux abords du Ghôr, à l'est de Râméh et de Ke- 
frein, là même où les filles de Madian et de Moab in- 
vitaient les Israélites au culte impur de Béélphégor. 
Num., xxv. Sans doute Variel ou l'autel mentionné par 
l'inscription de Dibân, le Qarhah, et la stèle^elle-même 
étaient des ouvrages moins imparfaits, mais c'était là 
probablement des exceptions. Les œuvres d'art et d'ar- 
chitecture ne durent pas être nombreuses en Moab : sa 
population, même celle de ses villes, était essentielle- 
ment vouée aux travaux de la vie agricole et pastorale 
et ne formait pas un peuple d'artistes. 

vu. châteaux bt camps fortifiés. — Un genre de 
constructions, non pas exclusif au pays de Moab, mais 
qui s'y rencontre plus nombreux et plus remarquable 
que partout ailleurs, est celui du Qa$r, appelé encore 
Qal'ah. Ces « châteaux » sont d'immenses casernes forti- 
fiées, ou plutôt ce sont des villes militaires, occupant 
souvent plus d'espace qu'une ville antique, avec des 
rues, des places, des magasins, des édifices publics, et 
munies de remparts et de tours. On les rencontre fré- 
quemment dans l'intérieur du pays, mais surtout sur 
la frontière du désert où ils formaient un système 
serré de défense, pour protéger le pays contre l'inva- 
sion des nomades. Ceux de Zîzâ, de Belqâ, de Balû'a, 
de Qatrannéh, de Qaralfù, d'et-Tamrà, A'el-Khâdem, 
et une multitude d'autres, sont connus. Plusieurs se 
font remarquer par la force et la beauté de leurs mu- 
railles. Celui de 'Amra, assez avancé dans le désert, est 
orné de peintures à fresque; celui de Mechitta se faisait 
admirer par sa façade, depuis peu transportée tout en- 
tière à Berlin, et recouverte de ciselures d'uue incom- 
parable finesse. Cf. Aloïs Musil, Kûsejr 'Amra und 
andere Schlôsser ôstlich von Moab, in-8°, Vienne, 1902. 
Le plus grand nombre de ces châteaux paraissent cons- 
truits par les Arabes, à diverses époques. Quelques- 
uns, comme celui d'el-Ledjjûn, accusent manifestement 
le travail des Romains. Eusèbe et saint Jérôme font 
d'ailleurs mention de tppoûpia aipcmomY.i, prsesidia mi- 
litum romanorum, établis de toute part, sur les deux 
côtés de l'Arnon, et spécialement de ceux de Mephaat et 
de Ségor ou Zoara. Onomastic, p. 62, 63, 94, 95, 288, 289. 
La forteresse.de 'Araq el-Émir, près de Sûr (Tyr), au 
nord de B\esbân, fut fondée par Hyrcan, fils de Joseph. 
Ant. jud., XII, iv, 11. Le château de Machéronte, relevé 
par les Asmonéens, remontait, semble-t-il, à une époque 
bien plus reculée. Cf. Ant. jud., XIV, v, 2-4; XIV, vi, 
6. Comme celui de Mephaath, il avait sans doute succédé 
à quelqu'une des anciennes villes fortifiées de Moab. 
Ces « villes fortifiées », 'ârê ham-mibsdr, opposées aux 
gidrôft'ôn, « parcs des troupeaux, » Num., xxxn, 16-17, 
ou villes ouvertes de la campagne, qu'étaient-elles d'ail- 
leurs, sinon des camps retranchés ou des châteaux ? 

vin. routes. — Toutes les villes et localités de Moab 
étaient reliées par des voies publiques de communica- 
tion. Moïse, demandant au roi Séhon, maître alors de 
Moab septentrional, de pouvoir passer sur son territoire 
pour se rendre avec les Israélites à la terre de Chanaan, 
lui disait par ses ambassadeurs : « Je vous en prie, 
laissez-moi passer par votre pays. Nous ne passerons ni 
par vos champs ni par vos vignes...; nous suivrons la 
route royale (dérék ham-wiélek), jusqu'à ce que nous 
soyons hors de votre territoire. » Num., XXI, 22. La 
route royale était, selon toute apparence, un espace de 
terrain réservé pour le passage, large de 4 à 5 mètres, 
bordé de pierres des deux côtés et considéré comme 
propriété personnelle du roi, pour que personne n'eût 
l'audace de couper les chemins et de les annexer à ses 
champs. Les chemins de cette nature que l'on voit dans 
le même pays sont désignés comme autrefois du titre 
de « routes du roi », %arlq ou derb es-Sulfân. Les 
princes obligeaient leurs prisonniers de guerre, par- 



3163 



MOAB 



tm 



fois peut-être leurs sujets, à aplanir et à régulariser 
Jes endroits escarpés ou difficiles. Le roi Mésa qui 
avait amélioré ainsi le passage de l'Arnon, dans l'ins~ 
cription de sa stèle, lig. 26, écrit avec fierté ces paroles : 
« C'est moi qui ai fait le chemin de l'Arnon. » Le 
pays de Moab est ainsi un des premiers qui eut ce 
qu'on appelle aujourd'hui des routes classées et une 
sorte d'administration des chemins. — Les Romains, 
aménagèrent ces voies à leur usage, en les pavant aux 
endroits les plus scabreux et en les marquant de pierres 
milliaires sur lesquelles ils en attribuèrentl'établissement 
à leurs empereurs. La principale voie ancienne de ce 
genre traverse le pays dans toute sa longueur, du nord 
au sud, et passe par el-'Al, Hesbân, Mâdabâ, Dîbân et 
Rabbah. Au Kérak elle bifurque et un embranchement 
■se dirige vers Tafïléh par Qatrabbéh, 'Eraq, el-Khan~ 
zîréh et Derâdjéh; au centre, le second prend la direc- 
tion du sud-est par Môtéh, Dja'far, jpat-Rds et 'Ainéh. 
Diverses ramifications se séparent de la voie principale 
et vont vers l'est ou vers l'ouest. Une d'elles, partant de 
Màdaba, descend près du Nébo, gagne Tell er-Râméh 
pour atteindre le Jourdain près du gué el-Ghoraniéh : 
c'est la route ordinaire de la Judée. Une seconde se sé- 
pare de la grande voie au sud du Môdjeb, descend par 
Youadi bêni-Hammad, suit le Ghôr el-Lisdn, puis, 
après avoir côtoyé la mer Morte, se rend au Ghôr es- 
Sdfîéh pour gagner, par Y'Ardbah, le golfe d"Aqâbah. 
Cf. Germer-Durand, La voie romaine de Pétra à Mà- 
daba, dans la Revue biblique, t, vi, 1887, p, 574- 
572; Id., Épigraphie palestinienne, ibid., 1896, p. 601- 
617. 

x. habitants. — 1° Habitants primitifs. — Fertile, 
salubre et varié dans son climat, le territoire de Moab 
pouvait entretenir une population nombreuse et dans les 
meilleures conditions de bien-être. Les ruines pressées 
dont il est recouvert témoignent assez qu'aux temps an- 
ciens la densité de sa population n'était pas inférieure 
à celle du pays d'Israël, Si l'on estime celle-ci à 8 mil- 
lions d'âmes, la population totale de Moab, qui devait 
être au moins égale à la sixième partie d'Israël, peut être 
estimée à 1 million 300 000 âmes, ou 650 000 âmes pour 
chacune des deux grandes divisions du pays. — A l'origine 
la contrée qui devait être celle de Moab avait été occu- 
pée par un peuple de race pareille à celle des Raphaïm 
et des Énacim. Les Moabites les appelèrent les Émim. 
Deut., il, 10-11; cf. Gen., xiv, 5. Voir Émim, t. n, 
col. 1732; Énacim, ibid., col. 1766, et Rephaim. — Les 
Égyptiens semblent avoir rangé les pays ou s'établit 
Moab parmi les contrées habitées ou parcourues par les 
Schaousou ou Schôs. Ce nom qui a quelque apparence 
de similitude avec celui de Zùz, Zûzim, employé par 
les Ammonites pour désigner la race habitant les con- 
trées à l'est du Jourdain et de la mer Morte, Gen., xiv, 
.5; Deut., n, 10-11; aurait-il quelque autre relation 
avec celui-ci ? on ne saurait le dire. Ce qui est certain, 
c'est qu'il était donné aux nomades de ces régions, re- 
présentés par les Bédouins actuels. Cf. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, t. n, p. 54, 
note 3. S'il est difficile de déterminer à quelle souche 
appartenaient les Émim ou les Zuzim, les Schaousou 
ont tous les caractères des Sémites. 

2» Moabites. — Les Schaousou avaient peut-être pris 
pied déjà dans le pays à côté des Emim quand naquit 
Moab. La famille du fils de Lot se développa au milieu 
d'eux et finit par les supplanter, probablement en les 
dispersant par la guerre, peut-être en s'assimilant 
quelques-uns de leurs débris. La couleur arabe de la 
langue moabite, constatée dans l'inscription de la stèle 
de Mésa, semblerait justifier cette dernière hypothèse. 
Toutefois, la nature essentiellement hébraïque de cette 
langue confirme le récit de .la Bible sur l'origine com- 
mune de la race du pays de Moab et de la race 
Israélite: Voir Moabites>. 



3» Amorrhéens. — Au retour tfe h famille de- Jacob 
de l'Egypte, les descendants de Mûab, après avoir occupé 
tout le pays auquel ils donnèrent teur nom, avaient 
été refoulés au delà de l'Arnon par un rameau de la 
souche des Amorrhéens qui avait pris possession de 
toute la région au nord de cette rivière. Voir Amor- 
rhéens, t. i, col. 504. Plusieurs interprètes croient 
avoir reconnu un reste de cette i-ace dans la famille de 
Jambri, appelée « fils d'Amori » dans les Septante, 
I Mach., ix, 37, et qui étaient établis à Médaba à l'époque 
des Machabées. Voir Jambri, t. m, col. 1115. Ce nom 
n'indiquerait-il pas plutôt déjà la présence à cet endroit 
de l'élément arabe? Le nom de 'Amr r 'Amrii, ou Omar, 
est très fréquent dans les familles de cette race. 

4° Madianites. — Aux côtés du roi Balac réclamant 
l'intervention de Balaam, on voit des Madianites avec 
leurs princes. Num., xxn, 4, 7. Peu après, on les- 
trouve, simultanément avec les Moabites et avec leurs, 
femmes et leurs filles dans le territoire qui sera con- 
cédé par Moïse aux Rubénites et aux Gadites, aux 
alentours du mont Nébo et sur la lisière de la vallée du 
Jourdain. Num., xxv. Pour les châtier de leurs procédés, 
de corruption à l'égard d'Israël, Moïse leva contre eux 
un corps d'armée et les poursuivit jusqu'à extermina- 
tion. Les Israélites ne paraissent pas s'être éloignés 
beaucoup de leur camp. Num., Xxxi, 1-18. Le territoire 
occupé par les princes de Madian semble avoir été dans 
le royaume même de Séhon. !$tir, le nom de l'un 
d'eux est aussi celui d'une localité située à quelques 
kilomètres seulement au nord-ouest de R~esbân, et celui 
de Reqém (Vulgate : Récem), compagnon du précédent, 
se retrouvait encore au x e siècle dans le nom d'er-iia- 
qeim, village indiqué par le géographe arabe el Muqa- 
dassi (édit. Goeje, p. 115), à un parasange (environ 7 kilo- 
mètres) de 'Amman, sur la frontière du désert. Cf. Jos. T 
xm, 21. On trouve encore des Madianites battus dans la 
terre de Moab par le roi d'Edom, Adad, qui régna avant 
que les Israélites n'eussent des rois. Gen., xxxvi, 35; 
I Par., i, 46. Une ruine du nom de Madian, située au 
au sud de l'Arnon et non loin d'Aréopolis, attestait en- 
core au iv e siècle, au témoignage d'Eusèbe et de saint 
Jérôme, l'antique séjour de cette race en cet endroit. 
Onomasticon, au mot Madian, p. 274, 275. Voir Madia- 
nites, col. 534. 

5° Israélites. — Moïse s'étant emparé sur les Amor- 
rhéens de toute la région au nord de l'Arnon qui avait 
été à Moab, en concéda tout le haut plateau et toute 
la région accidentée, avec Bethjésimoth, à la tribu de 
Ruben, et à la tribu de Gad les Araboth de Moab. Ces 
deux tribus achevèrent d'occuper ce territoire après la 
conquête de la terre de Chanaan. Num., xxi, 25-31 ; 
xxxii, 33-38 ; Jos., xm, 8-15, 21-29. Les Gadites paraissent 
avoir occupé encore la ville de Dibon, appelée de 
leur nom Dibon-Gad, et le territoire des alentours, 
compris entre Youadi Ouâléh actuel et le Môdjeb ou 
l'Arnon. Cf. Num., xxxn, 34; xxxm, 45, et l'inscription 
de la stèle de Diban. — Les Israélites occupèrent la région 
du nord jusqu'après la mort d'Achab. Le roi Mésa, en y 
ramenant son peuple, ne les extermina pas entièrement 
et on les retrouve nombreux sous le règne de Jéro- 
boam II. A cette époque, le nombre total des guerriers 
israélites d'élite de la Transjordane, exercés au combat 
et munis de toutes les armes nécessaires, était de 44 760, 
I Par., v, 18, ce qui indique un chiffre d'environ 
15 000 pour la partie du pays de Moab occupée par eux. 
Cette portion formait alors à peu près le tiers du terri- 
toire oriental d'Israël. Cf. I Par., v, 8; IV Reg., x, 33, 
xiv, 25, et la stèle de Mésa. Le pays septentrional de 
Moab, dépeuplé par la déportation des Israélites au 
temps de Téglathphalasar, roi d'Assyrie, I Par., v, 26, fut 
réoccupé par les Moabites. Gf. Is., xv-xvi, et Jer., xlviii. 

6° Arabes. — Tandis que les Moabites étaient affaiblis 
par les Assyriens, les Chaldéens, les Grecs et les Ro- 



4165 



MOAB 



116G 



mains, leur territoire, serré de toutes parts par les tri- 
bus arabes, était complètement envahi par cet élément, 
dans lequel eux-mêmes devaient finir par disparaître. 
Hyrcan, fils de Joseph et neveu du grand-prêtre Onias. 
quand il vint s'établir à Tyr ($ûr) sur la frontière de 
Moab, trouvait déjà toute la région d'Hésébon, c'est-à- 
dire toute la partie septentrionale de Moab, occupée par 
les Arabes. Jos., Ant.jud., XIV, iv, 9. — Le nom d'Ara- 
bie, donné communément depuis cette époque à tout le 
pays de Moab, indique la prédominance de l'élément 
arabe. Le plus illustre des groupes arabes qui l'habi- 
tèrent fut celui des Nabuthéens. Jean Machabée venait 
leur demander du secours quand il fut assassiné par 
les fils de Jambri, près de Madaba. I Mach., ix, 31-37. 
Voir NabUThéens. Une inscription tumulaire décou- 
verte en cette dernière ville et écrite dans la langue et 
avec les caractères propres à cette nation, montre les 
Nabuthéens, au r er siècle de l'ère chrétienne, établis 
dans tout le pays de Moab. Voir Méoaba, col. 902. 

7" Juifs. — Les succès de Jean Hyrcan et plus tard 
ceux d'Alexandre Jannée permirent aux Juifs d'établir 
des colonies dans un grand nombre de localités de la 
région au nord de l'Arnon. Jos., Ant. jud., XIII, ix, 1; 
Bell, jud., I, h, 6. Elles y persistèrent jusqu'à la fin de 
la guerre de Judée, et c'est là que nous verrons les Ro- 
mains poursuivre les Juifs des derniers coups de leur 
fureur (70 ap. J.-C.). 

8° Colonies diverses. — Les colonies gréco-romaines 
qui se fondèrent depuis la ruine de Jérusalem, tant au 
sud qu'au nord de l'Arnon, dans les principales villes, 
furent supplantées au vn e siècle par des colonies arabes 
musulmanes, venues du Yémen. Les quelques familles 
franques qui s'y portèrent au xn e siècle, ne firent qu'y 
apparaître. Voir Kir Moab, t. m, col. 1906. Depuis, si 
l'on excepte quelques familles de marchands syriens, 
celles des employés des gouvernements égyptien et turc 
qui se sont supplantés sur ce sol, la population a été 
composée exclusivement d'Arabes bédouins, vivant sous 
la tente, groupés en tribus et en familles. La plupart 
ont la prétention, difficile à justifier, de descendre des 
anciens habitants. — Le nombre total de la population 
actuelle, en permanence dans l'ancien pays de Moab, 
peut s'élever à près de 10 000 âmes. 

III. Histoire. — I re période : depuis l'origine jus- 
qu'aux INVASIONS ASSYRIENNES. — /. LES ORIGINES. — 
La contrée qui allait devenir le pays de Moab appa- 
raît au principe, avec tous les pays des alentours, 
assujettie à la domination ou à la suzeraineté de Cho- 
dorlahomor, roi d'Élam et des princes de l'Asie cen- 
trale. « Pendant douze années, raconte l'auteur de la 
Genèse [les rois de Sodome, de Gomorrhe, d'Adama, 
de Seboïm et de Bala qui est Ségor] demeurèrent sou- 
mis à Chodorlahomor et la treizième année, ils se 
révoltèrent. La quatorzième année, Chodorlahomor vint 
avec les rois qui étaient avec lui [Amraphel, roi de Sen- 
naar, Arioch, roi d'Ellasar, et Thadal, roi de GoïmJ. 
Ils battirent les Raphaïm à Astaroth-Carnaïm avec les 
Zuzim, et les Émim à Savé-Cariathaïm, » c'est-à-dire 
dans les plaines du pays de Moab que ces derniers 
occupaient. Gen., xiv, 1-5. Les Émim partagèrent le 
sort de leurs voisins, parce qu'ils avaient participé à 
leur rébellion. Les rois de la Pentapole furent battus à 
leur tour, leurs villes pillées et leurs habitants traînés, 
en captivité, Parmi les captifs se trouvait Lot, père de 
Moab. Gen., xiv, 12. Délivré par Abraham, Lot revint à 
Sodome, d'où les anges le tirèrent pour le faire échap- 
per à la catastrophe qui allait surprendre cette ville 
coupable. Lot, avec ses deux filles, gagna Ségor, qui fai- 
sait partie du pays de Moab; il alla habiter ensuite les 
montagnes voisines. C'est là que naquit Moab, qui devait 
donner son nom au pays et être la souche de sa popu- 
lation. Gen., xix, 29-37. — Tandis que la famille de Jacob 
grandissait en Egypte, les fils de Moab se multipliaient 



également dans le pays de naissance de leur père et 
devenaient assez nombreux et assez forts pour en faire 
disparaître les Émim et l'occuper complètement à leur 
place. Deut., h, 9-10, 19-30. 

//. CONQUÊTE DE MOAB SEPTENTRIONAL PAR LES 

amorrhéens, puis PAit ies_ Israélites. — Cependant 
vers l'époque de la sortie d'Egypte (1493) étendant que 
les Israélites parcouraient les déserts de la péninsule 
sinaïtique, l'Amorrhéen Séhon, à la tête d'une armée, 
réussit à s'emparer de toute la région habitée par les 
fils de Moab au nord de l'Arnon et à les refouler au delà 
de cette rivière. Il fit d'Hésébon la capitale de soif 
royaume. Num., xxi, 26-30. Voir Hésèbon, t. m, col. 657- 
663. Les quarante années que les Israélites devaient, 
passer au désert étant près de finir, Moïse, dont le 
dessein était de pénétrer dans la Terre Promise par 
l'est, envoya de Cadès au roi de Moab des ambassa- 
deurs chargés de lui demander l'autorisation de passer 
sur son territoire. Le passage par là était plus court et 
il était plus facile de s'y procurer de l'eau dans les rivières 
des vallées qui parcourent le pays. Le roi de Moab, qui 
probablement était déjà Balac, refusa. Le Seigneur dit 
alors à Moïse : « N'attaque pas Moab et n'engage pas le 
combat avec lui : je ne te donnerai rien de sa terre en 
possession, car j'ai donné Ar en héritage aux fils de Lot. » 
Deut., h, 9; Jud., xi, 18. Les Israélites ne voulurent pas 
forcer le passage, contournèrent le pays et se dirigèrent, 
par le désert de l'est, vers la frontière du royaume de 
Séhon. Arrivés au sud-est, vers l'origine des vallées de 
l'Arnon, Moïse fit faire au roi d'Hésébon la même de- 
mande qu'il avait faite à son voisin, le roi de Moab. Non 
seulement l'Amorrhéen refusa d'accéder à la proposition, 
mais il se porta aussitôt à la frontière, non dans le des- 
sein d'en empêcher le passage, mais pour prendre 
l'offensive, repousser les Hébreux et les disperser. La 
bataille eut lieu à Jasa. Séhon fut vaincu et tué et les 
Amorrhéens furent complètement exterminés; toutes les 
villes et le territoire au nord de l'Arnon passèrent aux 
mains des Israélites (1453). Num., xxi, 21-31; Deut., n, 
26-36. 

m. le roi balac. — Le pays de Moab, à l'arrivée 
d. s Israélites, était gouverné par des rois. Le premier 
nommé est Séphor. Num., xii, 2, 10. Son fils Balac 
régnait quand Moïse s'empara sur les Amorrhéens du 
pays au nord de l'Arnon. Épouvanté par les succès des 
Israélites, le roi de Moab appela près de lui les chefs 
madianites qui se trouvaient dans la région : « Cette 
masse, leur disait-il, va tout dévorer autour de nous, 
comme le bœuf dévore l'herbe des champs. »Num., xxn, 
4. Il semble avoir profité de leur présence et de ce que 
les Israélites étaient absorbés à la poursuite du roi Oget 
à la conquête de Basan pour franchir l'Arnon et occu- 
per la partie de la montagne située entre cette rivière 
et le mont Nébo. Il s'y trouvait avec les princes de Ma- 
dian quand les Israélites établirent leur camp dans la 
vallée du Jourdain, à l'est, en face dé Jéricho. Compre- 
nant qu'il ne pouvait attaquer une armée qui venait de 
défaire deux rois puissants, ni défendre contre elle 
son territoire dans le cas où elle en voudrait tenter la 
conquête, ce qu'il redoutait avec son peuple, il se décida, 
sur le conseil, semble-t-il, des Madianites à recourir 
^ux sortilèges et aux moyens extra-naturels. Il appela 
Balaam, dont le nom était célèbre au loin, pour maudire 
Israël. On sait comment le Seigneur obligea au contraire 
le devin à bénir son peuple. Num., xxii-xxiv. Cf. Ba- 
laam, t. i, col. 1396-1398. Balac voulait à tout prix trou- 
ver le moyen d'affaiblir Israël, pour l'empêcher de lui 
nuire. Balaam lui conseilla d'user de la corruption et 
de la perversion. Les Madianites prêtèrent leur infâme 
concours aux Moabites. La sévérité de Moïse, le zèle de 
Phinées et l'intervention divine triomphèrent de la ten- 
tative. Num., xxv ; xxxi, 1-18; Deut., iv, 3; Jos., xxu, 17. 
Balac d'ailleurs n'avait pas attendu le résultat du cota- 



1167 



MOAB 



1168 



plot pour repasser l'Arnon et laisser aux Israélites la 
tranquille possession de la région septentrionale. Voir 
Balac, t. i, col. 1399. Cependant, en châtiment de la 
conduite de Balac et de son peuple qui avaient appelé 
Balaam pour maudire Israël et lui nuire et aussi de leur 
dureté quand ils refusèrent de fournir des vivres et de 
l'eau aux Israélites et de les laisser passer sur leur 
territoire, Moïse défendit au peuple de Dieu d'accueillir 
jamais comme un dé ses membres aucun Moabite. Deut., 
xxm, 3; cf. II Esd., xm, 1-2. 

iv. le roi ÉGLOif. — Ce prince, après la mort 
d'Othoniel (1361), neveu de Caleb, qui avait fait respec- 
ter Israël de ses voisins, forma le dessein de l'assujettir 
à Moab. Ne se sentant pas assez fort pour réaliser son 
projet, il demanda l'aide des Ammonites et des Ama- 
Iécites. Les Israélites, tombés alors dans l'idolâtrie, 
étaient sans énergie, divisés "et abandonnés de Dieu. 
Après avoir soumis d'abord, comme il était nécessaire, 
les tribus de Ruben et de Gad, Églon passa le Jourdain 
et avec le concours de ses alliés, se rendit maître de 
Jéricho, « la ville des Palmiers. » Il avait là un palais 
où il résidait et venait recevoir le tribut imposé aux 
vaincus. Pendant dix-huit ans les Moabites maintinrent 
les Israélites sous le joug. Aod, de la tribu de Benjamin, 
à laquelle appartenait le territoire de Jéricho, résolut 
de délivrer son pays de la servitude étrangère. Délégué 
par ses compatriotes pour porter le tribut à Eglon, il 
lui enfonça dans le flanc le poignard qu'il avait préparé 
à cette fin. Sonnant alors de la trompette, il rallia au- 
tour de lui les Israélites qui accoururent des montagnes 
d'Éphraïm, et il alla avec eux occuper tous les gués du 
Jourdain par où les Moabites devaient passer pour re- 
tourner à leur pays. Ils ne se présentèrent que pour tom- 
ber sous les coups d'Aod et de ses compagnons. Près de 
dix mille périrent ainsi et la puissance de Moab dut se 
renfermer de nouveau derrière la frontière de l'Arnon 
(1343). Jud., m, 11-30. 

V. RELATIONS ENTRE MOAB ET ISRAËL AVANT SAVL ET 

sovs les premiers rois. — Après ces événements, Moab 
entretint avec Israël, et pendant une période assez longue, 
des relations moins hostiles. Il n'apparaît pas avec les 
Madianites et les Amalécites dans leurs incursions sur 
la terre d'Israël, au temps de Gédéon, et il ne se joint 
pas aux Ammonites dans leurs revendications au temps 
de Jephté. Cf. Jud., v-vm, xi. Plus d'une fois, au con- 
traire, pendant cette période, on voit des groupes d'Israé- 
lites ou des familles entières émigrer dans la terre de 
Moab et y chercher un refuge et des secours contre les 
malheurs du temps et les persécutions des hommes. Cf. 
I Par., iv, 22; vm, 8; Is.. xvi, 4; Jer., XL, 11-12. La 
plus célèbre émigration de ce genre est celle d'Élimé- 
lech de Bethléhem avec son épouse Noémi et ses deux 
fils à qui leur mère fit épouser deux femmes Moabites 
dont l'une fut Ruth, ensuite épouse de Booz, ancêtre du 
roi David et du Messie. Voir Ruth. — Sous le règne de 
Saûl (1095-1055), Moab est désigné le premier parmi les 
peuples voisins d'Israël adversaires du nouveau roi. Saûl 
triompha d'eux et de tous les autres. I Reg., xiv, 47. 
Cette inimitié des Moabites pour le roi d'Israël fut 
peut-être une des causes qui disposèrent leur roi à bien 
accueillir David, le compétiteur de Saûl, quand il lui 
amena ses parents pour lesquels sans doute il redoutait 
la vengeance de Saûl, son antagoniste. I Reg., xxn, 
34. —Devenu roi de tout Israël, David n'en eut pas moins 
à combattre à son tour les Moabites. Quelle fut la cause 
de la rupture entre eux? on l'ignore. David toutefois 
devaitavoirà leurreprocherquelque méfaitodieux, car il 
les traita avec une grande rigueur. Il fit coucher par terre 
les prisonniers de guerre, les partagea en deux parties, 
dont l'une devait être mise à mort et l'autre épargnée. 
Le pays de Moab fut assujetti au tribut et son peuple 
considéré comme esclave. II Reg., vin, 2; I Par., xvm, 
% C'est probablement dans cette expédition que Cabséel 



tua les deusArielde Moab. II Reg., xxm;20; IPar.,xi, 
22. Tout l'or, l'argent et le bronze de Moab recueilli 
par David en cette guerre, fut consacré au Seigneur 
et destiné pour le Temple futur. II Reg., vin, 12; I Par., 
xvm, 11. — Salomon prit des femmes du pays de Moab, 
et laissa introduire à Jérusalem le culte de leur dieu 
Chamos. III Reg., xi, 1, 7, 33. — La scission du royaume 
d'Israël en deux obédiences et les luttes de rivalités 
entre elles, puis les troubles intérieurs du royaume du 
Nord à cause des compétitions au trône et des révolu- 
tions incessantes, permirent à Moab de se relever et de 
secouer le joug que lui avait imposé David. Les récits 
de l'inscription de Mésa supposent qu'avant l'avènement 
au trône de la maison d'Amri, la région au nord de l'Ar- 
non avait été, en grande partie du moins, réunie au 
royaume de Moab. Sous le règne de Josaphat, le roi de 
Moab n'avait pas craint de venir avec les Ammonites 
et les Iduméens porter la guerre au centre même du 
royaume de Juda. Mais la discorde avait éclaté entre ces 
alliés ; ils s'étaient massacrés entre eux et leur projet 
n'avait pas eu de suite. II Par., xx, 1-29. 

vi. le roi mésa. — Contemporain d'Achab, roi d'Israël, 
de Josaphat, roi de Juda, et de leurs successeurs, Mésa 
chercha à délivrer son pays et à lui rendre ses an- 
ciennes frontières. Il réussit en partie. Profitant de la 
mort d'Achab (897), le roi de Moab refusa de payer le 
tribut imposé par les rois d'Israël. Joram ayant suc- 
cédé à son frère Ochoiias, demanda l'assistance du roi 
Josaphat, et le roi ou prince d'Idumée, vassal du roi 
de Juda, se joignit à eux pour contraindre Mésa. Les 
trois alliés prirent le chemin des déserts, contournè- 
rent la mer Morte pour attaquer Moab par le sud. Le 
prophète Elisée, qui accompagnait l'armée, la sauva 
d'un désastre en obtenant du ciel de l'eau pour l'abreu- 
ver. Les Moabites, accourus sur la frontière pour la pro- 
téger contre l'invasion, voyant l'eau rougie par les 
rayons de l'aurore, la prirent pour du sang et se jetèrent 
sur le camp pour le piller, croyant que leurs adversaires 
s'étaient entre-égorgés. Ceux-ci les accueillirent de pied 
ferme, les mirent en déroute et les poursuivirent au 
cœur du pays. Toutes les villes de Moab furent prises et 
saccagées, les champs et les jardins bouleversés et cou- 
verts de pierres, les arbres fruitiers abattus et les fon- 
taines obstruées. Il ne restait à Mésa que sa capitale, 
Kir Moab, dans laquelle il s'était réfugié. Assiégée à son 
tour, la ville allait succomber, la brèche était ouverte, et 
le roi avait vainement tenté de s'échapper avec ses meil- 
leurs guerriers. Désespéré, Mésa saisit son fils aîné qui 
devait régner après lui et l'immola en holocauste sur la 
muraille de la ville: « Une immense indignation saisit 
Israël qui se retira de lui et retourna en son pays » (895). 
IV Reg., m. Mésa attribua à la protection de Chamos, 
dieu des Moabites, cette délivrance subite à laquelle il 
paraît faire allusion dans l'inscription de la stèle com- 
mémorative élevée par lui àDibon. La mort de Josaphat, 
survenue peu de temps après l'expédition de Moab et 
la guerre que Jdram dut soutenir contre les Syriens en 
Galaad, permirent à Mésa de se venger de ses échecs. Il 
raconte lui-même, dans le document dont nous venons 
de parler, comment il le fit en franchissant l'Arnon, en 
s'emparant de Médaba et des principales villes de la 
région, et en remettant tout le territoire, depuis le Nébo 
et Médaba sous l'hégémonie de Moab. Il fixa en outre sa 
résidence à Dibon, après l'avoir embellie et rendue plus 
forte. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes mo- 
dernes, Paris, 1896, t. ni, p. 464-474; Mésa., col. 1014. 
Les successeurs de Mésa, avant de devenir les possesseurs 
définitifs de la région septentrionale, durent cependant 
se retirer plus d'une fois encore au delà de l'Arnon. Sous 
le règne de Jéhu, Hazaël, roi de Syrie, combattant les 
Israélites sur leur territoire, poursuivit son incursion 
jusqu'à Aroër, sur le bord de l'Arnon, IV Reg., x, 33; 
et Jéroboam II (824-872), rétablissant Israël dans toutes 



1169 



MOAB 



1170 



ses anciennes limites, IV Reg., xiv, 25, dut lui rendre 
tout le territoire possédé auparavant par Ruben et par 
Gad. C'est au temps de Phacée, roi d'Israël, et vers la 
fin du règne d'Ozias qu'eut lieu la déportation en Assyrie 
des tribus orientales d'Israël, par Téglathphalasar (809). 
Moab rentra alors en possession complète de son terri- 
toire primitif. 

II e PÉRIODE : DEPUIS, LES INVASIONS ASSYRIENNES JUS- 
QU'A LA DOMINATION EOMAINE. — I. MENACES SES PRO- 
PHÈTES d'iskael contre moab. — Les prophètes 
Isaïe, xv-xvi, et Jérémie, xlviii, dépeignant la situa- 
tion de Moab, alors qu'il se trouvait en possession de 
tout son territoire, le premier au temps des rois de Juda, 
Ozias, Joatham etÉzéchias (810-897), le second au temps 
de Josias et Joachim (642-611), le montrent l'un et 
l'autre au comble de la prospérité. Le pays de Moab 
est un carmel, un « jardin divin » où régnent l'abon- 
dance, la joie et le bonheur. Les moissons couvrent son 
sol, les chants des vendangeurs retentissent de toute part 
et le vin coule à torrent des pressoirs. Is., xvi, 10; 
Jer., xlviii, 33. La force et la splendeur de Moab vont 
cependant disparaître, et le Seigneur va le frapper en 
punition de ses crimes. — Le prophète Jérémie, xlviii, 
énumère contre lui plusieurs griefs. Moab a mis sa con- 
fiance dans ses œuvres et ses trésors, f. 7 ; dès sa jeunesse 
il a vécu dans la corruption, f. 11 ; son orgueil et sa pré- 
somption sont indomptables et sans limite, f. 14, 29-30. 
Cf. Is., xvi, 6. Moab s'est plongé dans les ignominies de 
l'idolâtrie, et il a fait de Chamos son dieu, dans lequel 
il a mis son espoir, Jer., xlviii, 13, 46. Cf. Jud., xi, 24; 
IV Reg., xxiii, 13; Chamos, t. H, col. 528-529. Moab s'est 
élevé et s'est glorifié contre Dieu, et l'a méprisé dans 
son peuple d'Israël dont il s'est moqué, et qu'il a insulté, 
26-27. Isaïe, xvi, 4, insiste sur les torts de Moab à 
l'égard d'Israël ; faisant sans doute allusion à la cam- 
pagne de Sennachérib contre Juda, il reproche à Moab 
de n'avoir pas accueilli les fugitifs d'Israël réduits aux 
abois ; il parait même l'accuser de les avoir livrés à leur 
persécuteur. Dans la campagne d'Holopherne contre 
Béthulie, les Moabites conseillèrent, en effet, au général 
assyrien de faire garder les fontaines pour empêcher 
les habitants assiégés d'y puiser de l'eau et pour les obli- 
ger à se rendre. Judith, vu, 8-9. Ézéchiel, xxv, 8, ne 
formule d'autre motif de la colère divine contre Moab 
que ces paroles de joie maligne : « Voici que la maison 
de Juda est devenue pareille aux autres nations! » — So- 
phonie, H, 8, 10, met le reproche dans la bouche même 

■du Seigneur : « J'ai entendu les sarcasmes de Moab et les 
blasphèmes des fils d'Ammon, comment ils ont insulté 
mon peuple et se sont exaltés sur leurs frontières. » — Se- 
lon l'expression du Psalmiste, lxxxii (lxxxiii), 3-7, Moab 
est entré dans le complot général des nations ennemies 
de Dieu; il s'est ligué avec elles contre le peuplé saint; 
avec elles il a jeté le cri de haine: se Venez, faisons-le 
disparaître du nombre des peuples et que le nom d'Is- 
raël soit éteint à jamais ! » Cf. Exod., xv, 15; IV Reg., xxiv, 
2. Le prophète Amos, n, 1, ayant probablement en vue 

•ces trois catégories d'infamies et de crimes : sa cor- 

Tuption morale, son idolâtrie et sa haine du peuple de 
Dieu, conclut : « A cause des trois infamies de Moab, 

■et à cause d'une quatrième, je ne lui pardonnerai pas, 
parce qu'il a réduit en cendre les ossements du roL 

•d'Édom. » A la jalousie et à la haine contre Israël, Moab 
avait joint l'inhumanité à l'égard de ses voisins et des 

■autres peuples. — C'est à cause de ces crimes et de ces mé- 
faits que Moab sera châtié. Il sera broyé comme la 

•paille sous le triturateur. Is., xxv, 10. Il mourra dans 
la confusion et le tumulte de la guerre. Amos, il, 2. 
Moab sera traité comme Sodome et deviendra un désert 
poar toujours. Soph., n, 9. Le pillage et la dévastation 
passeront par toutes les villes de Moab. Jer., Xlviii ; Is. , xv- 
xvi; Ezech., xxv, 9. Sa capitale sera ruinée. Is., xv, 7; xvi, 

"7, 11; Jer., xlviii, 31-36. Le feu dévorera les demeures 



et les palais. Amos, n, 2 ; Jer., xlviii, 15, 45. Les fils et les 
filles de Moab, ses vaillants et ses princes, ses magistrats 
et ses prêtres, seront exterminés par le glaive ou emme- 
nés en captivité et dispersés. Amos, n, 3; Jer., xlviii, 7, 
15, 42, 46. Moab cessera d'être un peuple. Jer., xlviii, 42 ; 
cf. Is., xvi, 14. Ses vallées et ses plaines seront ravagées 
et désolées. Is., xv, 6; Jer., xlviii, 8, 32;34. Ses eaux, 
mêlées de sang, ne pourront servir à la boisson. Is., xv, 
6, 9; Jer., xlviii, 18, 34. Cependant, à la fin des temps, 
le Seigneur ramènera les captifs de Moab. Jer., xlviii, 
47. Moab, avec Édom et une partie d'Ammon seront 
les seuls pays qui échapperont à la tyrannie du roi 
impie. Dan., xi, 41. C'est sur son territoire, semble-t-il, 
que seront anéanties les armées de Gog et de Magog. 
Ezech., xxxix, 11. 

n. moab Et les assyriens et les chaldébns. — Le 
plus terrible instrument des vengeances divines contre 
Moab devait être le même dont le Seigneur voulait 
se servir contre les nations voisines de Moab, le bâton 
de sa colère, l'Assyrien dont la passion était de ruiner 
et de broyer les peuples, Is., x, 5-7, et le Chaldéen 
devait continuer son œuvre. Les premiers malheurs 
sont indiqués au livre de Judith, dont les documents 
assyriens complètent les renseignements. A la propo- 
sition du roi d'Assyrie aux nations de l'Asie occidentale 
de le reconnaître pour leur suzerain et de lui offrir 
des présents, toutes avaient refusé. Rempli de fureur, 
le potentat chargea son général Holoferne de le ven- 
ger : « Tu n'épargneras aucun royaume et tu me subju- 
gueras toutes les cités fortifiées, » avait dit le prince 
en remettant le commandement de ses troupes à ce 
général. Judith, n, 7 (grec). La destruction des villes, 
le pillage des richesses, l'incendie des moissons, les 
arbres coupés, les vignes arrachées, les guerriers et 
tous ceux qui pouvaient faire de le résistance massa- 
crés; les populations emmenées en captivité, les terri- 
toires occupés, les jeunes gens incorporés dans les 
armées, tels furent les traitements que le vainqueur fit 
subir aux pays domptés. Judith, n, m. Le pays de Moab 
est particulièrement désigné parmi ceux qui repous- 
sèrent les propositions des ambassadeurs ninivites, 
Judith, l, 12 (grec), et il est inscrit dans les documents 
cunéiformes avec ceux qui subirent ces traitements. — 
Depuis longtemps déjà, le pays de Moab était contraint 
de payer le tribut aux souverains de Ninive. Salamanou, 
roi de Moab, est mentionné parmi les rois tributaires 
de Théglathphalasar III (732 ou 731 av. J.-C). Smith, 
Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. n, p. 67. 
Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
Paris, 1896, t. m, p. 526. Les inscriptions du règne de 
Sargon parlent de Moab au même titre (710). Vigouroux, 
ibid., p. 590. En 701, le roi de Moab Kamosnadab vient 
à la rencontre de Sennachérib qui s'avance vers la Judée 
pour soumettre Ezéchias, lui offre le tribut et lui baise 
le pied. Prisme de Taylor, col. 2, lig. 53; cf. Vigou- 
roux, ibid., t. iv, p. 25. Le roi Moussouri est nommé après 
Manassé de Juda et le roi d'Édom, parmi les rois qui 
viennent (673) apporter le tribut à Asarhaddon. Prisme 
brisé d' Asarhaddon, col. 4, lig. 15; Vigouroux, ibid., 
p. 71 .'Le nom de ce même prince se trouve encore parmi 
les noms des vingt-deux tributaires de l'Assyrie, au temps 
, d'Assurbanipal (668). Cylindre C, lig. 5; Vigouroux, ibid., 
p. 87. — Quelques années plus tard, à la sollicitation de 
Samassamoukin, le frère révolté d'Assurbanipal (667-625), 
tous les princes de l'Asie antérieure se soulevèrent 
contre le roi de Ninive en lui refusant le tribut. C'est 
le même fait, croit-on, dont parle le livre de Judith. 
Cf. Vigouroux, ibid., 1. III, c. v, p. 90-92. Dans tous 
les cas, les châtiments infligés aux peuples rebelles 
sont identiques, et après avoir mentionné les Arabes 
bédouins et plusieurs peuples dont les noms se retrou- 
vent au livre de Judith, Assurbanipal ajoute comment 
il entra sur les territoires de Bet-Ammon, du Hauran 



H7i 



MOAB 



1172 



et de Moab. Annales d'Asswbanipal, Cylindre a, col. 6, 
lig. 121 ; cf. Vigourous, ibid., p. 120. — Moab s'était 
remis de ses désastres et la prospérité à laquelle Jéré' 
mie fait allusion leur est postérieure. A quelle époque 
et comment arrivèrent les nouveaux malheurs dont ce 
prophète, Sophonie et Ézéchiel menacent Moab ? la 
Bible ne le dit pas. Moab toutefois, on le voit par 
l'histoire, après la ruinedeNiniveet au temps de Nabu- 
chodonosor (582) passa, avec ses voisins, sous le joug 
de Babylone. Cf. Josèphe, Aht, jud., X, ix, 7. Sa déca- 
dence paraît dater de cette époque. Au retour des Juifs 
de la captivité, la race amoindrie de Moab achevait de se 
confondre avec les tribus arabes par lesquelles son sol 
était envahi : elle cessait d'être un peuple. 

111. ENVAHISSEMENT DE MOAB PAR LES ARABES. — 

l°Sous les Perses et les Grecs. — Moab passa sous le joug 
des Perses, avec Babylone et le reste de l'Asie occidentale. 
Les Juifs revenus à Jérusalem retrouvèrent parmi leurs 
voisins de la Transjordane méridionale des Moabites, 
avec les filles desquels plusieurs d'entre eux contrac- 
tèrent des alliances. I Esd., ix, 1; Il Esd., xiii, 1-4, 23. 11 
semble que ce soit dans la même région qu'il faille cher- 
cher la résidence de Gosem l'Arabe dont les Juifs de 
Jérusalem eurent plus d'une fois à se plaindre. II Esd., 
11,19; vi, 1,2, 6; cf. IV, 7. — L'invasion d'Alexandre (332) 
et des Grecs macédoniens avait placé Moab sous l'hégé- 
monie de ces conquérants. Hyrcan, fils de Joseph, avait 
profité du départ pour la Perse du roi Antiochus III, 
pour exercer pendant sept années (182-175) une sorte 
de souveraineté sur le district septentrional de Moab. 
L'avènement d'Antiochus Épiphane, auquel les Arabes 
pouvaient se plaindre, mit lin, par la mort volontaire 
d'Hyrcan, à cette tentative d'ingérence des Juifs dans le 
pays. Josèphe, Ant. jud., XII, IV, 11. Voir Galaad, 
t. in, col. 56-57. Dès ce moment, le pays de Moab était 
considéré déjà comme une simple province de l'Arabie. 
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, I, 4; v, 2; Bell, jud., I, iv, 
3; XIII, xni, 3. 

2° Au temps des Juifs. — Les Asmonéens cherchèrent 
à remettre les Juifs en possession de la partie de terri- 
toire de Moab dont Moïse avait fait la conquête sur les 
Amorrhéens. Profitant des troubles dans lesquels se 
trouvait la Syrie, Jean Hyrcan vint s'emparer de Médaba, 
de Saméga et de tout le pays des alentours. Ant. jud., 
XIII, ix, 1; Bell, jud., I, n, 6. Son petit-fils, Alexandre 
Jannée, devenu roi de Judée (106-79), pénétra dans le pays 
au delà du Jourdain. Il y trouva les Galaadites et les Moa- 
bites, les combattit et les assujettit au tribut. Ant. jud., 
XIII, xiii, 5. Il occupa les deux villes déjà conquises par 
son père et s'empara en outre d'Hésébon, de Nabo, de 
Betharam, appelée plus tard Liviade, de Lemba (Libb), 
de Zara (Sarath), d'Oronaïm et de plusieurs autres 
villes. Ant. jud., XIII, xv, 4. — Si les noms de Rabba 
et d'Agallaïm, dont font mention certains manuscrits, 
étaient authentiques, il en résulterait que le roi juif 
aurait poussé ses conquêtes assez loin au sud de 
l'Arnon. Josèphe semble l'affirmer ailleurs. Il désigne 
en effet, Bell, jud., III, III, 5, comme limite entre la Ju- 
dée et l'Arabie, au commencement du règne d'Hérode 
l'Ancien, une localité du nom de Jarda. Cet endroit ne 
parait pas différent du lieu situé au sud de Machéronte 
et appelé, ibid., VII, vi, 5, Jardès, transcription fautive, 
semble-t-il, pour Zarda ou Zardès, forme grécisée em- 
ployée par l'historien juif à la place du nom du Zared. 
— Les places prises par Jannée appartenaient aupara- 
vant à Arétas, roi des Arabes-Nabuthéens, dont la ré- 
sidence était alors à Pétra, au sud de la Moabitide. 
Ibid. Cette nation paraît avoir été en possession de la 
Moabitide méridionale depuis longtemps déjà. C'est de 
là peut-être que les Nabuthéens vinrent à la rencontre 
de Judas Machabée (166-161) et de son frère Jonathas, 
quand ils franchirent le Jourdain pour aller au secours 
de leurs frères de Galaad, I Mach-, v, 25; et c'est vers 



cette région que paraissait se diriger Jean Machabée 
pour leur demander du secours, quand il fut surpris 
et assassiné par les hommes de la famille de Jambri. 
Ibid., îx, 35-36. Celte ville et son territoire n'étaient 
sans doute pas en ce moment en possession des Nabu- 
théens, alors alliés et amis des Asmonéens et des Juifs, 
ibid., mais elle dut tomber en leur pouvoir peu après cet 
événement et peut-être à son sujet. L'opposition que 
faisait à Alexandre le parti des Pharisiens et les avan- 
tages que remporta sur lui Arétas durent lui faire né- 
gliger un instant sa conquête. Il ne laissa pas moins en 
mourant la plupart de ces villes en la possession des 
Juifs et tout le territoire situé au nord du grand affluent 
de l'Arnon, le nahar el-Ouâlêh actuel, et dont Maché- 
ronte formait la frontière. Ant, jud., XIII, xiv, 2; XIV, 
i, 4; cf. Ant. jud., XVIII. v, 1; Bell- jud., III, m, 3. 

— Hyrcan II, fils aîné d'Alexandre, pour obtenir l'appui 
d' Arétas contre son frère et rival Aristobule, promit de 
lui rendre toutes les villes conquises par son père. 
Ant. jud., XIV, I, 4. Cette promesse ne parait pas 
avoir été tenue. La discorde des deux frères attira les 
armes des Romains dans cette partie de la Moabitide (63), 
Alexandre, fils d'Aristobule, songeait à. en faire son re- 
fuge et à se retirer à Machéronte. Avant d'avoir pu 
atteindre cette forteresse, il dut l'abandonner aux mains 
du préteur Gabinius dont il était poursuivi et qui la fit 
démanteler. Ant . jud., XIV, v, 2-4; Bell, jud., I, vin, 5-6. 
Aristobule, échappé de Rome, s'y réfugia avec son fils 
Antigone, et essaya de s'y défendre; mais, après deux 
jours de siège, se voyant tout couvert de blessures, il dut 
se rendre de nouveau aux Romains. Ibid., XIV, vi, 1. 

— Hérode l'Ancien (47-4), en se faisant attribuer par 
le sénat romain le royaume de Judée, reçut en même 
temps la partie de la Moabitide reconquise par les 
princes asmonéens. Elle fut dès lors annexée à l'ancien 
pays de Galaad, devenu la province de Pérée. Un des 
premiers soins d'Hérode fut de chercher à s'en assurer 
la possession en fortifiant Hésébon et en y mettant une 
garnison, Josèphe, Ant. jud., XV, vin, 5. 

Ce pays fut souvent l'objet de son attention et de ses 
soins. Il y fonda la ville de Machéronte (fig. 302) près du 
château du même nom, Bell- jud., VII, vi, 2. Il y re- 
leva et embellit la ville de Betharam à laquelle il donna 
le nom de Liviade. Ant. jud., XVIII, h, 1 ; Bell, jud.., II, 
IX, 1. iSe sentant défaillir, il se fit transporter de Jéricho 
à Callirhoé, espérant y recouvrer la santé par l'usage 
des bains. Ils ne firent qu'aggraver son mal. Ant. jud., 
XVII, vi, 5; Bell, jud., I, xxxm, 5. Par son testament, il 
légua la Pérée à son fils Hérode Antipas, et lui transmit 
ainsi le domaine de cette région. Ant. jud., XVII, vin, 
1. — Ce prince semble l'avoir choisie pour son séjour 
préféré, et il fit de Machéronte sa résidence. Ces lieux 
devinrent ainsi le théâtre de son union incestueuse et 
adultère, et du drame qui la suivit. Antipas avait 
d'abord épousé la fille d' Arétas III, son voisin, qui ré-*^ 
gnait sur le reste de la Moabitide. Épris d'une passion 
coupable pour Hérodiade, la femme de son frère Philippe, 
il vécut avec elle et renvoya la fille d'Arétas. Celle-ci, 
instruite du pacte, demanda d'aller à Alachéronte; elle 
voulait s'échapper et de là gagner les États de son père, 
« car Machéronte était sur la frontière du royaume 
d'Hérode et d'Arétas. » 

Revenu de Rome où il avait dû se rendre, Hérode prit 
Hérodiade. Jean-Baptiste était alors dans les anciennes 
Araboth de Moab et près de Betharam, non loin de 
Machéronte, où il prêchait le baptême de la pénitence 
(30 après J.-C). Le monde venait à lui en foule de la 
Judée, de la vallée du Jourdain et de tous les pays cir- 
convoisins, pour l'écouter et demander le baptême. C'est 
alors que Jésus de Nazareth voulut être baptisé par lui. 
Jean condamnait la conduite d'Hérode. Celui-ci le fit 
prendre et le jeta dans la prison de Machéronte. Hérode 
avait invité tous les grands de la Galilée, dont il était 



1173 



MOAB 



1174 



également le tétrarque, à venir en cette ville célébrer 
avec lui la fête de l'anniversaire de sa naissance. Héro- 
diade profita du serment imprudent du prince pour 
lui demander la tète de l'homme de Dieu. Hérode le 
fît aussitôt décapiter. Joa., j, 28; x, 40. "Voir Betha- 
bara, t. i, Col. 1647, et BetHaNIE, t. i, col. 1661 ; Matth., 
m, 1-17; Xtv, 1-12; Marc, l, 2-11; vi, 17,29; Luc, m, 
1-23; Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 1-2. Arétas, irrité 
de la conduite d'Hérode à l'égard de sa fille, lui déclara 
la guerre. Le tétrarque fut complètement défait et le 
peuple crut à une vengeance du ciel, à cause du crime 
de Machéronte. Ibid. — Quelques années plus tard, An- 
tipas, poussé par Hérodiade jalouse du litre de roi ob- 



corps de troupes pour la surveiller ; car dès les pre- 
miers jours de la révolte, les Juifs s'étaient empressés 
de l'occuper (67). Ibid. La guerre était achevée et 
déjà Vespasien et Titus avaient triomphé à Rome, et 
Machéronte, pourvue d'armes et de munitions laissées 
par Hérode l'Ancien, était encore aux mains des Juifs (71). 
Lucilius Bassus fut envoyé avec une armée etlax e légion 
prise en Judée, pour l'assiéger. Il avait ordre de la ruiner 
jusque dans ses iondements. Les Romains craignaient 
qu'elle ne demeurât pour les Juifs un centre de rallie- 
ment où ils pourraient continuer la guerre ou la recom- 
mencer. Elle eût prolongé la résistance si un incident 
n'eût mis les assiégeants en sa possession. Un des plus 




302. — Machéronte. D'après de Luynes, Voyage autour de la mer Morte, pi. 36. 



tenu de Caligula par Agrippa I er , étant allé demander le 
même titre, fut exilé dans les Gaules et sa tétrarchie 
en général réunie à la province romaine de Syrie (39). 
Ibid., XVIII, vu, 1-2. La Moabitide septentrionale pa- 
rait avoir été réunie au royaume arabe-nabuthéen dont 
toute la Moabitide méridionale, depuis Machéronte, 
n'avait pas cessé de faire partie. C'est ce qu'indique 
l'inscription nabuthéenne de Médaba écrite la 46 e an- 
née du règne d'Arétas IV Philodèrne. — Claude, en 
même temps qu'il nommait Félix gouverneur de Judée 
(52), séparait du territoire moabite Juliade (Liviade- 
Bétharam) avec 14 bourgs des alentours et Abela (Al- 
bel'satiro), pour les annexer au royaume d'Agrippa lé 
Jeune. Bell, jud., II, xin, 2; Ant. jud., XX, vin, 4. 
— Au commencement de la guerre de Judée, les Juifs, 
échappés de Gadara, et poursuivis par Placide, lieu- 
tenant de Vespasien, se portèrent en cette partie de 
la vallée du Jourdain ; mais repoussés de partout, la 
plupart périrent dans les eaux du Jourdain et du lac 
Asphaltite, ou sous les coups des soldats. Bell, jud., 
IV, vu, 6. Les Romains prirent possession de la région 
jusqu'à Machéronte, près de laquelle ils laissèrent un 



vaillants défenseurs de la ville ayant été pris par les 
Romains, ses compagnons proposèrent de rendre la 
place en échange de la vie et de la liberté de cet homme 
et de la leur. Les Romains acceptèrent et ils épargnèrent 
en effet le guerrier et les auteurs de la proposition, 
mais ils massacrèrent impitoyablement le reste des 
habitants qu'ils trouvèrent encore. Le plus grand nom- 
bre, prévoyant qu'ils ne seraient pas épargnés, s'étaient 
enfuis pendant la nuit et réfugiés dans la forêt de 
Jarden, sur la frontière d'Arabie, où, depuis le com- 
mencement du siège de Jérusalem, étaient déjà venus se 
^cacher un grand nombre de Juifs. Bassus poursuivit les 
fugitifs, fit envelopper la forêt par sa cavalerie et y mit 
le feu. Les Juifs réunis en groupe tentèrent de forcer 
le cordon en se précipitant sur les Romains. Ceux-ci 
ne se laissèrent pas entamer et trois mille Juifs suc- 
combèrent dans cet effort suprême. Un seul put s'échap- 
per furtivement, Judas, fils d'Ari. Bell, jud-, VII, VI, 5. 
C'est ainsi que le pays de Moab fut le dernier boule- 
vard de la défense du peuple juif contre les Romains. 

III e PÉRIODE : DEPUIS LA DOMINATION ROMAINE. — 

/. asservissement aux romaixs. — Les premiers rap- 



117E 



MOAB 



1176 



ports de Moab avec les Romains remontent à la -venue de 
Pompée à Damas (63 av. J.-C). Damas était alors la 
Capitale du royaume arabe-nabathéen, dont Moab faisait 
partie. Le roi Arétas II y avait établi son siège, appelé 
par les Damasquins, après la mort d'Antioçhus Denys, 
tandis qu'Alexandre Jannée régnait en Judée. Ant. jud., 
XIII, xv, 2. Les Komains s'étaient contentés alors de 
soumettre l'Arabie au tribut et Moab ne les vit pas 
encore. Gabinius parait être le premier d'entre eux qui 
mit le pied Sur la terre de Moab, quand il poursuivait 
Alexandre, fils d'Aristobule. Bassus abandonna, semble- 
i-il, aux Arabes, la région où il venait d'exterminer les 
Juifs. Ce fut Trajan qui réduisit définitivement l'Arabie, 
qui comprenait le pays de Moab, en province romaine 
(106). Bell, jud., IV, vin, 1. — De cette époque datent 
le commencement de l'administration du pays par ce 
peuple, l'établissement des colonies étrangères et l'ex- 
pansion de la civilisation occidentale dont on retrouve 
les nombreuses traces dans toute la contrée. — Avant 
les Romains, les Grecs, il est vrai, avaient couvert de 
leurs colonies et de leurs établissements les régions 
voisines de Basan, de Galaad et d'Ammon, mais ils ne 
paraissent pas avoir eu aucun établissement important 
en Moab. Si l'on excepte quelques œuvres des Asmo- 
néens et les travaux d'Hérode à Hésébon, à Liviade et 
à Machéronte, c'est encore par les Romains, disciples 
des Grecs, et par les Byzantins que la terre de Moab 
s'est embellie de monuments et de fondations marquées 
à l'empreinte de l'art et de la civilisation helléniques. 
Le plus grand nombre des œuvres des Arabes paraissent 
exécutées sous l'influence du prestige romain. Prolongée 
par les empereurs de Constantinople, la domination 
romaine s'exerça jusqu'au temps de l'invasion musul- 
mane (325-635). 

//. im christianisme en moab. — Parallèlement à la 
civilisation gréco-romaine se développait en Moab une 
autre civilisation plus grande et plus noble dans son 
expression, plus importante et plus salutaire dans ses 
effets, la civilisation morale .et religieuse du christia- 
nisme. La terre de Moab en fut le berceau simultané- 
ment avec la Judée et la Galilée. Théâtre principal des 
prédications du Précurseur et école où se préparèrent 
les premiers apôtres, Pierre et André, pour s'attacher 
à Jésus lors de son baptême, elle fut encore témoin de 
la première manifestation publique du Messie et Rédemp- 
teur aux hommes et de l'inauguration de son ministère 
évangélique. Joa., i, 19-40, Ce que dit l'Évangéliste du sé- 
jour du Sauveur, à la fin de sa carrière, « à Béthanie au 
delà du Jourdain, » c'est-à-dire en cette même région de 
Moab, où un grand nombre vinrent l'entendre et « cru- 
rent en lui », Joa., x, 40-42; cf. i, 28, ne permet pas 
de douter que sa prédication n'y ait laissé des disciples. 
Le pays de Moab fut vraisemblablement évangélisé, deux 
ou trois ans plus tard, par le converti Saul, qui deviendra 
l'apôtre des nations sous le nom de Paul. Après s'être 
échappé de Damas, Saul passa en effet en Arabie, Gai., 
I, 17, et le pays de Moab était l'endroit de l'Arabie où 
résidaient principalement les Juifs auxquels Saul s'adres- 
sait à cette époque. Cf. Act., IX, 20, 22 ; XHI, 46. De bonne 
heure du moins, cette contrée vit se former chez elle 
d'importantes églises judéo-chrétiennes, car selon le té- 
moignage de saint Épiphane, Adv. hier., t. xxi, col. 436, 
la Moabitide et la Nabathée furent les principales régions 
où se recruta et se développa la secte des Ébionites. 
— Au IV e siècle, la Moabitide était tout entière couverte 
d'innombrables communautés chrétiennes groupées au- 
tour des sièges épiscopaux d'Hésébon, de Médaba, de 
Liviade, de Rabbath-Moba, de Kérak-Moba, de Zoara et 
quelques autres moins célèbres. Cf. S. Jérôme, In Is., 
xvi, 1, t. xxv, col. 176; Reland, Palxstina, p. 212-224; 
Lequien, Oriens christianus, Paris, 1740, t. m, p. 698- 
734. Coraiatha, l'ancienne Cariathaïm, était une des rares 
localités de cette époque formées exclusivement de chré- 



tiens. Eusèbe, Onomasticon, édit. LarSow et Parthey, 
Berlin, 1862, p. 25. Les nombreuses églises de Médaba, 
dont les ruines témoignent de la splendeur, indiquent 
combien florissantes étaient ces chrétientés. Voir MÉ- 
DABA, col. 902. A côté des sanctuaire^ de Bethabara, de 
Liviade, du mont Nébo, et d'autres établis pour con- 
sacrer leurs souvenirs bibliques et évangéliques, s'étaient 
élevés de vastes monastères où se perpétuait la vie de 
prière, de sacrifice et de sainteté. Les pèlerins y accou- 
raient des contrées les plus lointaines, pour se fortifier 
dans la foi et la vertu, à la vue des saints exemples et 
par la méditation des récits de l'Écriture dont ces lieux 
virent se dérouler les événements. Voir Bethabara, 
t. I, col. 1649-1650; Béthaban, t. i, col. 1664-1665, et 
Nébo (Mont). Cependant, l'excessive prospérité tempo- 
relle ne devait pas tarder à produire en Moab, comme 
■dans le reste de l'empire, le relâchement des mœurs 
(cf. S. Grégoire de Nysse, Ep. Il, De his qui adeunt 
Jerosol., t. xlvi, col. 1012-1013) et à sa suite, l'insou- 
ciance, l'imprévoyance et la faiblesse qui devaient ouvrir 
le pays à une nouvelle invasion : celle de l'islam. Par 
elle devait s'achever la ruine de Moab et se réaliser les 
derniers traits du tableau de désolation tracé par les 
prophètes d'Israël. 

///. la conquête MUSULMANE. — Situé sur la limite 
du Hedjâz, et frontière de l'Empire au midi, le pays de 
Moab devait être le premier à subir les attaques des 
armes musulmanes. Dès l'an 8 de l'hégire (629), Mahomet 
avait dirigé une première expédition contre la Belqà. 
Ses guerriers avaient été complètement défaits à Môtéh. 
Une seconde expédition avait été arrêtée dans sa marche 
par la mort du prophète (632). Abou Bekr confia la direc- 
tion d'une troisième à Khàlid ben Sa'id (634). Le géné- 
ral musulman fut à peine arrêté dans sa marche par la 
résistance des Arabes chrétiens de la contrée, et il vint 
fixer son camp à la hauteur de Qastal, au nord de Mé- 
daba, près de la frontière septentrionale antique de 
Moab. Yazîd et Abou Obeidah, avec les nouvelles troupes 
réclamées par Khâlid, vinrent .achever rapidement l'oc- 
cupation de toute la contrée, dont la victoire décisive de 
Yarmouk, sur les troupes d'Héraclius, devait assurer à 
l'islam la tranquille possession (636). Cf. Caussin de 
Perceval, Essai sur l'histoire des Arabes, Paris, 1847, 
t. m, p. 211-214, 313-322, 422-448. — La prospérité ma- 
térielle ne disparut cependant pas immédiatement du 
pays de Moab. Les descriptions des géographes arabes, 
la liste des produits et les statistiques des revenus des 
khalifes attestent que jusqu'au sil e siècle l'agriculture et 
les diverses industries qui s'y rattachent n'étaient guère 
moins florissantes qu'aux époques antérieures. 

En 1100, Godefroy de Bouillon, ayant fait une incur- 
sion dans la région, en avait ramené d'innombrables 
troupeaux. Guillaume de Tyr, Historia rerum transma- 
rinorum, 1. IX, c. xxn, t. cci, col. 453-454. De même le 
roi Baudouin I er pénétra deux fois dans la Moabitide, et 
pour soustraire les chrétiens de la contrée aux vexations 
des princes musulmans, en même temps que pour peu- 
pler sa capitale presque déserte, il leur proposa de venir 
à Jérusalem, ce que firent un grand nombre en venant 
s'y établir avec leur famille, leurs richesses et leurs 
troupeaux, Id., ibid.,\. X, c. vm, xi, col. 463, 464; 1. XI, 
c. xxvn, col. 514-516. La principauté du Kérak établie 
en 1136, en plaçant le pays sous la sauvegarde des 
Francs, mit ses habitants à l'ahri des attaques du côté de 
la Syrie et de l'Egypte et des incursions des Bédouins, 
et en retarda un instant la déchéance. La capitulation 
de Kérak, en 1188, livra bientôt le pays aux compétitions 
des princes de Damas et du Caire. La décadence ne pou- 
vait manquer de marcher rapidement. L'occupation de 
la Syrie par les Turcs (1517) fut le signal de la ruine 
totale. Laissé, avec les contrées voisines, à des gouver- 
neurs ayant leur résidence à Damas, et dont l'unique 
souci était de rançonner les populations, il n'y eut plus 



4177 



MOAB 



MOBONNAÏ 



1178 



aucune sécurité dans le pays. La culture devint impos- 
sible. Les villes et les villages se vidèrent absolument 
d'habitants et tombèrent en ruine. Toute la contrée ne 
différa bientôt plus en rien du désert et finit par être 
complètement abandonnée aux tribus nomades. Au com- 
mencement du xv e siècle, s'il faut en croire Et-Tahiry, Sy- 
ria descripta, édit. Rosenmûller, Leipzig, 1828, p. 19, 
21, la principaulé de Kérak était encore couverte d'un 
nombre immense de bourgades florissantes et la Belqâ, 
c'est-à-dire la partie septentrionale de Moab seule comp- 
tait plus de 300 villages. Au commencement du xix 8 siè- 
cle, il n'y en avait plus un seul debout sur tout le terri- 
toire de l'ancien Moab. — La ruine religieuse n'a pas été 
moins profonde. Les Arabes vainqueurs n'imposèrent 
point formellement leur religion au pays soumis ; mais 
les habitants des principales villes, en grande partie 
gréco-romains et qui formaient en quelque manière 
l'ossature du peuple chrétien, ne tardèrent pas à dispa- 
raître et furent remplacés par des émigrés du Yémen 
ou des autres régions de l'Arabie, tous disciples du Co- 
ran. L'arrivée des Francs (1099) et la création au Ké- 
rak d'un évêché latin appelé la Pierre du Désert (1136) re- 
levèrent pendant quelque temps le courage des chrétiens. 
Voir Kir-Moab, t. il, col. 1795-1797. En 1301, la majorité 
de la population du pays de Kérak était encore chré- 
tienne et se sentait assez forte pour refuser, d'obtempé- 
rer à un décret vexatoire du sultan d'Egypte, maître de 
la région. Cf. Makrizi, Histoire des sultans mameluks, 
trad. Quatremère, Paris, 1845, t. n, p. 177. Cependant 
depuis la chute du royaume franc de Jérusalem, les chré- 
tiens, livrés sans appui et sans recours aux caprices du 
fanatisme aigri des adversaires de la Croix, semblent 
avoir perdu courage et des défections plus ou moins 
considérables finirent par donner la prépondérance à 
la religion de Mahomet. Le groupe de ces chrétiens 
peut être considéré comme le dernier reste de l'ancienne 
population moabite, tien qu'il soit mêlé de l'élément 
arabe-nabuthéen. Isolés et sans relation possible avec le 
monde catholique, sansévêque de leur rite syriaque pour 
leur donner des prêtres, ils recoururent pour en obtenir 
aux patriarches grecs, quand ceux-ci furent revenus à 
Jérusalem. C'est ainsi qu'ils se trouvèrent engagés dans 
le schisme photien. Leur nombre, dans la première 
partie du siècle dernier, se trouvait .réduit à peine au 
sixième de la population totale, descendu lui-même au 
centième de l'ancien. Ils sont demeurés groupés au Ké- 
rak et dans ses alentours, jusqu'à l'année 1879. A cette 
époque, une fraction de deux à trois cents environ 
d'entre eux demanda un prêtre au patriarche latin de 
Jérusalem. Le (missionnaire s'établit, avec son petit 
troupeau, dans les ruines de Médaba. La modeste colonie 
a été, pour la région et pour tout le pays, le principe 
d'un mouvement de renaissance auquel ilfaudra peut-être 
appliquer les paroles de la prophétie : « Je ramènerai les 
captifs de Moab, aux derniers jours, dit le Seigneur. » 
Jer., XL vin, 47. Vers le même temps, le missionnaire de 
Mâdabà tentait d'établir au Kérak un autre centre ca- 
tholique; et y a réussi depuis 1894. L'année précédente, 
un détachement de troupe turque s'était emparé du 
Kérak, après une résistance insignifiante de la popula- 
tion, et avait pris possession de la contrée (octobre 1893). 
L'ancien pays de Moab, auquel a été rattachée toute la. 
partie qui s'étend jusqu'au Zerqà, l'ancien Jaboc, forme 
actuellement un sandjak ou déparlement dirigé par Un 
mutsarref, ou préfet. Son chef-lieu est le Kérak et il 
dépend de la province (ouâlayiéh) de Damas. 

4. Bibliographie. — Duc de Luynes, Voyage d'explo- 
ration à la mer Morte, dans l'Arabie Pétrée et sur la rive 
gauche du Jourdain, in-4°, Paris (sans date), 1. 1, p. 23- 
182; Mauss et Sauvaire, Voyage de Jérusalem à Ké- 
rak et Chaubah, appendice de l'ouvrage précédent, t. n, 
p. 81-140; L. Lartet, Géologie, ibid., t. m, p. 61-75, 
180-188, 206-208, 232-237, 292-293; F. de Saulcy, 



Voyage autour de la mer Morte, in-8°, Paris, 1865, 
t. I, p. 266-399; t. a, p. 1-CO; Lucien Gautier, Autour 
de la mer Morte, in-8», Genève, 1901, p. 48-122; Tris- 
tram, Land of Moab, in-8", Londres, 1874; Conder, 
Heth and Moab, in-8", Londres, 1884; The Survey of 
Eastern Palestine, Memoirs, 2 in-4°, Londres, 1889; 
Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Land, in-8% 
Londres, 1822, p. 363-404 ; Seetzen, Reisendurch Syrien, 
Palâstina, Berlin, 1854, t. i, p. 406-427; t. n, p. 317-377; 
Irby et Mangle, Travels in Egypt and Nubia, Syria 
and Asia Minor, in-8°, Londres, 1823, p. 335-487; E. 
Palmer, The désert of the Tih and the country of Moab, 
dans Pal. Expl. fund, Quarterly Statement, 1871, p. 40- 
73; F. J. Bliss, Narrative of an expédition to Moab and 
Gilead, ibid., 1895, p. 203.233, 332-373; Gray Hill, A 
journey East of the Jordan and the Dead Sec, ibid., 
1896, p. 24-47; G. A. Smith, The Roman Road between 
Kerak and Madeba, ibid., 1904, p. 367-385; 1905, p, 39- 
48; Schick, Berichte ûber eine Reise nach Moab, dans 
la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, 1879, 
p. 1-13; R. Briinow, Reisebericht, dans Mitheilung und 
Nachrichten des deutschen Palâstina Vereins, 1898, 
p. 33-39, 49-57; 1899, p. 23-29; R. E. Briinow et A. Do- 
maszewski, Die Provincia Arabia, in-4°, Strasbourg, 
1904, 1. 1, p. 1-110. L. Heidet. - 

MOABITE (hébreu : Mô'db, ham-Mô'àbî, Mô'âbl, 
ham-Mô'âbîyâh [Mô'âbl, ham-Mô'dbt, ne se lit quo 
dans le Deutéronome, les Paralipomènes et I Esdras, 
ham-Mô'âbîyâh que dans Ruth; I (III) Reg., xi, 1, 
II Par., xxiv, 26 (ham-Mô'abif), II Esd., xm, 23]; Sep- 
tante : Mwiê, Mb>a6(TY|;, Mwa6îTtç; Vulgate, au mascu- 
lin : Moabita, Moabites; au féminin : Moabitis), nom 
ethnique des descendants de Moab et des habitants du 
pays de ce nom.Gen., xix, 37; Num., xxi, 13, etc. — La 
capitale des Moabites est appelée Ar M oabitarum par la 
Vulgate. Num., xx, 28; cf. xxn, 36; Deut., n, 29. — La 
Vulgate nomme le pays de Moab regio Moabitis, dans la 
livre de Ruth, i, 1, % 6; h, 6; iv, 3. — La loi interdisait, 
Deut., xxiii, 3 (4), de faire entrer les Moabites dans 
l'assemblée du peuple, même après la dixième généra- 
tion. — L'Écriture nomme plusieurs rois moabites, 
Balac, fils de Séphor, Num., xxn, 10, etc.; Églon, 
Jud., m, 12, etc. ; Mésa, IV Reg., m, 4, etc. Jethma, t. in k 
col. 1520, un des vaillants soldats de David, était d'ori- 
gine moabite. I Par., xi, 46. David descendait lui-même 
de Ruth la Moabite. Ruth, i, 22, etc. La belle-sœur da 
Ruth, Orpha, était aussi Moabite. Ruth, i, 4, etc. — Sa- 
lomon épousa des femmes moabites qui le firent tomber 
dans l'idolâtrie, III Reg., xi, 1. —Un des meurtriers du 
roi Joas était fils d'une Moabite appelée Semarith. 
II Par., xxiv, 26. 

MOADIA (hébreu : Mô'adyâh; Septante : MàaSaf), 
un des prêtres qui revinrent de Babylone en Palestine 
avec Zorobabel. II Esd., xn, 17. Au f. 5, son nom est 
écrit Madia. Voir Madia, col. 532. 

MOBONNAÏ (hébreu : Mebunnaï,: Septante : èx twv 
viïmv; ils ont lu mibnê, « du fils »), nom d'un des prin- 
cipaux officiers de David dans II Beg., xxm, 27. Un 
jjrand nombre de commentateurs croient que dans 
II Reg., xxn, 18, il est appelé Sobochaï au lieu de Mo- 
bonnaï, de même que dans I Par., xx, 4, et, avec une 
légère différence d'orthographe, Sobbochaï, dans 
I Par., xi, 29, et xxvii, 11. Sibekaï, qui se lit partout en 
hébreu, excepté II Sam., xxm, 27, doit être le nom vé- 
ritable, d'après la plupart des critiques. Il était Husa- 
tite ou originaire de Husat, de la race de Zarahi. 
I Par., xxvii, 11. Voir Husathite et Husati, t. m, 
col. 784. Il fut un des gibbôrîm, I Par., xi, 29, et un des 
selisîm de David. II Reg., xxm, 27. Voir Armée, t. i, 
col. 978. Il s'était rendu célèbre en terrassant Saph ou 



1179 



MOBONNAÏ 



MODIN 



1180 



Saphaï, géant de la race d'Arapha ou des Raphaïm. 
II Reg., xxi, 18; I Par., xx, 5. Il fut placé à la tète du 
huitième corps d'armée, lequel était chargé du service 
le huitième mois.; de l'année et comprenait vingt-quatre 
mille hommes. I Par., xxvii, 11. 

MOCHMUR (Septante :Mo-/y-oôp; omis dans VAlexan- 
drinus et dans la Vulgate), torrent (^ei,u.ippoç) men- 
tionné seulement dans le texte grec de Judith, vu, 18 : 
« Les enfants d'Ésaù montèrent avec les enfants d'Ammon 
et ils campèrent dans les montagnes vis-à-vis de Do- 
thaïn, et ils envoyèrent des hommes au sud et à l'est 



I Par., ix, 8. Il était l'ancêtre d'Éla, un des principaux 
Benjamites qui s'établirent à Jérusalem après la cap- 
tivité. 

MODIN (Septante : MmSeiv et MwSee'.u.; on rencontre 
encore MwSetv, McaSeeiv, Mo>Sae£v et MwgaEÎrj.), ville de 
Judée, patrie des Machabées et où ils furent ensevelis. 
— Dans le Talmud ce nom est écrit : Môdïkti et Mô- 
dx'îf. Il semble dériver de la racine yâda', « connaître, » 
et signifier « la ville de l'étude, de la science ou des sa- 
vants » (fig. 303). 

I. Situation. — 1° D'après l'Écriture et Josèplie. — 




303. — Scheikh el-Gharbaouy, près à'El-Mêdieh. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



vis-à-vis d'Ékrébel, qui est près de Chus, sur le torrent 
de Mochmur, et le reste de l'armée des Assyriens était 
campé dans la plaine. » Les noms propres Mochmur et 
Ékrébel sont peut-être altérés. L'ouadi appelé Mochmur 
devait être situé au sud-est de Dothaïn. 

MOCHONA (hébreu : Mekônah; manque dans les 
Septante), ville de Juda qui tut habitée après la capti- 
vité par des hommes de cette tribu. II Esd., xi,28. Elle 
paraît avoir eu une certaine importance, car le texte 
mentionne ses dépendances. D'après le contexte, elle 
était dans le voisinage de Siceleg et, par conséquent, 
dans le sud de la Palestine, mais son site n'a pas été 
identifié. Reland, Palsestina illustrata, 1714, t. n, 
p. 892, croit que Mochona est le Mechanum (ou plutôt 
Machamim), mentionné par saint Jérôme (Onomastic, 
au mot Bethmacha, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 117), 
entre Éleuthéropolis et Jérusalem. Cette hypothèse est 
inconciliable avec le contexte de II Esd., xi, 28. 

M OCHORI (hébreu : Sf ikrt ; Septante :Ma-/?p ; A lexan- 
drinus : Moyjifi), fils d'Ozi, de la tribu de Benjamin. 



Modin appartenait à la région montagneuse de la Judép, 
bien qu'elle fût peu éloignée de la plaine. La Vulgate, 
I Mach., il, 1, la place dans la montagne, en rendant 
l'expression èv Mw6=îv, par in monte Modin. Le récit bi- 
blique, IMach., XVI, 1-10, indique d'ailleurs cette situa- 
tion indirectement. Simon Machabée averti par son fils 
Jean Hyrcan des menées de Cendebée, dont la résidence 
était à Jamnia, contre les Juifs, chargea Jean et son 
frère Juda d'attaquer cet adversaire de leur peuple. Jean 
vint passer la nuit à Modin et le lendemain descendit 
dans la plaine. Arrivé au bord d'un torrent, il se trouva 
en face de l'ennemi qui se tenait sur la rive opposée. 
Jean passa le ravin, à la tête de ses troupes et livra le 
combat. Battus, les Grecs se réfugièrent à Cédron (ou 
Gédor, probablement Qàtrah, entre 'Aqir et 'Esdûd, 
l'Azot des Grecs). Voir Cédron 2, t. n, col. 386-387. Jean 
les y poursuivit et jusqu'aux forts d'Azot qu'il livra aux 
flammes. Il résulte de ce récit que Modin était au nord 
de \'ouàdi-§urâr, l'ancien Sorec, qui parait être le tor- 
rent auquel l'histoire de cette expédition fait allusion. 
D'après l'interprétation Ja plus commune d'un autre 
passage, I Mach., an, 29, le monument sépulcral élevé 



4181 



MODIN 



4182 



par Simon sur la tombe de s es parents, à Modin, était 
en vue de la mer, d'où il apparaît que cette ville était en 
un lieu élevé et dominant, pas trop éloigné de la côte. 
Elle semble avoir été sur le seuil de la Judée, d'après 
II Mach., xiii, 13-15. Josèphe l'appelle « un village de 
la Judée », xti(ir) tîjç 'Iou6«îac Ant.jud., XII, vi, 1. 

2" D'après le Talmud et les Anciens documents chré- 
tiens. — Le Talmud de Babjlone, Pesahim, 3, b, 
indique Modin à quinze railles de Jérusalem; l'expres- 
sion de « distance éloignée », employé ailleurs, 93, b, 
permet de croire que les milles auxquels ce texte fait 
allusion sont plus considérables que le mille romain. 
Cf. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, 
p. 99; Estori ha-Parchi, Qaftor va-Phérach, nouvelle 
édit., Jérusalem, 1897-1899, p. 291. — Eusèbe place « le 
bourg de Modeim près (ttXïIuiov) de Diospolis (Lydda) », 
Onomastican, édit. LarsoW et Parthey, Berlin, 1862, 
p. 290. Sur la carte-mosaïque de Madaba, Modin, figurée 
par un groupe de maisons avec cette inscription : 
« Modeim qui est maintenant Moditha d'où étaient les 
Machabées, » se trouve au nord de Nicopolis (Emmaùs) 
et à l'est de Diospolis (Lydda). 

S* D'après les pèlerins et écrivains du XII e siècle et 
des âges suivants. — A partir de l'époque des Croisades, 
les indications sont différentes des précédentes et con- 
tradictoires entre elles. D'après Jean de Wûrzbourg (vers 
1130) copiant Fretellus (vers 1120) Modin est à sept milles 
de Jérusalem, sur la route de Ramatha (Ramleh), et à 
huit milles de Lydda. Desoriptio Terrée Sanctm, c. Vf, 
t. clv, col. 1071. Cette distance équivalant à 15 kilomètres 
nous conduirait au khirbet Kebâra, situé entre Qastal 
et Qariat el-Enab. Théodorich, vers 1172, la place dans 
les montagnes appelées alors Belmont, entre la patrie 
de saint Jean ÇAîn-KâHm) et Fontenoîd-Emmaùs 
(Qariat el-Enab). De loch sanctis, édit. Tobler, Saint- 
Gall et Paris, 1865, p. 87. La localité indiquée peut être 
la précédente, ou Sôbâ ou Qastal. De Villamont (1589) 
désigne, 1. II, c. xi, assez clairement Qastal, en indi- 
quant « le château de Modin » entre Qariat que l'on 
prenait alors pour Anathoth et la vallée de Qoloniéli, 
sur une cime dominante, et en les distinguant, c. xn, 
de la localité bâtie également sur une haute montagne et 
appelée par les Turcs Soba, qu'il identifie avec Ramatha, 
Voyages du seigneur de Villamont, Lyon, 1611, p. 212. 
Depuis cette époque et presque jusqu'à nos jours, la 
grande multitude des pèlerins nomment ou indiquent 
Soba. — Burchard, Marin Sanut, et plusieurs des cartes 
du xm e siècle ou du xiv e semblent confondre Modin 
avec Tell es-Sdfîéh. Au Juif Ishaq Helo, en 1334, on l'in- 
diquait à Ramléh. Les chemins de J érusalem, dans 
Carmoly, Itinéraires de la Terre-Sainte, Bruxelles, 
1847, p. 247. Le cordelier Jean Thenaud (1512) paraît 
s'arrêter au même lieu. Le voyage d'Oultremer, édit. 
Schefer, Paris, 1882, p. 117. Toutes ces indications et 
d'autres encore, qui sont données comme l'expression 
de la tradition locale, sont de simples hypothèses, sou- 
vent naïves, dont l'une ou l'autre plus ou moins généra- 
lement acceptée, s'est transmise pendant une période 
assez longue pour prendre l'apparence d'une tradition. 

II. Identification. — Le rabbin Schwarz, en 1833, 
pensait avoir retrouvé le nom de Modin dans une loca- 
lité située à l'ouest du khirbet Djéba', à quatre heures 
de marche à l'ouest de Jérusalem et à une heure de 
Qastal, dont le savant israélite se figurait avoir entendu/ 
prononcer le nom Mêdà'n. Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, 
Jérusalem, 1900, p. 116. A l'endroit indiqué on trouve 
une ruine appelée Bafen (non Mèdân) es-seghtr, ou 
Bathen-le-Petit. Robinson, en 1838, combattant la pré- 
tendue tradition de Sôbâ, proposait Lafroûn, fondé sur 
les seules données scripturales et sur Eusèbe. Biblical 
Researches in Palestine, Boston, 1841, p. 64, note. 
V. Guérin avait accepté, en 1863, cette identification; 
mais, ayant eu plus tard connaissance de l'existence d'une 



localité appelée el-Médiéh, dans laquelle le P. Emma- 
nuel Forner, curé franciscain de Bethléhem, avait déjà 
reconnu, en 1866, le nom de Modin, il se rallia à cette 
identification et la soutint énergiquement. Médîéh, ou 
Modiéh, a pu en effet dériver de Modeim ou Modiith, 
comme el 'Azarîeh de Lazarium, Tabarîéh, de Tibe~ 
rias, etc. El-Medîéh est d'ailleurs près de Lydda, dont il 
n'est distant que de 10 kilomètres, au'sud-sud?est. De Me~ 
diéh, V. Guérin avait distingué très clairement des navires 
passant près de la côte, ce qui lui permettait de conclure 
que de la mer on avait pu apercevoir le monument 
sépulcral des Machabées. A ces trois arguments, 
l'illustre palestinologue en ajoute un quatrième. Ayant 
découvert en 1870, près d'el-Medîéh, des tombeaux qui 
paraissaient avoir été recouverts d'une construction 
monumentale, il crut pouvoir les identifier avec les 
sépulcres des Machabées, et conclure de là à l'identifi- 
cation indubitable d'el-Medîéh avec Modin. Samarie, 
t. il, p. 403. Plusieurs savants contestèrent l'exactitude 
de la conclusion de V. Guérin à propos des tombeaux, 
mais, à cause des autres raisons, l'identification de la 
localité avec la patrie des Machabées fut généralement 
adoptée. — Cette identification a été combattue cepen- 
dant dans la Revue biblique, en 1892, dans l'article 
intitulé : La Bible et les études topographiques en Pa- 
lestine, p. 109-111. Selon l'auteur de l'article : 1» il est 
douteux qu'el-Medîéh, qui dut faire partie de la tribu 
de Dan, appartînt à la Judée au temps des Machabées; 
2° le passage I Mach., xm, 25-30, doit s'interpréter : « il 
fit sculpter des navires dont les navigateurs sont à 
même d'apprécier le fini de l'œuvre; » 3° Modin doit se 
trouver assez près de Jérusalem, sur la route directe de 
Jérusalem à Cédron et non à plus de 20 kilomètres au 
nord de cette route; 4° le nom à'el-Mediéh, n'ayant pas 
la troisième consonne de Modin, ne peut en dériver; 
5° on conteste en outre l'identité des tombeaux décou- 
verts par M. Guérin avec ceux des Machabées. — « Ces 
arguments ne sont nullement concluants pour la thèse, » 
dit M. Is. Abrahams dans l'article Modin, de VEncyclo- 
pedia biblica de Cheyne, t. m, Londres, 1903, col. 3181. 
1° Le territoire de Dan, en effet, avait certainement été 
occupé par les Juifs, au retour de Babylone, avec les 
villes de Hadid, aujourd'hui Haditâ, Neballat (Beit-Ne- 
bdlâ) et Lod (Lydda), situées au nord ou à l'ouest A'el- 
Mediéh. Cf. II Esd., xi, 34. El-Mediéh avait été inclus 
à la Judée avec ces localités. La cession ou plutôt la res- 
titution faite aux Juifs par Démétrius Nicator des villes 
de Lydda, Ramathaïm et Éphraïm (I Mach., xi, 34), qui 
avaient été enlevées aux Juifs et rattachées à la Samarie, 
démontre qu'el-Mediéh n'en avait jamais été distraite. — 
2°Quelle que soit l'interprétation que l'on puisse donner à. 
I Mach., xm, 25-30, la marche militaire de Jean et de 
Judas, de Jérusalem à Modin, suppose une distance de 
30 à 40 kilomètres et amène sur le bord de la plaine 
où le récit les montre descendant de suite le lendemain 
matin. — 3° Les circonstances obligent souvent les 
armées en campagne à prendre des détours, et l'on peut 
supposer mille raisons pour expliquer celui d'Hyrcan et 
des Juifs; rien d'ailleurs dans le récit n'indique une 
marche directe. — 4" Il n'est pas possible de nier qu'eJ- 

Mediéh ou Modiéh (^VviA-o), qui se prononce devant 

~une voyelle Medtét, avec t articulé, ne soit bien dérivé 
de Moditha usité aux ve et vi e siècles, comme es-Sdfîéh 
est dérivé de Saphitha et que le Moditha de celte époque 
ne soit pas le site de l'actuel Mediéh. — 5» On peut con- 
tester actuellement l'identité de tels tombeaux d'el-Me- 
diéh avec ceux des Machabées; mais leur monument 
existait encore, comme en témoignent Eusèbe et 
saint Jérôme, aux iv« et v e siècles de l'ère chrétienne et 
avant l'invasion arabe, et il n'est pas possible de rejeter 
Videntification de la Moditha d'alors avec la Modin de 
la Bible, identification garantie par la présence du me- 



1183 



MODIN 



1184 



Hument sépulcral des Machabées. — La carte de Médaba, 
découverte en 1896, en témoignant de cette dernière iden- 
tification, et en montrant Moditha dans la situation gé- 
nérale où se trouve el-Medîéh, a achevé de confirmer 
l'identification proposée par le P. Forner, soutenue par 
V. Guérin et adoptée par la généralité des palestino- 
logues. Toutefois, par suite de l'extension du nom à plu- 
sieurs places différentes de la même régioD, il est moins 
facile de déterminer l'emplacement précis de la ville 
antique, comme on va le voir parla description du lieu. 
ILL. Description. — Le territoire auquel s'applique le 
nom A'el-Mediéh s'étend sur les deux côtés d'un ravin 
assez profond appelé ouâd'el-Mediéh. Il est en grande 
partie couvert d'oliviers, parmi lesquels se trouve le 
petit village A'el-Mediéh, et plusieurs ruines. Le village, 
situé à l'ouest de l'ouâdi, se compose de trente à qua- 
rante maisons mal bâties où habitent environ 200 fel- 
lahîn musulmans. Les citernes, taillées dans le roc, que 
l'on voit soit au village, soit aux alentours, indiquent 
qu'el-Mediéh occupe la place d'une ancienne localité et 
que cette localité était plus étendue que le village actuel. 
Au sud et à peu de distance se dresse un monticule en 
forme de cône tronqué, en partie artificiel, dont la 
hauteur au-dessus de la mer Méditerranée est de 
243 mètres. Son sommet est couvert de ruines informes. 
Les fellahîn appellent ces ruines el-'Arba'în, « les Qua- 
rante [martyrs], s nom attribué, en Palestine, à une 
multitude de ruines d'anciens monastères ou de monu- 
ments religieux; le monticule est désigné sous le nom 
de ràs el-Medîéh, « le sommet de Mediéh. » Au pied, au 
nord-ouest, est une ancienne piscine et dans son voisi- 
nage on remarque plusieurs grottes sépulcrales d'aspect 
judaïque. — Le terrain onduleux situé en face du vil- 
lage A'el-Mediéh, au côté occidental de la vallée, est dési- 
gné généralement du nom de Khirbel el-Medîéh, à pause 
des ruines qui le recouvrent. Une nécropole remar- 
quable, entièrement creusée dans le roc, attire d'abord 
l'attention lorsqu'on arrive du sud. Une première grotte 
sépulcrale affectant la forme ordinaire des tombeaux juifs 
anciens, montre son entrée tournée vers l'orient. Une dou- 
zaine de grands blocs monolithes, de 2 mètres environ 
de longueur sur 1 de largeur, sont épars sur le sol ro- 
cheux supérieur. Destinés à fermer l'entrée des autres 
chambres sépulcrales,pratiquées horizontalement dans le 
roc, plusieurs d'entre eux gardent leur place, tandis que 
quelques-uns en ont été écartés par les violateurs des tom- 
beaux. La plupart de ces chambres renferment deux 
tombes formées chacune d'un arcosolium cintré recou- 
vrant une auge sépulcrale. Cette nécropole est connue sous 
le nom de gobûr el-Yahvd, « les tombeaux des Juifs. » 
Tout à côté se voit un pressoir à vin à plusieurs com- 
partiments, différent par ses formes des pressoirs an- 
tiques de la Judée. Le sommet de la colline dans la- 
quelle ont été pratiquées ces tombes, du côté du sud-est, 
est couvert de débris de poterie, de maçonnerie, de 
cubes de mosaïque et on y observe quelques arasements 
de constructions. Selon V. Guérin, cet emplacement est 
appelé khirbet el-Yehûd; il est inscrit sur la grande carte 
anglaise du Palestine Exploration Fund, 1887, sous le 
nom de khirbet Mediéh. C'est le nom qu'à plusieurs 
reprises j'ai entendu employer, bien qu'il serve encore 
à désigner l'ensemble de toutes les ruines que l'on 
trouve à l'ouest de l'ouâdi. Plus au nord, au bas de la 
colline, se trouve une piscine en partie creusée dans le 
roc et en partie construite, et, à côté, les restes d'une 
construction bâtie en blocage. Les habitants A'el-Mediéh 
leur donnent le nom, ainsi qu'au reste des débris de 
constructions qui les avoisinent, de khirbet el-Iiam- 
nxâtn, <! la ruine des Bains. » En cet endroit, M. Cler- 
mont-Ganneau, alors chancelier du consulat de France 
à Jérusalem, a découvert un baptistère chrétien, avec une 
inscription grecque relatant le nom de la donatrice So- 
phronia, et non loin une grotte sépulcrale avec une autre 



inscription grecque. Cette dernière partie des ruines a 
été désignée à M. Guérin sous le nom de khirbet Zakarich, 
— Ces ruines occupent un col assez large formé par la 
colline dont nous venons de parler et une autre située 
au nord-nord-est, dominée par un petit sanctuaire mu- 
sulman à coupole appelé scheikh el-Gharbaouy. L'altitude 
du lieu est de 233 mètres. Parmi les restes d'habitations 
arabes construites autour du monument précédent, on 
remarque, sur une belle plate-forme, les arasements 
d'un grand édifice rectangulaire mesurant 27»77 de 
longueur sur 6 m 71 de largeur. « Un certain nombre ds 
magnifiques blocs encore en place dominent cette en- 
ceinte et permettent d'en déterminer l'étendue, « dit 
V. Guérin. Les Arabes l'appellent el-Kala'h (qala'ah), 
« le Château. » 11 s'y trouve divers tombeaux, comme on 
le verra plus loin. — « Le tombeau dont on voit les 
ruines à cet endroit, » ajoute M. Mauss qui visita le khir- 
bet Mediéh, en 1870, quelques jours après V. Guérin, 
« est complètement isolé... L'importance des ruines per- 
met de supposer qu'il a appartenu à une famille puis- 
sante dans le pays. Il devait avoir un aspect monumen- 
tal à en juger par les dimensions de ce qui a été con- 
servé. Il y a place pour sept tombes, ainsi qu'on peut 
s'en assurer par l'examen du plan. J'ai supposé à l'extré- 
mité occidentale du rectangle un sépulcre double, 
comme celui de l'extrémité est. Si l'hypothèse est juste, 
on peut facilement dans l'intervalle placer trois autres 
sépulcres simples qui pouvaient avoir chacun son ves- 
tibule ou corridor de dégagement. » Dans V. Guérin, 
Samarie, t. n, p. 411-412. 

IV. Emplacement précis de la ville de Modin. — 
Parmi les diverses ruines dont nous venons de parler, 
les palestinologues se demandent lesquelles sont celles 
de l'antique Modin. Rien de ce que l'on voit au village 
A'el-Mediéh ou au sommet du monticule voisin ne parait 
annoncer à V. Guérin une ville de quelque importance, 
comme dût être la ville des Machabées. Le scheikh de 
la localité lui a en outre assuré que le village était 
nommé autrefois el-Miniéh. Il faut, selon ce savant, 
chercher le site de la ville ancienne à l'occident de 
la vallée. Modin, dans cette hypothèse, aurait occupé 
la colline méridionale dans laquelle sont creusés les 
qobûr el-Yahûd et ces tombes seraient la nécropole 
de la ville. Le khirbet el-tlarnmâm ou Zakariéh serait 
les restes d'un taubourg de la ville byzantine qui suc- 
céda à la ville juive. — Pour d'autres au contraire, tous 
ces débris, au milieu desquels on rencontre des inscrip- 
tions grecques, des emblèmes et des monuments chré- 
tiens, sont purement romains ou byzantins. Le pressoir 
décrit et d'autres que l'on voit non loin sont différents 
des pressoirs anciens que l'on rencontre si fréquemment 
dans les montagnes de la Judée, et l'on constate à la 
fraîcheur de leur état qu'ils appartiennent à une époque 
relativement récente. Le site A'el-Mediéh est bien celui 
de la ville juive, Rien dans l'Écriture ou l'histoire 
n'attribue à Modin une grandeur spéciale. Elle est qua- 
lifiée du nom de ville comme tant d'autres localités, qui 
dans notre manière de parler seraient appelées des vil- 
lages. Josèphe, Eusèbe et saint Jérôme ne la nomment du 
reste pas autrement : v.i>y.-r\, vicus. Les citernes consta- 
tées au delà du périmètre du village actuel la montrent 
cependant plus étendue que celui-ci, et la forme de ces 
citernes et des tombeaux voisins atteste son antiquité. 
Seule la piscine et les ruines du monticule, qui ressemble 
lui-même à une acropole, indiquent qu'elle pourrait 
bien avoir eu une certaine importance. Meniéh est une 
prononciation défectueuse de Mediéh, et l'existence 
simultanée de deux noms différents de consonance si 
rapprochée pour deux localités voisines paraîtrait bien 
peu probable. — A défaut de documents historiques, 
des fouilles faites au Ràs el-Medîéh pourraient donner 
la solution de la question. Bien qu'il ne soit pas absolu- 
ment absurde de placer la ville de Modin à l'est de la. 



4185 



MODIN 



1186 



Vallée et son monument sépulcral à l'ouest, il est plus 
naturel de chercher celui-ci, conformément aux usages 
des Hébreux, dans le voisinage immédiat de la ville; sa 
découverte, si toutefois elle est encore à' faire, pourrait 
fournir un argument prépondérant. Nous toucherons à 
celte dernière question après avoir relaté les quelques 
faits historiques qui constituent l'histoire de Modin, 
parmi lesquels l'érection de ce monument est un des 
plus importants. 

V. Histoire- — La gloire de Modin est le reflet de 
l'éclat dont brille l'illustre famille des Machabées : cette 
ville fut leur berceau, le centre où ils levèrent l'étendard 
de l'indépendance religieuse et politique en face du des- 
potisme cruel de l'hellénisme, où plus d'une fois ils réu- 
nirent leurs forces pour les organiser, et enfin le champ 
de triomphe où le monument sépulcral élevé sur leurs 
tombes célébra longtemps devant les générations leur foi, 
leur sublime patriotisme et leur héroïque vaillance. -"• 
La famille sacerdotale des Machabées ou des Asmonéens 
aurait été originaire de Jérusalem et serait venue s'éta- 
blir à Modin vers le commencement de la persécution re- 
ligieuse d'Antiochus IV Épiphane, d'après I Mach., h, 1, 
du moins selon l'interprétation qu'en donne l'historien 
Josèphe, Ant.jud., xii, vi, 1, suivi par un grand nombre 
d'autres. L'écrivain juif a mal lu, ce semble, ce passage. 
L'expression « il fut enseveli par ses fils dans le tom- 
beau de ses pères à Modin », formulée I Mach., n, 70, 
une première fois à propos de Mathathias le père des 
Machabées. répétée pour Judas, ix, 19; et celle analogue 
employée, xm, 25, pour Jonathas, « il [Simon] recueillit 
les ossements de son père Jonathas et les ensevelit à Mo- 
din sa ville, » ne permettent pas de douter que leur 
famille, à supposer qu'elle eût d'abord été établie à Jéru- 
salem, ne fût depuis longtemps fixée à Modin. Au lieu de 
lire : « En ces jours-là se leva Mathathias... de la famille 
de Joarib de Jérusalem et il vint s'établir à Modin, » le 
verset de I Mach., h, 1, doit se lire : « Mathathias... de la 
famille de Joarib, quitta Jérusalem (où il pouvait être 
pour son ministère) et se retira à Modin, » avenir) àitb 
'ItpousaVriii et non 'Icoipîâ àm> 'IepovuaMiiJi.. — Aux 
premiers temps de la persécution hellénique, un certain 
nombre de personnes s'étaient réfugiées à Modin où 
elles pensaient peut-être demeurer tranquilles, en rai- 
son de son éloignement de la capitale de la Judée; 
mais l'agent d'Antiochus chargé d'imposer aux popula- 
tions le culte de la Grèce les y suivit. I Mach., n, 15. 
Mathathias, qui était selon toute apparence le principal 
personnage de la localité, fut appelé; l'employé chercha 
à le séduire pour entraîner les autres par son exemple. 
Mathathias répondit par un refus catégorique, et comme 
en même temps un Juif se présentait pour apostasier, 
Mathathias indigné l'égorgea sur l'autel même élevé par 
les païens où il venait immoler, tua l'envoyé royal 
renversa l'autel et appela tous les Juifs fidèles à s'unir 
à lui et à ses fils pour défendre la religion. Ibid., il, 
15-27. La situation de Modin n'était pas assez forte pour 
qu'ils pussent s'y maintenir contre les dominateurs du 
pays; Mathathias l'abandonna pour se retirer dans les 
régions plus escarpées des hautes montagnes. Ses suc- 
cès paraissent lui avoir permis de revenir en sa patrie 
pour y mourrir; du moins ses fils purent y ensevelir sa 
dépouille mortelle. Si les triomphes de ses fils et l'inté- 
rêt de leur cause les obligèrent à se tenir plus au centre 
de la Judée, ils aimèrent à retourner de temps en temps y 
à leur patrie, pour s'y retremper dans les généreux sen- 
timents qui avaient donné l'impulsion à ce mouvement. 
C'est ainsi que Juda vint organiser à Modin la petite 
armée qu'il voulait opposer à Antiochus Eupatôr et à 
Lysias, son lieutenant, qui venait d'envahir de nouveau 
la Judée; en face du tombeau de son glorieux père il 
pouvait, plus éloquemment qu'ailleurs, exhorter ses com- 
pagnons « à combattre vaillamment et jusqu'à la mort 
pour la loi, le temple, la ville [sainte], la patrie et le 

DICT. DE LA BIBLE. 



peuple ». II Mach., xm, 14. Pour la même raison peut- 
être, Jean Hyrcan et son frère Juda amenèrent-ils leur 
troupe à Modin, avant d'attaquer Cendebée sous les 
murs de Cédron. I Mach., xvi, 4. Le monument élevé, 
par leur frère Simon, comme un temple sur le sépulcre de 
Mathathias et de ses quatre autres fils, tous tombés vic- 
times de leur patriotisme religieux, ne pouvait qu'exci- 
ter le courage dans les cœurs et le noble c uesir de les 
venger. 

VI. Le monument sépulcral des Machabées. — C'est 
après avoir enseveli à Modin la dépouille mortelle de 
son frère Jonathas, que Simon songea à honorer la 
mémoire de ses parents par un mausolée monumental. 
L'Écriture raconte ainsi cette œuvre : « Simon cons- 
truisit sur le sépulcre de son père et de ses frères un 
monument élevé aux regards, de pierre polie de face et 
en arrière. Il dressa au-dessus sept pyramides, celles 
(en mémoire) de son. père et de sa mère en face l'une de 
l'autre et les quatre autres (en mémoire) de ses frères. Il 
les entoura d'une vaste construction formée de grandes 
colonnes et fit sur les colonnes des panoplies en sou- 
venir éternel, et près de ces groupes d'armes des na- 
vires sculptés de nature à être vus de tous ceux qui 
naviguent sur la mer. Tel est le sépulcre qu'il fit à 
Modin [et qui subsiste] jusqu'aujourd'hui. » I Mach. f 
xm, 27-30. La septième pyramide, Simon se la réservait 
sans doute. Le monument était encore debout vers la 
fin du I er siècle, après la guerre de Judée, quand. 
Josèphe écrivit ses Antiquités judaïques, XIII, vi, 5., 
Au iv« siècle, Eusèbe atteste que « le mausolée des Ma- 
chabées se montrait jusqu'alors». Onomasticon, p. 290. 
Au v siècle, saint Jérôme constate encore leur perma- 
nence et s'étonne que l'on puisse montrer leurs reli- 
ques à Antioche. De nominibus et locis hebraicis,. 
t. xxm, col. 911. Ou bien saint Jérôme accuse les Antio- 
chéniens de confondre les sept frères martyrs de* 
II Mach., vu, dont les restes paraissent en effet avoir 
été vénérés, à Antioche, avec la famille de Mathathias, ou 
bien il confond lui-même celle-ci avec les premiers. 
Cette confusion a été invoquée pour expliquer la pré- 
sence d'une croix dans la mosaïque des tombeaux décou- 
verts par V. Guérin au khirbet Scheikh el-Gharbaouy^ 
et identifiés avec le monument des Machabées. — Depuis 
le V e siècle ce monument s'était perdu de vue, à cause 
sans doute de la situation de Modin, en dehors des routes 
suivies par les pèlerins. Au moyen âge on en parle quel- 
quefois, mais si ce n'est pas une simple mention histo- 
rique c'est une confusion. Il n'est pas douteux qu'il n'ait 
été détruit dans la triste période qui suivit les croisades, 
si déjà il ne l'avait été auparavant. En 1870, V. Guérin 
pensait que la construction rectangulaire du khirbet 
el-Gharbaouy avait contenu sept chambres contiguës, 
construites en belle pierre de taille et contenant cha- 
cune une auge sépulcrale pratiquée dans le roc dont le 
fond était tapissé de petits cubes de mosaïques; ces sept 
chambres auraient été surmontées d'une série de sept 
pyramides dressées sur la même ligne et qui reposaient 
chacune sur le plafond de chaque chambre. Selon 
lui, le rectangle aurait été lui-même environné d'un 
portique soutenu par les colonnes monolithes que dé- 
coraient les ornements dont parle le livre des Macha- 
bées; les tronçons découverts auraient été les débris 
de cette colonnade et l'attestation de son existence en 
cet endroit. Le docte explorateur concluait : « Il n'y avait 
plus de doute possible, j'avais définitivement retrouvé 
le tombeau des Machabées, et la fosse que j'avais ren- 
contrée avait peut-être reçu les cendres de l'héroïque 
et saint vieillard Mathathias, qui, étant mort le premier, 
avait occupé probablement la première chambre sépul- 
crale. » Le rapport de M. Mauss, bien que supposant 
aux tombes une disposition relative un peu différente, 
confirmait la plupart des détails relevés par M. Guérin. 
— Cependant la même année 1870, le D r Sandreczki 

IV. - 38 



1187 



MODIN — MOHOLITES 



1188 



contestait indirectement les conclusions de l'explorateur 
français en présentant pour les tombeaux des Macha- 
bées, les qobùr eUYahûd. — M. Guérin fit observer 
que le nombre de 28 à 30 tombes renfermées dans 
cette nécropole est trop considérable pour que l'on 
puisse y voir le sépulcre dont parle le livre des Macha- 
bées. On ne voit non plus au-dessus aucune trace de 
construction rappelant le monument élevé par Simon, 
et l'état du sol ne permet pas d'en supposer. On peut 
objecter en outre la forme des tombeaux, plutôt gréco- 
romaine que judaïque, et l'existence d'une croix taillée 
en relief sur le côté d'un des blocs monolithes destinés 
à fermer ces sépulcres. — Ces deux dernières objec- 
tions sont aussi celles qui ont été faites contre l'identifi- 
cation du monument du hhirbet Scheikh el-Gharbaôuy 
avec celui des Machabées. M. Clermont-Ganneau, ayant 
exécuté de nouvelles fouilles à cet endroit, en 1873, 
constata dans le fond blanc de la mosaïque du tombeau 
découvert par M. Guérin, une croix formée de cubes 
rouges, jaunes et noirs, et conclut à l'origine chré- 
tienne du tombeau et du monument. — M. Guérin ré- 
pliqua que les chrétiens ayant confondu avec la famille 
deMathathias les sept frères martyrs, avaient, à dessein 
d'orner les tombeaux vénérés par eux comme ceux de 
ces derniers, fait ultérieurement cette mosaïque. — 
Mais à cette première difficulté, M. Clermont-Ganneau 
joignit cette autre : les restes de la construction décou- 
verte, par la nature et la forme de leur appareil et par 
la disposition de celui-ci, sont identiques, à une mul- 
titude de constructions similaires, comme par exemple 
le monument sépulcral de Teïàsir, non loin de Beisân, 
qui sont certainement d'origine gréco-romaine ou byzan- 
tine et non judaïque. — Un grand nombre de savants, 
avec Conder, Is. Abrahams et d'autres, pensent que l'on 
devrait chercher les tombeaux des Machabées et les 
restes de leur monument au Rds el-Mediéh. Ce monti- 
cule, regardé comme un lieu saint, un maqàm, par les 
habitants du pays, et remarquable par sa forme, renferme 
incontestablement d'anciennes constructions dont la 
nature étudiée pourrait apporter quelque lumière dans 
la question. 

VI. Bibliographie. — Victor Guérin, Description de 
la Samarie, 1875, t. h, p. 51-64, 403-426; cf. Découverte 
du tombeau des Machabées au hhirbet el-Mediéh, dans 
la Revue archéologique, t. xxiv, 1872, p. 264-277; Cler- 
mont-Ganneau, Archxological Researches in Palestine, 
Londres, t. n, 1896, p. 358-377, 475-478; Fr. Liévin de 
Hamme, Guide indicateur de la Terre-Sainte, 2 e édit., 
Jérusalem, 1887, p. 130-131; Survey of Western Pales- 
tine, Memoirs, t. m, p. 297-298, 340-352; Sandreczki, 
dans Palestine Exploration Fund Quarterly State- 
ment, The Rock of el-Medyeh, 1870, p. 245-252, 
cf. p. 390; lbid., 1873, p. 93; 1897, p. 221; Revue bi- 
blique, t. i, 1892, p. 123-124; Is. Abrahams, Modin, 
dans Cheyne, Encyclopeedia biblica, t. m, Londres, 
1903, col. 3180-3181. L. Heidet. 

MOELLE (hébreu : moah; Septante : y.v0.6i; Vul- 
gate : medulla), substance jaunâtre ou rougeâtre qui 
remplit les cavités osseuses.^ Elle a les apparences de 
la graisse, mais elle en est très différente par sa com- 
position, qui comprend des éléments propres et en 
outre des capillaires et des nerfs dont la section est très 
douloureuse dans les amputations. — Il est des hommes 
heureux qui meurent « avec la moelle de leurs os toute 
fraîche », c'est-à-dire sans avoir connu la souffrance 
qui dessèche les os. Job, xxi, 24. La parole de Dieu est 
pénétrante comme le glaive qui sépare les jointures 
d'avec la moelle. Heb., iv, 12. Voir Nerfs. Des mets 
succulents sont des mets « pleins de moelle », memu- 
hàyim, medullata. Is., xxv, 6. La moelle constitue en 
effet un aliment délicat. — Dans plusieurs autres pas- 
sages, Gen., xlv, 18; Num., xvm, 12; Deut., xxxii, 14, 



les versions mentionnent la moelle au lien de la graisse, 
liêleb, nommée en hébreu. La laine, sammérét, des cè- 
dres est la partie supérieure de leur frondaison^ et non tù 
iniypma., « les choses de choix, » ou la moelle, medulla, 
Comme traduisent les versions. Ezech., xvii, 3, 22. 

H. LeSèTRE. 
MOHAR (hébreu :môhar; Septante : opepvr,; Vulgate: 
dos), prix payé par les parents du fiancé, d'après la 
coutume orientale, aux parents de la jeune fille donnée 
en mariage à leur fils, Gen., xxxiv, 12; Exod., xxn, 16; 
I Sam., xvm, 25. Voir Dot, il, t. n, col. 1495. 

MOHOLA (hébreu : Mahlâh, « maladie [?]; » Sep- 
tante : ô MasXâ), nom, dans la Vulgate, d'une personne 
dont le sexe est controversé : c'est, selon les uns, un 
fils, selon les autres, une fille de Hammôlékét (Vulgate : 
Regina, « Reine »), de la tribu de Manassé. Le nom 
de son père n'est pas mentionné, mais celui de deux de 
ses frères, 'Hhôd (Vulgate : Virum décorum, Homme 
Beau ou Bel Homme; voirlsHOD, t. m, col. 989) et Abié- 
zer (voir Abiézer 1, t. i, col. 47), nous est donné dans 
I Par., vu, 18. On ne connaît d'ailleurs que leurs noms. 
— Dans le texte hébreu, l'aînée des cinq filles de Salphaad 
qui héritèrent de leur père est aussi appelée Mahlâh, 
comme le personnage de I Par., vu, 18, mais la Vulgate 
a transcrit son nom Maala comme l'avaient fait les 
Septante. Num., xxvi, 30, etc. Voir Maala, col. 468. 

MOHOLI (hébreu : Mahlî, « malade [1] i>), nom de 
deux Lévites. Ce nom dérive de la même racine que 
Mahlâh. Voir Mohola. 

1. MOHOLI (Septante : MooXsî, Exod., vi, 19; MooXf, 
Num., m, 20; I Par., vi, 19 (hébreu, 4); xxm, 21; xxiv, 
26, 28; I Esd., m, 18), fils aine de Mérari et petit-fils 
de Lévi. Il fut la souche de la famille des Moholites, 
une des branches de la grande famille lévitique des Mé- 
rarites. Voir Mérarites, col. 988, et Moholites. Nous ne 
savons rien de particulier sur sa personne, sinon qu'il 
eut deux fils appelés Éléazar et Cis, I Par., xxm, 21 ; 
xxiv, 28 (voir Éléazar 4, t. u, col. 1651, etOs3, col. 781), 
et un troisième appelé Lobni, I Par., vi, 29 (hébreu, 14), 
s'il n'y a pas de lacune dans le texte. Voir Lobni 2, 
col. 319. — Un des descendants de Moholi est mentionné 
I Esd., vin, 18. 

2. MOHOLI (Septante : MooXi), lévite de la famille de 
Mérari, de la branche desMusites, portant le même nom 
que son oncle, le fils aîné de Mérari. Il eut deux frères, 
Eder et Jerimolh, I Par., xxm, 23; xxiv, 30, et un fils 
appelé Somer. I Par., vi, 46-47 (hébreu, 31-32). 

MOHOLITES (hébreu : ham-Mahli; Septante : 
Sî}u.os A MooXc'; Vulgate : Moholitm, Num., m, 33, et par- 
tout ailleurs : Moholi, familia Moholi), branche de la 
famille lévitique des Mérarites descendant de Moholi. 
Num., m, 33; xxvi, 58. Lorsqu'on fit le dénombrement 
des deux branches de Mérarites au mont Sinaï, les Moho- 
lites et les Musites, elles comptaient ensemble six mille 
deux cents hommes. Num., m, 34. Les Moholites eurent, 
comme leurs frères, des fonctions particulières à remplir 
lorsque David les partagea entre les lévites. I Par., xxm, 
21 ; xxiv, 26, 28, 31. — Esdras mentionne un descendant 
de Moholi parmi les Lévites qui retournèrent avec lui 
de captivité en Palestine. Il est d'ailleurs difficile de 
savoir quel était son nom. Esdras ayant envoyé des 
messagers à Chasphia pour lui amener des ministres de 
la maison de Dieu, « ils nous amenèrent, dit-il, comme 
la main bienfaisante de notre Dieu était sur nous, 'îs ié- 
kél, d'entre les fils de Mahli (Moholi), fils de Lévi, fils 
d'Israël, et Sèrêbyâh. » I Esd<, vm, 18. La Vulgate a 
traduit 'ÎS iékél, par virum doclissimum, « homme très 
savant » ou homme de sens, et elle fait, comme le texte 



1189 



MOHOLITES — MOÏSE 



Î190 



hébreu, de Sêrêbyâh, qu'elle transcrit Sarabia, un per- 
sonnage différent de 'is iékél, distingué du premier par 
la conjonction et. Parmi les exégètes modernes, les uns 
croient que la conjonction et est fautive et ils prennent 
Sarabia pour le nom de l'homme de sens; d'autres sup- 
posent que 'U Sékél est simplement un nom propre 
signifiant « homme de sens » et distinct de Sarabia ; 
d'autres enfin, tout en admettant que Sarabia est un 
second personnage, ne pensent pas que le "premier 
s'appelait 'îs iékél, mais que son nom propre, qui pré- 
cédait cette qualification, s'est perdu. L'explication la 
plus simple est celle qui regarde 'iS iékél comme un 
nom propre, désignant un lévite autre que Sarabia, 
mais elle a contre elle les raisons suivantes : 1» Esdras 
indique après chaque nom le npmbre des personnes qui 
accompagnaient celui dont il vient de parler et le nombre 
n'est marqué ici qu'après le nom de Sarabia. 2° Il 
n'est pas question de 'is sékél dans la suite du livre 
d'Esdras, non plus que dans Nêhémie, tandis qu'il y est 
fait plusieurs fois mention de Sarabia. I Esd., vm, 28; 
II Esd., vm, 7 (Sérébia); ix, 4; xii, 8 (Sarébias); ix, 5; 
S, 12 ; XII, 24 (Sérébia). Sans doute 'îs sékel aurait pu 
mourir aussitôt après son arrivée en Palestine, mais on 
peut penser qu'Esdras ne l'aurait pas nommé le premier 
de la liste, I Esd., vm, 18, s'il n'avait pas joué un rôle 
important après son retour dans sa patrie. Quoi qu'il en 
soit, le contexte semble bien désigner Sarabia comme 
un Moholite. Les Septante ont fait du premier élément 
de 'U iékél un nom commun et du second un nom 
propre (défiguré dans la dernière lettre) : àvY]p Sa^uv. 
Voir Sarabia. 

MOINEAU. Voir Passereau. 

MOIS (hébreu : fyôdes, c'est-à-dire « nouvelle [lune] »; 
yérah, qui signifie « lune », et par extension le mois 
qui était lunaire ; Septante : y.4\v qui signifie aussi 
« lune » et « mois »; Vulgate : niensis), douzième partie 
de l'année. III Reg., iv, 7; I Par., xxvii, 1-15. Comme les 
mois hébreux étaient lunaires, ils ne fournissaient pas en 
un an trois cent soixante-cinq jours. Pour les faire coïn- 
cider avec les saisons, nous savons qu'on intercalait en 
moyenne tous les trois ans, un treizième mois, mais il 
n'en est jamais fait mention dans l'Écriture. Pour la 
description des mois, voir Calendrier, m, t. u, col. 65- 
67, et chacun des noms de mois. Du temps des Séleu- 
cides, on se servit en Palestine des noms de mois ma- 
cédoniens. II Mach., xi, 21, 30, 33, 38. Sur la manière 
dont les Hébreux célébraient le premier jour du mois, 
voir Néoménie. 

MOÏSE (hébreu : Môsêh; Septante : Mmuot);; Vul- 
gate : Moyses), libérateur et législateur d'Israël. 

I. Depuis sa naissance jusqu'à sa mission. — 1" Nais- 
sance. — Au plus fort de l'oppression des Israélites en 
Egypte, alors que le roi avait ordonné de tuer à leur 
naissance tous les enfants mâles du peuple opprimé, 
Exod., i, 22, un homme de la famille de Lévi épousa 
une femme de sa tribu. Celle-ci conçut et enfanta un 
fils. Exod., Il, 1-2. De prime abord, il semblerait que 
ce fils est le premier-né du mariage de parents innom- 
més, si la suite du récit n'introduisait sur la scène 
une sœur de l'enfant plus âgée que lui, f. 4. Une généa- 
logie incomplète des fils de Jacob nous renseigne 
plus loin, Exod., VI, 20, sur les noms des parents, 
Amram, voir t. i, col. 522, et Jochabed, voir t. m, 
col. 1580, et sur l'existence d'un frère aîné, Aaron, 
ayant trois ans de plus que son puîné. Exod., vu, 7; 
cf. vi, 26-27. Le nom de la sœur, Marie, est donné 
Kum., xxvi, 59. Voir col. 776. Pour expliquer com- 
ment le troisième enfant de cette famille avait pu être 
présenté comme un premier-né malgré la naissance 
antérieure d' Aaron et de Marie, le targum de Jérusalema 



imaginé un véritable roman. Selon lui, quand le roi 
d'Egypte eut ordonné aux sages-femmes égyptiennes 
de faire périr les petits garçons d'Israël, Exod., i, 15, 
16, Amram quitta sa femme, déjà mère de Marie et 
d'Aaron, et la reprit plus tard. Moïse fut le premier-né 
de ce second mariage. Quelques commentateurs mo- 
dernes, à rencontre d'Exod., vi, 20, ont supposé 
qu'Amram avait eu deux femmes, dont la première 
aurait donné le jour à Marie et à Aaron. La mère, ayant 
vu que le nouveau-né était beau et bien fait, désobéit à 
l'ordre cruel du Pharaon, et au lieu de faire mourir l'en- 
fant, elle le cacha pendant trois mois. Exod., u, 2. En 
agissant ainsi les parents étaient guidés par la foi, 
Heb., xi, 23, parce que Dieu avait sur cet enfant des 
vues spéciales, Act., vu, 20. Josèphe, Ant. jud., II, IX, 
3, 4, raconte qu'Amram, voyant sa femme enceinte, 
avait imploré Dieu qui le réconforta dans une vision et 
lui prédit la naissance d'un fils qui délivrerait les Israé- 
lites. Celte prédiction remplit de crainte les époux; 
mais Jochabed accoucha sans douleur, ce qui présageait 
le grand rôle que son fils devait remplir. Le texte sacré 
ne mentionne rien de miraculeux dans la naissance de 
Moïse. Il ne l'appelle pas « premier-né », et s'il ne 
parle pas d'abord d'Aaron, qui était né avant lui, c'est 
parce qu'il va raconter l'histoire de Moïse. 

2° Exposition sw le Nil. — Quand la mère crut ne 
pouvoir plus cacher l'existence de l'enfant, craignant, dit 
Philon, De vita Mosis, 1. 1, Paris, 1640, p. 604, les perqui- 
sitions et la délation, elle résolut de l'exposer sur le fleuve, 
le confiant ainsi à la Providence. Elle fit une nacelle de 
papyrus, qu'elle enduisit de bitume et de poix; elle plaça 
le petit enfant dans Cette sorte de berceau, qu'elle déposa 
parmi les roseaux sur le bord du fleuve. Exod., n, 3. 
Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6"édit., Paris, 1896, t. u, p. 282, 587-588. La sœur de 
l'enfant, retenue par l'amour fraternel, dit Philon, 
De vita Mosis, 1. I, in-f», Paris, 1640, p. 604, appostée 
par sa mère, pensent les commentateurs modernes, de- 
meura sur la rive et se tint à quelque distance pour ob- 
server et voir ce qu'il adviendrait. Exod., u, 4. D'après 
les rabbins, elle attendit ainsi une heure. Talmud de 
Jérusalem, traité Sofa, i, 9, trad. Schwab, Paris, 1885, 
t. vu, p. 240, 241. Or la fille du Pharaon, nommée ©épfiou- 
Qiç d'après Josèphe, Ant. jud., I, IX, 5, Mépris d'après 
Eusèbe, Prxp. evang., ix, 27, t. xxi, col. 729, et Bathya 
selon les rabbins d'après I Par., iv, 18, vint au fleuve 
pour se baigner, ou, selon Josèphe, loc. cit., pour 
s'égayer sur la rive. Suivant Philon, elle était la fille 
unique du roi. Mariée et sans enfant, elle désirait ar- 
demment un fils. Elle se tenait ordinairement renfermée 
dans son palais; mais elle en était sortie ce jour-là 
pour se baigner avec ses suivantes. Cf. Artapan, dans 
Eusèbe, Preep. evang., IX, 27, t. xxi, col. 729. Pendant 
que ses dames d'honneur allaient et venaient sur les- 
bords du fleuve, elle aperçut la petite barque au milieu 
des roseaux ; elle envoya une esclave la prendre et la 
lui apporter; l'ouvrant, elle vit un enfant qui vagis- 
sait et, émue de compassion à ce spectacle, elle dit : 
« C'est un enfant des Hébreux. » Exod., il, 5, 6. Elle 
reconnut son origine, sinon à la circoncision que prati- 
quaient les Égyptiens, du moins aux circonstances de 
^.persécution. Philon et Josèphe disent qu'elle fut 
frappée de la grandeur et de l'élégance de l'enfant. Le 
premier ajoute qu'elle l'adopta dès lors pour son fils. 
Mais, parce qu'il n'aurait pas été prudent d'introduire 
tout de suite à la cour cet enfant hébreu, elle résolut 
de le faire élever avant de l'amener chez elle. Josèphe, 
Ant. jud., II, ix, 5, dit qu'elle fit appeler successi- 
vement plusieurs femmes égyptiennes pour l'allaiter, 
mais que l'enfant refusa leur sein. Marie, sa sœur, inter- 
vint alors comme par hasard et proposa de le confier 
à une femme israélite. Elle alla chercher sa mère, dont 
l'enfant accepta le sein. Sauf ce détail, qui semble peu 



1191 



MOÏSE 



1192 



d'accord avec le texte sacré, cette intervention de Marie 
est racontée dans l'Exode, n, 7, 8. La fille du roi confia 
l'enfant à sa mère, comme, s'il lui était étranger; elle 
lui recommanda de le nourrir et lui promit un salaire. 
Cf. Act., vu, 21. La mère prit son fils avec joie et l'éleva. 
Philon signale le soin mis par la Providence de con- 
fier à la famille la première éducation du futur libé- 
rateur d'Israël. Voir t. m, col. 1580. Quand l'enfant fut 
assez fort, quand il eut trois ans, selon Josèphe, An t. 
jud., Il, ix, 6, quand il fut sevré, vers trois ou quatre 
ans, selon Philon et les commentateurs, cf. Gen., xxr, 
'8, sa mère le rendit à la fille du roi, qui l'adopta. 
Exod., il, 9, 10. L'enfant était plus grand que ne le sont 
les enfants de son âge; il était beau et bien fait. La fille 
du roi, au dire de Philon, avait simulé une grossesse 
en vue de faire passer son fils adoptif pour son véri- 
table fils. Suivant Josèphe, Ant. jud., Il, ix, 7, elle le 
présenta à son père, à qui elle le proposa comme son 
successeur au trône, si elle n'avait pas elle-même de 
fils. Elle déposa l'enfant dans les bras du roi, qui le 
serra sur sa poitrine et lui mit son diadème sur la tête. 
Mais l'enfant jeta bas le diadème royal et le foula aux 
pieds. Cet acte fut regardé comme un mauvais pré- 
sage pouf l'Egypte, et un scribe fit une prédiction de 
malheur. Pour effacer la fâcheuse impression produite 
sur le roi par ces incidents, Thermutis emporta bien 
vite son fils adoptif. Ce sont là des fables inventées 
plus tard par les Juifs. 

3" Nom. — En adoptant l'enfant hébreu, la fille du 
roi lui donna un nom. Elle le nomma ntfa, MôSé/i, 
« parce que, dit-elle, je l'ai sauvé de l'eau. » Exod., n, 
10. Le récit de l'Exode rattache ainsi le nom de Moïse 
à la racine hébraïque nuro, mdsdh, employée à la forme 
hiphil. II Sam., xxn, 17; Ps. xvm, 17. Mais les critiques 
modernes rejettent cette étymologie pour deux raisons : 
1° parce que la forme active du nom de Moïse signifie : 
« sauveur » et non « sauvé »; 2° parce que la fille du 
Pharaon, ne parlant pas hébreu, n'a pu donner à ce 
nom la dérivation et la signification indiquées dans 
l'Exode. Le nom de Moïse a donc plutôt, selon eux, une 
origine égyptienne. Les Juifs alexandrins s'en rendaient 
compte; aussi ont-ils recherché dans la langue copte 
l'étymologie de ce nom. Josèphe, Ant. jud., II, ix, 6, 
faisait dériver le nom de Moïse de deux mots égyptiens : 
(tu, signifiant « eau », et ùariç, signifiant « sauvé », et il 
arrivait ainsi à la signification de l'Exode; Moïse voulait 
dire « sauvé des eaux ». Ailleurs, Cont. Apio?i., 1. I, 
n. 31, il indique seulement la dérivation de \lq'j, « eau », 
en gardant le même sens -: èx toû uSa-roç (KoGévxa. Phi- 
lon, De vita Mosis, p. 605, tient le nom de Moïse pour 
un nom égyptien qui signifie : « sauvé des eaux, » [iw; 
désignant l'eau. Cf. Clément d'Alexandrie, Strom., i, 
23, t. vin, col. 897; Eusèbe, Pr$pp, evang., ix, 27, t. xxi, 
col. 729. Eusèbe cite Artapan qui dit que les Juifs appe- 
lèrent Mouaaîov celui que la fille du roi avait nommé 
Mwuuov. Plusieurs savants maintiennent encore cette 
dérivation et font provenir le nom de ntfD de mu, t. eau,» 
et de ses, « tirer. » La plupart des égyptologues pensent 
aujourd'hui que nufn est la transcription hébraïque du 
mot égyptien mes,' mesu, qui signifie « enfant » et qui 
était employé à l'état isolé ou en composition comme 
dans les noms propres Amosis, Tuthmosis. Ils se 
demandent seulement si la fille du roi égyptien s'est 
bornée à appeler son fils adoptif nies, l'enfant, cf. Exod., 
n, 6, ou si elle avait fait entrer dans son nom celui de 
quelque divinité égyptienne, qui serait tombé plus tard 
pour écarter toute allusion idolâtrique du nom du libé- 
rateur d'Israël. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 824. — Quoi 
qu'il en soit de l'étymologie, les Hébreux ont conservé à 
leurlibérateur le nom égyptien que sa mère d'adoption lui 
avait donné. On ignore quel nom ses parents lui avaient 
imposé à la circoncision, et si ce nom était vraiment 



Joachim, comme le prétend une tradition juive recueillie 
par Clément d'Alexandrie, Strom., i, 23, t. vin, 
col. 897. Manéthon, cité par Josèphe, Cont. Apion., I, 
26, 28, prétendait que le législateur des Hébreux était 
un prêtre d'Héliopolis, nommé 'Oaapaitf, nom dérivé 
de la divinité Osiris, et que, changeant son nom, il 
s'était fait appeler MMÙ'crijç. Manéthon ajoutait, d'ailleurs, 
que ce prêtre, lépreux lui-même, s'était mis à la tête 
des lépreux relégués par les Egyptiens et s'était révolté 
contre l'Egypte. Voir col. 179. 

4° Éducation. — La tradition juive, Act., vu, 22, rap- 
porte que Moïse, à la cour royale, fut élevé dans toute la 
sagesse des Égyptiens, et qu'il était puissant en pa- 
roles et en œuvres. Philon, De vita Mosis, i, p. 606, 
énumère complaisamment les sciences que Moïse aurait 
étudiées, même la doctrine occulte des Égyptiens, cachée 
sous les hiéroglyphes, et les sciences des Chaldéens et 
des Assyriens. Il vante aussi les vertus de ce jeune 
homme, qui était regardé comme le petit-fils du roi et 
son successeur, qui demeura chaste et modeste au mi- 
lieu des richesses et des plaisirs, et qui se conduisait 
comme un philosophe digne de ce nom. Eupolème, cité 
par Clément d'Alexandrie, Strom., i, 23, t. vin, col. 900, 
et par Eusèbe, Preep. evang., ix, 26, t. xxi, col. 728, 
fait de Moïse un sage, qui le premier connut l'alphabet 
et la grammaire. Josèphe, Ant. jud., II, ix, 7, ajoute 
que les Hébreux mettaient en lui leur espérance, tandis 
que les Égyptiens se tenaient en défiance. Il raconte en- 
suite, ibid., x, 1, 2, que Moïse fut placé par le roi à la 
tête de l'armée égyptienne pour marcher contre les 
Éthiopiens. Les Égyptiens pensaient le faire périr dans 
cette guerre. Moïse sut habilement garantir son armée 
contre les morsures des serpents, gagna une bataille et 
mit le siège devant Saba, qui fut plus tard Méroé. Tar- 
bis, la fille du roi éthiopien, s'éprit d'amour pour lui 
et lui fit proposer de l'épouser. Moïse accepta sa main 
et revint victorieux en Egypte. Cf. Artapan, dans Eusèbe, 
Preep. evang., ix, 27, t. xxi, col. 729. On ne peut faire 
aucun fonds sur ces renseignements. 

5* Fuite au pays de Madian. — Lorsqu'il fut devenu 
homme, Exod., n, 11, âgé de 40 ans d'après saint 
Etienne, Act., vu, 23, Moïse sortit pour visiter ses 
frères, les fils d'Israël. Le diacre Etienne a compris cette 
démarche, non pas d'une visite passagère, mais bien 
d'une résolution définitive de partager leur sort. L'Épltre 
aux Hébreux, xi, 24-26, célèbre la foi de Moïse qui le 
pousse à renoncer à l'adoption royale de la fille du Pha- 
raon et à préférer aux richesses et aux plaisirs de la 
cour l'affliction des siens, dans l'espoir de la récompense 
divine. Moïse constata l'oppression des Israélites, et 
Philon ajoute que, ne pouvant empêcher les sévices, il 
consolait les malheureux opprimés. Ayant vu un Égyp- 
tien maltraiter un de ses frères, il le tua et l'ensevelit 
dans le sable. Eupolème rapporte, d'après les apocryphes, 
que Moïse tua l'Égyptien Xôya) [lovto, « par sa seule parole, s 
Clément d'Alexandrie, Strom., I, 23, t. vm, col. 900. 
Il se croyait seul et sans témoin, quand il accomplit cet 
homicide, cédant à un mouvement d'indignation que saint 
Augustin, Cont. Faustum, xxn, 70, t. xlh, col. 444, 
n'excuse pas complètement. Au jugement de saint 
Etienne, Act., vu, 24, 25, Moïse, en frappant l'Égyptien 
oppresseur, pensait que ses frères comprendraient que 
Dieu voulait les sauver par son moyen ; mais ils ne le 
comprirent pas. En effet, cet acte de justice avait été 
remarqué. Moïse le sut le lendemain, quand, s'interpo- 
sant entre deux Hébreux qui se querellaient, le coupable 
lui reprocha cette ingérence et lui demanda qui l'avait 
constitué chef et juge sur eux, ajoutant : « Est-ce que 
tu veux me tuer comme tu as tué hier l'Égyptien? » 
Moïse [eut peur lorsqu'il se vit ainsi découvert. Exod., 
n, 11-14; Act., vu, 2f>28. Le Pharaon, probablement 
Ramsès TI (voir ce nom), apprit ce qui s'était passé, et il 
cherchait à faire mourir Moïse. Mais celui-ci se cacha et 



1193 



MOÏSE 



1194 



s'enfuit au pays de Madian. Philon fait remarquer que 
le mécontentement du Pharaon ne provenait pas du 
meurtre accompli, le roi n'ayant pas un si grand respect 
de la vie de ses sujets, mais il lui déplaisait de constater 
que son petit-fils et successeur avait, au sujet de l'op- 
pression des Israélites, des sentiments différents des 
siens. D'ailleurs, les grands du royaume calomnièrent 
Moïse, qui s'enfuit afin de mettre sa vie en sûreté. Cf. 
Artapan, dans Eusébe, -Prœp. eucmj7.,ix,27,t.xxi, col. 732. 
Les rabbins ajoutent d'autres fables et racontent comment 
Moïse avait été sauvé de l'épée du Pharaon. Selon les 
uns, l'épée rebondit sur le cou de Moïse et tua par 
•contre-coup le bourreau. Selon d'autres, un ange prit 
la forme de Moïse et fut arrêté à sa place. Selon d'autres 
«ncore, tous les hommes du Pharaon devinrent sourds 
ou muets, ou aveugles, et ne purent renseigner leur 
maître sur Moïse. Talmud de Jérusalem, traité Bera- 
choth, ix, 2, trad. Schwab, Paris, 1871, t. I, p. 155. 
Ignorant les mœurs du pays de Madian, il se cacha 
quelque temps. Fatigué, il s'assit auprès d'un puits, 
Exod., Il, 15, n'osant pas entrer dans la ville de Madian, 
malgré la faim qui le tourmentait. Josèphe, Ant. jud., 
II, xi, 1. 

Les sept filles de Raguël ou Jéthro, voir t. ni, col. 1521- 
1522, vinrent au puits abreuver les troupeaux de leur 
père. Des bergers survenant les en empêchèrent. Moïse 
se levant prit la déiense des bergères et fit boire leurs 
brebis. De retour chez leur père, elles louèrent la belle 
conduite de l'Égyptien qui était venu à leur aide. Raguël 
l'envoya chercher et lui offrit l'hospitalité. Moïse con- 
sentit à demeurer avec lui; il épousa une de ses filles, 
la plus belle, dit Philon, nommée Séphora. Elle lui 
donna un fils, qu'il appela Gersam. Exod., H, 16-22. 
Voirt in, col. 213. La Vulgate, Exod., Il, 22, mentionne 
immédiatement après la naissance d'Éliézer, second fils 
de Moïse; mais le texte hébreu ne contient pas_ à cet 
endroit cette mention, qui probablement a été emprun- 
tée à Exod., xviii, 4. Si, comme le dit saint Etienne, 
Act., vu, 30, Moïse passa 40 années au pays de Madian, 
il faut en conclure qu'il servit Raguël plusieurs années 
avant d'épouser Séphora ou que celle-ci n'enfanta Ger- 
sam qu'après un certain nombre d'années de mariage, 
puisque Gersam était encore petit enfant quand son 
père retourna en Egypte. Exod., iv, 20. Moïse eut la 
garde des troupeaux de son beau-père, et Philon ad- 
mire dans <;ette circonstance la sollicitude de la Pro- 
vidence qui faisait ainsi faire à Moïse l'apprentissage du 
gouvernement des hommes. 

II. Mission de Moïse. — 1° Dieu la révèle. — Long- 
temps après la fuite de Moïse, Exod., n, 23, après 40 ans, 
Act., n, 30, puisque Moïse avait 80 ans quand il se pré- 
senta devant le Pharaon, Exod., vu, 7, le roi d'Egypte, 
dont la fille avait adopté Moïse, mourut. Les Israélites 
qu'il avait opprimés crièrent vers le ciel, et au souvenir 
■de son alliance avec leurs pères, Dieu eut pitié d'eux. 
Exod., n, 23-25. Or, dans ces conjonctures, Moïse, qui 
faisait paître le troupeau de son beau-père, le conduisit 
au fond du désert et parvint au mont Horeb. Exod., ni, 
1. Voir t. m, col. 753. Dieu (ou son ange) lui apparut 
dans un buisson ardent, qui ne se consumait pas. 
Exod., m, 2. Voir t. i, col. 1969-1970. Attiré par cette 
merveille, Moïse s'approcha pour s'en rendre compte; 
mais Dieu lui interdit d'avancer plus loin et lui ordonna 
d'ôler ses sandales, parce que le lieu que ses pieds fou- 
laient était une terre sainte. Exod., m, 3-5. Dieu se fit con- 
naître à lui comme le Dieu de ses pères, et Moïse se 
cacha le visage, n'osant regarder le Seigneur. Il lui 
annonce ensuite qu'il l'a choisi pour délivrer son peuple 
de l'oppression d'Egypte et pour le conduire au pays 
des Chananéens. Exod., m, 6-10; Act., vu, 30-35. Moïse 
décline modestement cet honneur; mais Dieu lui pro- 
met son assistance et l'assure du succès de sa mission, 
eu lui donnant l'ordre de lui faire offrir, après la déli- 



vrance de son peuple, un sacrifice sur le mont Horeb. 
Exod., in, 11, 12. Moïse accepte la mission qui lui est 
confiée; mais il demande quel est le nom de ce Dieu 
qui l'envoie. Dieu lui révèle alors son nom. Exod., iir, 
13-15. Voir t. m, col. 1223-1233. C'est au nom de ce 
Dieu que Moïse annoncera aux anciens du peuple la 
mission dont il est chargé. Ils l'écouteront et ils iront 
avec lui demander, au nom de leur Dieu? au Pharaon 
d'aller à trois journées de chemin dans le désert pour 
offrir un sacrifice. Le Pharaon ne cédera que par la 
force; mais Dieu frappera l'Egypte de grands coups. Les 
Égyptiens laisseront enfin partir les Hébreux et leur 
feront de grands présents. Exod., ni, 16-22. 

Moïse craint de nouveau de ne pas être cru par les 
siens. Dieu détruit sa résistance par des actes et lui 
fait produire les signes qui attesteront sa mission divine. 
La verge qu'il tenait à la main est changée en serpent, 
à l'aspect duquel Moïse prend la fuite. Dieu lui ordonne 
de saisir par la queue ce serpent qui redevient verge. La 
main de Moïse, mise dans son sein, se couvre de lèpre, 
et remise une seconde fois dans son sein, reprend son 
état naturel. Si ces deux signes, réalisés sur place, ne 
suffisent pas à convaincre les Israélites, Dieu dit à Moïse 
qu'il pourra changer l'eau en sang. Exod., iv, 1-9. 
Moïse recourt encore à un dernier refuge. If n'a jamais 
eu de facilité de parler, vraisemblablement par suite 
d'un défaut naturel qui rend sa langue épaisse (d'après 
Philon, sa voix était grêle et sa parole lente}; mais 
depuis que Dieu converse avec lui, sa langue est encore 
moins libre et plus empêchée. Dieu lui rappelle sa 
puissance créatrice et lui promet de l'assister spécia- 
lement et de lui apprendre ce qu'il devra dire. Moïse 
récuse encore la mission et prie Dieu d'en charger un 
autre. Dieu s'irrite de tant de résistance. Il donne à 
Moïse un aide. Aaron, son frère, qui est éloquent, vien- 
dra à sa rencontre et parlera à. sa place; il sera auprès 
du peuple son porte-parole et Moïse lui suggérera ce 
qu'il devra dire. Enfin, Dieu commande à Moïse d'em- 
porter la verge, avec laquelle il opérera des miracles. 
Exod., iv, 10-17. 

2° Moïse exécute sa mission. — Moïse retourne donc 
chez son beau-père, et sans lui divulguer la mission 
divine dont il était chargé, il lui annonce seulement qu'il 
retourne en Egypte voir si ses frères sont encore en vie. 
Les rabbins, Talmud de Jérusalem, traité Nedarim, ix, 
1, trad. Schwab, Paris, 1886, t. vin, p. 226, ont conclu 
que le vœu, fait par Moïse, de demeurer toujours chez 
Jéthro, avait été annulé pour une cause survenue posté- 
rieurement. Jéthro laisse partir son gendre en paix. 
Moïse prend avec lui Séphora, sa femme, et ses fils, dit 
le texte actuel; mais si la naissance d'Éliézer, Exod., n, 
22, est une addition, le récit original n'aurait parlé que 
de Gersam, et Moïse n'aurait eu alors qu'un fils, le seul 
mentionné. Exod., iv, 25. La mère et l'enfant étaient sur 
un âne, et Moïse tenait dans sa main la verge miracu- 
leuse. Au début de son voyage, Dieu. lui prédit l'endur- 
cissement du Pharaon, qui ne sera vaincu que par la 
mort de son fils aîné. Exod., iv, 18-23. En cours de route 
survint un incident sur lequel nous ne sommes pas 
clairement renseignés. Durant une halte de nuit, le Sei- 
gneur se jeta sur Moïse pour le tuer. Exod., iv, 24. Le 
récit biblique ne dit explicitement ni pourquoi ni com- 
ment. Mais du contexte on conclut que la menace divine 
était provoquée par le fait que Gersam n'avait pas été 
circoncis. Le targum de Jérusalem a imaginé que Jéthro 
s'était opposé à la circoncision de son petit-fils. Les 
rabbins ne pouvaient admettre que Moïse ait négligé de 
remplir ce devoir; ils ont supposé que son unique tort 
fut de retarder la circoncision soit avant son départ de 
Madian, soit à cette halte en remettant l'opératfon au 
lendemain. Talmud de Jérusalem, traité Nedarim, m, 
10, ibid., p. 187. Séphora comprit la raison du danger 
que courait son mari ou son enfant, d'après les mêmes 



1193 



MOÏSE 



1196 



rabbins, et prenant une pierre aiguë, elle circoncit son 
fils. Puis elle toucha ses pieds. De qui? De Dieu, ou de 
son ange, présent sous une forme sensible, suivant le 
targum d'Onkelos; mais plutôt ceux de Moïse ou de l'en- 
fant, en faisant toucher, à dessein ou par hasard, du pré- 
puce ou de la pierre ensanglantée les pieds de son mari 
ou de son fils. Targum de Jérusalem, loc. cit., p. 188. 
B, Baentsch, Exodus, Gœttingue, 1903, p. 35, suppose que 
Moïse n'était pas circoncis (il interprète Jos., v, 9, dans 
le sens que les Israélites avaient cessé de circoncire 
leurs enfants pendant leur séjour en Egypte) et que 
Séphora fit toucher le prépuce de son fils aux pieds 
(euphémisme pour virilia) de son mari afin de lui 
appliquer le rite de la circoncision et le mettre à l'abri 
de la colère divine. Elle expliqua, en effet, son geste 
par ces paroles : « Vous m'êtes un époux de sang, » 
et Dieu laissa Moïse, quand elle eut dit ces paroles, à 
cause de la circoncision accomplie. Exod., îv, 25, 26. 
Quant à l'expression : « époux de sang, » les rabbins 
l'entendaient en deux sens différents. Selon une version, 
Séphora aurait dit à l'ange : « L'époux de sang (mon 
mari, pour qui j'ai circoncis mon fils et accompli l'al- 
liance de sang), est recherché par loi, laisse-le-moi en 
vie. n Selon une autre, elle aurait dit à son fils : « Toi 
circoncis, grâce au sang versé, tu me restes vivant. » 
Talmud de Jérusalem, loc. cit., p. 187. Le mot arabe, 
hathan, signifie, en effet, « circoncis. » En outre, la 
phrase : « Et il le laissa, » qui est généralement entendue 
de Dieu qui, satisfait, épargna la vie de Moïse, est ap- 
pliquée dans le Pentateuque samaritain à Moïse qui 
renvoya Séphora chez son père. Le P. de Hummelauer, 
Comment, in Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 63-64, 
nonobstant la forme masculine du verbe, l'entend de 
Séphora, qui quitta Moïse. Il veut ainsi rendre compte 
de l'absence de Séphora dans la suite du récit et de son 
retour mentionné Exod., xvm, 2. 

Cependant Dieu ordonnait à Aaron d'aller à la ren- 
contre de son frère. Aaron vint dans la région de l'Horeb 
et ayant rencontré Moïse, il le baisa. Moïse lui raconta 
la mission qu'il avait reçue de Dieu et les miracles qui 
s'étaient réalisés. Dès lors, Aaron fut le compagnon et 
l'interprète de son frère. Arrivés ensemble à la terre de 
Gessen, ils réunirent les anciens. Aaron leur rapporta 
tout ce que Dieu avait dit à Moïse et fit devant le peuple 
les miracles qui devaient confirmer la mission reçue. Le 
p juple crut et comprit que Dieu voulait le délivrer; 
aussi tous se prosternèrent-ils devant Moïse et Aaron. 
Exod., iv, 27-31. 

3° Moïse devant le Pharaon. — Reçus par le peuple, 
Moïse et Aaron remplissent auprès du roi d'Egypte la 
difficile mission dont Dieu les avait chargés. Au nom 
du Dieu d'Israël, ils demandent au Pharaon la liberté 
pour les Israélites d'aller dans le désert offrir un sacri- 
fice. Pharaon, qui ne connaît pas le Dieu d'Israël, refuse 
l'autorisation demandée. Moïse et Aaron insistent et 
déclarent qu'ils doivent sacrifier au désert sous peine 
d'être punis par la peste ou par le glaive. Le roi ne voit 
dans cette demande qu'un moyen détourné de faire chô- 
mer les Israélites; il congédie brutalement les deux 
frères et il surcharge les Israélites, exigeant la même 
quantité de briques, tout en refusant de fournir la paille 
nécessaire. Voir 1. 1, col. 1933. Les préposés des travaux 
furent battus de verges, parce que leurs ouvriers n'abou- 
tissaient plus à satisfaire à la tâche imposée. Leurs ré- 
clamations ayant été vaines, ils se plaignirent amèrement 
à Moïse du sort que sa démarche leur avait attiré. Moïse, 
à son tour, se plaignit à Dieu que son intervention n'ait 
fait qu'aggraver les maux d'Israël. Exod., v, 1-23. Pour 
le réconforter, Dieu lui renouvela toutes ses promesses. 
Exod., vi, 1-8. Voir t. m, col. 1233. Moïse le rapporta aux 
Israélites, qui ne l'écoutèrent point,- tant ils étaient acca- 
blés par l'angoisse et l'oppression. Exod., vi, 9. Dieu lui 
ordonna d'aller trouver de nouveau le Pharaon. Moïse, 



rejeté par les Israélites, craint que le roi l'écoute moins 
encore, d'autant que ses lèvres sont incirconcises; mais 
Dieu réitère ses ordres, Exod., vi, 10-13, 27-30. Aaron sera 
le prophète ou l'interprète de son frère. Dieu endurcira 
le cœur du Pharaon et multipliera les prodiges pour 
l'amollir. Il n'aboutira que par la sévérité; mais les 
Égyptiens sentiront la puissance de son bras. Moïse et 
Aaron se soumirent aux ordres de Dieu. Moïse avait 
alors 80 ans. Exod., vit, 1-7. Artapan prétend que Moïse 
fut mis en prison par le roi d'Egypte, mais qu'il put 
s'échapper et parvenir auprès du Pharaon endormi. Il 
l'éveilla et lui dit à l'oreille le nom de Dieu; le roi 
tomba aussitôt sans vie; mais Moïse le ressuscita. Clé- 
ment d'Alexandrie, Strom., i, 23, t. vin, col. 900-901; 
Eusèbe, Prxp. evang., ix, 27, t. xxi, col. 733. 

La suite du récit biblique nous apprend comment 
Moïse et Aaron remplirent leur mission auprès du Pha- 
raon et par quels signes Dieu triompha de l'endurcisse- 
ment du roi d'Egypte. Le premier prodige réalisé devant 
le roi fut le changement de la verge en serpent. C'est 
par la main d' Aaron qu'il eut lieu. Le Pharaon appela des 
sages et des magiciens, qui par leurs enchantements et 
les secrets de leur art changèrent, eux aussi, des verges 
en serpents. Voir t. h, col. 1444, 1445; t. iv, col. 564. La 
tradition juive a conservé les noms de deux de ces magi- 
ciens, Jannès et Mambrès. II Tim., m, 8. Voir t. ni, 
col. 1119; t. iv, col. 635-636. Ce prestige endurcit le cœur 
du roi, qui resta insensible à la demande de Moïse et 
d' Aaron. Exod., vu, 8-13. Alors Dieu résolut de trapper 
de plus grands coups, et le récit sacré rapporte dix mi- 
racles successifs, connus sous le nom de « plaies 
d'Egypte ». Ces événements, quoique conformes à des 
phénomènes naturels à l'Egypte, sont miraculeux et sont 
présentés comme des fléaux ou des calamités publiques. 
Même ceux qui rentrent dans la catégorie des faits qui 
se produisent tous les ans en Egypte apparaissent comme 
des prodiges divins par leur caractère extraordinaire ; ils 
ont lieu aussi au moment choisi et annoncé par Dieu. 
Ils ont toujours été considérés dans la Bible comme de 
véritables miracles de Dieu. Deut, vi, 22; vu, 18-20; 
xi, 3; xxix, 2-4; xxxiv, 11 ; Jos., xxiv, 5; Ps. civ, 26-38; 
cv, 12, 21-23; Act., vu, 36. Cf. F. Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e édit., Paris, 1896, t. il, 
p. 305-313. On peut les partager en deux groupes : les 
uns sont des actes de vengeance ou des représailles par 
lesquels Dieu punit sévèrement le refus de laisser partir 
son peuple; les autres sont plutôt des prodiges, des 
signes, par lesquels Moïse et Aaron légitiment leur mis- 
sion divine, et que les magiciens ne peuvent imiter. 
C'est ou bien Aaron sur l'ordre de Moïse, ou bien Moïse 
sur l'ordre de Dieu, ou bien Dieu lui-même qui les 
accomplissent tour à tour. Les deux premiers sont imités 
par les magiciens, dont l'art est impuissant à reproduire 
le troisième. Ils sont aussi gradués et deviennent de 
plus en plus forts. Les trois premiers s'étendent à toute 
l'Egypte; les suivants épargnent les Israélites. Les uns 
sont annoncés ; les autres arrivent soudain et sans aver- 
tissement préalable. L'ensemble constitue entre Dieu et 
le Pharaon un combat, dans lequel se manifeste la toute- 
puissance divine sur la nature entière. L'impression 
produite va aussi croissant : si les premiers prodiges 
laissent le roi insensible, les autres l'ébranlent, l'épou- 
vantent et le dernier le terrifie et le fait céder, de sorte 
que le triomphe reste à Dieu. 

1. La première plaie est celle de l'eau changée en 
sang. Elle a pour but d'amollir le cœur du roi et elle 
doit être annoncée au roi comme une preuve de la divi- 
nité du Dieu des Hébreux. Elle est opérée par la verge 
de Moïse et d' Aaron et elle a pour effet que l'eau du Nil 
et de ses bras, des canaux, des marais et dés réservoirs 
est changée en sang dans toute l'Egypte. Il ne s'agit pas 
! du phénomène annuel, connu sous le nom de « Nil 
rouge », voir Nil, mais du changement réel de l'eau en 



1197 



MOÏSE 



1198 



sang vérilable. La simple coloration rouge ne serait un 
miracle qu'autant qu'elle aurait eu lieu à une époque 
différente de celle où les eaux du Nil deviennent natu- 
rellement rouges. D'ailleurs, l'eau ainsi changée fit périr 
lea poissons et cessa d'être potable non seulement dans 
le fleuve lui-même et ses canaux, mais encore dans les 
étangs et réservoirs de l'Egypte entière. Ces effets n'ar- 
rivent pas dans le phénomène du Nil rouge. Les magi- 
ciens imitèrent ce prodige par leurs enchantements, et 
le Pharaon ne fut pas touché. Il rentra dans son palais 
sans avoir accordé à Moïse ce qu'il demandait. Exod., 
vu, 14-24. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, t. n, p. 314-322. 

2. Sept jours après, Exod., vu, 25, Dieu fit annoncer 
par Moïse au Pharaon que, s'il ne laissait pas partir le 
peuple d'Israël, tout son empire serait envahi par des 
grenouilles qui, sortant du Nil, pénétreraient partout, 
même dans les maisons, et souilleraient le pain et les 
viandes. L'événement se réalisa comme il avait été pré- 
dit. Les magiciens imitèrent le prodige opéré par Aaron; 
mais leur contrefaçon ne fit qu'aggraver le fléau. Le 
Pharaon dut recourir à l'intercession de Moïse et d' Aaron 
pour faire cesser la plaie. A l'heure fixée par le roi et 
sur la prière de Moïse, les grenouilles périrent. Pharaon, 
délivré de ce fléau, n'accorda pas à Moïse l'objet de sa 
demande. Exod., vin, 1-15. Voir t. m, col. 347-348; 
F. Vigouroux, loc. cit., p. 323-325. 

3. La troisième plaie, dont Dieu frappa l'Egypte pour 
vaincre l'obstination du roi, fut l'invasion des mousti- 
ques. Voir ce nom. Les magiciens ne purent imiter ce 
prodige et reconnurent son caractère divin. Exod.,vm, 
19; Vigouroux, loc. cit., p. 325-327. 

4. Le Pharaon, ne cédant pas, attira sur son royaume 
un quatrième fléau, qui lui fut annoncé ; c'est celui des 
mouches (voir ce nom), qui couvrirent l'Egypte entière 
à l'exception de la terre de Gessen où habitaient les Israé- 
lites. L'événement se réalisa au lendemain de sa pré- 
diction. Le Pharaon épouvanté permit à Moïse d'offrir à 
Dieu le sacrifice qu'il réclamait, mais sur la terre 
d'Egypte. Moïse refusa la transaction proposée et réitéra 
sa demande d'aller dans le désert à trois jours de mar- 
che. Le Pharaon céda et réclama l'intercession de Moïse. 
Celui-ci pria le Seigneur et le lendemain les mouches 
disparurent de l'Egypte. Mais le roi revint sur la parole 
donnée et ne permit plus aux Israélites de partir. Exod., 
vm, 20-32; F. Vigouroux, loc. cit., p. 327-328. 

5. Un cinquième fléau, la peste des animaux, fut an- 
noncé au roi pour l'amener à changer de résolution. Le 
lendemain de cette prédiction, les bestiaux de l'Egypte 
périrent, mais pas ceux des Israélites, Le prodige cons- 
taté ne suffit pas encore à vaincre la résistance du Pha- 
raon. Exod., IX, 1-7. 

6. Une représaille divine vint punir l'endurcissement 
royal. Une poignée de cendre, jetée en l'air par Moïse 
devant Pharaon, produisit des ulcères chez les hommes 
et les animaux; le mal atteignit les magiciens eux- 
mêmes. Mais le cœur du roi demeura dur et insensible. 
Exod., ix, 8-12. C'est pourquoi Dieu résolut de frapper de 
plus grands coups. 

7. Il fit annoncer par Moïse au Pharaon une grêle 
extraordinaire qui tuerait les hommes et les bêtes restés 
dans les champs. Les Égyptiens qui tinrent compte de 
la menace divine firent rentrer chez eux leurs serviteurs 
et leurs bestiaux ; les autres les laissèrent à la campagtfe. 
Moïse ayant levé sa verge vers le ciel, il tomba sur toute 
l'Egypte une grêle, accompagnée d'éclairs et de coups de 
tonnerre, telle qu'on n'avait jamais vu la pareille dans le 
pays, ou elle est rare et bénigne. L'orge et le lin furent 
ainsi détruits ; mais le froment et l'épeautre, qui étaient 
plus tardifs, ne furent pas hachés. La terre de Gessen 
fut entièrement épargnée. Voir t. m, col. 336-337. Le Pha- 
raon reconnut sa faute et supplia Moïse et Aaron d'inter- 
céder auprès de Dieu pour obtenir la cessation de l'orage. 



Mais quand ses vœux furent exaucés, il oublia sa pro- 
messe et refusa encore de laisser partir les Israélites. 
Exod., ix, 13-35, Sur ces trois dernières plaies, voir Vi- 
gouroux, loc. cit., p. 329-333. 

8. Pour vaincre l'obstination du roi et manifester de 
plus en plus sa puissance, Dieu augmenta les coups de 
sa vengeance et envoya les sauterelles (voir ce mot) ra- 
vager le reste des récoltes que la grêle avait épargné. 
Cette huitième plaie fut annoncée à Pharaon pour le 
lendemain, s'il ne cédait pas. Sur les instances des 
grands de sa cour le roi consentait à laisser partir les 
hommes seulement pour offrir à Dieu dans le désert le 
sacrifice demandé; mais les femmes, les enfants et les 
troupeaux devaient rester en Egypte. Moïse n'accepta pas 
ces conditions; il fut congédié brutalement, mais aus- 
sitôt il étendit sa main et sa verge sur l'Egypte. Dieu fit 
souffler un vent d'est, qui souleva des essaims considé- 
rables de sauterelles, en quantité telle qu'on n'avait ja- 
mais vu une pareille invasion. Elles ravagèrent tout le 
pays. A la vue du désastre, le Pharaon reconnut de nou- 
veau ses torts et pria Moïse d'intercéder encore. Dieu fit 
lever un vent d'ouest qui enleva les sauterelles et les 
jeta dans la mer Rouge. Le Pharaon, toujours endurci, 
refusa de laisser partir les Israélites. Exod., x, 1-20; 
voir Vigouroux, loc. cit., p. 334-340. 

9. Par représailles, Dieu répandit sur l'Egypte pendant 
trois jours des ténèbres si épaisses qu'on pouvait les 
toucher, tandis que le soleil continuait à luire au pays 
occupé par les Israélites. Pharaon fit alors de plus larges 
concessions; il ne retenait plus que les troupeaux. Moïse 
refusa, puisqu'il fallait des animaux pour le sacrifice. 
Le Pharaon persista dans son refus, et défendit à Moïse 
de reparaître devant lui. Exod , x, 21-29 ; voir Vigouroux, 
loc. cit., p. 341-347. Moïse déclara fièrement qu'il ne 
reviendrait plus et sortit du palais en colère. Exod., 
xi, 9. 

10. Une dernière plaie, plus terrible que les précé- 
dentes, devait vaincre l'obstination du roi. Dieu l'annonce 
à Moïse, qui recommandera aux Israélites de demander 
aux Égyptiens des vases d'or et d'argent. Le coup décisif 
sera la mort de tous les premiers-nés des hommes et 
des animaux durant la même nuit. Alors les Égyptiens 
supplieront les Israélites de partir. Exod., xi, 1-8. Dieu 
institua à qe moment les rites tant de la première Pàque 
que de sa célébration annuelle à l'avenir, Exod., xn, 
1-20, voir Pâque, el Moïse communiqua aux anciens du 
peuple les ordres de Dieu. Exod., xn, 21-27. Les Israé- 
lites célébrèrent la première Pâque. Or il arriva qu'au 
milieu de la nuit le Seigneur fit mourir tous les pre- 
miers-nés d'Egypte, de sorte qu'il n'y avait aucune maison 
où il n'y eût un mort. Un cri de terreur s'éleva dans 
tout le pays, et le Pharaon, ayant fait appeler Moïse et 
Aaron cette nuit même, leur ordonna de partir et d'em- 
mener même les troupeaux. Les Égyptiens pressaient 
les Israélites de s'éloigner au plus vite, et ils leur don- 
nèrent de bon cœur des vases d'or et d'argent et beau- 
coup de vêtements. Exod., xii, 28-36. 

4° Sortie d'Egypte. — Après un séjour de 430 ans en 
Egypte, les Israélites quittèrent ce pays; ils partirent de 
Bamessés et vinrent à Socoth, où ils firent cuire la pâte 
non levée qu'ils avaient emportée. Exod., xii, 37-41. 
C'est à cette occasion que fut instituée la fête de la Pàque, 
Heb., xi, 28, et que Dieu exigea la consécration des 
premiers-nés d'Israël. Exod., xn, 42-xm, 16. Les rab- 
bins prétendaient que la voix de Moïse, lorsqu'il pro- 
mulgua l'immolation de l'agneau pascal, fut entendue 
dans toute l'Egypte, longue de 40 jours de marche, 
comme celle de Pharaon, autorisant le départ des Israé- 
lites. Talmud de Jérusalem, traité Pesahim, v, 5, 
trad. Schwab, Paris, 1882, t. v, p. 76. Moïse emportait 
les ossements de Joseph pour se conformer à la recom- 
mandation de ce patriarche. Exod., xm,19. Les Israélites, 
guidés par la nuée lumineuse, se dirigèrent vers la mer 



1499 



MOÏSE 



1200 



Rouge et de Socoth vinrent camper à Etham.Exod.,xin, 
17-22. Moïse reçut de Dieu l'ordre de changer la direc- 
tion de sa marche et d'aller vers la pointe septentrio- 
nale de la mer Rouge. Le Pharaon (voir Mènephtah, 
col. 965), se repentant d'avoir laissé partir les Israélites, 
les poursuivit avec son armée. Il les rejoignit à Phiha- 
hiroth, en face de Béelséphon. Se voyant serrés de près 
par les Égyptiens, les Israélites se plaignirent à Moïse, 
qui leur rendit confiance en leur annonçant la miracu- 
leuse protection de Dieu. Exod., xiv, 1-14. Cf. Talmud 
de Jérusalem, traité Taanith, n, 6, trad. Schwab, Paris, 
1883, p. 158. Dieu, en effet, donna ses ordres à Moïse 
et lui communiqua son plan de faire passer aux Israé- 
lites la mer Rouge à pied sec et d'y engloutir l'armée 
égyptienne. Exod., xiv, 15-18. Protégés par l'ange du 
Seigneur, qui se tenait à l'arrière du camp, les Israé- 
lites passèrent la mer, entrouverte sur un geste de Moïse, 
mais les Égyptiens périrent au milieu des flots qui se 
rejoignirent. A la vue de cet éclatant prodige, les Israé- 
lites eurent confiance en Dieu et en Moïse, son servi- 
teur. Exod., xiv, 19-31. Voir Rouge (Mer). Michée, vi, 4, 
reconnaît Moïse, Aaron et Marie comme les libérateurs 
d'Israël et ses guides dans la sortie d'Egypte. Le pas- 
sage de la mer Rouge est resté dans la tradition juive 
comme un des bienfaits les plus signalés de Dieu à 
l'égard de son peuple. Josué, xxiv, 6, 7; Deut., xi, 4; 
Ps. lxxvi, 17-21; civ, 39; cv, 7-12; Is., lxih, 11-13; 
I Cor., x, 2; Heb., xi, 29. Moïse entonna un cantique 
d'action de grâces, que les Israélites chantèrent avec lui, 
Exod., XV, 1-21. Les rabbinsont imaginé des circontances 
extraordinaires sur la manière dont le chant de ce can- 
tique fut exécuté, et ils ont prétendu que les enfants, 
sur les genoux ou dans le sein même de leurs mères, 
ont pris part à ce chant. Talmud de Jérusalem, traité 
Sota, v, 4, trad. Schwab, Paris, 1885, p. 287-288. 

III. Moïse, chef et législateur d'Israël dans le 
désert. — 1° De la mer Rouge au Sinaï. — Des rives 
de la mer Rouge, Moïse conduisit les Israélites dans le 
désert de Sur, où ils marchèrent trois jours sans trouver 
d'eau. Quand ils rencontrèrent une source, ils n'en pu- 
rent pas boire parce qu'elle était amère; aussi appelé- 
rent-ils ce lieu Mara. Le peuple murmura contre Moïse 
qui, au moyen d'un bois, adoucit miraculeusement les 
eaux et les rendit potables. Dieu éprouvait ainsi les 
siens, et il leur donna cette leçon que, s'ils lui obéissent 
et lui sont fidèles, ils n'ont rien à redouter. Exod., xv, 
22-26. Voir col. 707-711. La station suivante fut à Élim. 
Exod., xv, 27. Voir t. il, col. 1680-1683. Dans le désert 
de Sin, le peuple murmura de nouveau contre Moïse 
.et Aaron; il regrettait les viandes d'Egypte et craignait 
de mourir de faim dans la solitude. Dieu lui promit un 
pain du ciel et de la viande à satiété. Le soir même, 
une quantité de cailles couvrirent le camp. Voir t. n, 
col. 33-37. Le lendemain matin, il y eut tout autour du 
campement une couche de rosée, qui fut appelée 
manne et qui servit de nourriture aux Israélites durant 
tout leur séjour au désert. Exod., xvi, 1-31. Voir 
col. 656^63. Cf. Ps. civ, 41; cv, 13-15; Joa., vi, 32; 
I Cor., x, 3. A Raphidim,il n'y avait pas d'eau. De nou- 
veaux murmures s'élevèrent encore contre Moïse qui, 
craignant d'être lapidé, eut recours au Seigneur. Le 
rocher d'Horeb, frappé par la verge de Moïse, donna de 
l'eau en abondance. Exod., xvu, 1-7. Cf. Deut., vi, 16; 
Ps. lxxyii, 15, 16; cxiii, 8; I Cor., x, 4, Les Amalé- 
cites attaquèrent les Israélites à Raphidim. Tandis que 
Josué combattait dans la plaine, Moïse priait sur la 
montagne. Tant que ses mains étaient élevées, Israël 
était victorieux; quand, vaincu par la fatigue, il les 
abaissait, Amalec avait l'avantage. Aaron et Hur firent 
donc asseoir Moïse sur une pierre et lui soutinrent les 
mains des deux côtés. La victoire fut complète au cou- 
cher du soleil. Moïse en écrivit le récit et dressa un 
autel comme mémorial éternel. Exod., xvii, 8-16. Cf. 



Judith, rv, 13. Voir t. i, col. 430. Cf. Talmud de Jérusa- 
lem, traité Rosch haschana, m, 8, trad. Schwab, Paris, 
1883, t. v, p. 90-M. 

Jéthro, ayant appris l'exode des Israélites, ramena à 
Moïse Séphora et ses deux fils. Si Gersam seul était pri- 
mitivement mentionné, Exod., n, 21; iv, 20, il faudrait 
conclure qu'Éliézer est né après le départ de son père. 
F. de Hummelauer, Exodus et Leviticus, p. 184. Moïse 
prévenu alla à la rencontre de son beau-père, le salua et 
le baisa. Il lui raconta ce que Dieu avait fait pour 
Israël en Egypte; Jéthro en bénit Dieu à qui il offrit des 
sacrifices. Le lendemain, Moïse s'assit pour rendre la 
justice et il y fut occupé du matin au soir. Jéthro s'étonne 
que Moïse seul remplisse la fonction de juge. En vain, 
Moïse allègue-t-il que le peuple le consulte et qu'il lui 
apprend les ordonnances de Dieu. Jéthro conseille à son 
gendre d'établir des juges pour le règlement des affaires 
courantes et de se réserver les questions religieuses. 
Moïse suit ce conseil et établit des juges et des chets en 
Israël. Exod., xvm, 1-27; Deut., i, 12-18. Voir t. m, 
col. 1522-1523. 

2» Au pied du Sinaï. — Le troisième mois après 
l'exode, les Israélites arrivèrent au pied du Sinaï et y 
dressèrent leurs tentes. Dieu appela Moïse du sommet 
de la montagne et le chargea de proposer au peuple une 
alliance spéciale. Le peuple accepta les propositions 
divines. Après trois jours de préparation, le Seigneur 
se manifesta au milieu des éclairs et du tonnerre, et 
dans cet appareil saisissant, il promulgua les conditions 
do l'alliance, le décalogue et un code spécial, nommé 
le livre de l'alliance. Exod.,xix, 1-xxm, 33. Cf. Deut.,i, 
6; m, 10-19, 33, 36; v, 5-22; Act., vil, 38; Heb., xn, 21. 
Voir t. i, col. 388. Moïse servait d'intermédiaire entre 
Dieu et son peuple. Deut., v, 23-31. L'alliance fut con- 
clue par l'engagement du peuple à observer toutes les 
ordonnances divines et par un sacrifice solennel. Moïse 
lut le livre de l'alliance et il répandit sur le peuple la 
moitié du sang versé. Dieu se manifesta à Moïse et aux 
anciens. Exod., xxiv, 1-11. Moïse monta ensuite seul au 
sommet du Sinaï et y passa quarante jours et quarante 
nuits, Exod., xxiv, 12-18, durant lesquels il ne prit au- 
cune nourriture. Deut., ix, 9. Dans cet intervalle de 
temps, Dieu communiqua à Moïse une série d'ordon- 
nances sur les objets du culte et les vêtements sacer- 
dotaux. Exod., xxv, 1-xxxi, 17. En le congédiant, il lui 
remit les deux tables de la loi, écrites de sa main. 
Exod., xxxi, 18. 

Pendant le long séjour de Moïse sur le Sinaï, le peuple, 
ignorant ce qui lui était advenu, pria Aaron de lui fa- 
briquer des dieux, une idole, et Aaron leur fit un veau 
d'or. Il éleva un autel et annonça pour le lendemain une 
grande solennité. Dieu avertit Moïse de cette apostasie, 
qu'il voulait punir par l'extermination des coupables. 
Moïse s'interposa et calma la colère de Dieu, en lui rap- 
pelant ses antiques promesses. Il descendit de la mon- 
tagne avec les tables de la loi. Josué, entendant les cris 
du peuple, crut aux clameurs d'une bataille ; mais Moïse, 
mieux au courant, discernait le bruit des chœurs. En 
approchant du camp, il vit le veau d'or el les Israélites 
qui dansaient tout autour. Entrant alors dans une grande 
colère, il jeta les tables de l'alliance qu'il tenait à la main, et 
les brisa au pied de la montagne. Exod., xxxn, 1-19. Cf. 
Deut., ix, 8-21; Ps. cv, 19-23; Talmud de Jérusalem, 
traité Taanith, iv, 5, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, 
p. 184-185. Saisissant ensuite le veau d'or, il le fit fondre 
au feu et le réduisit en poudre; il jeta cette poudre dans 
l'eau et la fit boire aux Israélites. Il adressa des repro- 
ches à Aaron. Comme le peuple était désarmé, il ras- 
sembla tous ceux qui étaient demeurés fidèles au Sei- 
gneur. C'était la tribu de Lévi. Moïse ordonna aux fils 
de Lévi de tuer les coupables, qui périrent au nombre 
de 23000 hommes, ou 3000 seulement, selon le texte 
hébreu. Moïse promit aux fils de Lévi une bénédiction 



lâôi 



MOÏSE 



1202 



spéciale en récompense de leur fidélité et de leur cou- 
rage. Exod., xxxii, 20-29. Voir col. 202. 

Le lendemain, Moïse reprocha au peuple son crime 
et s'engagea à en obtenir de Dieu le pardon. Étant re- 
monté vers le Seigneur, il sollicita l'oubli de la faute, 
préférant plutôt être effacé du livre des vivants. Le Sei- 
gneur promit à Moïse son assistance pour l'accomplis- 
sement de sa mission, mais refusa de pardonner aux 
coupables. Exod.,xxxn, 30-35. Il tiendra ses promesses, 
mais il menace d'abandonner son peuple. Celui-ci se 
mit à pleurer. Dieu exigea la continuation du deuil. Moïse 
transporta sa tente hors du camp, où le peuple allait le 
consulter et où Dieu se manifestait à Moïse face à face. 
Exod., xxxiii, 1-11. (Ce récit est enchevêtré.) Moïse inter- 
vient de nouveau auprès de Dieu et le supplie dé ne pas 
l'abandonner et de l'aider dans l'accomplissement de sa 
mission. Dieu cède à sa sollicitation et lui révèle sa 
gloire comme preuve qu'il le protège et qu'il ne délaisse 
pas son peuple. Exod., xxxm, 12-23. Voir t. m, col. 251. 

Après avoir ainsi rendu sa grâce à son peuple coupable, 
Dieu voulut renouveler l'alliance violée par l'adoration 
du veau d'or. Il dit à Moïse de tailler deux tables de 
pierre pareilles aux premières et de monter seul le len- 
demain matin auprès de lui. Moïse obéit à son ordre et 
monta avec les deux tables. Exod., xxxiv, 1-4. Unrabbin 
a imaginé que Moïse s'était enrichi par les déchets de 
ces tables, taillées dans des matériaux fort précieux. 
Mais un autre rabbin expliquait autrement la richesse 
de Moïse ; il disait que Dieu lui découvrit dans sa tente 
une mine de pierres précieuses et de perles. Talmud de 
Jérusalem, traité Scheqalim, v, 2, trad. Schwab, Paris, 
1882, t. v, p. 295. Dieu descendit dans la nuée, et Moïse 
le priait humblement d'effacer les iniquités de son 
peuple. Dieu renouvela ses promesses, promulgua de 
nouveau le décalogue et résuma les ordonnances du 
culte qu'il imposait. Exod., xxxiv, 5-26. Moïse écrivit ces 
parolesde l'alliance et demeura surleSinaï quarante jours 
et quarante nuits sans manger ni boire. Exod,, xxxiv, 
27, 28 ; Deut. , ix, 18, 25 ; x, 10. Il descendit de la montagne 
avec les deux tables écrites de sa main. Des rayons de 
lumière partaient de son visage, depuis qu'il s'était en- 
tretenu avec Dieu, et il l'ignorait. Aaron et les anciens 
d'Israël n'osaient l'approcher. Moïse les convoqua avec le 
peuple et leur communiqua les ordres qu'il avait reçus de 
Dieu. Moïse couvrit ensuite son visage d'un voile, qu'il 
enlevait pour parler à Dieu et qu'il remettait pour con- 
verser avec les Israélites. Exod., xxxiv, 29-35. Cf. II Cor., 
lu, 7, 13-16. La Vulgate disant que Moïse était cornu- 
tus, on a pris l'habitude de le représenter avec des 
cornes sur le front, en donnant à ce mot un sens qu'il 
n'a pas. Moïse renouvela les prescriptions relatives au 
tabernacle, aux vases sacrés et aux vêtements sacerdo- 
taux. Les Israélites offrirent volontairement et surabon- 
damment les matériaux nécessaires que des ouvriers 
habiles mirent en œuvre. Exod., xxxv, 4-xxxix, 42. 
<Juand tout fut achevé, Moïse bénit le peuple. Exod., 
xxxix, 43. Dieu lui donna ensuite ses ordres pour la 
-consécration du tabernacle et des prêtres. Moïse les 
«xécuta fidèlement, érigea le tabernacle, le plaça dans 
l'arche, disposa tous les instruments du culte, et Dieu 
vint habiter le tabernacle. Exod., XL, 1-36. De ce taber- 
nacle, Dieu promulgua les lois sur les sacrifices. Lev., 
i-vn. Il régla aussi ce qui concernait la consécration 
d'Aaron et de ses fils. Moïse leur imposa les vêtements 
sacrés, oignit Aaron, Eccli., xlv, 18, et tous les objets 
du culte, et offrit un triple sacrifice pour la consécration 
■des prêtres. Il ordonna enfin à ces derniers de demeu- 
rer dans le tabernacle pendant sept jours. Lev., vm. Le 
huitième jour, les prêtres inaugurèrent leurs fonctions. 
Lev., ix. Les deux fils aines d'Aaron, Nadab et Ahiu, 
furent dévorés par le feu pour avoir mis un feu profane 
dans leurs encensoirs. Moïse fit porter leurs cadavres 
ihors du camp et dél'endi de prendre le deuil. Lev., x, 



1-7. Dieu promulgua â Moïse et à Aaron les lois relatives 
à la pureté. Lev., xi-xv. Il communiqua à Moïse seul 
les rites de la fête de l'expiation, Lev., xvi, voir t. H, 
col. 2136-2139, les lois de la sainteté, Lev., xvii-xxvi, et 
quelques autres lois. Lev., xxvii. Les rabbins concluent 
de Lev., xxiii, 44, que Moïse institua parmi les Israé- 
lites l'usage de lire le Pentateuqué, les samedis, jours 
de fêtes, néoménies et jours de demi-fêtes, Talmud de 
Jérusalem, traité Meghilla, rv, 1, trad. Schwab, Paris, 
1883, t. vi, p. 247. 

Le premier jour du second mois de la deuxième année 
après l'exode, Dieu ordonna à Moïse de faire le dénom- 
brement du peuple, tribu par tribu, sauf celle de Lévi. 
Num., i. Sur le procédé suivi par Moïse dans ce dé- 
nombrement selon les rabbins, voir Talmud de Jérusa- 
lem, traité Sanhédrin, i, 4, trad. Schwab, Paris, 1888, 
t. x, p. 241-243. Dieu régla aussi l'ordre des campements 
et des marches. Num., Ji. 11 associa les lévites aux prêtres, 
en ordonna le dénombrement et détermina leurs fonctions 
propres. Num., m, 5-iv, 49. Voir col. 205-207. Diverses 
lois particulières furent encore promulguées. Num., v, 
vi. Les chefs des douze tribus firent des offrandes au 
tabernacle. Num., vu, 1-88. Quand Moïse entrait dans 
le tabernacle, il entendait la voix de Dieu qui lui parlait 
du propitiatoire. Num., vu, 89. Il lui indiqua à quelle 
place il fallait mettre le candélabre et lui décriait 
les rites de la consécration des lévites, et fixa la durée 
de leur ministère. Num., vin. Quand l'époque de la cé- 
lébration de la seconde Pâque fut venue, Dieu renouvela 
ses ordonnances relatives à cette fête et régla quelques 
particularités de la solennité. Num., IX, 1-14. Il déter- 
mina aussi les signaux du départ et de l'arrêt dans les 
campements. Num., ix, 15-x, 10. 

3» Les campements dans le désert, — Le vingtième 
jour du même mois, les Israélites quittèrent le Sinaï et 
vinrent camper au désert de Pharan. Num., x, 11-28. 
Moïse invita Hobab à s'associer au peuple d'Israël et à 
lui servir de guide dans le désert. Num., X, 29-32. Voir 
t. m, col. 725-726. Pendant trois jours, les Israélites 
marchèrent guidés par l'arche, et Moïse priait au départ 
et à la halte. Num.. x, 33-36. Le peuple fatigué de la 
marché s'irrita contre le Seigneur, qui mit le feu à 
l'extrémité du camp. Deut., IX, 22. Il recourut à Moïse, 
qui intercéda pour lui auprès du Seigneur, et le feu 
s'éteignit. Num., xi, 1-3. La troupe des Égyptiens qui 
s'était jointe aux Israélites se dégoûta de la manne et se 
prit à regretter les viandes de son pays. Elle entraîna 
Israël dans sa convoitise. Moïse entendant les pleurs de 
ses frères se plaignit vivement au Seigneur irrité, pré- 
férant la mort à la lourde charge qu'il lui avait imposée. 
Dieu fit convoquer soixante-dix anciens et annoncer 
au peuple pour le lendemain la viande nécessaire à 
l'alimentation de tous pendant un mois entier. Pour 
vaincre l'incrédulité de Moïse, il lui assura que sa parole 
est toute-puissante; Moïse convaincu fit choisir soixante- 
dix anciens et les plaça auprès du tabernacle; Dieu leur 
communiqua une part de l'esprit qu'il lui avait donné 
à lui-même. Moïse ne fut pas jaloux des dons prophé- 
tiques faits à Eldad et Médad, et il répondit à Josué que 
son désir était de voir le peuple entier prophétiser. 
Num., xi, 4-30. Des cailles vinrent une seconde fois 
rassasier le peuple, qui fut puni de sa gourmandise. 
Num., xi, 31-34; Deut., ix, 22; Ps. lxxviii, 25-31. Voir 
t. n, col. 33-34. 

Marie et Aaron eux-mêmes parlèrent contre Moïse à 
cause de sa femme qui était Éthiopienne. Les commen- 
tateurs se sont demandé quelle était cette femme éthio- 
pienne de Moïse. Quelques-uns ont cru qu'après la 
mort de Séphora, Moïse avait réellement épousé au dé- 
sert une autre femme d'origine éthiopienne, et ils 
ont rapporté à ce mariage la légende de Moïse ayant, 
d'après Josèphe, Ant. jud., X, n, pris pour femme la 
fille du roi d'Ethiopie. Voir t. n, col. 2013-2014. Mais 



1203 



MOÏSE 



1201 



on comprendrait difficilement que Moïse, au lieu de 
choisir une femme de son peuple, ait pris une étrangère. 
Aussi d'autres commentateurs pensent-ils que cetle 
femme est la Madianite Séphora, naguère ramenée au 
camp par Jéthro. Ils estiment ou que le nom de « Cous- 
chite » pouvait désigner une Madianite, ou que Séphora 
avait des Éthiopiens parmi ses ancêtres, et ils supposent 
que cette femme ayant pris de l'influence et de l'auto- 
rité sur Moïse, Marie et Aaron en conçurent de la 
jalousie et firent ressortir qu'eux aussi avaient reçu des 
oracles divins. Moïse, qui était le plus doux des hommes, 
ne vengea pas son autorité contestée ; mais Dieu inter- 
vint, affirma la supériorité de Moïse, à qui il parlait 
face à face, et punit Marie de la lèpre. Aaron avoua sa 
faute, et Moïse intercéda pour sa sœur. Mais Dieu vou- 
lut que Marie, comme lépreuse, demeurât sept jours hors 
du camp. Num., xn, 1-15. Voir col. 776-777. 

Au désert de Pharan, Dieu ordonna à Moïse d'envoyer 
en Chanaan des explorateurs constater les forces et les 
richessesdupays.Auboutdequarantejours ils revinrentà 
Cadès et rendirent au peuple rassemblé compte de leur 
voyage. Si le pays était riche, il était occupé par de fortes 
races. Aussi la foule commença-t-elle à murmurer contre 
Moïse. Caleb essaya en vain de la calmer. Les autres 
explorateurs exagérèrent la taille et la puissance des 
Çhananéens. Talmud de Jérusalem, traité Taanith, iv, 5, 
trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 187-188. Le peuple se 
mit à crier et pleura toute la nuit. Il se révolta contre 
Moïse et Aaron, et voulut se donner d'autres chefs pour 
retourner en Egypte, Moïse et Aaron se prosternèrent 
devant lui, Cabeb et Josué tentèrent de calmer son effer- 
vescence; ils auraient été lapidés, si Dieu ne s'était mon- 
tré dans sa gloire. Le Seigneur irrité voulait faire périr 
tous les rebelles. Moïse intercéda pour Israël coupable ; 
il fit appel à l'honneur de Dieu qui serait compromis 
aux yeux des païens par la mort de son peuple de choix ; 
il en appela aussi à sa miséricorde. Dieu mitigea sa sen- 
tence de mort et décida que tous les Israélites murmu- 
rateurs, depuis l'âge de vingt ans, sauf Caleb et Josué, 
mourraient dans le désert et n'entreraient pas dans la 
Terre Promise. Leurs enfants seuls y pénétreront après 
40 années de vie errante dans le désert. Les explorateurs 
coupables moururent, frappés par le Seigneur, et le peu- 
ple reçut avec douleur la sentence qui le condamnait. 
Num., xiii, 1-xiv, 39; Deut., i, 19-45; Ps. cv, 24-27; 
Heb., m, 8-10, 15-19. Voir t. h, col. 57. Le lendemain, 
malgré les remontrances de Moïse, les Israélites tentèrent 
d'avancer vers le pays de Chanaan et attaquèrent les Ama- 
lécites et les Çhananéens. Moïse et l'arche n'allèrent pas 
au combat, et les Israélites furent battus et repoussés. 
Num., xiv, 40-45. 

Dieu communiqua alors à Moïse de nouvelles lois.Num. , 
xv. Survint bientôt la révolte de Coré, de Dathan et d'Abi- 
ron. Les révoltés rejetaient l'autorité de Moïse et d' Aaron. 
Moïse en appela au jugement de Dieu. Dathan et Abiron 
refusèrent de s'y rendre. Moïse irrité supplia Dieu de 
ne pas agréer leurs sacrifices. Coré et ' sa troupe de 
lévites se présentèrent avec leurs encensoirs. Dieu or- 
donna au peuple de se séparer de Dathan et d' Abiron, 
qui furent engloutis en terre avec leurs familles et leurs 
biens, parce qu'ils avaient blasphémé contre le Sei- 
gneur. Les lévites furent brûlés dans le feu, et leurs en- 
censoirs furent réduits en lames, qui demeurèrent atta- 
chées à l'autel comme un monument de la vengeance di- 
vine. Num., xvi, 1-40; Deut., xi, 6; Ps. cv, 16-18. Voir 
t. il, col. 969-972. Cf. Talmud de Jérusalem, traité San- 
hédrin, x, 1, trad. Schwab, Paris, 1889, t. xi, p. 42-43. 
Le lendemain, le peuple murmura contre cette punition 
et reprocha à Moïse et à Aaron de faire périr le peuple 
de Dieu. Moïse et Aaron s'enfuirent au tabernacle, et 
aussitôt la gloire du Seigneur s'y manifesta. Dieu était 
décidé à exterminer le peuple entier que déjà le feu 
dévorait; mais Moïse envoya Aaron avec son encensoir 



se placer entre les vivants et les morts et grâce à cette 
intervention, le châtiment cessa, après avoir atteint 
14700 hommes. Num., xvi, 41-50. Dieu confirma encore 
l'honneur sacerdotal d' Aaron par le miracle de sa verge 
fleurie. Num., xvn. Voir t. i, col. 7-8. Il régla alors 
les droits et les devoirs des prêtres et des lévites, 
Num., xviii, ainsi que la manière de se purifier de 
l'impureté contractée au contact d'un cadavre. Num., 

XIX. 

Ces événements s'étaient produits à Cadès. Voir t. n, 
col.13-22. Les Israélites y demeurèrent longtemps. Deut., i, 
46. Comme ils y manquaient d'eau, ils se mutinèrent de 
nouveau contre Moïse et Aaron, qui supplièrent le- Sei- 
gneur de désaltérer son peuple. Dieu ordonna à Moïse 
de frapper le rocher, de sa verge miraculeuse, devant le 
peuple assemblé. Moïse interpella les rebelles et levant 
la main, frappa deux fois de sa verge le rocher. Il en 
sortit une grande abondance d'eau. Dieu cependant re- 
procha à Moïse et à Aaron de n'a voir pas eu en lui assez de 
confiance pour le glorifier devant le peuple, et en puni- 
tion de ce manque de confiance, il déclara qu'ils n'in- 
troduiraient pas eux-mêmes les Israélites dans la terre 
de Chanaan. Num., xx, 2-12; Deut., xxxn, 51. En quoi 
a consisté leur faute? Est-ce parce que Moïse a frappé 
deux fois le rocher, comme si un seul coup n'eût pas 
suffi? H semble plutôt que son discours, Num., xx, 10; 
trahit quelque défiance, non pas sans doute à l'égard de la 
toute-puissance divine, mais plutôt à l'égard de sa misé- 
ricorde, comme s'il craignait qu'à cause des murmures 
du peuple, Dieu ne voulût plus faire de prodiges pour 
lui. Moïse irrité parla inconsidérément, dit le psalmiste. 
Ps. cv, 33. Voir t. I, col. 8. Le P. de Hummelauer, Nu- 
meri, Paris, 1899, p. 154-220, a supposé à cet endroit du 
livre des Nombres une lacune provenant de la suppres- 
sion du récit de ce qui s'était passé à Cadès-Barné pen- 
dant 37 années de séjour. Par respect pour Moïse et 
pour le peuple juif, on a fait disparaître l'histoire de la 
mésaventure du législateur d'Israël et d'une longue apos- 
tasie de la masse des Israélites. Moïse aurait frappé le 
rocher deux fois, non pas le même jour, mais à 37 ans 
d'intervalle. La première fois, l'eau ne coula pas, et le 
peuple, croyant qu'il avait perdu sa puissance, s'éloigna 
de lui et abandonna le culte du Seigneur. Après 37 an- 
nées d'égarement, il revint à Moïse et au Seigneur. 
Moïse frappa une seconde fois le rocher et les eaux cou- 
lèrent en abondance. Le P. de Hummelauer a accumulé 
en faveur de son sentiment une longue série d'arguments 
qui sont loin d'être concluants. Laissant de côté les 
détails étrangers, recueillons seulement ce qui concerne 
le séjour des Israélites à Cadès-Barné. 

Le P. de Hummelauer croit avoir trouvé une preuve 
de cette longue apostasie dans Amos, v, 25, 26. Le pro- 
phète demande aux Israélites si pendant les 40 années 
de leur séjour dans le désert, ils ont offert des sacri- 
fices à Dieu et il leur reproche d'avoir pratiqué l'idolâtrie. 
Saint Etienne répète les mêmes accusations. Act., vu, 
42-43. Josué fut obligé de faire circoncire tous les Israé- 
lites, parce que tous ceux qui étaient nés dans le désert 
n'avaient pas reçu ce signe de l'alliance. Jos., v, 4-7. Le 
P. de Hummelauer interprète encore dans ce sens 
Ps. lxxx, 8, et il pense que les lévites seuls étaient res- 
tés fidèles à Moïse durant cette longue et universelle 
apostasie ; c'est pourquoi le sacerdoce leur fut maintenu. 
Deut., xxxiii, 8-10. Le Talmud de Jérusalem, traité Taa- 
nith, m, 4, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 168, dit aussi 
« que durant les 38 ans du séjour d'Israël au désert, ce 
peuple mis pour ainsi dire au ban n'a pas parlé à Moïse ». 
Quoi qu'il en soit, il est certain que l'histoire de ces 38 an- 
nées n'est pas racontée en détail dans le Pentateuque. 
L'auteur du Deutéronome, n, 14, la résume en disant 
que ces 38 années se passèrent' dans les stations qui eu- 
rent lieu depuis le départ de Cadès-Barné jusqu'à l'ar- 
rivée au torrent de Zared. Cf. il, 1-13. Or, quelle qu'en 



1205 



MOÏSE 



1206 



soit la cause, Moïse n'intervient que dans quelques inci- 
dents de cette période. 

De Cadès, il envoya une ambassade au roi d'Édom pour 
lui demander de passer sur ses terres. Les envoyés rap- 
pelaient à ce roi la parenté des deux peuples, la sortie 
d'Egypte et s'engageaient à traverser directement le pays, 
sans se livrer au pillage et en payant leur nourriture. Le 
roi refusa le libre passage et déclara qu'il s'y opposerait 
à force armée. Les Israélites durent donc faire un dé- 
tour. Num., xx, 14-21 ; Deut., n, 1-8. De Cadès ils ar- 
rivèrent au mont Hor. Là, Dieu annonça à Moïse la mort 
prochaine d'Aaron son frère et lui ordonna d'investir 
Éléazar du sacerdoce, sur la montagne même où mourut 
Aaron. Num., xx, 22-30; xxxm, 38-39; Deut., x, 6. 
Voir t. i, col. 8. Après avoir battu Arad, les Israé- 
lites contournèrent le pays d'Édom ; mais le peuple s'en- 
nuya de la longueur du chemin et se récria contre Dieu 
et contre Moïse. Des serpents venimeux en firent périr 
beaucoup par leurs morsures. Reconnaissant leur faute, 
les Israélites prièrent Moïse d'intercéder pour eux. Le 
Seigneur ordonna à Moïse d'élever un serpent d'airain, 
doi,t la vue guérit les blessés. Num., xxi, 1-9. Cf. 
IV Reg., xviii, 4 ; Sap., xvi. 5-7 ; Joa., m, 14, 15 ; Talmud 
de Jérusalem, traité Rosch haschana, m, 9, trad. 
Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 91, 92 ; traité Aboda Zara, 
m, 3, Paris, 1889, t. XI, p. 211. 

Après diverses stations sur les confins de Moab, 
Num., xxi, 10-20; Deut., n, 8-25, les Israélites firent de- 
mander libre passage à Séhon, roi des Amorrhéens, qui 
refusa, livra bataille, mais fut taillé en pièces. Ils s'em- 
parèrent de la contrée qu'il occupait. Num., xxi, 21-31; 
Deut., n, 26-37. Voir t. m, col. 660. Moïse envoya prendre 
Jazer. Num., xxi, 32. Les Israélites défirent aussi Og, roi 
de Basan. Dieu avait déclaré à Moïse qu'il le leur li- 
vrait. Num., xxi, 33-35; Deut., m, 1-11 ;xxix, 7, 8; xxxi, 
4. Cette double victoire fut pour Moïse une occasion 
d'encourager Josué, chef de l'armée. A cette époque, 
Moïse supplia le Seigneur de le laisser entrer dans la 
Terre Promise. Mais Dieu n'exauça pas sa prière et lui 
permit seulement de considérer cette terre du haut d'une 
montagne. Deut., ni, 21-27. Balac, roi de Moab, appela 
Balaam pour maudire les Israélites. Num., xxii-xxiv. 
Voir t. i, col. 1390-1398, 1399. A Settim, les Israélites pé- 
chèrent avec les filles moabites et adorèrent Béelphégor. 
Deut., iv, 3. Voir 1. 1, col. 1543. Dieu ordonna à Moïse de 
faire pendre les chefs du peuple. Phinées fut loué pour 
son zèle, et Dieu décréta l'extermination des Moabites. 
Num., xxv, 1-18. Dieu fit faire à Moïse un nouveau dé- 
nombrement du peuple. Aucun de ceux qui avaient été 
dénombrés au Sinaï, à l'exception de Josué et de Caleb, 
ne fut plus trouvé vivant. Num., xxvi. A l'occasion des 
filles de Salphaad, Moïse régla la succession des filles 
héritières.Num.,xxvir,l-ll. A cette époque, Dieu interdit 
encore à Moïse d'attaquer les Ammonites. Deut., n, 16-23. 

Dieu avertit Moïse de sa mort prochaine et le fit mon- 
ter sur le mont Abarim pour contempler de là la Terre 
Promise, dans laquelle il ne devait pas entrer. Moïse 
demanda au Seigneur de lui donner un successeur. 
Dieu désigna Josué, que Moïse présenta au grand-prêtre 
Éléazar et qu'il intronisa. Num., xxvn, 12-23; Deut, m, 
28; xxxi, 7, 8, 14-21, 23. De nouvelles lois furent pro- 
mulguées. Num., xxvhi-xxx. Dieu prescrivit à Moïse 
d'attaquer les Madianites avant sa mort. L'armée envoyée 
par Moïse fut victorieuse et, dans son butin, elle ramena 
les femmes et les enfants madianites. Moïse fit tuer les 
petits garçons et les femmes qui avaient fait pécher les 
Israélites; il ne réserva que les petites filles et les vierges. 
Num., xxxi, 1-20. Dieu régla ensuite le partage du butin 
qui fut effectué par Moïse et Éléazar. Num., xxxr, 25-54. 

Les Israélites occupaient dès lors tout le pays situé à 
l'est du Jourdain. Les fils de Ruben et de Gad deman- 
dèrent à Moïse cette portion du territoire chananéen 
pour leur part. Moïse leur reprocha vivement leur 



égoïsme et compara leur conduite à celle des explorateurs 
qui découragèrent le peuple. Mais les Rubénites et les 
Gadites promirent d'aider leurs frères à conquérir le 
reste de la Palestine. Moïse accepta leurs généreuses 
propositions et les fit agréer par les autres tribus. Le 
pays situé à l'est du Jourdain fut donc attribué aux deux 
tribus de Ruben et de Gad et à la moitié de la tribu de 
Manassé. Num., xxxn, 1-33; Deut., m, 12-20. i)ans la 
plaine de Moab, Dieu donna à Moïse l'ordre d'extermi- 
ner toute la population chananéenne et de. partager le 
territoire par le sort. Num., xxxm, 49-56. Il fixa aussi 
les limites du pays à conquérir, Num., xxxrv, 1-15, et 
les noms des chefs qui devaient présider au partage. 
Ibid., 16-29. 11 détermina encore les villes lévitiques et 
les villes de refuge, Num., xxxv, 1-15, ainsi que les lois 
sur l'homicide. Ibid., 16-34. Une démarche des descen- 
dants de Galaad fournit à Moïse l'occasion de régler le 
mariage des femmes héritières pour que le lot, une fois 
échu à une famille, ne passe pas à une autre famille. 
Num., xxxvi. 

C'est encore dans les plaines de Moab et après la vic- 
toire remportée sur les rois Séhon et Og que, le 
premier jour du onzième mois de la 40" année après 
l'exode, Moïse résuma dans un discours les faits qui 
s'étaient produits depuis le départ de Sinaï, aussi bien 
que les principales obligations morales, imposées par 
Dieu à Israël. Deut., i, l-iv, 43. Après ce discours Moïse 
désigna trois villes de refuge pour la partie du pays 
située à l'est du Jourdain. Deut., iv, 41-43; cf. Num., 
xxxv, 14. Un second discours de Moïse exposa à tout le 
peuple réuni l'ensemble des prescriptions morales, don- 
nées par Dieu au Sinaï, et les motifs de les observer. 
Deut., v, 1-xxvi, 19. Voir Pentateuqde. Cette seconde 
promulgation de la loi fut suivie de l'ordre donné par 
Moïse d'en faire plus tard une solennelle proclamation 
sur le mont Hébal. On en gravera le texte sur un autel 
de pierre et on prononcera des bénédictions pour ceux 
qui l'observeront et des malédictions contre ceux qui y 
seront infidèles. Deut., xxvii, 1-xxvm, 68. Dans un autre 
discours, Moïse rappelle encore les bienfaits de Dieu à 
l'égard des Israélites et exhorte vivement ceux-ci à obéir 
aux commandements de leur bienfaiteur. Deut., xxix, 
1-xxx, 20. 

4° Derniers actes et mort de Moïse. — Moïse, âgé 
de 120 ans, déclare aux Israélites qu'il ne peut plus les 
conduire; il les fortifie dans la confiance en Dieu et 
transmet ses fonctions à Josué devant tout le peuple 
assemblé. Deut., xxxi, 1-8. Il écrivit le Deutéronome et 
le remit aux lévites qui devaient le garder et le lire au 
peuple tous les sept ans. Ibid., 9-13, 24-29. Dieu dit à 
Moïse d'amener Josué au tabernacle. Il lui révéla les 
égarements futurs d'Israël et la vengeance qu'il en tirera. 
Ibid., 14-18. Il lui ordonna ensuite d'écrire un cantique 
qui témoignerait contre les Israélites prévaricateurs. 
Moïse l'écrivit et l'apprit au peuple. Ibid., 19-22, 30. Ce 
cantique est reproduit, Deut., xxxn, 1-43. Après l'avoir 
lu, Moïse recommanda au peuple de ne pas en oublier 
le contenu. Ibid., 44-47. 

Dieu ordonna ensuite à Moïse de monter sur le mont 
Abarim pour y mourir. Ibid., 48-52. Moïse bénit toutes 
les tribus d'Israël. Deut., xxxm. Gravissant la montagne, 
jl.£pntempla tout le pays de Chanaan, et Dieu lui renou- 
vela la promesse faite aux patriarches, de le donner en 
possession aux Israélites. Deut., xxxiv, 1-4. Moïse, le 
serviteur de Dieu, mourut donc en ce lieu sur l'ordre 
de Dieu. Le Seigneur l'ensevelit lui-même, ou plutôt, 
comme ont traduit les Septante, on ensevelit Moïse dans 
la vallée en face de Phogor, et personne n'a jamais 
connu l'endroit de sa sépulture. Moïse avait 120 ans. Sa 
vue n'avait pas baissé, et ses dents ne s'étaient pas 
ébranlées. Les Israélites portèrent le deuil de Moïse 
dans les plaines de Moab pendant trente jours. Deut., 
xxxiv, 5-8. 



1207 



MOÏSE 



1208 



Josèphe, Ant. jud., IV, vin, a défiguré le récit de la 
mort de Moïse. D'après lui, quand Moïse eut remis la loi 
aux prêtres, le peuple assemblé se mit à pleurer. En 
s'éloignant, Moïse fit signe qu'il ne fallait pas le pleurer 
et demanda à ceux qui étaient à côté de lui de ne pas 
le suivre. Seuls, Éléazar, Josué et les anciens l'accom- 
pagnèrent. Parvenu au sommet du mont Abarim, il 
congédia les anciens et embrassa Éléazar et Josué. Sou- 
dain, la mort se jeta sur lui; on cessa de le voir, et il 
fut emporté dans une vallée étroite. Il a écrit lui-même 
qu'il était mort, pour qu'on ne crût pas que, à cause de 
sa grande vertu, il était allé à Dieu. Philon, Vita Mosis, 
1. m, p. 696, dit aussi que Moïse, encore vivant, a raconté 
sa mort prochaine. Il a été enseveli sans témoin par les 
puissances immortelles et il n'a pas de sépulcre. Les 
rabbins ont pris à la lettre l'expression : « Il mourut 
sur la bouche du Seigneur, » Deut., xxxiv, 5, et ils ont 
prétendu que l'âme de Moïse s'envola après un baiser 
de Dieu. Ils disent aussi que personne n'a été autant 
honoré après sa mort que Moïse, dont Dieu lui-même 
daigna s'occuper pour l'ensevelir dans" la vallée. Selon 
eux encore, il était pour ainsi dire étendu sur les ailes 
de la providence, lorsqu'il mourut à quatre milles du 
campement de la tribu de Ruben; il a été enterré sur le 
territoire de la tribu de Gad. Deut., xxxm, 21. Les anges 
de service et les Israélites dirent ensemble de Moïse : 
La paix viendra; ils reposeront sur leurs couches ceux 
qui ont marché dans le droit chemin. Is., lvii, 2. Talmud 
de Jérusalem, traité Sota, i, 9, trad. Schwab, Paris, 1885, 
t. vu, p. 240, 242. Rabbi Abahou déclarait que Moïse 
s'était égaré et était monté au ciel, parce qu'il s'était dit 
fils de l'homme, lbid., traité Taanith, h, 1, Paris, 1883, 
t. vi, p. 156. Dans VAssomption de Moïse, soi-disant 
dernier entretien du patriarche avec Josué, voir t. i, 
col. 759, il était parlé de l'altercation de l'archange Mi- 
chel avec le diable au sujet du corps de Moïse. Selon 
quelques exégètes, l'apôtre saint Jude dans son Épître, 
9, aurait emprunté à celte source apocryphe la mention 
de ce combat et notamment les paroles de l'archange : 
Imperet tibi Deus. Cf. Didyme, Enarrat. in epist. Ju- 
das, t. xxxix, col. 1814, 1815. Quelques écrivains ecclé- 
siastiques ont connu cet apocryphe et ont extrait de la 
partie qui n'a pas encore été retrouvée des détails sur 
le trépas de Moïse. Origène, In Josue, hom. il, 1, t. xn, 
col. 834, avait lu dans un petit livre qu'après la morl de 
Moïse, on avait vu deux Moïse, l'un vivant en esprit et 
l'autre à l'état de cadavre. Clément d'Alexandrie, 
Strom., vi, t. ix, col. 356-357, est plus précis. Josué vit 
en esprit deux Moïse, l'un enlevé avec les anges, l'autre 
emporté sur les montagnes pour être honorablement 
enseveli dans les vallées. Caleb avait eu la même vision, 
mais n'avait pas vu autant de choses que Josué. Il des- 
eendit le premier et raconta ce qu'il avait vu; Josué, 
descendu à son tour de la montagne, parla et du corps 
de Moïse et de la gloire de Moïse avec les anges; il avait 
vu davantage, parce qu'il était plus pur. Ailleurs, 
Strom., i, 23, t. vm, col. 897, 900, Clément dit, selon les 
apocryphes, que Moïse après son enlèvement se nom- 
mait Mil%i. Dans une lettre à saint Augustin, Epist. t 
CLviii, n. 6, t. xxxm, col. 695-696, Evode parle aussi 
des deux Moïse d'après les apocryphes, auxquels il n'ac- 
corde pas créance. Œcuménius, Comment, in Epist. 
Judse, t. cxix, col. 713, expliquant le combat de saint 
Michel avec Satan au sujet du corps de Moïse, rapporte 
que l'archange ensevelissant Moïse, en fut empêché par 
le diable qui reprochait à Moïse l'assassinat de l'Égyp- 
tien, crime pour lequel Moïse ne méritait pas une sépul- 
ture honorable. Voir Michel, col. 1071. Les rabbins ont 
imaginé toute sorte de légendes sur la mort de Moïse. 
Sur cette littérature légendaire, voir Schûrer, Geschichte 
des iûdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi,'& édit., 
Leipzig, t. m, 1898, p. 219-220. Le targum sur les hagio- 
graphes assure en deux endroits, Ps. lxvm; Cant., î, 5, 



que Moïse a été enlevé au ciel. Quelques Pères semblent 
croire ou affirment positivement que Moïse n'est pas 
mort, parce que, comme Hénoch et Elie, il conversa avec 
Jésus transfiguré. S. Hilaire de Poitiers, lnMatth., xx, 
10, t. ix, col. 1032; S. Ambroise, De Cain et Abel, l, 2, 
n. 8, t. xiv, col. 319. S. Jérôme, Comment, in Amos, 
t. xxv, col, 1089, dit que Moïse était monté au ciel. Mais 
la plupart distinguent le trépas de Moïse de l'enlève- 
ment d'Élie et ne parlent que de la translation de l'âme 
de Moïse au paradis. Les commentateurs pensent géné- 
ralement que Dieu a permis que le tombeau de Moïse 
fût ignoré pour empêcher les Hébreux, trop enclins à 
l'idolâtrie, de rendre à leur libérateur des honneurs 
divins. 

IV. Jugement sur Moïse. — 1» L'Écriture a fait à plu- 
sieurs reprises l'éloge de Moïse. Selon la finale du 
Deutéronome, xxxiv,10-12, «il ne s'éleva jamais en Israël 
de prophète semblable à Moïse, qui ait vu le Seigneur 
face à face, ni qui ait fait des miracles et des prodiges 
pareils à ceux que Dieu opéra par son intermédiaire 
en Egypte devant le Pharaon, ses serviteurs et tout son 
royaume, ni qui ait agi avec un bras aussi puissant et 
exécuté des merveilles comparables à celles que fit 
Moïse en présence de tout Israël. » Cf. Act., vu, 36. 
L'auteur de l'Ecclésiastique, xlv, 1-6, a célébré l'amour 
que Dieu et les hommes ont eu pour Moïse. Dieu l'a 
glorifié devant les rois et lui a fait opérer des prodiges. 
Il l'a élevé devant son peuple, et à cause de sa foi et de 
sa douceur, l'a choisi comme son intermédiaire entre 
lui et Israël; il en a fait le législateur d'Israël. La mé- 
moire de Moïse est en bénédiction parmi les siens. 
L'épître aux Hébreux, m, 1-6, a comparé Jésus, l'apôtre 
et le pontife de notre foi, à Moïse. Tous deux ont rempli 
avec fidélité leur mission dans la maison du Seigneur. 
La gloire de Jésus est cependant supérieure à celle de 
Moïse, parce que sa mission a été supérieure à la mis- 
sion de Moïse. Dans la maison du Père céleste, Moïse 
n'était qu'un serviteur; Jésus était le fils de la famille. 
Saint Paul a loué encore en Moïse sa foi ayant résisté à 
toute épreuve. Heb., xi, 23-29. 

2° La mission de Moïse fut double : il a été le libé- 
rateur et le législateur de son peuple. Le souvenir de 
l'oppression des Israélites en Egypte et de leur déli- 
vrance miraculeuse par le ministère de Moïse est 
demeuré très vivant dans la tradition juive, et l'exode 
est un fait dont la vérité historique est indéniable. Cf. 
abbé de Broglie, Caractère historique de l'Exode, dans 
les Annales de philosophie chrétienne, mai 1887. Sur 
le rôle de Moïse comme législateur et sur les caractères 
de sa législation, voir Loi mosaïque, col. 329-347. Moïse 
a-t-il codifié cette législation et est-il l'auteur du Penta- 
teuque ? Voir Pentateuque. Si l'on en croit le titre du 
Ps. lxxxix (héb. xc), ce chant serait une prière, tefillâh, 
de Moïse, homme de Dieu. Origène, adoptant en cela 
l'opinion des rabbins, attribuait encore à Moïse les onze 
Psaumes suivants, qui sont anonymes. Selecta in Psal- 
mos, t. xn, col. 1056-1057. Cf. S. Hilaire de Poitiers, 
Tract, super Psalmos, prol., n. 3, 4, t. ix, col. 233-235. 
Les rabbins rapportaient, en effet, au même auteur tous 
les chants anonymes qui dans le Psautier succédaient à 
celui qui lui était attribué par le titre- Mais Cosmas Indi- 
copleuste, Chronographia, 1. v, t. lxxxviii, col. 248, 
rapportait le Ps. xc à un chef de chœur, nommé Moïse, 
de l'époque de David. Sur l'Assomption de Moïse, voir 
t. i, col. 759, et sur l'Apocalypse de Moïse, ibid., col. 764- 
765. Sur ces livres apocryphes et d'autres encore, attri- 
bués à Moïse, voir Fabricius, Codex pseudepigraphus 
V. T., Hambourg, 1722, t. i, p. 835-849; G. Brunet, 
Dictionnaire des apocryphes de Migne, Paris, 1858, t. n, 
col. 623-631. James a publié une prière que Moïse aurait 
faite le jour de son décès. Apocrypha anecdota, dans 
Texts and Studies, Cambridge, 1893, t. n, n. 3, p. 166- 
173. Elle était imprimée déjà dans le Liber antiqui- 



1209 



MOÏSE 



1210 



iatum biblicarum, publié sous le nom de Philon, 
Bâle, 1527. 

3° Enfin, Moïse fut poète inspiré et prophète. Il a 
chanté le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18, le 
cantique des derniers jours de sa vie, Deut., xxxu, 1-43, 
adressé à son peuple. Apoe., xv, 3. La prédiction d'un 
prophète semblable à Moïse, qu'elle annonce toute la sé- 
rie des prophètes Israélites ou le grand prophète messia- 
nique, Deut., xvin, 15-19, et la bénédiction prophétique, 
prévoyant le sort futur des tribus d'Israël, Deut., xxxm, 
1-29, placent Moïse à la tête des grands voyants, que 
Dieu a suscités au milieu de son peuple choisi. Au jour 
de la transfiguration, il apparut aux Apôtres s'entrete- 
nant avec Jésus et Élie". Matth., xvii, 3-4; Marc, ne, 3- 
4; Luc, rx, 30. 33. Jésus en a appelé à son témoignage 
et a déclaré aux Juifs que Moïse les accuserait, parce 
que sur sa parole, ils n'avaient pas cru que Jésus était 
lui-même le fils de Dieu. Joa., v, 45-47. La parole de 
Moïse, comme celle des prophètes, suffisait par sa propre 
autorité à confirmer les doctrines qu'elle exprimait. 
Luc, xvi, 29, 31; Act. xxvi, 22. Les Juifs considéraient 
comme un blasphème toute parole qu'ils estimaient 
contraire à la loi et aux traditions dérivant de Moïse. 
Act., vi, 13-14. — Les Pères de l'Église n'ont pas seule- 
ment considéré ces prophéties comme étant de Moïse, ils 
ont reconnu encore dans le sauveur et le législateur 
d'Israël une figure prophétique du Messie, véritable 
sauveur et législateur de l'humanité entière. Cf. card. 
Meignan, De Moïse à David, Paris, 1896, p. 326-329. 
C'est le dernier trait, et non pas le moins beau, de la 
physionomie religieuse de Moïse. Les premiers chré- 
tiens ont fréquemment reproduit dans les catacombes 
des traits de l'histoire de Moïse dans lesquels ils re- 
connaissaient des allusions prophétiques aux mystères 
de la religion chrétienne spécialement au baptême, 
symbolise par l'eau sortant du rocher. « Moïse frappant 
le rocher, figure aussi saint Pierre, le chef du nouvel 
Israël de Dieu. » Voir Martigny, Dictionnaire des anti- 
quités chrétiennes, 2 e édit., Paris, 1877, p. 473-475; 
P. Allard, Rome souterrain*, 2 e édit., Paris, 1877, 
p. 367-368, 416-421; H; Alarucchi, Éléments d'archéo- 
logie chrétienne, t. I, Notions générales, Paris, 1900, 
p. 281-282, 328; J. Wilpert, Die Malereien der Kata- 
komben Roms, in-f°, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 40, 
143, 266-281, 388-389, 421-423. 

Artapan, dans Eusèbe, Priep. evang., IX, 27, t. xxi, 
col. 736, retrace ce portrait physique de Moïse : « On 
dit que Moïse était de haute stature, de couleur blonde, 
couvert de longs cheveux grisonnants et majestueux. » 
reyoviv ai 8é <pi)(7i t'ov Mûliuov («xxpbv, TU)^pàxi)v, itoXiôv 
X0[iiyrK)v, ࣫0[jt,aTix6v. 

V. Moïse d'après les critiques rationalistes. — 
Les critiques rationalistes modernes accordent généra- 
lement peu de valeur historique à la tradition juive sur 
Moïse, telle qu'elle est consignée dans la Bible. La plu- 
part, acceptant les conclusions de la critique littéraire 
du Pentateuque, distinguent diverses rédactions de cette 
tradition et prétendent que la plus ancienne est posté- 
rieure de plusieurs siècles aux faits qu'elle est censée 
rapporter. Voir Pentateuque. A une pareille distance 
des événements, là tradition est déjà embellie par la lé- 
gende et elle représente non pas le Moïse historique, 
mais le Moïse tel que l'imagination populaire l'avait 
grandi aux cours des âges. H. Winckler explique par 
l'astronomie la légende historique de Moïse, qui n'est 
plus à ses yeux qu'une émanation du Jahvé-Tammouz 
de la steppe. Geschichte Israels in Einzeldarstellungen, 
2 e partie, Leipzig, 1900, p. 86-95; Die Keilinschriften 
und dos Alte Testament, Berlin, 1902, p. 209-212. Pour 
Cheyne, Encyclopxdia biblica, art. Moses, Londres, 
1902, t. m, col. 3203 sq., Moïse était primitivement un 
clan, le clan de Jahvé, qui habitait au nord de l'Arabie. 
Ce nom ethnique a été appliqué par la tradition à un 



individu, dont l'histoire légendaire reproduit quelques 
traits de l'histoire réelle du clan. Ordinairement toute- 
fois les critiques regardent Moïse comme un personnage 
historique, dont l'existence est certaine ou au moins 
très probable, mais dont l'histoire a été embellie et 
le rôle grandi par la légende. Ils s'appliquent dès lors 
à dégager des embellissements légendaires le fond his- 
torique de la vie et de la mission de Moïse. rJ? 

Moïse appartenait au clan hébreu qui avait pénétré en 
Egypte et qu'on appelle, soit le clan de Joseph, soit la 
tribu d'Éphraïm-Manassé. Ces Hébreux nomades s'étaient 
établis sur les frontières de l'Egypte, et avaient reconnu 
ou subi la suzeraineté des Hyksos ou rois pasteurs de 
cette contrée. Ils séjournaient dans les environs de Ta- 
nis et ils continuèrent à y mener la vie pastorale. Après 
un assez long séjour de tranquillité, ils furent employés 
par une nouvelle dynastie à de dures corvées, aux tra- 
vaux de terrassiers et de briquetiers, dans les construc- 
tions publiques. Las enfin des exactions dont ils étaient 
l'objet et profitant peut-être de grands malheurs qui 
tombèrent sur l'Egypte, ils quittèrent le pays et se 
jetèrent avec d'autres bandes dans le désert de la pé- 
ninsule du Sinaï, où ils étaient à l'abri des poursuites 
de l'Egypte, d'ailleurs affaiblie. Ils s'établirent ensuite à 
Cadès, où ils abandonnèrent peu à peu la vie nomade de 
bergers pour s'adonner à l'agriculture. Or Moïse fut le 
chef de cet exode de l'Egypte et l'organisateur de la na- 
tionalité et de la religion hébraïque tant au Sinaï qu'à 
Cadès. Plus tard, l'histoire et le rôle de ce chef d'expé- 
dition et de cet organisateur furent grandis par l'imagi- 
nation. Lès éléments légendaires se retrouvent notam- 
ment dans l'enfance de Moïse, ses miracles devant le 
Pharaon et sa fuite au Sinaï. 

Pour les critiques, la circonstance de Moïse sauvé des 
eaux n'a aucun fondement historique. Le point de dé- 
part de cette légende est dans cette idée des Hébreux 
que leur libérateur avait dû la conservation de sa vie à 
un dessein providentiel de Dieu. D'autres personnages 
de l'histoire ancienne, Sémiramis, Œdipe, Cyrus, Ro- 
mulus, ont été de même préservés de grands dangers à 
leur naissance. Voir A. Jeremias, Das Alte Testament 
im Lichte des alten Orients, Leipzig, 1904. p. 254-258. 
Le nom égyptien de Moïse, signifiant « enfant », a été 
interprété plus tard dans le sens de la légende et a reçu 
la signification de « sauvé des eaux » qu'il a dans le récit 
biblique. Cette étymologie, trouvée après coup, ne prouve 
pas la réalité du fait, dont elle prétend donner l'explica- 
tion. De même, c'est pour glorifier leur libérateur que 
les Hébreux ont imaginé son adoption, fort invraisem- 
blable en elle-même, par la fille du Pharaon et son édu- 
cation à la cour royale. On l'a fait aussi pour le même 
motif instruire dans la science et la sagesse des Égyp- 
tiens. Ses rapports réels [avec les Madianites et les Ké- 
nites (Cinéens) ont été enjolivés dans la légende de son 
voyage au pays de Madian et de son séjour auprès de 
Jéthro. Il avait peut-être épousé une femme d'une de 
ces tribus. La légende a fait de son beau-père le scheifc 
et le prêtre de la contrée. Dans ses relations avec les 
Kénites, Moïse apprit à connaître Jahvé, le dieu du 
Sinaï, à moins que, comme quelques-uns le pensent, 
Jahvé n'ait été déjà le dieu de sa famille ou de son 
clan, ou même, selon d'autres, des quelques tribus no- 
mades israélites en contact avec les Kénites. Moïse au- 
rait présenté à ses contribues ce dieu comme le dieu 
des ancêtres. Il aurait fait peut-être de la sortie d'Egypte 
une affaire de religion. De là la légende des apparitions 
de Jahvé à Moïse au désert du Sinaï et la mission divine 
de délivrer les siens. 

La tradition historique de Moïse libérateur de son 
peuple a, aux yeux de la plupart des critiques, un fon- 
dement historique. Mais la fable s'y est jointe au point 
qu'il est difficile de discerner exactement les faits réels. 
Il pourrait se faire qu'il n'y eût à retenir que le fait seul 



1211 



MOÏSE 



1212 



de la sortie d'Israël de l'Egypte et de son entrée dans la 
péninsule du Sinaï. Voir Valeton, dans le Manuel de 
l'histoire des religions, de Chantepie de la Saussaye, 
trad. franc., Paris, 1904, p. 190-191. Bien que la plupart 
des critiques maintiennent ce fait à la date traditionnelle, 
c'est-à-dire sous le règne de Ménephtah, quelques-uns en 
devancent la réalisation, parce que Ménephtah aurait battu 
les Israélites, lorsqu'ils étaient déjà établis en Palestine. 
Mais les premiers distinguent deux clans d'Hébreux, 
l'un, celui de Joseph, ayant émigré en Egypte, l'autre 
étant demeuré constamment au sud de la Palestine, et 
ils concilient par cette distinction tous les faits qu'ont 
révélés les inscriptions. Quant aux détails de cette sor- 
tie et notamment ceux qui concernent les plaies d'Egypte, 
ils sont légendaires. Leur caractère historique ne res- 
sort ni de la triple attestation qui en est faite dans les do- 
cuments E, J et P, ni de la couleur spécifiquement 
égyptienne de la plupart des plaies, ni de leur corres- 
pondance avec des phénomènes naturels. Ce serait faire 
acte de rationalisme que de les ramener à de simples 
phénomènes naturels, puisque les trois narrations les 
présentent comme des actes miraculeux, ayant une por- 
tée théologique et devant prouver au Pharaon la puissance 
de Jahvé. Les narrateurs, au courant des choses égyp- 
tiennes* ont donné à leurs récits la couleur locale. Mais 
leur triple témoignage ne prouve pas la réalité des faits. 
Une légende, répétée deux ou trois fois, cent fois 
même, n'en devient pas pour cela une histoire réelle. 
Toutefois ces rédacteurs n'ont peut-être pas inventé 
cette légende et il est possible qu'ils l'aient empruntée 
à la tradition antérieure. Mais on ne peut plus aujour- 
d'hui rétablir l'état primitif de la tradition hébraïque 
sur la sortie d'Egypte, et Baentsch, qui développe ces idées, 
ne s'y intéresse plus. Exodus, Leviticus, Numeri, Gcettin- 
gue, 1903, p. 57. Il se demande toutefois s'il y a, sous cette 
triple tradition, un fond historique. On a supposé qu'à 
l'époque où les Israélites préparaient leur départ d'Egypte 
pour se soustraire à la tyrannie du Pharaon, ce pays a 
éprouvé des calamités particulièrement graves, qui ont 
facilité aux Israélites la réalisation de leur projet et 
qu'ils ont attribuées à l'intervention de leur Dieu. Cette 
supposition ne parait pas à Baentsch absolument néces- 
saire. Les Israélites ayant toujours été persuadés que 
Jahvé les avait arrachés à la puissance égyptienne 
« d'une main forte et de son bras étendu », le peuple a 
donné libre carrière à son imagination, a inventé les 
événements par lesquels Dieu aurait manifesté sa puis- 
sance et les a présentés sous la forme d'un drame vivant, 
joué entre Moïse et le Pharaon. L'imagination populaire a 
grandi aussi le passage miraculeux de la mer Rouge, 
qui n'a peut-être pour base qu'un accident de marée 
ayant englouti une caravane. D'ailleurs, la poursuite 
des fuyards israélites par l'armée égyptienne est la plus 
invraisemblable de toutes les fables qui remplissent 
cette légende. Renan, Histoire du peuple d'Israël, 
6« édit., Paris, 1887, t. I, p. 163-164. 

Pour des raisons tirées du contenu, de la forme poé- 
tique et du style du cantique chanté par Moïse après le 
passage de la mer Rouge, les critiques modernes nient 
généralement son authenticité. Les plus modérés, tels 
que Dillmann et Kittel, pensent que la tradition d'un 
cantique chanté alors par les Israélites est fondée et 
même qu'il a existé un cantique plus court, réelle- 
ment composé par Moïse, mais retouché et développé 
pour former le morceau actuel. Cornill voit dans le 
poème entier une amplification récente d'Exod., xv, 
1, renseignement qui appartenait seul à l'ancienne tra- 
dition. C'est d'ailleurs un chant liturgique, un véritable 
cantique pascal. Eirileitung in das A. T., 3 e et 4 e édit., 
Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 61.Kuenen, Wellhausen 
et Reuss, sans regarder le chant- d'un cantique immé- 
diatement après le passage de la mer Rouge comme 
absolument impossible, le tiennent toutefois pour in- 



vraisemblable. Le genre et le style du cantique ne pré- 
sentent aucun indice d'une haute antiquité, et les idées 
exprimées ramènent sa composition à l'époque de Salo- 
mon. Jûlicher en rabaisse encore la date. La forme, le 
cercle des idées et la théologie exprimée répondent à 
l'âge deutéronomique. L'auteur est ou bien le rédacteur 
qui a combiné les documents élohiste et jéhoviste, ou 
même un rédacteur postérieur qui l'a composé sur la 
donnée jéhoviste. Exod., xv, 20, 21. Baentsch, op. cit., 
p. 128-129, attribue ce cantique au rédacteur deutéro- 
nomiste. Le P. Lagrange, Deux chants de guerre, dans la^ 
Revue biblique, 1899, t. vm, p. 532-541, reconnaît que 
le cantique actuel, de structure compacte, répond bien 
au temps qui a suivi le passage de la mer Rouge, et que 
rien n'empêche, absolument parlant, d'en attribuer la 
composition à Moïse. Mais un poème si régulier n'a pu 
être rédigé dans un moment d'enthousiasme, et l'auteur 
a dû se mettre dans la situation supposée et développer 
une donnée historique. Le fond du cantique serait donc 
de Moïse, mais la forme est un indice de modernité. Osée, 
il, 15, fait peut-être allusion à Exod., xv, 21. Isaïe, xn, 
2, cite le cantique actuel ; mais ce passage n'est pas un 
dés plus anciens du recueil. Une inspiration semblable 
se retrouve, Is., lxiii, 11. Ces souvenirs et l'espérance 
voilée de nouveaux prodiges de Dieu pour ramener 
Israël vers la sainte montagne du temple, font penser 
que le cantique est du temps de la captivité à Babylone. 
LeP. deïïummeliLueT, Exodus et Leviticus, p. 152, attri- 
bue le cantique à Moïse, tout en reconnaissant, p. 160, 
qu'il suffirait que le fond provienne de Moïse, et qu'on 
pourrait admettre que la forme ou, au moins, la dernière 
strophe est d'un rédacteur postérieur, tel qu'Esdras. Cf. 
H. Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, Fribourg- 
en-Brisgau, 1893, p. 233-235. 

Le séjour du clan hébreu fugitif au Sinaï sous la con- 
duite de Moïse est un des faits dont les critiques recon- 
naissent généralement la réalité et qu'ils placent à la 
base de la légende mosaïque. Ils y rattachent même le 
rôle qu'ils attribuent à Moïse dans la constitution de la 
religion d'Israël. Le voyage d'Israël au désert fut une 
traversée plutôt qu'un séjour; néanmoins l'impression 
en resta très vivace dans la mémoire du peuple, et toutes 
les circonstances dont on avait gardé le souvenir plus 
ou moins déformé furent présentées comme des inter- 
ventions miraculeuses du dieu protecteur du clan. Bien 
que Moïse n'ait pas reçu sur le Sinaï ou l'Horeb une ré- 
vélation surnaturelle de Jéhovah, il ne doit pas moins 
être considéré comme le fondateur et le premier organi- 
sateur de la religion du clan israélite. Que Jéhovah ait 
été le nom du dieu, honoré par les ancêtres, ou celui 
du dieu local du Sinaï, que Moïse aurait donné au dieu 
du clan, Moïse fit accepter son culte à la confédération 
de tribus placée sous sa direction. Le clan fugitif emme- 
nait avec lui des mécontents égyptiens et il s'adjoignit 
d'autres tribus nomades de sa parenté,qui avaient toujours 
habité au désert ou sur les frontières méridionales de 
la Palestine. Moïse réunissant des populations si dispa- 
rates en constitua un peuple, une nation compacte, sinon 
très homogène, par le lien religieux. Jéhovah, le dieu 
des Cinéens et peut-être le dieu des ancêtres du prin- 
cipal clan israélite, devint le dieu propre et exclusif 
d'Israël, qui fut dès lors son peuple spécialement consa- 
cré à son culte. Jéhovah n'était pas encore, pour l'Israé- 
lite, le Dieu unique, créateur du ciel et de la terre, mais 
seulement l'unique Dieu national. Moïse serait ainsi le 
fondateur, non pas du monothéisme qui sera l'œuvre 
des prophètes d'Israël, mais d'un certain hénothéisme 
qui fit de Jéhovah le dieu exclusif des Israélites, en sorte 
que pour Israël servir un autre dieu était un crime 
digne de mort. Moïse fut reconnu par les tribus confé- 
dérées comme l'envoyé et le mandataire de Jéhovah. 11 
institua un sacerdoce, qui ressembla peut-être au sacer- 
doce des Cinéens, s'il est bien vrai que lui-même ait été 



1213 



MOÏSE 



1214 



le gendre de Jéthro, prêtre de la contrée sinaïtique. 
Pour quelques critiques, Moïse serait aussi l'inventeur 
de l'oracle sacerdotal par urinï et lummim, qui per- 
mettait de consulter Jéhovah dans toutes les circons- 
tances de la vie ordinaire. Moïse aurait aussi organisé le 
culte et il faudrait lui attribuer l'ancienne fête de Pà- 
que, qui n'était que l'offrande des premiers-nés des ani- 
maux et des prémices des fruits, et l'institution des 
néoménies ou nouvelles lunes. Moïse, qui fut le fonda- 
teur de la nation autant que de la religion israélite, dut 
donner à son peuple quelques règlements qui furent 
considérés comme provenant de Dieu. A cette époque, 
on ne faisait encore aucune différence entre le droit hu- 
main et le droit divin. Toutes les ordonnances étaient 
des préceptes ou des défenses divines ; on ne connaissait 
que des péchés et pas de délits. Mais les ".ritiques sont 
en désaccord au sujet de savoir si l'ancienne tradition 
avait conservé le souvenir d'une loi morale édictée par 
Moïse et si notamment le décalogue avait été promulgué 
par Moïse durant le séjour d'Israël au désert. Wildeboer 
n'hésite pas à attribuer à Moïse la promulgation du dé- 
calogue. Mais plus généralement les critiques nient que 
le décalogue en tout et même en partie puisse remonter 
si haut. La principale raison qu'ils en donnent, c'est que 
les rédacteurs des documents élohiste et jéhoviste, qui 
reproduisent chacun un teste un peu différent des dix 
préceptes moraux, en relatant l'ancienne tradition, rap- 
portent bien que Moïse a brisé les tables de la loi, mais 
ne disent pas qu'il en a fait de nouvelles ; dans leurs 
récits, la restauration de ces tables est une addition ré- 
dactionnelle. Les critiques cherchent par suite à fixer 
l'âge de la rédaction du décalogue ; ils n'aboutissent pas 
à des conclusions identiques. Le P. Lagrange, qui admet 
les résultats des critiques au point de vue de la compo- 
sition littéraire du Pentateuque, est loin d'accepter toutes 
leurs conclusions. Aussi n'éprouve-t-il aucune difficulté 
à reconnaître que le code de l'alliance, code à la fois 
civil, criminel, moral et religieux, Exod., xx, 1-xxm, 
33, peut être aussi ancien que Moïse. La méthode his- 
torique, 2» édit., Paris, 1904, p. 175-176. D'ailleurs, il 
estime que le document élohiste, qui contient ce code, 
est un « document voisin des faits et véritablement his- 
torique ». Revue biblique, 1899, t. vm, p. 632. 

Les critiques accordent encore un certain fondement 
historique aux événements qui se sont passés au désert, 
par exemple, aux révoltes et aux murmures dont la tradi- 
tion avait gardé le souvenir. Ces faits s'expliquent par la 
difficulté de grouper en un unique corps social les élé- 
ments divers de la population. Le long séjour à Cadès, 
le plus loin possible de l'Egypte dans le désert, servit à 
l'organisation du peuple. Quelques-uns y rattachent la 
construction de l'arche faite à l'imitation des temples 
égyptiens, pour remplacer dans le camp la montagne de 
Jéhovah dont on s'était éloigné. Plus généralement, on 
pense que les Israélites, tout en continuant à mener 
encore la vie pastorale, s'y livraient de plus en plus à 
l'agriculture et s'y habituaient à la vie sédentaire. Ils y 
formèrent finalement un peuple, une nation ; et ayant 
conscience de leurs forces, ils attaquèrent les tribus 
chananéennes, leurs voisines, et battirent les rois Og et 
Séhon. Ils firent peu à peu la conquête de la Palestine, 
mais Moïse était mort et Josué, le chef guerrier, est le 
héros légendaire de l'expédition. 

La mort de Moïse, comme celle de tous les grands 
hommes, a été entourée de circonstances extraordi- 
naires. En particulier son dernier cantique, Deut., xxxii, 
et la bénédiction des tribus d'Israël, Deut., xxxm, sont 
des morceaux poétiques dont la composition est posté- 
rieure au séjour des Israélites dans les plaines de 
Moab. Si Dillmann rapporte le dernier cantique à 
l'époque des luttes d'Israël contre les Syriens au 
IX e siècle, les autres critiques le rabaissent d'un ou 
- de deux siècles, en le rapportant aux guerres ou des 



Assyriens ou même des Chaldéens. La bénédiction des 
tribus est regardée par Dillmann et Kittel comme anté- 
rieure à l'écrivain élohiste qui l'a insérée dans son 
œuvre. Reuss l'attribue au contraire au document jého- 
viste et en place la composition à la fin du re« siècle ou 
au commencement du vm e . Kuenen y voit l'œuvre d'un 
lévite, qui ne peut pas être plus ancienne que le 
VIII e siècle. Cornill J'attribue à un Israélite du royaume 
du nord de la première moitié du vn e siècle. Cf. H. 
Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, p. 236-242; 
Cornill, Einleitung in das A. T., p. 63-65; Steuernagel, 
Deuteronomium und Josua, Gœttingue, 1900, p. 114, 
122-123. 

Sur l'ensemble des vues des critiques, voir H. Ewald, 
The History of Israël, trad. anglaise, Londres, 1883, 
t. il, p. 35-42; J. Wellhausen, Israël, dans Encyclopâdio, 
britannica, reproduite la suite de Prolegomena to the 
History ef Israël, trad. anglaise, Edimbourg, 1885, 
p. 429-440; E. Konig, The religions history of Israël, 
trad. anglaise, Edimbourg, 1885, p. 27-40; B. Stade, 
Geschichte des Volkes Israël, Berlin, 1881, t. i, p. 113- 
141; Id., Die Entstehung des Volkes Israël, 3 e édit., 
Giessen, 1899, p. 7-15; Id., Biblische Théologie des 
A. T., Tubingae, 1905, t. i, p. 28-46; E. Renan, Histoire 
du peuple d'Israël, 6« édit., Paris, 1887, t. I, p. 154-210; 
R. Smend, Lehrbuch der alttestamenllichen Religions- 
geschichte, 2 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1899, p. 32-45, 
280-285; K. Budde, Die Religion des Volkes Israël bis 
zur Verbannung, Giessen, 1900, p. 1-35; H. Cornill, Der 
israelitische Prophetismus, 4° édit., Strasbourg, 1903, 
p. 16-27. 

La réfutation de ces vues exigerait de nombreuses 
pages. Nous signalerons seulement l'arbitraire de la 
méthode. Après avoir traité de légendaire toute l'histoire 
de Moïse, les critiques rationalistes extraient de la 
légende ce qui leur parait possible ou vraisemblable et 
abandonnent le reste comme inadmissible. Or on vou- 
drait savoir quel critérium leur sert à frire ce départ. 
Ils n'en ont le plus souvent d'autre que leu.» propre sen- 
timent, fondé sur une conception spéciale de l'histoire 
et de la religion des peuples anciens en général et 
d'Israël en particulier. Ce n'est pas là la vraie critique. 
Ce qui est rationnel, c'est d'accepter la tradition d'Israël 
sur ses origines historiques et religieuses, quelle que 
soit d'ailleurs l'époque de sa rédaction que nous n'avons 
" pas à étudier ici. Voir Pentateuque. Supposé même que 
la critique des sources pût servir à élaguer quelques dé- 
tails ou à interpréter quelques événements, elle ne pour- 
rait suffire à elle seule à contredire l'ensemble de la 
tradition israélite sur Moïse, le libérateur du peuple 
choisi et son législateur civil et religieux. 

Bibliographie. — Philon, De vita Mosis, dans Opéra, 
in-f», Paris, 1640, p. 602-696; Josèphe, Ant. jud., 1. II, 
c. ix-xvi; 1. III, IV, dans Opéra, édit. Havercamp, 
2 in-f°, Amsterdam, 1726, t. i, p. 97-258; Clément 
d'Alexandrie, Strom., l, 23-28, t. vm, col. 895-925; 
Eusèbe, Prsep. evang., 1. IX, c. xxvi, xxvii (cité Eupo- 
lème et Artapan), t. xxi, col. 727-736; G. Mylius, 
Commentatio de persona, vita et rébus gestis Mosis, 
in-4», Wittemberg, 1585; A. de Fuentes y Biota, Vita del 
profeta Moyssen, in-8», Bruxelles, 1657; Ch.-L. Hugo, 
Histoire de Moïse, in-8°, Luxembourg, 1699, 1709; 
I. Campbell, Life of Moses, in-f°, Londres, 1728; 
Êisfeld, Leben Mosis, in-8», Iéna, 1761; J. J. Hess, 
Geschichte Mosis, 2 in-8», Zurich, 1777; L. Berthold, 
Dissertatio de rébus a Mose in JEgypto gestis, in-4», 
Erlangen, 1795; Thym, Dissertatio de vita Mosis a 
Philone conscripta, in-4°, Halle, 1793; J. Townsend, 
The character of Moses established as an historian, 
2 in-4°, Londres, 1813, 1815; W. F. Hufnagel, Moseh, 
wie er sich selbst zeichnet in seinen fûnf Bùchern, 
in-8°, 1822; G. A. Schumann, Vitse Mosis pars 1, in-8», 
Leipzig, 1826; F. Nork (Korn), Das Leben Mosis ans 



1215 



MOÏSE — MOISSON 



1216 



dem astrognostUchen Standpunkt betrachter, in-8», 
Leipzig, 1838; Vervost, Appendix de Moysis vita et 
gestis, in-18, Paris, 1843, 1846; J. G. Breay, The history 
of Mo&es pratically considered, in-8», Londres, 1848; 
B. Béer, Leben Moses nach Auffassung der jùdischen 
Sache (inachevé), in-8°, Leipzig, 1863; J. Danko, Hi- 
sloria revekttionis divines V. T., in-8°, Vienne, 1862, 
p. 93-128; J. Lauth, Moses der Ebràer, Munich, 1868; 
6. Rawlinson, Moses, his life and Urnes, 2 e édit., 
in-12, Londres (1887); F. Vigouroux, La Bible et les 
découvertes modernes, 6» édit., Paris, 1896, t. H, p. 280- 
592. Pour une bibliographie plus détaillée, voir E.-M. 
Œttinger, Bibliographie biographique universelle, 



la moisson était chétive. Job, xxix, 23; Prov., xvi, 15; 
Zach., x, 1. La première pluie, trois mois avant la mois- 
son, était également nécessaire. Am., iv, 7. Après la 
pluie du printemps, on pouvait faire la moisson sans 
en avoir d'autre à redouter. Jer., v, 24; Prov., xxvi, 1. 
Le « temps de la moisson » marque, dans la Sainte 
Écriture, la saison du printemps, c'est-à-dire le com- 
mencement de la saison sèche, s'étendant du milieu du 
nisan au milieu de sivan, comprenant par conséquent 
avril et mai. Gen., xxx, 14; Jud., xv, 1 ; I Reg., xn, 17; 
II Reg., xxi, 9, 10; xxih, 13; Judith, vin, 2; Prov., vt, 
8; Jer., vin, 20, etc. Cf. Iken, Antiquitates hebraicae, 
Brème, 1741, p. 440. La chaleur commençait alors à deve- 




304. — Moissonneurs égyptiens. Musée du Louvre. 



Paris, 1866, t. i, col. 1249-1251 ; G. Brunet, Dictionnaire 
des apocryphes deMigne, Paris, 1858, t. n, col. 631-634. 

E. Mangenot. 

2. MOÏSE (APOCALYPSE DE), livre apocryphe. Voir 

APOCALYPSES APOCRYPHES, 1. 1, col. 764-765. 

3. MOÏSE (ASSOMPTION DE), livre apocryphe. Voir 
Apocalypses apocryphes, t. i, col. 759. 

MOISSON (hébreu : qâsîr; Septante : 6epnru.ôç; "Vul- 
gate : messis), récolte des céréales (fig. 304). Voir t. i, 
flg. 45, col. 277-278. Pourcelle des fruits, voir Récolte, 
Vendange. 

I. Au sens propre. — 1° Son époque. — En Palestine, 
la moisson de l'orge se faisait en avril et s'ouvrait léga- 
lement le second jour de la fête de la Pâque; celle du blé 
pouvait tarder jusqu'en mai. Sur les plateaux, les mois- 
sons mûrissaient moins vite. Un peu après la Pâque, 
les apôtres trouvent déjà du blé mûr et le mangent. Matth. , 
xn, 1; Luc, vi, 1. On comptait sur la pluie de l'arrière- 
saison ou du printemps pour rendre la moisson abondante. 
Deut., xi, 14; Jer., m, 3; v, 24. Si elle faisait défaut, 



nir très forte, Is., xviii, 4, le Jourdain, grossi par la fonte 
des neiges du Liban, débordait, Jos., m, 15, et la neige 
fournissait un rafraîchissement apprécié. Prov., xxv, 
13. Les semailles se faisaient depuis la seconde quin- 
zaine d'octobre jusqu'en décembre, quelquefois même 
jusque soixante-dix jours avant la Pâque. Cf. Babyl. 
Berachoth, f. 18, 2; Menachoth, f. 85, 1. C'est donc 
entre novembre et janvier que Notre-Seigneur pouvait 
dire à ses apôtres : « Encore quatre mois, ëti TerpâixTivôf 
êoti (sous-entendu xpôvoç), encore (un temps) de quatre 
mois, et c'est la moisson. » Joa., iv, 35. La présence du 
mot ïti, « encore, » ne semble pas indiquer que la 
phrase de Notre-Seigneur soit un proverbe pouvant se 
dire en tout temps. Il n'en est pas moins possible pour- 
tant de la prendre en ce sens; car, en Palestine, les 
moissons mettent à peu près régulièrement quatre- mois 
à mûrir; elles sont plus ou moins tardives selon que 
les semailles elles-mêmes l'ont été. Cf. Le Camus, La 
vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, p. 339. 

2° Ses conditions. - On coupait le blé ou l'orge à la 
faucille, Is., xvn, 5, ordinairement assez près de l'épi, 
Job, xxrv, 24, de manière à n'avoir pas trop à se courber 



1217 



MOISSON 



1218 



pour moissonner. C'est ainsi que procédaient les moisson- [ semblait en tas, Ruth, m, 7, pour les transporter ensuite 
ncurs égyptiens (fig. 304). Voir aussi t. i, fig. 45, col. 277 j f à dos d'animaux ou sur des chariots, Am., u, Î3, soit dans 




305. — Tableau complet de la moisson. Tombeau de Ti. Musée Guimet. 



1. u, <jg. 629, 670, col. 2181, 2183. De la main gauche, on 
saisissait une poignée d'épis et on la coupait de la droite. 
On faisait des gerbes, Ps. cxxix (cxxyiii), 7, qu'on ras- 



DICT. DE LA BIBLE. 



des greniers, Malth., xiii, 30, soit plus ordinairement 
jusqu'à l'aire où l'on battait le grain. Voir Aire, t. i, 
col. 324. La moisson était accompagnée de réjouissances. 

IV. — 39 



1219 



MOISSON 



1220 



fa., IX, 3. Sur le second registre supérieur de la figure 305 
qui reproduit une scène de moisson, on voit à gauche un 
joueur de flûte et en face de lui un autre Égyptien qui 
bat des mains en cadence et chante probablement, pour 
entraîner les moissonneurs à la besogne. Les gais pro- 
pos et les rafraîchissements achevaient d'entretenir les 
courages. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient, t. i, p. 342; Id., études égyptiennes, La 
culture et tes bestiaux dans les tableaux de l'Ancien 
Empire, in-8°, Paris, 1888. C'était une honte de dormir 
à l'heure où il fallait moissonner. Prov., x, 5. — Après 
le déluge, Dieu avait promis à Noé que désormais les 
moissons se succéderaient régulièrement. Gen., viii ; 
22. Mais divers accidents pouvaient empêcher le maître 



sommer sur place. Deut., xxm, 35. Le droit de glanage 
était aussi consacré par la loi. Lev., xix, 9; Deut., xxiv, 
19. Voir Glanage, t. m, col. 249. Cf. Is., xvn, 5, On ne 
pouvait moissonner ni l'année sabbatique ni l'année ju- 
bilaire. Lev., xxv, 5, 11. Quelquefois une année sabba- 
tique et une année jubilaire, en s e suivant immédiate- 
ment, empêchaient deux moissons consécutives. IVReg., 
xix, 29; Is., xxxvu, 30. Voir Jubilaire (Année), t. m, 
col. 1750. A la fête de la Pàque, on présentait au sanc- 
tuaire les prémices de la moisson de l'orge, qui mûris- 
sait avant le blé. Exod., xxxrv, 22, et, à la Pentecôte, 
celles de la moisson du blé. Lev., xxm, 10. Cette der- 
nière fête, qui terminait la période de la moisson, s'appe- 
lait fyag Itaq-qâsîr, « fête de la moisson. » Exod., xxm, 16. 




du champ de moissonner : la sécheresse; qui ne per- 
mettait pas au grain de germer et engendrait la fa- 
mine, Gen., xlv, 6; le pillage de la moisson par les 
affamés, quand le maître ne veillait pas, Job, v, 5; 
l'incendie de la moisson encore sur pied, Jud., xv, 5; 
Judith, il, 17; les ravages des sauterelles. Joël, I, 
11, etc. Le paresseux et le contemplateur de nuages ne 
devaient pas s'attendre à recueillir une moisson. Prov., 
xx, 4; Eccle., xi, 4; II Cor., IX, 6. — Les moissons de 
Palestine étaient assez abondantes pour fournir les 
marchés d'exportation de Tyr. Ezech., xxvn, 17; cf. Is., 
xxrvi, 17. — Les oiseaux du ciel sont nourris par la 
Providence sans avoir besoin de semer ni de mois- 
sonner. Matth., vi, 26; Luc, xii, 24. 

3» Dispositions législatives. — L'observation du sab- 
bat était rigoureusement prescrite, même en temps de 
labourage ou de moisson. Exod., xxxiv, 21. En moisson- 
nant, on devait laisser un coin du champ pour le pauvre. 
Lev., xix, 9") xxm, 22, En dehors de ce cas, personne 
ne pouvait moissonner dans le champ d'autrui; mais le 
passant avait le droit d'y cueillir des épis pour les con- 



iio de M. L. Heidet. 



4° Coutumes juives. — Voici comment les Juifs s'ac- 
quittaient de ces dernières prescriptions. Le soir de la 
Pâque, dés le début de la nuit qui commençait le 16 du 
mois de nisan, des délégués du sanhédrin partaient solen- 
nellement de Jérusalem avec une corbeille et une faucille, 
traversaient le Cédron, et, dans un champ voisin, cou- 
paient une certaine quantité d'orge, acheté aux frais du 
trésor. Ils l'apportaient aux prêtres dans les parvis du 
Temple. Ceux-ci en tiraient un dixième d'épbi de fleur de 
farine, qu'ils mélangeaient d'huile et d'encens, pour faire 
les gâteaux qui devaient être offerts, puis mangés par 
les prêtres. Josèphe, Ant. jud., III, x, 5, dit que l'on 
croyait juste de faire honneur à Dieu des prémices de 
l'orge, pour le remercier des biens reçus de sa muni- 
ficence. Tant que cette offrande de prémices n'était pas 
feite, personne n'avait le droit de mettre la faucille an 
blé, à l'orge, à l'épeautre, à l'avoine ou au seigle. Cf. 
Sukka, m, 12; Gem., Rosch Haschana, 7, 2; Clialla, 
i, 1; Menachoth, x, 3; vi, 6; Schekalim, iv, 1. Quand 
les Apôtres prirent dès épis dans un champ et les frois- 
sèrent, la Pàque était donc certainement passée; car, 



1221 



MOISSON - MOLADA 



•1222 



au HeU de leur faire remarquer que leur action n'était 
pas permise le jour du sabbat, on leur eût objecté que 
la moisson n'était pas encore ouverte. Matth., xh, 2; 
Luc, Vi, 2. — A la Pentecôte, on offrait au Temple deux 
pains fermentes, faits avec de la farine provenant de la 
moisson du froment de l'année. Ce froment avait dû 
être moissonné en terre d'Israël. Cf. Siphra, f. 77, 1. 
A partir de ce jour, on pouvait présenter au Temple 
des gâteaux faits avec la farine de l'année. Cf. Mena- 
choth, x, 6; Reland, Antiquitates sacras, Utrecht, 1741, 
p. 233, 234, 239. — La moisson commençait donc offi- 
ciellenient en Palestine au milieu de nisan, soit dans la 
première quinzaine d'avril, et elle se prolongeait jus- 
qu'au milieu de sivan, ou fin de mai. On moissonnait 
l'orge au début et le blé à la fin. 
II. Au sens FiGunÉ. — 1" La prospérité ou le malheur. 

— La moisson, effet de la semence et de la culture, figure 
les effets heureux ou funestes de la bénédiction ou de 
la malédiction divines, de la conduite bonne ou mau- 
vaise de l'homme. La joie de la moisson figure celle 
que cause la confiance en Dieu. Ps. iv, 8. Une moisson 
est préparée à Juda, quand Dieu ramènera les captifs 
de son peuple. Ose., vi, 11. Alors ceux qui ont semé dans 
les larines moissonneront dans la joie. Ps. cxxvi (cxxv), 
5, 6. Par contre, le cri de guerre retentit sur les mois- 
sons de Moab, pour annoncer la ruine de ce peuple. 
Is., xvi, 9. Tyr et Sidon, condamnées par le Seigneur, 
sont comme une moisson que la faucille va couper. 
Joël, JH, 13. Une nation vengeresse doit dévorer la mois- 
son de ]a maison d'Israël. Jer., v, 17. Israël coupable 
sèmera, mais ne moissonnera pas. Mich., VI, 15. Ses 
ennemis eux-mêmes sèmeront du froment et récolteront 
des épines. Jer., xir, 13. En général, l'homme recueille 
ce qu'il a Semé, c'est-à-dire subit les conséquences de 
ses actes. II Cor., ix, 6; Gai., vi, 8, 9. Ceux qui sèment 
l'iniquité moissonnent le malheur. Prov., xxh, 8; Ose., 
Vin, 7; x, 12, 13; Eccli., vu, 3. — Saint Paul dit qu'en 
retour des biens spirituels qu'il sème dans les âmes 
des fidèles, il a bien le droit de moissonner un peu 
de biens temporels. I Cor., ix. 11. 

2° La fin du monde, — Elle est représentée sous la 
figure d'une moisson. Matth., xm, 30,39; Apoc, xiv, 
15, 16. 

3° La moisson spirituelle. —La semence évangélique 
est jetée dans les âmes ; la conversion et la sanctification 
de ces âmes est comparée à une moisson, en vue de la- 
quelle il faut demander à Dieu des ouvriers. Matth., ix, 
37, 38; Marc, iv, 29; Luc;, x, 2; Joa., iv, 36-38. Le maître 
du champ moissonne là où il n'a pas semé, au dire du 
mauvais serviteur. Matth., xxv, 24, 26 ; Luc, xix, 21, 22. 
Le maître relève cette insolence en rappelant au servi- 
teur négligent qu'il a reçu un bien à faire valoir et qu'il 
aurait dû travailler pour que ce bien fructifiât, c'est-à- 
dire pour que la grâce divine produisît en lui une 
moisson spirituelle. H. Lesètre. 

MOISSONNEUR (hébreu : qôsêr, 'an$ê qàirr, 
« hommes de moisson, » Is., xvn, 5; Septante : (Jspiïiov, 
Siptcrrriç; Vulgate : messor), celui qui moissonne (fig. 307). 

— Dans le livre de Ruth, n, 3-m, 15, on voit les mois- 
sonneurs au travail. Us ont un surveillant, Ruth, il, 5, 
des vases pour se désaltérer, Ruth, il, 9, du grain rôti 
à manger, Ruth, n, 14; ils moissonnent successivement 
l'orge et le froment, Ruth, H, 23, et en font des gerbes. 
Ruth, n, 7, 15; ni, 7. Ce furent des moissonneurs de 
Béthsamès qui virent l'Arche les premiers à son retour 
de chez les Philistins. I Reg., VI, 13. Samuel avertit les 
Israélites que le roi qu'ils désiraient prendrait leurs 
fils pour récolter ses moissons. I Reg., vin, 12. Jérémie, 
ix, 22, parle des hommes qui, frappés par la mort, 
tomberont comme la gerbe derrière le moissonneur. 
L'herbe des toits ne suffit pas à remplir la main du 
moissonneur. Ps. cxxix (cxxvm), 7. Le prophète Haba- 



1 eue allait porter leur nourriture aux moissonneurs, 
quand l'ange le saisit et le transporta auprès de Daniel. 
Dan., xiv, 32. Saint Jacques, v, 4, réprimande ceux qui 
font tort de leur salaire aux moissonneurs qu'ils ont 




307. — Moissonneur égyptien. Bas-relief du tombeau d'Uranna. 

D'après N. de G. Davies, The Rock tomba of Sheikh Sdid, 

in-f°, Londres, 1901, Frontispice. 

employés. —Le laboureur suit de près le moissonneur, 
quand la moisson est tellement abondante qu'elle ré- 
clame un long temps pour être fauchée, recueillie et 
battue. Am., ix, 13. — Les ennemis qui viendront frap- 
per Israël feront comme le moissonneur qui fauche les 
blés et ne laissent que quelques épis pour le glanage. 
Is., xvn, 5. Les moissonneurs de la fin du monde seront 
les anges. Matth., xm, 39. H. Lesëtre. 

MOLADA (hébreu : Môldddh; Septante : MtoXaSS; 
on trouve encore les leçons erronées : Mtoêaoa, Alexan- 
drïnus, Jos., xv, 26; KaXaâajj., Vaticanus, Jos., xix, 2), 
ville primitivement assignée à Juda, Jos., xv, 26, don^ 
née ensuite à Siméon, xix, 2, et repeuplée de Juifs après 
le retour de Babylone. II Esd., xi,26. — 1° Situation.— 
Nommée avec Bersabée et Sabée, elle doit, sans doute, 
se chercher sous la même latitude ou dans leur voisinage. 
Les interprètes croient généralement Molada identique 
à la ville de Malatha de l'Idumée, près de laquelle 
Agrippa I er se retira, à son retour de Rome et avant la 
mort de Tibère. Jos., Ant. jud., XVIII, vi, 6. Cf. Re- 
land, Palœstina, p. 901, 886. L'Idumée, d'après l'histo- 
rien juif, commençait alors à Bethsur (bordj Sûr), au 
/nord d'Hébron, et comprenait Adora (auj. Bord) et Ma- 
rissa, voisine de la Bethogabra de Josèphe (Beit Bjibrïn), 
c'est-à-dire une grande partie du territoire de l'ancienne 
tribu de Juda et tout le territoire de Siméon. — La forme 
Malatha permet de supposer que le vrai nom de cette 
localité pouvait être Malahah ou Malhafa'; il dériverait 
ainsi, non de yâlad, « enfanter, » comme l'a cru Gese- 
nius, Thésaurus, p. 595, mais de mâlah, « être salé. » Cette 
conjecture peut sembler d'autant plus probable que le 
nom Maleaha (variante Maleathia) se trouve pour dési- 
gner la même ville dans la Nolilia dignitatum imperii 



1223 



MOLADA — MOLOCH 



1224 



Romani. Cf. Reland, Palxstina, p. 231. Elle était la ré- 
sidence de la première cohorte, flavia, et est nommée 
entre Arindela et Thamana. 

2° Identification. — Eusèbe indique Molada dans la 
tribu de Siméon, et Malatha, écrit par lui MaXaiOot et 
MaXafloi dans la Daroma ou région méridionale de la 
Palestine, près d'Éther ou Jéther et à quatre milles 
d'Arad. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Londres, 
1862, p. 178, 232, 292. Jos. Schwarz croit avoir re- 
trouvé Molada à une heure et demie au sud-ouest de 
tell 'Arad. Tebuoth ha-Arez, nouvelle édit., Jérusalem, 
1900, p. 120. Le rabbin semble désigner ainsi la ruine 
appelée Kuseiféh, située à 6 kilomètres au nord-ouest 
de Tell 'Arad, distance qui correspond exactement à 
celle indiquée par Eusèbe. — Robinson identifie Molada 
avec Tell el-Milh ou el-Meléh, situé à 12 kilomètres 
à l'ouest-sud-ouest de Tell 'Arad. Pour cet explorateur, 
el-Milh est une corruption de la forme grecque Malatha 
dérivée elle-même de Molada. Cf. Biblical Researches 
in Palestine, Boston, 1841, t. h, p. 619-627. Cette iden- 
tification a été acceptée comme certaine ou du moins 
comme très probable par un grand nombre de pales- 
tinologues. Cf. F. de Saulcy, Dictionnaire topographique 
abrégé de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 218; V. Gué- , 
rin, La Judée, t. m, p. 183-185; R. von Riess, Biblische 
Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 65; ld.Bibel- 
Atlas, ibid., 1882, p. 21. — Tell él-Meléh est une colline 
artificielle composée de débris de constructions et de 
terre. Ces restes n'ont rien de remarquable. Le som- 
met de la colline sert de cimetière aux Arabes de la 
région. Au nord-est est un puits environné d'auges en 
pierre d'apparence très antique, où les Bédouins vien- 
nent abreuver leurs nombreux troupeaux. Les eaux sont 
abondantes mais saumâtres, et les chevaux se décident 
difficilement â en boire. — En raison de cette circon- 
stance, quelques géographes pensent que le nom du 
puits, bîr el-Meléh, qui est d'origine arabe, passé au tell. 
La distance marquée par Eusèbe doit aussi faire chercher 
.ailleurs Molada. Suivant Conder, Tell el-Meléh occupe- 
rait plutôt le site de la ville appelée, Hr ham-Melah, 
civitas Salis, « la ville du Sel, » Jos., xv, 62, et il faudrait 
chercher Molada au khirbet Dereidjât, situé à 6 kilo- 
mètres, équivalant exactement aux quatre milles d'Eu- 
tsèbe, au nord-ouest de Tell 'Arad. Cf. C. R. Conder, 
dans The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. m, 
p. 404-416; Armstrong, Names and Places in the Old 
Testament, Londres, 1887, p. 128; Buhl, Géographie des 
alten Palàstina, Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1890, 
p. 182. — A 12 kilomètres^ sud-sud-ouest de Tell 'Arad, 
on signale encore une localité appelée Mefallah, dont le 
nom pourrait être une de ces métathèses, si fréquentes 
-dans le pays, pour Malatha; mais la distance de VOno- 
masticon ne lui convient pas exactement non plus. Cette 
difficulté, aussi bien pour cette localité que pour tell el- 
Meléh vu les erreurs de mesures assez nombreuses de 
VOnomasticon, n'est pas très sérieuse. Pour cette der- 
nière, celle du nom ne l'est pas davantage : les anciens 
.ont pu, comme les modernes, désigner la ville de la na- 
ture saline des eaux voisines, et former son nom d'un 
dérivé de la racine mélah, en usage chez eux comme 
chez les Arabes. L. Heidet. 

MOLATHI, MOLATHITE (hébreu : ham-Mehôlâpi; 

: Septante : 6 MaouXaOfruc, 6 MaiouXaOt; Alexandrinus ; 

;MufljXa8iTriç; Vulgate : Molathita, de Molathi), origi- 
naire de Mehôlàh ou habitant de cette ville. Hadriel, 
fils de Berzellaï, à qui le roi Saùl donna sa fille Mérob 
en mariage, est appelé « le Molathite », IReg^Sam.J.xviir, 
19; II Reg. (Sam.), xxi, 8, probablement parce que lui 

• ou ses ancêtres étaient nés à Mehôlah. Un certain nom- 
bre de commentateurs pensent que Mehôlah n'est pas 
autre qu'Abelméhulah, avec suppression du premier 

.élément du nom. Cette opinion ne manque pas de vrai- 



semblance, mais elle n'est point certaine. Pour le site 
d'Abelméhula, voir t. i, col. 33. 

MOLCHOM (hébreu : Malkâm, « leur roi[?]; » Sep- 
tante : MeXxâç; Alexandrinus : Menait), le quatrième 
des sept fils de Saharaïm et de Hodès, de la tribu de 
Benjamin. I Par., vin, 9. 

MOUD (hébreu : Môlid, « qui fait engendrer; » 
Septante: MwriX; Alexandrinus : MwXâê), le second des 
fils d'Abisur et d'Abihaîl, de la tribu de Juda, descen- 
dant de Jéraméel. I Par., il, 29. 

MOLLET, partie postérieure de la jambe, entre l'ar- 
ticulation du genou et le talon. Cette partie charnue, 
située en arrière du tibia et du péroné, se compose des 
jumeaux, muscles extenseurs de la jambe, et du soléaire, 
muscle extenseur du pied, rattachés à l'os du talon par 
le tendon d'Achille. Il n'est point question du mollet 
proprement dit dans le texte hébreu ni dans les Sep- 
tante. Mais, par deux fois, Deut., xxvm, 35, Jud., xv, 
8, la Vulgate traduit par sura, « mollet, » l'hébreu êôq, 
« jambe. » Voir Jambe, t. ni, col. 1113. Le sens de ces 
passages n'en est pas modifié. H. Lesètre. 

MOLLI K Tobie, bénédictin, né le 13 juin 1751, à Raab 
en Hongrie, mort dans la même ville le 15 avril 1824. 
Il embrassa la vie monastique de l'abbaye de Saint- 
Martin de Pannonie le 17 novembre 1768. Parmi ses 
écrits nous remarquerons]: Pentateuchus secundum litte- 
ralem mysticumque sensum familiari sanctis Patribus 
methodo per brèves videlicet homilias explicatus atque 
omnigena historix theologimque éruditions illustratus, 
in-4", Erlau, 1785; Dissertationes trinse de LXXH in- 
terpretum grseca Veteris Testamenti versione, in-8°, 
Raab, 1819. — Voir Scriptores Ord. S. Benedicti qui 
1750-i880 fuerunt in imperio Austriaco-Hungarico 
(1881), p. 301. B. Heuhtebize. 

MOLOCH (hébreu : ham~Môlék, toujours avec l'ar- 
ticle, excepté I (III) Reg., xi, 7), dieu des Ammonites. 

1. Nom. — Son nom signifie « roi », ce qui explique 
les manières diverses dont il a été rendu par les Sep- 
tante et par la Vulgate. Les Septante l'ont rendu par 
6 MoXdx, IV Reg-, XXIII, 10, 13; ô MoXô^ (3aatXe-jç, Jer., 
xxxii, 35; âp-^wv, Lev., xvm, 21; xx, 2, 3, 4, 5; à paat- 
Xeùç aireûv, 111 Reg., xi, 7; IV Reg., xxin, 10; MeX^c 
(Atexandrinus); MeX^ôij. {Lucien); IV Reg., xxm, 13; 
'A[ieXxô[i (Alexandrinus), IV Reg., xxm, 13; MeX^rôX, 
Jer., xlix, 1, 3; MoXiSx, Amos, v, 26. On trouve aussi 
MûX/ôX, MoXx<5(i, etc., dans quelques manuscrits. Dans 
les Actes, vu, 43, son nom est écrit MoXdj^. C'est le seul 
endroit du Nouveau Testament où il soit mentionné, dans 
le résumé historique que fait le diacre saint Etienne des 
infidélités d'Israël. — Plusieurs savants modernes, G. 
Hoffmann, Versuche zu Amos, vin, 14, dans la Zeits- 
chrift fur die alttestamentliche Wissenschaft, 1883, 
p. 124, croient que le nom du dieu devait se prononcer 
régulièrement Mélek, comme le mot signifiant « roi », 
mais que c'est par dérision qu'on l'appelait Môlek, en 
lui attribuant les voyelles du mot bôSe{, « honte. » Cf. la 
substitution de bôsep à Ba'al, Jer., m, 24. Voir Miphi- 
boseth, col. 1108. 

La signification « roi » du nom du dieu Moloch crée 
une ambiguïté dans plusieurs passages de l'Ancien Tes- 
tament où traducteurs et commentateurs se divisent, les 
uns y voyant un nom propre, les autres un nom com- 
mun. Dans le texte hébreu lui-même, il n'est pas tou- 
jours aisé de reconnaître si le mot Mlk signifie le dieu 
Moloch ou simplement un roi. Les massorètes l'ont 
ponctué comme désignant le dieu dans Lev., xvm 21; 
xx, 2, 3, 4, 5; I (III) Reg., xi, 7; H (IV)Reg., xxm, 10. 
Ils l'ont ponctué comme désignant un roi dans les pas- 



1225 



MOLOCH 



1226 



sages suivants, où, d'après certain -, commentateurs, ils 
auraient dû lire Moloch : Is.,xxx, 3d; lvii, 5. — Lesmas- 
sorètes ont considéré le mot Mlkm, comme nom divin, 
Milcom, dans trois passages seulement, I (III) Reg., xt, 5, 
33, et II (IV) Reg., xxm, 13. Ils ont lu Malkam, « leur 
roi, » dans plusieurs endroits où divers critiques lisent 
Milcom. II Sam. (II Reg.), xii, 30 (Septante : MoXxôf. 
toî -paffiXÊioi;); I Par., xx, 2 (Septante : MoX/bp. toû'Pcmti- 
X£wç); Jer., xlix, 1, k Cf. Amos, I, 15 (Septante : oi(3a- 
<ji>£'.î)> Amos, v, 26; Soph., i, 5. D'après les Septante (toj 
PeunXéwç a-JTôv), la Vulgate et divers critiques modernes, 
dans ce dernier passage, il s'agit du dieu Moloch et non 
du roi, et cette opinion est fort probable. Sur Amos, i, 




308. — Stèle votive à Moloch-Baal. Haut. : 0-20; larg. : 0-14. 

Musée Lavigerie à Saint-Louis de Cartbage. 

On y lit : Gippe de Moloeh-Baal ; vœu fait par Bod-Astaroui, 

fila de Bod-Melqarth, etc. 

15, les sentiments sont très partagés : les uns traduisent : 
« leur roi (des Ammonites) sera emmené en captivité; » 
les autres : « Milcom (ou Moloch) sera emmené captif. » 
On peut alléguer en faveur de cette dernière explication 
que le passage semblable de .Jérémie, xlix, 3, s'applique 
certainement à Moloch. Dans Amos, v, 26, au contraire, 
l'interprétation de Milkam par Moloch, au lieu de « votre 
roi », souffre plus de difficultés. Les anciens commenta-, 
teurs ont généralement vu dans ce passage une allusion à 
l'idolâtrie des Israélites dans le désert du Sinaï et sup- 
posé qu'ils y avaient adoré Moloch. Les Septante, Aquila, 
la Vulgate, la Peschito ont rendu Malkekém par Mo- 
loch. Cf. Act., vu, 43. Beaucoup de modernes adoptent 
une autre explication et, au lieu de « tente de Moloch », 
traduisent Sikkuth (ou Sakkuth), « votre roi. « Voir 
Kion, t. m, col. 1892. 

Le mot mélék ou mélech entre comme élément com- 
posant dans un grand nombre de noms propres, chez 
tous les peuples sémites, et il y a lieu de croire que 



dans beaucoup de cas, c'est de Moloch ou d'un dieu 
considéré comme roi qu'il s'agit, par exemple, dans les 
stèles votives de Carthage (fig. 308, 309), quoiqu'on puisse 
soutenir que dans certains noms Mé lech doive s'entendre 
du roi régnant. Sennachérib, dans le Prisme de Taylor, 
mentionne un roi édomite appelé Malik-rammu. Eb. 
Schrader, Die Keilimchrtften und das dite Testament, 
1872, p. 57. Dans l'onomastique phénicienne, plusieurs 
noms propres renferment aussi l'élément Mlk, Malkya- 
thon, Abdmalk, Bodmalk, etc. Voir M. A. Levy, Phôni- 
zischer Wôrterbuch, 1864, p. 28, 35; Id., Phônizische 
Studien, t. iv, 1870, p. 82. Cf. M. de Vogué, Stèle de 
Yehavmélek, roi de Gebal, Paris, 1875, p. 6. Chez les 
Hébreux eux-mêmes, nous rencontrons MalkUû'a (Mel- 
chisua), I Reg., xrv, 49; Malkiram (Melchiram), I Par., 
m, 18; 18; Natanmélék (Nathanmélech), IV Reg., xxm,. 
11 ; Regem mélek (Rogommélech), nom d'un Juif babylo- 
nien, Zach., vu, 2. Ébedmélek (Abdémélech), mentionné 
Jer., xxxix, 16, était Éthiopien. Il est possible que dans, 
la catégorie de noms hébreux Mélek désigne Jéhovah^ 



«. .A 




tv).?.$ i pî i &r'', 




309. — Autre stèle votive à Moloch-Baal. Haut. : 0-32 ; larg. : 0-18,. 

Musée Lavigerie à Saint-Louis de Carthage. 

On y lit : Cîppe de Moloch-Baal ; vœu fait par Magon, 

fils d'Adonibaal, fils de Magon, fll9 de Bod-Astharoth, etc. 

considéré comme le roi de son peuple. Cf. Is., vi, 5, où. 
le Dieu d'Israël est appelé ham-mélek, « le roi. » 
II. Culte. — Moloch était le dieu des Ammonites. 

III Reg., xi, 5, 7, 33} IV Reg., xxm, 13. Cf. Amos, i, 15 (?), 
Des prêtres particuliers étaient attachés à son culte,, 
Jer., xlix, 3, mais nous n'avons aucun détail sur la ma- 
nière dont ils l'honoraient. C'est par l'histoire de l'ido- 
lâtrie en Israël que nous savons qu'on lui offrait des. 
victimes humaines et surtout des enfants. On « faisait, 
passer », hé'ëbîr, les enfants par le feu et on les consu- 
mait en l'honneur du dieu, Lèv., xvm, 21; Jer., xxxn, 
35; Ezech., xx, 26, à qui ils servaient de nourriture. 
Ezech., xvi, 20; xxm, 37 (lé'ëkôl, le'oklah; Vulgate - 
ad devorandum). Le Lévitique interdit sévèrement ce: 
rite barbare. Lev., xvm, 21; xx, 2, 3, 4, 5.. Cf. Deut.,. 
xviii, 10. Il n'en fut pas moins pratiqué plus d'une fois, 
dans le royaume d'Israël, IV Reg., xvn, 17, et même 
dans le royaume de Juda. IV Reg., xxm, 10; Is., lvii, 
5; Jer., vu, 30-32; xix, 1-13. Cf. Ps. cv (cvi), 37-38; 
Ezech., xvi, 20-21; xxm, 37-39. Les rois eux-mêmes- 
eurent la cruauté d'offrir ainsi leurs fils à Moloch : c'est, 
ce que fit Achaz, roi de Juda, IV Reg., xvi, 3; II Par.„ 
xxviii, 3; c'est ce que fit aussi son petit-fils Manassé.. 

IV Reg., xxi, 6. Ces sacrifices s'accomplissaient à To- 
pheth (voir Topheth), dans la vallée de Géennom (t. hl, 
col. 153), ce qui, du temps de Notre-Seigneur, avait fait 
donner le nom de cette vallée, transformé en -fésvva ou, 



1227 



MOLOCH 



1228 



géhenne, à l'enfer. Voir Géhenne, t. m, col. 155. S. Jé- 
rôme, InJer., vu, 31, t. xxiv, col. 755; ïn Matth., x, 28, 
t. xxvi, col. 66. Jérémie, xix, 5, dit que les enfants im- 
molés à Topheth étaient offerts â Baal, mais il emploie 
le nom de Baal comme synonyme de Moloch. Cf. Jer., 
xxx] [, 35. — En même temps que Moloch était honoré par 
ces sacrifices humains dans la vallée qui s'étend au sud 
de Jérusalem, on lui rendait aussi un culte sur un 
Mmâh ou haut lieu que lui avait érigé Salomon, devenu 
idolâtre, sur le mont du Scandale, au sud-est de Jéru- 
salem. III Reg., xi, 5, 7, 33. Il est fait encore mention 
de ce bamdh, à l'occasion de sa destruction par Josias, 
IV Reg., xxiii, 13, mais nous ignorons de quelle manière 
on honorait Moloch sur ce haut lieu. — Sophonie, i, 5, 
reproche aux Juifs de jurer par Melchom ou Moloch en 
même temps que par Jéhovah, et confirme ainsi ce que 
nous apprennent les autres livres sacrés des hommages 
rendus par les Israélites au dieu des Ammonites. Cer- 
tains interprètes traduisent cependant Melchom par 
« leur roi » dans ce passage de Sophonie. Après la cap- 
tivité de Babylone, on ne trouve plus de traces du culte 
de Moloch chez les Juifs. 

III. Les sacrifices humains chez les Assyro-Chal- 
déens. — On admet généralement aujourd'hui que 
Moloch était une personnification du soleil divinisé, 




Fr. Lenormant, Éludes accadiennes, t. m, part, i, 
p. 112; Id., Les premières civilisations, 2 in-8°, Paris, 
1874, t. ii, p. 197. Cf. C. Bail, dans les Proceedings 
of Ike Society of Bibl. Arch., 2 février 1892, p. 149- 
152. Mais quelques cylindres chaldéens paraissant bien 
représenter des scènes de sacrifices humains. Voir 
J. Menant, Les sacrifices humains, dans ses Recher- 
ches sur la glyptique orientale, part. I, in-4°, Paris, 
1883, p. 150-156; Id., Collection de Clercq, 2 in-f», 
Paris, 1885, p. 18. L'un d'entre eux (fig. 310) nous 
montre la victime à demi agenouillée devant un dieu 
et derrière elle un personnage qui tient le bras levé 
pour la frapper. Rien n'indique qu'on la fasse passer 
par le feu. Il faut remarquer à ce sujet qu'on ne brû- 
lait pas vifs ceux qu'on offrait à Moloch; on ne les 
jetait dans le feu comme une sorte d'holocauste qu'après 
les avoir immolés en sacrifice. Deut., XII, 31; cf. xvm, 
10; Ezech., xvi, 20; xxm, 37; Jer,, vu, 31; xix, 4-6; 
cf. xxxn, 35; IV Reg., xvn, 31. Un autre cylindre, en 
basalte noir, publié par M. C. J. Bail, Glimpses of Ba- 
bylonian Religion, Ruman Sacrifices, dans les Pro- 
ceedings of the Society of Biblical Archseology, 2 février 
1892, t. xiv, p. 152-153, nous montre les flammes qui 
manquent dans le précédent (fig. 311). Le dieu à qui 
l'on offre le sacrifice est debout sur une pyramide à 
quatre degrés, qui est son temple. Le pied gauche est 
posé sur le plus bas degré, le pied droit sur le plus haut. 



310. — Sacrifice d'enfant. Cylindre choldéen en hématite 
provenant de la collection du duc de Luynes. Bibliotb. nationale. 

comme le Baal phénicien. W. Baudissin, Studien zur 
semitischen Religionsgeschichte , 1876, p. 152. C'est 
sans doute pour cette raison qu'on lui offrait des vic- 
times humaines qu'on brûlait en son honneur. Les Phé- 
niciens, qui personnifiaient le soleil en Baal, lui immo- 
laient également des hommes. Eusèbe, Prsep. evang.,i\, 
16, t. xxi, col. 272. Les Carthaginois faisaient de même. 
Diodore de Sicile, xx, 14; S. Augustin, De civ. Dei, vu, 
19, t. xli, col. 209. Il y a lieu de croire que cette cou- 
tume barbare existait également chez les Chaldéo-Assy- 
riens. En effet, l'Écriture, IV Reg., xvm, 31, raconte 
que les Répharvaïtes qui furent déportés par Sargon, 
roi d'Assyrie, en Samarie, brûlaient au feu leurs enfants 
pour honorer Adramélech et Anamélech qui étaient les 
dieux de Sépharvaïm ou Sippara. On peut observer que 
le second élément de ces deux noms divins est Mélech, 
le nom même de Moloch. On n'a aucune raison de 
confondre Moloch avec ces deux divinités, mais l'exis- 
tence des sacrifices d'enfants chez ces colons assyriens 
est ainsi constatée. Les inscriptions cunéiformes n'ont 
fourni jusqu'à ce jour, il est vrai, aucune preuve positive 
constatent cette coutume. Les textes que M. Sayce et 
Fr. Lenormant avaient cru pouvoirtraduire dans ce sens 
n'ont pas cette signification. Western asiatic Inscrip- 
tions, t. iv, pi. 26; t. m, pi. 61, Obv., 1. 33; Sayce, On 
human sacrifice among the Babylonians, dans les 
Transactions of the Society of Biblical Archseology, t. iv, 
part, i, 1876, p. 25-31 ; Id., Astronomy of the Baby- 
lonians, ibid,, t. m, 1874, part, i, ligne 162, p. 274; 






311. — Autre sacrifice humain. Cylindre chaldéen. 

D'après C. J. Bail, Glimpses of Babylonien Religion, 

dans les Proceed. of the Society of Bibl- Arch., t. xiv, p. 152. 

De la main droite il tient une épée courte et recourbée, 
de la gauche, un sceptre. Derrière lui est dressé un 
petit autel avec des offrandes. Devant lui, un roi ou un 
prêtre ou plutôt sans doute un roi pontife tient son 
sceptre avec les deux mains. La scène capitale se passe 
devant ces deux personnages, en tenant compte de la 
forme cylindrique de l'objet sur lequel elle est repré- 
sentée, quoique, pour éviter de couper les acteurs du 
drame, elle soit figurée derrière eux sur le dessin. Deux 
personnages revêtus de la peau de léopard qui distingue 
les prêtres égyptiens, tiennent l'un et l'autre le bras 
droit levé comme pour frapper. Avec la main gauche, 
l'un d'eux tire en arriére la tête d'un homme agenouillé 
sur un genou, tandis que l'autre le tient par la barbe, 
afin de dégager son cou qui va être coupé. A droite 
de la victime est un oiseau de proie qui s'apprête à le 
dévorer; à sa gauche, une antilope s'enfuit. Au-dessus 
de lui s'élèvent des flammes. 

IV. Idole de Moloch d'après les rabbins et saint 
-Cyrille. — 1° Plusieurs commentateurs pensent que 
les Ammonites représentaient Moloch sous une forme 
humaine, puisqu'il portait une couronne, d'après 
II Reg., xn, 30, et I Par., xx, 2, en entendant ces textes 
du dieu Moloch. Les rabbins ont attribué à Moloch une 
tète de taureau, Yalkut (voir Cara 2, t. H, col. 241), et 
Kimchi, dans son commentaire de IV Reg., xxm, 10, 
raconte qu'il y avait en dehors de Jérusalem une statue 
d'airain creuse représentant Moloch; dans l'intérieur 
était un temple à sept compartiments. Raschi, In Jer., 
vil, 31, dit aussi que la statue de Moloch était d'airain 
et creuse; on la faisait rougir et quand elle était ainsi 



1229 



MOLOCH — MONACENSIS (CODEX) 



1230 



embrasée, on y jetait les enfants qu'on lui offrait en sa- 
crifice et l'on étouffait le bruit de leurs cris au son des 
tambours. Voir Scholz, Gôtzendienst, 1877, p. 187,191. 
Diodore de Sicile, xx, 14, raconte que Chronos, le Moloch 
de Carthage, était représenté par une statue d'airain, aux 
bras étendus, et creuse, brûlant par le feu allumé à l'in- 
térieur, les enfants qu'on lui mettait dans les bras. 
Plusieurs critiques croient que ce passage de Diodore 
ou d'autres croyances populaires analogues, sont la 
source des descriptions dé Yalkut et de Kimchi. Quoi 
qu'il en soit, aucun auteur ancien, en dehors des rab- 
bins du moyen âge, ne parle du taureau-Moloch de Jéru- 
salem. Voir Baudissin, Moloch, dans Herzog, Real- 
Encyklopàdie, 2« édit., t. vm, 1882, p. 174. — Félix 
Lajarda publié, dans son Introduction à l'étude du culte 
•public et des mystères de Mithra en Orient et en Occi- 
dent, Planclies, in-f°, Paris, 1847, pi. lxviii, fig. 25, un 
scarabée de cornaline de vieille roche, représentant un 
dieu oriental, assis, à tête de taureau, qu'on a supposé 
être une représentation de basse époque du dieu Moloch 
(fig. 312), mais cette attribution est loin d'être certaine. 




312. — Dieu à tète de taureau. 

D'après F. Lajaid, Introduction au culte de Mithra. 

Atlas, pi. lxvhi. 

2° D'après saint Cyrille d'Alexandrie, In Amos, v, 25- 
27, n» 55, t. lxxi, col. 512; Théophylacte, In Act., vu, 
43, t. cxxv, col . 621 ; Œcuménius, In Act., vu, 43, t. cxvm, 
col. 148, Moloch portait sur le front une pierre bril- 
lante, lt'9ov Staçavîj. Leur affirmation n'est pas justifiée. 
Théophylacte et Œcuménius ont reproduit mot pour 
mot les paroles de saint Cyrille. Ce Père a peut-être 
emprunté sa description aux rabbins. Il est raconté, 
dans II Reg., xii, 30, que David s'empara de la couronne 
de Melchom ou Moloch, à Rabbath-Ammon. La Vulgate, 
au lieu de Moloch, lit avec l'hébreu, « leur roi, » mais 
un grand nombre de commentateurs modernes, comme 
on l'a vu plus haut, traduisent « Milcom », le dieu des 
Ammonites. D'après cette interprétation, l'idole était 
parée d'une couronne. La tradition rabbinique ajoutait 
que dans celte couronne brillait une pierre précieuse, 
un aimant d'après Kimchi. Il est possible que ce soit à 
cette source qu'a puisé le docteur alexandrin. 

V. Bibliographie. — Voir dom Calmet, Dissertation 
sur Moloch, dieu des Ammonites, en tête du Lévitique, 
dans son Commentaire littéral, Paris, 1717, p. 592-603; 
Movers, Die Phônizier, 4 in-8», Bonn, 1841-1856, t. i, 
p. 322-414; P. Scholz, Gôtzendienst und Zauberwesen 
bsr den allen Hebrâer, Ratisbonne, 1877, p. 182-197 ; 
Frd. Baethgen, Beitrâge zur semilischen Religions- 
geschichte, Berlin, 1888, p. 15-16, 37-40, 84-85, 238, 254- 
255, 263; W. von Baudissin, Jahve et Moloch, in-8", 
Leipzig, 1894; Alfred Jeremias, Moloch, dans W. H. Ros- 



cher, Ausfùhrliches Lexikon der griechiscfwn und rô- 
mischen Mythologie, t. n, 1890, col. 3106-3110; M. J. 
Lagrange, Études sur les religions sémitiques, in-8", 
Paris, 1903, p. 99-109. F. Vjgouroux. 

MONACENSIS (CODEX). Les trois manuscrits 
suivants, contenant des parties d'une ancienne .-version 
latine, sont conservés actuellement à la Bibliothèque 
royale de Munich et proviennent du monastère de Frei- 
sing fondé au VIII e siècle par saint Corbinien. 

I. Manuscrit palimpseste du Pentateuque, d'après 
une ancienne version latine. Biblioth. royale de Munich, 
lat. 6225 (Fris. 25). C'est un volume in-4° du IX e siècle 
comprenant Job, Tobie, Judith, les deux livres d'Esdras, 
avec une ancienne version préhiéronymienne d'Esther 
jusqu'à xi, 3. Mais des 115 feuillets que ce codex ren- 
ferme, 39 sont palimpsestes (de 76 à 115 sauf 92). Mal- 
heureusement, comme le format primitif était plus grand, 
les feuillets ont été rognés et il ne reste de l'ancien ma- 
nuscrit que la colonne intérieure avec un tiers environ 
de la colonne extérieure. La lecture est en outre très 
difficile, parce que l'écriture du IX e siècle, au lieu d'être 
oblique ou interlinéaire relativementà l'écriture ancienne 
lui est exactement superposée. Cependant les 'marges, 
où l'écriture palimpseste existe seule, facilitent un peu 
le travail de lecture et de restitution. Les parties qu'on 
a pu déchiffrer avec plus ou moins de certitude sont: 
Ex., ix, 15-x, 24; xii, 28-xiv, 4; xvi, 10-xx, 5; xxxi, 15- 
xxxiii, 7 ; xxxvi, 13-xl, 32; Lev., m, 17-iv, 25; xi, 12- 
xiii, 6 ; xiv, 17-xv, 10; xvm, 18-xx, 3 ; Nu m., m, 34-iv, 
8; iv, 31 -v, 8; vu, 37-73; xi, 20-xii, 14 ; xxix, 6-xxx, 3 ; 
xxxi, 14-xxxvi; Deut., vin, 19-x, 12; xxii, 7-xxin, 4; 
xxviii, 1-31; xxx, 16-xxxn, 29. L'écriture palimpseste de 
ces fragments est du V e ou VI e siècle. Cf. L. Ziegler, Bruch- 
stïtcke einer vorhieronymianischen Uebersetzung, Mu- 
nich, 1883. Malgré son état fragmentaire, ce manuscrit 
est très important, parce que les reliques de l'ancienne 
version latine de l'Ancien Testament sont fort peu nom- 
breuses. 

II. Un manuscrit des Évangiles selon l'ancienne 
version latine est coté lat. 6224 (Fris. 24) à la Biblio- 
thèque royale de Munich. Il y fut transporté en 1802 de 
Freising, mais il existait avant la fondation de ce mo- 
nastère, car s'il n'est pas du vi e siècle, comme le préten- 
dait Tischendorf, il est au moins du vn e . Dans son état 
actuel il comprend 251 feuillets de parchemin à deux 
colonnes de 20 lignes chacune et mesure m 251 x n, 211. 
— L'ordre primitif des Évangiles était Matthieu, Jean, Luc, 
Marc. Un relieur maladroit a cherché à rétablir l'ordre 
ordinaire et il en est résulté un désordre étrange. De plus, 
le manuscrit est mutilé. Il manque 22 feuillets qui de- 
vaient contenir Matlh., m, 15-iv, 23; v, 25- vi, 4 ; vi, 28-vn, 
8; Joa., x, 11-xn, 38; xxi, 8-20; Luc, xxm, 33-35 ; xxiv, 
11-39 ; Marc, i, 7-21 ; xv, 5-36. L'écriture est une onciale 
ou plutôt une demi-onciale assez ferme qui rappelle un 
peu celle du Lugdunensis. La décadence s'y fait sentir 
dans les ligatures et la forme presque cursive de cer- 
taines lettres. Les titres et les premières lignes de cha- 
que Évangile sont en capitales coloriées. Le scribe s'ap- 
pelait Valérianus ; on ne sait rien de plus de lui. Une 
main malhabile du vin» ou du ix« siècle a ajouté des 
notes liturgiques. —Le Monacensis, désigné en critique, 
depuis Tischendorf, par la lettre g, est rangé par Hort 
parmi les textes italiens avec le Brixianus (f), tandis 
que le Vercellensis (a), le Veronensis (b) et le Vindobo- 
nensis (i) représenteraient le texte européen. White, 
qui en a donné une édition précédée d'une savante pré- 
face (The four Gospels from the Munich Ms. q, etc., Ox- 
ford, 1888, fasc. 3 des Old-Latin Biblical Texts), ne par- 
tage pas tout à fait cet avis : « L'impression générale laissée 
dans l'esprit par l'étude de ce codex est que si les leçons 
sont italiennes, les traductions sont européennes. » 

III. Un autre manuscrit, conservé à la même biblio- 



1231 



MONACENSIS (CODEX) — MONARCHIE 



1232 



thèque sous la cote lat. 6436 {Fris. 336), se compose 
d'un certain nombre de feuillets de garde arrachés à la 
couverture de volumes provenant de Freising. Ce curieux 
manuscrit d'une ancienne version latine du Nouveau 
Testament comprend actuellement (août 1904): huit 
feuillets doubles, huit feuillets simples, plus un frag- 
ment de feuillet double tiré de la couverture du codex 
lat. 6311 et deux bandes de parchemin tirées de la cou- 
verture des codex lat. 6220 et 6277. 22 feuillets furent 
d'abord publiés par Ziegler, ltalafragmente der Pauli- 
nisclien Briefe, etc., Marbourg, 1876. Ils contenaient'- 
Rom., xiv, 10-xv, 3 ; I Cor., i, 1-m, 5 ; vi, 1-vn, 1 ; xv, 14" 
43; xvi, 12-11 Cor., u, 10; II Cor', m, 17-v, 1; vil, 10, 
vin, 12; ix, 10-xi, 21; xii, 14-xni, 10; Gai., u, 5-m, 5; 
Eph., i, 16-n, 16; Phil., I, 1-20; rv, 11-1 Thess., i- 
11 ; I Tim., i, 12-n, 15; v, 18-vi, 13 ; Heb., vi, 6-vin, 1 ; 
IX, 27-xi, 7. L'année suivante, Ziegler publia ses Brucli- 
stûcke einer vorhieronym. Uebersetzung der Petrus- 
briefe, Munich, 1877. Ces fragments (I Pet. i, 8-19 ; u, 
20-m, 7) avaient été déchiffrés par lui sur la couverture 
du codex lat . 6230 où les feuillets de garde, aujourd'hui 
disparus, s'étaient jadis imprimés par décalque, lorsque 
la colle était encore fraîche et humide. Ziegler y joignait 
d'autres fragments (I Pet., iv, 10-11 Pet., i, 4), con- 
servés en partie sur deux bandes de parchemin arrachées 
à la couverture des codex lat. 6220 et 6221. Il y joignait 
aussi la première Épltre de saint Jean (à partir de m, 8) 
d'après un double feuillet mutilé qui faisait partie du 
codex lat. 6436. Ce dernier texte a cela d'intéressant 
qu'il renferme le comma johanneum (I Joa., v, 7) mais 
après Je_verset 8, comme le Cavensis, sous cette forme : 
quia sps [sic] estjveritas qoni (am très sunt qui testi/i- 
cantur) in terra, sps et aqua et Sk(nguis et très suvt 
gui te8)TlFlCANTim in cœlo pater e(J Filius et Spiritvs 
sanctus et là) très unum sunt. si testim (onium) etc. 
Les parties comprises entre parenthèses sont resti- 
tuées par conjecture. D'après Ziegler, le texte des Épitres 
catholiques semble être celui dont Fulgence de Ruspe 
(468-533) s'est servi; Westcott et Hort se demandent s'il 
n'appartiendrait pas plutôt à la recension italienne. — On 
peut rattacher à ce manuscrit deux feuillets découverts 
en 1892 dans la bibliothèque de l'Université de Munich 
et publiés par Wôlfflin, Neue Bruchstûcke der Freisin- 
ger ltala (dans les Sitzungsberichte... der Akad. der 
Wissenschaften :u Mïmchen, Munich, 1893, p. 253-280); 
ainsi que deux autres feuillets de l'abbaye de Gôttweig, 
sur le Danube, feuillets publiés par Rônsch dans la 
Zeitschrift fur wissensch. Theol., t. xxn, Leipzig, 1879, 
p. 224-238. Ces deux feuillets contiennent Rom., v, 16-vi 
4; vi, 6-vi, 19; Gai., îv, 6-19 ; îv, 22-v, 2. — Gregory, Text- 
kritik, etc., 1900, p. 611-613, désigne les fragments des 
Épitres catholiques par la lettre q (déjà attribuée au 
Monacensis lat. 6224 des Évangiles). Il appelle ries frag- 
ments de saint Paul publiés en 1876 par Ziegler (sauf 
Phil-, îv, 11-23; I Thess., i, 1-10, feuillet du vn« siècle 
qu'il désigne par î* 2 ) et r 3 le texte de l'abbaye de Gôttweig. 
IV. On a encore nommé Monacensis un manuscrit 
grec oncial des Évangiles, écrit au ix* ou au X e siècle, et 
coté Ms. fol. 30 à la bibliothèque de l'Université de 
Munich. Les Évangiles, où le texte et le commentaire 
alternent, sont rangés dans l'ordre suivant : Matthieu, 
Jean, Luc, Marc (ce dernier sans commentaire). Le codex 
passa successivement de Rome à Ingolstadl, de là à Lands- 
hut, puis à Munich en 1827. Les lacunes sont suppléées 
en cursive. Collationné par Scholz, Tischendorf et Tre- 
gelles, il est d'une valeur secondaire. On le désigne 
généralement en critique par la lettre X : von Soden 
l'appelle A*. F. Prat. 

MONARCHIE, gouvernement du peuple par un roi. 
— Abraham, Isaac et Jacob avaient vécu en nomades et 
gouverné eux-mêmes leur famille. Après la sortie 
d'Egypte, Moïse conserva le régime patriarcal, fondé sur 



la famille naturelle : les familles diverses étaient grou- 
pées en tribus, et avaient chacune leur chef particulier, 
selon l'ordre de primogéniture. Dans le désert et au 
moment de la conquête, les douze tribus eurent un chef 
unique, Moïse d'abord, puis Josué, mais une fois 
qu'elles se furent établies et fixées dans la Terre Pro- 
mise, elles ne furent plus unies que par les liens de la 
parenté et de la religion, sans être soumises à une au- 
torité supérieure unique, sans former un corps de na- 
tion compact et sans pouvoir politique central. Ce man- 
que de cohésion était une grande cause de faiblesse, et 
tous les voisins des Hébreux ayant un roi à leur tête 
pouvaient facilement soumettre à leur joug les tribus 
isolées. Moïse avait prévu ces conséquences. « Quand 
tu seras entré dans le pays que te donne Jéhovah ton 
Dieu, que tu en auras pris possession et que tu y auras 
établi ta demeure, si tu dis : Je veux me donner un roi 
qui soit sur moi, comme toutes les nations qui m'en- 
tourent, tu placeras au-dessus de toi un roi que Jéhovah 
ton Dieu aura choisi. Tu prendras pour l'établir roi sur 
toi un de tes frères; tu ne pourras pas te donner pour 
roi un étranger qui ne serait pas ton frère. »Deut., xvii, 
14-15. 

I. ÉTABLISSEMENT ET DURÉE DE LA MONARCHIE. — Ce ne 

fut cependant qu'après un temps assez long que la 
royauté fut établie en Israël. L'idée en avait germé peu 
à peu parmi le peuple; après avoir beaucoup souflert des 
invasions madianites, il avait voulu conférer le pouvoir 
à Gédéon, mais ce juge l'avait refusé. Jud., vin, 22-23. 
Son fils Abémélech s'attribua le titre qu'avait refusé 
Gédéon; son entreprise n'aboutit qu'à un échec à cause 
de sa tyrannie. Jud., ix. Les Israélites sentaient pourtant 
de plus en plus le besoin d'unité pour être capables de 
résister à leurs ennemis. La puissance redoutable des 
Philistins, peuple de race japhétique qui avait grandi 
au sud-ouest du pays, qui était exercé à la guerre et 
avait entre les mains des armes supérieures, devint tout 
à fait menaçante pour Israël fractionné et divisé. Ca 
danger qui menaçait ainsi les tribus, joint aux plaintes 
que suscita la conduite des fils de Samuel, I Reg., vin, 
3^5, produisit un mouvement d'opinion si fort en faveur 
de la royauté qu'elles demandèrent expressément à Sa- 
muel de mettre un roi à leur tête. I Reg., vm, 5. Le 
vieux juge ne fut point d'abord favorable à leur re- 
quête, mais après leur avoir exposé les charges que 
leur imposerait la royauté, sans parvenir à les dissua- 
der, il se rendit à leurs désirs, sur l'ordre de Dieu, et 
Saùl devint, par le choix divin et par l'élection popu- 
laire, le premier roi de son peuple, I Reg., vm, 6-22. 
La monarchie ainsi inaugurée ne conserva son unité 
que pendant le règne des trois premiers rois. Saùl, 
rejeté de Dieu à cause de ses infidélités, céda la place à 
David, et ses descendants occupèrent le trône de Juda 
jusqu'à la captivité de Babylone. Dix tribus avaient fait: 
schisme après la mort de Salomon ; elles furent em- 
menées en captivité en 721 avant J.-C., après la ruine- 
du royaume du nord- La monarchie fut restaurée plus 
tard sous les Machabées (voir Machabées, col. 482) jus- 
qu'à ce qu'elle succombât sous les coups de la domina- 
tion romaine (63 avant J.-C). 

II. Caractère de la monarchie. — La monarchie 
israélite fut théocratique, selon le mot inventé par 
Joséphe pour expliquer aux Grecs quelle en était la na- 
ture : ©coxpatca, &i ov tic e?7toi ëiaffânevoî tôv Xôyov. 
Contr. Apion., n, 16. Dieu était le roi d'Israël avant 
l'établissement dé la royauté, Deut., xxxm, 5; Jud., vu, 
23; I Reg. (Sam.), vm, 7; cf. Exod., xv, 18; xvm, 19 
(texte hébreu); il continua à l'être après. Le roi terrestre 
ne fut que le représentant visible de Jéhovah, qui de- 

i meura toujours le roi invisible. Le roi temporel ne fut 
pas un maître absolu, placé ' au-dessus de toutes les 
lois; le Seigneur lui imposa sa volonté en l'astreignant 
à respecter la Loi qu'il avait donnée à sou peuple par- 



1233 



MONARCHIE 



MONNAIE 



1234 



Moïse, Deut., xvil, 18-20; cf. III Reg., xxi; de plus, 
toutes les fois qu'il le jugea utile ou nécessaire, il lui 
intima ses ordres par ses prophètes. Le ministère pro- 
phétique donna à la royauté en Israël un caractère spé- 
cial qu'elle n'a jamais eu et n'a jamais pu avoir ches 
aucun autre peuple. Les prophètes furent les interprètes 
de Dieu auprès de la personne royale, et ils oppo- 
sèrent une résistance inébranlable, quoique non tou- 
jours victorieuse, à ses tentatives de tyrannie, d'idolâtrie 
et d'abus, de quelque nature qu'il pût être. 

Outre ce caractère théocratique, la monarchie israé- 
lite eut aussi un caractère démocratique. Le peuple prit 
une part capitale à l'établissement de la royauté; les 
droits du monarque, consignés dans un livre par Sa- 
muel, lui furent communiqués et acceptés par lui. 

I Reg., X, 24, 25. Quand Israël reconnut David comme 
roi, il fit alliance, berît, avec lui. Il Reg., II Reg., m, 
21 ; v, 3. Les dix tribus exposent leurs griefs à Roboam 
et refusent de lui obéir, parce qu'il ne veut pas leur 
rendre justice. III Reg., xil, 3-20. A l'avènement de 
Joas, le grand prêtre Joïada renouvela l'alliance, berît, 
entre le peuple et le roi. IV Reg., Xi, 17. Après la mort 
de Josias, tombé sur le champ de bataille, le peuple lui 
donna pour successeur son fils Joachaz. II Par., 
xxxvi, 1. 

III. Ordre de succession. — La royauté fut d'abord 
élective. Dieu choisit Saûl, I Reg., ix, 15-17, mais il le 
fit désigner au peuple par le sort et le peuple l'agréa 
comme roi. I Reg., x, 17-27. Il en fut de même pour 
David. Le Seigneur l'indiqua d'abord à Samuel, I Reg., 
xvi, 12-13; puis, après la mort de Saûl, la tribu de Juda 
à laquelle il appartenait, le plaça à sa tête comme roi, 

II Reg., H, 4, à Hébron, et plus tard tout Israël lui con- 
féra le même titre. II Reg., v, 1-3. Le premier roi 
d'Israël, Jéroboam, avait appris par le prophète Achias 
que Dieu lui donnerait dix tribus, III Reg., XI, 29-30, 
mais ce fut l'assemblée du peuple qui le proclama roi, 

III Reg., xn, 20. 

Une fois la monarchie établie, le principe d'hérédité 
fut naturellement reconnu, selon l'usage général. Aussi, 
malgré la répudiation que Dieu avait faite de Saûl, son 
fils Isboseth régna-t-il après la mort de son père sur 
la majorité des tribus, II Reg., il, 8-10, et ce ne fut 
qu'après l'assassinat de ce prince qu'elles se soumirent 
à David. La couronne semblait revenir de droit à l'aîné, 
et c'est pourquoi le fils aîné de David, Adonias, y aspi- 
rait et fut soutenu par de nombreux partisans. III Reg., 
I, 5, 9, 24-25. Mais le droit de succession n'était pas 
encore rigoureusement fixé et, par la volonté de Dieu 
et le choix de David, ce fut Salomon, plus digne que 
son frère de la royauté, qui lui succéda. III Reg., i, 29- 
40. La dérogation faite en sa faveur au droit d'aînesse 
fut approuvée par le peuple. III Reg., I, 40. La succes- 
sion fut régulière, dans la suite, dans le royaume de Juda, 
excepté sous les derniers rois, où plusieurs d'entre eux 
furent imposés par les conquérants, mais la dynastie 
de David se maintint sur le trône de Jérusalem jusqu'à 
la captivité de Babylone. Voir Juda (Royaume de) 7, 
t. m, col. 1774. En Israël, des révolutions violentes 
amenèrent plusieurs changements de dynastie. En 
temps ordinaire, le fils aîné succéda aussi au père dans 
le royaume du nord. Voir Israël (Royaume d'), t. m, 
col. 1000. Lorsque la royauté fut rétablie sous les Has- 
monéens, l'ordre de succession fut plus ou moins exac- 
tement respecté. Voir Machabéés 1, col. 483. Sur le 
pouvoir des rois, leur cour, leurs revenus, etc., voir 
Roi. — Cf. E. Lévy, La Monarchie chez les Juifs en 
Palestine selon la Bible et le Talmud, in-8°, Paris, 
1885. 

MONDE (grec : xô<t(j.o; ; Vulgate : mundus), mot em- 
ployé rarement dans l'Ancien Testament et fréquemment 
dans le Nouveau, dans des significations très diverses. 



1» Ancien Testament. — Dans la Vulgate, mundus 
traduit divers mots hébreux : 'ères, « la terre, » dans Job, 
xxviii, 24 (Septante : t»)v un' oopocvov xâoav) ; 'ôlâm, dans 
l'Ecclésiaste, m, 11, où l'hébreu porte : « [Dieu] a mis 
aussi dans leur cœur (la pensée de) l'éternité, » comme 
l'ont rendu les Septante, mais où le latin dit : « Il a 
livré le monde à leurs disputes; » le même mot 'ôlâm 
dans Habacuc, m, 6, colles mundi, où il s'agit dé' « col- 
lines antiques ». Le mot mundus d'Ecclésiastique, xiv, 
12, n'a rien qui lui corresponde dans l'hébreu ni dans 
le grec; Eccli., xxvi, 21, il répond à l'âv û^ioToiç du grec; 
Eccli., xliii, 10, au xiinnoç du grec (rien ne correspond 
en hébreu, f. 9). Le mot mundus se lit une fois dans la 
Genèse latine pour traduire le nom égyptien de $âfenat 
pa'enéah (voir Joseph 1, t. m, col. 1668) : « Sauveur du 
monde, » traduction qui n'est pas littérale. — On voit 
par là qu'il n'existe dans la langue hébraïque aucun 
terme qui signifie spécialement le « monde s. L'idée 
exprimée par ce mot est d'origine grecque et latine. On 
lit six fois mundus dans le second livre des Machabéés, 
m, 12; vu, 9, 23; ma, 18; xii,15; xm, 14, pour désigner 
Dieu ou la création, son œuvre, et il traduit partout le 
grec y.daiAoc. 

2" Nouveau Testament. — Le terme grec x<j<7u.oc 
signifie tout d'abord « ordre », Iliad,, xn, 223; Thucy- 
dide, m, 77; Xénophon, Œcon., vm, 20; ensuite, « or- 
nement, » Iliad., Xiv, 187; I Pet., m, 3; cf. mundus 
muliébris, Ezech., xxm, 40, et par extension « le 
monde », à cause sans doute de l'ordre avec lequel le 
Créateur a disposé toutes ses œuvres et aussi à cause 
de leur beauté. Voir Sap., vn, 17; xvi, 17 (texte grec). 
Quem x<5<T[iov Graeci nomine ornamenti appellarunt, 
eum nos a perfecta absolutaque elegantia mundum, 
dit Pline, H. N., n, 3. Cf. Platon, Gorgias, 1. 1, p. 508. 
On croit que c'est Pythagore qui a le premier employé 
le mot x6ay.oi dans le sens de « monde ». — Dans la 
Vulgate, mundus se dit : — 1. De l'universalité des 
choses créées, Matth., xvi, 26; Luc, xi, 50; Joa., vm, 
12; I Cor., vm, 4; Heb., iv, 3; ix, 26; Apoc, xin, 8; 
xvll, 8, etc. — 2. De la terre habitée, Matth., iv, 8; 
Rom., i, 8; Apoc, xi, 15, etc.; Joa., i, 10; vi, 14; xi, 
27, etc. — 3. Dans un mauvais sens, de ce qu'il y a de 
vicieux et de vain parmi les hommes. I Cor., n, 12 ; ni, 
19; vu, 33, 34; Gai., vi, 14; II Pet., i, 4; I Joa., n, 15, etc. 
— 4- Des habitants de la terre, II Cor., i, 12, c'est-à-dire 
des hommes, Matth., xm, 38; Joa., i, 29; Rom., m, 6, etc., 
en particulier de ceux qui ne sont pas disciples de Jésus, 
Joa., vu, 4, 7; I Cor., i, 21, etc., et aussi des gentils op- 
posés aux Juifs, dans Luc, xn, 30; Rom., xi, 15; Eph., 
H, 12. — 5. Il s'entend quelquefois des hommes d'une 
même génération ou d'une même époque. II Pet., il, 5; 
Eph., il, 2. — Pour la création du monde, voir Créa- 
tion et Cosmogonie, t. n, col. 1101, 1034. — Pour la Fin 
du monde, voir t. n, col. 2262. 

MONiTOR, saurien long de cinq à six pieds, tenant 
le milieu entre le crocodile et le lézard ordinaire. C'est 
l' Hydrosaurus niloticus, commun en Egypte, et qui a 
existé aussi en Palestine. Voir Lézard, t. n, col. 226. 

MONNAIE, pièce de métal précieux, pesée ou frappée, 
servant au commerce. Elle n'a pas de nom spécial en 
hébreu. On la désigne en général par les mots késéf, 
« argent; » nehôsét, « bronze; «grec : àpyùpiov, vôjjno-ijia; 
Vulgate : aes, argentur», numisma, nummus, pecunia. 
Les principaux termes employés dans l'Ancien Testa- 
ment pour désigner les monnaies particulières sont les 
suivants : 1° Hébreu : iéqr.l; Septante : aivXoi, Stêpdtx - 
(iov; Vulgate : siclus. 2° Hébreu : béqa' ; Septante : 
Spaxw, biniou toj 3i3pâx(AO'j; Vulgate : dimidium 
sicli, 1/2 sicle. 3° Hébreu : re&a'; Septante : «taptov 
o-ixXou; Vulgate : quarta pars stateris, 1/4 de sicle. 
4» Hébreu : gwâh; Septante • oêoXo;; Vulgate, obolus, 



1235 



MONNAIE 



1236 



1/20 de sicle. Voir Obole. Les monnaies de compte 
étaient : 1° le kikkdr ou talent; Septante : TaXav-rdv; 
Vulgate : talentum. Ce mot signifie proprement « cercle 
ou globe». 2° Lamânéh; Septante jjlvS; Vulgate : mna, 
« portion, part. » La mine valait suivant les cas 50 ou 
GO sicles, le talent 60 mines. 

I. La monnaie pesée. — i. chez les hébreux. — Le 
premier système employé pour évaluer la monnaie fut 
la pesée. C'est le procédé usité chez tous les peuples 
de l'antiquité jusqu'à l'invention de la monnaie frappée 
par Gygès, roi de Lydie, et il continua à rester en usage, 
dans le peuple, même après cette invention. Les Hé- 
breux se servirent de la pesée, comme toutes les nations 
avec qui ils étaient en relation. Le verbe Sâqal, « peser, » 
est synonyme de payer. Gen., xxm, 16; II Reg. (Sam.), 
xviii, 12; Is., xlvi, 6; Jer., xxxii, 9; I Esd., vm, 25; 
Esther, m, 9. Les sommes d'argent sont désignées par 
les mêmes termes que les poids qui les représentent : 
talent, mine, sicle, etc. Il en était de même en Egypte 
et en Assyrie. Un texte grammatical assyrien emploie 
le même mot que l'hébreu. « Sdqal, « peser, » se dit 
pour payer en argent et mâdad, « mesurer, » pour payer 
en grains. » Fr. Lenormant, iZ istoire de la monnaie, 
in-8», Paris, 1878, 1. I, p. 11 ! . L'opération du pesage de la 
monnaie est figurée sur les monuments égyptiens. Voir 
Balance, t. i, flg. 420 et 421, col. 1408. On comprend 
la nécessité de peser avec des balances justes et de ne 
pas tromper sur le poids. Le juste est loué parce qu'il 
se sert d'une balance juste et le voleur blâmé parce qu'il 
se sert d'une balance fausse, Lev., xix, 36; Ps. lxi 
(hébr., lx), 10; Prov., xi, 1; Ezech.,XLv, 10; Amos, vm, 
5. Voir Balance, t. i, col. 1405. Le plus ancien texte 
de la Bible où il soit question de métal comme repré- 
sentant un signe de richesse, et en même temps par 
conséquent un moyen d'échange, est celui où il est parlé 
de la fortune d'Abraham. « Il était, dit la Gen., xm, 2, 
très riche en troupeaux, en or et en argent. » La Vul- 
gate a supprimé le mot troupeau. Cf. Gen., xxiv, 35. 
Abimélech donne à Abraham mille pièces d'argent pour 
acheter un voile à Sara. Gen., xx, 16. Les Septante tra- 
duisent l'hébreu 'éléf késéf, mille argenteos, par x& l « 
Si'BpaxiJia, interprétation du mot en valeur contempo- 
raine des traducteurs. Lorsque Abraham acheta à Éphron 
la caverne et le champ de Manibré, pour y faire sa sé- 
pulture et celle de sa famille, Éphron lui demanda 
400 sicles d'argent qu'Abraham lui pesa en argent ayant 
cours parmi les marchands. Gen., xxm, 15-16. C'est la 
première fois qu'on trouve le mot sicle, qui signifie un 
poids d'argent, d'après le système chaldéo-babylonien, 
en usage dans le commerce. L'argent dont se servaient 
les marchands est appelé en hébreu késéf 'obér las- 
sôhêr ; Septante : àftipmt Soxîjjov èu,fttfpoi;; Vulgate : 
argentum probatse monetse publiese. Abraham pesa 
l'argent, vay-iSeqôl, en présence des fils de Heth, Jacob 
paya aux fils d'Hémor une portion de champ cent 
qesitâh, mot que les Septante traduisent par àjjivôç et 
la Vulgate par agnus. Gen., xxxm, 19. Le même 
terme se retrouve dans Jos., xxiv, 32, et dans Job, xlii, 
11. On a voulu voir là une monnaie frappée à l'effigie 
d'un agneau. C'était peut-être un poids ayant la forme 
d'un agneau, comme les poids égyptiens ou assyriens 
avaient la forme de lions, de gazelles, ou d'autres ani- 
maux. Wilkinson, A popuiar account of the ancient 
Egyptians, 2 in-12, Londres, 1854, t. n, p. 151, explique 
ce mot par la coutume qu'avaient certains peuples an- 
ciens de prendre la brebis comme une sorte d'étalon 
de la valeur monétaire. Gesenius, Thésaurus, p. 1241, 
attribue au qesitâh la valeur de 4 sicles, mais ce n'est 
qu'une conjecture. Cf. En somme on ignore ce qu'était 
le qeHtâh. Les frères de Joseph le vendirent aux mar- 
chands ismaélites vingt pièces d'argent, Gen., xxxvn, 
28 (Septante : vingt pièces d'or). — Lorsqu'ils vinrent 
acheter du blé en Egypte, à l'époque de la famine, ils 



apportèrent, pour le payer, de l'argent que Joseph fit 
remettre à l'entrée de leurs sacs. Gen., XLH, 25, 27, 35; 
Xliii, 12, 15, 21, 22; xliv, 1, 8. C'était de l'argent de 
bon aloi. Gen., xliii, 23. Il était enfermé dans des 
bourses dont l'usage est plusieurs fois rappelé dans la 
Bible. Voir Bourse, t. i, col. 1899. Dans la loi mosaïque 
les contributions des Israélites au sanctuaire, Exod.,xxx, 
13; xxxvm, 27 (hébreu et Sept., 27); les vœux, Lev., xxvn, 
3-8; les sacrifices expiatoires, Lev., v, 15; le rachat des 
premiers-nés, Num., m, 47, 50; xvm, 15-16, sont éva- 
lués en sicles d'argent de vingt gêrah. Les textes mon- 
trent aussi qu'on établissait en argent le prix des ani- 
maux, des maisons, des champs, du blé, Lev., xxvn, 
13, 15, 16, 25 ; de la nourriture et de la boisson. Deut., n, 
6, 28; xiv, 21, 26. Les sévices contre les personnes 
étaient punis par des amendes évaluées en argent, 
Exod., xxi, 22, 30, 32; nous trouvons une estimation 
semblable dans la loi de Hammourabi, trad. Scheil, 
in-16, Paris, 1904, § 24, 113-115, 198, 199, 201, 203, 204, 
208-214, 216, 217, 221-223, etc., p. 6, 18, 20, 41-54. 

Quand ils s'emparèrent de la terre de Chanaan, les Hé- 
breux y trouvèrent le même système monétaire, Jos., vu, 
21. Au temps des Juges et des Rois on continua à s'en ser- 
vir. Une femme d'Éphraïm réclame à son fils onze cents 
pièces d'argent qui lui ont été volées. Celui-ci, nommé 
Michas, les rendît à sa mère, qui en donna deux cents à 
un ouvrier pour qu'il en fit une image en métal. Jud., 
xvn, 3-8. Le même Michas paya dix pièces d'argent par 
an à un lévite, en plus du vivre, du couvert et du vête- 
ment, pour qu'il lui servît de père et de prêtre. Jud., 
xvn, 10. Voir Michas, col. 1061. Le serviteur de Saûl 
réserve un lingot d'un quart de sicle pour payer la 
consultation que son maître demande à Samuel afin de 
retrouver ses ânesses. I Reg. (Sam.), ix, 8. La Vulgate 
traduisit ici sicle par statera. Joab dit à l'homme qui 
lui annonce qu'Absalom est suspendu à un chêne : « Je 
t'aurais donné dix sicles d'argent et un baudrier si tu 
l'avais tué. » Le messager répond qu'il n'aurait pas 
touché au fils du roi, même si on lui avait pesé mille 
sicles. II Reg. (Sam.), xvm, 11-42. David achète l'aire 
et les bœufs du Jébuséen Oman 50 sicles d'argent, 

II Reg. (Sam.), xxiv, 24; dans I Par., xxi, 25, il est 
question de sicles d'or, mais c'est évidemment une al- 
tération. Salomon achète des chars égyptiens au prix 
de 600 sicles d'argent et des chevaux à 150 sicles l'un. 

III (I) Reg., x, 29; II Par., i, 17. Pendant le siège de 
Samarie par Bénadad, roi de Syrie, la famine était si 
grande qu'une tête d'âne se vendait quatre-vingts sicles 
d'argent et le quart d'un cab de fiente de colombe, 
c'est-à-dire environ 29 centilitres, valait cinq sicles. 

IV (II) Reg.', VI, 25. Elisée avait prédit cette famine et 
annoncé que le boisseau de fleur de farine se vendrait 
un sicle et deux boisseaux d'orge le même prix. IV (II) 
Reg., vu, 1. La Vulgate dit un statère. Jérémie achète 
le champ de son cousin Hanaméel dix-sept sicles d'ar- 
gent, les lui pèse et signe le contrat. Jer., xxxii, 8-12. 
La Vulgate traduit sicle par stater. Voir Contrat, t. u, 
col. 929. 

Le sicle d'argent a donc été pendant toute cette pé- 
riode l'unité monétaire, c'est de lui qu'il est question 
lorsqu'on parle de pièces d'argent sans en désigner le 
nom. Gen., x, 16: xxxvn, 28; xlv, 22; Jud., xvi, 5 : 
xvn, 2, 4, 10 ; IV (II) Reg., vi, 25 ; II Par., i„17. Il est aussi 
question de pièces d'or, IV (II) Reg. (Vulgate), v, 5, en par- 
ticulier d'une pièce appelée darkémon solidus. I Par., 
xxix, 7. Voir Darique, t. n, col. 1297. Le talent, kikkdr, 
sert de monnaie de compte pour les sommes considé- 
rables; on compte par talents d'or, III (I) Reg., ix, 14, 
28; x, 10, 14; XV (II) Reg., xvm, 14; xxm, 33; I Par., 
xix, 6; xxix r 4 ; II Par., vm, 18; ix, 9, 13 ; xxxvi, 3; 
etc.; par talents d'argent III [V) Reg., xvl, 24; xx, 39; 
IV (II) Reg., v, 5, 22,23; xv, 19-20; xvm, 14; xxm, 33; 
I Par., ixix, 4, 7 ; II Par., xxv, 6 ; xxxvi, 3. Le talent est 



1237 



MONNAIE 



1238 



une valeur numérique et non une pièce monétaire. Naa- 
man fait deux sacs contenant chacun un talent, IV (II) 
Reg., y, 23, c'est-à-dire renfermant une somme équiva- 
lente. — Pour réunir mille talents d'argent qu'il doit 
payer au roi d'Assyrie, Manahem, roi d'Israël, lève un 
impôt de 50 sicles par tête. IV (H) Reg., xv, 19, 20. — 
Les peuples voisins avaient le même étalon que les Is- 
raélites et leurs comptes sont établis de la même façon. 
Nous en avons des exemples pour les Madianites, Jos., vu, 
21, les Philistins, Jud., xvi, 5; pour les Ammonites, 
I, Par., xix, 6; II Par., xxvii,5; pour les Syriens. IV (II) 
Reg., v, 5. 22, 23. 

Après le retour de la captivité, nous retrouvons la même 
monnaie en Palestine. Artaxerxès fait donner 100 ta- 
lents d'argent à Esdras pour ses besoins. I Esd., vu, 21. 
Néhémie dit que les gouverneurs de Palestine exigeaient 
du peuple 40 sicles par jour. II Esd., v, 15; pour la 
construction du temple il lève un impôt d'un tiers de 
sicle par an. II Esd., x, 32. On compte aussi l'argent par 
mines. I Esd., n, 69 ; II Esd., vu, 70-71. Nous voyons 
alors apparaître la monnaie frappée des Perses, la da- 
rique d'or. I Esd., n, 69; II Esd., vu, 70-71. 

Pour se rendre compte de la valeur de la monnaie pesée 
chez les Hébreux il faut d'abord étudier les systèmes mo- 
nétaires des Égyptiens et des Chaldéo-Syriens dont ils se 
sont servis. 

//. LA MONNAIE PESÉE CHEZ LES ÉGYPTIENS. — Le 

commerce en Egypte se faisait surtout par échange. 
G. Maspero, Hist. anc., t. i, p. 323-324. Cependant on 
se servit de bonne heure des métaux comme équivalents 
de la valeur des objets vendus. On pesait chaque fois le 
métal dans des balances. Dans le commerce intérieur le 
métal en usage était surtout le cuivre. L'unité de poids 
et, par conséquent, l'unité monétaire de cuivre, était le 
tabnou qu'on désigne aussi sous le nom à.'outen ou de 
deben. Le vrai nom est tabnou G. Maspero, Hist. anc, 
t. i, p. 324; E. Babelon, Les origines de la monnaie, 
in-8°, Paris, 1897, p. 51, n. 1. Le labnou pesait de 90 à 
98 grammes. Sur les hiéroglyphes, il est représenté par 
un fil replié ^=> ou S2 dont on pouvait rogner les extré- 
mités pour l'ajustage du poids. Fr. Lenormant, La 
monnaie dans l'antiquité, t. I, p. 104-105 ; E. Babelon, 
Les origines, p. 51. Le tabnou est divisé en dix kites. On 
possède au musée de Boulaq des étalons du tabnou et de 
ses subdivisions. A. Mariette, Monuments divers recueil- 
lis en Egypte et en Nubie, Paris, 1872, pi. 97-100. Les 
gratifications aux soldats, les salaires d'ouvriers, les 
objets mobiliers, les champs, les maisons, les céréales, 
les esclaves, les amendes, sont évalués en tabnous de 
cuivre. G. Maspero, Du genre dpistolaire chez les 
Égyptiens, in-8 , Paris, 1872, p. 77 ; Recueil de travaux 
relatifs à l'Egypte et à l'Assyrie, t. i, 1879, p. 57; Fr. 
Lenormant, La monnaie dans l'antiquité, t. i, p. 95- 
96; E. Babelon, Les origines de la monnaie, p. 53-54. 
Cf. les ostraca du Brilish Muséum, n. 5633, 5636, 5649. 
A partir de la dix-huitième dynastie, c'est-à-dire du 
xv» siècle avant J.-G., le commerce avec les Asiatiques 
se fit au moyen de l'or et de l'argent que l'on con- 
tinua à peser. Pour plus de facilité, les métaux pré- 
cieux servant au paiement avaient la forme d'anneaux. 
On voit sur les monuments des corbeilles remplies de 
ces anneaux (fig. 313). Fr. Lenormant, Hist. ancienne, 
9 e édit. in-4«, Paris, 1883, t. m, p. 58. On possède dans , 
les musées, notamment à Leyde, des anneaux d'or qmV 
ont servi ainsi de monnaie et dont les poids se rap- 
portent au système chaldéo-babylonien. Leemans, 
Egyptische Monumenten van het nederl. Sluseum, 
Leyde, 1839-1876, t. n, pi. xli, n. 296. Quelques-uns 
sont recourbés en S comme les tabnous. Un anneau d'or 
publié par M. Michel Soutzo et qui parait avoir servi au 
même usage est ouvert et pèse 17 gr. 40. Des points au 
nombre de 84, marqués par moitié sur chaque face, 
paraissent marquer des subdivisions. L'anneau est équi- 



valent en poids à 1/6 de tabnou. E. Babelon, Les ori- 
gines, p. 52 (fig. 314). 

Les scribes égyptiens évaluaient l'or et l'argent asia- 
tique en tabrums. C'est ainsi que, dans la grande ins- 




313. — Anneaux d'or et d'argent servant de monnaie. Thèbea. 
D'après Wilkinson, The mannera of the anc. Egyptians, 1. 1, 
p. 286. 

cription du temple de Karnak, Thothmès III dit qu'il 
reçut des Khétas de Syrie 301 tabnous d'argent, environ 
27892 grammes, en 8 anneaux. Chaque anneau valait 
donc 37 ou 38 tabnous et pesait 3462 grammes. Fr. Le- 
normant, La monnaie, 1. 1, p. 103 ; E. Babelon, Les ori- 
gines, p. 53. 301 tabnous valaient 5 mines ou 250 sicles 
du système babylonien, le sicle pesant 14 gr. 53; l'écart 
entre les deux poids est très minime. Fr. Lenormant, 
lbid.; Brandis, Das Mûnz- Mass- und Gewichlwesen 




314. — Anneau d'or servant de monnaie appartenant au baroa 
de Saurma. D'après M. Soutzo, Étalons pondéraux primitifs, 
pi. m, A. B. C. 

im Vorderasien, in-8°, Berlin, 1866, p. 91; F. Hultsch, 
Griechische und rômische Métrologie, 2 e édit., in-8°, 
Berlin, 1882, p. 374. Un ostracon de pierre calcaire qui 
est au musée du Louvre, Th. Deveria, Catalogue des 
manuscrits égyptiens, ix, 10, p. 188, indique la con- 
version des sicles en monnaie égyptienne et le prix du 
change. Fr. Lenormant, Histoire de la monnaie, 1879, 
t. i, p. 105-106. Les marchands peu scrupuleux falsi- 
fiaient les anneaux, mêlant aux métaux plus précieux 
la quantité de métaux moins précieux, qu'ils pouvaient 
supporter sans que le poids fût changé. On arrivait 
ainsi à mêler, par exemple, un tiers d'argent à deux 
tiers d'or. C'est la crainte de cette fraude qui maintint 
Tùsage des échanges dans le peuple. G. Maspero, His- 
toire ancienne, t. I, p. 324-326 ; Lectures historiques, 
in-8, Paris, 1890, p. 21-23; Fr. Lenormant, Histoire 
ancienne, t. m, p. 57-59. On se servait aussi de balances 
fausses. Aussi dans le Livre des Morts, le défunt men- 
tionne parmi ses vertus, celles de n'avoir pas tiré sur le 
peson et de n'avoir pas faussé le fléau de la balance. 
G. Maspero, .Hist. ancienne, 1. 1, p. 189. 

ni. LA MONNAIE PESÉE CHEZ LES CBALDÉENS, LES 

assyriens et les BABYLONIENS. — Les tablettes cunéi- 
formes nous font connaître l'existence, dès le xxil 8 siè- 



1239 



MONNAIE 



1240 



cle avant J.-C. d'un autre système de poids pour les 
métaux, en usage dans l'Asie antérieure. La base de 
ce système était la mine, dont la soixantième partie 
était le sicle. Le talent valait 60 mines ou 30 kilos 
300 grammes environ. British Muséum, A Guide to tlie 
babylonian and assyrian Antiquities, in -8°, Londres, 
1900, p. 141450, n. 1-6; 10-13; 17, 36, 37, 52, 62, 71, 
88, 87, 89, 94, 102, 117, 119. Cf. Loi de Bammourabi, 
textes cités plus haut. La mine pesait entre 492 et 
485 grammes, le sicle environ 8 grammes 42. C. F. Leh- 
mann, Dos Altbabylonischen Mass- und Gewichtsys- 
tem, in-8°, Leyde, 1893; Fr. Lenormant, La monnaie, 
t. i, p. 111 ; E. Babelon, Catalogue des monnaies de la 
Bibliothèque nationale, Les Achéménides, in-4°, Paris, 
1893, p. v. Les comptes du temple de Tell-Loh prouvent 
que, vers l'an 2000, le sicle fut divisé en 180 shé, pesant 
environ Oo r 047. Mais cette subdivision fut abandonnée 
par la suite. G. Reisner, Altbabylonische Maasse und 
Gewichte, dans les Sitzungsberichte der Berliner Aka- 
dem. d. Wissenschaften, 1896, p. 417-426. Les tablettes 
de Tell-el-Amarna montrent que les peuples de la 
Mésopotamie, de la Syrie et des Iles, se servaient du 
même système de poids monétaires. H. Winckler, Der 
Tfiontafelfund von El Amarna, édit. anglaise, Tell 
el Amarna letters, in-8°, Berlin, 1896, n° 2, lig. 15 et 
21; n° 5, lig. 27, 32! n° 7, lig. 11, 14; n» 25, lig. 10; 
n° 26, lig. 9; n» 27, lig. 18; n° 33, lig. 6; p. 9, 13, 15, 
81, 85, 93. (Les deux éditions sont identiques, sauf la 
langue de la traduction.) 

Des documents datés du vu et du vi 8 siècle, c'est-â- 
dire depuis le règne d'Asarhaddon jusqu'à la prise 
de Babylone par Cyrus, donnent l'indication de prêts, 
de location ou le prix de maisons, d'esclaves, d'ani- 
maux, etc., en talents, mines et sicles d'argent. Opperl 
et Menant, Documents juridiques de V Assyrie et de la 
Chaldée, in-8», Paris, 1877, p. 182, 185, 202 ; Fr. Le- 
normant et E. Babelon, Hist. anc, t. v, p. 98, 100; 
Histoire de la monnaie, t. l, p. 98-100; E. Babelon, Les 
origines, p. 56-57; British Muséum, A Guide to the 
babylonian and assyrian Room, p. 173-186, n. 72, 75, 
76, 81, 86, 88-96, 99, 102, 104-105, 109, 116, 119, 126, 
130, 131, etc. Après la prise de Babylone par Cyrus, 
on continua à compter de la même façon. A Guide, 
p. 186-194, n. 227, 241, 254, 257, 259, 265, 267, 269- 
275, 283, 286, 294-295, 297, 298, etc. Il est rarement 
question de paiements en or. On trouve cependant dans 
les comptes l'indication de mines de ce métal. Oppert 
et Menant, Documents, p. 207, 241, 244, 249. Il est peu 
parlé de talents et de mines de cuivre. Ibid., p. 171- 
187. L'or était toujours pesé d'après ce système et l'on 
taillait les lingots à l'étalon du sicle de 8 grammes 42. 
On pesait l'argent au même poids lorsqu'il s'agissait de 
sommes considérables. L'or valait 13 fois 1/3 le même 
poids d'argent. Pour les petites sommes on se servait 
d'un sicle particulier de tl grammes 22 environ, de façon 
à avoir entre l'argent et l'or un rapport qu'on pouvait 
exprimer en nombres entiers; la mine pesait 45 sicles. 
Fr. Lenormant et E, Babelon, Hist. anc, t. v, p. 113- 
114. Une partie des lingots d'argent en circulation dans 
l'Assyrie venaient de la Syrie, ils étaient taillés d'après 
l'étalon du sicle syrien de 14 grammes 53. La mine 
syrienne pesait 50 de ces sicles; 15 sicles valaient 2 sicles 
d'or du système chaldéo-babylonien. Les documents assy- 
riens appellent la mine syrienne, mine de Karkemis. Fr. 
Lenormant. et E. Babelon. Hist. anc., t. v. p. 114-115; Fr. 
Lenormant, La monnaie, t. i, p. 112, 114. Les métaux 
servant de paiement en Assyrie étaient non pas divisés 
sous forme d'anneaux comme en Egypte, mais sous 
forme de lingots ovoïdes. Fr. Lenormant, La monnaie, 
p. 113. 

IV. VALEUR DE LA MONNAIE -PESÉE CHEZ LES HÉ- 
BREUX. — Les mots qui désignent la monnaie pesée 
chez les Hébreux sont, ainsi que nous l'avons indiqué, 



le talent, qui est seulement une valeur de compte ainsi 
que la mine; les monnaies usuelles sont le sicle, le 
béqa' et le gérah. Les Septante donnent pour équiva- 
lent au sicle le didrachme grec, au béqa' ou demi- 
sicle la drachme, et au gérah l'obole. Exod., xxi, 32; 
xxx, 13; xxxviii, 26 (hébreu); Lev., v, 15; xxvii, 25; 
Num., ni, 47, 50; xvm, 16. 

Après la sortie d'Egypte et la construction de l'arche, 
les prêtres gardèrent prés du sanctuaire un étalon du 
sicle, séqel haqqôdéé, Septante : SiSpaxjio-v ou <rra8[i:ov 
tô âytov ; Vulgate : pondus, mensura, siclus sanctuarii. 
Lev., v, 15, xxvn, 25, 47, 50; xvm, 16, et, par anachro- 
nisme, siclus juxta mensuram templi. Exod. xxx, 13. 
Le sicle était divisé en 20 gérah. Exod., xxx, 13; xxxvm, 
25; Lev., v, 15; xxvn, 25; Num., in, 47, 50; xvm, 16. 

Lorsque le Temple fut construit, l'étalon sacré y fut 
conservé. I Par., xxm, 29. Nous ignorons la forme de 
cet étalon. Les divisions et les multiples du sicle res- 
tèrent les mêmes. Il en est question dans un texte très 
obscur d'Ézéchiel, xlv, 12. L'hébreu et la "Vulgate rap- 
portent ainsi ce verset :« Le sicle vaut 20 gérah (oboli); 
20 sicle, et vingt-cinq sicles et quinze sicles font une 
mine. » Dans ce calcul, qui parait étrange, la mine vaut 
60 sicles. Les Septante ont la variante suivante : « Que 
cinq sicles soient cinq et dix sicles dix, » c'est-à-dire 
pesez juste, et ils ajoutent : « que 50 sicles soient une 
mine. » La mine, d'après ce calcul, ne vaudrait que 
50 sicles. Au temps des rois, il y avait un autre poids 
appelé le poids royal, II Reg. (Sam.), xiv, 26, littéralement 
« les pierres du roi », Sept. crîxXoç $o«;ù.i-n.6q; Vulgate, 
pondus publicum, mais on ne voit pas qu'il ait servi à 
peser l'argent. Les prêtres devaient exercer un contrôle 
sur le poids des monnaies. Il est aussi question d'un 
scribe royal, sôfér ham-mélek, Septante : Ypatuixreùç 
TO-j $a.aù.éu>i, qui assiste le délégué di grand-prêtre 
dans la levée des troncs du Temple. IV (II) Reg., xn, 9- 
12; II Par., xxiv, 8. Ce personnage devait jouer un rôle 
semblable à celui que jouent les scribes égyptiens 
figurés sur les monuments qui représentent des pe- 
sées de monnaie ou à celui dont il est parlé sur le poids 
d'Abydos en forme de lion, sur la base duquel on lit 
l'inscription araméenne suivante :« Contrôlé par devant 
les conservateurs de l'argent. » De Vogué, Revue archëol., 
1862, t. i, p. 30; Corpus inscrïpt. semitic, pars II», 1. i, 
1889, p. 101; Les Hébreux se servaient du système chal- 
déo-babylonien, car sans cela le commerce leur eût été 
impossible avec les peuples qui les environnaient et qui 
tous s'en servaient eux-mêmes. 

IL La. monnaie frappée. — /. son intention. — La 
difficulté qui naissait de l'obligation de peser à chaque 
fois l'or, l'argent ou le cuivre qui servaient aux 
échanges donna l'idée de marquer sur les lingots iia 
signe qui en fixerait la valeur. Ce signe ne pouvait être 
accepté en garantie qu'à la condition qu'il y fût placé 
par le souverain ou l'État. La monnaie fut donc frappée 
par les rois et les cités. Aristote, Politique, I, m, 14, 
édit. Didot, t. i, p. 190. Gygès, roi de Lydie, est l'au- 
teur de cette invention. Hérodote, i, 94; G. Radet, La. 
Lydie au temps des Mermades, in-8°, Paris, 1892, 
p. 158-169; E. Babelon, Les origines de la monnaie, 
p. 215-232. Mais Gygès ne fit qu'estampiller des lingots. 
Crésus fit de la véritable monnaie et frappa le fameux 
statère d'or qui avait le poids du sicle babylonien d'or 
et d'un statère d'argent correspondant au sicle d'argent. 
B. Head, Hist. Numorum, in-8', Oxford, 1887, p. 546. Da- 
rius, fils d'Hystaspe, fut le premier qui frappa des mon- 
naies perses. E. Babelon, Catalogue des monnaies de la 
Bibliothèque nationale. Les Perses Achéménides, in-4°, 
Paris, 1893, p. il. Le statère d'or portait dans le langage 
courant le nom de darique, la Bible les désigne en 
hébreu sous celui de àdarkemôn, darkemôn, que les 
Septante traduisent par -j6p.iay.a ^pû^iov, (ivâ, et la 
Vulgate par solidus ou drachma. Voir Dahique, t. n* 



1241 



MONNAIE 



1242 



col. 1204. Il est question de cette monnaie dans 1 Esd., 
vm, 27; II Esd., vu, 70-71. Le darique et la monnaie 
de poids un peu supérieur, le sicle d'argent, circu- 
lèrent dans la Palestine. 

II. MONNAIES AYANT COURS EN ÏODÉB SOUS LA DOM (NA- 
TION grecque. — Quand Alexandre s'empara de la Pa- 
lestine, il y trouva en circulation la monnaie de Tyr, 
de Sidon, de Gaza, établie d'après le système phénicien 
(fig. 315). Le sicle ou statère qui en était l'unité pesait en- 




315. — Double sicle de Sidon. — Navire surmonté de ses mâts 
et entouré d'un grenetis. — $. Le roi de Perse dans un char 
avec son cocher, à gauche. 

viron 14 grammes. Le roi de Macédoine essaya d'y in- 
troduire le système monétaire attique, mais ses suc- 
cesseurs y renoncèrent. Les Ptolémées rétablirent le 
système phénicien (flg. 316). Head, Histor. Num.,p. 711; 




316. — Tétradrachme d'or de Ptolémée. — Tête de Ptolémée I" 
diadémée, à droite; grenetis. — A). nTOAEMAlor BAIIAEÛS, M. 
Aigle sur la foudre. 

Hultsch, Métrologie, 2 e édit., p. 646; R. S. Poole, British 
Muséum, Catalogue of gr. coins, The Ptolemies, in-8°, 
Londres, 1883, p. xxiii-xxiv. Tyr, qui était passée sous 
la domination des Ptolémées, frappa des monnaies por- 
tant au droit l'Hercule syrien (fig. 317). Sidon, Ptolé- 




317. — Tétradrachme d'or de Tyr. — Tête de l'Hercule syrien 
lauré, à droite. — A). Aigle à gauche sur un gouvernail, portant 
une palme sur l'épaule gauche. TrPOr IEPAE KAI AEÏAOr. 
Dans le champ, date B et une massue. 

maïde, Gaza, Joppé furent les monnaies royales où se 
fournirent les Juifs. £. Babelon, Catal. des monnaies 
de la Bibliothèque nationale, Les rois de Syrie, 
p. CLiv-cxcrv, 48-52, 218-220, 228-247, 290-294. Josèphe, 
Ant. jud., XII, IV, 1, indique le total du tribut payé par 
Onias II à Ptolémée III Evergète, il se montait à vingt 
talents d'argent, soit 120~000 drachmes. Dans le système 
ptolémaique l'or valait 12 fois 1/2 l'argent; 8 drachmes 
d'or équivalaient à une mine ou à 100 drachmes d'ar- 
£ent. Hulstch, Métrologie, 2» édit., p. 646. La drachme 



d'or valait donc environ i 125 francs, III Mach., I, 4; 
la drachme d'argent valait environ C90, le talent 
5450 francs, soit 109000 francs pour vingt talents. 
III Mach., m, 28. Le revenu total des possessions asia- 
tiques des Ptolémées montait à 8 000 talents, soit à 43 mil- 
lions 800 000 francs. Josèphe, Ant. jud., XII, iv, 4. Le sicle 
ptolémaique étant équivalent au statère ou didrachme, 
terme par lequel les Grecs désignèrent le tétradrachme 
lorsque le didrachme ne fut plus en usage, on com- 
prend pourquoi les Septante traduisirent dans le Pen- 
tateuque le mot sicle par didrachme alors que tétra- 
drachme serait plus exact. (Ce dernier terme ne se 
trouve que dans Job, xlij, 11). De même le mot béqa* 
est traduit par Spayj"> Gen., xxiv, 22; Exod., xxxvin, 
26; Sept., xxxtv, 2. Lorsque la Palestine devint province 
de la Syrie en 198 avant J.-C, les Séleucides, à côté 
des monnaies du système attique, adoptèrent bientôt 
celles du système phénicien qui furent frappées à An- 
tioche, à Sidon, à Tyr, à Ptolémaïde,à Ascalon, et dans 
d'autres cités. Cf. F. Babelon, Les rois de Syrie, 
p. clxxxiii; P. Gardner, British Muséum, Catalogue 
of greek coins, The Seleucid Kings of Syria, in-8°, 




318. — Deml-chalque d'Antiochus Sidètes. — Fleur de lotus sur sa 
tige. Grenetis. — ^. Baeiaesïi; antjoxoï ErEPrETOr. Ancre. 

Londres, 1878; B. Head, Historia numor., p. 637. An- 
liochus III fit remise aux Juifs d'une partie des impôts 
et donna 20 000 drachmes pour le service du Temple, 
Josèphe, Ant. jud., XII, m, ; 3. Sous Antiochus IV Épi- 
phane, Jason, pour obtenir le souverain sacerdoce de 
ce prince, lui offrit 440 talents d'argent et lui en promit 
150 autres s'il obtenait la permission d'établir un gym- 
nase et une éphébie et d'inscrire les habitants de Jéru-t 
salem parmi les citoyens d'Antioche. Cette somme ne 
futpayée que trois ans après. II Mach., iv, 8-9,24. L'en- 
voyé de Jason, Ménélas, surenchérit et obtint le sou- 
verain sacerdoce pour 300 talents d'argent de plus. 
D'autres sommes sont mentionnées en talents d'argent, 
I Mach., xi, 28; xm, 16, 19; xv, 31, 35; II Mach., vin, 




319. — Monnaie d'Antiochus Gryphus. — Tête diadémée d'Antio- 
chus Gryphus à droite. Grenetis. — % BAEIAEBE AHTIOXOr 
EIMANOrE. Rose avec deux houtons sur sa tige. 

10, 11; en talents d'or et d'argent, II Mach., m, 11; en 
drachmes d'argent. II Mach.,iv, 19. Dans ce passage, la 
Vulgate met des didrachmes. Judas Machabée lorsqu'il 
demanda au Temple un sacrifice expiatoire pour les 
morts, envoya une somme en drachmes d'argent. 
II Mach., xn, 43. Sous Antiochus VII Sidétes, des demi- 
châîques furent frappées à Jérusalem. Elles portent au 
droit une fleur de lotus et au revers le nom d'Antiochus. 
Elles sont datées des années 181-182 de l'ère des Séleu- 
cides, 131-132 av. J.-C. E. Babelon, Les rois de Syrie, 
p. cxliii, p. 151, n. 1166-1167, pi. xxn, n. 1 (fig. 318). 
Antiochus VIII Gryphus frappa également à Jérusalem 
des monnaies de bronze à la fleur de lotus. Le Cabinet 
des médailles possède une pièce de deux leptes de cette 
frappe. E. Babelon, Les rois de Syrie, p. CXLIII, 188, 
n° 1448, pi. xxv, fig. 15 (fig. 319). 

III. LA MONNAIE FBAPI'ÉB DES MACBABÉES. — Le droit 



1243 



MONNAIE 



1244 



de frapper monnaie fut toujours considéré comme un 
droit régalien. Les rois de Syrie autorisèrent cependant 
certaines villes, auxquelles ils concédaient en même 
temps le titre de villes libres, à frapper de la monnaie. 
E. Babelon, Catalogue des monnaies de la Bibliothèque 
nationale, Les rois de Syrie, in-4°, Paris, 1890, p. CXI. 
En 143-142 av. J.-C, Antiochus VII Sidetes accorda ce 
droit à Simon Machabée. « Je te permets, dit-il, de 
frapper de la monnaie à ton coin, dans ton pays. » En 
même temps il proclamait Jérusalem ville libre et sa- 
crée. I Mach., xv, 6-7. Les anciens numismates de- 
puis Eckhel jusqu'à Madden ont attribué à Simon Ma- 
chabée un certain nombre de monnaies d'argent et de 
bronze qui furent trouvées surtout dans deux cachettes 
à Jérusalem et à Jéricho, Th. Reinach, Les monnaies 
juives, in-16, Paris, 1888, p. 20, 45-49, suivi en cela par 
d'autres, notamment par E. Babelon, Les rois de Syrie, 
p. CXLiv, ont combattu cette opinion et ont reporté ces 
monnaies à l'époque de la première révolte juive contre 
les Romains, c'est-à-dire au temps de Vespasien. Leur 
principal argument était la présence de monnaies d'ar- 
gent. Le monnayage de l'argent, disaient-ils, était ré- 
servé aux rois de Syrie ; ceux-ci n'ont jamais accordé 
aux cités libres que le droit de frapper des monnaies 
de bronze. Cela est vrai pour les villes qui continuaient 
à faire partie du royaume de Syrie, mais aucun texte 
ne prouve qu'il ne pouvait en être autrement des États 
indépendants. Dans la traduction anglaise de son livre 
qui a pour titre The Jewish Coins, in-16, Londres, 1903, 
p. 9-15, M. Th. Reinach est complètement revenu sur sa 
première opinion et attribue, comme Madden et ses 
prédécesseurs, les monnaies dont il s'agit à Simon. Il 
donne pour raisons, le poids des sicles, qui est de 
14 grammes, c'est-à-dire qui ont le poids tyrien en 
usage au temps des Machabées et qui ne l'était plus au 
temps de Vespasien ; le caractère des inscriptions qui 
sont en lettres dites samaritaines ou phéniciennes ; en- 
fin le fait qu'on a trouvé des monnaies de cinq années 
et que la révolte du temps de Vespasien n'a duré que 
quatre ans. Il serait du reste extraordinaire que Simon 
n'eût pas usé du droit de monnayage et, si ces mon- 
naies ne sont pas de lui, on n'en possède aucune. Ces 
monnaies portent au droit une coupe avec l'inscription 
hébraïque en caractères dits samaritains : « Sicle ou 
demi-sicle d'Israël, » au revers un lys à trois fleurs avec 
l'inscription : « Jérusalem la Sainte. » Au-dessus de la 
coupe au droit est marquée l'année par un s, initiale 
du mot'senaf, année, et le chiffre à partir de l'an 143-142, 
ère de la liberté. L'inscription : s Jérusalem la Sainte » 
(fig. 320-321), rappelle celle de Tyr, Tvpou iepàç. On 




£20. — Sicle de Simon Machabée. — bs-iw» 'jpw (en caractères 
phéniciens) ; « sicle d'Israël. » Coupe surmontée de H ; grenetis. 
— r). nmp D'hïni» ;« Jérusalem la sainte ; » lys fleuri ; grenetis. 

possède des sicles des années 1 à 5 et des demi-sicles 
des quatre premières années. Il existe des monnaies de 
bronze absolument semblables aux monnaies d'argent. 
Madden, p. 65-71. — Le premier prince asmonéen dont 
le nom figure sur les monnaies est Jean Hyrcan I er 
(135-106 avant J.-C). On ne possède de lui, comme de 
ses successeurs du reste, que. des pièces de bronze. 
Celles qu'on considère comme les plus anciennes por- 
tent au droit l'inscription « Jean le grand-prêtre et la 
communauté des Juifs », et au-dessus la lettre A. Mad- 



den, p. 76, y voit l'initiale d'Alexandre II Zebina.roi de 
Syrie et suzerain de la Judée. Ce peut être aussi le 




321. — Demi-sicle de Simon Machabée. — îpwn 'Sn; « demi- 
sicle. » — Revers semblable à celui de la fig. 320. 

chiffre 1, date de l'année. Le sens du mot fyébér est 
très controversé. Certains numismatistes lui donnent 
le sens de yspouuta, conseil des anciens. Madden, p. 77. 
D'autres au contraire, et c'est le plus vraisemblable, tra- 
duisent ce mot par : communauté. Ce serait alors l'équi- 
valent du grec xosvrfv ou itoXÉTii>|ji.a. Cf. II Mach., xn, 7; 
Corpus inscr. grsec., t. m, n. 5361; E. Nestlé, dans la 
Zeitschrift fur die Alttestam. Wissenschaft, 1895, 
p. 288-290. Voir Jean Hyrcan, t. m, fig. 211, col. 1155. 
Les monnaies suivantes portent au droit la même ins- 
cription sans la lettre A. Madden, p. 78-79. Enfin d'autres 
donnent à Jean le titre de Ro'S liêbèr, prince de la 
communauté, ce qui équivaut au grec lOvâp/yjç. Madden, 
p. 80 (fig. 322). Voir EthnaRque, t. n, col. 2033. Le type du 




322. — Monnaie de Jean Hyrcan. — TffSi Vrin |n;n \vs\v» 
D'["n]n>n "on. « Jehokanan le grand-prêtre, chef de la commu- 
nauté des Juifs, » dans une couronne de laurier ou d'olivier. 
— n). Deux cornes d'abondance et une tète de pavot. 

revers, les deux cornes d'abondance, figure d'arbord sur 
les monnaies des rois d'Egypte, en particulier sur celles 
d'Arsinoé, femme de Ptolémée Philadelphe, et les rois de 
Syrie l'adoptèrent, probablement à l'occasion d'un ma- 
riage avec une princesse égyptienne. Jean Hyrcan l'em- 
prunta à Alexandre II Zebina. Mionnet, t. v, p. 83, 
n. 730-731 ; E. Babelon, Les rois de Syrie, p. cxvm, cm. 
— Le successeur de Jean Hyrcan, Aristobule (105-101), 
frappa des monnaies du même type que les précédentes 
seul le nom change. Sur ces monnaies il prend le nom 
juif de Judas. Madden, p. 82. Voir Machabées, fig. 457, 
col. 483. — Les monnaies d'Alexandre Jannée (104-78) 
sont très nombreuses. Elles peuvent se ranger sous 
quatre types : 

1° Les monnaies à la fleur. Ces monnaies portent au 
droit une fleur entrouverte (fig. 323) où une palme avec 




323. — Monnaie d'Alexandre Jannée. — ymu \T\V. « Jonathan 
le roi. » Fleur épanouie. — n). BAEIAEQS AAESANAPOr. Ancre 
à deux traverses entourée d'un cercle. 

l'inscription hébraïque : « Jonathan le roi, » entourée 
d'un grenetis, au revers l'inscription grecque : BASI- 
AEQS AAEEANAPOY avec une ancre dont la par- 
tie supérieure a deux traverses. L'inscription grecque 
manque sur le revers -de celles qui ont au droit une 
palme (fig. 324). La frappe de ces monnaies fut proba- 
blement une des causes du conflit avec les pharisiens, 



4245 



MONNAIE 



4240 



Voir Machabées, t. IX, col. 484. La fleur du droit res- 
semble à celle du revers de quelques petits bronzes 




p. 100, n. i. Cette monnaie est absolument identique, sauf 
le nom, à celle qui est attribuée à Jean Hyrcan II et dont 
nous avons parlé plus haut. D'autres monnaies avec des 
types divers portent au droit les mots BASIAEÛS ANTI- 
rONOV et au revers la légende hébraïque : « Mattalhias 
le grand-prètre et la communauté des Juifs. » Quelques- 



824. — Autre monnaie d'Alexandre Jannée» 
« Jonathan, le roi ; » paloie. — b}. Corne d'abondance; grenetis. 

d'Antiochus VIII Épiphane surnommé Gryphus. Babe- 
lon, Les rois de Syrie, p. 188, n. 1448. 

2» Le second groupe est celui des monnaies au type sa- 
cerdotal, sur lesquelles Alexandre a ajouté au droit la 




325. — Autre monnaie d'Alexandre Jannée. — Vil JÎ13 IIW'- 
TïTn nam. c Jonathan le grand-prètre et la communauté des 
Juife. » Couronne de laurier. — fi). Deux cornes d'abondance. 

mention de son titre royal [BA2IAE[QS] ou de son nom 
grec [A]AESA. Madden, p. 86-87. Voir Machabées, 
t. îy, col. 485, flg. 159. 

3° Le troisième type porte simplemennt l'inscription 
sacerdotale au droit: « Jonathan le grand prêtre et la 
communauté des Juifs. » Madden, p. 88 (flg. 325). Sur 




326. — Autre monnaie d'Aloxandre Jannée. — Même inscription 
avec la variante |nav. — S). Même revers avec grenetis. 

quelques-unes le mot Jonathan est écrit Yehonatan. 
Madden, p. 88 (fig. 326). Ces monnaies datent de la ré- 
conciliation d'Alexandre avec les pharisiens. 

4° Le quatrième type présente au droit les mots hébreux 
« Jonathan le roi » dont les lettres sont placées dans les 
espaces intermédiaires des rayons d'une étoile à huit 
branches, au revers se trouve l'inscription BASIAEQS 
AAES AN APOTautour d'une ancre et entourée d'un gre- 
netis. Madden, p. 00. Ce type date de la fin du régne et 
fut continué par Alexandra (fig. 327). Voir Machabées, 




327. — Monnaie d' Alexandra. — BASIMSrHS AAESAN[APAE] ; 
ancre ; grenetis. — S). Étoile à huit branches. 

t. iv, fig. 160, col. 485. Madden, p. 91-92. On attribue 
à Jean Hyrcan II une monnaie du même type, à cause 
des lettres [BJASIAEÛS qui se trouvent au droit, mais 
l'attribution est fort douteuse. C'est peut-être une mon- 
naie d'Aristobule I er . Madden, p. 92-93. 

D'autres monnaies reproduites par Madden, p. 96-99, 
ne peuvent être classées avec certitude. Elles appartien- 
nent probablement à la période qui s'est écoulée entre 
Alexandre Jannée et Antigone (78-40). Les monnaies d'An- 
ligone, fils d'Aristobule II (40-37), sont très nombreuses. 
Un des types porte au droit une fleur de la tige de laquelle 
sort à droite un bourgeon et à gauche une feuille, au ré- 
- vers une palme au milieu de la légende : « Mattatiah le 
grand-prètre et la communauté des Juifs. » Madden, 




328. — Monnaie d' Antigone. — [BAEIAJEQI! ANTirfONOï 1 ]. Au- 
tour, une couronne. — H|. n> -&n Vil IHD n>rWD. n Mathathias 
le grand-prêtre et la communauté des Juifs. s Deux cornes 
d'abondance entre les deux !W. «. An 1. » 

unes portent les dates des années 1 et 2. Madden, p. 1C0- 
102 (fig. 328-329). On attribue aussi à Antigone des mon- 




329. — Autre monnaie d'Antigone. — [BAEIAJEM ANTiroNOï 
autour d'une couronne. — fi). Même légende autour de deux 
cornes d'abondance. 

naies portant au droit divers types dont le sens est très 
discuté, les uns y voient la table des pains de proposition, 
d'autres quatre arbres plantés parallèlement; au revers, 
le chandelier à sept branches. Madden, p. 102 (fig. 330). 
A la dynastie asmonéenne succéda celle des princes 




330. — Monnaie attribuée à Antigone. — Arbres en ligne; grenetis. 
— RJ. Chandelier à sept branches. 

iduméens, Hérode le Grand et ses descendants. — 1" Il 
semblerait, d'après l'immense richesse d'Hérode I er , 
qu'il ait dû frapper de nombreuses monnaies. Joséphe, 
Ànt. jud., XVII, vm, 1, cf. Zonaras, v, 16, dit qu'il 
laissa à sa sœur Salomé cinq cent mille pièces d'ar- 
gent frappé, àpfupsou èm<ri;u.ov, et qu'il donna à César 
dix millions d'argent frappé et à d'autres cinq mil- 
lions. Mais cet argent devait être en monnaie romaine, 
car la frappe de l'or était interdite d'une manière gé- 
nérale dans les contrées soumises à Rome, et rares 




331. — Monnaie d'Hérode I". — BAE1AEQE HPQMJï. Casque 4 
jugulaires; dans le champ r. TP. — fi). Bouclier macédonien 
daas un disque à rayons; grenetis. 

étaient les villes autorisées à la frappe de l'argent. Le- 
normant, La monnaie dans l'antiquité, t. il; Madden, 



1247 



MONNAIE 



1248 



p. 107. C'est ce qui explique pourquoi les monnaies 
d'Hérode I er sont toutes de bronze. Ces monnaies ne por- 
tent que l'inscription grecque BASIAEÛS HPQAOT et 
des emblèmes empruntés aux monnaies grecques ou aux 
monnaies asmonéennes. Voir Hérode, t. m, fig. 133, 
col. 641. Le monogramme qui figure auprès du trépied 

a la forme du chrisme -f- ma > s il ne doit pas être con- 
fondu avec lui. De Saulcy, Numismatique des Juifs, 
p. 128, et Madden, p. 108, y voient très vraisemblable- 
ment la marque de la valeur de la pièce TPtâç ou 
TPfyaXxoî. D'autres monnaies portent au droit ,1e casque 
àjugulaires et au revers le bouclier macédonien entouré 
d'un disque à rayons (flg. 331), ou au droit un caducée et au 
revers une grenade avec des feuilles (fig. 332), ou encore 




332. — Autre monnaie d'Hérode I". 
Même inscription. Caducée. — S|. Grenade. 

au droit un trépied surmonté d'offrandes (flg. 333). Les 
monnaies au type asmonéen, c'est-à-dire à l'ancre et à la 




333. — Autre monnaie d'Hérode I". — Trépied entre deux 
palmes. — È|. daeiaeqb HPQAOr, couronne entourant une 
sorte de croix. Grenetis. 

double corne d'abondance, sont plus petites (fig. 334). Une 
petite monnaie d'Hérode porte au revers un aigle debout 




334. — Autre monnaie d'Hérode I". Même inscription. — Ancre à 
deux traverses. Grenetis. — $. Double corne d'abondance. 
Grenetis. 

adroite. M. de Saulcy, Numismatique des Juif s, p. 131, 
y voit une allusion à l'aigle d'or qu'Hérode avait fait pla- 




335.- 



- Autre monnaie d'Hérode I". — BAEIA[E£ffi]. A. 
Corne d'abondance. — 1$. Aigle. Grenetis. 



cer au-dessus de la grande porte du Temple (fig. 335). Pour 
toutes les monnaies d'Hérode, voir Madden, p. 107-114. 

2» Les monnaies d'Archélaus (4 avant J.-C.-6 après 
J.-C.) sont reconnaissables au titre d'ethnarque que lui 
donna Auguste. Josèphe, Ant. jud., XVII, n, 4; Bell, 
jud., II, vi, 3. Voir Abchélaus, t. i, fig. 247, col. 924. 
Ces monnaies portent au droit une ancre, une proue de 
navire, une double corne d'abondance, une grappe de 
raisins ; au revers, un navire à cinq rames, un casque à 
panache et à jugulaires, une. branche d'olivier ou de 
chêne (fig. 336-337). Madden, p. 115-118. 

3" Hérode Antipas(4avantJ.-C.-40après J.-C.) porte sur 



ses monnaies le titre de tétrarque. Au droit est une 
branche de palmier et le nom d'Hérode ; au revers, une 




336. — Monnaie d'Archélaus. — Proue de navire •portant un 
trident. Dans le champ H. Grenetis. — S}. EeN[APXHE], entouré 
d'une couronne de laurier. Grenetis. 

couronne entourant tantôt le nom de Tibériade, voir HÉ- 
RODE 3 Antipas, t. m, fig. 135, col. 648, tantôt le nom de 




337. — Autre monnaie d'Archélaus. — HPQ. Double corne d'abon- 
dance portant une rangée d arbres. — ]$. EÔNAfPXHE] N. Na- 
vire armé de rames. 

CaiusCaesarGermanicu s, c'est-à-dire de Caligula (fig.338). 
Le palmier est probablement la Canna communis qui 




338. — Monnaie d'Hérode Antipas. — HPfiAHE TETPaPXHE. 
Palme. — fl. TAIQ KAIEAPI rEPMAN[IKQ]. — Couronne de 
laurier. L. Mr. Grenetis. 

poussait auprès du lac de Génésareth ou de Tibériade. Jo- 
sèphe, Bell, jud,, III, x, 8. Les monnaies qui portent le 
nom de Tiberias sont datées des années 33, 34 et 37 du 
règne d' Antipas, c'est-à-dire de 29-30, 30-31 et 33-34 après 
J.-C. Celles qui porte'nt le nom de Caligula sont datées 
des années 43 et 44, 39-41 après J.-C. Madden, p. 118-122. 
4° Les monnaies d'Hérode Philippe II (4 av. J.-C.-34 
ap. J.-C.) lui donnent. le titre de tétrarque. Elles portent 
au droit la tète à droite d'Auguste ou de Tibère et, au 
revers, un temple tétrastyle entre les colonnes duquel 
est inscrite l'année de la frappe (fig. 339). L'effigie impé- 




339. — Monnaie d'Hérode Philippe II. — |KA]ICAPI [£ED]ACTO. 
Tête d'Auguste laurée, à droite. — fl. -HAinnor TETfPAPXOï]. 
Temple tétrastyle. Entre les colonnes L.I.B an 12. 

riale était une grave infraction à la loi de Moïse. Ces 
monnaies sont datées des années 12, 16, 19, 33 et 37, 
qui correspondent à 8. 11, 14, 28, 32 après J.-C. Madden, 
p. 125-126. 

Les monnaies d'Hérode Agrippa I er (37-44 après J.-C.) 
sont de deux types différents. Les unes portent au droit 
un parasol avec le nom d' Agrippa et au revers trois épis 
de blé sortant d'une tige. Elles sont datées de l'année 5 
du règne d' Agrippa, c'est-à-dire 40-41 après J.-C. D'autres 
ont été publiées avec les chiffres des années 7-9, mais 



1249 



MONNAIE 



1250 



elles sont douteuses. Voir HéROde Agrippa I er , t. ni, 
fig. 139, coi. 651. D'autres monnaies portent au droit la 
tête d' Agrippa I er et au revers le nom de la ville de 
Césarée ou au droit la tête de Caligula et au revers 
un quadrige, une Victoire, le nom de Césarée et celui 
d'Agrippa. Sous Claude, elles portent au droit le nom 
d'Agrippa avec le titre de <Î>IA0KA12AP et, au revers, 
deux mains entrelacées avec une inscription dont la lec- 
ture a été très discutée, mais qui est une allusion à l'al- 
liance conclue avec les Romains. On trouve enfin des 
monnaies ayant au droit la tête d'Agrippa I e ' et au revers 



(fig. 343). Madden, p. 184-185. Une de ces monnaies 
porte la date de l'an 14 de Claude (54-55 après J.-C), 
Une autre porte le nom de Néron. On n'a. aucune mon- 
naie de Festus. — Pour les monnaies des procurateurs, 
cf. Madden, p. 170-189. 

V. LES MONNAIES DES DEUX RÉVOLTES JUIVJ3S. — En 

mai 66 après J.-C., les Juifs se révoltèrent Contre 
Rome. La révolte se termina par la prise de Jérusalem 
et la destruction du Temple par Titus en 70. Une seconde 
fois, à la fin du règne de Trajan, une insurrection éclata 
dans les colonies juives de Mésopotamie, de Cypre, 




340. — Monnaie d'Agrippa P'. — BAEIAErE MErAE ArPIIHIAE 
«IAOKAIEAP. Agrippa I" diadème adroite. — fil.KAISAPIA H 
nrOS [jiBBAETQJ AIMENI. Figure de femme à gauche, tenant 
de la main droite un gouvernail et de la main gauche une 
corne d'abondance. 

le nom d'Agrippa II, avec la date de l'an 2 d'Agrippa I" 
(38 après J.-C), Madden, p. 133-139. 

Agrippa II frappa également des monnaies sans le 
nom d'un empereur, voir AURiPPA II, t. I, fig. 49, 
col. 287 ; mais la plupart d'entre elles ont au droit le 
buste d'un César, Néron, Vespasien, Titus et Domitien, 
au revers figurent la Victoire écrivant, portant une corne 
d'abondance, une couronne ou des palmes, un palmier, 
une couronne, deux cornes d'abondance, avec le nom 
d'Agrippa et la reproduction de jeux impériaux (fig. 340- 




341. — Autre monnaie d'Agrippa II. — KEPDN KAI[EAP], Tète 
de Néron lauré à droite. — r). Eni-BAElAE[QE]-ArPinn[Oï[- 
Ni;pa-N1E. Couronne d'olivier. 

341). Ces monnaies sont parfois datées, mais on ne sait 
pas exactement d'après quelle ère. Madden, p. 144-179. 
IV. MONNAIES DES PROCURATEURS DE JUDÉE. — Les 

procurateurs romains de Judée frappèrent, pour l'usage 
du pays, des monnaies de cuivre, sur lesquelles, par res- 
pect, pour la loi mosaïque, ils s'abstinrent avec soin de 
mettre le buste impérial. Les seuls emblèmes qu'on y 
trouve sont des épis, des palmiers, des cornes d'abon- 
dance, des couronnes, des vases, des feuilles de vigne, 
un bâton augurai ou lituus, des boucliers. Les procura- 
teurs nommés dans le Nouveau Testament dont nous 
possédons les monnaies sont : 1° Ponce Pilate, dont les 
monnaies portent au droit une coupe à libation, sim- 
ipulum, ou un lituus, au revers, trois cornes d'abon- 





343. — Monnaie de Claudius Félix. — NEPQ KAArfAIOS]. KAIEAP. 
Au centre deux boucliers et deux javelots croisés. — r). Pal- 
mier : au-dessus BPIT[anis]kOe], au-dessous KAI[eaP], û 
droite et à gauche L.IA « an 14 » (54-55 ap. J.-C). 

d'Egypte et de Cyrénaïque. — Les Juifs de Palestine se 
révoltèrent à leur tour sous Hadrien, en 133, Il est dif- 
ficile de classer certaines monnaies de cette période et 
de savoir si elles appartiennent à la première ou à la 
seconde révolte. On peut attribuer à la première cer- 
taines monnaies de bronze qui ont pour type un vase à 
anse avec ou sans couvercle, l'éfrog et les deux lûbab, 
c'est-à-dire le cédrat et les rameaux que les Juifs por- 
taient dans la fête des tabernacles, ou encore un pal- 
mier entre deux corbeilles de fruits ou une coupe. Ces 
monnaies ont pour légende uniforme les mots : « Déli- 




344. — y'51 T31N n:ur. «Quatrième année; un quart, n Deux 
corbeilles remplies de branches. — R). p'ï nbfrUb. « La ré- 
demption de Sion. » Êthrog. 

vrancedeSion,» et la date en toutes lettres de l'an 4: ce 
serait alors celles du siège de Jérusalem; enfin l'indica- 
tion de la valeur un 1/2 sicle ou 1/4 de sicle. Ces monnaies 
paraissent, en effet, des monnaies obsidionales, ayant 
une valeur fiduciaire, car ce ne sont pas des sicles, 
puisque le sicle est une pièce d'argent. Th. Reinach, 
Les monnaies juives, p. 49 (fig. 344). — Dans la seconde 
insurrection, les chefs furent Barcochébas, « le fils de 
l'Étoile, » qui se prétendait le Messie et portait le nom 
de Simon ou de Siméon, et Éléazar, descendant d'une 
famille sacerdotale. Les monnaies frappées par ces deux 



342. — Monnaie de Ponce-Pilate. — TIBEPIOr KA1EAPOÉ L. K 
« an 16 » (29-30 ap. J.-C). Siwpulum. — A). IorAIA KAIEAPOS. 
Trois épis liés ensemble. 

dance liées entre elles ou une couronne, (elles sont 

. datées des années 16, 17 et 18 de Tibère (30-31 après 

J.-C.) (fig. 342); Madden, p. 182-183); 2» Claudius Félix 

DXr. OS IA BIBLE, 




245. — Tïtoïi IItSn. « Eléazar le prêtre. » Vase à anse. Dans lo 
champ une palme. — R). "W> nSaiS rint* niïf. « Première 
année de la rédemption d'Israël. » Grappe de raisin. 

chefs des insurgés sont de valeurs et de types très divers. 
On peut les ranger dans les catégories suivantes : 

1° Deniers ou drachmes et tétradrachmes de l'année 1 
de la délivrance d'Israël : — a) Deniers ou drachmes avec 
le nom d'Êléazarle prêtre (fig. 345); — b) Tétradrachmes 

IV. - 40 



4251 



MONNAIE 



1252 



avec la légende « Jérusalem » autour de la porie du 
Temple (fig. 346). 

2" Les deniers ou drachmes et les têtradrachmes de la 
seconde année : — a) Deniers ou drachmes avec le nom 




46 — rfwn». a Jérusalem.» Temple tétrastyle. Au milieu signe 
conventionnel de la Belle Porte. — $. dSwtv n'soS nnM nzvr. 
a Première année de la rédemption d'Israël. » Éthrog ; loulab. 

de Simon ou Siméon, avec une couronne ou une grappe 
de raisins. Les types du revers peuvent être rangés en 
quatre groupes : l'aiguière surmontée d'une branche 
d'olivier, la Ivre à trois cordes, deux trompettes, une 
branche de palmier. — 6) Têtradrachmes avec la légende 
au droit « Jérusalem ». — c) Têtradrachmes avec la lé- 
gende «Siméon». 

3" Monnaies non 
datées avec la lé- 
gende «Délivrance de 
Jérusalem >> . — a) De- 
niers ou drachmes 
de Siméon. — 6) Tê- 
tradrachmes de Si- 
méon. Parmi cette 
grande variété de 
pièces, quelques- 
unes sont des mon- 
naies frappées à nou- 
veau où l'on voit 
encore la trace du 
type premier. Telle 
est, par exemple, 
une drachmedu Bri- 
tish Muséum. C'était 
originairement une 

monnaie de Césarée de Cappadoce. On y lit encore au re- 
vers les lettres ArTOKP. KAIC, et au droit [AHjMAPX. 
La pièce a été retournée. Cf. Wroth's, Catalogue of the 
Greek Coins of Galatia, Cappadocia, in-8°, Londres, 1899, 
p. 54. Madden, p. 234-238 (fig-347). Les monnaies de bronze 
sont également datées des deux années. Celles de Ja pre- 




348. — 1MP[EPAT0R] T[ITtIS] CAES[AR] VESP[ASIANUS] AVG[USTTJS] P[ON- 
TIFEX] M[AXIMUS] TR[IBTJNITIAE] PfOTESTATIS] P[ATER PATRIAE] 
C0[N]S1TJL] VIII. Tête de Titus laurée à gauche. — fi|. IVD[AEA] CAP[TA]. 
Palmier. A gauche, une Juive assise sur une cuirasse ; à droite un Juif debout, 
les mains derrière le dos, tournant sa tète à gauche; devant lui un casque et 
un bouclier. Dans le champ SfENATUS] C[ONSULTO]. 



Reinach, Les monnaies juives, p. 5H>7. La classification 
de Madden, p. 187-246, et souvent ses lectures, doivent 
être rectifiées d'après le travail de Hamburger. Les-mon- 
naies des insurgés furent considérées comme sans valeur. 
LeTalmud dit qu'elles ne sont pas acceptées pour la se- 
conde dime. Th. Reinach, Les monnaies juives, p. 66-67. 

VI. MONNAIES ROMAINES FRAPPÉES A L'OCCASION DES 

guerres entre les juifs. — La défaite des Juifs par 
Vespasien et Titus fut pour ces empereurs l'occasion 
de frapper des monnaies commémoratives de leur 
triomphe. Il en existe en or, en argent et en bronze. 
Elles portent au droit le buste de l'empereur et au re- 
vers deux captifs, un Juif et une Juive à droite et à 
gauche d'un palmier. La légende est tantôt en latin 
IVD^A CAPTA ou DEVICTA (fig. 348), tantôt en grec 
IOTAAIASEAAÛKTIAS. Ces monnaies ont pour proto- 
type celle que frappa C. Sosius, après la défaite du dernier 
prince asmonéen Antigone. Cohen, Monnaies consu^ 
laires, p. 203; Monnaies impériales, 2 e édit.,t. i, p. 47; 
Madden, p. 99, n. 3. Une des monnaies de Titus porte 
au revers IVDjEA NAVALIS, Cohen, Monnaies impé- 
riales, 2 e édit., t. i, p. 365; Madden, p. 222, c'est une 
allusion aux victoires remportées par. les Romains sur 
les pirates juifs de Joppé, Entre les deux insurrections se 

place le grand bronze 
de Nerva (96-98) dont 
le revers présente 
l'image d'un palmier 
et la légende FISCI 
IVDAICICALVMN1A 
SVBLATA, suppres- 
sion des délations du 
fisc judaïque, par 
l'abolition de l'impôt 
du didrachme payé 
autrefois au Temple 
de Jérusalem et de- 
puis Domitien à ce- 
lui de Jupiter Capi- 
tolin. Voir Capita- 
tion, t. II, fig. 68, 
col. 215. Un bronze 
d'Hadrien fait allu- 
sion à son voyage en 
Judée qui fut l'occasion de la seconde révolte. Il est daté 
de son troisième consulat, 130 après J.-C, et présente au 
revers Ja figure de la Judée entourée de ses enfants offrant 
un sacrifice à l'empereur, avec celte légende ADVENTVÏ 
AVG ÏVD/EX Madden, p. 231, n. 2 (fig. 349). Après la 




317 TWDtJ. «Siméon.s Grappe de raisin. — B). qWti» IWltlS. 

« La délivrance de Jérusalem. » Lyre à trois cordes. 

mière année portent le nom d'Éléazar ou de Siméon. Mad- 
den, p. 198-206, rapporte à torl ces monnaies à un Éléazar 
de la première révolte et à un Siméon de la même époque. 
Les monnaies de la seconde année portent le nom de 
Siméon ou d'Israël au droit, et au revers une grappe 
de raisins, une feuille de vigne ou une branche de pal- 
mier, enfin un certain nombre ne portent pas de date. 
Ces pièces sont les plus petites des chalci et les plus 
grandes des dichalci, c'est-à-dire que la première valait 
1/48 de la drachme ou du denier, et la seconde 1/24. 
L. Hamburger, Die Silbermûnzprâgungen wâhrend 
desleUten Aufstandes der Israeliten gegen Rom, dans 
la Zeitschrift fur Numismalik, 1892, p. 240-237 ; Th. 




349. - HADRJANVS AVG[VSTVS] CO[N]S[VL] III.PA[TEB] P[A- 
TRIAE]. Buste d'Hadrien barbu, à droite, avec le paludamen- 
tum et la cuirasse. — % ADVENTVÏ AVG[VSTI] IVDAEAE. 
Hadrien tendant la main droite vers la Judée qui tient de la 
main droite une patène et de la gauche une boite. Devant elle 
un autel avec du feu. De chaque côté de la Judée, un enfant 
tient une palme. Au bas de l'autel un taureau. En exergue 
S[ENATUS] C[ONSULTO]. 

révolte, Hadrien fonda à Jérusalem la colonie d'^Elia 
Capilolina. On possède Joute une série de monnaies de 
bronze de cette colonie depuis Hadrien jusqu'à Valérien. 
(fig. 350). Madden, p. 249-27J*, 



1253 



MONNAIE — MONTAGNE 



1254 



III. La monnaie dans le Nouveau Testament. — 11 
est souvent question de monnaie dans le Nouveau Testa- 
ment. La monnaie d'or est désignée par le mot xpu<rô<, 
aurum, Matth., x, 9; Jac, v, 3; ^p Uff (Qv, Act., m, 6; 
xx, 33; 1 Pet., 1, 18; la monnaie d'argent par apyupo;, 
argenlum, Matth., x, 9; Jac, v, 3; ou àp-pipiov, Act., 
lu, 6; xx, 33, I Pet., I, "18. Le mot àpyupeov désigne 
aussi la monnaie en général, comme en français l'ar- 
gent. Matth., xxv, 18, 27; xxvm, 12, 15; Marc., xiv, 11 ; 
Luc, -ix, 3; xix, 15, 23; xxiii 5; Act., vu, 16; vin, 20. 




850. — IMPfERATORI] CAES[ABrj TRAIANO HADRIANO. Buste 
d'Hadrien lauré, à droite, avec le paludamentum. — ^. COL[0- 
N1A] AEL[IA] KAP1T[0LINA]. En exergue, COND[ITA]. Deux 
bœufs attelés à droite. Près d'eux un étendard fiché en terre. 

La Vulgate traduit ce mot par argentum ou par pecu- 
nia. Le mot xpî)|xa, pretium, Act., iv, 37, est aussi tra- 
duit par pecunia, Act., vm, 18, 20; xxiv, 26; il en est 
de même du mot x«^">s 1 u i signifie exactement la 
monnaie de bronze et que la Vulgate traduit par pecu- 
nia. Matth., x, 9. Le mot xépjta, ses, est aussi employé 
pour désigner la monnaie en général. Joa., H, 15. Voir 
Changeurs de monnaie, t. h, col. 548. De même le mot 
v6ftt<j[ta, Numisma. Matth., xxii, 19. 

Les termes grecs monétaires employés dans le Nou- 
veau Testament sont : 1° le didrachme, double drachme 
équivalent à un demi-sicle et servant à payer l'impôt 
au Temple, Matth v xvn, 24; voir Didrachme, t. h, 
col. 1428; Capitation, col. 217-219. 

2° La drachme, Luc, xy, 8, pièce valant 1/4 de 
sicle. Voir Drachme, t. h, col. 1502. 

3° Le statère, azaxfip, ou tétradrachme. Matth., xvii, 26. 
En effet, cette pièce représente l'impôt de la capitation 
pour deux personnes, Jésus et Pierre. Voir Statère. Il 
y avait en circulation dans la Palestine des stalères ou 
tétradrachmes d'Athènes et aussi d'Antioche. Ces der- 
niers étaient à l'effigie d'Auguste. Madden, p. 295. 

4° Le lepton, petite pièce de cuivre. Voir Minutum, 
col. 1108. Les termes romains sont : 1° le denier, Syjvi- 
f.o-i, denarius, Matth., xvm, 28, xx, 2, 9, 10, 13; xxn, 19; 
Marc, vi, 37; xii, 15; xiv, 5; Luc, vu, 41 ; x, 35; xx, 24; 
Joa., vi, 7; xu, 5; Apoc.,vi, 6. Voir Denier, t. h, col. 1380. 
Le denier était équivalent à la drachme. On a souvent 
traduit dans le langage courant le mot àpY'Jpia,ar<7e«te£, 
Matth., xxvl, 15 ; xxvn, 3, 5, 6, 9; cf. Zacharie, xi, 12, 31, 
par deniers. Mais le texte ne dit pas de quelle pièce d'ar- 
gent il s'agit. Nous ne savons donc exactement de quel 
prix a été payée la trahison de Judas, s'il a reçu des 
sicles, des tétradrachmes, des didrachmes ou des deniers. 

5° Vas ou assarius, àffuàpwv, Matth., x, 29. L'as était 
de bronze et valait au temps de J.-C, 6 à 7 centimes. 
Voir As, t. i, col. 1051. 

6° Le Dipondius, àucripia Svo, Luc, xu, 6, ou double 
as. Voir Dipondius, t. n, col. 1440. 

7° Le quadrans, y.oSpâvrir)j, Marc, xu, 42, quatrième 
partie de Tas. Voir Quadrans. 

8° La monnaie de compte est représentée par le ta- 
lent, Matth., xvm, 23-35; xxv, 14-30, et la mine. Luc, 
xix, 13-25. Voir Mine, Talent. 

IV. La valeur des monnaies chez les Juifs dans les 
temps voisins de J.-C. — Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 
1, dit que la mine d'or juive valait deux livres ro- 
maines 1/2. La livre romaine de 12 onces pesait 327a r 45. 
La mine d'or hébraïque pesait donc 818s'65 environ. Le 



même historien, Ant. jud., III, Vlll, 10, donne an sicle 
d'argent la valeur de 4 drachmes attiques ou 4 deniers 
romains. La drachme attique pesait environ 4s r 36 et 
valait environ 0,95 centimes; Le sicle d'argent était donc 
un tétradrachme pesant environ 17s r 40 et valan); à peu 
près 3 f 50. Les Talmuds donnent toute une série de 
divisions de monnaies en usage chez les Juifs, mais ce 
sont presque toutes des monnaies romaines dont les 
noms sont traduits. Cf. Talmud de Jérusalem, traduction 
Schwab, in-8», Paris, 1877-1890, t. ix, p. 199-201. L'unité 
monétaire est le dinar, c'est-à-dire le denier. Le s'êla 
vaut 4 dinars, c'est l'équivalent du sicle ou tétradrachme. 
Le dinar vaut 60 ma as, la ma' a vaut 32 proutas et 
plus tard 24, le poids de la prouta étant augmenté. La 
mine est équivalente à 100 zouz de Tyr. 

V. La monnaie dans les paraboles. — Notre- 
Seigneur Jésus-Christ s'est servi plusieurs fois dans les 
paraboles de termes empruntés au système monétaire. 
Dans la parabole du serviteur sans pitié pour son débi- 
teur, le serviteur doit 100 talents à son maître qui lui 
remet sa dette, et il jette en prison sans pitié un débi- 
teur qui lui doit cent deniers. Le maître irrité châtie ce 
créancier impitoyable. Ainsi le Père céleste traitera 
ceux qui ne pardonnent pas à leur frère. Matth., xvm, 
28-35. Dans la parabole des vignerons, le denier est le 
salaire de la journée de travail, image de la récompense 
donnée par Dieu. Malth., xx, 2. Dans la parabole des 
talents et dans celle des mines, Matth., xxv, 14-30; Luc, 
xix, 11-27, ces sommes représentent les grâces et les 
dons divers accordés par Dieu et qu'on doit faire fruc- 
tifier comme un capital. La femme qui possède dix 
drachmes, qui cherche avec tant de soin celle qu'elle a 
perdue et se réjouit avec ses voisines lorsqu'elle l'a re- 
trouvée, est l'image du zèle avec lequel le Sauveur cherche 
à ramener à lui le pécheur égaré, et de la joie qui est 
au ciel quand il se convertit. Luc, xv, 8-10. 

Bibliographie. — C. Cavedoni, Numismatica Biblica, 
in-8«, Modène, 1850. — F. de Saulcy, Recherches sur 
la numismatique judaïque, in-4°, Paris, 1854; Numis- 
matique de la Terre-Sainte, in-4°, Paris, 1874. — 
F. W. Madden, The Coins of the Jews, in-4», Londres, 
1881. — Th. Reinach, Les monnaies juives, in-16, 
Paris, 1888; The Jewish Coins, in-16, Londres, 1903. 

— G. C. Williamson, The money of the Bible, in-16, 
Londres, 1894. — H. Bœckh, M etrologische Untersuch- 
tmgen ûber Gewichte, Mûnzfûsse und Masse des Alter- 
thums, in-8», Berlin, 1838. — J. Brandis, Das Mûnz- 
Masse- und Gewichtwesen im Vorderasien, in-8», Ber- 
lin, 1866. — Fr. Lenormant, La monnaie dans l'anti- 
quité, in-8", Paris, 1878. — F. Hultsch, Griechische und 
Rômische Métrologie, 2 e édit. in-8", Berlin, 1882. — 
B. Head, Historia Numorum, in-8°, Oxford, 1887. — 
E. Babelon, Les Origines de la monnaie, in-iS, Paris,1897. 

E Iïftjrlifr 
MONS (NOUVEAU TESTAMENT DE). Voir Fran- 
çaises (Versions) de la Bible, vi, 6°, t. m, col. 2367-2368. 

MONTAGNE (hébreu : fcar,araméen: tûr,Dan.,n, 
35, 45; Septante et Nouveau Testament : opoç). 

I. Nom. — Ce nom s'applique dans la Bible : — 
1°-A. de grandes masses de terre ou de roches plus ou 
moins isolées et plus ou moins élevées, à des monts dé 
tachés, comme le Sinaï (har Sînai; rà opoç tô 2wï), 
Exod., xix, 11; le Garizim (har Gerizîm; opoc TapiÇiv), 
Deut.,xi,29; le Nébo(/ia>-^Ve6ô, opoç Naêsiù), Deut., xxxu, 
49; le Thabor (har Tâbôr; opo; Bxêtôp), Jud., iv, 6, etc.; 

— 2° A des chaînes de montagnes, comme le Liban (har 
haULebânôn, & A!6avo«), Jud., m, 3; les montagnes de 
Basan (har iMMn;opo; mov),Ps. lxvii (hébreu, lxvhi), 
16, etc. ; — 3° A la partie montagneuse d'un pays, f, ôpetvrç 
(sous-entendu y.wpa), Gen., xiv, 10; Luc, i, 39; c'est 
ainsi que Jos., xi, 16, « la montagne d'Israël » (har 
lêrd'êl;z'o è'po; 'IffpaTjX), indique le kighland de la Pa- 



1255 



MONTAGNE 



1256 



lestino par opposition au lowland ou « la plaine » (Sefê- 
lâh; ta Taitetvo) ; Jos., xv, 48, pour la triim de Juda, les 
■villes de « la montagne » sont distinguées de celles de 
« la plaine » (8efêlâh;}\ Treôi'vi]), f- 33; de même ailleurs 
il est question de « la montagne d'Éphraïm » (har 
'Êfrâim; tô ô'po; tô 'EçpaîtOj Jos., xvn, 15; de « la 
montagne de Nephthali » (har Naftâlî; tô ô'po; tô 
NeçôaXi), Jos., xx, 7, etc.; — 4° Même à de simples col- 
Unes, comme « le mont Sion f> [har Siyôn; ô'po; Stiàv), 
IV Reg., xix, 31; Ps. h, 6; « la montagne des Oliviers » 
(har haz-zêpîm ; tô ô'po; tSv ëXguûv). Zach., xiv, 4; 
Matth., xxrv, 3. Les Hébreux avaient pourtant un nom 
spécial pour désignera la colline »; c'est gib'âh, d'une 
racine inusitée, mais se rapprochant de mots qui signi- 
fient « élevé en forme de bosse », et ce mot, en grec 
pouvô;, est le plus ordinairement employé. En plus 
d'un endroit gib 'dh est nettement distingué de har. Cf. 
Ps. cxlviii, 9; Is, il, 14; ljv, 10. La colline représente 
généralement un monticule aux contours arrondis et 
dont les pentes se confondent doucement avec le sol 
environnant; détachée au milieu d'une plaine ou d'un 
plateau, elle s'appelle « tertre » ou « butte », (êl en 
hébreu, tell en arabe. Cf. Jos., xi, 13. Gib'âh est par- 
fois rendu dans les Septante par 6i;, Oîvo;. Deut., XII, 
2; Job, xv, 7. D'autre part, le mot collis, dans la Vul- 
. gâte, rend aussi : gai, « monceau, » IV Reg., xix, 25; 
bâmâh, « haut-lieu. » Ps. lxxvii (hébreu, lxxviii), 58. 
L'hébreu har est resté uni à certains noms qu'il accom- 
pagnait primitivement, au point de ne former avec euxi 
qu'un seul mot. On trouve ainsi 'Apfioc-f^ojv, Armage- 
don, Apoc, xvi, 16, pour har Megiddô ou Mageddo, 
« la montagne de Mageddo, » et, dansMarinus de Naplouse 
<v> siècle), 'Ap-faptWv pour har Gerhîm, le mont Gari- 
zim. Voir Armagëdon, 1. 1, col. 967; Garizim, t. m, col 106. 

11. Montagnes mentionnées dans la Bible. — Voir 
pour les détails les articles qui concernent chacun de 
ces noms. 

1° Loin de la Palestine. 

1. Montagnes d'Arménie (hébreu : hârê 'Arârât; 
Septante : t« ô'p?i xà 'Apapdc), Gen., mu, 4. 

2. Montagnes d'Ange (mentionnées seulement dans 
la Vulgate), dans la Cappadoce. Judith, n, 12. 

3. Montde Séphar (hébreu : Sefàrâh har haq-qédém; 
Septante: Sa?ripa 6'po;àvaToX(5v),dansrArabie.Gen.,x,30. 

2° Au sud de la Palestine : 

4. Montagnes de Séir (hébreu : har èê 'îr; Septante: 
•rà ô'pr] Srie(p), Gen., xiv, 6; xxxvi, 8, 9, etc., dansl'Idu- 
raée, avec lesquelles on peut identifier la Montagne 
d'âsaû (hébreu : har 'Éiâv ; Septante : ô'po; 'Ho-aû) ou 
,de l'Idumée. Abdias, 8, 9, 19, 21. 

5. Mont Hor (hébreu : Hôr hârhâr; Septante : "Qp to 
•ofoj). Num., xx, 22, 25, 27, etc. 

6. Mont Sinaï (hébreu : har Sîndi; Septante : tô 
•opoîTÔ Stvâ). Exod.,xix, 11, 18, 20, etc. 

7. Mont Horeb (hébreu : har flôrêb; Septante : tô 
.ô'po; to Xwprçê). Exod., m, 1; xxxm, 6, etc. 

8. Mont Pharan (hébreu : har Pâ'rân; Septante : 
■#po; *«pâv). Deut., xxxm, 2; Hab., ni, 3. 

9. MontSépber (hébreu : har Sâfér; Septante : Sa? âp). 
Num., xxxm, 23, 24. 

10. Mont Gadgad (hébreu : hôr hag-Gidgdd; Septante : 
Vo ô'poç TaSyâS). Num., xxxm, 32. On lit simplement 
hag-Gudgôdàh, avec hé local. Deut., x, 7. Les Septante 
■et la 'Vulgate, dans le premier passage, ont confondu 
hôr, « caverne, » avec har, « montagne. x> L'existence 
de ce mont est donc problématique. 

3° A l'est de la Palestine, en allant du sud au nord : . 

ii. Montagnes d'Abarim (hébreu : har ou harê hd 
*Abârim; Septante : Ôpo; ou Spu 'Aoapîji), Num., xxvn, 
42; xxxni, 47, 48, chaîne du pays de Moab, dont les 
"trois sommets principaux sont : 

12. Mont Nébo (hébreu : har Nebô Septante : ô'po; 
'N«6aûX Deut., xxxu, 49; xxxiv, 1 



13. Mont Phasga (hébreu : hap-Pisgâh; Septante ; 
$aoi&). Deut., m, 17, etc. 

14. Mont Phogor (hébreu : hap-Pe'ôr; Septante : 
$oY6p). Num., xxiii, 28. 

15. Montagne de Galaad (hébreu : har Jiag-Gïl'âd; 
Septante : to ô'po; r«X«à8). Gen., xxxi, 21, 23, 25, etc. 

16. Montagne de Basan (hébreu : har Basân ; Septante : 
o'po«în6°v; Vulgate : monspinguis).Vs.LXVii (héb.LXVin),16. 

4° Au nord de la Palestine : 

17. Montagne du Liban (hébreu : har hal-Lebânôn; 
Septante : 6 Aî6avo;). Jud., m, 3, etc. 

18. Montagne de l'Bermon (hébreu : har JJermôn; 
Septante : 'Aepjiwv), Deut., ni, 8, etc., appelée aussi 
Mont Sion (hébreu : har Si'ôn; Septante : Sijciv), 
Deut., iv, 48. Un de ses sommets est appelé : 

19. Mont Baalbermon (hébreu : har Ba'al Ifémiôn; 
Septante : tô ô'poç to 'Aep[i(iv). Jud., m, 3. 

5« Dans la Palestine, du nord au sud : 

A. 20. Montagne de Nephthali (hébreu : har Naffdli; 
Septante : to ô'po; to NsçOatXJ), Jos., xx, 7, etc. 

21. Mont Thabor (hébreu : har fâbôr; Septante : 
ô'poç ©a6»p), Jud., iv, 6, 12, 14. 

B. 22, Montagne d'Éphraïm (hébreu : har'Éfraîm; 
Septante : tô ô'po; tô Eçptxiu.), Jos., xvii, 15; xix, 50, etc., 
dont les principaux sommets sont : 

23. Mont Carmel (hébreu: harhak-Karmél ; Septante : 
o'poctb Kapu^Xiov).UIReg., xvm, 19; IV Reg.,n, 25, etc. 

24. Mont Gelboé (hébreu : har hag-Gilbôa' ; Septante : 
ta ô'pTj reX6oué). I Reg., xxxi, 8, etc. 

25. Mont de Samarie (hébreu : har Sômrôn; Sep- 
tante : tô ô'po; tô Ssjjtspiiv). III Reg., xvi, 24. 

26. Mont Hébal (hébreu : har Êbal; Septante : ô'po; 
r« t gàX). Deut., xi, 29. 

27. Mont Garizim (hébreu : har Gerizim ; Septante ; 
ô'po; faptïîv). Deut., Xi, 29. 

28. Mont Selmon (hébreu : 'har $almôn; Septante: 
ô'po; 2eX|j.(iv). Jud., IX, 48. 

29. Mont d'Amalec (hébreu : har hà-'Amâlêqî; Sep- 
tante : ô'po; toS 'A(j.aXrj)t). Jud., xir, 15. 

30. Mont Gaas (hébreu : har Gâ'ai; Septante : tô 
ô'po; l'ai;). Jud., Il, 9. 

31. Mont de Béthel (hébreu : har Bêf-'êl; Septante : 
tô ô'po; BaiOvjX). Jos., xvi, 1; IReg., xnr, 2. 

32. Mont deWodin (MwSeetv). I Mach., h, 1. 

33. Mont Sémeron (hébreu : har ijemâraîm; Sep- 
tante : tô ô'po; Soiiipuv). I Par., xm, 4. 

C. 34. Montagne de Juda (hébreu : har Yehûdâh; 
Septante : ôpo; 'Ioû&a), Jos., xi, 21; xx, 7, etc., dont on 
mentionne les points suivants : 

35. Mont Éphron (hébreu : har- l Êfrôn; Septante : 
tô ô'po; 'Eçptiv). Jos., xv, 9. 

36. Monts de Béther (hébreu: hârèBâfér; Septante; 
ôp/j %otX<o[iâTU)v). Cant., n, 17. 

37. Mont Séir (hébreu ; har Sè'îr; Septante : ô'po; 
'Ao-o-ip). Jos., xv, 10. 

38. Mont Jarim (hébreu : har Ye'àrîm; Septante : 
lïôXt; lapi'v). Jos., xv, 10. 

39. Mont de Baala (hébreu : har hab-Ba'âlâh; Sep- 
tante : opta, im Kèa). Jos., xv, 11. 

40. Mont Haras (hébreu : AarjEférés/ Septante : êv 
*& op£(T<î> ôffrpaxwêstj. Jud,, i, 35. 

41. Mont d'Azot ('AWtouô'po;). I Mach.,ix, 15. . 

42. Montagne des Amorrhéens (hébreu : har Kà- 
'Ëmôrî; Septante : opoo 'A|iopp«i'o>v), Deut., i, 7, 19, 
20, massif méridional de Juda. 

D. Collines de Jérusalem : 

43. Mont Sion (hébreu : har $iyyôn; Septante : ô'po; 
Siwv). IV Reg., Xix, 31 ; Ps. n, 6. 

44. Mont Moria (hébreu : har ham-Môriyàh; Sep- 
tante : ô'po; toû 'A[iup!a]. II Par., III, 1. 

45. Mont des Oliviers (hébreu : har haz-zêtîm ; Sep- 
tante : tô ôpoçTÛv èicttûv). Zaçh., XIV, 4; Matth., xxiv,3; 
Marc, xi, 1 etc. 



1257 



MONTAGNE — MOQUERIE 



1258 



46. Mont de l'Oiïanse (hébreu : har ham-mashît: 
Septante : tb à'poc toO Moo9â6). IV Reg., xxm, 13. 

III. Origine; — Nous n'avons point ici à entrer dans 
de longs détails sur la formation des montagnes. Rap- 
pelons seulement qu'elle se rattache en général à trois 
causes, qui suffisent pour expliquer l'origine des mon- 
tagnes bibliques, que nous venons de mentionner. Ces 
causes sont : 1° Une déformation de l'écorce terrestre, 
produisant une surélévation plus ou moins étendue. La 
plupart des chaînes montagneuses ont été ainsi produites 
à différentes époques géologiques, quelques-unes à in- 
tervalles successifs, et ont gardé depuis les premiers 
âgés leurs caractères dominants. A cette catégorie appar- 
tient le massif du Sinaï, qui remonte aux premières 
assises continentales et a maintenu sa position surémi- 
nente pendant la submersion générale des contrées voi- 
sines, aux époques crétacée et tertiaire. — 2° Une accu- 
mulation de matériaux provenant d'éruptions volca- 
niques. Les laves vomies par les cratères ont fini par 
former autour des cônes de projection des amas plus 
ou moins larges, qui constituent les flancs plus ou moins 
raides des montagnes. A ce genre appartiennent les 
monts du Djôlan et du Hauran, à l'est du Jourdain. Le 
Djebel Hauran, avec sa série de cônes volcaniques, cor- 
respond aux montagnes de Basan,Ps.Lxvn (hébreu lxviii), 
16-17, et ses éruptions ont donné naissance au singulier 
pays qu'on appelle le Ledjah, l'ancienne Trachonitide. 
Voir Auran, t. i, col. 1253; Basan, t. i, col. 1486; An- 
gob 2, t. i, col. 950. — 3» Le morcellement par érosion 
d'un massii de terrain, isolant des parties qui demeu- 
rent comme des éminences au-dessus du pays environ- 
nant. Cl. A. de Lapparent, Leçons de géographie phy- 
sique, Paris, 1898, p. 708. Il s'agit ici de plateaux que 
l'action de l'eau a creusés en vallées plus ou moins 
larges et plus ou moins profondes, de manière à les 
diviser en hauteurs détachées. Telles sont les montagnes 
d'Édom et de Moab; tel le massif méridional de la 
Judée, etc. Cette troisième cause ne peut devenir effi- 
cace que s'il s'est produit, au préalable, un abaissement 
relatif du niveau de base; la production d'une montagne 
par simple érosion est donc toujours subordonnée à 
un mouvement du terrain. Elle peut d'ailleurs, en s'ap- 
pliquant aux structures de la première et de la deuxième 
classe, en transformer absolument le caractère. 

IV. Les montagnes dans l'Écriture. — Les termes 
dont se sert l'Écriture pour désigner les différentes 
parties de la montagne en font une sorte de personnifi- 
cation : — 1° Hô'S, « la tête, » le sommet. Gen., vm, 5; 
Exod., xix, 20, etc. — 2° 'Aznôt, « les oreilles, » allusion 
possible à quelques saillies de la montagne, se retrouve 
dans le nom d'une ville Irontière de la tribu de Neph- 
thali, près du Thabor, c'est-à-dire Azanot-Thabor. 
Jos.,xix, 34. — Z°Kâtêf, « l'épaule, »lecôté.î)eut.,xxxni, 
12; Jos., xv, 8, 10; xvm, 16. — 4° Kislôt, « les flancs, » 
se retrouve également dans le nom d'une ville de la 
tribu d'Issachar, Céséleth- Thabor ou Casalolh (hébreu : 
Kislôt Tàbôr; hak-Kesullô{). Jos., xix, 12,18. — ¥ ïar- 
hah,€ la cuisse » ouïe côté. Jud.,Xix,l, 18;IVReg., six, 
23. — 5» Pour « les côtés », on rencontre aussi : sad, 
I Reg., xxm, 26; II Reg., xm, 34; sêla', II Reg., xvi, 13. 
— La Bible parle des sources et torrents des montagnes, 
Deut,, vm, 7; des métaux qu'elles renferment en leur 
sein, Deut., vm, 9; des pierres de construction qu'elles 
fournissaient, III Reg., v, 15; II Par., u, 2; des arbres* 
vignes et herbes qui couvraient leurs flancs, II Par., 
sxvl, 10; des cavernes et sépulcres qui y étaient creu- 
sés, Jud.,vi, 2; IV Reg., xxm, 16; des animaux qu'elles 
abritaient, I Reg., xxvi, 20; Ps. x (hébreu, xi), 2; 
Ps. cm (hébreu, civ), 18, etc.; de l'écho qui s'y fait 
entendre, Sap., xvn, 18. Les montagnes, comme les 
autres parties de l'univers, sont appelées à chanter la 
gloire de Dieu. Is., xux, 13; Ps. cxlviii, 9. Enfin, c'est 
la solitude des montagnes que Noire-Seigneur choisissait 



pour s'abîmer dans la prière, Matth., XIV, 23; c'est sur 
une montagne qu'il promulgua la charte de son royaume, 
Matth., v, 1 ; qu'il se transfigura, Matth., xvil, 1 ; sur uno 
petite colline de Jérusalem qu'il consomma la rédemp- 
tion du monde, Matth. ,xxvii, 93 ; sur le mont des Oliviers 
qu'il monta au ciel, Act.,i,9,12. — Pour les montagnes 
considérées au point de vue du culte des lausses divinités, 
voir Hauts-Lieux, t. m, col. 449. A. Legendé^e. 

MONTANO, MONTANUS. Voir Arias Montano, 
t. i, col. 953. 

MONTFAUCON (Bernard de), bénédictin, né au 
château de Soulage dans le diocèse de Narbonne le 13 jan- 
vier 1655, mort à Saint-Germain-des-Prës à Paris, 
le 21 décembre 1741. Après avoir suivi la carrière des- 
armes pendant quelques années il entra au monastère- 
de la Daurade de Toulouse et y revêtit l'habit des béné- 
dictins de la congrégation de Saint-Maur. Il fit profes- 
sion le 13 mai 1676. Après avoir habité les monastères, 
de Sorèze, de Grasse et de Sainte-Croix de Bordeaux, il 
vint en 1687 à Saint-Germain-des-Prés. De ses nom- 
breux ouvrages, nous n'avons à mentionner que les deux 
suivants : La vérité de l'histoire de Jîtdith, in-12, Pa- 
ris, 1690; Hexaplorum Origenis quse supersunt multis 
Patribus aucliora quam a Flaminio Nobilio et Joanne- 
Drusio édita fu.crv.nl : ex manuscriptis et ex libris- 
editis eruit et notis iUustravit D. Bemardûs de Mont- 
faucon, 2 in-f>, Paris, 1713. — Voir dom Tassin, His- 
toire littéraire de la congr. de Saint-Maur, p, 585;; 
Vanel, Nécrologe des religieux de l'abbaye de Saint- 
Germain-des-Prés, p. 199; Ch. de Lama, Biblioth. des 
écrimins de la congr. de S.-Maur (1882), p. 151; Ém. 
de Broglie, Bernard de Montfaucon et les Bernardins^ 
2 in-8°, Paris, 1891. B. Heurtëbize. 

MOOS (hébreu : Ma'as, « colère (?) ; » Septante : Maâç),. 
fils aîné de Ram et petit-fils de Jéraméel, de la tribu de 
Juda. Il eut pour frère Jamin et Achar. I Par., u, 27. 

MOPH (hébreu : Môf), nom de la ville Memphis; 
dans le texte hébreu. Is., xtx, 13; Jer., u, 16; Ezech. 
xxx, 13, 16; Ose., ix, 6. Voir Memphis, col. 954. 

MOPHIM (hébreu : Mupîm; Septante : Monupep. (?),'. 
Alexandrinas : 'Ocpipiv), le huitième des fils de Benja- 
min énumérés dans la Genèse, lorsque Jacob et sa lamille- 
se rendirent en Egypte. Gen., xlvi, 21. Son véritable- 
nom est douteux. 11 parait être le même que celui qui, 
est appelé Supham, Num., xxvi, 39; Sepham, I Par., 
vu, 12; Sephuphan, I Par., vm, 5. Voir ces divers 
noms et Suphamites. 

MOQUERIE, actes ou paroles par lesquels on té- 
moigne son mépris d'une manière plaisante. La moque- 
rie traite par le ridicule ce qui est attaqué sérieusement 
par l'imprécation ou l'injure. Voir t. m, col. 853, 878- 
La moquerie a des noms différents, suivant qu'elle- 
s'adresse à Dieu ou aux hommes. 

I. La moquerie envers Dieu (hébreu : lâsôn, Sep- 
tante : ûêpic). — 1° Le moqueur s'appelle U?, mot que: 
les versions rendent par plusieurs termes différents, 
"Septante : Xoqjuic, «xoXàaroç, àvipioo;, avoptoç, «iratSevcoc,, 
aspwv, xoexôç, iuepr^avoj; Vulgate : dérisor, detractor, 
illusor, indoclus, pestilens, staltus. Se moquer se dit 
Us ou lus, et nâ'as, |iuXTf|pî(eiv, xataysXà^, racpoÇivstv, 
âxv.Xiveiv, illvdere, deridere, irritare, incitare. Il est- 
question du Je» surtout dans le livre des Proverbes. Les. 
lêsîm y apparaissent comme des esprits frivoles et scep- 
tiques, qui n'ont que mépris pour les choses de Dieu 
et tournent en ridicule ceux qui parlent en son nom. 
Ils sont hautains et arrogants, Prov., xxj, H, 24, ne- 
supportent pas la contradiction, Prov., xin, 1; xv, 12,. 



-1259 



MOQUERIE - MORALE 



1260 



n'ont souci ni du péché, Prov., xiv, 9; xxiv, 9, ni de 
la justice, Prov., xix, 28, méprisent tous les avis, qu'ils 
viennent de Dieu, Prov., i, 30; v, 12, ou de leur propre 
père, Prov., xv, 5, raillent ceux qui les reprennent, 
Prov., ix, 7, fomentent les querelles, Prov., xxn, 10; 
xxix, 8, et, bien loin d'arriver à la sagesse, Prov., xrv, 
6, ne se plaisent qu'à leur propre moquerie. Prov., i, 
22. L'auteur sacré rapporte plus au long les projets et 
les discours de ces moqueurs, Prov., i, 10-19, dont le 
livre de la Sagesse, n, 1-20, retracera un portrait plus 
détaillé. Saint Jude, 10, dira d'eux : « Ils blasphèment 
tout ce qu'ils ignorent, et, comme les bètes sans raison, 
ils se corrompent dans ce qu'ils connaissent naturelle- 
ment. » Ils ont été les libertins et les libres-penseurs 
de l'époque. Comme en définitive on ne se moque pas 
de Dieu, Gai., vi, 7, c'est Dieu qui se moquera des mo- 
queurs, Prov., m, 34; ils porteront la peine de leur 
faute, Prov., ix, 12, et trouveront leur châtiment. Prov., 
xix, 25, 29. — 2° Les moqueurs dataient de loin. Ceux 
qui se sont moqués de Dieu au désert ne virent pas la 
Terre Promise, Num., xiv, 23, et furent châtiés. Num., 
xvi, 30. Heureux qui fuit la compagnie de ces hommes 
impies, Ps. r, 1, qui méprisent Dieu. Ps. xi (x), 13. 
Ils se moquent de Dieu, Is., v, 24, mais Dieu les me- 
nace, Is., xxvin, 22, et les exterminera. Is., xxix, 20. 
Une des causes qui attirèrent les malheurs sur Israël fut 
que les princes eux-mêmes donnaient la main aux mo- 
queurs. Ose., vu, 5. — 3° Notre-Seigneur voulut être lui- 
même l'objet de la moquerie. On se moqua de lui quand 
il alla ressusciter la fille de Jaïre. Matth., ix, 24; Marc, 
v, 40; Luc, vin, 53. Les pharisiens se moquaient de lui. 
Luc, xvi, 14. Pendant sa passion, il fut en butte aux 
moqueries des valets du grand-prêtre, Matth., xxvi,67,68; 
Marc, xiv, 65; Luc, xxn, 63-65; d'Hérode, Luc, xxm, 
11; des soldats de Pilate, Matth., xxvn, 28-30; Marc, 
xv, 17-19; Joa., xix, 2, 3; des princes des prêtres, des 
membres du sanhédrin et des passants, Matth., xxvn, 
39-43; Marc, xv, 29-32; Luc, xxm, 35-37; des larrons, 
Matth., xxvn, 44; Marc, xv, 32; Luc, xxm, 39; enfin 
des soldats de garde au pied de la croix et des autres 
assistants. Matth., xxvn, 47, 49; Marc, xv. 35. 

II. La moquerie envers les hommes (hébreu : la'ag, 
mistêmdh, qélés, qalldsdh, èehoq, seriqôf, èerêqdh; 
Septante: îtaiyviot, [wxi:r|pi<7[id;, ôvei8ia|irf;, filux;, ylii- 
aapia, fauXi(7[iôç, irjpiyiia, crjpi(T(j.o; ; Vulgate : derisus, 
irrisio, subsannalio, sibilus). — 1° Plusieurs verbes 
expriment l'acte de se moquer : hébreu : mûq, sdhaq, 
ffâtal, 'ànag, fd'a'; Septante : fikci.v, xocTayeXîv, (uixTr,- 
pîÇetv, yXtvâ&n, Sia^XeuàÇeiv, xàîaippoveïv, lvTpu9âv; 
Vulgate : ridere, deridere, ivridere, illudere, subsan- 
nare. — 2» Jacob craint que, s'il se présente comme 
étant Ésaû, son père ne pense qu'il se moque de lui. 
Gen., xxvn, 12. Job, xxx, 1, se plaint d'être la risée des 
plus jeunes, et ses détracteurs l'accusent de boire la mo- 
querie comme l'eau. Job, xxxiv, 7. Michol se moque de 
David qui danse devant l'arche. II Reg., vi, 20. Élie se 
moque des prêtres de Baal, qui ne peuvent faire inter- 
venir leur dieu. III Reg., xvm, 27. Jérémie, xx, 7,8, 
constate que ses oracles attirent sur lui les moqueries. 
La captivité a puni les Israélites de leurs moqueries envers 
les envoyés de Dieu. II Par., xxxvi, 16. La mère des 
Machabées se moquait du tyran en exhortant son dernier 
enfant. II Mach., vu, 27. Les Juifs se moquaient des 
Apôtres au matin de la Pentecôte, Act., h, 13, et les Athé- 
niens se moquèrent de saint Paul sur l'Aréopage. Act., 
xvir, 32. —3° En général, la moquerie est le fait des mé- 
chants qui en veulent aux bons. Job, xii, 4; Ps. lxxiii 
(lxxii), 8; Is., lvii, 4. Mais arrivera un jour où les justes 
se riront de l'impie. Ps. lu (li), 8. — 4° Quand ils sont 
infidèles à Dieu, les Israélites deviennent la risée de ceux 
qui les entourent. Ps. xuv (xlih)„14; lxxix (lxxviii), 
4. Samarie se moque de Jérusalem, Ezech., xxm, 32; 
Israël fait la risée des nations, Ezech., xxxvi, 4; l'Egypte 



se moque des chefs israélites, Ose., viî, 16; tous rient 
de Jérusalem à cause de ses crimes, Ezech., xxn, 4; e'Aa 
est l'objet des sifflets. Jer., xvm, 16; xix, 8; xxv, 9; 
xxix, 18. Mais ceux qui se moquent de Jérusalem vien- 
dront un jour à ses pieds. Is., Lx, 14. —5° On se moque 
des choses que l'on ne craint pas. La femme forte se 
moque de l'avenir. Prov., xxxi, 25. L'onagre se rit du 
tumulte des villes, Job, xxxix, 7, l'autruche se rit du 
cheval, Job, xxxix, 18, le cheval se rit de la peur, Job, 
xxxix, 22, et le crocodile se rit des piques. Job, xli, 20. 

H. Lesêtre. 
MORALE, ensemble des règles qui commandent la 
conduite de l'homme envers Dieu, envers le prochain et 
envers lui-même. 

I. Les principes généraux. — 1° La morale de l'Écri- 
ture Sainte suppose tout d'abord un Dieu créateur, qui 
commande à sa créature et a le droit d'en être obéi. 
Exod., xx, 2. Ceux qui disent : « Il n'y a pas de Dieu ! » 
sont des insensés qui tombent dans la corruption, 
commettent des abominations et ne font pas le bien. Le 
Dieu qu'ils nient tirera vengeance de leur folie volon- 
taire. Ps. xiv (xnr), 1-4. — 2° Dès l'origine, Dieu, qui 
avait fait l'homme « à son image, selon sa ressemblance », 
Gen., i, 26, 27, par conséquent intelligent et libre, lui 
imposa sa volonté d'une manière expresse et positive, en 
annonçant que la transgression de cette volonté entraî- 
nerait une sanction. Gen., m, 3. L'homme désobéit et 
fut châtié. Gen., m, 17-19. Néanmoins, dans sa déchéance, 
il ne perdit pas son caractère d'être moral, par consé- 
quent intelligent et libre, et, bien qu'entamé par le 
mal, il garda le pouvoir et l'obligation de résister aux 
sollicitations du péché. Gen., iv, 7. Voir Liberté, 
col. 237. Dieu, du reste, à l'appel de la prière de l'homme, 
est là pour l'aider dans sa lutte contre le mal, Ps. cxli 
(cxl), 1-4, et, quelque difficile que soit cette lutte, la grâce 
divine le met toujours à même de triompher. II Cor., 
xn, 9. Voir Grâce, t. m, col. 290. — 3" Une sanction 
est assurée à la morale. Cette sanction ne consiste pas 
seulement dans le sort ménagé sur la terre aux bons et 
aux méchants, voir Impie, t. m, col. 846; Mal moral, 
physique, col. 598-604; elle n'est complète et définitive 
qu'au moment où l'homme, par son âme immortelle, 
voir Ame, t. r, col. 466-472, entre dans son éternité. C'est 
pourquoi il est écrit : « En toutes tes actions souviens- 
toi de ta fin, et tu ne pécheras jamais. » Eccli., vu, 40 
(36). Voir Jugement de Dieu, t. ni, col. 1837-1843; Ciel, 
t. n, col. 751-756; Enfer, t. n, col. 1795. 

II. Les différentes sortes de morale. — Toute règle 
des mœurs a son origine dans la volonté souveraine de 
Dieu s'imposant à la créature. Cette volonté peut être 
essentielle, déterminant des règles qui découlent de la 
nature même de Dieu et ne sauraient être autres qu'elles 
ne sont : de là, la morale naturelle. Cette volonté peut 
aussi s'exercer librement, déterminant des règles qui 
découlent de la puissance, de la sagesse, de la bonté ou 
de la justice de Dieu, mais qui pourraient être autres 
qu'elles ne sont : de là, la morale positive. 

1» La morale naturelle. — Cette morale tient à l'es- 
sence même de Dieu, à la nature de l'homme et aux 
rapports nécessaires de l'un vis-à-vis de l'autre. Elle est 
naturellement inscrite au cœur de l'homme, Rom., i, 
18-23; il, 14, 16, et fait partie de sa conscience raison- 
nable, de sorte que l'homme ne peut l'ignorer, au moins 
quant à ses préceptes fondamentaux. Dieu d'ailleurs a 
jugé à propos de formuler cette loi au Sinaï, pour mieux 
la rappeler à son peuple et en faire la base de toutes ses 
autres prescriptions. Exod., xx, 2-17. Le Décalogue n'est 
autre chose en effet qu'un résumé de la loi naturelle. 
Seul, le troisième précepte, qui fait partie de la loi natu- 
relle en ce sens que l'homme doit consacrer à Dieu une 
certaine portion de son temps et que lui-même, en vertu 
de sa constitution native, a besoin d'un repos régulier, 
est complété par la réglementation positive du temps 



1261 



MORALE 



1262 



à consacrer à Dieu et de la manière d'employer ce temps. 
J.e Décalogue n'est pas le seul endroit des Livres Saints 
où il soit question de lois naturelles. Les Livres sapien- 
tiaux en particulier les rappellent fréquemment. Job, 
'xxxr, i-34, énumère différents devoirs à remplir vis-à- 
vis de soi et vis-à-vis du prochain, la chasteté, la justice, 
la charité, la sincérité, etc. Les Proverbes forment un 
code assez détaillé de morale naturelle; on y trouve 
consignés les principaux devoirs envers Dieu, envers le 
prochain, envers soi-même, ceux de la vie domestique 
et de la vie civile, les exhortations à la fuite des vices, etc. 
Cf. Lesêtre, Le livre des Proverbes, Paris, 1879, p. 38-44. 
Il en faut dire autant des Psaumes, de l'Ecclésiaste, de la 
Sagesse, de l'Ecclésiastique, et même des Prophètes, dans 
lesquels il est fait très souvent mention de préceptes de 
îa loi naturelle et des conséquences graves que leur vio- 
lation entraîne pour les individus et pour les sociétés. En 
permettant que ces préceptes tiennent une si grande 
place dans la Sainte Écriture, Dieu a voulu montrer 
■qu'il ne jugeait pas indigne de lui de rappeler aux hommes 
que ces préceptes, si simple qu'en soit parfois l'objet, ont à 
ses yeux une très grande importance et qu'en somme ils 
Constituent la base première et indispensable de toute la 
vie morale. Aussi, en plusieurs circonstances, les pro- 
phètes déclarent-ils que la pratique des vertus naturelles, 
justice, bonté envers le prochain, etc., l'emporte sur les 
préceptes de la morale positive. Is., lviii, 3-7; Ose., vi, 
<3; Eccle., îv, 17; Matth., rx, 13; xn, 7. Saint Jacques, 
i, 27, dira même que la vraie religion, aux yeux de 
Dieu, consiste à prendre soin des orphelins et des veuves, 
et à se préserver pur de ce monde, par conséquent à 
pratiquer surtout deux préceptes naturels, la charité 
envers les deshérités et la fuite de la corruption. 

2° La morale positive. — Elle comprend des préceptes 
ajoutés à la loi naturelle par la libre volonté de Dieu. 
A vrai dire, Dieu n'a jamais laissé l'homme en face de 
la seule loi de la nature; mais il a pu arriver souvent 
que ses préceptes positifs fussent ignorés et que leur 
transgression n'entrainât par conséquent qu'une respon- 
sabilité atténuée sinon nulle. Trois législations succes- 
sives ont manifesté la volonté divine imposée aux hommes. 
— 1. La législation primitive. Un premier précepte posi- 
tit fut imposé à nos premiers parents, celui de ne pas 
toucher au fruit de l'arbre défendu, et ils le trans- 
gressèrent. Gen., h, 17; m, 6. Après la chute, Dieu 
prescrivit à Adam le travail, que la loi naturelle lui 
imposait déjà ; mais la volonté divine intervint à ce 
■sujet, parce qu'au travail s'ajoutait désormais la peine, 
■et par conséquent une certaine répugnance de la nature. 
Il faut également attribuer à une volonté positive de 
Dieu l'institution et la réglementation des sacrifices, 
qui apparaissent dès Gain et Abel, Gen., iv, 3, 4, ainsi 
que l'invocation du nom de Jéhovah, mentionnée dès 
l'époque d'Énos, fils de Seth. Gen., iv, 26. Au temps de 
Noé existe déjà la distinction des animaux purs et 
impurs, au point de vue des sacrifices. Gen., vm, 20. 
Dieu intervient après le déluge pour ordonner à Noé et 
à ses entants de se multiplier et de remplir la terre, 
leur permettre de se nourrir des animaux, et leur 
défendre cependant de manger la chair contenant encore 
le sang. Gen., ix, 1-4. Cette défense n'eut cependant pas 
!e caractère de l'universalité et de la perpétuité, bien 
que les Israélites l'aient observée rigoureusement et 
que les Apôtres en aient rappelé l'obligation. Act., xv, 
29. Dieu manifesta encore ses volontés particulières à 
Abraham et aux patriarches, tantôt pour commander au 
père du peuple choisi des choses qui le concernaient 
personnellement et requéraient son obéissance en vertu 
de la loi naturelle elle-même, Gen., xn, 1; xxii, 2, 12, 
tantôt pour prescrire des institutions qui devaient 
s'imposer à toute sa race. Gen., xvn, 11-14. — 2. La 
législation, mosaïque. Ce fut celle que Dieu fit promul- 
guer par Moïse. Elle ne concernait que le seul peuple 



hébreu, quant à ses dispositions positives, et perdit son 
caractère d'obligation après l'accomplissement de la 
rédemption. Voir Loi mosaïque, col. 329-347. — 3. La 
législation évangélique. Promulguée parNotre-Seigneur, 
elle fixa la forme définitive que devait avoir la morale 
pour conduire l'homme au salut. Voir Loi nouvelle, 
col. 347-353. Cette morale comprend à la fois dçs pré- 
ceptes auxquels tous sont rigoureusement tenus d'obéir 
sous peine de péché, voir Péché, et des conseils dont 
la pratique ne s'impose pas à tous, mais qui sont destinés 
à mener les âmes à une plus haute perfection. Voir 
Conseils évangéliques, t. n, col. 922-924. 

III. Le progrès des idées morales. — 1» A l'origine. 
— Il ressort des premiers récits de la Genèse que la 
morale n'est pas le résultat d'une évolution de la con- 
science humaine, prenant peu à peu possession d'elle- 
même et s'imposant des lois d'abord rudimentaires, puis 
plus élevées et plus compliquées. Le premier homme 
apparaît au contraire comme le sujet intelligent d'un 
Dieu qui lui commande et qui châtie sa désobéissance, 
tout en lui ménageant le moyen de se relever. L'atteinte 
à la vie humaine, crime dont le premier fils d'Adam se 
rend coupable, n'a pas du tout le caractère d'un acte 
demi-inconscient, comme celui de la brute qui lutte 
pour la vie sans se soucier du droit que les autres ont à 
vivre eux aussi. Cf. Horace, Sat., I, m, 99-114. Caïn 
homicide n'a agi qu'après délibération consciente, Gen., 
IV, 5-7; il cherche à dégager sa responsabilité en quelque 
manière, Gen., iv, 9, mais il se rend très bien compté 
de sa culpabilité et se reconnaît digne du châtiment. 
Gen., iv, 13, 14. Aussitôt Dieu intervient pour formuler 
ce principe de haute moralité, qu'à lui seul appartient 
l'exercice suprême de la justice, et que l'homicide 
commis par Caïn n'autorise personne à ravir la vie à 
qui que ce soit. Gen., iv, 15. Ainsi, au point de vue de 
la moralité, l'homme n'est pas un sauvage qui s'élève 
peu à peu des régions de l'inconscience et de l'irres- 
ponsabilité; c'est un être intelligent, recevant dès le 
premier instant la loi de son Créateur, y contrevenant 
ensuite librement, se dégradant lui-même par cette 
première transgression, mais gardant toujours la claire 
notion du bien et du mal, avec la possibilité, ménagée 
par la grâce divine, de maintenir ou de relever sa vie 
morale à un niveau supérieur. 

2° A l'époque patriarcale. — Pendant que, chez les 
peuples idolâtres, le niveau de la morale ne cessait de 
s'abaisser, Sap., xiv, 22-31, pour aboutir à des excès 
dont la conscience ne' savait même plus s'émouvoir, cf. 
de Broglie, La morale sans Dieu, Paris, 1886, p. 1-65, 
des idées plus pures et plus élevées sur la nature et 
l'action de Dieu maintenaient chez les patriarches, an- 
cêtres du peuple hébreu, une moralité bien supérieure. 
« Marche devant ma face et sois irréprochable, » Gen., 
xvn, 1, fut-il dit à Abraham. Se conduire en toutes 
choses avec la conscience d'être vu par Dieu constituait, 
en effet, une excellente règle de vie morale. Mais encore 
cette règle n'était-elle pas capable de déterminer et d'em<- 
pêcher à elle seule dans le détail tout ce que le regard 
divin pouvait approuver ou réprouver. Aussi, à côté de 
la grande foi et de l'obéissance des patriarches, la Sainte 
Écriture signale-t-elle dans leur histoire des actes ou des 
pratiques répréhensibles. Telles sont les dissimulations 
d'Abraham à son voyage en Egypte, Gen., xn, 11-16, et 
pendant son séjour à Gérare, Gen., xx, 2. 3; les procédés 
employés par Rébecca pour assurer à Jacob la bénédic- 
tion d'Isaac, Gen., xxvn, 13-27 ; les fourberies de Laban 
à l'égard de Jacob, Gen., xxix, 21-30; la conduite des 
fils de Jacob envers leur frère Joseph, Gen., xxxvn, 
18-36, conduite dont la culpabilité n'éveille que tardive- 
ment les rpmords de leur conscience, Gen., xlii, 21; le 
meurtre par Moïse d'un Égyptien qui frappait un Hé- 
breu, Exod., II, 11, 12, dernier cas qui comporte, il est 
vrai, des circonstances très atténuantes, etc. D'odieux 



1263 



MORALE 



1264 



crimes sont commis par Siméon et Lévi, Gen., xxxiv, 
25-31, et d'indignes libertés sont prises par Juda et Tha- 
mar, Gen., xxxvni, 13-26, sans que la pensée de Dieu 
arrive à contrebalancer l'influence de passions violentes. 
De plus, c'est à ces ancêtres d'un peuple à tête dure 
que remontent la polygamie et le divorce, dont la loi 
mosaïque sera obligée de tolérer l'usage. 

3° Sous les Juges. — Dès l'époque des Juges, après la 
disparition de la génération qui avait vu les merveilles 
dont avait été accompagnée la conquête du pays de Cha- 
naan, il s'éleva d'autres générations oublieuses de Jého- 
vah et de ses œuvres. Jud., H, 10. Les patriarches n'avaient 
servi que le vrai Dieu; ils s'étaient détournés fidèlement 
des fausses divinités adorées par leurs ancêtres ou leurs 
voisins. Des Chananéens idolâtres et grossièrement im- 
moraux, qui continuèrent à vivre au milieu d'eux, les 
Israélites reçurent les pires exemples ; ils ne furent que 
trop portés à les imiter. L'idolâtrie entra rapidement 
dans leurs goûts et dans leurs mœurs. Les châtiments 
répétés qu'elle leur attira ne les corrigèrent point. Le 
culte des idoles entraîna naturellement les plus lamen- 
tables conséquences pour la moralité des Israélites. Le 
crime de Gabaa, Jud., xix, 22-30, mit en mouvement 
toute la nation. Les Benjamites n'hésitèrent pas à 
prendre parti pour l'auteur de l'attentat, qui était de 
leur tribu; les autres Israélites entrèrent en lutte contre 
eux et exterminèrent presque totalement la tribu. La loi 
de Moïse ne réussissait pas à prévenir tous les crimes; 
les interventions divines elles-mêmes n'amenaient que 
des conversions momentanées. La conduite impie et 
avare des fils d'Héli et la coupable inertie de leur père 
montrent que, même parmi les membres les plus quali- 
fiés du sacerdoce, la moralité était descendue à un degré 
inférieur. Iîteg., n, 12-17, 22-29. Toutes ces circonstances 
étaient peu favorables au progrès de la morale. L'his- 
torien sacré résume cette époque en disant que « cha- 
cun faisait ce qui lui semblait bon ». Jud., xxi, 24. Ces 
paroles, sans doute, caractérisent l'état social. Mais on 
peut, au moins dans une certaine mesure, les appliquer 
aux mœurs, que devaient régler la loi naturelle et la 
loi mosaïque, mais dont aucune autorité vivante ne cor- 
rigeait efficacement les écarts et ne relevait le niveau. 

4° Sous les rois. — Avec Samuel, modèle de religion 
et d'intégrité, I Reg., xn, 3-6, la loi morale reprit faveur 
en Israël. Samuel inaugurait le ministère que tant de 
prophètes devaient continuer après lui. Ce ministère 
exerça sur les mœurs d'Israël une efficace et heureuse 
influence, qui aurait encore été augmentée par la cen- 
tralisation religieuse et administrative, si les exemples 
donnés par les rois n'avaient souvent produit un effet 
tout opposé. Samuel affirma solennellement la nécessité 
de l'obéissance à Jéhovah, en appuyant celte obéissance 
par la promesse des récompenses et l'indication des 
châtiments. Il prit soin que le roi ne concentrât pas 
dans ses mains le pouvoir politique et le pouvoir sacer- 
dotal, ce qui eût pu mettre la morale à la merci du 
prince. I Reg., xm, 13, 14. Il rappela à Saùl, en lui signi- 
fiant la sentence qui le rejetait, qu'aux yeux du Seigneur 
« l'obéissance vaut mieux que le sacrifice », I Reg., xv, 
22, principe qui établissait péremptoirement la préémi- 
nence de la loi morale sur la loi cérémonielle. Le roi 
David avait certainement des idées morales très élevées, 
comme le prouvent beaucoup de ses Psaumes: Voir Da- 
vid, t. Il, col. 1323. Il n'en commit pas moins de grands 
crimes, sous l'empire de la passion. Il resta près d'une 
année entière sans prendre souci de ses forfaits. Il fal- 
lut une intervention du prophète Nathan pour qu'il se 
décidât à dire : « J'ai péché. >> II Reg., xi, 2-xn, 13. On 
doit admettre, en cette conscience royale, non l'igno- 
rance de la loi morale, puisque David prend- toutes les 
précautions pour cacher sa conduite, mais une inconce- 
vable faiblesse de volonté devant les sommations de la 
passion. Néanmoins, en David apparaît ce qu'on n'a pas 



encore vu dans les âges précédents : un repentir profond 
et sincère, une émouvante expression de ce repentir 
dans les Psaumes, une résignation humble et constante 
pour accepter les épreuves qui sont la condition de l'ex- 
piation et enfin un effort énergique pour faire remonter 
sa vie morale au niveau qui convient. On voit que, si le 
mal est encore puissant, même sur les meilleures âmes, 
celles-ci comprennent qu'il faut s'en dégager et faire 
effort pour assurer en soi le triomphe de la loi, expres- 
sion de la volonté divine. Sur le point de mourir, David 
exhorte son fils Salomon à la fidélité envers le Seigneur, 
mais il n'a pas d'autre motif à lui suggérer que celui de 
la prospérité temporelle. Puis, il lui recommande d'exer- 
cer après sa mort certaines vengeances dont lui-même 
a dû s'abstenir par serment. III Reg., n, 3-9. De la part 
du « saint roi », instruit de son devoir, pieux, repentant, 
arrivé au terme d'une carrière dans laquelle l'action de 
Dieu avait tenu tant de place, il y a là des actes qui 
montrent que bien des délicatesses commandées par la 
morale n'étaient encore ni comprises, ni senties. Son 
fils, Salomon, objet de tant de faveurs singulières de la 
part du Seigneur, scandalise et démoralise ses sujets 
par son luxe et ses complaisances inexplicables envers 
l'idolâtrie étrangère. Après le schisme, les mœurs bais- 
sent sensiblement. La Sainte Écriture en fait porter la 
responsabilité aux rois impies qui ont « fait pécher Is- 
raël », Jéroboam, III Reg., xm, 34; xiv, 16, etc.; Raasa. 

III Reg., xvi, 2; Éla, III Reg., xvi, 13; Zamri, III Reg., 
xvi, 19;Amri, III Reg., xvi, 26; Achab, III Reg.,xxi, 22; 
Ochosias, III Reg., xxil, 53, et, en Juda, Manassé. 

IV Reg., xvn, 21 ; xxi, 11. Sans doute, durant cette pé- 
riode, il ne manqua pas de vrais Israélites dont la vie 
eut une grande dignité morale. Chez plusieurs rois 
même, Josaphat, Joas, Azarias, Joatham, Ézéchias, Josias, 
pendant tout le cours ou la plus grande partie de leur- 
règne, on constate une piété et une vertu qui égalent 
celles de David ou ne s'en éloignent guère, sans con- 
naître les graves écarts de ce dernier. Néanmoins, dans 
l'ensemble de la nation, la morale, peut-être mieux ex- 
pliquée et mieux comprise, finit pourtant par être de 
moins en moins pratiquée. 

5° Chez les prophètes. — C'est surtout dans les paroles; 
et les écrits des prophètes que. l'on peut constater, du- 
rant la période royale, le mouvement progressif des 
idées morales chez les Hébreux. Les prophètes en sont 
constitués les gardiens et les promoteurs. « Empêcher 
la Loi de tomber dans l'oubli, en recommander sans 
cesse l'exacte observalion, réprimer l'idolâtrie et toutes 
les autres violations de la Loi, préparer ainsi Israël à 
la venue du Messie, qui est la fin de la Loi, telle était la 
mission des prophètes. Ils l'ont accomplie avec une par- 
faite impartialité ; n'ayant en vue que l'honneur de 
Dieu et le bien du peuple, ils s'adressaient aux grands 
et aux petits... Presque toujours ils avaient à braver 
l'opinion de leur temps; mais ils étaient munis d'un 
courage invincible. n> J.-B. Pelt, Hist. de l'Ancien Tes- 
tament, Paris, 4 e édit., 1904, t. n, p. 144. Dieu prit soin. 
de les envoyer aussi bien à Israël qu'à Juda. 

1. Le prophète Elie, à une époque où l'idolâtrie exerce 
une influence prépondérante, a mission de restaurer 
le sentiment de la crainte de Dieu en annonçant ou en 
faisant exécuter les châtiments mérités. III Reg., xvn, 
1; xvin, 40; IV Reg., 1, 16. En. même temps, il récom- 
pense magnifiquement la charité d'une pauvre femme 
du peuple, III Reg., xvn, 14, 23, et a des ménagements 
pour le repentir momentané d'Achab. III Reg., xxi, 29. 
Elisée continue le ministère d'Élie, de manière à con- 
firmer l'idée des conséquences temporelles attachées par 
Dieu au bien, IV Reg., rv, 5-7, 35; v, 14, ou au mal. 
IV Reg., v, 27, etc. — 2. Les prophètes écrivains insis- 
tent également sur l'idée de la sanction temporelle qui 
suit le bien ou le mal, surtout quand il s'agit des na- 
tions. Joël, i, 13-15, invite les pécheurs au repentir- 



1265 



MORALE 



1266 



et à la pénitence effective, mais toujours en consi- 
dération du châtiment à craindre. Il veut qu'on prie 
pour obtenir le pardon, et fait intervenir dans cette 
prière la notion déjà plus désintéressée de la gloire de 
Dieu : « Épargnez votre peuplé, » car les autres diraient : 
« Où est leur Dieu? » Joël, II, 17; cf. Ps. CXV (cxm), 1, 
2. De fait, il ajoute immédiatement : « Jéhovah a été 
ému de jalousie pour sa terre. » Joël, h, 18. — 3. Avec 
Jonas s'introduit, d'une manière très concrète, cette autre 
idée, que Dieu s'intéresse au sort de tous les hommes 
et qu'il est sensible à leur repentir, quels que soient 
d'ailleurs leurs méfaits, leur nationalité, leur croyance. 
Jonas est personnellement rebelle à l'acceptation de 
cette idée de la pitié divine envers tous; il faut que 
Dieu lui fasse sévèrement la leçon, Jon., iv, 10, 11. — 
4. Amos remet en lumière la pensée déjà formulée par 
Samuel, 1 Reg., xv, 22, que l'obéissance ponctuelle aux 
préceptes liturgiques ne signifie rien et ne sauve pas 
du châtiment, si l'on n'y joint la pratique des vertus 
morales. Am., iv, 4-12; v, 4-6, 21-25; vi, 12. — 5. Osée 
va plus loin; il montre que le culte lui-même est profané, 
spécialement par les prêtres et les chefs du peuple, 
qu'on ne saurait par conséquent compter sur lui pour 
suppléer aux vertus absentes. Ose., IV, 1-v, 12; vu, 3-7. 
Et pourtant, observe-t-il, Dieu a témoigné à son peuple 
un amour incomparable, Ose., XI, 1-4; ce peuple ne 
devrait-il pas comprendre l'obligation d'aimer ce Dieu 
qui l'a prévenu depuis Abraham et Jacob? Ose., xn, 
5-7. — G. Isaïe proclame lui aussi la supériorité de la 
loi morale sur la loi cérémomelle. 1s., i, 10-20. Il pro- 
voque la reconnaissance d'Israël envers un Dieu qui a 
tout fait pour lui. Is., v, 1-7. Tout en annonçant les châ- 
timents prochains, il fait entrevoir le Messie futur, 
modèle de bonté et de justice, Is., xi.il, 1-4, sauveur de 
son peuple et de tous les habitants de la terre, Is., xlv, 
14-25, par ses souffrances et sa mort volontaire etexpia- 
trice. Is., Lin, 1-12. Tel est le divin idéal placé sous les 
yeux d'Israël; pour en approcher, il faut se rendre 
digne de la rédemption par la pénitence qui expie, par 
la pratique loyale de la justice et delà charité, Is., lviii, 
5-7, et par cette largeur de vue qui, loin de restreindre 
aux seuls Israélites la possibilité du salut, l'étend à 
toutes les nations et à tous les hommes; Is., lx, 4-9. 
Avec le grand prophète, la morale commence donc déjà 
à être éclairée de quelques-unes des lueurs de l'Évan- 
gile. — 7. Après avoir attiré l'attention des grands et 
des riches sur la responsabilité que leurs exemples per- 
vers leur font encourir, Michée, vi, 8, reprend le thème 
dé ses prédécesseurs sur l'insuffisance des observances 
rituelles et conclut que Jébovah demande avant tout à 
son peuple « de pratiquer la justice, d'aimer la miséri- 
corde et de marcher humblement avec son Dieu ». — 
8. Ces prophètes ont écrit pendant la période des invasions 
assyriennes. Ils travaillaient à élever le niveau des idées 
morales, mais ne paraissent pas avoir été toujours com- 
pris. — 9. Pendant la période des invasions chaldéennes, 
Sophonie, n, 3, annonce encore les châtiments, mais 
recommande aux humbles du pays, restés fidèles à la loi 
divine, de rechercher la justice et l'humilité, afin d'échap- 
per à la colère de Jéhovah. — 10. Cependant les mœurs 
ne s'amendent pas. Jérémie, vu, 1-28, reproche à ses 
compatriotes leur vaine confiance dans leur Temple et 
dans leurs sacrifices. Leur grand crime est d'avoir foi 
en l'homme et non en Jéhovah. Jer., xvn, 5-7. Un temps 
viendra cependant où Dieu mettra sa loi au dedans 
d'eux, l'écrira sur leur cœur et sera leur Dieu comme 
ils seront son peuple. Jer., xxxi, 30. Ce sera le temps 
du Messie, par l'action duquel la morale atteindra sa 
perfection. Cf. II Cor., m, 3-11. — 11. Ézéchiel, xvm, 
25-29, établit cette règle que « la voie du Seigneur » 
procure seule la justice et la vie, même pour le pécheur, 
et que ce n'est pas à l'homme à opposer sa prétendue 
rectitude à celle de Dieu. Dans sa description du royaume 



messianique, il montre Dieu paissant lui-même son 
troupeau avec justice, Ezech., xxxiv, 15, 16, 31, le sau- 
vant « par pitié pour son saint nom », donnant à ses 
enfants un cœur nouveau et un esprit nouveau, 
Ezech., xxxvi, 16-27, et régnant dans la cité restaurée 
qui s'appellera : « Jéhovah est là. » Ezech., xlviii, 35. 
C'est l'annonce de la loi de grâce, qui comportera la 
résidence du Dieu Sauveur au milieu de son peuple et 
dans le cœur même de ses enfants. 

6° De la captivité au dernier prophète. — 1. Au 
sein de la captivité, Daniel élève très haut par ses exem- 
ples l'idéal de la morale. On le voit refuser les mets de 
la table royale pour ne pas se souiller, Dan., I, 8, 
prendre en main, avec une singulière énergie, la 
défense de la justice, Dan., xm, 48-62, garder fidélité 
à la loi de ses pères au péril de sa vie et prier trois 
fois le jour en se tournant vers Jérusalem. Dan., VI, 
6-17, etc. Au milieu des grandeurs, le prophète reste 
un vrai serviteur de Jéhovah, soumis à la loi mo- 
saïque, entendue dans son vrai sens, mais en même 
temps zélé pour la pratique des grandes vertus morales, 
charité, justice, humilité, détachement des biens de ce 
monde, etc. Le même idéal inspire ses trois compa- 
gnons, ainsi que Joakim et sa femme Susanne, comme 
il avait inspiré déjà Tobie et bien d'autres, sans doute, 
— 2. Zacharie rappelle que les pratiques extérieures, 
comme le jeûne, n'ont de valeur morale que si elles 
sont accompagnées d'une vraie justice et d'une cha- 
rité sincère envers tous. Zach., vn, 4-10; vni, 14-17, 
Il promet la venue de l'esprit de grâce et de supplication, 
et la purification des âmes que procurera le Messie, 
Zach., xn, 10; xm, 1. —3. Enfin Malachie revient en- 
core sur l'inutilité de rites cultuels que n'accompagne 
pas la pratique des grandes vertus morales; Dieu n'en 
veut décidément plus, et il se prépare un sacrifice qui 
sera digne de lui. Mal., i, 6-14; III, 1-4. — 4. Ainsi tout 
l'effort des prophètes tend à un double but : donner aux 
œuvres légales et liturgiques, qui sont commandées par 
Dieu, la valeur qu'elles comportent en y joignant la 
pratique sérieuse des vertus morales, sans lesquelles 
rien ne peut plaire à Dieu; puis, montrer dans le règne 
messianique l'idéal religieux et moral vers lequel doi- 
vent tendre les âmes. 

7° Du dernier prophète à l'Évangile. — 1. Pendant le 
temps qui s'écoula entre le dernier prophète et la venue 
du Sauveur, les appels à une vie morale supérieure fu- 
rent entendus par beaucoup d'Israélites, qui ne se lais- 
sèrent détourner du progrès spirituel ni par les exem- 
ples que donnaient les plus qualifiés de leurs compatriotes, 
ni par les séductions ouïes violences des étrangers. Dans 
l'Ecclésiastique, le fils de Sirach rappelait avec autorité 
les préceptes de la morale traditionnelle et citait en 
exemple les Israélites illustres qui en avaient fait la règle 
de leur Yie. L'auteur de la Sagesse montrait un idéal 
encore plus élevé, en entr'ouvrant plus largement les 
horizons de l'autre vie. Enfin, les Machabées, animés 
par le zèle de la Loi, pratiquaient certaines vertus au 
degré héroïque et sacrifiaient leur vie pour assurer à 
la fois l'indépendance de leur nation et leur liberté re- 
ligieuse. Ce qui donne le mieux l'idée de ce que pouvait 
être la morale théorique et pratique chez les pieux 
Israélites des derniers temps, c'est le spectacle admi- 
rable que présentent tant de personnages qui apparais- 
sent dans l'Evangile, après avoir été élevés sous la Loi 
ancienne, Zacharie et Elisabeth, Joseph, Siméon, Anne, 
sans parler de Marie et de Jean-Baptiste; puis, plus tard, 
Nicodème, Nathanaël, Lazare et ses sœurs, et d'autres 
en grand nombre dont la loi de grâce perfectionna 
la vertu. D'Abraham et de David à Jean-Baptiste, on 
sent que d'énormes progrès ont été opérés, bien que 
l'influence évangélique en prépare de plus grands 
encore. — 2. D'autre part, tous les efforts des maîtres 
en Israël tendirent, durant cette période, à confondra 



1267 



MORALE — MORÉH 



1268 



l'idéal du bien avec une fidélité minutieuse et servile à 
la Loi, cette loi « qui n'amena rien à la perfection ». 
Heb., vu, 19. Tout se résumait pour eux dans une obéis- 
sance scrupuleuse à la Loi, en vue d'une récompense 
prochaine que devait leur assurer le Messie temporel 
qu'ils imaginaient. C'était vraiment le zèle de la Loi, 
non le zèle religieux et désintéressé des Machabées, 

I Mach., n, 27, mais un zèle qui n'était plus conforme 
à la sagesse. Rom., x, 2. De là les pratiques dont l'ob- 
servance méticuleuse cevait conduire le vrai Juif à la 
perfection : le sabbat avec ses multiples conditions, 
la pureté et l'impureté légales, les marques extérieures 
de religion, phylactères, prières rituelles, etc., la dis- 
tinction entre les aliments, etc. « C'était un formi- 
dable fardeau qu'une fausse légalité faisait peser sur 
les épaules du peuple. Matth., xxin, 4; Luc, xi, 46. 
Rien n'était abandonné à la liberté individuelle, tout 
était placé sous le joug de la lettre. A chaque pas, à 
chaque mouvement, l'Israélite zélé pour la Loi devait 
se demander : Qu'est-il ordonné? Pour aller et venir, 
pour le travail d'état, pour la prière, pour le repas, à la 
maison ou dehors, de l'heure la plus matinale jusqu'à 
la plus tardive, de la jeunesse à la vieillesse, un forma- 
lisme mort et mortel lui imposait sa contrainte. Une 
saine vie morale ne pouvait se développer sous un pa- 
reil faix. Au lieu d'obéir à une impulsion intérieure, 
c'est surtout du dehors qu'elle recevait la règle qui la 
faussait. Pour celui qui prenait celle-ci au sérieux, la 
vie était un supplice continuel. Car, à tout instant, il 
était en danger de transgresser la loi, d'autant plus 
qu'à cause du formalisme extérieur dont il dépendait, 
il était souvent dans l'incertitude d'avoir réellement 
satisfait à la loi. D'autre part, l'orgueil et les ténèbres 
étaient presque inévitables chez celui que la connais- 
sance et la réglementation de la loi érigeaient en maître. 

II pouvait se dire qu'il avait satisfait au devoir, parce qu'il 
n'avait rien négligé et avait accompli toute justice. Mais 
il n'en est pas moins certain que cette justice des scribes 
et des pharisiens, Matth., v, 20, qui regardait de haut les 
pécheurs avec d'orgueilleuses pensées à l'égard de Dieu, 
Luc, xvm, 9-14, et faisait pompeusement parade de ses 
œuvres aux yeux du monde, Matth., vi,2; xxm, 5, n'était 
ni vraie ni agréable à Dieu. » Scbûrer, Geschichte des 
jûdischen Volkes ini Zeit J. 67., Leipzig, t. n, 1898, 
d. 495, 496. Tel était l'idéal moral substitué à celui des 
prophètes et des pieux Israélites par les docteurs qui ont 
précédé immédiatement la promulgation de l'Évangile. 

8° Dans l'Évangile. — Avec le Nouveau Testament, les 
lumières et les grâces se multiplient : la morale devient 
en conséquence plus élevée, d'une pratique plus difficile, 
et toutefois, à raison des exemples, des mérites et des 
secours spirituels venant de Jésus-Christ, plus univer- 
sellement connue, comprise et suivie, non plus seule- 
ment parmi le peuple juif, mais chez les nations qui 
peuplent le monde entier. Il y a progrès au point de 
vue de l'élévation des préceptes, de l'esprit intérieur qui 
doit en inspirer la pratique, du nombre et de la diver- 
sité des âmes qui en font la règle de leur vie. Cf. S. Iré- 
née, Adv. hœres., iv. 11, 37, 38, t. vu, col. 1002-1003, 
1103-1109. La morale évangélique, tout en s'élevant beau- 
coup plus haut que celles qui l'ont précédée, part pour- 
tant du même principe naturel, le Décalogue. L'Église, 
interprète de la pensée du Sauveur et de son Évangile, 
n'apporte que. deux modifications, moins à la lettre 
qu'à la disposition du Décalogue. Pour les Hébreux, le 
premier précepte commandait de considérer Jéhovah 
comme le seul Dieu, et le second défendait de faire 
des images taillées ou peintes pour les adorer. Sous la 
loi évangélique, le péril de l'idolâtrie est écarté et les 
deux anciens préceptes peuvent être réunis en un seul, 
qui commande l'amour et le culte-de Dieu. Par contre, 
le dixième précepte du Décalogue est décomposé en 
deux, sous la loi évangélique, afin de réprouver distinc- 



tement les désirs contraires à la chasteté et ensuite 
ceux qui sont contraires à la justice. « Au peuple gros- 
sier que conduisait Moïse, il fallait interdire par un 
précepte spécial l'idolâtrie; il n'était pas opportun 
d'entrer dans trop de détails sur les péchés de pensée. 
Au peuple chrétien, il n'est plus nécessaire de défendre 
l'idolâtrie extérieure; en revanche, il faut pénétrer plus 
avant dans le cœur. Ainsi la nouvelle division est jus- 
tifiée. » De Broglie, Confér. sur l'Idée de Dieu dans 
VA. T., Paris, 1890, p. 178-190. Ainsi le progrès s'ac- 
cuse jusque dans la formule des préceptes élémentaires. 

IV. Les codes de la morale. — 1° La morale mosaïque 
est codifiée dans le Pentateuque, dont les quatre der- 
niers livres ont précisément pour but de formuler les 
préceptes imposés aux Hébreux. Voir Pentateuque. 
Ces préceptes sont rappelés incidemment dans les 
autres livres de l'Ancien Testament, et surtout dans les 
écrits des prophètes. Certains autres livres, les livres 
poétiques et sapientiaux, s'occupent encore davantage 
de morale et entrent souvent dans le détail des devoirs 
naturels ou positifs. Voir Écclésiaste (Le livre de l'), 
t. ii, col. 1537; Ecclésiastique (Le livre de l'), t. n, 
col. 1550-1553; Job, t. m, col. 1575; Proverbes, Psaumes, 
Sagesse. — 2° La morale évangélique est beaucoup 
moins codifiée que celle de Moïse. Le discours sur la 
montagne en résume les points principaux qui avaient 
besoin d'être mis en relief au regard de la loi ancienne. 
Matth., v-vii; Luc, vi, 20-49. Mais les autres préceptes 
sont épars à travers les écrits des évangélistes. Sur l'en- 
semble de cette morale, voir Jésus-Christ, t. nr, 
col. 1486-1487. Dans leurs ÉpUres, les Apôtres rappellent 
l'enseignement moral du Sauveur ou touchent à d'autres 
points passés par lui sous silence. Voir t. n, col. 870, 
991, 1861; t. m, col. 75, 550, 1097, 1198. Mais ces docu- 
ments écrits ne présentent la morale évangélique ni 
dans son ensemble, ni d'une manière didactique et 
complète. C'est par voie d'enseignement oral que les 
Apôtres, et par conséquent l'Église, ont reçu mission 
d'apprendre aux hommes à garder tout ce que le Sau- 
veur a commandé. Matth., xxvm, 20. — Consulter aussi, 
au sujet de la morale, les articles qui traitent des ver- 
tus, Aumône, t. i, col. 1244; Charité, Chasteté, t. n, 
col. 591, 624; Humilité, t. m, col. 777; Miséricorde, 
t. iv, col. 1130; etc., et ceux qui traitent des vices et des 
péchés, Adultère, Avarice, Blasphème, 1. 1, col. 242, 1285, 
1806; Colère, Fornication, Fraude, t. n, col. 883, 2314, 
2398; Gourmandise, Ignorance, Incontinence, Ingra- 
titude, Injustice, Ivresse, t. m, col. 281, 837, 870, 877, 
878, 1048; Luxure, Moquerie, t. iv, col. 436, 1258, etc. 

H. Lesètre. 

MORASTHI, MORASTHITE (hébreu : ham-Mô- 
rasfî; Septante : 6 MtopaiÔiÔiiî; 6 M(i>pa<r8ét; Vulgate : 
de Morasthi, Jer., xxvi, 18; Morasthites, Mich., i, 1), 
originaire de Morasthi ou plutôt, selon le nom hébreu, 
de Moréscheth-Gath . C'était la patrie du prophète Michée. 
Jer., xxvr, 18; Mich., i, 1. Voir Moréscheth-Gath. 

MORÉH (hébreu : Môréh; Vaticanus : Jud., vu, 1; 
Mwpat; Alexandrinus: 'Aêûp; les mêmes manuscrits tra- 
duisent ce mot par ijd/*)Xr|, Gen., xn, 6, et Deut., xi, 30; la 
Vulgate le rend par illustris, Gen., xir, 6; intram et lea- 
dens procul, Deut., xi, 30; excehus, Jud., vu, 1), nom 
d'un chêne avec son territoire et d'une colline. — L'éty- 
mologie et la signification de Môréh sont incertaines. Le 
copiste du texte samaritain a lu, Deut., xi, 30, masfâ', 
« observatoire. » La version samaritaine a traduit, 
Gen., xm, 6, et Deut., xi, 30, par liazûbdli, « vision. » 
La Peschito qui en fait l'équivalent de mamré (Mom- 
bré), Gen., xn, 6, et Deut., xi, 30, ainsi que l'arabe, 
Gen., xn, 6, y voit une « élévation », Ramthâ'. Jud., 
vu, 1. Ainsi les traducteurs semblent laire dériver 
Môréh, tantôt de ydrâh, « jeter, fonder, élever, arroser, 
instruire, » tantôt de rd'âh, « voir, » ou d'autres racines 



1269 



MORÉH — MORÉH (CHÊNE DE) 



1270 



encore. On l'a pris aussi pour un équivalent de mortâh 
dont celui-ci serait le féminin. Cf. Math. Poli, Synopsis 
criticorum, Francfort-sur-le-Main, in-f°, 1712, col. 134- 
135; Gesenius, Thésaurus, p. 627, 819; Vercellone, Va- 
rim lectiones Vulgatee latin» Bibliorum, in-4°, Rome, 
1860-1862, 1. 1, p. 513-514; t. n, p. 106-107. 

1. MORÉH 4CHÊNE de) (hébreu : 'Êlôn Môrêh, Gen., 
xti, 6; 'êlônè (pluriel), Deut., xi, 30; Septante : 8p0; 
Ù'^Xti; Vulgate : vallis illustris, Gen., xni, 5; vallti 
intrans et tendens procul, Deut., xi, 30), territoire près 
de la ville de Sichem où était un chêne célèbre. 

I. Nom et situation. — Il est évident que 'Êlôn-Môréh 
désigne un petit territoire des alentours de Sichem; 
mais ce nom, pour les Septante, les plus anciens tra- 
ducteurs de la Bible et les plus à même de connaître 
la signification du mot 'êlôn, est tout d'abord celui d'un 
« chêne » ou d'un « bouquet de chênes », 'êlônè, C'est le 
chêne qui aura donné son nom à la région où il était 
planté. La signification de « vallée », vallis, ou « vallée 
bordée de collines », convallis, Gen., xm, 18, donnée 
par la Vulgate à ce mot, est celle que lui attribuent le 
Targum d'Onkélos, le rendant, Gen., xn, 6, par mêsar, 
et De-it., xi, 30, par mêérè, « lieu plat, » et, après lui, 
généralement tous les interprètes juifs. La version sama- 
ritaine a adopté la même traduction. La Peschito, la 
version arménienne, l'ancienne version latine, et celles 
en généra! qui suivent les Septante, voient aussi dans 
'Èlôn « un chêne ». La version arabe qui y reconnaît, 
Gen., xu, « des chênes, » ballout, y voit « des prairies » 
ou des « campagnes», moroudj. Deut., xi,30. La Vulgate 
elle-même admet la signification de « chêne ». Jud., ix, 6. 
Le 'élôû mûssdb 'âsér bi-Sekém de ce verset est pour elle 
quercwnx quse stabat in Siclieni, « le chêne planté à 
Sichem. » Tandis que les autres traducteurs ont lu « le 
chêne de la station » (Septante), « le chêne de Maspha » 
ou « de l'observatoire » (Syriaque et Arabe) ; ou encore 
« le chêne de la stèle » (Targum de Jonathan) ; la Vulgate 
a vu dans m upsdb, le participe hophal de nos âb, « plan- 
ter. » Par là saint Jérôme reconnaît que l'Écriture 
elle-même donne à 'èlôn le sens de « chêne », car le 
participe mussâb, « planté, dressé, » ne peut convenir 
à une plaine ou une vallée. Le 'èlôn bi-éekém, « le chêne 
de Sichem, » de ce passage ne parait pas différent de 
Y'êlôn Môréh du « territoire de Sichem », meqôni 
Sekém, de Gen., xn, 6, ou de Y Êlôn Môréh situé 
« à côté », 'êsél, des monts Garizim et Hébal du Deut., 
xi, 30. Il est, selon toute apparence, identique encore à 
l'arbre « près de Sichem », hâ-'êlâh 'âsér 'im Sekém, de 
Gen., xxxv, 4, sous lequel Jacob enterra les emblèmes 
idolàtriques de ses gens et à l'arbre « qui était au sanc- 
tuaire du Seigneur », hâ-'êlah 'âSér be-ntiqdaS Jehôvàh, 
également « à Sichem », be-àekém, de Jos., xxiv, 26, 
sous lequel Josué dressa une grande pierre commémo- 
rative. Dans le premier cas, hâ-êldh est, dans toutes les 
versions, « le térébinthe, » et dans le second cas « le 
chêne », sans que l'on voie d'autre raison de cette dis- 
tinction sinon que le mot 'ëlâh, comme 'êlôn, s'employait 
indifféremment pour désigner les deux espèces d'arbres. 
Voir Mambré, col. 626, 627. En ces divers cas, sauf 
Jos., xxiv, 26, où le traducteur, induit en erreur par la 
présence du « sanctuaire du Seigneur », s'imagine qu'il 
s'agit de Silo, la version arabe remplace le nom antique 
de Sichem par le nom moderne de Nabolus, témoignant 
ainsi de l'identité topographique de cette localité avec la 
ville biblique. Suivant plusieurs interprètes, le nom de 
Môrêh, quelle que soit d'ailleurs son étymologie et sa 
signification, serait ici comme Mambré ailleurs, le nom 
du possesseur du lieu où se trouvait le chêne ou la 
chênaie de Sichem. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 627, 
814. — Le chêne de Môrêh se trouvait dans la partie du 
territoire hélqaf hai-Sddéh, situé entre Salem et 
Sichem, et devant cette dernière ville, où Jacob, arrivant 



de Sucoth de la vallée du Jourdain, à l'est, établit son 
campement et qu'il donna, avant de mourir, en propriété 
à son fils Joseph. Gen., xxxm, 18, 19; xxxv, 4. Le 
« domaine » de Joseph, renfermant le puits de Jacob, était 
près de la route passant à l'est de Sichem, conduisant 
par la Samarie, de Judée en Galilée et au pied de la mon- 
tagne sainte des Samaritains, c'est-à-dire du Garizim. 
Joa., v, 3, 6, 20 : Le peuple de Sichem réuni près du 
chêne, pouvait entendre toutes les paroles de Jonathan, 
fils de Gédéon, s'adressant à lui de la montagne adja- 
cente, 'èsél. Jud., ix, 6-7; cf. Deut., xi, 30. — Au rv e siècle, 
on montrait « le chêne » (BccXavoç, Balanus, id est quer- 
cus) des Sichémites où fut créé roi Abimélech, dans la 
banlieue (Eusèbe; upoaoTeiotç; Jérôme : in suburbanis) 
de Neapolis, près du tombeau de Joseph. Onomasticon, 
édit. Larsow et Parthey, p. 96, 97. Balanus semble 
être le nom du lieu en usage chez les Gréco-Romains ; 
les indigènes parlant le syriaque devaientle nommer dans 
leur langue Balouta' et c'est sans doute ce même nom 
que nous rencontrons sous la forme de Baldtah, encore 
donné aujourd'hui à un petit village situé à moins de 
deux kilomètres à l'est de Ndblous (fig. 351). — La Chro- 
nique samaritaine, c. xxvii, édit. Juynboll, Leyde, 1848, 
p. 27, désigne le Merdj Balâfâ, comme le lieu de la 
grande réunion de l'armée d'Israël conduite par Josué. Au 
xm e siècle, les Juifs, au témoignage du géographe arabe 
Yaqout, rattachaient le souvenir d'Abraham, à Buldtak, 
« village du district de Ndblous, où se trouve une source 
abondante et prés duquel fut enseveli Joseph. » Mo 
'agem el-Boldân, édit. F. Wùstenfeld, Leipzig, 1866- 
1870, t. i, p. 710. « Baldla' est dans le champ qu'acheta 
Jacob,» dit le rabbin Estôri ha-Parchi, Caftorva-Phérach, 
édit. Luncz, Jérusalem, 1897, p. 287-288. S'il n'est pas 
possible de tracer les limites précises du « domaine de 
Joseph » ou de 'Êlôn-Môréh, sa situation du moins est 
parfaitement déterminée par le village de Balâfa', le 
puits de Jacob et le sépulcre de Joseph, trois points 
dont l'authenticité parait aussi certaine qu'elle peut 
l'être. Voir Jacob (Puits de), t. m, col. 1075. 

II. La chênaie de Môréh du Deutéronome. — 
V'Êlônê Môréh, près des monts Garizim et Hébal, du 
Deut., xi, 31, n'est-elle pas différente de Y'Êlôn Môréh 
( près de Sichem », de Gen., xn, 6, et ne faut-il pas la 
chercher dans la vallée du Jourdain et près de Galgala 
dans le voisinage de Jéricho? — D'après ce passage, en 
effet, les monts Garizim et Hébal sont in campestribus, 
bâ-'Ârâbàh, d'après le texte massorétique, c'est-à-dire 
« dans la vallée du Jourdain », contra Galgalam, mûl 
hag-Gitgal, en face de Galgala, ou près de cette ville, 
selon les Septante : l^ônevov toû ro>,-j<iX, gwœ est juxta 
valleni tendentem et intrantem procul, c'est-à-dire 
près, à côté de 'Êlônè Moréh, 'êsél 'Êlônè Môrêh « la 
vallée avançant et s'étendent au loin » de la Vulgate. Ce 
texte a fait le tourment des interprètes et des commen- 
tateurs. A cause de lui et du récit de la solennité inséré, 
Jos., vu, 30-35, entre celui de la prise de Haï et l'épisode 
de l'ambassade des Gabaonites, Eusèbe, saint Jérôme, 
saint Épiphane, le mosaïste de Médaba et un grand 
nombre d'autres se sont crus obligés de chercher avec 
l'Hébal un Garizim près de Jéricho, à côté duquel il 
faudrait placer le 'Êlônè Môréh de ce verset. Cf. Garizim, 
t. il, col. 106-107. Le Targum d'ailleurs justifie cette 
interprétation et presque toutes les versions, par leur 
arialogie avec la traduction de la Vulgate. S'il existe 
déjà deux Môréh certains, l'un en Samarie et l'autre en 
Galilée, pourquoi n'en admettrait-on pas un troisième 
en Judée? dit le P. Hummelauer, Deuteronomium, 
Paris, 1901, p. 274-276. Les géographes ne l'admettent 
cependant pas, et Buhl, avec d'autres, pour résoudre 
la difficulté, propose; Géographie der alten Palâstina, 
Fribourg et Leipzig, 1896, p. 202-203, de voir dans la 
Galgala de ce passage non la Galgala voisine de Jéricho, 
mais une autre Galgala qu'il identifie avec le petit vil- 



te 



1271 



MORÉH (CHÊNE DE) 



1272 



lage de Djeleidjil, situé à moins de 4 kilomètres au 
sud-est de Sâlém et qui est en réalité à peu prés en 
face de l'antique vallée de Sichem. Seulement aucun 
dêterminatif ajouté au nom de Galgala n'autorise à le 
distinguer du célèbre Galgala de la vallée du Jourdain 
qui vient tout d'abord à l'esprit quand on prononce ce 
nom. Il en est de même de ,'Êlôn-Môrêh. L'épisode du 
livre de Josué, vin, paraît du reste être une intercala- 
tion hors de son ordre chronologique, laquelle devrait 
avoir plutôt sa place au ch. xxn» ou au xxirje. Le texte 
en question peut d'ailleurs s'interpréter sans qu'il soit 
besoin d'aucun des subterfuges auxquels on a eu recours. 



par Moïse pour la cérémonie des bénédictions et des 
malédictions loin de Sichem et ailleurs qu'à Balâtâh. 
III. Description. — Balâtâh est un tout petit village 
de moins de vingt maisons arabes, à voûte et terrasse, 
bâti au pied du Djebel fôr, l'antique Garazim, au nord, 
là où la montagne vient de fléchir d'est à ouest, en lace, 
du coté au sud, du Djebel el-hlâmiyéh, l'ancien Hébal, 
à l'entrée orientale de la belle vallée de Ndblous. Le petit 
village est traversé par un canal dallé où courent les 
eaux pures et limpides d'une source abondante prenant 
naissance du côté oriental et venant aboutir à un petit 
bassin d'origine antique bien que restauré plusieurs 







351. — Balâtâh. D'après une photographie de M. L. Iîeidet. 



— D'abord la leçon bâ-Arâbdh, rmva pourrait être une 

TT - :- 

mauvaise lecture des massorètes ou des copistes et les 
Septante ont lu ma'ârâbâh, rmyn, d et non 3, éu'i 

TT-:~ 

SuufKôv, « à l'occident. » L'expression mûl hag-Gilgal 
doit, par la convenance du contexte et sans forcer aucu- 
nement le sens du mot mûl se rendre par « à l'opposé » 
de Galgala, c'est-à-dire parallèlement à la vallée du 
Jourdain, la région de Galgala. 'Êsél a été à tort atta- 
ché à Galgala par le traducteur de la Vulgate ; tous les 
membres de la phrase se rapportent au sujet exprimé 
au commencement, les monts Garizim et Hébal que 
l'auteur a principalement en vue : ce sont Garazim et 
Hébal qui sont 'esél, « à côté » de 'Êlônê-Môréh et non 
Galgala. La traduction veut dire : Le mont Garazim et 
Hébal... ne sont-ils pas au delà du Jourdain, derrière le 
chemin [du côté] où se couche le soleil (le grand che- 
min de la région à l'occident du Jourdain, allant du nord 
au sud en suivant la ligne de faîte des montagnes), dans 
le pays des Chananéens qui habitent à l'occident (du 
Jourdain), à l'opposé de Galgala (ou dans la région mon- 
tagneuse juxtaposée à la vallée, du Jourdain qui est la 
contrée de Galgala), à côté de 'Êlônê-Moréh? Il n'y a donc 
aucune raison de chercher la chênaie de Môréh choisie 



fois. Diverses espèces d'arbres parmi lesquelles on. 
remarque quelques chênes de médiocre développement, 
rejetons peut-être de l'antique 'Êlôn Môréh, forment 
aux alentours un petit bosquet. Des jardins ordinaire- 
ment plantés de chicorée, de concombres, de poireaux, 
d'oignons et de tomates, environnent le village. Le jardin, 
où se voit le puits de Jacob et les ruines des monu- 
ments qui le recouvraient jadis, aujourd'hui entoura 
d'un mur, leur est contigu du côté de l'est. Non loin 
au nord, et sur la lisière de la campagne semée de blé 
ou de dourà, s'élèvent les deux petites coupoles blanches, 
qui depuis quelques années abritent le tombeau du 
patriarche Joseph. Du village le regard embrasse toute 
la région septentrionale du spacieux et fertile sahel Mah. 
nah. encore appelé en celte partie sahel el-'Askar, et 
s'étend sur les montagnes qui l'enveloppent. Sur les 
pentes de ces monts s'élèvent, entourés de petits bois- 
d'oliviers et de figuiers, les villages d'el-'Askar. dont le 
nom rappelle peut-être le Sicharde l'Évangile, 'Azmout,. 
Deir-ffatab Sàlim dont le nom est identique à la 
Salem rencontrée par Jacob sur le chemin de Sochot à 
Sichem et qui parait avoir donné jadis son nom à la 
partie septentrionale du sahel. 
IV. Histoire. — 'Êlôn Môréh est la première station. 



1273 



MORÉH (CHÊNE DE) 



1274 



mentionnée par la Bible où le patriarche Abraham, ve- 
nant de Mésopotamie dans la terre de Chanaan, établit 
son campement pour résider avec sa famille. Le Seigneur 
lui apparut en cet endroit pour renouveler la promesse 
qu'il lui avait tâite en son pays, en lui disant : « Je don- 
nerai cette terre à tes descendants. » Abraham éleva en 
ce lieu un autel au Seigneur qui lui était apparu, ajoute 
la Gen., xii, 6-7. C'est le premier autel élevé à Jéhovah 
dans la Terre Promise. Ce fut sans doute ce souvenir 
sacré qui amena Jacob en ce même endroit, après son 
retour de Mésopotamie. Ayant quitté Socoth, il vint 
s'établir devant Sichem. Il parait avoir eu l'intention de 
s'y fixer définitivement avec les siens, car il acheta des 
fils d'Hémor, le fondateur de Sîchem,'pour le prix de cent 
qesitdh, le champ où se trouvait le chêne et où il avait 
établi son campement. Reprenant la tradition de son 
ancêtre, il dressa un nouvel autel qu'il nomma 'El 
Ëlohê Hràêl, « El, Dieu d'Israël. » Gen., xxxm, 18-20. 
La crainte des représailles (à cause des habitants de 
Sichem), occasionnées par l'aventure de Dina, obligea 
Jacob à quitter 'Êlôn Môréh où, avant de partir pour 
monter vers Bethel, il enterra sous le chêne les idoles 
que ses gens avaient apportées avec eux de Mésopotamie. 
Gen., xxxiv, xxxv, 1-5. — Cependant Jacob semble 
avoir voulu maintenir son droit de propriété sur le ter- 
ritoire de Môréh et c'est vraisemblablement avec cette 
intention que ses fils venaient faire paître leurs trou- 
peaux dans la campagne de Sichem. Nul endroit n'était 
plus favorable pour leur campement que la chênaie de 
Môréh. C'est là sans doute que Joseph, envoyé d'Hébron 
par son père pour prendre des nouvelles de ses frères, 
vint les chercher, quand il apprit qu'ils avaient quitté 
ce lieu pour passer à Dothaïn. Gen., xxxvn, 12-17. Avant 
de mourir, Jacob transféra ce champ en héritage à son 
fils bien-aimé, et Joseph sur le point de quitter la vie, 
fit jurer aux siens de rapporter ses ossements dans la 
terre de Chanaan, pour les y ensevelir dans le champ de 
Sichem qui était son domaine. Ce devoir devait être 
rempli par Josué, après la conquête du pays de Chanaan. 
Gen., xlviii, 22; l, 24; Ex., xin, 19; Jos., xxrv, 32; 
Act., vu, 16; Joa., iv, 52. — Êlôn Môi'ehétoit demeuré, 
dans le souvenir des fils d'Israël, le premier sanctuaire 
consacré par leur père à Jéhovah et à son culte, et c'est 
sans doute pour y renouer le fil de ce culte tradition- 
nel que Moïse prescrivit à son peuple de s'y rendre 
aussitôt après la conquête de Chanaan, afin d'y élever de 
nouveau un autel et d'y accomplir la sublime cérémo- 
nie des bénédictions et des malédictions. Deut., xi, 29-30; 
xxvir, 4-26. — Cet autel fut dressé, selon toute vraisem- 
blance, sur le domaine de Joseph, la terre de Môréh, là 
où devaient être posées les pierres blanchies à la chaux 
sur lesquelles seraient écrites les paroles de la Loi. Ces 
pierres semblent, Deut., xxvn, 6-4; Jos., vin, 32, être 
les pierres mêmes de l'autel. La. grande pierre dressée 
par Josué « sous le chêne du sanctuaire du Seigneur », 
be-miqdas Yehôvâh, Jos., xxiy, 26, n'est peut-être pas 
différente de ces monuments, ou bien les avait remplacés. 
L'autel et les pierres, il est vrai, devaient être établies 
« au mont Hébal i>, mais l'expression be-har 'Ebàl peut 
s'entendre aussi du voisinage de la montagne non loin 
de laquelle se trouvaient le Garizîm et Môréh. — Josué 
tint trois assemblées à Môréh : la première est la réu- 
nion convoquée pour la cérémonie des bénédictions et des 
malédictions, Jos., vm, 30, 34, si toutefois elle ne doit 
pas être confondue avec l'une des deux autres; la se- 
conde eut lieu après la soumission complète du pays, 
alors que Josué était déjà avancé en âge. Les anciens, 
les chefs du peuple et des guerriers y avaient seuls été 
invités. Josué avait voulu les engager à demeurer fidèles 
observateurs de la loi de Moïse. Jos., xxm. 'Êlôn Môréh 
n'est pas nommé en cette occasion, mais il n'est guère 
•douteux que cette réunion ne se fit au même lieu où 
devait se tenir la troisième, c'est-à-dire près « du sanc- 



tuaire s et du chêne de Môréh. A cette dernière toutes 
les tribus avaient été appelées. Josué, voyant approcher 
l'heure de sa mort, avait voulu rappeler à son peuple sa 
vocation spéciale, les miséricordes de Dieu à son égard 
et lui faire prendre l'engagement solennel de rester à 
jamais fidèle à Jéhovah. C'est pour conserver la mémoire 
de cet événement que fut élevée sous le chêne la grande 
pierre du MiqdaS. Jos., xxiv. — Par ces souvenirs, par 
sa position centrale, étant à peu près à égale distance 
de Dàn et de Bersabée, et par la commodité de son site, 
'Êlôn Môréh semblait l'endroit prédestiné pour les 
grandes assemblées du peuple. — Deux de ces réunions 
seulement sont mentionnées par l'histoire biblique qui 
en laisse toutefois présumer une troisième. La première 
est celle de la population sichémite. Elle se réunit prés 
du chêne planté près de Sichem pour proclamer roi 
Abimélech, fils de Gédeon. Jud., ix, 6. Tout Israël 
s'assembla de nouveau près de Sichem, après la mort 
d,e Salomon, pour établir roi son fils Roboam, III Reg., 
xii, 1; II Par., x, 1. On sait comment les intrigues de 
Jéroboam et le refus du fils de Salomon d'alléger les 
charges du peuple, provoquèrent la scission entre les 
tribus du nord et celles du sud. III Reg., xii; II Par., 
x. L'assemblée dans laquelle Jéroboam fut reconnu roi 
par les Israélites du nord semble, comme la précédente, 
s'être tenue à Môréh. Cf. III Reg., xii, 20. — Les popu- 
lations déportées en Samarie, par les rois d'Assyrie, à 
la place des Israélites, confondirent les souvenirs se 
rattachant à l'êlôn Môréh. Indutt en erreur par le nom, 
semble-t-il, ils crurent y voir Moriah où Abraham vou- 
lut immoler son fils Isaac, puis Mambré et Béthel, « la 
maison de Dieu. » De là procède sans doute la vénéra- 
tion des Samaritains pour le mont Garizim dont Môréh 
forme la base. — Les efforts accomplis après la captivité 
par les chefs des Juifs, pour éloigner toute cause d'ido- 
lâtrie et de division, et aussi le sentiment d'hostilité 
profonde qui s'établit entre les Samaritains et les Juifs 
ne permirent plus guère à ces derniers de continuer à 
faire de Môréh un but de pèlerinage comme ils l'avaient 
fait auparavant de Maspha en Galaad, de Galgala, de 
Bersabée et de Mambré; son souvenir ne se perdit 
cependant pas chez eux, on le constate par le récit de 
l'Évangile. Joa., iv, 5-6. — Au ni" siècle, « les habitants 
du pays, honoraient encore, en mémoire des patriarches 
le chêne prodigieux sous lequel Jacob avait caché les 
idoles près de la pierre, » assure Jules Africain, Chro- 
nic. fragmenta, t. x, col. 72. Depuis le triomphe de la 
religiondu Dieu d'Israël sur le paganisme gréco-romain, 
les pèlerins, tant chrétiens que juifs, tant mahométans 
que samaritains, n'ont pas cessé de visiter l'emplace- 
ment du chêne de Môréh ou le champ de Joseph pour 
y évoquer ses souvenirs. 

Voir S. Jérôme, Epist. crm, ad Eustochium, t. xxn, 
col. -888-889; Id., Qusestiones in Genesim, t. xxm, 
col. 1004; Anonyme (c. 333), Itinerarium à Burdigla 
Hierusalem usque, édit. de l'Orient latin, Genève, 1877- 
1880, p. 16; Théodosius (c. 330), De terra sancta, ibid., 
p. 71 ; Antonin de Plaisance (c. 570), De locis sanctis, 
ibid.,p'. 94; Arculphe, De locis sanctis, ibid. (c. 670), 
p. 180-181; S. Willibaldi Hodœporicon (786), p. 270; 
Frétellus (c. 1120), Liber locorum sanctorum, t. clv, 
col. 1045; Théodoricus (c. 1172), Libellus de locis san- 
ctis , édit. Titus Tobler, Saint-Gall et Paris, 1865, p. 93- 
95; Phocas (1185), De locis sanctis, dans Bolland, Acta 
sanctorum, maii t. h, p. 10; Fragments sur la Galilée 
(c. 1187), dans Itinéraire français, Genève, 1882, p. 73- 
74; Aly el-Herewy, Voyage, dans Archives de l'Orient 
latin, Paris, 1881, t. i, p. 599; Burchard du Mont-Sion 
(1283), Descriptio Terrée Sanctse, 2 e édit. Laurent, 
Leipzig, 1873, p. 54-56; Rodolphe de Suchem (1336), 
Reyse zum heilige Land, dans Heyssbuch des heyligen 
Landes, Francfort-sur-le-Main, 1583, fol. 452; Gerson 
de Scarmela (1561), « Sépulcre des Justes, » dans Cor- 



1275 



MORÉH (CHÊNE DE) - MORÉH (COLLINE DE) 



1276 



moly, Itinéraires de la Terre-Sainte, Bruxelles, 1847, 
p. 386; Uri de Biel (1564), « Tombeaux des Patriarches, » 
ibid., p. "445; Barges, Les Samaritains de Naplus, Pa- 
ris, 18 , p. 71; Victor Guérin, Samarie, t. i, p. 382; 
Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1871, p. 142,252, 
518-519; Couder, Balatah, dans Pales t. Expl. Fund. 
Quarterly Statetnents, 1877, p. 149. L. Heidet. 

2. MORÉH (COLLINE DE) (hébreu : gibeat ham-Mô- 
rêh; Valicanus : Taësaô [iwpaf; Sinaiticus : Taëaa9a 
|iwpâ; Alexandrinus : {Wjiov toO 'Aë<ôp; Vulgate ;collis 
excelsus), mont de la tribu d'Issachar, près duquel 
étaient canipés les Madianites, quand Gédéon les battit 
avec ses trois cents hommes, Jud., vu. 

I. Nom et situation. — «Le mont Moréh, » pour la 



donné aussi à ces monts. Voir Gelboé, t. m, col. 157- 
158. — L'identité de la fontaine de Harad avec l'actuelle 
'aln Djâloud, ou Djalout dans la plupart des écrivains 
arabes, ne paraît pas contestable : sa situation est 
indiquée par les récits bibliques et la tradition locale 
semble l'avoir toujours désignée. Cf. Coran, H, 250- 
252; Maçoudi, Les prairies d'or, édit. Barbier de 
Meynard, Paris, 1864, 1. 1, p. 99-102, 108. Les Arabes, il 
est vrai, confondent Gédéon avec Saûl qui campa aux 
mêmes lieux, I Reg., xxvm, 4; xxix, 1; et ce seraient les 
guerriers de ce dernier qui auraient été choisis quand 
ils buvaient l'eau à la fontaine. Cf. Jud., vu, 3-6. Ils 
confondent encore la campagne de Saûl contre les Phi- 
listins dans laquelle David défit Goliath avec la campagne 
contre les Philistins dans laquelle le premier roi 




352. — Le Djebel Dafyy. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



version syriaque qui traduit son nom par ramfa', serait, 
comme pour la Vulgate, «le Haut-Mont» ou « le Grand- 
Mont »; ce serait à peu près l'équivalent de Maspha, 
« l'observatoire » comme d'autres interprètes l'ont rendu 
ailleurs. Pour quelques-uns ce serait « la montagne en 
état de braver les efforts des ennemis » ou « Mont fort » 
ou encore « le mont de l'Archer », « le mont du Maître; 
du Docteur. » Le targum de Jonathan y voit a la colline 
s'avançant sur la plaine ». — Cette plaine est « la val- 
lée » dans laquelle (bâ-'êmêq) ou sur la lisière de 
laquelle le texte et la plupart des versions, Jud., vu, 1, 
placent la colline de Môréh, c'est-à-dire la grande plaine 
de Jezraèl ou d'Esdrelon, le Merdj ibn-Amér actuel, 
appelé encore simplement le Merdj, où les Madianites, 
suivant l'indication positive de l'Écriture, Jud., vi, 35, 
avaient établi leur camp. — La colline était peu distante 
de la fontaine de Harad près de laquelle Gédéon était 
venu, suivant le texte hébreu, camper avec les siens, 
au mon t Gelboé, puisqu'il peut aller deux fois, dans un 
espâBë de temps nécessairement fort restreint, de son 
camp au camp des Madianites. Cf. Jud. vu, 1, 3, 8; et 
vu, 9-10. — Au lieu de Gelboé on lit dans le texte et la 
plupart des versions Galaad, c'est une erreur des co- 
pistes, à moins qu'on ne suppose que ce nom ait été 



d'Israël fut défait et tué, et enfin la victoire de Gédéon 
sur les Madianites avec la victoire de Saûl sur les Phi- 
listins et celle de David sur Goliath. Djdlout est le nom 
arabe de Goliath. Cette confusion est fort ancienne 
puisque en 333, on montrait au pèlerin de Bordeaux, 
près de Stradelon (Jezraël^ aujourd'hui Zéra m), « le< 
champ où David tua Goliath. » Itinerarium a Burdigala 
Hierusalem usque, Pat. lut., t. vm, col. 790. Cette 
tradition, malgré la confusion des personnes et des faits 
ne témoigne pas moins de l'identité de Vaïn Djâloud 
avec la fontaine Harad de la Bible. — Le « champ » 
ainsi indiqué par cet itinéraire est l'oud(a' Djâloud, la 
partie orientale de la vallée de Jezraël dans laquelle 
était le camp des Madianites, et sur le bord de laquelle 
s'étendait la colline de Môrèh. L'ouâfa' ou « vallée 
basse », s'étend sur une largeur de cinq kilomètres, de 
'Ain Djâloud, au sud, jusqu'au Djebel DaMy (fig. 352) au 
nord, au pied duquel est Soulam, l'ancienne Sunam 
près de laquelle était le camp des Philistins, quand ils 
se préparaient à attaquer Saûl. I Reg., xxvm, 4. — Les 
Madianites, au temps de Gédéon, avaient établi leur camp 
au même endroit près de Sunam, au pied du Dal.iy où 
viendront plus tard les Philistins, et le Djebel Dahij 
actuel est celui désigné comme l'antique colline Môréh. 



1277 



MORÉH (COLLINE DE) 



1278 



Les indications bibliques et la suite du récit ne per- 
mettent pas d'en douter. Le texte hébreu, en effet, place 
le camp de Madian au nord de la fontaine Harad et du 
camp de Gédéon ." « Gédéon se leva, dit-il, et tout le 
peuple qui était avec lui, et ils campèrent à la fontaine 
Harad; et le camp de Madian était pour lui au nord, à 
partir de la colline Môréh, dans la vallée, » hâyâh- 
lô mi$-fàfôn. Jud., vu, 1, Les Septante ont lu de même : 
TrapÊjjLëoX-r) Moc8cà[i rjv a\>z& àito pop£â ânà ra8aa8|Ao>pat 
li xofXavt. C'est le Djebel Dahy clairement indiqué. Le 
camp de Madian se développait au pied de la colline, 
entre elle et la fontaine, dans la vallée, c'est-à-dire 
partie sans doute dans le Merdj et partie dans Vouâta' 
Djâloud. — Les allées et venues de Gédéon se com- 
prennent ainsi facilement. Il en est de même de la 
suite du récit. Quand le bruit des trompettes et l'éclat des 
lampes de l'armée de Gédéon eurent répandu le trouble 
et la terreur dans le camp ennemi, les Madia- 
nites prirent la fuite en se dirigeant vers Beth- 
setta et la vallée du Jourdain. Jud., vu, 23-2i. Le 
nom de aillah se retrouve aujourd'hui dans celui du 
petit village de Satta', situé à 12 kilomètres au sud-est 
de Soulam, au pied des collines qui prolongent le 
Djebel Dahy vers l'est et sur le chemin qui, suivant leur 
base méridionale, se dirige toujours au sud-est, vers le 
Jourdain. C'est la direction que devaient suivre les 
fuyards pour regagner leur pays; leur point de départ 
pour fuir était donc au nord-est de Satta', là où est Sou- 
lam et le Dahy. 

II. Le récit de la Vulgate^ — Le récit de la Vul- 
gate est loin d'être aussi précis. « Gédéon, y lit-on, se le- 
vant de nuit, et tout le peuple avec lui, but à la fon- 
taine qui est appelée Harad ; le camp de Madian était 
dans la vallée, au côté septentrional de la grande col- 
line, in valle ad septentrionalem plagani collis excelsi. 
Au lieu de rattacher l'indication, mis-sdfôn, « au nord, » 
à Gédéon et à son camp, le traducteur la rapporte à la 
colline et fait de hàyâh-lô, « se trouvait » au lieu de 
« était (avec le complément lô), par rapport à lui ». 
Avec cette interprétation la situation de la colline n'est 
plus déterminée, alors que le narrateur semble cepen- 
dant avoir voulu faire connaître la positon respective 
des deux camps. Et puis, grammaticalement aussi bien 
que logiquement, lô, masculin, se rapporte nécessaire- 
ment à Gédéon et non à mahânéh, féminin ; pour tra- 
duire « se trouvait » il faudrait, hdyâh-lâh; enfin le 
récit lui-même ne comporte pas cette traduction. 

Malgré tout il faudra toujours chercher la colline de 
Môréh au Djebel Dahy ou à l'un des sommets du petit 
massif auquel il appartient. On ne peut en effet supposer 
une des collines de la chainede Carmel ni des monts 
de Nazareth bordant la plaine où les démarches de Gé- 
déon seraient absolument impossibles; on ne peut 
davantage s'arrêter au^ Djebel Foqou'a ou mont de Gel- 
boé, où la fuite vers Sat(a', au nord, serait un contre- 
sens. Mais en plaçant le camp de Madian au nord du 
Djebel Dahy, le chemin de 12 kilomètres environ qu'a 
à faire trois fois Gédéon serait une course un peu longue 
avant le combat. Puis Gédéon avec sa petite troupe, 
arrivant du sud, coupait la retraite aux Madianites 
qui ne devaient plus fuir vers le sud-est, et vers Sa((a', 
mais se trouvaient contraints de s'échapper par le 
nord, pour gagner Vouadi Sarrâr qui sépare le 
massif du Dahy du Thabor, et aboutit, par Vouadi 
el-Bireh, à la vallée du Jourdain. De toute manière, il 
appparait que le traducteur a été induit en erreur par 
la particule mi, a, mig-gibe'af Môréh, laquelle était peut- 
être primitivement a, be-gib'at, et qu'on lisait : « le 

camp de Madian était par rapport à lui (Gédéon) au 
nord, près du mont Môreh, dans la vallée. » En tout 
cas, et si l'on admet la lecture d, la seule interprétation 

possible n'en est pas moins celle des Septante indiquant 



clairement, avec le texte hébreu, le mont Môréh au 
Djebel Dahy, ou, si l'on aime mieux (ce à quoi rien ne 
paraît s'opposer), à tout le petit massif dont le Dal.nj 
fait partie. 

III. Le nom de « petit Hermon » attribué au Dahy. — 
Le mont Môréh, si l'on devait s'en rapporter à l'appel- 
lation des pèlerins étrangers, qui désignent fréquemment 
et depuis assez longtemps le Djebel Dahy sous le nom 
de « petit Hermon », serait identique aux Hermoniim a 
monte modico de Ps. xn, 7. Cette désignation prétend 
s'appuyer sur le mot de saint Jérôme, Epist. cvm, ad 
Eustochium, t. xxn, col. 889, montrant à sainte Paule 
romaine, du sommet de Thabor, « contemplant au loin, 
les monts Hermon et Hermoniim et la vaste plaine 
de la Galilée, » inspiré sans doute par la parole du 
Psaume lxxxviii, 13 : « Le Thabor et l'Hermon tressail- 
leront à votre nom. » Outre l'inexactitude de la traduc- 
tion de l'hébreu : mê-'éréç Yardën ve-Hêrmômm, nié- 
har Miç'âr, « de la terre du Jourdain et des Hermoniim, 
|et] du mont Misar » (hébreu : xlii, 7), la double hypo- 
thèse n'est point fondée. Le rapprochement idéal du 
Thabor et d'Hermon dans le Psaume n'implique au- 
cunement un voisinage physique et saint Jérôme nous 
montre les Hermoniim « loin », procul, du Thabor et du 
Djebel Dahy. Voir Hermoniim, t. m, col. 637, et Mitsar, 
t. iv, col. 1135. 

IV. Description. — Le Djebel Datftj est le principal 
sommet d'un petit massif de collines, à base calcaire 
mais couvertes de pierres volcaniques, complètement 
séparé du Thabor et des monts de la Galilée inférieure 
par la large vallée du Sarrâr. Il s'avance sur la plaine 
semblable à un immense promontoire d'où l'on peut sur- 
veiller toute la contrée. Sa hauteur au-dessus de la 
Méditerranée est, d'après la carte de Palestine de VExplo- 
ration Fund. de 515 mètres et 460 au-dessus du Merdj 
ibn-'Amer. Le Tell 'Adjjoul qui le continue au nord-est 
n'a plus que 334 mètres d'altitude, la colline de Qoumiéh, 
au sud-est, et non loin de laquelle est le village de Satta', 
255, et celle de Taiibéh, à l'est, 126 seulement. A la 
partie supérieure du mont est un Maqdm, ou petit 
sanctuaire mahométan avec le tombeau d'un santon 
appelé néby Dahy. De là le nom donné à un village 
ruiné, situé tout auprès et à la colline elle-même. De 
ce point, la vue est des plus étendues et des plus belles. 
Au pied du mont se déroule l'immense et fertile plaine 
d'Esdrelon, prolongée vers l'ouest par le spacieux ouata 
Djâloud. Le Thabor, à la forme arrondie, la termine au 
nord-est. Au nord, se déroulent les montagnes de la Gali- 
lée inférieure au milieu desquelles apparaît Nazareth 
éclatante de blancheur. La chaîne de Carmel, par der- 
rière laquelle étincelle comme un immense miroir d'ar- 
gent la mer de Syrie, se développe à l'ouest, dominée par 
le Mul.iraqah, la montagne du sacrifice d'Élie. Au sud, 
en avant des montagnes de la Samarie se confondant 
avec l'azur du ciel, se dresse la Seih Sibel, là où il faut 
chercher la célèbre Béthulie, et plus près le djebel Fo- 
qou'a, le Gelboé où Gédéon réunit ses braves et où Jona- 
thas tomba, avec son père Saùl. A l'est, par delà la 
large issue de Vouâta 'Djaloud où se développe la cam- 
pagne verdoyante de Bessdn, arrosée par de nombreux 
courants, et au-dessus du Ghôr où le Jourdain décrit 
ses méandres, les monts empourprés du Djaulàn et de 
l'Adjloûn ferment l'horizon. 

Les pentes de la colline sont généralement pierreuses 
et dénudées; mais sa large base sur laquelle s'élèvent 
les villages de Nain, la Naïm des Évangiles, el-Fouléh,. 
le castellum Fabse ies Croisés, et Soulam, la Sunam, 
souvent visité par Elisée, devient de plus en plus fertile 
à mesure qu'elle s'abaisse vers la plaine. 

C'est là, aux abords de cette dernière localité, située en 
face du Gelboé au pied duquel jaillit la fontaine de 
Harad, que les Madianites avaient établi leur camp quand 
Gédéon, avec ses trois cents hommes munis de troinv 



4279 



MOREH (COLLINE DE) — MORELLE 



1280 



pettes et de leurs lampes, vint jeter parmi eux la terreur 
et le désordre et sauver son peuple de leurs incursions 
et de leurs déprédations. Jud-, vu. Le camp des Philistins 
était au même endroit, entre Sunam et Aphec, cf. 
I Reg., xxviii, 4; xxix, 1, guand le roi de Geth y vint 
avec David; mais les chefs des Philistins obligèrent celui- 
ci à s'en retourner. David attendit la nuit pour s'éloi' 
gner de Moréh, tandis que dans le même temps Saùl 
déguisé passait avec deux de ses hommes non loin du 
camp philistin, à l'est, et franchissait la colline pour 
aller sur le versant septentrional consulter la pytho- 
nisse d'Endor. I Reg., xxviji, xxix. — La base du Djebel 
Dahy, à portée de sources abondantes, s'élevant au- 
dessus des marécages de 'Afouléh, se formant au prin- 
cipe de l'ancien torrent de Cison, et des terrains dé- 
trempés de l'ouata' Djaloud, était des plus favorables 
aux armées passant dans la région pour y placer leur 
camp. Aussi semble-t-il que ce soit là que Débora et 
Barac, avant les jours de Gédéon, vinrent attaquer l'ar- 
mée des Chananéens confédérés marchant sous les 
ordres de Jabin contre les Israélites, Jud., iv, 7, 14; v, 
21, et que plus tard Bénadad, avec les Syriens, vien- 
dra s'établir pour provoquer le roi Achab. III t Reg., 
XX, 26 ; cf. Aphec 4 et 5, t. i, col. 729, 730. — Le nom 
à'Apoulou mentionné dans les inscriptions des monu- 
ments égyptiens paraît indiquer que dès les temps an- 
térieurs à la conquête de Josué, les Pharaons rencon- 
trèrent plus d'une fois déjà les armées des rois d'Asie 
postées à la même place, pour leur fermer l'entrée du 
pays, quand ils débouchaient en face, par les défilés 
voisins de Mageddo. — A une époque plus rapprochée 
de la nôtre, les Croisés, s'y heurtèrent souvent entre les 
troupes de l'islam, et au seuil de nos temps, Bonaparte 
et Kléber y trouvèrent l'immense armée des Turcs à 
laquelle ils livrèrent, le 26 avril 1790, le combat appe- 
lé par eux la a bataille du mont Thabor », mais qui 
fut en réalité la bataille du mont Môréh. 

Voir Rich. von Riess, Biblische Géographie, in-f», 
Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 65; Id., Bibel-Atlas, ibid., 
1882, p. 21 ; Armstrong, W'ison et Gonder, Narnes and 
Places in the Old Testament and Apocrypha, Londres, 
1887, p. 29; Bœdeker, Palestine et Syrie, Leipzig, 1882, 
p. 363; V. Guérin, Galilée, t. i, p. 114-115; Bunl, Geo- 
graphie des allen Palàstina, Fribourg et Leipzig, in-8°, 
1896, p. 103, L. Heidet. 

MORÉSCHET-GATH (hébreu: MôrésetGaf), ville 
de Palestine, patrie de Michée, I, 1; Jer., xxvi, 18, et 
nommée seulement une fois par ce prophète, Mich., i, 
14, où nous lisons : « C'est pourquoi lu renonceras, 
[fille de Sion,] [à posséder] Moréscheth-Gath. » Dans les 
f. 10, 15, Michée énumèré plusieurs villes qui devien- 
dront la proie des ennemis de Juda et il leur annonce 
leur malheur en faisant sur leur nom un jeu de mots : 
Môrésef Gat veut dire « possession, héritage de Gath » 
(Vulgate : Geth), et la fille de Sion devra renoncer à la 
posséder. Les Septante et Vulgate ont traduit le premier 
élément du nom : xXïipovoju'a TéO ; hereditas Geth, quoi- 
qu'il s'agisse de Morasthi, comme l'observe saint Jérôme 
In Mich., t. xxv, col. 1161. — Les sentiments sont très 
partagés sur Moréscheth-Gath. Les uns pensent que le 
nom indique une localité voisine de Geth; d'autres 
croient que ga{ est ici le nom commun qui signifie 
« pressoir » et n'a aucun rapport avec la ville de ce 
nom ; d'autres encore supposent que, Gath ne fait point 
partie du nom propre et traduisent: « Tu dois renoncer 
à Moréscheth, ô Gath (la ville de Geth) ; » d'autres enfin 
identifient Moréscheth-Gath avec Marésa. Voir Ma- 
résa 3, col. 757. Cette identification n'est guère conci- 
liable avec le texte même de Michée, qui, t. 25, nomme 
Marésa séparément, dans son énumération. — Quoi qu'il 
en soit d'ailleurs des diverses opinions des commenta- 
teurs, Moréscheth-Gath était située dans la plaine de 



Juda, d'après le contexte. Eusèbe et saint Jérôme, Ono- 
mast., 1862, p. 292, 293, disent que Morasthi est un vil- 
lage à l'est d'Èleuthéropolis. Il était non loin de cette 
ville, ajoute saint Jérôme, In Mich., prol., t. xxv, 
col. 1151, 1152, où il appelle Morasthi : haud grandis 
viculus. Dans son récit du pèlerinage de sainte Paule, 
Epist. viii, ad Eustoch., 14, t. xxii, col. 880, le saint 
docteur nous apprend de plus qu'on avait élevé une 
église chrétienne sur le tombeau de Michée à Morasthim. 
On ne peut alléguer aucune objection sérieuse contre 
le témoignage d'Eusèbe et de saint Jérôme. V. Guérin, 
Judée, t. il, p. 328, propose d'identifier Moréscheth- 
Gath avec le Khirbet Mâr iï(mraaactuel,à vingt minutes 
au sud-est de Beit-Djibrin, l'ancienne Éleuthéropolis, et 
il croit retrouver l'église chrétienne dont parle saint 
Jérôme dans l'église de Sainte- Anne qui donne son nom 
au Khirbet Mâr Hanna. « Elle formait, dit-il, ibid., 
p. 321, un rectangle long de soixante-deux pas sur cin- 
quante-trois de large, orienté de l'ouest à l'est et ter- 
miné de ce côté par une abside formant saillie au dehors. 
L'église était divisée en trois nefs... Sous [ta nef septen- 
trionale] règne, dans la partie nord-ouest, une double 
crypte voûtée en plein cintre et formant deux chambres 
souterraines contiguës... Cette remarquable basilique, 
qui date peut-être des premiers siècles du christianisme, 
a dû subir des remaniements considérables à l'époque 
de l'occupation des croisés. » Ed. Robinson, Biblical 
Researches in Palestine, Londres, 1867, t. n, p. 68, avait 
précédé V. Guérin dans cette identification. 

MORELLE (hébreu : hêdé'q, hèdéq; Septante : 
àxivôïi, <7T)ç êxTptiYcov ; Vulgate : spinm, paliurus), plante 
épineuse. 

I. Description. — Les Morelles ou Solanum forment 
un vaste genre qui a donné son nom à la famille des 




353. — Morelle. 

Solanées, et se compose d'espèces très différentes d'as- 
pect. Ce sont tantôt des herbes annuelles ou vivaces, 
tantôt des arbrisseaux soit dressés soit sarmenteux. 
Mais une section se distingue entre toutes par les ai- 
guillons qui recouvrent la tige. De ce nombre est une 
plante de Palestine localisée dans les endroits les plus 



1281 



MORELLE — MORIAH (TERRE DE) 



1282 



arides autour de Jéricho et sur les bords de la mer 
Morte. C'est un arbrisseau d'aspect blanchâtre à cause 
du duvet qui recouvre toutes ses parties. Les rameaux 
sont chargés d'épines courtes, recourbées, à base élar- 
gie et comprimée, d'abord velues, puis glabres. Les 
feuilles pétiolées ont un limbe ovale, à base obliquement 
cordiforme, superficiellement ondulé-crénelé. Les fleurs 
disposées en cymes extra-axillaires ont une corolle 
bleu-pourprée trois fois plus longue que le calice. Elles 
demeurent stériles, à l'exception d'une seule à la base 
de l'inflorescence qui produit une baie globuleuse delà 
grosseur d'une cerise. Les fleurs du sommet ne portent 
que des étamines à anthères conniventes et s'ouvrant 
par un pore apicilaire. Linné l'avait appelé Solanum 
sanctum, devenu S. Hierochontinum pour Dunal; c'est 
encore le S. coagulans de Forskal (fig. 353). F. Hy. 

II. Exégèse. — Le hédéq se présente deux fois dans 
la Sainte Écriture, Prov., xv, 19, et Mich., vu, 4. Dans ces 
deux endroits il est pris comme terme de comparaison : 

Le chemin du paresseux est comme une haie de hédéq, 
Mais le sentier des hommes droits est aplani. 

(Prov., xv, 19.) 
Michée, après avoir remarqué que les hommes de 
bien ont pour ainsi dire disparu du pays de Juda, ajoute, 
vu, 4 : 

Le meilleur d'entre eux est pareil au hédéq, 
Le plus droit est pire qu'une haie de ronces. 

Le contexte, les versions, les commentaires rabbi- 
niques s'entendent à voir dans le hédéq, une épine. 
Mais quelle espèce particulière? Ni le contexte, ni les 
versions ne l'indiquent. Si les docteurs juifs sont 
d'accord pour chercher une espèce particulière d'épine, 
ils la déterminent de façon très diverse. Plus communé- 
ment et à juste raison on rapproche le hédéq hébreu 
du jjJia., hadaq, arabe, 0. Celsius, Hierobotanicon, 
Amsterdam, 1748, t. il, p. 40. C'est une plante épineuse 
de la famille des Solanées; en Palestine et en Arabie 
on donne le nom de hadaq au Solanum coagulans de 
Forskal, le même que le Solanum Sanctum de Linné. 
On le trouve dans la vallée du Jourdain, et autour de 
la mer Morte. Ibn El Beithar, Traité des Simples, dans 
Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque 
nationale, t. xxm, l re partie, 1877, p. 424, applique 
aussi ce nom de hadaq au Solanum cordatum de 
Forskal : s C'est le nom arabe que l'on donne, à Jéru- 
salem et dans les environs, à une espèce d'aubergine 
sauvage qui croit à Jéricho et dans toute la vallée du 
Jourdain. Elle porte des piquants recourbés. Le fruit 
d'abord vert, passe ensuite au jaune. Son volume est 
celui d'une noix et sa forme celle d'une aubergine, et 
il en est de même des feuilles et des branches. Il en 
est de même dans le Yémen, où cette plante est pareil- 
lement connue. Il en est une autre espèce moins grande, 
très épineuse, à feuilles petites, à rameaux grêles, s'éle- 
vant à la hauteur d'une coudée. » Les Arabes lui donnent 
le nom de chardon du scorpion. — Si les Septante au lieu 
de traduire par épine dans Michée, vu, 4, ont rendu par 
«ri)! èxTpu>Y<»v, tinea comedens, le mot hébreu, c'est 
qu'à la place de la leçon actuelle pins, hehédéq, sicut 
spina, ils ont dû lire apnns, hehârôqêb, comme l'ani- 
mal qui ronge (fait tomber en pourriture) les arbres. 

E. Levesque. 

MORIAH (hébreu : Môriyâh), nom, dans l'hébreu, 
d'une contrée et d'une montagne de la Palestine. Gen., 
ïsii, 2; II Par., ni, 1. La Vulgate ne mentionne que la 
montagne, Moria. II Par., m, 1. 

A. MORIAH (Terre de) (hébreu 'érés ham-Môriyâh; 
Septante; t) yîi r, 0<j«iXir); Vulgate : terra visionis), con- 
trée de la Palestine, où se trouvait la montagne sur 
laquelle Abraham devait immoler Isaac. Gen., xxii, 2. 
L'embaçras des versions pour rendre le mot n»"ia, 

DICT. DE LA BIDLE. 



Môriyâh, montre combien il est difficile d'en découvrir 
la véritable élymologie. Les Septante, en le traduisant 
par û<!/ï]Xyj, semblent avoir lu dTid, tndrôtn, « élevé. » 

7 

Certains auteurs prétendent qu'ils l'ont plutôt rattaché 
à la racine nui, râ'âh, « voir, » dont le participe fémi- 

TT 

nin hophal rwra, mor'âh, correspondant à « ce qui est 

T : t 

visible de loin », équivaut à « une chose élevée ». Cf. Ro- 
senmûller, Scltolia m Vêtus Testamentum, Gen., 
Leipzig, 1821, p. 369. De même Aquila, en mettant 
TcaTaçavî), « apparent, évident, » le rapproche de nui, 

« voir, » selon les uns, de i^n, 'ôr, n briller, » selon les 
autres. On reconnaît la racine nui, râ'âh, dans le Pen- 

T T 

taleuque samaritain, nNTian, que la version sama- 
ritaine rend par nnnn, « vision; » dans Symmaque : 
tîjç àmaaioa; dans la Vulgate : visionis. Le Targum 
d'Onkelos : Nanbis nna, 'ar'dh fûlhdnâh, t terre du 

t t: t ; - 

culte » ou « de l'adoration », et la version arabe ^.l 
S^LoJ\, 'arol el'-abâdat, qui a le même sens, supposent 
la racine NT, yârê', « craindre, honorer. » La version 

"T 

syriaque : jLtiâJto)) )■&)> « la terre des Amorrhéens, » 
a lu nbk*n, hâ-'Émôri, au lieu de nnsn, ham-Môriyydh. 

• v:t t • - 

Les Amorrhéens étaient la plus importante des tribus 
qui occupaient la Palestine avant l'arrivée des Israélites. 
Il semble que pour l'auteur sacré lui-même, Môriyâh, 
est un dérivé de râ'âh, puisqu'il dit au t- 14 •: « Abra- 
ham appela le nom de ce lieu Wi> niïrt, Yehovâh ir'éh, 

Jéhovah voit, » c'est-à-dire « pourvoit » ou « pourvoira », 
allusion à la réponse faite par le patriarche à son fils, 
demandant où était la victime, i. 8. La difficulté est 
d'expliquer grammaticalement la formation de ce mot, 
qui devrait être, avec le participe hophal, n>n>no, Mor'éh 

Yâh, çavepwBetç Kùpio{, et, avec le substantif « vision », 
~» rwiD, Mar'êh Yâh, « vision du Seigneur. » Quelques 

t " : - 

auteurs cependant expliquent et admettent cette contrac- 
tion. Cf. Rosenmûller, Scholia in Genesim, p. 369. 
Gesenius, Thésaurus, p. 819, suppose que l'étymologie 
première se rattache plutôt à la racine ma, mârâh, dont 

T T 

Môriyyâh serait le participe féminin, avec la significa- 
tion de « réfractaire, résistant », c'est-à-dire « citadelle, 
sommet de montagne ». C. J. Bail, The Book of Gene- 
sis, Leipzig, 1896, p. 74, conclut ainsi : « En tout cas, n>, 

T 

Yâh, ne peut être le nom divin, qui ne se trouva jamais 
dans les noms de lieu, et comme l'ethnique na, nna, 
est inconnu, on est tenté de croire avec Bleek que la 
leçon originale était man y^ N , 'erés ham-Môréh, « la 

terre » ou a la chênaie de Môréh » (près de Sichem, 
Gen., xn, 6; Jud., vu, 1), qui aura été altérée plus tard 
intentionnellement à cause du Temple samaritain. Mais, 
en somme, nous préférons la leçon ou conjecture de la 
version syriaque (terre des Amorrhéens), malgré l'allu- 
sion évidente des j. 8 et 14 à l'étymologie de Môriyâh. » 
On voit que le problème est loin d'être élucidé. 

La situation de celte « terre de Moriah » n'est pas plus 
facile à déterminer. La montagne du sacrifice n'était 
qu'une des montagnes de ce pays. Le texte sacré n'en 
donne pas le nom ; il nous dit seulement que s le troi- 
sième jour [depuis son départ de Bersabée], Abraham, 
levant les yeux, aperçut l'endroit au loin ». Gen., xxir, 
4. L'indication est trop vague pour qu'on puisse même 
hasarder des conjectures. La tradition juive a identifié 
le lieu de l'immolation avec le mont Moria ou la colline 
du Temple, à Jérusalem. Ce n'est qu'une tradition rela- 
tivement tardive et qui n'a rien de certain. Voir Moriah 2. 
On a pensé aussi, comme nous venons de le voir, que 
la contrée de Moriah pouvait être celle où se trouvait 
« la chênaie de Moréh », m"in fibN 'êlôn Môréh, c'est-à- 

IV. - 41 



1283 



MORIAH (TERRE DE) — MORS 



128£ 



dire près de Sichem. Gen., xn, 6. Les Septante ont 
rendu Môréh et Môriijâh par le même mot, û'^lXr,. 
C'était le premier endroit où Abraham avait planté sa 
tente en arrivant dans la terre de Chanaan, là qu'il fut 
favorisé d'une apparition divine et qu'il éleva un pre- 
mier autel au Seigneur, Les Samaritains d'aujourd'hui 
vénèrent encore sur le Garizim l'endroit où, d'après eux, 
Abraham fut appelé à faire son sacrifice. Il y a à cela 
une grave difficulté, c'est la distance considérable qui 
existe entre Bersabée et Sichem. A. Legendre. 

2. MORIAH (MONT) (hébreu har ham-Môriyàh ; Sep- 

tante:8p<KToO 'Au.wpia; Vulgate: mons Moria), colline de 

Jérusalem, sur laquelle Salomon bâtit le Temple. II Par., 

III, 1. C'était, ajoute le texte, le lieu préparé par David 

.sur l'aire d'Oman le Jébuséen. II Reg., xxiv, 18-25; 

I Par., xxi, 18-28. Elle se trouvait au nord-est de la 
ville sainte. Voir Jérusalem, t. m, col. 1317, et Temple. 
— Une tradition dont Josèphe, Ant. jud., I, xm, 1, 2; 
VII, xm, 4, est déjà l'écho manifeste, et qui a été à peu 
près universellement acceptée jusqu'à présent, identifie 
le mont Moria avec la montagne de « la terre de Moriah », 
sur laquelle Abraham devait immoler son fils. Gen., 
xxii, 2. Voir Moriah 1. Le Targum d'Onkelos fait allu- 
sion à cette croyance dans sa paraphrase de Gen., xxn, 
14, lorsqu'il fait dire au patriarche que les générations 
futures viendront adorer en ce lieu, parce que lui-même 
y a adoré Jéhovah. Le Targum de Jérusalem, de son 
côté, parle de « la montagne de la maison du sanctuaire 
de Jéhovah » où Abraham offrit son fils Isaac. Comment 
se fait-il cependant qu'on ne rencontre aucun vestige de 
cette tradition chez les écrivains de l'Ancien et du Nou- 
veau Testament? Si la croyance qui se révèle dans les 
dernières années de l'histoire juive a ses racines dans 
une croyance plus ancienne, il est singulier qu'on n'y 
fasse aucune allusion dans les récits détaillés qui con- 
cernent le lieu sacré : par exemple, l'érection de l'autel 
primitif par David, II Reg., xxiv, 25; I Par., xxl, 26; la 
construction du Temple par Salomon, III Reg., vi; 

II Par,, m; sa réédification après la captivité et sa puri- 
fication sous les Machabées. Ni les prophètes, ni l'auteur 
de l'Épître aux Hébreux, ni les orateurs ou écrivains 
qui se plaisent à mettre en relief les origines religieuses 
de la nation, n'ont mentionné ce rapport entre le sacri- 
fice de leur père et le lieu privilégié de leur culte. 
Comment, d'autre part, accorder cette tradition avec le 
récit de la Genèse? La colline de Moria, sans monu- 
ments, perdue au milieu de celles qui environnent Jéru- 
salem, ne pouvait être visible de loin. Cf. Gen., xxii, 4. 
Ces arguments suffisent pour montrer ce qu'il y a de 
fragile dans cette opinion. A. Legendre. 

MORIN Jean, théologien catholique, né à Blois en 
1591, mort à Paris le 28 février 1659. Appartenant à une 
famille protestante, il fut envoyé à Leyde pour y ter- 
miner ses études. Les discussions de ses coreligionnaires 
sur leurs doctrines firent naître des doutes dans son 
esprit, et de retour à Paris, il fut amené à l'Église ca- 
tholique par le cardinal du Perron. 11 entra alors dans 
la congrégation de l'Oratoire et en 1635 accompagna la 
reine Henriette en Angleterre. Urbain VIII en 1640 
l'appela à Rome pour travailler à un projet de réunion 
des Grecs et des Latins. Mais au bout de neuf mois un 
ordre de Richelieu le fit revenir en France. De ses nom- 
breux écrits nous ne citerons que les suivants : Exercita- 
tiones ecclesiasticœ in utrumque Samaritanorum Pen- 
tateuchutn, de illorum reli-gione et moribus.,., in-4°, 
Paris, 1631 ; Exercitationes Biblicse de hebrsei grsecique 
textus sinceritate, germana LXX interpretum transla- 
tions dignoscenda, illiusque cum Vulgata conciliatione, 
in-4°, Paris, 1633; Diatribe elenctica de sinceritate 
hebrsei grœcique textus dignoscenda et animadver- 
eiones in censurant Exercitationum ad Pentateuchum 



Samaritanum, in-8°, Paris, 1639. Jean Morin publia en 
outre BibiiaLXX interpretum grxco-latina,3in-{", Pa- 
ris, 1628 : il y a joint les notes de Nobilius, Il donna une 
traduction du Pentateuque samaritain pour la Poly- 
glotte de Le Jay. — Voir [M. Constantin], Sviographia 
vitse ]. Morini Blesensis, congregalionis Oratorii pres- 
byteri, in-4", Paris, 1660; Nicéron, Mémoires pour l'his- 
toire des hommes illustres, t, ix, p. 90 ; Dupin, Biblioth. 
des auteurs ecclésiastiques du xvip siècle, 2 e p., p. 250; 
Richard Simon, Hist. critique du Vieux Testament, 
p. 464; A. Ingold, Essai de bibliographie oratorienne. 
1880, p. 112. B. Heurtebize. 

MORING Gérard, théologien catholique belge, né à 
Bommel, dans la province de Gueldres, mort à Saint-Tru- 
don, le 9 octobre 1556. Il fut docteur et professeur de 
théologie à l'université de Louvain, ensuite chanoine et 
curé de Saint-Trudon, qui appartenait à l'ordre des 
bénédictins, à Saint-Trond, dans le diocèse de Liège; 
il remplit ces dernières fonctions jusqu'à sa mort. Il a 
laissé plusieurs ouvrages, parmi lesquels : Commenta- 
rius in Ecclesiasten, in-8°, Anvers, 1533. 

A. Régnier. 

MORS (hébreu : métég, résén; Septante : ^aXtvcîç, 
kï)u.<Sî ; Vulgate : camus, frenum), pièce de métal qu'on 




354. — 1. Mors égyptien, probablement en bronze et en cuir. 

D'après R. ZschiUe et Forrer, Pferdetrense, pi. i, fig. 18. 

D'après une sculpture égyptienne, vers 1400 av. J.-C. 
2-6. Mors assyriens, bas-reliefs sculptés en pierre, pi. Il, fig. 18- 

22. Les n. 21 et 22 se trouvent au British Muséum. Entre 800 

et 5O0 av. J.-G. 
7. Mors romain de Pompéi en bronze. PI. v, flg. 5. Musée de 

Naples, i" siècle avant J.-C. 

passe en travers de la bouche du cheval et sur les extré- 
mités de laquelle on tire pour le diriger. — Les monu- 
ments figurés montrent les chevaux menés parfois à 
l'aide d'une simple bride. Voir t. H, fig. 218, col. 620; 
fig. 250, col. 680; fig. 430, col. 1151; t. m, fig. 104, 



1285 



MORS 



MORT 



1286 



col. 432. Le plus souvent, les chevaux sont pourvus d'ut 
mors. La forme du mors ne parait pas différer sensible- 
ment chez les anciens peuples, Égyptiens, voirt. i, fig. 226s 
col. 903; t. il, fig. 193, col. 566; Assyriens, voir t. i, 
fig. 228, col. 904; fig. 229, col. 905; fig. 235, col. 908; 
t. n. fig. 91, col. 304; fig. 195, col. 569; fig. 674, col. 1997; 
Héthéens, voir t. m, fig. 143, col. 673; Perses, voir t. n, 
fig. 197, col. 573; fig. 481, col. 1307; Cypriotes, voir 
t. Il, fig. 194, col. 568; Romains, voir t. I, fig. 381, 
col. 1283, etc. Une bride ne pouvait suffire, en effet, 
pour maîtriser des chevaux fringants. Les deux mots hé- 
breux, métég, résén, s'appliquent à la fois à la bride et au 
mors. Yoir Harnais, t. m, col. 432. Le mors sert à diri- 
ger le cheval, le mulet et l'âne. Ps. xxxii (xxxi), 9; Prov., 
xxvi, 3; Zach., xiv, 20; Il Mach., x, 29; Jacob., m, 3; 
Apoc, xiv, 20. Au figuré, Dieu met le mors aux lèvres 
de Sennachérib, pour le faire retourner dans son pays. 
IV Reg., XIX, 28; Is., xxxvil, 29. Ce passage fait allusion 
à un usage barbare des rois d'Assyrie qui mettaient un 
mors aux lèvres des ennemis vaincus. Le père de Sen- 
nachérib, Sargon, s'est fait représenter à Khorsabad te- 
nant ainsi un captif auquel il crève les yeux avec sa 
lance. Voir t. i, fig. 158, col. 637. Ézéchiel, xxix, 4, dans 
sa prophétie contre l'Egypte, dit que Nabuchodonosor 
traitera de la même manière le roi de ce pays. Asar- 
haddon avait infligé ce supplice au pharaon Tharaca. 
Voir t. n, fig. 620, col. 20H, et une autre figure sem- 
blable, t. n, fig. 601, col. 1914. Ézécbiel, xxxvm, 4, prédit 
aussi le même châtiment à Gog, roi des Scythes. Dieu 
lui-même est comme un mors entre les mâchoires des 
peuples, afin de les conduire où il veut. Is., xxx, 28. 
Rejeter le mors ou le frein, c'est ne garder aucune rete- 
nue. Job, xxx, 11. Il faut mettre un frein à sa bouche pour 
parler avec sagesse. Eccli., xxvin, 29. Voir R. Zschille 
et R. Forrer, Die Pferdetrense, in-f», Berlin, 1893. 

H. Lesêtrë. 

MORT (hébreu: mâvét; Septante : ôivaToç; Vulgate: 
mors), séparation de l'âme immortelle d'avec le corps 
périssable. 

I. Introduction de la mort dans l'humanité. — 
1° Puisque Dieu menace l'homme de la mort comme 
d'un châtiment qui doit l'atteindre s'il désobéit, il s'en- 
suit que la mort n'eût pas atteint l'homme s'il n'avait 
pas désobéi. On conçoit très bien que le corps de l'homme, 
uni à une âme immortelle, eût pu rester indéfiniment 
uni à cette âme. Sans doute, sa nature matérielle le 
soumettait aux transformations et aux détériorations 
qu'impose aux corps ordinaires leur rôle actif ou pas- 
sif. Mais l'âme pouvait parfaitement être douée par Dieu 
d'une torce telle, qu'elle maintînt le corps dans une vie 
indéfinie, en réparant continuellement ses éléments 
usés; et l'homme tout entier, après un temps plus ou 
moins long passé sur la terre, pouvait ensuite être trans- 
porté dans son séjour définitif, où son âme et son corps 
auraient été soustraits à toute cause de déchéance. Tel 
fut certainement le dessein primitif de Dieu. Cf. S. Au- 
gustin, De Gènes, ad KM., ix, 6, t. xxxiv, col. 396. S'il 
en eût été autrement, la menace de mort intimée à 
l'homme n'aurait plus eu de sens. La restreindre seu- 
lement à une mort spirituelle répugne à tout l'ensemble 
du récit, dans lequel un châtiment corporel doit cor- 
respondre à la part prise par le corps à la faute com- 
mise. D'ailleurs la mort corporelle est un châtiment 
beaucoup plus encore pour l'âme que pour le corps, 
puisque c'est l'âme qui prévoit, craint et souffre tout ce 
qui se produit de mauvais dans le corps. 

2° La répugnance invincible de l'homme pour la mort 
indique assez formellement que celle-ci ne lui est pas 
naturelle, et qu'une cause accidentelle l'a introduite 
dans l'humanité. L'animal, avec sa nature inférieure, 
n'a pas la crainte de la mort, qu'il ne prévoit pas ; la 
mort n^est donc pas pour lui un châtiment. D'autre 
part, le principe vital qui anime son corps, pas plus que le 



principe végétal qui fait vivre la plante, ne sont néces- 
sairement immortels et ne répugnent à une dissolution 
définitive. Ilspeuventdoncdisparaltreen même temps que 
lecorps,sans que la constitution naturelle des êtres en soit 
atteinte. L'âme de l'homme, au contraire, est créée pour 
animer un corps. La séparation d'avec le corps constitue 
donc pour elle un état violent, contre nature, et cet état 
ferait à jamais de l'âme un être anormal, si Dieu ne 
lui rendait son corps à un moment donné, ou s'il ne 
modifiait essentiellement la nature de l'âme immortelle. 
Cette modification n'aura pas lieu ; c'est le corps qui, 
après la résurrection, sera rendu à l'âme. L'état du Sau- 
veur, vivant après sa résurrection avec son âme et son 
corps réunis ensemble à jamais, est l'indication et la 
preuve de ce que Dieu veut faire un jour pour l'homme. 
3" La nature accidentelle de ,1a mort pour l'homme 
est formellement enseignée dans plusieurs passages de 
la Sainte Écriture. Dans la Genèse, n, 17; m, 3, Dieu 
annonce à l'homme que, s'il mange le fruit défendu, il 
« mourra de mort », c'est-à-dire mourra très certaine- 
ment. Adam et Eve purent se faire une certaine idée de 
ce que serait la mort pour eux, en voyant des animaux 
mourir sous leurs yeux. Ils se rendirent compte que 
leur corps, privé de la vie que l'âme lui communiquait, 
deviendrait subitement inerte, sans mouvement ni sen- 
timent, et serait bientôt saisi par la corruption. La sen- 
tence divine : « Tu es poussière et tu retourneras en 
poussière, ». Gen., m, 19, leur fit comprendre encore 
mieux ce que serait la mort. La parole : « Au jour où tu 
en mangeras, tu mourras, » Gen., n, 17, n'entraîna pour- 
tant pas l'exécution immédiate de l'arrêt, soit que le mot 
« jour » doive être pris ici dans un sens très large, soit 
que Dieu, dans sa miséricorde et pour l'accomplisse- 
ment de ses desseins ultérieurs, ait voulu accorder un 
long sursis à l'homme coupable. — L'auteur de la Sa- 
gesse, i, 13, 14, dit que « Dieu n'a pas fait la mort et 
ne prend pas plaisir à la perte des êtres vivants, mais 
qu'il a tout créé pour subsister et les générations du 
monde pour se conserver, qu'il n'y a pas un principe 
d'extermination en elles ni une domination de l'Adès 
sur la terre ». Ce passage est expliqué clairement par 
un autre : « Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, 
içOspoia, il l'a fait à l'image de son propre être, -ni; 
iBîac ifitÔTïiTOi;, et c'est par l'envie du diable que la 
mort est entrée dans le monde. » Sap., n, 23, 24. Si 
Satan n'avait pas tenté l'homme, ou si l'homme n'avait 
pas succombé à la tentation, la mort n'aurait donc pas 
atteint l'humanité. On ne peut pas dire qu'il s'agit seu- 
lement ici de la mort spirituelle, car c'est à « l'homme » 
et non à « l'âme » que l'auteur sacré attribue l'incorrup- 
tibilité originelle. — Notre-Seigneur fait allusion à la 
manière dont la mort a été introduite dans l'humanité 
quand il dit aux Juifs qu'ils tiennent de leur père, le 
diable, « homicide dès le commencement. » Joa., vin, 
44. Or, c'est de la mort corporelle qu'il est question, 
comme l'indique une des paroles qui précèdent :« Vous 
cherchez à me mettre à mort. » Joa., vin, 37. — Saint 
Paul explique très explicitement que « le péché est entré 
dans le monde par un homme, et par le péché la mort », 
Rom., v, 12; que les autres « sont morts par le péché 
d'un seul », Rom.j v, 12, 15; que « le salaire du péché, 
c'est la mort », Rom., vi, 23, non seulement la mort spi- 
rituelle, causée immédiatement par l'acte même du pé- 
ché, mais la mort corporelle, qui s'impose ensuite comme 
conséquence plus ou moins lointaine, « même à ceux 
qui n'ont pas péché par une transgression semblable à 
celle d'Adam. » Rom., v, 14. Saint Paul appelle la mort 
l'aiguillon du péché, I Cor., xv, 56, ce qu'on peut en- 
tendre en ce sens que le péché pousse la mort contre 
l'homme comme l'aiguillon excite la bête de somme. 
Ainsi le comprend saint Augustin, De peccat. merit. et 
remis., ni, 11, t. xliv, col. 197 : « C'est l'aiguillon qui fait 
la mort, et non pas elle qui le fait. Nous mourons par le 



1287 



MORT 



1288 



péché, ce n'est pas par la mort que nous péchons, s — 
Enfin, « il a été décrété pour les hommes qu'ils ont à 
mourir une fois. » Heb., ix, 27. La mort ne résulte donc 
pas d'une loi naturelle, mais d'un décret positif, qui 
aurait pu n'être pas rendu. 

II. Différents genres de mort. — 1° La mort la plus 
naturelle est celle qui est la conséquence de l'âge. Voir 
Vieillesse. — 2» Beaucoup meurent accidentellement 
par suite de maladies diverses. Voir Maladie, col. 611. 
— 3° Un grand nombre périssent de mort violente, vic- 
times d'accidents fortuits, comme ceux que tuent des 
animaux furieux, Exod., xxi, 28, 29, etc., frappés par 
une main criminelle, voir Homicide, t, m, col. 742, 743; 
tombant à la guerre, voir Guerre, t. m, col. 362 ; em- 
portés par la violence des forces naturelles, comme au 
déluge, Gen., vu, 21; àSodome, Gen.,xix, 25; à la mer 
Rouge, Exod., xiv, 28, etc. ; ou par l'effet de la vengeance 
divine, comme les premiers-nés des Égyptiens, Exod. , xn, 
29; Coré, Dathan et Abiron, Num., xvi, 32; les soldats 
envoyés à Élie, IV Reg., i, 10, 12, etc. — 3° Il en est 
qui, pour certains crimes, sont mis à mort par la justice 
des hommes. Voir Supplices. — 4° Les Hébreux croyaient 
qu'on ne pouvait voir Dieu ou son ange sans mou- 
rir aussitôt. Gen., xxxii, 30; Jud., vi, 22; xm, 22. De 
là l'effroi dont étaient saisis ceux qui étaient favorisés 
d'une apparition surnaturelle. Tob., xn, 17, Luc, i, 13, 
30, etc. Dieu avait dit à Moïse : « Personne ne peut me 
voir et rester vivant, » Exod., xxxm, 20; et quand il 
l'appela sur le Sinaï, il déclara que même celui qui 
toucherait la montagne mourrait. Exod., xix, 12, 22. Cette 
cause de mort fut peu fréquente; elle alteignit cepen- 
dant les Bethsamites qui regardèrent l'arche d'alliance, 
I Reg., vi, 19, 20, Oza qui la toucha, II Reg., vr, 6, 7, etc. 

En dehors de ces cas particuliers dans lesquels la 
mort apparaît comme la conséquence d'une transgres- 
sion positive, la croyance que la vue de Dieu ou de son 
envoyé faisait mourir n'était pas fondée. Tout d'abord, 
il n'a jamais été possible à l'homme de voir Dieu direc- 
tement. Exod., xxxm, 20; Joa., 1, 18. Quant aux anges, 
ses envoyés, leur vue n'a été mortelle ni à Abraham, 
Gen., xvm, 1-10, ni à Tobie, xn, 17, ni à Zacharie, 
Luc, i, 13, ni à tant d'autres qui ont été favorisés de 
leurs apparitions. Seulement, sous la loi de crainte, 
l'homme se rappelait toujours la sentence de mort por- 
tée par Dieu en personne contre les premiers parents, 
et, par une association d'idées que. ce souvenir lui impo- 
sait et dont la loi de grâce devait seule triompher, il 
s'imaginait que Dieu ne pouvait guère intervenir visi- 
blement que pour exercer une justice rigoureuse. Aussi, 
quand ils apparaissent, les anges commencent-ils habi- 
tuellement par rassurer ceux auxquels ils sont envoyés. 
Jud., vi, 23; Tob., xn, 17; Dan., x, 19; Luc, i, 13; h, 
-10; Apoc, I, 17, etc. Dans les manifestations extraor- 
dinaires de sa puissance divine, Notre-Seigneur rassure 
•de même ses Apôtres, qui sont sous l'empire du préjugé 
commun. Matth., xvn, 7; xxvm, 10; Marc, v, 36; vi, 
.50; Luc, xxiv, 36; Joa., vi, 20. L'ange Gabriel, en pa- 
raissant devant Marie, lui dit aussi de ne pas craindre. 
Mais l'évangéliste marque expressément que, si la Sainte 
Vierge est troublée, c'est uniquement à cause des pa- 
Toles de l'ange. Luc, I, 29-30. La crainte de la mort est 
donc étrangère au sentiment qui anime Marie. 

III. Les hommes en face de la mort. — 1° Ce que 
David dit de lui-même, dans un péril particulier, peut 
•s'appliquer à tout homme : « Il n'y a qu'un pas entre 
moi et la mort. » I Reg., xx, 3. La mort est commune à 
-tous, Eccli., jx, 20, elle approche sans cesse, Eccli., xi, 
20, et ne saurait tarder. Eccli., xiv, 12. Elle dépend du 
Seigneur, Ps. lxviii (lxvii), 21 ; Sap., xvi, 13, qui envoie 
la vie ou la mort à son gré. I Reg., h, 6. Il viendra 
prendre la vie comme un voleur, Luc, xji, 39; J Thess., v, 
2; II Pet., m, 10; Apoc, m, 3; xvi, 15, au moment où 
iparfois l'on se promettra de longs jours. Luc, xu, 19- 



20. La mort entre par les fenêtres, Jer., ix, 21, c'est-à- 
dire du côté où elle n'est pas attendue. Elle sépare de 
tout. « Est-ce donc ainsi que sépare la mort amère? » 
dit à Samuel le roi amalécite Agag, dans la Vulgate. 
I Reg., xv, 32. La pensée est juste; mais, dans le texte 
hébreu, Agag dit seulement : « Voici que l'amertume 
de la mort est passée, » s'imaginant que le prophète va 
l'épargner. Cette perspective de l'abandon des choses de 
ce monde rend la pensée delà mort amère, Eccli., xli, 
1, tandis qu'au contraire son arrêt semble bon à ceux 
qui n'ont ici-bas que privations et misères. Eccli-, xli, 
3; cf. Eccle., vu, 2; Eccli., xxx, 17. — 2° Comme la 
mort ouvre à l'homme un avenir nouveau, la mort est 
appelée bonne ou mauvaise, selon la nature de l'avenir 
auquel elle conduit. La mort des justes est désirable. 
Num., xxiii, 10. La mort de ceux qui aiment Dieu a du 
prix à ses yeux, Ps. cxvi (cxv),15, et ceux qui meurent 
dans le Seigneur, c'est-à-dire en grâce et en amitié 
avec lui, sont bienheureux. Apoc, xiv, 13. Les impies 
au contraire ont beau s'imaginer qu'ils peuvent faire un 
contrat avec la mort, pour qu'elle les épargne encore. 
Is., xxvm, 15, 18. Ils se font illusion et leur mort est 
pire que tout. Ps. xxxiv (xxxm), 22; Eccli., xxvm, 25. 
Le livre de la Sagesse fait un tableau saisissant de la 
mort du juste et de celle du pécheur, ainsi que du sort 
qui attend l'un et l'autre dans la vie future. Sap., h, 
1-v, 24. — 3° Pour marquer le caractère transitoire de 
la mort, Notre-Seigneur, Joa., xi, 11, 12, et les Apôtres, 

I Cor., vu, 39; xi, 30; xv, 6, 18, 20; I Thés., iv, 12, 14; 

II Pet., m, 4, l'appellent un sommeil. 

IV. La mort au sens figuré. — 1» Plusieurs expres- 
sions métaphoriques se rapportent à la mort naturelle. 
Celui qui est digne de mort est appelé « fils de mort ». 

I Reg., xx, 31; xxvi, 16; II Reg., xn, 5; III Reg., h, 
26. « Le premier-né de la mort, » Job, xvm, 13, est 
probablement l'ange qui amène la mort, dont il est comme 
le premier ministre. Cf. Ps. lxxxix (lxxxviii), 28; Heb., h, 
14. Les « portes de la mort », Job, xxxvhi, 17; Ps. ix, 
15; Sap., xvi, 13; les « traits de mort », Ps. vu, 14; les 
« lacets de la mort », II Reg., xxii, 6; Ps. xvm (xvn), 
6; Prov., xxi, 6; les « douleurs de mort », Ps. xvm 
(xvn), 5; les « terreurs de mort », Ps. lv (liv), 5; 
cxv (cxiv), 3; la « tristesse jusqu'à la mort », Eccli., 
xxxvii, 1; Matth., xxvi, 38; Marc., xiv, 34, etc., repré- 
sentent les diverses causes qui mènent à la mort. « Goû- 
ter la mort, » Luc, ix, 27; Joa., vin, 52; Heb., n, 9, 
et « descendre dans la mort », Prov., v, 5, c'est mou- 
rir. La « réponse de mort », tô im5xpi|ia toû GavoreoO, 

II Cor., I, 9, est l'arrêt de mort auquel il faut s'at- 
tendre. Dans l'Apocalypse, vi, 8, la mort estpersonniûée 
par un cavalier monté sur un cheval pâle. — 2» Assez 
souvent la mort désigne, non plus la séparation de 
l'âme et du corps, mais la privation de tout ce qui peut 
contribuer au véritable bonheur, en ce monde ou en 
l'autre. Ainsi le péché, qui prive de l'amitié de Dieu, 
«mène la mort. Prov., xi, 19. Les chemins tortueux du 
mensonge et du vice conduisent à la mort. Prov., xn, 
28; xiv, 12; xvi, 25; Sap.,i, 12. Au contraire, la justice, 
Prov., x, 2; xi, 4, et l'aumône, Tob., xii, 9, délivrent de 
la mort. Les « ombres de la mort », si souvent men- 
tionnées dans la Sainte Écriture, désignent soit le mal- 
heur qui pèse lourdement sur quelqu'un, Job, m, 5; X, 

21, 22; xn, 22; xxiv, 17; xxvm, 3-; xxxiv, 22, soit celui 
qui menace, Ps. xxiii (xxii), 4; xliv (xun), 20; lxxxviii 
(lxxxvii), 7; cvn (cvi), 10, soit la condition malheureuse 
de ceux qui vivent privés de la vérité, de la vertu et du 
salut. Is., ix,2; Jer., xm, 16; Matth., iv, 16; Luc, 1,79. 
— 3» D'autres fois, il s'agit de la mort spirituelle, de 
cellequi atteint l'âme dans son unionavec Dieu. Joa. ,vr, 
50; XI, 26; I Joa., Hl, 14, etc. Saint Paul appelle son 
corps « un corps de mort », Rom., vu, 24„parce que, 
par ses convoitises, il entraîne l'âmeàla perte de sa vie 
spirituelle. — 4° La « seconde mort », Apoc, il, 11; xx, 



1289 



MORT — MORTE (MER) 



1290 



6, 14; xxi, 8, est la mort éternelle, celle qui frappe à 
jamais l'homme que la mort corporelle, la première 
mort, a saisi en état de mort spirituelle. 

V. Jésus-Christ et la mort. — 1° Si la mort est la 
conséquence du péché, Notre-Seigneur, exempt du péché 
par nature, n'a pas été sujet de la mort. C'est, eu effet, 
ce qu'il déclare lui-même. Personne ne lui ôte la vie, 
il la dépose lui-même, avec le pouvoir de la reprendre 
comme il veut. Joa., x, 18. Le prince de ce monde, Sa- 
tan, l'exécuteur delà sentence de mort contre les hommes 
coupables, ne peut rien sur lui. Joa., xiv, 30. C'est donc 
volontairement, sans y être aucunement obligé, que 
Jésus-Christ subit la mort. — 2°' En subissant la mort 



sa constitution et ses eaux des phénomènes dont il est 
intéressant de rechercher la nature et l'origine ; il sus- 
cite daas l'histoire des Hébreux plus d'un problème 
qu'il importe d'étudier. 

I. Noms. — 1» La mer Morte est le plus ordinairement 
appelée, en raison de la qualité de ses eaux, yâm ham- 
mélah, « mer de sel » ou « mer Sal'e »; Septante : \ 
6àXa<r<ra tûv àXûv, Gen., xiv, 3; Je;., xh, 3; xvin, 19; 
8iXa<T<ra âXôj, Jos., m, 16; -^ ba.li<jaar\ àXoxri, Num.,xxxiV, 
3, 12; Deut., m, 17; Jos., xv, 2, 5; Vulgate : mare sa- 
lis, Gen., xiv,3; mare salsissimum, Num., xxxiv, 3, 12; 
Deut., m, 17; Jos., xn, 3; xv, 2, 5 (salsissimum est une 
faute de la Vulgate, Jos., xvi, 8, où il s'agit de la Médi- 





355. — Vue de la mer Morte, prise de 'Ain Djidi (Engaddi). 
D'après le duc de Luynes, Voyage d'exploration à la mer Morte, Atlas, pi. 26. 



et en expiant le péché qui méritait la mort, Jésus-Christ 
ce a détruit la mort ». II Tim., i, 10. Par sa mort, il a 
anéanti celui qui avait la puissance de la mort, c'est-à- 
dire le diable. Heb., Il, 14, 15. Ces paroles signifient 
que, depuis le sacrifice du Sauveur, la mort, dans 
quelque sens qn'on l'entende, ne peut plus exercer 
d'action nuisible contre ceux qui profitent de la rédemp- 
tion. Finalement, la mort sera jetée dans l'étang de feu, 
c'est-à-dire que la mort corporelle et la mort spirituelle, 
unies ensemble, auront abouti sans retour à la mort 
éternelle, Apoc., xx, 14, et, en vertu de la victoire de 
Jésus-Christ, « il n'y aura plus de mort. » Apoc, xxi, 4. 
Voir Morts. H. Lesêtre. 

MORTE (MER) (appelée ainsi dans une glose de 
la Vulgate, Jos., III, 16, mais ordinairement en hébreu: 
yâm ham- j mélah, « mer de sel ; » Septante : î\ bâlaaotx 
tS>v àXûv ou àXuxrj, Gen., xiv,3; Num., xxxrv,3,12, etc.), 
nom usuel du lac méridional de la Palestine, qui reçoit 
les eaux du Jourdain. 11 porte dans la Bible et les au- 
teurs profanes d'autres dénominations; il présente dans 



terranée) ; xviu, 19. — 2» En raison de sa situation dans la 
profonde dépression de l'Arabah, elle est nommée yâm 
hd-'Ardbâh ; Septante : 6aXà<r<ra "Apetêa, Deut., m, 17; 
Jos., m, 16; xil, 3; 6aXâ<ma trie "Apaêô, IV Reg., xiv, 
25; Vulgate : mare deserti, Deut., m, 17; Jos., xii, 3; 
mare solitudinis, Deut., iv,49; Jos., m, 16; IV fieg.,xiv,. 
25, le mot 'Arabah signifiant « plaine, solitude, désert ».. 
— 3° Par opposition à la Méditerranée, elle est dite ydm.- 
haq-qadmônî, « mer orientale; » Septante : t\ 6iXot<r<ja : 
t| npôç àyotToXà; $oivtxûvoç, Ezech., XLVII, 18; 6àXa<r<ra 
rj icpÛTT), Joël, II, 20; Zach., XIV, 8; Vulgate : mare orien- 
tale. — 4° Ézéchiel, xlvii, 8, l'appelle même simplement 
hay-yâm, « la mer, » en la distinguant de « la grande 
mer >>, la Méditerranée, xlvii, 10. — 5° Dans les TaU 
muds, on trouve les deux noms de « mer de sel » et d& 
« mer de Sodome ». Ce dernier, dû à la proximité de la. 
ville de Sodome, se lit également dans le IV e livre: 
d'Esdras, v, 7. Cf. Reland, Palœstina, Utrecht, 1714J. 
t. I, p. 237; A. Neubauer, La géographie du Talmud, 
Paris, 1868, p. 24, 26. — 6° Josèphe la nomme, en rai- 
son de l'asphalte qu'elle contient, « lac Asphaltite, ». 



1291 



MORTE (MER) 



1292 



•fi 'AsçaWTt; ).f|J.vï|, Ant. jud., I, rx; IV, v, 1 ; IX, x, i ; 
Bell, jud., I, xxxiii, 5; III, x, 7; IV, vm, 2; XiVvyj ^ 
àuçoeXtoç^poç. Anf. jud., XVII, vi, 5. Pour lui, comme 
pour le Talmud, elle est aussi t| SoSo^sti; >i'|tvi), « le 
lac de Sodome. » Ant. jud., V, i, 22. — 7° Le nom de 
« trier Morte » semble avoir été mis en usage, chez les 
Grecs, OiXocuua vexpà, par Pausanias, v, 7, et Galien, iv, 
19, et, chez les Latins, par Justin, xxxvi, 3, ou plutôt 
par Trogue Pompée, dont il résume l'ouvrage. Il est 
aussi employé par Eusèbe, Onomaslica sacra, Gœttingue, 
•1870, p. 290, et S. Jérôme, Comment, in Dan., xi, 45, 
t. xxv, col. 574. Il se rencontre dans une glose de la 
Vulgate, Jos., m, 16, et est motivé par l'absence de tout 
être vivant dans les eaux du lac. — 8» Au XII e siècle, le 
géographe arabe Edrisi, Géographie, traduction Jaubert, 
Paris, 1837, t. i, p. 338, la nomme « mer » ou « lac de 
Za'râ (Zoar ou Ségor) », et ajoute qu'elle s'appelait égale- 
ment «c mer de Sàdûm (Sodome) et de Ghâmura (Go- 
morrhe) ». — 9° Enfin les Arabes lui donnent com- 
munément le nom de bahr el-Lûf, « mer de Lot, » 
patriarche, dont Mahomet a reproduit l'histoire dans le 
Coran, et dont le nom est resté pour eux comme insé- 
parable de cette région maudite. Cf. Guy Le Strange, 
Palestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 54, 64. 

II. Description. — 1° Aspect général. — La mer Morte 
représente ordinairement à l'esprit l'image de la déso- 
lation, d'un « lieu d'horreur et de vaste solitude », 
Deut., xxxn, 10, où la nature, devenue l'instrument de 
la justice divine, a gardé l'ineffaçable empreinte de la 
malédiction. Tout contribue à donner cette idée : le 
nom même et les souvenirs qui se rattachent à ce petit 
coin de terre; les crimes des hommes que les éléments 
du ciel, unis à ceux de la terre, punissent par la plus 
. effroyable catastrophe. Il est certain que, si l'on com- 
pare ce lac perdu dans un désert à ceux près desquels 
on va, en France, en Italie et en Suisse, chercher des 
rives enchanteresses, un air pur et la gaieté, on peut 
dire qu'il y a la différence de la mort à la vie. Deux 
murailles lie montagnes dénudées l'enferment à l'est et 
à l'ouest. Fig. 355. Nulle ville sur ses bords, aucun mouve- 
ment de bateaux sur ses flots (un bateau à voiles fait 
aujourd'hui un service assez régulier entre l'embouchure 
du Jourdain et le Kérak), nulle vie dans son sein ; on 
croyait même autrefois que les oiseaux du ciel ne pou- 
vaient s'aventurer au-dessus de ce lac empoisonné sans 
être frappés de mort. C'est faux, mais il n'en est pas 
moins vrai qu'il y a là le silence du désert, presque un 
tombeau. Cependant la première impression n'est pas. 
toujours si triste. Il en est ainsi souvent pour les choses 
dont on s'est fait d'avance un idéal de beauté ou un 
type de laideur. La réalité apporte un correctif à l'idée 
préconçue. Cette nappe d'eau tranquille, dont la limpi- 
dité, sur les bords, vous tenterait d'en boire, brille au 
soleil comme un miroir de cristal. Les crêtes qui l'en- 
tourent se reflètent dans ses flots tantôt bleus, tantôt 
verts, et, sous ies rayons d'une lumière éblouissante et 
pure, les rochers prennent une variété de coloris, du 
rouge sombre à la blancheur éclatante, qui donne au 
tableau un aspect grandiose. L'aridité des montagnes et 
la teinte sévère des rochers nus sont adoucies çà et là 
par des bouquets de verdure, saules, tamaris, acacias, 
qui forment couronne autour des fontaines ou dans 
certains bas-fonds bien arrosés. 

2° Situation; forme; bassin. — La mer Morte est le 
plus bas et le plus considérable des trois lacs qu'entre- 
tiennent les eaux du Jourdain. Elle occupe la partie la 
plus profonde de cette longue et extraordinaire vallée 
qui court depuis les pentes méridionales du grand 
Hermon, au nord, jusqu'au golfe d'Akabah, au sud, et 
qu'on appelle YArabah ou le Ghôr. Voir Arabah, t. i, 
col. 820. Par un phénomène unique sur la' surface du 
globe, son niveau est à 392 mètres au-dessous du ni- 
veau de la Méditerranée et de la mer Rouge. De 



1 forme allongée, elle va directement du nord au sud, 
; avec une légère inclinaison de la pointe septentrionale 
i vers le nord-est. Voir fig. 356. Cette forme serait régu- 
lière, bien arrondie aux deux bouts, si le bassin n'était 
divisé dans sa longueur en deux parties inégales par une 
presqu'île que les Arabes ont appelée d'un nom pitto- 
resque et juste el-Lisân, « la Langue. » C'est, en effet, 
une bande de terre qui se détache de la côte orientale et 
coupe le lac aux deux tiers, projetant à son extrémité 
deux pointes orientées du nord-est au sud-ouest, et for- 
mant avec la rive opposée un détroit large de 4 à 5 ki- 
lomètres. La portion septentrionale est longue de 45 ki- 
lomètres; celle du sud constitue un petit bassin ovale, 
dont nous aurons à étudier la disposition particulière. 
Dans son ensemble, le laça une longueur de 75 kilomè- 
tres et sa plus grande largeur est de 16 kilomètres. Sa su- 
perficie peut être évaluée en moyenne à 920 kilomètres 
carrés. Deux chaînes de montagnes ou de collines le bor- 
nent à l'est et à l'ouest. D'un côté elles tombent à pic 
jusqu'à ses flots, qu'elles dominent de 1000 à 1200 mètres, 
profondément déchiquetées par d'étroites fissures, qui 
servent de passage à de nombreux torrents ; ce sont les 
monts de Moab. De l'autre, elles descendent en plan 
incliné, moins abruptes, mais plus arides, moins pro- 
fondément coupées, mais fendillées aussi par les ouadis 
dont les eaux temporaires courent sur des lits de galets, 
à travers des ravins sauvages; c'est le désert de Juda. 
Ses rives en zigzags longent le pied des falaises, ne 
laissant en certains endroits qu'un peu d'espace où l'on 
puisse cheminer. Au nord et au sud, il se termine par 
deux baies dont la grandeur varie suivant les saisons. 
Au nord-ouest, la montagne se rapproche du rivage, 
avec lequel elle fait un angle aigu. Le sol de la plaine 
est formé d'un lit de cailloux, qui s'élève rapidement, 
et qui est couvert de bois flottés, troncs d'arbres dépouil- 
lés de leur écorce, que le flot a poussés çà et là (fig. 357). 
Le bord de l'eau est marqué par une frange de roseaux qui 
se rétrécit et vient se terminer à un petit cap nommé Râs 
Feschkhah, dont les rochers abrupts plongent dans la 
mer, à une hauteur de 400 mètres environ. Au-dessous 
de ce cap, les roches s'éloignent à l'ouest, et la plaine 
côtière, «'élargissant peu à peu, se rétrécit ensuite jus- 
qu'au Râs Mersed, près duquel on rencontre l'oasis 
d'Aïn Ujidi, l'ancienne Engaddi. Voir Engaddi, t. n, 
col. 1796. Au delà, une longue plaine, élevée de 30 à 
90 mètres au-dessus de la mer, large de 2 à 5 kilomètres, 
court entre les collines stériles et le rivage découpé en 
plusieurs petites baies. A peu près en face de la pointe 
méridionale de la Lisân, les montagnes se rapprochent 
et ne laissent plus qu'un étroit sentier jusqu'au Djébél 
Vsdum. Le long de cette côte occidentale, on trouve un 
certain nombre de sources, les unes fraîches, les autres 
chaudes, plusieurs saumâtres; d'autres sulfureuses, 
citons Aïn Feschkhah, Aïn el-Ghuéir, Aïn Terâbéh; 
AïnDjidi. Les principaux torrents qui descendent à la 
mer sont, du nord au sud, Youadi en-Nâr ou torrent 
de Cédron, Youadi ed-Déradjéh, Youadi el-Aréidjéh, 
Youadi el-Khabera, Vouadi Suféisif, Youadi Nimréh, 
Youadi Hathrurah, Youadi Zuéirah. — La baie méri- 
dionale confine aux marais salins de la Sebkhah, dont 
nous parlons plus loin, et à travers laquelle les deux 
ouadis Djeib et Fiqréh amènent les eaux de l'Arabah et 
des plateaux voisins. Au delà des fourrés de roseaux qui 
bordent le lit de plusieurs ouadis, s'étendent, vers le 
sud-est, les plaines fertiles du Ghôr es-Safiyéh et du 
Ghôr el-Mezra'à. A partir de ce dernier point, les ro- 
chers du plateau de Moab tombent à pic dans la mer, 
et forment une énorme muraille ininterrompue, à tra- 
vers laquelle quelques torrents se sont creusé un lit. 
Les plus importants, qui se déversent dans la mer sur 
celte rive orientale, sont, du sud au nord. Youadi eUHessi, 
l'oMadi Neméirah, Youadi Modjib, l'ancien Arnon (voir 
Arnon, t. i,col. 1020), Youadi Zerqa Ma' in, près duquel 



1293 



MORTE (MER) 



1294 



se trouvent les sources thermales de Callirrkoé (voir 
Calurrhoé, t. h, col. 69), Youadi Anazëh, Voiiadi 
Ghuéir. Enfin l'embouchure du Jourdain est située à 
peu près au milieu de la haie septentrionale, penchant 
du côté de l'est. La mer Morte reçoit ainsi toutes les 
eaux d'une région considérable; son hassin présente un 
développement de 360 kilomètres dans sa longueur, avec 
une largeur qui va jusqu'à 100 kilomètres. Sur le pour- 
tour de la mer Morte, voir 0. Kersten, Umwanderung 
des Todten Meeres, dans la Zeitschrift des Deutschen 
Palàstina Vereins, Leipzig, t. n, 1879, p. 201-244. 

3° Dépression. — Le niveau de la mer Morte, avons- 
nous dit, est de 392 à 393 mètres au-dessous dn niveau 
de la Méditerranée et de la mer Rouge. Ce phénomène 
géologique, unique au monde, n'avait été soupçonné ni 
par les anciens ni par les modernes jusqu'en 1837. Au 
commencement du xix« siècle, en 1806, Seetzen, explo- 
rant à l'ouest et à l'est les bords du lac, disait qu'il serait 
intéressant de savoir la hauteur de sa surface au-dessus 
de la Méditerranée. Cf. U. J. Seetzen, Reisen durch 
Syrien, Palàstina, édit., Fr. Kruse, Berlin, 1854, t. i, 
p. 425. Le premier, il a tracé une assez bonne esquisse 
de la carte. Voir le même ouvrage, à la fin du tome iv, 
la carte n° 2. Mais il n'a eu une connaissance exacte ni 
des dimensions de la mer, dont il exagère la largeur, ni 
de la forme de la Lisân, ni à plusforte raison de la pro- 
fondeur des eaux. C'est H. Schubert, Reise in das Mor- 
genland, Erlangen, 1840, t. m, p. 87, qui, en 1837, a 
fourni la première indication de l'énorme enfoncement 
de la vallée en cet endroit. « Nous ne fûmes pas peu 
étonnés, dit-il, lorsque, déjà près de Jéricho, et encore 
plus sur les bords de la mer Morte, nous vîmes le vif- 
argent de notre baromètre, qui n'était pas construit pour 
une pareille pression, dépasser de beaucoup la limite de 
l'échelle graduée. Nous fûmes obligés d'évaluer à vue 
d'œil la hauteur de la colonne de mercure ; et bien que 
nous eussions fait cette estime aussi juste que possible, 
à cause du résultat si inattendu qui en ressortait, la dé- 
pression de la mer Morte au-dessous du niveau de la Médi- 
terranée se trouva cependant être au moins de 598 pieds 
et demi, ou, en chiffres ronds, 600 pieds français, 
c'est-à-dire environ 640 pieds anglais (195 mètres). Nous 
cherchâmes par tous les moyens imaginables à infirmer 
ce résultat. Nous voulûmes l'expliquer d'abord par une 
perturbation atmosphérique le jour de notre observation ; 
mais le violent orage de la veille aurait fait baisser plu- 
tôt que monter la colonne. Nous rejetâmes ensuite la 
prétendue faute sur le dérangement de notre baromètre 
lui-même, qui avait supporté tant d'épreuves; mais pen- 
dant notre retour à Jérusalem, le mercure revint à la 
même hauteur moyenne qu'avant notre départ pour Jé- 
richo. Ce n'est qu'après mon retour en Bavière et avec 
bien de l'hésitation, que j'osai rendre publique une 
mesure qui bouleversait tant les idées reçues... A peine 
cette publication était-elle faite, que la dépression 
extraordinaire de la mer Morte se trouva confirmée, 
d'abord par M. Beek, puis par M. Bussegger et d'autres 
observateurs; et notre appréciation même, donnée avec 
tant de réserve, resta alors beaucoup au-dessous des 
autres. » En cette même année 1837, MM. Moore et 
Beek purent faire en bateau, pendant deux semaines, 
quelques expériences sur le lac. Ils arrivèrent au même 
résultat que Schubert, en ce qui concerne la dépression 
bien déterminée, mais la nature très peu certaine de 
leur moyen d'observation, l'ébullition de l'eau, ne leur 
donna qu'un chiffre même inférieur à celui de l'explo- 
rateur bavarois, c'est-à dire environ 500 pieds aoglais, 
équivalant à 152 mètres, soit 240 mètres de moins que 
le chiffre vrai. Un an plus tard, 1838, M. le comte de 
Bertou, doutant encore de la réalité du fait, de l'exacti- 
tude dçs chiffres que lui avait communiqués M. Moore, 
vint chercher sur les lieux mêmes la solution du pro- 
blème. Les résultats barométriques qu'il obtint à Jéricho 



et à la mer Morte lui causèrent la plus grande surprise. 
« J'étais préparé, dit-il, à reconnaître une dépression 
assez considérable; mais j'étais loin de penser qu'elle 
pût être de 273 mètres dans la première localité et do 
406 mètres dans la seconde. Je fus donc conduit à pen- 
ser que les différences de niveau n'étaient pas les seules 
causes qui agissaient sur la colonne de mercure, et que 
peut-être les circonstances atmosphériques, modifiées 
par d'abondantes évaporations, pouvaient y jouer un 
rôle important. De retour à Jérusalem, je pus me con- 
vaincre que mon baromètre n'avait pas cessé d'être 
exact, car le mercure y reprit le niveau auquel il s'était 
maintenu avant que je l'eusse transporté à la mer Morte, 
et je savais que ce niveau différait peu de celui que 
d'autres voyageurs avaient remarqué précédemment. » 
Cf. Bulletin de la Société de Géographie, Paris, octo- 
bre 1839, p. 113; tirage à part, p. 6. M. de Bertou con- 
trôla, l'année suivante, ce premier nivellement par une 
seconde opération, qui l'amena à la même conclusion, 
avec une légère exagération du chiffre, 419 mètres. En 
regard des évaluations données par les explorateurs plus 
récents, dans des conditions d'exactitude bien supérieures, 
celles du savant français ne gardent plus qu'une valeur 
historique. Les observations barométriques du lieutenant 
Lynch, de la marine des États-Unis, en 1848, donnèrent 
401 mètres 15. M. Vignes, de l'expédition du duc de 
Lujnes en 1864, après des expériences faites à Jaffa, au 
bord de la mer, à Jérusalem et à Ain Feschhhah, au bord 
de la mer Morte, conclut au chiffre de 392 mètres. Cf. 
Duc de Luynes, Voyage d'exploration à la mer Morte, 
Paris, t. il, p. 4. Enfin, peu après, le capitaine Wilson et 
les officiers de YOrdnance Survey, par une suite de ni- 
vellements géodésiques de la Méditerranée à Jérusalem 
et de Jérusalem à la mer Morte, fixaient le niveau à 
1292 pieds anglais, ou 393 mètres. Cf. Survey of 
Western Palestine, Mernoirs, Londres, 1881, carte, 1. i, 
p. 23. 

4" Niveau. — Il est clair que ce niveau n'est pas in- 
variable. Nous verrons plus tard ce qu'il fut dans les 
temps préhistoriques et historiques. Aujourd'hui ses 
variations dépendent des saisons pluvieuses ou sèches. 
Comme la mer Morte n'a pas d'issue, il n'est autre chose 
que la balance qui s'établit entre la quantité d'eau dé- 
versée et la quantité d'évaporation. Or, le Jourdain, à 
lui seul, verse journellement dans ce bassin, au moins 
à certaines époques de l'année, 6 500 000 tonnes d'eau. 
Ajoutons à cela un volume à peu près égal fourni par 
tous les torrents réunis qui y aboutissent de l'ouest, du 
sud et de l'est, et nous aurons ainsi douze ou treize 
millions de tonnes d'eau qui y arrivent chaque jour. 
D'autre part, la chaleur intense qui règne, en été, dans 
cette profonde dépression, fermée à l'est et à l'ouest 
par de hautes parois de rochers, fait du lac une sorte 
de chaudière dont l'évaporation est extrêmement puis- 
sante. Lorsque, à certains moments, on l'observe des 
hauteurs de Bethléhem et de Jérusalem, on voit pen- 
dant le jour d'immenses masses de vapeurs blanchâtres 
s'en dégager continuellement et se dissoudre lorsqu'elles 
sont arrivées dans l'atmosphère sèche des régions su- 
périeures. M. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, dans le 
Tour du monde, t. xliii, p. 174, estime cette évapora- 
tion à au^ moins 6500000 tonnes d'eau par jour, c'est-à- 
dire la quantité fournie par le Jourdain. Mais elle est 
naturellement moins forte en hiver, alors qu'au con- 
traire les torrents, nourris par des pluies plus ou moins 
abondantes, donnent un apport plus considérable. Le 
niveau monte donc généralement de décembre à ami. Il 
baisse progressivement dans l'autre partie de l'année, 
où les ouadis sont presque toujours à sec et les rayons 
du soleil brûlants. Les anciens voyageurs ont jugé, 
d'après les lignes de bois flotté qu'on trouve sur le 
rivage, que la crue pouvait aller de quatre à six mètres. 
Des observations faites en ces derniers temps, au moyen 



1295 



MORTE (MER) 



d'une marque pratiquée dans le roc entre 'Aïn et Râs 
Feschkhah, n'ont pas donné une cote aussi élevée dans 
le changement de niveau. Du 30 mars 1901 au 31 dé- 
cembre 1902, on a constaté une baisse d'un mètre en- 
viron. En 1903, la crue et la baisse ont été à peu près 
égales et n'ont guère dépassé 65 centimètres. Certaines 
années de sécheresse, surtout consécutives, peuvent 
amener une baisse que des années pluvieuses auront 
peine à compenser, et vice versa. Cf. E. W. Gurney 
Masterman, Observations of the Dead Sea levels, dans 
le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statenienl, 
Londres. 1902, p. 155-160, 297-299, 406; 1903, p. 177- 
178; 1904, p. 83-95, 163-168. Pour établir une échelle 
de proportion qui permît d'évaluer les variations im- 
portantes de la mer Morte, il faudrait que les expé- 
riences s'étendissent à un certain nombre d'années. Il 
est cependant plusieurs faits qui prouvent que, depuis 
une cinquantaine d'années, le niveau s'est élevé. L'his- 
toire de l'îlot appelé Rudjm el-Bahr et situé tout à fait 
au nord est curieuse à ce point de vue. A l'époque où 
Lynch visita la contrée, 1848, c'était une petite pres- 
qu'île bien marquée. En 1851, M. de Saulcy le men- 
tionne comme une petite île séparée de la terre par une 
eau peu profonde, que les chevaux traversent sans dif- 
ficulté. Le Frère Liévin, Guide-indicateur de la Terre- 
Sainte, Jérusalem, 1887, t. h, p. 282, note 2, dit de son 
côté : « En 1860, j'ai pu me rendre deux fois à pied sec 
jusqu'à l'Ilot. En 1861, mon cheval avait de l'eau jus- 
qu'aux genoux; en 1862, il en avait, dans certains en- 
droits, jusqu'au ventre, et en 1863 les eaux avaient crû 
davantage. Depuis lors il m'a été impossible de m'y 
rendre si ce n'est en nageant. » En 1882, il mesura la 
distance qui existait entre le rivage et les restes d'un 
mur placé vers le milieu de l'Ile, et il trouva 243 mètres. 
Depuis 1892, l'Ilot a disparu. La même crue se manifeste 
à la digue qui unit la Lisân au rivage occidental. On 
a remarqué également que les passages qui existaient 
autrefois au pied du Râs Feschkhah et du Djebel Us- 
dum, du côté de la mer, sont aujourd'hui submergés. 
Cf. Gray Hill, The Dead Sea, dans le Palestine Explo- 
ration Fund, Quarterly Statement, 1900, p. 273-282; 
E. W. Gurney Masterman, dans la même revue, 1902, 
p. 159. 

5» Profondeur. — La profondeur de la mer Morte 
n'est pas moins étonnante que sa dépression; elle pré- 
sente des phénomènes qui nous aideront singulièrement 
à découvrir l'origine du lac. Nous la connaissons au- 
jourd'hui, grâce surtout aux sondages pratiqués par 
I expédition scientifique de Lynch. Voir la carte qui se 
trouve à la page 268 de son ouvrage, Narrative of the 
United States' Expédition; les cotes sont marquées en 
brasses, nous les réduisons en mètres à la ligure 356. PI u- 
sieurs lignes de sonde ont été établies en forme de zigzags 
d'une côte â l'autre. Voir fig. 357, 358 (d'après Lynch, 
p. 268). En suivant le bord occidental, nous trouvons, jus- 
qu'à deux kilomètres de la côte, un fond qui se maintient 
à 25, 35 et 45 mètres, pour tomber immédiatement à 115, 
210, 219, 283, et arriver au point le plus enfoncé de la ca- 
vité, à 399 mètres. A moins d'un kilomètre de la côte orien- 
tale, au contraire, la profondeur est déjà de 100, 200 mè- 
tres, et la progression, beaucoup plus rapide que sur le 
côté opposé, descend vers le fond de la cuve par des 
pentes de 331, 336, 347 mètres. La ligne de dépression est 
donc bien plus accentuée à l'est qu'à l'ouest. C'est aussi 
sur la rive orientale que les montagnes qui encaissent la 
mer Morte en sont le plus rapprochées et présentent un 
escarpement plus raide, ce qui est, du reste, conforme à 
Une loi orographique bien connue. Le point le plus 
profond est à la hauteur du Nahr Zerqa Ma'in, au tiers 
environ de la largeur du lac à partir de la côte orien- 
tale : la sonde accuse là 399 mètres. En descendant vers 
le sud, du. côté de la Lisân, les plus grandes profon- 
deurs sont de 356, 344, 254 et 196 mètres. Elles se ter- 



1296 

minent à la presqu'île. A l'entrée septentrionale du 
délroit, en effet, au milieu même de la passe, on n'ar- 
rive plus qu'à 102 mètres au maximum, et la dépression 
diminue graduellement à mesure qu'on avance vers le 
sud. A l'issue méridionale, elle n'est plus que de 5 à 
6 mètres. Enfin, dans la cavité qui termine la mer, au 
sud de la Lisân, le fond, même au centre, n'est guère 




356. — Carte de la mer Morte et de ses alentours. 

que de 4 mètres. Ce n'est qu'une nappe d'inondation, 
prolongement du gouffre qui, seul, par ses abîmes, ses 
courants et les mouvements de ses Ilots, mérite le nom 
de mer. Il y a donc deux parties bien distinctes dans le 
lac que nous étudions. La première est une cuve très, 
profonde, dont la pente est presque à pic au long de la 
côte orientale, et plus inclinée vers la côte opposée. La 
seconde n'est en somme qu'un petit étang. Avant de 
rechercher la cause de ce tait, étudions la nature des. 
eaux du Bahr el-Lût. 

6" Eau. — Tout est vraiment extraordinaire dans la 
mer Morte. Ses eaux sont, au premier aspect, d'une 
limpidité qui surprend; elles n'ont cependant point 



1299 



MORTE (MER) 



1300 



4. De Aïn Feschkhah au bord oriental 




0™ 


3. De Aïn Teràbéh au Zerqa Ma'in 


Iso \! ! 




C*5 








\( 


100 


\ 5 




Î50 \ i 












200 \ 








250 \ 




300 








350 










Iwo \ 







4. De Aïn TeràKh au Modjib 



P=^ 


Si Ci 


% \ 


p 

150 


"^S,^ 


200 \ 


250 \ 


300 




350 




\j 




0»P 




5. De Aïn Dj 


idl 


au 


Modjib 


50 


\: ; 


1 tq 


IN 




■* ! 


■ ! ! \f v 


ma V 




150 \ 





4 




1. 


*?:'/ 


200 \ 




250 




laoo 










I350 ^ 









. 6. De Aïn Djidi à la pointe N. de la Lisân 



iso 


\j ; : ; ; I 




■ ' ^ 


^00 


VI i ^ ; s 




1 iso N^- 1 ^ : 




Ï00 \ : 




!z50 \ 







. 7. Du bord 0. à la pointe N. de la Lisân 



«•:• 




50 Ni ! ! : / 


100 




150 




IzDO \i/ 



8. Gué près de la pointe 
sud de Lisân. 



9. A travers la lagune mérid 1 '. 
de l'Est à l'Ouest. 



308. — Coupes de la mer Morte. 



grande transparence, car le fond reste invisible à une 
petite profondeur. D'un très beau bleu dans certaines 
conditions atmosphériques, elles présentent générale- 
ment une légère teinte verdâtre, due probablement aux 
matières salines dissoutes ou tenues en suspension à 
l'état de fines particules. Si l'on a la curiosité d'en ava- 
ler une gorgée, on sent un goût salé, horrible, qui 
laisse dans la bouche la plus amère saveur. Il semble 
que ce soit un affreux mélange de sedlitz, d'eau de mer 
et d'huile de pétrole. Ce goût très désagréable provient 
de sels de magnésie et de soude dont la quantité paraît 
varier suivant les différentes époques de l'année. Si l'on 
s'y lave les mains, à l'instant même elles sont couvertes 
d'une efflorescence blanchâtre et restent gluantes jusqu'à 
ce qu'on les trempe dans l'eau douce. 

Cette eau a en même temps une densité considérable, 
qui varie entre 1160 et 1230. Cette dernière est cons- 
tante à partir d'une certaine profondeur, ce qui prouve 
que les eaux douces, plus légères, se ramassent dans 
les couches supérieures. Voir Vignes, Notes sur la mer 
Morte, dans le Voyage d'exploration à la mer Morte 
du duc de Luynes, Paris, t. n, p. 5. Les analyses chi- 
miques qui ont été faites ne donnent pas toutes les 
mêmes résultats. Voici celle que nous trouvons dans le 
D r Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, dans le Tour du 
monde, t. xliji, p. 173 : 

Sel marin ou chlorure de sodium G, 0125 

— — de magnésium . . . 16,349 

— — de potassium .... 0,963 

— — de calcium 1,0153 

Bromure de magnésium 0,504 

Sulfate de chaux 0,078 

Eau 74,8899 

s La forte proportion de brome, ajoute-t-il, l'absence 
complète d'argent, de cœsium, de lithium, de rubidium 
et d'iode est une preuve de plus que le lac n'a jamais 
communiqué avec les océans. » Les parties salines qui, 
dans les autres mers, sont dans la proportion de 4 p. 100, 
sont ici de 26 1/4 p. 100. La pesanteur spécifique de la 
mer Morte dépasse donc d'un sixième celle de l'eau 
douce. On voit combien la Bible a raison d'appeler ce 
lac Yâm ham-mélak, « la mer de sel.- » C'est à cause 
de cette grande densité que l'eau porte le corps d'une 
façon extraordinaire et qu'il est presque impossible de 
s'y noyer. Le corps flotte comme un morceau de bois, 
sans efforts, mais la difficulté qu'on éprouve à bien 
diriger ses mouvements empêche de nager rapidement. 
Les éléments corrosifs de l'eau picotent les yeux d'une 
manière cuisante. 

11 est reconnu depuis longtemps que les êtres or- 
ganisés ne peuvent vivre dans cette mer si justement 
appelée Morte. Aristote, Meteorologica, 1. III, c. m, 
rapporte cette tradition; S. Jérôme, Comment, in 
Ezeck., XL vu, t. XXV, col. 473, la confirme. Nous la 
retrouvons au xn 8 siècle avec le géographe arabe Edrisi, 
Géographie, trad. Jaubert, t. 1, p. 338. Les voyageurs 
modernes les plus compétents sont unanimes pour 
affirmer le fait. Lynch déclare, dans le rapport officiel 
de son expédition, que, pendant tout le temps qu'il a 
navigué sur le lac, il n'y a rien vu d'animé, et qu'il a 
soumis, à son retour en Amérique, de l'eau qui en pro- 
venait à un microscope très puissant, sans pouvoir y 
découvrir le plus petit animalcule ou la moindre trace 
de substance animale. Cf. Lynch, Narrative, p. 377, 
note. « L'eau de cette mer, dit M. Lartet, Essai sur la 
géologie de la Palestine, 1« partie, Paris, 1869, p. 261, 
est extrêmement riche en chlorure et en bromure de 
magnésium, et c'est sans doute à l'abondance de ces 
sels qu'il taut attribuer l'absence complète, dans cette 
petite mer, de toute espèce de ces êtres animés qui 
vivent généralement dans les nappes d'eau salée. Ce 
qu'il y a de certain, c'est que des animaux accoutumés 



1301 



MORTE (MER) 



1302 



à vivre déjà dans une eau fortement salée y meurent 
instantanément, comme nous avons pu le constater en 
transportant dans l'eau de la mer Morte de petits pois- 
sons qui vivent dans une lagune située au nord du 
Djebel Usdum, souvent envahie par l'eau de mer et ali- 
mentée par une source chaude d'eau salée. » Il ne fau- 
drait cependant pas croire, comme on l'a dit quelque- 
fois, que ces eaux exhalent des vapeurs pestilentielles, 
capables de faire périr sur le coup les oiseaux mêmes 
qui oseraient les traverser. Ce qu'il y a de certain, c'est 
que, durant les mois chauds et l'automne, il se produit 
des miasmes qui occasionnent des fièvres intermittentes 
très dangereuses. 
Molyneux, en 1847, a constaté sur les eaux du lac un 



lac Asphaltite une grande quantité de fragments de 
bitume rejetés par les flots, provenant soit de sources 
situées profondément sous les eaux, soit des gîtes bitu- 
mineux environnants. Ce produit, qui renferme des 
traces de libres ligneuses, est dû probablement à l'ac- 
tion des sources thermales, voisines du lac, sur cer- 
taines couches de lignites. Voir Bitume, t. i, col. 1802. 
Diodore de Sicile, xix, 25, décrivant la mer Morte, 
nous dit : « Il s'élève tous les ans sur sa surface une 
quantité d'asphalte sec de la largeur de trois arpents, 
pour l'ordinaire, quelquefois pourtant d'un seul, mais 
jamais moins... Cette matière, qui change souvent de 
place, offre de loin l'aspect d'une île flottante; son^ 
apparition s'annonce près de vingt jours à l'avance par 










359. — La ligne blanche de la mer Morte. D'après Lucien Gautier, Autour de la mer Morte, pi. 2. 



singulier phénomène. « Il y avait à la surface de la 
mer, dans toute sa longueur, presque directement du 
nord au sud, une large bande d'écume qui ne partait 
pas de l'embouchure du Jourdain, mais quelques milles 
anglais plus à l'ouest, et qui, en agitation constante et 
avec des bouillonnements, traversait comme un torrent 
impétueux la nappe immobile des eaux. Deux nuits de 
suite, nous nous sommes approchés en bateau de cette 
ligne blanche d'écume et nous avons pu observer au- 
dessus d'elle, dans les airs, une bande blanche égale- 
ment semblable à un nuage, et qui allait aussi en ligne 
droite du nord au sud, à perte de vue. » Cf. Ritter, Die 
Erdkunde, 15» partie, t. vin, 2' édit., 1850, p. 706. 
M. Lucien Gautier, Autour de la mer Morte, Genève, 
1901, p. 21, a pu suivre du regard, pendant plusieurs 
jours, et photographier cette « ligne blanche ». Voir 
fig. 359. M. Blanckenhorn, Oie Entstehung und Ge- 
schichte des Todlen Meeres, p. 59, pense que ce phéno- 
mène rend très vraisemblable l'existence d'une fente 
thermale et asphaltique au fond de la mer Morte. 
7° Asphalte. — On trouve toujours sur les bords du 



une odeur forte et désagréable de bitume, qui rouille 
au loin, à près d'une demi-lieue à la ronde, l'or, l'argent 
et le cuivre. Mais toute cette odeur se dissipe dès que 
le bitume, matière liquide, est sorti de cette masse. Les 
habitants enlèvent l'asphalte à l'envi les uns des autres, 
comme feraient des ennemis réciproques, et sans sa 
servir de bateaux. Ils ont de grandes nattes faites de 
roseaux entrelacés qu'ils jettent dans le lac; et, pour 
cette opération, ils ne sont jamais plus de trois sur ces 
nattes, deux seulement naviguant avec des rames, pour 
atteindre la niasse d'asphalte, tandis que le troisième, 
armé d'un arc, n'est chargé que d'écarter à coups de 
traits ceux qui voudraient disputer à ses camarades la 
part qu'ils veulent avoir; quand ils sont parvenus à 
l'asphalte, ils se servent de fortes haches, avec lesquelles 
ils enlèvent comme d'une terre molle la part qui leur 
convient; après quoi ils reviennent sur le rivage. Ces 
barbares, qui n'ont guère d'autre sorte de commerce, 
apportent leur asphalte en Egypte et le vendent à ceux 
qui font profession d'embaumer les corps ; car, sans la 
mélange de celte matière avec d'autres aromates, il se- 



1303 



MORTE (MER) 



1304 



rait difficile de les préserver longtemps de la corruption 
à laquelle ils tendent. » Les Arabes voisins de la mer 
Morte prétendent que l'apparition de l'asphalte est tou- 
jours précédée de commotions souterraines. Ainsi,, en 
1834, à la suite d'un violent tremblement de terre, on 
en vit une grande masse échouer vers l'extrémité méri- 
dionale du lac. De même, après celui de 1837, des 
masses considérables, semblables à de petites iles, flot- 
tèrent sur les eaux, et de nombreux quintaux furent 
vendus à des marchands de Beyrouth et de Jérusalem. 
D'après les indigènes, le bitume découlerait, en outre, 
sur plusieurs points, des roches de la rive orientale. 
M. Lartel regarde ces gisements comme problématiques 
ou, en tous cas, peu considérables. Mais il a constaté, 
sur le bord occidental, plusieurs gisements de cette na- 
ture, entre autres, ceux auxquels Strabon, XVI, n, 44, 
fait allusion, quand il parle de « roches distillant de 
la poix, aux environs de Moasada (Masada) ». Il a, en 
effet, remarqué, dans le lit de l'ouadi Sebbéh, qui limite 
au sud la colline de ce nom, des fragments d'asphalte, 
indiquant le voisinage d'un gisement de cette substance 
au milieu des calcaires dolomitiques crétacés dans 
lesquels est entaillé ce profond ravin. Cf. Bulletin de 



un lambeau sénonien recommence à se montrer, mais 
il descend cette fois vers la mer Morte. El-Khadr marque 
donc le sommet d'un pli saillant ou anticlinal. A partir 
de Bethléhem, on suit constamment les couches peu 
épaisses du sénonien, lesquelles, rejetées par une série 
de cassures ou de plis brusques en échelons, arrivent 
ainsi à une altitude voisine de celle du niveau de la 
Méditerranée. Alors apparaît au-dessous, dominant le 
lac, une falaise de cénomanien, au pied de laquelle, 
contre le rivage, se montrent des dépôts disloqués, 
entremêlés d'asphalte et appartenant tous à l'époque 
quaternaire. Toute différente est la disposition du ter- 
rain sur la rive orientale. A part des ondulations locales 
de peu d'importance, les couches géologiques se rap- 
prochent, en général, de la position horizontale. A la 
base, nous trouvons de très anciens tufs volcaniques, 
qui supportent un grès surmonté par un calcaire avec 
fossiles du carboniférien tout à fait supérieur. Sur ces 
couches, qui se relèvent vers le lac, s'appuie le grès de 
Nubie, invisible de l'autre côté, et supportant 600 mètres 
de marnes cénomaniennes horizontales, avec une cou- 
verture d'environ 100 mètres de sénonien, La stratifica- 
tion, sur les deux rives opposées, se prête donc bien à 



MfDlTtliRANSE 


ElShaâr „„,., 
860 m ' Eeuueheni 


MERMOKTE 


flonts de Moab 


''^j^^^^^^^^^âmmïïMM } 


l^^^^^^BillIi 


■ /w 


UWPi.Wlilliiiitii^ L -^li.i^ i ''-iii 


]i i'.aw 


^^S5S5«^^ 




IIIIIIIIIIH 


-==zq^/$!^%^/^^ 


■KtaaHH 


llllllflllllll 



360. — Coupe géologique des montagnes de Juda, prolongée, à travers la mer Morte, jusqu'aux montagnes de Moab. 
D'après Blanckenhorn, dans la Zeitschrifl des Deutschen Palâstina-Vereins, t. xix, pi. m. 



la Société géologique de France, 2 e série, t. xxiv, 
p. 20 sq. 

III. Origine et histoire. — Comment s'est formée 
cette mer que nous venons de décrire? Son origine se 
ratlache-t-elle, comme on l'a cru souvent, à la catas- 
trophe des villes maudites, Sodome et Gomorrhe? Il y 
a là des problèmes intéressants à étudier. Disons tout de 
suite que le lac, au moins dans sa partie septentrionale, 
la plus profonde, préexistait à la destruction des cités 
bibliques. C'est là un fait incontestable et facile à prou- 
ver au point de vue géologique. 

1° Formation géologique. — L'étude du terrain a été 
faite par des savants compétents, comme M. L. Lartet, dans 
le Voyage d'exploration à la mer Morte du duc de 
Luynes, Paris, t. in, Géologie, p. 241-268; M. Max 
Blanckenhorn, Entslehung und Geschichte des Todlen 
Meeres, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Ve- 
reins, Leipzig, t. xix, 1896, p. 1-59. Ce dernier surtout a 
bien mis en lumière l'origine et l'histoire de la mer 
Morte. Son travail a été analysé par M. de Lapparent 
dans la Bévue biblique, Paris, 1896, p. 570-574. Partons 
de la Méditerranée (flg. 360) et franchissons en ligne 
droite le dos d'âne que forment les montagnes de 
Juda entre la plaine et le lac Asphaltite. Malgré l'ascen- 
sion constante, nous rencontrerons, jusqu'au point cul- 
minant d' El-Khadr (860 mètres d'altitude), qui domine 
Bethléhem (777 mètres), des assises de plus en plus 
anciennes. Ainsi, près de la côte, le sénonien sort de 
dessous les dépôts marins récents, mais il disparait 
quand on atteint 412 mètres, à Khirbet Zanû'a, l'an- 
cienne Zanoé, pour céder la place à des couches plus 
anciennes, celles du cénomanien. Au haut du plateau, 



l'idée d'une dislocation, postérieure au dépôt des couches 
crétacées et consistant en une traînée de plis brusques 
et de cassures, qui accompagnent le flanc oriental de 
l'anticlinal de Bethléhem. En effet, loin de se corres- 
pondre d'une rive à l'autre de la mer Morte, comme 
dans le cas où son bassin aurait été simplement creusé 
par érosion, les falaises occidentales et orientales du lac 
n'appartiennent pas au même niveau géologique, et c'est 
bien là la disposition générale des failles. La conclusion 
à tirer, c'est qu'il y a là quelque chose de fort analogue 
à l'effondrement d'une clef de voût „ une rupture sur- 
venue dans l'un des versants d'un jïli brusque qui ten- 
dait à se former. 

On peut, d'après M. Blanckenhorn, distinguer six 
phases principales dans l'histoire de la mer Morte, 
depuis son origine jusqu'à nos jours. Vers la fin du 
pliocène, ce qui correspond à la première époque gla- 
ciaire de l'Europe, le lac, moins profondément encaissé 
qu'aujourd'hui, était beaucoup plus long. Il s'étendait 
au nord jusqu'au lac de Tibériade, et, grâce à l'extrême 
abondance des pluies, son niveau s'élevait un peu plus 
haut que celui de la Méditerranée. Sa largeur variait 
entre 5 et 25 kilomètres. On voit encore aujourd'hui un 
des dépôts qui se sont produits sur ses anciens bords et 
dont plusieurs coquilles sont identiques avec celles qui 
vivent actuellement dans les eaux douces de la Palestine. 
Il se trouve assez loin au sud, dans la vallée de l'Arabah, 
à Ain Abu Uéridéh, sur le flanc occidental du Samrat 
el-Fedân. Il se compose de couches horizontales de 
marne blanche, de sable et d'argile, renfermant un grand 
nombre de coquillages, qui appartiennent aux espèces. 
Melania tuberculala, Mull., et Melanopsis Saulciji,, 



1305 



MORTE (MER) 



1306 



Bourg. Cf. E. Hull, Mount Seir, Londres, 1889, p. 99- 
100 ; Memoir on the Geology and Geography of Arabia 
Petrasa, Palestine and adjoining districts, Londres, 
1889, p. 80, fig. 13. Après cela, le niveau du lac baissa 
de 300 mètres, landis que ses eaux se concentraient au 
point de déposer le gîte de sel et de gypse connu sous 
le nom de Djebel Usdum, qui n'est que le reste d'une 
masse autrefois plus étendue vers l'est, et dont une 
partie a dû s'abîmer ultérieurement dans, la profondeur. 
Il existe, en effet, à la pointe sud-ouest de la mer Morte, 
une croupe singulière, isolée, longue de 11 kilomètres 
sur un de large à la base, et haute d'environ 45 mètres, 
mais dominant de plus de 100 mètres le niveau du lac. 
Les flancs en sont si raides et si crevassés que l'asccn- 
siôn en est difficile. Elle surgit au milieu des plaines 
basses et fortement imprégnées de sel, sans offrir de 
liaison apparente avec les derniers chaînons des mon- 
tagnes de Juda, qui se terminent non loin de là; elle se 
présente comme un hors-d'œuvre au milieu des terrains 
qui l'entourent. Des bancs de sel gemme forment une 
base de plus de 20 mètres d'épaisseur. Ils sont 



Ligues de boia flotté. 



Mer Morte. 



qu'île, d'où le nom qu'on leur a donné de dépôts de la 
Lisân. Ces sédiments se présentent, en général, sous la 
forme d'innombrables feuillets de marnes d'un gris clair 
alternant avec des couches extrêmement minces, de cou- 
leur et quelquefois de nature toute différente et souvent 
exclusivement composées de substances salines, telles, 
par exemple, que du gypse lenticulaire ou des argiles 
salifères. Toute la masse se compose, d'ordinaire, de lits 
peu épais; on y trouve, irrégulièrement distribués, du 
soufre et de l'asphalte. Ces terrains étant peu cohérents, 
les eaux les ont découpés dans tous les sens, de façon à 
leur donner parfois des formes étranges, qui les font com- 
parer tantôt à des cités détruites, tantôt à des forteresses 
démantelées, d'autres fois à des campements. C'est ce 
qu'il est facile de remarquer, à l'ouest, près de l'embou- 
chure de Vouadi Seyal, et au nord de la mer Morte, en 
allant vers Jéricho ; le Jourdain a creusé son lit et déposé 
ses alluvions au milieu de ces dépôts. Cf. Lartet, Géolo- 
gie, p. 175; Atlas, pi. ni, coupe des anciens dépôts de 
la mer Morte; Blanckenhorn, Entstehung und Ge- 
schichte des Todten Meeres, pi. iv, prof, iv; Hull, Me- 

Lits de graviers. 




Marnes en feuillets très minces. 

361. — Coupe des anciens dépôts de la mer Morte, près de V embouchure de Vouadi Seyal. 
D'après Lartet, Géologie, dans le Voyage d'exploration à la mer Morte, publié par le duc de Luynes, Atlas, pi. in. 



recouverts par des argiles bigarrées de rouge et de vert, 
renfermant souvent de très beaux cristaux prismatiques 
de gypse et aussi par des couches composées de très 
petits cristaux lenticulaires de gypse serrés les uns 
contre les autres de façon à donner un grain grossier à 
Ja roche qu'ils constituent. La montagne est creusée de 
cavernes dont le sol est encombré de blocs de sel 
gemme et dont la voûte est ornée de stalactites emprun- 
tées à la même substance. Voir fig. 362. Cf. L. Lartet, 
Géologie, dans le Voyage d'exploration à la mer Morte 
du duc de Luynes, t. m, p. 87-89; Hull, Memoir on the 
Geology, p. 83-84. 

Pendant qu'en Europe sévissait la seconde époque 
.glaciaire, le niveau du lac remonta de 80 ou 100 mètres. 
Par suite de sa stagnation, il se forma, à cette hauteur, 
une importante terrasse de cailloutis avec gros blocs, 
■dont il est facile de suivre les traces sur les bords occi- 
dentaux, à la passe de Zuuéirah, puis près de Masada, 
dans Vouadi Seyal près d'Aïn Onéïbéh, dans Vouadi 
Debr près . de Nébi Mûsa, au Djebel Qarantal près de 
Jéricho. Sur les bords du lac de Tibériade, on a trouvé 
des coquilles lacustres appartenant à la faune actuelle 
de la Judée. Pendant la seconde époque interglaciaire, 
eurent lieu les épanchemenls de lave qui ont été signalés 
à l'embouchure de la vallée du Yarmûk, et ceux de 
Vouadi Zerqa, à travers lesquels le cours d'eau actuel a 
creusé son lit. L'humidité revenant ensuite, une basse 
terrasse s'est formée, bien caractérisée dans la pres- 
qu'île de la Lisân et dans la basse vallée du Jourdain. 
Elle consiste en dépôts marneux et arénacés qui pa- 
raissent constituer à eux seuls presque toute cette pres- 



rnoir on the Geology, p. 84-86. Voir fig. 361. Au midi, 
les dépôts de la Lisân constituent en grande partie 
cette ligne arquée d'anciennes falaises qui limite la 
plaine marécageuse de la Sebkhah. De là, ils s'étendent 
assez loin dans la vallée de l'Arabah ; les entailles consi- 
dérables au fond desquelles coulent Vouadi Djeib et 
quelques autres torrents en montrent des coupes fort 
intéressantes. A l'est, ils ne sont représentés que par 
quelques lambeaux, accrochés aux accidents de terrain, 
ce qui tient à la disposition des escarpements de la fa- 
laise orientale. — Enfin, le dernier épisode de ces ori- 
gines consiste dans la destruction ou l'affaissement des 
anciennes terrasses situées à l'extrémité méridionale du 
lac. La partie peu profonde située au sud de la Lisân, 
serait due à la catastrophe qui anéantit Sodome et Go- 
morrhe. La période historique nous met ainsi en face 
d'un premier problème, dont il nous faut chercher la 
solution. 

2° La mer Morte et la destruction de Sodome. — En 
racontant l'expédition de Chodorlahomor et de ses alliés 
contre les cinq rois de Sodome, de Gomorrhe, d'Adama, 
de Séboïm et de Ségor, la Genèse, xiv, 3, nous dit que 
les armées se rencontrèrent « dans la vallée des bois, 
qui est maintenant la mer de sel ». Or, ajoute-t-elle, 
j. 10, « la vallée des bois avait beaucoup de puits de bi- 
tume. Et les rois de Sodome et de Gomorrhe tournèrent 
le dos et tombèrent là. » Plus loin, enfin, xix, 24, 25, 
elle nous apprend que ces deux villes et la région 
d'alentour furent détruites par une pluie de soufre et de 
feu, tombée du ciel. Le champ de bataille est appelé en 
hébreu 'êméq haé-siddîm, « la vallée des champs, » en 



1307 



MORTE (MER) 



1308 



supposant que àiddîm se rattache à èddéh, « champ. » 
Les Septante ont traduit, f. 3, par ^ $A?a.yl ■?) àXyxrj, et, 
f. 10, par t, xoiXa; ï| âXvx-r,, « la vallée salée, » et la 
Vulgate par vallis silvestris, « la vallée des bois. » Quoi 
qu'il en soit du nom, cette plaine avoisinait sans doute 
les villes de la Pentapole, puisque les rois envahisseurs 
se réunirent en cet endroit, et que les rois menacés y 
rassemblèrent aussi leurs forces pour défendre leurs 
cités et le territoire qui en dépendait. L'opinion la plus 
probable place ces villes au sud de la mer Morte. On a 
cependant cru autrefois qu'elles occupaient l'emplace- 
ment même du lac, qui se serait formé à cette époque 
par l'effondrement du sol, effet de la catastrophe. Les 
apologistes du xviif siècle ont soutenu cette fausse théo- 
rie. Cf. JBullet, Réponses critiques, 1826, t. I, p. 156; 
du Clôt, La Sainte Bible vengée, 1824, t. h, p. 186. 
C'est une erreur qu'il n'est plus permis de défendre 
aujourd'hui. La géologie, nous l'avons vu, prouve que 
la mer Morte existait bien longtemps avant l'apparition 
de l'homme sur la terre. D'ailleurs, dans une pareille 
hypothèse, que seraient devenues les eaux du Jourdain, 
ces 6500000 tonnes qu'il verse journellement dans le 

Haut plateau de Juda. 



naturel de solution. A l'époque d'Abraham, cette mer 
existait, mais alors elle ne comprenait que le grand et 
profond bassin septentrional, qui s'étend jusqu'à la Li- 
sàn. La Pentapole devait embrasser dans ses limites 
cette presqu'île, la lagune méridionale, le canal qui la 
rejoint à la zone antérieure, c'est-à-dire au lac propre- 
ment dit, et peut-être aussi le Sebkhah, qui s'arrondit 
en plaine marécageuse au sud de cette lagune. On peut 
supposer, si l'on veut, que ce territoire ainsi délimité 
était également arrosé par le Jourdain, qui aurait tra- 
versé le troisième lac comme il traverse ceux de Mérom 
et de Tibériade, et en serait ressorti à l'ouest de la 
Lisân, pour arroser la vallée de Siddim. Le lieutenant 
"Vignes a remarqué, après Lynch, que les courants oc- 
casionnés par le fleuve sont très sensibles dans la par- 
tie nord de la mer, et qu'on les retrouve encore avec 
une vitesse d'un demi-mille à l'heure dans le canal entre 
la .Lisân et le râs Senin. Le Jourdain, sortant avec un vo- 
lume d'eau beaucoup moins considérable qu'il n'était en- 
tré, pouvait donc arroser, sans l'inonder, la grande plaine 
qui devint plus tard la lagune et la Sebkhah. Ses eaux 
n'avaient pas contracté assez d'amertume et de salure pour 



T;f 


3r5»~ 








T 




32321 










i» 






"'"'" '" T 4i 


kîtsj 


jpJL 








,(-•• ''; 


■H 


TL 



Calcaire 



Mer Marte. 




362. — Coupe géologique du plateau de Juda et du Djebel Usdum. 
D'après Hull, Memoir on the Geology, p. 84. 



bassin, au moins en certaines saisons de l'année ? On 
pouvait autrefois, dans l'ignorance où l'on était de la 
nature du terrain, supposer qu'elles allaient, en suivant 
tout droit Youadi Arabah, se jeter dans le golfe Élani- 
tique. Mais les explorateurs qui ont parcouru la vallée 
dans toute sa longueur ont constaté, entre la mer Morte 
et le golfe d'Akabah, une ligne de faite dont l'altitude est 
évaluée à 240 mètres au-dessus de la Méditerranée. 
Cf. Duc de Luynes, Voyage d'exploitation à la mer 
Morte, t. ri, p. 10-11. C'est un barrage que le Jourdain 
n'a jamais pu franchir. Inutile de recourir à l'hypothèse 
d'affaissements gigantesques, qui auraient, à une certaine 
époque, arrêté le cours du fleuve et concentré ses eaux 
dans le fond de la dépression. Elle est également con- 
damnée par l'étude stratigraphique du terrain. Voir 
Arabah, t. ï, col. 820, et flg. 201, 202, col. 823, 825. Faut- 
il enfin imaginer un lac souterrain, recouvert d'une 
puissante couche végétale, qu'auraient fécondée de nom- 
breux canaux dérivés du Jourdain? Les eaux se seraient 
ainsi perdues à la fois par l'irrigation, l'évaporation et 
des infiltrations dans le sein de la terre. Au moment de 
la destruction des villes maudites, le feu du ciel, embra- 
sant les nombreux puits de bitume qui parsemaient la 
vallée de Siddim, aurait communiqué au sous-sol une 
conflagration générale, d'où un affaissement des couches 
supérieures et l'apparition ou la réapparition du lac sou- 
terrain. Nous n'avons point besoin de toutes ces inven- 
tions pour mettre d'accord l'assertion biblique et les 
données de la science. 

La disposition de la mer Morte, avec les deux parties 
si distinctes qui la composent, nous offre un élément tout 



être impropres à féconder la plaine. Réparties de tous cô- 
tés, elles pouvaient s'épuiser et se perdre à la longue, en 
se divisant dans d'innombrables petits canaux, subdivisés 
eux-mêmes en rigoles, et soumises, par conséquent, à 
des infiltrations continues et à une évaporation inces- 
sante sous cette zone torride. Cf. V. Guérin, Samarie, 
t. ï, p. 91. C'est donc cette plaine méridionale, autre- 
fois vallée de Siddim, que la catastrophe de Sodome a 
pu transformer en un lac peu profond. « Il suffirait 
d'un abaissement de sept à huit mètres seulement pour 
que la lagune, c'est-à-dire la portion méridionale du 
lac, fût mise à sec. Ce faible abaissement de niveau 
pourrait résulter de changements physiques presque 
insaisissables par l'attention humaine. Il n'y aurait 
donc rien d'improbable à ce que la mer Morte ait eu 
autrefois sa pqinte méridionale à la presqu'île de la Li- 
sân... Des effets de glissements, comme ceux dont nous 
avons cru reconnaître la trace sur le ffanc oriental du 
Djebel Usdum, ont pu, à la suite des tremblements de 
terre, venir ajouter leur action à celle de ces fluctuations 
de niveau; et, s'il est vrai, comme on s'accorde à le 
croire, que la montagne de sel porte encore le nom à 
peine altéré de Sodome, et lui soit voisine, cette an- 
cienne cité a bien pu disparaître par suite de la déni- 
vellation dont nous venons de mentionner les traces, 
puis se trouver recouverte par les eaux de la mer Morte 
et les alluvions des affluents méridionaux. » Telle est 
la conclusion du savant géologue qui a spécialement 
étudié le lac Asphaltite, M. Lartet, Géologie, p. 267. Re- 
marquons-le cependant, la Genèse jie dit pas que les 
villes coupables ont été submergées dans cette mer; elle 



1309 



MORTE (MER) 



1310 



nous assure, au contraire, qu'elles ont été détruites par 
une pluie de soufre et de feu. Gen., xix, 24-25. Nous 
trouvons la même conclusion dans le travail si impor- 
tant de M. Blanckenhorn, Entstehunq und Geschichte 
des Todten Mceres, p. 51-59, qui déclare que les indi- 
cations de la Bible s'accordent très bien avec les données 
que fournit l'observation. Le récit sacré correspondrait 
ainsi au dernier des violents épisodes de la formation du 
Ghôr. 

3° La mer Morte à l'époque de Josué. — Ce dernier 
problème a été soulevé ces dernières années par M. Cler- 
mont-Ganneau, dans son Recueil d'archéologie orien- 
tale, Paris, t. v, 1902, p. 267-280. Voici comment. La 
mer Morte est mentionnée dans le livre de Josué à pro- 
pos des limites des deux tribus de Benjamin et de Juda. 
Nous lisons, Jos., xv, 5 : « La limite méridionale part de 
l'extrémité de la merde Sel, de la langue (hébreu : min 
hal-làSôn) tournée vers le midi. Et la limite du côté 
nord est depuis la langue de la mer (mil-lesôn hay- 
yâm), depuis l'extrémité du Jourdain, » c'est-à-dire depuis 
l'embouchure du fleuve dans la mer Morte. Au sujet de 
Benjamin, il est dit, Jos., xvm, 19: « Et la limite (venant 
de Jérusalem) traversait jusqu'à l'épaule de Beth-Haglah 
au nord, et ses issues étaient jusqu'à la langue de la 
mer Salée au nord, jusqu'à l'extrémité du Jourdain au 
sud. » Voir Benjamin 4, t. î, col. 1589, et Juda 6, t. m, 
col. 1756, et les cartes. Jusqu'ici l'on avait cru que cette 
« langue de la mer » désignait l'extrémité actuelle du 
Jac Asphaltite au nord, et sa pointe méridionale, telle que 
nous la connaissons aujourd'hui. Mais alors la limite sud 
de Benjamin est obligée, dans la plaine du Ghôr, de flé- 
chir vers le sud-est et forme une sorte de crochet qu'on 
ne s'explique pas. Le premier jalon qu'elle rencontre, 
en partant de l'embouchure du Jourdain pour aller vers 
Jérusalem, c'est Beth-Haglah, localité parfaitement re- 
présentée par Qasr et 'Aïn Hadjlâ. C'est le dernier jalon 
si l'on part de Jérusalem. Or, au lieu de faire dévier la 
ligne à partir de ce point, si on la prolongeait suivant 
sa tendance normale vers l'est ou le nord-est, elle abou- 
tirait à peu près à la hauteur de Qasr-el-Yehûd, c'est-à- 
dire à 7 ou 8 kilomètres au-dessus de l'embouchure 
actuelle du fleuve. Cette rectification est justifiée surtout 
par le terme de lâSôn dont se sert l'auteur biblique. Que 
signifie, en effet, cette expression, langue de la nier, 
qu'il emploie à trois reprises différentes ? La pointe nord 
du lac n'offre présentement rien qui puisse correspondre 
à cette dénomination si expressive. Il ne s'agit pas non 
plus de la presqu'île à laquelle les Arabes ont donné le 
nom de Lîsân. La Lâsôn du livre de Josué n'est pas une 
langue de terre s'avançant dans la mer, mais bien une 
« langue de mer » s'avançant dans la terre. M. Clermont- 
Ganneau aurait pu rappeler ici Is., xi, 15 : leSôn yam 
Misraim, « la langue de mer de l'Egypte, » qui désigne 
probablement un des bras de la mer Rouge, le golfe de 
Suez. L'expression employée indiquerait donc un pro- 
longement de la mer Morte en forme de langue ou de 
pointe, au nord et au sud. Il serait facile de la retrouver 
au nord. Le Jourdain, en effet, s'est creusé dans le Ghôr 
un lit proprement dit, une sorte de rigole relativement 
étroite, que les Arabes appellent le Zôr, Or, à peu près 
à la hauteur de Qasr-el-Yehûd, le Zôr présente, sur la 
rive occidentale, un élargissement remarquable, qui va 
en augmentant dans la direction du sud-ouest, et qui 
s'étend jusqu'au point où les montagnes de Juda se rap- 
prochent de la rive occidentale de la mer Morte, à 'Aïn 
el-Feschkhah, Voir la carte de Benjamin, t. I, col. 1588. 
Cet évasement triangulaire constitue un bas-fond stérile, 
imprégné de sel, plus ou moins boueux suivant la saison, 
qui peut être considéré comme le bassin, aujourd'hui 
desséché, d'une vaste nappe d'eau étroite et allongée. 
C'est cette nappe d'eau, d'une faible épaisseur, qui exis- 
% tait au temps où nous reporte le livre de Josué, et que 
ce livre appelle « la langue de la mer Morte », sorte de 



lagune formée par le mélange des eaux du lac avec 
celles du fleuve. Cette langue septentrionale avait pour 
pendant au midi celle de la Sebkhah, qui, aujourd'hui, 
n'est qu'un marais, constituant, en forme de poche plate, 
comme un appendice de la lagune méridionale, mais an- 
ciennement devait être, elle aussi, couverte d'une mince 
nappe d'eau. Si la Sebkhah s'est maintenue plus long- 
temps à l'état de marécage, cela tient, en partie, à ce 
que de ce côté il n'y a pas de grand cours d'eau, comme 
le Jourdain, venant y jeter ses alluvions. Cette dernière 
langue serait « la IdSôn tournée vers le sud » dont parle 
Josué, xv, 2. M. Clermont-Ganneau confirme ces données 
par le témoignage historique de I Mach., ix, 45, et de 
Josèphe, Ant. jud., XIII, i, 5, où il est question des 
marais du Jourdain, voisins de son embouchu re. — Nous ^ 
souscrivons volontiers à cette ingénieuse hypothèse du 
savant professeur. Mais il se trompe, croyons-nous, lors- 
qu'il dit, p. 273, notel, que la différence de niveau entre 
l'état actuel de la mer Morte et son état à l'époque dont 
il est question « serait à évaluer à une centaine de 
mètres ». A ce compte, Beth Hoglah n'aurait pas existé, 
puisque Qasr Hadjla, n'étant qu'à 68 mètres au-dessus 
du lac, aurait été submergé. D'après ce que nous avons 
exposé plus haut, il faut réserver pour les âges préhis- 
toriques une pareille hauteur des eaux. La différence 
actuelle entre Qasr el-Yehûd et la surface de la mer 
Morte est de 38 mètres, ce qui suffit pour former, au 
nord et au sud, les deux langues dont nous avons parlé. 
Nous croyons aussi que la Lisân émergeait déjà à ce mo- 
ment. Avec ces réserves, l'hypothèse ne nuit en rien aux 
explications que nous avons données sur l'emplacement 
de la vallée de Siddim. Elle pourrait même avoir une 
importance considérable pour la critique littéraire, 
« puisqu'elle a pour conséquence, dit M. Clermont- 
Ganneau, p. 267, de faire attribuer à la rédaction du 
livre de Josué, ou des sources qui Ont pu servir à sa 
rédaction, une date vraiment ancienne, ce déplacement 
de l'embouchure du Jourdain, solidaire du retrait de la 
mer Morte, n'ayant pu s'opérer que progressivement, 
sous l'action séculaire de grandes forces naturelles dont 
la puissance égalé la lenteur. » Les deux problèmes que 
nous venons de traiter sont les seuls qui Concernent 
l'histoire de la mer Morte, dont le nom n'est guère em- 
ployé ailleurs que pour la délimitation de certaines tri- 
bus ou de la terre d'Israël. Num., xxxiv, 3, 12; Deut, 
m, 17; îv, 49; Jos., xn, 3; IV Reg., xiv, 25; Ezech., 
xlvii, 18. 

IV. Bibliographie. — Nous n'indiquons ici que les 
ouvrages les plus importants sur la mer Morte. U. J. 
Seetzen, Reisen durch Syrien, Palàstina, etc., édit. 
Kruse, Berlin, 1854, t. n, p. 217-384; comte de Bertou, 
Dépression de la vallée du Jourdain et du lac As- 
phaltite, dans le Bulletin de la Société de Géographie, 
Paris, oct. 1839 ; F. Lynch, Narrative of the United 
States' expédition to the river Jordan and the Dead Sea, 
in-8°, Londres, 1849; Officiai Report of the United 
States' expédition, in-4°, Baltimore, 1852; De Saulcy, 
Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, 2 vol. et 
atlas; Vignes, Extrait des Notes d'un voyage d'explo- 
ration à la mer Morte, in-4°, Paris, 1865 ; Carte du cours 
inférieur du Jourdain, de la mer Morte et des régions 
qui l'avoisinent, Paris, 1866, 1 feuille, au 240000 e ; L. 
Lartet, Note sur la formation du bassin de la mer 
Morte, in-89, Paris, 1866 (extrait du Bulletin de la 
Société géologique) ; E. Robins'ori, Biblical Researches 
in Palestine, Londres, 1856, t. I, p. 499-537; Id., Phy- 
sical Geography of the Holy Land, in-8», Londres, 1865, 
p. 187-216 ; O. Fraas, Dos Todte Meer, in-8°, Stuttgart, 
1867; Terreil, Composition des eaux de la mer Morte, 
dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, 
Paris, 1866, p. 1329-1333; duc de Luynes, Voyage d'ex- 
ploration à la mer Morte, Paris, 3 in-4», et atlas; 
G. A. Smith,77je historical Geography ofthe Holy Land, 



1311 



MORTE (MER) — MORTIER 



1312 



în-8», Londres, 1894, p. 499-516; de nombreux articles 
dans le Palestine Etcploi*ation Fund, Quarterly State- 
ment, Londres; cf. Index to the Quarterly Statement, 
1869-1892, p. 64; M. Blanckenhorn, Entstehung und 
Geschichte des Todten Meeres, dans la Zeilschrift des 
Deutschen Palûstina-Vereins, Leipzig, t. xix, 1896, 
p. 1-64, avec cartes; Nock einmal Sodom und Gomor- 
rha, dans la même revue, t. xxi, 1898, p. 65-83; Lu- 
cien Gantier, Autour de la mer Morte, in-8°, Genève, 
1901. A. Legendre. 

1. MORTIER (hébreu : tnedôkâh, mak(ès; Septante : 
Outot; Vulgate : mortarium, pila), récipient à parois 



ï" 




863. — Mortier. 
D'après Joly, L'homme avant les métaux, p. 185. 

épaisses dans lequel on écrase des grains et d'autres 
corps solides à l'aide d'un pilon. Voir Pilon. — Les pre- 
miers hommes écrasaient avec une pierre, frangere 
axo, JEneid.y ï, 179, les grains dont ils voulaient se 



les métaux, Paris, 1888, p. 185,'Les Hébreux se servaient 
de mortiers. Us en avaient au désert pour écraser la 
manne. Num., xi, 8. Les mortiers sont nommés dans 
ce passage en même temps que les meules; ils remplis- 
saient un office analogue. Il devait aussi exister des 
mortiers destinés à concasser des olives pour obtenir de 
l'huile, Exod., xxvn, 20, à réduire en poudre le par- 
fum qui était présenté devant le Seigneur. Exod., 
xxx, 36, etc. L'auteur des Proverbes, xxvii, 22, remarque 
que, « si on pile l'insensé dans un mortier, au milieu 
des grains avec le pilon, sa folie ne se séparera pas de 
lui, » sans doute à l'inverse de l'huile qui se sépare de 
l'olive quand on l'écrase. Les mortiers étaient en usage 
chez les Égyptiens (fig. 364). A l'époque gréco-romaine, 
on connaissait un mortier, oXpioç, mortarium, en forme 
de bassin peu profond, creusé dans la pierre ou quelque 
autre substance dure, cf. Pline, H. N., xxxiv, 18, 50; 
Columelle, xil, 57, 1; Caton, De re rustic, 74, et un 
autre mortier plus profond, îfSn), pila. Cf. Caton, De 
re rustic, 63; Ovide, Ibis, 573; Pline, H. N., xvm, 11, 
29, etc. La pila et le mortarium se prennent d'ailleurs 
assez souvent l'un pour l'autre..— Sur la localité qui 
porte, dans Sophonie, ï, 11, le nom de Maktês et qui est 
appelée Pila dans la Vulgate, voir Macthesch, col. 531. 
— La Vulgate a traduit par mortaria, « mortiers, » et 
mortariola, « petits mortiers, » Nom., iv, 7 : vu, i4- 
86, etc. ; Jer., lu, 19, le mot kaffôf, qui désigne des usten- 
siles en usage dans le culte mosaïque, et ayant la forme 
du creux de la main, kâf, par conséquent des espèces 
de tasses ou coupes. H. Lesètbe. 

2. MORTIER, mélange agglutinant servant à retenir 
ensemble les matériaux d'une construction. Le mortier 
est ordinairement une composition de chaux, d'argile, 
de sable et d'eau dans des proportions diverses. Ces 
matériaux étaient à la disposition des anciens. Voir 
Argile, t. ï, col. 949; Chaux, t. n, col. 642. — Dans la 
construction de la tour de Babel, ce fut le bitume qui 
servit de ciment, homér, hï|X6ç, cgementum. Gen., xr, 
3. Voir Bitume, t. ï, col. 1803. En Egypte, les Hébreux 




864. — Egyptiens se servant de mortiers. 
D'après Wilkinson, The Manners and Customs of the ancient Egyptians, 1878, t. n, p. 240. 



nourrir. Pour plus de commodité, ils creusèrent ensuite 
en forme d'auge la pierre qui portait les grains à con- 
casser, afin de les empêcher de s'échapper. On a 
retrouvé dans les stations préhistoriques de grossiers 
mortiers en pierre dure, avec le pilon cylindrique destiné 
à écraser la blé (fig. 363). Cf. N. Joly, Uh&nvme avant 



fabriquèrent des briques et travaillèrent aux construc- 
tions de Phithom et de Ramessès. Exod., 1,11-14. Dans 
ces constructions, on a retrouvé les couches de briques 
reliées ensemble par du mortier. Cf. Naville, dans 
l'Egypt Exploration Fund, Report of the first gênerai 
meeting, 1883, p. 12. Le mortier servait aussi à faire 



1313 



MORTIER 



MORTS 



1314 



des enduits. Voir Enduit, t. n, p. 1783. Il est question 
de cet enduit, 'âfdr, xoîc, lutum, Lev., xiv, 42-48, à 
propos de la lèpre des maisons. Ézéchiel,xin, 10-15; xxn, 
28, en parlant des taux prophètes, dit que le peuple 
bâtit une muraille, et qu'eux la couvrent de mortier, 
(âfêl, mais que la muraille s'écroulera par le fait des 
intempéries, sans que le mortier dont on l'a recouverte 
empêche sa ruine. Les Septante traduisent fâfêl par 
àXotçTi, « enduit gras » ou « vernis ». La Vulgate le 
rend par lutum absque paleis, « argile sans paille, » 
et elle appelle cet enduit absque temperatura ou absque 
tempefamento, « sans constitution, s c'est-à-dire sans 
les éléments qui assureraient sa solidité. On lit dans 
l'Ecclésiastique, xxn, 21 : « Une palissade sur la hauteur 
ne tient pas contre la force du vent. » La Vulgate ajoute 
entre les deux membres de la phrase : cmmenta sine 
impensa posita. Les cxmenta sont des pierres brutes 
qu'on employait pour la construction des murailles. 
Cf. Cicéron, Pro Mil., 27; Vitruve, I, v, 8; II, vu, 1. 
Vimpensa est la maçonnerie elle-même, cf. Palladius, 
i, 13, par conséquent le mortier. Le sens de l'addition 
est donc : « Un mur en pierres sèches ne tient pas 
contre la violence du vent. » Les Hébreux ne se servaient 
de mortier proprement dit que pour les constructions 
de quelque importance, dont les pierres n'auraient pas 
suffisamment tenu en place par leur propre poids. Les 
maisons communes n'avaient que des murs d'argile 
mêlée de paille. Voir Maçon, col. 519; Maison, col. 589. 
On enduisait de mortier l'intérieur des citernes artifi- 
cielles creusées dans un sol perméable, afin d'y pouvoir 
conserver l'eau. Cf. Jer., n, 13; Citerne, t. il, col. 788, 

H. Lesêtre. 

MORTIFICATION, acte volontaire de renoncement 
ou de pénitence. — 1° Le substantif (grec : vsxpta<rt;; 
Vulgate : mortificatio), ne se rencontre qu'une fois dans 
l'Écriture, II Cor., iv, 10, et là même il ne signifie pas 
la vertu morale désignée par le mot mortification, mais 
la mort violente, semblable à celle de Jésus-Christ, à 
laquelle nous expose la haine des persécuteurs. Dans 
l'Ancien Testament le verbe mortificare, opposé à 
vivificare, a toujours le sens de « faire mourir », jamais 
celui de pratiquer la vertu de mortification. Ainsi Dieu 
a le pouvoir de donner la vie (vivifical) et de l'enlever 
(mortificat). I Reg., H, 6. Dans la même acception, il 
est dit que l'impie cherche à donner la mort au juste, 
Ps. xxxvi, 32; cf. xlii, 22; cvm, 17; Prov., xix, 16. Le 
participe mortificatus a également le sens de « mis à 
mort ». Ps. lxxviii, 11 ; cf. II Cor., vi, 9. Saint Paul est 
le premier qui ait employé ce verbe dans le sens de 
vertu morale, ou de mort mystique par la répression 
de la concupiscence, des passions et du péché. C'est la 
doctrine de l'apôtre que la vie de l'homme dans le péché 
est une vraie mort, Rom., vm, 13, puisqu'elle exclut la 
grâce sanctifiante qui est la vie de l'âme et qu'elle con- 
duit à la damnation qui est la mort éternelle. Par contre, 
s'abstenir du péché, le combattre, en triompher, c'est 
mourir au péché et cette mort est la vie de la grâce. 
Rom., vi, 2, 7, 10, 11, 13; Eph., n, 1, 5; cf. v, 14. Aussi 
le chrétien pour vivre spirituellement doit d'abord en- 
trer dans cette mort, Col., n, 30; m, 3, et mourir non 
seulement au péché lui-même, mais à la concupiscence 
qui y conduit, à la vie des sens qui est une occasion 
permanente de péché, au corps lui-même, si souvent 
l'instrument du péché. I Cor., ix, 27. De là le mot très 
caractéristique de mortification. 

2° Le but de la mortification corporelle est de signi- 
fier la mortification intérieure ou de l'exciter. Il doit 
toujours y avoir harmonie et connexion entre l'une et 
l'autre, et l'Écriture réprouve expressément la mortifi- 
cation extérieure qui n'est pas accompagnée de la morti- 
fication intérieure : c'est une pure hypocrisie. Is., lviii, 
3-7; Jer.,xrv, 12; Matth., vi, 16, 17. A plus forte raison 
péprouve-t-elle la mortification pharisaîque pratiquée 

D1CT. de la bible. 



par vaine gloire et superstition. Matth., vi, 16-18; Col., n, 
23. Dans l'Ancien Testament la fête de l'expiation avec 
son caractère pénitentiel n'est instituée que pour exciter 
la mortification intérieure dans le repentir et la com- 
ponction du cœur. Lev., xvi, 29, 31; xxm, 27, 32; 
Num., xxix, 7. 

3° La mortification a sa place dans la vie privée et a 
pour objet le perfectionnement moral de l'âme, tantôt 
pour l'exciter à la pénitence, tantôt pour expier les fautes 
commises ou conjurer la colère de Dieu, III Reg., xxi, 
27-29, et obtenir miséricorde. Ps. xxxiv, 13; Tob., ni, 
10; Dan., ix, 3; Act., m, 2, 3. Elle entre également dans 
la vie publique avec le caractère de supplication solentj 
nelle soit pour détourner un malheur, Judith, iv, 8, 12 ; 
Esth., rv, 3, 16, soit pour obtenir l'assistance divine dans 
une entreprise difficile. Jud., xx, 26; II Par., xxxi, 13; 

11 Mach., xin, 12. Des privations corporelles des athlètes 
et des coureurs en vue de la récompense, saint Paul 
s'élève à la mortification pratiquée en vue de la gloire 
éternelle, I Cor., ix, 25, et en esprit de foi. Hebr., xi, 37, 38. 

4° Les principales pratiques de mortification exté- 
rieure mentionnées dans l'Écriture sont l'usage de la 
cendre qu'on répandait sur la tête et le visage (voir 
Cendre, t. H, col. 407) ; le jeûne, qui tantôt était une 
pratique publique et légale, tantôt une pratique privée et 
facultative (voir Jeune; t. m, col. 1528); l'emploi du 
cilice. Voir Cilice, t. n, col. 761. Par mortification on 
faisait abstinence, à l'exemple des Nazaréens qui re- 
nonçaient à toute liqueur enivrante, Num., vi, 3 (voir 
Abstinence, t. i, col. 100); on déchirait ses vêtements 
(voir Déchirer ses vêtements [Usage de], t. h, col. 1336); 
on poussait des soupirs et on versait des pleurs, Joël, il, 

12 (voir Larmes, col. 92); on couchait sur la dure, 
Is., lviii, 3, 7. Jésus-Christ, dans sa vie entière et par- 
ticulièrement dans son jeûne au désert s'offre comme 
un modèle de mortification, Matth., ix, 2; Marc, l, 13, 
bien que ses détracteurs l'aient accusé d'une vie immor- 
tifiée. Matth., xi, 19. Et, bien qu'il déclare lui-même 
qu'il n'est point venu aggraver le fardeau des traditions 
pénitentielles, mais plutôt les adoucir, Matth., xi, 19, il 
recommande l'usage de la mortification corporelle, 
Matth., ix, 14, 15; Marc, h, 18-20; Luc, v, 33-35. Saint 
Jean-Baptiste est aussi présenté dans l'Evangile comme 
un modèle de mortification, Matth., m, 4; xi,18;Marc,i, 
6; saint Paul se présente lui-même aux fidèles de Co- 
rinthé, comme ayant embrassé volontairement et pour 
l'amour de Jésus-Christ une vie très mortifiée. II Cor. , vi, 
5; xi, 27. La récompense de la mortification est ici-bas 
la joie intérieure et la surabondance spirituelle, 
II Cor., vi, 9, 10, et dans l'autre vie la couronne immor- 
telle. I Cor., ix, 25. P. Renard. 

MORTS (hébreu: mêf, mêfim; Septante : vexpot, 
xoi(iw|iévoi ; Vulgate: mortui, àefuncti), ceux qui ont 
été frappés par la mort. 

I. Les idées des anciens Hébreux sur les morts. — 
1° Il est incontestable que les anciens Hébreux ont cru 
à l'immortalité de l'âme. Voir Ame, t. i, col. 466-471. 
Pour eux donc, au moment de la mort, l'être humain se 
divisait en deux : le corps, qui retournait à la terre, dans 
le tombeau, et l'âme, qui se rendait dans un séjour ap- 
pelé le sche'pl,yoir Sche'ol. C'est là que ceux qui mou- 
raient étaient réunis à leurs pères. Gen., xxv, 17; xxxv, 
29; xlix, 32; Deut,, xxxn, 50; Judith, xiv, 6, etc. On 
savait qu'il était bon de mourir de la mort des justes. 
Num., xxm, 10. Mais on ne se rendait pas compte de ce 
qu'était le sche'ôl; on le considérait comme un séjour 
d'inaction et de silence, Ps. vi ( 6; xxx (xxrx), 10; 
lxxxviii (lxxxvii), 11-13; cxiv (cxiii), 17; Eccli., xrv, 
17 ; etc., comme un pays de ténèbres et d'horreur. Job, x, 
21,22. On donnait le nom de refâ'îm,» faibles, «aux âmes 
qui habitaient dans ce séjour. Is., xiv, 9, 10 ; xxvi, 14, 
19 ; Prov., n, 18 ; ix, 18 ; xxi, 16. 

IV. — 42 



1315 



MORTS 



1316 



î» Leur séjourdansle pays d'Egypte permit aux Hébreux 
d'observer la place très considérable que le culte des morts 
tenait dans la vie des Égyptiens. Chez ces derniers, les 
tombeaux étaient les véritables demeures de l'homme, des 
demeures éternelles, àtStot oïxot. Dîodore de Sicile, i, 51. 
Les morts, avec leurs corps momifiés, y séjournaient en- 
tourés par les représentations des objets et même des 
serviteurs dont ils avaient besoin pour continuer dans 
l'autre vie les occupations de la vie présente. L'âme, 
souvent figuré dans les peintures par un petit être ailé, 
revenait vers sa momie, et y jouissait du culte que 
ses proches venaient lui rendre. Un rituel ou Livre 
des morts déposé dans la tombe indiquait à l'âme ce 
qu'elle devait savoir et faire pour arriver jusqu'aux 
dieux Horus et Osiris, y subir son jugement, et enfin 
d'être admise aux jouissances de l'autre vie. Le culte 
des morts se compliquait de multiples invocations aux 
dieux, de sacrifices, de festins funèbres et de toutes 
sortes de pratiques superstitieuses. Cf. Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, Paris, 6" édit., t. m, 
p. 524-527 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 180-194. Rien 
n'est plus frappant que la différence qui subsista toujours 
entre les Égyptiens et les Hébreux, malgré quatre cents 
ans de voisinage immédiat, dans la manière de concevoir 
et de pratiquer le culte des morts. Chez les Hébreux, 
ce culte est réduit à la plus simple expression. Il faut 
des circonstances exceptionnelles, comme la mort de 
Jacob, Gen., l, 1-3, 7-11, ou celle de Joseph, Gen., L, 
26, pour que ces derniers empruntent aux Égyptiens 
quelques-uns des détails matériels de leur culte des 
morts. 

3° Chez les Chaldéens, ancêtres des Hébreux, le culte 
des morts était beaucoup plus sommaire. On croyait à 
la survivance de l'âme, sans toutefois regarder son 
sort comme indissolublement lié à celui du corps. On 
tenait à ne pas laisser ce dernier à l'abandon, mais on 
lui donnait une sépulture assez simple, ou même on le 
brûlait. L'esprit du mort abandonné sans sépulture reve- 
nait tourmenter les vivants, jusqu'à ce qu'il eût obtenu 
la nourriture, les vêtements, les armes dont il était censé 
avoir besoin dans l'autre monde ; prières, libations, of- 
frandes s'imposaient également à ses enfants et à ses 
héritiers. En retour de ces dons divers, il les protégeait. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 683-689. Dans 
un rituel babylonien à l'usage des exorcistes, publié par 
H. Zimmern, Beitrâge mr Kenntnis der babylonischen 
Religion, Leipzig, 1901, n. 52, les morts qui tourmentent 
les hommes reçoivent des libations et même de la 
viande, au cours d'un sacrifice aux dieux, mais ils n'ap- 
paraissent ni bons et puissants comme les dieux, ni 
méchants et redoutables comme les démons. Il suffit 
de les apaiser en les rassasiant ; il n'est pas question de 
les prier ni de leur offrir un sacrifice. Ci. Lagrange, 
Les prêtres babyloniens, dans la Revue biblique, 1901, 
p. 401, 402. 

4" Moïse dut épurer ces croyances chaldéennes au sujet 
des morts. Il ordonna aux Hébreux de formuler solen- 
nellement cette protestation devant le Seigneur, quand 
ils prenaient part aux festins qui suivaient l'acquittement 
des dîmes : « Je n'ai rien mangé de ces choses pendant 
mon deuil, je n'en ai rien distrait pour un usage impur, 
je n'en ai rien donné à l'occasion d'un mort. » Deut., 
xxvi, 14. La pratique chaldéenne de l'offrande d'aliments 
aux morts était donc interdite. Pour ôter toute idée de 
culte idolâtrique rendu aux morts, Moïse prit soin de 
passer presque complètement sous silence la doctrine 
de l'immortalité de l'âme. Le culte spiritualiste imposé 
aux Hébreux devait suffire, en effet, pour les détourner 
du grossier matérialisme et maintenir dans leurs esprits 
la croyance naturelle à l'autre vie. De fait, c'est seule- 
ment dans les derniers temps avant Jésus-Christ que les 
doctrines matérialistes, accueillies de temps en temps 



par des esprits superficiels, Is., xxn, 13, eurent des 
adeptes plus nombreux, Sap., n, 1-11, et prirent corps 
dans la secte des sadducéens. Enfin, c'est encore pour 
empêcher toute tentative de culte superstitieux, que Dieu 
fit ensevelir Aaron au mont Hor, dans la péninsule Si- 
naïtique, Num., xx, 25-28, et Moïse, dans une vallée du 
pays de Moab, Deut., xxxiv, 5-6, en un endroit où son 
sépulcre resta à jamais caché. Moïse avait pris soin d'in- 
sérer dans sa législation une prohibition sévère de toutes 
les pratiques se rattachant à la nécromancie. "Voir Évo- 
cation des morts, t. n, col. 2128. 

II. Le culte des morts chez les Hébreux. — 1° Le 
culte des morts obligeait les Hébreux à certains devoirs 
envers la dépouille de ceux qui n'étaient plus. Voir Em- 
baumement, t. ii, col. 1728; Ensevelissement, t. n, 
col. 1816; Funérailles, t. n, col. 2421. La privation de 
sépulture était considérée comme une malédiction des 
plus graves. Jer,, vm, 2; xiv, 16; xvi, 4, 6; xxn, 19; 
I Mach., vu, 17, etc. Il n'était pas permis de laisser un 
cadavre humain à la surface du sol. Le mort ainsi aban- 
donné était appelé met misvdh, « mort de précepte, » 
parce qu'il y avait obligation pour quiconque le rencon- 
trait, fût-il même prêtre, nazaréen ou grand-prêtre, de 
lui procurer la sépulture. On pouvait l'inhumer là où il 
se trouvait. Cl. Reland, Palestina illustrata, Utrecht, 
1714, t. i, p. 261; Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, 
p. 79; Iken, Antiquitates hebraicm, Brème, 1741, p. 613. 
Aux soins matériels envers les morts se joignait l'ex- 
pression du chagrin. Voir Deuil, t. n, col. 1396. Les 
sages recommandaient de ne s'y abandonner qu'avec 
mesure. Eccli., xxxvm, 16-24; cf. vu, 37; xxn, 10. 

2° Mais il y avait dans la législation mosaïque des 
prescriptions qui mettaient nécessairement obstacle à 
toute exagération dans le culte des morts. Au contact 
d'un mort ou de ses restes, tout Israélite contractait une 
grave impureté qui le séparait pratiquement de la société 
de ses semblables pendant sept jours entiers et l'obligeait 
à des purifications importantes. Num., xix, 2-22. Voir 
Lustration, col. 423. Il était difficile à l'Israélite 
d'éprouver la tentation de rendre des honneurs supers- 
titieux à un cadavre ou à un tombeau qui lui faisaient 
contracter des impuretés si gênantes. Il devait être porté 
bien plutôt à s'en éloigner. A l'époque de Notre-Sei- 
gneur, les Juifs rebâtissaient les tombeaux des prophètes 
et les décoraient. Matth., xxm, 29;Luc.,xi, 47. C'est un 
des rares indices d'un hommage spécial rendu aux morts 
dans le cours de l'histoire juive. Le Sauveur ne le blâme 
pas. Il recommande cependant à son disciple de « laisser 
les morts ensevelir leurs morts ». Matth., vm, 22. Ce 
conseil parait vouloir faire entendre que, sous la loi 
nouvelle, il n'y aura plus à s'embarrasser des longues 
formalités qui entravent celui qui a perdu l'un des siens, 
que ces soins et l'impureté prolongée qu'ils entraînent 
devront être abandonnés aux morts, c'est-à-dire à ceux 
qui ne sont pas entrés dans la vie évangélique. 

3» Dans l'histoire de Tobie, l'ensevelissement des morts 
apparaît comme une œuvre de pitié digne de louange. 
Le saint homme vit dans un pays où la privation de sé- 
pulture est regardée comme un grand malheur. Il pro- 
cure donc une dernière demeure aux morts et aux vic- 
times des persécuteurs. Tob., i, 20, 21. Il est momenta- 
nément victime de sa charité, Tob., n, 3-5, 10, 11, mais 
à la fin l'ange Raphaël lui assure que sa conduite a été 
agréable à Dieu. Tob., xn, 12. 

III. La prière pour les morts. — 1" Il n'est question 
de la prière pour les morts que dans l'un des derniers 
livres de l'Ancien Testament. A la suite d'une victoire, 
Judas Machabée se mit en devoir de procurer la sépul- 
ture à ceux de ses compagnons qui avaient péri dans le 
combat. Mais on s'aperçut que les morts portaient sous 
leurs tuniques des ex-voto idolâtriques ramassés à Jam- 
nia. Alors même que ce fait n'impliquait aucune adhé- 
sion à l'idolâtrie, il y avait là cependant une souillure 



4317 



MORTS — MOSÉROTH 



1318 



et une infraction â la loi mosaïque. On y vit la cause 
de la mort qui avait frappé ces hommes. Judas Ma- 
chinée fit alors une collecte dont le produit fut envoyé 
à Jérusalem, afin que des sacrifices fussent offerts pour 
les péchés de ces soldats. L'auteur sacré observe ici que 
cette offrande de sacrifices suppose la foi en la résur- 
rection, et la récompense assurée à ceux qui sont morts 
dans la piété, mais que ceux-ci toutefois ont besoin 
d'être délivrés de leurs péchés. II Mach., xii, 39-46. La 
pratique des sacrifices offerts pour les morts ne se cons- 
tate dans aucun des livres sacrés antérieurs à cette épo- 
que. 

2° Dans le Nouveau Testament, il est question de bap- 
tême pour les morts, I Cor., xv, 29, baptême que des 
chrétiens recevaient à la place de personnes mortes sans 
l'avoir reçu, et auquel ils attribuaient à tort une effica- 
cité. Voir Baptême des morts, t. i, col. 1441. Saint 
Paul recommande aussi aux chrétiens de ne pas s'affli- 
ger, au sujet de leurs morts, comme ceux qui n'ont pas 
d'espérance. I Thés., îv, 13. Il fait allusion au feu du 
purgatoire qui doit éprouver la solidité des œuvres de 
celui qui passe dans l'autre vie. I Cor., m, 13-15. Il ne 
mentionne pas expressément la prière pour les morts; 
la pratique de cette prière remonte néanmoins aux ori- 
gines de l'Église. On trouve le mémento des défunts dans 
les plus anciennes rédactions de Ja messe romaine ou 
gallicane. Cf. L. Duchesne, Origines du culte chrétien, 
Paris, 1889, p. 174, 201. Les Juifs ont aussi introduit 
cette prière dans leurs usages. Pendant onze mois, le 
fils récitait une formule spéciale pour l'âme de son père 
et, chaque sabbat, à la synagogue, on disait une prière 
pour les morts. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, p. 615. 

IV. Les morts spirituels. — 1° Ce sont ceux qui 
ont perdu Ja vie spirituelle de l'âme, celle qui résulte 
de l'union de l'âme avec Dieu. Dans l'Ancien Testament 
les morts spirituels sont les pécheurs, qui se détournent 
du bien pour courir à la mort de l'âme. Prov., vm, 36; 
Sap., i, 12; Eccli., xxxvii, 21 ; Jer., xxi, 8, etc. Dans 
le Nouveau, ce sont aussi les pécheurs, Col., n, 13, et 
ceux qui refusent la vie nouvelle apportée par le Sau- 
veur. Joa., ni, 36; v, 40; vi, 54; xx, 31; Eph., n, 1, 
5, etc. Certains chrétiens s'imaginent avoir cette vie et ce- 
pendant sont morts. Apoc, iii,1. Ceux dont la foi n'est pas 
agissante et ne produit pas de bonnes œuvres ont 
une foi morte. Jac, II, 17, 20, 26. — 2° Les Apôtres par- 
lent aussi de ceux qui sont morts, non plus à la vie sur- 
naturelle, mais au mal, au péché, Rom., vi, 2, 11 ; 
I Pet., n, 24, en union avec Jésus-Christ, Rom., vi, 8 ; 
Col., Il, 20, dont ils partagent la vie cachée,dans la mesure 
où ils sont véritablement morts aux choses mauvaises 
de ce monde. Col., m, 3. H. Lesètre. 

MOSA, nom dans la Vulgate de trois Israélites. Deux 
d'entre eux s'appellent en hébreu Môsd, « issue, sortie, » 
le nom du troisième est écrit MêSa dans l'original. Un 
nom de ville dont l'orthographe diffère à peine de celle 
des deux premiers noms, Môsdh, et qui a la même signi- 
fication, est traduit dans la Vulgate par Amosa, t. i, 
col. 519. 

1. MOSA (hébreu : Môsà' ; Septante: Mo<rà), de la 
tribu de Juda, le second des trois fils que Caleb, fils 
d'Hesron (Caleb 2, voir t. n, col. 58) eut d'une de ses 
femmes de second rang appelée Épha. I Par., n, 46. 

2. MOSA (hébreu : MêSa', « lieu de retraite, soli- 
taire [?J; » Septante : M«râ; Alexandrinus : Motrâ), le 
troisième des sept fils que Saharaïm, de la tribu de 
Benjamin, engendra, dans le pays de Moab, de sa femme 
Hodés. I Par., vin, 9. 

3. MOSA (hébreu: Môsd' ; Septante: Mocktoî, I Par., 
Tlll, 36, 37; Masaâ, I Par., IX, 42, 43; Lucien : Moxrâ), 



descendant du roi Saûl, fils de Zamir et père de Banaa, 
I Par., vin, 36, 37; ix, 42, 43. 

MOSEL (hébreu : Me'ûzzâl; Septante : il 'AutJX), 
nom de lieu, dans la Vulgate Ezech., xvn, 19, Saint 
Jérôme a considéré le Me initial comme faisant partie du 
nom propre. Les commentateurs s'accordent générale- 
mentaujourd'hui à voir, comme les Septante, une préposi- 
tion dans me, a. dé, » et ils traduisent : « de Uzal, » ou 
« depuis Uzal ». Uzal désigne dans Ézéchiel une localité 
d'Arabie. Voir Uzal. 

MOSER Nonnosus, bénédictin bavarois, né le 13 fé}- 
vrier 1694, mort le 22 novembre 1756. Il fut abbé du 
monastère d'Attel et publia : Psalterium Davidis in très 
partes distributttm explanatione litlerali ac mystica 
aff'ectuose ac in modum meditationum dilucidatum. 
Accedunt Cantica canlicorum Salomonis, in-4 ', Strau- 
bingen, 1741. —Voir Ziegelbauer, Historia rei literariss 
Ordinis S. Ben., t. IV, p. 35, 39; [D. François], Biblio- 
thèque générale des écrivains de l'Ordre de Saint-Be- 
noît, t. n, p. 335. B. Heurtebize. 

MOSÉRA (hébreu : Môsérdh; Septante : Mio-aoof), 
station des Israélites dans le désert, où mourut et fut 
enseveli Aaron. Deut., x, 6. Elle est mentionnée entre 
Béroth des fils de Jacan (hébreu : Be'êrôf Benê Ya'âqdn) 
ou simplement Benéjaacan (hébreu : Benê Ya'âqdn), 
d'après Num., xxxm, 31, 32, et Gadgad. Mâsêrâh est 
ou un nom avec hé local, Môsêr-àh, ou un substantif 
féminin, dont le pluriel est Môsêrôt. Quoi qu'il en soit, 
on le regarde généralement comme identique a Moné- 
roth, dont il est question dans le catalogue des stations 
du désert. Num., xxxm, 30-31. Mais cette assimilation 
fait naître une difficulté, une sorte de contradition 
entre les deux textes. D'après Deut., x, 6, les enfants 
d'Israël allèrent de Béroth-Benéjaacan à Moséra, puis 
à Gadgad. D'après Num., xxxm, 30-31, ils allèrent au 
contraire de Moséroth à Benéjaacan et à Gadgad. D'après 
Deut., x, 6, Aaron mourut à la première station après 
Benéjaacan, tandis que ce fut à la sixième, d'après 
Num., xxxm, 31-38. Quelques auteurs ont cherché une 
solution en imposant aux Israélites des allées et venues 
assez compliquées et d'ailleurs invraisemblables. La ■ 
critique littéraire nous fournit probablemenl la meil- 
leure explication. Le f. 6 de Deut., x, fait partie d'un 
petit bloc erratique, f. 6-9, encastré dans les discours 
de Moïse. Il est facile de voir, à la simple lecture, 
que le morceau ne se rattache ni à ce qui précède 
ni à ce qui suit. On peut donc, selon toute vraisem- 
blance, pour ne pas dire toute évidence, regarder les 
f. 6 et 7 comme un fragment de l'itinéraire des Hébreux, 
correspondant à celui de Num., xxxm, 30-33. On 
trouve les mêmes noms dans les deux textes : Mosérar 
Moséroth, Benéjaacan=Béroth-Bénéjaacan, mont Gag- 
dad=Gadgad, Jétébatha. La recension deutéronomique 
offrirait ainsi une variante rédactionnelle par rapport 
à l'ordre des stations Moséra et Benéjaacan, à moins 
qu'on n'aille jusqu'à supposer un aller et retour entre 
les deux points. Léon de Laborde, Commentaire géo- 
graphique sur l'Exode et les Nombres, in-f°, Paris et 
Leipzig, 1841, p. 122-123, avait déjà, à la suite de plu- 
sieurs exégètès, admis, non sans hésitation, cette inter- 
polation. /Elle est aujourd'hui acceptée sans réserve 
par des auteurs catholiques, comme F. de Hummelauer, 
Comment, in Deut., Paris, 1901, p. 265. Mais il reste 
encore à expliquer comment Moséra, qui est identique à 
Moséroth, peut être le lieu de la mort et de la sépulture 
d' Aaron, puisque Moséroth est séparé par plusieurs sta- 
tions du mont Hor. Num., xxxm, 30-37. Voir Moséroth. 

A. Legendre. 

MOSÉROTH (hébreu : Môsêrôt; Septante : Vati- 
canus : MaaaovpwO, Num., xxxm, 30; MacaoupoùO, 



1319 



MOSÉROTH 



MOSOCH 



1320 



xxxm, 31; Alexandrinus : Macropo-jf), dans les deux 
endroits), un des campements des Israélites dans le 
désert. Num., xxxiii, 30, 31. Il est cité entre Hesmona 
(hébreu : HaSmônâh) et Benéjaacan (hébreu : Benê 
Ya'âqân). Môsêrôf est généralement regardé comme 
lé pluriel de M ôsêrâh, qui indique, Deut., x, 6, le lieu 
de la mort et de la sépulture d'Aaron, Or, nous savons 
par d'autres textes, Num., xx, 25-30; xxxm, 38, 
qu'Aaron mourut sur le mont Hor. La situation de cette 
montagne est aujourd'hui discutée. Voir Hor 1, c. m, 
col. 747. Mais quelle que soit l'opinion qu'on adopte, 
on doit conclure que Moséra=Moséroth était une station 
voisine de ce lieu célèbre. Cependant Moséroth, dans 
le catalogue des campements israélites, est éloigné de 
Hor. Cf. Num., xxxm, 30-38. Comment résoudre cette 
difliculté? Par une simple transposition, qui, du reste, 
est exigée par le contexte lui-même. Si l'on maintient, 
en effet, l'ordre des stations suivant le texte actuel, les 
Hébreux sont conduits en une seule étape d'Asiongaber, 
sur le golfe Elanitique, à Çadés, actuellement Ain Qedéis, 
loin vers le nord-ouest. L'auteur du catalogue si dé- 
taillé ne pouvait ignorer le situation de ces points 
importants. Il n'a pas dû vouloir non plus s'écarter 
délibérément de la tradition qui ne conduisait les 
Israélites à Asiongaber qu'après l'échec de la tentative 
de Cadès, et pour tourner le territoire iduméen. Pour 
trouver les stations intermédiaires entre Asiongaber et 
Cadès, il suffit de transporter les f. 36 b -41 a après le 
t. 30". De cette façon, Moséroth vient immédiatement 
après le mont Hor, et l'on explique très bien ainsi 
comment la tradition pouvait indifféremment désigner 
le lieu de la mort d'Aaron par Hor ou MoséraiMoséroth. 
Cf. M. J. Lagrange, L'itinéraire des Israélites du pays 
de Gessen aux bords du Jourdain, dans la Revue bi- 
blique, 1900, p. 273. — On a proposé d'identifier Moséra 
ou Moséroth avec le Djebel Madera, montagne isolée, 
située au nord-est d'Ain Qedéis. Cf. H. Clay Trumbull, 
Kadesh-Bamea, New-York, 1884, p. 132-139. Cette 
hjpolhèse demande confirmation. Cf. H. Guthe, H. 
Clay Trumbull's Kadesh Barnea, dans la Zeitschnft 
des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. vm, 1885, 
p. 213. A. Legendre. 

MOSES BEN NACHMAN. Voir Nachmamde. 

MOSOBAB (hébreu : Mesôbàb, « revenu; » Septante : 
Mooogà6), un des chefs de la tribu de Siméon qui, avec 
plusieurs de ses compatriotes, se trouvant trop à l'étroit 
dans leur pays, émigrèrent à Gador, du temps du roi 
Éiéchias. I Par., rv, 34. Voir Gador, t. m, col. 34. 

MOSOCH (hébreu : MéSëk; Septante : Mocrôx), 
mentionné dans la table ethnographique de la Genèse, x, 
2; cf. I Par., I, 5, comme le siiiéme des sept descen- 
dants de Japhet, entre Thubal' et Thiras, éponyme 
d'un peuple d'Asie Mineure, désigné par Hérodote et 
Strabon sous le nom de Môa^ai, et souvent mentionné 
dans les inscriptions assyriennes sous la forme Mu-us- ki 
ou Mu-us-ki, contrée et' peuple. On voit par ces trans- 
criptions grecque et assyriennes que les Septante et la 
Vulgate ont mieux conservé la prononciation véritable 
que le texte hébreu. — Quant au MeSek, Mosoch, de 
I Par., i, 17, c'est une erreur de copiste pour Mas, Mes, 
Gen., x, 23, descendant de Sem par Aram. Voir Mes, 
col. 1013. Celui du Psaume cxx, 5, opposé à Cédar dans 
l'hébreu, est employé au sens métaphorique, pour dé- 
signer une population ennemie et barbare du nord le 
plus lointain, comme Cédar personnifie les pillards no- 
mades du midi; les Septante et la Vulgate l'ont rendu 
seulement, Ps. cxix, 5, par (incolatus meus) prolon- 
gatus est, (un exil) long et lointain. 

1» Pris au sens propre, Mosoch est presque toujours 
accompagné de Thubal, dans la Bible, les inscriptions 



cunéiformes et Hérodote. Josèphe y voyait avec rai- 
son une nation de l'Asie Mineure, les Cappadociens, 
Ant. jud., I, vi, 1, qu'il localisait près des Ibères d'Asie. 
Cette dernière indication, mal comprise, et appliquée 
aux Ibères d'Espagne, a donné occasion à beaucoup 
d'auteurs de transporter Mosoch en Europe. Saint Jé- 
rôme, Lib. hebr. qussst. in Gen.,x, 2, t. xxm, col. 950, 
y voit encore après Josèphe les Cappadociens et leur 
capitale Mazaca; mais les Talmuds et le Targum des 
Paralipomènes y voient la Mœsie Danubienne ; Eusèbe, 
d'après Georges le Syncelle, Chronogr., édit. de Bonn, 
1829, 1. 1, p. 91, y voit les Illyriens. Knobel, Dis Vôlker- 
tafel, die Genesis, Giessen, 1850, p. 119-123, y voit enfin 
les Ligures. Bochart a repris la localisation asiatique 
de Josèphe, en montrant dans Mosoch les Mrfcrxot d'Hé- 
rodote, toujours accompagnés dans son texte par les 
Ttë<xp7)v<» comme Mosoch dans la Bible par Thubal. 
Cette identification a été depuis pleinement confirmée 
par les inscriptions cunéiformes qui placent toujours 
dans cette région les Muski communément accompa- 
gnés des Tabali. Elles nous apprennent que Mosoch 
était situé dans la Petite-Arménie, au nord-est de la 
Cappadoce, au nord de la Mélitène, au delà des fron- 
tières septentrionales de l'Assyrie, dans la région mon- 
tagneuse du cours supérieur de l'Euphrate, entre le 
Khumukh ancien ou Comagène et le Kas-ki ou pays des 
Cholches. 

2° D'après Ézéchiel, xxvn, 13, les habitants de ce pays 
étaient marchands d'esclaves et d'ustensiles d'airain, 
et Ty rieur servait d'intermédiaire pour les écouler dans 
tout le bassin de la Méditerranée. Leur présence dans 
la table ethnographique de la Genèse montre que c'était 
une nation puissante. Les inscriptions assyriennes du 
XII e au vn e siècle nous montrent les MuSki comme un 
peuple redoutable, capable par sa vaillance et par sa 
situation d'accès difficile, de s'opposer à la conquête 
assyrienne. Théglathphalasar I er (xn e siècle) nous dit que 
les Mosques, qu'aucun roi précédent n'avait jamais 
soumis, envahirent la Comagène avec une armée de 
20000 hommes conduits par cinq rois; mais il les en 
chassa et les contraignit à payer tribut. Assur-nasir-habal 
(883-858) reçut encore leur tribut. Ils ne sont guère 
plus mentionnés jusqu'à l'époque de Sargon (722-705). 
Cette fois leur roi Mita s'entendit avec Rousa ou Oursa, 
roi d'Arménie, pour secouer la domination assyrienne, 
puis envahit au sud-ouest, la Cilicie, jusqu'à la Médi- 
terranée : les généraux de Sargon les repoussèrent, im- 
posèrent à Mita, avec un tribut, l'abandon de quelques 
districts que Sargon peupla d'Araméens après en avoir 
envoyé les habitants en Chaldée. Depuis lors les Mosques 
ne font plus parler d'eux dans les annales assyriennes. 
Cependant le coup fatal leur fut porté seulement au 
VII e siècle, par les Scythes, qui envahirent tout à la 
fois l'Arménie, Thubal et Mosoch au temps d'Assur- 
banipal ou sous ses faibles successeurs, vers l'an 650. 
Une cinquantaine d'années plus tard, Ézéchiel, xxxil, 
26-27, menace l'Egypte d'un sort analogue à celui de 
« Mosoch et Thubal, et leur multitude..., morts par l'épée 
pour avoir semé la terreur sur la terre des vivants. » 
Ils sont descendus dans le schëôl comme Assur, Élam, 
Édom, c'est-à-dire que leur pouvoir a été détruit tota- 
lement comme celui de ces derniers royaumes. Plus 
loin, xxxviii, 2, 3 et xxxix, 1, le même prophète repré- 
sente le pays de Thubal et celui de Mosoch comme ap- 
partenant en effet à Gog, que les annales d'Assurbani- 
pal nous mentionnent comme chef des Scythes, voisin 
de l'Arménie. Il est vraisemblable que les vaincus se 
confondirent avec les envahisseurs, qui les entraînèrent 
dans leurs différentes expéditions vers le sud. Néan- 
moins une portion des Mosques résistèrent au torrent 
et se cantonnèrent dans le nord, ainsi que les Tabab 
ThoubaUTiSaprivo!, jusqu'aux rives orientales du Pont- 
Euxin, où ils formèrent, au temps de Darius, une grande 



1321 



MOSOCH — MOSOLLAM 



1322 



portion de la XIX e satrapie de l'empire perse. Héro- 
dote, m, 94. D'après le même historien, vil, 78, ils don- 
nèrent leur contingent à l'armée de Xerxés marchant 
contre la Grèce. Strabon, XI, h, 14-18, les place un peu plus 
avant dans l'intérieur des terres, et dit que leur pays a 
été partagé entre la Colchide, l'Ibérie et l'Arménie. Voir 
pour les identifications anciennes, Calmet, Commen- 
taire littéral, Genèse, 1715, p. 250, où il ne rejette pas 
l'opinion de Génébrard, qui voit dans Mosoch le père 
des Moscovites. — Bochart, Phaleg., m, 12, édit Leus- 
den, Amsterdam, 1692, col. 179; Schrader-Whitehouse, 
The Cuneiform Inscriptions and the O. T., t. i, 1885, 
p. 66 ; Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradiez ? 1881 , p. 250 ; 
Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschungen, 
1878, p. 155-162; Lenormant, Les origines de l'histoire, 
t. H, part, i, p. 406; part, n, p. 181 et suiv. Voir aussi 
pour l'histoire de Mosoch, Maspero, Histoire ancienne, 
t. n, p. 591, 643; t. m, p. 3, 16, 56, 239-244, 259; Me- 
nant, Les Annales des rois d'Assyrie, p. 36, 72, 165-167, 
189; Schrader, Keilinschriftliche £ibliothek,t. i, p. 18- 
19, 64-65, 42-43, 74-75. E. Pannier. 

2. MOSOCH (hébreu : Mésék; Septante : Moaéy), neu- 
vième et dernier fils de Sem, d'après I Par. , i, 17.D'après la 
Genèse, x, 23, qui est plus précise, il était le petit-fils et 
non le fils de Sem, et elle l'appelle Mès.Voir Mes, col. 1013. 

MOSOLLAM (hébreu : MeSullâm, « celui que [Dfeu] 
récompense, «nom, dans la Vulgate, de dix-neuf Israélites. 
Ce nom fut particulièrement en usage après la captivité. 
Les personnages appelés MeSullâm sont au nombre de 
vingt dans le texte hébreu, mais notre version latine n'en 
compte que dix-neuf parce qu'elle a transcrit le nom 
de l'un d'entre eux Messulam. IV Reg., xxn, 3. Voir Mes- 
sulam, col. 1041. Elle a écrit aussi le nom de Mosol- 
lam 9, Mesollam, s'il faut réellement identifier ce der- 
nier, II Esd., x, 125, avec le Mosollam de I Esd., vm, 16, 
■et II Esd., xii, 25. La forme complète du nom devait être 
MeSélêmyâh. Voir Mesollomia. Cf. les noms analogues 
-Mesollamith, Mesollamoth. 

1. MOSOLLAM (Septante: MoaoXXâpi), fils aîné de 
Zorobabel. I Par., m, 19. 

2. MOSOLLAM (Septante : MoffoXXîti), un des chefs 
•de la tribu de Gad qui habitaient dans le pays de Ba- 
san, sous le règne de Joatham, roi de Juda, et de Jé- 
Toboam II, roi d'Israël. I Par., v, 11, 17. 

3. MOSOLLAM (Septante : Mo<roXX«[j.), un des chefs 
fcenjamites, de la famille d'Elphaal, qui habita Jéru- 
salem après la captivité. I Par., vm, 17. Il est le même 
■que le suivant, d'après certains commentateurs. 

4. MOSOLLAM (Septante : MoaoXXâfj.), de la tribu de 
Benjamin, père de Salo, et, d'après quelques-uns, le 
même que le précédent. Salo fut un des habitants de Jé- 
rusalem après la captivité. I Par., ix, 7. Ce qui empêche 
d'affirmer l'identité de Mosollam 3 et 4 avec certitude, 
c'est que le benjamite Mosollam qui habita Jérusalem 
après la captivité est appelé fils de Joëd, II Esd., xi, 7, 
tandis que celui de I Par., ix, 7, est appelé fils d'Oduïa 
et descend d'Asana. 

5. MOSOLLAM (Septante: MoaoXXâ(i), chef benjamite, 
fils de Saphatias, qui habita Jérusalem après la capti- 
vité. D descendait de Jébanias. I Par., ix, 8. 

6. MOSOLLAM (Septante : Mo<roXXâ(i), prêtre, fils de 
Sadoc et père d'Helcias qui vécut à Jérusalem après la 
■captivité. I Par., ix, 11 ; II Esd., xi, 11. On admet com- 
munément que le prêtre Sellum, mentionné I Par., vi, 
■12-13, I Esd., vil, 2, n'est pas autre que Mosollam, dont 



le nom a été abrégé par la suppression de la première 
syllabe. 

7. MOSOLLAM (Septante: MoaoUâp.), prêtre, fils de 
Mosollamith' et père de Jeza, descendant d'Emmer. Il 
habitait Jérusalem. I Par., K, 12. 

8. MOSOLLAM (Septante: Moo-oXX«|jl), lévite, musicien, 
de la branche de Caath. Il fut chargé, avec d'autres 
lévites de surveiller les réparations qui furent faites au • 
temple de Jérusalem du temps du roi Josias. II Par., 
xxxiv, 12. 

9. MOSOLLAM (Septante : MenoXXâ|j.), un des chefe 
qui furent envoyés par Esdras à Chasphia auprès d'Eddo 
pour en ramener en Palestine des lévites et des Nathi- 
néens. I Esd., vm, 16. Divers commentateurs l'identifient 
avec les Mesollam, de Esd., x, 15, et le Mosollam de 
Il Esd., xii, 25. Voir Mesollam, col. 1022. 

10. MOSOLLAM (Septante : MaaoXXifi). un des fils de 
Bani, contemporain d'Esdras qui avait épousé une femme 
étrangère et qui fut obligé de la renvoyer. I Esd., x, 29. 

11. MOSOLLAM (Septante: MoffoXXâ|j.), fils de Bara- 
chie, descendant de Mésézébel, qui, du temps de Néhé- 
mie, répara en deux endroits différents une partie des 
murs de Jérusalem. II Esd., III, 4, 40. Il maria sa fille à 
Johanan, fils de Tobie. II Esd., VI, 18. Tobie, ennemi 
des Juifs, s'était assuré par ce mariage de son fils et 
par son propre mariage, une influence considérable à 
Jérusalem. 

12. MOSOLLAM (Septante : MeaovXân), fils de Bésodia, 
travailla avec Joïada, fils de Phaséa, à la réparation de 
la porte ancienne, à l'angle nord est de Jérusalem, du 
temps de Néhémie. II Esd., m, 6. 

13. MOSOLLAM (MeaoXXâji), un des principaux Israé- 
lites qui, du temps d'Esdras, se tinrent sur l'estrade à la 
gauche de ce dernier, lorsqu'il lut au peuple le livre de 
la Loi. II Esd., vm, 4. Aucune indication particulière 
n'est donnée sur Mosollam qui est simplement nommé; 
il peut ne pas être distinct de quelqu'un des précédents, 
contemporains comme lui d'Esdras, tejs que Mosollam, 
9, 11, 12 ou 19. 

14. MOSOLLAM (Septante : MenovXi|j.),prètre contem- 
porain de Jérémie qui signa l'alliance du peuple avec 
Dieu. II Esd., x, 7. C'est peut-être le même personnage 
que Mosollam 16 ou 17. 

15. MOSOLLAM (Septante : MsnouXXau.), un des chefs 
du peuple qui signèrent, du temps de Néhémie, l'alliance 
des Israélites avec Dieu. II Esd., x, 20. Il peut être le 
même que Mosollam 13. 

16. MOSOLLAM (Septante : MisaouXân), chef des prêtres 
de la familie d'Esdras du temps de Joacim. II Esd., xn, 13. 

17. MOSOLLAM (Septante : MeaoX<4|i)> prêtre, chef de 
la famille sacerdotale de Genthon du temps de Joacim. 
II Esd., xliTie. 

18. MOSOLLAM (Septante: Mo7oXdc|x), lévite qui vivait 
du temps de Néhémie et était gardien d'une des portes 
du temple de Jérusalem. II Esd., xii, 25. Il est possible 
que ce soit le même que Mosollam 9. 

19. MOSOLLAM (Septante: Msaotlip), un des chefs 
du peuple qui firent partie de la procession solennelle 
organisée par Néhémie pour la dédicace des murs de 
Jérusalem après leur restauration. II Esd., xii, 33. 



1323 



MOSOLLAMIA — MOUCHE 



1324 



MOSOLLAMIA (hébreu: Meselêmydh, celui que 
Yâh»ou Jéhovah récompense; Septante: MoffcOiXafi:), 
orthographe, dans I Par., ix, 21, du nom du lévite ap- 
pelé ailleurs Mesélémia. Voir Mesélémia, col. 1021. 

MOSOLLAMITH (hébreu : Mesillemif, « rétribu- 
tion ; » Septante : Maatlptùli), prêtre, fils d'Emmer et 
père de Mosollam 7. I Par., ix, 12. 

MOSOLLAMOTH (hébreu: Mesillêmôt, « rétribu- 
tion »), nom de deux Israélites. 

1. MOSOLLAMOTH (Septante: MtocroXantiO), P ère de 
Barachje, de la tribu d'Ephraïm. Voir BaraCHie 5, t. i, 
col. 1447. 

2. MOSOLLAMOTH (Septante : Mscraptjjiie), prêtre, fils 
d'Emmer et père d'Ahasi. II Esd., vi, 13. Divers com- 
mentateurs l'identifient avec Mosollamith, quoique le fils 
de celui-ci soit nommé Mosollam et non Ahasi. 

MOSQUENSIS (CODEX). ~ I. Manuscrit grec 
oncial des Évangiles, datant du IX e siècle, maintenant 
à la bibliothèque du Saint-Synode de Moscou, sous le 
n. 9 du dernier catalogue (autrefois n. 399). Il avait appar- 
tenu au monastère de Vatopédi (Mont-Athos) et n'arriva 
à Moscou qu'en 1655, Manquent : Matth., v, 44-vi, 12; îx, 
18-x,l; XXII, 44-xxni, 35; Joa., xxi, 10-25. Mais à partir 
de Joa., vu, 39 il est cursif. Matthsei le collationna deux 
fois en 1779 et en 1783 : la première fois, les deux der- 
nières lacunes signalées ci-dessus n'existaient pas en- 
core. Matthsei, Pauli epist. ad Thessal. Timoth., Riga, 
1785, p. 265-271. Sa ressemblance avec le Campianus M 
est frappante. On le désigne en critique par la lettre V 
ou mieux V"". Von Soden lui attribue le sigle s 75. 

II. Un autre manuscrit grec oncial de saint Paul et 
des Épîtres catholiques est conservé à la même biblio- 
thèque sous le n° 93 (autrefois 98). Il vient également 
du Mont-Athos (monastère de Saint-Denys). Manquent : 
Rom., x, 18-1 Cor., VI, 13; I Cor., viii, 7-11. Il a été' aussi 
collationné par Matthsei, Pauli Epist. ad Rom. TU. et 
Philem., Riga, 1782. En critique il est désigné par Ii 
ou K c ath. paui, pour le distinguer du Cyprius K ,v . Von 
Soden lui affecte le sigle J<, pour indiquer que le texte 
est accompagné de scholies de saint Jean JJamascène. 

F. Pbat. 

MOTAIS Alexandre Marie, né à Saint-Méen (Ule-et- 
Vilaine) le 20 janvier 1837, mort dans la même ville le 
19 février 1886. Élevé par une mère profondément chré- 
tienne, A. Motais fit ses études littéraires au petit sémi- 
naire diocésain établi dans sa ville natale, et en 1857 
entra au grand séminaire de Rennes. Nommé vicaire à 
Montfort-sur-Meu, puis à Saint-Étienne de Rennes, il 
exerça le ministère paroissial pendant ses quatre pre- 
mières années de sacerdoce. Il s'agrégea ensuite à une 
société de prêtres séculiers fondée à Rennes par M. l'abbé 
Guitton sous le nom d'Oratoire, afin de s'y consacrer à 
l'étude des sciences bibliques. Quatre années de travaux 
préparatoires lui permirent d'acquérir les connaissances 
indispensables à l'exégète, en particulier celle des langues 
orientales qu'il vint apprendre à Paris. Nommé en 1872 
professeur d'Écriture sainte et d'hébreu au grand sémi- 
naire de Rennes, il ' occupa sa chaire avec beaucoup de 
succès et de distinction jusqu'à la fin de sa vie. Dans 
son enseignement très solide et très goûté, le professeur 
se proposait surtout d'inspirer à ses élèves le goût des 
études bibliques, de les tenir au courant des controverses 
actuelles sur l'Écriture sainte, et de les initier à une 
bonne méthode de travail pour l'avenir. Ses études ne 
ralentirent jamais son zèle sacerdotal : il prêchait, donnait 
des retraites, et jusqu'à ses derniers jours il remplit dans 
un important orphelinat de jeunes filles toutes les fonc- 
tions d'aumônier. Il avait été nommé en 1881 chanoine 



honoraire de Rennes par Ms' Place, qui l'honorait 
d'une estime particulière et lui avait confié la direction 
des conférences ecclésiastiques du diocèse et la rédac- 
tion du rapport annuel. A. Motais a écrit : Salomon et 
VEcclésiaste, étude critique sur le texte, les doctrines, 
l'âge et l'auteur de ce livre, 2 in-8°, Paris, 1876 ; L'Ecclé- 
siaste, introduction critique, traduction française 
d'après l'hébreu, et commentaires, in-8°, Paris, 1877, 
dans la collection de La Sainte Bible avec commentaires 
éditée par Lethielleux; Moïse, la science et l'exégèse, 
examen critique du nouveau système d'interprétation 
proposé sur l'Bexaméron par Ms r Clifford, évêque de 
Clifton, in-8«, Paris, 1882; Le déluge biblique devant 
la foi, l'Écriture et la science, in-8°, Paris, 1885, le plus 
connu et le plus discuté de ses ouvrages, où il soutient 
la non-universalité du déluge relativement à l'espèce 
humaine. — Après sa mort, M. l'abbé Robert, un de ses 
élèves, a édité sous le titre Origine du monde d'après la 
tradition, in-12, Paris, 1888, une série d'articles qu'avait 
publiés M. Motais dans la Controverse (1883), la Revue 
catholique de Louvain (1883 et 1884), les Annales de 
philosophie chrétienne (1885) et qu'il s'était proposé de 
réunir lui-même en volume. D. Le Hir. 

MOUCHE, insecte de l'ordre des diptères (fig. 365). 
Voir Insectes, t. m, col. 885. Les mouches sont surtout 
pernicieuses par la trompe dont elles sont pourvues, et 
qui leur permet de percer la peau pour sucer le sang de 
l'homme ou des animaux. En certains pays et en cer- 
taines saisons, elles constituent un véritable fléau. Deux 
noms désignent les mouches dans la Sainte Écriture. 

1° 'Arob, nom des mouches de la quatrième plaie 
d'Egypte. Exod., vin, 21, 24, 29 ; Ps. lxxviii (lxxvii), 45; 



w 






865. — Mouche commune ou domestique. 

cv (crv), 31; Sap., xvi, 9. Ce mot est un nom collectif, 
qui reste toujours au singulier. Il vient probablement de 
'éréb, « mélange, » et suppose un ensemble d'êtres mal- 
faisants fondant sur les Égyptiens. Comme dans les 
autres plaies, ces êtres doivent appartenir au même 
genre. Ce sont, d'après les Septante, xuvô|iuia, des mou- 
ches qui s'attaquent aux chiens et sans doute aux autres 
animaux, cf. Élien, Nat. anim., iv, 51 ; d'après la 
Sagesse, y.vïa, la mouche en général; d'après Aquila, 
Ttâniiuia, toute espèce de mouches; d'après la Vulgate, 
omne genus muscarum, toute espèce de mouches, et 
musca gravissima, une mouche pernicieuse. Les mou- 
ches, ordinairement très abondantes en Egypte, y ren- 
dent parfois la vie presque intolérable. Les Européens 
établis dans le pays ne parviennent à s'en défendre 
qu'en ayant toujours un chasse-mouches à: la main. Il 
y en a de beaucoup d'espèces. « Leurs essaims y sont si 
multipliés qu'on mange des mouches, qu'on boit des 



1325 



MOUCHE 



MOUETTE 



1326 



mouches et qu'on respire des mouches. » Wood, Bible 
Animais, Londres, 1884, p. 633; Munis, Palestine, Paris, 
1881, p. 120. Elles affectent de se poser sur le visage, 
spécialement au coin des paupières, et donnent ainsi un 
caractère de virulence aux ophtalmies si fréquentes sur 
les bords du Nil ( Rien n'est pénible comme de voir le 
très grand nombre de pauvres enfants qui ont ainsi les 
yeux couverts de mouches, sans pouvoir se défendre 
contre elles. La mouche commune, musca (fig. 365), est 
beaucoup plus irritante en Egypte que dans les autres 
pays. Le cousin partage avec elle le soin de tourmenter 
les habitants. Voir Cousin, t. n, col. 1093. D'autres es- 
pèces, comme le tsetsé (fig. 366), s'attaquent aux ani- 




366. — Mouche tsetsé (Glossina palpalts). 

D'après E. Ed. Austen, A monography of the Tsetse-fltes, 

1903, pi. 1. 

maux, le taon, œstru (fig. 367), aux quadrupèdes, surtout 
aux bœufs et aux chevaux, Vhippoboscida aux chevaux, 
le tabanus marocanus aux chameaux, etc. Au moment 
de la quatrième plaie, les mouches d'Egypte devinrent 
beaucoup plus exaspérantes que d'ordinaire, tant par 
leur multiplication que par la cruauté de leurs piqûres. 




367. 



• Taon. 



Elles pénétraient dans les maisons, Exod., vm, 21, et le 
pharaon fut bientôt obligé de céder. - 

2» Zebûb, la mouche de Palestine en général, (iuïa, 
musca. Les mouches de Syrie sont les mêmes qu'en 
Egypte, mais moins nombreuses et moins importunes, 
Chauvetlsambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 95. 
Elles y étaient pourtant assez gênantes pour qu'à Acca- 
ron, les Philistins eussent un dieu des mouches, Beel- 
zébub, pour qu'il les préservât de ces insectes, de même 
que les Grecs avaient leurZsùç 'Aicopiutoç, Pausanias, V, 
xiv, 2, ou dieu p.uiarpoç, «chasse-mouches». Pausanias, 
VIII, xxvi, 7. Le Beelzébub d'Accaron fut probablement à 
l'origine le dieu qui chassait les mouches des sacrifices. 
Dans l'épopée chaldéenne sur le déluge, tablette xi, 1. 162, 



on lit que « les dieux se ressemblèrent au-dessus du 
sacrificateur comme les mouches ». On compta ensuite 
sur le dieu pour proléger contre les mouches même 
dans l'usage commun de la vie. Cf. Lagrange, Études 
sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 85. Voir 
Beelzébub, t. n, col. 1547. Les mouches pénétraient 
partout. Leurs cadavres infectaient et faisaient fermenter 
l'huile du parfumeur. Eccle., x, 1. Isaïe, vu, 18, dit que 
le Seigneur sifflera les mouches et qu'elles envahiront 
les vallons désolés, les fentes des rochers, les buissons 
et les pâturages. Les mouches désignent ici, sous un 
nom méprisant, les Égyptiens qui doivent venir châtier 
Juda. Les Arabes appellent encore dthebab le zebûb 
ancien. Ils donnent ce nom à la mouche qui suce Je 
sang et spécialement à celle qui tourmente les animaux 
en Palestine, comme dans la vallée du Nil. Cet insecte 
pique les hommes comme les animaux; il fait même 
périr des chameaux, quand ceux-ci ne sont pas suffi- 
samment soignés à la suite dès piqûres reçues. Le 
dthebab est une longue mouche grise qui se multiplie 
surtout dans la saison chaude, en juin et en juillet. Les 
mouches sont encore fort gênantes dans la vallée du 
Jourdain, sur le bord de la mer et en maints autres 
endroits. On a vu parfois des tribus nomades obligées 
de lever leur camp pour échapper à leur invasion. 
Cf. Wood, Bible Animais, p. 632-634. Parmi les dix mi- 
racles permanents qu'ils prétendaient' constater dans le 
Temple, les rabbins comptaient celui-ci : « On ne voyait 
jamais de mouches dans les abattoirs du Temple. » 
Pirké Aboth, v, 8. H. Lesêtre. 

MOUCHE DE L'OLIVE. Voir DACUs.t. n, col. 1201. 

MOUCHERON. Voir Cousin, t. n, col. 1095, 3». 

MOUCHETTES (hébreu: mélqàfyayim, duel pro- 
venant du verbe làqah, « prendre; » Septante: Xaëîç; 
Vulgate : emunctoria), instrument de métal composé de 
deux espèces de couteaux s'articulant l'un sur l'autre 
par le milieu, et servant à manipuler et à couper les 
mèches des lampes. Moïse et plus tard Salomon firent 
fabriquer des mouchettes d'or pur pour le service des 
lampes du sanctuaire. Exod., xxv, 38 ; xxxvii, 23 ; Num., 
iv, 9; III Reg., vu, 49; II Par., iv, 21. — Le même mot 
hébreu sert à désigner, dans Isaïe, vi, 6, la pincette, 
Xa." ! i, fo rce P s > avec l a quelle l'ange prend le charbon 
sur l'autel. Voir Pincettes. H. Lesêtre. 

MOUETTE (hébreu: sahaf; Septante: Xàooç; Vul- 
gate : larus), oiseau de mer, ,de l'ordre des palmipèdes 
etdela famille des longipennes. Cet oiseau a la tête assez 
grosse, le bec allongé et pointu, les ailes longues et aiguës 
(fig. 368). Il vole lourdement, mais avec continuité et 
malgré les plus fortes tempêtes. Il dépose ses œufs dans 
les creux des rochers et vit de toutes sortes d'animaux, 
morts ou vivanls, qui flottent sur les eaux, ou échouent 
au bord de la mer. Ce genre de nourriture donne à la 
chair de la mouette un mauvais goût et une odeur désa- 
gréable. La législation mosaïque la proscrit de l'alimen- 
tation. Lev., xi, 16; Deut.,xrv, 15. La mouette est carac- 
térisée par ses cris continuels, sa lâcheté devant le 
moindre ennemi et sa voracité. Aristophane, Aves, 567, 
591, donnée nom de Xapocà l'homme vorace et rapace. 
A cause de leur genre de vie, les mouettes sont aussi 
appelées vautours de mer. Les espèces dont la taille 
atteint ou dépasse celle du canard, portent le nom de 
goélands. — 11 existe, en Palestine plusieurs espèces de 
mouettes, qui fréquentent les côtes de la mer et celles 
du lac de Tibériade, le larus ichthyaetus, ou mouette 
grand aigle, qui dépasse les autres en taille et en beauté, 
le larus Andouini, qui est très abondant, le larus ridi- 
bundus ou mouette rieuse, ainsi nommée à cause de 
son cri, le larus argentatus et le larus fuscus, qui 



1327 



MOUETTE — MOULE A BRIQUES 



1328 



doivent leur nom à la couleur de leur plumage, etc. Il 
est probable que, sous le nom de Sahaf, le texte sacré 
vise d'autres espèces d'oiseaux de mer analogues à la 
mouette et dont la présence est signalée en Palestine, 
tels que les pétrels, les puffins et les sternes, tous pal- 
mipèdes longipennes, comme les mouettes. Les pétrels 
ne se plaisent que dans les mers agitées, d'où leur nom 
scientifique de procellaria. Ils ont de longues ailes et 



grisâtre et laineuse au-dessous (fig. 369). Les mouflons 
habitent par troupes dans les montagnes, surtout en Sar- 
daigne et en Corse, et il est très difficile de les chasser. 
C'est d'eux que viennent nos moutons domestiques. Le 
mouflon du nord de l'Afrique, ovis îragelaphus, appelé 
aoudad par les Arabes, se rencontre sur toute la côte de 
la Méditerranée. On le trouve représenté dans les an- 
ciens monuments égyptiens (fig. 370). C'est le mouflon 




368. — Mouette. 

un vol rapide ; ils effleurent les vagues et semblent mar- 
cher sur l'eau, comme saint Pierre, ce qui leur vaut 
leur nom vulgaire de pétrels. On en rencontre de plu- 
sieurs espèces sur les côtes d'Egypte et de Syrie et il y 
en a à vendre sur les marchés. Les puffins ne se dis- 
tinguent des pétrels que par une disposition particulière 
de 'la mandibule inférieure. Le puffinus cinereus et le 
puffinus anglorum volent en longues files de plusieurs 
centaines sur les côtes orientales de la Méditerranée. A 
cause de leur allure inquiète et de leur sombre plu- 
mage, les puffins passent aux yeux des musulmans pour 
avoir en eux l'âme des condamnés. Les sternes ou hi- 
rondelles de mer sont remarquables par la longueur de 
leur bec effilé et de leurs ailes. Leur queue est four- 
chue. Ils saisissent leur proie au vol ou à la surface des 
flots, en poussant des cris aigus. Ils fréquentent aussi 
les côtes de Palestine. Cf. Tristram, The natural history 
of the Bible, Londres, 1889, p, 210; The Fauna and 
Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 135. Aussi bien 
que les mouettes, les pétrels, les puffins et les sternes 
ont une chair coriace et indigeste, comme en général 
celle de tous les oiseaux de mer. Ils ne pouvaient donc 
servir à l'alimentation chez les Hébreux. 

H. Lesêtre. 
MOUFLON, mouton sauvage de montagne. L'espèce 
européenne a l m 20 de long et m 80 de haut. Les cornes, 




369. — Mouflon. 

triangulaires à la base, se terminent en lames. La queue 
est courte et la toison fauve ou noire et rude au-dessus, 



370. — Chasse à l'abu (mouflon). 
D'après P. E. Newberry, Béni Hassan, t. il, pi. rv. 

à manchettes, au pelage court et roussâtre, aux cornes 
longues, se touchant à la base et se recourbant en arrière 
pour se ramener ensuite en dedans. La taille est celle 
du mouton ordinaire. Une espèce probablement iden- 
tique est connue en Arabie Pétrée sous le nom de 
kebsch. Malgré la longueur et le poids de ses cornes, le 
mouflon est singulièrement vif et alerte pour sauter de 
roc en roc. On regarde comme probable que le mouflon 
qu'on signale dans les régions montagneuses entre la 
Circassie et la Perse, se trouvait autrefois dans d'autres 
pays, et particulièrement dans le Liban. Cl. Tristram, 
The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 73; 
Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 188. — Le 
mouflon serait désigné sous le nom de zémér et rangé 
parmi les animaux qu'il est permis de manger. Deut., 
xiv, 5. Ce ne pouvait être, en tous cas, une nourriture 
très à la portée des Hébreux. Toutefois, il est certain 
que, pour ce mot qu'on ne lit qu'en ce passage, la tra- 
duction des versions: xajiiriXoiràpSaXiî, camelopardalus, 
o girafe, » est absolument inacceptable. Voir CamÉléO- 
pard, t. ii, col. 91, et Chamois, t. n, col. 528. 

H. Lesêtre. 
MOULE A BRIQUES (hébreu : malbên; Septante : 
itXivôfov ; Vulgate : typus laterum), forme en bois dans 
laquelle on met l'argile qui doit servir à faire des 
briques, des tuiles, etc. Actuellement encore, en Egypte, 
les briquetiers emploient un moule de forme rectan- 
gulaire, composé de quatre planchettes en bois dur, 
dont l'une se prolonge de manière à pouvoir servir de 
manche. L'ouvrier place le moule sur un sol bien uni, 
y met de l'argile qu'il égalise avec la main et ensuite 
soulève le moule pour faire d'autres briques à la suite. 
Voir Brique, t. n, col. 1932. Des moules de forme ana- 
logue sont représentés dans la figure 616 du t. il, 
col. 1932. Cet instrument si simple, en usage chez les 
anciens Égyptiens, se retrouve chez les autres peuples 
qui construisaient avec des briques. — Quand David eut 
vaincu les Ammonites, il les mit aux scies, aux herses 
de fer et aux haches de fer, et il les fit passer aux moules 
à briques. II Reg., XII, 31. Cela ne signifie pas, comme 
on a souvent traduit, qu'il les mit sous ces instruments 
ou dans des fours à briques pour les faire périr, mais 
seulement qu'il les « préposa à » (n, be) ces instruments 
pour qu'ils devinssent eux-mêmes, au service des 
Israélites, des esclaves bûcherons, laboureurs, brique- 
tiers, etc. Ce sens, le seul acceptable grammaticalement, 
a déjà été défendu, contre les anciens traducteurs, par~"S 
J. A. Danzius, De Davidis in Ammonitas erudelitate 
mitigata, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 
1732, t. i, p. 671-675. Voir Four, t. il, col. 2338. Le mot 



1329 



MOULE A BRIQUES — MOUTON 



1330 



malbên signifie g moules à briques », ainsi qu'ont tra- 
duit les Septante et la Vulgate. Au lieu de malbên, 
signalé en qeri, le chethib a dans le texte actuel malien, 
mot qui se rapproche de milkom, Moloch, divinité des 
Ammonites, et qui désignerait une statue de cette divi- 
nité. La leçon du qeri est préférable et a pour elle 
l'autorité des versions et le sens général de la phrase. 
-»■ Nahum, m, 14, s'adresse à Ninive, dont il prédit la 
ruine, et lui dit : « Répare tes forteresses, entre dans la 
boue, foule l'argile, rétablis le malbên. » Septante : 
itXivÔov; Vulgate : laterem. Il s'agit encore ici du moule 
à briques que les Ninivites auront à rétablir et à utiliser 
pour réparer leurs fortifications. — Dans Jérémie, xliii, 
9, il est aussi question du malbên, dans l'argile 
duquel le prophète reçoit l'ordre de. cacher de grandes 
pierres, dont la dimension n'est pourtant pas considé- 
rable, puisqu'il doit les prendre dans-sa main. La ver- 
sion grecque traduit èv tû xpu? Iw, « dans la cachette, » 
mots qui ne sont ni dans le texte du Vatican, ni dans 
l'Alexandrin, mais proviennent d'autres manuscrits, et 
la Vulgate : in crypta quse est in muro latericio, « dans 
la cave qui est dans le mur de briques, » combinant 
ainsi l'idée exprimée dans l'hébreu avec celle que rend 
le texte grec. On entend ici par malbên soit une place 
rectangulaire comme un moule à briques, soit un 
pavage en briques, soit une place faite avec de l'argile 
à briques. Ct. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 
1899, p. 448. C'est en effet au-dessus de ces pierres 
cachées dans l'argile que Nabuchodonosor doit dresser 
son trône; mais cette argile figure le sol de l'Egypte, 
sur laquelle le roi de Babylone doit asseoir sa domina- 
tion, en l'appuyant sur un fond de pierres, c'est-à-dire 
d'une manière solide. Pas plus que dans les deux 
passages précédents, le mot malbên ne saurait désigner 
un four à briques, ainsi que l'ont cru plusieurs commen- 
tateurs, cf. Rosenmûller, Jeremias, Leipzig, 1827, t. il, 
p. 249, car en Egypte on ne se servait guère que de 
briques séchées au soleil. Voir Maçon, col. 513-514. 

L'explorateur anglais Flinders Pétrie croit avoir re- 
trouvé à Tell Defennéh, l'ancienne Taphnès, l'emplace- 
ment auquel fait allusion Jérémie, Devant un monceau 
de ruines, composé de briques brûlées et noircies, il 
constata l'existence d'une surface de 30 mètres sur 18, 
toute pavée en briques reposant sur le sable. Cette plate- 
forme ne paraît avoir porté aucune construction. Elle 
était analogue à celles que les habitants du pays se 
ménagent devant leur maison, au moyen d'une couche 
de limon battu; et qu'ils entretiennent bien unies et 
bien propres. Elle ne serait autre que « la plate-forme 
en briques, à l'entrée de la maison du pharaon, à Ta- 
phnès ». Jer., xliii, 9. C'est là que Nabuchodonosor 
aurait dressé son trône. Les ruines que précède la plate- 
forme représentent un palais construit par Psammé- . 
tique I er , vers 665; on a trouvé un sceau de bronze 
d'Apriès dans une des chambres. La campagne de Nabu- 
chodonosor contre Apriès eut lieu entre 573 et 571. Cl. 
FI. Pétrie, Tanis, Part 11, Nebesheh (Am) and Defen- 
néh Tahpanhes, Londres, 1888, p. 47-15; Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. rv, 
p. 249-251. ' H. Lesêtre. 

MOULIN, appareil composé de deux pierres, appelées 
meules, et servant à écraser le grain, par compression 
-et par frottement, pour le réduire en farine. Voir 
Meule, col. 1049. 

MOUSSE, famille de plantes cryptogames. Certains 
auteurs ont voulu, mais sans raison suffisante, identifier 
■quelque espèce de mousse avec le 'êzôb, qui est dit 
■croître dans les murs. III Reg., iv, 83 (hébreu, v, 13). 
Pour la Pottia truncata que des exégètes ont nommée 
particulièrement, c'est une mousse terrestre et non mu- 
rale. Voir Hysope, t. ni, col. 798. E. Levesque. 



MOUSTACHE (hébreu : èâfâm; Septante : (tjotoiÇ; 
Vulgate : barba), partie de la barbe qui recouvre la 
lèvre supérieure. On donnait certains soins à la mous- 
tache, on la coupait pour qu'elle ne recouvrit pas la 
bouche ; mais on s'abstenait de ces soins dans les temps 
de deuil. II Reg., xix, 24. On tenait la moustache recou- 
verte par le manteau quand on était lépreux, Lev., xm, 
45, quand on ne savait que répondre, Mich., m, 7, ou 
qu'un deuil obligeait au silence. Ezech., xxiv, 17. Les 
Septante n'emploient le mot (jujo-raÇ que dans le pre- 
mier texte; dans les trois autres, les versions traduisent 
par des équivalents : uzô\i.%, x e ^1> os > vultug. Voir 
Barbe, 1. 1, col. 1450. H. Lesêtre. 

MOUSTIQUE. Voir Cousin, t. n, col. 1092-1095. 

MOUT (hébreu : 'âsîs, (îrôS; Septante : -fXuxa5[ii5ç, 
fieOxoç, oîvoç véo;; Vulgate : mustum, vinuni novum), 
jus du raisin ou de quelque autre fruit avant la fermen- 
tation. Le sucre n'étant pas encore transformé en alcool 
par la fermentation, le moût est doux et sucré; il n'en 
cause pas moins l'ivresse quand il est pris en quantité 
excessive, la fermentation se produisant alors à l'inté- 
rieur de l'estomac. — 1° Il est assez probable que le 
jus de la vigne bu par Noé n'était encore que du moût. 
Gen., IX, 21. Isaac souhaite à son fils Jacob du blé et du 
moût en abondance. Gen., xxvii, 28. Ces deux produits 
servaient à caractériser une terre fertile. Deut., xxxm, 
28; IV Reg., xvm, 32; Is., Xxxvi, 17. L'épouse du Can- 
tique, vin, 2, promet à l'époux de lui faire boire du 
moût de grenades. Quand les apôtres, au jour de la 
Pentecôte, se mettent à parler diverses langues, plusieurs 
auditeurs disent par moquerie qu'ils sont « pleins de 
moût ». Act., h, 13. Bien qu'on trouve déjà des grappes 
mûres en Palestine dès le mois de juillet, la vendange ne 
commence qu'avec septembre dans les vallées les plus 
chaudes et se continue ailleurs jusqu'à la fin d'octobre. 
Cf. Tristam, The natural History of the Bible, Londres, 
1889, p. 408. La Pentecôte se célébrait en mai. On 
n'avait pas alors de grappes mûres et l'on ne pouvait 
faire de moût. Il faut donc que le mot fXeûxoç, employé 
ici par saint Luc, désigne simplement une espèce de 
vin sucré, mais fermenté, comme en savaient fabriquer 
les anciens. Cf. Aristote, Meteor., iv, 3, 13, etc. — 
2° Dans le sens figuré, le moût représente des jouissances 
et des biens de différentes sortes. Le moût sera enlevé 
de la bouche des ivrognes d'Israël. Joël., I, 5. Mais à 
l'époque de la restauration, le moût ruissellera des mon- 
tagnes. Joël., m (hébreu, iv), 18; Am., ix, 13. Les oppres- 
seurs d'Israël seront enivrés de leur propre sang comme 
de moût. Is., xlix, 26. Israël coupable pressera le moût, 
mais ne boira pas le vin. Mich. , vi, 15. Dieu l'épargnera 
cependant, comme on épargne la grappe qui contient 
seulement un peu de moût. Is., lxv, 8. Le moût, qui en 
fermentant fait éclater les outres, représente la pensée 
qu'on ne peut contenir, Job, xxxii, 19, ou la doctrine 
nouvelle qu'on ne peut emprisonner dans des pratiques 
anciennes. Matth., îx, 17; Marc, u, 22. 

H. Lesêtre. 

MOUTARDE. Voir Sénevé. 

MOUTON, nom générique qui sert à désigner en 
français les animaux de l'espèce ovine (fig. 371-372). A 
proprement parler, ce nom ne convient qu'à l'animal que 
la mutilation a rendu impropre à la reproduction. La 
loi défendait d'offrir en sacrifice les animaux qui avaient 
subi la castration, et le texte ajoutait : « Ne faites point 
cela dans votre terre, » c'est-à-dire dans le pays de Cha- 
naan, quand vous y serez établis. Lev., xxn, 24. Plu- 
sieurs auteurs pensent que la chose défendue, c'était la 
castration elle-même. Cf. Rosenmûller, Scholia in Le- 
vit-, Leipzig, 1798, p. 127. D'autres croient que le légis- 
lateur prohibe seulement l'offrande de tels animaux, le 



9 



1331 



MOUTON 



MUET 



1332 



verbe 'âédh, < faire, » ayant assez souvent le sens 
d'« offrir ». Exod., x, 25; xxix, 36, 38, 39, 41; Lev., ix, 
7; xv, 15; xvi, 9; III Reg., vin, 64; IV Reg., xvn, 32; 
II Par., vu, 7. Cf. Fr. de Hummelauer, Comm. in Exod. 
etLevil., Pari», 1897, p. 511 ; Buhl, Gesenius' Handwôr- 
terbuch, Leipzig, 1899, p. 644. Toutefois Josèphe, 
Ant. jud., IV, vin, 40, et la tradition juive enseignent 
que la mutilation des animaux était prohibée, aussi bien 
que celle de l'homme. Le mouton mâle entier s'appelle 



Job, vl, 24; xiii, 13. Saint Jérôme, In Matth., ix, 32, 
t. xxvi, col. 60, observe que le mot xtitpoç désigne plus 
habituellement le sourd que le muet, dans le langage 
commun, mais que l'Écriture l'emploie indifféremment 
dans les deux sens. Le mutisme accidentel est produit 
par la paralysie ou la lésion grave des muscles de la 
glotte, des cordes vocales, ou même de la langue. 
Dans ce dernier cas, les sons produits sont inarticulés. 
Ce résultat peut être dû à une grande frayeur, comme 





87t. — Moutons représentés sur les monuments assyriens. 
D'après The Bronze ornaments of the Palace Gates of Balawat, pi. 37 et 44. 



bélier, et le mouton femelle brebis. Voir Bélier, t. i, 
col. 1562, et Brebis, 1. 1, col. 1911. 

H. Lesetre. 
MUET (hébreu :'illêm, de 'dlani,* lier, » d'où né'ëlam, 
« être muet, » être lié par la langue; Septante : xtiço; 
âXaio;, SXoyoc, atpwvo;; Vulgate : mutus), celui qui ne 
possède pas l'usage de la parole. — 1° Le mutisme peut être 
congénital ou accidentel. Le mutisme congénital tient 
ordinairement à la surdité. Le muet ne parle pas parce 
qu'il n'entend pas ceux qui parlent autour de lui. Sa 
longue est si bien conformée comme celle des autres, 
qu'aujourd'hui l'on parvient, par des exercices prolongés, 
à faire parler les muets sans qu'ils s'entendent eux- 
mêmes. En grec, le xwœo; est à la fois le muet, Hérodote, 
I, 47, et le sourd, Eschyle, Sept., 202; xwçâw signifie 
« rendre muet », xiooio). « rendre sourd, >î et dans les 
Septante, xwçsOui veut dire « être sourd » ou « muet ». 



il arriva pour Héliodore dans le Temple, II Mach., m, 
29 ; à un vif sentiment d'élonnement et de respect, comme 
celui qui saisit Daniel pendant que l'ange lui parlait, 
Dan., x, 15, ou à une intervention divine, comme dans 
le cas de Zacharie, puni de son incrédulité par un 
mutisme temporaire. Luc, I, 20, 22, 64. — Sur le 
mutisme volontaire ou commandé, Ps. xxxvill (xxxix), 
3, 10; Ezech., m, 26; xxiv, 27; xxxm, 22, etc., voir 
Silence. — 2» C'est Dieu même qui fait le muet et le 
sourd, Exod., îv, 11, c'est-à-dire que ces infirmités ne 
se produisent pas sans sa permission. Comme le muet 
est incapable de parler pour sa propre défense, il est 
recommandé au roi Lamuel d'ouvrir la bouche en faveur 
de sa cause. Prov., xxxi, 8. Après le passage delà mer 
Rouge, la Sagesse ouvrit la bouche des muets et rendit 
éloquente la bouche des enfants, Sap., x, 21, ce qui 
signifie que tous les Israélites, sans exception, firent 



1333 



MUET — MUIS 



1334 



éclater leur reconnaissance, chacun à sa manière. Le 
psalmiste souhaite que les Jèvres menteuses deviennent 
muettes. Ps. xxxvn (xxxvin), 14. Isaïe, xxxv, 6, dit 
qu'aux temps messianiques « la langue du muet 
tressaillera de joie ». Dans sa réponse aux envoyés de 
Jean-Baptiste, Notre-Seigneur ne signale pas la guéri- 
son des muets parmi les merveilles qu'il opère; mais 
il parle de l'ouïe rendue aux sourds, et ce miracle 
suppose ordinairement que la parole est aussi restituée 
au sourd-muêt qui en a perdu l'usage. Matth., xi, 5; 
Luc, vu, 22. De fait, Notre-Seigneur guérit souvent des 
muets. Saint Matthieu, xv, 30, 31, dit que des foules 
nombreuses lui amenaient des muets et qu'elles étaient 
ensuite dans l'enthousiasme en voyant les muets parler. 
Plusieurs guérisons de muets sont racontées avec quelque 
détail. Un jour, le divin Maître a devant lui un muet 
qui est possédé du démon; le démon chassé, le muet 
parle aussitôt et les témoins du miracle manifestent 
leur admiration. Matth., ix, 32, 33. Le mutisme de cet 
homme était donc causé par le démon et ne datait pro- 
bablement pas de la naissance. Aussitôt délivré, cet 



Les mauvais pasteurs sont comparés à des « chiens 
muets, qui ne saventpas aboyer ». Is., Lvi, 10. Le Messie 
ira à la mort comme une brebis muette, qui ne bêle pas 
quand on la mène à la boucherie. Is., lui, 7. Une bête • 
naturellement muette, l'ânesse de Balaara, a adressé la 
parole au faux prophète. II Pet., n, 16. Saint Jude, 10, 
compare les impies à des bêtes sans raison, aXoya. La 
Vulgate traduit ce mot par muta, muettes. Le grec 
aXo-fOÇ signifie en effet « sans parole », qui ne parle 
pas, mais bien plus fréquemment « sans raison ». Les 
deux sens conviennent ici, mais le second est plus 
expressif et s'applique communément aux animaux. 
Cf. Sap., xi, 15, 16. — 4° Plus encore que les animaux, 
les idoles sont muettes, incapables d'entendre et de 9j 
répondre. Bar., vi, 40; Hab., n, 18; I Cor., xil, 2. 

H. Lesêtre. 
MUIS (Siméon Marotte de), né à Orléans en 1587, 
mort à Paris en 1644. Il fut nommé de Muis, ou plutôt 
du Muis, par son père, qui possédait un vignoble dans 
le territoire du Muis, entre Orléans et Saint-Mesmin. 
Dès l'âge de vingt-sept ans, il fut choisi pour enseigner 




372. — Soldats assyriens taisant cuire un mouton. D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. it, pi. 35-36. 



homme se met à parler, ce qu'il savait sans doute faire 
avant sa possession. S'il n'avait jamais parlé auparavant, 
le miracle serait encore plus grand. Une autre fois, il 
s'agit encore d'un possédé, qui est à la fois aveugle et 
muet. Le Sauveur le guérit de même par l'expulsion du 
démon. Matth., xu, 22; Luc, xi, 14. Saint Marc, vu, 
32-34, raconte la guérison d'un sourd et muet qui n'es; 
pas possédé du démon. Le Sauveur le prend à part, 
met ses doigts dans ses oreilles et de la salive sur sa 
langue; puis levant les yeux au ciel et soupirant, il dit : 
Ephphetha, « ouvre-toi. » Aussitôt l'homme entend, 
« le lien de sa langue est dénoué et il parle comme il 
faut. » Cet homme était [j.oyiX«Xoc, mot qui signifie 
« parlant difficilement », mais qui, dans le grec des 
Septante, désigne aussi le muet, 'illêm. Is., xxxv, 6. 
Notre-Seigneur lui touche la langue avec de la salive, 
ce qui indique bien que l'organe de la parole avait 
besoin de guérison, et que la surdité n'était pas ici 
l'unique cause du mutisme. Ensuite cet homme parle 
comme il faut, locution qui n'implique pas la simple 
disparition d'un bégaiement, mais l'acquisition d'une 
faculté qui manquait précédemment à ce malheureux. 
En vertu du miracle, non seulement il peut parler, 
mais encore il sait parler. C'est ce que suppose l'admi- 
ration de la foule, proclamant que le Sauveur fait par- 
ler les muets, à\akox>i, ceux qui ne parlent pas. — 
3» Les animaux sont muets, mais ils ne sont pas aphones. 



l'hébreu au collège Royal (Collège de France), à la place 
de Victor Cayet : ses provisions lui furent données à 
Tours le 24 juillet 1614. Il exerça durant trente ans ces 
fonctions de « lecteur et professeur royal des Lettres 
sacrées et hébraïques ». Il reçut le sacerdoce seulement 
en 1620 ou 1621 : il avait été un peu auparavant nommé 
chanoine de l'Église de Soissons, et devint plus tard 
archidiacre de la mêmeÉglise, Les contemporains louent, 
outre son érudition, sa piété et l'aménité de son carac- 
tère. 

Ses ouvrages sont, par ordre de dates : 1° Commen- 
larii hebrseo-latini R. Davidis Kimlti et R. Salonwnis 
Jarhi in Malachiam, interprète S. M. de Muis... Acce- 
dit R. D. Kimhi in Psalm. exil commentarius, in-4», 
Paris, 1618. Sous ce titre général on trouve réunies dans 
un même volume, dont la pagination n'est pas continue, 
les publications suivantes : le texte hébreu de Malachie et 
des commentaires de Kimchi et de Jarchi," la traduction 
latine de Malachie et des deux commentaires ; le texte hé- 
breu et la traduction latine du psaume cxii et du com- 
mentaire de Jarchi sur ce Psaume; 2» In Psalmum xix 
trium erudilissiniorum rabbinorum [D. Kimchi, Aben- 
Ezra, S. Jarchi] commentarii, hebraïce cum latina inter- 
prétations Simeonis de Muis, in-8", Paris, 1620; 3» Ro- 
berti Rellarmini lnslitutiones lingus hebraïca-; accessit 
ejusdem exercitatio in Psalmum xxxiv, una^cum Si- 
meonis M «sii annolalionibus : quibm adjecla est Silva 



1335 



MUIS — MULET 



4338 



radicutn hebraicarum, autore J. B. Martignac, S. J. : 
tmxnia per eumdem Musium recognita, in-8°, Paris, 
1622; les notes ajoutées par S. de Muis sont distinguées 
par les initiales S. M.; 4° Commentarius litteralis et 
historicus in 50 Pialmos Davidis priores, in-8°, Paris, 
1623. Essai du commentaire complet; o" Varia sacra 
variis e rabbinis contexta, in-8», Paris, 1629. Cet ou- 
vrage, désigné aussi sous le titre de Varia sacra in 
Pentateuchum, contient des notes tirées des rabbins 
sur le Pentateuque et sur quelques passages des Juges 
et de Samuel (I et II Reg.). Il a été reproduit dans les 
Critici sacri d'Angleterre; 6° Commentarius litteralis 
et historicus in omnes Psalmos et selecta Veteris Testa- 
menti cantica, cum versione nova ex hebraïco, in-f°, 
Paris, 1630. Il faut signaler la réédition donnée par 
Paquot, 2 in-4°, Louvain, 1770, où l'on a réuni les notes 
de Muis et celles de Bossuet; 7» Assertio veritatis 
hebraicee adversus Joan.-Morini Exercitationes in 
ulmmque Samaritanorum Pentateuchum, in-8 , Pa- 
ris, 1631 ; 8° Assertio veritatis hebraïcse altéra, in-8», 
Paris, 1634; 9° Epistola ad CM. qua defenditur lxx 
et Vulgatse interpretatio versus iO Psalmi XIX sive xx: 
Domine, salvum fac regem, adversus Joannem Dal- 
Useum, in-8°, Paris, 1636. Ejusdem Epistola altéra ad 
eumdem super litteris ad ipsum a Joanne Dalliieo 
datis de interprétations versus ejusdem, in-8°, Paris, 
1636. Ces deux lettres, souvent jointes au n° 8, font 
ensemble 32 pages. Il y a un post-scriptum qui ne se 
trouve pas dans toutes les éditions ; 10° Castigatio ani- 
madversionum M. Joannis Morini Blesensis in censu- 
ram exereitationum ecclesiasticarwniadPentateuchum 
samaritanum, sive hebraicee veritatis assertio tertia, 
in-8°, Paris, 4639; 11° Notée ad librum 1 Criticse sacra 
Ludovici Capelli. Publiées dans l'édition de Gapel de 
1650, pages 635-646. — On cite encore quelques opus- 
cules de S. de Muis publiés dans les ouvrages d'autres 
écrivaius, par exemple : des vers hébreux, en tête du 
commentaire de Kimchi sur quatre Psaumes publiés par 
Bourdelot en 1619; une approbation du dictionnaire 
hébraïque-rabbinique de Philippe d'Aquin, en 1629; des 
vers hébreux sur la prise de La Rochelle, dans un re- 
cueil de poésies en plusieurs langues composées pour 
célébrer cet événement. — En 1650, Claude d'Auvergne, 
successeur de Muis au Collège de France, donna une 
nouvelle édition de ses principaux ouvrages, sous ce 
titre : Simeonis de Muis opéra omnia in duos tomos 
dislribula, Paris, 2 en 1 in-f°. — Outre ces ouvrages 
imprimés, S. de Muis a laissé un manuscrit de 
500 feuillets sur les fautes qui se trouvent dans la Poly- 
glotte de Le Jay. Ce travail avait été entrepris par ordre 
de Richelieu, piqué de ce qu'on ne lui^vaitpas dédié la 
fameuse Bible, et désireux de la décrier avant même 
qu'elle fût livrée au public. Il pourrait être intéressant 
de rechercher ce manuscrit. Voir les renseignements 
donnés par le P. Le Long. Biblia Parisiens, polygl., 
% 15 (dans la Bibliotheca sacra, édit. de 1733, p. 34). On 
conservait aussi dans la bibliothèque de l'ancienne 
abbaye de Saint-Victor un manuscrit intitulé Libellus 
de benedictionibus Patriarcharum, attribué à S. de 
Muis. — Tous les ouvrages de Muis témoignent d'une 
grande érudition, mais que l'auteur sait mettre en œuvre 
avec beaucoup de méthode et de clarté. Dans la discus- 
sion avec le P. Morin, il se fit le défenseur du texte 
hébreu, que son adversaire disait très corrompu et dé- 
criait au profit du Samaritain, des Septante et de la 
Vulgate. Les arguments donnés de part et d'autre con- 
tribuèrent à faire avancer la question de la valeur et de 
l'autorité relative des versions et des textes anciens. 

La meilleure gloire de Muis est dans son commentaire 
sur les Psaumes. L'auteur s'efforce surtout d'établir le 
sens littéral par l'étude directe de l'hébreu et par les 
explications des rabbins. Les Pérès et les auteurs chré- 
tiens sont peu cités. Cependant Muis, très attaché au 



sens catholique, se sert fréquemment de son érudition 
hébraïque pour défendre la traduction et les interpré- 
tations traditionnelles. En regard de la Vulgate est placée 
une traduction latine nouvelle, œuvre de S. de Muis. 
Cette version, tout en s'écartant très peu de la Vulgate 
elle-même, permet de constater toutes les différences 
dignes d'attention entre celle-ci et l'hébreu : les va- 
riantes sans importance sont seulement notées en marge. 
L'ouvrage de Muis a été très loué par Godeau, Ellies du 
Pin, Calmet, etc. Valérien de Flavigny exprime bien 
son mérite en disant dans son Approbation « doctus, 
facundus, catholicus ». Bossuet écrit au P. Mauduit 
(lettre du 7 mars 1691), à propos des commentateurs des 
Psaumes : « Parmi les catholiques, Muis emporte le 
prix, à mon gré, sans comparaison. » 

Voir R. Simon, Histoire critique duVieux Testament, 
1. III, c. xvm, p. 425; 1. III, c. xvin, p. 470-471 (édit. 1685) ; 
Ellies du Pin, Bibliothèque, XVII e siècle, seconde par- 
tie, p. 320 sq. (édit. 1708). On s'est surtout servi, pour 
rédiger le présent article, de la notice manuscrite de 
dom Geron sur S. de Muis. Notices manuscrites de dom 
Geron, Bibliothèque publique d'Orléans, ms. 467, t. h, 
f° 73 sq. R. de LA Broise. 

MULET (hébreu : péréd, piràah, « mule ; » Septante : 
■»l[uovo«; Vulgate : mulus, mula), produit hybride de 






/■ 








873. — Mulet. 

l'âne avec la jument ou du cheval avec l'ânesse. De là 
Je nom grec du quadrupède, -fnxfovoî, « demi-âne. » — 
1° Histoire naturelle. — Le mulet est un produit dû à l'in- 
tervention de l'homme. Par sa conformation générale, 
il tient des deux animaux dont il provient, ayant plus 
spécialement les jambes du cheval et les oreilles de l'âne 
(flg. 373). Comme tous les produits issus de croisements 
entre espèces différentes, le mulet est impropre à la re- 
production; cependant l'incapacité de la mule sous ce 
rapport ne paraît pas être absolue. Le mulet a des qua- 
lités qui, dans certaines circonstances, le font préférer 
au cheval. Il est plus robuste et plus sobre, supporte 
mieux la chaleur, a la marche plus sûre dans les che- 
mins escarpés et gravit plus aisément les sentiers de 
montagnes, même avec de pesantes charges. Il vit aussi 
plus longtemps. Son nom assyrien, puridu, le rapide, 
le courrier, indique à quel usage on l'employait. Les 
premiers mulets orientaux durent naître dans les con- 
trées qui s'étendent entre le Gange et le littoral médi- 
terranéen de Syrie, quand les chevaux asiatiques se 
rencontrèrent avec les ânes africains. Cf. Piètrement, 
Les chevaux dans les temps préhistoriques" et histori- 
ques, Paris, 1883, p. 718-728. On les trouve représentes 



1337 



MULET — MULTITUDE 



1338 



sur les monuments assyriens (fig. 374), Il est déjà ques- 
tion de mules portant le fardeau, dans le poème baby- 
lonien sur Gilgamès, Cf. Haupt, Dos Babylonische Nim- 
rodepos, Leipzig, 1884-1892, p. 43. Les auteurs classiques 
font également remonter assez haut l'apparition du mulet. 
Cf. Diodore de Sicile, II, 11; Hérodote, i, 188; m, 153; 
vu, 57; lliad., x, 115; xxiv, 702; Aristote, Hist. animal., 
i, 6; vi, 22. 24, etc. Actuellement, en Palestine, le mu- 
let est d'un usage habituel. 11 sert souvent de monture 
ou de bête de charge. Son endurance et l'aisance avec 
laquelle il chemine à travers les sentiers les plus acci- 
dentés le rendent précieux. Les Arabes le dédaignent 
et ne montent que des chevaux; mais la population 
sédentaire l'utilise d'autant plus volontiers que la cava- 
lerie militaire et les Bédouins accaparent tous les che- 
vaux. Cf. Tristram, The natural History of the Bible, 
Londres, 1889, p. 124, 125. 
2° Dans la Bible. — La loi mosaïque défendait les 




374. — Mulet chargé. 

D'après The bronze ornaments of the Palace Gates 

of Balawat, pi. 27. 

croisements entre quadrupèdes d'espèces différentes. 
Lev., xix, 19. Cette loi ne fut pas observée à la lettre. Si 
les Hébreux ne firent pas eux-mêmes ces croisements, 
ils ne laissèrent pas du moins de se procurer des mu- 
lets. Ceux-ci, du reste, n'apparurent en Palestine qu'à 
l'époque de David, c'est-à-dire peu après l'introduction 
du cheval dans le pays. Voir Cheval, t. h, col. 677. Ils 
servaient de monture (fig. 375). Les fils de David mon- 
taient chacun un mulet, II Reg., xra, 29, et Absalom 
fuyait du champ de bataille sur son mulet quand sa che- 
velure se prit aux branches d'un térébinthe. II Reg., xvm, 
9. David avait sa mule, sur laquelle on fit monter Salo- 
mon pour qu'il fût sacré à Gihon. III Reg., i, 33, 38, 44. 
On amenait en tribut des chevaux et des mulets à Salo- 
mon. III Reg., x, 25; II Par., ix, 24. Achab possédait en 
nombre ces deux sortes d'animaux. III Reg., xvm, 5. 
Isaïe, lxvi, 20, prédit qu'on ramènerait les exilés sur des 
chevaux, des mulets et des dromadaires. De fait, ceux 
qui revinrent de la captivité avec Zorobabel amenaient 
736 chevaux, 245 mulets, 435 chameaux et 6720 ânes. 
I Esd., h, 66; II Esd., vu, 68. Dans celte énumération, 
les mulets sont de beaucoup les moins nombreux, ce qui 
indiquerait qu'ils étaient soit plus rares, soit plus chers 
en Mésopotamie. Ces animaux servaient souvent comme 
bêtes de charge. I Par., xil, 40; IV Reg., v, 17 (fig. 371- 
372). Les Tyriens les faisaient venir de Thogorma, en 
Arménie. Ezech., xxvn, 14. Zacharie, xiv, 15, prédit une 
plaie qui doit atteindre chevaux, mulets, chameaux et 
ânes. Ûn_psalmiste met le cheval et le mulet au même 
rang, au point de vue de l'inintelligence. Ps. xxxii (xxxi), 



9. Ces différents textes montrent que, de David au re- 
tour de la captivité, les Hébreux se servaient sans scru- 
pule du mulet aussi bien que du cheval, de l'âne et du 
chameau. Le mulet n'est pas mentionné dans le Nou- 
veau Testament. — Dans l'énumération des descendants 
d'Ésaû, il est dit qu'Ana, fils de Sébëon, trouva hayyê- 
mim dans le désert. Gen., xxxvi, 24. Ce mot, que la 
Vulgate traduit par aquas calidas, « eaux chaudes, » 
est rendu différemment par les autres versions, Sep- 
tante : l«(ttv; Théodot. : laiietv; Aq., Symm.: yiphv; 
Chald. : gêbbârayd', les géants, probablement les 
Émim. Voir Émim, t. n, col. 1732. Les anciens auteurs 
juifs ont traduit par hêmiônos, rififovo;, mulet. H. Milne- 
Edwards, dans les Comptes rendus de l'Acad. des q j 
sciences, t. lxix, 1869, p. 1284, pensait qu'il s'agit proba- 
blement ici des hémiones proprement dits, équidés qui, 
par leur taille et leur forme, sont intermédiaires entre 
le cheval et l'âne, et qui abondaient dans l'Inde et dans 
la Perse. Voir Onagre. Ces différentes explications, par- 




375. — Mulet monté. 
D'aprèa Layard, Monuments of Nineveh, t. il, pi. 35. 

ticulièrement celle qui suppose la découverte de mulets, 
sont tout à fait problématiques. On se range commu- 
nément à celle de saint Jérôme, Lib. qusest. hebr. in 
Gènes., t. xxn, col. 994, qui, d'après une étymologie em- 
pruntée à la langue punique, traduit par « eaux chaudes », 
source thermale. La source en question serait celle de 
Callirrhoé. Cf. Buhl, Geschichte der Edomiter, Leipzig, 
1893, p. 46. Voir Callirrhoé, t. n, col. 69-71. — Au livre 
d'Esther, vin, 10, 14, il est dit que le roi envoya dans 
toutes les provinces des courriers à cheval, montant des 
coursiers, hâ'âhastrânîm benê hârammâkîm, ce qu'on 
traduit quelquefois par « mulets nés, de juments ». Cf. 
Gesenius, Thésaurus, p. 76, et Rœdiger, Additamenta, 
p. 68. Mais le mot 'âhastrdnîm est vraisemblablement un 
dérivé de l'ancien mot perse chschatra, « supériorité. » 
Il serait donc question seulement de « coursiers de race 
supérieure, fils de juments », c'est-à-dire provenant des 
haras où sont élevées des bêtes de choix, capables de 
grande vitesse. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, 
Leipzig, 1899,p. 30; Oppert, dans les Annales de philoso- 
phie chrét., Paris, 1864, p. 23, 24. Dans les Septante, 
Esth., vm, 1Î,m1 n'est parlé que de chevaux, et dans la 
Vulgate, Esth., vin, 10, 14, que de veredarii, «courriers. » 

H. Lesètre. 

MULTITUDE, très grand nombre de personnes ou 
de choses. — Il est fréquemment question de multitude 
dans les Livres Saints. L'hébreu se sert d'un certain 
nombre de noms pour la désigner : 

1° Ancien Testament. — i» Hâmôn. de hàmâh, « fré- 
mir, » 7cXrj6oç, X«ô;, mullitudo, populus. Is., v, 13; 
xxxin, 3, etc. Ce mot désigne la multitude des nations, 
Gen.,xvii,4, 5; des peuples, Is., xvji, 12; des guerriers. 



1339 



MULTITUDE — MUR 



1340 



Jud., îv, 7; Dan., xi,ll. —2" Kâbêd et kobéd, de kdbad, 
« être nombreux, » papsiet Suvâ|U{, multus comi- 
tatus, M Reg_, x, 2; iiXîjOoî, multitudo. Nah., m, 3. — 
3° Melo', de mâld', « remplir, » itXîiOo;, multitude». 
Gen., xlviii, 19; Is., xxxi, 4.-4° Marbéh et marbtf, 
de râbâh, « se multiplier, » it)r)8o;. Is., xxxm, 23; 

II Par., ix, 6. — 5» 'Êdâh, de yâ'ad, au niphal, « se 
rassembler, » <rovx*(u>f!\, ccetus, la multitude d'Israël, 
Exo'd., xn, 3, 19; Lev., iv, 13; Jud,, xx, 1; xxi, 10; 

III Reg., vin, 5; xn, 30, etc.; la foule des peuples, 
Ps. vu, 8; lxviii (lxvii), 31; ou même des bêtes. Jud., 
Xiv, 8. ~ 6" Qâhdl, de qdhal, « convoquer, » (ruvaycafTi, 
populus, ï7M\i)aia, ecclesia, cœtus. Num., xxn, 4; 
I Reg., xvii, 47; I Esd., x, 1; .1er., xxvi, 17; xxxi, 8. 
Voir Assemblées, t. i, col. 1127. Ce mot s'emploie pour 
désigner la foule des prêtres, II Par., xxxi, 18; des 
méchants, Ps. xxvi (xxv), 5; des saints, Ps. lxxxix 
(lxxxviii), 6; des morts. Prov., xxi, 16, etc. — 7» Rob, 
de rdbab, « être nombreux, » tu),sù>v, 7rX^6oc plures, 
multitudo. Lev., xxv, 16; Is., i, 11, etc. Le même mot 
sert souvent pour marquer la multitude, c'est-à-dire la 
grandeur de la puissance, Ps. xxxm (xxxn), 16; de la 
miséricorde, Ps. li (l), 3; des péchés. Ose., ix, 7, etc. Le 
mot concret rabbîm, itoXXoî, multi, se rattachant à la 
même racine, s'emploie pour le collectif, « la multitude, n 
C'est en ce sens qu'il est employé dans les paroles de 
l'institution de l'Eucharistie : sanguis gui pro multis 
effundetur. Matth., xxvi, 28; Marc, xiv, 24. — 8° Re- 
bdbdh, du même radical, désigne la grande multitude, 
|u>pti5sç, decem millia. Lev., Xxvi, 8; Deut., xxxn, 30; 
Jud., xx, 10, etc. — 9° Séf'âh, tcXoûtoç, inundatio. 
Deut., xxxm, 19. — La porte d'une ville est appelée ba{- 
rabbim, O'JytxTïjp TroXXûv, filia multitudinis, Cant., vu, 4, 
parce que c'est par cette porte qu'entre la multitude des 
habitants, ou mieux parce que les assemblées se tiennent 
à cet endroit. 

2° Nouveau Testament. — l°Les Évangiles mentionnent 
fréquemment la foule qui se pressait autour de Notre- 
Seigneur. Cette foule était composée de Galiléens, de 
Syriens et d'autres habitants des environs de la Palestine, 
et quelquefois de Juifs. Elle est appelée assez rarement 
îtXîjOo;, multitudo, Marc, m, 8; x, 46; Luc, vi, 17; 
Tin, 37, et plus de cent vingt fois ô'/Xoç, turba. Saint 
Luc, i, 21; vi, 17; vu, 1, 16; xvm, 43; xx, 6, 9, 26; 
xxn, 2; xxiii, 13, et saint Matthieu, xxvii, 64, la désignent 
aussi par le mot Xxôç, plebs, « peuple. » On trouve une 
fois dans saint Jean, xn, 19 : 6 x6<r[ioç, mundus lotus, 
« tout le monde. » Celte foule accourt auprès de Nôtre- 
Seigneur, le presse et ne lui laisse même pas le temps 
de manger. Marc, H, 4; m, 20; v, 31; îx, 24; Luc, v, 
1, 19; vi, 19; rai, 19, 42; elle l'admire, Matth., vil, 28, 
ix, 33; Xv, 31; xxn, 33; Marc, xi, 18; Luc, xi, 14; 
l'acclame, Matth., xxi, 8, 9; Joa., xn, 17; s'étonne, 
Matth., xn, 23; craint, Matth., ix, 8; s'agite, Matth., ix, 
23; est méprisée, Joa., vu, 49, et redoutée par les princes 
des prêtres, Matth., xxi, 26, 46; Marc., xn, 12; Luc, xx, 
6; XXII, 2, et pourtant se laisse mener par eux. Marc, 
xv, 11; Luc, xxiii, 18. — 2» Dans les Actes, les deux 
mots wXtjOoç, multitudo, et 5j(Xo{, turba, sont employés 
conjointement pour désigner les foules. Le premier mot 
sert soit pour les foules déjà converties, Act., iv, 32; v, 
14; VI, 2; xv, 30, etc., soit pour celles qui ne le sont pas 
■encore. Act., h, 6; v, 16; xiv, 4; xvn, 4, etc. Le second 
mot sert pour les foules non converties, sauf Act., i, 15. 
— 3° Il n'est plus ensuite parlé de foules que dans les 
■visions de l'Apocalypse, vu, 9; xix, 1, 6. 

H. Lesêtre. 

MUNIM (hébreu: Me'urdm; Septante : Moouvi'jjl, 
I Esd., n, 50; Metvwv, II Esd., vu, 52), Nathinéens ori- 
ginaires de Maon. Voir Maonites, h, 5°, col. 705. 

MUNSTER Sébastien (1489-1552). Voir Latines (Ver- 
sions) NON DÉRIVÉES DE LA VW.GATE, II, 1, Col. 124. 



MUR (hébreu :gâdêr, gedêrâh, gedérêt, hôniâh, qïr, 
sûr; Septante : tetyoîi Tcspt'rsixoî, f^ny^àç, Vulgate : 
muras, antemurale, maceria, paries), ouvrage de ma- 
çonnerie s'élevant verticalement avec une épaisseur 
relativement peu considérable, mais sur une longueur 
qui peut être très grande. Dans la Sainte Écriture, il 
est question de différentes sortes de murs. 

1° Murs de clôture. — Ils étaient ordinairement peu 
élevés et construits en pierres sèches. Comme ils 
n'avaient aucun enduit, la tempête pouvait les renver- 
ser. Ezech., xiii, 12. Les serpents se réfugiaient dans 
les intervalles des pierres et mordaient ceux qui démo- 
lissaient le mur. Eccle., x, 8. Ces sortes de murs ser- 
vaient à protéger : — 1. Les vignes. L'ànesse de Balaam 
cheminait ainsi entre deux murs de vigne quand l'ange 
apparut. Num., xxn, 24. Une vigne qui n'était pas pro- 
tégée par un mur avait à souffrir toutes sortes de 
dégâts de la part des passants et des bêtes sauvages. 
Ps. lxxx (lxxix), 13; Is., v, 5. Une vigne bien tenue était 
toujours close. Matth., xxi, 33; Marc, xn, 1. — 2. Les 
maisons ou certaines pièces de terre. La postérité de 
Joseph est comparée aux branches qui s'élèvent par- 
dessus la muraille. Gen., xlix, 22. Le bien-aimé vient 
voir l'épouse par-dessus le mur. Cant., n, 9. Autour du 
champ du paresseux, le mur est renversé. Prov., xxiv, 
31. C'est sur ces sortes de murs que les sauterelles en- 
gourdies par le froid s'arrêtent avant de reprendre leur 
vol. Nah., m, 17. Les aveugles tâtonnent le long de ces 
murs pour se conduire. Is., ux, 10. Quand on en élève 
un nouveau, ils ne reconnaissent plus leur chemin. 
Os., n, 8. — 3. Les bercails. On les entourait de murs 
de pierres sèches, pour mettre les troupeaux à l'abri 
des loups et des autres bêtes. Voir t. Il, fig. 611, col. 1987. 
Il est plusieurs fois parlé de ces clôtures de bercails. 
Num., xxxn, 16, 24, 36; I Reg., xxiv, 4; Soph., il, 6; 
Jer., xlix, 3. 

2° Murs des maisons. — On les construisait en pierres, 
en briques et souvent en simple torchis facile à percer 
par les voleurs. Matth., xxiv, 43; Luc, xn, 39. Voir 
Maison, col. 589. Ces murs étaient parfois attaqués par 
l'humidité, et la loi prescrivait certaines mesures à 
prendre pour faire disparaître cette lèpre des maisons. 
Lev., xiv, 37-39. Voir Lèpre, col. 186. Saûl, en voulant 
atteindre David, plantait sa lance dans' le mur de la 
maison. I Reg., xvm, 11. Le sang de Jézabel rejaillit 
contre le mur du palais de Jezraël. IV Reg., ix, 33. 
Ézéchias malade se tournait du côté du mur de sa 
chambre et priait. IV Reg., xx, 2. Dieu livra aux Chal- 
déens les murs des palais de Sion. Lam., il, 7, 8- Dans 
les maisons acquises par la rapine, la pierre crie du 
milieu de la muraille, Hab., n, 11, c'est-à-dire que toute 
la maison proclame l'injustice du propriétaire. , 

3° Murs des villes. — Seules, les villes de quelque 
importance étaient entourées de murailles. Telles furent 
celles du pays de Basan, Deut., m, 5; III Reg., iv, 13; 
Jéricho, où la maison de Rahab était voisine de la mu- 
raille, Jos., n, 15, et dont les murs tombèrent d'eux- 
mêmes au son des trompettes israélites, Jos., vi, 5, 20; 
Heb., XI, 30; Aphec, III Reg., xx, 30; Gaza, Am., i, 17; 
Ecbatane, Judith, i, 2; Chébron, I Mach., v, 65 ; Casphin, 
II Mach., xn, 13-15; Éphron, Il Mach., xn, 27; Damas, 
Act., ix, 25; II Cor., xi, 33, etc. — Un certain nombre 
de villes de Palestine étaient enceintes de murailles. 
Lorsqu'une maison de ces villes était vendue, le vendeur 
conservait pendant un an le droit de la racheter, mais, 
passé ce temps, elle demeurait à perpétuité la propriété 
de l'acquéreur, bien que les autres immeubles vendus 
retournassent au propriétaire primitif l'année du jubilé. 
Lev., xxv, 29, 31. Dans les villes léviliques, la propriété 
des lévites s'étendait de mille coudées autour des murs. 
Num., xxxv, 4. Dieu annonça aux Israélites que, s'ils 
se rendaient infidèles à sa loi, les murs de leurs viiles 
seraient renversés. Deut., xxvm, 52. Il y eut ett effet 



mi 



MUR 



1342 



des alternatives de renversement, II Tar., xxvi, 6; 
II Mach., x, 35, et de relèvement pour les murs de ces 
villes. Judith, îv, 4; I Mach., xin, 33. — 3. En cas de 
siège, c'étaient les murs de la ville qu'on attaquait. 
IIReg.,xi, 20, 21, 24; xx, 15, 21. Les assiégés se tenaient 
sur ces murs. IV Reg., vi, 30; xvi, 26, 27; II Par., 
xxxil, 18. Le vainqueur les franchissait, II Reg., xxn, 



chus, I Mach., i, 33; vt, 62, et relevés par les princes 
Machabées. I Mach., îv, 60; x, II, 45; xii, 36, 37; xm, 
10, 33; xiv, 37 ; xvi, 23 (fig. 376). Voir Jérusalem, t. m, 
col. 1351-1377. 

5° Murs du Temple. — Ils furent élevés par Salomon, 
III Reg., vi, 1-38, et, après la captivité, relevés par Zoro- 
babel. I Esd., m, 8-13; v, 2-5; vi, 3-5. Le prophète 




376. — Ruines des anciens murs do Jérusalem. D'après J. Btiss, Excavations at Jérusalem, 1898, p. 29. 



30; Ps. xviii (xvii), 30, et en abattait parfois une plus ou 
moins grande étendue. II Par., xxv, 25. On fixait aux 
murailles de la ville les dépouilles de l'ennemi vaincu : 
les Philistins attachèrent le cadavre de Saûl aux murs 
de Bethsan, I Reg., xxxi, 10, et Judith suspendit à ceux 
de Béthulie la tête d'Holopherne. Judith, xiv, 1, 7. C'est 
aussi sur la muraille de sa ville que le roi de Moab, 



Ézéchiel, vm, 7, 10; xxm, 14; xm, 10, 12, en parle dans 
ses visions. Alcime fit détruire les murs du sanctuaire 
intérieur. I Mach., ix, 54. Les Apôtres firent remarquer 
à Notre-Seigneur la beauté des murs du Temple bâti 
par Hérode (fig. 377), et le Sauveur en prédit la ruine, 
Mallh., xxiv, 1, 2; Marc, xnr, 1, 2; Luc, xxi, 5, 6. 
6» Les murs au sens métaphorique. — Servir de mu- 




377. — Restes du mur du temple de Jérusalem où vont pleurer les Juifs. D'après une photographie. 



désespérant de son salut, immola son propre fils. 
IV Reg., ht, 27. 

4° Murs de Jérusalem. — Il est souvent parlé des 
murs de la ville sainte, bâtis par Salomon, III Reg., 
m, 1; tx, 15; réparés par Ézéchias, II Par., xxxii, 5, et 
par Manassé, II Par., xxxm, 14; détruits par les Chal- 
déens, II Par., xxxvi, 19; IV Reg., xxv, 10; Jer., l, 15; 
Ps. Lxxxrx (lxxxviu), 41; Mich., vu, 11; restaurés par 
Néhémie, I Esd., v, 3; II Esd., m, iv, xn, 27; Ps. li 
iiS), 20; Eccli., xlix, 15; détruits de nouveau par Antio- 



raille à quelqu'un, c'est le protéger efficacement. I Reg., 
xxv, 16; Is., xxvi, 1; Ezech., xm, 5; xxn, 30. Le riche 
croit que sa richesse le protège comme une haute 
muraille. Prov., xvm, 11. L'épouse du Cantique, vm, 
9, 10, est comparée au mur d'une place forte. Des murs 
de fer ou d'airain sont des murs irrésistibles. Jer., i, 18; 
Ezech., rv, 3; II Mach., xi, 9. La mauvaise langue est 
capable de renverser les murs des puissants, Eccli., 
xxvih, 17, c'est-à-dire d'ébranler les situations les plus 
solides. Une muraille qui penche et se désagrège est 



1343 



MUR 



MURMURE 



1344 



l'image d'un homme réduit à l'impuissance. Ps. lxh 
(lxi), 4. L'homme qui n'est pas maître de lui-même est 
comme une vïlle sans murailles. Prov., XXV, 28. Au 
passage de la mer Rouge, les Hébreux virent les eaux 
comme un mur à droite et à gauche. Exod., xiv, 22, 29; 
Judith, v, 12. — Saint Paul appela le grand-prêtre 
Ananie « mnraille blanchie », à cause de son hypocrisie. 
Act., xxiii, 3. Les murailles de la Jérusalem céleste sont 
en pierres précieuses. Tob., xm, 21; Apoc, xxi, 12-19. 
— Jésus-Christ a renversé le mur de séparation, c'est- 
à-dire la loi mosaïque, qui empêchait les Juifs et les 
gentils de ne faire qu'un seul peuple. Eph., n, 14. 

H. Lesêtbe. 
MURATORI (Canon de). Voir Canon des Écritures, 
t. n, col. 169-171. 

MURIER (hébreu : beka'im; Septante : (ruxâfiivoî; 
Vulgate : morus), arbre dont les Israélites n'utilisaient 
que les fruits ; ce n'est qu'à une époque tardive après l'ère 
chrétienne que les habitants de la Palestine ont cultivé 
le mûrier pour élever avec ses feuilles des vers à soie. 

1. Description. — Les mûriers sont des arbres de la 




378. — Morus nigra. 

famille des Urticées, caractérisés surtout par leurs fruits 
dont la nature est très complexe, puisqu'ils résultent 
de la soudure de plusieurs fleurs distinctes, comprenant 
les péricarpes avec leurs enveloppes, en une sorte de 
fausse baie qui devient succulente à la maturité. Tous 
les organes végétatifs sont riches en latex, qui s'écoule 
par les blessures sous forme de lait blanc. Les feuilles 
pourvues de stipules petites et caduques ont un limbe 
rude, ovale, cordiforme, plus ou moins denté ou même 
lobé. Les fleurs mâles sont disposées en chatons allon- 
gés et solitaires, les femelles en épis courts ou capitules, 
souvent réunis par deux à l'aisselle des feuilles. Les 
principales espèces sont : 1° le mûrier blanc (Morus alba 
L), qui semble originaire de Chine, mais se cultive par- 
tout où l'on élève les vers à soie; ses fruits portés sur 
des pédoncules distincts restent pâles et insipides ; 2° le 
mûrier noir (Morus nigra L) dont les fruits sessiles, 
noirs, luisants à la maturité, sont gorgés d'une pulpe 
juteuse et sucrée qui les rend comestibles (tig. 378). 

F. Hy. 



II. Exégèse. — 1» Saint Luc employant ouxonopla 
au ch. xix, 4, et <juxâ(iivt»; au ch. Xvn, 6, parait vouloir 
distinguer entre les deux arbres désignés par ces termes. 
Le premier est certainement le sycomore; le second 
serait le mûrier noir. « Si vous aviez de la foi comme 
un grain de sénevé, dit Notre-Seigneur à ses disciples, 
Luc, xvii, 6, vous diriez à ce mûrier, <ru*âu.iv<o : Déra- 
cine-toi et transplante-toi dans la mer, et il vous obéi- 
rait. » En cette circonstance le Sauveur dut employer 
plusieurs comparaisons dont saint Luc et saint Matthieu 
ont conservé chacun une. Car dans la formule sem- 
blable de saint Matthieu, xxi, 21, au lieu de mixà- 
tuvoç, « mûrier, » on lit Apoç, « montagne. » Pour les 
anciens auteurs grecs le <njy.à(iivoç est bien l'arbre 
que les Latins appelaient morus. Dioscoride, i, 181; 
0. Celsius, Hierobotanicon, i, p. 289. — Le nom de la 
mûre, <ruxa|«vea, se rencontre certainement une fois 
dans l'Ancien Testament. Il est dit dans I Mach., vi, 34, 
qu'on présentait aux éléphants pour les exciter au com- 
bat le sang de la grappe et des mûres. On sait que Vir- 
gile, Eglog., vi, 22, donne aux mûres l'épithète de san- 
guinea, à cause de la couleur rouge de leur suc. 
Cependant on constate avec étonnement que les Sep- 
tante, pour traduire l'hébreu Hqmîn ou Uqmof, em- 
ploient le mot (njxôpuvoç, <iuxâiiivov. I Reg., x, 27; 
I Par., xxvn, 28; II Par., i, 15; ix, 27; Is., ix, 10; 
Atnos, vil, 14. Car siqmîn est certainement le sycomore. 

2° Le terme hébreu qui désigne le mûi'ier est proba- 
blement beka'im qu'on trouve employé dans II Beg., v, 
24, et dans le lieu parallèle. I Par., xiv, 15. Les Philis- 
tins ayant fait irruption dans la vallée des Bephaïm, 
David consulta le Seigneur pour savoir s'il devait les 
attaquer. L'oracle lui répondit de ne pas les attaquer de 
front, mais de faire un détour pour les prendre en flanc : 
« Marche sur eux du côté des beka'im. Quand tu en- 
tendras comme le bruit de quelqu'un qui marche sur 
la cime des beka'im, tu t'élanceras au combat. » La 
Vulgaie a rendu ce mot dans les deux endroits paral- 
lèles par pyrus, « poirier, » les Septante ont aussi tra- 
duit par aniov, « poirier, » dans I Par.,xiv, 14-15; mais 
dans II Reg., v, 23-24, ils ont mis xXay8n.<àv, « lieu des 
pleurs, » rapprochant sans doute beka'im de bekî, 
« pleur. ^ La Vulgate a traduit de même le singulier 
baka', dans Ps. lxxxiv (Vulgate, Lxxxm) :'7: in valle la- 
crymarum, sens qui ne convient guère au contexte. 
Quelques exégètes, retenant ce rapprochement, ont vu 
dans be'êméq habbdkd', la vallée du baumier; cet arbre 
suintant une substance odorante comme des pleurs. 
Voir t. i, col. 1372. Mais il n'est pas nécessaire de 
rapprocher bâkâ' de bekî, <i pleur, » et l'on peut conti- 
nuer à voir dans ce mot le singulier de beka'im, « le 
mûrier noir. » Les rabbins ont entendu ainsi le mot 
hébreu beka'im. 

3° D'après les rabbins et les anciens auteurs juifs, 
les mûriers auraient abondé autrefois en Palestine, 
Tract. Maaseroth, i, 2; en particulier entre Jérusalem 
et Sichem. Mais ce n'est que tardivement, et pour ainsi 
dire de nos jours qu'on a cultivé les mûriers noirs et 
blancs pour l'élevage des vers à soie. « L'on voit, dit 
Belon, Observations de plusieurs singularités, 1. II, 
c. lxxxviii, 1588, p. 327, grand nombre de villages qui 
cultivent les arbres diligemment, mais surtout les mû- 
riers noirs et blancs, et nourrissent quantité de verms 
(vers) à faire la soie. » D'ailleurs le mûrier était connu 
depuis longtemps en Egypte. On a trouvé des restes de 
Morus nigra, dans les tombeaux à Haouara. V. Loret,Xa 
flore pharaonique, 2' édit., 1892, p. 46. 

E. Leyesque. 

MURMURE (hébreu : telûnâh; Septante : yoYYuo-jtiS;; 
Vulgate: murmur), dans l'Écriture, ne signifie pas 
simplement une plainte, mais une plainte inspirée par 
l'esprit de désobéissance et de révolte envers Dieu. C'est 
de cette façon coupable que les Israélites murmurèrent 



iSio 



MURMURE — MUSELIÈRE 



1346 



contre Moïse et Aaron et contre Dieu à Mara, Esod., xv, 
24, dans le désert de Sin, xvi, 1-12; Num., SX, 6; à Ra- 
phidim, Exod., xvii, 1-3; à Tabérah (Embrasement), 
Num., xi, 1-3 ; dans le désert de Pharan, Num., mi, 31 ; 
Xiv, 2-36, etc., et c'est à cause de leur manque de sou- 
mission et de confiance en Dieu qu'ils en turent punis. 
Ps. lxxi, 30 — Le livre de la Sagesse, i, 11, recommande 
de ne pas se laisser aller aux murmures ; saint Paul les 
condamne, en rappelant les châtiments qu'ils attirèrent 
sur les Hébreux dans la péninsule du Sinaï. I Cor., x, 
10. Cf. Phil., h, 14. 

MUSACH, mot hébreu, mûsak, que la Vulgate repro- 
duit sans le traduire : « Le musach du sabbat, qu'il (Achaz} 
avait bâti dans Je Temple, et l'entrée extérieure du roi, 
il les transporta dans le Temple du Seigneur, à cause 
du roi des Assyriens. » IV Reg., xvi, 18. Achaz en était 
à cette période de son règne, où, pour plaire au roi 
d'Assyrie, il s'efforçait d'introduire dans le Temple de 
Jérusalem les formes cultuelles en usage dans les temples 
des dieux d'Assur. Voir Achaz, t. i, col. 135. Le mot 
hébreu mûsa k vient du verbe sâkak, « couvrir, pro- 
téger. » II désigne donc quelque chose qui couvre et 
protège, non une simple tente, puisqu'il est question 
de construction, mais un ouvrage de maçonnerie, un 
portique. La Vulgate suppose que cette conslruction 
était l'œuvre d'Achaz; l'hébreu 'âSér bânû, « qu'ils cons- 
truisirent, » attribue la construction à d'autres. Le 
texte peut se traduire ainsi : « Il changea le portique 
du sabbat, qu'on avait construit dans la ma.ison, et 
l'entrée extérieure du roi dans la maison de Jéhovah, 
par égard pour le roi d'Assyrie. » On n'a aucun ren- 
seignement sur ce portique et sur cette entrée royale, 
et l'on ne voit pas comment leur modification pouvait 
flatter le roi assyrien. Le portique servait pour le sabbat, 
comme son nom l'indique. Il avait sans doute été 
construit pour ménager l'ombre au roi quand il venait 
ce jour-là prier dans le Temple ou assister aux céré- 
monies. L'entrée extérieure était probablement celle 
qu'avait fait pratiquer Salomon. III Reg., x, 5. Un passage 
d'Ézéchiel, xlvi, 1, 2, mentionne un portique du par- 
vis intérieur, à l'orient, ouvert seulement les jours de 
sabbat ou de néoménie, et un vestibule dans lequel le 
prince arrive du dehors pour pénétrer dans le portique. 
Il est à croire que ce vestibule et ce portique sont ceux 
que modifia Achaz. Ils étaient à l'orient, c'est-à-dire 
du côté de l'entrée du parvis des femmes et du parvis 
d'Israël. Le porti que, sans doute situé dans ce dernier 
■ parvis, devait do nner sur le parvis des prêtres, dans 
lequel le roi avait fait changer l'autel et modifier la 
œaer d'airain et ses bassins. IV Reg., xvi, 10-17. De cet 
•endroit, il pouvait assister aux sacrifices et aux céré- 
monies que les prêtres accomplissaient. L'hiphil hêsêb, 
«mployé par le texte, ne signifie pas « détruire », mais 
« changer », comme on change un nom en un autre, 
IV Reg., xxiv, 17, et aussi « changer de place », comme 
traduit la Vulgate. L'une et l'autre opération étaient 
possibles; la première est plus probable, le roi ayant 
dû procéder p our le portique comme il avait fait pour 
l'autel et la mer d'airain. Il modifia les édicules dans 
le goût assyrien. L'hébreu porte en ketib mlsak. La 
leçon n'était donc pas assurée. Les Septante ont lu 
massad, flejjii^iov, « fondement : » « Il bâtit le fonde- 
ment du siège dans la maison du Seigneur. » La tra- 
duction n'est pas vraisemblable, car, dans tout ce pas- 
sage, il n'est ques tion que de modifications apportées 
par Achaz aux choses existantes, et l'on ne peut dire de 
quel siège il serait fait mention. La Vulgate, ne com- 
prenant pas le sens du mot, à préféré le reproduire tel 
quel. — Mûsak a donc un sens analogue à celui de 
mâsâk, qui revient souvent pour désigner le rideau 
<jui fermait l'entrée du Tabernacle, Exod., xxvi, 36; 
xxxix, 38; xl, 5, et ceux du parvis, Exod., xxxv, 12, 

DICT. DE LA BIBLE. 



17; xxxa, 34, 38; XL, 5, 21. Ailleurs, II Reg., xvn, 19, 
il désigne une couverture qu'on peut étendre sur 
l'ouverture d'un puits pour dissimuler la présence 
d'hommes cachés à l'intérieur. La nuée de la sortie 
d'Egypte s'étendait sur les Hébreux lemdsâk, « en cou- 
verture, » pour les protéger. Ps. cv (civ), 39. Enfin, 
dans lsaïe, xxii, 8, il est dit de Juda, menacé par les 
ennemis qui sont à ses portes, qu'on lui a été son 
mâsâk. Rosenmûller, Jesaiœ vaticinia, Leipzig, 1793, 
t. H, p. 501, regarde comme certain, à la suite de 
Schultens, que l'enlèvement du voile est ici un sym- 
bole de honte et d'ignominie, comme quand on ôte 
celui d'une femme ou d'une vierge. Mais le mot mâsâk 
ne désigne jamais un voile de toilette ; c'est un rideatè 
qui ferme une enceinte, une couverture qui protège 
contre le froid de la nuit. Si on a ôté à Juda son mâsâk, 
c'est qu'il est maintenant à découvert, que rien ne 
le sépare plus de ses ennemis, que ses préparatifs de 
défense sont vains, comme l'indique Je contexte. Nous 
appelons en français troupes de « couverture » celles 
qui sont postées à la frontière, entre l'ennemi et le 
pays à protéger. Dans un sens analogue, Juda n'est plus 
« couvert », ni par ses défenses naturelles, ni par le 
le Dieu qui « couvrait » les Hébreux à la mer Rouge. 
Is., xxii, 14. H. Lesètre. 

MUSARAIGNE, petit mammifère nocturne, presque 
aveugle, et insectivore, assez semblable à la souris, habi- 
tant des trous dans la terreou les vieux murs. Le mus ara- 
neus n'a guère que huit centimètres de long, sans compter 
la queue. Son museau est très pointu et ses poils sont doux 
et soyeux (fig. 379). Il se dégage de son corps une humeur 




379. — Musaraigne. 

grasse et odoriférante. Ce petit animal détruit un grand 
nombre d'insectes nuisibles. Les Égyptiens traitaient 
avec honneur les musaraignes et transportaient leurs 
restes à Buto. Hérodote, n, 67. — Les Septante ont vu 
la musaraigne, nvyà).Yi, mygale, dans la 'ânàqâh, rangée 
parmi les animaux impurs. Lev., xi, 30. La version chal- 
daïque y voit la sangsue. La musaraigne existe bien en 
Palestine. Cf. Tristram, TheFauna and Flora of Pales- 
tine, Londres, 1884, p. 24. Mais la place qu'occupe le 
mot 'ânâqâh dans le texte du Lévitique rend peu pro- 
bable le sens que lui attribuent les Septante. Dans le 
verset précédent, le législateur a prohibé la taupe, la sou- 
ris et une espèce de lézard, selon leurs espèces. Il est à 
croire que la musaraigne est comprise dans les espèces 
de la souris et de la taupe. La série suivante, commençant 
par la 'ânâqâfi, se continue par des noms de sauriens. 
On infère de là, avec beaucoup de vraisemblance, que 
la 'ânâqâh est aussi un saurien, comme l'animal qui 
précède et celui qui suit. Ce saurien serait le gecko. 
Voir Gecko, t. m, col. 144. H. Lesètre. 

MUSCULUS, non latinisé de Meuzel. Voir Meuzel, 
col. 1055. 

MUSELIÈRE (Septante : çtixôç), appareil servant à 
emprisonner la bouche de certains animaux. Le mot 

IV. -43 



1347 



MUSELIÈRE - MUSIQUE DES HÉBREUX 



1348 



grec désigne la muselière proprement dite, Lucien, 
V. auct., 22, et la partie inférieure de la tête du cheval. 
Eschyle, Sept., 463. Les Septante emploient ailleurs ce 
mot pour nommer le mors ou anneau passé aux naseaux 
de l'animal qu'on veut dompter. Is., xxxvh, 29. On lit 
dans l'Ecclésiastique, xx, 31 (28) : « Les présents et les 
cadeaux aveuglent les yeux des sages, et, comme une 
muselière (çipui;) à la bouche, arrêtent la réprimande. » 
Cette muselière, appelée en latin fiscella, était un petit 
panier, en osier ou en jonc tressé, dont on entourait la 
bouche des bœufs, des chevaux ou des animaux vicieux 
pour les empêcher soit de mordre, soit de couper les 
jeunes pousses des vignes pendant qu'on labourait 
(fig. 380). Caton, De re rustic, 54, 5; Pline, S. N., xvm, 
49, 2. Le <pip.6j est un obstacle qui met l'animal dans 




380. — Muselière. Colonne de Théodose. 
D'après Rich, Dictionnaire des antiquités, 1873, p. 271. 

l'impossibilité sèit de manger, soit de faire entendre 
sa voix. De même, les présents ferment la bouche du 
sage qui devrait parler pour condamner le vice. La 
Vulgate a traduit le second membre de phrase : « Et 
comme un muet (mute), il détourne dans leur bouche 
leurs réprimandes. » Le texte hébreu devait porter ici 
un substantif dérivé du verbe 'âlam, « lier, » et le tra- 
ducteur aura lu 'illêm, <t muet. » Voir Muet, col. 1331. 
Saint Jérôme, In Mich., ni, t. xxv, col. 1183, traduit, 
en conformité avec les Septante : les présents, « comme 
un frein (frenutn) dans la bouche, détournent la répri- 
mande. » La loi mosaïque défendait de mettre une 
muselière au bœuf qui foulait les épis, lô' tahsôm, où 
<PHj.<û<t&k;, non alligabis os. Deut., xxv, 4. 

H. Lesètre. 
MUSI (bébreu : MûU [dans I Par., vi, 19, MuH] ; Sep- 
m tante : 'Oiiouost, Exod., vi, 19; ailleurs Mouo-i), petit-fils 
de Lévi, le second des fils de Mérari. Exod., vi, 19; 
Num., m, 20 ; I Par., vi, 19, 47 ; xxm, 21, 23 ; xxiv, 30. 
Il eut trois fils, Moholi, Éder et Jérimoth. I Par., xxni, 
23; xxiv, 30. Tous ses descendants furent appelés de son 
nom Musites. Voir Musites, col. 1360. 

MUSICIEN (grec: nov<Tm<î« ; Vulgate: musicus), ce- 
lui qui joue d'un instrument de musique. Les musiciens 
ne sont pas nommés dans le texte hébreu ; ils ne le sont 
que dans les versions de l'Ecclésiastique, xxxn, 7, 8; 
de I Machabée, ix, 41 ; et dans le grec d'Apocalypse, xvni, 
22. Partout ailleurs, musicus est un adjectif, « musical, 
de la musique, concernant la musique. » Voir Musique. 

MUSIQUE DES HÉBREUX. - I. Noms. - 1° Le 
mot Ur s'applique aux « voix » des chanteurs en même 
temps qu'au « son » des instruments : I Par., xv, 16; 
II Par., v, 13; xxix, 28; I Reg.,v, 12; Ps. cxxxvn,3, 4. 
L'expression kelê S\r désigne « les instruments de mu- 



sique ». Amos, vi, 5; I Par., xv, 16; II Par., xxxrv, 12. 

— 2» Qôl, la « voix », désigne spécialement le « chant », 
dans I Par., xv, 16; Il Par., xx, 19; et aussi le « son » 
des instruments, dans II Reg., xv, 10; Il Par., v, 13; 
Job, xxi, (2; Ezech., xxvi, 13. — 3° Niggén, « palper, 
toucher » les cordes, ty&llw. I Reg., xv,16; Isaïe, xxxvm, 
20, donne le dérivé : — 4" Negînâh, le « jeu » des instru- 
ments à cordes : I Reg., xvi, 6; Ps. iv, l; Habac, m, 
19; Isaïe, xxxvm, 20; II Esd-, xii, 27; puis, par dériva- 
tion, aussi bien que le grec tyôlpoç, le « chant s accom- 
pagné d'un instrument à cordes; enfin, tout thème poé- 
tique chanté. Ps. txxvn, 7; Thren., m, 63; v, 14; 
Ps. lxxvh, 7; lxix, 13. Le pluriel negînôt peut être 
pris comme appellation générique des instruments à 
cordes, l's. iv, 1 ; probablement aussi le mot gittit. Voir 
Gitî'It, t. m, col. 246. Dans l'hébreu rabbinique negînâh 
est l'ensemble du système d'accents réglant le chant des 
textes scripturaires. VoirE. David, La musique chez les 
Juifs, dans les Archives israélites, Paris, 1873, p. 44; 
F. Consolo, Libro dei canti d'Israele, Florence, 1892, 
p. 3. — 5° Zimmêr, en poésie, signifie « jouer » ou 
« chanter » ; de la racine idî, idmar, « diviser » les sons . 
D'où : —6° Mizmôr, « psaume. » Voir Mizmor, col. 1137; et : 

— 7° Zemârâh, équivalent chaldéen de èir et de negînâh : 
Dan., m, 5. — tyZimrâh a le même sens dans Amos, v, 
23; Ps. lxxxi, 3. — 9" Pâraf, Amos, vi, 5, a la même si- 
gnification que zdmar. — Jouer de la trompette se dit : 

— 10° MâSak, «prolonger » le son, Exod., ix, 13; et : 

— 11» Tdqa\ « sonner » (coup). I Reg., xiu, 3. — Jouer 
de la flûte se dit : — 12» Ifallêl, 1 Reg., i, 40. — 13" K Anàh, 
signifie « chanter », spécialement « répondre en refrain ». 
Num., xxi, 17; Ps. cxlvii, 7; Ose., n, 17; Exod., xv, 
21 ; xxxn, 18. Voir Chant, t. n, col. 555. — 14° Chanter 
se dit encore hasmïa qôl, Deut., iv, 36, ou simplement 
haSmi'a, I Par., xvl, 42, & faire entendre [la voix]; » 
— 15° Rânan, « crier, chanter. » Levit., ix, 24. — 16° Te- 
rû'âh, I Sam. (I Reg.), iv, 5, exprime le <c bruit », les 
« clameurs », et aussi le «son » delà trompette. Num., xxix, 
1. — 17» Têqa% Ps. cl, 3, est le « son » de la trompette. 
Voir Tâqa', il", — 18» Hâmôn, Amos, v,25,et: — 19» hé- 
myâh, Is., iv, 11; xvi, 11, signifient la « résonance » 
de l'instrument, la « vibration » des cordes. — 20» 'Ald- 
mô(, désigne les sons ou les voix élevées^ Voir Alamot, 
t. i, col. 333. — 21° Nâbâ\ « improviser, chanter sou& 
l'inspiration. » Exod., xv, 20; I Par., xxv, 2, 31. — 

— 22» Higgdyôn, Ps. ix, 17, semble être comme le sy- 
riaque hegydnà, (ieIétyi, le thème poétique scandé ou 
rythmé, et sa modulation musicale. Voir Pitr a, Analecta 
novissima, Paris, 1876, t. i, p. xlvij. — 23° Siggâyôn 
serait assez vraisemblablement la désignation d'un 
rythme ou d'un genre de mélodie, Ps. vu, 1 ; de même 
que : — 24° Miktâm, Ps. xvl, 1, « chant » ou a poème »; 
voir Miktam, col. 1084, et encore : 25° Maskil, Ps. xxxn, 
1, « poème. » Mais ces noms n'ont pas de signification 
musicale certaine. Voir Maskil, col. 832. — 26» Qînâh, 
II Reg., i, 17; Jcr., vu, 27, II Par., xxxv, 25, signifie, 
comme néhî, Amos, v, 16, un « chant lugubre ». — 
27° Sélâh peut désigner l'interlude musical entre les: 
strophes des psaumes. Voir Sélah. — 28° Sahar, Ps. xxii, 

1, pourrait être rapproché de l'arabe ^yv>, « chant, 

incantation. » — 29°nVN, Ps. xxxil, 1, désigne peut-être 
le mode éolien de la musique grecque et nr.', Ps. lvi, 1, 
le mode ionien. Voir Ayelet, t. i, col. 1296. — D'autres 
termes musicaux, spécialement les noms d'instruments, 
trouveront leur place dans la suite de cet article. 

II. Manifestations de l'art musical chez les Hé- 
breux. — La Genèse rapporte à Jubal, fils de Lamech, 
le premier usage des instruments de musique. Gen., iv, 
20. La première mention du chant et des instruments 
après le déluge se réfère à la Syrie. Gen., xxxl, 27. 
Mais l'Egypte comme la Chaldée, posséda très ancien- 
nement l'usage du chant et des instruments. Exod., xv, 



1349 



MUSIQUE DES HËBREUX 



1350 



20; xn, 35; Num., x, 10. — La musique s'associait, chez 
les Hébreux comme chez leurs voisins d'Egypte (flg. 381) 
et d'Assyrie, comme aussi chez les Orientaux modernes, 
à tous les actes de la vie. Le chant et les instruments 
sont pour ces peuples une jouissance indispensable. 
Comme expression de la joie, la musique était insépa- 
rable de toute fête. Job, xxi, 12; Ps. xxx, 12; Jer., 
xxxi, 4, 13. Elle s'identifiait avec la, religion et se joi- 
gnait aux cérémonies du culte. Num., x, 10; II Reg., vi, 
5, 12; II Par., vu, 6. Elle faisait le charme des réunions 
et paraissait aux noces, aux festins. II Reg., Xix, 35; 
Is., xxiv, 8; I Mach., ix, 39; Eccli., xxxil, 7; xlix, 2; 
Cf. Eccle., H, 8; au couronnement des rois. II Reg., xv, 
10; III Reg., i, 40; IV Reg., ix, 13;iî,14; II Par.,xxm, 
11. On chantait aux moissons et aux vendanges. Jud., ix, 
27; Is., ix, 3; xvi, 10; xxv, 6; Jer., xxxi, 4, 5; Ps. iv, 8. 
Les Hébreux chantent en chœur autour du puits dé- 
couvert dans le désert, Num., xxi, 17, 18; Samson 
rythme et chante ses énigmes. Jud., xiv, 14, 18. Les 
prophètes et les psalmistes modulent musicalement 
leurs sentences. Ps. lxxviii, 2; Eccli., xliv, 4, 5. Voir 



nisation musicale du culte ses commencements, et fit 
fabriquer des instruments en grand nombre pour les 
lévites, I Par., xxm, 5, qui devaient accompagner les 

_ psaumes. Il régla l'ordre du chant dans les cérémonies. 

" I Par., xxm, 31; Eccle., xlvii, 11, 12. D'après Josèphe, 
David formait lui-même les musiciens. Ant. jud., VII, 
xn, 3. Il organisa les classes des chanteurs et instru- 
mentistes. I Par., xv, 22; xvi, 5,6; xxv, 1-7. Voir Chan- 
teurs du Temple, t. n, col. 557. — A l'époque de la 
construction du Temple, les arts mécaniques n'étaient 
pas avancés chez les Hébreux. I Reg., xm, 19. Il 
leur fallait recourir sans cesse à leurs voisins. Salo- 
mon fit fabriquer des instruments musicaux aveCqles 
bois précieux rapportés d'Ophir. II Par., ix, 10, 11. — 
Le service quotidien ainsi établi dura jusqu'à la captivité. 
Néhémie le reconstitua après le retour. II Esd., xn, 36. 
IV. Caractère de la musique des Hébreux. — L'im- 
perfection de nos connaissances sur la musique dans 
l'Asie ancienne ne nous permet pas de déterminer suf- 
fisamment le caractère de l'ancienne musique hébraïque, 
ni de connaître, sinon dans une mesure très restreinte, 




381. — Égyptiennes jouant de la harpe, du luth, de la double flûte, de la lyre et du tambourin. 
D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, pi. clxxv. 



I Par., h, 57; Eusèbe, Prtep. Ev., xi, 5, t. xxi, col. 852; 
I Reg., x, 5; xix, 20. Élie appelle un harpiste pour pro- 
phétiser.IV Reg., m, 15, voir I Par., xv, 22, 27; et Saûl 
calme par l'audition de la musique les accès de son mal. 

I Reg., xvi, 16. La musique, d'abord cultivée dans les 
écoles des prophètes, voir Chant, t, h, col. 555, entra 
tout à fait, sous les rois, dans lts habitudes de la vie 
privée et servit à célébrer les réjouissances profanes. 
Amos, vi, 4-6; Is., v, 12; Eccle., n, 8; Jud., xxi, 21. Les 
courtisanes l'employaient comme un moyen de séduc- 
tion. Is., xxm, 16. On l'associait enfin aux deuils et aux 

"funérailles, à cause de sa signification religieuse, comme 
aussi à cause de la puissance qu'elle exerce sur les sens 
et qui fait qu'elle peut servir à l'expression des senti- 
ments les plus opposés. Gen., iv, 9-11; II Reg., i, 17; 

II Par., xxxv, 25. Voir Jer., vu, 27; Amos, v, 16; 
Matth., xi, 17. Les anciens chrétiens faisaient aussi une 
part à la musique vocale dans leurs synaxes. Col., m, 
16. — L'absence de musique marquait la tristesse et la 
désolation. Is., xxiv, 8, 9; Ps. cxxxvn, 2; Job, xxx, 31. 

III. Usage rituel de la musique. — Moïse n'avait 
rien ordonné au sujet de la musique, si ce n'est l'usage 
de la trompette, destinée à convoquer le peuple, à con- 
duire la guerre, annoncer les calendes, les jubilés, les 
têtes et accompagner l'offrande des sacrifices. L'usage' 
de cet instrument était réservé aux prêtres. Num., x, 
2-11. Mais, en n'établissant pas d'ordonnances, le légis- 
lateur n'avait rien proscrit; aussi, plus tard, les cir- 
constances s'y prêtant, David put mettre les instruments 
de musique au service du tabernacle. Il donna à l'orga- 



leurs idées sur cet art. Quelques points seulement peu- 
vent être proposés, avec une extrême réserve. 

1° Les Hébreux ne possédèrent ni système, ni pratique 
musicale qui leur appartînt en propre. Ils eurent moins 
à prêter à leurs voisins qu'à recevoir d'eux. La musique 
fut en Palestine ce qu'elle était dans le reste de l'Orient. 
Quoi qu'il en soit, la pratique musicale de l'ancienne 
Asie semble n'offrir aucune prise à la recherche histo- 
rique; les Sémites ne nous ont pas légué, en effet, comme 
l'ont fait plus tard les Grecs, de documents authentiques, 
fragments musicaux ou traités théoriques. La tradition 
orale est trop incertaine à pareille distance de temps, 
et il ne nous reste, à défaut de bases plus solides, que 
les hypothèses des théoriciens. 

2° L'art musical proprement dit débuta par la culture 
des instruments à cordes. Ce fait est exprimé dans la 
légende antique, par le mythe de la lyre de Mercure. 
L'accord des instruments anciens donnait différentes 
échelles tpflales, limitées à quatre ou cinq termes. 
A. Gevaërt, Histoire et théorie de la musique dans 
l'antiquité, t. i, Gand, 1875, p. 3-5. Avant l'invasion en 
Syrie de la musique arabe, la tonalité était purement 
diatonique. Mais les instruments à cordes conservés de 
l'antiquité ne peuvent, dans l'état où ils se retrouvent, 
fournir de résultat sur la nature de ces systèmes. Les 
flûtes et hautbois égyptiens ont permis à V. Loret de 
reconstituer des tonalités; voir Les flûtes égyptiennes 
antiques, dans le Journal asiatique, 1889, t. xjv, p. Ut, 
dont la valeur est de beaucoup réduite si l'on considère 
que ces instruments étaient construits avec si peu de 



1351 



MUSIQUE DES HÉBREUX 



4352 



précision que, sur quarante modèles étudiés, il n'y en a 
pas deux qui offrent des résultats identiques. V. Loret, 
L'Egypte au temps des Pharaons, Paris, 1889, p. 165, 
166. D'ailleurs les conclusions de l'auteur ne s'étendraient 
pas au delà de l'Egypte. — Dans l'Asie ancienne, l'Inde 
était en possession d'une échelle tonale, qui représen- 
tait à peu près celle des physiciens modernes. Voir 
J. Weber, La musique ancienne des Hindous, dans le 
journal Le Temps, 10 juin 1880. Les tonalités arabes 
qui possèdent d'autres intervalles, dus à des altérations, 
n'apparurent en Syrie qu'à la suite de la conquête mu- 
sulmane. Voir Land, Recherches sur l'histoire de la 
gamme mrabe, Leyde, 1894, p. 63, 65; Carra de Vaux, Le 
traité des rapports musicavx de Safi-eddin, dans le 
Journal asiatique, 1892, p. 279. Aussi est-ce la tonalité 
diatonique, partie constituante des systèmes musicaux 
de l'ancienne Asie, qui doit se retrouver à l'origine de 
la musique hébraïque, avec cette première différence, 
toutefois, constatée par l'étude des échelles employées 
de nos jours en Asie, que la tierce majeure est sensible- 
ment plus basse que le troisième degré de notre gamme. 
Voir J. Parisot, Musique orientale (extrait de la Tri- 
bune de Saint-Gervais), Paris, 1878, p. 13, 14; Essai 
sur le chant liturgique des Églises orientales, dans la 
Revue de l'Orient chrétien, juillet 1898, p. 226; Rapport 
sur une mission scientifique en Turquie et en Syrie, 
dans les Nouvelles archives des Missions scientifiques 
et littéraires, Paris, 1902, t. x, p. 169, 172. 

3° Dans les systèmes orientaux, chacune des notes de 
l'échelle est apte à servir de note finale. Ce procédé 
produit des modes variés, dont le plus grand nombre 
sont des modes mineurs; d'où le caractère doux et mé- 
lancolique de cette musique. 

4° La reconstitution des mélodies serait hors de notre 
portée. La tradition ou la routine a pu les conserver 
dans une certaine mesure; mais la musique, comme 
l'architecture et le langage lui-même, s'altéra avec le 
temps : nous n'en voulons que cet indice de l'introduc- 
tion de la musique grecque dans l'antique Orient et 
peut-être des modes grecs dans les titres des Psaumes. 
Voir Ayelet, t. i, col. 1296. Il nous faudrait en outre 
connaître le système rythmique des textes, sur lesquels 
se formait la mélodie. La tradition syrienne nous pré- 
sente des successions de pieds toniques où les syllabes 
atones alternant avec les syllabes accentuées, donnent 

des mesures régulières à deux temps : 2 m I * J I *> 
où encore, la note forte étant doublée de valeur, le 

rythme devient ternaire : 3 a J | a é; 3 J I a J | O; 
enfin, le même procédé peut servir à varier davantage 
ces rythmes. Voir J. Parisot, Essai d'application de mé- 
lodies orientales, dans la Tribune de Saint-Gervais, 
septembre 1900, p. 292. 

5° Un autre procédé oriental, applicable peut-être à la 
musique hébraïque, consiste à donner sous la dernière 
syllabe du vers une modulation finale, composée de plu- 
sieurs notes. C'est dans ce sens que plusieurs auteurs 
anciens semblent interpréter le diapsalma des Psaumes. 
Voir Vincent, Notices et extraits des manuscrits de la Bi- 
bliothèque du Roi, t. xvi, 1847, p. 218, note O. Voir Sélah. 

6° Nous pouvons encore distinguer, par le rapproche- 
ment de la musique traditionnelle des Orientaux, deux 
sortes de chants dans la musique hébraïque : le récita- 
tif et le chant orné. Le récitatif s'est conservé dans la 
lecture modulée, avec accents et cadences, qui se fait 
dans les synagogues. Fort antique dans son origine, il 
a son analogue dans la récitation du Coran dans les 
mosquées, et mieux encore dans les lectures des églises 
de tous rites en Orient. C'est le développement de ce 
récitatif qui a produit les chants ornés, appliqués aux 
textes en vers. Le chantre oriental scande et mesure les 
vers, auxquels il donne en même temps la mélodie; 



celle-ci, d'abord courte et irrégulière, est amenée à 
l'unité par son application au texte rythmé, pour se 
développer ensuite plus richement. Les vers forment 
les strophes, qui se répètent semblables, et auxquelles 
l'assistance répond par l'acclamation ou le retrain. 
Ps. cxxxvi; Dan., m, 57-88. Voir M. Grûnwald, Ueber 
der Einfluss Psalmen auf die Entstehung der katho- 
lischen Liturgie, Francfort, 1890. Voir Refrain. 

V. Instrumentation. — Nous devons juger de la mu- 
sique instrumentale des Hébreux par celle des Égyptiens, 
des Assyriens, et, pour la dernière époque, par celle des 
Grecs. L'archéologie nous permet de substituer des 
conclusions satisfaisantes à beaucoup des données in- 
certaines que l'on possédait autrefois. 

L'antiquité orientale a connu trois catégories d'ins- 
truments : celles des instruments à cordes, pincées ou • 
frappées, des instruments à vent, et des instruments de 
percussion. L'archet, qui prit origine dans l'Inde, ne 
pénétra dans l'Asie occidentale qu'à une époque tardive. 
Les Hébreux ne paraissent pas en avoir fait usage, et 
les monuments égyptiens ou assyriens n'en donnent pas 
de représentation. L'Écriture contient des instruments 
de chacune des trois classes indiquées; 

1° Instruments à cordes. —Les instruments à cordes, 
usités chez les Hébreux, furent tous de la famille des 
harpes. Ils se distinguaient par leur forme, leur éten- 
due et leur mode de maniement, obtenant ainsi des 
noms différents. — 1. Le premier mentionné est le kin- 
nôr. Gen., iv, 21; xxxr, 27. On l'assimile au trigone 
égyptien. Voir Harpe, t. ni, col. 435. Mais le nom hé- 
breu a pu s'appliquer à plusieurs variétés de harpes. — 
2. A l'époque des rois apparaît le nébél. I Reg., vr, 5; 
x, 15; Ps. lvii, 9; Is., v, 12; Amos, v, 23. En hébreu, 
bzi, nébél, signifie « outre », ce qui permet de se figurer 

cet instrument comme pourvu d'une partie rebondie, 
formant corps de résonance. Voir Nable. C'était en tous 
cas un instrument distinct du kinnôr. Voir I Reg., x, 
5; Ps. xxxm, 2; lvii, 9; II Esd., XII, 27. —3. L'Écriture 
mentionne aussi le nable à dix cordes, (nébél) 'âsor. 
Ps. xxxm, 2; cxliv, 9; xcn, 4. Ce peut être aussi une 
harpe à huit cordes que désigne le terme de seminip. 
I Par., xv, 20; Ps. vi, 1; xn, 1. Voir .Harpe, t. ni, 
col. 438. Les progrès successifs caractérisés par la dis- 
position nouvelle des instruments et par l'augmentation 
du nombre des cordes firent époque dans les traditions 
musicales des anciens. Il n'y a donc rien d'étonnant à 
voir ces instruments perfectionnés mentionnés à leur 
apparition par les écrivains bibliques. — 4. Nous ne 
savons quelles dénominations les auteurs hébreux don- 
nèrent aux instruments à manche du type de la guitare, 
du luth ou de la mandoline. Voir Édut, t. n, col. 1598. 
Ces instruments étaient en usage chez les Égyptiens, et 
les Hébreux les connurent sans doute, de même que les 
instruments gcecs, à une époque postérieure. Voir. 
Luth, col. 430, et Lyre, col. 450. Ils se retrouvent dans le 
texte chaldéen de Daniel, sous leurs noms grecs. Ce 
sont la iabbekâ', ou sabbekd', Dan., m, 5-15, aay.ë\i\r i , 
autrement appelée « lyre phénicienne », Athénée, iv, 
23 (voir Ducange, au mot Sambuca), qui donnait des sons 
très aigus; pesantêrin, le vJ/aXtripiov (voir Psaltérion); 
la qîterôs, ou cithare, qui différait de la lyre principa- 
lement par la disposition et la matière de la boite so- 
nore. Voir A. Gevaërt, Histoire et théorie de la musique 
dans l'antiquité, G and, 1881, il, p.250;Guhl et Kohner, 
La vie antique, t. i : La Grèce, Paris, 1884, p. 290, 291. 
On trouve des représentations de la cithare ou de la 
lyre sur les monnaies juives du premier siècle de notre 
ère. Originaires de l'Asie, perfectionnés par les Grecs, 
ces instruments retournaient à leur premier berceau, à 
la suite des conquêtes de la civilisation hellène. Voir Vi- 
gouroux,'Lo Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., 
t. v, p. 319. — 5. Les cordes s'appelaient minnim. Voir 



1353 



MUSIQUE DES' HÉBREUX 



1354 



ci-dessus. Elles étaient faites non de métal, mais de 
boyaux d'animaux. On les touchait avec la raain^I Reg. 
xvi, 23. Voir Sap., xix, 17; plus tard on connut le plec 
tre. Voir Plectre. 

2° Instruments à vent. — Ceux-ci appartiennent à 
deux classes, celle des trompettes et celle des ilûtes. Ce 
dernier nom comprenait chez les anciens la famille des 
ilûtes proprement dites et celle des hautbois. VoirFLUTE, 
t. il, col. 2291. — l.Les cornes d'animaux durent servir 
très anciennement à faire des trompettes; d'où le nom 
de qérén, « corne, » donné à cet instrument. Jos„ vi, 
4, 5. Il semble que le Sôfdr fût synonyme du qérén, ou 
du moins lui ressemblât par sa forme. Voir Trompette, 
tlORNE, t. il, col. 1011. Ifasôserah, Num., x,2, était une 
autre sorte de trompette en métal, analogue aux trom- 
pettes égyptiennes, droite ou recourbée, et évasée en 
forme de pavillon. — 2. Les flûtes et hautbois sontappelés 
hâlîl, I Reg., x, 5; nelyilôf, Ps. v, 1; 'ûgâb, Gen., iv, 
21; Job, xxi, 12; mais l'exacte détermination de ce der- 
nier nom est encore à faire. Voir Flûte, t. n, col. 2291. 
Ce peut être la flûte de Pan, l'instrument des bergers, 



donne à conclure que les harpistes et flûtistes devaient 
jouer à notes rapides. Les premiers sont représentés 
dans l'atlitude nécessaire au jeu fatigant des muscles, 
voir Harpe, t. m, col. 439; les doigts étendus pour 
l'exécution de passages rapides et de notes répétées. 
Les flûtistes soutiennent leur instrument à l'aide du 
pouce, les quatre autres doigts de chaque main restant 
libres pour ouvrir et boucher rapidement les trous. Ces 
procédés ont persévéré jusqu'à nos jours dans le monde 
musical oriental. Voir M. Fontanes, Les Egyptes, Paris, 
1882, p. 356, 357; Salvador Daniel, La musique arabe, 
Alger, 1879, p. 73. La multiplicité des notes supplée ainsi 
au manquede puissance des instruments, qtii ne servent 
pas d'ailleurs à produire d'effets d'harmonie simultanée, 
caractéristique de la musique occidentale. L'accouple- 
ment des instruments, ou « le concert », Eccli., xl, 21, 
loin de former comme parmi nous une partie intégrante 
de la musique, ne constituait qu'un accessoire; les voix 
d'hommes et les voix de femmes ou d'enfants chantaient 
à l'unisson ou à l'octave; les instruments suivaient à peu 
près les voix pour les guider ou les soutenir, ou pour 




382. — Musiciens de Suse, du temps d'Assurbanipal. Koyoundjik. D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. u, pi. 48-49. 



ou la syrinx ou sifflet, comme l'instrument appelé mai- 
rôqitâ, dans Daniel, m, 5, et, d'après quelquesruns, 
serîkôt, dans Juges; mais ce dernier mot signifie simple- 
ment « sifflement ». $umpôniâh, Dan., m, 5, etsimpô- 
nidh. Dan., m, 10, serait la cornemuse ou musette des 

J,% 

arabes modernes, J^Svl, qui est encore appelée sam- 

bônyâ, dans les dialectes syriaques vulgaires. Le terme 
grec de o-uy-cpam'a, dans Luc, xv, 25, aurait peut-être le 
sens de « concert », réunion de voix et d'instruments. 

3" Instruments de percussion. — Cette catégorie 
appartient à l'antiquité la plus reculée et se trouve dans 
les civilisations les plus rudimentaires, comme accom- 
pagnement obligé de la danse rythmée. — 1. L'Écriture 
mentionne le tambourin, tôf, dont le nom, en arabe, 

9 

jjp, comprend diverses variétés de tambours ou tambou- 
rins légers, montés en bois en terre ou en métal (timbales). 
— 2. Les cymbales, selselîm, II Reg., VI, 5, et mesilfâïm, 
cymbales doubles, I Par., xm, 8; les castagnettes, dont 
le nom sémitique n'est pas certain ; les sonnettes ou gre- 
lots, pa'âmon, que la Bible ne présente pas toutefois 
comme employées en guise d'instrument musical, 
Exod., xxvm, 33; les sonnailles ou lamettes de métal, 
mëfillôt, servant d'ornement, Zach., xiv, 20; le sistre, 
mena'naîm,ll Reg., vi,5;puis un autre instrument, qui 
reste indéterminé, sâlii, I Reg., xvni,6, sont les différents 
types de cette catégorie. Voir Clochettes, t. n, col. 807. 
VI. Exécution musicale. — L'exécution musicale 
était fort différente de celle à laquelle notre éducation 
nous habitue. A la vérité, l'inspection des monuments 



marquer le rythme; tout au plus pratiquait-on un 
contre-chant ou des ornements mélodiques, analogues 
au procédé en usage en Grèce au vu 8 siècle avant notre 
ère, et que les Arabes modernes exécutent, sans autre 
règle que celle de la fantaisie ou de la routine. Cette 
pratique, connue aussi des « chanteurs de luth » du 
xv e siècle, semble avoir été celle des musiciens popu- 
laires, à toutes les époques. 

C'est précisément parce que les instruments ainsi 
accouplés ne produisaient pas d'effets polyphoniques, que 
les Asiatiques, à Jérusalem comme à Babylone, en réunis- 
saient un si grand nombre dans chaque catégorie. Leurs 
associations d'instruments comprenaient indifféremment 
tous les types ensemble (fig. 382 ; voir la suite de ce bas^ 
relief, 1. 1, fig. 192, col. 555) ou plusieurs d'entre eux, grou- 
pés sans préférence. Nous trouvons, en effet, les nables, 
les flûtes, les tambourins et les kinnors, I Reg., x, 5; Job, 
xxxt, 12; nables, tambourins, cymbales, trompettes, 
I Par., xm, 8; nables, kinnors et cymbales, I Par., xv, 16; 
nables, kinnors et trompettes, II Par., xx, 28 ; cornes et 
trompettes, I Par., xx, 28; flûtes et tambourins accom- 
pagnant la danse, Judith, m, 10 (Vulgate); flûte et voix, 
III Reg., i, 40; flûte et psaltérion, Eccli., XL, 21; mais le 
concert de ces deux derniers instruments est ici d'in- 
fluence gréco-alexandrine. Il importe toutefois de cons- 
tater que les flûtistes quoiqu'on les trou\e partout chez 
les anciens (fig. 383), manquent dans les nomenclatures 
des musiciens au service du Temple. I Par., xxv. Voir 
Flûte, t. n, col. 2295. 

De ces observations nous devons conclure que les 
Sémites n'élevèrent pas la musique, comme le firent les 



1355 



MUSIQUE DES HÉBREUX 



1356 



Égyptiens, précurseurs des Grecs, au rang des sciences 
sacrées. Les Sémites la développèrent dans un sens 
moins austère. Nous en avons la preuve quand nous 
voyons, sous la xvm e dynastie, l'influence asiatique pré- 
dominer aux bords du Nil, et changer en l'amollissant 
le caractère de la musique égyptienne. Nous ne savons 
si les vices d'exécution de la musique orientale actuelle 
proviennent de l'influence arabe, ou s'ils existaient plus 
anciennement. Au dire de Clément d'Alexandrie, les 
chants hébreux étaient réguliers et harmonieusement 
cadencés, les mélodies simples et graves : â(j.[ie).T|ç eûXo- 
fla. yi.a\ awppcdv... aùuTiipà -/.ai <ruippcûvtxa {liVri» Bsedag., 




383. — Musiciens étrusques. Tombeau étrusque. 
D'après H. Lavoix, Histoire de la musique, p. 59. 

II, iv, Venise, 1750, p. 194, 195; comme cellesdes temples 
égyptiens. L'exécution du chant était cependant bruyante 
dans certaines solennités extérieures. L'enthousiasme 
faisait élever la voix, et l'on chantait très fort, beqôl 
gâdôl, lema'àlâh, en élevant [le son]. II Par., xx, 19; 
I Par., xv, 16. Voir Chanteurs du Temple, t. n,col. 557, 
Les Orientaux aiment les instruments bruyants et les 
notes hautes. Tandis que notre goût musical applique 
ordinairement à l'expression de la douleur des mélo- 
dies de teinte morne, conçues dans un diapason grave, 
les Orientaux emploient ici des variétés élevées des 
modes majeurs. Leurs plaintes s'exhalent en sons aigus. 
Cette tradition musicale a passé dans le répertoire ecclé- 
siastique ancien de l'Occident. Il en est de même dans 
les chants populaires de nos provinces. Voir J. Parisot, 
Essai sur les tonalités, dans la Tribuns de Saint-Ger- 
vais, Paris, 1898, p. 196. 

Lorsque la musique grecque étendit son prestige en 
Syrie, les Juifs l'accueillirent. Le chant et l'accompa- 
gnement instrumental devinrent unart noble. Eccli.,XLiv, 
5; xxxv, 3. La musique entra tout à fait dans les mœurs, 
et les Juifs. s'y adonnèrent avec succès. Si l'on voulait 
retrouver des vestiges de l'ancienne musique juive, c'est 
moins dans les synagogues européennes, où les tradi- 
tions musicales se sont depuis longtemps altérées ou 
perdues, voir E.David, La musique chez les Juifs, dans 
les Archives israélites, Paris, 1873, p. 54; que dans les 
communautés orientales, qu'il faudrait opérer des recher- 
ches. Celles-ci, en effet, se prévalent d'un particulier 
attachement à leurs usages liturgiques, et quelques-unes 
ont joui jusqu'à nos jours d'une existence ininterrompue. 

On nous saura gré de transcrire ici quelques mélodies 
israélites, recueillies à la synagogue de Damas, dont 
l'existence n'a jamais été interrompue, et dont les tra- 
ditions rituelles et musicales peuvent remonter à une 
haute antiquité. Ce sont quatre récitatifs ou formules 
de lecture modulée, dont la parenté avec lès anciens 
chants chrétiens est remarquable; deux chants ornés 
non strophiques, puis deux spécimens d'hymnes. Ces 



airs nous semblent représenter mieux que les chants 
israélites occidentaux, l'art judéo-oriental dont nous 
avons cherché à étudier le caractère. Voir J. Parisot, 
Récitatifs israélites et chants de synagogue, dans les 
Nouvelles archives des Missions scientifiques, t. X, 
1902, p. 174, 178-202. 

RÉCITATIFS LITURGIQUES 



I. job, m, 1-4 



M. J — 132. Lent. 



1. 'A-hâ-rê-kên pâ-talj, 'i-yôb 'et pî-hû : va- 



ye-qal-lêl 'e{ yô-mô. 2. Vay-ya-'an 'i - yô - b : 



\=f=^±J- ^=^ ^^^f 



vay-yô - mar : 3. Yô-bad yôm iv-vâ-léd bô, vehal- 



laye-lâh â-mar - - hô-râh gâ - bér. 4. Hay- 



=â- 



yôm ha-hû 
M. J = 126. 



^ÊPEiEfe^p^ 



- ye-hî hô - ëék.... 
2: CANTIQUE, I, 1-3 



Sîr ha8-sî-ri - - m 'â-sér li Sal-ômôh. 



IS-â-qê-nl minne-Sî-qôt pî-hû ; ki tô-bim dô- 



dé - - kâ mîy-yâ - - in. le-rê - ah 




ma -né - kâ tô-bîm : Sé-mén {û-râq së-mé- 



kâ 'al kê 



n *â-lâmôf 'a-hê-bû 



kâ. 4. MoS-qê-nî 'a-hâ-ré-kâ nâ-rû-sâh : hé-bî-'a-ni 




hammé-lék hâ-dâ-râ- 



v nâ-gî-lâh vc-niâ 



^l||g 



œe-bâh bâ - k.. 



1357 



MUSIQUE DES HÉBREUX 



4358 



3. LAMENTATIONS, I, 1-4 

Cette mélodie est spéciale aux synagogues de Damas. 
M. 120 = J 



1. 'Ê-kâ yâ-Se-bàh bâ-dâ d : hâ-'îr rab-bâ - ti 



"âm: hâ-ye-Jâh ke-'almânâh: rabbâ-ti bag-gô-îm. 




la - m-mé - da 



Sa-râ - tî bamme-dî-nôt hâ-ye-}âh lâ-mas. 



2. Bâ-kô tib-kêh bal-layelah : ve-dim- 'â-tâh 



m 



JE ^^CTQ EgEEEiE 



1=11111 



'al lè-hë-yâh : 'en lâh me-na-hêm mikkol 'ô - hà- 



gJTi^g ^ Q 



bé-âh : kbl rê - 'é - âh bâgdû bâh : hâyû lâh 



le - 'ô - yebîm. 3. Gâ-le-tâh yehû-dâh mê'ô - nî 



umê - rôb 'â-bô-dâh : hîh y â-Se - bâh bag-gô- 



îm : là' màse-'âh nia - nô-ah : kolrod-fé-hâ his- 



g5 =§E^EEg§ p^ SEE^§pp3g: 

êî-gû-hâ : bên hamme-çà-rîm. 4. Dârkê - si-yô-n 



'â-bè-lôt : mibbë-lî bâ-'ê mô'èd : kol Se-âre - hâ 



sô-mêmîn : kohnê-hâ né-'ë-nâ-hîm. 
4. PIRKÉ ABOT. N. I. 

M, 112. = J Lent. 



fe^EjEÉ^^P 



Ben zô- ma 



Largement. 



ballômêd mî . k . kûl 



his - ka 



1 - ti 




si - hâ 



ê-zê - hû gi-b-bô - - (o)r ha- 



^^^S^ 



kkôbê - S é - t i - s-rô... 

CHANTS ORNÉS 

5. DE L'OFFICE DE LA PENTECOTE (Fragment) 

M.J=122. p. 



[yarad] dôdî le-gan-nô 



la'a-rû-ga - t 
ralîenî. 




p &Q/ J ^ 




6. DE L'OFFICE DE KIPPUR 

(Dicté par TawfiH Sasson, de Damas) 
M.J = 80. p. 



Sê - ma* qô - li 



WË 



'â-êer 




i - se - ma' 



be - qô 



Q.ft 1 4 \ \^~ n ^ ^m7)Zm ^ 



lô - t... ve - ni - lia - ô - t ve-ha- 



4359 



MUSIQUE DES HÉBREUX — MUTILATION 



1360 




no - râ 



'a - lî 



mÊsm 



là - t. 

CHANTS STROPHIQUES 

7. HYMNE DE L'OFFICE QUOTIDIEN DU MATIN 



'À-dôn 'ô - lâ-m 'a - Ser ma - lak bè-té-rém 



g^ÉÉ 



kol ye - §ir ni-be - râh (1). 



(1) Les accents mélodiques ee trouvent placés sur clos eemi-voyellps. 
A co point de vue, l'application est fautive-, mais la mélodie tout archaïqMe 
prime ici le tente. 



8. HYMNE DE L'OFFICE DE ROS HASANA 



M. # = 8 



ï 



HE 



éô - êf ke 
âf le 
2- 



^H _i u ^^P 



mo 
yad 



<ë - bê 
rab - bô 



^^^^m^Êrn 



yi - se- 



has-da-k 




im^^^E^^ï 



V û-qe- ra' Se - Jar 



'D.C. 



rô - bô. 



VII. Bibliographie. — J. Brown, Musical instru- 
ments and their homes, New- York, 1888; Burette, Dis 
sertation sur la symphonie des anciens, dans les 
Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles- 
Lettres, Paris, 1762, t. iv; Dissertation sur la mélopée 
de l'ancienne musique, dans les Mémoires de l'Acadé- 
mie, t. v; T. K. Cheyneet J. Sutherland, Encyclopœdia 
biblica, Londres, 1902, t. in, col. 2325-2344; F. L. Cohen, 
Rise and developement of synagogue music. Anglo- 
jewish kistorical exhibition, Londres, 1888; F. Consolo, 
Libro dei Canti d'Israele, Florence, 1892; F. Salvador 
Daniel, La musique arabe, Alger, 1879; Ernest David, 
La, musique chez les Juifs, Essai de critique et d'his- 
toire, extrait des Archives israélites, Paris, 1873; Frz. 
Delitzsch, Physiologie und Musik in ihrer Sedeutung, 
besonders die Hebraîsche, Leipzig, 1868; C. Engel, 
Music of the most ancient nations, Londres, 1864; 
Fétis, Histoire générale de la musique, Paris, 1869; 
F.-A. Gevaêrt, Histoire et théorie de la musique dans 
l'antiquité, Gand, 1875-1881; M. Griinwald, débet- der 
Einfluss der Psalmen attf die Entslehung der katho- 
lischen Liturgie, Francfort, 1890; J.-P. Land, Recherches 
sur l'histoire de la gamme arabe, Leyde, 1894; A. Jac- 
quot, Dictionnaire des instruments de musique, Paris, 
1886; H. Lavoiï, Histoire de la musique, Paris, 1886; 
J. Levin Saalschûtz, Geschichte und Wûrdigung der 
Musik bei den Hebrâern, Berlin, 1829; J. MacClintock 



and J. Strong, Cyclopœdia of Biblicdl Literature, 
New- York, 1890, t. vi, p. 751-763; S. Naumbourg, Recueil 
\ de chants religieux et populaires des Israélites, précé- 
dés d'une étude historique, Paris, 1874; Pfeiffer, Musik 
der Hebraâer, Erlangen, 1779; J.-B. Pitra, Hymnogra- 
phie de l'Église grecque, Rome, 1867; Id., Analecta 
novissima) spicilegio Solesmensi parafa, t. ï, Paris, 
1876 ; De Sola, The ancient mélodies of the Spanish and 
Portuguese Jews (Londres), 1857; F, Vigouroux, La 
Rible et les découvertes modernes, 6 e édit., Paris, 1896, 
t. iv, p. 305-322; Id., Les instruments de musique de la 
Rible, extrait du Bessarione, Rome, 1903, et Bible Po- 
lyglotte, t. iv, p. 631-656; Villotteau, Recherches sur 
l'analogie de la musique avec les arts, Paris, 1807; 
Id., De l'état actuel de l'art musical en Egypte, dans 
la Description de l'Egypte publiépar ordre du gouverne- 
ment français, t. xiv, Paris, 1807; A. S. H. Vincent, 
Notices sur divers manuscrits grecs relatifs à la mu- 
sique, dans les Notices et extraits de manuscrits de la 
Bibliothèque du Roi, t. xvi, Paris, 1847; J. Weiss, Die 
musikalischen Instrumente in den heiligen Schriften, 
Grâtz. 1895. J. Parisot. 

MUSITES (hébreu: ham-MûSî: Septante: ô Mo-jot, 
Vulgate : Mttsitae), branche lévitique des Mérarites des- 
cendant de Musi. Num., m, 33. Les Musites sont aussi 
nommés, Num., xxvi, 58, mais en cet endroit la Vul- 
gate a traduit ham-MûH par familia Musi, au lieu de 
Musitse. 

MUSSO Corneille, commentateur italien, né à Plai- 
sance, de la noble famille de ce nom, en 1510, mort le 
10 janvier 1574. Dès l'âge de douze ans, il donna, en 
plusieurs villes d'Italie, des prédications qui ravissaient 
les foules, attirées par la curiosité d'entendre prêcher 
un enfant. Entré dans l'ordre des mineurs conventuels 
il y brilla par des vertus, des talents et des services 
qui le firent élever à l'évêché de Bitonte, dans la Pouille. 
Les cardinaux Cantareno et Bembo disaient voir en lui 
moins un orateur et un savant qu'un ange de Dieu, et le 
cardinal Frédéric Borromée a fait de lui un grand éloge 
dans son livre sur les orateurs sacrés de son temps. Cor- 
neille Musso a produit de nombreux ouvrages, dont 
quelques-uns d'exégèse, publiés après sa mort : 1° Com- 
mentaria in omnes D. Pauli Epistolas, in-4°, Venise,. 
1588; 2° In Epistolam D. Pauli ad Romanos, in-4°, 
Venise, 1588; 3° In Psalmum cxxis, seu De profundis, 
Venise, 1588; 4° Commentaires sur le Magnificat, pro- 
bablement en langue italienne, car ils furent traduits en 
latin par le P. Philippe Bosquier, du même ordre, et 
imprimés à Cologne, in-f°, 1621. P. Apollinaire. 

MUTILATION, blessure portant gravement atteinte 
à l'intégrité du corps humain. 

I. Les lois. — 1° La mutilation était prescrite par la 
loi comme réparation d'une autre mutilation infligée à 
quelqu'un au cours d'une dispute. La vieille loi chal- 
déenne du talion, si formellement consacrée par le code 
d'Hammurabi, cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques, 
Paris, 1902, art. 194-214, p. 94-99, devait être alors ap- 
pliquée : œil pour œil, dent pour dent, main pour main, 
pied pour pied, brûlure, blessure, meurtrissure égales- 
à celles qui avaient été reçues. Exod., XXI, 22-25. Cette pé- 
nalité avait pour but d'empêcher les sévices graves dont 
une colère inconsidérée eût pu être la cause. Il est vrai 
que cette mutilation légale ne fut pas toujours appli- 
quée. Josèphe, Ant. jud., IV, vin, 35, dit que, si le- 
lésé y consentait, on la remplaçait par une indemnité 
pécuniaire dont ce dernier fixait le taux. Les deux par- 
ties trouvaient ordinairement leur compte à cet accom- 
modement. Si, en frappant son esclave, un' maître lui 
faisait perdre un œil ou une dent, l'esclave avait droit 
à sa liberté. Exod., xxi, 26, 27. — 2» En dehors des cas 



1361 



MUTILATION 



MYRE 



1362 



du talion, la loi mosaïque ne prescrit qu'une seule mu- 
tilation. Si, au cours d'une rixe entre deux hommes, 
une femme, même pour défendre son mari, saisit les 
parties indécentes de l'adversaire, les juges doivent lui 
couper la main sans aucune pitié, Deut., xxv, 11, 12. 
— 3° Ces deux cas exceptés, toute espèce de mutilation 
était sévèrement interdite, surtout celle qui atteint la 
génération. Voir Castration, t. h, col. 343; Eunuque, 
t. n, col. 2045. Celui qui avait subi une mutilation de 
cette espèce ne pouvait faire partie du peuple d'Israël. 
Deut., xxiii, 1. — 4° Certaines mutilations rendaient 
impropre au sacerdoce. La loi excluait le harûm et le 
sârû'a. Le premier mot signifie le « fendu » et le se- 
cond 1' « allongé ». Les Septante rapportent ces quali- 
ficatifs l'un au nez, l'autre à l'oreille, et la Vulgate tous 
les deux au nez.Xev., xxi, 18. Il est probable que ces deux 
qualificatifs ne doivent pas être ainsi spécialisés et qu'il 
faut traduire simplement : le « mutilé » et le » mons- 
trueux », celui qui a quelque membre coupé, et celui 
qui a un membre développé anormalement. Cf. Rosen- 
mûller, In Levit., Leipzig, 1798, p. 123; de Humme- 
lauer, In Exod. et Lev., Paris, 1897, p. 505. Le rituel 
babylonien exclut également du service des dieux celui 
qui n'est pas accompli dans sa forme et dans ses pro- 
portions, qui est louche, édenté, a un doigt coupé, etc. 
Cf. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, 
Paris, 1903, p. 235. — 5° Notre-Seigneur abolit la loi 
du talion ; il n'est donc plus permis de mutiler celui 
par qui on l'a été soi-même. Matth., v, 38, 39. La peine 
du talion ne devait être appliquée que par les juges, 
mais les rabbins en avaient étendu le droit aux parti- 
culiers. Quand le Sauveur ajoute qu'il faut s'arracher 
l'œil, se couper la main ou le pied qui portent au mal, 
Matth., v, 29, 30; xvm, 8, 9; Marc, ix, 46, il ne veut 
pas parler de mutilations corporelles. Il fait entendre 
seulement que, pour éviter le péché grave, son disciple 
doit être prêt à sacrifier même les choses qui lui sont 
les plus agréables ou les plus utiles. Cf. Knabenbauer, 
Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. I, p. 224. 

II. Les faits. — Il est assez souvent, question de mu- 
tilations dans la Sainte Écriture. — 1» La tête coupée 
ne constitue pas une mutilation strictement dite, 
puisque la mort s'ensuit instantanément. Voir Tête. — 
2° D'autres mutilations laissent l'homme vivant. Telles 
sont celles de la langue, H Mach., vu, 4, voir Langue, 
col. 73; de l'oreille, Matth., xxvi, 51; Marc, xiv, 47; 
Luc, xxii, 50; Joa.. xvm, 10; du nez, Ezech., xxm, 25; 
la perforation des yeux, IV Reg., xxv, 7; la section de 
l'épaule, II Mach., XII, 35; celle des mains et des pieds, 
Il Mach., vil, 4; xv, 30, 32; celle des doigts, Jud., i, 6, 
7; les incisions diverses, voir Incision, t. m, col. 868, etc. 

H Lesêtre 

MUTINENSIS (CODEX). - Manuscrit oncial des 
Actes, du ix o siècle, conservé à Modène, Biblioth. 
d'Esté, II. G. 3. Manquent : Act., i, 1-v, 28; ix, 39-x, 19; 
xiii, 36-xiv, 3; xxvii, 4-xxviu, 31. La dernière lacune est 
suppléée par une main du X e siècle, les autres par une 
écriture carsive. Ce même codex contient les Épîtres 
catholiques et celles de saint Paul en cursive du 
xn" siècle. Le manuscrit, d'importance secondaire, a 
été collationné par Scholz; puis, avec plus de soin, par 
Tischendorf en 1843 et par Tregelles en 1846. On dé- 
signe la partie onciale par la lettre H, plus exactement 
H lct . La partie cursive porte le n. 112 pour les Épîtres 
catholiques et le n. 179 pour saint Paul. Von Soden dé- 
signe tout le codex par le sigle a 6. F. Prat. 

MYNDE ( grec: M-JvSo;; latin : Myndus), petite ville 
maritime de la province de Carie, siiuée entre Milet et 
Halicarnasse (fig. 384). Mynde est citée dans I Mach., xv, 
23, parmi les villes auxquelles fut envoyée la lettre du 
consul Lncius en faveur des Juifs. Le port de Mynde est 
mentionné par Slrabon, XIV, n, 28. Hérodote, v, 33, 



parle de ses navires. Mynde était protégée par de fortes 
murailles, qui lui permirent de résister à Alexandre le 
Grand, Arrien, Anab., i, 21. Diogène Laerte, vi, 2, 57, 
cite un mot de Diogène le Cynique, qui comparant la 
grandeur des portes à la petitesse de la ville, disait : 




384. — Monnaie de Mynde. 
Tête de Zeus, à droite. — 1$. MTNilOH 4HM0*2K. La coiffure d'Isis. 
Foudre. i. 

« Habitants de Mynde, fermes vos portes ponr que votre 
cité ne se sauve pas. » Le territoire de Mynde contenait 
des mines d'argent dont le commerce avait attiré une 
colonie juive. Les ruines qui sont à Gumishlu, entre 
autres celles d'un ancien port, sont probablement celles 
de Mynde. Cf. Col. Leake, Journal of a tour in Asia 
Minor, in-8», Londres, 1824, p. 228; Paton, dans le Jour- 
nal of Hellenic Sludies, 1887, p. 66; 1896, p. 204. 

E. Beurijer. 
MYRE (grec : MOpa), ville de Lycie (fig. 385). Le nom 
de Myra ne se trouve pas dans la Vulgate, mais il se ren- 
contre dans le texte grec reçu des Actes, xxvn, 5. Dans 
son voyage de Césarée à Rome, saint Paul, après avoir 
traversé la mer de Cilicie et de Pamphylie, parvint à 
Myre en Lycie. La Vulgate a remplacé Myre par Lystre, 
nom qui se trouve dans le Sinaiticus, dans VAlexan- 
drinus et dans le Codex Gigas. Voir Lystre, col. 464, 




385. — Monnaie de Myre. 

MTP(EQN). Buste d'Artémis Éleuthère, voilée, de face. 

i$. Victoire debout, à droite, tenant une couronne. 

On trouve aussi le nom de Myre à côté de celui de Pa- 
tare, autre ville de Lycie, dans le Codex Bezse, dans 
le Gigas et dans l'ancienne version égyptienne. Act,. 
xxi, 1. C'est dans son voyage de Macédoine à Jérusalem 
par Troade, Assos, Mitylène, Chio, Samos, Milet, Cos, 
Rhodes, Cypre et Tyr, que saint Paul serait passé par 
Patare et Myra. Le nom de Myra se présente sous la 
double forme du singulier féminin et du pluriel neutre, 
mais cette dernière forme est la plus usuelle. Corpus 
inscript, grsec., n. 4288; Ptolemée, VIII, xvii, 23. Au 
temps de saint Paul, Myre était une ville maritime de 
peu d'importance. Elle ne le devint guère que sous le 
Bas-Empire. Saint Nicolas, évêque de Myre sous Cons- 
tantin, était né à Patare. Myre est située à 4 kilomètres 
environ de la iner, sur une colline, près d'une rivière 
navigable qui se termine par un excellent port nommé 
Andrise. Appien, Bell, civil., iv, 82; Strabon, XIV, m, 
7. Voir Lycie, col. 440. Voir Ch. Fellows, Discoveries 
in Lycia, in-8», Londres, 1841, p. 169; Spratt and 
Forbes, Trayels in Lycia, in-8», Londres, 1847, t. i, 
p. 131; Ch. Texier, Asie Mineure, in-8», Paris, 1862, 
p. 691-694; Id,, Description de l'Asie Mineure, 3 in-f», 
Paris, 1839-1849 (vingt planches, 212-231, des ruines 
de Myre qui comptent parmi les plus belles de l'Asie 
Mineure); O. Benndorf et G. Niemann, Reisenin Ly- 
kien, in-f», Vienne, 1884; Tomaschek, Bistorische To- 
pographie von Kleinasien im Mittelalter, dans les 
Sitzungsberichte der Wiener Akadeniie der Wissen- 
schaften, 1891; W. Ramsay, St. Paul, the traveller and 
the roman citizen, in-8», Londres, 1895, p. 297-300, 319. 

E- Becrlier. 



1363 



MYRRHE 



1364 



MYRRHE (hébreu : môr; Septante : (ju.i3pva; Vul- 
gate : myrrha), espèce de gomme résine odorante. 

I. Description. — Comme le baume de la Mecque, 
la myrrhe est sécrétée spontanément ou après excision, 
sous forme d'un liquide visqueux et d'une odeur agréa- 
ble par un arbrisseau du genre Balsamodendron. Elle 
en diffère par la faible proportion d'huile essentielle et 
par la prédominance d'une matière gommeuse. C'est 
donc une gomme-résine en concrétions mamelonnées, 
qui, à l'état sec, prennent une teinte brun foncé ou rou- 
geâtre : la saveur en est acre, et l'odeur fortement bal- 
samique. — L'arbre à myrrhe dans son aspect général 
reproduit le baumier décrit plus haut, t. i, col. 1519; il 
fait partie de la famille des Burséracées, dont toutes les 
espèces ont une écorce riche en canaux sécréteurs dans 
sa région profonde au contact des fibres péricycliques. 
Appelé d'abord Balsamodendron Myrrha par Nées 
d'Esenbeck, il a été plus exactement défini par 0. Berg 
sous le nom de B. Ehrenbergianum, en souvenir du 
naturaliste, qui le premier le rapporta d'Arabie. — Plu- 
sieurs autres Balsamodendron répandus dans la zone 
tropicale fournissent des gommes-résines, appelées 
Bdellium d'Afrique ou de l'Inde, très voisines de la 
myrrhe et souvent mélangées avec elle, mais cette der- 
nière à l'état pur provient exclusivement des régions 
avoisinant la mer Rouge. F. Hy. 

II. Exégèse. — 1° L'identification du môr hébreu 
avec la myrrhe ne présente aucune difficulté : les Sep- 
tante rendent toujours ce mot par <ru,ûpva et les Latins 
par myrrha. Le nom même se retrouve en arabe sous 

la forme ^i, morr, qui sans nul doute désigne la 
myrrhe. Les Grecs emploient aussi le synonyme |iûp(3a, 
qui comme le latin myrrha a la même origine que le 
mot hébreu. 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amster- 
dam, 1748, t. i, p. 520-535. 

2° Les parfums ont toujours tenu une grande place 
dans la vie des orientaux; or, dans les compositions 
aromatiques dontils parfumaient leurs habitations, leurs 
vêtements, et dont ils couvraient leur corps, la myrrhe 
entrait pour une large part. Aussi les textes de l'Ancien 
et du Nouveau Testament qui font allusion à ces usages, 
mentionnent fréquemment la myrrhe. A la cour d'Assué- 
rus , les femmes pendant six mois se purifiaient avec de 
l'huile de myrrhe. Esth., n, 12. On en répandait sur 
les vêtements, dans les lits : 

La myrrhe, l'aloès et la casse s'exhalent de tes vêtements. 
«st-il dit dans l'épithalame sacré dujPs. xlv (Vulg. , xliv), 9. 

J'ai parfumé ma couche 

De myrrhe, d'aloès et de cinnamome, 

dit la courtisane des Proverbes, vu, 17. La myrrhe re- 
vient souvent dans le style imagé et symbolique du 
Cantique des cantiques. Ici, i, 13, c'est l'époux qui pour 
l'épouse du Cantique est comme un sachet de myrrhe; 
là, m, 1, c'est î'épouse « qui monte du désert », 

Comme une colonne de fumée 
Exhalant la myrrhe et l'encens, 
Tous les aromates du parfumeur. 

Plus loin, iy, 14, l'épouse est comparée à un jardin 
fermé, où l'on trouve la myrrhe et l'aloès et toutes les 
plantes embaumées, où, iv, 6;v, 1, l'époux vient cueillir 
sa myrrhe et son baume. 

De mes mains a coulé la myrrhe, 

De mes doigts la myrrhe répandue sur la poignée du verrou, 

dit l'épouse v, 5. Au f. 13, les lèvres de l'époux sont 
comparées à des lis rouges, 

D'où découle la myrrhe la plus pure. 

De même au chap. xxiv, 15, de l'Ecclésiastique, la sa- 
gesse personnifiée exprime son éloge en ces termes : 

Comme une myrrhe choisie, j'ai répandu une odeur suave. 



Cette substance précieuse était portée par les marchands 
d'Orient en Occident, à Rome. Mais à l'époque que 
décrit l'Apocalypse, xvni, 13, à Rome personne n'achè- 
tera plus de myrrhe, d'encens. Elle entrait dans les 
présents qu'offrent les Orientaux en abordant de grands 
personnages. Ainsi les mages présentent à l'enfant Jésus 
de l'or, de l'encens, et de la myrrhe. Matth., Il, 11. 

3° La myrrhe employée si fréquemment pour parfu- 
mer les vivants servait aussi à embaumer les morts. On 
en faisait un usage journalier en Egypte : Hérodote, h, 
86, indique la myrrhe parmi les substances aromatiques, 
dont on remplissait les corps. Le rituel de V embaume- 
ment publié par G. Maspero, dans Notices et extraits 
des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxiv, 
1 er partie, 1883, p. 31, 56, mentionne « les grains de 

© II* 

«=> 1 1 1 1 khari, « myrrhe, » venus en profusion du To- 

nouter », t. u, col. 1727. Des fragments de myrrhe 
ont été trouvés dans les tombeaux d'Egypte. V. Loret, 
La flore pharaonique, 2 e édit., 1892, p. 95. Les Juifs 
employaient également la myrrhe dans leurs embaume- 
ments. Aussi pour l'embaumement de Jésus-Christ, Ni- 
codème avait apporté centlivres d'un mélangede myrrhe 
et d'aloès. Joa., xix, 39. Voir t. m, col. 1729. 

4° Un parfum si précieux devait naturellement être 
employé dansée service du culte. Ainsi entrait-il dans !a 
composition de l'huile parfumée réservée à l'onction 
sainte, et qu'il était absolument interdit de reproduire 
pour les usages profanes. « Prends parmi les meilleurs 
aromates, est-il dit, Exod., xxx, 23, cinq cents sicles de 
myrrhe vierge, » im "ia, môr deror, myrrhe vierge ou 
liquide qui coule d'elle-même de l'arbre et supérieure à 
la myrrhe résineuse ou sèche qu'on obtient au moyen 
d'incisions. Mélangée dans l'huile d'olive au cinnamome, 
à la canne odorante, à la casse, cette myrrhe devait for- 
mer un parfum composé selon l'art du parfumeur. -La 
myrrhe entrait de même en Egypte pour une large part 
dans la composition du fameux parfum sacré, appelé 
kyphi. V. Loret, Le kyphi, parfum sacré des anciens 
Égyptiens, dans le Journal asiatique, juillet-août 1887, 
p. 128, 132. 

5° D'après saint Marc, xv, 23, on offrit à Jésus au 
moment de le crucifier du vin mêlé de myrrhe, i<ru.up- 
vtï(iévov otvov. Selon saint Jérôme, Comm. in Matth., 
xxvn, 48, t. xxvi, col. 212, suivi par Maldonat, Beelen, 
Bisping et en général la plupart des exégètes modernes, 
ce breuvage était donné au condamné à mort pour as- 
soupir ses douleurs. Mais la plupart des Pères pensaient 
que le vin avait été rendu amer en le mélangeant de 
myrrhe par la malice et la cruauté des Juifs. Ce senti- 
ment leur paraissait vérifier davantage l'accomplisse- 
ment de la prophétie du Ps. lxix (Vulgate, lviii), 22. 

Pour nourriture, ils me donnent l'herbe amère, 
Dans ma soif, ils m'abreuvent de vinaigre. 

La question est de savoir si c'était la coutume de don- 
ner aux condamnés une boisson assoupissante. Ce qui 
est certain, c'est qu'on ne voit nulle part cette coutume 
chez les Romains et les Grecs. Sans doute ils aimaient 
à mêler à leurs vins des herbes aromatisées. « Les vins 
les plus estimés, dit Pline, H. N., xiv, 15, étaient chez 
les anciens parfamés avec de la myrrhe, » Voir Boisson, 
t.i, col. 1842. Ils ne mettaient que la quantité de myrrhe 
suffisante pour aromatiser les vins, et l'on voit que 
leur intention n'était pas de faire une boisson assoupis- 
sante. Au contraire c'était une coutume juive attestée 
par les anciens rabbins. « A celui qui va à la mort, dit 
le Talmud de Babylone, Sanhédrin, 6, 1, tu donneras 
à boire un grain d'encens dans un verre de vin, afin 
qu'il perde conscience de lui-même. » D ' ajoute que 
cette boisson était préparée et offerte souvent par les 
femmes de Jérusalem. Cf. Bamidbar-Rabba, 10, 5, 



1365 



MYRRHE 



MYRTE 



1366 



206, 4. Cette pratique s'autorisait de ce passage des 
Proverbes, xxxi, 6 : 

Donnez des liqueurs fortes à celui qui périt, 

Et du vin à celui dont le cœur est rempli d'amertume. 

Le savant Maimonide dans son traité In Sanhedr., 13, 
assure qu'à l'heure de la mort on présentait au condamné 
des grains d'encens dans une coupe de vin, pour lui 
enlever la connaissance et l'empêcher de sentir la dou- 
leur. J. H. Friedlieb, Archéologie de la Passion, 
trad. Fr. Martin, in-8», Paris, 1897, p. 177. Dioscoride, 
I, 77, attribue ce pouvoir assoupissant à la myrrhe, 
lorsqu'elle est mélangée en quantité suffisante. «Comme 
les gommes-résines fétides..., la myrrhe, dit Dechambre, 
Dict. des sciences médicales, est antispasmodique et 
calmante ; c'est à l'huile essentielle qu'elle renferme que 
j'attribue la propriété ontalgique que j'ai souvent cons- 
tatée dans la myrrhe. » Les soldats, se conformant à cet 
usage juif, offrirent ce breuvage à Jésus-Christ; mais 
l'ayant goûté, Matth.,xxvn,34, il ne voulut point boire, 
résigné à goûter au contraire toutes les amertumes de 
cette mort. — Au lieu de myrrhe, saint Matthieu dans 
le passage parallèle, xxvm, 34, met x a ^> (< ne ' : * 
« ils lui donnèrent à boire du vin, otvov, mêlé de fiel. » 
Il est vrai que les Septante se servent de ce mot pour 
désigner des choses amères, comme l'absinthe, le pavot. 
Le premier Évangéliste marquerait par ce terme un vin 
mêlé d'amertume, et de la sorte il ne différerait pas 
sensiblement de saint Marc, qui parle « d'un vin mêlé 
de myrrhe ». On peut dire aussi avec Hengstenberg, 
Commentary on the Psalms, in-8°, Edimbourg, 1867, 
t. II, p. 374, que saint Matthieu, ayant toujours les yeux 
fixés sur les prophéties de l'Ancien Testament, a voulu 
rendre l'allusion au Psaume plus sensible en se servant 
des termes mêmes qu'il trouvait dans la version grecque 
des Psaumes. Ce rapprochement est plus marqué encore 
si on lit avec quelques manuscrits grecs et le texte 
reçu ô'Çoç, « vinaigre, » au lieu de oTvoç, « vin : » « ils 
îui donnèrent du vinaigre mêlé de fiel. * MaUh., xxvn, 
34. Car la version des Septante traduit ainsi le j). 22 du 
Ps. lxvih : 

Ils mettent du fiel dans ma nourriture 
Et ils m'abreuvent de vinaigre. 

6° L'arbre qui produit la myrrhe, le Balsamoden- 
dron myrrha de Nées, n'existe pas en Palestine. La 
myrrhe était un produit importé d'Arabie. C'est le lieu 
d'origine qu'assignent les anciens, comme Hérodote, m, 
107; Dioscoride, 1, 77; Théophraste, ix, 4; Pline, xn, 
33-35; Strabon, xvi, iv, 4, 19. Elle venait aussi de la 
Nubie et des contrées voisines. C'est de la terre de Pouâ- 
nit, la côte des Somalis, que les Égyptiens tiraient ce 
produit, G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient classique, t. n, 1897, p. 250. C'est encore en 
Arabie, « sur les côtes de l'Afrique orientale que crois- 
sent les arbres à myrrhe : on les trouve dans l'Yémen, 
dans l'Hadramaout et dans le pays des Somalis. » 
Ch. Joret, Les plantes dans l'antiquité, l re partie, dans 
l'Orient classique, in-8", 1897, p. 355. 

E. Levesque. 

MYRTE (hébreu : hâdas; Septante : (jmpmvii ; Vul- 
gate : myrtus, myrtetum), arbrisseau odorant et tou- 
jours vert. 

I. Description. — Parmi les arbrisseaux qui donnent 
aux rivages de la Méditerranée leur caractère de région 
toujours verte, le myrte est le représentant unique d'une 
famille riche en types variés, répandus dans toute îa 
zone intertropicale et surtout en Australie. Il n'y croit 
spontanément que dans les localités les plus chaudes et 
les mieux abritées, mais de temps immémorial son aire 
de dispersion a été étendue par la culture, à cause de 
son parfum pénétrant. 

Le Myrtus communis de Linné (fig. 386) peut atteindre 



la taille d'un homme : ses rameaux dressés et tomen- 
teux sont tout recouverts de feuilles opposées et sessiles, 
dont le limbe ovale pointu, entier sur les bords, ponctué- 
glanduleux, d'un vert brillant plus foncé au-dessus, pré- 
sente une extrême variété de dimensions et de formes, 
tantôt plus court et subarrondi, tantôt étroit et presque 
linéaire. Les fleurs solitaires à l'aisselle des feuilles sont 
portées par de longs pédoncules filiformes munis de 
deux bractéoles tout au sommet. Les sépales, coriaces et 
pointus comme les feuilles, sont largement ovales trian- 
gulaires, longuement dépassés par autant de pétales 
blancs, concaves, et imbriqués dans l'estivation. Les 
étamines sont nombreuses et libres, blanches à anthères 




386. — Myrtus communis. 

jaunâtres; l'ovaire infère, d'abord surmonté d'un long 
style central et d'un disque quinquelobé, devient à la 
maturité une baie noire bleuâtre de la grosseur d'un 
pois, couronnée par le calice persistant. Les 2 ou 3 loges 
de ce fruit sont remplies de graines osseuses, oblique- 
ment réniformes, renfermant un embryon courbé en 
anneau sans albumen. F. Hy. 

II. Exégèse. — Toutes les versions s'accordent pour 
voir dans hâdas le nom du myrte. Si dans Zach., i, 8, 
10, 11, les Septante traduisent par ôpswv, « montagne, » 
c'est, qu'ils ont lu en ces trois endroits, onnn, héhârvm, 
« les montagnes, » au lieu de D'DTn, hâdassîm, « les 
myrtes. » Dans Is., xli, 19, et lv, 13, le syriaque tra- 

duit hâdas) par r-^J, 'oso', qui est le nom du myrte 
araméen ndn, 'âsa'. Dans la paraphrase chaldéenne de 
Jonathan, on a conservé le mot hâdas, comme dans 
l'hébreu. L'arabe rend le mot hébreu par ^i, 'as, 
qui est un des noms du myrte, aussi commun que rîhân. 
Dans l'Arabie du sud on emploie au lieu de 'as, v __ y M.^>Â, 
hadas, identique au nom hébreu. I. Lôw, Aramâische 
Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 50. A la fête des 
Tabernacles, qui eut lieu au retour de Babylone, Néhé- 



4367 



MYRTE — MYSTÈRE 



1368 



mie invita les Juifs de Jérusalem à aller chercher sur 
la montagne des rameaux d'olivier, d'oléaster, de hâdas, 
« myrte, » de palmier et d'autres arbres touffus, alin de 
construire des tentes selon l'usage antérieur à l'exil. 
Dans les descriptions symboliques de l'âge messianique, 
Isaîe n'oublie pas, à côté des cèdres, des cyprès, des 
oliviers, de mentionner le myrte au feuillage toujours 
vert. 

Je mettrai dans le désert le cèdre 
L'acacia, le myrte et l'olivier. Is„ xli, 19. 

Au lieu de l'épine s'élèvera le cyprès 

Et à la place de la ronce croîtra le myrte. Is., lv, 13. 

Dans la vision de Zacharie, i, 8, 10, 11, le prophète 
voit un ange sous forme humaine, monté sur un cheval 
roux, qui se tenait entre des myrtes dans un lieu om- 
bragé. Le texte de Néhémie, vin, 15, suppose que le 
myrte poussait sur les montagnes des environs de Jéru- 
salem. Si par hdliâr, la montagne, il désigne spéciale- 
ment le mont des Oliviers et non pas le pays montagneux 
au sud- est de Jérusalem, il faut avouer qu'actuellement 
on ne rencontre plus le myrte sur cette montagne. Mais, 
dit H. B. Tristram, The natural History of tlie Bible, 
8« édit., in-8», Londres, 1889, p. 366, on le trouve dans 
beaucoup de vallons autour de Jérusalem, et il est très 
abondant près de Bethléhem, d'Hébron, et de l'ancienne 
Debir. Il croît en grande quantité dans la Samarie, et 
la Galilée. Encore aujourd'hui les Juifs de Jérusalem 
l'emploient pour la fête des Tabernacles. Cf. 0. Celsius, 
Hierobotanicon,m-S°, Amsterdam, 1748, t. il, p. 17-22. — 
Le nom hébreu d'Esther, n, 7, était hàdassah, Vulgate, 
Édissa : il est formé de hâdas et signifie « Myrte ». On 
a comparé l'assyrien haddsâtu, fiancée, où l'on recon- 
naît (ladâëu, « myrte, » avec le nom hébreu hàdassah. 
P. Jensen, Elamilische Eigennamen, dans Wiener 
Zeitschrift fur die Kunde des Morgenlandes, Vienne, 
1892, t. vi, p. 209-212. E. Levesque. 

MYSIE (grec : Muciia), contrée située au nord-ouest 
de l'Asie Mineure (fig. 387). 

I. Description et histoire de la Mysie. — La Mysie 
(fig. 388) avait pour limites au nord l'Hellespont et la 




S87. — Monnaie de Mysie. kaaïaion KAIpAPA LEBA] CTON. 
Tête de Claude à droite. — ftl SEBAETOr rjEPrAMHNOl. Au- 
guste debout dans un temple distyle. 

Propontide, à l'est les montagnes de l'Olympe qui la sépa- 
raient de la Bithynie et de la Phrygie, au sud les monts 
Temnus qui la séparaient de la Lydie et à l'ouest la mer 
Egée. Ses limites n'ont cependant jamais été bien fixées, 
surtout du côté de la Phrygie; cette incertitude était pro- 
verbiale chez les anciens. Strabon, XII, IV, 5; vin, 2. 
La Mysie comprenait ciuq parties : 1° La Petite Mysie, 
ou Mysie Olympène, appelée aussi Mysie Hellespontiaque, 
qui comprenait les districts du nord, sur les bords de 
l'Hellespont et de la Propontide, jusqu'au mont Olympe. 
Xénophon, Agesil.,i, 14; Ptolémée, V, u, 2, 3, 14; Stra- 
bon, XII, iv, 10. Elle était arrosée par le Rhyndacus. — 
2° La Grande Mysie, formant la partie sud de la contrée 
la plus éloignée de la mer. La principale ville de cette 
région était Pergame, aussi l'appelait-on Mysie Perga- 
mène. Strabon, XII, vin, 1; Ptolémée, V, u, 5, 14. — 3° La 
Troade au nord, sur la côte occidentale depuis le pro- 
montoire de Sigée jusqu'à la baie d'Adramyttium. — 
4°L'Éolide entre les rivières Caicus et Hermus. — 5° La 
Teuthranie, sur la frontière du sud ainsi appelée du 



nom de Teuthras, prince mysien. Strabon, XII, vin, 1; 
XIII, i, 69. — Ces divisions et leurs noms changèrent 
souvent. Sous les Perses, la Mysie faisait partie de la 
seconde Satrapie et comprenait seulement la partie 
située au nord-est. Hérodote, m, 90. La partie ouest de 
la côte de l'Hellespont portait le nom de Basse Phrygie et 
le district situé au sud de celle-ci, le nom de Troade. 

La plus grande partie de la Mysie est montagneuse. 
Elle est traversée par les rameaux du Taurus, l'Ida et le 
Temnus. La plaine est arrosée par un grand nombre 
de rivières, la plupart petites et non navigables. On y 
trouve des lacs assez considérables [et des marais. Le 
pays était moins fertile que le reste de l'Asie Mineure. 
Les principales villes de Mysie étaient Assos (voir Assos, 
t. I, col. 1138); Adramyttium ou Adruméte (voir Adru- 
mète, t. i, col. 241); Alexandria Troade (voir Troade); 
Pergame (Voir Pergame) et Prusa. Homère, lliad., h, 
858; x, 430; xm, 5; mentionne les Mysiens. Après la 



-iHt---* ¥-- 



r--- ** 



388. — Carte de Mysie. 

période de la guerre troyenne, ils entrèrent en lutte 
avec les Phrygiens, puis ils furent compris dans l'em- 
pire des Lydiens, avec qui, d'après Hérodote, vu, 74, ils 
étaient apparentés. Strabon, XII, IV, 6 ; vin, 3. Une 
autre tradition les fait venir de Thrace'. Strabon, XII, 
vm, 3. Leur langage était un composé de lydien et de 
phrygien. Strabon, XII, vm, 4. Les Mysiens suivirent 
le sort de toutes les nations île l'Asie Mineure. Après 
avoir fait partie de l'empire lydien, ils passèrent sous 
la domination des Perses, puis sous celle d'Alexandre 
et des Séleucides. En 188 avant J.-C, ils furent incor- 
porés au royaume de Pergame, Tite Live, xxxvm, 37- 
39; puis en 133 à la province d'Asie, Tite Live, Epi- 
tome,L\nl, Lix;Plutarque,n&. Gracc/t.,14; Justin, xxxvi, 
4. Voir Asie, t. 1, col. 1094. 

II. Saint Paul en Mysie. — Saint Paul passa une 
première fois en Mysie lorsqu'il alla d'Asie en Macédoine. 
Empêchés par l'Esprit-Saint de prêcher en Asie, l'apôtre 
et ses compagnons traversèrent la Phrygie et le pays des 
Galates. Arrivés près de la Mysie, ils se disposaient à 
entrer en Bithynie, mais l'esprit de Jésus ne le leur 
permit pas. Ils franchirent alors la Mysie et descendi- 
rent à Troade où ils s'embarquèrent pour la Macédoine. 
Act., xvi, 7-8, 11; II Cor., u, 12. Saint Paul revint de 
Macédoine par le même chemin. Act., xx, 5, 6. Il y toucha 
aussi dans son voyage à Rome.Act.,xxvn,2;cf. II Tim., 
lv, 13. — Voir H. Kiepert, Manuel de géographie an- 
cienne, trad. franc, in-8», Paris, 1887, p. 64-^8. 

£. Beurljer. 

MYSTÈRE (grec : nuircTJpiov; Vulgate : mysterium), 
chose secrète ou impossible à comprendre totalement. 
— 1" Dans l'Ancien Testament, les versions se servent 
du mot prjoT^ptov ppur désigner un secret, en hébreu 
sôd. Prov., xx, 19; Judith, u, 2; Eccli., xxii, 27; xxvu, 



1369 



MYSTÈRE — MYSTIQUE (SENS) 



1370 



24; II Mach., xnr, 21, Elles traduisent aussi par t mys- 
tère » le mot râz, qui désigne dans Daniel, h, 19, 27-29, 
47, le secret inconnu et inintelligible du songe de Nabu- 
chodonbsor. — 2° Dans le Nouveau Testament, le mot 
« mystère » s'applique ordinairement à la vie nouvelle 
apportée au monde par Jésus-Christ, aux actes divins 
qui l'établissent, aux vérités qu'elle révèle, aux grâces 
qu'elle confère et à ses diverses conséquences. Notre- 
Seigneur appelle « mystères du royaume de Dieu » les 
vérités qui ne ressortent pas d'elles-mêmes de l'ensei- 
gnement des paraboles et qui ont besoin d'être spécia- 
lement expliquées aux apôtres. Matth., xiii, 11 ; Marc, iv, 
11; Luc, vm, 10. Voir Jésus-Christ, t. ni, col. 1496. 
Saint Paul désigne par le même nom l'incarnation du 
Sauveur, les divers actes de sa vie et sa manifestation 
par la prédication évangélique, Rom., xvi, 25; Eph., m, 
4; vi, 19; Col., I, 26; iv, 3; la relation qui existe entre 
le Père et le Christ Jésus, Col., il, 2; l'objet de la foi en 
général, ITim., m, 9; la résurrection des corps. I Cor., 
xv, 51, etc. Toutes ces vérités constituent des mystères, 
dont la connaissance serait inutile sans la charité. 
1 Cor., xiii, 2. On ne peut parler de la sagesse de Dieu 
qu'en mystère, parce qu'elle est infinie. I Cor., Il, 7. 
L'aveuglement d'Israël, malgré les manifestations qui 
ont accompagné l'incarnation du Fils de Dieu, est aussi 
un mystère. Rom., xi, 25. Les apôtres sont les dispen- 
sateurs des mystères de Dieu, en tant que chargés de 
prêcher les vérités et de communiquer les grâces de 
l'Évangile. I Cor., rv, 1. A leur ministère s'oppose l'ac- 
tion de Satan, dont toute l'étendue est incompréhen- 
sible aux hommes, et qui constitue un « mystère d'ini- 
quité », II Thés., h, 7. Dans un sens restreint, celui qui 
se sert du don des langues fait entendre des mystères, 
c'est-à-dire des choses qu'on ne comprend pas. I Cor., 
Xiv, 2. Saint Jean dit qu'à la voix du septième ange 
sera consommé le mystère de Dieu, c'est-à-dire la ma- 
nifestation de justice et de puissance qui précédera la 
fin du monde. Apoc, x, 7. Il appelle encore « mystère » 
le nom de « grande Babylone » écrit sur le front de la 
femme maudite, parce que ce nom recèle un abîme de 
dépravation et de honte. Apoc, xvn, 5. Quand l'Église 
donne le nom de « mystères » soit en vérités révélées qui 
dépassent la portée de la raison, soit aux actes de la vie 
du Sauveur, elle ne fait donc que se conformera un usage 
déjà adopté par les écrivains du Nouveau Testament. 

H. Lêsètke. 

MYSTIQUE (SENS). Les livres inspirés présentent 
cette particularité que parfois, sous la lettre, se cache 
un sens plus profond que celui que les mots signifient, 
une pensée mystérieuse qui révèle un secret dessein de 
Dieu. Léon XIII, dans l'encyclique Providentissimus 
Deus, a rappelé en ces termes cette particularité des 
Livres Saints : Eorum enim verbis, auctore Spirxtu 
Sancto, res multse subjiciuntur quse humansi vim 
aciemque rationis longissime vincunt, divina scïlii'.et 
mysteria et quse cuni Mis continentur alla multa; 
idque nonnunquam ampliore quadam et reconditiore 
sententia, quam eovprimere litlera et hermeneuticœ 
leges indicare videantur ; alïos prxterea sensus, vel ad 
dogmata illustranda vel ad commendanda preecepta 
vitse, ipse litteralis sensus profecto adsciscit. Voir 1. 1, 
jk xx-xxi. Ce sens, caché sous la lettre, a été appelé 
sens mystique, parce qu'il renferme et dévoile les secrets 
mystères de Dieu. Nous en exposerons successivement 
la nature, les espèces, l'existence, l'étendue et la valeur 
dogmatique. 

I. Nature. — Le sens mystique est le sens que le 
Saint-Esprit, auteur principal de l'Ecriture, a voulu ma- 
nifester, non pas immédiatement par les mots qu'em- 
ployaient les écrivains sacrés, mais médiatement par 
quelques-unes des choses qu'expriment ces mots. Il pro- 
vient directement des faits racontés et indirectement 
des mots qui les énoncent. 



Les divers noms qui lui ont été donnés désignent ses 
différents caractères. Saint Paul avait distingué, dans les 
institutions de l'ancienne loi, l'esprit de la lettre, Rom., 
H, 29; vu, 6, et déclaré la loi mosaïque spirituelle, Rom., 
vu, 14; il avait dit de l'Écriture que la lettre tue et 
l'esprit vivifie. II Cor., m, 6. Au rapport de Philon, De 
vitacontemplativa, les Thérapeutes comparaient la Loi 
à un être vivant, dont le corps était les mots et l'âme le 
sens invisible, caché sous les mots. Ces expressions et 
ces idées ont fait nommer spirituel un sens perçu, non 
par les yeux du corps, mais par l'esprit qui le découvre 
sous la lettre, un sens qui, pour l'école d'Alexandrie, 
était l'esprit de l'Écriture, dont la lettre n'était que la 
chair ou le corps. Il ressort non des mots, mais des ■_ 
faits et des personnages figuratifs de l'avenir; c'est pour- 
quoi il est dit encore sens figuré, dénomination équi- 
voque, qui ne distingue pas le sens spirituel du sens 
littéral métaphorique. Parce qu'il résulte des figures ou 
des types, il vaut mieux l'appeler sens figuratif ou 
typique. 

D'après son acception étymologique, « type » signifie 
empreinte, et offre l'idée d'une marque produite sur un 
objet par un facteur supérieur. Suivant le langage usuel, 
le type est une figure, une image qui dessine matériel- 
lement un objet dont il est la représentation ; c'est aussi 
un symbole, objet, personne, fait, qui, de sa nature ou 
par convention, représente une idée, un personnage, un 
autre objet. Dans les types bibliques, l'institution divine 
remplace les analogies naturelles ou la convention. 
Quand des personnes, des événements sont formés et 
dirigés par Dieu pour figurer, préparer, annoncer des 
choses futures, des œuvres supérieures, en particulier 
ce qui concerne la nouvelle alliance, le Christ ou son 
Église, ils sont des types de l'avenir. Dieu a imprimé en 
eux la pensée de cet avenir, et ils l'expriment. Le type 
n'est pas comme la prophétie l'annonce de l'avenir au 
moyen de la parole ou d'actes qui s'identifient à la pa- 
role; c'est une prophétie per res, c'est-à-dire par des 
événements disposés providentiellement en vue d'un 
objectif appelé antitype. Le type diffère donc des actions 
symboliques, par lesquelles les prophètes prédisaient 
parfois l'avenir, et des symboles qui ne présentent au- 
cune analogie avec ce qu'ils signifient ou annoncent un 
effet immédiat. Il diffère aussi du mémorial d'une chose 
passée et des signes destinés à confirmer les promesses 
divines. Il prépare et prédit un avenir éloigné, avec le- 
quel il a des ressemblances, et dont il reproduit quel- 
ques linéaments. Saint Paul s'est servi le premier de 
ce terme, quand il a appelé Adam tjitoî toO (téXXovToc, 
« le type de l'homme futur, s Rom,, -v, 14, et certains 
événements du séjour des Hébreux au désert des tOxoi, 
« types, » pour notre instruction. I Cor., x, 6, 11. L'ob- 
jet que le type représente a été nommé par lui, Heb., 
xi, 24, et par saint Pierre, I Pet., ni, 21, àvirfcuîtot, 
antitype. 

II. Espèces diverses. — Comme le sens spirituel est 
fondé immédiatement sur les choses ou types, les exé- 
gètes distinguent autant d'espèces de sens spirituel que 
de sortes de types bibliques. Or, suivant la nature de 
l'antitype auquel ils correspondent, et qui a rapport soit 
au dogme, soit à la morale, soit à l'avenir céleste, les 
types sont allégoriques, tropologiques ou moraux, et 
anagogiques. Les premiers, qui sont les plus nombreux, 
ont pour objectif le Messie et son royaume, l'Église, 
qu'ils annoncent et préfigurent. Saint Augustin, De civi- 
tate'Dei, XVII, v, 2, t. xu, col. 533, les a nommés 
prophetia facti, « prophétie de fait. » Ce sont des per- 
sonnages, Adam, Rom., v, 14; Melchisédech, Heb., 
vil, etc.; Isaac et Ismaël, Gai., îv, 22-24; Moïse, I Cor., 
IX, 2, 11 ; des choses, l'arche de Noé, I Pet., m, 20, 
21; la loi ancienne, Heb., x, 1; les victimes et les céré- 
monies du culte juif, Heb., xi, 9; les jours de fêtes, 
Col., h, 16, 17; des événements, le renvoi d'Agar et 



1371 



MYSTIQUE (SENS) 



1372 



d'Ismaël, Gai., rv, 30, 31; le passage de la mer Rouge, 
I Cor., x, 1. Voir t. i, col. 369. Les types anagogiques 
prédisent la béatitude éternelle, et sont des images du 
ciel. Voir Anagogique (Sens), 1. 1, col. 534-535. Les types 
tropologiques contiennent des leçons morales pour la 
conduite des hommes. La manne recueillie avant le lever 
du soleil apprenait aux Israélites qu'il convenait d'éle- 
ver son cœur à Dieu, dès le matin, pour bénir l'auteur 
de tout bien. Sap., xvi, 28. La nuée, la manne et le ro- 
cher signifiaient que les chrétiens ne doivent pas céder 
à la gourmandise, devenir idolâtres, commettre des for- 
nications, tenter le Christ et murmurer. 1 Cor., x, 1-11. 
Le sens allégorique représente donc et prophétise Jésus- 
Christ ou l'Église, le tropologique présente une leçon 
morale par l'exemple du passé, et l'anagogique donne 
une idée de la félicité céleste au moyen des choses d'ici- 
bas. 

III. Existence. — L'existence du sens mystique n'est 
pas une conséquence nécessaire de la nature des Livres 
saints. Elle dépend de la libre volonté de Dieu, leur au- 
teur, qui a préordonné certains événements passés à 
figurer des événements futurs et supérieurs, et les a fait 
raconter dans la Bible avec cette signification spéciale, 
qui constitue le sens spirituel. Nous ne connaissons son 
existence que parce que Dieu lui-même nous l'a mani- 
festée, et elle ne s'impose à notre foi, que parce qu'il est 
constant que le Saint-Esprit l'a voulue et réalisée. Seuls 
donc, les organes infaillibles de la révélation détermi- 
neront avec certitude les sens spirituels voulus par Dieu , 
en affirmant le caractère typique des événements figu- 
ratifs. 

Or l'Église a toujours reconnu et enseigné l'existence 
du sens mystique dans la sainte Écriture, et son ensei- 
gnement s'appuie sur la parole de Dieu elle-même. A la 
naissance du christianisme, la foi aux types et aux figures 
de l'Ancien Testament était universelle en Judée. Jésus, 
ses disciples, les Juifs de toutes les sectes, amis et con- 
tradicteurs du Sauveur, tous y croyaient. Jésus, il est 
vrai, ne donne aucune démonstration formelle et 
expresse de la légitimité de cette croyance; mais il 
l'approuve, en la partageant. Pour prouver sa mission 
messianique, it fait un appel incessant à l'Ancien Testa- 
ment, et montre en lui la réalisation des types les plus 
clairs de l'histoire d'Israël, et les plus propres à ouvrir 
les yeux de ceux qui refusaient de le reconnaître pour 
le Messie préfiguré dans l'ancienne alliance. Ses audi- 
teurs comprenaient ses applications claires et ses allu- 
sions discrètes, Matth., xxi, 42-46; les Pharisiens, revêches 
et querelleurs, étaient réduits au silence, et vaincus par 
une argumentation sans réplique, ils n'osaient plus l'in- 
terroger. Matth., xxn, 42-46. Qu'on ne prétende pas que 
Jésus s'accommodait aux idées de ses contemporains, et 
maniait habilement l'argument ad hominem. Toute 
accommodation à une opinion erronée est indigne de 
son caractère absolument véridique. Il tirait ses argu- 
ments de la vérité même des faits, et les rationalistes 
eux-mêmes reconnaissent, dans ces citations bibliques, 
une justesse d'appréciation et une profondeur de vues 
tout à tait remarquables. D'ailleurs, Jésus ne s'est pas 
borné à relever le caractère typique de quelques faits 
isolés de l'Ancien Testament, tels que le serpent d'airain, 
type de sa croix, Joa., m, 14; Élie, figure de saint Jean- 
Baptiste, Marc, ix, 10-12; les persécutions des prophètes, 
annonce prophétique des persécutions de ses disciples, 
Matth., v, 12; xxm, 34, 35; Luc, xi, 49-51; il a consi- 
déré et présenté l'ancienne alliance, ses institutions et 
son histoire comme essentiellement figuratifs. Ce n'est 
pas seulement tel ou tel chapitre qui lui rend témoi- 
gnage, c'est la Bible entière, dans toutes ses parties. 
Joa., v, 39, 45, 46; Luc, xxiv, 27. 

Les Apôtres, instruits par le Maître et sous l'inspira- 
tion du Saint-Esprit, ont signalé à l'occasion le carac- 
tère typique de quelques faits de l'Ancien Testament. 



Les exemples, cités précédemment, sont tous tirés de 
leurs écrits. Saint Paul, Rom., ix, 24-27, parlant des 
nations qui doivent se réunir au Christ, insinue la future 
conversion des Juifs, en interprétant des témoignages 
d'Osée, il, 24 ; i, 10, et d'Isaïe, x, 22; i, 9, relatifs, dans 
le sens littéral, à des événements alors accomplis. Il 
prouve que le Christ est la fin de la Loi et la justification 
de tous les croyants, Rom., x, 4-9, par des paroles que 
Moïse a dites au sujet de l'ancienne loi. Lev., xvin, 5; 
Deut., xxx, 12, 14. Il démontre la filiation divine du 
Christ, Heb., i, 5, en citant ce que Nathan avait prédît 
de Salomon, type du Messie. II Reg., vu, 14. Et qu'on 
ne dise pas, comme on l'a récemment prétendu, que 
cette exégèse allégorique des écrivains inspirés du Nou- 
veau Testament est une exégèse « créatrice », découvrant 
un sens que Dieu, auteur principal de l'Ancien Testa- 
ment, n'avait pas mis dans les passages scripturaires 
qu'ils interprètent ainsi. Si ces écrivains inspirés dé- 
couvrent dans l'Ancien Testament un sens mystique 
que les mots n'expriment pas par eux-mêmes, c'est 
que l'Esprit qui les inspire l'y avait caché et le révèle 
aux hommes par leur moyen. Même en employant lès 
procédés et en suivant la méthode de l'école juive allé- 
gorisante, ils le faisaient sous la direction de l'Esprit 
inspirateur qui éclairait leur pensée et guidait leur 
plume. Leur exégèse était donc réellement expositive. 

Les premiers chrétiens crurent au caractère figuratif de 
l'ancienne alliance, les plus anciens écrits des Pères de 
l'Église en sont la preuve. La lettre attribuée à saint Barna- 
be, les œuvres de saint Clément de Rome, de saint Irénée 
et de Tertullien contiennent l'exposition de nombreuses 
figures bibliques. Dans son dialogue avec le Juif Tryphon, 
saint Justin démontre la divinité de Jésus-Christ par 
l'interprétation des prophéties typiques. L'école exégé- 
lique d'Alexandrie a poussé trop loin, il est vrai, l'expli- 
cation allégorique de l'Écriture, en accordant la prépon- 
dérance au sens spirituel sur le sens littéral ; mais l'abus 
ne doit pas faire condamner la recherche légitime des 
sens spirituels. L'école d'Antioche s'est maintenue dans 
de justes limites, et l'étude du sens littéral ne lui a pas 
fait négliger celle du sens mystique. Théodore de Mop- 
sueste lui-même ne niait pas l'existence et la vérité des 
figures bibliques ; il rejetait à tort quelques types avérés 
de l'Ancien Testament. Voir Kihn, Tbeodor von Mop- 
suestia und Junilius als Exegeten, Fribourg-en-Bris- 
gau, 1880, p. 128. Les théologiens de l'école et les com- 
mentateurs chrétiens de tous les siècles ont continué la 
tradition primitive. L'Église n'a jamais varié dans sa 
doctrine sur la typologie biblique; ses enfants ont pu la 
développer plus ou moins largement, l'appliquer plus 
ou moins heureusement, tous l'ont reconnue et procla- 
mée légitime. Léon XIII ne se borne pas à constater, 
comme nous l'avons rappelé plus haut, l'existence des 
sens spirituels certains, exprimés par les écrivains sacrés, 
organes de l'Esprit-Saint; il recommande encore à l'in- 
terprète de l'Écriture de ne pas négliger les explications 
allégoriques des Pères : Caveat idem ne Ma negligat 
quse ab eisdem Patribus ad allegoricam similemvesen- 
tentiam translata sunt, maxime quum ex litterali de- 
scendant et multoi'um auctoritate fulciantur. Talem 
enim interpretandi rationem ab Apostolis Ecclesia 
accepit, suoque ipsa exemplo, ut e re patet liturgica, 
comprobavit, non quod Patres ex ea contenderent dog- 
mata fidei per se demonstrare, sed quia bene frugife- 
ram virtuti etpietati alendse nossent experti. Encyclique 
Providentissimus Deus. Voir t. i, p. xxm. 

Les monuments primitifs de l'Église romaine sont 
d'irrécusables témoins de l'antiquité de cette doctrine. 
Dans les peintures et les sculptures des Catacombes, le 
Christ et l'Église, la résurrection et les vertus chrétiennes 
sont très souvent figurés sous des imagée empruntées 
à l'Ancien Testament. Joseph, Moïse, Samson, symbo- 
lisent Jésus-Christ, les sacrifices d'Abel et d'Abraham; 



1373 



MYSTIQUE (SENS) 



1374 



son sacrifice; l'arche de Noé, le passage de la mer Rouge, 
figurent l'entrée des hommes dans l'Église; la manne, 
l'eucharistie; l'enlèvement d'Élie, l'histoire de Jonas, la 
résurrection future; les quatre fleuves du paradis, les 
quatre vertus morales. Martigny, Dictionnaire des anti- 
quités chrétiennes, 2 B édit., Paris, 1877, à ces mots. 
Tout dans ces représentations n'était pas laissé au ca- 
price et à l'arbitraire. Le cycle des symboles bibliques 
était restreint, et le nombre des sujets permis aux 
artistes soigneusement limité. La manière même de les 
traiter, au moins au m e siècle, ne semble pas avoir été 
tout à fait libre. « Les peintures empruntées à l'histoire 
biblique n'offrent, dans l'art des catacombes, ni l'exacte 
abondance des détails qui convient à la reproduction 
littérale d'un fait, ni la variété et l'aisance qui appar- 
tiennent à une œuvre d'imagination : elles ont la 
sobriété sévère d'une œuvre dirigée vers un but spirituel, 
subordonnée à l'expression d'une vérité abstraite. Elles 
semblent participera l'immobilité, à la fixité du dogme... 
L'exécution seule appartenait à l'artiste; les rapports 
des sujets entre eux, le parallélisme des peintures, leur 
ordonnance générale, étaient plus ou moins dirigés par 
l'autorité ecclésiastique. Telle ou telle histoire était 
choisie, non pour elle-même, mais pour la vérité à 
' laquelle elle était associée dans la pensée de l'Église. » 
P. Allard, Rome souterraine, 2 e édit., Paris, 1877, 
p. 357. Le témoignage de la tradition monumentale en 
laveur de la typologie sacrée a donc une valeur doctri- 
nale. — La tradition juive est restée parallèle à la tra- 
dition catholique. Après l'ère chrétienne, les Juifs ont 
continué à rechercher l'esprit sous la lettre de l'Écriture, 
l'histoire de leur exégèse le prouve. Souvent même les 
rabbins ont fait un abus effréné des sens mystiques. 

IV. Étendue. — Si les cabalistes seuls ont cherché 
un sens mystérieux sous chaque lettre et chaque mot 
de l'Écriture, quelques écrivains catholiques et protes- 
tants prétendirent, aux XVII e et xvnr siècles, que chaque 
phrase, chaque proposition de la Bible contenait sous 
la lettre un sens spirituel. Coccéius (f 1669) voyait le 
Christ partout dans l'Ancien Testament. Des jansénistes 
français, entre autres l'abbé d'Étemare, donnèrent dans 
ce travers. Toutes les actions, tous les événements, toutes 
les cérémonies de l'Ancien Testament étaient à leurs 
yeux des figures prophétiques de ce qui devait arriver 
dans la loi nouvelle. Les plus exaltés expliquaient par 
l'Écriture ainsi entendue ce qui se passait de leur temps- 
Ils sont connus sous le nom de figuristes. Les antifi- 
guristes, leurs adversaires, répondaient facilement à 
leurs arguments. Un texte tronqué de saint Paul : Tout 
leur arrivait en figures, I Cor., x, 11, était pour le 
figurisme un faible appui; car l'Apôtre ne dit pas : 
tout, dans un sens absolu et général, mais : toutes ces 
choses, circonscrivant sa pensée aux faits qu'il avait 
énumérés dans les versets précédents. La parole de 
Jésus : « Il est nécessaire que tout ce qui a été écrit sur 
moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans 
les Psaumes, s'accomplisse, » Luc, xxiv, 44, n'était pas 
une preuve plus forte; le Sauveur n'affirme pas que 
tout le contenu de l'Ancien Testament le concerne, il 
assure seulement que tout ce que l'Écriture dit de lui 
aura son accomplissement. 

Quelques témoignages patristiques, détachés du con- 
texte, paraissent, il est vrai, favoriser le figurisme; mais, 
remis dans leur cadre naturel et rapproehés d'autres 
passages des mêmes écrivains, ils perdent le sens allé- 
gué. Plusieurs anciens se sont formellement prononcés 
contre l'universalité du sens mystique de l'Écriture. 
S. Augustin, De civitate Dei, XVII, m, t. xli, col. 526; 
S. Basile, Hom., lx, in Hexaem., n. 1, t. xxix, col. 188; 
S. Jérôme, Comment, in Jon., I, m, t. xxv, col. 1123- 
1124; S. Bonaventure, Breviloquiwm, proœm., § 7; Ni- 
colas de Lyre, Prologus in moralitates Bibliorum, etc. 
Tous les Pères grecs et latins ont restreint le sens spi- 



rituel à certains passages de l'Écriture. Léonard, Traité 
du sens littéral et du sens mystique des Saintes Écri- 
tures, Paris, 1727, c. vn. Les antifiguristes sont leurs 
successeurs directs. D'ailleurs, si les moindres détails 
de la Bible étaient figuratifs, que signifieraient les 
pays, les villes, les fleuves, les montagnes, et les peu- 
ples nommés dans les Livres Saints ? Que représente- 
raient les puits creusés par les bergers d'Isaac, le plat 
de lentilles de Jacob, les chameaux d'Éliézer, les ânesses 
de Saûl, la tour de Phanuel, la chevelure d'Absalom, la 
graisse du roi Églon, la claudication de Miphiboseth, la 
goutte d'Asa, la queue du chien de Tobie? L'interpré- 
tation allégorique de ces détails, et de beaucoup d'autres 
semblables, ne peut être que puérile et forcée; ceux 
qui s'y complaisent portent peu de respect à la parolft 
de Dieu. Le Roy, Examen du figurisme moderne, 
1736; Mignot, Examen des règles du figurisme mo- 
derne, 1737; A. J. Onymies, De usu interpretationis 
allegoricse in Novi foederis tabulis, Bamberg, 1803. 
Mais dans quelles limites le caractère figuratif appar- 
tient-il aux faits racontés dans l'Écriture? Jésus-Christ 
et les Apôtres ont clairement enseigné que l'ancienne 
loi, dans son ensemble, figurait la nouvelle, et il est 
vrai de dire des deux Testaments avec saint Augustin, 
Quœstiones in Heptateuchum, 1. II, t. xxxiv, col. 623 : 
In Vetere Novum latet et in Novo Vetvs patet. Tous 
les sens mystiques indiqués dans le Nouveau Testament 
sont certains; nous devons les accepter comme vrais, 
car les auteurs inspirés les ont établis avec une auto- 
rité infaillible. Cf. F. de Hummelauer, Exegetisches zur 
Inspirations f rage, Fribourg-en-Brisgau, 1904, p. 80-84. 
Mais les écrivains sacrés n'ont pas épuisé la matière; 
après eux, et à leur exemple, les Pères de l'Église se 
sont livrés à l'investigation du sens spirituel de l'Écri- 
ture. Toutes les interprétations allégoriques des auteurs 
ecclésiastiques ne s'imposent pas à notre assentiment ; 
seules, celles qui présentent le caractère de la tradi- 
tion ecclésiastique doivent être admises comme certaines. 
Fleury, Discours sur l'histoire ecclésiastique, 5 e dis- 
cours, n. 11. Or, il faut pour cela que les Pères soient 
unanimes dans leur affirmation, et qu'ils proposent 
l'explication typique, non pas seulement comme un sens 
que l'étude leur a fait découvrir dans le texte sacré, 
mais comme un enseignement reçu de l'Église. Ils ne 
sont plus alors interprètes privés de l'Écriture, mais 
témoins de la tradition apostolique, et leur interpréta- 
tion est authentique. Proposent-ils des sens allégoriques, 
anagogiques ou tropologiques, qu'eux-mêmes ont dé- 
couverts, ils exposent leurs pensées propres, dont la 
valeur est proportionnée à la science personnelle de 
ces docteurs, et à l'analogie plus ou moins parfaite que 
ces sens figurés ont avec le sens littéral. Au jugement 
des théologiens, rappelé par Léon XIII, leurs interpré- 
tations allégoriques de l'Écriture, si elles ne peuvent 
servir à la démonstration des dogmes, ont été de leur 
temps et peuvent encore aujourd'hui être utiles à la 
piété et à l'édification. Toute explication mystique qui 
contredirait la lettre, eût-elle été exposée par un Père de 
l'Église, serait dénuée de probabilité intrinsèque. L'au- 
torité des commentateurs est moindre que celle des Pères, 
et leurs interprétations allégoriques, si elles ne sont pas 
fondées, peuvent JHre discutées et même condamnées. 

Ces règles/s'appliquent à l'interprétation spirituelle de 
tous les livres sacrés. Mais c'est une question débattue 
entre les exégètes, de savoir si le Nouveau Testament 
contient, comme l'Ancien, des sens mystiques. De l'aveu 
de tous, quoique les écrits du Nouveau Testament ne 
renferment pas de typé messianique, relatif à la per- 
sonne même du Messie, il est cependant légitime de 
suivre l'exemple des saints Docteurs, et de tirer des 
faits évangéliques des sens moraux ou anagogiques, 
pouvant servir à l'édification des fidèles. Mais y a-t-il 
dans le Nouveau Testament des types prophétiques an- 



4375 



MYSTIQUE (SENS) — MYTHIQUE (SENS) 



1376 



nonçant et préfigurant l'Église? Les uns le nient au 
nom de la perfection de la nouvelle alliance. L'Ancien 
Testament préparait une autre alliance, parce qu'il était 
incomplet et imparfait. Complète en elle-même, l'éco- 
nomie de la nouvelle loi ne peut être la préparation et 
la figure d'une autre économie, supérieure et plus par- 
faite. D'ailleurs, la clarté qui règne dans les écrits du 
Nouveau Testament est inconciliable avec l'existence de 
types, qui sont nécessairement obscurs. Patrizi, In- 
stitutio de interpretatione Bibliorum, Borne, 1876, 
C. xi, q. m. Les autres pensent que quelques faits 
de la vie de Jésus-Christ et quelques événements pos- 
térieurs à l'Ascension figuraient prophétiquement l'ave- 
nir prochain de l'Église. La perfection de la nouvelle 
alliance n'a pas empêché les Pères, dans leurs com- 
mentaires, et l'Église, dans sa liturgie, de reconnaître 
que la loi de grâce précède, prépare et préfigure la 
gloire, comme elle-même a été précédée, préparée et 
préfigurée par la loi de crainte. Les débuts historiques 
de la religion chrétienne peuvent donc non seulement 
faire présager, mais prophétiser réellement ses dévelop- 
pements futurs et son apogée au ciel. D'autre part, le 
sens typique n'exige pas toujours et nécessairement une 
obscurité qui serait incompatible avec la lumière évan- 
gélique; du reste, le Nouveau Testament a ses obscu- 
rités. Ces raisons, jointes à l'auiorité de ouelques Pères, 
rendent au moins probable la présence, dans le Nou- 
veau Testament, de quelques types prophétiques de 
l'avenir de l'Église. F. Schmid, De inspirations Biblio- 
rum vi et ratione, Brixen, 1885, n. 196-218; Ubaldi, 
Introductio in Sacram Scripturam, Rome, 1881 , t. III, 
p. 100-105. 

V. Valeur démonstrative. — Malgré l'indécision de 
quelques théologiens, il est évident que le sens spirituel, 
dont l'existence est certaine et démontrée, a par lui- 
même la valeur de preuve. Notre-Seigneur et les écri- 
vains sacrés l'ont employé dans leur argumentation. 
Matth., n, 15, 17, 18; xm, 35; Joa., xix, 36. Ce sens a 
la même origine et le même auteur que la lettre, tous 
deux ont été voulus par le Saint-Esprit; ils ont donc la 
même autorité. Mais d'où résultera la démonstration Ce 
l'existence du sens spirituel? La correspondance du 
type avec Pantitype ne sera pas une preuve suffisante. 
Seuls les témoignages de l'Écriture et de la tradition 
authentique et la proposition infaillible de l'Église dé- 
termineront avec certitude les sens spirituels de l'Écri- 
ture. Toute interprétation allégorique, dénuée d'une 
telle attestation, pourra servir à l'édification, elle ne 
prouvera pas une thèse. Un sens spirituel probable ne 
fournit qu'un argument probable. Aussi les théologiens 
emploient-ils rarement le sens spirituel; il serait inu- 
tile et inopportun d'y recourir dans la controverse, 
puisque les rationalistes et les hérétiques nient son 
existence ou sa valeur démonstrative. D'ailleurs, suivant 
la remarque de saint Thomas, les preuves provenant du 
sens spirituel ne sont pas nécessaires à la démonstra- 
tion de la doctrine de la foi, quia nihil sub spirituali 
sensu continetur fidei necessarium, quod Scriptura 
per litteralem sensum alicubi manifeste non tradat. 
Sum. theol., 1% q. i, a. 10, ad l 1 ™. Voir Berthier, Tra- 
ctatus de locis theologicis, Turin, 1888, n. 253-255 . 

VI. Ouvrages a consulter. — La plupart des Intro- 
ductions générales à l'Écriture Sainte; Santo Pagnino, 
lsagoge ad mysticos sacrée Scripturœ sensus, Cologne, 
1540; de Bukentop, Tractatus de sacrm Scripturx sen- 
sibus, Paris, 1716, c. vi-xii; Acosta, De vera Scripturas 
interpretandi ratione, Rome, 1590, 1. II, c. xiv-xvii; 
Serarius, Prolegomena biblica, Mayence, 1604, c. xxi, 
q. vi-xi; Bonfrère, Prœloquia in totam Scripturam 
Sacram, Anvers, 1625, c. xx, sert. li-rv;C. Unterkircher, 
Hermeneutica biblica catholica, 3 e édit. par J. V. Hof- 
mann, Inspruck, 1846, p. 18-22, 181-184; J. Danko, De 
Sacra Scriptura, Vienne, 1867, p. 265-272; F. X. Pa- 



trizi, Institutio de interpretatione Bibliorum, 2 e édit., 
Rome, 1876, p. 162-264; F. Schmid, Deinspirationis Bi- 
bliorum vi et ratione, Brixen, 1885, p. 183-234; Schnee- 
dorfer, Synopsis hermeneuticœ biblicse, Prague, 1885, 
p. 52-66; V. Zapletal, Hermeneutica biblica, Fribourg, 
1897, p. 34-51 ; Székely, Hermeneutica biblica generalis 
secundum principia catholica, Fribourg-en-Brisgau, 
1902, p. 233-239, 249-254; card. Meignan, De Moïse à 
David, Paris, 1896, Introduction, p. xih-lx. Les prin- 
cipaux sens mystiques de l'Écriture ont été réunis dans 
la Clavis, attribuée à saint Méliton, Pitra, Spicilegium 
Solesmense, Paris, 1855, t. n, m; Analecta sacra, 
1883, t. n; S. Eucher, Formularium spiritalis. intelli- 
gentise liber unus,Patr. Lat., t. l, col. 727-772; Lauretus, 
Silva seu hortus floridus allegoriarum totius sacres 
Scripturse, Barcelone, 1570; Antoine de Rampelogo, 
Aurea Biblise, édition corrigée, 1623; Huet, Prépara- 
tion évangélique, 9' pfop., c. Clxx; Ph. Krementz, 
Das Altes Testament als Vorbild des Neuen, Coblentz, 
1866; Das Evangelium in lib. Genesis, ibid., 1867; 
Grundlinien zur Geschichtstypik der hl. Schrift, 1875. 

E. Mangenot. 

MYTHIQUE (SENS). - I. Notion. - Le sens my- 
thique est celui que l'on donne aux passages de ia 
Sainte Écriture que l'on considère comme de simples 
mythes. Or, le mythe (fxûOoç) peut d'une façon géné- 
rale se définir : un récit qui a les apparences de l'his- 
toire sans en rvoir les réalités, et dont toute la vérité 
réside dans l'idée qui l'a inspiré et à laquelle il sert de 
vêtement, ou dans le fait primitif qui a été son point 
de départ et dont il est devenu comme l'illustration. Cette 
définition générale convient soit au mythe spontané, 
sorte de légende populaire où la foule anonyme incarne 
inconsciemment ses préoccupations, ses aspirations et 
ses croyances, soit au mythe réfléchi, fiction volontaire 
que crée un auteur en vue de prouver une thèse ou de 
faire valoir un enseignement. — Le mythe a joué un 
rôle important dans la formation des traditions les 
plus anciennes, communes aux peuples de l'antiquité. 
Chez les Indous et les Perses, les Grecs et les Latins, 
les Germains et les Slaves, comme chez les Assyriens 
et les Égyptiens, nous trouvons un grand nombre de 
légendes merveilleuses qui paraissent comme autant 
de solutions données par l'imagination populaire aux 
questions qui intéressaient l'humanité dans son enfance. 
D'où vient le monde? Pourquoi le ciel et la terre? 
Pourquoi les mouvements des astres et les saisons? 
Comment l'homme est-il venu à l'existence? Quelle est 
l'origine des peuples, des villes, des arts? Les mythes 
conçus en réponse à ces diverses questions reposent 
généralement sur une conception animiste de l'univers, 
consistant à supposer aux phénomènes naturels des 
agents conscients et libres et à rapporter toutes choses, 
dans le monde et dans l'histoire, à une multitude de 
dieux, demi-dieux et héros. De là ces contes fantas- 
tiques, où se sont donné libre carrière, d'abord l'ima- 
gination, la curiosité enfantine, la poésie spontanée de 
la foule, plus tard les combinaisons réfléchies des 
poètes, harmonisant leurs symboles, ou des scribes 
sacrés, revêtant leurs leçons morales et religieuses du 
voile de l'allégorie. D'autre part, à côté de cette mytho- 
logie proprement dite, se rapportant aux origines des 
choses, il y a tous les mythes dont abonde l'histoire 
des ancêtres et des grands hommes de la nation, trans- 
formée et idéalisée par l'effet du prestige qui a grandi 
avec Péloignement. 

L'attention attirée sur les mythes anciens par les 
nombreuses études entreprises depuis la fin du 
xvra« siècle, et ravivée de nos jours par les découvertes 
faites dans la littérature primitive de l'Egypte et de 
l'Assyrie, devait naturellement amener la critique in- 
dépendante à se poser la question du mythe par rapport 
à nos Livres Saints. La Bible contient des récits où sont 



1377 



MYTHIQUE (SENS) 



1378 



racontées les origines du monde et de l'humanité : ces 
récits ne sont ils pas mythiques, comme ceux que pré- 
sentent sur les mêmes sujets les annales des peuples 
païens ? Elle nous décrit les origines d'Israël et remet 
sous nos yeux toute la suite de son histoire : là encore 
n'est-ce pas au mythe qu'il faut attribuer tant d'évé- 
nements merveilleux, d'épisodes extraordinaires, d'in- 
terventions miraculeuses de Dieu et de ses anges? 
Enfin, n'est-ce pas encore le mythe qui expliquera ce 
qu'offre de prodigieux la vie de Jésus racontée en nos 
Évangiles? 

II. Exposé des systèmes d'interprétation mythique. 
— /. l'interprétation mythique appliquée a l'an- 
cien testament. — C'est aux livres de l'Ancien Testa- 
ment que l'on a d'abord appliqué le système de l'inter- 
prétation mythique. Le savant philologue C. G. Heyne, 
professeur à Gœttingue, venait en 1783 d'exposer cette 
idée que le mythe doit être regardé comme un symbole 
expressif des croyances et des mœurs populaires, si bien 
que, sous son enveloppe imagée, le savant peut décou- 
vrir et l'histoire et la philosophie des anciens : A my- 
this omnis priscorum hominum cum historia tum phi- 
losophia procedit. Apollodori Atheniensis Bibliothecm 
libri très et fragmenta, Gœttingue, 1782-1783, t. i, 
p. xvi. En même temps que ces principes étaient appli- 
qués aux légendes sacrées de Rome et d'Athènes, les 
critiques allemands songeaient à les appliquer aux 
pages miraculeuses de la Bible. — Dès 1802, G. L. Bauer 
composait son Hebrâische Mythologie des Alten und 
Neuen Testaments, und Parallelen aus der Mytho- 
logie anderer Vôlker, besonders der Griechen und 
Rômer, 2 in-8°, Leipzig, 1802, où la plupart des faits 
bibliques étaient mis en parallèle avec les fables grecques 
et romaines. — Peu après, J. S. Vater présentait le Pen- 
tateuque en particulier comme une collection de frag- 
ments dont il expliquait par le mythe les récits mira- 
culeux. Commenlar ùber den Pentateuch, 3 in-8°, 
Halle, 1802-1805. — Cependant celui qui fut le principal 
propagateur du mythisme en Allemagne, et que l'on 
peut regarder comme le père du mythisme biblique 
dans son application à l'Ancien Testament, fut W. M. 
Lebrecht de Wette (1780-1849). D'après de Wette, Kri- 
tik der mosaischen Geschichte, 1807; Lehrbuch der 
historisch-kritischen Einleitung in die kanonischen 
und apokryphischen Bûcher des Alten Testaments, 
1817, les livres historiques de l'Ancien Testament, et 
en particulier le Pentateuque, n'ont été écrits que long- 
temps après les événements ; leurs rédacteurs ont rap- 
porté de bonne foi des légendes populaires, élaborées 
peu à peu au cours dés âges, grossies et embellies tan- 
dis qu'elles passaient de bouche en bouche, et qui ont 
fini par constituer « l'épopée théocratique d'Israël », 
à peu près comme les multiples fragments de rhapsodes 
inconnus ont constitué VIliade et l'Odyssée, que l'on 
attribue à Homère. Le critique avait soin d'ajouter 
que les Écritures ne laissaient pas d'être pour lui, 
même dans leurs éléments mythiques, une chose 
sainte et sacrée, puisque, à défaut de la vérité his- 
torique, elles gardaient du moins la vérité idéale, 
celle des conceptions grandes et nobles qui avaient 
inspiré leurs mythes pleins de poésie. — Le double 
procédé de de Wette, consistant à rejeter bien après 
l'époque des faits racontés la composition des divers 
livres de l'Ancien Testament, et à mettre sur le compte 
de l'idéalisation légendaire ou du mythe ce que ces 
écrits renferment de miraculeux, est le procédé qu'ont 
suivi depuis lors, en le complétant et perfectionnant, 
les critiques de l'Allemagne protestante. Tels, H. Ewald, 
Geschichte des Volkes Israels, 1843-1859; Th. Nôldeke, 
Die Alttestamentliche Litleratur, 1868; Eb. Schrader, 
Einleitung in dos A. T., de «le Wette, 8 e édit. rema- 
niée, 1869; J. Wellhausen, Geschichte Israels, 1878; 
2« édit., Prolegoniena ivr Gesch. Israels, 1883, etc. 

D1CT. DE LA BIBLE. 



Mais, si nous voulons prendre une idée un peu com- 
plète de la manière dont aujourd'hui l'interprétation 
mythique est appliquée à l'Ancien Testament, il nous 
faut considérer à part : les descriptions des origines du 
monde et de l'humanité aux premiers chapitres de la Ge- 
nèse, les récits de l'histoire des patriarches et des origines 
du peuple de Dieu, les annales qui nous rapportent 
le développement de l'histoire d'Israël sous les Juges 
et sous les Rois, enfin les divers livres qui racontent 
quelque épisode détaché ou histoire particulière. 

1» Les premiers chapitres de la Genèse. — Ce que 
contiennent les premiers chapitres de la Genèse, au 
dire des critiques indépendants, ce sont des fictions 
ingénues où l'esprit populaire a traduit sa philosophie 
et sa théologie enfantines, en réponse aux questions que 
se posait la curiosité des premiers âges sur l'origine 
des choses. Ces fictions mythiques appartiennent à un 
fond de légendes commun à tous les peuples sémitiques; 
elles sont étroitement apparentées aux mythes primitifs 
de Babylone, Dans l'ensemble, on peut les considérer 
comme de vieux mythes polythéistes, purifiés par la 
tradition Israélite et adaptés au point de vue du mono- 
théisme hébreu. 

Telle est la thèse exposée par H. E. Ryle, The early 
Narratives of Genesis, Londres, 1892. D'après ce critique, 
le récit biblique de la Création, l'histoire du Paradis 
terrestre et celle du Déluge, sans être en dépendance 
directe vis-à-vis des mythes assyrobabyloniens, ont une 
commune origine. Les Hébreux étaient frères des Chal- 
déens; en quittant la Mésopotamie pour la terre de Cha- 
naan, ils emportèrent avec eux leurs légendes ances- 
trales, qui s'étaient élaborées côte à côte avec celles 
de Babylone et de Ninive, comme elles, mélangées 
d'un polythéisme grossier. Plus tard, sous l'influence 
de l'inspiration, les saints et les prophètes d'Israël dé- 
barrassèrent ces légendes de leurs éléments païens, 
les revêtirent de cette noble simplicité qui caractérise 
le pur monothéisme, et infusèrent aux vieux mythes 
un esprit nouveau, leur faisant exprimer, sous l'enve- 
loppe primitive, les sublimes vérités que la révélation 
destinait au peuple de Dieu. — Ainsi, le récit de la 
Création reproduit « la cosmogonie très simple qui 
avait cours dans la branche hébraïque de la race sémi- 
tique »; le récit de la Chute remonte en dernière ana- 
lyse « à la mythologie religieuse » commune aux peuples 
de Mésopotamie; le récit du Déluge rappelle « quelque 
cataclysme local qui submergea le berceau originel de 
la race sémitique ». Quant aux autres récits des pre- 
miers chapitres de la Genèse : l'histoire de Caïn et 
d'Abel est probablement une ancienne légende reçue 
des ancêtres polythéistes et épurée de ses éléments 
païens ; les Caïnites devaient figurer primitivement des 
demi-dieux ou des héros, ramenés ensuite aux propor- 
tions d'hommes ordinaires; l'épisode des Fils de Dieu 
et des filles des hommes est sans doute un souvenir 
d'une légende hébraïque strictement païenne; de même 
l'histoire de la Tour de Babel doit appartenir à la my- 
thologie hébraïque primitive, où l'on rattachait l'ori- 
gine de la diversité des langues au mystère qui enve- 
loppait une tour sacrée gigantesque. — En résumé, « ce 
que nous trouvons dans les onze premiers chapitres de 
la Genèse, ce sont des récits populaires, nullement 
scientifiqueS^qui, dans la tradition hébraïque primi- 
tive, exprimaient, sous une forme vivement imagée, les 
idées courantes touchant les origines de l'univers et 
celles de la société humaine. L'inspiration n'a point 
révélé à l'écrivain une connaissance scientifique exacte 
de choses qu'il ignorait; mais l'auteur israélite a été 
mû par l'Esprit-Saint à recueillir de différentes sources 
les matériaux d'une relation suivie, qui, en s'incorpo- 
rant la tradition ancienne dans sa plénitude et sa variété, 
fût le moyen voulu par Dieu pour l'instruction des 
hommes. » P. 135. 

IV. - 44 



1379 



MYTHIQUE (SENS) 



1380 



L'interprétation de H. E. Ryle a été adoptée de tous 
points par le Dictionary of the Bible de Hastings, 
Edimbourg, 1898-1903 : art. Cosmogony (0. C. White- 
house), 1. 1, p. 505 et suiv. ; Fall (J. H. Bernard), t. n, 
p. 97; Flood (F. H. Woods), t. i, p. 839; Tongues, 
Confusion of (S. R. Driver), t. iv, p. 792; Abel et Cain 
(W. P. Paterson), t. i, p. 5 et 339. Cf. Ottley, A short 
History of the Hebrëws to the Roman Period, Cam- 
bridge, 1901. 

Dans YEncyclopsedia biblica de Cheyne, Londres, 
1899-1903, H. Zimmern, art. Création et Déluge, émet 
l'idée que les récits bibliques de la Création et du Déluge 
sont en dépendance réelle vis-à-vis des mythes babylo- 
niens correspondants, bien qu'ils ne se rattachent pas 
directement à ces mythes, dans la forme où nous les 
possédons aujourd'hui, et qu'ils supposent un long déve- 
loppement des mythes primitifs dans le domaine de l'hé- 
braïsme, antérieurement à la rédaction des premiers 
chapitres de la Genèse. D'après ce critique, nos récits gé- 
nésiaques ne se comprennent bien que si l'on voit à leur 
base la description mythique de phénomènes naturels 
propres à une terre d'alluvions, telle qu'est la Babylo- 
nie. — <£ La question à laquelle doit répondre une cosmo- 
gonie, dit M. Zimmern, art. Création, § 3, t. i, col. 940, 
est celle-ci : Comment le ciel et la terre sont-ils venus 
pour la première fois à l'existence? Or, la réponse 
donnée dans la Genèse est inintelligible de la part 
d'un Israélite, car elle implique une façon de se repré- 
senter les choses strictement babylonienne. Comme le 
monde se renouvelle chaque année et chaque jour, 
ainsi, pensait le Babylonien, a-t-il dû apparaître à l'ori- 
gine. A la suite des longues pluies hivernales, la plaine 
de Babylone ressemble à la vaste mer (en assyrien, 
tiâmtu, tidmat). Mais vient le printemps, où le dieu du 
soleil printanier (Mardouk) fait réapparaître la terre, 
et de ses rayons puissants divise les eaux de Tiâmat, 
qui formaient auparavant comme un seul tout, les 
envoyant, partie en haut sous forme de nuages, partie 
en bas aux rivières et canaux. Ainsi a-t-il dû en être 
au premier printemps, au premier nouvel an, quand, 
après un combat entre Mardouk et Tiâmat, le monde 
organisé vint au jour. Ou bien (car Mardouk est aussi 
le dieu du soleil matinal), de même que le soleil 
chaque matin traverse en vainqueur la mer cosmique 
(Tiâmat), et du chaos de la nuit fait apparaître, d'abord 
le ciel, puis la terre, ainsi le ciel et la terre ont-ils dû 
apparaître pour la première fois au matin de la Créa- 
tion. » En somme, ce qui se laisserait découvrir à 
l'origine du récit cosmogonique de la Genèse, c'est un 
mythe naturaliste babylonien, fondé sur l'observation 
d'un phénomène habituel, à savoir le dessèchement de 
la plaine babylonienne après les grandes inondations 
hivernales ; ce phénomène aurait été agrandi et reporté 
aux origines du monde, sous la forme, inspirée par 
l'animisme polythéiste, d'un combat entre Mardouk, le 
dieu du soleil, et Tiâmat, la déesse de la mer. — Le récit 
du Déluge ne serait lui-même qu'une variante du mythe 
babylonien de la Création : à son point de départ il 
faut encore placer un mythe naturaliste, le mythe de 
l'hiver, qui, en Babylonie particulièrement, est un temps 
de grandes pluies, et du dieu-soleil, avec qui il faut 
sans doute identifier le héros de l'histoire. Art. Déluge, 
§ 8-9, t. i, col. 1059. — Les récits de la Genèse seraient 
donc en définitive des mythes babyloniens, transformés 
et adaptés au point de vue monothéiste du peuple hébreu. 
Cf. Id., Die Keilinschriften und dos Alte Testament, 
de Schrader, 3 e édit. remaniée, w partie, Berlin, 1902 
et 1903. 

Telle est aussi l'opinion de H. Gunkel, Genesis ûber- 
setzt und erklàrt, Gœttingue, 1901, avec cette différence 
toutefois que, pour ce dernier critique, comme pour le 
Rév. Ryle, le mythe babylonien du Déluge, dont le récit 
génésiaque ne serait qu'une recension adaptée à l'esprit 



religieux d'Israël, serait basé sur le fait d'une inondation 
locale, grossi et transporté aux temps primitifs comme 
déluge universel. 

ta même thèse était exposée en 1902 par Frd. Delitzsch, 
dans sa conférence sur Babylone et la Bible, Babel und 
Bibel, Leipzig, 1902. Cette retentissante conférence, 
prononcée devant l'empereur d'Allemagne, a provoqué 
les adhésions ou les protestations de toute une litté- 
rature de brochures et articles de revues. — Dans les 
Preussische Jahrbùcher, mars 1903, en réponse à la 
lettre de Guillaume II à l'amiral Hullmann, A. Har- 
nack félicitait Delitzsch « d'avoir prêché au grand jour 
ce que l'Église et l'École se refusaient à entendre 
jusque-là, mais que l'on savait déjà depuis longtemps, 
à savoir l'origine babylonienne de nombre de mythes 
et de légendes de l'Ancien Testament ». Cf. H. Zim- 
mern, Keilinschriften und Bibel, Berlin, 1903. 

Les articles de Zimmern sur la Création et le Déluge, 
dans YEncyclopsedia biblica, contiennent des additions 
de l'éditeur général, T. K. Cheyne, où les récits bibliques 
sont mis en rapport, non plus seulement avec les mythes 
babyloniens, mais avec les mythes des autres peuples 
antiques, en particulier des Egyptiens. Art. Création, 
§ 5 et 11, t. I, col. 941, 945; art. Déluge, § 18, t. I, 
col. 1063. Cf. M. Vôlter, Aegypten und die Bibel, 
Leyde, 1903. — Les autres récits des premiers chapitres 
de la Genèse sont interprétés, par le même Cheyne, dans 
un sens mythique analogue à celui proposé par Ryle. 
L'histoire de l'Eden reposerait sur un mythe, dont les 
éléments ont été idéalisés et moralises, et c'est cet idéa- 
lisme moral, infusé dans le vieux mythe, qui lui donne 
« un intérêt permanent pour les hommes religieux ». 
Art. Adam and Eve, § 4, 1. 1, col. 62. L'histoire de Caïn 
représenterait un mythe israélite, ayant pour but 
« d'expliquer le phénomène étrange de la vie nomade, 
perpétuellement errante dans le désert, et le dévelop- 
pement excessif de la coutume barbare de venger le 
sang répandu ». « Caïn est mis en contraste avec Abel, 
parce que la vie pastorale, avec la fixité de domicile, pa- 
raissait aux Israélites la vie idéale. » Art. Cain, § 4 et 5, 
t. i, col. 621. Enfin, l'histoire de la Tour de Babel 
n'est qu'un « vieux mythe où l'on expliquait par la 
construction interrompue d'une tour la dispersion des 
nations ». Art. Babel (Tower of], § 3 et 6, t; i, col. 411-412, 

2° Histoire des patriarches. — a) Le mythe ethno~ 
graphique, social, religieux. — Après les récits relatifs 
aux origines du monde et de l'humanité, l'histoire des 
patriarches ou des origines d'Israël. Au jugement de 
l'école libérale, toute cette histoire doit également s'in- 
terpréter par le mythe, et plus particulièrement par le 
mythe ethnographique. — Dans cette hypothèse, le pa- 
triarche est moins un personnage individuel qu'une 
tribu personnifiée en celui qui est censé son ancêtre 
ou son héros éponyme. Par exemple, Jacob et ses 
douze fils représentent les douze tribus israélites, comme 
Ismaël et les siens représentent les clans du désert. Les 
rapports matrimoniaux et généalogiques figurent en 
quelque sorte les relations des tribus. Le mari est la tribu 
plus importante : Israël, Ismaël, ou Joseph. La femme est 
la tribu plus faible, absorbée dans le groupe plus fort : 
telle Dina, Lia, Rachel. Les mariages successifs marquent 
l'accroissement d'un peuple ou les migrations d'une 
tribu. Le concubinat est l'agrégation d'un clan secon- 
daire à une tribu supérieure. La naissance d'un enfant 
représente l'origine d'un groupe nouveau. Ainsi les 
rapports entre peuples deviennent rapports de parenté. 
C'est le mythe ethnographique. 

D'après un certain nombre de critiques, ces mythes 
ethnographiques seraient comme une enveloppe légère, 
à travers laquelle on pourrait suivre toute l'histoire des 
tribus, de leur origine, de leurs migrations, de leurs 
mélanges et relations au cours du temps passé. — C'est 
ainsi qu'aux yeux d'H. Ewald, Geschichte des Volkes 



1381 



MYTHIQUE (SENS) 



1382 



Israels, 1813-1859, Abraham, Isaac, Jacob, représentaient 
les tribus hébraïques émigrant successivement de leur 
berceau primitif dans la terre de Chanaan, et les douze 
fils de Jacob, les douze tribus en lesquelles s'était effec- 
tivement partagée la nation; le critique admettait même 
qu'Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, avaient été des per- 
sonnages réels, chefs de migrations aux divers stades 
de l'histoire. — Telle est encore à peu près l'opinion de 
de A. Dillmann, Die Genesis, 6» édit. 1892, et de R. Kit- 
tel, Geschichte der Hebrâer, 1888. 

Mais la tendance des critiques libéraux semble être de 
réduire de plus en plus la contribution que les anecdotes 
patriarcales sont censées pouvoir fournir à l'histoire du 
passé. — Pour eux, ces légendes refléteraient plutôt l'état 
social et religieux des temps postérieurs; nous aurions 
affaire en grande partie à des récits mythiques où se 
serait incarnée la philosophie de l'histoire et de la 
religion, telle qu'elle avait cours à l'époque, relativement 
récente, qui les a vus naître. Edom était toujours en 
guerre avec Israël : de là le mythe d'Esaù et de Jacob 
se disputant dans le sein de leur mère. Israël avait fin i 
par dominer Edom : de là les ruses de Jacob supplan- 
tant Esaù. Les incursions araméennes étaient un danger 
incessant pour Israël : cela était figuré par les démêlés 
de Laban avec Jacob. Ainsi se trouvait transportée dans 
le passé la situation historique du présent. 

Cependant le mythe répondait aussi à des questions. 
On se demandait d'où venait Israël, comment il se 
trouvait établi en Chanaan, pourquoi telle tribu occu- 
pait tel territoire, pourquoi Joseph avait un droit sur 
Sichem, pourquoi Galaad était limité entre Israël et 
Aram : la réponse était figurée dans ce qui était censé 
arrivé aux premiers ancêtres ou accompli par eux, et 
le mythe donnait satisfaction à la curiosité de l'histoire. 

Il contentait aussi l'instinct religieux. Beaucoup de 
mythes ont pour but d'expliquer les pratiques du culte 
et d'illustrer les lieux consacrés par la tradition. A cet 
■effet, les sanctuaires populaires de Sichem, Béthel, 
Bersabée, Hébron, sont mis en rapport avec la per- 
sonne des patriarches. D'une façon générale, le pro- 
cédé revient à projeter dans le passé les préoccupations 
religieuses du présent. Les sacrifices accomplis par les 
patriarches, leur intimité avec Dieu, les théophanies 
répétées, sont le reflet des conceptions monothéistes 
récentes, transportées par le mythe aux époques primi- 
tives d'Israël. Cfr. J. Wellhausen, Prolegomena zur 
Geschichte Israels, Berlin, 1883 ; Stade, Geschichte des 
Volkes Israels, Berlin, 1887; Gunkel, Die Genesis, Gœt- 
tingue, 1901 ; Bernh. Luther, Die israelitischen Stâmrne, 
•dans la Zeitschrift fur die alttestamentliche Wissen- 
schaft, Giessen, 1901, etc. 

Cette thèse radicale parait avoir été adoptée dans son 
ensemble par VEncyclopxdia biblica de Cheyne. A en 
croire ses divers rédacteurs : « les histoires des patriar- 
ches nous font entrer dans le royaume de la pure lé- 
gende. » G. F. Moore, art. Historical Literature, § 2, 
t. h, col. 2076. Il peut y avoir « un noyau traditionnel » 
de vérité dans la biographie d'Abraham; « la légende 
hébraïque peut avoir parlé d'un ancien héros (au sens 
.grec du mot) portant ce nom et relié spécialement avec 
Hébron; » mais son mariage avec Sara symbolise une 
union de tribus; sa séparation d'avec Lot représente la 
séparation entre Israël et Moab ; l'expulsion d'Agar ré- 
pond à la séparation des Ismaélites d'avec les Israélites; 
Ismaël et ses douze fils sont des éponymes de tribus. 
T. K. Cheyne, art. Abraham, § 4, t. i, col. 25; Sarah, 
% 2, t. iv, col. 4284; Th. Nôldeke, art. Bagar, § 1, t. n, 
col. 1933; lshmael, § 2, t. n, col. 2212. De même, Isaac 
est à la fois un nom de tribu et un héros semi-divin; 
l'histoire de son sacrifice est conçue en vue de condam- 
ner la pratique du sacrifice humain et de justifier le 
:sacrifice de substitution d'une victime animale. Cheyne, 
•art. Isaac, § 1, 5, t. n, col. 2175, 2178; Jacob comme 



Ésaû, Rébecca comme Rachel représentent des tribus. 
Cheyne, art. Jacob, § 1, t. H, col. 2306; Esau, col, 1333; 
Rebekah, § 2, t. rv, col. 4019; H. W. Hogg, art. Rachel, 
t. iv, col. 4002. Cependant, Joseph et Moïse sont des 
personnages réels; les récits où ils figurent contiennent 
un certain fond historique mêlé de multiples fictions 
légendaires et embellissements mythiques. Cheyne, art. 
Joseph et Moses, t. n, col. 2584, et t. m, col. 3218. 

Beaucoup plus modérée est la thèse de S. R. Driver, 
The Book of Genesis, Oxford, 1904. D'après le professeur 
d'Oxford, les patriarches sont plus probablement des 
personnages historiques et les récits qui les concernent 
sont véridiques dans les grandes lignes, quoique leurs 
caractères aient été idéalisés et leurs biographies nuan- 
cées en maints détails par les sentiments et les idées 
des âges postérieurs. C'est la même pensée que l'on re- 
trouve dans le Dictionary of the Bible de Hastings, art. 
Abraham, Hagar, Isaac (EL E. Ryle), t I, p. 15; t. h, 
p, 277, 484; lshmael, Jacob, Joseph (S. R. Driver), t. u, 
p. 504, 533, 771; Moses (W. H. Bennett), t. m, p. 445. 

6) Le mythe astral. — Cependant, l'histoire des pa- 
triarches n'a pas été expliquée seulement par le mythe 
ethnographique, social ou religieux. On a aussi proposé 
l'explication par le mythe astral, plus ou moins dérivé 
de la mythologie chaldéenne. — Selon le principe posé 
par E. Stucken, Astralmythen der Hebrâer, Babylonier 
und Aegypter, Leipzig, 1896-1901, les anciens auraient 
conjecturé le passé comme ils conjecturaient l'avenir, 
d'après leurs connaissances des astres, de sorte que les 
traditions se rapportant aux premiers âges seraient un 
simple produit de la science astrologique et refléteraient 
le ciel astronomique comme en un miroir. Sur les pro- 
cédés critiques de Stucken, voir E. Cosquin, Fantai- 
sies biblico-mythologiques d'un chef d'école, dans la 
Revue biblique, janvier 1905, p. 5-38. — A la suite de 
Stucken, H. Winckler, Himmels und Weltenbild der 
Babylonier als Grundlage der Weltanschauung und 
Mythologie aller Vôlker, Leipzig, 1901, estime que 
toutes les mythologies, y compris la mythologie biblique, 
dérivent de la mythologie chaldéenne, laquelle a une- 
origine purement astrologique et météorologique. L'his- 
toire des patriarches tout entière sera donc soumise à cette 
interprétation. Les patriarches sont les divinités astrales 
honorées dans les principaux sanctuaires de la Pales- 
tine et transportées dans l'arbre généalogique des 
Hébreux. Abraham, qui a pour père Térah, probable- 
ment ïérah, « la lune, » qui vient d'un centre de culte 
lunaire, Uru, et qui meurt dans un autre centre de 
culte lunaire, Haran, n'est pas autre que Sin, le dieu- 
lune honoré en Chaldée, ou une émanation de ce dieu. 
Sara, qui veut dire « princesse », doit être pareillement 
une déesse (les déesses reçoivent en assyrien le titre de 
« reine » ou de « reine des cieux »), donc probable- 
ment la dame Iëtar, épouse du dieu Sin. La double 
relation d'Abraham avec Sara, en qualité d'époux et 
de frère, est incontestablement d'origine mythique : 
elle doit exprimer la relation de Tammouz'Adonis avec 
I&tar, c'est-à-dire le rapport de la lune avec le mois. 
Jacob sera également un dieu lunaire; Joseph, un 
dieu solaire, et spécialement le Baal-Berith de Sichem ; 
Moïse, une émanation de Jahvé-Tammouz du '.steppe. 
H. Winckler, Geschichte Israels in Einzeldarstellun- 
gen, n e Partie, Die Légende, Leipzig, 1900. Cf. Stucken, 
op. cit. — Les théories de l'assyriologue de Berlin ont 
été adoptées dans l'ensemble par H. Zimmern, Die Kei- 
linschriften und das Alte Testament, de Schrader, 
3 e édit. ; II« partie, remaniée par Zimmern, Berlin, 
1903; O. Weber, Théologie und Assyriologie in Streite 
um Babel und Bibel, 1903. — D'autres assyriologues, 
comme A. Jeremias, Das Alte Testament ini Lichtedes 
Alten Orients, Leipzig, 1904, limitent l'influence des 
mythes astrologiques de la Chaldée à la forme seulement, 
tout au plus à certains détails des récits bibliques. 



4383 



MYTHIQUE (SENS) 



1384 



3» Les Juges et les Rots. — La suite de l'histoire d'Is- 
raël, sous les suges et sous les Rois, ne serait pas 
exemple elle-même de toute influence mythique. D'une 
façon générale, il y aurait un départ à faire entre la 
substance des récits, qui serait historique, et les mul- 
tiples détails, qu'aurait ajoutés la tradition, soit en 
idéalisant les grands héros de l'histoire, soit en proje- 
tant dans le passé les formes sociales ou les conceptions 
religieuses des temps postérieurs. Cf. Encyclopœdia 
biblica, art. Historical Literature (G. F. Moore), 
§ 5 sq., t. n, col. 2077 sq.; Judges (Id.), § 17, t. n, 
col. 2634 sq. ; Kings (E. Kautzch), t. H, col. 2665 sq.; 
Ckronicles (S. R. Driver), t. i, col. 767 sq. — Ainsi 
d'après T. È. Cheyne, art. Prophétie Literature, § 6, 
ibid., t. ni, col. 3859, « on ne saurait dire dans quelle 
mesure les scènes si frappantes de la biographie d'Élie 
peuvent être regardées comme historiques. La narration, 
dans sa forme actuelle, a évidemment un caractère sub- 
jectif. On peut voir sûrement, non seulement dans tel ou 
tel détail, mais dans la couleur générale des récits, la 
main d'un narrateur qui idéalise son héros. » — B. Stade, 
art. Samuel, ibid., t. rv, col. 4270, estime que la bio- 
graphie de Samuel contient un « noyau d'histoire », mais 
que « le portrait traditionnel a été embelli sous l'in- 
fluence des idées religieuses plus récentes ». De même 
au jugement de T. K. Cheyne, art. Saul, David, Solo- 
mon, ibid., t. i, col. 1019; t. iv, col. 4302, 4680, les 
vies de Saûl, de David, de Salomon, sont historiques 
dans leur substance et dans leurs grandes lignes ; ce 
qui est idéalisation mythique, transformation légen- 
daire, garde la valeur de renseignement sur le caractère 
de l'époque où s'est accompli ce travail complémen- 
taire. 

Les critiques, qui découvrent le mythe astral dans 
l'histoire des patriarches, prétendent le retrouver 
jusque dans l'histoire des Juges et des Rois. A en croire 
E. Stucken, Astralmythen, et H. Winckler, Geschichte 
Israels, cf. Die Keilinschriften und das Aile Testament, 
de Schrader, 3 e édit., h» partie, remaniée par Winckler, 
1902, les Juges tiennent à la fois de l'histoire et du 
mythe, du mythe plus que de l'histoire : Josué est le 
génie du sanctuaire de Benjamin; Samson est un dieu 
solaire; Débora une Astharté pleurant Adonis près du 
chêne des Lamentations. — De son côtépT. K. Cheyne, 
art. Samson, § 2, t. iv, col. 4268, croit qu'on peut rame- 
ner Samson à un mythe solaire primitif : « Il est pos- 
sible, dit-il, qu'il y ait eu un héros solaire, analogue à 
Gilgamesh, et portant le nom ou le titre de Samshan; 
ce nom se sera attaché à quelque champion réel ou 
imaginaire des Danites, ou d'Israël lui-même, contre les 
Philistins oppresseurs. Peut-être aussi certains exploits 
du Samson légendaire ont-ils quelque affinité avec des 
mythes naturels. » — Quant aux Rois, Saûl, David, 
Salomon, ce sont sans doute des personnages en chair 
et en os, et la substance de leur histoire est véritable. 
Néanmoins, la légende astronomique leur aurait donné 
une couleur mythique dans les détails. Ainsi, au dire 
de Winckler, Saûl apparaît comme une figure mytho- 
logique du dieu-lune. Sin, le dieu lunaire des Baby- 
loniens est appelé « l'oracle »; or Sa'ùl peut signifier 
« le consulté ». Le symbole du dieu-lune est la lance ou 
l'épieu; or Saûl a toujours la lance à la main. La mé- 
lancolie du roi représente l'assombrissement mensuel 
du disque lunaire. Sa décapitation est un autre sym- 
bole de la lune envahie par les ténèbres : elle a lieu 
près de la ville de Bets'àn (Bethsan), où l'on peut voir 
facilement Bethsin, donc une ville consacrée à Sin, un 
centre de culte lunaire. David, par contre, sera un héros 
solaire, plus spécialement Ninib, ou le soleil croissant. 
Salomon sera également le dieu soleil, probablement 
Reseph, un Apollon chananéen, ou Nebo, le soleil d'hi- 
ver à son déclin. Sa mère Bethsabée, on Balséba', « fille 
de sept, » ne peut êlre qu'un reflet pseudo-historique de 



IStar, la fille mythologique du dieu-lune, dont le sym- 
bole numérique était le chiffre sept. 

4° Esther, Tobie, Judith, Job, Jonas, Daniel. — En 
dehors des annales proprement dites qui nous relatent 
la suite de l'histoire nationale (livres des Juges, 
livres des Rois, Paralipomènes, etc.), nous avons aussi 
des écrits ayant la forme de l'histoire et qui se 
rapportent à quelque personnage particulier ou à 
quelque épisode détaché de la vie d'Israël. Ce sont les 
livres d'Esther, de Judith, de Tobie, de Job, de Jonas, 
et de Daniel. Or l'interprétation que les critiques indé- 
pendants tendent à donner à ces écrits offre beaucoup 
d'affinité avec l'interprétation mythique. Nous aurions 
en ces divers livres des récits fictifs, créés de toutes 
pièces par l'auteur, ou bien empruntés à la tradition 
courante, aux contes populaires, à quelque légende 
sans doute brodée sur un certain fond de réalité. Dans 
la pensée de l'auteur, comme dans l'esprit de la légende, 
ces récits fictifs seraient conçus en vue de faire valoir 
une idée ou de symboliser un enseignement; comme 
les mythes, ils ne vaudraient que pour la leçon qu'ils 
contiennent, ou pour le renseignement qu'ils four- 
nissent sur la psychologie du temps qui les a vus 
naître. 

Au jugement de S. R. Driver, Literature of the Old 
Testament, 7 e édit., Edimbourg, 1898, p. 483, le livre 
d'Esther doit avoir seulement une base historique; les 
éléments du récit ont été fournis à l'auteur par la tra- 
dition; aidé par sa connaissance de la vie et des» cou- 
tumes persanes, il les a combinés en un tableau har- 
monieux, où il se propose, non seulement d'expliquer 
l'origine de la fête des Phurini et de la recommander, 
mais encore d'exalter l'influence des Juifs et de faire 
valoir leur importance. Cf. [G. Wildeboer, Die Litte- 
ratur des A lien Testaments, Gœttingue, 1895, p . 445 sq. ; 
J. A. M' Clymont, art. Esther, Dict. of the Bible, 
de Hastings, t. i, p. 775. Pour T. Nôldeke, art. Esther 
§ 2, Encycl. bibl., t. n, col. 1402, l'ouvrage n'est pas 
un roman historique, mais une pure fiction, un conte 
fabuleux, qui a pour but d'encourager les Juifs à l'ob- 
servance de la fête des Purirn. 

Mêmes opinions au sujet du livre de Judith. D'après 
M. Gaster, art. Judith, §5, Encycl. bibl, t. H, col. 2644, 
« un simple incident d'une guerre de l'antiquité, signalé 
par l'héroïsme d'une jeune fille, tel est le canevas sur 
lequel un écrivain récent à brodé ce conte richement 
orné, dont il a fait une leçon de réconfort et d'encoura- 
gement. » Cf. F. C. Porter, art. Judith, dans le Dict. 
of the Bible, t. n, p. 823. D'après C. H. Cornill, Einlei- 
tung in das Alte Testament, Fribourg-en-B., 4 e édit., 
4896, p. 271, nous avons affaire à « un roman tendan- 
cieux » ; <( la tendance est d'encourager les Juifs à lutter 
sans crainte, pour l'honneur de Dieu, contre la supré- 
matie païenne. » D'après G. F. Moore, art. Historical 
Literature, § 16, Encycl. bibl-, t. it, col. 2086, « la mise 
en scène est purement fictive; si quelque incident réel 
a fourni le noyau de l'histoire, les circonstances du fait 
avaient été complètement oubliées. Ce qui en ressort 
nettement, c'est la leçon de confiance en Dieu et de fidé- 
lité à la Loi. » 

Le livre de Tobie, au dire de T. K. Cheyne, art. 
Jonah, § 2, Encycl. bibl., t. il, col. 2566, appartient au 
genre midrasch. Le midrasch est « le développement 
imagi naire d'une pensée ou d'un thème suggéré par 
l'Écriture, et spécialement une>exposition didactique ou 
homilétique, ou hien encore une histoire religieuse édi- 
fiante ». J. T. Marshall, art. Tobit, Dict. of the Bible, 
t. iv, p. 788, estime que ce midrasch doit reposer sur 
une histoire réelle. W. Erbt, art. Tobit , § 7, 8, 17, Encycl. 
biblica, t. iv, col. 5114, 5118, est plutôt d'avis qu'il a s» 
base dans le domaine du folk-lore, ou des contes popu- 
laires, en particulier dans le conte étranger d'Ahikar. 

On a prétendu autrefois que le livre de Job devait 



1385 



MYTHIQUE (SENS) 



1386 



s'interpréter par le symbolisme et que son héros n'était 
que la personnification typique d'Israël, comme le Ser- 
viteur souffrantd'Isaîe. S. R. Driver, Literature ofthe Old 
Testament, p. 412, regarde Job comme étant probable- 
ment un personnage réel ; son histoire aurait un fonde- 
ment dans la tradition, et l'auteur du livre en aurait 
fait « le véhicule pour l'exposition de ses idées per- 
sonnelles touchant la signification religieuse et morale 
de la souffrance ». G. Wildeboer, op. cit., p. 385, admet 
•cette base historique comme possible. Au sentiment de 
K. Budde, Dos Buch Hiob, Gœttingue, 1896, l'auteur 
aurait exploité un « livre populaire », où l'on s'efforçait 
de répondre à cette question : « Existe-t-il une vertu 
désintéressée ? » et lui-même aurait combiné ses propres 
conceptions avec ces éléments préexistants, en vue de 
Tésoudre un autre problème, celui de la souffrance du 
juste. T. K. Cheyne, art. Job, § 1, 4, Encycl. bibl., t. n, 
col. 2464, 2468, parle simplement d'une légende popu- 
laire, adaptée par, un sage hébreu à son but didactique; 
la légende viendrait probablement de Babylonie, et Job 
pourrait se rattacher à l'Éa-bani ou au Gilgamès des 
mythes chaldéens. Cornill, op. cit., p. 241, se contente 
de dire : « Nous avons là purement et simplement un 
récit librement inventé, où la forme historique ne sert 
qu'à donner une expression plus énergique aux concep- 
tions de l'auteur. » 

L'opinion de Cornill, op. cit., p. 187, est exactement 
la même au sujet du livre de Jonas. Cf. G. Wildeboer, 
op. cit., p. 341. Driver, op. cit., p. 324, estime que les 
matériaux du midrasch ont été empruntés à la tradition 
et qu'ils servent à faire valoir cette leçon, « que les 
desseins miséricordieux de Dieu ne sont pas limités à 
Israël, mais peuvent s'étendre aux paiens, s'ils font pé- 
nitence. » W. Nowack, Die kleinen Propheten, Gœt- 
tingue, 1897, p. 175, etE. Kautzsch, Abriss der Geschichte 
des Alttestamentlichen Schrifltums, Tûbingue, 1897, 
p. 120, pensent plutôt à une « légende prophétique », 
ou g conte populaire », librement exploité. E. Konig, 
art. Jonah, Dict. of the Bible, t. n, p. 746, préfère éga- 
lement l'hypothèse d'un emprunt au folk-lore à celle 
d'un fond primitif historique. L'écrit appartiendrait 
d'ailleurs au genre des « récits symboliques ». Jonas, 
dont le nom signifie « colombe », représente Israël; il 
paraît comme prophète, parce qu'Israël est appelé à 
remplir le rôle de prédicateur vis-à-vis des Gentils; s'il 
«st englouti par la mer, à cause de son infidélité, et 
ramené ensuite au jour, c'est pour symboliser Israël, 
puni d'abord par l'exil à Babylone, pour avoir été infi- 
•dèle à sa mission, et ensuite miséricordieusement 
rétabli par Dieu. Telle est l'interprétation que fait valoir 
à son tour Cheyne, art. Jonah, § 3, Encycl. bibl., t. Il, 
col. 2567, mais en y joignant une interprétation mytho-. 
logique : le grand poisson qui engloutit Jonas serait le 
dragon de l'océan souterrain, symbole de l'empire de 
Babylone, qui absorba effectivement Israël, non pour le 
détruire, mais pour le garder et lui donner lieu de faire 
pénitence. 

D'après Driver, op. cit., p. 510, et The Book of Daniel, 
Cambridge, 1901, p. ixvm, Daniel doit être considéré 
comme un personnage ayant réellement vécu au temps 
■de l'exil babylonien ; son histoire a un fondement véri- 
table dans la tradition. Les données traditionnelles 
transmises par voie orale, peut-être même déjà mises 
par écrit, ont été exploitées, sous Antiochus Épiphane, 
par un auteur qui les a mises en rapport avec les circons- 
tances de l'époque où il écrivait. Par contre, A. Kam- 
phausen, art. Daniel, § 10, Encycl. bibl., 1. 1, col. 1008, 
ne croit pas en l'existence d'un Daniel contemporain de 
l'exil, bien que le livre puisse contenir plus ou moins 
de matière traditionnelle. Pour Cornill, op. cit., p. 214, 
c'est simplement e l'ouvrage d'un Juif pieux et fidèle à 
la Loi, qui, sous le règne d'Antiochus Épiphane, voulut 
encourager ses coreligionnaires, au sein de la persécu- 



tion, en plaçant dans la bouche d'un prophète exilien 
des prédictions qui annonçaient l'approche du royaume 
des cieux ». Cf. Wildeboer, op. cit., p. 443. E. L. Curtis, 
art. Daniel, Dict. of the Bible, t. i, p. 554, trouve que 
l'écrit offre des parallèles frappants avec les livres de 
Jonas, de Tobie et de Judith, et voit dans les chap. i-vi 
« un échantillon de VHagada juive de la basse époque, 
qui consistait à inculquer des leçons morales et spiri- 
tuelles par le moyen de contes imaginaires ». Enfin, au 
sentiment de H. Gunkel, Schôpfung und Chaos, Gœt- 
tingue, p. 320 sq., l'appendice sur Bel et le Dragon se 
trouverait en dépendance du mythe babylonien qui re- 
présente le dieu Mardouk, vainqueur de Tiàmat, le 
monstre du chaos. 

//. l'interprétation mythique appliquée AU Èbïï- 
veau TESTAMENT. — Le Nouveau Testament a été soumis 
comme l'Ancien à l'interprétation mythique. 

1° Système de Ch. Dupuis. — Le premier essai impor- 
tant qui en ait été fait est celui de Charles François Du- 
puis, qui fit imprimer en pleine Terreur un ouvrage sur 
l'Origine de tous les cultes, ou la Religion universelle, 
3 in-4°, Paris, an m (1794); Cf. Abrégé de l'origine de 
tous les cultes, in-8°, Paris, an vu (1798), Le système de 
Dupuis offre de grandes analogies avec celui de Winckler, 
fondé sur la mythologie astrale. D'après le philosophe 
français, les anciens auraient donné à leurs descriptions 
de la nature la forme d'une histoire, où les personnages 
représenteraient les divers phénomènes dans leurs mul- 
tiples relations. Le soleil aurait été le principal héros 
de ces romans merveilleux. Or, c'est une histoire de ce 
genre qu'il faudrait chercher dans le christianisme. A 
en croire Dupuis, « la vie de Christ n'est que la légende 
solaire connu, chez les chrétiens. » Le Christ Agneau, 
réparateur du mal que le serpent tentateur a introduit 
dans le monde, c'est le soleil qui, au printemps, dans son 
passage sous le signe de l'Agneau, répare dans la nature 
le mal amené par l'hiver ou le serpent d'automne. N'est- 
il pas appelé « l'Orient », « la lumière qui éclaire tout 
homme venant en ce monde? » N'est-il pas né de la 
Vierge céleste, au solstice d'hiver, à l'instant où paraît- 
le soleil nouveau? Ses douze apôtres sont manifestement 
les douze signes du zodiaque, et Pierre, leur chef, avec 
sa barque et ses clefs, ne peut être que le vieux Janus, 
à la tête des douze divinités qui représentent les mois. 
Ainsi le Christ n'est que le dieu soleil, objet du culte de 
tous les peuples, et la secte qui l'adore, une secte 
mithriaque, branche de la religion de Zoroastre, qui a 
pris le nom de chrétienne. 

2» Mythisme de Strauss. — Différent est le système 
que le D r David Frédéric Strauss inaugurait en 1835, 
dans Dos Leben Jesu, kritisch bearbeitet, 2 fti-8°, 
Tûbingue, 1835 et 1836 (Vie de Jésus, ou Examen cri- 
tique de son histoire, trad. franc, par E. Littré, 1839). 
C'était une adaptation au Nouveau Testament du mythisme 
que de Wette avait appliqué à l'Ancien. Déjà quelques 
tentatives avaient été faites pour soumettre à cette inter- 
prétation mythique certains chapitres de la vie de Jésus, 
en particulier les récits de son enfance et ceux de 
l'ascension. Strauss prétendit y réduire toute l'histoire du 
Sauveur. Le mythe qu'il place ainsi à la base de l'his- 
toire évangélique n'est point une fiction individuelle et 
réfléchie, unejable inventée à plaisir par quelque poète 
ou romancier; c'est le produit spontané de la foi primi- 
tive de l'Église, incarnant inconsciemment ses croyances 
et ses préoccupations en une multitude de récits, qui 
d'abord se sont élaborés dans la tradition orale, puis ont été 
consignés de bonne foi par les évangélistes. « Le mythe, 
écrit-il, a pour fondement, non une conception indivi- 
duelle, mais la conception générale et supérieure d'un 
peuple ou d'une communauté religieuse. » C'est « la 
production, non d'un individu, mais de sociétés entières 
et de générations successives, parmi lesquelles la narra- 
tion, transmise de bouche en bouche, et recevant 



1387 



MYTHIQUE (SENS) 



1388 



l'addition involontaire d'embellissements, tantôt d'un 
narrateur et tantôt d'un autre, s'est grossie comme la 
boule de neige ». Vie de Jésus, lntrod., § xiv; trad. Littré, 
2» éd., Paris, 1853, t. i, p. 107, 108. Dès lors, peut-il 
dire, « nous nommons mythe évangélique un récit qui 
se rapporte immédiatement ou médiatement à Jésus, et 
que nous pouvons considérer, non comme l'expression 
d'un fait, mais comme celle d l'une idée de ses partisans 
primitifs. » Ibid., § xv, p. 116. 

Strauss ne peut prétendre reléguer toute la vie de 
Jésus dans le royaume des mythes, il est obligé de 
reconnaître qu'elle tient profondément à l'histoire. Bien 
plus, il convient que sa critique « ne dépouille pas la 
vie de Jésus de tous les traits qui purent se prêter à être 
regardés comme des miracles » (§ 14, p. 113). Le mythe 
évangélique ne peut, en effet, s'expliquer que par « la 
puissante impression » produite par le Sauveur, et cette 
impression elle-même suppose de toute nécessité, dans sa 
personne et dans ses discours, quelque chose de cet 
extraordinaire que relatent nos documents. Mais comment 
faire le départ entre ce qui est mythe et ce qui est his- 
toire ? Strauss a fixé sur ce point les règles de la critique. 
« Un récit n'est pas historique, dit-il, § xvi, p. 118, pre- 
mièrement quand les événements relatés sont incompa- 
tibles avec les lois connues et universelles qui règlent 
la marche des événements... » Donc, tout ce qui est 
voix célestes, apparitions divines, miracles, prophéties, 
apparitions et actes d'anges ou de démons, doit être 
impitoyablement rayé de l'histoire. Ibid. Et voici à quel 
signe caractéristique on reconnaîtra principalement que 
le récit non historique doit être ramené à un mythe : 
« Si le fond d'un récit concorde d'une manière frappante 
avec certaines idées qui prévalent dans le cercle même 
où ce récit est né, et qui semblent plutôt être le produit 
d'opinions préconçues que le résultat de l'expérience, 
alors il est plus ou moins vraisemblable, d'après les cir- 
constances, que le récit a une origine mythique... Ainsi, 
nous savons que les Juifs voyaient, dans les écrits de 
leurs prophètes et de leurs poètes, des prédictions, et, 
dans la vie des anciens hommes de Dieu, des types du 
Messie; cela nous suggère le soupçon que ce qui, dans 
la vie de Jésus, est visiblement figuré d'après de tels 
dires et de tels précédents, appartient plutôt au mythe 
qu'à l'histoire. » § xvi, p. 121-122. 

Le mythe, ainsi compris, sera, soit un mythe pur, 
s'étendant à la substance même du récit, soit un mythe 
mêlé à l'histoire, lorsque l'élément mythique n'est qu'un 
accident dans une histoire véritable. Et voici d'après 
quelles règles on pourra faire le discernement. « Dans 
lès cas où non seulement le détail d'une aventure est 
suspect à la critique, et le mécanisme extérieur exa- 
géré, etc., mais encore où le fond même n'est pas accep- 
table à la raison, ou bien est conforme d'une manière 
frappante aux idées des Juifs d'alors sur le Messie; dans 
ces cas, non seulement les prétendues circonstances pré- 
cises, mais encore toute l'aventure, doivent être consi- 
dérées comme non historiques. Au contraire, dans les 
cas où des particularités seulement dans la forme du 
récit d'un événement ont contre elles des caractères 
mythiques, sans que le fond même y participe, alors du 
moins il est possible de supposer encore un noyau his- 
torique au récit. » § xvi, p. 126. 

Il est aisé maintenant de retracer la genèse du mythe 
évangélique, ainsi exposé. « Le mythe pur, dit Strauss, 
aura deux sources qui, dans la plupart des cas, concourent 
simultanément à sa formation; seulement, tantôt l'une, 
tantôt l'autre prédomine. La première de ces sources 
est l'attente du Messie sous toutes les formes, attente 
qui existait parmi le peuple juif avant Jésus et indépen- 
damment de lui; la seconde est l'impression particulière 
que laissa Jésus en vertu de sa personnalité, de son 
action et de sa destinée, et par laquelle il modifia l'idée 
que ses compatriotes se faisaient du Messie. C'est presque 



uniquement de la première source que provient, par 
exemple, l'histoire de la transfiguration... Au con- 
traire, c'est de la seconde source que dérive le récit 
où le rideau du temple est décrit se déchirant au moment 
de la mort de Jésus ; car le motif principal qui parait 
en avoir dicté la conception est la position de Jésus lui- 
même, et, après lui, de ses disciples vis-à-vis le culte 
juif et le Temple. » § xv, p. 116. Peut-être aussi faut-il 
faire intervenir, dans la formation de ce dernier trait» 
l'abus d'une métaphore. Il est question dans l'Épltre- 
aux Hébreux, x, 19, de la voie du véritable sanctuaire 
que Jésus-Christ nous a ouverte par son sang sous le 
voile de sa chair. « Un auditeur peut avoir pris ce. 
voile au propre, et imaginé le fait sans soupçonner la 
fiction. » Nouvelle vie de Jésus, trad. Nefftzer et Dollfus, 
Paris, t. i, p. 203. — Impression profonde laissée par 
Jésus, besoin de montrer en lui le Messie des prophètes, 
tels sont aussi les deux facteurs qui ont concouru à for- 
mer le grand mythe de la résurrection. Les apôtres, 
malgré le drame du Calvaire, restaient persuadés que 
Jésus était le Messie; or le Messie devait vivre éternelle- 
ment : il n'avait donc fait que passer dans sa gloire 
messianique; le Psalmiste n'avait-il pas d'ailleurs déclaré : 
« Tu ne me laisseras pas dans le sépulcre, et tu ne 
souffriras point que ton saint éprouve la corruption? » 
D'autre part, parmi les attributs du Messie figurait la 
résurrection corporelle des morts : rien donc de plus 
naturel que la pensée de son retour à la vie et de sa 
propre résurrection. Sous l'influence de ces croyances 
messianiques et de l'impression gardée du Sauveur, 
l'imagination des Apôtres s'exalte : elle leur fait prendre 
pour apparitions réelles ce qui n'est que vision inté- 
rieure et subjective, provoquée peut-être par quelque 
objet qui trompe leurs sens et fournit matière à leurs 
illusions. Enfin, la même exaltation d'esprit, sans doute 
aussi quelque préoccupation apologétique, au cours de 
la controverse avec la synagogue, leur suggèrent les cir- 
constances du prétendu miracle : apparitions des anges, 
garde demandée par les Juifs, sceau apposé sur le tom- 
beau, cicatrices des plaies, montrées par Jésus, vues et 
touchées par les Apôtres. Vie de Jésus, § cxxxvm, t. n, 
p. 640-644; cf. Nouvelle vie de Jésus, t. i, p. 203. 

Dans le mythe historique, ou mêlé à l'histoire, in- 
terviennent également l'impression faite par le Sauveur 
et l'idée préconçue de sa personne ou de son œuvre. 
Sous l'influence de cette impression et de cette idée, 
l'imagination s'empare d'une donnée particulière de 
son histoire et brode tout autour ses conceptions my- 
thiques. Quant à la donnée, qui sert ainsi de thème à 
l'imagination, c'est m tantôt un discours de Jésus, par 
exemple les discours sur les pêcheurs d'hommes et 
sur le figuier stérile, discours que nous lisons mainte- 
nant transformés en histoires merveilleuses; tantôt 
c'est un acte ou une circonstance réelle de sa vie : 
ainsi son baptême, événement réel, a été orné des dé- 
tails mythiques que racontent les Évangiles; il est pos- 
sible encore que certains récits de miracles aient pour 
fondement des circonstances naturelles qui ont été ou 
présentées sous un jour surnaturel ou chargées de par- 
ticularités miraculeuses )/. Toutes ces diverses concep- 
tions sont des mythes, « en tant qu'une idée est le 
point de départ de la portion non historique qu'elles 
renferment. » Vie de Jésus, § xv, p. 117. 

Strauss s'est enfin posé la question de savoir si « la 
qualification de mythe, applicable à la poésie légen- 
daire et naïve qui domine dans les trois premiers 
Évangiles, convient également à des inventions plus ou 
moins réfléchies, comme celles du quatrième Évangile ». 
Dans sa Vie de Jésus, il observait qu' « une fiction, 
même quand elle n'est pas complètement sans calcul, 
peut cependant encore ne comporter aucune fraude... 
Dans l'antiquité, surtout dans l'antiquité juive, et parmi 
des cercles soumis à l'action religieuse, l'histoire et la. 



1389 



MYTHIQUE (SENS) 



1390 



fiction, la poésie et la prose, n'étaient pas séparées 
d'une manière aussi tranchée que parmi nous ». Et il 
se contentait de dire : « En soi, (ces fictions d'un indi- 
vidu) ne sont pas mythiques; elles ne le deviennent 
qu'autant que, trouvant croyance, elles passent dans 
la légende d'un peuple ou d'un parti religieux, car 
alors il est clair que l'auteur les a conçues, non d'après 
ses propres pensées, mais en accord avec les senti- 
ments d'une foule d'hommes. » § xiv, p. 114-115. — C'est 
« une querelle de mots », dit-il dans sa Nouvelle vie 
de Jésus, t. i, p. 205. « Dans ce nouveau travail... 
j'ai fait la part plus large à la fiction voulue et réfléchie, 
mais je n'ai trouvé aucun motif sérieux de changer de 
terminologie. Je maintiens que le nom de mythe con- 
vient même aux fictions réfléchies d'un individu, dès 
que ces fictions sont devenues des croyances, dès 
qu'elles ont passé dans la légende d'un peuple ou d'un 
parti religieux. » « La plupart des récits du quatrième 
Évangile, par exemple, offrent, jusque dans les moindres 
détails, une suite et un plan si rigoureux, qu'à moins 
d'être franchement historiques, ils ne peuvent guère 
passer que pour des morceaux combinés en pleine 
connaissance de cause, s « J'appelle donc mythe tout 
récit dénué d'autorité historique, quelle que soit son 
origine, dans lequel une communion religieuse recon- 
naît un élément fondamental de sa foi, parce qu'il 
contient l'expression exacte de ses principaux senti- 
ments et de ses plus chères idées. » lbid., 1. 1, p. 204, 209. 

Quelle est la valeur restante de l'Évangile, ainsi 
interprété par le mythisme? Strauss tient à le définir 
dans la préface à sa première édition : « L'auteur sait, 
dit-il, que l'essence interne de la croyance chrétienne 
est complètement indépendante de ces recherches cri- 
tiques. La naissance surnaturelle du Christ, ses miracles, 
sa résurrection, et son ascension au ciel, demeurent 
d'éternelles vérités, à quelque doute que soit soumise 
la réalité des choses en tant que faits historiques. » 
Vie de Jésus, t. i, p. 3. En réalité, pour le critique 
allemand, les vérités qui demeurent sont des vérités 
abstraites, entièrement indépendantes des faits évan- 
géliques et de la personne de Jésus, n'ayant de rela- 
tion qu'avec le fait et la personnalité de l'humanité en 
général. C'est à l'humanité en général qu'il faut rap- 
porter les attributs que l'Église donne au Christ. 
Il n'y a « d'éternelles vérités » dans l'Évangile que ce 
qui peut convenir à l'humanité, laquelle est véritable- 
ment « le Dieu fait homme, c'est-à-dire, l'esprit infini 
qui s'est aliéné lui-même jusqu'à la nature finie, et 
l'esprit fini qui se souvient de son infinité ». T. n, 
p. 712. Ainsi le mythisme de Strauss aboutit, en fin de 
compte, au panthéisme d'Hegel, où Dieu ne se dis- 
tingue pas de l'homme et où l'homme devient Dieu. 

3° Système de Renan. — Si nous avons longuement 
analysé le système du célèbre écrivain de Tubingue, 
c'est que ses principes sont devenus les règles de 
l'exégèse évangélique, dite indépendante, et que, sauf des 
variantes dans les détails, les mêmes idées ont inspiré 
depuis lors les critiques rationalistes, ou protestants 
libéraux, les plus renommés. — Renan, dans sa Vie de 
Jésus, Paris, 1863; 13 e édit., 1867, n'a guère fait que 
reproduire en français le système mythique de Strauss, 
en adoptant son panthéisme hégélien. Toutefois, entre 
1835 et 1863, de grands travaux critiques s'étaient 
accomplis, qui avaient abouti, d'une part, à constater 
définitivement l'authenticité de la plupart des Épitres 
de saint Paul, et, d'autre part, à reconnaître aux Évan- 
giles une origine beaucoup plus ancienne et surtout 
une dépendance vis-à-vis de documents beaucoup plus 
primitifs que Strauss ne l'avait supposé. On ne trou- 
vait donc plus un temps suffisant pour la formation 
d'un ensemble de mythes aussi considérable que celui 
qu'avait imaginé le docteur allemand. Renan dut ad- 
mettre l'historicité de la grande masse des faits évan- 



géliques, y compris les nombreuses guérisons opérées 
par Jésus et la croyance des Apôtres en de multiples 
apparitions de leur Maître ressuscité. Dès lors, tout le 
procédé du critique français fut de donner, des faits 
qui s'imposaient comme historiques, un essai d'expli- 
cation naturelle, un peu selon la méthode de Paulus, 
perfectionnée; et, pour ce qui était trop évidemment 
surnaturel, trop absolument réfractaire à toute inter- 
prétation naturaliste, d'en nier l'historicité, en l'attri- 
buant au travail mythique de la légende, selon les 
principes inaugurés par Strauss. — Des « biographies 
légendaires », tel est le qualificatif qu'il donne à nos 
Évangiles. Ibid., 13= édit., Introd., p. lxxxix. Et, comme 
il place la composition des Synoptiques peu après 
l'an 70 et qu'il fait dépendre directement saint Marc 
de la tradition orale de saint Pierre, saint Matthieu et 
saint Luc de documents écrits remontant à l'époque 
même des Apôtres, force lui est de supposer que le 
« travail de métamorphose » mythique s'opéra « dans 
les vingt ou trente années qui suivirent la mort de 
Jésus et imposa à sa biographie les tours absolus d'une 
légende idéale ». lbid., p. ra. Bien plus, il en vient 
à dire que c'est du vivant même de Jésus que s'inau- 
gura ce travail. « Peut-être, dit-il, un oeil sagace eût-il 
pu reconnaître dès lors le germe des récits qui devaient 
lui attribuer une naissance surnaturelle. » lbid., p. 250. 
On peut se demander s'il ne sut pas lui-même « quelque 
chose des légendes inventées pour le faire naître à 
Bethléhem ». P. 249. ci Sa légende était ainsi le fruit 
d'une grande conspiration toute spontanée et s'élaborait 
autour de lui de son vivant. » P. 250. 

4° Systèmes récents. — Le rationalisme panthéistique 
de Strauss et de Renan ne semble guère plus de mode 
aujourd'hui, même en Allemagne. Les critiques libé- 
raux estiment très généralement que leur appréciation 
de la valeur historique des Évangiles, et l'élimination 
qu'ils font de tout ce qui s'y trouve de trop manifes- 
tement miraculeux, laissent subsister la valeur essen- 
tielle du christianisme comme religion véritable et 
définitive, et la valeur du Christ comme organe de la 
révélation et médiateur suprême pour aller à Dieu. 
Mais, à part cette différence d'appréciation d'ensemble 
et de conclusion pratique pour la foi, c'est bien le 
même système auquel recourent ces critiques : élimi- 
nation du surnaturel trop saillant par l'hypothèse d'un 
travail mythique de la pensée chrétienne, qui se serait 
opéré antérieurement à la rédaction finale des Évan- 
giles, sous l'influence, soit de l'impression profonde 
laissée par Jésus, soit des conceptions messianiques 
héritées de la tradition juive, soit même des mythes 
étrangers, familiers aux milieux païens. Cf. H. J. 
Holtzmann, Einleitung in dus Neue Testament, 3 e édit., 
Fribourg-en-B., 1892; Die Synoptiker, 3« édit., Frib., 
1901; A. Jûlicher, Einleil. in dos N. T., 3« édit., Frib., 
1901, p. 290 sq. ; P. W. Schmiedel, art. Gospels, § 137 sq., 
Encycl. bibl., t. Il, col. 1876 sq., etc. — C'est ainsi que 
l'on prétend expliquer la conception virginale et les épi- 
sodes de l'Enfance, le baptême et la tentation, les ré- 
surrections de morts et les miracles sur la nature, les 
déclarations de la dignité messianique faites par Jésus, 
les démons ou ses disciples, enfin la transfiguration, la 
résuirection^eH'ascension. 

A) Récifs de la Conception et de l'Enfance. — o) D'a- 
près N. Schmidt. — Le récit de la conception virginale est 
rattaché par N. Schmidt, art. Son of God, § 17, Encycl. 
bibl., t. iv, col. 4699, à une méprise de l'Église de la 
gentilité sur le titre de Fils de Dieu, employé par Jésus. 
A en croire ce critique, on se représenta d'abord que 
Jésus avait été adopté particulièrement de Dieu comme 
Fils à son baptême ; la génération du Fils de Dieu était 
censée s'être opérée par l'investissement de l'Esprit- 
Saint, survenant en forme de colombe. Or, c'est « ce 
mythe primitif qui semble avoir fait place ensuite à 



1391 



MYTHIQUE (SENS) 



1392 



celui de la naissance virginale ». La génération diyine, 
supposée d'abord réalisée au baptême, fut reportée à 
l'origine de sa vie; on s'imagina que Jésus avait dû être 
Fils de Dieu dès sa naissance, donc qu'il avait dû naître, 
non d'un homme, mais de Dieu. D'après M. Schmidt, 
« cette conception mythique, qui se trouvait largement 
répandue dans l'antiquité, semblé être une tradition tar- 
dive, formée dans l'Église chrétienne de la gentilité. » 

6) D'après H. Vsener. — Un autre critique allemand, 
collaborateur de YEncyclopsedia biblica, H. Usener, 
art. Nativity, § 14-20, t. m, col. 3348-3352; cf. Id., Re- 
ligionsgeschichlliche Untersuchungen, 1889, p. 69 sq. ; i, 
Dos Weihnachtsfest, expose la même idée sous une 
forme plus complète : « Les plus anciennes rédac- 
tions évangéliques, dit-il, connaissaient seulement Jésus 
comme né à Nazareth, de Joseph et de Marie. Mais 
elles enseignaient aussi qu'il était le Messie prédit par 
les prophètes; » ce fut « le germe qui devait donner 
naissance au dogme de la divinité du Chrisi, et même 
à celui de la préexistence du Fils de Dieu ». D'après la 
croyance juive, « le Messie devait être un descendant 
de David et l'élu de Dieu. De ce principe découla peu à 
peu, comme une première et inévitable conséquence, 
que Jésus avait dû avoir pour père un descendant de 
David et qu'il avait dû naître à Béthléhem. Une deuxième 
Conséquence nécessaire fut que l'élu de Dieu devait être 
mis en relation étroite avec Dieu; il était né et avait 
grandi comme homme : il fallait donc une consécration 
divine qui l'eût investi de son office de Messie; de là le 
baptême au Jourdain. » Cependant, « l'idée de la divi- 
nité gagnait toujours du terrain, il devint de plus en 
plus impossible de retarder jusqu'à sa trentième année 
son adoption comme Fils de Dieu; on sentit qu'il avait 
dû être dès sa naissance l'instrument choisi du ciel. 
Ainsi naquit l'histoire de la nativité. •» 

La première forme de ce récit ne contenait pas l'idée 
de la naissance surnaturelle : Jésus y était présenté 
comme le premier né de Joseph et de Marie, investi 
dès sa naissance de la vocation messianique. C'était 
une « représentation purement judéo-chrétienne de la 
naissance du Messie ». On retrouve cette forme pri- 
mitive du mythe dans le chapitre I er de Luc, si l'on a 
soin d'en enlever les versets 34-35, qui renferment 
l'idée de la virginité de Marie, cf. J. Hillmann, Die 
Kindheitsgeschichte Jesu nach Luc, dans les Jahrbù- 
clier fur protestantliche Théologie, i891, p. 231 sq., 
et qui sont probablement un emprunt à la tradition 
de Matthieu. Cf. A. Harnack, Zu Luc, i, 34 f., dans 
la Zeitschrift fur die Neutest. Wissenschaft, 1901, 
p. 53 sq. 

Une deuxième forme élaborée dans les milieux païens, 
fit valoir l'idée de la conception virginale. D'après Use- 
ner, c'est cette deuxième forme que reproduit directe- 
ment l'Évangile de saint Matthieu. «Cette narration, 
dit-il, est entièrement dominée par l'idée que Jésus a 
été conçu par la vertu de l'Esprit Saint dans le sein de 
la vierge Marie. » « Ici nous entrons sûrement dans 
un cercle d'idées païennes. » Le thème général a élé 
illustré par les épisode de l'étoile, des mages, du mas- 
sacre des Innocents, et « la broderie vient de la même 
source que la chaîne et la trame ». « A toute l'his- 
toire de la naissance et de l'enfance, et pour chacun 
des détails que rapporte Matthieu, on peut trouver un 
substratum païen. L'histoire a donc dû se former dans 
les cercles chrétiens de la gentilité, probablement dans 
ceux de la province d'Asie. » Et c'est ainsi que le 
récit de la naissance de Jésus « a été mis en rapport 
avec les demandes de la foi ». Cf. P. W. Schmiedel, 
art. Mary, % 11-16; ïbid., t. m, col. 2960-2964; H. J. 
Holtzmann, Lehrbuch der Neutest. Théologie, Fribourg- 
en-B., 1897, t. i, p. 414 sq. 

c) D'après A. Réville. — Cette interprétation donnée 
aux premiers chapitres de saint Matthieu et de saint 



Luc n'est bien, sous une forme d'apparence plus critique, 
que l'interprétation mythique mise en avant par Strauss. 
A. Réville, Jésus de Nazareth, Paris, 1897, t. i, p. 365, 
l'exprime nettement, lorsqu'il résume ainsi sa pensée : 
« Il nous paraît certain que les récits, conservés dans 
les évangiles de Luc et de Matthieu, concernant la nais- 
sance de Jésus, rentrent à peu de chose près dans la 
catégorie de ces traditions légendaires où les idées qu'on 
veut exprimer tiennent plus de place que la réalité des 
faits racontés. » Cf. p. 386. — L'explication que donne 
ce dernier critique du récit de la fuite en Egypte est par- 
ticulièrement dans la manière de Strauss. « Son séjour 
en Egypte, dit-il, p. 402, fait partie, avec la visite des 
mages, d'une légende inspirée par le genre d'universa- 
lisme qui s'accorde avec le point de vue judéo-chrétien. » 
Ce que nous exprimerions en disant : « L'Évangile fut 
porté en Egypte dès les premières années de la période 
apostolique, » se serait traduit dans l'esprit et le langage 
de la légende mythique sous cette forme : « le Christ dès 
les premiers jours fut porté en Egypte, » p. 400; « les 
mages, représentants du monde païen, ont reconnu la 
royauté sur le monde entier du Messie juif. » P. 396. 

d) D'après O. Holtzmann. — O. Holtzmann, Leben 
Jesu, Fribourg-en-B., 1901, p. 68, note 1, résume tout ce 
point de vue mythique dans cette conclusion : « Le 
charme de ces histoires de la Nativité ne dépend pas de 
leur vérité historique, mais de leur signification inté- 
rieure : elles expriment la joie du monde divin aux 
approches du salut de l'humanité; l'attente du Rédemp- 
teur, l'hommage des grands de la terre à celui qui, 
étant dans la pauvreté, leur octroie à tous la vraie ri- 
chesse ; la protection de Dieu à l'égard du Saint que le 
monde cherche à faire périr. Puisque toutes ces idées 
sont vraies, nous ne sommes pas obligés de déclarer 
ces récits faux, alors même qu'ils sont, historiquement 
parlant, non conformes à la réalité. » 

B) Récits de la Tentation. — C'est encore dans le mythe 
que M. Réville, op. cit., t. n, p. 19, cherche l'explication 
de la tentation du Christ au désert. « Nous n'avons in- 
contestablement ici, dit-il, que le développement my- 
thique d'un fait historique. La paradosis a fait rentrer 
dans cette retraite au désert les combats intérieurs qui 
se livrèrent dans l'âme de Jésus, à plusieurs reprises, 
avant et pendant le cours de son action publique. » 
« Le chiffre précis de quarante jours semble typique, en 
rapport avec les quarante ans de séjour du peuple d'Is- 
raël dans le désert. » P. 13. « Les bêtes sauvages sont 
les passions dévorantes qui déchaînent les révolutions 
violentes; les anges conseillent et donnent les armes 
pures de la persuasion et de l'appel aux consciences. 
Selon cette explication que nous croyons vraie, il y a déjà 
quelque chose de mythique dans la brève et mystérieuse 
description du second Évangile. » P. 14. 

C) Déclarations messianiques et prédictions de la 
Passion. — D'après W. Wrede, Dos Messiasgeheimnis in 
den Evangelien, Gœttingue, 1901, il faudrait aussi attri- 
buer au travail de la pensée chrétienne sous les in- 
fluences de la foi, en d'autres termes, au mythe, les 
prophéties qui sont prêtées à Jésus touchant sa mort et 
sa résurrection, et même les déclarations de sa qua- 
lité de Messie qui se trouvent placées dans sa bouche 
ou sont censées lui être adressées par les démons ou 
ses disciples. — Jésus, de son vivant, ne se serait au- 
cunement donné pour le Messie, et il n'aurait nulle- 
ment prédit ni sans doute prévu sa mort tragique. Après 
sa mort, ses disciples, ayant acquis l'assurance qu'il 
était ressuscité, de quelque manière que se soit formée 
leur conviction sur ce point, furent persuadés qu'il était 
devenu Christ par cette résurrection. Étant le Messie 
depuis sa résurrection, il leur parut qu'il avait dû être, 
pendant sa vie, un Messie en expectative, caché et ignoré. 
De là ce mélange de lumière et d'obscurité, de publicité 
et de réserve, avec lequel la tradition postérieure finit 



4393 



MYTHIQUE (SENS) 



1394 



par se représenter la manifestation de Jésus comme 
Christ. De là, eiï particulier, les déclarations expresses 
attribuées aux possédés ou aux disciples, et le silence 
immédiat que leur impose Jésus. De là, pareillement, 
les prédictions que le Sauveur est censé avoir faites de 
sa passion prochaine, et l'inintelligence prêtée à ses 
disciples relativement au sens de ses paroles. Idée du 
secret messianique, silence imposé aux démons, inin- 
telligence des disciples : autant de moyens suggérés par 
la foi à l'apologétique des premiers jours, pour concilier 
le fait de la passion avec la messianité réelle de Jésus, 
d'autre part pour expliquer comment le Sauveur n'avait 
pas été reconnu Messie de son vivant, malgré la foi que 
l'on avait présentement en sa messianité. Sur tous ces 
points, les Évangiles refléteraient donc, non l'exactitude 
de l'histoire, mais les préoccupations de l'Église primi- 
tive; ce qu'ils rapportent serait un produit inconscient 
de la foi chrétienne, c'est-à-dire, à le bien prendre, un 
mythe. 

D) Miracles. — Le mythe expliquerait pareillement les 
récits d'épisodes miraculeux qui ne paraissent en au- 
cune façon susceptibles d'une explication naturelle. Les 
critiques libéraux font, en effet, un choix parmi les mi- 
racles évangéliques. Ils consentent à admettre comme 
historiques « les miracles de guérison analogues à ceux 
que les médecins sont capables d'opérer encore aujour- 
d'hui par les [moyens psychiques ». P. W. Schmiedel, 
art. Gospels, § 144, dans YEncycl. bibl., t. n, col. 1885. 
Cf. A. Jûlicher, op. cit., p. 292; 0. Holtzmann. op. cit., 
p. 58-59; A. Harnack, Bas Wesen des Christentums, 
Leipzig, 1900, p. 18; A. Réville, op. cit., t. Il, p. 76 et 
suiv.; etc. Mais ils excluent a priori de l'histoire tous les 
autres et, pour les expliquer, recourent à la théorie du 
mythe, de la même manière que Strauss. 

a) Résurrections. — D'après T. K. Cheyne, art. Jai- 
rus et Nain, dans YEncycl. bibl., t. ir, col. 2316, et t. m, 
col. 3264, les deux récits de résurrection du fils de la 
veuve de Naïm et de la tille de Jaïre, viendraient d'une 
transformation graduelle de données primitives fort 
simples. — Jésus répond aux messagers de Jean-Baptiste 
d'aller dire à leur maître : « Les aveugles voient, les 
boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds en- 
tendent, les morts sont ressuscites, les pauvres reçoivent 
la bonne nouvelle. » Luc n'a pas compris que « les morts 
sont ressuscites », devait s'entendre dans un sens allégo- 
rique, comme le montre la sentence connexe : « La bonne 
nouvelle est annoncée aux pauvres. » L'Évangéliste s'est 
imaginé des résurrections de morts véritables, et comme 
spécimen il présente celle du fils de la veuve de Naïm. 
Sans doute aussi faut-il faire intervenir l'influence des 
souvenirs de l'Ancienne Loi : Élie et Elisée avaient ra- 
mené des morts à la vie; Jésus ne pouvait être inférieur 
aux anciens prophètes. — Quant au récit de la résurrec- 
tion de la fille de Jaïre, contenu dans les trois Synopti- 
ques, il doit appartenir « aux plus anciennes couches de 
la tradition évangéliq.ue ». Néanmoins, les trois Évan- 
gélistes, dont l'idée était troublée par les souvenirs 
d'Élie et d'Elisée, ont dû se méprendre sur le sens pro- 
fond de la parole de Jésus : « Elle n'est pas morte, 
mais elle dort; » ils auront transformé en résurrec- 
tion de mort ce qui n'était que guérison de malade, — 
A. Réville, op. cit., t. n, p. 68 sq., explique le même 
récit par « l'amplification graduelle du merveilleux » ; 
« à la base, dit-il, on a lieu de soupçonner un fait qui 
peut être intéressant ou même exceptionnel, et qui n'a 
rien pourtant de miraculeux. » 

b) Le figuier desséché. — Les miracles extraordinaires 
opérés sur la nature auraient également pour origine, 
selon le principe déjà indiqué par Strauss, un travail 
de la pensée chrétienne, qui, prenant pour point de 
départ une sentence de Jésus, l'aurait peu à peu tra- 
duite dans un fait prodigieux, qui en serait devenu 
comme l'illustration concrète. Ainsi, l'épisode du figuier 



desséché sur le chemin de Béthanie serait dû à une 
sorte de matérialisation de la parabole du figuier mau- 
dit : « L'enseignement de la parabole, dit M. Réville, 
ibid., p. 70, s'est trouvé transformé en fait matériel et 
miraculeux, symbolique aussi et de même sens, mais 
d'une tout autre nature que les paroles qui l'ont sug- 
géré. » 

c) Les multiplications de pains. —- Les deux multi- 
plications des pains doivent être rangées dans la même 
catégorie. — D'après M. Réville, ibid., p. 73, Jésus avait 
dû dire « quelque chose comme cela : Il en est de la 
doctrine du Royaume comme des cinq ou sept pains qui 
ont procuré de quoi nourrir des milliers d'hommes; 
cela ne paraissait rien ; non seulement cela a suffi, mais 
encore il en reste des corbeilles pleines ». Dès lors, « on 
est conduit à penser que les multiplications miracu- 
leuses ont été suggérées, avec l'aide de réminiscences 
de l'Ancien Testament, par la tendance à transformer 
en fait réel et matériel ce qui était originairement et 
simplement une idée très belle, d'une grande profon- 
deur, exprimée sous forme figurée et comparée à un 
fait tout récent. » P. W. Schmiedel, art. Gospels, § 142, 
t. h, col. 1883, estime que l'histoire a pu naître d'une 
sentence figurée, telle que celle-ci, Matth., v, 6 : « Bien- 
heureux ceux qui ont faim, car ils seront rassasiés. » 

d) La pêche miraculeuse et le poisson au statère. — 
Jésus a dit encore : « Je ferai de vous des pêcheurs 
d'hommes : » tel est, au dire de M. Réville, ibid., p. 74, 
« le mot qui doit avoir été le générateur du récit » de 
la pêche miraculeuse. — Quant au « miracle du statère 
ou de la pièce de monnaie trouvée à point nommé dans 
la bouche d'un poisson que Pierre a été pêcher tout 
exprès », il « exhale le parfum de la purelégende et n'a 
d'importance qu'à titre d'éclaircissement de la position 
adoptée par [Jésus vis-à-vis du régime politique de son 
temps ». Ibid., p. 75. 

e) La marche sur les eaux. — D'après M. Schmie- 
del, art. cit., § 142, col. 1883, « il n'est pas difficile de 
conjecturer les expressions employées par Jésus, sur 
lesquelles on a pu broder le récit de la marche sur 
les eaux et celui de l'apaisement de la tempête. Ce doit 
être quelque chose d'analogue à Marc, xi, 22-24, et à 
Luc, xvn, 6, quelque chose comme ceci : « Si vous avez 
« de la foi gros comme un grain de sénevé, vous serez 
« capable de commander à la tempête, et elle vous obéira ; 
« vous serez apte à marcher sans crainte sur la mer 
« troublée de la vie. » « Nous pouvons être sûrs, dit-il 
ailleurs, art. Simon Peter, § 6, t. iv, col. 4569, que 
l'histoire de la marche de Jésus sur les eaux était origi- 
nellement une parabole où était proposée d'une manière 
graphique cette idée que, si les disciples avaient la foi, 
ils pourraient marcher avec assurance sur la mer agitée 
de la vie. L'addition relative à Pierre a pour but d'illus- 
trer la thèse par un contraste : celui qui n'a pas la foi 
sera nécessairement submergé s'il n'appelle le Seigneur 
et ne reçoit son aide. On peut même supposer que la 
raison qui a fait choisir Pierre pour héros de l'histoire 
est qu'il était regardé comme le chef de l'Église, et que 
ce qui se rapportait à sa personne devait être considéré 
comme s'appliquant à l'Église entière. » L'auteur ajoute, 
à la suite de Strauss, que la même explication peut être 
apportée pour d'autres miracles que ceux qui sont attri- 
bués à Jésus lui-même : tels, le trait du voile du temple 
déchiré, et' celui des tombeaux ouverts à la mort du 
Sauveur. Art. Gospels, § 142, col. 1883. — A. Réville 
préfère voir dans le récit de la marche sur les eaux « le 
reflet d'une vision déterminée par l'idée toujours plus 
exaltée que les disciples se faisaient de leur Maître ». 
Op. cit., t. H, p. 203. Ce qui était simple objet d'une 
vision idéale, serait devenu dans la tradition^vangéliquc 
un événement réel. Cette vision est d'ailleurs « fort 
belle, d'une grande poésie. Jésus marchant en toute 
sérénité sur les eaux tumultueuses, c'est la saisissante 



1395 



MYTHIQUE (SENS) 



1396 



image de sa grandeur morale et de sa supériorité sur 
toutes les oppositions ameutées contre lui ». 

f) Transfiguration. — Simple vision également, 
d'après M. Réville, lbid., p. 205, le fait primitif que la 
tradition a traduit par le récit actuel de la transfigura- 
tion. « Il est oiseux de prétendre ramener à des faits 
positifs un récit d'un idéalisme aussi prononcé. Ce qu'il 
faut en dégager, c'est l'idée, et l'idée revient à ceci que 
Jésus, dans la conviction des trois apôtres, est confirmé 
dans son autorité par la Loi et les prophètes, dont Moïse 
et Élie sont respectivement les types traditionnels, et 
dont il a dit qu'il venait, non les abolir, mais les accom- 
plir. s> — D'après M. Schmiedel, art. Simon Peter, § 8, 
t. iv, col. 4570, l'épisode illustrerait plutôt d'une façon 
sensible un fait de la conscience intérieure du Sauveur. 
Jésus aurait pris conscience de sa messianité « à un 
point particulier au cours de son ministère », sans 
doute peu avant la confession de Pierre : c'est le fait 
primitif qui serait traduit symboliquement dans notre 
récit miraculeux. Plus tard, l'origine de la conscience 
messianique aurait été reportée au baptême, avec la 
parole du Père céleste qui l'exprime, jusqu'à ce qu'en- 
iin elle fut avancée à l'époque même de la naissance. 
Dans cette hypothèse, « le rôle de Pierre, de Jacques et 
de Jean, a dû être beaucoup moins actif » que ne le 
rapportent les Évangiles. « Qu'ils aient été présents, on 
ne doit pas le nier; mais leur activité se serait bornée 
à ceci, qu'ils furent impressionnés profondément, peut- 
être au sortir du sommeil, par l'extraordinaire majesté 
avec laquelle Jésus vint à eux, après avoir ouï la voix 
du Père céleste. Cette voix, ils ne l'auraient pas enten- 
due directement eux-mêmes, mais ils en auraient eu 
connaissance par Jésus. » 

E) Résurrection et ascension de Notre-Seigneur. — 
Finalement, le même système d'interprétation est ap- 
pliqué aux récits de la résurrection et de l'ascension. 
Nous trouvons la chose résumée au mieux dans P. W. 
Schmiedel, art. Résurrection dnd Ascension narratives, 
% 17 sq., Encycl. bibl., t. iv, col. 4061 sq. 'Avec l'en- 
semble des critiques, y compris Renan, le professeur 
de Zurich convient que « les apparitions de Jésus eurent 
lieu réellement, c'est-à-dire, que ses disciples eurent 
réellement l'impression de le voir. Pour attribuer pure- 
ment et simplement ces apparitions à l'invention où à 
la légende, il faudrait non seulement nier l'authenticité 
des Épîtres pauliniennes. mais encore refuser tout ca- 
ractère historique à Jésus ». « Les récits primitifs de 
la résurrection sont d'ailleurs contemporains des faits 
auxquels il se rapportent. » « D'autre part, il est tout 
à fait à croire que les disciples eurent l'impression de 
voir en pleine réalité les blessures que Jésus avait re- 
çues sur la croix; peut-être même eurent-ils l'impres- 
sion que lui-même les leur montrait. » « Bien plus, 
il est tout à fait possible que les apparitions aient eu 
lieu dans un appartement hermétiquement clos, Joa., 
xx, 19, 26, et que de cet appartement Jésus ait paru 
enlevé directement au ciel, Marc, xvi, 14, 19. » § 17, 
col. 4061. — Tout cela, en effet, paraît à M. Schmiedel 
susceptible d'une explication par vision subjective. A la 
suite de Strauss et de Renan, il estime qu'il n'y eut de 
fait pas autre chose. Jésus n'est pas ressuscité corpo- 
rellement : seule son âme a échappé au trépas et survit 
immortelle; le Sauveur n'a donc pu apparaître d'une 
manière corporelle et objective après sa mort. § 38, 
col. 4086. Tout ce qui tend à accuser une résurrection 
corporelle ou une vision objective doit être exclu de l'his- 
toire et attribué à l'influence mythique de la foi. C'est la 
foi au caractère corporel de la résurrection de Jésus qui 
a créé les traits objectifs prêtés à ses apparitions. De là 
cette mention que les témoins oculaires avaient d'abord 
douté de leurs sens et pour cela avaient tenu à s'assu- 
rer le plus soigneusement possible de la réalité de 
Jeurs perceptions. De là, ces détails particuliers : que 



Jésus, non seulement avait été vu, mais avait été en- 
tendu et avait prononcé des discours; que non seule- 
ment il avait montré les cicatrices de ses blessures, 
mais qu'on les avait touchées ; bien plus, qu'il avait 
pris de la nourriture avec ses disciples; que les appa- 
ritions s'étaient étendues à une période de quarante 
jours. — Enfin, de même que chaque apparition nouvelle 
était censée s'achever par une retraite de Jésus au ciel, 
on s'imagina, comme terme de la période même des 
apparitions, une ascension solennelle et cette fois défi- 
nitive. § 27, col. 4072. — La non-historicité de la résur- 
rection corporelle de Jésus, observe M. Schmiedel, ne 
nuit en rien à la vérité de sa religion. « La cause de 
Jésus n'a pas péri avec lui sur la croix : nous en sommes 
assurés par l'histoire, alors même que sa résurrection 
n'aurait pas eu lieu littéralement comme fait. Il est in- 
déniable que l'Église a été fondée directement, non sur 
le fait de la résurrection de Jésus, mais sur la croyance 
en sa résurrection. » § 38, col. 4086. Cf. A. Réville, 
op. cit., t. u, p. 453-478. 

F) Le quatrième Evangile. — Ainsi, d'après les criti- 
ques libéraux, les Synoptiques refléteraient en maints 
endroits un travail de la pensée chrétienne, mettant 
peu à peu l'histoire du Christ en harmonie avec les 
exigences de la foi. On voit immédiatement combien 
cette appréciation des Évangiles synoptiques offre 
d'analogie avec l'idée que les mêmes critiques tendent 
à présenter du quatrième Évangile. Le quatrième Évan- 
gile serait lui aussi le produit de la foi postérieure au 
Sauveur. Toutefois, au lieu de représenter, comme les 
Synoptiques, la pensée chrétienne élaborée d'une ma- 
nière inconsciente au sein de la multitude anonyme, il 
offrirait la foi même de l'Église, au début du second 
siècle, exposée d'une façon réfléchie, par un écrivain 
conscient, sous le voile du symbole et de l'allégorie. 
L'auteur s'inspirerait de la tradition synoptique et en 
exploiterait les éléments, pour la construction d'une 
grande synthèse doctrinale, où il traduirait la situation 
de l'Église à son époque, son rapport avec le judaïsme 
et le paganisme, surtout sa croyance au Christ Sauveur 
et Fils de Dieu. Dans cette hypothèse, le quatrième 
Évangile n'a de l'histoire que l'apparence; le fait n'y est 
rien, l'idée y est tout; les récits ne sont que le vêtement 
léger qui sert à recouvrir l'enseignement; les person- 
nages ne sont que des types qui représentent quelque 
chose de présent à l'époque de l'Évangéliste ; les détails 
topographiques, les mentions chronologiques, les nom- 
bres, tout est symbole et figure. L'ouvrage ne nous ins- 
truit donc pas sur l'histoire réelle de Jésus, mais sur 
la vie de l'Église au début du H» siècle; ce qu'il nous 
présente n'est pas le Jésus de l'histoire, mais le Christ 
de la foi. Cf. H. J. Holtzmann, Das Evangelium des 
Johannes, 2 e édit., Fribourg-en-B., 1893; J. Réville, Le 
quatrième Evangile, Paris, 1901 ; E. A. Abbott, art. 
Gospels, § 45-63, Encycl. bibl., 1901, t. u, col, 1794 sq.; 
P. W. Schmiedel, art. John, Son .of Zebedee, § 16 sq., 
Ibid., t. iv, col. 2518 sq. 

G) Influence des mythes païens. — Les divers éléments 
mythiques dont nous avons parlé jusqu'ici auraient été 
élaborés sous l'influence de la foi chrétienne, c'est-à- 
dire, en définitive, sous l'influence de l'impression pro- 
fonde laissée par la personnalité de Jésus. Mais il est 
une autre influence à laquelle un certain nombre de 
critiques paraissent tendre de plus en plus à faire appel 
aujourd'hui : c'est celle des mythes religieux, répandus 
dans les milieux païens où se développa la primitive 
Église, ou déjà infilirés des contrées étrangères dans le 
judaïsme du Nouveau Testament. 

a) D'après H. Gunkel et W. Bousset. — Un organe 
spécial a été créé récemment, 1803, à Gœttingue, par 
MM. Bousset et Gunkel, sous le titre de Forschungen 
zur Religion und Litteratur des Altên und Neuen Tes- 
taments, en vue d'appliquer tant au Nouveau qu'à l'An- 



1397 



MYTHIQUE (SENS) 



1398 



cien Testament Ja méthode comparative de l'histoire des 
religions, en faisant large part au syncrétisme religieux. 
— D'après H. Gunkel, Zum religionsgeschiehtlichen 
Verstândnis des Neuen Testaments, Gœttingue, 1903, 
Cf. W. Bousset, Die jûdische Apokalyptik, Berlin, 
1903, la religion du Nouveau Testament aurait subi, 
même en certains points d'importance, l'influence des 
religions étrangères, par l'intermédiaire du judaïsme. 
Issu du syncrétisme de toutes les religions de l'Orient 
et de la pensée grecque, le christianisme n'en aurait 
d'ailleurs été que plus apte à s'adresser à tous les peu- 
ples, et il n'en serait pas moins la religion. — Ainsi, 
l'idée de la conception virginale du Messie aurait été 
connue de la gnose orientale antérieurement à l'ère chré- 
tienne; de même, le thème du dieu sauveur; de même 
celui du jeune dieu ressuscité. Les disciples n'auraient 
eu qu'à appliquer à Jésus, sous l'influence de leur en- 
thousiasme pour leur Maître, les idées qu'ils avaient re- 
çues de leur milieu environnant. S'ils font ressusciter 
le Christ après trois jours, à l'époque de la Pàque, c'est 
un souvenir d'un ancien mythe solaire, où le soleil était 
représenté renaissant, après les trois mois et démise 
l'hiver, à l'équinoxe du printemps. Et c'est aussi parce 
que les premiers cercles chrétiens étaient habitués à 
fêter le dimanche, ou jour du soleil, que l'Église primi- 
tive a fait de ce jour-là le jour du Seigneur. De même, 
la tentation du Christ doit se ramener à un ancien my- 
the, où de simples discours ont pris la place d'une lutte 
véritable; et le changement de l'eau en vin aux noces de 
Cana revient au miracle annuel du dieu de la vendange. 

6) D'après U. Zimmern. — H. Zimmern, Die Keil- 
inschriften und das Alte Testament, 2° partie, Berlin, 
1903, après avoir montré les analogies de l'Ancien Tes- 
tament avec les mythes babyloniens, pousse la compa- 
raison jusqu'au Nouveau Testament. Dans son avant- 
propos, il a soin d'avertir qu'il se contente de proposer 
au lecteur instruit de simples rapprochements, lesquels 
peuvent s'expliquer autrement que par une connexion 
historique, mais, sous le bénéfice de cette observation, 
la tendance de M. Zimmern semble bien être de présen- 
ter le Nouveau Testament comme une mise en œuvre 
d'idées juives, qui pour une bonne part remonteraient 
à Babylone. — L'idée du Christ, salut et lumière du 
monde, est rattachée au mythe de Mardouk, le dieu-soteil 
des Assyriens; le soleil parait avoir pour cortège les 
douze signes du zodiaque : ainsi le Christ est entouré 
de douze héros, qui sont les Apôtres. Il faudrait voir 
également dans la figure de Marie, représentée comme 
Mère de Dieu, une certaine relation mythologique avec 
l'Isis égyptienne, et surtout avec l'Istar de Babylone. 

c) D'après T. K. Cheyne. — De son côté, T. K. Cheyne, 
Bible Problems and the new materialfor their solution, 
Londres, 1905, estime que le récit de la naissance virgi- 
nale, dont la forme primitive est celle de saint Mat- 
thieu, se rattache en dernière analyse au mythe baby- 
lonien d'Istar, la déesse reine du ciel et mère du dieu 
soleil. C'est cette déesse mère qui nous est représentée 
dans l'Apocalypse, revêtue du soleil, ayant la lune sous 
ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles; 
le dragon qui cherche à dévorer son fils n'est pas autre 
que le dragon Tiâmat, adveusaire du dieu-soleil Mar- 
douk. Mais le mythe a été exploité très librement par 
les premiers chrétiens: la femme vêtue du soleil devient 
en saint Matthieu une pauvre femme juive; son fils n'a 
presque plus pour rôle que le salut spirituel de son 
peuple; la cité royale est transférée de Babylone à Jé- 
rusalem; le dragon menaçant, c'est Hérode qui cherche 
l'enfant à Bethléhem pour le faire périr. — D'après le 
même critique, art. Temptation of Jésus, § 12, 14, Encycl. 
bibl., t. iv, col. 4965, le récit de la tentation aurait égale- 
ment une origine mythique. « Il n'y a pas de raison suffi- 
sante, dit-il, pour nier que les récits chrétiens primitifs 
contiennent une broderie mythique plus ou moins trans- 



formée, et la tentation de Jésus est l'un des plus précieux 
de ces récits. » On peut la rapprocher, en effet, de deux 
histoires parallèles, celle de Zarathustra, tenté par l'es- 
prit malin Angra Mainyu, et celle du Bouddha G-autama, 
tenté par le démon Mara : non que le récit évangé- 
lique dépende littérairement de ces deux histoires 
étrangères; mais il doit avoir comme elles une base 
mythique, à savoir le mythe babylonien du dieu-lumière, 
Mardouk, en conflit avec l'esprit-ténébres, Tiâmat. Peut- 
être aussi faut-il voir dans la tentation de [Jésus un 
souvenir des mystères mithriaques, un écho de ces 
pratiques qui sont connues sous le nom de cérémonies 
d'initiation, et qui avaient pour but d'obtenir puissance 
sur les génies mauvais. § 8-10, col. 4963, 

d) D'après O. Pfleiderer. — Un écrit récent de 
O. Pfleiderer, The early Christian Conception of Christ, 
Londres, 1905, a poussé aux plus extrêmes limites les 
applications du syncrétisme religieux au Nouveau Tes- 
tament, déjà largement développées dans son ouvrage 
antérieur, Das Urchristentum, seine Schriften und 
Lehren,i881,1* édit., 1902. Le critique de Berlin trouve 
de très frappants parallèles aux récits de saint Luc sur 
l'enfance de Jésus, dans la légende païenne, et surtout 
dans la légende bouddhique. P. 16 sq. et 155. A son 
sens, le récit de saint Matthieu sur la persécution du 
Christ enfant par Hérode et le massacre des Innocents 
est en relation avec la légende indienne de Krischna. 
P. 61, 155. De l'histoire évangélique de la tentation 
il faut rapprocher les histoires analogues de la légende 
bouddhique, de la légende iranienne, et surtout la lé- 
gende persane du prophète Zarathustra tenté par Ahri- 
man. P. 51 sq., 155. La purification par le sang de 
l'Agneau, dont parle l'Apocalypse, offre de l'analogie 
avec la purification par le sang du bélier chez les Phry- 
giens. P. 132, 155. L'Eucharistie trouve son pendant 
dans le sacrement du pain et de la coupe dans la reli- 
gion de Mithra. La résurrection au troisième jour rap- 
pelle la fête égyptienne d'Osiris, ou la fête phrygienne 
d'Attis, tandis que la célébration du dimanche est en 
rapport avec la fête de Mithra. P. 129 sq., 144. Enfin 
le fait même de la résurrection peut être mis en rapport 
avec la légende égyptienne d'Osiris ou les mystères de 
Dèmètèr (Cérès) et de Perséphonè (Proserpine), qui 
dérivent en dernière analyse d'un mythe naturel, re- 
présentant le déclin de la végétation à l'automne et son 
renouveau au printemps. P. 91. Le critique a pourtant 
soin d'observer que « le mythe chrétien de la résur- 
rection n'est pas à dériver de ce mythe naturel, parce 
qu'il a sa source la plus directe dans le fait historique 
de la mort de Jésus, et dans les visions subséquentes 
éprouvées par ses disciples ». P. 157. — Ainsi, conclut 
le professeur de Berlin, « la foi au Christ Seigneur [et 
Esprit, a été enveloppée du vêtement de l'antique [my- 
thologie, et trouve son expression sacramentelle dans 
des cérémonies analogues aux rites païens. » P. 162. 
Ce vêtement mythique avait sa raison d'être. « Quand 
l'Évangile fut prêché au monde, il avait besoin, pour 
être compris, de s'accommoder au courant des idées 
païennes, c'est-à-dire aux mythes. » P. 166. « Ainsi 
la foi chrétienne est arrivée à une forme d'expression 
d'autant plus apte à faire la conquête du paganisme 
qu'elle était plus étroitement reliée à la forme des 
mythes païens; Mais qui peut ne pas voir que les an- 
ciennes formes sont devenues le réceptacle d'un con- 
tenu essentiellement nouveau, et par conséquent ont 
acquis une portée religieuse beaucoup plus profonde et 
une signification morale beaucoup plus pure que ja- 
mais jusque-là. » P. 160. 

III. Critique des systèmes d'interprétation my- 
thique. — Question de principe. — La question de 
l'interprétation mythique de nos Livres Saints, telle que 
nous venons de l'exposer, revient en somme à celle de 
leur valeur historique et dépend intimement de la so- 



1399 



MYTHIQUE (SENS) 



1400 



lution donnée à ces deux questions subsidiaires : Les 
auteurs sacrés ont-ils eu l'intention de relater à propre- 
ment parler de l'histoire, et étaient-ils en mesure de le 
faire exactement. Ont-ls voulu être historiens, et pou- 
vaient-ils l'être? Pour le croyant, le problème se com- 
plique de la question même de l'inspiration, à savoir de 
ses exigences au point de vue de la vérité intrinsèque de 
la Bible, de sa compatibilité avec l'inexactitude maté- 
rielle, le caractère fictif ou légendaire de narrations 
ayant forme d'histoire. 

A) Opinion de divers critiques catholiques. — Un cer- 
tain nombre de critiques catholiques ont pensé que, la 
Bible ayant avant tout pour but un enseignement reli- 
gieux et moral, l'inspiration a pu laisser les écrivains 
sacrés constituer le cadre historique, ou l'enveloppe 
matérielle, de cet enseignement suivant de tout autres 
procédés que ceux qui inspirent de véritables historiens. 
Les écrits bibliques seraient à peu près dans la condi- 
tion des paraboles ou des allégories. Dans une parabole, 
la narration qui sert de support à la leçon morale est 
sans valeur au point de vue de l'histoire ; la vérité de la 
parabole n'est pas dans le fait qui appuie la leçon, mais 
dans la leçon elle-même. Ainsi les divers écrits de la 
Bible, même les livres historiques, auraient leur vérité 
absolue dans la doctrine morale qu'ils expriment; les 
faits, qui constituaient la matière de la narration, n'au- 
raient qu'une vérité relative, celle qui convenait au 
tempérament intellectuel de l'écrivain, à ses moyens 
d'information personnels, aux habitudes littéraires de 
son pays et de son temps. 

o) il. Loisy. — « L'inspiration des Écritures, écrivait 
en 1893 M. Loisy, dans L'Enseignement biblique, est à 
concevoir comme un concours divin dont le but a été 
de préparer à l'Église une sorte de répertoire pour l'en- 
seignement religieux et moral. » Aussi, « de ce qu'un 
document inspiré revêt la forme d'histoire, il ne suit pas 
qu'il ait nécessairement un caractère historique. Il' a le 
caractère qui lui appartient à raison de sa nature et de 
son contenu. Telle parabole de Notre-Seigneur a la forme 
d'histoire et n'est pas le récit d'un fait réel. » « On ne nie 
pas l'inspiration d'une parabole en disant que la vérité 
de la parabole n'est pas à chercher dans les termes figu- 
ratifs, mais dans le sens figuré. » Par exemple, « si les 
premiers chapitres de la Genèse ne sont pas rigoureu- 
sement historiques, c'est qu'ils n'ont pas été inspirés 
pour contenir une histoire exacte, mais ils ont été ins- 
pirés pour être ce qu'ils sont. S'il est vrai que le cadre 
de certains récits ait été fourni à l'écrivain sacré par 
d'anciennes légendes venues de la Chaldée, et que ces 
légendes ne présentent pas un caractère historique, c'est 
que la mise en scène de la narration^ scripturaire est 
destinée seulement à faire valoir l'idée fondamentale, 
qu'elle revêt d'une forme sensible en rapport avec l'état 
d'esprit de l'auteur humain et de ses contemporains. » 
Les choses étant ainsi envisagées, pourquoi chercher un 
accord positif de la Bible avec les données des sciences 
historiques, davantage qu'avec les données des sciences 
naturelles ? La vérité absolue de la Bible est dans son 
enseignement religieux; mais, en histoire, comme en 
astronomie ou en physiologie, la Bible ne doit avoir 
qu'une vérité relative, celle du temps et du lieu où elle 
a été composée. « Toutes les défectuosités qui nous 
frappent dans l'Écriture, dit M. Loisy, et qui résultent 
«oit des opinions courantes de l'antiquité en matière 
de cosmologie et de sciences naturelles, soit du manque 
d'informations historiques sur les temps primitifs ou 
trop anciens, soit des procédés de composition usités 
dans le milieu où les Livres Saints ont été écrits, soit 
enfin du caractère plus simple et plus rudimentaire 
des croyances religieuses dans les âges très reculés... 
■contribuaient à rendre la Bible vraie pour le temps où 
■elle a paru. Cette vérité purement relative' ne porte 
aucun préjudice à la valeur absolue des principes qui 



sont à la base de l'enseignement biblique. » Au fond, 
« les auteurs bibliqu.es ne se sont pas trompés dans les 
endroits où nous les prenons en défaut, parce qu'ils 
n'ont pas eu l'intention formelle d'enseigner comme vrai 
en soi ce que nous trouvons erroné. » A. Loisy, Études 
bibliques, Paris, 1901, p. 28, 54 sq., 70. 

b) Le P. Durand. ~ C'est une théorie à peu près ana- 
logue, semble-t-il, qu'exposait le P. Durand, dans son 
article sur l'Autorité de ta Bible en histoire, dans la 
Revue du Clergé français, 1« décembre 1902, p. 1 sq. 
Selon lui, « la Bible est un code religieux et moral, bien 
plus qu'un livre d'hsitoire. » « L'histoire biblique a été 
écrite ad docendum, en vue d'une leçon à donner, d'une 
morale à tirer. » L'objet principal de l'inspiration com- 
prend les vérités religieuses et morales : elles ont été 
consignées pour elles-mêmes. « Tout le reste, y com- 
pris l'histoire, constitue l'objet secondaire, qui n'a été 
accueilli qu'en vue de l'objet principal. » Dès lors, en 
écrivant l'histoire, les auteurs inspirés ont été réduits 
aux moyens ordinaires d'information, et le secours d'en 
haut ne s'est pas occupé de leur faire écrire la vérité en 
ces matières d'ordre secondaire et accessoire. — « Que 
restera-t-il de certain dans l'histoire de nos origines?... 
Il restera tout d'abord l'objet principal des Écritures, qui 
est la raison même de leur inspiration. Il restera encore 
intacte la substance de l'histoire biblique. Quant à l'exac- 
titude rigoureuse des détails, nous n'avons pas plus à la 
nier en général, qu'à la supposer a priori, comme si 
elle était une conséquence nécessaire de l'inspiration. 
Dans chaque cas particulier, la question à se poser est 
celle-ci : Avons-nous des motifs suffisants de croire que 
l'historien inspiré a voulu étendre jusqu'à ces limites 
extrêmes l'autorité de son témoignage certain? » 

c) Le P. Bonaccorsi et le P. Zanecchia. — Les idées 
du P. Durand ont été approuvées par le P. Bonaccorsi, 
dans un article des Studi religion, juillet-août 1902, 
p. 281-332, sur La veracità storica dell' Esateuco, 
reproduit dans ses Questione bibliche, Bologne, 1904. 
« S'il appartient à la théologie d'affirmer la pleine 
vérité de la Sainte Écriture, parce que Dieu lui-même 
est auteur de toute l'Écriture, d'autre part, il appartient 
à la critique de déterminer dans chaque livre en parti- 
culier l'espèce de cette vérité; celle-ci dépend du genre 
littéraire adopté. » Or, on peut supposer un genre litté- 
raire qui ne sera ni de l'histoire proprement dite, ni de 
la légende ou du roman pur et simple, mais quelque 
chose de mixte, une sorte d'histoire légendaire, comme 
on la trouve chez tous les peuples anciens. Ce genre 
littéraire peut figurer dans la Bible au même titre que 
les autres, et il y figure de fait. Pour l'historien biblique, 
en effet, comme pour tous les historiens de l'antique 
Orient, l'histoire était un art plus qu'une science, une 
peinture plus qu'une photographie. « Raconter les 
choses comme elles avaient été transmises par tradition 
du père au fils dans les longs récits du soir, ou peut- 
être comme elles se trouvaient narrées dans quelque 
livre, le premier venu, voilà tout l'idéal de l'historien 
oriental; cet écrivain ne sentait pas le besoin de re- 
cherches ultérieures, ni d'examen critique. » D'ailleurs, 
« les écrivains sacrés n'ont pas écrit pour la satisfaction 
de la curiosité scientifique des lecteurs, mais pour leur 
édification et leur instruction religieuse. L'histoire 
avait à leurs yeux de l'importance pour autant qu'elle 
pouvait contribuer à ce but, et c'est cette intention qui 
a guidé la composition des livres dits historiques. » — S'il 
en est ainsi, la vérité historique d'un fait quelconque 
ne peut se déduire formellement de ce que ce fait est 
raconté dans la Bible; elle devra être prouvée par d'au- 
tres considérations, soit exégétiques, s'il y a dans le 
texte des indices suffisants que l'auteur a l'intention 
d'affirmer en son propre nom, soit critico-historiques, 
comme l'âge et la nature des documents employés, la 
comparaison avec d'autres faits historiques certains; 



1401 



MYTHIQUE (SENS) 



1402 



soit dogmatiques ; ainsi, le dogme du péché originel nous 
garantit que la chute du premier homme, décrite dans 
la Genèse, est, sinon dans les circonstances, du moins 
dans la substance, un fait historique. Cf. Revue biblique, 
juillet, 1903, p. 475 sq. — Ce sont des idées fort sem- 
blables qu'expose le P. Zanecchia, Scriplor sacer sub 
divina inspiratione juxta sententiam cardinalis Fran- 
%elin, Rome, 1903, p. 88 sq. 

B) Sentiment catholique plus général. — Cependant 
la plupart des écrivains catholiques trouvent ces prin- 
cipes sujets à caution et leurs applications excessives. 
— Il est très vrai qu'il y a diversité de genres littéraires 
dans la Bible, et que certains genres d'apparence his- 
torique ne comportent pas néanmoins la vérité habi- 
tuelle de l'histoire. C'est ainsi qu'on s'accorde à re- 
connaître une certaine part d'idéalisme dans le premier 
chapitre de la Genèse, un cadre et une ornementation 
poétiques dans le livre de Job, une fiction littéraire dans 
le livre de la Sagesse, de simples paraboles dans les 
récits du bon Samaritain, de Lazare et du mauvais 
riche. Le P. Prat dit très bien : « Dieu enseigne tout ce 
qui est enseigné dans la Bible, mais il n'y enseigtfe 
rien que ce qui est enseigné par l'écrivain sacré, et ce 
dernier n'y enseigne rien que ce qu'il veut enseigner. 
La portée et l'étendue des affirmations d'un auteur nous 
sont connues par son genre littéraire et les lois qui ré- 
gissent le langage humain. » Les historiens inspirés et 
leurs sources, dans les Études du 20 février 1901, 
p. 485. Et encore : « 11 peut y avoir autant et plus de 
vérité morale et religieuse dans un récit fictif que dans 
une histoire réelle. » Progrès et tradition en exégèse, 
dans les Études du 5 décembre 1902, p. 628. Cf. P. La- 
grange, La méthode historique, 3 e édit., Paris, 1904, 
p. 93. — Mais, si l'on posait en principe qu'il n'y a plus à 
chercher de l'histoire dans aucun de nos Livres Saints, 
fût-ce dans les livres dits historiques, des Juges ou des 
Rois, si l'histoire n'était plus à considérer pour elle- 
même, mais seulement pour l'enseignement moral ou 
religieux auquel elle contribue, il semble qu'il n'y aurait 
plus alors qu'un seul genre littéraire dans la Bible : le 
genre parabolique ou didactique, dans lequel la forme 
historique ne serait rien, la leçon à faire valoir serait 
tout. Cette conséquence est d'ailleurs expressément 
rejetée par les savants religieux nommés dans le para- 
graphe précédent; ils gardent intacte toute la substance 
de l'histoire biblique. 

Que si l'on continue de distinguer les livres histori- 
ques des livres paraboliques proprement dits, mais en 
posant en principe que dans ces livres la réalité de 
l'histoire se trouve mêlée à la légende, peut-on vraiment 
penser que ce mélange d'histoire et de légende constitue 
un genre littéraire spécial ? Pour le prétendre, il fau- 
drait pouvoir affirmer a priori que l'auteur a voulu 
positivement cette forme d'histoire, qu'il a entendu sim- 
plement reproduire ce qu'il trouvait dans les vieux 
documents, ce que l'on avait coutume de raconter de 
père en fils, sans rien affirmer lui-même sur la vérité 
des choses. Or peut-on apprécier ainsi les intentions des 
écrivains sacrés? On dit bien que la Bible a un but re- 
ligieux et moral : cela est vrai; mais n'a-t-elle pas aussi, 
dans l'ordre religieux et moral, un but historique? 
L'inspiration n'a-t-elle pas eu en vue d'instruire l'huma- 
nité, sur ses origines, sur l'histoire du peuple de Dieu, 
comme sur la vie de Jésus-Christ et les origines de 
l'Église? Et si l'on accorde ce but historique de la Bible, 
pour ce qui est de l'économie fondamentale, soit de 
l'Ancien, soit du Nouveau Testament, en particulier 
pour la substance des faits qui supportent le dogme, 
tel que celui de la chute du premier homme, n'est-il 
pas vrai aussi que la vérité du fond est grandement 
intéressée à la vérité des détails, et que le droit de la 
Bible à notre croyance sur les points de doctrine qui 
touchent à la région des faits est fortement engagé dans 



la question de sa vérité générale en matière d'histoire? 

Aussi les auteurs catholiques, tout en admettant qu'un 
historien sacré pourrait avoir utilisé des documents sans 
valeur, s'il n'en garantit point l'exactitude, ou que des 
livres ou parties de livres inspirés pourraient n'avoir 
qu'une valeur didactique, sous les apparences de l'his- 
toire, admettent-ils généralement que l'historicité des 
faits bibliques doit être reconnue en principe, tant 
qu'on n'a pas de preuves véritables du caractère non 
historique de l'écrit en question. Cela paraît conforme 
aux décisions récentes de la Commission pontificale 
pour les Études bibliques. — On demandait s'il était per- 
mis à un exégète catholique, pour résoudre les difficultés' 
qui se présentent en certains passages de l'Écriture, 
d'affirmer que dans ces endroits il y avait une citation 
implicite de quelque document profane, dont l'auteur 
inspiré n'entendait nullement faire siennes toutes les 
assertions. Le 13 février 1905, la Commission a répon- 
du : « Négativement, excepté le cas où, le sentiment et 
le jugement de l'Église étant réservés, il serait prouvé 
par des arguments solides : 1" que l'hagiographe cite 
véritablement des paroles ou des documents d'autrui; 
et 2° qu'il ne les approuve ni ne les fait siens, de telle 
sorte qu'on peut estimer à bon droit qu'il ne parle pas 
en son propre nom. » Cf. Revue bïbl., avril 1905, 
p. 161. — On a demandé également si l'on pouvait ad- 
mettre, comme un principe de saine exégèse, que des 
Livres Saints, tenus pour historiques, peuvent, en tout ou 
en partie, ne pas raconter une histoire proprement dite, 
mais avoir simplement les apparences de l'histoire pour 
signifier tout autre chose que ce que marque le sens 
littéral, Le 22 juin 1905, la Commission a répondu : 
« Négativement, excepté le cas — qu'il ne faut point ad- 
mettre facilement ni à la légère — où, le sentiment de 
l'Église ne s'y opposant pas et son jugement étant ré- 
servé, il est prouvé par des arguments solides que 
l'hagiographe a voulu, non raconter une histoire véri- 
table et proprement dite, mais, sous l'apparence et sous 
la forme de l'histoire, proposer une parabole, une allé- 
gorie, ou quelque leçon étrangère au sens] proprement 
littéral ou historique des mots. » Cf. Revue bibl., 
juillet 1905, p. 321. 

On comprend que, suivant la position prise vis-à-vis 
des questions de principe que nous venons d'exposer, 
diverses soient les opinions des critiques catholiques 
sur la façon d'apprécier l'historicité des livres ou pas- 
sages de l'Écriture, sur la part à y faire à ce que les 
hétérodoxes qualifient volontiers de mythe, à ce que les 
catholiques préfèrent appeler genre parabolique, genre 
midraschique, ou histoire légendaire. Nous nous con- 
tenterons d'exposer l'attitude des écrivains catholiques 
relativement aux divers essais d'interprétation mythique, 
soit de l'Ancien, soit du Nouveau Testament. Nous y 
joindrons quelques appréciations critiques sur les points 
principaux; et, pour une critique plus complète, on 
voudra bien se reporter aux articles spéciaux du Dic- 
tionnaire. 

I. a propos de l'ancien testament. — 1» Les pre- 
miers chapitres de la Genèse. 

A) Opinion de M. Loisy. — En rendant compte de 
l'ouvrage de Ryle, dans Y Enseignement biblique, janv.- 
févr. 1893, art. sur Les onze premiers [chapitres de la 
Genèse, reproduit dans les Etudes bibliques, 1901, 
p. 61 sq., M. Loisy écrivait : « Il y a, touchant l'expli- 
cation des premiers chapitres de la Genèse, une opinion 
qui nous paraît à peu près certaine, et une hypothèse 
que nous croyons très vraisemblable. Notre opinion est 
que les premiers chapitres de la Genèse ne contiennent 
pas une histoire des origines du monde et de l'humanité, 
mais plutôt la philosophie religieuse de cette histoire, 
bien qu'il y ait dans ces chapitres certains souvenirs 
traditionnels ayant une signification historique," notre 
hypothèse est que le cadre dans lequel cette philosophie 



1403 



MYTHIQUE (SENS) 



1404 



religieuse nous est présentée a été fourni en partie par 
la tradition chaldeenne. » Etudes bibl., p. 70. — Dans son 
ouvrage sur Les mythes babyloniens et les premiers 
chapitres de la Genèse, Paris, 1901, le même critique 
suppose la non-historicité de ces premiers chapitres et 
s'explique plus complètement sur leur rapport avec la 
mythologie chaldeenne. « Ce que révèle, dit-il, à l'obser- 
vateur sans parti pris la comparaison des mythes chal- 
déens avec les premières pages de la Bible est précisé- 
ment l'origine vraisemblable de certains récits ou de 
certains éléments de récits, envisagés dans leur structure 
extérieure et par leur côté descriptif; et c'est aussi la 
puissante originalité de l'esprit religieux d'Israël, qui a 
su tirer des vieilles légendes mythologiques de la Chaldée 
un enseignement moral, en les adaptant à la croyance 
monothéiste. » Cependant, « le rapport des deux tradi- 
tions, chaldeenne et israélite, est moins simple qu'on 
ne l'avait cru d'abord, lorsqu'on se représentait les lé- 
gendes bibliques comme dérivées tout entières et immé- 
diatement de la littérature religieuse des Chaldéens. Il 
ne saurait plus être question de prendre en bloc les 
onze ou douze premiers chapitres de la Genèse et d'y 
retrouver comme une réduction monothéiste des mythes 
babyloniens actuellement connus. » « Les récits bibliques 
ne sont pas de simples décalques, exécutés à un moment 
donné, sur des traditions ou des textes babyloniens; et, 
quoique les légendes chaldéennes aient fourni en grande 
partie la matière des légendes bibliques, un long travail . 
d'assimilation et de transformation, beaucoup de temps, 
probablement aussi des intermédiaires, c'est-à-dire les 
traditions phénicienne et araméenne, se placent un peu 
partout entre les mythes chaldéens et la Bible. » « Les 
deux traditions, nonobstant la dépendance incontestable 
de la plus récente à l'égard de la plus ancienne, ont eu 
chacune leur éyolution originale. » P. vi-x.j 

C'est en somme la thèse formulée par MM. Gunkel et 
Zimmern. — A la suite de ces critiques, M. Loisy regarde 
le récit biblique de la création comme une adaptation 
à la religion monothéiste d'Israël du mythe babylonien 
de Mardouk, dieu du soleil, luttant contre Tiâmat, 
monstre du chaos; et lui aussi voit au fond du mythe 
babylonien, et par conséquent du récit biblique, un 
mythe naturel, basé sur les phénomènes qui accompa- 
gnent chaque jour le retour de la lumière et chaque 
année le retour du printemps; ces phénomènes auraient 
été interprétés en aventures divines et transportés à 
l'origine des choses, comme si la création n'avait été 
qu'un premier lever du soleil et un premier éveil de la 
nature. P. Xll sq.; 83 sq. 

De même, le récit biblique du déluge n'est qu'une 
adaptation monothéiste du déluge babylonien; le déluge 
babylonien lui-même est un « vieux mythe de la nature », 
p. xii, ayant sans doute pour point de départ « l'inon- 
dation annuelle de la basse Chaldée par la crue de 
l'Euphrate, avec le souvenir d'une ou plusieurs cata- 
strophes occasionnées par cette inondation dans les 
temps primitifs; le tout s'est mêlé et grossi dans la 
perspective du passé lointain, et le mythe du déluge a 
été formé, mythe chaldéen, que la tradition biblique 
doit à la tradition chaldeenne ». P. 170. 

Quant au récit biblique de la chute, dans l'état présent 
de la science assyriologique, rien ne prouve, dit M. Loisy, 
qu'il soit une forme purifiée d'un mythe sur l'origine 
de l'homme qui avait cours parmi les peuples sémi- 
tiques; c'est un récit analogue pour la forme à certains 
mythes chaldéens et qui s'en distingue essentiellement 
par les idées morales qu'il fait valoir. Cf. Revue d'his- 
toire et de littérature religieuse, 1900, p. 540. 

B) Opinion du P. Lagrange. — Le P. Lagrange re- 
nonce, de son côté, à voir dans les premières pages de 
la Genèse une histoire proprement dite. —Dans l'his- 
toire biblique de la création, dit-il, Revue biblique, 
juil. 1896, art. Hexaméron, « il y a 'un enseignement 



littéral, c'est la création de toutes choses; un cadre 
rationnel, c'est l'ordre des œuvres; une allégorie, c'est 
la durée des jours. » P. 396. « Quelle est l'origine pre- 
mière du récit, révélation ou invention humaine? » 
« Nous sommes obligés d'admettre l'origine divine de 
l'enseignement » théologique, « parce qu'il a vraiment 
un caractère surnaturel. » P. 403. Mais le cadre litté- 
raire doit être attribué à l'invention humaine. « La cos- 
mogonie mosaïque est unique dans son enseignement, 
parce qu'il vient de Dieu; elle ressemble dans son cadre 
aux autres cosmogonies sémitiques, parce que ce cadre 
est le fruit du génie sémite. » L'auteur sacré a « em- 
prunté quelque chose à une explication populaire ou 
poétique de la création » ; le récit a une « origine hu- 
maine, divinisée par l'inspiration ». P. 405, 406. 

De même faut-il distinguer, dans l'histoire du paradis 
terrestre, « d'un côté, l'enseignement, de l'autre, le voile 
qui le recouvre; comme base de l'enseignement, des 
faits certains, mais représentés d'une manière figurée. » 
Revue bibl., juillet 1897, art. L'innocence et le péché, 
p. 368. « L'Église ne nous dit pas si les circonstances 
du récit doivent être prises à la lettre, et aucune doc- 
trine théologique importante n'est fondée sur la réalité 
historique de ces faits : que la femme a été formée d'une 
côte de l'homme, ou que le serpent a parlé. » En réalité, 
l'auteur inspiré a transmis l'histoire de la chute, connue 
par révélation divine, telle qu'elle se racontait dans la 
tradition populaire, avec ses détails pittoresques, où 
lui-même n'a dû voir que de pures métaphores. « Il 
nous a paru certain qu'il prétendait enseigner une his- 
toire vraie; mais il se montrait trop pénétrant et trop 
profond pour ne pas comprendre ce qu'elle avait 
d'étrange dans les détails, et il nous mettait lui-même 
sur la voie de l'interprétation symbolique. » « Si une 
histoire vraie, connue par révélation, a pris dans une 
nation une forme populaire, un homme de génie ne 
pourra-t-il la revêtir de ces circonstances pittoresques 
qui figureront dans son récit comme une métaphore ou 
un symbole? De ce que de son temps la majorité les 
prenait à la lettre, il ne s'ensuit pas qu'il l'ait entendu 
ainsi. » P. 378. 

D'après le même écrivain, il faut voir] dans l'épisode 
du déluge, avec la grande majorité des anthropologistes, 
non la simple traduction en histoire d'un phénomène 
astronomique, mais « nn souvenir plus ou moins altéré 
d'inondations véritables ». « Le caractère général de la 
légende biblique indique plutôt une inondation réelle, 
dont l'interprétation religieuse dépasse d'ailleurs de 
beaucoup l'importance historique. » La méthode histo- 
rique, p. 214. — De même, l'épisode de Babel est une lé- 
gende ayant un certain fondement dans la réalité . « La 
tour de Babel n'est point une pure imagination. L'au- 
teur biblique avait sûrement en vue ce temple gigan- 
tesque de Borsippa, demeuré inachevé, et que Nabucho- 
donosor se fit gloire de conduire à son couronnement. » 
Ibid. — L'épisode de la femme de Lot changée en statue 
de sel doit appartenir à a l'histoire primitive légendaire ». 
« L'auteur ne croyait sans doute pas à la réalité du fait. » 
Mais « la ruine de Sodome et de Gomorrhe ne doit pas 
sans plus être reléguée au rang des mythes purs ». 
P. 207, 214. 

D'autre part, au sentiment du P. Lagrange, il est pro- 
bable que cette histoire biblique primitive a gardé dans 
certains cas la trace des influences babyloniennes. — « S'il 
est, dit-il, dans la Bible, une page qui ressemble litté- 
ralement à une page babylonienne, c'est l'épisode du 
déluge. » lbid., p. 200. « Que résulterait-il de fâcheux 
s'il était prouvé que le peuple hébreu ou qu'Abraham, 
le grand ancêtre et le dépositaire de la tradition reli- 
gieuse, n'a connu le déluge que d'après la tradition de 
Babylone? » Revue bibl., avril 1905, p. 301. -j- La cosmo- 
gonie mosaïque ressemble dans son cadre aux autres 
cosmogonies sémitiques : or, « le récit babylonien parait 



1405 



MYTHIQUE (SENS) 



1406 



bien l'ancêtre des autres. » « Le poème chaldéen est 
tellement complet, tellement original, qu'il a le cachet 
d'une œuvre personnelle, qui aura donné désormais aux 
idées populaires une forme déterminée. Les Hébreux 
ont pu s'en inspirer, non par imitation littéraire directe, 
mais par influence ambiante. » Ibid., juil. 1896, p. 406. — 
Enfin, si « on ne peut conclure à une dépendance litté- 
raire entre le récit de la Genèse » relativement au para- 
dis terrestre « et des récits à nous connus », cependant 
« on se meut, dans le monde sémitique, dans le même 
cercle de symboles, séjour délicieux des dieux, arbres 
sacrés de la vie ou de la science, pouvoir merveilleux du 
serpent ». Ibid., juil. 1897, p. 377. 

Récemment le même critique résumait ainsi sa pensée 
sur ce point : « Entre l'hypothèse absolument gratuite 
de traditions qui se seraient conservées dans leur pu- 
reté primitive en dehors de toute situation historique 
connue, pour être recueillies par un peuple qui n'exis- 
tait pas encore, et l'hypothèse, gratuite aussi, de l'em- 
prunt par les Israélites de traditions toutes faites avec 
leur polythéisme et leur mythologie, il y a, pensons-nous, 
un moyen terme. On peut supposer une tribu, placée 
sous la sphère d'influence de la civilisation babylonienne, 
mais ayant conservé des notions plus pures sur la divi- 
nité, qui se serait informée des théories savantes de la 
grande Babylone sur l'origine des choses. Selon l'usage 
antique, cette science était moulée dans des poèmes 
mythologiques, mais les théorèmes n'en avaient pas 
moins leur valeur propre, par exemple le chaos primor- 
dial aqueux, et pouvaient être mis en œuvre par des 
idées religieuses différentes de celles des Babyloniens. 
C'est là, peut-être, que git la conciliation entre les bi- 
blistes catholiques et les assyriologues. » Ibid., avril 
1905, p. 302. 

Faudra-t-i] donc admettre des mythes dans la Bible? 
« Si par mythe, dit le P. Lagrange, on entend une 
théorie affirmée et fausse sur l'origine des choses, le 
mythe ne peut se trouver dans la Bible ; si par mythe on 
entend une manière familière et populaire, métaphorique 
si l'on veut, de dire des choses vraies, le mythe pourra 
figurer dans Ja Bible; quelques-uns lui donneront le 
nom d'allégorie. » Ibid., juil. 1896, p. 393. Plus récem- 
ment, le B. P. a repoussé résolument l'appellation, la 
réservant à la mythologie polythéiste et lui substituant 
celle d'histoire allégorisée ou d'histoire légendaire. 
«Y aurait-il des mythes dans la Bible? se demande-t-il. 
L'opinion commune se soulève à cette pensée et ne veut 
pas entendre prononcer le mot. Quelques auteurs catho- 
liques, de jour en jour plus nombreux, demandent à 
distinguer. Naturellement ils ne tiennent pas au mot, si 
le mot fait de la peine. Mais ils le trouvent commode 
pour exprimer la ressemblance, du moins extérieure, 
entre les mythes et l'histoire primitive. Seulement, ont- 
ils soin d'ajouter, les éléments mythologiques qu'on 
trouve dans la Bible sont soigneusement « dépouillés 
« de leur couleur polythéiste, ils servent seulement à re- 
« vêtir de hautes pensées religieuses » (dom Hildebrand 
Hôpfl, bénédictin, Die hôhere Bibelhritik, Paderborn, 
1902, p. 63)... Je pense, pour ma part, qu'il vaut mieux 
écarter définitivement le mot, parce que l'usage attache 
au mot mythe l'idée d'une religion fausse et même pué- 
rile. » « Comme le mythe dans l'opinion commune signifie 
l'histoire des dieux, nous disons qu'il n'y a pas de 
mythes dans la Bible. » La méthode historique, p. 200, 
206. « Mais du mythe à l'histoire proprement dite il y 
a loin. » « Entre le mythe, qui est l'histoire des choses 
considérées comme des personnes et ensuite comme des 
dieux, et l'histoire proprement dite, il y a l'histoire pri- 
mitive légendaire. » Ibid., p. 185, 208. 

C) Sentiment catholique plus général. — o) Caractère 
historique des récits. — Cependant la plupart des sa- 
uvants catholiques, non seulement repoussent le nom 
■de mythes" appliqué aux premiers récits de la Genèse, 



mais encore reconnaissent à l'ensemble de ces récits un 
caractère proprement historique, se contentant d'ad- 
mettre une part d'idéalisme dans la description de la 
création du monde et de discuter le caractère métapho- 
rique de tel ou tel trait des autres récits. — A leur sens, 
la cosmogonie mosaïque correspond d'une manière éton- 
nante, dans ses grandes lignes, à ce qu'ont révélé les 
sciences naturelles. L'astronomie a fixé une origine à 
notre planète; la géologie a retracé l'histoire de notre 
globe, constatant dans ses terrains les apparitions suc- 
cessives des végétaux, des animaux, et enfin de l'homme : 
n'est-il pas précisément remarquable que l'écrivain mo- 
nothéiste, au lieu de montrer Dieu créant d'un seul coup 
de sa puissance l'univers et tous ses êtres, le fasse pro- 
céder par créations distinctes, graduées et progressives, 
qui d'une façon large s'harmonisent bien avec les concep- 
tions actuelles sur l'origine du monde. — De même, la 
science anthropologique la plus sûre requiert une inter- 
vention spéciale du Créateur pour la formation de 
l'homme et celle de la femme; la théologie, et on pour- 
rait presque dire la philosophie, nous enseignent le 
dogme de la déchéance originelle ; l'histoire semble té- 
moigner d'un cataclysme primitif exceptionnel, dont le 
souvenir figure parmi les traditions les plus répandues 
des peuples anciens : il nous faut donc admettre les faits 
relatés aux premiers chapitres de la Genèse, au moins 
dans leur substance. — Dans ces conditions, ne vaut-il 
pas mieux les prendre tels qu'ils nous sont présentés en 
ces pages si pénétrées de sens moral et religieux, sauf à 
y faire la part habituelle, mais seulement habituelle, de 
l'image et de la métaphore ? Ce que ces récits contiennent 
de détails extraordinaires — qu'Eve ait été formée 
d'une côte du premier homme, que le démon se soit 
caché sous la forme d'un serpent, que la chute ait eu lieu 
par le fruit défendu, que Dieu se soit entretenu familiè- 
rement avec Adam au paradis terrestre ou avec Noé au 
moment du déluge — cela même ne p'eut-il se concevoir 
comme croyable, si nous nous dépouillons de nos ha- 
bitudes modernes de penser, en ces âges primitifs, où 
Dieu a pu en quelque sorte s'adapter aux conditions ori- 
ginelles et naïves de l'humanité en son enfance ? Cf. F. Vi- 
goureux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 
5» édit., Paris, 1904, t. m, p. 254 sq.; t. iv, p. 139 sq.; 
Manuel biblique, 12« édit., Paris, 1906, t. i, n. 285-286, 
p. 549-554; J.-B. Pelt, Histoire de l'Ancien Testament, 
2= édit., Paris, 1898, t. i, p. 39 sq. 

6) Rapport avec les mythes babyloniens. — Pour 
ce qui est du rapport des récits génésiaques avec les 
mythes de Babylone, la plupart des écrivains catho- 
liques raisonnent ainsi : C'est un fait, admis par M. Loisy 
comme par MM. Gunkel et Zimmern, que les récits 
bibliques ne dérivent pas directement des mythes baby- 
loniens actuellement connus. C'est un autre fait, égale- 
ment admis de tous les critiques, que nos récits sont 
incomparablement plus simples, plus sobres, plus dignes, 
que tous les récits analogues auxquels on a pu les com- 
parer, qu'ils les dépassent infiniment pour la portée 
morale et le sens religieux. Dans ces conditions, peut- 
on encore faire dépendre les récits bibliques des mythes 
babyloniens, même moyennant un long travail d'assimi- 
lation et de transformation? Il parait bien peu vraisem- 
blable que la tradition israélite, en admettant même 
toutes sortes d'intermédiaires, ait pu, en fin de compte, 
transformer des mythes polythéistes, aussi grossiers que 
les mythes babyloniens du déluge et de la création, en 
des récits aussi purs, aussi hautement religieux, que les 
récits génésiaques. 

M. Zimmern croit voir à la base de la cosmogonie 
chaldéenne, et par conséquent de la cosmogonie bi- 
blique, une transposition mythique de phénomènes na- 
turels, propres au pays de Babylone. Mais, son hypo- 
thèse est fort sujette â caution. — D'une part, le triom- 
phe de Mardouk sur Tiàmat ne parait pas pouvoir se 



1407 



MYTHIQUE (SENS) 



1408 



rapporter à la lutte du soleil matinal contre les ombres 
de la nuit : Tiâmat ne représente en aucune façon les 
ténèbres, c'est simplement la personnification de la mer; 
comme telle, elle reçoit même le nom de brillante. Le 
combat mythologique ne peut davantage, semble-t-il, se 
rapporter â la lutte du soleil printanier contre les 
inondations hivernales : ces inondations, venant des 
pluies, pouvaient-elles être regardées comme un enva- 
hissement de la mer, et leur disparition être représentée 
par une victoire deMardouk sur Tiâmat? L'idée qui est 
très clairement au fond du poème chaldéen, c'est le 
triomphe d'une force intelligente sur une force désor- 
donnée, le triomphe du dieu de l'ordre et de l'harmonie 
cosmiques sur les éléments indomptés et tumultueux. 
Cf. P. Lagrange, Études sur les religion» sémitiques, 
2 e édit., Paris, 1905, p. 378. — D'autre part, il est pré- 
cisément très remarquable que cette idée fondamentale 
du mythe babylonien, à savoir le combat entre Mardouk 
et Tiâmat, est totalement absente du récit biblique, où 
« le Créateur est maître dès le commencement ». Loisy, 
Les mythes babyl., p. xin. 

M. Zimmern a prétendu rapporter aux mêmes phé- 
nomènes le récit du déluge. Cette hypothèse n'est pas 
moins invraisemblable. Comment croire que deux ré- 
cits, aussi distincts que celui de la création et celui du 
déluge, traduisent un seul et même mythe naturel? Il 
parait d'ailleurs impossible que l'histoire du déluge ait 
pour unique base un phénomène de la nature, habituel 
et constant. M. Loisy est d'accord avec la presque una- 
nimité des anthropologistes lorsqu'il rattache cette his- 
toire à un cataclysme exceptionnel. Rien donc n'oblige 
à mettre nos récits génésiaques en rapport nécessaire 
avec Babylone. — Ne pourrait-on pas aussi vraisembla- 
blement, sinon plus vraisemblablement, faire l'hypothèse 
que les récits babyloniens dépendraient eux-mêmes 
d'une tradition primitive, étroitement apparentée à la 
tradition israélite,- dont ils ne seraient en quelque sorte 
qu'un dérivé, altéré et déformé au cours des âges, sous 
l'influence du polythéisme ? C'est ainsi que la description 
de la lutte entre Mardouk et Tiâmat semble appartenir 
à un second stade de la pensée sémitique; on dirait bien 
la complication d'une pensée primitive, plus sobre et 
plus saine, telle que celle qui se trouve au fond du récit 
génésiaque. Le plus simple a dû venir avant le plus 
complexe; la prose, avant la poésie. Le nom même de 
tiâmat, qui est évidemment à rapprocher du mot 
hébreu tehôm, n'a-t-il pas dû désigner la mer, au sens 
matériel, avant de devenir la mer poétisée et personnifiée ? 
L'assyrien tiâmat ou tihamti est employé comme nom 
commun, pour signifier la mer ou l'océan, aussi bien 
que l'hébreu tehôm; et l'on peut croire que la racine 
première de ces expressions renferme l'idée d'agitation 
des eaux, de tumulte des Ilots, se rattachant ainsi au 
phénomène naturel qui a dû frapper en premier lieu 
les humains. Comp. tehôm avec yam, la mer, et hoûm, 
hâmâh, hâmam, etc., être agité. De même, l'assyrien 
bahu a-t-il dû, comme l'hébreu bôhû, désigner le chaos, 
avant de devenir Bahu, la déesse du chaos. — M. Vigou- 
roux résume ainsi sa pensée, touchant le récit de la 
création : « L'écrivain israélite et les écrivains mésopo- 
tamiens nous ont transmis une même tradition, qui a 
été commune à l'origine, mais qui a pris des couleurs 
diverses en passant par des canaux différents. » « Les 
traditions bibliques sont plus pures, plus rapprochées 
de la source que les traditions chaldéennes. » « Ces 
dernières, qui ne nous sont parvenues que couvertes 
d'une épaisse couche de rouille mythologique, ont été 
altérées et défigurées par la suite des temps. » La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e édit., Paris, 1896, t. i, 
p. 237. — Et à propos de l'histoire du déluge : Le récit de 
Moïse « est-il une simple épuration de la tradition chal- 
déenne, ou bien est-ce la tradition antique conservée 
dans toute la fleur de son intégrité, par la race d'Abra- 



ham? Nous ne saurions le dire, mais nons pouvons 
l'affirmer sans crainte de nous tromper, si c'est une 
épuration, ce n'est pas une épuration humaine ». « Qui- 
conque étudiera sérieusement ces deux relations antiques 
du déluge, si semblables par le côté pour ainsi dire 
matériel, aussi éloignées l'une de l'autre que le ciel l'est 
de la terre par le coté dogmatique et théologique, ne 
pourra s'empêcher de s'écrier, saisi d'admiration devant 
les pages de la Sainte Écriture : le doigt de Dieu est 
là. » Ibid., p. 332. 

2° Histoire des patriarches. — a) Le mythe astral. — 
En passant à la suite de l'histoire biblique, nous avons 
vu l'histoire des patriarches et, en partie, celle des Juges 
et des Rois, expliquée par le mythe astral. Bien aventu- 
reuse est cette interprétation. — La mythologie chaldéenne 
a-t-elle une origine purement astronomique, comme le 
prétend Winckler? C'est une première question qui est 
loin d'être élucidée. Ce qui est encore plus hypothétique, 
c'est que toutes les mythologies se rattachent originelle- 
ment à celle de Babylone : une telle conclusion ne peut 
se tirer de rapprochements isolés et souvent incertains. 
Cf. K. Budde, Das Alte Testament und die Ausgrabun- 
gen, Giessen, 1903; E. Kbnig, Altorientalische Weltan- 
schauung und das A. T., Berlin, 1904. — Pour ce qui est 
de l'histoire d'Israël, on n'arrive à la réduire à la my- 
thologique astrale de Babylone que moyennant une exé- 
gèse extrêmement arbitraire, subjective, et parfois ri- 
dicule. Les textes sont traités avec beaucoup de désin- 
volture; on torture les noms propres, les nombres, les 
données géographiques, pour les faire accorder avec le 
système préconçu; on relève les indices les plus vagues, 
on opère les rapprochements les plus forcés, les combi- 
naisons les plus fantaisistes; ce qui gêne par trop est 
purement et simplement éliminé. Le père d'Abraham a 
pour nom Térah (Tharé) : on le change en Yérafy, pour 
obtenir « la Lune ». Le jeune Benjamin reçoit trois cents 
pièces d'argent et cinq habits d'honneur : ce sont les 
trente jours du mois et les cinq jours épagomènes. Le 
nom de Saùl (Sa'ùl) signifie « le demandé », on l'interprète 
a le consulté », et aussitôt l'on y trouve Sin, le dieu-lune, 
oracle des Chaldéens ; la ville près de laquelle il meurt 
est Befse'ân, « la maison de repos, » on la change en 
Betsin, et l'on obtient « la maison de Sin »; la lance 
dont le roi d'Israël menace David ne peut être que le ja- 
velot, insigne du dieu-lune; et l'on n'a pas de peine à 
trouver dans son humeur noire et sa décapitation finale 
un symbole de l'assombrissement progressif et enfin de 
la disparition du disque lunaire! A ce jeu d'esprit on 
réussit toujours, avec un peu de perspicacité et beau- 
coup d'imagination. — Cheyne lui-même, tout en disant 
qu' « on pourrait admettre quelques menus éléments 
mythologiques en certains récits bibliques », déclare que 
« les arguments de Winckler paraîtront à beaucoup 
d'esprits trop laborieusement cherchés pour être con- 
vaincants »..Art. Jacob, g 8, Encycl. bibl., t. Il, col. 2312. 
— De son côté, M. Jeremias, qui consent à trouver un 
certain rapport entre les douze fils de Jacob et les 
douze signes du zodiaque, avoue néanmoins que le 
nombre pourrait être historique, car, fait-il observer, 
l'empereur Guillaume, lui aussi, a sept enfants, six fils 
et une fille, or l'on pourrait bien y voir les sept planètes, 
y compris Vénus. N'est-ce pas en suivant les mêmes 
procédés que des écrivains ont fort gravement prétendu 
trouver dans chacun des contes populaires, recueillis 
par La Fontaine ou Perrault, un petit drame cosmique, 
ayant pour acteurs le soleil et l'aurore, la nuit, l'hiver, 
l'ouragan? — D'après A. de Gubernatis, Storia délie no- 
velline popolari, Milan, 1883, p. 83, il faut voir dans la 
Laitière et le Pot au lait « l'aurore qui rit, danse et cé- 
lèbre ses noces avec le soleil, brisant, comme on brise 
en pareille occasion la vieille vaisselle de la maison, le 
pot qu'elle porte sur la tête et dans lequel' est Contenu 
le lait que l'aube matinale verse et répand sur la terre ». 



1409 



MYTHIQUE (SENS) 



1410 



— A. Lefêvre, Des Contes de Perrault, avec deux essais, 
Paris, 1882, p. lx sq., interprète ainsi le petit Chaperon 
touge : « Ce chaperon ou coiffure rouge, c'est le carmin 
de l'aube. Cette petite qui porte un gâteau, c'est l'aurore, 
que les Grecs nommaient la messagère, angelieia. Ce 
gâteau et ce pot de beurre,, ce sont peut-être les pains 
sacrés, adorea liba, et le beurre clarifié du sacrifice. La 
ïnère grand', c'est la personnification des vieilles aurores 
tjue chaque jeune aurore va rejoindre. Le loup astucieux 
à la plaisanterie féroce, c'est, ou bien le soleil dévorant 
et amoureux, ou bien le nuage et la nuit. » Dans Peau 
d'Ane, « la belle jeune fille, c'est l'aurore ou la lumière. » 
« La peau d'âne, c'est la brume du matin, ou bien encore 
l'épaisseur du nuage où le soleil enfermé se révèle par 
des rayons intermittents. » Quant au petit Poucet, c'est 
« un dieu aryen conducteur et voleur des bœufs célestes, 
qu'il faut assimiler à l'Hermès enfant des hymnes borné- 
Tiques ». « Les bottes sont la vélocité de la lumière. » 
v. La forêt, c'est la nuit ou le nuage; la lumière entrevue 
du haut de l'arbre, c'est l'aube lointaine. Les cailloux et 
la mie de pain, ce sont les étoiles, la voie lactée. » 
« L'ogre paraît bien être ici le soleil dévorant. » s 

B) Le mythe ethnographique. — a) Opinion de divers 
critiques catholiques. — A côté du mythe astral, on a 
proposé le mythe ethnographique. Pour prétendre que 
les personnages qui figurent dans l'histoire patriarcale 
sont en réalité des personnifications de tribus, il faudrait 
supposer que les termes du récit biblique ne doivent pas 
être pris au sens propre, mais dans un sens figuré. C'est 
une hypothèse que certains auteurs catholiques ont ad- 
mise en partie. Les patriarches, au moins à partir d'Abra- 
ham, auraient réellement existé, mais la tradition qui les 
concerne aurait été influencée par l'histoire postérieure 
des tribus. « Il n'est nullement impossible, dit M. Loisy, 
qu'Abraham ait existé, mais... la plupart des traits de sa 
légende varient selon les sources, ne conviennent pas à 
un individu, sont des symboles ethnographiques ou reli- 
gieux. » Revue d'hist. et de littérat. relig., 1900, p. 543. 
A propos d'Ismaël : « Les destinées de la nation ou de la 
tribu, dit-il, se reflètent parfois dans l'histoire du héros 
éponyme. i> « Le sort de ces tribus (arabes), constam- 
ment repoussées du territoire palestinien vers le désert, 
est figuré dans l'expulsion d'Agar et d'Ismaël. Les ré- 
cits de J et de E sont l'expression populaire d'une réa- 
lité historique. Le sens ethnique des mots prime dans 
ces récits le sens individuel. » lbid., p. 269. De même, 
« Jacob est le type d'un peuple. » Ses bénédictions « ont 
des tribus pour objet, non des personnes; les conditions 
historiques et géographiques qui s'y reflètent sont celles 
du temps des Juges, de Samuel, de David; c'est alors 
qu'elles ont reçu leur forme poétique actuelle. Est-il bien 
nécessaire d'admettre qu'elles se fondent sur une tradi- 
tion remontant jusqu'au patriarche lui-même »? Ibid., 
p. 543. — De son côté, le P. Bonaccorsi, art. cit., p. 305 sq., 
parlant de a l'histoire primordiale qui embrasse tout 
l'âge patriarcal et qui est racontée dans la Genèse », dé- 
clare qu'il suffit de la comparer à l'histoire primitive 
des autres peuples, pour constater immédiatement l'affi- 
nité du genre littéraire entre ces narrations, bien que, 
«n fait de théologie et de morale, la différence soit im- 
mense : or, ajoute-t-il, chez aucun peuple pareille his- 
toire ne se présente comme de l'histoire rigoureuse, 
c'est plutôt un mélange d'histoire et de légende, ce sont 
des traditions populaires que l'histoire veut transmettre 
•à la postérité. Cf. Bévue bibl., 1903, p. 475. — Le P. La- 
■grange, tout en déclarant impossible que nous possédions 
« des souvenirs historiques de ces temps reculés qui ont 
précédé Abraham », La méthode historique, p. 209, 
semble, pour les récits qui concernent les âges suivants, 
poser seulement la question de leur historicité parfaite, 
en insinuant qu'on pourrait, à la façon du Dictionary 
0( the Bible, se contenter d'y trouver une historicité 
substantielle. « Quant au rapport des peuples entre eux, 

D1CT. DE LA BIBLE, 



dit-il, au sentiment de la parenté qui les unit, ou de 
l'hostilité qui les divise, quant aux sanctuaires eux- 
mêmes, la légende peut très bien faire allusion à un 
événement historique. Le vrai problème est donc de sa- 
voir si Israël a conservé, au sujet des patriarches, des 
souvenirs assez précis pour qu'on puisse les qualifier 
d'historiques. » Revue bibl., 1901, p. 619. « II est cons- 
tant que l'histoire ne cesse pas d'être de l'histoire, pour 
être écrite d'une certaine façon. Si Benjamin est un 
homme, il est historiquement certain qu'il est né au 
pays de Canaan; si Benjamin est une tribu, la conclu- 
sion sera la même. Toute la question sera de. s'entendre 
sur le sens des mots et sur la nature du langage, propre 
ou figuré, et de conserver le sens général de la tradi- 
tion. » lbid., 1902, p. 124. 

b) Sentiment catholique plus général. — Cependant 
la plupart des critiques catholiques continuent d'inter- 
préter l'histoire des patriarches au sens littéral. — Il 
leur parait que la question littéraire, dont dépend la 
question même d'historicité, est loin d'être élucidée au 
sens que prétendent généralement les critiques indépen- 
dants. Ce qui semble établi aujourd'hui, c'est que la Ge- 
nèse a été composée à l'aide de documents antérieurs; 
mais cela n'est pas pour diminuer la valeur historique 
de cet écrit : tout au contraire. On tend, il est vrai, à 
abaisser l'origine des deux principaux de ces documents, 
rÉlohiste et le Jéhoviste, au ix s ou vm c siècle avant 
J.-C, environ 500 ans après Moïse, mais, s'il est bien 
certain, comme on le reconnaît, que ces documents ne 
sont pas postérieurs à l'époque des prophètes, Amos, 
Osée (vers 750), rien ne prouve qu'ils ne remontent pas 
plus haut. Un certain nombre de critiques, entre autres 
Driver, Lilerature of the O. T., 1898, p. 125, les assi- 
gnent approximativement aux premiers siècles de la mo- 
narchie (x e ou XI e siècle) : ne pourraient-ils pas être 
encore plus anciens? Dans ces documents principaux, 
on reconnaît des débris de documents primitifs déjà 
utilisés : pourquoi ces documents primitifs ne remon- 
teraient-ils pas aux temps mêmes des patriarches? Les 
découvertes assyriologiques prouvent d'une manière in- 
contestable que l'écriture était usitée depuis plusieurs 
siècles à l'époque d'Abraham. Le Code et les Lettres 
d'Hammourabi, son contemporain, montrent bien qu'on 
écrivait alors souvent et longuement. — Sans doute, 
après avoir distingué des sources multiples dans notre 
livre, on s'efforce de les mettre en opposition les unes 
avec les autres, d'en faire ressortir les variantes, de 
conclure à des modifications tendancieuses, à des trans- 
formations mythiques ou légendaires : mais dans ce tra- 
vail de comparaison il entre trop d'arbitraire, d'esprit 
de système et d'appréciation subjective, pour qu'on 
puisseen accueillir sans défiance les résultats. — Par 
contre, il est très remarquable que partout où les décou- 
vertes modernes ont pu entrer en contact avec les faits 
primitifs de l'histoire biblique, elles en ont montré 
décisivement la vérité. — L'assyriologie trouve un ca- 
chet historique frappant dans l'épisode d'Abraham re- 
poussant l'invasion des quatre princes élamiles, parmi 
lesquels Chodorlahomor, ou Kuudsw-lagamar, « servi- 
teur du dieu élamite Lagamar, et Amraphel, » identifié 
avec Hammourabi. « Quoi qu'en aient dit certains exé- 
gètes, déclare M. Loisy, l'épisode de Chodorlahomor est un 
excellent certificat d'existence personnelle décerné au 
Père des croyants. » Eludes bibl., p. 65. <t II est démon- 
tré avec toute la certitude désirable, dit M. Fritz Hom- 
mel, qu'Abraham a été contemporain de Hammourabi. 
Toutes les données relatives à Hammourabi fournissent 
le cadre naturel de son histoire et confirment en même 
temps d'une manière surprenante l'exactitude de la tra- 
dition biblique qui nous montre l'ami de Dieu fuyant 1q 
polythéisme babylonien. » Die Altisraelitische Ueber^ 
lieferung, p. 199. Cf. F. Vigoureux, La Bible et les dé- 
couvertes modernes, 1896, t. i, p. 481 sq. — L'égypto- 

1T. — 45 



Uii 



MYTHIQUE (SENS) 



1412 



Iogie a confirmé pareillement en une multitude de détails 
l'histoire biblique de Joseph et celle de Moïse : la pre- 
mière a un coloris nettement égyptien, et il est impos- 
sible de lire la seconde sans être frappé de la connais- 
sance intime qu'elle suppose du pays des pharaons. 
Cf. "Vigoureux, op. cit., t. n, p. 1 et suiv., 213 et suiv. Cette 
vérité de la couleur locale et des peintures de mœurs, 
jointe à la vérité des détails individuels et à la vie des 
incidents personnels, ne semble pas permettre au cri- 
tique de voir dans les patriarches une simple personni- 
fication des tribus, ni dans leur histoire un reflet appré- 
ciable de l'histoire postérieure d'Israël. Cf. Ed. Konig, 
Neueste Pr'mzipien der Alttestamentlichen Kritik, 
Berlin, 1902. 

3» Les Juges et les Rois. — Ce sont les mêmes 
remarques qui sont à faire au sujet de l'histoire biblique 
sous les Juges et sous les Rois. — 1 . Les critiques qui at- 
tribuent au livre des Juges une date relativement récente, 
reconnaissent que l'ouvrage a été rédigé à l'aide de docu- 
ments antérieurs. La partie principale, h, 6-xvi, compre- 
nant l'histoire des Juges proprement dits, se composerait 
d'une série de vieux récits, arrangés par un rédacteur 
final, pénétré de l'esprit du Deutéronome. Cf. Cornill, 
Einleit. in dos A. T., p. 91; Driver, Literature of the 
O. T., p. 164 sa.. La compilation serait donc postérieure au 
■vu 9 siècle; mais les divers éléments seraient plus 
anciens, et tout donne à croire qu'ils remontent aux 
premiers temps de la monarchie, à cette époque, très 
voisine des faits,, à laquelle les critiques catholiques 
attribuent généralement la composition du livre. Cf. 
P. Lagrange, Le Livre des Juges, Paris, 1903, p. xxxvi. 
Nous avons donc là un document de premier ordre, 
présentant les meilleures garanties de vérité historique, 
et les découvertes modernes ont permis d'en vérifier en 
maints endroits la sincérité et l'exactitude. Cf. Vigou- 
roux, op. cit., t. m, p. 36 et suiv. — 2. De même, les livres 
de Samuel (I et II Rois) sont basés sur des documents 
primitifs; les livres des Rois (III et IV Rois) se réfèrent 
constamment au « Livre des Annales des rois de Juda » 
et au « Livre des Annales des rois d'Israël » ; ceux des 
Paralipomènes, outre « le Livre des rois de Juda et 
d'Israël », utilisent pour l'histoire de David « les récits 
de Samuel le voyant, de Nathan le prophète, et de Gad 
le voyant », I Par., xxix,29; pour l'histoire de Salomon 
« les récits de Nathan le prophète, la prophétie d'Ahias 
le Silonite, et les révélations d'Addo le voyant », II Par., 
IX, 29; ils citent encore les livres de Séméias, de Jéhu, 
d'Isaïe. II Par., xii, 15; xx, 34; xxvi, 22; xxxn, 32. Ces 
historiens ont donc entre les mains nombre de docu- 
ments, dont ils savent l'origine et la valeur et qu'ils 
s'attachent à reproduire consciencieusement. — Les 
divergences de détail, constatées dans les endroits où 
ils se trouvent en parallèle, en prouvant leur indépen- 
dance, ne font que mieux ressortir leur harmonie d'en, 
semble et la valeur substantielle de leurs renseigne- 
ments. Enfin leurs données ont reçu, sur une foule de 
points, une confirmation précieuse des inscriptions 
cunéiformes récemment découvertes. Cf. "Vigouroux, 
op. cit., t. m, p. 253 et suiv. — Dans ces conditions, 
n'est-il pas sage d'accueillir avec une extrême réserve les 
hypothèses d'idéalisations mythiques, ou de transforma- 
tions légendaires, qui trop souvent sont inspirées par 
l'esprit de système et le subjectivisme? 

4° Esther, Judith, Tobie, Job, Jonas, Daniel. — Pour 
ce qui est des livres d'histoires séparées, la question qui 
se pose est surtout une question de genre littéraire et 
d'intention d'auteur. — Un certain nombre de critiques 
catholiques croient pouvoir les regarder beaucoup plus 
comme des livres d'enseignement moral et d'édification 
religieuse que comme des ouvrages proprement histo- 
riques. Cfr. A. Scholz, Commentar zu Tobias, Wurtz- 
bourg, 1689; Comm. zum Bûche Judith, 2 e éd., 1896; 
E. Cosauin, Le livre de Tobie et l'histoire du sage Ahi- 



kar, dans la Revue bibl., 1899, p. 50 sq.; A. Loisy^Le 
livre de Job, Paris, 1892, p. 44 sq.; Revue d'hist. et de 
littérat. relig., 1899, p. 171, à propos de Tobie, d'Es- 
ther et de Daniel; Jbid., 1904, p. 573, à propos de Jonas. 
— En se plaçant dans cette hypothèse, il ne conviendrait 
en aucune façon d'appliquer à ces écrits le nom de 
mythiques. On ne devrait les qualifier de la sorte que 
si leurs auteurs avaient eu l'intention de narrer comme 
histoire véritable des faits appartenant en réalité au do- 
maine du folk-lore ou de la légende. Ce n'est point le 
cas. 

La plupart des écrivains catholiques se refusent d'ail- 
leurs à sacrifier l'historicité de ces ouvrages. Ils s'ap- 
puient sur le caractère même des récits, la vérité psy- 
chologique de la narration, la vie et la précision des 
détails, qui semblent accuser chez les auteurs la préoc- 
cupation de relater l'histoire, plus encore que celle de 
faire valoir une leçon. Les découvertes modernes ont 
singulièrement confirmé leur opinion : les fouilles de 
Suse sont venues jeter un jour remarquable sur les 
épisodes du livre d'Esther; on a relevé des rapproche- 
ments frappants entre l'histoire d'Assurbanipal et le 
livre de Judith; les inscriptions et les monuments de 
la Chaldée sont devenus un commentaire vivant du livre 
de Daniel. Cf. "Vigouroux, La Bible et les dëcouv., t. iv, 
p. 129 et suiv.; 255 et suiv.; 621 et suiv. — Une place 
à part doit être réservée au livre de Job, qui appartient 
évidemment à un genre très spécial, puisqu'il se pré- 
sente presque en entier sous la forme de la poésie. Ce- 
pendant, « malgré le cadre poétique dans lequel il est 
placé et les ornements littéraires dont il est embelli, » 
M. Vigouroux regarde l'ouvrage comme « historique 
dans son ensemble et dans ses principaux détails ». Les 
Livres saints et la critique rationaliste, 5 e édit., 1902, 
t. v, p. 12. Cf. Pelt, Hist. de VA. T., 1898, t. n, p.92. 

11. a propos du nouveau testament. — Question 
générale. Rapport des livres historiques du Nouveau 
Testament avec la foi de l'Église primitive. — La ques- 
tion du mythe peut être résolue d'une manière particu- 
lièrement décisive, si l'on aborde les écrits du Nouveau 
Testament. De nos jours, en effet, la critique a des moyens 
suffisamment assurés de vérifier l'origine et la valeur 
historique de ces écrits, surtout des Évangiles synop- 
tiques, qui en forment la partie principale. Dans l'In- 
troduction à sa Vie de Jésus, § xm, trad. Littré, t. i, 
p. 79, Strauss supposait cette objection faite à son sys- 
tème mythique : « Tandis que les cercles mythiques, 
chez les Grecs et les Latins, sont formés par le recueil 
de légendes sans garantie, l'histoire biblique a été ré- 
digée par des témoins oculaires, ou du moins par des 
gens qui, d'une part, ont été, en raison de leurs rap- 
ports avec des témoins oculaires, en état de raconter la 
vérité, et, d'autre part, ont une probité si manifeste, 
qu'il ne peut rester aucun doute sur leur intention de 
la dire. » Et le docteur allemand laisait, en réponse, un 
aveu significatif : « Cet argument, disait-il, serait en 
effet décisif, s'il était prouvé que l'histoire biblique a 
été écrite par des témoins oculaires, ou du moins par des 
hommes voisins des événements. » Or, l'hypothèse 
écartée par Strauss a été depuis reconnue de plus en 
plus fondée. — On peut dire qu'actuellement les critiques 
sont unanimes à placer la composition des Synoptiques 
dans la seconde moitié du premier siècle, unanimes 
aussi à reconnaître que, si ces Évangiles ont été rédigés 
seulementau cours de la deuxièmegénération chrétienne, 
ils reposent néanmoins sur des traditions orales et des 
documents écrits appartenant à la première génération, 
à l'époque où vivaient encore les témoins de la vie de 
Jésus. Le second Évangile est bien de saint Marc, héri- 
tier immédiat des souvenirs de saint Pierre; l'auteur du 
troisième, sans doute saint Luc, déclare avoir puisé ses 
renseignements à bonne source, et4a critique constate 
qu'il a de fait utilisé abondamment des documents plus 



1413 



MYTHIQUE (SENS) 



1414 



anciens; enfin l'on s'accorde à reconnaître que le pre- 
mier Évangile est au moins en un certain rapport avec 
l'apôtre saint Matthieu. — Dans ces conditions, le champ 
libre pour l'élaboration du mythe se trouve extrêmement 
restreint. C'est au cours de la première génération, au 
sein de la toute première Église, que l'on est contraint 
de placer le travail d'idéalisation et de transformation 
prétendu. Cela est-il possible? 

a) Opinion de M. Loisy. — Divers catholiques l'ont 
pensé. Au dire de M. Loisy, les Synoptiques, bien que 
composés entre 70 et 80, Les Évangiles synoptiques, 
Amiens, 1893, p. 4; cf. Autour d'un petit livre, Paris, 
1903, p. 76 et suiv., « ne sont pas des documents propre- 
ment historiques », mais « un produit et un témoignage 
de la foi ancienne », « le document principal de la foi 
chrétienne, pourra première période de son histoire. » 
L'Évangile et l'Église, 2 e édit., Paris, 1903, p. 1, 15, 33. 
« L'enseignement du Sauveur » a été « adapté au besoin 
des Églises naissantes », et même « un travail d'idéali- 
sation progressive, d'interprétation symbolique et dog- 
matique s'est opéré sur les faits » : au critique donc de 
démêler « ce qui est souvenir primitif de ce qui est 
appréciation de foi et développement de la croyance 
chrétienne ». Autour d'un petit livre, p. 83, 44. 

b) Critique de cette opinion. — Mais, on comprend 
combien doit prêter à l'arbitraire et au parti pris ce 
discernement entre ce qui est élément authentique de 
l'histoire et ce qui est censé un travail quelconque 
d'idéalisation. Il est impossible que le critique ne soit 
pas influencé dans son choix par ses idées personnelles 
sur l'évolution historique. Ainsi W. Wrede, Dos Mes- 
siasgeheimnis in den Evangelien, 1901, p. 7, pose en 
principe que le miracle et la prophétie doivent forcé- 
ment être exclus de l'histoire. Les critiques qui voient 
en Jésus un simple homme prétendent ne pouvoir re- 
tenir comme historiens que ce qui s'harmonise avec 
leur conception et mettent invariablement le reste sur 
le compte de l'idéalisation postérieure. C'est le même 
parti pris que Renan avouait cyniquement, lorsqu'il 
écrivait : « Ce n'est pas parce qu'il m'a été préalable- 
ment démontré que les évangélistes ne méritaient pas une 
créance absolue que je rejette les miracles qu'ils racon- 
tent; c'est parce qu'ils racontent des miracles que je 
dis : les Évangiles sont des légendes; ils peuvent conte- 
nir de l'histoire, mais certainement tout n'y est pas his- 
torique. » Vie de Jésus, 13 e éd., p. vi. 

c) Preuves de Vindépendance des Évangiles synop- 
tiques vis-à-vis des influences de la foi. — Si l'on veut 
se soustraire au préjugé et vérifier d'une manière im- 
partiale dans quelle mesure les relations synoptiques 
risquent d'avoir été influencées par la tradition, le seul 
procédé logique est, semble-t-il, de porter l'examen sur 
quelques points importants des Évangiles, où l'histoire 
primitive s'était particulièrement prêtée à subir les in- 
fluences de la foi, et où nous pouvons nous assurer si 
de fait elle les a subies ou non, cette foi de l'Église nous 
étant connue par des documents certains, tels que les 
Épîtres de saint Paul. Ces points, sur lesquels le travail 
de vérification critique peut se faire dans des conditions 
particulièrement favorables, sont, par exemple, la des- 
cription de l'idéal messianique, le portrait des apôtres, 
l'idée de la préexistence céleste et de la divinité du 
Christ. Or, sur tous ces points, l'examen aboutit à des 
résultats tout à fait significatifs, qui vont à rassurer 
pleinement sur la fidélité historique de nos documents. 

Si quelque perspective ancienne risquait d'être défor- 
mée sous l'influence nouvelle de la foi, c'était bien 
d'abord l'antique perspective messianique. Or, le mes- 
sianisme que les Synoptiques nous présentent, tant 
chez les Apôtres qu'au sein de la foule, ce n'est point 
le. messianisme spirituel et idéal dont témoignent, au 
lendemain de la Pentecôte, les Actes des Apôtres et les 
Épîtres de saint Paul, c'est le vieux messianisme juif, 



I tel qu'il se trouve décrit dans les documents extraca- 
noniques contemporains, tout revêtu des anciennes 
couleurs, plein des chimériques espérances d'autrefois. 
Rien certes de plus remarquable que cette immunité 
de nos écrits par rapport aux idées ambiantes, sur un 
point où leur influence devait se faire sentir si puis- 
samment. — De même, il est universellement reconnu 
que les Évangiles synoptiques, et les documents primi- 
tifs sur lesquels ils reposent, sont en dépendance étroite 
des souvenirs apostoliques et appartiennent à une pé- 
riode où la personne des Apôtres était relevée au plus 
haut point dans l'Église chrétienne. Or ces mêmes Apô- 
tres s'y trouvent représentés avec toutes leurs faiblesses, 
toutes leurs lâchetés, tous leurs défauts, aussi bien 
qu'avec leurs qualités et leurs vertus. Un tel tableau ne 
peut sans doute provenir que de témoins exacts et sin- 
cères, qui savent faire abstraction des réalités présentes 
et d'eux-mêmes, pour relater uniquement et simplement 
la vérité de l'histoire. — Enfin, que dire du portrait de 
Jésus lui-même? On veut que nos Évangiles soient 
plutôt une expression de la foi chrétienne qu'une exacte 
reproduction de la réalité. Or, comment se fait-il que 
la foi bien connue de l'Église primitive au grand dogme 
de la préexistence céleste et de la divinité du Christ, 
Fils de Dieu, apparaisse si peu reflétée dans nos écrits, 
si peu que l'on ne croit précisément trouver dans les 
Évangiles synoptiques aucune manifestation réelle de la 
divinité du Sauveur ? Comment se fait-il que, nonobstant 
la foi des premiers jours au Christ glorieux et vrai Fils 
de Dieu, on ait su maintenir à la manifestation person- 
nelle de Jésus ce caractère de discrétion et de réserve 
qu'elle a dans les Évangiles, et qu'elle a dû avoir dans 
la réalité, qu'on l'ait fait se désigner habituellement 
par le titre de « Fils de l'homme », qu'on n'ait pas 
laissé de lui attribuer, touchant ses rapports avec Dieu, 
des déclarations aussi humaines que celles que relèvent 
complaisamment nos critiques, qu'enfin on. ait gardé de 
son agonie, des tourments de sa passion, de sa mort sur 
la croix, un souvenir aussi précis et, pour ainsi dire, 
aussi réaliste, où les détails humiliants, loin d'être dis- 
simulés et idéalisés, sont rendus avec une vérité au 
plus haut point saisissante? Cela suppose bien que nos 
évangélistes ont su faire abstraction de leur croyance 
personnelle et se soustraire à l'influence des idées théo- 
logiques de leur temps, pour reproduire l'histoire avec 
fidélité : et certes la chose est extrêmement significative 
de la part du troisième Évangéliste, si familiarisé avec 
la doctrine de saint Paul. Cela suppose que les docu- 
ments mêmes et les souvenirs dont nos écrivains dépen- 
dent avaient su pareillement garder intact le Christ de 
l'histoire, et conserver avec la réalité de sa physionomie 
humaine celui qu'au lendemain de sa résurrection on 
regardait déjà comme le Messie triomphant, participant 
à la puissance de Dieu. — Ainsi, sur les points où la com- 
paraison entre les Évangiles synoptiques et les idées de 
la première Église chrétienne se trouve particulièrement 
aisée à faire et significative, nous constatons d'une ma- 
nière remarquable l'indépendance des documents vis-à- 
vis des influences de la foi. Cette constatation parait 
tout à fait rassurante en faveur de la fidélité historique 
de l'ensemble de nos écrits. Cf. M. Lepin, Jésus Messie 
et Fils de Dieu d'après les Évangiles synoptiques, 
2 e édit., Paris, 1905, p. xliv-lxxii. — Si nous examinons 
maintenant les cas particuliers où l'on a voulu appliquer 
'le système de l'interprétation mythique aux récits évan- 
géliques, nous constatons en fait que, d'une manière 
générale, ces interprétations sont arbitraires et mal 
fondées. 

1" Les récits de la conception virginale et de l'en- 
fance. — a) Opinion de M. Loisy. — Les critiques libé- 
raux, nous l'avons vu, expliquent les récits de la con- 
ception virginale et de l'enfance du Sauveur par une 
évolution d'idées, qu'auraient amenée la foi messia- 



1415 



MYTHIQUE (SENS) 



1416 



nique grandissante et l'influence des mythes païens. — 
M. Loisy estime pareillement que « les récits de l'en- 
fance ne sont pour l'historien qu'une expression et 
une assertion de la foi messianique, de cette foi qui 
s'affirme au début de l'Évangile de Marc et qui a trans- 
figuré les souvenirs des apôtres, qui s'affirme aussi et 
se développe dans Paul, puis dans le quatrième Évan- 
gile. Cette foi est comme la réponse que les générations 
de fidèles font successivement à la proposition de l'Évan- 
gile de Jésus ; elle grandit en restant toujours la même, 
comme un écho qui, en se répercutant de montagne 
en montagne, deviendrait plus sonore, à mesure qu'il 
s'éloignerait de son point de départ ». L'Évangile et 
l'Église, 2 e édit., p. 31. Le critique ajoute : « Cette 
idéalisation inévitable et légitime du Christ, se produi- 
sant spontanément dans la conscience chrétienne, et 
non par un travail d'observation rigoureuse et de ré- 
flexion méthodique, a dû affecter, jusqu'à un certain 
point, la forme d'un développement légendaire, et elle 
se présente comme telle au premier regard du critique, 
bien qu'elle ne soit, en elle-même, qu'une expansion de 
la foi et un moyen encore insuffisant de placer Jésus à 
la hauteur qu'il lui convient. » Ibid., p. 21. 

b) Preuves de l'historicité des récits. — Or, si nous 
considérons le fait fondamental de la conception surna- 
turelle de Jésus, il semble bien, d'une part, que ce tait 
soit attesté par deux récits indépendants, lesquels se 
confirment l'un l'autre ; d'autre part, que ces récits eux- 
mêmes remontent aux premiers jours de l'Église et ne 
contiennent rien qui accuse une correction tendancieuse 
apportée à des relations primitives de signification diffé- 
rente; enfin, que la primitivité de la croyance en la 
conception surnaturelle du Sauveur soit garantie par la 
primitivité même de la foi en sa préexistence céleste et 
en sa divinité : toutes choses qui contredisent formelle- 
ment les suppositions faites par les critiques. — Tout 
d'abord, l'indépendance des deux récits de saint Matthieu 
et de saint Luc résulte des faits suivants : pour le mi- 
nistère public de Jésus, les deux Évangélistes rapportent 
les actions et même les discours du Sauveur d'une ma- 
nière sensiblement différente, et le plus grand nombre 
des critiques en concluent que, tout en puisant leurs ren- 
seignements à des sources communes ou voisines, ils ne 
se sont pas connus l'un l'autre; à prendre simplement 
les deux premiers chapitres, il est clair qu'ils ne con- 
tiennent aucun épisode commun, ils représentent visi- 
blement deux traditions parallèles, ils offrent même des 
divergences notables, qui ne se comprendraient pas dans 
l'hypothèse où l'un des récits serait en dépendance vis- 
à-vis de l'autre. Les deux récits étant indépendants, il 
en résulte qu'ils se confirment mutuellement. 

11 en résulte aussi qu'on ne peut supposer, avec Hill- 
mann et Harnack, que saint Luc aurait emprunté à saint 
Matthieu l'idée de la conception virginale. Ces critiques 
s'efforcent de découvrir les additions et les retouches par 
lesquelles le troisième Évangéliste aurait introduit cette 
idée d^ans un récit primitif qui l'ignorait : ils n'y arri- 
vent que par une sélection opérée dans les textes d'une 
façon très aventureuse et très arbitraire. — Il faut en dire 
autant de M. Schmiedel, qui prétend découvrir dans le 
texte même de saint Matthieu un récit primitif où il 
n'aurait pas été question de la conception surnaturelle. 

En réalité, le récit entier de saint Matthieu devient 
inintelligible, si l'on en supprime l'idée de la naissance 
virginale de Jésus. Cette idée pénètre si intimement 
l'épisode du doute de Joseph, Matth., i, 18-25, qu'elle 
en fait toute l'économie et le constitue pour ainsi dire 
en entier ; de même, dans les épisodes des mages et de 
la fuite en Egypte, est-il toujours question de l'enfant 
et de sa mère, Joseph n'apparaissant que comme le gar- 
dien et le protecteur de l'un et de l'autre.- Matth., u, 
11, 13, 14, 20, 21. — La même idée pénètre d'un bout à 
J'autre la narration de saint Luc. Non seulement elle est 



exprimée d'une manière formelle, en dehors de l'entre- 
tien de Marie avec l'ange, i, 34-35, lorsque l'Évangéliste 
donne à la fiancée de Joseph le nom de vierge, i, 27, et 
lorsque plus loin il spécifie que Jésus était « le fils 
putatif » de Joseph, m, 23; mais le récit entier de la 
conception de Jean-Baptiste n'a sa vraie signification 
que s'il est destiné à préparer et à faire valoir la concep- 
tion plus extraordinaire encore de Jésus ; l'objection que 
feit Marie à la proposition de l'ange ne se comprend 
bien que si elle a dessein de rester vierge ; elle n'est pas 
encore mariée à Joseph lorsqu'à lieu la conception du 
Sauveur; c'est chez elle qu'elle revient, même après la 
visite à Elisabeth; dans la scène de la Présentation et 
dans celle du recouvrement de Jésus au Temple, c'est 
encore elle qui joue le rôle principal, Joseph ne parais- 
sant qu'au second rang. — Rien donc ne permet de 
croire que nos Évangélistes soient en dépendance de 
documents plus anciens, d'où aurait été absente l'idée 
de la conception virginale. 

Que si maintenant l'on recherche l'origine de nos deux 
récits, tout semble bien établir qu'ils remontent aux 
cercles judéo-chrétiens de la première Église, au lieu 
d'avoir pris naissance dans le christianisme postérieur 
de la gentilité. — D'un côté, l'Évangile de saint Matthieu, 
qui attache tant d'importance à la Loi ancienne, à l'ac- 
complissement des prophéties messianiques, aux prati- 
ques des pharisiens, paraît visiblement écrit pour l'Eglise 
judéo-chrétienne des premiers jours, et ce caractère 
est particulièrement accusé dans les deux premiers 
chapitres, où par quatre et cinq fois les épisodes de 
l'enfance du Christ sont rattachés avec soin aux pro- 
phéties anciennes. — D'un autre côté, rien de plus re- 
marquable, dans les premières pages de saint Luc, que la 
place prépondérante qu'occupent le Temple et son ser- 
vice religieux, comme aussi la couleur toute primitive 
du messianisme juif qui s'y trouve représenté. C'est 
donc au berceau de l'Église, dans les premières com- 
munautés judéo-chrétieunes, que nous sommes invités 
à chercher la croyance primitive en la conception vir- 
ginale. D'ailleurs, au début de son Évangile, saint Luc 
n'at-il pas pris soin d'avertir son disciple que, pour 
lui confirmer ce que lui a déjà appris la catéchèse cou- 
rante au sujet des origines chrétiennes, il a voulu consi- 
gner par écrit les renseignements les plus authentiques, 
puisés à bonne source et dûment contrôlés ? Personne 
ne songe à suspecter la déclaration de l'Évangéliste, et 
son ouvrage porte en effet la marque de multiples docu- 
ments, fragments de mémoires écrits ou témoignages 
oraux, à l'aide desquels il a été composé. Or, parmi ces 
documents, celui des Origines de Jésus s'accuse avec un 
caractère de primitivité particulière, grâce à l'hébraïsme 
de son style, de ses constructions de phrases, et jusque 
de ses expressions. Il y a donc tout lieu de croire que la 
déclaration de l'auteur s'applique avec une vérité spé- 
ciale à ces premiers récits : ils doivent faire partie de la 
tradition originelle, celle des Apôtres et des témoins du 
Sauveur. — Au surplus, si l'on se place au point de vue 
d'une évolution naturelle, il semble bien que la concep- 
tion virginale du Christ aurait dû précéder, plutôt que 
suivre, l'idée de sa préexistence céleste et de sa divi- 
nité : M. Schmiedel l'avoue expressément, art. Mary, 
§ 16, Encycl. bibl., t. m, col. 2964. Or, c'est un fait que 
celte dernière idée se rencontre formellement dans les 
Épîtres de saint Paul, et il est impossible que sur ce 
point l'Apôtre ait pu être en désaccord avec la croyance 
générale de l'Église apostolique. L'Église des premiers 
jours a vu en Jésus de Nazareth le Messie préexistant et 
Fils de Dieu : le dogme de la naissance virginale ne peut 
être postérieur à cette croyance primitive, qui déjà le 
domine et, d'une certaine manière, le contient. — Enfin, 
à une époque où l'Église plaçait le Christ au plus haut 
point de l'humanité et de la création universelle, peut- 
on croire que la foi se serait représenté sa naissance 



Ui7 



MYTHIQUE (SENS) 



1418 



dans des conditions aussi humbles et aussi modestes que 
celles qui figurent en nos récits? La sobriété et l'exquise 
délicatesse de ces narrations, contrastant si éloquem- 
ment avec la manière des Évangiles apocryphes, l'hu- 
milité dans laquelle y est représenté le Sauveur, à 
Bethléem, en Egypte, à Nazareth, paraissent bien une 
garantie irrécusable d'historicité. Cf. V. Rose, Etudes 
sur les Évangiles, 2 e édit., Paris, 1902, p. 63 et suiv. ; 
M. Lepin, op. cit., 2 e édit., p. 57 et suiv. 

2° Les déclarations messianiques et les prophéties 
de la passion. — a) Authenticité des déclarations mes- 
sianiques de Jésus. — M. Wrede prétend que Jésus ne 
se serait aucunement proclamé Messie de son vivant, et 
voit dans les déclarations messianiques que lui attribuent 
les Évangiles un reflet de la foi postérieure. Cette hypo- 
thèse est en contradiction avec le fait même de la foi 
messianique aux premiers jours de l'Église. — 11 est 
universellement admis, en effet, que la croyance en la 
messianité de Jésus date du lendemain de sa mort : or, 
supprimez les déclarations personnelles du Sauveur re- 
lativement à sa dignité messianique, supprimez les preu- 
ves qu'il est censé en avoir données d'après nos docu- 
ments, et l'on ne s'explique plus la foi si ferme et si 
puissante des disciples, après les événements déconcer- 
tants de la Passion. — C'est en vain qu'on cherche à ex- 
pliquer cette loi par le seul fait de la croyance en la 
résurrection. La croyance en la résurrection ne peut se 
comprendre, en effet, au point de vue naturel, sans la 
persuasion préalable que Jésus ne devait pas rester la 
proie de la mort, et cette persuasion elle-même sans des 
déclarations antérieures du Sauveur, assez fortement 
significatives pour avoir pu imprimer au cœur de ses 
disciples, sitôt après le drame du Calvaire, une pareille 
conviction. Mais, s'il faut admettre de la part de Jésus des 
déclarations positives sur sa résurrection future, et tout 
un ensemble de faits extraordinaires venant appuyer son 
témoignage, pourquoi ne pas admettre qu'il y ait eu de 
sa part déclarations et preuves semblables touchant sa 
simple messianité? Cela seul pourrait d'ailleurs expli- 
quer que de l'idée de la résurrection on ait passé 
immédiatement à l'idée de la mission messianique. — Au 
surplus, s'il est un point ferme dans la tradition évan- 
gélique et qu'on ne peut en aucune iaçon enlever de 
l'histoire, c'est que Jésus a été condamné à mort comme 
roi des Juifs, c'est-à-dire Messie : or if est impossible 
qu'il n'ait pas donné lieu à l'accusation par des aveux 
personnels sur ce sujet. Pour supprimer la conscience 
messianique du Sauveur, il faudrait supprimer le fond 
même de l'histoire évangélique. Cf. Lepin, op. cit., 
p. 80 sq. 

L'hypothèse de M. Wrede, dit M. Loisy, Revue d'hist. 
et de littcrat. relig., 1903, p. 296, « a, pour l'historien, 
l'inconvénient de rendre, non pas obscure, mais abso- 
lument inintelligible, l'apparition et la mort de Jésus, 
ainsi que la naissance du christianisme. » — Cependant, 
si M. Loisy n'admet pas, dans son intégrité et sous sa 
forme radicale, la thèse du professeur de Breslau, il ne 
laisse pas de la retenir en partie et sous une forme 
mitigée. « Les lignes générales du récit de Marc, dit-il, 
lbid., sont à maintenir comme historiques. Seulement, 
il y a lieu, pour ce qui est des faits particuliers, allé- 
gués par M. Wrede, de distinguer entre les difïérentes 
parties et les différentes couches de la rédaction... Les 
prophéties- de la passion et de la résurrection, qui ne 
sont pas formulées en discours de Jlsus, sont calquées 
sur la catéchèse apostolique ; ce qui est dit de l'inintel- 
ligence des apôtres peut signifier à peu près ce que 
veut M. Wrede, à savoir qu'ils ne comprirent qu'après 
la résurrection certaines choses dont ils n'auraient pu 
d'ailleurs se douter auparavant... Il peut y avoir égale- 
ment quelque vue systématique dans le témoignage que 
les possédés sont censés _ rendre perpétuellement à 
Jésus. » Cf. L'Évangile et l'Église, p. 17-19. — Mais celte 



théorie encore parait principalement fondée sur l'esprit 
de système et d'à priori. 

b) Authenticité des acclamations messianiques des 
possédés. — Pour ce qui est des acclamations des dé- 
mons et de l'attitude du divin Maître à leur égard, il 
est bien difficile d'y voir un reflet des préoccupations 
de l'Église. Est-il vraisemblable que la foi primitive 
se soit traduite d'une iaçon si circonspecte, en des 
récits où ne figure même pas le titre exprès de Mes- 
sie, où la messianité du Sauveur est proclamée fort 
timidement et parait de prime abord désavouée par 
lui-même? Étant donnée la croyance si ferme de l'Église 
des premiers jours en la messianité de Jésus, étant 
donnée, d'autre part, sa conviction que Jésus avait pro- 
clamé lui-même sa messianité, il est probable que 
l'intérêt dogmatique ou la préoccupation apologétique 
auraient donné naissance à des récits d'un tout autre 
caractère. 

c) Authenticité des prédictions de la passion. — I) pa- 
rait également impossible d'attribuer à la tradition pos- 
térieure les prophéties de Jésus, relatives à sa passion. 
Pour nier, avec M. Wrede, <jue le Sauveur ait, même 
d'une façon générale, prévu sa mort, pour suspecter, 
comme M. Loisy, ce que les prédictions relatées par 
les Évangélistes offrent de détails précis et circonstan- 
ciés, il faut s'appuyer beaucoup plus sur une opinion 
préconçue que sur une analyse purement critique de 
nos documents. C'est ainsi que la prédiction remar- 
quable qui suit la confession de Césarce semble bien 
garantie par la saillie spontanée de saint Pierre : « A 
Dieu ne plaise, Seigneur! 11 ne vous arrivera rien de 
cela. » Matth., xvi, 22. On n'attribuera certes pas à la 
tradition une attitude du chef des Apôtres qui lui 
attire une si sévère réprimande du Maître : donc, pas 
davantage la déclaration de Jésus à laquelle elle se 
trouve étroitement rattachée. De même, ces remarques 
répétées — que les disciples, en entendant les déclara- 
tions du Sauveur, n'en pénétrèrent point du premier 
coup le sens, qu'ils retinrent les mots sans les com- 
prendre, se demandant ce qu'il avait voulu leur dire, 
qu'ils étaient en grande tristesse, dans le pressentiment 
d'un malheur inconnu, et qu'ils n'osaient par crainte 
interroger leur Maître — sont visiblement des observa- 
tions prises sur le vif, qui répondent à la réalité de 
l'état psychologique des Apôtres, beaucoup plus qu'aux 
préoccupations de l'Église chrétienne primitive. C'est 
une précieuse garantie d'authenticité. 

3° Le baptême, la tentation, la transfiguration. — 
L'interprétation, présentée par les critiques libéraux, 
des récits du baptême, de la tentation et de la transfi- 
guration, est acceptée, semble-t-il, par M. Loisy. Pour 
lui, le récit du baptême « est déjà une interprétation 
théologique et apologétique du fait qui a pu se passer », 
Revue d'hist. et de litlérat. relig., 1904, p. 91 ; cl. L'Évan- 
gile et l'Église, p. 89; « le tableau de la tentation pré- 
sente, en forme symbolique et en raccourci, la psycho- 
logie de Jésus et la manière dont il a envisagé son rôle 
providentiel. Jésus comprenait ce rôle comme il est 
figuré dans la scène de la transfiguration. » L't,vang. et 
l'Égl., p. 20. — Ici encore, nous sommes en plein sub- 
jectivisme. Toute la question revient à savoir si l'on peut, 
oui ou npny admettre parmi les faits de l'histoire des 
phénomènes miraculeux, tels que voix divines, appari- 
tions célestes, interventions diaboliques. La question est 
d'ordre philosophique et religieux, plus encore que 
d'ordre critique et exégétique. Mais, ce que l'on peut 
bien affirmer, c'est que, indépendamment de la solu- 
tion positive à donner à la question de principe, l'étude 
impartiale des textes tend à mettre en évidence le carac- 
tère réel des faits. 

M. Loisy reconnaît, à la suite de tous les critiques, 
que la circonstance du baptême a dû marquer <t un mo- 
ment décisif dans la carrière du Sauveur » L'Évang- 



4419 



MYTHIQUE (SENS) 



1420 



et l'Égl., p. 20, cf. p. 89. Or, le moment n'a pu être dé- 
cisif pour l'inauguration du ministère de Jésus, que si 
Jésus a trouvé sur les bords du Jourdain une manifes- 
tation expresse de la volonté de son Père et s'est senti 
investi de pouvoirs en rapport avec sa mission, c'est-à- 
dire, que si l'événement du baptême a eu substantielle- 
ment le caractère surnaturel que décrivent les Évangiles. 
Et pourquoi ne pas admettre lés circonstances évangéli- 
ques dans leur intégrité? Les détails paraissent bien ga- 
rantis par l'historicité du fond ; il semblent inséparables 
de la substance; en tout cas, ils sont en parfaite harmonie 
avec la personnalité surnaturelle de Jésus et tout le reste 
de son histoire. — Ne peut-on en dire autant de l'épisode 
de la tentation? On ne voit pas le motif théologique ou 
l'intérêt apologétique qui aurait porté la première gé- 
nération chrétienne à imaginer des épreuves qui accen- 
tuent plutôt l'humanité du Sauveur. D'autre part, s'il 
y a quelque chose de profondément mystérieux dans 
les divers conflits entre Jésus et Satan, s'il n'y a pas 
lieu de chercher une identification matérielle à la 
montagne sur laquelle est transporté le Fils de Dieu, 
rien n'indique qu'il faille voir symbolisées dans le 
récit de simples expériences intérieures. — Quant à 
l'épisode de la transfiguration, c'est encore en partant 
d'un préjugé qu'on pourrait le ramener à l'expression 
symbolique d'un pur phénomène de conscience. Le fait 
est nettement circonstancié, avec des détails qui por- 
tent visiblement le caractère de l'histoire : on est au 
sixième jour après l'incident de Césarée de Philippe; 
avec Jésus sont trois de ses apôtres, Pierre, Jacques et 
Jean. La réflexion si caractéristique de saint Pierre à 
propos des trois tentes, et la remarque de PÉvangéliste 
qu'il ne savait ce qu'il disait, tant était grand leur sai- 
sissement, semblent bien garantir l'apparition de Moïse 
et d'Élie comme fait extérieur. Enfin, la réalité de la 
manifestation éclatante se trouve confirmée par la pré- 
diction connexe touchant la proximité de la passion, 
prédiction dont l'historicité même est attestée par cette 
observation de l'Évangéliste, que les Apôtres retinrent 
les paroles du Maître sans les comprendre, se deman- 
dant ce qu'il avait bien pu vouloir dire en parlant de 
sa résurrection d'entre les morts. 

4» Les miracles. — Rien de plus arbitraire que le dé- 
part que font les critiques libéraux entre les miracles de 
guérison accomplis par Jésus, et, d'autre part, ses mira- 
cles de résurrection ou ceux qu'il a opérés sur la nature. 

— C'est en vain que, contraints d'admettre les premiers 
comme faits historiques, ils s'efforcent de leur donner 
une interprétation plus ou moins rationaliste. Ils ont beau 
faire appel aux théories les plus larges sur la puissance 
des influences psychiques ou de la suggestion. — Renan 
parlait lui aussi de ce qu'était capable d'opérer « le 
contact d'une personne exquise », Vie de Jésus, p. 270 

— ils ne peuvent éliminer de l'ensemble le plus authen- 
tique des guérisons extraordinaires opérées par Jésus 
le surnaturel proprement dit. « Il y a, dit M. Loisy, 
L'Év. et l'Égl., ç. 24, une part de mystérieux et d'inex- 
plicable dans les miracles les plus solidement garantis. » 

— Or, cette réalité des miracles de guérison est déjà une 
garantie positive de la réalité des autres. D'autre part, 
les moyens employés pour éliminer de l'histoire ces 
derniers sont trop artificiels et trop violents pour être 
approuvés de la saine critique. On veut expliquer les 
miracles sur la nature par la matérialisation de quelque 
sentence ou parabole : or, cette hypothèse est en con- 
tradiction avec le caractère très net des récits, qui, au 
lieu des larges traits, des lignes vagues et flottantes, 
propres à l'histoire symbolique, présentent au contraire 
les circonstances précises et les détails vivants qui ca- 
ractérisent les souvenirs gardés de la réalité. — Les deux 
récits de multiplication des pains ne diffèrent que par 
les circonstances matérielles du temps, du lieu, du 
nombre des pains et des poissons : pourquoi deux ré- 



cits analogues, et néanmoins distincts, sinon parce 
qu'ils n'ont pas été conçus pour iaire valoir une idée 
ou traduire figurativement une sentence, mais qu'ils 
répondent bien à deux événements réels, auxquels 
d'ailleurs Jésus fait un peu plus tard expressément 
allusion? Marc, vnr, 17-20; Matlh., xvi, 9-10. Au reste, 
il suffit de lire, par exemple, le premier récit, pour y 
saisir, aussi nettement, sinon plus nettement, que dans 
n'importe quelle scène évangélique, tout le relief de 
l'histoire vraie. — C'est la même vie, ce sont les mêmes 
détails minutieux et pittoresques, qui se constatent dans 
le récit de la marche sur les eaux, étroitement rattaché 
au récit de la première multiplication des pains, comme 
dans les épisodes de la pêche miraculeuse, du statère, 
ou du figuier maudit. A moins de nier, de parti pris 
contre l'histoire, la personnalité surnaturelle de Jésus, 
on ne peut refuser au Sauveur les miracles symboliques, 
qui sont comme des prophéties en action, pas plus qu'on 
ne peut lui refuser les prophéties en parole. — Quant 
aux miracles de résurrection, on peut dire que celui de 
Naïm, que l'on élimine très arbitrairement, est garanti 
par celui de Capharnaùm, qu'il est impossible de ne 
pas admettre. Ce dernier miracle, en effet, est raconté 
par les trois synoptiques; de l'aveu de Cheyne, il doit 
appartenir à la plus ancienne tradition ; il est d'ailleurs 
si intimement et si naturellement mêlé à l'incident de 
Phémorrhoïsse que les deux faits se soutiennent l'un 
l'autre et s'imposent invinciblement à la confiance. Or, 
l'épisode de la fille de Jaïre étant admis comme fait, 
est-il possible de n'y pas voir une véritable résurrec- 
tion ? S'il y a quelque chose de clair dans le récit, c'est 
que la jeune fille est morte lorsque Jésus arrive à la 
maison du chef de synagogue; déjà les joueurs de flûte 
et les pleureuses remplissent l'air de leurs lamenta- 
tions; tout le monde se récrie, lorsque Jésus déclare : 
« Elle n'est pas morte, mais elle dort; » il est évident 
que, par ces paroles, le Sauveur a voulu simplement 
marquer en termes mystérieux le prochain retour de la 
jeune morte à la vie. Tout en un mot s'oppose à ce qu'on 
ramène le fait de la résurrection à une guérison ordi- 
naire. Le secret même dont Jésus veut entourer le mi- 
racle tend à garantir que le récit n'est point dû à une 
transformation légendaire, mais qu'il répond à la vérité 
de l'histoire. 

5» La résurrection. — Si nous passons à la résurrection 
personnelle du Sauveur, les critiques, nous l'avons vu, 
reconnaissent que les apparitions attribuées au Christ 
ressuscité reposent évidemment sur un fait historique. 
Ce fait historique est l'impression qu'eurent réellement 
les Apôtres de voir Jésus leur apparaître. M. Schmiedel 
convient même qu'ils eurent l'impression de le voir leur 
montrant les cicatrices de ses blessures, pénétrant di- 
rectement dans l'appartement où ils se trouvaient et en 
sortant toutes portes fermées. Déjà Renan n'avait pu 
rejeter ce fait des multiples apparitions. Les Apôtres, 
Paris, 1866, p. 10 et suiv. M. Loisy le juge « incontes- 
table ». L'Évang. et l'Égl., p. 119. — Or, étant données, 
d'une part, la multitude et la diversité des témoins, 
d'autre part, la disposition d'esprit des disciples après la 
mort de Jésus, ces apparitions, dans leur ensemble et 
dans leurs détails, ne paraissent pas pouvoir s'expliquer 
comme des visions purement subjectives. Ne faut-il pas 
un esprit de système invraisemblable pour supposer 
uniformément l'illusion chez Marie Madeleine, chez 
Pierre et chez Jacques, chez les pèlerins d'Emmaùs et 
les cinq cents frères réunis, dont parle saint Paul, 
I Cor., xv, 6, chez tous les disciples assemblés au Cé- 
nacle, au lac de Génésareth, à la montagne de l'Ascen- 
sion ? — D'autre part, le caractère objectif des apparitions 
semble résulter avec pleine certitude des diyerses ex- 
périences faites par les témoins : ils ont douté d'abord 
de leurs sens et ne se sont rendus qu'à l'évidence de la 
réalité; Jésus leur a adressé la parole, et ils ont entend » 



■fâ 



1421 



MYTHIQUE (SENS) 



Ï422 



ses discours; il leur a fait toucher ses plaies de la 
main, et il a pris de la nourriture avec eux. Quel parti 
pris étrange que d'éliminer tous ces traits, précisément 
parce qu'ils accusent l'objectivité des visions! —Il est très 
vrai que les impressions sensibles, perçues par les té- 
moins, ne pouvaient correspondre adéquatement aux 
réalités surnaturelles du corps ressuscité de Jésus; 
mais cela n'empêche point ces impressions d'avoir été 
réelles et objectives. Elles ont dû être provoquées véri- 
tablement par le corps glorieux du Christ, bien que ce 
corps n'ait pu leur apparaître selon les pleines réalités 
de sa gloire, mais seulement dans une condition appro- 
priée aux exigences de leurs sens naturels. — Enfin, la 
■découverte du tombeau vide confirme elle-même la 
réalité de la résurrection corporelle de Jésus, et par 
■conséquent l'objeclivité de ses apparitions : étant don- 
nées, en effet, les circonstances, la disparition du corps 
■du Sauveur ne saurait avoir d'explication raisonnable 
•que par le fait de la résurrection corporelle. 

6° Influence des mythes païens. — Si nous étudions 
maintenant les rapprochements suggérés entre certains 
faits évangéliques et les mythes religieux de l'antiquité 
païenne, nous voyons qu'ils ressemblent souvent à des jeux 
•d'imagination ou à des combinaisons arbitraires ; d'autres 
fois, qu'ils sont fondés sur des analogies fort simples, 
qui ne requièrent aucunement l'hypothèse d'une dépen- 
dance véritable ni d'un emprunt. — M. Gunkel esquisse 
un tableau du syncrétisme religieux qui aurait eu cours 
•en Orient antérieurement à l'ère chrétienne et il y place 
l'idée de la conception virginale du Messie. Mais, oulre 
que cette dernière idée pourrait fort bien être dérivée 
de la prophétie d'Isaïe. et que cela ne serait pas pour 
nuire le inoins du monde à la réalité du fait historique 
par rapport au Sauveur, il faut bien dire que M. Gunkel 
emprunte les traits de son tableau, non à des documents 
purs de toute influence chrétienne, mais aux écrits de 
la gnose, si largement pénétrés par le christianisme. Sa 
•conjecture semble donc pécher par la base. — Que la 
naissance de Jésus ait été rapportée au 25 décembre 
parce que les nouveaux convertis auraient eu coutume 
•de fêter au solstice d'hiver le soleil renaissant, que 
pareillement le jour du Seigneur ait été fixé au dimanche, 
pour remplacer ce jour-là le culte du soleil, ce sont des 
choses qui a priori peuvent paraître vraisemblables : 
l'Église primitive aurait fort bien pu substituer aux 
anciens cultes solaires le culte du Christ, vraie lumière 
du monde. Ce qui néanmoins fait suspecter même ces 
simples rapprochements, c'est que la résurrection du 
dhrist se trouve également placée vers la Pâque, donc 
vers l'équinoxe du printemps : or, cette circonstance n'a 
•évidemment pas le moindre rapport, au point de vue de 
l'histoire, avec le mythe solaire. De même, la fixation du 
jour du Seigneur au dimanche semble historiquement 
motivée par ce fait que la résurrection eut lieu le lende- 
main du sabbat. Le rattachement même de la résurrec- 
tion au lendemain du sabbat ne parait inspirée en au- 
cune façon par le mythe solaire : on ne saurait voir, en 
•effet, dans les jours écoulés entre la mort et la résurrec- 
tion les trois mois et demi de l'hiver, ni les trois mois 
qui séparent l'équinoxe d'hiver de l'équinoxe du prin- 
temps, puisqu'il n'est question ni de trois jours et demi, 
ni de trois jours pleins. — Pour consentir à voir dans 
le Christ un reflet du dieu solaire Mardouk, dans les 
■douze Apôtres une allusion aux douze signes du zodiaque, 
dans la mère du Sauveur un souvenir d'Istar, il faudrait 
avoir oublié que J.-B. Pérès, Comme quoi Napoléon 
n'a jamais existé, 1827, a clairement démontré que 
Napoléon n'est pas autre qu'Apollon, le dieu du soleil; 
que sa mère Letitia est Latone ; ses trois sœurs, les trois 
Grâces; ses quatre frères, les quatre saisons de l'année; 
ses douze maréchaux, les douze signes du zodiaque; que 
le brillant début de son règne par la campagne d'Egypte 
et sa fin lamentable par l'exil de Sainte-Hélène, après 



douze ans, représentent la marche du soleil, qui se lève 
à l'Orient, pour disparaître dans les mers d'Occident, 
après les douze heures du jour, pendant lesquelles il 
brille à l'horizon. — Enfin, les rapprochements entre 
les récits de l'enfance de Jésus et les légendes boud- 
dhiques ne laissent pas d'être fort suspects. Les écrits 
bouddhiques sont loin d'avoir une histoire littéraire 
^ussi assurée que nos Évangiles ; leur première origine 
fût-elle ancienne, les manuscrits que nous en possédons 
sont d'époque relativement récente; il est difficile d'en 
contrôler l'état antérieur; bien des légendes ont pu 
être introduites, ou fortement remaniées, sous l'influence 
du christianisme, prêché de bonne heure en Orient. 
D'ailleurs, beaucoup de ces analogies avec les légendes 
bouddhiques, comme avec les légendes persanes et autres, 
sont purement extérieures et de surface; elles n'impliquent 
aucunement une dépendance mutuelle, se trouvant en 
quelque sorte dans l'ordre ordinaire et naturel des 
choses. 

7" Le quatrième Évangile. — L'interprétation propo- 
sée, touchant le quatrième Évangile, semble se rapporter 
beaucoup plus à la question du symbolisme qu'à la 
question du mythe. Cependant, à cause de l'analogie, 
relevée par Strauss lui-même, nous ne pouvons nous 
dispenser d'en dire un mot. La théorie de MM. Hollz- 
mann et Héville, adoptée dans son sens le plus absolu 
par M. Loisy, Le quatrième uvangïte, Paris, 1903, 
paraît fondée principalement sur l'esprit de système. — 
Parmi les sentences du Christ johannique, il en est 
plusieurs qui ont une signification nettement symbo- 
lique : telles les sentences sur le corps de Jésus consi- 
déré comme temple, n, 19, sur la nourriture spiri- 
tuelle, iv, 82, et vi, 32, la moisson des âmes, iv, 35, le 
sommeil de la mort, xi, 11. Or, il est très remarquable 
que l'Évangéliste lui-même prend soin de signaler la 
portée figurative de chacune de ces sentences, ou bien 
la fait marquer très clairement par Jésus. Cela semble 
d'abord indiquer qu'il n'y a pas lieu de chercher de 
l'allégorie dans les autres endroits où l'auteur n'en si- 
gnale pas, et où de fait on ne voit pas clairement qu'il 
en existe. A coup sûr, cela garantit bien qu'il n'a point 
songé à dissimuler partout dans son écrit un symbo- 
lisme profond, dont « un petit groupe d'initiés s seul 
aurait eu la clef à l'origine, Loisy, op. cit., p. 95, 131, 
et que les critiques du xx e siècle n'arriveraient à dé- 
couvrir qu'à grand effort. Il n'est pas moins significatif, 
d'autre part, que ces sentences, proposées comme figu- 
ratives, ont précisément dans les Synoptiques leur ana- 
logue, sinon leur parallèle. Cf. Joa., n, 19, et Marc, xix,58; 
Matth.,xn, 6; Joa.,iv, 32, etMatth., iv,'4, xvi,6; Joa., iv, 
35, et Luc, x, 32; Joa., xi, 11, et Marc, v, 39. — Si l'on 
veut maintenant vérifier sur les récits mêmes le prin- 
cipe du symbolisme, il est intéressant de s'adresser tout 
d'abord aux passages que le quatrième Évangile a en 
commun avec les trois premiers. Or, il suffit de sou- 
mettre à cet examen les récits de la multiplication des 
pains, de la marche sur les eaux, de l'onction de Bé- 
thanie, pour se rendre compte, premièrement, que saint 
Jean ne peut dépendre simplement des Synoptiques, 
mais représente plutôt une tradition parallèle ; seconde- 
ment, qu'il n'en exploite pas du tout les données selon 
les principes de l'allégorie, les divergences qu'il pré- 
sente avec eux, additions, omissions, modifications de 
détails, ne s'expliquant absolument pas par l'intention 
symbolique. — Que l'on lasse également la comparai- 
son au point de vue des personnages, on ne voit pas 
que ceux du quatrième Évangile soient des types sym- 
boliques plus que les autres. Dans saint Jean, pas plus 
que dans les Synoptiques, la mère de Jésus n'est figure 
de « la synagogue » ou de « la communauté d'Israël », 
Loisy, op. cit., p. 125,275, etc.; ni les frères du Sauveur, 
« figures du judaïsme, s p. 101, etc. ; ni Jean-Baptiste, 
symbole de l'ancienne alliance, p. 81; ni saint Pierre, 



1423 



MYTHIQUE (SENS) 



4424 



« type du messianisme judaïsant, » ou de « l'apôtre sujet 
à défaillance », p. 87 ; ni Judas, « type du judaïsme in- 
crédule et perfide, » p. 481; ni Joseph d'Arimathie, 
représentant du « judaïsme officiel », p. 84, 895; ni 
Pilate, « type des magistrats romains qui condamnaient 
les chrétiens à regret, » p. 858. — Les détails des récits 
ne sont ramenés à une signification symbolique que 
moyennant une exégèse de parti pris et d'arbitraire. 
Qu'il suffise de songer que, pour M.Loisy, les cinq por- 
tiques de la piscine de Bethésda représentent « les cinq 
livres de la Loi j», p. 386, tandis que M. Abbott, art. Gos- 
pels, § 47, Eneycl. bibl., t. h, col. 1797, y voit « les cinq 
sens de l'humanité non rachetée, c'est-à-dire les passions 
non régénérées ». Pour M. Loisy, le paralytique, « infirme 
depuis trente-huit ans, » au moment de sa guérison, aura 
sans doute quarante ans à la mort de Jésus ; il représente 
donc Israël, qui est resté quarante ans dans le désert, 
ou bien l'humanité, puisque quarante ans est le nombre 
biblique qui marque une génération, p. 389. Le jeune 
homme aux pains et aux poissons semble représenter 
les diacres, <£ ministres auxiliaires de la cène eucharis- 
tique chez les premiers chrétiens, » p. 427. Le miracle 
de la marche sur les eaux a pour but d'illustrer le sa- 
crement de l'eucharistie, en montrant que le Christ 
eucharistique « n'est pas soumis aux lois de la ma- 
tière, pas plus à la loi de l'étendue qu'à celle de la pe- 
santeur », p. 456. Dans le récit de la résurrection de La- 
zare, « Marthe, qui rencontre Jésus la première, semble 
représenter le premier groupe de Juifs convertis, et 
Marie les fidèles recrutés parmi les Gentils; associés en 
Jésus, les deux groupes réalisent par lui la résurrection 
de l'humanité, de l'homme, leur frère, qui gisait dans 
le tombeau depuis quatre jours, peut-être les quatre 
mille ans qui ont précédé la venue du Christ, » p. 645. 
Si Marie de Béthanie oint de parfum les pieds de Jésus 



et les essuyé de sa chevelure, « on doit croire que l'ac- 
tion est symbolique et destinée à montrer comment 
Marie, l'Église de la' gentilité, a recueilli aux pieds de 
Jésus le parfum de l'Evangile, qui se répand dans tout 
l'univers, » p. 672. — Il faut avouer que de pareilles li- 
cences d'imagination ne sont pas pour nous inspirer 
absolue confiance aux critiques, qui prétendent nous 
offrir la clef du quatrième Évangile. Les interprétations 
extravagantes auxquelles conduit logiquement lesyslème 
semblent prouver d'une façon péremptoire que l'ouvrage 
n'a pas son explication fondamentale dans lesymbolisme. 
— D'autre part, les preuves, extrêmement fortes, que 
l'on a de son rapport avec l'apôtre saint Jean, l'impos- 
sibilité où l'on se trouve d'expliquer ce qu'il contient 
d'histoire par une simple exploitation de la matière 
synoptique, enfin le naturel, la vie intense, la variété et 
la précision des détails, qui caractérisent ses narra- 
tions, sont des garanties fort sérieuses de son historicité. 
Sa divergence d'avec les Synoptiques reste sans doute un 
problème à résoudre, mais à résoudre, semble-t-il, d'une 
tout autre manière que par l'hypothèse d'une simple 
méditation religieuse ou spéculation théologique sur la 
vie de Jésus. 

8» Conclusion. — Ainsi, l'étude détaillée des Évangiles 
vérifie ce que garantissaient déjà l'origine de ces livres 
et les conditions dans lesquelles ils ont été rédigés, à 
savoir qu'ils ne sauraient être soumis au système d'in- 
terprétation mythique, proposé par les critiques indépen- 
dants. Le résultat même de cet examen, relativement aux 
écrits évangéliques, pour lesquels les moyens de contrôle 
sont multiples et plus à notre portée, ne va-t-il pas à 
confirmer dans une certaine mesure ce que nous avons, 
dit à propos de l'Ancien Testament, et à nous assurer que, 
même dans ces livres antiques, le mythe n'occupe point 
la place qu'on prétend? M. Lepin. 



N 



N, quatorzième lettre de l'alphabet hébreu. Voir Non; 

NAALOL (hébreu : Nahâlâl, Jos., xix, 15; xxi, 35; 
Nahâlôl, Jud., i, 30; Septante : Vaticanus : Naëaài, 
Jos., XIX, 5; SeUâC?), Jos., xxi, 35; Aw[iavâ, Jud., I, 
30; Alexandrinus : NaaXtiX, Jos., xix, 15; xxi, 85; 
'Evajj.t'.cxv, Jud., i, 30), ville de la tribu de Zabulon, 
Jos., xix, 15, donnée aux Lévites fils de Mérari, Jos.,xxi, 
35, et dont les indigènes chananéens ne furent pas 
expulsés par les vainqueurs israélites. Jud., i, 30. On 
voit comment ce nom a été défiguré par les Septante. 
Dans la liste, d'ailleurs incomplète, des villes de Zabu- 
lon, Jos., xix, 15, il est mentionné entre Cathed et Sé- 
meron. Cathëd est inconnu, mais Sémeron est généra- 
lement identifié avec Semûniyéh, village situé à l'ouest 
de Nazareth. Naalol est également suivi de Bethléhem, 
qui correspond exactement à Beit-Lahm, au nord-ouest 
et prés de Semûniyék. Sa position semble donc bien 
indiquée au sud-ouest ou au sud dé la tribu. D'autre 
part, le Talmud assimile le bSru, Nahâlâl, biblique à 

bibrra, Mahlùl. Cf. A. Neubauer, La géographie du 
Talmud, Paris, 1868, p. 189. Or, on trouve encore 
aujourd'hui au sud-est de Semûniyék une localité dont 
le nom J^Jjt-j, Ma'lûl, à part la gutturale, répond bien 
à la désignation taltmidique. 11 y a en cet endroit quel- 
ques vestiges d'antiquité. Cf. V. Guérin, La Galilée, 1. 1, 
p. 388-389. Le savant explorateur accepte cette identifi- 
cation, qui est admise également par R. ,T. Schwarz, 
Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 137; 
Van de Velde, Memoir to accompany Ihe Map of the 
Roly Land, Gotha, 1858, p. 335, etc. Elle est regardée 
comme probable par F. Buhl, Géographie des alten 
Palàstina, Leipzig, 1896, p. 215. — D'autres préfèrent 
réserver le site de Ma'lûl pour Mérala, ville de la même 
tribu, Jos., xix, 11. Voir Mérala, col. 988. Dans ce cas, 
on pourrait placer Naalol à 'Aïn Mdhil, jJ^-L* q^c, 

au nord-est de Nazareth. Cette source coule au bas d'un 
village du même nom, situé sur une hauteur et réduit 
à une dizaine d'habitations, qu'entourent des jardins 
plantés de figuiers, d'oliviers et de grenadiers. Cf. 
G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places 
in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 134; 
D. Zanecchia, La Palestine d'aujourd'hui, Paris, t. n, 
p. 675. A. Legendre. 

*■ NAAMA (hébreu: Na'dmah, « douce »), nom, dans 
le texte hébreu, de deux femmes et d'une ville de Juda. 
Dans la Vulgate, le nom de l'une des femmes est écrit, 
à la suite des Septante, Noéma. Gen., rv, 22. ; 

1. NAAMA (Septante : Naaitâ, III Reg., xrv, 21; 
Nooniiâ, II Par., xn, 13), femme du roi Salomon et 
mère du roi Roboam. Elle était Ammonite. III Reg., xiv, 
21, 31; II Par., xn, 13. Ce fut peut-être pour elle que 
Salomon bâtit sur le mont du Scandale un haut lieu en 
l'honneur de Moloch, le dieu d'Ammon. III Reg., XI, 1, 
5. Le Cedex Vaticanus et l'édition sixtine des Septante, 



dans une longue addition à III Reg. , xn, 24, laquelle ne se 
lit ni dans l'hébreu, ni dans la Vulgate, ni dans le Codex 
Alexandrinus, dit, entre autres choses, que Naaman 
(altération de Naama). était « fille d'Ana, iils de Naas, roi 
des fils d'Ammon ». 

2. NAAMA (hébreu : Na'âmâh; Septante : Vaticanus: 
Ntopiàv; Alexandrinus ; Nwjna), ville de la tribu de 
Juda. Jos., xv, 41. Elle fait partie du deuxième groupe 
des cités de « la plaine » ou de la Scphélah, et est men- 
tionnée entre Bethdagon et Macéda, dont l'emplacement 
n'est malheureusement pas certain. On a proposé d'iden- 
tifier Naama avec le village actuel de Na'anéh, au sud 
de Ramlâh. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, 
Londres, 1881-1883, t. H, p. 408. Mais ce site, croyons- 
nous, sort des limites de la tribu de Juda et appartient 
plutôt à celle de Dan. Voir la carte de Juda, t. in. 
col. 1760. Il n'est pas question de Naama dans d'autres 
endroits de l'Écriture. — On trouve dans la liste géogra- 
phique des pylônes de Karnak, n. 75, un nom qui, au 
premier regard et surtout par la place qu'il occupe, 
semblerait l'équivalent de Na'amah; c'est Naunu. Aussi 
Mariette avait-il été tenté de faire un rapprochement 
entre les deux; mais l'absence de la gutturale 'aïn, 7, 
dans le nom égyptien, lui fit rejeter cetle identification. 
Cf. A. Mariette, Les listes géographiques des pylônes de 
Karnak, Leipzig, 1875, p. 35; G. Maspero, Sur les noms 
géographiques de la Liste de Thoutmos 111 qu'onpeut 
rapporter à la Judée, extrait des Transactions of the 
Victoria lnstitute, or philosophical Society of Great 
Britain, Londres, 1888, p. 7. — Rien n'indique qu'on 
doive regarder Naama comme la patrie de Sophar le 
Naamathite, un des amis de Job. Job, n, 11 ; xi, 1 ; xx, 
1. Voir Naamathite. A. Legendre. 

NAAMAN (hébreu Na'âman, «c agrément »), nom 
d'un ou de deux Israélites et d'un général syrien. 

1 et 2. NAAMAN (Septante : Nosuiv, Gen., xlvi, 2t; 
Noaiiâ, I Par., vin, 4; Nooiidî, I Par., vm, 7). Dans 
Gen., xlvi, 21, Naaman est énuméré avec Bêla parmi 
les fils de Benjamin; dans I Par., vin, 4, il est compté 
parmi les fils de Bêla et devient ainsi le petit-fils de 
Benjamin au lieu de son fils. Certains commentateurs 
distinguent deux Naaman, le premier fils de Benjamin, 
le second fils de Bêla; d'autres interprètes les identifient 
et pensent que la Genèse a compté parmi les enfants de- 
Benjamin quelques-uns de ses petits-fils. Cette opinion 
est probablement la vraie, car les Nombres, xxvi, 28-30, 
ne nomment pas Naaman (appelé dans ce passage par 
la Vulgate Noéman) parmi les fils de Benjamin, mais 
parmi les fils de Bêla. Naaman fut le chef de la famille 
des Naamanites, ou, d'après l'orthographe de la version 
latine, des Noémanites. Voir Noémanites. — Un passage 
de I Par., vin, 7, semble énumérer Naaman parmi 
les fils d'Ahod, mais il s'agit bien du petit-fils de 
Benjamin et de ses frères Achia et Géra. Ils paraissent 
avoir été transportés à Manahath, eux ou leurs descen- 



1427 



NAAMAN 



NAARATHA 



1428 



dants. Mais le sens du verset, qui est probablement 
altéré, est impossible à déterminer avec certitude. 

8. NAAMAN (hébreu : na'âmdn; Septante : Nai(iàv), 
général syrien guéri de la lèpre par Elisée. — Naaman 
était le chef de l'armée du roi de Syrie, Bénadad II, con- 
temporain des rois d'Israël Achab, Ochozias et Joram. 
Voir Bénadad II, 1. 1, col. 1573. Il fut atteint d'une lèpre 
qui commença par une plaie, IV Reg., v, 11. Il était très 
en faveur auprès de son maître, parce que « e'était par 
lui que Jéhovah avait délivré les Syriens », IV Reg., v, 
1 , soit dans leurs luttes contre les Israélites, III Reg. , xxir, 
30-36, soit dans leur résistance efficace aux invasions de 
Salmanasar II, roi d'Assyrie. Cf. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, t. ni, 1899, 
p. 78-79. Dans une de leurs razzias, les Syriens avaient 
pris une jeune Israélite, qui devint esclave de la femme 
de Naaman. L'esclave parla à sa maîtresse du prophète 
de Samarie, Elisée, comme fort capable de guérir le 
général. Le roi s'intéressa lui-même à l'affaire, et donna 
à Naaman une lettre de recommandation pour le roi 
d'Israël. Le général partit avec de riches présents, arriva 
devant le roi d'Israël et lui demanda de le faire guérir. 
Étonné de cette requête insolite, le roi n'y vit qu'un 
prétexte à recommencer la guerre. Heureusement, Elisée 
intervint pour le rassurer, et Naaman, sur son char et 
avec une escorte de cavalerie, s'arrêta devant la porte 
du prophète. Celui-ci, pour montrer au général que 
les grandeurs de ce monde n'avaient pas le don de fas- 
ciner un prophète de Jéhovah, se contenta de lui faire 
dire par un messager que sa guérison résulterait de 
sept ablutions dans le Jourdain. Naaman fut mortifié de 
ce procédé. Il s'en retournait furieux, en prétendant 
que les eaux de son pays valaient bien celles du Jour- 
dain, quand les gens de sa suite lui firent entendre rai- 
son. Il se lava sept fois et fut guéri. Reconnaissant, il 
retourna près du prophète et le pressa d'accepter des 
présents. Elisée refusa tout. Naaman, comprenant que 
sa guérison devait être attribuée non aux eaux du fleuve, 
mais à la puissance de Jéhovah, protesta qu'il n'offri- 
rait plus de sacrifices à d'autres dieux que lui, et sollicita 
l'autorisation d'emporter deux charges de mulets de 
terre d'Israël, sans doute pour en faire l'autel sur lequel 
il se proposait de sacrifier à Jéhovah. Mais, se rappe- 
lant que son devoir d'état l'obligeait à accompagner son 
maître dans le temple du dieu syrien Remmon, il 
demanda à Elisée la permission de le faire. Elisée se 
contenta de lui répondre : « Va en paix ! » Naaman s'en 
retourna dans son pays, édifié du désintéressement 
d'Elisée, malgré l'indiscrète intervention de Giézi, dont 
par la suite il apprit sans doute la mésaventure. Voir 
Giézi, t. m, col. 237. IV Reg., v, 1-27. — A la synagogue 
de Nazareth, Notre-Seigneur rappela la guérison de 
Naaman, Luc, iv, 27, pour montrer que Dieu est libre 
de ses dons et qu'il peut les accorder aux étrangers 
aussi bien qu'aux Israélites. Bien qu'étranger et même 
ennemi d'Israël, Naaman fut guéri, comme le fut plus 
tard le Samaritain lépreux, aussi reconnaissant que le 
général syrien. Luc.,xvn, 16. Pour obtenir sa guérison, 
il dut se laver dans les eaux du Jourdain, comme 
l'aveugle-né eut à le faire à la piscine de Siloé. Joa.,ix, 
7. Une fois guéri, il rendit hommage à la divinité de 
Jéhovah, comme l'aveugle-né à la divinité du Sauveur. 
Joa., ix, 38. H. Lesètbe. 

NAAMATHITE (hébreu : han-Na'amâti; Septante : 
ô Mtvaîwv BaoïXeO;, Job, II, 11; 6 Mivaïo;, Job, XI, 1; 
xx, 1 ; xlii, 9), nom ethnique de Sophar, un des amis 
de Job. Job, n, 11; xi, 1; xx, 1; xlii, 9. La leçon des 
Septante, Mtvaîoç, fait supposer que, au lieu de tidw, 
Na'àmâ(i, ils ont lu »ni7D, Me'unâfî, de D»3iyD, Me'û- 
nîtn, peuple dont il est question dans quelques passages 



de l'Écriture. Cf. I Esd., n, 50; II Esd., vrr, 52. Ils ont, 
en effet, rendu le même mot Me'ûnim par MiMaîot, 

I Par., iv, 41; II Par., xx, 1; xxvi, 8 (dans ces deux 
derniers passages, le texte massorétique porte : 'Am- 
mônîm, les Ammonites). Mais s'ils ont entendu par là 
les Minéens, qui habitaient au sud-ouest de l'Yémen, 
leur traduction est fausse. D'autre part, les variantes de 
la recension de Lucien montrent que la leçon Mivaïot 
est douteuse en quelques endroits. Les Me'ûnim sont 
plus communément regardés comme une tribu idu- 
méenne. Voir Maonites, col. 704. Dans ces conditions, 
il est difficile de savoir quelle était la patrie de Sophar. 

II y a bien dans la tribu de Juda une ville de Na'âmâh. 
Jos., xv, 41. Voir Naama. Mais la seule identité de nom 
suffit-elle pour que nous considérions l'ami de Job 
comme originaire ou habitant de cette ville? Na'âmâh, 
qui veut dire « agréable, plaisante [ville] », est un nom 
trop commun pour qu'il n'ait pas eu de correspondants 
en Syrie et en Arabie. D'un autre côté, si l'on fait de 
Sophar un Maonite, il se trouvait être Iduméen comme 
Eliphaz de Théman, un autre ami de Job. 

A. Legendre. 
NAARA (hébreu : Na'ârdh, « jeune fille, » Septante : 
®oa8â; Alexandrinus : Noopi), une des deux femmes 
d'Assur, ou Ashur (t. i, col. 1091), fils d'Hésion, de la 
tribu de Juda. Naara lui donna quatre fils : Oozam, 
Hépher, Thémani et Ahasthari. I Par., iv, 5-6. 

NAARAI (hébreu : Na'arai, « jeune; » Septante : 
Naapaf; Alexandrinus : Noopa), fils d'Asbaï, un des 
vaillants soldats de l'armée de David. I Par., xi, 37. Son 
nom, comme celui de son père, est modifié dans la liste 
des gibborîm de David, II Reg., xxin, 35, où il est 
appelé par le changement de deux lettres Parai (Pa'âraï), 
fils d'Arbé, et il n'est guère possible aujourd'hui de dis- 
cerner quelle est la vraie leçon. 

NAARATHA (hébreu : Na'ârâtâh, avec hé local; 
Septante : Vaticanus : aîxô[i.ai aùtàiv; Alexandrinus : 
Naapaôa), ville frontière de la tribu d'Ephraïm. Jos., xvi, 
7. Elle s'appelle Noran (hébreu : Na'ârdn; Septante : 
Vat. : Naapviv; Alex. : Naapiv), I Par., vu, 28. Dans 
le tracé des limites de la tribu, elle occupe le dernier 
point avant Jéricho et ieJourdain.Josèphe,Ant..;'Md.,XVII, 
xiii, 1, parle d'un village deNeapâ, d'où Archélaûs, fils 
d'Hérode, amena l'eau, au moyen d'un aqueduc, dans 
la plaine de Jéricho, pour en arroser les plantations de 
palmiers. Le Talmud mentionne Na'aran comme ville 
opprimée par Jéricho. Cf. A. Neubauer, La géographie 
du Talmud, Paris, 1868, p. 163. Eusèbe et saint Jérôme, 
Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 142, 283, placent 
Naaratha au village de Noopdi8, Naoralh, à cinq milles 
(un peu plus de sept kilomètres) de Jéricho, conséquem- 
ment au nord, puisqu'elle appartenait à la tribu 
d'Ephraïm. C'est donc de ce côté que doivent, d'après 
tous ces détails, se diriger nos recherches. V. Guérin, 
La Samarie, t. I, p. 210-213, 226-227, identifie Naaratha 
avec Khirbet Samiyéh, à deux heures et demie de 
marche environ au nord-nord-ouest A'Er-Riha. La dis- 
tance dépasse les cinq milles indiqués par Eusèbe; mais 
les chiffres milliaires marqués dans VOnomasticon ne 
sont pas toujours d'une exactitude mathématique. II 
signale là, près d'une source abondante, des ruines 
assez considérables. La source, appelée 'Aïn es-Sa- 
miyéh, « coule au-dessous d'une chambre voàtée en 
plein cintre et bâtie avec de larges blocs; près de là 
gisent quelques tronçons de colonnes monolithes en 
pierre et plusieurs chapiteaux imitant le style dorique. 
Au nord et au-dessus de la source, on remarque les 
ruines d'un édifice considérable, destiné peut-être jadis 
à la défendre et construit avec des blocs gigantesques, 
grossièrement taillés. Les eaux de Y'Aïn es-Samiyéh 
arrosent et fertilisent la vallée de ce nom, où croissent 



im 



NAARATHA 



NABAIOTH 



1430 



des lentilles, des fèves et du blé. Sur les flancs infé- 
rieurs de la montagne qui la borde vers l'est, de nom- 
breuses grottes ont été creusées dans le roc. Quelques-unes 
sont certainement antiques... Cette source, à cause de la 
bonté et de l'abondance de ses eaux, a très bien pu, au 
lieu de se perdre, comme elle le fait maintenant, après 
avoir arrosé la vallée de Sarniyéh, être jadis amenée 
par un petit canal dans la plaine du Jourdain. » V. Gué- 
rin, La Samarie, t. i, p. 211, 213. D'autres cependant 
cherchent plutôt Naaratha à Khirbet el Audjéh et-Tah- 
tdni, à l'est de Khirbet Sarniyéh, et directement au 
nord de Jéricho. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Con- 
der, Names and places in the Old and New Testament, 
Londres, 1889, p. 133. Il y a là un ruisseau considéra- 
ble et quelques ruines. Cf. Survey of Western Pales- 
tine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. il, p. 391. Mais ces 
ruines sont beaucoup moins importantes que celles de 
Khirbet Sarniyéh, où se trouve du reste la source même 
du ruisseau en question. A. Legenore. 

N A ARIA (hébreu : Ne'arydh, « serviteur de Yâh ouP 
Jéhovah »), nom de deux Israélites. 

1. NAARIA (Septante : NuaSfa), fils de Séchénias, et 
père d'Élioénaï, d'Ézéchias et d'Ezricam, de la tribu 
de Juda, descendants de David. I Par., m, 22-23. 

2. NAARIA (Septante : NuaSiâ), le second des quatre 
fils de Jési, qui, à la tête de cinq cents Siméonites, sous 
le règne d'Ézéchias, chassèrent les Amalécites du mont 
Séir et s'y établirent. I Par., iv, 42. 

NAAS (hébreu : Nahas, « serpent ; » Septante : Naiç), 
nom de deux Ammonites, d'un Israélite et d'une ville. 

1. NAAS (hébreu: Nâhàs'; Septante-: Nôaç), roi des 
Ammonites, du temps de Saûl. — Peu de temps après 
l'élection de Saûl à la royauté, le roi des Ammonites, 
Naas, « le Serpent, » monta à la ville de Jabès Galaad 
pour s'en emparer. Ce n'était pas la première fois, du 
reste, que les Ammonites attaquaient les Israélites. Voir 
Ammonites, t: i, col. 496. Les habitants de Jabès, qui ne 
se sentaient pas en force pour résister efficacement, 
proposèrent une alliance à l'assaillant. Mais Naas leur 
répondit insolemment qu'il ne traiterait qu'après 
avoir crevé l'œil droit à chaque habitant, pour la honte 
de tout Israël. Les anciens demandèrent alors un répit 
à Naas, promettant de se rendre à lui au bout de sept 
jours, si le secours qu'ils iraient réclamer ne venait 
pas. Le roi y consentit, persuadé sans nul doute que le 
secours ne viendrait jamais et qu'il lui était plus avan- 
tageux d'obtenir sans coup férir la reddition de la ville 
que de s'en emparer de haute lutte. Les messagers se 
rendirent à Gabaa et émurent le peuple au récit du 
danger qu'ils couraient. Saûl, survenant à ce moment, 
convoqua immédiatement tous les guerriers d'Israël 
pour aller délivrer Jabès. Les messagers en portèrent 
la nouvelle à leurs compatriotes, et, par une feinte cou- 
tumière aux hommes de cette époque, annoncèrent à 
Naas que la ville se rendrait le lendemain. Mais, dès 
l'aube du jour, les Israélites tombèrent sur les Ammo- 
nites, les battirent jusqu'à midi et dispersèrent les sur- 
vivants. 1 Reg., xi, 1-11 ; su, 12. — Quand plus tard 
Naas mourut, David, qui régnait alors à Jérusalem, se 
proposa de montrer de la bienveillance à son fils Hanon, 
comme Naas lui en avait témoigné à lui-même. II Reg., 
x, 2; I Par., xix; 1, 2. On ne trouve nulle part l'indi- 
cation de ce que Naas aurait fait en faveur de David. 
L'auteur des Quœst. hebraic. in libr, Reg. et Paralip., 
faussement attribuées à saint Jérôme, In II Reg., x, 2, 
t. xxiii, col. 1352, prétend qu'après sa fuite de chez 
Achis, roi de Geth, David rencontra auprès de Naas 
l'accueil le plus généreux. Ce renseignement est pure- 



ment hypothétique; mais il n'est pas invraisemblable 
que David, poursuivi par Saûl, ait été bien accueilli par 
un roi que Saûl avait battu. Toujours est-il qu'après la 
mort de Naas, David envoya ses condoléances à son fils 
Hanon. Celui-ci, mal conseillé, prit en mauvaise part 
la démarche courtoise du roi israélite. Il traita honteu- 
sement les envoyés de David, et il en résulta une guerre 
qui amena la défaite des Ammonites et la prise de 
Rabbath. II Reg., x, 1-5. Voir t. i, col. 496. — Un autre 
fils de Naas, Sobi, vint en aide à David à Mahanaïm, 
pendant la révolte d'Absalom. Il Reg., xvn, 27. Mais le 
nom de Naas était assez commun, et malgré la qualité 
d'Ammonite attribuée à Sobi, il n'est pas sûr que le 
Naas nommé dans ce passage soit le même que l'ancien 
roi d'Ammon. Voir Naas 3, Sobi. Cf. Buhl, Gesenius' 
Handwôrterbuch, p. 522. H. Lesêtre. 

2. NAAS, père d'Abigaïl et de Sarvia, mère de Joab. 
II Reg., xvn, 25. On identifie généralement ce Naas 
avec Isaï ou Jessé, père de David. Voir Abigaïl 2, t. i, 
col. 49. 

3. NAAS, frère de Sobi l'Ammonite, de Rabbath 
Ammon. Sobi apporta des vivres à David, à Mahanaïm, 
lorsqu'il fuyait devant Absalom. II Reg., xvn, 27. Plu- 
sieurs commentateurs supposent que le père de Sobi 
était le roi des Ammonites, Quxst. heb. in II Reg., 
xvn, 27, t. xxm, col. 1357, mais on ne voit pas pourquoi 
le texte ne l'aurait pas dit explicitement. 

4. NAASfhébreu : 'lr-Nâhàs; Septante : miXiç NaSç), 
ville qui, comme beaucoup d'autres, se trouve men- 
tionnée dans les listes généalogiques de Juda. I Par., îv, 
12. Elle aurait eu pour fondateur Tehinna, et est com- 
plètement inconnue. On a cependant cherché à l'iden- 
tifier avec Deir Nahâs,près de Beil-Djibrîn. Cf. Survey 
of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, 
t. m, p. 258; G. Armstrong, W. Wilson çt Conder, 
Names and places in the Old and New Testament, 
Londres, 1889, p. 92. A. Legendre. 

1. NAASSON, orthographe dans le Nouveau Testa- 
ment, Matth., i, 4; Luc, m, 32, du nom d'un descen- 
dant de Juda qui, dans l'Ancien Testament, est toujours 
écrit Nahasson. Voir Na.ha.sson. 

2. NAASSON, nom, dans la Vulgate, d'une localité 
complètement inconnue, située dans la Haute Galilée, 
non loin du lieu où était né Tobie, dans la tribu de 
Nephthali. Tob., i, 1. Au lieu de Naasson, le texte grec 
porte 'Aairip. Voir Aser 5, t i, col. 1090. 

NABAIOTH (hébreu : Nebâyôf; Septante :Nagaiû8), 
fils premier-né d'Ismaël et père d'une tribu arabe. 
Gen., xxv, 13; xxvni, 9; xxvi, 3; I Par., i, 29; Is., lx, 
7. Ce nom est associé à celui de Cédar, autre tribu 
arabe, descendant du second fils d'Ismaël, dans Isaïe, 
ix, 7, comme dans les inscriptions assyriennes. Ces 
dernières, en effet, mentionnent les Nabaitai auprès 
des Qidrai, et appellent leur pays mât Nabaitu (on 
trouve aussi Niba'ati, qui se rapproche du samaritain 
nN33, Nebâ'ôf, mis pour n'ioa, Nebayôf). Cf. E. Schra- 
der, Die Keilinschriften und dos Alte Testament, 
Giessen, 1883, p. 147. Les annales d'Àssurbanipal nous 
racontent une expédition de ce monarque contre Natnu, 
roi des Nabaitu, qui avait pris part à la révolte des 
Arabes et fut défait comme eux. Cf. Frd. Delitzsch, 
Wo lag dos Parodies ? Leipzig, 1881 , p. 296-301 ; G. Mas- 
pero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient clas- 
sique, Paris, 1895-1899, t. m, p. 439. Il faut distinguer 
ces Nebdyô(=Nabaitu des Nabatu dont parlent les ins- 
criptions de Théglathphalasar III, de Sargon et de Senna- 
chérib, et qui appartiennent à la famille des Aramu ou 



1431 



NABAIOTH 



NABLE 



1432 



Araméens cantonnés près de Babylone. Pour l'identifi- 
cation des Nabaioth avec les Nabatéens ou Nabuthéens, 
voir Nabuthéens. A. Legendre. 

NABAL (hébreu : Nâbâl ; Septante : Nâ6ai), Israélite 
de la race de Caleb. Nabal, dont le nom signifie 
« fou », était un riche propriétaire qui habitait Maon et 
possédait trois mille brebis et mille chèvres. Sa dureté 
et sa méchanceté le rendaient digne du nom qu'il por- 
tait, tandis que sa femme, Abigaïl, était remarquable 
par son intelligence et sa beauté. Voir Abigaïl, 1, t. li 
col. 47. Or, pendant qu'il était poursuivi par Saûl, Da- 
vid arriva près du territoire de Carmel, dans la tribu de 
Juda, voir Carmel, t. n, col. 290, et apprit que Nabal y 
veillait à la tonte de ses brebis. Comme ses gens avaient 
toujours entretenu de bons rapports avec ceux de Nabal, 
David envoya demander des provisions à ce dernier. 
Mais Nabal traita David de vagabond, d'esclave échappé 
à son maître, d'homme venu on ne sait d'où, ne méri- 
tant ni pain, ni eau, ni bétail. Justement courroucé de 
cette réponse outrageante, David laissa deux cents 
hommes à son campement et s'avança avec quatre cents 
autres pour demander raison à Nabal. Avertie par un 
de ses serviteurs du péril qui menaçait sa maison, Abi- 
gaïl se hâta de réunir à l'insu de son mari de copieuses 
provisions et elle se porta au-devant de David. Quand 
elle l'eut rencontré, elle se prosterna devant lui et s'y 
prit très adroitement pour l'apaiser et lui faire agréer 
ses présents. « Que mon seigneur, dit-elle, ne prenne 
pas garde à cet homme de rien, à Nabal, qui est vrai- 
ment ce qu'indique son nom ; il s'appelle Nabal et il y 
a en lui de la folie. » L'ensemble du récit montre que 
ces paroles ne répondaient que trop bien à la réalité. 
David fit le meilleur accueil à Abigaïl, accepta les pro- 
visions qu'elle amenait et lui promit la paix. De retour 
dans sa maison, Abigaïl trouva Nabal au milieu d'un 
royal festin et la raison déjà en déroute. Elle ne lui dit 
rien. Mais, quand, le lendemain matin, Nabal fut rede- 
venu maître de lui-même, elle lui raconta ce qu'elle 
avait fait. Le malheureux en eut une attaque, dont les 
suites l'emportèrent une dizaine de jours après. I Reg., 
xxv, 3-39. Ce fut la punition de son égoïsme, de sa du- 
reté, de son orgueil et de son intempérance. Quant à 
Abigaïl, elle devint la femme de David. I Reg,, xxv, 40- 
42. H. Lbsêtre. 

NABAT (hébreu : Nebat; Septante : tiaêâ-c), père de 
Jéroboam I er qui fut le fondateur du royaume d'Israël. 
"Voir Jéroboam 1, t. m, col. 1300. Nabal est souvent nommé 
dans l'histoire pour distinguer son fils du roi Jéroboam II, 
mais tout ce que nous savons de lui, c'est qu'il était 
Éphrathéen ou Éphraïmite (voir Éphbathéen, 2°, t. n, 
col. 1882), et qu'il habitait Sonéda. Ces brefs détails sont 
donnés la première ibis qu'il est nommé III Reg., xi, 
26. Dans les autres passages, III Reg., xn, 2, etc.; 
IV Reg., m, 3, etc.; II Par., ix, 29, etc.; Eccli., xlvh, 
29, nous ne lisons rien autre chose que son nom. Une 
tradition juive, mais sans fondement, identifie Nabat. 
avec Séméi, fils de Géra, ce Benjamite qui insulta David, 
lorsque ce prince fut obligé de. fuir devant Absalom. 
Qusest. heb. in lib. II Reg., xvi, iO, t. xxm, 1356. 

NABATÉENS, nom ethnique que la Vulgate écrit 
Nabuthéens. Voir Nabuthéens. 

NABATH (Septante : NàSSaç, 'Ajiâv; Sinaiticus, 
Na6âS, NaSâê; voir Vigouroux, Bible polyglotte, t. m, 
1902, p. 508, 520), cousin de Tobie d'après la Vulgate, 
Tob., xi, 17; son neveu, d'après les textes grecs. Voir 
Polyglotte, t. m, p. 508. Nabath n'est nommé qu'une 
fois dans la version latine, xi, 17; il l'est deuï fois, dans 
le grec, xi, 17, et xrv, 10. Le texte latin le mentionne 
après Achior et les qualifie tous les deux de «cousins 



de Tobie ». Les textes grecs sont plus explicites : ils 
font intervenir quatre fois, de même que la version 
Italique qui les a reproduits, Achior (sous la forme 
Achiacar et Achicar, i, 21-22; il, 10; XI, 17; xiv, 10) et 
s'ils ne sont pas précis sur le degré de parenté qui 
unissait Achior et Nabath, ils nous apprennent du moins, 
en plus que la Vulgate, qu'Achior (Achiacar), avait 
occupé un poste important à la cour de Sennachérib, 
roi de Ninive, et de son fils Assarbaddon (t. i, col. 143). 
On y entrevoit aussi confusément que Nabath s'était 
mal conduit envers Achiacar « qui l'avait nourri » ; il 
avait jeté ou voulu jeter son bienfaiteur vivant dans les 
ténèbres, mais, par un juste châtiment de sa malice, 
c'était lui-même qui s'était pris au piège. Tob., xiv, 10 
(texte grec). L'obscurité de ce passage serait complète- 
ment dissipé par l'Histoire du sage Achichar, si l'on pou- 
vait s'en rapporter sûrement à son témoignage. D'après 
The S tory of Ahikar,from the Syriac Arabie, Arme- 
nian, Ethiopie, Greek andSlavonic versions, publiée par 
F. C. Conybeare, J. Rendel Harris et Agnes Smith Lewis, 
in-8°, Londres, 1898, Nabath ou Nadan, comme il est 
appelé, était le neveu et le fils adoptif d' Achichar. Son 
oncle le combla de bienfaits, mais l'ingrat ne répondit 
à tant de bontés que par la plus noire ingratitude, il 
le fit passer pour traître auprès du roi Sennachérib et 
condamner à mort, afin d'hériter de ses charges. Achi- 
char réussit à émouvoir l'exécuteur et au lieu d'être tué, 
il fut caché dans une sorte de cave sous la terre. Plus 
tard, son innocence fut reconnue et Nadan expia son 
crime. Voir Vigouroux, Les Livres Saints et la critique 
rationaliste, 5" édit., t. iv, p. 551-572. 

NABLE (hébreu : nêbêl, nébél; Septante : vâëXaç; 
trois fois : ^aXTripiov, Ps. xxxn, 2; lvii, 9; II Esd., xn, 
27 ; Vulgate, psalterium). Instrument de musique de 
la classe des instruments à cordes pincées, assimilé 
par les uns au nable grec ou au psaltérion, dérivé de 
la harpe, voir Psaltérion ; par d'autres au néfer 
égyptien, sorte de luth ou de guitare. 

1° Description. — Le nable, qui était, sinon d'ori- 
gine asiatique, du moins très usité chez les Phéniciens, 
mSioviou vàëXa, Athénée, IV, 23, s'introduisit en Occident 
et fut principalement en honneur dans la -Grande-Grèce, 
où il était appelé vctéAa, vaOXa. Athénée, iv, 25. Le 
même auteur cite ce vers de Philémon qui montre la 
réputation du nable : oJx oîaOa vâ^Xav; oûSèv oîv oi8a; 
àyaU'oy au ye. Ibid., 24. Nous ne possédons de cet ins- 
trument aucune description certaine, permettant une 
identification exacte. Il était, selon Josèphe, Ant. jud., 
vit, 12, 3, pourvu de trous (ouverture de résonnance) 
et monté de cordes « au nombre de douze », dit le 
même historien, et on le touchait avec les doigts. Sauf 
ce dernier point, la description de Josèphe n'est pas 
conforme aux textes bibliques que l'on va citer. Au 
surplus, il n'est pas certain que le nable grec fût exac- 
tement le nébél hébreu. 

Des auteurs modernes maintiennent l'identification 
"~du nébél avec le psaltérion, laite par la plupart des 
anciens écrivains ecclésiastiques grecs et latins, sur 
l'autorité des Septante et de la Vulgate. J. Weiss, Die 
musikalischen Instrumente in den Heiligen Schriften 
des A. T., Graz, 1895, p. 47-48. D'autre part, les anciens 
rabbins, mentionnant souvent les ouvertures du nable, 
qui ne sont cependant que les ouïes de résonnance, ont 
cru que c'était un instrument à vent. Voir Aben Ezra, 
In Is., v, 12. Mais une autre tradition hébraïque 
consignée dans le traité Siltê haggïbbôrîm, c. v 
(voir J. Weiss, Die musikalischen Instrumente, p. 45), 
l'assimile au luth. Il est remarquable que les instru- 
ments à manche, luth, guitare, mandoline, théorbe, 

portent en égyptien le nom de f *—*, néfer, § ^ \_, . T 
néfri. Il est vrai que cet instrument n'est figuré dans 



1433 



NABLE 



NABO 



4434 



les représentations monumentales qu'à partir de l'époque 
où l'on y trouve le trigone et la lyre asiatiques; toute- 
fois, le signe hiéroglyphique du néfer, qui est l'image 

même de la guitare, f, intervient très fréquemment sur 
les monuments dès l'époque des pyramides. V. Loret, 
L'Egypte au temps des Pharaons, in-12, Paris, 1889, 
p. 150. Voir Ebers, dans Riehm, Handwôrterbuch der 
biblischen Alterthums, l re édit., Leipzig, 1884, t. n, 
p. 1035; Uhlemann, Handbuch der âgyptischen Alter- 
thumskunde, t. n, p. 302. Si le rapport étymologique 
très probable entre le mot hébreu et le mot égyptien 
pouvait se démontrer comme une certitude, on conclu- 
rait, non plus à l'adoption par les Égyptiens d'un instru- 
ment asiatique, mais à l'emprunt par les Palestiniens de 
l'instrument égyptien avec son nom hiéroglyphique, à la 
même époque où s'introduisait aux bords du Nil la petite 
harpe trigone phénicienne. Voir Ha.rpe, t. m, col. 434. 

Quoi qu'il en soit, ces types d'instruments à manche 
furent très anciennement répandus dans toute l'Asie, et 
les exemplaires actuels rappellent encore les modèles^ 
anciens. Le théorbe égyptien avait en effet, comme la 
tanbourah moderne, un manche très long, sur lequel 
étaient tendues deux ou trois cordes, ou souvent une 
seule. Ces cordes avaient un unique point d'assemblage, 
au bas de la partie sonore de l'instrument; elles étaient 
fixées par des chevilles de bois placées à l'extrémité du 
manche. Le théorbe diffère du luth arabe, son dérivé, 
par la petitesse du corps de résonnance, la grande lon- 
gueur du manche et le nombre réduit des cordes. Voir 
Luth, t. iv, col. 431. On touchait les cordes avec les 
doigts de la main droite. Le plectre s'introduisit plus 
tard. Voir Plectre. Primitivement les cordes des divers 
instruments ne s'utilisaient que pour donner chacune 
un son. On imagina, dans les instruments à manche, la 
tablature, consistant en sillets disposés le long du man- 
che, pour marquer !a place des notes, constituant pour 
chaque corde une échelle tonale réduite. Au x* siècle de 
notre ère, les sillets disparurent, mais les procédés de 
position des doigts sur le manche ne firent que se per- 
fectionner. L'instrument est soutenu à l'aide de la main 
gauche, devant la poitrine, mais il est souvent porté en 
bandoulière, de façon à rendre la main gauche libre de 
participer au jeu. 

Le mot hébreu nébél, qui signifie une « outre », Is., 
xxii, 24, fait sans doute allusion à la partie creuse et 
rebondie du corps de résonnance. Cette expression a 
induit en erreur plusieurs écrivains, qui se sont repré- 
senté le nable comme composé d'une outre, formant 
réservoir d'air, et de tuyaux, comme la cornemuse. 
Villoteau, De l'état actuel de l'art musical en Egypte, 
dans la Description de l'Egypte, Paris, 1805, t. XIH, 
p. 477. Il est hors de doute que le nable était de la 
famille des instruments à cordes. La version anglaise 
ancienne rend nébél par psaltery, mais aussi par viol, 
« viole, » dans Amos, v, 23, et vi, 5. 

2° Usage du nable chez les Hébreux. — Le nable 
apparaît à l'époque de Samuel, immédiatement avant la 
période des rois. Nous le voyons dès lors associé presque 
toujours à la harpe ancienne, aux flûtes et hautbois, 
ainsi qu'aux instruments de percussion. On trouve 
ainsi : nébél et kinnôr, Ps. xxxih (xxxii), 2; lxxi (lxx), 
22; xcn (xci), 4; cvm (cvn), 3; nébél, kinnôr, tambou- 
rin et flûte : I Sam., x, 5; Is., x, 12; nébél, kinnôr, 
corne, trompette et cymbales; I Par., xv, 28; nébél, 
kinnôr, trompettes : II Par., xx, 28; nébel, tambourin, 
cymbales, trompette : I Par., xm, 8; nébél, kinnôr, 
cymbales : II Esd., xu, 27, et ces trois instruments 
spécialisent les trois classes des musiciens dans le ser- 
vice du Temple, I Par., xv, 16; xxv, 1, 6; II Par., v, 
12; xxix, 25. 

Lors de la translation de l'arche à Jérusalem, du temps 
de David, il y avait huit joueurs de nable. Par., xv, 20. 



C'est au nable <jue s'applique l'expression 'al 'alâmôt 
(Vulgate : arcana). ïbid., Voir AlÂmôt, t. i, col. 333. 
Les prophètes expriment la vibration des cordes et la 
résonnance de l'instrument par hèmyat nebâlékâ, Is., 
xiv, 12, le « bruit »; zimrat nebâlékâ, Amos, v, 24, le 
« jeu », ■ifnX\i.6i; Ur, II Esd., XU, 27, le « chant » des 
nables. On dit aussi : hap-pônim 'al pi han-nâbél, 
Amos, vi, 5, ceux qui « divisent » les sons, qui multi- 
plient les notes sur le nable. 

Ces instruments étaient fabriqués en bois de cèdre et 
de cyprès, comme les harpes. II Sam., vi, 5. Voir 
Harpe. Salomon en fit construire avec les bois de san- 
tal rapportés d'Ophir, III Reg., X, 12; Il Par., ix, 10, 
11, et, suivant Josèphe, Ant. jud., VIII, h, il les orna 
de métal, iX&tpou. La légèreté et la commodité de 
maniement du nable, sa constitution peut-être moins 
primitive, lui donnèrent une incontestable supériorité 
sur la petite harpe qui l'avait précédé, au point qu'il 
devint comme celle-ci, l'instrument national des 
Hébreux. Parmi les perfectionnements divers que subit 
le nable, l'Écriture mentionne indirectement l'étendue 
plus grande du jeu de cordes. Le nable à dix cordes est 
appelé nébél 'âsôr. Ps. xxxm (xxxn), 2; xcn (xci), 4. 
Dans l'état où l'on se -représente l'instrumentation anti- 
que, une modification de cette sorte dut faire époque, à 
l'égal des transformations de la lyre grecque antique ou 
du luth arabe au X e siècle. Rien d'étonnant à ce qu'une 
épithète spéciale ait désigné le nouveau type d'instrument. 

J. Parisot. 

1 . NABO (hébreu : Nebô, 13: ; Septante, Na6aû ; textes 

cunéiformes :Na-bi-u,Na-bu,>->-^ ►^T ^2 ^ TTT. 

nom d'un dieu babylonien, qui semble apparenté soit 
étymologiquement, soit artificiellement, à la racine 
sémitique K32, ndbâ', d'où dérive le mot hébreu 

TT 

n>32, nâbV, « prophète. » C'était le fils du dieu Mardouk= 

Mérodach, dont il annonçait les volontés aux hommes, 
il était aussi le dieu des sciences et des lettres, le dieu, 
particulier des scribes. Primitivement il était adoré, 
comme grand dieu spécial, à Barsip^Borsippa, où il eut 
toujours un temple-pyramide célèbre. Quand plus tard 
Borsippa fut réunie et subordonnée à Babylone, Nabo 
y fut reçu et considéré comme fils de Bel-Mardouk, le 
grand dieu babylonien, cf. Is., xlvi, 1; il y jouit toujours 
d'une vénération spéciale et devint la divinité éponyme 
de la plupart des souverains de Babylone, Nabu-kudur- 
usur (Nabuchodonosor), Nabu^pal-usur (Nabopalassar), 
Nabu-nahid, etc., qui aiment à se dire dans leurs in- 
scriptions « favori du dieu Nabo ». Nabuchodonosor 
restaura entre autres son temple à sept étages de Bor- 
sippa, nommé « le temple des sept sphères (planètes) du 
ciel et de la terre ». Les textes assyriens et babyloniens 
donnent à Nabo les épithètes de « sage, intelligent, au- 
teur de la prophétie, auteur de l'écriture, auteur des 
tablettes écrites, celui qui ouvre l'oreille (qui donne 
l'intelligence) », il partage ce dernier rôle avec la déesse 
TaS-me-tu, « celle qui fait entendre, »qui lui est donnée 
pour épouse. C'est à ce couple divin que rend grâces le 
roi Asiur-bani-pal, dans la formule finale des tablettes 
de toutes sortes^de sciences que ce monarque fit trans- 
crire en Bàbylonie pour sa bibliothèque de Ninive. 
Nabo était de plus préposé et identifié à la planète Mer- 
cure, comme Mardouk son père l'était à celle de Jupiter 
dans le culte astral babylonien. Dans son rôle cosmo- 
gonique on lui donne le titre, fort peu clair, de « lien 
de l'univers », l'assimilant ainsi, d'après Sayce, Lectures 
on the origin and growth of religion, as illustrated by 
the religion of the ancient Babylonians, p. 116-117, au 
grand abîme qui, comme un fleuve, faisait le tour de 
la terré, et d'où émanait toute science. Comme dieu 



4435 



NABO 



NABOTH 



4436 



des scribes, le culte du Nabo se répandit partout où 
pénétra la civilisation babylonienne, surtout en Assyrie, 
où les textes religieux nous le représentent écoutant les 
prières du roi Assurbanipal, et y répondant par ses 
oracles. Fr, Martin, Textes religieux, assyriens et baby- 
loniens, Paris, 1903, p. 26 et suiv. Comme dieu de la pla- 
nète Mercure, il trouve sa place dans le panthéon astro- 
nomique sémitique, chez les Mandéens et les Sabiens, 




9. — Le dieu Nabo Bnt sh Muséum, 
D'après une photographie. 

les Chananéens et les Amorrhéens, dont une ville, appe- 
lée Nebo, I Par., v, 8; cf. Num., xxxn, 38, passa plus 
tard aux Moabites. Is., xv, 2; Jer., xlviii, 1. Le mont 
Nébo, où mourut Moïse, lui devait son nom également, 
et d'autres localités encore. — Le prophète Isaïe, xlvi, 1, 
prédit que, lors de la chute de Babylone, l'idole de Nabo 
sera emportée avec celle de Bel par les vainqueurs. 

On a retrouvé à Calah-Nimroud en Assyrie et trans- 
porté à Londres plusieurs statues de Nabo, debout, coiffé 
d'une tiare autour de laquelle s'enroule une paire de 
cornes, lés deux mains jointes comme s'il écoutait la révé- 
lation de Mardouk, une longue barbe descendant sur la 
poitrine, une longue robe frangée lui retombant jusque 
sur les pieds (flg. 389). Voir Eb. Schrader, dans les Theo- 



logische Studien und Kritiken, 1874, p. 337, dans les 
Jahrbùcher fur protestantischer théologie, 1875, p. 338; 
Schrader-Whitehouse, The cuneifcrm inscriptions and 
the Old Testament, t. u, 1888, p. 104 ; Sayce, Lectures 
on the origin and growth of religion, p. 115-120, 488, 
491, 514, 520; The cuneifoni inscriptions of the Wes- 
tern Asia, t. I, pi. u, n, 1, lig. 3, 13, etc.; t. il, pi. vu, 
lig. 36, 41, g. h; pi. xlviit, lig. 28, 39; Frd. Delitzsch, 
Assyrische Lesestûcke, 1878, Syllabar S a , p. 43, lig, 29; 
Jeremias, dans Roscher, Lexicon der Mythologie, t. ni» 
S, col. 45-68. E. Pannier. 



2. NABO (hébreu, Nebô; Septante : Na6aû, Num., 
xxxh, 3; Jer., xlviii, 1, 22; IPar., v, 8; Nagaù TîiçMwa- 
6iTtSo;, Is., xv, 2; Vulgate : Nabo, Num., xxxn, 38; Is., 
xv, 2; Jer., xlviii, 1, 22; Nebo, Num., xxxh, 3; I Par., 
v, 8), ville de Moab, appartenant à la tribu de Ruben. 
Num., xxxn, 3,38; I Par., v, 8; Is.,xv, 2; Jer., xlviii, 1, 
22. Elle est mentionnée, Num., xxxn, 3, entre Saban 
et Béon (ce dernier mot n'est que l'abréviation de Baal- 
méon); Num., xxxn, 38, entre Cariathaïm, aujourd'hui 
Quréiydt, au sud de l'ouadi Zerqa Ma'în, et Baalméon, 
actuellement Ma'în, à trois lieues sud-sud-ouest à'Hes- 
bân, l'antique Hésébon, et à deux lieues sud du Djebel 
Néba ou mont Nébo. Elle est citée avec Béelméon (Baal- 
méon), I Par., v, 8; avec Médaba, Mâdeba, au nord- 
est de Ma'în, Is., xv, 2; avec Cariathaïm, Jer., xlviii, 
1; avec Dibon, Dhibân, au nord de Youadi Modjib, 
ancien Arnon, Jer., xlviii, 22. On la trouve au milieu 
des mêmes noms, avec l'orthographe ros, au lieu de 
is:, sur la stèle de Mésa, ligne 14. Cf. Mésa, col. 1014. 
Ces indications et surtout le voisinage de Baalméon et 
de Médaba suffiraient pour guider nos recherches, si 
elles n'étaient fixées par la montagne de même nom, 
har Nebo, le mont Nébo, témoin de la mort de Moïse, 
et appelé encore aujourd'hui Djebel Néba, au sud-ouest 
A'Hesbân, Deut., xxxn, 49; xxxiv, l.Voir Nébo (Mont). 
Mais à quel point précis se trouvait la ville? c'est ce que 
nous ne savons point, pas plus que nous ne savons si 
elle tenait son nom de la montagne ou si la montagne 
lui devait son nom. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica 
sacra, Gœttingue, 1870, p. 141, 142, 283, distinguent les 
deux, plaçant le mont Nabau, Nctëaû, à six milles (près 
de neuf kilomètres) d'Esbus ou Hésébon, vers l'ouest, 
et la ville de Nabo, Naêeip, dans un lieu désert, nommé 
Naba, NaSàê, à huit milles (plus de onze kilomètres) 
au sud d'Hésébon. Quelques auteurs cependant suppo- 
sent qu'il faut chercher l'emplacement de la ville dans 
les ruines que conserve le Djebel Néba. Cf. F. Buhl, 
Géographie des alten Palâstina, Leipzig, 1896, p. 266. 

La ville de Nabo se trouvait dans la contrée fertile, 
riche en pâturages, que les enfants de Ruben et de 
Gad demandèrent à Moïse, Num., xxxn, 3. Elle fut re- 
bâtie par les Rubénites. Num., xxxn, 38. Elle était 
revenue aux Moabites lorsque Isaïe, xv, 2, et Jéré- 
mie, xlviii, 1, 22, prophétisaient ses malheurs. Mésa, 
dans son inscription, lignes 14-18, se vante de l'avoir 
prise sur Israël. Obéissant à Chamos, il alla de nuit et 
combattit contre elle depuis l'aurore jusqu'à midi; 
s'en étant rendu maître, il tua tout, sept mille hommes, 
jeunes garçons, femmes, jeunes filles et servantes, et 
emporta les objets religieux consacrés à Yahvéh pour 
les traîner devant Chamos. Cf. col. 1014-1015. Saint Jé- 
rôme, Comment, in Is., xv, 2, t. xxiv, col. 168, dit que 
Nabo renfermait l'idole de Chamos ou Béelphégor. 

A. Legendre. 

NABOTH (hébreu: nâbôf; Septante :Na6ou6àé;AJeœa»- 
drinus : Naëo-j6), Israélite qui vivait à l'époque du roi 
Achab. — Naboth possédait à Jesraël une vigne avoisi- 
nant le palais du roi. Ce dernier désira la lui échanger 
ou la lui acheter pour en faire un jardin potager. Mais 
Naboth ne voulut à aucun prix se dessaisir d'une terre 
qu'il avait héritée de ses pères. Achab se montra fort 



1437 



NABOTH 



NABUCHODONOSOR 



1438 



affecté de ce refus. Sa femme, l'impie Jézabel, se char- 
gea de le consoler et de lui donner satisfaction. Au nom 
du roi, elle écrivit aux anciens et aux magistrats de la 
ville pour que l'on condamnât et qu'on lapidât Naboth 
comme blasphémateur. Servilement et honteusement 
dociles aux instructions royales, les anciens commen- 
cèrent par publier un jeûne, en expiation du prétendu 
blasphème qu'ils allaient attribuer à l'innocent. Puis, 
deux faux témoins accusèrent en public Naboth d'avoir 
maudit Dieu et le roi. Une sentence de mort était inévi- 
table, Lev., xxrv, 10-16. Voir Blasphème, t. i, col. 1806. 
Naboth fut lapidé. Jézabel annonça sa mort à Achab, 
qui ne put ignorer ce qui s'était passé, et le roi prit 
possession de la vigne convoitée. Le crime était grand. 
Le prophète Élie fut chargé d'en prédire le châtiment. 
Il dit à Achab qu'en punition de sa faute, lui-même 
serait balayé, que toute sa descendance mâle serait 
exterminée, que le corps de ses fils serait dévoré dans 
la ville par les chiens et dans les champs par les oiseaux 
de proie, et que les chiens lécheraient son sang et celui 
de Jézabel. Après avoir entendu cette terrible annonce, 
Achab s'humilia devant le Seigneur, déchira ses vête- 
ments, se couvrit d'un sac et jeûna. En considération de 
ces actes de pénilence, qui étaient le désaveu public 
de son crime, le Seigneur fit dire à Achab que le châti- 
ment prédit n'arriverait qu'après sa mort, sous le règne 
de son fils. III Reg., xxi, 1-24, 27-29. Quand Achab 
eut été blessé mortellement à Ramoth-Galaad, on le 
ramena sur son char et il mourut en route. On lava le 
char teint de sang dans l'étang de Samarie; les chiens 
léchèrent le sang et les prostituées se baignèrent dans 
l'étang. III Reg., xxu, 34-38. Jéhu, sacré roi à la place 
de Joram, fils et second successeur d' Achab, mit à mort 
Joram, IV Reg., ix, 23-26, et fit précipiter Jézabel du 
haut d'une maison de Jesraël. Les chiens dévorèrent le 
cadavre de la reine et l'on ne retrouva d'elle que le 
crâne, les pieds et les paumes des mains. IV Reg., ix, 
30-37. Jéhu fit ensuite périr les soixan te-dix fils d' Achab 
el extermina tout ce qui restait de sa maison. IV Reg., x, 
6-11. Toutes ces exécutions sont présentées comme la 
punition des impiétés et des crimes d'Achab, spéciale- 
ment du meurtre de Naboth. Dieu montra par là quelle 
importance il attache au respect de la vie humaine et 
de la propriété. — Dans cet épisode, on remarque diffé- 
rents traits qui se retrouvent dans d'autres récits, 
particulièrement le rôle des faux témoins, comme dans 
l'histoire de Susanne, Dan., xm, 34-41, et dans celle de 
la Passion, Matth., xxvi, 61, et le souci de garder les 
formes légales, même quand on commet un crime 
odieux. Joa., xvm, 28; Act., vu, 57, 58. 

IT T ■psj'p'TRTr 

1. NABUCHODONOSOR (hébreu : nsansiM, 

Nebûkadnê'ssar, et iIsNTTStts, Nebûkadre'ssôr, Jer., 

xlix, 28, et I Esd., il, 1; Septante, Nagoi>xo8ovo<r6p, 
NaëouxoSpÔTopo;; Vulgate : Nabuchodonosor ; dans 
Strabon, Polyhistor, Mégasthène, dans le canon de Pto- 
lémée, etc. : Na6oxoXaerer6poç ; textes babyloniens carac- 
tères idéographiques ou syllabiques : Nabium-kudurrl- 
usur, nom théophore, analogue à Nabu-sar-usur, mais 
dont le deuxième élément est fort diversement inter- 
prété : que (le dieu) Nébo protège kudurri, avec ou sans 
pronom suffixe, ma tiare, cf. xiSapic, ma couronne, mon 
empire — la limite (de mon royaume) — ou mon travail. 
Schrader-Whitehouse, The cuneiform inscriptions and 
the OUI Testament, 1888, t. n, p. 47-48, n.). Voici les 
titres qu'il se donne sur une de ses briques (flg. 390) : 

1. Nabu-kudurri-usur i.u E-ti-da 
Nabuchodonosor et du temple zi-da 

2. Sar Ba-bi-lu 5. abal Nabu-abal-usur 
roi de Babylone fils de Nabopolassar 

3. Za-ni-in Ê-sag-ila 6. Sar Ba-bi-lu anaku 
soutien du temple sag-ila roi de Babylone je (suis). 



"^-^SeTêMM ^ 



^>5eJ5Ê>E*'^ O 






£^-&«£5d^ 



J^_M^M#lM. 



390. — Brique portant les titres de Nabuchodonosor. 

I. Guerres de Nabuchodonosor. — Nabuchodono- 
sor II, roi de Babylone (Nouvel-Empire), régna de 604 à 
561 suivant le canon de Ptolémée (ou 605 à 562, le ca- 
non ne tenant pas compte des années incomplètes). 
C'était le fils aîné et successeur de Nabopolassar. Ce der- 
nier, avec l'aide des Mèdes, s'était rendu indépendant et 
avait détruit Ninive et l'empire assyrien, fondant ainsi le 
dernier empire babylonien. Nabuchodonosor lui donna 
toute son extension et toute sa splendeur. L'histoire de 
son règne ne nous est connue que partiellement, par 
les inscriptions babyloniennes contemporaines, les textes 
bibliques, Bérose et des fragments des historiographes 
grecs. Avant de monter sur le trône, il dirigea personnel- 
lement différentes campagnes destinées à régler défini- 
tivement le partage de l'empire assyrien : après trois 
ans de lutte contre les Araméens, les Cimmériens et les 
Scythes, il donna comme frontière septentrionale à 
l'empire babylonien le bassin du moyen Euphrate et 
du Balikh jusqu'à Harran. Comme frontière occidentale, 
il étendit sa suzeraineté sur la Syrie et la Palestine 
jusqu'à la Méditerranée. — NéchaoII, roi d'Egypte, avait 
profité de l'affaiblissement, ou même de la disparition 
de la puissance ninivite, pour essayer d'y rétablir l'an- 
tique domination égyptienne. Josias de Juda, ayant 
voulu s'opposer au passage de Néchao, avait été battu 
et mis à mort à Mageddo, sans pouvoir empêcher les 
Égyptiens d'arriver jusqu'à l'Eupnrate. Voir Josias 1, 
t. m, col. 1683. Mais Nabopolassar, aussitôt après la des- 
truction de Ninive, envoya contre les Égyptiens son fils 
aîné Nabuchodonosor, |qui battit Néchao à Carchamis 
(604) et l'obligea à reprendre la route de l'Egypte, puis 
il le poursuivit dans sa retraite, s'assurant au pas- 
sage la soumission de Moab, d'Ammon, des Philistins, 
et de Joakim de Juda, et emmenant de partout des otages 
ou des captifs. Jérusalem fut même prise après un siège 
dont nous ignorons les péripéties, et le Temple dépouillé 
d'une partie de ses richesses, la 3 e -4« année de Joakim. 
Jer., XLvn, 1-2; Dan., I, 1-2. Ce fut le point de départ 
des soixante-dix ans de captivité, et Daniel et ses com- 
pagnons furent parmi ces premiers déportés. — Nabu- 
chodonosor, précipitant sa marche, allait atteindre 
Néchao II à son entrée en Egypte, lorsqu'il apprit la 
mort de Nabopolassar. Craignant des compétitions, 
peut-être de^ la, part de son frère Nabu-su-liHr dont 
parle une inscription de Nabopolassar, il se hâta de 
signer un' armistice avec Néchao, chacun restant sur 
ses positions, et Nabuchodonosor conservant toute la 
côte syrienne et palestinienne; et tandis qu'il laissait 
derrière lui son armée avec les captifs et le butin faire 
un long détour pour aller traverser l'Euphrate au passage 
de Carchamis, lui-même se jeta à travers le désert 
d'Arabie et arriva à l'improviste à Babylone. Il fut intro- 
nisé sans opposition, et inaugura son règne (604), qui 
fut le seul long et glorieux de tout le dernier empire. 



1439 



NABUGHODONOSOR 



1440 



Les parties septentrionale et orientale de l'empire 
ninivite étaient échues à Cyaxare, roi des Mèdes, qui 
avait coopéré à la destruction de l'empire assyrien. Sa 
puissance était redoutable, et Nabuchodonosor avait 
épousé sa fille. La paix fut donc ininterrompue de ce 
côté. Les seules complications devaient venir de l'ouest 
où, sous l'action incessante de l'Egypte, avide de res- 
saisir son ancienne influence en Asie et de s'en faire un 
rempart contre les empires mésopotamiens, toutes les 
nations palestiniennes éprouvaient de continuelles vel- 
léités d'indépendance. La Judée était particulièrement 
le théâtre de toutes ces luttes : les prophètes continuaient 
à prêcher la subordination envers Babylone comme ils 
l'avaient prêchée envers l'Assyrie : mais la cour et 
le peuple subissaient toujours l'attraction égyptienne, 
quoique le Pharaon eût coutume de ne donner à ses 
alliés qu'un secours peu énergique et généralement 
trop tardif, restant toujours le « le roseau sur lequel 
on ne peut s'appuyer sans se déchirer la main ». Is., 
xxxvi, 6. 

Jçakim ne tarda pas à en faire l'expérience : deux ou 
trois ans après sa première soumission, la huitième 
année de son règne, il essaya de secouer le joug. Nabu- 
chodonosor, à cause de l'i mportance de la Palestine 
dans la lutte séculaire entre la Mésopotamie et l'Egypte, 
vint en personne rétablir son autorité (601). IV Reg., xxiv, 
1-2. Joakim n'opposa pas sans doute grande résistance, 
et Nabuchodonosor lui laissa le trône, se contentant 
probablement d'alourdir son tribut annuel. Malheureuse- 
ment trois ans plus tard, la onzième année de son régne, 
Joakim céda encore aux mêmes influences, et comptant 
sur le secours de l'Egypte et d'Ithobal, roi de Tyr, 
secoua le joug babylonien; Nabuchodonosor reparut, et 
les Juifs se préparèrent à soutenir le siège de Jérusa- 
lem, mais Joakim mourut avant ou pendant les opéra- 
tions. Le livre des Rois ne donne sur sa fin aucun détail ; 
les Paralipomènes disent qu'il fut chargé de chaînes par 
Nabuchodonosor qui voulait cette fois l'envoyer prison- 
nier à Babylone : la Vulgate et les Septante insinuent 
que la volonté du monarque babylonien fut réalisée, ce 
qui ne cadre pas avec le récit de sa sépulture hors de 
Jérusalem. Jer., xxn, 19; IV Reg., xxiv, 6. Josèphe en- 
fin nous donne une dernière version d'après laquelle 
ce prince aurait reçu Nabuchodonosor sans résistance, 
mais celui-ci l'aurait fait mettre à mort avec les prin- 
cipaux de ses sujets. On se demande si Josèphe, 
à l'occasion de quelques erreurs ou variantes numé- 
riques du texte sacré, n'a pas multiplié plus que de 
raison les interventions des Babyloniens en Palestine ; 
en tout cas le récit de IV Reg., xxiv, 1-6, parait beau- 
coup plus simple. — Joachin^Jéchonias, son fils, lui 
succéda et soutint le siège trois mois encore; après 
quoi, jugeant toute résistance impossible, il se rendit 
à Nabuchodonosor avec sa mère et toute sa cour. Celui-ci 
l'envoya, avec dix mille de ses sujets, en captivité à 
Babylone, mais sans lui infliger aucun mauvais traite- 
ment ni détruire Jérusalem (597). Il lui donna pour 
successeur son oncle Mathanias, fils de Josias, dont le 
nom fut changé en Sédécias. Durant cette nouvelle 
crise, l'Egypte n'avait donné aucun secours à Juda. Sé- 
décias, qui devait son trône au vainqueur, et que Jéré- 
mie exhortait à la soumission, garda longtemps fidélité 
à son suzerain, mais il finit, après une dizaine d'années, 
par céder à l'influence du parti égyptien. En Egypte 
régnait alors Éphrée, Ouakab-Hd, voir t. H, col. 1882, 
l'armée avait été renforcée et aguerrie par plusieurs 
campagnes en Afrique, l'occasion parut favorable, Juda, 
Tyr et les Ammonites secouèrent le joug. Nabuchodono- 
sor revint de nouveau à la tête d'une armée nombreuse 
composée de Babyloniens, de Chaldéens et des contin- 
gents des royaumes tributaires, et pour empêcher la 
jonction des coalisés, se résolut à faire bloquer Tyr 
d'un côté, et de l'autre à faire assiéger Jérusalem par 



ses généraux, lui-même restant au nord, à Riblah (Re- 
blatah) sur l'Oronte au pays d'Hamath, afin de surveil- 
ler les opérations et de se porter où sa présence pourrait 
devenir nécessaire. L'armée babylonienne commença 
par dévaster toute la Palestine, puis vint mettre le siège 
devant Jérusalem. Cette fois l'Egypte donna signe de 
vie : Éphrée apparut aux environs de Gaza. Mais cette 
diversion, qui ranima un instant les espérances des assié- 
gés, n'eut pas grand succès : les Chaldéens se hâtèrent 
d'aller à sa rencontre; et de gré ou de force, contraint 
par une défaite ou par la seule disproportion de ses 
forces, Éphrée comme l'avait annoncé Jéré mie, rebroussa 
chemin et rentra en Egypte. Le siège fut alors mené 
avec une nouvelle vigueur, à laquelle les Juifs opposè- 
rent une résistance héroïque : malgré la maladie et la 
famine, ils tinrent bon pendant un an et demi, après 
quoi, Je onzième mois delà onzième année de Sédécias, 
les Chaldéens pratiquèrent une large brèche dans les 
murailles et se rendirent maîtres de la ville (587). 
Quant au roi, il cherchait à s'évader avec quelques 
troupes à la faveur de la nuit, lorsqu'il fut arrêté dane 
sa fuite aux environs de Jéricho, et emmené à Riblah, 
où Nabuchodonosor prononça sur son sort et sur celui 
de Jérusalem : il fit égorger les fils de Sédécias, puis 
crever les yeux à ce dernier et l'envoya dans les prisons 
de Babylone. Quant à la ville, elle fut brûlée et rasée, 
ses richesses et celles du Temple furent dirigées vers 
Babylone, les habitants furent emmenés en captivité, 
on n'y laissa que les pauvres et les cultivateurs, sous le 
gouvernement de Godolias, fils d'Ahicam et ami de 
Jérémie. 

Quant au siège de Tyr, il traîna en longueur : pour 
plus de facilité, les Chaldéens l'avaient rattachée au 
continent par une digue, mais ils furent impuissants à 
la bloquer totalement du côté de la mer : de sorte 
qu'après treize années, Ithobal III se décida à traiter et 
à reconnaître la suzeraineté de Nabuchodonosor; à ce 
prix les Babyloniens se retirèrent, et lui conserva son 
trône. Ézéchiel, xxix, 18-20, nous atteste que cette suze- 
raineté fut assez précaire en réalité. 

La chute de Jérusalem et le blocus, puis la sou- 
mission de Tyr, laissaient à Nabuchodonosor la voie 
libre pour aller attaquer l'Egypte; c'était une vengeance 
nécessaire, en même temps que l'unique moyen d'avoir 
une paix définitive de la Méditerranée à la vallée du 
Jourdain; de plus Babylone, héritière de Ninive, devait 
revendiquer la domination que cette dernière avait fini 
par s'arroger sur la vallée du Nil. Le fait de la conquête 
de l'Egypte par Nabuchodonosor, prophétisé par Jéré- 
rémie et Ézéchiel, est indéniable : outre l'accord de Bé- 
rose, Mégasthène et Josèphe, nous possédons une ins- 
cription, malheureusement très mutilée, dans laquelle 
Nabuchodonosor racontait l'invasion de l'Egypte, la 
défaite du pharaon A-mâ-m, Ahmès=Amasis II, et son 
retour avec les dépouilles ou le tribut de l'Egypte (?) et 
plaçait cette campagne la trente-septième année de son 
règne, vers 568. Il semble même que cette invasion n'ait 
pas été la seule : une autre l'aurait précédée sous 
Oua/ta6-.Râ=Apriès = Éphrée, prédécesseur d'Amasis II, si 
toutefois l'on peut appliquer aux Babyloniens la dési- 
gnation d'Amu et de Schasu de l'inscription funéraire 
de Nes-Hor, lequel, étant gouverneur d'Éléphantine, 
protégea contre eux la Haute-Egypte et la Nubie. Paul 
Pierret, Records of the Peut, I™ sér., t. vi, p. 79-84. A 
rencontre de Wiedemann, Brugsch, Maspero 'ne voient 
dans ce texte qu'une répression des auxiliaires révoltés : 
on sait que l'armée égyptienne renfermait alors des 
Grecs et des Sémites. D'après Josèphe, une première 
invasion de l'Egypte aurait eu lieu quatre ans après la 
reddition de Tyr, la vingt-troisième année de Nabu- 
chodonosor, c'est même le monarque babylonien qui 
aurait ôté la couronne à Apriès et l'aurait donnée à 
Ahmès. A la vérité, Hérodote, n, 162, édit. Didot, p. 126 



iUi 



NABUCHODONOSOR 



1442 



nous donne de cette succession un récit tout différent, 
une révolte de l'armée, dans laquelle il n'est pas ques- 
tion des Babyloniens; mais il est peu probable que les 
Égyptiens aient raconté leurs revers à Hérodote. 

Durant ce règne de quarante-trois ans, Nabuchodo- 
nosor fit-il encore quelque autre campagne? Les deux 
seules inscriptions historiques qui nous soient parve- 
nues, celle de la campagne d'Egypte et celle de l'ouadi 
Brissa, ne nous ont pas permis d'en lire davantage, vu 
leur état de mutilation, et les extraits que Josèphe a 
faits de Bérose, ne vont pas au delà de l'horizon 
biblique. Mégasthène, Hist. grmc. fragm., édit. Didot, 
t. n, p. 416, lui attribuait la conquête de la Libye et de 
l'Ibérie, ce qui est hors de toute vraisemblance. Bérose, 
ibid., p. 506, nous dit qu'il occupa « l'Egypte, la Syrie, 
la Phénicie et V Arabie » ; mais est-ce autre chose que le 
sud el l'est de la Palestine, Moab et Ammon, dont Josèphe, 
Ant. jud., X, IX, 7, t. i, p. 386, lui attribue également la 
conquête? Les chroniqueurs arabes parlent aussi d'une 
invasion de l'Arabie, avec prise de la Mecque, déporta- 
tion en Chaldée des tribus d'Hadhura et d'Ouabar, jusqu'à 
la frontière Himyarite. Jérémie, xlix, 28-33, a des ora- 
cles qui rendent au moins vraisemblable une expédition 
contre Cédar et les Nabuthéens, lesquels appartenaient 
également, à tout le moins par une vassalité nominale, 
à l'empire assyrien du temps d'Assurbanipal. 

II. Travaux et constructions de Nabuchodonosor. 
— Nabuchodonosor se rendit célèbre moins par ses 
conquêtes — à part ce qui a trait à la destruction de 
Jérusalem et de la monarchie juive — que par les 
grands travaux qu'il exécuta en Babylonie. Le livre de 
Daniel, iv, 27, dont Fr. Lenormant et J. Menant ont mis 
en relief l'historicité, nous le représente, se disant à 
lui-même : « N'est-ce pas là Babylone la grande que 
j'ai bâtie comme résidence royale par ma puissance 
redoutable pour ma glorieuse majesté? » C'est presque 
exclusivement ce caractère de constructeur qu'il relève 
lui aussi dans ses propres inscriptions. La ville en effet 
avait été saccagée à plusieurs reprises et presque dé- 
truite par les derniers monarques assyriens, et toute la 
Babylonie avait souffert des invasions ninivites dans les 
dernières guerres contre l'Élam et la Chaldée. Nabo- 
polassar avait commencé à réparer tant de ruines : il 
avait relevé les grands temples de Babylonie, spéciale- 
ment ceux de Mardouk et de Bélit; il avait remis en 
bon état les canaux de l'Euphrate. Mais la plupart des 
briques, séchées au soleil ou cuites au four, extraites 
des ruines de Babylone, portent à la face inférieure 
l'estampille de « Nabucfiodonosor, restaurateur des 
temples É-sag-il et É-zida » — « continuellement occupé, 
ajoute-t-il ailleurs, de Babylone et de Borsippa. » Dans 
ses nombreuses inscriptions, dont plusieurs sont très 
longues, fastueusement rédigées en beaux caractères 
archaïques, et très difficiles à traduire à cause de leurs 
détails techniques, il énumère une quizaine de temples, 
pyramides et sanctuaires, qu'il reconstruisit et enrichit 
en l'honneur des dieux et déesses du panthéon babylo- 
nien : Mardouk, Nabo, Ramman, Istar, Sin, Samas, 
Gula, Samas de Sippar et Samas de Larsa, Nin-mah 
de Babylone, et beaucoup d'autres divinités moins 
connues. Il mentionne ensuite à plusieurs reprises la 
construction des grands murs de Babylone qui abri- 
taient dans un immense quadrilatère la ville pro- 
prement dite et les localités voisines contenant des 
sanctuaires vénérés. Cette double enceinte, Imgur-Bel 
et Nimetti-Bel, commencée par Nabopolassar, fut ache- 
vée, fortifiée et ornée de tours et de portes monumen- 
tales; l'intérieur des remparts et la ville elle-même 
étaient traversés par l'Euphrate et ses nombreux canaux 
endigués dans des quais soigneusement maçonnés. Les 
antiques palais auxquels tant de ses prédécesseurs avaient 
consacré leurs travaux et leurs trésors, il voulut les dé- 
passer par celui qu'il élèverait à Babylone, qu'il nomme 

DICT. DE LA BIBLE. 



« la merveille du monde, le lien de l'empire, le palais 
sublime, le trône de la royauté », déjà « commencé du 
reste par Nabopolassar son père le long de la rive de 
l'Euphrate, mais détérioré par la crue du fleuve ». Il y 
employa à profusion « le cèdre, le bronze, l'or et l'ar- 
gent, les pierres rares » et y entassa les trésors des 
pays conquis. Bérose, Hérodote, i, 185, qui attribue 
du reste tous' ces travaux à une légendaire Nitocris, 
et les historiographes grecs, nous décrivent très lon- 
guement ces merveilles, ce palais bâti en quinze jours 
et ces jardins suspendus, déjà connus du reste des 
Assyriens, que l'épouse de Nabuchodonosor, fille d'un 
roi mède, avait désiré voir construire à Babylone pour 
lui rappeler les montagnes boisées de son pays, les 
murs monumentaux où les chars pouvaient circuler et 
se croiser sans difficulté, et dont les ruines encore sub- 
sistantes enferment un espace de 513 kilomètres carrés 
pour le mur extérieur, et de 290 pour le mur intérieur, 
c'est-à-dire « beaucoup plus que la ville de Londres ». 
Oppert, Expédition en Mésopotamie, 2 in-4°, Paris, 1862, 
t. i, p. 234. Quant aux temples, souvent en forme de 
pyramides à degrés, le sommet et le sanctuaire termi- 
nal étaient parfois plaqués d'or, de sorte qu' « ils bril- 
laient comme le soleil », disent les inscriptions baby- 
loniennes. D'après Diodore de Sicile, n, 95, édit. Didot, 
t. i, p. 88, le temple de Bel : Mardouk était couronné de 
trois statues et autels d'or du poids de 5850 talents, plus 
de 143 000 kilog. ; et Hérodote, i, 183, édit. Didot p. 60, 
y connaissait une statue d'or massif de 12 coudées de 
haut, avec un trône, un escabeau et une table d'or du poids 
de 800 talents. Enfin il semble qu'on doive encore attri- 
buer à ce prince le lac de 420 stades de tour, destiné à 
détourner en cas de besoin les eaux de l'Euphrate, ou 
à en recevoir le trop plein, le tunnel pour relier sous 
le lit de l'Euphrate les deux parties de Babylone et les 
palais royaux, le pont de pierre destiné à remplacer les 
radeaux ou ponts de bateaux, enfin le mur médique, tra- 
vaux dont Hérodote, î, 185, fait encore honneur à Nito- 
cris. Profitant du resserrement de la Mésopotamie mé- 
ridionale entre le Tigre et l'Euphrate, Nabuchodonosor 
voulut rendre son pays inaccessible à tout ennemi 
venu du nord en construisant cette immense muraille 
défendue d'avant et d'arrière par plusieurs tranchées 
profondes où le Tigre et l'Euphrate mêlaient leurs 
eaux et qu'on ne franchissait que sur des digues ou 
des ponts faciles à rompre en cas d'invasion. Dans 
l'inscription du temple de Mardouk publiée par Meissner. 
Voir Revue biblique, avril 1905, p. 305. Nabuchodo- 
nosor mentionne comme employés à ses immenses tra- 
vaux les riverains de la Mer Supérieure et de la Mer 
Inférieure (la Méditerranée et le golfe Persique), les 
habitants de la Syrie d'au delà de l'Euphrate, les ifatti, 
outre les Assyriens et les Babyloniens. 

Quant au caractère de ce prince, il fut assez doux 
d'après ce que nous savons de lui : dans des cas ana- 
logues, les rois assyriens eussent été certainement plus 
cruels. Contraint de faire plusieurs fois le siège de Jé- 
rusalem, il ne détruit la ville qu'à la dernière extré- 
mité, il pardonne assez facilement aux rois rebelles, à 
l'exception de Sédécias qui était sa créature et dont la 
révolte lui sembla plus odieuse : encore Jérémie assure- 
t-il à ce roi que, s'il consent à se rendre à Nabuchodo- 
nosor durantle siège, il ne lui sera fait aucun mal. 
Même le /livre de Daniel nous représente ce prince 
comme assez docile, et écoutant sans colère les re- 
proches ou les prophéties menaçantes qu'on lui adresse. 
Pour le récit et l'explication de ses songes et de sa 
folie, voir Daniel, t. h, col. 1248. A l'égard de Jérémie, 
Nabuchodonosor se montre bienveillant pour sa per- 
sonne et ses amis, lui laisse le choix d'accompagner les 
déportés à Babylone ou de demeurer à Jérusalem, et 
donne pour gouverneur au pays l'un des amis du pro- 
phète, Godolias. Envers l'un comme envers l'autre, les 

IV. -46 



1443 



NABUCHODONOSOR —NABUTHÉENS 



1444 



Juifs furent plus cruels que les Babyloniens. Baruch 
semble même dire que Nabuchodonosor profitait des 
premières ambassades de Sédécias pour lui renvoyer 
quelques-uns des vases sacrés emportés durant les pre- 
mières guerres. Baruch, i, 8-9. Les Juifs transplantés 
en Babylonie jouissaient d'une liberté relative : on leur 
permettait d'entretenir des relations avec Jérusalem, 
d'y envoyer des offrandes, et d'y faire offrir des sacri- 
fices : ils pouvaient se faire bâtir des maisons et plan- 
ter des jardins en Chaldée, et Jérémie, xxix, 3-7, leur 
conseille de s'intéresser à la prospérité de Babylone, 
Baruch, 1, 10-12 les engage à prier pour Nabuchodo- 
nosor, sa lignée et son empire. Les supplices, en par- 
ticulier le supplice du feu, n'étaient employés contre 
les Juifs que suivant le droit commun, par exemple 
en cas de rébellion et de lèse-majesté réelle ou juri- 
dique, comme pour les faux prophètes mentionnés par 
Jérémie, xxix, 20-23, ou les compagnons de Daniel, m, 
6, 12. 

Un camée du musée de Berlin (fig. 391) nous le re- 
présente imberbe, d'un profil très fin, d'une physiono- 
mie sans dureté, coiffé d'un casque, fort différent des 
monarques ninivites dont nous avons les portraits : la 
légende cunéiforme qui l'entoure porte : Ana Mar- 
duk bil-su Nabukudurusur sar Babilu ana balati-su 




391. — Nabuchodonosor. Camée du Musée de Berlin. 

ibus. « Au Dieu Mardouk son seigneur, Nabuchodonosor, 
roi de Babylone, pour sa vie (ceci) a fait. » Malheu- 
reusement le travail est grec plutôt que babylonien, et 
si le camée est authentique, on se demande s'il ne re- 
présente pas quelque prince de même nom, mais d'épo- 
que plus récente. 

Ainsi que Ninive à la mort d' Assurbanipal, Babylone 
à la mort de Nabuchodonosor (561) était près de sa 
ruine, malgré tout son éclat et ses richesses : l'empire 
perse grandissait sous la suzeraineté de la Médie, et de- 
vait, un quart de siècle plus tard (538), détruire l'empire 
babylonien, en dépit de ses formidables défenses. A la 
tête d'or et au lion symboliques de Daniel devait suc- 
céder la poitrine d'argent et l'ours des montagnes. Le 
fils et successeur de Nabuchodonosor, Amil-Mardouk, 
l'Évil-Mérodach de Jérémie, m, 31, et de IV Reg., xxv, 
27, passa sur le trône sans rien faire de glorieux : les 
inscriptions cunéiformes datant de son règne sont des 
contrats privés sans intérêt historique. 

Bibliographie. — 1» Inscriptions : Eb. Schrader, 
Keilinschriftlicke Bibliothek, t. ni, 2 e partie, p. 10-71, 
140-141; t. îv, p. 180-201; Records of the Past, l" sér., 
t. v, p. 87, 111; t. vu, 69, 73; t. XI, 92; II e sér., t. m, 
p. 102; t. v, p. 141; Proceedings of the Society of Bi- 
blical Archœology, t. x, p. 87, 215, 290 et suiv.; t. xn, 
p. 116, 159 sq., transi, by Bail; t. XX, p. 164-166, by 
Boissier; Pognon, Les inscriptions babyloniennes de 
Wadi Brissa, Paris, 1888; J. Menant, Babylone et la 
Chaldée, p. 197-219. 

Histoire : Menant, Ibid., p. 197-248 ; G. Rawlinson, 
Londres, 1879, t. m, p. 48-64; Maspero, Histoire an- 
cienne des peuples de VOrienl, les Empires,l90b, p. 517- 
566, 623-643; Schrader-Whitehouse, The cuneiform 
inscriptions and the Old Testament, 1888, t.'n, p. 47- 
52,115, 315 et passiin; F. Vigourous, La Bible et les 



découvertes modernes, t. rv, p. 141-154, 244-338; Josèphe, 
Ant. jud., X, vi-xi, édit. Didot, t. i, p. 376-392; Ctésias, 
De rébus Assyriorum, édit. Didot, p. 19-25; Hérodote, 
édit. Didot, i, 183M85, p. 58-62; Bérose, Fragmenta hi- 
storié, grsecor., édit. Didot, t. n, p. 506-508; Abydène, 
t. iv, p. 282-284; Varior., t. h, p. 416; t. m, p. 78. 

É. Pannier. 
2. NABUCHODONOSOR, roi d'Assyrie qui avait pour 
chef de son armée Holoferne, mis à mort par Judith. 
Comme l'histoire ne nous fait connaître aucun roi d'As- 
syrie qui ait porté ce nom, on a identifié le Nabucho- 
donosor de Judith avec divers rois. Voir Judith, col. 1830. 
Les savants catholiques l'identifient aujourd'hui le plus 
communément avec Assurbanipal. Voir Assurbanipal, 
t. i, col. 1146. 

NABUSEZBAN (hébreu : Nebusazbân ; omis dans les 
Septante; mais on le lit dans quelques manuscrits sous la 
forme : Na8ou<jïç, SeXx'l", Na6ou<je!;6d<v; dans Théodo- 
tion : Na6ou(ra$aëdtv, d'après les Hexaples, Pair, gr., t. xvi, 
col. 2202), un des chefs de l'armée de Nabuchodonosor 
qui prirent Jérusalem. Il avait le titre de rabsarès 
(rabsaris), e. chef des eunuques. » Voir Rabsarès. 
La Vulgate met un et entre Nabusezban et Rabsarès, 
comme si c'étaient deux noms propres, mais le et est 
fautif; il ne se trouve pas dans l'hébreu, et rab-saris 
indique le titre officiel de Nabusezban, Sur l'ordre que 
Nabuchodonosor avait donné à Nabuzardan, général en 
chef, Nabusezban fit sortir, avec le rebmag Nérégel- 
Séréser, le prophète Jérémie de la prison où le roi de 
Joda l'avait enfermé, Jer., xxxix, 13, et il le remit aux 
mains de Godolias. Au commencement du même cha- 
pitre xxxix, les chefs de l'armée babylonienne, sont éga- 
lement énumérés, au J. 3, où il est dit que, lors de la 
prise de Jérusalem, ils se postèrent à la porte du mi- 
lieu. Parmi eux est nommé, comme au f. 13, le rabsaris, 
mais dans l'état actuel du texte, ce rabsaris est appelé 
Sarsachim (hébreu Sarsehîni), et non Nebusazbân. Il 
est néanmoins peu vraisemblable qu'il y eût deux 
rabsaris et l'on peut supposer par conséquent que, dans 
l'un des deux passages, le nom véritable a été corrompu. 
Or la forme NebuSazban est celle d'un vrai nom babylo- 
nien, sauf en partie la vocalisation. C'est donc probable- 
ment la forme Sarsekim qui est altérée. Les noms étran- 
gers contenus dans les J. 3 et 13 n'étant pas familiers 
aux copistes et hébreux et surtout grecs et latins, ont 
été notablement défigurés ; ils ont été de plus mal cou- 
pés. On peut reconnaître, dans le f. 3, le premier élé- 
ment du nom de NebuSazbdn, accolé par erreur au nom 
qui le précède : Semegarnabu (hébreu : Samgar-Nabu), 
et l'on a ainsi : Nebusarsekîm, rab-saris. Quoi qu'il en 
soit, d'ailleurs, de l'identification de Nebusazbân et de 
[Nebu]sarsekim, la forme Nebusazbân est authentique- 

ment babylonienne : [ >»-j tt ^ /f •*-[ ^. Le mot 

se décompose ainsi : Nabu-sêzib-anni, « Nébo, sauve- 
moi. » H. Zimmern et H. Winckler, Die Keilinschriften 
und dos Alte Testament, 1903, p. 408. Il a été retrouvé 
dans les documents cunéiformes dans une listé de noms 
propres, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. n, 
pi. 64, col. i, lig. 32. Ce nom fut aussi donné suivant une 
coutume assyrienne, au fils de Néchao I er . G. Smith, 
Life of Assurbanipal, in-8°, Londres, 1871, p. 46, lig. 64. 
Une trentaine d'années après l'événement raconté dans 
Jérémie, le même nom de Nabûsuzibanni se retrouve 
dans les inscriptions de Nabonide. F. Vigouroux. 

NABUTHÉENS (Septante : Naêaxcuoi), peuple ami 
des Juifs au temps des Machabées, et vivant à l'est du 
Jourdain. I Mach., v, 25; ix, 35. Judas Machabée et 
Jonathas, son frère, après avoir franchi le Jourdain et 
marché durant trois jours dans le désert, rencontrèrent 
les Nabuthéens, qui les reçurent amicalement et leur 



i 



iim 



NABUTHÉENS 



4446 



Tacontèrent tout ce que les Juifs de Galaad avaient eu à 
souffrir de la part des habitants de ce pays. I Mach., v, 
^5-27. Plus tard, Jonathas, pressé par Bacchide, leur 
envoya demander la permission de laisser chez eux ses 
bagages, qui étaient considérables. I Mach., ix, 35 
(d'après le texte grec). C'est tout ce que la Bible nous 
apprend sur ce peuple, qui pourtant a eu son rôle 
dans l'antiquité. Autrefois, il est vrai, peu connu, il 
nous a été en grande partie révélé par les découvertes 
-épigraphiques modernes. Il s'agit, en effet, comme 
l'indique le nom grec, des Nabatéens mentionnés 
par les auteurs classiques, Il nous suffira ici d'en re- 
chercher l'origine, d'en esquisser l'histoire et la physio- 
nomie. 

I. Origine. — Biodore de Sicile, xix, 94-100, nous 
représente les Nabatéens comme des Arabes, nomades 
pour la plupart, mais riches par le commerce de la 
myrrhe et de l'encens, qu'ils entretenaient avec l'Ara- 
bie Heureuse. Strabon, xvi, 18, nous montre, non 
loin du golfe Élanitique, la Nabatée, tj Na6aTctéa, 'con- 
trée populeuse et aux gras pâturages. Ailleurs, $vi, 
p. 760, il semble les confondre avec les Iduméens, 
■qu'ils avaient chassés de l'Arabie Pétrée. Pour Pline, 
H. N., xn, 17, les Nabatéens sont des Arabes voisins 
de la Syrie. Josèphe, Ant. jud., XIII, i, 2, rapporte, 
d'après la Bible, que Jonathas envoya son frère vers les 
Arabes Nabatéens, 7upb; toÙç NaSaTai'ouç "Apaëaç. Il 
comprend sous le nom de Nabatène, Nagaivjvr| ;râp a > 
toute la contrée qui s'étend de l'Euphrate à la mer 
Rouge, mais il l'attribue en même temps à tous les en- 
fants d'Ismaël, dont l'aîné, Nabaïoth, lui aurait donné 
«on nom. Une question se pose précisément ici : Les 
Nabuthéens Nabatéens sont-ils identiques aux Nabaïoth 
(hébreu : Nebâyôt), descendants du premier-né d'Ismaël, 
et dont il est question Gen., xxv, 13; xxvm, 9; I Par., 
i, 29; Is., lx, 7? Voir Nabaïoth, col. 1430. Quelques- 
uns ne le croient pas, les Nabatéens étant, d'après eux, 
Araméens d'origine, et les Nabaïoth appartenant à la 
race arabe. Cf F. Hommel, Die allisraelitische Ueber- 
lieferung, Munich, 1897, p. 208; D. S. Margoliouth, 
dans Hastings, Dictionary of the Bible, Edimbourg, 
1900, t. m, p. 501, d'après Glaser, Hkizze der Geschichte 
und Géographie Arabiens, t. h, p, 12, 248, 267. D'autres 
l'affirment, comme E. Schrader, Die Keilinschnften 
und das Allé Testament, Giessen, 1883, p. 147; Frd. De- 
litzsch, Wo lag das Parodies? 2 e édit., Leipzig, 1881, 
p. 297, et la plupart des commentateurs. Ces mêmes au- 
teurs admettent l'identité des Nabaïoth^Nabatéens avec les 
Nabaitai ou Nabaitu des inscriptions assyriennes, qui 
étaient, au temps d'Assurbanipal, une puissante tribu 
du nord de l'Arabie. On trouve cependant aussi dans 
les inscriptions de Théglathphalasar II, de Sargon et de 
Sennachérib des Nabatu, qui sont de la famille des 
Aramu ou Araméens cantonnés prés de Babylone. Si 
les Nabatéens sont d'origine araméenne, ne faudrait-il 
point plutôt les assimiler à ces derniers? Toute la 
question, on le voit, est de savoir à laquelle des deux 
races rattacher le peuple dont nous parlons. On a long- 
temps discuté et l'on discute encore sur ce sujet, qui 
divise les savants. E. Quatremère, Mémoire sur les Na- 
batéens, dans ses Mélanges d'histoire et de philologie 
orientale, Paris, sans date, p. 58-189, s'appuyant sur 
de nombreuses citations d'auteurs arabes, a longue- 
ment défendu l'origine araméenne. Cette opinion, après 
avoir été plus ou moins abandonnée, a été reprise par 
Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie Ara- 
biens, t. n, p. 12, 248 sq. et Hommel, Die altisra- 
œlitische Ueberïieferung, p. 208. Les partisans de 
l'origine arabe font valoir les raisons suivantes. Le 
témoignage des géographes et historiens classiques est 
formel; celui de Diodore est d'autant plus remarquable 
que cet écrivain reconnaît lui-même, xix, 96, que les 
Nabatéens écrivaient avec des caractères syriaques. Les 



Nabatéens des classiques sont cités en compagnie des 
Arabes de Cédar, Nabalxi et Cedreni. Pline, R. N., 
v, 12. 11 en est précisément ainsi pour les Nabaiolh, 
Is., lx, 7, et les Nabaitu, souvent mentionnés auprès 
des Qidrai dans les inscriptions cunéiformes. On 
ajoute à cela les noms propres et les noms des dieux, 
qui sont presque tous arabes. Ce fait, il est vrai, d'après 
les partisans de la première opinion, prouverait sim- 
plement que les populations de race arabe exerçaient 
déjà à cette époque une puissante influence sur leurs 
voisins araméens ; ne voit-on pas les noms propres isla- 
miques portés par des personnes qui ne sont pas de 
race arabe? Voir Arabie, t. i, col. 862. On objecte 

encore que les historiens arabes écrivent k-ô, Nabat, 
avec un t emphatique, et que les inscriptions elles- 
mêmes emploient sans exception l'orthographe isa:, 
avec un teth, tandis que le ( de Nebâyôt, rnaa et de 

t: 

Nebaitu est un thav. Mais on répond aussi que cette 
permutation n'est pas rare dans les différentes branches 
de l'idiome sémitique; c'est ainsi que l'hébreu Vop, 
qâtal, «. tuer, » est certainement identique à l'arabe 
( JJCS. D'ailleurs, si l'argument était juste, il vaudrait 
aussi contre les Nabatu araméens, dont le nom ne 
comporte pas non plus de t emphatique. Quant aux 
historiens arabes cités par Quatremère, ils ont pu faus- 
sement conclure du langage araméen des Nabatéens à 
leur origine araméenne; mais on sait que la langue 
n'est pas toujours un indice certain de la race. 

II. Histoire. — L'origine des Nabatéens reste donc 
obscure, bien qu'il soit permis de les faire remonter 
jusqu'au premier-né d'Ismaël. On les a comparés dans 
l'histoire à un météore qui brille soudain, et qui, au 
bout de quelques siècles, rentre de nouveau dans l'obs- 
curité d'où il était sorti, sans qu'on sache d'où il venait 
et où il allait, mais dont le cours, le point de départ et 
le point d'arrivée peuvent être sûrement déterminés. 
Ils font leur première apparition au vn e siècle avant 
J.-C, où leur roi Natnu, qui avait pris part à la révolte 
des Arabes, fut défait par Assurbanipal. Cf. Frd. De- 
litzsch, Wo lag das Parodies? p. 296-301; G. Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de V Orient classique,Va- 
ris, 1895-1899, t. m, p. 439. A ce moment-là, ils formaient 
donc déjà une importante tribu. A quelle époque de- 
vinrent-ils maîtres de l'Arabie Pétrée? On ne sait au 
juste; ce fut vraisemblablement quelque temps après 
la captivité de Babylone, lorsque les Perses refoulèrent 
les tribus arabes qui habitaient sur les bords de 
l'Euphrate. Pendant que les Iduméens remontaient vers 
le nord-ouest, les Beni-Nabat se fortifiaient dans l'an- 
tique héritage d'Ésaû, le Djebel Scherra, au sud de la 
mer Morte, fondant un petit royaume, avec l'antique 
Séla', « le Rocher, » Pétra, comme capitale. Le pre- 
mier événement daté de leur histoire est l'expédition 
d'Athénée, envoyée par Antigone, l'un des successeurs 
d'Alexandre, contre Pétra, en 312. La ville fut prise et 
pillée, en l'absence des hommes, qui étaient alors à 
une foire du voisinage. A leur retour, ceux-ci poursui- 
virent l'ennemi qu'ils taillèrent en pièces. Cf. Diodore 
de Sicile, xix, 94-100. Le premier prince (rûpavvog) 
dont il soit fait mention est Arétas I er , contemporain du 
grand-prêtrejason et d'Antiochus Épiphane, vers 169 
avant J.-C.. Cf. II Mach., v, 8. Voir Arétas I er , t. ï, 
col. 943. Nous avons vu comment les Nabatéens entre- 
tinrent des relations amicales avec les Machabées. 
I Mach., v, 25; ix, 35. Au déclin de la domination des 
Séleucides et des Ptolémées, ils virent leur puissance 
s'accroître, leur roi, Érotime, répandant la gloire du 
nom arabe à travers l'Egypte et la Syrie (110 à 10Ô 
avant J.-C). Cf. Justin, XXXIX, v, 5-6. Jaloux cepen- 
dant des progrès des Asmonéens, qui grandissaient en 
même temps qu'eux, ils eurent des différends avec 
leurs anciens amis, et Alexandre Jannée fut battu par 



mi 



NABUTHEENS 



1448 



Obodas I" (vers 90). Josèphe, Ant. jud., XIII, xm, 
5. Après ce dernier prince, se place Rabel I« r , dont 
l'existence a été révélée par une inscription trouvée en 
1897 à Pétra, sur le socle d'une statue. Il devait être fils 
d'Obodas I er et frère aîné d'Arétas III, comme l'a" ingé- 
nieusement montré M. Clermont-Gannèau, Recueil d'ar- 
chéologie orientale, Paris, 1897, t. ir. p. 221-234. Avec 
Arétas III (de 85 à 60 environ), qui prend sur ses mon- 
naies le titre de Philhellène, le royaume nabatéen 
atteignit sa plus grande extension. Ce roi fonda un port 
à Haouara, sur la mer Rouge, et s'empara de Damas, 
qui ne tarda pas à recouvrer son indépendance. Il prit 
parti pour Hyrcan contre Aristobule. Attaqué dans Pétra 
par Scaurus, qu'avait envoyé Pompée, il obtint la paix 
à prix d'argent. Josèphe, Ant. jud., XIV, v, 1. Ses suc- 
cesseurs, placés entre les Romains et les Parthes, em- 
barrassés de choisir entre Antoine et Auguste, eurent à 
lutter contre de nombreuses difficultés. Ce furent 
Malichos I er (ou II, selon Clermont-Ganneau, Recueil 
d'archéologie orientale, t. H, p. 375-377), 50 à 28 avant 
J.-C, et Obodas II (ou III, d'après le même auteur), de 
28 à 9 avant J.-C. Arétas IV (vers 9 avant J.-C, à 40 après 
J.-C), s'empara du pouvoir sans l'assentiment d'Auguste, 
qui finit par le reconnaître. 11 prit le titre de Philo- 
dême, « ami du peuple. » Ce fut le contemporain de 
saint Paul, celui dont il est question II Cor., xi, 32. 
Voir Arétas IV, t. i, col. 943. Josèphe, Ant. jud., XX, 
IV, 1, parle ensuite d'un Abias, qui porta la guerre 
contre Izate en Adiabène. Malichos II (ou III), vers 48 
à 71 après J.-C, perdit Damas et dut aider "Vespasien 
dans la guerre contre les Juifs. Enfin Ràbel II, connu 
par les monnaies et les inscriptions, monta sur le 
trône en l'an 71 de notre ère, et régna au moins 25ans, 
c'est-à-dire jusqu'en 95. Onze ans plus tard, en 106, 
sous Trajan, Cornélius Palma mit fin au royame naba- 
téen, qui fut réduit en province romaine sous le nom 
de province d'Arabie. Cf. H. Vincent, Les Nabatéens, 
dans la Revue biblique, 1898, p. 567-573. Pour la suc- 
cession des rois nabatéens, cf. de Gutschmid, dans les 
Nabatàische lnschriften d'Euting, Berlin, 1885, p. 81, 
et Schiirer, Geschichte des Jûdischen Volkes, Leipzig, 
1901, t. i, p. 731-744. M. Dussaud, dans le Journal 
asiatique, mars-avril 1904, p. 192, établit ainsi la liste 
de ces rois, d'après la numismatique : 

Arétas I er , 169 avant J.-C. Voir Arétas I«,t. I, col. 943. 

Arétas II (probablement PErotime de Justin), 110- 
96. 

Obodas I er , vers 90. 

Rabel I er , fils d'Obodas, vers 87. 

Arétas III, Philhellène, frère de Rabel I er , vers 87-62. 

Obodas II, fils d'Arétas III, vers 62-47. 

Malichos V*, fils d'Obodas II, vers 47-30. 

Obodas III, fils de Malichos, 30-9. 

Arétas IV, frère du précédent, 9 av. J.-C, 40 ap. 
J.-C. Voir Arétas IV, 1. 1, col. 943. 

Malichos II, fils du précédent, 40-75. 

Rabel II, fils du précédent, 75-101. 

Malichos III, 101-106. Voir aussi Corpus inscriptio- 
num semiticarum, part, h, Paris, 1893, t. I, p. 181; Eb. 
Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, 
& édit., p. 152-153. 

III. Mœurs. — Les Nabatéens étaient pour la plupart 
nomades et pasteurs, comme le prouvent les nom- 
1 reuses inscriptions gravées sur les rochers depuis la 
péninsule sinaïtique jusqu'aux montagnes du Hauran. 
lsaie, lx, 7, parle des béliers des Nabaioth, comme de 
grasses victimes, dignes de l'autel du Seigneur. Le 
sol de la Nabatène est peu propice à l'agriculture: 
aussi, d'après tous les témoignages anciens, ne s'y 
sont- ils presque pas adonnés. Ils avaient cependant sur 
leur territoire un certain nombre de villes fortifiées, 
qui leur servaient de places d'armes en cas d'attaque, 
et qui, en temps ordinaire, remplissaient surtout le rôle 



d'entrepôts de commerce. Les principales, dans l'inté- 
rieur des terres, étaient Pétra, la capitale, Bostra, Sal- 
khad dans le Hauran. Hégra ou El Hedjr sur les limites 
du Hedjàz. "Voir la carte d'Arabie, 1. 1, col. 857. Sur les 
bords de la mer, on trouvait les ports importants 
d'ÉIath, Asiongaber et Raouara, habités principalement, 
du reste, par des négociants et des armateurs étrangers. 
C'est, en effet, surtout par leur commerce que les Naba- 
téensse sont rendus célèbres dans l'antiquité. Une fois 
établis en Idumée, ils firent de tels progrès que le 
trafic de l'Asie occidentale passa presque en entier dans 
leurs mains. Cf. Diodore de Sicile, ir, 48-50; m, 41-43. 
De Pétra, des routes rayonnaient dans toutes les direc- 
tions : au nord, vers la Pérée, Damas et Palmyré; à 
l'est, vers le golfe Persique et la Mésopotamie; au sud, 
vers les ports du golfe Elanitique et vers l'Egypte ; à 
l'ouest, vers la Palestine et la Phénicie. Ces routes, 
dont on retrouve encore les traces aujourd'hui, furent 
achevées et perfectionnées sous les Romains. Comme 
certaines tribus arabes de l'Afrique actuelle, les Naba- 
téens durent leur principale richesse aux caravanes 
qu'ils conduisaient à travers le désert. Toutes les cara- 
vanes étrangères qui entreprenaient de transporter les 
parfums de l'Arabie ou les marchandises de la Perse 
et de la Syrie par d'autres voies que les leurs, étaient 
impitoyablement pillées si elles n'étaient pas assez 
fortes pour se défendre. Cf. Diodore de Sicile, m, 43; 
Strabon, xvi, 21. La magnificence des ruines de Pétra 
atteste quel profit ses habitants retiraient de leur 
commerce. 

Nous ne connaissons rien de bien positif sur les lois 
et les usages particuliers des Nabatéens. Strabon, xvi, 
21-26, nous a cependant laissé sur leurs mœurs d'iu- 
léressants détails. Il nous les représente comme sim- 
ples et modérés dans leurs goûts, mais tenant telle- 
ment à leurs propriétés qu'on infligeait une peine à 
quiconque laissait diminuer son bien, tandis qu'on, 
accordait des honneurs à celui qui l'augmeutait. Ayant 
peu d'esclaves, ils se servaient le plus souvent entre 
parents, ou les uns les autres, ou bien ils se servaient 
eux-mêmes, et cet usage s'étendait jusqu'aux rois. Quant 
à la constitution politique, le régime patriarcal en était 
la base; chaque tribu avait ses chefs, soumis à l'autorité 
suprême du roi. Dans les inscriptions, il est question 
d'émirs, d'anciens de tribus ; certains personnages 
! prennent le titre de savants, de docteurs et de poètes, 
| ce qui suppose un développement assez notable de cul- 
i ture intellectuelle et littéraire. Le roi, toujours de sang 
I royal, avait un procureur, èitiTpditoç, qu'on nommait son 
! frère. Strabon, xvi, 21. Ces nomades avaient fini par 
; bâtir de magnifiques maisons. Strabon, xvi, 26. Cf. Vi- 
! gouroux, Mélanges bibliques, 2 e édit. Paris, 1889, p. 308- 
321; Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l'Orient, 
i Paris, 1888, t. vi, p. 466-470. 

j IV. Monuments. — Les Nabatéens nous ont laissé de 
! très anciens monuments, creusés dans la paroi dos 
rochers. Ce sont des palais, qui ne furent jamais que 
des constructions isolées, faites pour servir de centre 
de ralliement à des populations vivant le plus souvent 
sous la tente. Ce sont surtout des tombeaux, car, pour 
les nomades, il n'y a qu'une demeure fixe, « la maison 
éternelle, » le caveau funéraire. Parfois aussi ce sont 
des sanctuaires. Ces monuments auxquels s'ajoutent 
ceux de la civilisation gréco-romaine, ont fait de Pétra, 
une ville unique au monde. Voir Pétra. Donnons seu- 
lement ici une esquisse des tombeaux nabatéens qu'elle 
renferme. Voir flg. 392. « Le grès a été soigneusement 
layé de manière à former une façade unie, haute de 
dix à quinze mètres. En taillant la pierre, on a ménagé 
deux ou quatre colonnes, qui ne sortent qu'à moitié de 
la paroi rocheuse. Dans le milieu s'ouvre une porte à 
fronton triangulaire. Les chapiteaux .sont assez frustes, 
ornés seulement de deux grandes feuilles massives, qui 



4449 



NABUTHÉENS 



4450 



ressemblent à une paire d'oreilles. Ils supportent une 
gorge égyptienne, surmontée elle-même de deux esca- 
liers qui se regardent comme des créneaux assyriens et 
qui comptent cinq marches, Quelquefois la gorge égyp- 
tienne est double et les créneaux sont multipliés comme 
un feston... Quand on a franchi la porte on entre 
dans une vaste salle. Le plus souvent — et c'est en cela 
que me paraît résider l'originalité intérieure du tom- 
beau nabatéen — au moins deux parois sur trois ont 
été évidées de manière à former comme une série de 
stalles ou de boxes, dont les parois montent jusqu'au 
plafond. Elles sont en général au nombre de cinq sur 
chaque côté. Cela ressemble à des auges qui seraient 
placées debout. Cependant, je ne crois pas que le corps 
y ait été déposé ; il reposait dans le sol, et quelquefois 
même en avant de cette caisse vide, comme pour être plus 




tuaire sémitique se présente sous une forme qui rap- 
pelle les œuvres d'une civilisation déjà plus avancée. 



392. — Type du tombeau nabuthéen à Pétra. 
D'après la Revue biblique, 1897, p. 224. 

soigneusement dissimulé. Une dalle le recouvrait, puis 
une maçonnerie compacte achevait de le préserver. » 
M. J. Lagrange, Notre exploration de Pétra, dans la 
Revue biblique, Paris, 1897, p. 223-224. Il est un autre 
centre de la civilisation nabatéenne où nous retrouvons 
les mêmes caractères d'architecture, c'est Médaïn 
Sdlih, ou el-Hedjr, au sein d'une région aujourd'hui 
presque déserte. Là aussi comme à Pétra, nous avons 
une plaine entourée de rochers en forme de fer à cheval. 
Sur les rochers, de superbes façades contiennent de 
belles inscriptions, car si les tombeaux de Pétra sont 
obstinément muets, ceux d'el-Hedjr parlent, et nous révè- 
lent le nom du propriétaire de la tombe, quelquefois 
celui du sculpteur, l'année de la construction, etc. 
L'analogie de ces derniers monuments avec les pre- 
miers est frappante; ce sont les mêmes motifs, la même 
disposition, le même style parfaitement caractérisé, 
quoique manquant d'originalité, puisqu'il unit la gorge 
égyptienne et le créneau assyrien au fronton grec. Voir 
fig. 393. On a remarqué aussi la ressemblance de [ces 
mausolées avec les tombeaux de la vallée du Cédron et 
les autres monuments funèbres taillés dans le roc, aux 
■environs de Jérusalem. 

Dans cette même vallée de Médaïn Sdlih, le sanc- 




393. — Tombeau de Médaïn Salin. 
D'après Perrot, Histoire de l'Art, t. iv, p. 344. 

« A l'une des entrées de la vallée se trouve une gorge 
taillée à pic. D'un des côtés, on voit les restes d'une 
vaste salle, qui est creusée dans le roc ; seulement au 
lieu d'être fermée par devant, elle est ouverte sur toute 
la largeur de la façade, que décorent deux pilastres 
(fig. 394). Elle ne présente pas de niches; quelques 




394. — Salle souterraine. Médaïn Salîh. 
D'après Perrot, Histoire de TAvt, t. îv, p. 390. 

figures grossièrement dessinées au trait sur les murs, 
rien de plus. C'est, dans ce district, la seule construction 
qui n'ait pas de caractère funéraire. On l'appelle le 
Divan. Sur la paroi opposée de la gorge, au même ni- 
veau et dominant le précipice, on découvre toute une 
série de niches dans lesquelles se trouvent des pierres 



1451 



NABUTHEENS 



1452 



dressées, tantôt isolées, tantôt réunies par groupe de 
deux ou trois. » Ph. Berger, L'Arabie avant Mahomet 
d'après les inscriptions, Paris, 1885, p. 19. Téïma, petite 
ville située au nord-est de Mêdaïn Sdlih, fut aussi un 
centre religieux important, comme le prouvent les inté- 
ressantes découvertes qu'on y a faites. Voir Thèma. 
Cf. G. Perrot, Histoire de l'art dans l'antiquité, t. IV, 
Paris, 1887, p. 344-346, 389-394. 

V. Inscriptions. — Les Nabatéens ont laissé des 
traces de leur passage tout le long des chemins qu'ils 
ont parcourus. On connaît les fameuses inscriptions 
sinaïtiques, dont le déchiffrement et l'explication ont 
si longtemps préoccupé le monde savant. Voir Sinaï. 
Le mystère qui les recouvrait a été singulièrement 
éclairci par les inscriptions nabatéennes qu'on a retrou- 
vées ailleurs, dans les autres pays où se concentra da- 
vantage la vie du peuple dont nous résumons l'histoire, 
l'Arabie Pétrée, le Hauran et les contrées voisines du 
Hedjâï. L'épigraphie du Hauran ne date réellement que 
du voyage de MM. Waddington et de Vogué, dans le 
cours des années 1861 et 1862. Cf. M. de Vogué, Syrie 
centrale, Inscriptions sémitiques, Paris, 1869, p. 100- 
124. Avant eux, Burckhardt, Travels in Syria and the 



lerins, de pâtres, de marchands, de nomades désœuvrés. 
M. Clermont-Ganneau, Recueil d'archéologie orientale, 
t. iv, p. 191, a été amené à se demander si elles n'avaient 
pas, en général, un objet plus pratique : l'affirmation 
de droits de propriété ou de jouissance individuelle dans 
les terrains de pacage, les palmeraies et même les 
maigres maquis où pouvaient brouter les chèvres. Elles 
ont sans doute leur intérêt, mais elles ne fournissent: 
que de maigres indices sur la nationalité et le culte de 
leurs auteurs. Les autres se rencontrent sur les monu- 
ments et sont plus importantes. On en a retrouvé depuis 
l'Italie jusqu'aux contrées désertes de la Syrie et de 
l'Arabie que nous avons signalées. Ce sont exclusive- 
ment des ex-voto religieux ou des souvenirs funéraires; 
les premiers nous apprennent que tel personnage a 
élevé une stèle à tel dieu ou bâti ou réparé son temple ; 
les seconds indiquent le nom de celui que renferma 
la tombe ou de celui qui a fait construire le mausolée, et 
sont en même temps des titres de propriété. Ce droit 
de propriété est assuré par une double sauvegarde : 
la malédiction des dieux et l'amende payée au roi. 

VI. Langue et écriture. — La langue de ces inscrip- 
tions est l'araméen, qui, sous l'empire perse, prit une 



uw /u* vynh flirta mbi <md wih 

O'J V/31 1JUJ ^Jl HJW Va* "\S\0 IfhJDN 

395. — Inscription nabatêenne de Hégra sur la porte d'un tombeau. D'après Ph. Berger, Histoire de l'écriture, 1891, p. 274. 
Traduction. — Ceci est le tombeau qu'a fait Aïdou, fils de Kohailou, fils d'Elkesai, pour lui-même et ses enfants et ses descendants, 
et pour quiconque apportera dans sa main un écrit en forme de la main d' Aïdou, valable pour lui et pour tout autre à qui aura 
accordé d'être eDterré ici [Aïdou de son vivant] etc. (Pour l'alphabet nabatéeD, voir t. i, col. 409.) 



Holy Land, Londres, 1822, et Wetzstein, Reiseberxcht 
ûber Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, n'avaient 
pris que des copies très imparfaites de quelques ins- 
criptions. De nos jours encore, de nouvelles explora- 
tions ont enrichi les recueils épigraphiques. Cf. Dussaud 
et Macler, Mission dans les régions désertiques de la 
Syrie moyenne, extrait des Nouvelles archives des 
Missions scientifiques, t. x, Paris, 1903; séparément 
in-8» de 342 pages avec planches. En 1876-1877, un intré- 
pide voyageur anglais, M. Ch. Doughty, découvrit dans 
la vallée A'el-Hedjr, au milieu des monuments dont 
nous avons parlé, de nombreuses et longues inscrip- 
tions. Cf. E. Renan, Documents recueillis dans le nord 
de l'Arabie, par Ch. Doughty, dans les Mémoires pré- 
sentés par divers savants à V Académie des Inscriptions, 
t. xxix, l re partie ; tirage à part, Paris, 1884. Peu après, 
Ch. Huber visita ces lieux à deux reprises, de 1880 à 1884. 
Cf. Ch. Huber, Journal d'un voyage en Arabie, Paris, 
1891, avec atlas. Grâce à eux, nous possédons l'ensem- 
ble des inscriptions d'el-Hedjr, reprises et publiées par 
M. Euting, qui accompagnait Ch. Huber lors de son 
second voyage. Cf. Euting, Nabatâische Inschriftenaus 
Arabien, Berlin, 1885. Chose singulière, Pétra a fourni 
moins d'épis à la moisson épigraphique. Cf. Revue 
biblique, Paris, 1897, p. 231-238; 1898, p. 165-182; 1905, 
p. 580-590. On trouve les inscriptions nabatéennes 
réunies dans le Corpus inscriptionum semiticarum, 
t. I, part, il, p. 183 sq. 

Ces inscriptions sont de deux sortes. Les unes ne 
sont que des graffiti, qui se composent presque exclu- 
sivement de noms propres. Elles se trouvent un peu 
partout, mais elles sont innombrables dans la péninsule 
du Sinaï. On les considère généralement comme des 
proscynèmes, ou même de simples griffonnages de pè- 



très grande extension et devint l'idiome vulgaire de 
presque toutes les natious fixées entre la Perse et 
l'Egypte. C'est ainsi que les monuments funéraires nous 
offrent à chaque instant les mots : Niap, qabrâ', indi- 
quant le tombeau dans son ensemble; mwsi, nafsd', la 
stèle ou pyramide qui le recouvre; N31N, 'arnd', le sar- 
cophage, etc. Outre les noms propres, qui sont arabes, 
on a cependant relevé dans la langue nabatéenne un 
certain nombre d'arabismes, que l'on considère, non 
comme des particularités dialectales qui auraient vrai- 
ment pénétré dans l'araméen, mais comme un élément 
exotique. Les arabismes, qui se manifestent surtout à 
Hégra, montrent que l'araméen perdait de son influence 
à mesure qu'on avançait vers le sud. Voir Syriaque; 
(Langue). — La découverte des inscriptions nabatéennes 
a fait une révolution, non seulement dans l'histoire des 
peuples sémitiques, mais encore, et du même coup, dans 
l'histoire de l'écriture. « Le nabatéen franchit le dernier 
pas qui séparait l'ancien alphabet de l'écriture cursive, 
par la création des ligatures (fig. 395). L'écriture ara- 
méenne, avait recourbé les lettres par en-dessous, le na- 
batéen les soude l'une à l'autre, si bien que désormais la 
partie essentielle de l'écriture consistera dans la ligne 
continue qui les rattache par le bas. Ces ligatures ont 
pour effet de modifier profondément l'aspect des lettres, 
par la nécessité de chercher un point d'attache com- 
mode pour les relier les unes aux autres, si bien qu'un 
même caractère peut être alternativement très grand et 
très petit. En même temps, les lettres s'arrondissent 
par en haut et perdent leurs dernières arêtes; tantôt 
elles s'élèvent au-dessus de la ligne, tantôt elles des- 
cendent au-dessous, mais toujours elles restent unies 
par ce lien qui groupe les éléments d'un même mot... 
Ces soudures ne se produisent pas seulement d'unes 



1453 



NABUTHEENS 



1454 



lettre à l'autre, mais souvent dans l'intérieur même 
d'une lettre, surtout dans les lettres finales. La queue 
de Ym, ne trouvant pas d'autres lettres où s'accrocher, 
se replie sur elle-même et se ferme par en bas. Le hé 
fait de même; dans les anciens centres nabatéens de 
Souéïdéh, de Siah, découverts par MM. Waddington et 
de Vogué, on remarque déjà la tendance des deux 
branches de la lettre à se rapprocher; à El-Hedjr, la 
jonction est accomplie et le hé prend à la fin des mots 
la forme d'une pochette. » Ph. Berger, Histoire de l'écri- 
ture dans l'antiquité, Paris, 1891, p. 277. De l'écriture 
nabatéenne est sortie l'écriture arabe, par une série de 
transformations successives. Voir Alphabet, Tableau de 
l'alphabet arabe et de l'alphabet nabatéen, 1. 1, col. 409. 

VIL Religion. — Les inscriptions funéraires et vo- 
tives nous fournissent sur la religion nabatéenne des 
renseignements utiles, bien qu'ils soient encore incom- 
plets. Nous ne connaissons pas toutes les divinités de 
son panthéon. Le dieu qui semble occuper le premier 
rang est DûSara', *nwn que les auteurs grecs et latins 
nomment Ao\j<ràpT)ç, Dusares. Les historiens arabes 
écrivent ,4_ièJJjJ, Dhû essara, c'est-à-dire « le maître 
du Schara ou Scherra », district montagneux, qui 
s'étend de la mer Morte au golfe d'Akaba. Il paraît donc 
avoir été le dieu particulier du pays d'Édom. Son éîilte 
cependant était répandu dans toute l'Arabie, spéciale- 
ment à Adraa, à Bosra, où des jeux avaient été insti- 
tués en son honneur. Il était adoré sous la forme d'une 
pierre rectangulaire, deux fois plus haute que large, et 
posée sur une base. Cf. M. de Vogué, Syrie centrale, 
p. 120-123. —'£1, qui appartient au plus ancien fonds des 
langues sémitiques, représente la nature divine deve- 
nue, dans le polythéisme, le partage de plusieurs, mais 
non une divinité, objet d'un culte spécial. Il se re- 
trouve cependant dans une foule de noms propres naba- 
téens, comme Sxam, Uahab'el, correspondant à Dieu- 
donné, Sn-iim, Natar'el, « que El garde, » hnm, Hann'el, 
« Grâce de El, » semhlable à l'hébreu Hânan'èl, etc. 
Les inscriptions grecques nous donnent : 'Avvt)),o;, 
OùocërjXoç, N«Tâ(ieioç, 1 Pà6'r]ioç. Comme tout dieu 
sémitique, El se dédoubla et la forme féminine 'Elât, 
'Ildtoa 'Allât a mieux gardé la valeur d'un nom propre 
que le masculin, qui est le nom impersonnel de l'être 
divin. Devenue un être distinct comme les autres déesses 
sémitiques de la Syrie, Astarté, Mylitta, Allât avait ses 
autels spéciaux et ses adorateurs attitrés. Les inscrip- 
tions nous montrent qu'elle avait à Salkhad ou dans les 
environs un temple et un collège de prêtres; de plus, 
sa présence dans la composition des noms propres et 
surtout du nom caractéristique XJahballât prouve la 
place qu'elle occupait dans l'esprit du peuple. Son 
culte, répandu dans toute la péninsule arabique, exis- 
tait au v e siècle avant notre ère et ne fut détruit que par 
Mahomet; son simulacre était une pierre blanche car- 
rée, souvent aussi elle était adorée sous la figure d'un 
arbre, comme 'Uzza, autre forme de la déesse arabe. 
Cf. M. de Vogué, Syrie centrale, p. 107-111 ; M. J. La- 
grange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, 
p. 70-83. — Avec Dusara, deux autres divinités, Manùtu, 
mi», et QaiSah, rw»p, étaient adorées à Hégra. Cf. Cor- 
pus Inscr. sem., part, h, 1. 1, p. 223. La première est men- 
tionnée dans le Coran avec Allât; la seconde devait aussi 
être connue des Arabes, comme on le suppose d'après 
le nom d'un poète antérieur à l'hégire, Amru'lrQaîs. 
On trouve encore Mutaba, que Homme], Die altisraeli- 
tische Veberlieferung, p. 320, rapproche du dieu sabéen 
Môtab-Natijân, et Hobal, qui est également un ancien 
dieu arabe. Cf. Corpus inscrip. sem., part, n, t. i, p. 225. 
Il est d'autres noms douteux dont nous ne disons rien. 

Le caractère de la religion nabatéenne participe du 
caractère du peuple lui-même : les dieux y ont une vie 
sédentaire et une vie nomade, leur culte a quelque 
chose de plus personnel et de moins local. Ainsi DuSara 



est « le dieu de notre seigneur », c'est-à-dire du roi. 
On a trouvé à Salkhad une inscription qui se rapporte 
à un monument élevé par deux personnages du nom de 
Rûfyû, « à Allât leur déesse. » Cf. M. de Vogiié, Syrie 
centrale, p. 107. Ailleurs on parle du dieu de Sa'idu, 
du dieu de Qaisu. La stèle de Téima nous montre un 
personnage introduisant dans cette ville son dieu Salm; 
les divinités locales, non seulement agréent le nouveau 
venu, mais encore lui constituent une redevance. Cf. 
Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, p. 501- 
504. La famille aussi bien que la tribu emmène donc 
avec elle le dieu qu'elle adore spécialement. Les rois 
nabatéens recevaient, sinon de leur vivant, du moins 
après leur mort, les honneurs de l'apothéose et étaient 
traités comme de véritables dieux, si bien que leurs 
propres noms figuraient comme éléments théophores 
dans la composition de ceux qui étaient portés par un 
bon nombre de leurs sujets; tels sont les noms à"Abd- 
maliku, 'Abd'obodat, 'Abdharélat, formés sur le type 
'Abdba'al, « serviteur de Ba'al, » 'Abd'alahi, « servi- 
teur de Dieu. » Cf. Clermont-Ganneau, Recueil d'ar- 
chéologie orientale, t. il, p. 368-371. On élevait au dieu 
des temples, qui étaient sans doute des enceintes sacrées 
avec un édicule pour recevoir sa statue ou son sym- 
bole. On érigeait un peu partout des stèles votives, 
NUDn, mesgida', lieu d'adoration, d'où est venu mos- 
quée. « Une forme très authentique a été copiée par 
Euting, Nabatàische Inschriften, p. 61, à Hégra. C'est 
une stèle, surmontée d'un rebord comme un autel, 
taillée en relief dans le rocher et placée daus une sorte 
de niche. La largeur est sensiblement plus grande au 
sommet. Le but n'était pas de placer là une statue; c'est 
la stèle qui est consacrée et elle l'est à un dieu étran- 
ger, comme les cippes votifs phéniciens à un dieu de 
Bosra... Chez les mêmes Nabatéens, la niesdjida a 
encore plus nettement le caractère d'un autel. El en 
effet ils étaient Arabes d'origine et nous avons vu chez 
les Arabes une tendance à confondre l'autel avec la 
pierre sacrée elle-même. » Lagrange, Études sur les 
religions sémitiques, p. 209-210. On a l'exemple d'un 
lit ou siège divin, offert à Dusara, et de deux chameaux 
peut-être dorés, consacrés au même dieu en action de 
grâces. Cf. Corpus inscrip. sem., part, n, 1. 1, p. 184, 188. 
La stèle et un bas -relief trouvés à Téima nous offrent 
d'intéressants détails sur le culte religieux nabatéen. 
Cf. G. Perrot, Histoire de l'art dans l'antiquité, t. iv, 
p. 392, 393. Voir Théma.. 

Pour la numismatique, cf. duc de Luynes, Monnaies 
des Nabatéens, dans la Revue numismatique, 1858, 
p. 292-316, 362-385, pi. xiv, xv, xvi ; de Vogiié, M onnaies 
des rois de Nabatène, même revue, 1868, p. 153-168, 
pi. v; de Saulcy, Numismatique des rois nabatéens de 
Pétra, dans Y Annuaire de la Société française de Nu- 
mismatique et d'archéologie, t. IV, l r8 part., 1873, p. 1-35; 
Sorlin-Dorigny et Babelon, Monnaies nabatéennes iné- 
dites, dans la Revue numismatique, III e série, t. v, 1887, 
p. 369-377; Dussaud, Numismatique des rois de Naba- 
tène, dans le Journal asiatique, mars-avril 1904, p. 189- 
238, avec trois planches. 

Les découvertes modernes ont donné lieu à de très 
nombreuses études sur les Nabatéens, surtout au point 
de vue épigraphique. Ces études sont disséminées dana 
les revifés^cientifiques ou dans les recueils que nous 
avons signalés ; il est impossible de les indiquer ici. 
Le Corpus inscrip. sem. renferme, sous ce rapport, une 
bibliographie complète. Voir aussi pour l'ensemble de 
cette histoire, E. Quatremère, Mémoire sur les Naba- 
téens, dans le Nouveau journal asiatique, 1835, t. xv, 
p. 5-55, 97-137, 200-240, ou dans ses Mélanges d'histoire 
et de philologie orientale, Paris, s. d., p. 58-189; Eb. 
Schrader, Die doppelten Nabatàer, dans ses Keilin- 
schriften und Geschichtsforschung, in-8», Leipzig, 
1878, p. 99-116; Clermont-Ganneau, Les Nabatéens dans 



1455 NABUTHËENS — NACHOR 

* 

te pays de Moab, dans son Recueil d'archéologie orien- 
tale, t. Il, Paris, 1896, p. 185-219; H. Vincent, Les Na- 
batéens, dans la Revue biblique, 1898, p. 567-588; Schû- 
• rer, Geschichte des Jûdischen Volkes, Leipzig, 1901, 
t. î, bibliographie du sujet, p. 726-728 ; R. E. Brûnnow 
et A. von Domaszewski, Die Provincia Arabia, in-4°, 
Strasbourg, 1904. A. Legendre, 



1456 



NABUZARDAN (hébreu : Nebùzar'âdân; Septante : 
Na6ouÇapS«v), Commandant des gardes du corps de 
Nabuchodonosor. Son nom a été retrouvé dans les docu- 
ments cunéiformes, ayant été assez commun en Chal- 
dée. La liste des noms propres publiée dans les Cunei- 
fortn Inscriptions of Western Asia, t. n, pi. 64, col. n, 

1. 13, le contient sous la forme : | •»-! frf— »~^ •— 

Nabu-zir-iddina, « Nabo a donné une postérité. » On 
le retrouve aussi dans un certain nombre de contrats. 
— Nabuzardan est nommé plusieurs fois par Jérémie, 
xxxix, 9-13; xl, 1; xli, 10; xmi, 6; lu, 12, 15, 16, 26, 
30, dans le récit de la dernière campagne de l'armée de 
Nabuchodonosor contre Jérusalem. 11 ne semble pas avoir 
été personnellement présent au siège de la capitale, mais 
son, rôle n'en fut pas moins important. Il arriva au mo- 
ment où la ville succomba. IV Reg., xxv, 13 (587 avant J.- 
C.) et dès lors il prit la direction des affaires. Il incendia le 
temple, le palais royal et les principales maisons de Jéru- 
salem; il emmena aussi captifs les principaux de la ville 
en n'y laissant que les pauvres. IV Reg., xxv, 8-12; 
18-20; Jer., xxxix, 8-10. Ce fut lui-même qui choisit les 
vases sacrés et les objets précieux du Temple qu'il lit 
transporter à Babylone. IV Reg., xxv, 15. Nabuchodo- 
nosor ayant nommé Godolias gouverneur de la Judée, 
IV Reg., xxv, 22; Jer., XL, 5, il recommanda à Nabuzar- 
dan de prendre soin de Jérémie et celui-ci se retira au- 
près de Godolias. Jer., xxxix, 14; XL, 6, Le chef baby- 
lonien qui l'avait délivré de prison, l'avait traité avec 
une extrême bienveillance, et lui avait donné pleine li- 
berté. Jer., XL, 1-6. Nabuzardan quitta alors la Judée, 
emmenant avec lui les principaux captifs de Jérusalem 
à Nabuchodonosor qui se trouvait en ce moment à Re- 
blatha (Riblah). Il Reg., xxv, 18-20. Avant son départ, 
Nabuzardan, dont le caractère était plein de modération, 
avait recommandé à Godolias les filles du roi et les 
restes du peuplei Jer., xn, 10. Cinq ans plus tard, nous 
retrouvons Nabuzardan en Judée, lors sans doute de la 
campagne de Nabuchodonosor contre l'Egypte. Josèphe, 
Ant. jud., X, îx, 7. Jérémie, Lll, 30, nous apprend que 
Nabuzardan emmena alors sept cent quarante-cinq Juifs 
en captivité, mais sans nous expliquer à quelle occasion 
et pour quel motif. F. Vigouroux. 

NACHMANIDE ou BEN NAHMAN (Moïse), né à 
Girone en Catalogne en 1194, mort à Saint-Jean-d'Acre 
vers 1268. Les Juifs lui donnent souvent le nom de Ram- 
ban, abréviation de Rabbi Moïse ben Nahman. Intelligence 
vive, imagination riche, esprit avide de savoir, il fut 
également poète, philosophe, médecin, exégète, talmu- 
diste et cabaliste. Son influence fut considérable, sur- 
tout à ce dernier point de vue : il fit école et eut un 
grand nombre de disciples. Mais s'il donna une si large 
part à l'interprétation cabaliste et mystique, il pénétra 
cependant le sens littéral du texte sacré avec une rare 
sagacité et il a fait laire des progrès importants à l'exé- 
gèse grammaticale et rationnelle, A Barcelone, en 1263, 
devant le roi d'Aragon, Jacques I er , il soutint une con- 
troverse sur la venue du Messie et quelques autres points 
de doctrine avec les dominicains Paul Christiani et Ray- 
mond Martin, l'auteur du Pugio fidei, controverse pu- 
bliée dans Tela ignea Satanss de Wagenseil, in-4», Al- 
torf, 1681. En 1267, Nachmanide fit le voyage de Jéru- 
salem, où il fonda une école qui subsistait encore au 
xvi e siècle : il y demeura peu de temps, et se retira à 



Saint-Jean-d'Acre où il ne tarda pas à mourir. Parmi 
ses nombreux ouvrages les suivants seulement se rap- 
portent à l'exégèse sacrée : Un commentaire sur le Pen- 
tateuque, Bïûr 'al haftorâh, « Exposition de la Loi, » 
selon lé sens philosophique et traditionnel, mystique et 
cabalistique, in-f», Lisbonne, 1489; Naples, 1490; Salo- 
nique, 1521; Constantinople, 1522, etc. Un commen- 
taire sur le livre de Job, imprimé la première fois dans 
la Bible rabbinique de Bomberg, in-f», Venise, 1517, 
avec des tirages à part en in-4», et dans la grande Bible 
rabbinique d'Amsterdam, in-f°, Amsterdam, 1724-1727. 
Pour le commentaire cabalistique sur le Canlique des 
Cantiques, in-4», Altona, 1764; Berlin, 1784, etc., il faut 
dire que selon plusieurs critiques, il serait d'un de ses 
maîtres, Azriel ben Menahem. Voir L. Wogue, Histoire 
de la Bible et de l'exégèse biblique, in-8°, Paris, 1881, 
p. 276-277; J. Chr. Wolf, Bibliotheca Hebrsea, in-8», 
Hambourg, 1715, t. i, p. 876-881 ; J. Fûrst, Bibliotheca 
Judaica, in-8», Leipzig, 1863, t. m, p. 2-8. 

E. Levesque. 
NACHON (AIRE DE). Voir Aire de Nachon, t. i, 
col. 328. 

NACHOR (hébreu : Nâhor; Septante : Na^p), nom 
du grand-père et d'un frère d'Abraham. 

1. NACHOR, fils de Sarug, père de Tharé et grand-père 
d'Abraham. Gen., xt, 22; I Par., i, 26. Il engendra son 
fils Tharé à 29 ans, et il mourut à l'âge de 148 ans 
après avoir engendré des fils et des filles. Gen., xi, 22 
25. Il est nommé par saint Luc, m, 34, dans la généa- 
logie de Notre-Seigneur. 

2. NACHOR, fils de Tharé et frère d'Abraham. Gen., xi, 
26; Jos.,xxiv, 2. D'après l'énumération de la Genèse, 
Nachor était le frère cadet d'Abraham. Certains com- 
mentateurs croient cependant qu'il était son aîné, sans 
pouvoir l'établir par des raisons suffisantes. Il épousa 
sa nièce Melcha, fille d'Aran et sœur de Lot. Gen., xt, 
29, 31 . Ce mariage est mentionné avant l'émigration de 
Tharé et de sa famille en Mésopotamie. Le nom de Na- 
chor ne figure pas dans l'énumération des émigrants, 
Gen., xi, 31, qui allèrent s'établir à Haran, mais la suite 
de l'histoire, montre que le frère d'Abraham faisait par- 
tie de la caravane, car Haran est appelée, Gen., xxiv, 
10, « la ville de Nachor, » c'est-à-dire la ville où habitait 
Nachor et où se fixa sa famille. Gen., xxvn, 43. Ce 
patriarche eut douze fils, huit d'entre eux lui furent 
donnés par sa femme de premier rang, Melcha, et quatre 
par une femme de second rang, Roma. Les huit fils de 
Melcha sont Rus, Buz, Camuel, Cased, Asan, Pheldas, 
Jedlaph et Bathuel ; les quatre fils de Roma sont Tabée, 
Gaham, Tahas et Maacha. Gen., xxii, 20-24. Ces douze 
fils de Nachor devinrent les pères ou les éponymes 
d'autant de tribus araméennes qui se répandirent sur- 
tout à l'ouest de l'Euphrate et dont quelques-unes descen- 
dirent jusqu'au sud dans le voisinage des montagnes 
de Galaad, mais dont plusieurs ne sont pas identifiées. 
On peut remarquer que Nachor eut le même nombre 
de fils que Jacob et qu'lsmaël. Quelques commentateurs 
ont noté que huit de ses enfants lui étaient nés, comme 
ponr Jacob, d'une femme de premier rang et . quatre 
d'une femme de second rang, mais il y a cette différence 
entre les deux patriarches,que Jacob eut quatre femmes 
et non pas seulement deux. — Lorsque Abraham eut 
quitté son frère Nachor pour aller dans la Terre Pro- 
mise, tout rapport ne cessa pas entre eux. Abraham 
reçut en Palestine des nouvelles de la famille de Na- 
chor, Gen., xxii, 20, et il ne voulut pour femme de son 
fils Isaac qu'une fille de sa parenté. Gen., xxiv, 4. 11 
envoya son serviteur Éllézer en Mésopotamie 1 pour l'y 
chercher et il ramena, en effet, Rébècca, fille de Ba- 
thuel et petite-fille de Nachor, laquelle devint la mère 



1457 



NACHOR — NAGE 



1458 



de Jacob et d'Ésaû. Gen. xxrv 10-61. Jacob à son tour 
prit, à Haran, ses deux femmes Lia et Rachel dans la 
descendance de Bathuel et de Laban, frère de Rébecca. 
Gen., xxis, 1-30. — Après le récit de ces événements, 
Nachor n'est plus nommé que deux fois dans l'Éeriture. 
Lorsque, après la fuite de Jacob de Mésopotamie, Laban, 
qui s'était mis à sa poursuite, l'atteint dans le pays de 
Galaad et fait enfin alliance avec lui, il place solennel- 
lement cette alliance sous la garde « du Dieu d'Abraham 
et du Dieu de Nachor ». Gen., xxxi, 5&. — Josué, dans 
son dernier discours à Israël, lui rappelle que ses an- 
cêtres et« Tharé, père d'Abraham et de Nachor », avaient 
servi les faux dieux au delà, c'est-à-dire à Ur, à l'est de 
l'Euphrate. Jos., xxiv, 2. Divers commentateurs mo- 
dernes veulent trouver une preuve de cet idolâtrie des 
descendants de Tharé dans les paroles de Laban, 
Gen., xxxi, 53. Ils les traduisent: « Que le Dieu d'Abra- 
ham, le Dieu de Nachor et le Dieu de leurs pères 
soient juges entre vous, » et concluent de là que Laban 
et Jacob adoraient un Dieu différent. Le texte hébreu 
porte, en effet, le pluriel, ispetû, « qu'ils soient juges, » 
comme s'il s'agissait de plusieurs dieux, mais le texte 
samaritain, les Septante et la Vulgate, ont tous le verbe 
au singulier, judicet, « soit juge, » et ne voient qu'un 
seul et même Dieu dans celui qui était l'objet du culte 
d'Abraham et de Nachor. Le pluriel du verbe s'explique 
dans le texte massorétique par la forme plurielle du nom 
de Dieu, 'Elôhim, qui s'emploie si fréquemment pour 
désigner le vrai Dieu, au singulier. 

NACLANT Jacques, NACCHIANTE, théologien 
italien, de l'ordre des Frères-Prêcheurs, né à Florence, 
mort le 24 avril 1569. Il enseigna la théologie et la phi- 
losophie dans les couvents de son ordre. Paul III, en 
1544, le nomma évêque de Chioggia dans l'état de Venise 
et en cette qualité il assista au concile de Trente. Parmi 
ses nombreux écrits, nous avons à mentionner : Enar- 
rationes pise,doctm et catkolicse in Epistolam D. Pauli 
apostoli ad Ephesios, in quibus juxta Sacrant Scrip- 
turam et orthodoxam fidem sunt explicatse omnes fere 
diffieultates pietatis christianœ, in-8», Venise, 1554; 
Enarrationes pise, doctse et calholicse in Epistolam. 
D. Pauli apostoli ad Romanos, in-8°, Venise, 1554 ; 
Sacrée Scripturie medulla, vel arcanorum Chris ti, qui- 
bus singulse mundi sunt locupletatœ xtates pia, docta 
ac clara deteclio, necnon perexacta discussio, in-4«, 
Venise, 1561. Les œuvres de J. Naclant ont été réunies 
en 2 vol. in-f», Venise, 1657. — Voir Échard, Scripto- 
res Ord. Prasdicatorum, t. n, p. 202. 

B. Heubtebize. 

NADAB (hébreu : Nâdàb, « libéral; » Septante : Na- 
Siê), nom de quatre Israélites. 

1. NADAB, fils aine d'Aaron et d'Elisabeth, Exod., VI, 
■23; I Par., vr, 3; xxiv, 1, 2. — Avec son père Aaron, son 
frère Abiu et soixante-dix anciens, Nadab fut appelé à 
monter sur le Sinaï, à la suite de Moïse, et, sans appro- 
cher de Jéhovah, à voir Dieu de loin. Exod., xxiv, 1, 2, 
■9-11. Il lut choisi pour être prêtre de Jéhovah avec son 
père et ses frères, Exod., xxxm, 1, et reçut la consécra- 
tion sacerdotale. Lev., vin, 2-36. Une coupable négli- 
gence fut bientôt la cause de sa mort tragique et de celle 
de son frère AJjiu. Tous deux avaient à offrir les parfums 
dans leur encensoir. Or, un feu perpétuel devait brûler 
«ur l'autel sans jamais s'éteindre, Lev., VI, 12, 13, et 
Jéhovah venait lui-même de joindre un feu miraculeux 
À celui qui consumait les holocaustes. Lev., ix, 24. C'est 
â ce feu sacré que Nadab et Abiu devaient alimenter 
leurs encensoirs. Au lieu de le faire, ils prirent du feu 
étranger, contrairement aux ordres donnés. Le châti- 
ment les frappa aussitôt; un feu sortide Jéhovah, c'est-à- 
dire de l'Arche, les dévora. Lev.,x, 1-5; Num., m, 2-4, 
xxvl, 60-61. Il importait que, dès le début, les fonctions 
sacerdotales fussent exécutées ponctuellement et d'une 



manière rigoureusement conforme à la volonté de Dieu. 
Ainsi l'exigeait la nécessité de iaire pénétrer profondé- 
ment dans l'esprit du peuple l'idée de la majesté divine. 
Les prêtres avaient aussi à retenir que rien de profane 
ne peut servir au culte du Seigneur. Voir Abiu, t. i, 
col. 61. Il est possible que les deux (/ères aient craint 
d'approcher du feu miraculeux envoyé sur l'autel par 
Jéhovah. Il est beaucoup moins probable qu'ils aient 
agi par ignorance. A la suite des rabbins, plusieurs pen- 
sent qu'à ce moment Nadab et Abiu, après les réjouis- 
sances qui avaient dû célébrer leur entrée en fonction, 
n'étaient pas très maîtres d'eux-mêmes. On le conclut 
de cette recommandation qui suit immédiatement lo 
récit de leur punition : « Jéhovah parla à Aaron et dit : 
Tu ne boiras ni vin, ni boisson enivrante, toi et tes fils 
avec toi, lorque vous entrerez dans la tente de réunion, 
afin que vous ne mourriez pas. » Lev., x, 8, 9. Le coup 
fut dur pour Aaron et sa famille. Lui-même et ses deux 
autres fils n'eurent pas le droit de prendre part au deuil 
général. Ils se devaient tout entiers et exclusivement au 
Seigneur. Lev.,x,6,7. Aaron eut probablement à expier 
ainsi la part qu'il avait prise à la fabrication du veau 
d'or. Exod., xxxii, 4. H. Lesêtre. 

2. NADAB, roi d'Israël, fils et successeur de Jéro- 
boam I er . III Reg., xiv, 20. Il commença à régner la 
seconde année d'Asa, roi de Juda, et il occupa le trône 
deux ans à peine (954-953 ou 915-914). III Reg., xv, 25. 

II marcha dans la voie impie et schismatique de son 
père; il entretint Israël dans le péché, en le tenant éloi- 
gné du culte de Jéhovah, tel que Moïse l'avait réglé et 
tel qu'il se pratiquait à Jérusalem. Il entreprit le siégé 
de Gebbéthon, « ville des Philistins, » appartenant en 
réalité â la tribu de Dan, mais que les deux peuples se 
disputaient à raison de sa situation. Voir Gebbéthon, 
t. h, col. 142. Pendant que Nadab, accompagné de tous 
les guerriers d'Israël, cherchait à reprendre la ville aux 
Philistins, l'un des officiers de son armée, Baasa, le mit 
à mort et devint roi à sa place. III Reg., xv, 26-28. Ainsi 
s'accomplit une prophétie faite par Ahias à Jéroboam. 

III Reg., xiv, 10. H. Lesêtbe. 

3. NADAB, fils aîné de Séméi, de la tribu de Juda. 
Il eut pour fils Saled et Apphaim. I Par., n, 28, 30, 

4. NADAB, de la tribu de Benjamin, cinquième fils 
d'Abigabaon ou Jéhiel. I Par., vm, 30; ix, 36. Voir Abi- 
gabaon, t. i, col. 47; Jéhiel 2, t. m, col. 1219. 

NADABIA (hébreu : Nedabyâh; Septante : NaëaSîa;), 
le huitième fils de Jéchomias, roi de Juda. I Par., m, 
18. Certains critiques soutiennent cependant que, dans 
ce passage, l'auteur des Paralipomènes n'indique pas la 
filiation naturelle, mais l'ordre de succession, et que 
Nadabia et ses frères étaient réellement fils de Néri. 
Voir Néri. 

NAGE, NATATION (hébreu : safyû), procédé pour 
se soutenir et avancer sur l'eau par le seul mouvement 
du corps. — Les Hébreux, en dehors sans doute des 
habitants des rives de la Méditerranée et du lac de Ti- 
bériade, ne se sont guère exercés à la natation, leur 
seul fleuve profond, le Jourdain, étant généralement trop 
rapide pour qu'on puisse s'y aventurer en dehors des 
gués. Il est raconté cependant qu'après un avantage 
remporté sur le général syrien Bacchides, Jonathas, qui 
ne se sentait pas en force, se jeta dans le Jourdain, avec 
ses compagnons, et ils le traversèrent à la nage. I Mach., 
ix, 48. Il est encore question de natation dans deux pro- 
phètes. Isaïe, xxv, 11, représente Moab plongé dans une 
mare, et « étendant ses mains comme le nageur ( Aas- 
sofiéh, natans) les étend pour nager (sàhàh, natare) ». Il 
n'est pas question des pieds parce qu'on ne les aperçoit 



1459 



NAGE 



4460 



pas, surfont dans une mare. Ézéchiel, xlvii, 5, parle I gneur: «J'arroserai de sang le pays où tu nages (fàfâ,( h» 
d'un torrent dont l'eau était si profonde que, pour le tra- | par allusion aux inondations du Nil qui font que les 




396. — Nageur assyrien sur une outre suivant un kéiek posé lui-même sur des outres gonflées et transportant des pierres. 
British Muséum. D'après Place, Ninive et l'Astyrie, pi. 43. 



verser, il fallait aller à la nage (safyâ). Le prophète 
songe probablement au procédé employé par les Assy- 
riens, qui, pour traverser des cours d'eau, se servaient 



terres semblent nager sur les eaux. — Elisée fit surna- 
ger (?ûf) le fer d'une hache qui était tombé dans l'eau. 
IV Reg., vi, 6. — Dans saint Jean, ix, 7, 11, la piscine 




397. — Assyrien nageant. A gauche, deux hommes préparent l'outre sur laquelle ils vont traverser la rivière. 
D'après Layard, Monuments of Nineveh, 1. 1, pi. 15. 



d'outrés remplies d'air (fig. 396) et se dirigeaient avec 
les mains (fig. 397). Au figuré, Ézéchiel, xxxu, 6, 
s 'ad ressaut au roi d'Egypte, lui dit de la part du Séi- 



de Siloé est appelée xolu{i.6rfi(>a., « piscine, bain, » et dans 
la Vulgate natatoria, « lieu où l'on nage. » Cette piscine 
a 16 mètres de long, 6 de large et 6 de profondeur. Oa 



1464 



NAGE — NAHUM 



1462 



aurait donc pu y nager. Mais aucun texte ne parle de 
natation dans cetle piscine. De nos jours, les habitants 
de Jérusalem se baignent dans la Fontaine de la Vierge 
qui alimente la piscine de Siloé. Voir GmoN, t. m, 
col. 240. — Saint Pierre « se jette à la mer » de Tibé- 
riade, lorsqu'il reconnaît Jésus ressuscité. Joa., xxi, 7. 
— Quand le navire qui porte saint Paul arrive à Malte, à 
la suite d'une longue tempête, et s'échoue sur la plage, 
c'est à la nage que beaucoup de passagers gagnent la 
terre. Act., xxvii, 43. H. Lesêtre. 

NAGEL Paul, astrologue allemand, mort en 1621. 
Il fut professeur à Leipzig, puis recteur de l'école de 
Torgau. Livré à l'astrologie, il voulut expliquer l'Apo- 
calypse, renouvelant les erreurs des Millénaires et 
fixant le commencement d'un âge d'or imaginaire 
vers l'année 1624. Son ouvrage a pour titre : Prôdro- 
mus astronomie apocalypticœ de motïbus tarn stel- 
lati firmamenti quam ecclesiastici, in-4°, Dantzig. 
1620. B. Heurtebize. 

NAGGE (grec : Na^yat), un des ancêtres de Notre- 
Seigneur, dans la généalogie de saint Luc, m, 25. Il 
vivaitprobablementversl'époquedu pontificat d'Onias 1er, 
au commencement du règne des Séleucides. Quelques 
manuscrits grecs écrivent son nom Nayat. Qr, Nayai est 
dans les Septante, I Par., m, 7, la transcription du nom 
hébreu de Nôggah, « splendeur, » Vulgate : Noge, 
qui était fils de David. Voir Nogé. 

NAHABI (hébreu : Nattai; Septante : Na<x(; Alexan- 
drinus : Na6â), fils de Vapsi, de la tribu de Nephthali, 
l'un des douze explorateurs qui furent envoyés par 
Moïse du désert de Pharan dans la terre de Chanaan. 
Num., xiii, 15 (hébreu, 14). 

NAHALIEL (hébreu : Nahâli'êl, « torrent » ou « vallée 
de Dieu ; » Septante : Codex Vaticanus : Mavarj).; Codex 
Alexandrinus : NaaXnqX), station des Israélites se ren- 
dant d'Egypte en Palestine. Num., xxi, 19. Elle n'est 
mentionnée qu'en cet endroit de l'Écriture, entre Mat- 
thana et Bamoth. Son emplacement est inconnu, mais 
nous savons qu'elle se trouvait dans le pays de Moab, 
au nord de l'Arnon, ouadi Modjib. Num., xxi, 13. Eur 
sèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gcettingue, 1870, 
p. 141, 282, nous la montrent près de ce torrent, mais 
il s'agit sans doute ici de la contrée arrosée par ses 
affluents supérieurs, comme l'ouadi Ualéh, par exemple. 
D'autres ont plutôt pensé à l'ouadi Zerqa Ma'in, situé 
plus au nord. Voir la carte de Moab, col. 1145. Cf. 
G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places 
in the Old and Neiv Testament, Londres, 1889, p. 134; 
G. A. Smith, The historical Geography of the Holy 
Land, Londres, 1894, p. 561. Nahaliel ne se rencontre 
pas dans l'itinéraire de Num., xxxm. 

A. Legendre. 

NAHAM, nom dans la Vulgate, de deux Israélites 
qui sont appelés en hébreu Na'am et Naham. 

1. NAHAM (hébreu : Na'am; Septante : No<5|j.), troi- 
sième fils de Caleb, fils de Jéphoné, de la tribu de Juda. 
I Par., iv, 15. 

2. NAHAM (hébreu : Naham; Septante : Nax«ï|).), 
Irère d'Odaïa, femme de Méred. Il eut pour fils Céila, 
de la tribu de Juda. I Par., îv, 19. 

NAHAMANI (hébreu : Nabâmânî; Septante : Nas- 

(iavt; Alexandrinus : Naannaveî), un des chefs qui re- 

_ vinrent de Babylone en Palestine avec Zorobabel. 

H Esd., vu, 7. Son nom est omis dans la liste parallèle 

de IEsd.,V, 8. 



NAHARAI (hébreu : Naheraî; Septante : Na^top; 
Alexandrinus : Naapaf), écuyer de Joab. Il était origi- 
naire deBérothet l'un des plus braves soldats de David. 
II Reg., xxili, 37; I Par., xi, 39. 

NAHASSON (hébreu : Na^Sôn; Septante: N<x<j<xk>v)> 
fils d'Aminadab et chef de la tribu de Juda, lors du pre- 
mier dénombrement des tribus fait dans le désert. 
Num., i, 7; il, 3; vu, 12; x, 14; I Par., h, 10-11. La 
femme d'Aaaron, Elisabeth, était une sœur de Nahasson. 
Exod., yi, 23. Son fils Salmon épousa Rahab de Jéricho. 
Ruth, iv, 20. C'était un des principaux personnages "qui 
vécurent à l'époque de l'Exode. Num., il, 3; vu, 12; x, 
14. Il mourut dans le désert, d'après Num., xxvi, 64-65. 
Nahasson fut un des ancêtres de David, Ruth, IV, 18-20; 
I Par., il, 10, 12, et de Notre-Seigneur, et il est men- 
tionné à ce titre, sous le nom Naasson, dans les deux gé- 
néalogies de saint Matthieu, i, 4, et de saint Luc, m, 32. 

NAHATH (hébreu : Nafyat), nom d'un Iduméen et 
de deux lévites. 

1. NAHATH (Septante : Nor/ôO ; Alexandrinus : Nax<5(i ; 
dans Gen., xxxvi, 13; Nax<<>9; Alexandrinus : N«x^> 
dans Gen., xxxvi, 17; N«xec; Alex. : Nax'0> dans 
I Par., r, 37), un des 'allâf (chef d'Édom). Il était fils 
de Rahuël et petit-fils d'Ésaû. Gen., xxxvi, 13, 17; 

I Par., i, 37. 

2. NAHATH (Septante : KawaàO; Alexandrinus : 
Kvà9; Lucien : Nadtd), lévite de la descendance de 
Caath, second fils de Sophaï. I Par.,vi, 26 (hébreu, 11). 

II fut un des ancêtres du prophète Samuel et d'Héman et 
il figure, d'après certains critiques, dans la généalogie 
de Samuel sous la forme défigurée de Thohu. I Reg., i, 
1. Cf. I Par., vi, 33 ou 34. 

3. NAHATH (Septante : NasG), lévite qui vivait du 
temps d'Ezéchias. Il était chargé, avec quelque autres 
lévites, sous les ordres de Chonénias et de Séméi, de 
recevoir les dîmes, les prémices et tout ce qui était voué 
en l'honneur de Dieu. II Par., xxxi, 13. 

NAHUM, nom, dans la Vulgate, de trois Israélites. 
Ce nom existe aussi dans l'onomastique phénicienne. 
Gesenius, Monum. Phœn.,p. 134; Bœchh, Inscript, grsec. t 
t. il, 25, 26; Corp. inscript, semit., t. i, 123 a3 - b3 . 

1. NAHUM (hébreu : Rehûm; Septante : 'Ivaoûji), un 
des principaux Juifs qui revinrent de la captivité de 
Babylone en Palestine, du temps de Zorobabel. II Esd., vu, 
7. Dans la liste parallèle, I Esd., n, 2, il est appelé 
Rehum par la Vulgate. L'hébreu lui donne le nom de 
Rel.tûm dans les deux passages. 

2. NAHUM (hébreu : Nahûm, « riche en consolation, » 
et aussi « consolator », comme traduit saint Jérôme; 
à la forme intensive, de même que ràhûm, « riche en 
pitié, » hannûn, « riche en grâce; » Septante : Naoûti), 
le septième des douze petits prophètes, entre Michée et 
Habacuc. 

I. La patrie de Nahum. — Outre son nom et son 
livre, nous ne_connaissons, en ce qui le concerne, qu'une 
seule circonstance certaine, celle que marque l'épithète 
•tfipbsn, kâ-'Elqôsi (Septante : toù 'EXxeffafou ; Vulgate : 

Elcessei), ajoutée à son nom dans le sous-titre de sa 
prophétie, i, 1. Encore est-elle l'objet d'une grande dis- 
cussion. C'est à tort qu'on a parfois donné à ce nom, 
surtout dans l'antiquité, un caractère patronymique et 
qu'on lui a fait désigner le père de Nahum. Voir S. Jé- 
rôme, Proœm. in Nah., t. xxv, col. 1290; Pseudo-Épi- 
phane, De vit. prophetarum, c. xvii, t. xlhi, col. 409; 
S. Cyrille d'Alexandrie, t. lxxi, col. 780; déjà le Tar- 



1463 



NAHUM 



1464 



gum traduisait ce surnom par itf'ip ri'so, mibbef Qôsi, 

« de la maison, c'est-à-dire de la famille, de QôH. » Il 
désigne, cela n'est pas douteux, le lieu d'origine ou d'ha- 
bitation du prophète, et signifie : originaire ou habitant 
&"Elqô$. Cf. les surnoms analogues de hâ-'Annetoti 
(Vulgate : Anathothiles) et de liam Morasfi (Vulgate : 
Morasthiles), donnés à Jérémie et à Michée, parce qu'ils 
étaient, le premier d'Anathoth, le secon d de MoréSet 
Gaf. Cf.Jer.,xxix,27;Mich.,i,14.Voiraussi IIIReg.,xi, 
29; xvn, i; Jer., xxix, 23, etc. Sur le site d"ElqôS, 
voir Elcési, t. H, col. 1617. 

Nous ne savons rien de la vie de Nahum. Il n'est 
mentionné nulle part ailleurs dans la Bible. La légende 
elle-même raconte peu de chose sur son compte, et dit 
seulement qu'il avait prophétisé que Ninive périrait par 
l'eau et le feu, et qu'il mourut et fut enseveli à Begabar. 
"Voir Pseudo-Épiphane, De vit. proph., 17, t. XLiii, 
col. 409; Huet, Demonstrat. evangel., iv, § 5; Carpzow, 
Introductio ad libr. canon. Bibliorum Vet. Test., t. m, 
p. 386 sq. Nahum est mentionné en passant dans le 
second livre apocryphe d'Esdras, I, 40, et par l'histo- 
rien Josèphe, Ant. jud., IX, xi, 3. Sur l'époque à la- 
quelle il vivait, voir plus bas, col. 1466. 

II. Authenticité et intégrité du livre de Nahum, 
sa canonicité. — 1» Jusqu'à ces dernières années, per- 
sonne n'avait attaqué l'authenticité de la prophétie de 
Nahum; les critiques contemporains les plus hardis, 
Kuenen, Wellhausen, Cornill, etc. (voir col. 1468), l'ad- 
mettaient eux-mêmes sans hésiter, pour l'écrit tout en- 
tier. Si quelques rares interprètes avaient rejeté, comme 
des gloses apocryphes, la première partie du titre, Onus 
Ninive, « prophétie contre Ninive, » ou encore la des- 
cription de la ruine de Thèbes, Nah., m, 8-10, on avait 
laissé tomber leurs objections, qui n'avaient rien de 
scientifique; d'ailleurs, pour ce qui est de l'oracle relatif 
à Thèbes, les documents assyriens sont le meilleur garant 
de son authenticité comme de sa véracité. En effet, les 
détails historiques que donne l'écrivain sacré sont plei- 
nement confirmés par les Annales d'Assurbanipal. Elles 
nous disent que le roi d'Egypte, Ourdaman, apprenant 
que le conquérant égyptien « avait franchi les frontières 
de l'Egypte,... abandonna Memphis et, pour sauver sa 
vie, s'enfuit à Thèbes ». L'inscription ajoute : «Je suivis 
la route qu'avait prise Ourdaman ; j'allai à Thèbes, la 
ville forte. Il vit l'approche de ma puissante armée, et 
abandonna Thèbes... Cette ville tout entière, au service 
d'Assur et d'Istar, mes armées la prirent... Un butin 
grand et innombrable, je l'emportai de la ville de Thè- 
bes. » On lit dans une autre inscription : « Ils (les Assy- 
riens) s'emparèrent en entier de la ville et la détrui- 
sirent comme une inondation. » Voir F. Vigoureux, La 
Jiible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, p. 80- 
86; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. n, 
p. 166-169. 

Une objection plus grave et toute récente porte sur 
le passage i, 2-n, 3, dont on prétend enlever la paternité 
à Nahum. Voici les faits. Dans la troisième édition- de 
son Commentar ûber die Psalmen, 1873, p. 117, 
Frz. Delitzsch attira brièvement l'attention de ses lec- 
teurs sur une remarque du pasteur wurtembergeois 
G. Frohmeyer, d'après lequel il y aurait des traces d'un 
arrangement alphabétique dans Nah., i, 3-7. Partant 
de là, un savant catholique, le D r Bickell, qui a consacré 
une partie considérable de ses travaux à la recherche 
du mètre poétique hébreu, a fait, entre les années 1880 
et 1894, plusieurs tentatives pour reconstruire le texte 
primitif du chap. I er de Nahum. D'après lui, le poème 
alphabétique n'aurait pas seulement occupé les versets 
2-7, mais les versets 2-10, et ce poème aurait été composé 
oxquisito artificio, d'une manière à peu prés régulière 
pour les lettres Nàc, dont chacune commence un vers 
ou une partie de vers, mais irrégulièrement pour les au- 
tres lettres. Voir son article dans ïeZeitschrift der deut- 



schen morgenlând. GeselUchaft, 1880, t. xxxiv, p. 559 et 
suiv.; ses Carmina Veteris Testant, metrice, 1882, 
p. 211-213; ses Dichtungen der Bebràer, 1882, 1. 1, p. 72; 
un autre article, intitulé Beitrâge zur semit. Metrik, 
das alphabetà. Lied in Nah., i, 2-u, 3, dans les Sitzungs- 
beriehte de l'Académie impériale des Sciences de Vienne 
1894, Abhandl. v. Le D' Gunkel, qui appartient au ratio- 
nalisme le plus avancé, a fait aussi un essai de recons- 
truction du prétendu cantique; mais, à part le résultat 
général, ses conclusions durèrent notablement de celles 
de M. Bickell, qu'il déclare inadmissibles. Selon lui, 
l'acrostiche en question s'étend de Nah., i, 2, à Nah., Il, 3 : 
les lettres N à h sont représentées dans la première moitié 
de ce passage, i, 2-8, et les lettres Dan dans la seconde 
moitié, i, 9-H, 3. Il y aurait eu à l'origine 22 distiques, 
dont chacun commençait par une lettre différente de l'al- 
phabet hébreu ; mais le texte a tellement souffert entre les 
mains des copistes, que la construction alphabétique a 
presque entièrement disparu en certains endroits, surtout 
dans la deuxième partie. Voir la Zeitschriftfûr alltesta- 
menttiche Wissenschaft, 1894, t. xn, p. 223-244, et aussi, 
du même auteur, l'ouvrage Schôpfung und Chaos, 1895, 
p. 102 sq. C'est M. Gunkel qui, de cette hypothèse, a 
tiré le premier la conclusion que tout ce passage du livre 
de Nahum ne lui appartenait pas à l'origine, qu'il est 
l'œuvre d'un poète juif d'après l'exil, et que le rédacteur 
l'a placé en têle de la prophétie proprement dite, relative 
au jugement de Ninive, pour lui servir d'introduction. 
Plusieurs néo-critiques ont accepté cette opinion. Voir 
W. Nowack, die kleinen Propheten ûbersetzt und 
erklârt, Gœttingue, 1897, p. 227 et 231; G. Buchanan 
Gray, dans The Expositor, sept. 1898; K. Marti, Dodeka- 
propheton erklârt, Tubingue, 1904, p. 308, etc. Néan- 
moins, des interprètes aux principes assez larges, tels que 
MM. A. D. Davidson, Nahum, Habakkuk and Zepha- 
niah, Londres, 1896, p. 18-208, et Driver, Eœpository 
Times, déc. 1897, t. ix, p. 19, se refusent à y souscrire, 
la regardant très justement comme une simple conjec- 
ture, dont la vérité n'a pas été démontrée. Non seule- 
ment la théorie de M. Gunkel diffère de celle du 
D r Bickell, mais ce dernier a dû transformer la sienne 
jusqu'à trois fois, et leurs imitateurs sont loin d'être 
d'accord avec eux sur tous les points. Et quelle violence 
ne faut-il pas infliger au texte hébreu, « pour faire en- 
trer ce morceau dans le vêtement étroit d'une forme 
alphabétique ! » Davidson, Nahum, p. 19. On supprime 
tels et tels mots gênants; on en ajoute d'autres, requis 
pour les besoins de la cause. On iait des substitutions, des 
transpositions, etc., toutes choses « qui nous paraissent 
intrinsèquement invraisemblables». Driver, l. c. Si l'on 
trouve çà et là des traces d'un arrangement alphabétique 
(voir les versets 5-7, où les lettres n, i, n et is se suivent ■ 
en tête des propositions), ce fait paraît être purement 
accidentel. Enfin, alors même que l'hypothèse de 
MM. Bickell, Gunkel, etc., serait vraie, on se demande 
pourquoi le prophète Nahum aurait été incapable de 
composer un tel poème. On a prétendu sans raison que 
les écrivains bibliques les plus récents furent les pre- 
miers et les seuls à goûter ce genre de littérature. Sur 
celte question, voyez encore O. Happel, Der Psalm 
Nahum kritisch untersucht, 1900, et W. R. Arnold, The 
Composition of Nah., i-n, 3, dans la Zeitschrift der 
alttestam. Wissenschaft, 1901, p. 225-265. 

2° La Synagogue et l'Église chrétienne ont tour à tour 
admis sans hésitation l'oracle de Nahum parmi les livres 
canoniques; sous ce rapport, il a joui sans cesse d'une 
autorité incontestée. Voir J. Fùrst, der Kanon des 
A. Test, nach den Ueberlieferungcn in Talmud u. Mi- 
drasch, 1868, p. 28 sq. ; F. Kaulen, Einleitung in die 
heilige Schrift, 1876, §§ 25-37; F. Vigouroux, Manuel 
biblique, 12« édit., t. i, n. 27 sq.; L. Wogue, grand 
rabbin, Histoire de la Bible et de l'exégèse biblique, 
1881, p. 12 sq. 



1465 



NAHUM 



1466 



III. Plan et analyse de la prophétie de Nahum. — 
En tète du livre, i, 1, nous trouvons deux titres, qui en 
indiquent la teneur générale. Le premier consiste en deux 
mots seulement et résume tout l'écrit : « Oracle (tnasSd' : 
probablement ici avec le sens d'oracle menaçant, comme 
dans fs., xm, 1; xv, 1; xvn, 1, etc.; Vulgate, Onus; 
dans les Septante, Xï][i.|Aa), contre Ninive. » Le second en 
dénote le caractère inspiré el en désigne l'auteur : « Livre 
de la vision de Nahum l'EIcésien. » Le sujet, c'est donc 
Ninive, en tant qu'elle représente l'empire assyrien. 
Nahum prédit, pour un prochain avenir, la ruine de cette 
cité coupable et la destruction de l'immense royaume 
dont elle était la capitale. La menace, d'abord générale, 
va se précisant de plus en plus, et elle acquiert bientôt 
une terrible clarté. Jonas aussi avait prophétisé contre 
Ninive; mais elle s'était repentie, et Dieu lui avait par- 
donné. Ici, aucune espérance de pardon n'est insinuée; 
Nahum se borne à proclamer, au nom du Seigneur, un 
décret d'anéantissement prochain. Ce décret est déve- 
loppé comme il suit, d'après un arrangement d'mje frap- 
pante unité. — Première partie,!, %\b : description du 
plan divin, plan effroyable en ce qui regarde la capi- 
tale assyrienne, mais tout miséricordieux par rapport à 
Israël, que l'Assyrie avait tant fait souffrir; c'est pour 
délivrer son peuple que Dieu a formé le dessein de 
détruire Ninive. Dans un majestueux exorde I, 2-6, dont 
la forme rappelle celle des « Psaumes des Degrés », voir 
t. il, col. 1340, par sa marche ascendante, l'écrivain sacré 
signale les principaux attributs du souverain juge qui 
va châtier Ninive, et les effets redoutables de sa colère : 
c'est un Dieu tout à la fois jaloux, sévère, parfait, infini- 
ment puissant, dont la vengeance brise tout lorsqu'elle 
finit par éclater, comme le montrent quelques exemples, 
soit poétiques, soit historiques, admirablement choisis. 
Suit un très doux contraste, i, 7-8, par lequel le Sei- 
gneur rassure les Israélites qu'opprimait Ninive : c'est 
pour les sauver qu'il va punir celle-ci avec la dernière 
rigueur. Puis, la sentence de la ville cruelle est énoncée 
en un langage métaphorique d'une grande énergie, 
i, 9-11, qui décrit les effets produits sur la nature, 
lorsque Dieu apparaît pour juger et pour châtier ses 
ennemis. Revenant sur les pensées développées dans les 
versets 7-11, le prophète confirme successivement, i, 12- 
15, la menace lancée contre Ninive et l'espoir donné 
à Juda. Malgré leur état florissant, les Assyriens seront 
soudain « fauchés », comme dit l'hébreu ; Dieu n'affligera 
plus désormais son peuple par l'intermédiaire de Ninive, 
puisqu'il va détruire celle-ci : que les Juifs se livrent 
donc à une sainte allégresse, et qu'ils témoignent leur re- 
connaissance à leur libérateur par de généreux sacrifices. 

Seconde partie, il, 4-13 : exécution intégrale de la 
sentence promulguée par le Seigneur contre Ninive. 
Sous nos yeux, pour ainsi dire, tant le récit est drama- 
tique, la ville est attaquée, emportée d'assaut, pillée et 
détruite. Trois tableaux successifs, qu'on pourrait inti- 
tuler : Avant, pendant et après le siège de Ninive. — 1° La 
grande cité est avertie qu'une puissante armée s'avance 
contre elle, pour l'investir et l'assiéger, n, 1-4. — 2° Elle 
est emportée d'assaut et saccagée, j>. 5-10. Les Nini- 
vites cherchent à repousser l'attaque ; mais leurs efforts 
demeurent inutiles. Ce passage de la description ren- 
ferme des beautés de premier ordre. — 3° Ninive n'est 
plus; c'est le Seigneur lui-même qui l'a renversée, f. 11- 
13. D'abord un cri de triomphe et de joie, poussé par 
les ennemis de Ninive : le repaire des lions assyriens a 
été dévasté. Puis la désignation très explicite du véritable 
auteur de ce châtiment exemplaire ; il n'est autre que le 
Dieu d'Israël, le Seigneur des armées. 

Toisième partie, m, 1-19 : les causes et le caractère 
immuable de la sentence de Ninive. Le prophète re- 
vient encore sur l'épouvantable catastrophe, pour in- 
sister sur son motif, à un point de vue qu'il n'a pas 
encore indiqué, et sur son résultat définitif. . — 1° Les 



crimes de Ninive sont la vraie raison de sa ruine, m, 
1-7. Ces crimes sont de deux sortes : d'une part, la soif 
du sang et des conquêtes; de l'autre, la débauche effré- 
née. A la cité conquérante et homicide, on prédit le 
carnage qui aura lieu dans son propre sein, m, 1-3; à 
la cité dissolue, on prophétise l'ignominie, f. 4-7.— 2° Rien 
ne pourra protéger Ninive contre le décret divin, qui l'a 
condamnée à la ruine (m, 8-13). Faisant tout à coup un 
rapprochement saisissant, Nahum rappelle, f. 8-10, que 
la ville illustre de Nô'-' Anton (Vulgate, Alexandria po- 
pulorum, à la suite du Targum et des rabbins), dans la 
Haute-Egypte, avait péri naguère, malgré toute la force 
de résistance qu'elle possédait. Le fait était d'autant plus 
saillant, que c'étaient les Assyriens eux-mêmes qui avaient 
infligé à la cité égyptienne le traitement décrit par le 
prophète. La découverte des Annales d'Assurbanipal, 
fils et successeur d'Asarhaddon, a mis ce trait en pleine 
lumière et a merveilleusement confirmé la parfaite 
exactitude de Nahum. Voir F. Vigouroux, La Bible et 
les découvertes modernes, 6» édit., t. iv, p. 80 sq. Ap- 
plication de la comparaison, m, 11-13 : Ninive, quoique 
pareillement très puissante, éprouvera la même desti- 
née que Thèbes. — 3° Inutilité de la résistance, et joie 
du monde lorsqu'on apprendra la destruction de Ninive, 
f. 14-19. Bien loin de prendre sa défense, les mar- 
chands innombrables, foule égoïste et cosmopolite, 
qu'enrichissait Ninive, s'enfuient au plus vite au mo- 
ment du péril, comme s'envole un gigantesque essaim 
de sauterelles au lever du soleil ; tous les peuples qu'elle 
a écrasés sous son joug sans pitié entonnent des chants 
de délivrance, et la ville de sang disparaît à jamais de 
la scène historique. 

On le voit, dans l'oraele de Nahum, c'est la première 
partie qui contient la doctrine, l'enseignement propre- 
ment dit; les deux autres font l'application des principes. 

IV. Date dd livre. — L'époque où vivait le prophète 
Nahum et où il composa son livre était autrefois l'objet 
de contestations nombreuses. « Nicéphore (à la fin de 
l'édition de George le Syncelle, Chronogr., Bonn, 1829, 
t. I, p. 759) le fait vivre sous Phacée d'Israël ; Josèphe, 
Ant.jud., IX, Xf, 3, dans la derniéme partie du règne de 
Joatham; le Seder Olam Rabba, édit. Genebrard, in-f°, 
Lyon, 1608, p. 36, sous le règne de Manassé, en même 
temps que Joël, Abdias et Jonas; George le Syncelle, 
Chronogr., édit. de Bonn, t. i, p. 404, également sous 
le règne de Manassé, Eutychius, Ann., Patr. gr., t. cxi, 
col. 904, longtemps après le règne de Manassé, c'est-à- 
dire cinq ans après la ruine de Jérusalem par Nabucho- 
donosor. Les critiques modernes ne sont pas moins 
divisés que les auteurs anciens. » F. Vigouroux, loc. 
cit., p. 80. De nos jours, cette date est relativement 
aisée à déterminer, grâce aux inscriptions cunéiformes 
qui viennent d'être mentionnées. Lorsque Nahum pro- 
phétisa la ruine de Ninive, cette ville possédait encore 
toute sa splendeur, toute sa puissance. Cf. i, 12; n, 12; 
m, 16. De plus, l'antique cité égyptienne de Thèbes avait 
été récemment conquise et saccagée par les armées assy- 
riennes. Cf. m, 8-10. Or, les Annales d'Assurbanipal 
nous apprennent que cette conquête eut lieu en 663 ou 
664. C'est donc entre la ruine de Thèbes envisagée comme 
terminus a quo, et celle de Ninive par les Médes, 
entre 608 et 606, considérée comme terminus ad quem, 
que Nahuni^a_ exercé le ministère prophétique et écrit 
son petit livre. Comme date moyenne, nous admettons, 
avec de nombreux interprètes (Cornely, "von Orelli, 
Strack, Kœnig, etc.), le milieu du vu» siècle avant J.-C, 
car le souvenir de la prise de Thèbes est demeuré frais 
et vivant dans la description. D'autres reculent la date 
de la composition jusque vers 624 (Kuenen); ou même 
jusqu'en 610 (Wellhausen, Nowack, Marti). 

V. L'OCCASION ET LE BUT DE L'ORACLE. — 1° Il n'est 

pas possible d'indiquer avec certitude l'événement, ou 
la série d'événements, qui servii d'occasion immédiate à 



1467 



NAHUM 



1468 



la prophétie de Nahum. Tout ce qu'on a dit sur ce point 
ne dépasse pas les limites de la simple conjecture. Ce fut, 
selon divers auteurs, une grande calamité qui aurait 
frappé alors le royaume de Juda, en particulier la rude 
domination d'Asarhaddon et la captivité du roi Manassé 
(cf. II Par., xxxm, 11); ne pouvait-on pas craindre, 
en de telles circonstances, que Juda ne pérît comme jadis 
Samarie? Suivant d'autres, il s'agirait d'un commen- 
cement de défaite et d'humiliation déjà subie par l'Assy- 
rie : spécialement, de la marche de Phraorte, roi 
d'Egypte, contre Ninive, vers l'an 640 av. J.-C. (Hérodote, 
i, 102); ou bien, du siège de cette ville par le roi de 
Médie, Cyaxare, vers 623 (Hérodote, i, 103) ; ou encore, de 
l'invasion des Mèdes et des Babyloniens, qui se termina 
par la prise et la destruction de l'orgueilleuse cité. On a 
mentionné aussi, d'une manière générale, la période de 
décadence qui, pour l'Assyrie, succéda au règne brillant 
d'Assurbanipal (668-626). Le tout dépend de la date du 
livre; or nous avons dit plus haut (col. 1466) qu'on ne 
saurait la préciser rigoureusement. Ceux qui ont trouvé 
l'occasion de l'oracle de Nahum dans l'invasion de la 
Palestine par Sennachérib, cf. IV Reg., xvui, 13 sq. ; 
Is., xxxvi, 1 sq., ont fait fausse route, car l'écrit est 
beaucoup plus récent. 

2° Le but de la prophétie est marqué soit à la fin du 
chap. I, f. 11-15, soit au commencement du second, 
f. 4 et suiv. Le Seigneur est décidé à se venger des 
Assyriens superbes et cruels, qui ont maltraité son 
peuple et qui se proposent de l'exterminer entièrement; 
au contraire, . il consolera les Juifs et les sauvera du 
joug de Ninive. Le royaume théocràtique sera donc 
maintenu, malgré les efforts de ses puissants ennemis 
orientaux; ce sont ceux-ci qui périront. Cette pensée, 
si encourageante pour Juda, est évidemment messianique 
dans son ensemble, et c'est à cause d'elle que le petit 
livre de Nahum a reçu une place d'honneur dans la Bible. 

VI. Le caractère de Nahum comme écrivain. — 
L'analyse rapide qu'on a lue plus haut de l'oracle de 
Nahum ne saurait donner qu'une idée très incomplète 
du mérite de cet écrit au point de vue littéraire. Sous 
le rapport du style on le comble à bon droit d'éloges, 
car c'est vraiment « un chef-d'œuvre poétique » qu'il 
renferme (Kaulen). Le jugement porté par Lowth dans 
son ouvrage sur la poésie biblique, qui demeurera 
toujours classique, est cité et adopté à l'envi par tous 
les commentateurs : « Ex omnibus minoribus prophetis 
nemo videtur eequare sublimitatem, ardorem, audaces 
spiritus Nahumi. Adde quod ejus vaticinium integrum 
ac justum est poema; exordium magnificum est et plane 
augustum; apparatus ad excidium Ninive ejusque ex- 
cidii descriptio et amplificatio ardentissimis coloribus 
exprimitur, et admirabilem habet evidentiam et pon- 
dus. » De sacra poesi Hebrœorum, 1763, p. 281. Ce qui 
frappe dans Nahum, c'est « la vivacité de son pinceau, 
la force de son coloris, la pureté de sa langue, la rareté 
de plusieurs de ses expressions, l'originalité et la verve 
qui distinguent toute sa prophétie ». Les phrases sont 
généralement courtes, vigoureuses, très dramatiques. Il 
y a beaucoup d'art et aussi beaucoup de naturel dans ses 
descriptions. On a vanté tantôt sa grandeur et sa dignité, 
tantôt ses comparaisons pittoresques et hardies {notam- 
ment celles des lions, n, 11-13, des sauterelles, m, 17, et 
des pasteurs, ni, 18), tantôt sa vie et son entrain irré- 
sistible, cf. il, 1-3; ni, 2-3, etc., tantôt sa brièveté éner- 
gique qui rejette tout ornement inutile, tantôt la régula- 
rité de son parallélisme (voir O. Strauss, Nahumi de 
Nino vaticinium, p. lxxi et lxxii), tantôt aussi son alli- 
tération et ses jeux de mots,i, 10 : Sebukîm ûkesoVâm 
sebûîm; n, 3, beqâqùm boqeqîm; et surtout, n, 11, pour 
décrire la ruine totale de Ninive, qui est désormais bûqâh 
ûmbûqâh ùmbullâqah, c'est-à-dire, à la lettre, vanitas 
et evacuatio et evanidatio. Bref, Nahum « est, de tous 
les prophètes, celni qui, en dignité et en force, s'ap- 



proche le plus près d'Isaïe ». Driver, lntrod. to the 
literature of the Old Testam., 6« édit., p. 336. D'après 
les meilleurs hébraïsants contemporains, quelques par- 
ticularités dialectiques de son livre (entre autres, i> 2, 

N*iiip au lieu de Nap; I, 3, m7i>r au lieu de îllïD: n, 14, 
t- Tt: n: 

nssuSo au lieu de ^3nSd) s'expliquent par son origine 

galiléenne. Voir Kônig, Einleitung in das Alt, Test., 
p. 333, etc. 

Le texte hébreu est, çà et là, obscur et incertain; il 
a besoin d'être soumis en plusieurs endroits à un sérieux 
examen. Ci. F. Buhl dans la Zeitschrift fur alttestam. 
Wissemchaft, 1885, p. 181 sq. Un savant catholique, le 
D r L. Reinke, a fait la critique des versions Içs plus 
anciennes, en les comparant à l'hébreu massorétique, 
Zur Kritik der âlteren Versionen des Prophetens Na- 
hum, Munster, 1867. Voir aussi, en ce qui concerne 
la traduction des Septante, A. Vollers, Das Dodekapro- 
pheton der Alexandriner,\SSO; pour la version syriaque, 
Mark Sebôk, Die surische Vebersetzung der zwôlf klei- 
nen Propheten, Leipzig, 1887. 

VII. Bibliographie. — 1» Pour les questions prélimi- 
naires, voir les introductions de F. Kaulen et du P. Cor- 
nely (auteurs catholiques), de S. Davidson, F. Bleek, 
F. Keil, Gornill, Driver, Wildeboer (critiques protestants 
ou rationalistes) ; l'article Nahum dans les Dictionnaires 
de Kitto, Smilh, Schenkel, Riehm, Herzog, Hastings, 
Kaulen (tous protestants, à part ce dernier). 2° Pour 
l'explication détaillée : — A) Commentateurs catholiques. 
Dans l'antiquité, Théodoret de Cyr, t. lxxxi, col. 1545- 
1988; S. Cyrille d'Alexandrie, t. lxxi, col. 9-1062; 
t. lxxii, col. 9-364; S. Jérôme, Comment, in Proph., 
Minores, t. xxv, col. 855-1654. Dans les temps modernes : 
au xvi= siècle, F. Ribera, Commentarii in librum duo- 
decim Proph., Anvers, 1521; Cyprien de la Huerga, 
Comment, in proph. Nahum, Lyon, 1558; Hector Pin- 
tus, Comment, in Danielem, Nahum et Lamentationes, 
Cologne, 1582; au xvn e siècle, Sanchez, Comment, in 
Proph. minores et Baruch, Lyon, 1621 ; Aug. de Quiros, 
Comment, in Nahum et Malach., Séville, 1622; au 
xvin 6 siècle, Calmet, dans son Commentaire littéral des 
livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. Dans la 
première moitié du xix» siècle, P. F. Ackermann, Pro- 
phètes minores, Vienne (Autriche), 1830, p. 467-502; 
J. Scholz, Die zwôlf kleinen Propheten nach dem he- 
brâischen ûbersetzt und erklârt, Francfort, 1833. De 
nos jours, Breiteneicher, Ninive und Nahum, mit 
Beziehung der Resultate der neuesten Enldeckungen, 
Munich, 1861 ; P. Schegg, Die kleinen Propheten ûber- 
setzt und erklârt, Ratisbonne, 1862, t. m, p. 1-70; Tro- 
chon, Les petits prophètes, Paris, 1883, p. 297-318; 
Knabenbauer, Commentarius in Prophetas minore?, 
Paris, 1886, t. n, p. 1-50 ; L.-Cl. Fillion, La Sainte Bible 
commentée, Paris, 1899, t. VI, p. 490-507. — B) Princi- 
paux commentateurs protestants et rationalistes depuis 
le milieu du xvin« siècle; T. G. Kalinski, Vaticinia 
Habacuci et Nahumi observationibus histor.-philolog. 
illustrata, Breslau, 1748; E. Kreenen, Nahumi vatici- 
nium philol. et critice expositum, Hardervici, 1808; 
E. F. C. Rosenmùller, Scholia in Vet. Test., t. vu, 
Leipzig, 1827, p. 245 sq. ; F. Hitzig, Die zwôlf klei- 
nen Propheten, Leipzig, 1838 (4 e édition en 1881, publiée 
par Steiner); H. Ewald, Die Propheten des Alt. Test, 
erklârt, Stuttgart, 1840, t. n, p. 349-360; Umbreit, 
Praktischer Commentar ûber die kleinen Propheten, 
Hambourg, 1844, p. 249-270; O. Strauss, Nahumi de 
Nino vaticinium explicavit et assyriis monumentis 
illustravit, Berlin, 1853; voir aussi, du même auteur, 
Ninive und das Wort Gottes, Berlin, 1855; Pusey, 
The minor Prophets, Londres, 1860, t. n ; P. Kleinert, 
Obadjah, Jouas, Micha, Nahum, etc., Bielefeld, 1868; 
J. A. Lindgren, Nahum's Prophetià : Œfverssettning 
med Anmœrkningar, Stockholm, 1872; C. F. Keil, Die 



1469 



NAHUM 



NAIM 



1470 



Zuiôlf kleinen Propheten, Leipzig, 1873, p. 369-405; The 
Speakers Bible, Londres, 1882, t. vi, p. 634-649; von 
Orelli, Dos Buçh Ezechiel und die zwôlf kleinen Pro- 
pheten, Nordlingue, 1883, p. 316-324 ; A. C. Jennings, 
dans Ellicott, An Old Test, conimentary for English 
leaders ; Wellhâusen, Skizzenund Vorarbeiten, Heft v, 
-Oie kleinen Propheten ûbersetzt mit Noten, Berlin, 
1883, p. 31-33, 155-161; A. B. Davidson, Nahum, Ha- 
hakkuk and Zephaniah, Cambridge, 1896, p. 9-44; 
W. Nowack, Die kleinen Propheten ûbersetzt und 
erklârt, Gœltingue, 1897, p. 226-246; G. A. Smith, The 
ininor Prophets, t. n, Londres, 1898; A. Billerbeck et 



Gœttingue, 1870, p. 285, place Noeîv à douze milles (plus 
de dix-sept kilomètres) au sud du Thabor; la distance est 
de moitié trop grande. Saint Jérôme, de son côté, ibid., 
p. 143, en corrigeant Eusèbe, et marquant deux 
milles (près de trois kilomètres), réduit beaucoup trop 
cette distance. Il ne peut, en effet, y avoir de doute sur 
l'identification de cette ville, qui subsiste encore aujour- 
d'hui exactement sous le même nom de ( - J xi, Naîn, et 
se trouve sur la pente nord-ouest du Djebel Dahy ou 
petit Hermon. Voir la carte de la Galilée, t. m, col. 88. 
Ce n'est plus actuellement qu'un pauvre village com- 
posé de misérables huttes (fig. 398). Cependant les nom- 



"1 




398. — Vue de Naïm. D'après une photographie. 



A. Jeremias, Der Vntergang Ninevehs und die Weis- 
sagungsschrift des Nahums von Elkosch, dans les Bei- 
tràge zur semitischen Sprachwissenschaft de Frd. 
Delitzsch et F. Haupt, t. ni, 1898, p. 87-188; J. Happel, 
Dos Buch des Proph. Nahums erklàrt, 1902; C. Marti, 
Dodekapropheton érklârt, Tubingue, 1904, p. 303-325. 

L. Fillion. 
3. NAHUM (grec : Naoû|i),fils d'Hesli et père d'Amos, 
un des ancêtres de Notre-Seigneur dans la généalogie 
de saint Luc, m, 25. 

NAIM (Nai'v), ville de Palestine où Notre-Seigneur 
ressuscita le fils unique d'une pauvre veuve. Luc, vu, 
11. Elle n'est mentionnée qu'en ce seul endroit de 
l'Écriture. Il en est question dans le Talmud, où le 
nom est écrit n>ya, Na'îni, ce qui veut dire « beau, 

agréable ». Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, 
Paris, 1868, p. 188. D'autres supposent le nom primitif 
VH2, Na'in, qui viendrait de rnM, nd'dh, ma, ndvâh, 

•T TT TT 

t beau » et aussi « pâturage ». Le site, nous le verrons, 
correspond à l'étymologie. Eusèbe, Onomastica sacra, 



breux monceaux de débris qu'on retrouve aux alentours 
montrent qu'il avait autrefois plus d'importance. La si- 
tuation n'en est pas moins gracieuse; en bas, la vue 
s'étend" sur la vaste et fertile plaine d'Esdrelon; plus 
loin, vers le nord, elle se promène sur les collines 
boisées de la Galilée, sur le Thabor; elle se porte enfin 
à l'horizon jusqu'aux pics neigeux du Liban et du grand 
Hermon. De ce qu'on ne voit pas trace d'anciennes 
murailles, Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 
1889, p. 63, en conclutque la ville n'avait pas d'enceinte, 
et que par là même, « la porte, » thjXti tîjç nôXcuç, dont 
il est question dans le texte évangélique, Luc, vu, 12, 
indique simplement l'entrée ou la partie du chemin qui 
atteignait les premières maisons, comme on dit « la porte 
d'une vallée, la porte d'un défilé ». La raison ne semble 
pas suffisante, la ville n'ayant jamais dû avoir de bien 
fortes murailles. Quoi qu'il en soit, la montée qui con- 
duit au village est probablement celle que gravissait le 
Sauveur lorsqu'il rencontra le convoi funèbre. Les tom- 
beaux qu'on aperçoit non loin, creusés dans la paroi du 
rocher, sont de ceux vers lesquels se dirigeait la foule 
en deuil. L'expression èUxou-fïeTo, « le défunt était em- 



4471 



NAÏM 



NAMSI 



1472 



porté, » est un terme classique pour indiquer la marche 
vers le cimetière, en dehors des villes et des villages. 
On croit que l'endroit où Notre-Seigneur ressuscita le 
jeune homme est marqué par une église qu'on y éleva 
plus tard, et sur les ruines de laquelle les Pères Francis- 
cains ont bâti une petite chapelle. À peu de distance, on 
remarque les vestiges d'un second édifice chrétien, dont 
quelques assises inférieures sont encore en place, avec 
les traces d'une abside à son extrémité orientale. Auprès 
se trouve la source deNaïn, recueillie dans une espèce 
de petite chambre voûtée, où l'on descend par quelques 
degrés. Non loin de là gisent trois sarcophages antiques 
très mutilés, placés comme auges le long d'un réservoir 
en partie détruit. — Malgré l'état de délabrement dans 
lequel est tombée Naïm,elle demeurera toujours célèbre 
par la scène touchante qu'a si bien représentée le pin- 
ceau de saint Luc, vu, 11-17. Tous les traits y sont mar- 
qués avec une admirable expression de couleur : l'afflic- 
tion de cette mère, de cette veuve, qui perd son fils 
unique, sa seule joie, son seul espoir; la sympathie dont 
l'entoure la foule des habitants; le sentiment de com- 
passion, i<riù.ayjylafi-r t , qui déchire le cœur de Jésus à 
la vue d'une telle douleur; sa parole pleine de bonté : 
« Ne pleurez pas; » son geste, l'arrêt soudain des por- 
teurs ; le commandement -à la mort, immédiatement 
suivi de la résurrection du jeune homme; enfin le der- 
nier acte, d'une ineffable douceur : « Et il le donna à 
sa mère. » — Cf. E. Robinson, Biblical Researches in 
Palestine, Londres, 1856, t. n, p. 361; Stanley, Sinai 
and Palestine, Londres, 1866j p. 357; V. Guérin, Galilée, 
Paris, 1880, t. i, p. 115-117; W. M. Thomson, The Land 
and the Sook, Central Palestine, New-York, 1882, 
p. 205-207; Survey of Western Palestine, Memoirs, 
Londres, 1881-1883, t. H, p. 86. A. Legendre. 

NAÎOTH (hébreu : herî : Nâyôf; chethib : Nevdyôf; 
Septante : Codex Vaticanus : 'Aui6; Codex Alexan- 
drinus : Naui'wO), lieu où David, fuyant la colère de 
Saûl, se réfugia avec Samuel, en Ramatha. I Reg., xix, 
, 18, 19, 22, 23; xx, 1. — Le nom présente certaines 
difficultés. Le Qeri porte ni>a, Nâyôf; de même un 

certain nombre de manuscrits. Cf. B. Kennicott, Vêtus 
Teslamentum hebraicumcum variis lectionibus, Oxford, 
1776, t. I, p. 545. Le Ketîb a nna qu'on peut lire Nâvîf, 
Nevdyôf, et Nâveyaf. Par cette dernière lecture, le 
mot se rapprocherait de noms propres, comme Çarefat, 
Sarephta, III Reg., xvil, 9; Dâberaf, Dabéreth, Jos., xxi, 
28. La racine n>a, ndyâh, n'existant pas, il faut chercher 
l'étymologie dans ma, navâh, dont l'une des significa- 

TT 

tions est : « s'asseoir, se reposer, habiter. » Le substan- 
tif dérivé ma, nâvéh, a le sens de « séjour » [des 

hommes], Is., xxvii, 10; xxxiii, 20, ou « séjour » [des 
troupeaux], « pâturage. » II Reg., vu, 8; Is., lxv, 10. La 
forme féminine nn: , Nâveydl, semble appuyée par les 

-:>T 

Septante, Cod. Vat., 'Au«6, mis pour NauâB; comme le 
nom est, en effet, précédé de la préposttion h, le N du 
commencement aura disparu dans la transcription, de 
même que, Jud., xvi, 4, èv 'Aî,<7iopï|)i est mis pour be 
nahal Sôrêq, « dans la vallée de Sorec. i> Le Cod. 
Alex, et le texte massorétique appuient le pluriel Nevd- 
yôf. Mais quelle signification précise donner au mot? 
La réponse ne peut être que conjecturale. Comme 
Samuel, à Ramatha, était à la tête à l'une école de pro- 
phètes, au milieu desquels le trouvèrent les envoyés de 
Saûl et Saûl lui-même, on donne le plus généralement 
au nom le sens d' « habitation », cœnobium [des pro- 
phètes]. D'après Keil, Die Bûcher Samuels, Leipzig, 
,1875, p. 157, le pluriel Nevdyôf indiquerait même un 
grand nombre de maisons entourées d'une clôture. Le 
Targum de Jonathan traduit par njs'jin n>3, bêf'ûlfànâ, 

tt: 

« la maison d'instruction, » expression qui semble avoir 



été plus tard appliquée aux écoles rabbiniques.H. Ewald, 
Geschichte des Volkes Israël, Gœttingue, 1866, t. m, 
p. 70, note 1, a essayé de justifier le sens d' « école » par 
le rapprochement avec l'arabe <J~Ô niyyat, qui désigne 
un puissant effort de l'esprit. C'est chercher bien loin 
une raison spécieuse. L'absence de l'article permet, du 
reste, de croire que Naiath ne représente pas un nom 
commun; les Septante et la Vulgate en ont fait un 
nom propre. Si nous ne savons pas au juste ce qu'était 
cette localité, nous savons qu'elle se trouvait « en 
Ramah » ou Ramatha. C'est tout ce que l'Écriture nous 
apprend de certain. Voir Ramatha. 

A. Legendre. 

NAISSANCE (hébreu : hullêdét, hûlléiiéf, môléde'f., 
de yâlad, « enfanter; » Septante : yevioti;, ylvot; Vul- 
gate : nativitas, patria), arrivée de l'enfant au monde, 
et, par extension, conditions de temps, de lieu et de 
race dans lesquelles elle se produit. 

1° Naissance proprement dite. — C'est Dieu qui forme 
l'hommeà sa naissance. II Mach., vu, 23,et, sousce rapport, 
les rois ne diffèrent pas des autres hommes. Sap., vu, 5. 
Mettre quelqu'un comme au jour de sa naissance, c'est le 
dépouiller de tout. Ose., n, 3; cf. Job, i, 21;Eccle., v, 14. 
Voir Enfant, t. n, col. 1786; Enfantement, t. il, col. 1792. 
«Il y atemps de naître et temps de mourir. » Eccle., ni, 2. 
Eu égard aux épreuves de la vie, « mieux vaut le jour 
de la mort que le jour de la naissance. » Eccle., vu, 1. 
C'est pour cela que Job, m, 3, et Jérémie, xx, 14, mau- 
dissent le jour où ils sont nés. En vertu d'une raison 
beaucoup plus grave, il eût mieux valu pour Judas n'être 
jamais né. Matth., xxvi, 24; Marc, xiv, 21. Isaïe, îx, 6, et 
les anges, Luc, II, 11, célèbrent la naissance du Sauveur, 
et l'on se réjouit à celle de saint Jean-Baptiste. Luc, i, 
14. A raison de la manière dont il vient au monde, 
l'homme en général est appelé le «. né de la femme ». Job, 
xiv, l;xv, 7, 14; xxv,4; cf. Matth., xi, 11; Luc, vu, 28. 

2° Conditions de la naissance. — 1. Temps. L'ordre de 
la naissance assure la préséance et certains droits aux 
aines. Exod., xxvin, 10. Voir Aînesse (Droit d'), t. i, 
col. 317. L'anniversaire de leur naissance était célébré 
par les rois, le pharaon contemporain de Joseph, Gen., 
XL, 20; Antiochus IV Épiphane, II Mach., vi, 7, /voir 
Anniversaire, t. i, col. 648, et Hérode Antipas. Matth., 
xiv, J>. — 2. Lieu. Le pays de la naissance est le pays 
natal, la patrie. Gen., xi, 28; xxiv, 7; Jer., xlvi, 16; 
Ezech., xxix, 14. La terre du Chananéen est le pays de 
naissance de Jérusalem. Ezech., xvi, 3. Le mort ne 
revoit plus le pays de sa naissance, c'est-à-dire en géné- 
ral la terre des vivants. Jer., xxn. 10. — 3. Race. Abraham 
reçoit l'ordre de quitter sa terre et sa naissance, c'est-à- 
dire son pays et sa race. Gen., XH, 1. Par contre, Isaac 
doit prendre une épouse dans sa race. Gen., xxiv, 4. 
Esther, n, 10, 20, doit taire sa naissance. A la Pentecôte, 
les étrangers entendent les Apôtres parler les langues dans 
lesquelles eux-mêmes ils sont nés, c'est-à-dire les langues 
de leur pays d'origine. Act., n, 8.— 4. Conséquences. De 
naissance, Jésus-Christ est fait pour rendre témoignage à la 
vérité. Joa., xviii, 37. Saint Paul est citoyen romain de 
naissance. Act., xxn, 28. Le « visage de sa naissance » est 
le propre visage de chaque homme, Jacob, i, 23, et la 
« roue de la naissance » est le cours même de la vie 
commencée à la naissance. Jacob, m, 6. 

3» La naissance spirituelle. — Notre-Seigneur an- 
nonce à Nicodème qu'il faut naître de nouveau. Joa., m, 
7. Celui qui, par la foi, la grâce et le baptême, est né 
de Dieu, Joa., i, 13, aime Dieu et le prochain, vainc le 
monde et ne pèche pas. I Joa., m, 9; iv, 7; v, 1, 4, 18. 
Voir Justification, t. ni, col. 1877. H. Lesétre. 

NAMSI (hébreu : NimSî; Septante : Na|ie<j<rî), grand- 
père de Jéhu, roi d'Israël. Jéhu est appelé fils de 
Namsi, IIIReg., xix, 16; IV Reg.,~ix, 20; II Par., xxvn K 
2, mais nousapprenons par d'autres passages, IV Reg., ix, 



4473 



NAMSI — NAPHTE 



1474 



2, 14, que son père s'appelait Josaphat et que ce Josa- 
phat était fils de Namsi. Voir Jéhu 2, t. m, col. 1245. 

NAMUEL (hébreu : Nemûël; Septante Na(iou^X), 
nom de deux Israélites. 

1. NAMUEL, de la tribu de Ruben, fils d'Éliab et 
frère aîné de Dathan et d'Abiron. Num., xxvi, 9. 

2. NAMUEL, fils aîné de Siméon et petit-fils de Jacob, 
de qui descendirent les Namuélites. Num., xxvi, 12; 
I Par., iv, 24. Il est appelé Jamuel, dans Gen., xlvi, 10. 
D'après les uns, la forme véritable est Namuel ; d'après 
les autres, c'est Jamuel. Voir Jamuel, t. m, col. 1119. 

NAMUÉLITES (hébreu : han-'hemû'êlî; Septante : 
St,[io« é Na[iou7]),i; Vulgate : Namuelitœ), branche de 
la tribu de Siméon qui descendait de Namuel 2. 
Num., xxvi, 12. 

NANÉE (grec : Navata; Vulgate : Nansea), déesse 
perse. — Le roi Antiochus III le Grand, obligé par les 
Romains à payer un tribut très onéreux, se rendit en 
Perse, à la tête d'une forte armée, afin de piller le 
temple de la déesse Nanée, qui renfermait de riches 
trésors. Les prêtres du temple agirent de ruse pour 
préserver leurs richesses. Il savaient que le roi de Sy- 
rie prétendait épouser la déesse et ensuite s'adjuger les 
trésors à titre de dot. Ils le firent donc entrer dans le 
temple, avec une faible escorte, afin de les lui exposer. 
Quand il fut dans l'enceinte sacrée, ils fermèrent la 
porte et, par une ouverture ménagée dans le plafond, 
l'assommèrent à coups de pierres avec toute sa suite. 
Ils coupèrent les cadavres en morceaux et jetèrent les 
têtes à ceux qui étaient dehors. Il Mach., i, 13-16. Voir 
Antiochus III, t. i, col. 691-692. — Antiochus IV Épi- 
phane tenta à son tour de'piller un temple de Perse, 
situé en Élymaïde, voir Élymaïde, t. n, col. 1711; mais 
il en fut honteusement écarté par les habitants du 
pays. I Mach., vi, 1-4; II Mach., ix, 1-2. Bien que ces 
deux derniers textes ne disent pas que le temple en 
question soit celui de Nanée, il est à peu près certain 
que le même temple excita les convoitises des deux 
rois et qu'Antiochus IV voulut d'ailleurs venger la mort 
de son père. Les textes placent ce temple à Persépolis ; 
mais il est très probable que ce nom signifie ici « la 
ville des Perses », leur capitale, peut-être Suse, en Ély- 
maïde. Néanmoins, l'emplacement du temple demeure 
inconnu. Quant à Nanée, les anciens ont cherché à 
l'identifier avec une divinité grecque. Polybe, xxxi, 11, 
cité par Josèphe, Ant. jud., XII, ix, 1, et Porphyre, 
dans saint Jérôme, In Dan., xi, 44, t. xxv, col. 575, 
assimilent la Nanée d'Élymaïde à Diane Artémis, et 
Appien, Syriac., 66, la rapproche d'Aphrodite. Dôllin- 
ger, Paganisme et judaïsme, Bruxelles, 1858, trad. J. de 
P., t. n, p. 231, regarde Nanée comme une déesse de la 
guerre, qui paraît correspondre à Athéné. D'après lui, 
c'est dans le sanctuaire qu'elle avait à Pasagardes que 
les rois de Perse venaientceindre la couronne. Plutarque, 
Artaxerxes, 3. Strabon, XV, m, 16, appelle Nanée 'Avoet- 
tiç. Cette Anaïtis ou Anahita est bien une divinité perse; 
Artaxerxès présente comme ses dieux Ahura-Mazda, 
Anahita et Mithra. Cf. Lagrange, Études sur les religions 
sémitiques, Paris, 1905, p. 454. Anahita est analogue à 
la Mylitta babylonienne, qu'Hérodote, i, 131, identifie 
avec Vénus et confond même avec Mithra. Son nom 
complet est Ardvi-Soûra Anahita, qui parait signifier 
la « haute puissante sans tache ». Cf. J. Darmstetter, 
Le Zend-Avesta, Paris, 1892, t. n, p. 363-366. Anahita 
était la déesse de l'amour et de la fécondité. Tous, même 
les dieux, réclamaient ses faveurs. Dans la mythologie 
assyrienne, Istar, déesse de la guerre, était la même 
que Nana et que Vénus. Cf. Lagrange, Études, p. 138. 

DICT. DE LA BIBLE. 



Une monnaie du roi scythe Ranickka représente Nana- 
Anahita avec la légende NANA (fig. 399). Sous l'influence 
babylonienne, Anahita finit par devenir une divinité 
d'un caractère très licencieux. Théglafhphalasar appelle 
Nana bilit Babilu, «maîtresse deBabylone. » Cf. Schra- 
der, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 107, 
109; cf. Die Keilinschriften und das Aile Testament, 
2 e édit., p. 136. On a voulu aussi faire de Nanée une 
déesse lunaire, identique à Méni ou même à Astarthé. 




399. — La déesse Nanée sur une monnaie indo-scythe. 

PAONANOPAOKA NtiPKIKOPANO. Le roi debout, à gauche. 

B). NANA. La déesse Nanée debout, à droite. 

Les noms et les caractères dé Nanée changèrent natu- 
rellement avec les pays. Les mêmes noms ou les noms 
analogues ne désignent pas toujours des divinités abso- 
lument identiques. On n'a pas de renseignements pré- 
cis sur la Nanée du temple visité par les Antiochus. 
Toutes les indications données à son sujet sont donc 
approximatives, comme le suppose d'ailleurs la variété 
des identifications proposées. Nanée devait avoir son 
caractère particulier, fixé par les anciens Perses qui 
l'avaient imaginée, caractère assez vague pour se prêter 
aux additions et aux modifications. H. Lesêtre. 

NANNI Rémi, théologien italien de l'ordre des Frères 
Prêcheurs, né à Florence vers 1521, mort dans cette 
ville en 1581. Très érudit, il fut appelé à Rome en 1569 
par saint Pie V pour travailler à l'édition des œuvres de 
saint Thomas. Parmi les nombreux écrits de Rémi Nanni 
nous devons citer : Epistole e Evangeli con alcuni an- 
notazioni morali, in-4°, Venise, 1575, ouvrage qui eut 
de nombreuses éditions. — Voir Échard, Scriptores 
Ord. Prœdicatorum, t. u, p. 259. B. Heurtebize. 

NANNIUS Florian, théologien catholique italien, né 
dans le diocèse de Bologne, mort en 1599. Chanoine de 
Latran et évêque de Scala, il composa un ouvrage ayant 
pour titre : Catena argentea ex theologis scholasticis 
in Genesim, in-4°, Bologne, 1587; il n'y a d'imprimé 
que ce qui se rapporte au premier chapitre de la ge- 
nèse. B. Heurtebize. 

NAPHEG (hébreu : Néfég; Septante : Naçsx), un 
des fils du roi Dayid, né à Jérusalem après que son père 
se fut emparé de cette ville. II Reg., v, 15; I Par., m, 
7 ; xiv, 6. — Un fils d'Isaar, qui "porte le même iffim 
en hébreu, est appelé dans la Vulgate Nepheg. Exod., VI, 
21. Voir Népheg. 

NAPHIS (hébreu : NafîS; Septante : Naçéç; Naçpi- 
a-aîoi, I Par., v, 19), l'avant-dernier fils d'Ismaël. Gen., 
xxv, 15; Geju, xxv, 15; I Par., î, 31; I Par., i, 31; v, 
19. La tribu arabe à laquelle il donna son nom nous est 
inconnue. 

NAPHTE (Septante : vdc?6a; Vulgate : naphtha) 
espèce de bitume liquide, transparent, d'un jaune clair, 
d'une odeur pénétrante, très fluide, très inflammable 
même à distance par l'approche d'un corps embrasé. 
Sa pesanteur spécifique est 0,836. Cette substance est 
composée de 87,805 de carbone et 12,195 d'hydrogène. 
Le naphte est mentionné dans Daniel, m, 46, dans la 
partie de ce chapitre qui ne se trouve qu'en grec. Les 



IV. 



47 



1475 



NAPHTE — NARCISSE 



1476 



officiers du roi de Babylone, après avoir jeté les trois 
enfants dans la fournaise, ne cessaient d'entretenir le 
feu avec du naphte et de la poix, avec des étoupes et 
des sarments. Les auteurs anciens constatent que le 
naphte était très abondant aux environs de Babylone : 
Dioscoride, i, 102; Strabon, xvi, 1, 15; Diodore de Si- 
cile, il, 12. « On appelle naphte, dit Pline, H. N., n, 
105, une substance qui coule comme du bitume liquide 
dans les environs de Babylone ; le feu a une très grande 
affinité pour elle et il s'y jette dès qu'il est à portée. » 
Cette propriété du naphte de s'enflammer à distance 
explique le fait mentionné par le texte sacré. Après 
avoir rapporté que les officiers de Nabuchodonosor ne 
cessaient de jeter du naphte pour entretenir le feu, 
l'auteur ajoute que la flamme, en s'élevant au-dessus de 
la fournaise, « consuma les Chaldéehs qui se trouvaient 
auprès, » qui s'étaient sans doute approchés trop près 
pour verser le naphte qu'ils apportaient. Dan., m, 46. 
Voir aussi Nephthar. E. Levesque. 

NAPIER John, baron de Merchiston, mathématicien 
presbytérien écossais, né en 1550 et mort le 3 avril 1617 
au château de Merchiston en Ecosse. Il étudia au col- 
lège de Saint-Andrews, puis visita une partie du conti- 
nent. Il revint ensuite habiter Merchiston et se fit re- 
marquer par son fanatisme dans les synodes presbyté- 
riens. C'est à ce mathématicien qu'on doit les loga- 
rithmes. Non content de se livrer à l'étude des sciences 
exactes, John Napier voulut encore commenter l'Apo- 
calypse. Pour lui, le pape est l'antéchrist et la fin du 
monde devait arriver, d'après ses calculs, dans la se- 
conde moitié du xvm e siècle. Son commentaire a pour 
titre : A plaine discovery of the whole révélation of 
St. John, set down in two treatises: the one sear- 
ching and proving the true interprétation thereof ; the 
other applying the same paraphrasiically and histo- 
rically to the text : set forlh by John Napier, L. of Mer- 
chiston, and neio revised, corrected and inlarged by 
him, with a resolution of certain doubts moved by sortie 
wëllaffected brethren ; whereunto are annexed certains 
oracles of Sibylla agreing with the révélation and other 
places of Scripture, in-4°, Londres, 1611. Une première 
édition avait paru in-4», Edimbourg, 1593. Dès 1602 
une traduction française fut publiée : Ouverture de tous 
les secrets de l'Apocalypse de saint Jean par deux 
traités : l'un recherchant et prouvant la vraie inter- 
prélation d'icelle ; l'autre appliquant au texte cette 
interprétation paraphrastiquement et historiquement 
par Jean Napier {c'est-à-dire Non Pareil), sieur de 
Merchiston, revue par lui-mesme et mise en français 
par Georges Thomson, Écossais, in-4°, La Rochelle, 
1602. Il existe en outre des traductions allemande et 
flamande de cetle explication de l'Apocalypse. — Voir 
W. Orme, Biblioth. biblica, p. 324. 

B. Heurtebize. 

NAPPE (grec : Jôby-r,; Vulgate : linteum), pièce de 
linge d'une certaine étendue, employée dans le service 
de table. — Pendant que saint Pierre était à Joppé, il 
eut une vision dans laquelle lui apparut une sorte de 
réceptacle, mevoç, vas, semblable à une grande nappe, 
ôBôvï) (leydiXri, linteum magnum, suspendue par les 
quatre coins, descendant du ciel et contenant des ani- 
maux purs et impurs que l'Apôtre était invité à man- 
ger. Act., x, 11, 12. Le mot « nappe » donne une idée 
exacte du réceptacle vu par saint Pierre, mais il n'est 
pas littéral, parce que les nappes étaient inconnues aux 
anciens. Le mot ôOôv?) désigne un linge fin, une toile 
servant à faire des vêtements de femme, lliad., m, 141 ; 
xvm, 595; Odys., vu, 107; Lucien, Dial. meretr., 5, et 
même des voiles de vaisseau. Lucien, Jup. trag., 46. 
Une pareille toile, dont le texte sacré note d'ailleurs la 
grande dimension, convenait parfaitement à l'usage 
auquel il est fait allusion. Le latin linteum désigne de 



même une toile dont on peut faire des serviettes, Plaute, 
Most., i, 3, 109; Suétone, Cal., 26, des rideaux, Martial, 
il, 57, et des voiles de navires. Tite Live, xxvm, 45; 
Virgile, JEneid., m, 686, etc. Quant à la mappa des 
anciens, ce n'était pas une nappe, mais une simple ser- 
viette dont on se servait pendant le repas, Sat., n, 8, 
63, que l'invité apportait ordinairement avec lui et dans 
laquelle il remportait quelques-unes des friandises qu'il 
n'avait pu manger. Martial, n, 37; vu, 20; xn, 29, 11. 
Comme la serviette du convive, la nappe de saint Pierre 
renfermait les mets symboliques qu'il avait à manger. 

H. Lesêtre. 

1. NARCISSE (grec : Nâpxtaao?), habitant de Rome. 
Quelques-uns des membres de sa maison sont mention- 
nés comme chrétiens par saint Paul. Rom., xvi, 11. 
Certains commentateurs l'ont identifié avec le Narcisse 
qui fut secrétaire de l'empereur Claude. Suétone, Clau- 
dius, 28; Tacite, Ann., xin, 1. On objecte contre cette 
identification, que Narcisse avait été mis à mort par 
Agrippine, peu après l'avènement de Néron à l'empire, 
trois ou quatre ans avant que saint Paul écrivit aux 
Romains. Il est vrai que son nom avait pu rester à sa 
maison, mais ce n'est pas très vraisemblable. Le nom 
de Narcisse était commun à cette époque. Un affranchi 
de Néron s'appelait aussi Narcisse; il fut tué par ordre 
de Galba. Voir W. Smith, Dictionary of Greek and 
Roman Biography, t. U, 1854, p. 1139; W. Pape, Wôr- 
terbuch der griechischen Eigennamen, Brunswick, 
1863-1870, t. il, col. 976. « Saint Paul, dit Tillemont, 
Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, t. i, 
1701, p. 315, salue ceux de la maison de Narcisse appar- 
tenant au Seigneur. On ne saurait tirer de là si Nar- 
cisse était chrétien ou non. Mais un ancien auteur 
assure qu'il était qualifié prêtre en quelques manuscrits; 
à quoi cet auteur ajoute que saint Paul ne le salue pas 
lui-même, parce qu'il n'était peut-être pas alors à Rome, 
mais qu'il était allé exercer autre part les fonctions de 
son sacerdoce et animer les fidèles à la piété par ses 
exhortations. Les Grecs et les Latins l'honorent le 
31 d'octobre comme un saint martyr et quelques-uns le 
font évêque d'Athènes ou de Fatras. » On en fait même 
un des soixante-douze disciples de Notre-Seigneur. 
Pseudo-Hippolyte, De septuaginla apostolis, 30, t. x, 
col. 955. Cf. Acta Sanclorum, octobris t. xm, p. 687. 
En réalité, on ne peut savoir sur Narcisse rien de pré- 
cis. Voir Tillemont, Mémoires, 1. 1, p. 587-588. 

2. NARCISSE (hébreu : hâbassélét; Septante : avôoç, 
Cant, il, 1, et xpivov, Is., xxxv, 1; Vulgate ; flos, 
Cant., n, 1; lilium, Is., xxxv, i), fleur.; 

I. Description. — De la famille des Amaryllidées ces 
plantes bulbeuses se distinguent des Liliacées par leurs 
fleurs inférovariées, et de toutes leurs congénères par 
la couronne simulant une sorte de corolle en forme de 
cloche ou de coupe et doublant intérieurement le vrai 
périanthe à six divisions étalées. Celui-ci se resserre 
au-dessous de la couronne en un long tube qui renferme 
vers la gorge les six étamines à anthères dorsifixes. 
L'ovaire trigone et à trois loges internes se prolonge 
en un style filiforme, et il devient à la maturité une cap- 
sule qui s'ouvre en trois valves pour disséminer de 
nombreuses graines revêtues d'une enveloppe noire 
crustacée. 

La seule espèce qui croisse sur les collines d'Orient 
est le Narcissus Tazetta L. à floraison vernale (fig. 400). 
Du milieu de cinq à six feuilles linéaires et glauces- 
centes s'élève une hampe comprimée qui se termine 
par un bouquet de fleurs. Celles-ci d'abord incluses dans 
une spathe membraneuse sont étagées après l'épa- 
nouissement au sommet de pédoncules d'inégale lon- 
gueur. La couronne cupuliforme est d'une teinte toujours 
plus dorée que les divisions du périanthe qui restent 
d'un jaune pâle ou même presque blanches. Ces fleurs, 



U11 



NARCISSE — NARD 



1478 



déjà très variables à l'état spontané, ont atteint, par la 
culture, des dimensions exagérées, trois à quatre fois 
plus grandes que dans le type sauvage. La plus remar- 




Narcissus Tazetta. 



quable à cet égard est la variété Orientalis connue dans 
les jardins sous le nom de Narcisse de Constantinople. 

F. Hy. 
II. Exégèse. — Le Ijâbassélët est mentionné deux 
fois dans l'Ancien Testament : dans Cant., Il, 1, où il 
est indiqué comme une fleur de la plaine de Saron, et 
dans Is., xxxv, 1, où il s'agit de l'aride désert qui doit 
se transformer et fleurir comme cette plante. Les ver- 
sions ont traduit très diversement ce mot. Les Septante 
le rendent par le terme général de fleur, SvOoç, dans 
Cant., ii, 1, et par une expression plus spéciale, mais 
qui leur sert à traduire divers noms hébreux de plante, 
xptvov, « lis, » dans Is., xxxv, 1. La Vulgate ne fait que 
suivre exactement les Septante : elle rend le mot hébreu 
par flos dans le premier passage et par lilium dans le 
second. Le syriaque porte hanizaloifo qui n'est que le 
mot hébreu avec le simple changement du b en m, et 
qui suivant Payne Smith, Thésaurus synacus, in-f°, 
Oxford, 1879, t. i, p. 1308, désigne le Colchicum atitum- 
nale. Ce sens est adopté par un certain nombre d'exé- 
gètes qui voient dans le hâbasséléf hébreu une espèce 
de colchique, t. u, col. 831. Les Targums rendent le 
mot hébreu par mpi:, narqos, ou narqus, qui n'est autre 
que le narcisse ; et le narcisse se rencontre dans la plaine 
de Saron. Aussi un plus grand nombre d'exégètes et de 
naturalistes préfèrent cette identification. H. B. Tris- 
tram, The natural History of the Bible, 8 e édit., in-8°, 
Londres, 1889, p. 476; G. E. Post, article Rose, dans Has- 
tings' Dictionary of the Bible, in-4°, 1902, t. iv, p. 313. 
L'étymologie ne permet pas de décider. On a voulu 
expliquer nbssn, l.iâbasséléf, par la composition des deux 
mots ynn, liâmes, « aigre, amer, » et bsn, bésél, « bulbe : » 
ce qui est très invraisemblable; ou plutôt par un n, h, 
préfixé aumot bésél, bulbe, oignon. Gesenius, Thésaurus, 
p. 436. Il s'agirait d'une plante à bulbe comme les 



liliacées. Mais ce caractère conviendrait aussi bien au 
colchique qu'au narcisse. On peut noter cependant 
qu'en Palestine, chez les indigènes de la campagne, le 
nom de Buseil, qui rappelle Bésél, est donné à une- 
seule plante, qui est le narcisse, G. R. Gonder, The rose 
of Saron dans Palestine Exploration Fund, Quarterly 
Statement, Londres, 1878, p. 46. On peut remarquer en 
outre que le hanizaloifo syriaque désigne peut-être 
aussi bien le narcisse, et c'est le sens que lui donne le 
Lexicon Reptaglottum de Castell, Londres, 1669, 
col. 1287. Le témoignage de la version syriaque se join- 
drait ainsi à celui des Targums. Le narcisse est encore 
très recherché en Orient pour ses belles couleurs et sa 
bonne odeur. En Palestine et en Syrie le Narcissus 
Tazetta fleurit de novembre à mars, et le N. Serotinus 
en automne. 0. Celsius, Hierobotanicon, Amsterdam, 
1748, t. i, p. 488-493. Les fouilles d'Egypte ont montré 
que le Narcisstcs Tazetta était connu très anciennemeut 
dans la vallée du Nil. V. Loret, Flore pharaonique, 
2" édit., 1892, p. 40. E. Levesque. 

NARD (hébreu: nêrd; Septante: vâpgoç; Vulgale : 
nardus), un des parfums anciens les plus précieux. 

I. Description. — Ce parfum végétal, si célèbre chez 
les anciens, était souvent désigné par eux sous le nom 
de Nard syriaque, mais on connaît depuis longtemps 
son origine indienne. Déjà J. Bauhin l'appelait Nardus 




401. — Nardostachys Jatamansi. 



indica. Il est produit par une plante des montagnes du 
Népaul appartenant à la famille des Valérianées, le Va- 
leriana Spica de Vahl. Le docteur Jones de Calcutta la 
fit connaître sous son nom sanscrit de V. Jatamansi, 
enfln de Candolle en fit le type du nouveau genre Nar- 
dostachys qui diffère des Patrinia par ses fleurs pour- 



1479 



NARD — NARINES 



148G 



près, et non jaunes, ainsi que par le limbe du calice 
accrescent qui persiste au sommet du fruit sous forme 
de couronne membraneuse à 5 lobes; Ce genre se sépare 
encore des vraies Valérianes par ses étamines au nombre 
de 4 et par les lobes calycinaux qui ne se développent 
pas en aigrettes plumeuses à la maturité. 

Le Nardostachys Jatamansi (fig. 4M) est une herbe 
vivace ressemblant à la Scorzonére, avec un rhizome 
aromatique pourvu de racines et de feuilles lancéolées. 
Celles-ci persistent longtemps, même après la destruc- 
tion de leur limbe, sous forme de fibres dressées. Au- 
dessus la tige aérienne s'allonge portant en bas des 
feuilles velues et vers le sommet plusieurs inflorescences 
oppositifoliées avec une principale terminale. 

Une espèce voisine croissant dans la même région, le 
N.'grandiflora, a les feuilles glabres et porte un capitule 
unique au sommet de la tige. Le Nard du commerce, 
formé par la. partie souterraine de la plante sèche, 
a l'aspect d'un petit paquet de libres brunâtres allongé 
en forme de fuseau. Son odeur forte et persistante rap- 
pelle un peu celle du patchouly. Plusieurs autres Valé- 
rianes vivaces exhalent de leur souche des odeurs péné- 
trantes, mais souvent fétides. Celles dont le parfum est 
plus agréable constituent des Faux-Nards. Ainsi on a 
appelé Nard-de-Crète la Grande-Valériane ou Valeriana 
Phu de Linné, originaire de l'Europe méridionale ; Nard 
celtique, le Valeriana Celtica Villars, des hauts soms 
mets alpins. Enfin diverses autres plantes ont été confon- 
dues avec le vrai Nard, surtout YAndropogon Nardus 
de Linné, dont il a été question à l'article de Jonc odo- 
rant, t. m, col. 1629. Le Nard d'Italie est le Lavandula 
lalifolia, vulgairement Spic, et le Nard sauvage est fourni 
par la racine de YAsarum europeum. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le nom de ce parfum n'est pas hé- 
breu, il vient comme le parfum lui-même du pays d'ori- 
gine, l'Inde, d'où il est passé dans les langues sémitiques 
et aryennes. En sanscrit le nard se dit naladâ : en ve- 
nant par la Perse il a pris la forme nardîn, plus rap- 
prochée des formes sémitiques et occidentales. — 1° Le 
nard ne se trouve mentionné que trois fois dans l'Ancien 
Testament, deux fois au singulier nêrd, Gant., i, 12 (Vul- 
gate, 11); IV, 14; et une fois au pluriel, nerâdim, rv, 13. 
Ces textes présentent le nard comme un parfum exquis. 
Dans le premier, Cant., î, 12, c'est l'épouse qui parle : 

Tandis que le roi est à son divan 
Mon nard exhale son parfum. 

Ce qui fait allusion sans doute à l'usage de répandre 
le nard sur la tète des convives. Cf. Joa., xn, 3; Horace, 
1. II, ode XI, vers 16; Tibulle, 1. III, Eleg. vm, vers 3; 
Martial, XIII, Epigr.bi, \eTs\;YrxuleTice,Psychomachia, 
359, t. îx, col. 49. Au chap. iv, f. 13 et 14 du Cantique, 
l'époux prend la parole pour faire l'éloge de l'épouse : 

C'est un jardin fermé que ma sœur fiancée ; 

Un bosquet où croissent les grenadiers, 

Avec les fruits les plus exquis 

Le henné et le nard ; 

Le nard et le safran 

Et toutes les plantes embaumées. 

2° Dans le Nouveau Testament, le nard est mentionné 
deux fois : à l'occasion du repas chez Simon, rapporté 
par saint Marc, xrv, 3, et saint Jean, xn, 3. Marie brise 
un vase d'albâtre rempli d'un parfum composé de nard 
pur et précieux pour oindre la tète et les pieds de Jésus. 
Le texte grec dans ces deux passages parallèles donne 
au nard l'épithète de marix»)?, que la Vulgate rend dans 
saint Jean, xn, 3, par le mot même latinisé, pistici, et dans 
saint Marc, xiv, 3, par spicati. Par ce dernier mot le tra- 
ducteur semble avoir voulu indiquer le nard extrait de 
l'épi du Nardostachys, le Spicanard. Mais ce ne saurait 
être le sens du grec nurrixiri?, que la Vulgate d'ailleurs, 
au passage parallèle, Joa., XH, 3, se contente de tran- 



scrire en lettres latines. On a beaucoup discuté sur la 
signification de cette épithète, tcutixi^ç. Les uns avec 
saint Augustin, Tract, in Joan., L, 6, t. xxxv, col. 1760, 
ont pensé qu'elle marquait le lieu d'origine et que ce 
lieu, selon Louis de Dieu, était Pista, ville de l'Inde où 
le nard aurait été particulièrement recherché; ou Psi- 
tace, ville située sur le Tigre, qui aurait donné au nard 
le nom de Psitatica. Pour d'autres le mot viendrait de 
ittvw, « boire, y. ou de mm<nui, « faire boire, » d'où la 
signification de muréç, itiarixn;, « potable, liquide. » On 
peut voir ces opinions et d'autres encore moins fondées 
dans C. Fr. A. Fritszche, Evangelium Marci, in-8°, Leip- 
zig, 1830, p. 594-601, et dans H. Alford, The Greek Tes- 
tament, in-8°, Londres, 1894, t. i, p. 411. Il paraît plus 
vraisemblable de rapprocher maTixoç de morô;, fidèle, 
authentique, et de donner à cette épithète le sens de pur, 
non frelaté. C'est le sens d'Euthymius, Comment, in 
Matth., lxii, t. cxxix, col. 6151 : àxpa-tov xai xatoc- 
u£TU<TTSuuiv7jv eîç xa9apÔTï]Ta ; de Théophylacte, Enarr. 
in Marc, xiv, t. cxxm, col. 645 : aôoXov xcù he™ 
7u<TT£wç xaTa<TXE - ja<T6sï<T«v; de saint Jérôme : Conim. in 
Matth., xxvi, 7, t. xxvi, col. 191 : veram et absquedolo. 
Ce serait l'équivalent du nardus pura de Tibulle, 1. II, 
Eleg. u, vers 7; du (genus nardi) sincerum de Pline, 
H. N., xn, 26. Déjà du temps de Dioscoride, i, 6, et de 
Pline, H. N., xn, 12; xm, 1, on cherchait à falsifier 
le nard, comme toutes les substances précieuses et 
rares. La seconde épithète qui qualifie le nard dans le 
repas de Béfhanie, est dans saint Marc, xiv, 3, hûXuteXoûç, 
et dans saint Jean, XII, 3, tcoXuti'hou, deux expressions sy- 
nonymes, rendues également et exactement par pretiosi 
dans la Vulgate. Le nard passait en effet pour un des 
plus précieux parfums ; principale in unguentis, comme 
s'exprime Pline, H. N., xn, 26. Il ajoute que le prix des 
épis du nard montait à 100 deniers (82 fr.) la livre. Ce- 
lui des feuilles est moindre et varie suivant qu'il s'agit 
des grandes ou des petites feuilles. Horace, Carm., 1. IV, 
xn, vers 16-17, promettait à Virgile un tonneau entier 
de bon vin pour une petite fiole de nard. Cf. Dioscoride, 
i, 72. Cette estimation du nard explique la réflexion in- 
téressée de Judas, Joan., xn, 5 : Pourquoi ce parfum 
n'a-t-il pas été vendu trois cents deniers (environ 250 fr.) ? 
Pline, ff. N., xn, 26, constate aussi l'odeur extrême- 
ment subtile et agréable du nard. L'évangéliste fait allu- 
sion à cette qualité en notant que le vase.d'albâtre brisé 
« toute la maison fut remplie de l'odeur de ce parfum ». 
Joa., xn, 3. Les deux évangélistes remarquent que le 
nard était contenu dans un vase d'albâtre : les anciens 
conservaient en effet les parfums les plus précieux dans 
des vases d'albâtre. Pline, H. N., xm, 2; Martial, XI, 
Epig., 9; Athénée, XV, 13; Hérodote, Thalia, xx. On re- 
connaît aujourd'hui que le nard dont il est question 
dans les textes de l'Ancien et du Nouveau Testament 
était bien le véritable nard, c'est-à-dire cette huile aro- 
matique fabriquée avec les racines, les feuilles et l'épi 
d'une plante de la famille des Valérianées, le Nardos- 
tachys jatamansi, qui pousse dans l'Inde dans la région 
de PHymalaya. G. William Jones, Asiatic Researches, 
Londres, t. Il, p. 416. C'est le nard que les Arabes appel- 
lent Sunbul Hindi, l'épi de l'Inde, le Spicanard. Ibn El. 
Beithar, Traité des simples, dans Notices et extraits 
des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxv, 
in-4», 1881, p. 295. C'est par les caravanes et le commerce 
qu'il était importé dans l'Asie antérieure, dans la Pales- 
tine. O. Celsius, Hierobotanicum, in-8°, Amsterdam, 
1748, t. H, p. 1-11; E. Fr. K. Rosenmuller, Randbuch 
der Biblischen Alterthumskunde, in-8°, Leipzig, 1830, 
t. iv, p. 165. E. Levesque. 

NAREG, commentateur arménien. Voir Grégoire 
de Nareg, t. ni, col. 333. 

NARINES. Voir Nez. 



1481 



NASIA 



NATHAN 



1482 



NASIA (hébreu : Neçîah; Septante : Nctaftié, dans 
I Esd., H, 54; NWii, dans II Esd., vu, 56), chef d'une 
famille de Nathinéens dont les descendants revinrent de 
la captivité de Babylone en Palestine avec Zorobabel. 

I Esd., n, 54; II Esd., vu, 56. 

NASOR, orthographe fautive, dans les Septante qui 
écrivent Naaûp', I îiach., xi, 67, au lieu d'Asor de 
Nephthali. Voir Asor 1, t. i, col. 1105. 

NATATION. Voir K t age, col. 1458. 

NATHAN (hébreu : Nâfân, « don [de Dieu] » ou 
« [celui que Dieu] a donné »; Septante : Ni9av), nom 
de sept Israélites et de plusieurs rabbins. 

1. NATHAN, fils de David et de Bethsabée. II Reg.,v, 
14; I Par., irr, 5; xiv, 4. Dans ces passages, où sont 
énumérés les quatre fils de David et de Bethsabée, 
Nathan occupe toujours le troisième rang et Salomon 
le quatrième, comme s'il était le plus jeune des quatre. 
Le récit de II Reg., xil, 24, paraît cependant établir clai- 
rement que Salomon était le second fils de David et de 
Bethsabée. Le nom de Nathan, complété par l'addition 
du nom de Dieu ou de Jéhovah, se retrouve chez d'autres 
membres de la famille de David : un de ses frères 
s'appelait Nathan-ael,I Par., n,24,et un de ses neveux, 
Jo-nathan. II Reg., xxr, 21; I Par.,xx, 7. Les descen- 
dants de Nathan sont mentionnés dans Zacharie, xn, 
12, comme formant une des branches de la famille de 
David, et saint Luc, m, 31, suit cette branche dans la 
généalogie de Notre-Seigneur. 

2. NATHAN (hébreu : Nàtân : Septante, Nâ9av), pro- 
phète contemporain de David et de Salomon. — - 1° La 
Sainte Écriture ne donne aucun renseignement sur l'ori- 
gine de Nathan. L'auteur des Qusest. hebraicse in 1 Reg., 
xvn, 12, t. xxiii, col. 1340, en fait un petit-fils d'Isaï et 
un fils de Sammaa, frère aîné de David. Mais c'est là 
une conjecture sans preuve. — 2° Nathan le prophète, 
han^ndbî', apparaît pour la première fois au moment où 
David songe à bâtir un temple à Jéhovah. De la part de 
Dieu, Nathan vint assurer le roi que les bénédictions 
divines lui étaient accordées et que sa descendance ré- 
gnerait à jamais. Mais il l'avertit que la maison du Sei- 
gneur ne serait pas bâtie par lui; son fils était désigné 
pour exécuter cette œuvre. II Reg., vu, 13; I Par., xvn, 
1-15. — 3" Après son adultère avec Bethsabée et le 
meurtre d'Urie, David eut un fils, fruit de son crime. 
Alors, c'est-à-dire au moins neuf grands mois après le 
forfait, Nathan se présenta devant le roi et lui raconta 
l'apologue du riche qui tua la brebis du pauvre pour 
l'offrir en nourriture à son hôte. D'avid s'emporta vive- 
ment contre ce riche; mais Nathan l'arrêta aussitôt par 
la terrible parole : « Cet homme-là, c'est toi! » Ensuite, 
il lui annonça le châtiment : les guerres qui allaient 
déchirer sa maison, l'abus qu'on ferait de ses femmes 
et la mort de l'enfant qui lui était né. David reconnut 
son péché contre Jéhovah et le prophète l'assura du 
pardon; mais les châtiments annoncés n'en suivirent 
pas moins leur cours, parce que le roi, par sa conduite, 
avait exposé Jéhovah au mépris de ses ennemis. II Reg., 
xn, 1-15. L'apologue dont se servit Nathan pour éveiller 
l'attention de David est un modèle de délicatesse et 
d'habileté. Il eut pour résultat d'obliger David à se re- 
connaître et à se condamner lui-même. Le titre du 
Psaume Li (l) attribue le Miserere à David, « lorsque 
Nathan le prophète vint le trouver, après qu'il eut été 
avec Bethsabée. » Quand David eut un second fils de 
Bethsabée, il l'appela Salomon et Nathan lui imposa, de 
la part de Dieu, le nom de Jedidiah, « aimé de Jéhovah. » 

II Reg:, xn, 24, 25. — 4» Nathan intervint une troisième 
fois pour assurer la succession de Salomon au trône de 



David. Adonias, avec l'aide de Joab et du grand-prêtre 
Abiathar, travaillait à se faire proclamer roi. Dans ce 
but, il avait réuni ses partisans en dehors de Jérusalem, 
près de la fontaine de Rogel. Nathan avertit Bethsabée 
de ce qui se passait. Sur son conseil, celle-ci alla in- 
former David, que Nathan vint trouver à son tour pour 
le mettre au courant des menées d'Adonias. David renou- 
vela alors le serment qu'il avait fait de laisser son trône 
à Salomon. Appelant aussitôt le prêtre Sadoc, Nathan 
et Banaias, il leur commanda de mener Salomon en cor- 
tège à la fontaine de Gihon, voir Gihon, t. m, col. 239, 
de verser l'huile sur sa tête et de proclamer sa royauté. 
L'ordre fut exécuté, à la grande frayeur d'Adonias et de 
ses partisans. III Reg., i, 8-45. C'est ainsi que Nathan, 
par son intervention opportune, servit la cause de David 
et de Salomon et empêcha la guerre civile qui se fût 
sans doute déclarée, si la tentative d'Adonias eût réussi. 
— 5° Le prophète Nathan écrivit une partie de l'histoire 
de David, comme Samuel et Gadle Voyant, I Par., xxix, 
29, et une partie de l'histoire de Salomon, comme Ahias 
de Silo et Addo le Voyant. II Par., rx, 29. Bien qu'il soit 
question dans ces passages des actions des deux rois, 
« les premières et les dernières, » il ne s'ensuit pas que 
l'œuvre de Nathan se soit étendue du début de David à 
la fin de Salomon. Il y avait là un ensemble de récits 
dont Nathan composa une partie, précédé par Samuel, 
suivi par Gad, Ahias et Addo. Nathan avait eu aussi à 
s'occuper, sur l'ordre de Jéhovah, des services litur- 
giques du Temple. Le souvenir en est rappelé à l'époque 
d'Ezëchias. Il Par., xxix, 25. L'époque de la mort du 
prophète n'est pas indiquée. L'Ecclésiastique, xlvii, 1, 
fait mémoire de lui. H. LesêtRE. 

3. NATHAN (Septante : NotOavi, Nâdav), Araméen de 
Soba, père d'un des vaillants soldats de David appelé 
Igaal dans II Reg., xxm, 36; et Joël dans I Par., xi, 38. 
Voir Igaal, t. m, col. 837. 

4. NATHAN, père d'Azarias et de Zabud, qui remplis- 
saient l'un et l'autre des fonctions importantes à la cour 
de Salomon. III Reg., iv, 5. On identifie généralement 
ce Nathan avec Nathan 1 le prophète. D'autres l'identi- 
fient avec Nathan 2, le fils de David. Voir Azarias 2, 
t. i, col. 1299. Son fils Zabud étant qualifié de kôhen, 
« prêtre, » il faut entendre ce mot dans le sens de ce con- 
seiller du roi », pour admettre que Nathan n'était pas 
de la famille d'Aaron. Le Codex Alexandrinus des Sep- 
tante a le titre de « prêtre » comme l'hébreu et le grec; 
il manque dans le Codex Vaticanus. Dans la traduction 
arabe de la Polyglotte deWalton,il est attribué à Nathan. 
La place qu'occupaient les deux fils de Nathan à la cour 
de Salomon, indique que le père était un personnage 
important, mais son identification avec le prophète ou 
avec le fils de David du même nom ne peut être qu'hypo- 
thétique. 

5. NATHAN, de la tribu de Juda, de la branche de 
Caleb, fils d'Hesron. Nathan était fils d'Éthéi et père 
de Zabad. Son grand-père Jéraa était un esclave égyptien 
à qui Sésan, qui n'avait que des filles, avait donné l'une 
d'elles pour femme. I Par., n, 36. Voir Jéraa, t. m, 
col. 1256. , 

6. NATHAN, un des principaux juifs de la captivité 
de Babylone qui furent chargés par Esdras, lorsqu'ils 
eurent été assemblés près de la rivière d'Ahava, d'aller 
chercher parmi les captifs, pour le service du Temple, 
des lévites et des Nathinéens qui revinrent avec lui en 
Palestine. I Esd., vin, 16. 

7. NATHAN, un des fils de Bani qui avait épousé une 
femme étrangère et qui la renvoya sur les ordres 
d'Esdras. I Esd., x, 39. Il est possible que ce Nathan 



4» 



1483 



NATHAN — NATHANIAS 



1484 



soit le même que celui de I Esd., vm, 16, mais on ne 
peut l'affirmer avec certitude. 

8. NATHAN HA-BABLI ou de fiabylone, né à Meschan 
en Babylonie. Son père était le chef des Juifs de Baby- 
lonie et il donna une éducation soignée à son fils, qui 
devint un des plus savants hommes de son temps. Son 
mérite le fit choisir comme vicaire du patriarche 
Simon II ben Gamaliel II (140-160 de notre ère). Il est 
cité comme une autorité dans le Talmud, Horayoth, 
13 6 ; Baba £ama, 23 a; Baba metsiah, 117 6. Il compila 
une Mischna citée sous le nom de Mischna de Rabbi 
Nathan, que Juda-le-Saint mit à contribution pour la 
rédaction de la Mischna actuelle. Il est aussi l'auteur du 
Pirké 'Abôt(de Rabbi Nathan), ou sentences et maximes 
des Pères (juifs), divisées en quarante et un chapitres et 
placées dans les éditions du Talmud à la suite du traité 
Yebamoth. Voir J. Fûrst, Bibliotheca judaica, 1849-1863, 
t. m, p. 19; Id., Kultur- und Literaturgeschichte der 
Juden in Asien, in-8°, Leipzig, 1849, p. 16 ; Ginsburg, The 
Essenes, their History and Doctrines, in-8°, Londres, 
1864, p. 22. 

9. NATHAN BEN YEHÏEL BEN ABRAHAM, savant rab- 
bin chef de la synagogue, à Rome, où il mourut en 1106. 
Il est auteur d'un célèbre dictionnaire talmudique et chal- 
daïque appelé Ai~uch ("nny, 'ârûk). Comme le nom l'in- 
dique, 'àrûli, « rangé, disposé, » c'est une explication par 
ordre alphabétique des mots du ,Talmud de Jérusalem 
et de celui de Babylone. Cet ouvrage est regardé par 
Buxtorf comme indispensable à ceux qui s'occupent de 
lexicographie chaldaïque, talmudique et rabbinique, 
J. Buxtorfii Lexicon chaldaïcum, talrnudicum, etc., 
édit. Fischer, in-8°, Leipzig, 1875, p. ix. Il a été imprimé 
pour la première fois vers 1480 (sans lieu ni date), puis 
à Pesaro, in-f», 1517; à Venise, 1531 et 1553; à Paris, 
in-f°, 1629. Ce dictionnaire a été traduit par Santés Pa- 
gnino, Enchiridion expositionis vocum 'Aruch, Tar- 
gum, Rabbot et aliorum librorum, in-f", Rome, 1533. 
Sal. J.'L. Rapaport a composé en hébreu une notice de 
Nathan, Toledot rabbênu Natan, ba'al ha'drûk. Cf. 
J. Fûrst, Bibliotheca Judaica, in-8°, Leipzig, 1863, 
p. 20-22. E. Levesque. 

10. NATHAN ISAAC BEN-KALONYMOS OU fils de 
Kalonymos, savant juif qui se donnait comme un des- 
cendant du roi David. La date exacte de sa naissance et 
de sa mort n'est pas connue. Tout ce que l'on sait, c'est 
qu'il vécut à'Avignon, à Montpellier ou à Arles sous le 
pontificat de l'antipape Benoît XIII (Pierre de Lune), 
1394-1424. Il est l'auteur de la première concordance 
hébraïque qui ait été publiée, laquelle a servi de base à 
toutes celles qui ont paru depuis. Voir Concordances 
èe la Bible, t. h, col. 899. 

NATHANAEL. (hébreu : Netan'êl, « don de Dieu, » 
comme ®e<S8wpoç, en grec; Septante : NaOoevaijX), nom 
de plusieurs Israéltes. 

1. NATHANAEL, fils de S.uar et chef de la tribu d'Issa- 
chor à l'époque de l'exode. Nom., i, 8; il, 5; vu, 18, 23; 
X, 15. Il fit les mêmes présents que les autres chefs de 
tribus lors de la construction du Tabernacle. Num., vu, 
18-23. 

2. NATHANAEL, le quatrième fils d'Isaï, un des frères 
du roi David. I Par., il, 14. Nous ne connaissons de lui 
que son nom. 

3. NATHANAEL, prêtre qui vivait du temps de David. 
Il sonna de la trompette, lors de la translation de 
l'arche de la maison d'Obédédom à Jérusalem. 
I Par., xv, 24. 



4. NATHANAEL, lévite, père de Séméias, qui vivait du 
temps du roi David. I Par., xxiv, 6. 

5. NATHANAEL, lévite, le cinquième des fils d'Obé- 
dédom, Caathite, descendant de Coré, un des portiers 
du sanctuaire, du temps de David. I Par., xxvi, 4. 

6. NATHANAEL, un des cinq princes que le roi Josa- 
phat envoya dans la troisième année de son règne, avec 
plusieurs prêtres et lévites, dans les villes de Juda 
pour instruire le peuple de la loi du Seigneur, dont ils 
portaient avec eux un exemplaire. II Par., xvn, 7. 

7. NATHANAEL, un des chefs des lévites, qui, avec 
son frère Chonénias et Séméias, et trois autres, donna 
aux Lévites pour célébrer la Pàque, du temps du 
roi Josias, cinq mille agneaux et cinq cents boeufs. 
II Par., xxxv, 9. 

8. NATHANAEL, fils de Salamiel >t père d'Éliab, de 
la tribu de Siméon, un des ancêtres de Judith, dans les 
Septante. Judith, vin, 1. Il est appelé Nathanias dans la 
Vulgate. 

9. NATHANAEL, un des fils de Pheshur qui avait 
épousé une femme étrangère. Il la renvoya par ordre 
d'Esdras. I Esd., x, 22. 

10. NATHANAEL, prêtre, chef de la famille sacerdo- 
tale de Jodaïa, du temps du grand-prêtre Joacim et de 
Néhémie. II Esd., xii, 21. 

11. NATHANAEL, un des prêtres, frère de Zacharie, 
qui jouèrertt de la trompette, lors de la dédicace des 
murs de Jérusalem, du temps de Néhémie. II Esd., XII, 
36. Il n'est peut-être pas différent de Nathanaël 10. 

12. NATHANAEL, un des premiers disciples de Notre- 
Seigneur. Il n'est mentionné sous ce nom que dans saint 
Jean, i, 45-49; xxi, 2. On l'identifie avec l'apôtre saint 
Barthélémy. Voir t. i, col. 1471. s Il y en a qui croient, 
dit Calmet, Dictionn. de la Bible, édit. Migne, t. m, 
col. 659, que [Nathanaël] était l'époux des noces deCana 
en Galilée, » parce qu'il était originaire de cette loca- 
lité. Joa., xxi, 2. 

NATHANIAS (Septante : NaOavîa;), nom de cinq 
Israélites. Ce nom signifie « don de Yâh ou Jéhovah » 
et ne diffère de celui de Nathanaël que par la substitu- 
tion du nom propre divin Yehôvàh abrégé, au nom géné- 
rique de Dieu, 'El. 

1. NATHANIAS (hébreu : Nefanyâh; Nefanyâhû, 
dans Jer., xl, 8; xli, 9), fils d'Élisama, Jer., xli, 1, et 
père d'Ismahel, le meurtrier de Godolias du temps de 
Jérémie. IV Reg., xxv, 23, 25; Jer., XL, 8, 14, 15; xli, 
1-18. Il était de la famille royale de Juda. Voir Godo- 
lias 3 et Ismahel 2, t. m, col. 259 et 994. 

2. NATHANIAS, de la tribu de Siméon, fils de Sala- 
thiel et père d'Énan, un des ancêtres de Judith dans la 
Vulgate. Judith, xm, 1. Il est appelé Nathanaël, dans 
les Septante. Voir Nathanaël 8. 

3. NATHANIAS (hébreu : Nefanyahû), fils de Sélémias 
et père de Judi. Judi était un des princes de Juda qui 
furent envoyés à Baruch, afin qu'il apportât à la cour 
royale le rouleau des prophéties de Jérémie. Jer., xxxvi, 
14. 

4. NATHANIAS (Ne(anyâh), le troisième des fils 
d'Asaph, de la tribu de Lévi, un des musiciens sacrés 
du temps de David. Nathanias fut le chef de la cinquième 



1485 



NATHANIÀS — NATHINÉENS 



1486 



division, comprenant ses fils et ses frères au nombre 
de douze. I Par., xxv, 2, 12. 

5. NATHANIAS (hébreu : Ne(anyâhû), un des lévites 
qui furent envoyés par le roi Josaphat avec deux prê- 
tres et cinq des principaux de sa cour dans les villes 
de Juda, afin d'instruire le peuple avec le livre de la loi 
du Seigneur. I Par., xvn, 8. 

NATH ANMÉLECH (hêbreu-.Netàn-Mélék, Septante : 
Niôav pa<7iXI(o«, « Nathan du roi »), eunuque qui vivait 
du temps du roi Josias. Il habitait près de l'entrée du 
temple et peut-être dans une de ses dépendances (Vulgate : 
Pharurim; voir ce mot), à côté de l'endroit où les rois 
de Juda, Achaz, Manassé ou Amon avaient consacré au 
soleil des chevaux que Josias fit enlever, IV Reg.,xxm, 
11. « Gomme les chevaux furent simplement enlevés 
(n3*»i), tandis que les chars (consacrés au soleil) furent 

brûlés, on ne doit pas voir là des chevaux* sculptés, 
Selden, De Diis Syr., h, 8, mais des chevaux vivants 
qui étaient donnés (wna), c'est-à-dire entretenus pour 

: t 

le culte du soleil, dit Frd. Keil, Die Bûcher der Kô- 
nige, in-8», Leipzig, 1865, p. 361. Chez beaucoup de 
peuples, les Arméniens, les Massagètes, les Éthiopiens 
et les Grecs, les chevaux étaient consacrés au soleil et 
lui étaient offerts en sacrifice (voir les preuves dans 
Bochart, Hierozoicon, I, lib. II, c. x) et les Israélites 
avaient sans doute tiré ce culte, avec celui du soleil 
lui-même, de la haute Asie, peut-être par l'intermé- 
diaire des Assyriens. » Nathanmélech avait-il eu à 
s'occuper des chevaux du soleil, qui servaient probable- 
ment à conduire le char du soleil dans les fêtes idolà- 
triques qu'on célébrait en l'honneur de cet astre? Nous 
l'ignorons. Nous ne connaissons de lui que son nom. 

NATHINÉENS (hébreu : ham-nefinîm, « les don- 
nés, » Septante ordinairement: oi Na9sivi[i; Vulgate: 
Nathinsei), serviteurs du temple. — i ù Nom. — En hébreu 
leur nom est toujours précédé de l'article et il n'est 
jamais employé au singulier. Les Septante, I Par., îx, 
2, le rendent, d'après sa signification, par oi ôeôo|iévoi, 
« les donnés ; » ailleurs, on lit, avec de légères diffé- 
rences dans les divers manuscrits : Naôiv(u.ou Naôeivst[i, 
NaOaviji ou Naôavétm Naôivaïot, et, par corruption, dans 
I Esd., vin, 17, 'Aflavet'ii. Dans les dix-sept passages où 
les nathinéens sont expressément nommés, la Vulgate 
traduit toujours par Nathinxi. Josèphe a rendu Netî- 
nîrn par îep68ouXoi, « serviteurs sacrés. » Ant. jud., XI, 
1, 6, édit. Didot, t. i, p. 411. 

2» Origine des nathinéens. — Ils n'apparaissent sous 
ce nom que dans les livres postérieurs à la captivité de 
Babylone, mais, d'après la tradition juive, leur origine 
remonte au temps de Josué. Yebamoth, 78 6, Midrasch 
Yalkut, sur Jos., ix, 20. Dans la première organisation 
du culte mosaïque, le service des esclaves ne fut point 
prévu. Les nathinéens primitifs, ce furent les lévites : 
ils en eurent les fonctions, étant chargés de « faire le 
service, 'âbôdaf, du Tabernacle», Num., m, 8, 9; ils en 
eurent presque le nom, puisque le texte dit en termes 
formels qu'ils étaient les netûnîm des prêtres. Num., m, 
9; viii, 19; I Par., vi, 33 (Vulgate, 48). Mais comme leur 
service était trop chargé, il fallut trouver un moyen de 
les soulager et de leur venir en aide. 

Après la défaite des Madianites, Moïse donna (iftên) 
320 prisonniers de guerre aux lévites qui gardaient la 
nuit le tabernacle. Num., xxxi, 47. Josué fit plus encore. 
C'est lui qui le premier attacha officiellement et exclu- 
sivement des esclaves au service du sanctuaire. Il avait 
conservé la vie aux Gabaonites par respect pour le ser- 
ment qu'ils lui avaient arraché en le trompant sur leur 
origine. Mais il y avait mis pour condition qu'ils por- 
teraient le bois et l'eau nécessaires pour le service de 



l'autel et des sacrifices. Jos., ix, 23, 26-27. Leur nombre 
fut augmenté plus tard à diverses époques. Quand David 
eut organisé dans de plus grandes proportions le culte 
divin et surtout lorsque Salomon eut construit le tem- 
ple, les Gabaonites, dont le nombre avait été diminué 
par les persécutions de Saûl, II Reg., xxi, 1-6, ne 
purent plus suffire aux travaux du service des prêtres 
et des lévites et à l'entretien de la maison de Dieu et de 
ses dépendances. David leur « donna » donc des aides 
nouveaux. Son exemple fut suivi par les principaux de 
la nation : « Les nathinéens que David avait donnés 
(hébreu : ndtan) et aussi les princes pour le service des 
lévites, » lisons-nous dans I Esdras, vin, 20. Salomon 
accrut à son tour les esclaves du Temple. I Esd., H, 
56-58. Comme ce ne furent plus alors seulement les Ga- 
baonites qui s'occupèrent des soins matériels du sanc- 
tuaire, leur nom fut sans doute changé et c'est peut- 
être depuis cette époque qu'on les appela nathinéens ; 
ils devinrent ainsi officiellement les serviteurs des lé- 
vites, de même que les lévites étaient les serviteurs des 
prêtres. Num., xni, 18-19 ; xviii, 1-6. Dans Josué, ix, 
27, il est dit que le successeur de Moïse « donna » les 
Gabaonites « à l'autel de Jéhovah », tandis qu'il est mar- 
qué dans I Esd., vin, 20, que les nathinéens furent 
« donnés' pour le service des lévites » . 

Les nathinéens qui furent ainsi offerts à Dieu par le 
roi David et ses principaux officiers et aussi probable- 
ment par les rois, ses successeurs, devaient être sur- 
tout des prisonniers de guerre. La loi prescrivait le 
partage des prisonniers entre les fils d'Israël etune part 
spéciale était réservée aux prêtres et aux lévites. 
Num., xxxi, 25-47. Quoiqu'il ne soit pas marqué que 
ceux qui deviennent esclaves des lévites doivent être 
consacrés au Tabernacle de manière à former une 
sorte de caste à part, et quoique l'origine de leur insti- 
tution n'apparaisse formellement que dans Josué, ix, 27, 
on ne peut guère douter cependant, comme on l'a 
vu plus haut, que les lévites ne se soient fait aider dans 
leurs fonctions par leurs esclaves et que plus tard ceux 
qui ont été offerts à Jérusalem comme nathinéens n'aient 
été pris de préférence parmi les prisonniers de guerre, 
C'était un usage assez commun dans l'antiquité. On le 
trouve chez les Phéniciens, chez les Syriens et chez 
les Grecs ; Pausanias, XI, xm, 2 ; X, xxxn, 8 ; Hérodote, 
VI, 134;Hermann, Lehrbuchder griech. Antiq.,^" édit.. 
part. Il, p. 107 ; il existe aussi en Arabie, où il y a des es- 
claves qui sont assujettis au service du temple de la Kaaba 
à la Mecqueet du tombeau de Mahomet à Médine. Burck- 
hardt, Travels in Arabia, t. I, p. 228; t. n, p. 174, 181, 
Les noms de plusieurs familles nathinéennes semblent 
bien indiquer qu'elles sont devenues esclaves à la suite 
de la guerre. Ainsi les Munim ou Maonites, I Esd., H, 50; 
II Esd., vu, 52, doivent être des nathinéens descendant 
des Maonites qui avaient été faits prisonniers de guerre 
par les rois de Juda, sans doute par Ozias. II Par., xxvi, 
7-8. Voir Maonites, col. 705-706. Les nephusim, nommés 
après les munim, I Esd., n, 50, peuvent être regardés 
comme des esclaves provenant de la tribu ismaélite de 
Naphis. Cf. Gen., xxv, 15. Voir Naphis, col. 1473. « Les 
fils des serviteurs de Salomon » qui sont énumérés à 
la suite des nathinéens, I Esd., n, 55-58, comme s'ils 
en faisaient partie, devaient descendre de Chananéens 
attachés au service du Temple par son fondateur. 

Quelle que fût d'ailleurs l'origine diverse des nathi- 
néens, on ne peut guère mettre en doute qu'ils prati- 
quaient au moins pour la plupart, la religion juive. 
Néhémie les range expressément parmi « ceux qui 
s'étaient séparés des peuples de la terre pour servir la 
loi de Dieu ». II Esd., x, 27. — Si l'on doit en croire le 
Talmud, les nathinéens élaient très méprisés, et il leur 
était interdit d'épouser une femme juive. Yebamoth, n, 
4; Kidduschin, iv, 1. Cependant la Ghemara de Jéru- 
salem, Horayoth, 48 b, ne parle pas d'eux avec la même 



1487 



NATHINÉENS — NATURE 



1488 



défaveur. Ce qui est certain c'est que leurs occupations 
les reléguaient dans une classe inférieure. 

3° Fonctions des nathinéens. — Ils devaient remplir 
les plus bas offices du service du Temple. Leur princi- 
pale occupation consistait à couper le bois nécessaire 
pour brûler les victimes des sacrifices et faire cuire les 
viandes sacrés et, de plus, à porter l'eau dont les prêtres 
faisaient une grande consommation pour laver les vic- 
times et dont on remplissait pour cet usage la mer d'ai- 
rain. Voir Mer d'airain, col. 982. Quoique ce travail 
pénible ne soit mentionné expressément que dans Jo- 
sué, ix, 23, 27, pour les Gabaonites, il n'y a pas de doute 
qu'il ne fut à toutes les époques la corvée principale des 
nathinéens. C'était la besogne la plus pénible et en 
même temps la plus indispensable. Cf. Deut., xxix, 11, 
Ils étaient d'ailleurs aux ordres des lévites pour tout ce 
que ceux-ci voulaient leur commander. 

4° Les nathinéens au temps d'Esdras et de Néhémie. 
— C'est au moment du retour de la captivité que nous 
avons le plus de renseignements sur les nathinéens. 
Ils avaient été emmenés captifs en Chaldée par Nabu- 
chodonosor. Six cent douze d'entre eux, en y compre- 
nant ceux qui sont appelés « fils de Salomon », retour- 
nèrent en Palestine, 392 avec Zorobabel, en 538 avant 
notre ère, I Esd., n, 43-58; II Esd., vu, 47-60, et 220 
avec Esdras, 80 ans plus tard. I Esd., vm, 20. Sur le 
point de partir pour Jérusalem, Esdras constata qu'il 
n'y avait point de descendant des lévitess parmi ceux qui 
allaient retourner avec lui en Judée. Il s'arrêta donc 
près du fleuve qui arrose Ahava et chargea quelques-uns 
de ses principaux compagnons de se rendre à Chasphia 
auprès d'Eddo, t. n, col. 1587, « le premier » de cette 
localité, afin qu'ils en ramenassent « des ministres 
pour la maison de Dieu ». Les fonctions que les nathi- 
néens avaient à remplir au Temple n'était pas sans 
doute pour eux un encouragement à quitter le pays où 
ils s'étaient établis et qui était devenu pour eux comme 
une patrie. L'ambassade néanmoins réussit. Eddo, qui 
était lévite (et non nathinéen comme l'ont pensé quelques 
commentateurs), lui prêta son concours et elle décida 
220 nathinéens de bonne volonté à la suivre. I Esd., vin, 
15-20. 

Les nathinéens, de retour en Palestine, vécurent, 
comme ils l'avaient fait sans doute sous les rois, les uns 
dans les villes lévitiques, I Esd., il, 70; II Esd., vu, 73, 
où ils habitèrent quand ils n'étaient pas de service au 
Temple, les autres à Jérusalem. Nous savons par Néhé- 
mie que ces derniers habitaient le quartier d'Ophel, 
qu'ils aidèrent à rebâtir, dans le voisinage du Temple. 
II Esd., m, 26; xi, 20. « La maison ^les Nathinéens » 
est expressément mentionnée II Esd., ni, 31. « Ils de- 
meuraient sur Ophel, vis-à-vis de la porte des Eaux à 
l'orient et de la tour Saillante, » dit le texte, II Esd., 
m, 26, voir Jérusalem, t. m, col. 1365, 1366, et la carte, 
eol. 1355, c'est-à-dire au sud-est de la ville et près de 
la porte qui conduit à l'unique fontaine de la ville, celle 
qui est appelée aujourd'hui la Fontaine de la Vierge, où 
ils pouvaient puiser l'eau nécessaire au service du 
Temple. — Ils avaient des chefs pris dans leurs rangs. 
A l'époque de Néhémie, ces chefs s'appelaient Siaha et 
Gaspha, II Esd., xi, 21; cf. I Esd., n, 43; II Esd., vu, 
48, et leur nom semble indiquer une origine non judaïque. 
Comme les prêtres et les lévites, ils avaient été exemptés 
de tout impôt par les rois de Perse. I Esd., vu, 24. — Nous 
ne trouvons plus aucune trace de l'existence des nathi- 
néens dans le Nouveau Testament. — Josèphe, Bell, jud., 
II, xvii, 6, édit. Didot, t. n, p. 123, mentionne une fête 
appelée EuXo<popia qui consistait en ce que le peuple 
apportait du bois en grande quantité au Temple, pour 
entretenir le feu perpétuel sur l'autel des Holocaustes; 
Calmet et autres ont supposé, Dictionnaire de la Bible, 
édit. Migne, 1846, t. m, col. 660, que cette fête avait été 
instituée à cause de l'insuffisance du nombre des nathi- 



néens pour remplir leurs fonctions, mais ce n'est là 
qu'une hypothèse. — Voir J. J. Schroeder, De nethinmis, 
in-4», Marbourg, 1749; G. A. Will, De nethinseis levi- 
tarum famulis, in-4», Altdorf, 1745. 

F. VlGOUROUX. 
NATIONS (hébreu : goim; Septante : ïOvyi; Vul- 
gate : gentes), peuples différents du peuple juif. Voir 
Gentils, t. m, col. 189; Goïm, col. 266. 

NATRON (héhreu : nêtér; Septante : vt'ipov; Vul- 
gate : nitrum), carbonate de soude naturel, qui se 
trouve à l'état solide, sous différentes formes, en Egypte, 
en Perse, etc. Le natron est un savon minéral qui sert 
à nettoyer. — Jérémie, n, 22, dit à la nation israélite 
que, quand même elle se laverait avec du natron et du 
borith, elle garderait sa souillure. Voir BoritH, t. I, 
col. 1853. Faire entendre des chants à un cœur attristé, 
c'est répandre du vinaigre sur du natron. Prov., xxv, 
20. Le vinaigre, qui est un acide, fait entrer en efferves- 
cence le natron, qui est un sel, de même les chants ne 
font que surexciter douloureusement un cœur ulcéré. 

H. Lesêtre. 

NATURE (grec : çOot?; Vulgate : natura), ensemble 
de caractères constitutifs communs à tous les êtres 
d'une même espèce. 

I. La nature en général. — 1. L'idée abstraite de 
nature n'a pas d'expression en hébreu. La Vulgate l'in- 
troduit à propos de choses qui sont soit conformes à la 
condition normale de l'homme, Deut., xxm,12; Jud., m, 
22, soit contraires. Jud., XIX, 24. Dans le livre d'Esther, xvi, 
16, où Artaxerxès mentionne là" bienveillante simplieité, 
àxlpaiov eûyvw|ji0(j-ijv7iv, des gouverneurs, la Vulgate pa- 
raphrase l'expression en disant que les gouverneurs 
apprécientlesautres eœstta natura, «d'après leur propre 
naturel. » —2. L'idée grecque de nature revient plusieurs 
fois dans le livre de la Sagesse. L'auteur attribue à un 
don de Dieu la science des êtres, particulièrement la 
connaissance de la « nature des animaux ». Sap., vu, 
20. Il parle de la méchanceté naturelle, eiaçutoç, natu- 
ralis, des Chananéens, Sap., xn, 10, et dit que l'eau 
oubliait sa nature, Suvâfus, natura, et n'éteignait pas le 
feu dirigé contre les impies par la colère divine. — 
3. Les Épitres des apôtres font quelquefois appel à la 
notion de nature. Saint Paul parle des vices contre na- 
ture, Rom., I, 26, 27, de la constitution naturelle de 
l'homme, Rom., n, 27, des longs cheveux qui ne con- 
viennent pas à la nature de l'homme, I Cor., xi, 14, de 
ceux qui sont Juifs par nature, Gai., n, 15, des idoles 
qui ne sont pas des dieux par nature, Gai., iv, 8, et de 
l'accomplissement naturel de la loi par les païens. 
Rom., n, 14. Saint Pierre remarque que les animaux 
sont destinés par nature à être pris et à périr. II Pet., 
il, 12. Saint Jacques, m, 17, dit que la nature humaine 
a le pouvoir de dompter la nature animale. Saint Jude, 
f. 10, reproche aux docteurs impies de se servir de 
leurs connaissances naturelles pour se corrompre. 

IL La nature opposée au surnaturel. — 1° Dans 
l'Ancien Testament. — La distinction entre l'ordre 
naturel et l'ordre surnaturel est nettement indiquée 
dans l'Ancien Testament, quand il s'agit des faits. Voir 
Miracle, col. 1112. Il en est autrement quand la distinc- 
tion porte sur la vie même de l'âme humaine dépour- 
vue ou aidée de la grâce. La Genèse, m, 4, 17-19, raconte 
la chute de l'homme et la sentence qui suit sa prévari- 
cation; mais elle ne donne aucune indication sur son 
état spirituel, avant ou après cette chute; elle n'ex- 
plique même pas si la menace « Tu mourras », Gen. r 
II, 17, s'étend à l'âme aussi bien qu'au corps, et si la 
nature de l'homme est atteinte essentiellement, ou seu- 
lement d'une manière accidentelle, par, la sentence 
qui le frappe. Les anciens n'avaient pas besoin de ces 
précisions théoriques pour craindre la justice de Dieu 
et attendre leur salut de sa bonté. Le récit sacré affirme; 



1489 



NATURE — NATURELLE (HISTOIRE) 



1490 



pourtant que la nature reste capable de résister au mal, 
puisque Dieu dit à Caïn, au sujet du désir du péché : 
« Toi, tu dois dominer sur lui. » Gen., rv, 7. Le texte 
sacré ne parle pas du secours que Dieu peut prêter à la 
nature humaine pour l'aider à triompher. Mais il est 
manifeste que l'homme qui se laisse vaincre est respon- 
sable et punissable, et que, par conséquent, sa nature, 
dans l'état où Dieu la maintenait, pouvait et devait 
résister au mal. Dieu envoya le déluge, parce que « la 
méchanceté des hommes était grande sur la terre et que 
toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque 
jour uniquement vers le mal. Gen., vi, 5. L'entraine- 
ment n'était pas fatal pour la nature humaine, puisque 
Noé -et, sans doute, sa famille y avaient résisté. Gen., VI, 
9. Les appels incessants au secours et à la miséricorde 
de Dieu, qui retentissent dans toute la Bible, montrent 
que les Israélites ont une conscience pratiquement suffi- 
sante de leur état naturel. Us se sentent enclins au mal, 
même tes meilleurs; ils reconnaissent que cette faiblesse 
fait partie de leur nature : « Je suis né dans l'iniquité 
et ma mère m'a conçu dans le péché. » Ps. u (l), 7. Ils 
invoquent le pardon divin, sans être toujours assurés de 
n'avoir plus à compter avec la justice de Dieu : « Qui 
dira : J'ai purifié mon cœur, je suis net de mon péché ? » 
Prov., xx, 9. Mais ils n'ont pas la lumière suffisante 
pour distinguer entre les deux vies de l'âme, celle de 
la nature et. celle de la grâce. Dans les derniers temps 
avant Notre-Seigneur, l'auteur de la Sagesse, i, 11, dit 
bien que la bouche menteuse « donne la mort à l'âme », 
ce qui suppose en celle-ci une vie distincte de sa vie 
naturelle et immortelle; mais il ajoute que « toutes les 
créatures sont salutaires », qu' « il n'y a en elles aucun 
principe de destruction » et que « la mort n'a pas d'em- 
pire sur la terre ». Sap., i, 14. Cette manière de parler 
laisse dans l'ombre l'idée d'une double vie naturelle et 
surnaturelle. Le même auteur, parlant de sa naissance 
identique à celle de tous les autres hommes, Sap., vu, 
1-6; se félicite d'avoir été un enfant « d'un bon natu- 
rel » et d'avoir reçu en partage « une bonne âme ». 
Sap., vin, 19. 

2° Dans le Nouveau Testament. — La révélation 
expresse d'une double vie, naturelle et surnaturelle, a 
été réservée au Nouveau Testament. Le Sauveur parle 
d'une nouvelle naissance, nécessaire à celui qui possède 
déjà la vie de la nature, Joa., w, 3, 5; d'une nouvelle 
vie, surajoutée à la vie de la nature, et qui ne peut être 
reçue que de lui, Joa., VI, 31, 49-51; d'un nouveau mode 
d'action, impossible à celui qui n'est pas uni à lui 
comme le sarment à la vigne. Joa,, xv, 1-5. Saint Paul 
réduit ces notions en théorie très claire. Ayant tous 
péché en Adam, Rom., v, 12, nous sommes tous, par 
nature, fils de colère. Eph., n, 3. Mais, par un pur effet 
de sa miséricorde, Dieu a enté sur l'olivier franc, c'est-à- 
dire sur son divin Fils qui s'est lui-même comparé à 
la vigne à laquelle il faut adhérer, les branches de 
l'olivier sauvage par nature, c'est-à-dire les hommes 
séparés de lui par le péché. Les grâces ménagées par 
l'Ancien Testament préparaient les Juifs, mieux que 
tous les autres, à recevoir cette vie surnaturelle com- 
muniquée par le Messie. Comme beaucoup d'entre eux 
l'ont refusée, Dieu a enté sur l'olivier franc des païens 
convertis, et cela « contrairement à leur nature », en 
ce sens que leur condition antérieure ne les prédispo- 
sait nullement à ce bienfait. Rom.,xi, 17-24. Il y a donc 
dans l'âme chrétienne non seulement la vie de nature, 
commune à tous, mais une autre vie surajoutée à la 
première, de même que dans la branche greffée circule 
une sève nouvelle qui provient de l'olivier franc. La 
nature est par elle-même incapable de s'élever à cette 
vie surnaturelle, d'opérer le bien qu'elte entrevoit, 
Rom., vu, 18, d'arriver à la foi et au salut par ses actes 
propres, Eph., v, 8, et de se suffire à elle même dans 
les choses les plus simples qui se rapportent à cette vie 



supérieure. II Cor., m, 5. L'homme animal, c'est-à-dire 
réduit au pur état de nature, n'est pas capable de les 
concevoir. I Cor., H, 14. Saint Pierre résume d'un mot 
toute la doctrine en disant que, par celte vie nouvelle, 
nous devenons « participants de la nature divine ». 
II Pet., i, 4. Telle est, en effet, la distinction fondamen- 
tale entre le naturel et le surnaturel . Le premier appar- 
tient à l'essence même de l'homme, le second vient de 
Dieu, tient à Dieu, mène et unit à Dieu, ajoute à la na- 
ture de l'homme quelque chose de la nature de Dieu. 
Voir Justification, t. m, col. 1878. H. Lesêtre. 

NATURELLE (HISTOIRE), science des choses de 
la nature. 

1» Cette science a existé chez les Hébreux dans une 
mesure qui peut se déterminer d'après la manière dont 
leurs écrivains s'expriment à ce sujet. 1° On admet 
généralement que les auteurs sacrés n'ont pas reçu de 
révélation particulière pour parler scientifiquement 
des choses de la nature. Ils s'expriment d'ordinaire 
comme avaient coutume de le faire leurs contemporains, 
et leur science reflète celle de leur époque. Salomon 
disserta sur la botanique et sur la zoologie. III Reg., 
iv, 33. L'auteur du livre de Job décrit avec une com- 
pétence remarquable les animaux ou les phénomènes 
naturels. Quelques prophètes, surtout Joël, Amos, Za- 
charie, font preuve d'une observation assez attentive 
de la nature. Mais, en général, les auteurs sacrés ne 
touchent qu'en passant aux faits qui intéressent l'his- 
toire naturelle, et ils ne mentionnent guère ces faits 
que comme des termes de comparaison. Seul, le Lévi- 
tique, xi-xv, est amené, par la nécessité de formuler 
une législation précise, à entrer dans certains détails 
sur la nature des animaux et les caractères physiolo- 
giques de quelques maladies. 

2° Quand les écrivains bibliques parlent des choses 
du monde physique, leurs descriptions montrent qu'ils 
ont été bons observateurs. Le genre de vie des Hébreux 
les a maintenus en contact assez constant avec la nature 
pour qu'ils en aient pu saisir exactement les principales 
lois. Le premier chapitre de la Genèse mentionne les 
divisions essentielles du règne végétal, 11, 12, et du 
règne animal, 20-25. Les mœurs des animaux sont par- 
fois décrites d'une manière très juste et très pittoresque. 
Ainsi en est-il, par exemple, de l'onagre, Job, xxxix, 
5-8, de l'autruche, 13-18, du cheval, 19-25, de l'hippo- 
potame, Job, XL, 15-24, du crocodile, 25-xli, 25, de la 
fourmi, Prov., vi, 6-8, etc. Cf. Munk, Palestine, Paris, 
1881, p. 424-425. Certains grands phénomènes naturels 
sont également l'objet de descriptions très détaillées et 
très exactes, comme le chamsin, Exod., x, 22-23; Sap., 
xvii, 1-20, les torrents des montagnes, Job, XII, 15; 
xxvn, 20; ls., xxvm, 2-18, l'orage, Ps. xxix (xxviu), 
3-9, les signes du temps, Matth., xvi, 2-4, etc. 

3° Comme tous leurs contemporains, les écrivains 
sacrés parlent assez souvent des choses de la nature 
d'après les seules apparences. Il serait donc déraison- 
nable de prendre les descriptions qu'ils en font alors 
comme l'expression de la réalité objective. Ce point de 
vue, déjà signalé par les Pères, cf. S. Augustin, De 
Gen. ad lit., r, 19, 21, t. xxxiv, col. 261, a été mis hors 
de contestation par l'encyclique Providentissimus, dans 
laquelle Léon XIII s'exprime ainsi, t. i, p. xxix : « II 
faut d'abord considérer que les écrivains sacrés, ou 
plutôt l'Esprit-Saint parlant par leur bouche, n'ont pas 
voulu nous révéler la nature du monde visible, dont la 
connaissance ne sert de rien pour le salut; c'est pour- 
quoi ces écrivains ne se proposent pas d'étudier direc- 
tement les phénomènes naturels; mais, lorsqu'ils en 
parlent, ils les décrivent d'une manière métaphorique 
ou en se servant du langage communément usité de 
leur temps, langage dont les plus grands savants se 
servent encore de nos jours dans la vie ordinaire. Or 



4491 



NATURELLE (HISTOIRE) — NAVARRO 



1492 



dans la conversation on désigne les choses comme elles 
apparaissent aux sens; de même les écrivains sacrés 
« s'en sont rapportés aux apparences »; c'est le Docteur 
angélique qui nous en avertit. Dieu, parlant aux 
hommes, s'est conformé, pour se faire comprendre, à 
leur manière d'exprimer les choses. » C'est d'après 
cette règle d'interprétation qu'il faut entendre les pas- 
sages de la Sainte Écriture où il est parlé des deux 
grands luminaires, « le plus grand pour présider au 
jour, le plus petit pour présidera la nuit, » Gen., 1,16; 
du soleil arrêté par Josué, Jos., X, 12; du soleil qui se 
lève, se couche, se hâte de retourner à sa demeure 
pour se lever de nouveau, Eccle., i, 5; des colonnes du 
ciel, Job, xxvi, 10; des cieux solides comme un miroir 
d'airain, Job, xxxvii, 17; du daman et du lièvre qui 
ruminent, Lev., xi, 5, 6, etc. Ces passages, et d'autres 
analogues, ne sauraient donc susciter aucune antinomie 
réelle entre les données de la science et la manière de 
parler des auteurs sacrés. Cf. Cornely, lntroduclio in 
V. T. libros sacros, Paris, 1885, t. i, p. 584-586. A plus 
forte raison faut-il se garder de prendre à la lettre des 
métaphores hardies, familières aux écrivains orientaux, 
et qui au fond ne constituent que des artifices de style. 
Tels sont les passages où il est dit que les fleuves applau- 
dissent et que les montagnes poussent des cris de joie, Ps. 
•xcviii (xovn), 8; que Dieu appelle les étoiles et qu'elles 
répondent avec joie : Nous voici! Bar., m, 35, etc. 

4° Sur les différentes questions concernant l'histoire 
naturelle, voir dans le Dictionnaire les articles spéciaux 
et la bibliographie de chacun d'eux. Sur la constitution 
du monde en général, voir Cosmogonie, t. n, col. 1034- 
1054; Création, col. 1101-1105. — Sur l'astronomie, 
voir Astronomie, t. i, col. 1191-1196; Constellations, 
t. ii, col. 924-925; Éclipse, col. 1561-1563; Étoile, 
col. 2036-2037; Lune, t. iv, col. 419-422; Soleil, etc.— 
Sur la météorologie, voir Firmament, t. u, col. 2279- 
2281; Gelée, t. m, col. 158; Givre, col. 247; Glace, 
col. 247; Grêle, col. 336-337; Mirage, t. iv, col. 1122; 
Neige, Orage, Ouragan, Pluie, Vent, etc. — Sur la 
géologie, voir Palestine. — Sur la minéralogie, voir 
Métaux, t. iv, col. 1045-1047; Mine, 1099-1102; Pierre. 

— Sur la botanique, voir Arbres, t. i, col. 888-894; 
Fleur, t. n, col. 2287-2288; Fruit, col. 2410-2412; Her- 
bacées (Plantes), t. m, col. 596-600, etc. — Sur la zoo- 
logie, voir Animaux, t. i, col. 603-612; Insectes, t. m, 
col. 884-885; Oiseaux, Poissons, Reptiles, etc. — Sur 
l'anthropologie, voir Adam, t. i, col. 181-206; Corps 
humain, t. H, col. 1020-1022; Membres, t. iv, col. 952- 
954; Cerveau, t. n, col. 448; Cœur, col. 822-826; En- 
trailles, col. 1817-1818; Nerf, Os, Sang, Maladie, 
t. iv, col. 611-613; Médecine, col. 911-914, etc. 

H. Lesëtre. 
NAUFRAGE (Vulgate : naufragium; en grec : vaua- 
yeîv, « faire naufrage »), perte d'un navire, dont les pas- 
sagers sont alors ou engloutis, ou à la merci des eaux. 

— Saint Paul dit aux Corinthiens qu'il a fait trois fois 
naufrage dans ses courses apostoliques, et qu'une fois 
il a été perdu sur les flots une nuit et un jour. II Cor., 
xi, 25. Dans son voyage de Césarée à Rome, le navire 
qu'il montait s'échoua sur une plage de l'Ile de 
Malte, et l'Apôtre fut obligé de se mettre à la mer pour 
gagner le rivage. Act., xxvn, 41-44. — Au figuré, il écrit 
à Timothée que ceux qui s'écartent de la foi et de la 
bonne conscience font naufrage au point de vue de la 
foi, I Tim., I, 19, c'est-à-dire tombent dans l'hérésie. 
Cette métaphore avait sous la plume de saint Paul un sens 
particulièrement saisissant, à cause de l'expérience per- 
sonnelle qu'il avait des naufrages. II. Lesêtre. 

NAUSEA Friedrich, de son vrai nom Grau, théolo- 
gien catholique allemand, né vers 1480, à Waischenfeld, 
non loin de Bamberg, d'où son surnom de Blancicam- 
pianus, mort à Trente, le 6 février 1552. Fils d'un char- 



ron, mais très porté vers l'étude, il entra dans les 
ordres, et il obtint les grades de docteur en droit (1523) 
et en théologie (1534). Il fut d'abord secrétaire du car- 
dinal Campeggio, légat du pape, qui l'envoya à Brètten 
auprès de - Melanchthon, en vue d'une entente qui ne 
put avoir lieu ; en 1525, il fut prédicateur de Saint-Bar- 
thélémy à Francfort, d'où les protestants l'obligèrent de. 
fuir au bout de peu de temps; nommé prédicateur de 
la cathédrale de Mayence en 1526, prédicateur de Fer- 
dinand 1 er , alors roi des Romains, en 1534, il fut, en 
1538, choisi pour coadjuteur de Faber, évêque de Vienne. 
En 1540-1541, il fut envoyé par Ferdinand aux colloques 
de Haguenau et de Worms. Le 21 mai 1521, à la mort 
de Faber, il devint évêque de Vienne. Il assista au col- 
loque de Spire, où le pape Paul III lui écrivit pour lui 
conBer particulièrement la cause des catholiques. Enfin 
il prit part au concile de Trente, où il employa son ta- 
lent d'orateur, qui était remarquable, à conseiller la 
douceur envers les protestants et la discussion plutôt 
que la violence, mais sans rien sacrifier des intérêts 
de la vérité. Il mourut à Trente dans un âge avancé. 
Outre de nombreux ouvrages de théologie et de polé- 
mique, nous avons de lui : In librum Tobise enar- 
rationes, in-8°, Cologne, 1552. — Voir Allgemeine 
deutsche Biographie, t. xxm, Leipzig, 1886, in-8«, 
p. 321. A. Régnier. 

NAUSÉE (hébreu : zârd' ; Septante : x°'^P«> Vul- 
gate : nausea), dégoût qui porte à vomir, comme on 
l'éprouve sur un navire, voeu;. — Quand les Hébreux au 
désert réclament de la viande, le Seigneur promet de 
leur envoyer des cailles pendant tout un mois, de telle 
façon qu'il leur en sorte par les narines et qu'ils en 
aient la nausée. Num., xi, 20. Plus tard, en parlant de 
la manne, les Hébreux disent que leur âme en a assez 
de cette nourriture de rien, qâsâh, « elle en a fini, » 
Tzpoa<j>-/fii<rsv, «elle est dégoûtée de cette nourriture, » 
nauseat, « elle en a la nausée. » Num., xxi, 5. Quand 
l'homme est accablé par l'épreuve, « il prend en dégoût, 
zàham, le pain et les aliments les plus exquis. » 
Job., xxxni, 20. Septante : « il ne peut les supporter; » 
Vulgate : « il lui devient abominable. » Il est recom- 
mandé à celui qui trouve du miel de n'en pas trop man- 
ger, de peur de la nausée et du vomissement. Prov., xxv ; 
16. — Au figuré, le chrétien qui est tiède provoque la 
nausée du Seigneur. Apoc, m, 16. H. Lesetre. 

NAV/EUS Mathias, théologien catholique belge, né 
à Liège, vivait dans la seconde moitié du xvn c siècle. 
Il était docteur en théologie et chanoine de l'église de 
Douai. Parmi ses écrits on remarque : Annotationes in 
Summse theologic.se et Sacrœ Scripturse prmcipuas dif- 
ficultés, in-4°, Tournai, 1640. — Voir Valère André, Bi- 
blioth. Belgica, p. 662 ; Paquot, Mémoires pour servir 
à l'hist. littéraire des Pays-Bas, t. xm, p. 153. 

B. Heurtebize. 

NAVARRETE Juan Bautista, théologien catholique 
espagnol, né vers 1550, à Cordoue, mort en 1612. Il 
entra, en 1572, dans l'ordre des Franciscains. Il professa 
les humanités à Cordoue, où il fit preuve d'une grande 
érudition et d'une science profonde des Saintes Écritures. 
Nous citerons parmi ses ouvrages : Commentarium ad 
lamentationes Jeremiee, in-4°, Cordoue, 1602. 

A. Régnier. 

NAVARRO Gaspar, religieux carme espagnol du 
xvn e siècle, enseigna la théologie à Valence. Il avait com- 
posé un commentaire sur l'Évangile de saint Matthieu. Un 
seul volume a été imprimé qui va jusqu'au chapitre xiv : 
Narratio evangelica Matthœi ordinem sc.quens gesta 
Christi Domini Salvatoris a prima incampiionis luce, 
usque ad gloriam [Ascensionis attingens, nova me- 
thodo per synopsim capitum et divisionem partium 
Uteram exponens et qusestiones cum corollariis more 



1493 



NAVARRO — NAVIGATION 



1494 



scholastico dissoluens, in-f°, Béliers, 1681. —Voir N.An- 
tonio, Biblioth. Hispana nova, t. i, p. 530. 

B. Heurtebize. 
NAVÉ, orthographe du nom de Nun, père de Josué, 
dans un passage [de la Vulgate. Eccli., xlyi, 1. Cette 
orthographe est celle des Septante. Voir Nun. 

NAVETTE (hébreu : 'érég, de 'ârag, « tisser; » 
Alexandrinus : Bpofisvç, « coureur »), petite pièce de 




402. — Navette. 
D'après Rich, Dlçt. des antiq. rom., p. 23. 

bois contenant le fil dont se sert le tisserand pour faire 
la trame de sa toile. Cette pièce de bois, de ferme allon- 
gée et pointue aux deux extrémités, a en son milieu 
une cavité dans laquelle se trouve logée une bobine 
dont le fil passe par un trou latéral. La navette, lancée 
de droite à gauche et de gauche à droite par le tisse- 
rand à travers les deux séries verticales des fils de la 
chaîne, entraîne avec elle le fil de là bobine qui forme 
ainsi la trame et ensuite est serré entre les fils de la 
chaîne soit par une pièce de bois plate, soit par un 
peigne. La forme de ce petit instrument lui a fait don- 
ner en français le nom de « navette s ou petit navire 
(fig. 402). En latin, on l'appelle alveolus. Saint Jérôme, 



saisi le sens du mot 'érég, qui d'ailleurs ne se lit qu'une 
fois dans la Bible hébraïque. Les Septante le rendent 
(Alexandrinus) par Spop-euç, « coureur, » cf. Job, ix, 25, 
et Vaticanus par XaXidc, « parole. » La Vulgate traduit : 
« Mes jours ont passé plus vite que la toile n'est coupée 
par le tisserand. » H. Lesêtre. 

NAVIGATION (grec : rcXdo;; Vulgate : navigatio, 
Act,, xxi, 7; xxvn, 9, 10), art de voyager sur l'eau à 
l'aide de navires (fig. 403). 

I. Dans I'Ancien Testament. — 1° Les Israélites n'ont 
pas été destinés à devenir un peuple de navigateurs. 
Le pays de Chanaan, qui leur fut donné par le Seigneur, 
avait environ cent cinquante kilomètres de côtes, le 
long de la Méditerranée. Mais la presque totalité de ces 
côtes fut longtemps occupée par les Philistins et les 
Phéniciens, et d'ailleurs elles ne présentaient presque 
nulle part d'endroit propice à l'établissement d'un port. 
Aussi les allusions à la navigation sont-elles assez rares 
dans l'Ancien Testament. • Jacob dit de Zabulon qu'il 
« habitera sur la côte des mers et près du séjour des 
navires », Gen., xlix, 13, mais la tribu ne fournit 
pas de navigateurs. — Balaam termine sa prophétie 
par ces mots : Ve-sim miyyad Kiflîm, « et des vais- 
seaux de la région de Céthim » humilieront l'Assy- 
rien, etc.Num., xxiv, 24. D'après la Vulgate, ces vais- 
seaux sont des trirèmes venant d'Italie; mais KifHm 
désigne ordinairement Chypre, voir t. u, col. 466-470> 
et, d'une manière générale, les régions méditerranéennes. 
Les Septante traduisent autrement: « Il sortira (ii-zXeive- 
rai) de la main des Citiens, » etc. Cette traduction sup- 




403. — Bateaux sur les monuments assyriens. D'après les Portes de Balawat, pi. 15. 



Epist. cxxx, 15, t. xxn, col. 1119, recommande à Démé- 
triade d'avoir sans cesse la laine aux mains pour la 
tordre ou la mettre dans les alvéoles du tissage. On ne 
se servait pas toujours de navette pour lancer le fil; 
parfois, on lui substituait une grande aiguille appelée 
radius; primitivement, on se contentait de passer le fil 
de la trame à la main, comme le font encore les Bé- 
douins du Sinaï. Cf. E. H. Palmer, The désert of the 
Exodus, t. i, p. 125-126; Vigouroux, La Bible et les 
découvertes modernes, 6 e édit. , t. n, p. 571. Dans l'épi- 
sode de Dalila tissant au métier les cheveux de Samson, 
Jud.,xvi,13, 14, il n'est pas question de navette. Job, vu, 
6, se plaint que ses jours « passent plus rapides que la 
navette ». Celle-ci, en effet, habilement lancée par le 
tisserand, accomplit presque instantanément son trajet 
à travers les fils de la chaîne. Les versions n'ont pas 



pose qu'il y avait dans le texte hébreu le verbe yâsâ', 
« sortir, » au lieu du substantif sîm, « navires. » Les 
anciens manuscrits grecs et le Samaritain ont un verbe; 
la version chaldaïque a un substantif : « des foules, » 
ainsi que le Syriaque : « des légions. » La mention de 
navires, dans ce passage, est donc fort problématique. 
Cf. Rosenmûller, In lib. Num., Leipzig, 1798, p. 310, 
311; De Hummelauer, In Num., Paris, 1899, p. 307. — 
Dans les malédictions du Deutéronome, xxvm, 68, il est 
dit que le Seigneur ramènera sur des navires les Israé- 
lites infidèles en Egypte, où ils ne trouveront pas d'ache- 
teurs. Ces navires ne pouvaient être que ceux des 
Phéniciens, fournisseurs de denrées, d'objets manufac- 
turés et d'esclaves sur les grands marchés de l'antiquité. 
— Débora, dans son cantique, Jud., v, 17, reproche à 
Dan de s'être tenu sur ses navires, au lieu de prendre 



U95 



NAVIGATION 



1496 



part à la bataille. La tribu de Dan possédait en effet le 
port de Joppé, qui était d'un accès difficile, mais qui, 
sur toute cette partie de la côte, présentait le seul point 



2» Le roi Salomon se construisit une flotte à Asionga- 
b*er, sur la mer Rouge. Voir Asiongaber, t. i, col. 1097. 
Comme les Israélites étaient loin d'être experts dans 




404. — Transport par mer de bois du Liban. Musée assyrien du Louvre. 



abordable pour les vaisseaux marchands. On ne voit pas 
d'ailleurs, dans la suite de l'histoii>e, que les Danites aient 
eux-mêmes exploité le commerce maritime avec grand 
succès. La concurrence de leurs puissants voisins de Phé- 
nicïe ne pouvait que les écraser. Voir Dan, t. n, col. 1237. 



l'art de la navigation, le roi s'entendit avec Hiram, roi 
de Tyr, qui lui envoya des matelots pour accompagner 
et former les hommes chargés de voyager sur mer. Les 
vaisseaux allaient à Tharsis, sur les côtes indiennes. La 
navigation durait trois ans. On en rapportait de l'or, de 



1497 



NAVIGATION 



1498 



l'argent, de l'ivoire, des singes et des paons. III Reg., 
îx, 26-28; II Par., vin, 17, 18; ix, 21. Cette entreprise 
ne parait pas avoir survécu à Salomon. C'est déjà par 
mer et sur des radeaux que, par les soins du roi Hiram, 
les bois du Liban étaient arrivés jusque sur les côtes de 
Palestine. III Reg., v, 9 (fig. 404). Les vaisseaux salomo- 
niens étaient sans nul doute construits sur le modèle 
des galères phéniciennes qui faisaient le trafic sur toutes 
les côtes (fig. 405). — Plus tard, le roi Josaphat s'associa 
avec l'impie Ochozias, roi d'Israël, pour renouveler 
l'entreprise de Salomon et équiper une flotte à Asionga- 
ber. Mais la tempête brisa les vaisseaux dans le port 
même. Le prophète Éliéîer signifia au roi de Juda que 
ce désastre indiquait la désapprobation de Dieu. Aussi, 
quand Ochozias parla de reprendre le projet, Josaphat 
s'y refusa. III Reg., xxii, 49, 50; II Par., xx, 35-37. Le 



cf. Sap., v, 10, et du navire marchand qui vient de 
loin. Prov., xxxi, 14. — Isaïe, n, 16; lx, 9, mentionne 
les vaisseaux de Tharsis, particulièrement ceux qui se 
rendent au port de Tyr, Is., xxm, 1, 14, et les vaisseaux 
chaldéens. Is., xliii, 14. — Ézéchiel, dans son cha- 
pitre xxvn, parle avec détail du commerce maritime de 
Tyr, des vaisseaux de Tharsis qui naviguent pour son 
compte, et de la stupeur de tous les matelots du monde 
à la ruine de la puissante cité. — Jonas s'embarque à 
Joppé, sur un navire de Tharsis, qui est assailli par la 
tempête. Il paie, avant de s'embarquer, le prix du pas- 
sage, sâkâr, MaOXoM, naulum. Jon., i, 3. Les marins 
attribuent à la colère des dieux le péril qui les menace, 
et Jonas, désigné par le sort, avoue sa desobéissance et 
est jeté à la mer pour apaiser la divinité. Jon., I, 3-16. 
— Daniel, xi, 40, représente le roi du nord attaquant 




405. — Galère phénicienne. Thèbes. D'après une photographie. 



Psaume xlviii (xlvii), 7, fait allusion au vent violent 
qui brise les vaisseaux de Tharsis, et le Psaume civ 
(cm), 26, parle de la mer « où se promènent les navires ». 
3° L'auteur du Psaume cvn (cvi), 23-30, fait une inté- 
ressante description de la navigation sur mer et des 
dangers que courent les matelots : 

Ils descendent en mer sur des navires 

Pour faire le négoce sur les vastes eaux ; 

Ils voient les œuvres de Jéhovah 

Et ses merveilles sur l'océan. 

Il dit, et fait souffler le vent de la tempête 

Qui soulève les flots de la mer; 

Ils montent anxieux, descendent dans l'abîme, 

Leur àme défaille à la peine. 

Ils ont le vertige, chancellent comme un homme ivre, 

Et tout leur savoir-faire est à bout. 

Ils crient vers Jéhovah dans leur détresse, 

Et il les tire de feurs angoisses. 

Il change l'ouragan en brise légère 

Et les vagues s'apaisent. 

Us se réjouissent quand elles sont calmées, 

Et il les conduit au port où ils tendent. 

Dans les Proverbes, xxm, 34, le buveur de vin est 
comparé à l'homme couché au milieu de la mer et sur 
le sommet d'un mât. Il est parlé du navire qui ne laisse 
point de trace au milieu de la mer, Prov., xxx, 19, 



le roi du midi avec des chars, des cavaliers et de nom- 
breux vaisseaux. 

4° Dans son traité d'alliance avec les Romains, Judas 
Machabée, après leur avoir souhaité la prospérité sur 
terre et sur mer, s'engage à combattre avec eux, le cas 
échéant, sur terre et sur mer, et à ne fournir ni vivres, 
ni munitions, ni vaisseaux à leurs ennemis. I Mach., 
vin, 23, 26, 32. Sur le sépulcre paternel, à Modin, Simon 
Machabée fit dresser des obélisques et sculpter des vais- 
seaux que pouvaient apercevoir ceux qui naviguaient en 
mer. I Mach., xm, 27-29. — Le livre de la Sagesse, 
xiv, 1-5, par en ces termes de la navigation, telle que 
la pratiquaient les idolâtres : « En voici un autre qui 
songe à naviguer ; quand il entreprend de faire route à 
travers les flots sauvages, porté par un morceau de bois, 
il invoque un bois plus fragile encore (une idole)... Mais 
c'ejst votre providence, ô Père, qui gouverne... Aussi les 
hommes confient-ils leurs vies à un mince bois, et, en 
traversant la mer, sont sauvés par une barque. » — 
Enfin, l'auteur de l'Ecclésiastique, xxxin, 2, rappelle la 
tempête qui brise le vaisseau, et observe que « ceux qui 
naviguent sur mer en racontent les dangers, à l'admi- 
ration des auditeurs ». EccIL, xliii, 26. — Là se bornent 
les allusions de l'Ancien Testament à la navigation. Si 
on défalque les passages qui se rapportent aux étran- 
gers, on voit qu'en ce qui concerne les Israélites, il 



1499 



NAVIGATION 



1500 



n'est question de navigation réelle qu'à l'époque de 
Salomon. 

II. Dans le Nouveau Testament. — 1° L'Évangile ne 
mentionne qu'une seule espèce de navigation, celle qui 
se pratiquait sur le lac de Tibériade. A l'époque de 
Notre-Seigneur, les barques qui le sillonnaient étaient 
fort nombreuses. Joa., vi, 23. Beaucoup de Galiléens 
exerçaient le métier de pêcheurs; mais il ne leur était 
permis d'employer aucun moyen capable d'entraver la 
navigation. Cf. Gem. Bab. Baba Kama, 80, 2; Reland, 
Palsestina illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 261. De vio- 
lentes tempêtes agitaient parfois les eaux du lac et 
mettaient les bateliers en péril. Matth., vin, 23-27; 
Marc, îv, 35-40; Luc, vin, 22-25. Ceux-ci, instruits par 
l'expérience, savaient profiter du vent pour aller à la 
voile, ou, à son défaut, se servir des rames. Marc, vi, 
48; Joa., vi, 19. La batellerie du lac joua un rôle assez 
important pendant la guerre de Judée. Cf. Josèphe, Vit., 
32, 33; Bell.jud., II, xxi, 8-10; III, x, 1, 5, 6, 9. 

2° C'est dans l'histoire de saint Paul, racontée par les 
Actes, qu'il est question de navigation avec le plus de 
détails. — 1. L'apôtre se rend d'abord à Cypre, avec Bar- 
nabe. Act., xiii, 4, puis de Paphos à Pergé, en Pam- 
phylie, Act., xin, 13, ensuite de Pergé à Antioche, Act., 

XIV, 25. Barnabe retourne à Cypre avec Marc Act., 

XV, 39. Dans un second voyage, saint Paul passe succes- 
sivement de Troade à Samothrace, à Néapolis et à 
Philipes. Act., xvi, 11, 12. De Thessalonique, il est 
conduit par mer à Athènes. Act., xvn, 14, 15. De 
Cenchrées, il repart pour la Syrie, Act., xvm, 18, fait 
escale à Éphèse, Act., xvm, 19, et aborde à Césarée. 
Act., xvm, 22. Il passe ensuite d'Éphèse en Achaïe. 
Act., xviii, 27. D'Éphèse, il retourne encore en Macé- 
doine, Act., xx, 1, puis en Grèce, Act., xx. 2. Comme 
il a le dessein de regagner la Syrie par mer, les Juifs 
lui préparent des embûches, et il se décide à aban- 
donner la route directe, pour naviguer par Philippes, 
Troade, Act., xx, 6, Assos, Chio, Samos et Milet. Act., 
xx, 14-15. De Millet, il passe par Cos, Rhodes, Patare, 
et, trouvant là un vaisseau frété pour la Phénicie, il y 
prend passage, arrive à Tyr et enfin à Ptolémaïde, où 
il débarque pour se rendre à Jérusalem. Act., xxi, 2-7. 
Ces voyages s'exécutaient sur des bateaux de cabotage, 
qui ne s'éloignaient guère des côtes, et faisaient escale 
aux dsfférents ports pour y laisser ou y prendre des 
marchandises. Pourtant le voyage d'Éphèse à Césarée, 
Act., xvm, 19-22, a pu se faire directement en passant 
par le sud de Cypre; c'est le trajet qui est formellement 
indiqué pour la traversée de Patare à Tyr. Act., xxi, 3. 
— 2. Le principal voyage maritime de saint Paul est 
celui qui le conduisit de Césarée, t. il, col. 458, en Italie, 
après son appel à César. Mais il fut alors embarqué 
comme .prisonnier d'État, en compagnie de soldats qui 
avaient un certain nombre de détenus à conduire. Un 
navire d'Adrumète, à bord duquel il prit place, partit 
de Césarée et fit escale à Sidon. La route directe, pour 
gagner Adrumète, t. i, col.J251, port de Mysie, passait' 
au sud de Cypre, t. n, col. 1168; mais le vent contraire 
obligea le navire à remonter par le nord et à gagner 
Lystre, ou plutôt Myre, en Lycie, par les côtes de 
Cilicie et de Pamphylie. Act., xxvn, 2-5. Voir Myre, 
col. 1362. Là se trouva un vaisseau d'Alexandrie en partance 
pour l'Italie. Le centurion y transborda ses prisonniers. 
Mais le temps devint mauvais. De Cnide, t. Il, col. 812, 
on descendit vers la pointe orientale de l'île de Crète, 
au cap Salmone, puis, en longeant la côte, on arriva à 
Bons-Ports. Voir Crète, t. h, col. 1113; Bons-Ports, 
t. i, col. 1847. On était déjà à la fin de septembre, et, 
dans le monde gréco-romain, on considérait la naviga- 
tion Comme impraticable à partir de la fin d'octobre. 
Cf. Végèce, De re milit., iv, 39; César, Bell.yall., iv, 
36; v, 23. On se décida donc à hiverner à Phénice, au 
sud de l'île. Mais le vent du nord-est se mit à souffler, 



et poussa le navire au sud-ouest de la petite île de Cauda, 
t. H, col. 350. Les matelots, craignant d'être emportés 
dans les parages dangereux de la Syrte africaine, cein- 
trèrent le vaisseau et abattirent ses agrès, afin de donner 
moins de prise au vent. La tempête se déchaînant de 
plus en plus, on jeta successivement à la mer la car- 
gaison, puis les agrès. Quatorze jours après, toujours 
poussé par le vent d'est, le navire se trouvait dans 
l'Àdria, nom qui désignait alors la partie centrale de la 
Méditerranée. Voir Adriatique, t. i, col. 240. On aperçut 
alors un rivage. Les matelots y firent échouer le navire, 
en dressant la voile d'artimon de manière que le vent 
exécutât la manœuvre. Les matelots avaient d'abord 
voulu se sauver dans une barque, en abandonnant le 
navire à son sort; après l'échouement, les soldats son- 
gèrent à leur tour à massacrer leurs prisonniers, pour 
les empêcher de fuir. Saint Paul s'opposa avec succès 
à cette double inhumanité, qui devait se produire fré- 
quemment dans les cas analogues. Act., xxvn, 1-44. On 
avait abordé dans l'île de Malte. Voir col. 623. Les 
passagers y demeurèrent trois mois, probablement jus- 
qu'en février. Un autre navire d'Alexandrie, qui avait 
hiverné dans l'île, prit alors saint Paul à son bord, le 
mena à Syracuse, en Sicile, passa le détroit de Messine, 
arriva à Rhegium, puis à Pouzzoles, où se fit le débar- 
quement définitif. Act., xxviii, 1-14. On voit par ce récit 
que l'administration romaine utilisait les vaisseaux de 
commerce pour le transport de ses prisonniers. On pro- 
fitait des occasions, à mesure qu'elles se présentaient, 
et la navigation était à la merci des vents, des tempêtes 
et des accidents de toute nature. Dans sa seconde Épitre 
aux Corinthiens, xi, 25, antérieure à peu près de trois 
ans à ce dernier voyage, saint Paul nous apprend qu'il 
avait déjà fait trois fois naufrage, et qu'il avait été 
un jour et une nuit dans les abîmes de la mer. On 
croit que cette dernière expression signifie seulement 
qu'en une circonstance particulière, il se trouva aban- 
donné sur une barque désemparée au milieu des flots 
et fut ensuite recueilli par un navire de passage. Cf. Cor- 
nely, Epist. ad Corinth. altéra, Paris, 1892, p. 306. — 
3. Le récit que fait saint Luc du voyage maritime de 
saint Paul est d'une exactitude parfaite. Il fournit d'utiles 
indications sur la navigation des anciens. Pour aller de 
Palestine en Italie, on se rendait d'abord à Alexandrie, 
t. I, col. 357, reliée à Césarée par un trafic assez consi- 
dérable. A Alexandrie, on était sûr de trouver des vais- 
seaux en partance pour l'Italie. Cf. Suétone, Titus, 5. 
De fait, au cours de son voyage, saint Paul rencontra 
deux navires alexandrins, un à Myre, Act., xxvn, 6, et 
l'autre à Malte. Act., xxvm, 11. Il fallut la présence dans 
le port de Césarée d'un navire d'Adrumète pour qu'on se 
décidât à passer directement en Asie Mineure où il était 
facile, comme il arriva en effet, de trouver d'autres vais- 
seaux faisant route vers l'Italie. Un navire d'un fort 
tonnage était indispensable, à cause des prisonniers et 
des soldats qui devaient faire le voyage. Ce navire avait 
probablement une cargaison qui devait être débarquée 
par parties dans différents ports. C'est du moins ce que 
pratiquaient les bateaux montés par saint Paul dans ses 
précédents voyages. Les gros navires de charge ne pou- 
vaient guère louvoyer quand le vent était défavorable. 
Ils préféraient allonger leur route et profiter à la fois 
des vents et des courants. C'est ce que fit habilement le 
vaisseau d'Adrumète. La difficulté que rencontra le 
navire alexandrin de Myre pour naviguer dans les 
parages de l'île de Crète s'est produite de tous temps. On 
n'a cessé de le constater depuis lors. Les anciens en 
souffraient beaucoup. Cf. S. Grégoire deNazianze, Orat., 
xvm in patrem, 3i, t. xxxv, col. 1024; Poemata hi- 
stor., i, t. xxxvn, col. 993. L'armateur ou « maître du 
vaisseau » accompagnait ordinairement son navire, pour 
la conduite duquel il s'adjoignait un capitaine. Act., 
Xxvn, 11. Quand la tempête se déchaînait, il n'y avait 



1501 



NAVIGATION 



NAVIRE 



1502 



pins qu'à amener les voiles et à se laisser aller au gré 
des flots. Cf. Euripide, Troad., 686-688. Si elle redou- 
blait, on en venait aux dernières extrémités en allégean 
le navire de tout ce qui le chargeait, cargaison et agrès. 
Sur le danger que les Syrtes faisaient courir aux navi- 
gateurs, voir Syrte. Quand le temps était couvert et 
que l'on n'était plus en vue des côtes, les marins de l'anti- 
quité, qui n'avaient pas d'autres guides que le soleil et les 
étoiles, se trouvaient dépourvus de tout moyen de se diri- 
ger. Act., xxvii, 20. Ils erraient alors à l'aventure. C'est ce 
qui fait qu'après quatorze jours de tempête, le navire qui 
portait saint Paul se trouva en face de Malte, sans que 
les marins sussent où ils étaient. Ceux-ci exécutent 
alors une manœuvre intéressante. Au milieu de la nuit, 
ils jettent la sonde à deux reprises, et, reconnaissant 
l'approche d'un rivage, ils mouillent quatre ancres, pour 
éviter d'être portés sur des écueils, et attendent le jour. 



le troisième navire qui prit saint Paul à Malte s'arrêta 
à Rhégium, probablement pour prendre un pilote qui 
devait le guider à travers les écueils de Charybde et de 
Scylla, cf. Suétone, Titus, 5, et de là il arriva à Pouz- 
zoles, dans la baie de Naples, où abordaient les vaisseaux 
qui arrivaient d'Egypte. Cf. J. Smith, The Voyage and 
Shipwreck of St. Paul, Londres, 1848; A. Breusing, 
Die Nautik der Alten, Brème, 1886; J. Vars, L'art nau- 
tique dans l'antiquité, d'après A. Breusing, Paris, 
1887; A. Trêve, Une traversée de Césarée de Palestine 
à Putéoles, au temps de saint Paul, Lyon, 1887; Vigou- 
roux, Le Nouveau Testament et les découvertes arch éo- 
logiques modernes, Paris, 1896, p. 321-350. Voir Navire. 

H. Lesêtre. 

NAVIRE, construction en bois capable de transpor- 
ter sur l'eau des hommes et des objets divers. 

I. Différentes sortes de navires. — La Sainte 




M)6. — Bateau égyptien sur le Nil. Saqqara. IV* dynastie. D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. II, Bl. 96. 



Au matin, à la vue d'une plage, tous les passagers prennent 
quelque nourriture, puis on jette à la mer le reste du 
blé, afin d'alléger encore le vaisseau et de lui permettre 
de s'échouer [sur la plage, aussi près que possible du 
rivage. Cette proximité était rendue nécessaire par le 
fait que la chaloupe du bord avait été perdue pendant 
la nuit, quand les soldats, sur l'avertissement de saint 
Paul, en coupèrent les amarres, pour empêcher les mate- 
lots de se sauver avec elle en abandonnant les autres. 
Au matin, on lâche les ancres dans la mer, et on détache 
les gouvernails, pour rendre leur jeu indifférent. Voir 
Gouvernail, t. m, col. 282. Puis, on dresse une voile 
d'artimon, dans le voisinage de la poupe, afin que le 
vent pousse le vaisseau, poupe en avant du côté de la 
plage. C'est ce qui a lieu en effet. Mais dans un vaisseau 
capable de contenir deux cent soixante-seize personnes, 
la longueur de la quille est telle que la poupe est dans 
le sable alors que la proue flotte encore et est battue 
par les vagues. 11 faut donc débarquer par un fond qui 
dépasse la hauteur d'un homme. Ceux qui savent nager 
partent les premiers ; les autres gagnent la terre sur des 
planches ou des épaves. Si les marins ne reconnaissent 
pas tout d'abord l'Ile de Malte, c'est que d'habitude les 
navires qui allaient d'Orient en Italie laissaient cette île 
très au sud, pour gagner le détroit de Messine. Enfin, 



Écriture mentionne plusieurs espèces de navires, allant 
sur la mer, les lacs ou les fleuves. L'arche de Noé a été 
une sorte de navire de transport, mais d'une nature ex- 
ceptionnelle. Voir Arche de Noé, t. i, col. 923. Voici 
les noms donnés aux navires ordinaires : 

i" 'Onîyyâh, vaùç, irXoîav, navis, nom qui s'applique 
aux grands vaisseaux marins aussi bien qu'aux petites 
barques. Gen., xlix, 13; Jud., v, 17; Prov., xxx, 19; 
Jon., I, 3, 5. L"ônîyyâh sôhêr, vaûç iu,7iop£uo[;.évïi 
Haxpôôsv, «, navire au long cours, » navis institoris, 
Prov., xxxi, 14, est le navire du trafiquant, qui parcourt 
les mers pour transporter les marchandises. Les 'ânîyyôt 
(arsîs, 7r>ota hzlâaam, « navires de mer, » lô.oïa Kap/r,- 
Sdvoç, « navires de Carthage, » itXoîa ©apuc'ç, naves 
TharSÎs, étaient originairement les gros navires qui 
allaient chercher les denrées de Tharsis, en Espagne. 
Par extension, le nom de « vaisseaux de Tharsis » fut 
attribué à tous les navires de fort tonnage, quelle que 
fût leur destination, de même qu'on donne aujourd'hui 
le nom de « transatlantiques » même à des paquebots 
qui parcourent d'autres mers que l'Atlantique. Ps. xlviii 
(XL vil), 8 ; III Reg., x, 22; xxn, 49; II Par., îx, 21; xx, 
36, 37; Is., Il, 16; xxm, 1, 14; lx, 9. Une peinture 
égyptienne représente un vaisseau de cette espèce, avec 
un chargement d'arbres à encens et d'animaux. Voir 



1503 



NAVIRE 



1504 



t. n, fig. 561, col. 1771. Dans Job, ix, 26, il est question 
A"âniyyôt' êbéh, « bateaux de papyrus, » à la marche 
rapide. Ce sont les barques égyptiennes, aux formes 
si légères, souvent représentées sur les monuments 
(tig. 406). Voir aussi t. i, fig. 473, col. 1553; t. n, fîg. 408, 
col. 1126. Les Égyptiens s'aventuraient en plein cou- 
rant du Nil, « montés sur des canots légers, ou plutôt 
sur des paquets de joncs liés en fuseau et surmontés 
d'un plancher. » Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, Paris, 1895, t. I, p. 60. On voit la 
fabrication de ces canots figurés sur le tombeau des 
Ptahhotep. Les Septante traduisent par vavslv ïyyoçiSov, 



'onîyyôf. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 
1899, p. 58. 

3» Sefînâh, tt/oïov, navis, nom du navire de commerce 
sur lequel Jonas s'est embarqué à Joppé, Jon., i, 5,. et 
qui d'autre part est appelé 'ônîyydh. Jon., i, 3, 5. 

4° -Si, vaisseau. Num., xxiv,24;Is.,xxxin,21;Ezech., 
xxx, 9; Dan., xi, 30. Les Septante n'ont pas saisi le sens 
de ce mot; ils ne le rendent pas, ou, dans Ezéchiel, se 
contentent de reproduire phonétiquement le pluriel fini, 
ois![i. La Vulgate le traduit par trieris, « trirème, » 
traduction qui n'est qu'approximative. 

5° Naûç, navis, le navire en général. Sap., v, 10; 




407. — Fragment d'une trière grecque. Bas-relief de l'Acropole d'Athènes. 
D'après Baumeister, Denkmâler der klassischen Altertums, Leipzig, 1889, t. m, col. 1627. 



« trace de route pour les navires, » et la Vulgate par 
naves poma portantes, « navires portant des fruits, » 
en faisant venir 'êbéh de 'ëb, « verdure, » ou du chaldéen 
'ib, « fruit. » Isaïe, xviii, 2, parle aussi de keli gomé', 
« instruments de jonc, » ou nacelles de jonc, portant 
des messagers sur la mer, Septante : ènictoXort ëtéXivai, 
« des lettres de papyrus, » Vulgate : vasa papyri, ce 
qui traduit exactement l'hébreu. Le mot keli, vas, em- 
ployé dans ce seul passage d'Isaïe avec le sens de barque, 
passe de l'acception de vase, ustensile en général, à 
celle de vaisseau, comme en français le mot vaisseau 
passe à celle de vase. 

2° 'Onî, votûç, classis, navis, est un collectif qui a ordi- 
nairement le sens de flotte, comme traduit exactement 
la Vulgate. III Reg., ix, 26, 27; x, 11, 22; Is., xxxm, 
21. Dans les lettres de Tell el-Amarna, le mot ana' 
apparaît comme une glose chananéenne du mot elippu, 
vaisseau. Dans l'ancien égyptien, le vaisseau s'appelle 
hani ou ana. Dans les passages parallèles, II Par., vin, 
18; ix, 21, le collectif 'onî est remplacé par le pluriel 



Act., xxvn, 41. Ce mot désigne ordinairement le 
grands navires. 

6° Tpcrjp:r)ç, triremis, navire à trois rangs de rames. 
II Mach., iv, 20. Les rameurs étaient superposés sur 
trois rangs et ceux du rang supérieur avaient naturel- 
lement les rames les plus longues (fig. 407). 

7° IIXoiov, navis, mot désignant toutes espèces de 
navires de transport, de guerre, I Mach., xv, 3, de 
pêche, etc., mais" de dimensions ordinairement consi- 
dérables. Eccli., xxxm, 2; Joa., m, 4; Act., xx, 13, 38; 
xxi, 2, 3, 6; xxvn, 2-44; xxvm, 11 ; Jacob., m, 4; Apoc, 
vin, 9; xviii, 17, 19. Cependant saint Matthieu, vm, 
23, 24; rx, 1 ; xm, 2; xiv, 13, 22, 24, 29, 32, 33; xv, 39, 
et quelquefois saint Luc, v, 3, 7; vm, 22, l'emploient 
dans le sens de barque, navicula. 

8° IlXoictpcov, navicula, navigium, la barque du lac 
de Génésareth (fig. 408). Marc, m, 9; iv, 36; Joa., vin, 
22, 24; xxi, 6, 8. 

9° Exiçcx, iTxàipiri, scapha, le canot qui circule dans 
les ports, II Mach., xn, 3, 6, ou qui accompagne les 



1505 



NAVIRE 



1506 



navires de haute mer pour le débarquement des pas- 
sagers. Act., xxvii, 16,32. Josèphe, Vit., 33; Bell.jud., 
III, x, 1, appelle de ce nom les barques du lac de 
Génésareth. 

II. Construction des navires. — 1° Les navires 
égyptiens étaient surtout faits pour voguer sur le Nil. 
Une ancienne peinture représente les constructeurs de 
bateaux à l'ouvrage (flg. 409). La coque affectait presque 
toujours la même forme cambrée, avec une poupe très 
relevée, et une proue qui se recourbe élégamment vers 
l'intérieur. Un mât soutient une voile, et des rameurs 
occupent la cale (flg. 410). Les navires destinés à trans- 
porter par mer des marchandises ou des troupes étaient 



taine d'hommes en tout. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 
t. il, p. 197-199. 

2° Les Philistins eurent aussi leur marine, à l'aide 
de laquelle ils écumaient les mers, au moins dans les 
premiers temps de leur séjour sur la côte méditerra- 
néenne. Un de leurs navires est représenté, fig. 230, 
col. 861. Il est de forme analogue à ceux des Égyptiens, 
mais avec deux extrémités relevées perpendiculai- 
rement. 

3° Les galères phéniciennes avaient également les 
deux extrémités relevées comme les navires philistins, 
un faible tirant d'eau, et autour du bordage une ba- 
lustrade assez élevée, qui permettait de caser beau- 




408. — Barque actuelle du lac de Génésareth avec ses rameurs, près d'Ain Tabagha. 
Photographie de M. L. Heidet, lors de notre pèlerinage, en 1899. 



plus hauts de bordage, avec des formes plus lourdes, 
un mât plus fort, des cordages beaucoup plus gros et 
nombreux. Ils portaient une cinquantaine d'hommes. 
Quant aux marchandises, on les entassait sur le pont, 
où elles laissaient à peine la place indispensable à la ma- 
nœuvre. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, col. 392. 
Plus tard, sous la xvm e dynastie, la construction se 
perfectionna. La coque mesura de vingt à vingt-deux 
mètres, mais sans caler plus d'un mètre cinquante au 
plus creux. La poupe et la proue furent surmontées de 
balustrades. Les bancs des rameurs furent disposés à 
bâbord et à tribord, laissant le milieu libre pour les 
marchandises, les agrès ou les soldats. La muraille, 
haute de cinquante centimètres, était surmontée en cas 
de guerre par un mantelet qui ne laissait exposées que 
les têtes des rameurs. Le mât, toujours unique, avait 
huit mètres de haut, et la voile était tendue entre deux 
vergues de dix-neuf à vingt mèlres de longueur (fig. 410). 
L'équipage comprenait trente rameurs, une dizaine de 
matelots, autant de soldats, jamais plus d'une cinquan- 

DICT. DE L4 BIBLE. 



coup de marchandises et de les arrimer solidement. 
On en a une représentation, fig. 405, col. 1497. Les vais- 
seaux de la flotte de Salomon devaient tenir à la fois 
des modèles phéniciens et des modèles égyptiens, sans 
qu'il soit possible de déterminer dans quelle mesure. 
Quand, plus tard, les Phéniciens se lancèrent dans les 
expéditions lointaines, ils perfectionnèrent notable- 
ment la construction de leurs navires. La poupe con- 
tinua à se recourber, mais la proue prit la forme 
d'éperoâ^pour fendre les vagues et, au besoin, fracasser 
les vaisseaux ennemis. Le^navire fut ponté, pourvu de 
deux rangs de rameurs superposés, avec un seul mât 
solidement planté et une vergue qui s'abaissait à vo- 
lonté pour la manœuvre de la voile. Au-dessus des 
rameurs, un faux pont, abrité de chaque côté par des 
boucliers, servit à porter les matelots et les soldats 
(fig. 411). Le navire, bien équilibré, tenait bien la mer 
et se prêtait avec une sécurité suffisante aux excursions 
lointaines. 
4» Les Assyriens n'eurent longtemps que des barques 

IV. — 48 



1507 



NAVIRE 



1508 



rudimentaircs ou des radeaux pour transporter les 
matériaux sur leurs fleuves et leurs canaux. Leurs mo- 
numents représentent aussi des barques longues et 



et point de mât. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. m, 

p. m. 

5° Les navires grecs et romains de l'époque évangé- 




409. — Construction de barques en Egypte. Sauiet-el-Meitin, VI' dynastie. D'après Lepsius, Denkmâler, Abth. u, Bl. 108. 



plates sur lesquelles ils montaient pour poursuivre les 
ennemis dans les marais (fig. 412). Sennachérib, pour 
attaquer l'Élam par mer, créa une flotte qui descendit 
le Tigre et l'Euphrate. Sur le monument qui la repré- 



lique étaient de différentes formes (fig. 413). Le navire 
marchand, navis oneraria, tiXoïov çop-nxô'v, était lourd de 
forme, ordinairement ponté d'un bout à l'autre, à quille 
ronde et marchant à voiles, sans rames ni avirons. De 




'410. — Bateau égyptien de la flotte de Punt. D'après Dumïchen, Die Flotte einer âgyptischen Kônigin, pi. i. 



sente (fig. 411), on voit deux sortes de navires. Les uns 
sont identiques aux navires à éperon des Phéniciens, 
ce qui donnerait à penser que ces derniers ont tra- 
vaillé pour le compte du roi d'Assyrie. Les autres repro- 
duisent le vieux type babylonien, avec les deux extré- 
mités relevées de même manière, deux rangs de rameurs 



ce type est celui qui est représenté col. 1515, fig. 214. Cf. 
Tite Live, xxn, 11; xxx, 24; Corn. Nepos, Them., 2. 
Le navire de transport, navis actuaria, èTti'xwuo;, mar- 
chant à la fois à rames et à la voile, avait au moins 
dix-huit avirons, et servait à transporter rapidement 
des hommes, surtout à la guerre, mais sans entrer en 



1509 . ' NAVIRE 1510 

ligne. Cf. Tite Live, xxi, 28; xxv, 30; Aulu-Gelle, x, I cf. Hérodote, vi, 138, et tenant le milieu entre le navire 













3t <^ ïA 







■" ./ -~ a ^r : '- - --- j t : '■ r s^"^ry L - <f j / ~". fff7 ''*■?-. 




Tes- \ ^V 'fl, \\V3iS V ■ ?L^ JF 5 - V^Ef'-ï- ■#-Tp>r :r -"- != ^ &.'3&i j 



\_ _~j- "■ ~ 



Ml. — Navires assyro-phêniciens, montés par des marins phéniciens. D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. u, pi. 71. 

25, 3. La galère, navis longa, vaO; [laxpôt, n'avait qu'un i marchand et les hirèmes et les trirèmes, présentait une 
rang de rames, comptait jusqu'à cinquante rameurs, \ coque effilée et allongée. Cf. Rich, Bict. des antiq. rom. 



1511 



NAVIRE 



1512 



et grecq., p. 424, 425. Les navires marchands les plus 
considérables et les mieux conditionnés de cette époque 
étaient les navires d'Alexandrie. Ils jaugeaient jusqu'à 
600 tonneaux, chaque tonneau de mer représentant à 



lequel Josèphe fit le voyage de Rome en contenait 600. 
Cf. Josèphe, Fit., 3. A chaque passager était alloué un 
espace de trois coudées de long sur une de large, un 
peu moins de l m 50 sur O^SO. On ne lui fournissait 




412. — Bateaux plats assyriens dans les marais d'Élam. D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. n, pi. 27. 



peu près un mètre cube et demi d'après l'ancienne 
évaluation, et près de trois mètres cubes d'après la 
nouvelle. Lucien, Navig., 1, parle même d'un vaisseau, 
Vlsis, qui aurait eu une capacité de! 000 à 1 100 tonnes. 
Mais on croit qu'il exagère. Cf. J. Smi,th, The Voyage 
and Shipwreck of St. Paul, Londres, 1848, p. 147- 
150. Le navire alexandrin qui portait saint Paul et 
échoua à Malte contenait 276 personnes. Celui sur 



que l'eau; il avait lui-même à assurer sa nourriture, 
exception faite probablement pour les prisonniers, nour- 
ris par les soins du centurion qui les conduisait. Cf. A. 
Trêve, Une traversée de Césarée de Palestine à Pu- 
téoles, Lyon, 1887, p. 8, 9. 11 fallait nécessairement un 
fort tonnage à un navire qui portait tant de personnes, 
avec les provisions nécessaires et peut-être des marchan- 
dises, puisque même après une assez longue traversée, 



4513 



NAVIRE 



1514 



on peut encore jeter dans la mer une grande quantité 
de blé pour alléger le navire. Act., xxvii, 38. Cf. Fouard, 
Saint Paul, ses missions, Paris, 1892, p. 511-519. 

111. Gréement des navires. — 11 est fait mention dans 
la Bible des parties principales du navire et des agrès 
dont il est muni*: la proue, rcpiipcx, prora. Act., xxvii, 
30, 41; — la poupe, npû|ivr), puppis, Marc, iv, 38; 
Act., xxvii, 29, 41; — la cale du navire, yarketay has- 
sefinàh, -f) y.o£Xit) toO 7cXofou, interioranavis, Jon., 1, 5. 
— le mât, hibêl, forén, îo-tôî, malus, Prov., xxm, 34; 
Is., xxxm, 23; Ezech,, xxvn, 5; — le gouvernail, mjSâXiov, 
gubemaculum, Act., xxvii, 40; — les tillacs et les 
bancs, qerâsim, transira, qu'Ezéchiel, xxvii, 6, décrit 
comme étant en buis incrusté d'ivoire; — les rames, 
mâsôt, Sayît, xwirr), remus, Is., xxxm, 21; Ezech., 
xxvii, 6, 29; — les cordages, <rfoma, tunes, Act., xxvii, 



atténuer la violence des chocs contre les écueils. C'est 
à tort que quelques auteurs ont cru que le ceintrage 
se faisait dans le sens horizontal. Le sens du verbe grec 
suppose le passage des cordages par-dessous le navire. Ce 
procédé de consolidation est mentionné par les anciens. 
Cf. Polybe, XXVII, in, 3; Vitruve, X, xv, 6; Athénée, v, 
204; Thucydide, 1, 29, etc. Il n'est pas absolument hors 
d'usage. Cf. Conybeare and Howson, The Life and 
Epistles o( St. Paul, Londres, 1852, t. n, p. 404-405; 
Breusing, Die Nautik Aer Alten, Brème, 1886, p. 170-184. 
IV. L'équipage. — 1k A la tête de l'équipage est le 
xvgÊfvTJTiiK, gubernator, Act., xxvii, 11; Apoc, xvm, 17, 
le capitaine qui commande le navire. Sur les vaisseaux 
marchands ayant une cargaison importante, il est ac- 
compagné par l'armateur, vaOxXvjpoi;, nauclerus, Act,, 
xxvii, 11, qui a intérêt à la bonne direction du navire. 




413. — Deux bateaux romains, la Louve et le Lynx. Bas-relief représentant le port Claudien. 
D'après Lanciani, Ancient Rome, in-8\ Londres, 1888, vis-à-vis la p. 248. 



32; — les ancres, avxupoe, anchora, Act., xxvii, 29, 30, 
40; — les voiles, mifrâs, vélum, Ezech., xxvii, 7; — le 
canot du bord, ondtçiri, scapha, Act., xxvii, 16, 30, 32; — 
la sonde, fioXîç, bolis, Act., xxvii, 28; — le pavillon, nés, 
vélum, Ezech., xxvii, 7; — les boucliers, Selàtim, çotpé- 
tpai, pharetree, suspendus autour des navires, Ezech., 
xxvii, 11; —l'enseigne, rcapamrjfiov, insigne, Act., xxvm, 
11; — enfin le coussin, xpocrxeçàXaiov, cervical, disposé 
sur une barque pour s'y appuyer et y dormir. Marc., rv, 
38. Voir Ancre, t. i, col. 558; Castors, t. n, col. 342; 
Gouvernail, t. m, col. 282; Mât, t. iv, col. 861; Poupe, 
Pboue, Rame, Sonde, Voile. Saint Luc donne à l'en- 
semble des agrès le nom technique de oxeùo;, vas. 
Act., xxvn, 17. Ce sont les kêlîrn hébreux. Jon., 1, 5. 
Les vaisseaux avaient de plus une provision de cor- 
dages destinés à les ceintrer, ùitoÇwvvjeiv, accingere. 
Act., xxvii, 17. Cette opération s'exécutait en cas de 
danger. Elle consistait à passer par-dessous la quille 
du navire une série de cordages parallèles qu'on nouait 
solidement par leurs extrémités par-dessous le bor- 
dage.- Ces cordages empêchaient la coque de se dislo- 
quer sous l'effort de la tempête; ils pouvaient aussi 



Un pilote, 6 sJOûvwv, dirigens, a le maniement du gou- 
vernail. Jacob., m, 4. — 2» Les matelots portent diffé- 
rents noms : 'anse 'ônîyyôf, avSpeç vacutixâl,' viri nau- 
tici, « hommes des bateaux, » III Reg., ix, 27; — hobêl, 
xuëÉpvrj-rrjç, Ezech., xxvii, 8, 27-29; npiùpsiç, « timo- 
nier, » Jon., 1, 6, gubernator, nauta; le hobêl, mate- 
lot, tire son nom de hébél, « cordage; » — mallâfi, 
vowthuSs, xu>7Cï)}.<iTï)ç, nauta, Ezech., xxvii, 9, 27, 29; 
Jon., i, 5, matelot; — sàtim, xamiiXotTat, rémiges, 
« rameurs, » Ezech., xxvii, 8; — tofsë mâsôt, xw7cr|- 
AâToti, qui tenent remum, ceux qui manient la rame, 
Ezech., xxvii, 29; — vo-jtoi, nautse, les matelots, Act., 
xxvii, 27, 30. 11 est encore parlé de ceux qui sont cou- 
chés sur le haut du mât, Prov., xxm, 34, pour faire la 
manœuvre des voiles (flg. 414). Le marin de commerce 
est appelé sohèr, institor, « marchand. » Prov., xxxr, 
14 ; Is. , xxm, 2. Saint Jean nomme les marins trafiquants : 
ôuoi tt|v 6âXa<r<j-av êpYocï<mai, qui in mari operantur, 
« ceux qui exploitent la mer, » et rcâç ô lia tôxov xXéwv, 
« quiconque navigue vers un lieu, » Apoc, xvm, 17. 
La "Vulgate traduit cette dernière phrase : omnis qui in 
lacum navigat, « quiconque navigue vers un lac. » Il y 



&"*' 



1515 



NAVIRE — NAZARÉAT 



1516 



a évidemment une faute de copiste, qui a substitué 
lacum, « lac, » à locum, « lieu. » — Enfin il est ques- 
tion dans Ezéchiel, xxvii, 9, 27, de ceux qui réparent 
les Assures des navires, c'est-à-dire des calfats. 

V- Expressions métaphoriques. — Elles sont rares, 
comme il faut s'y attendre dans les écrits d'un peuple 




414. — Navire antique, figuré sur un tombeau de Pompéi. 
D'après Mazois, Ruines de Pompéi, Paris, 1804. 

qui n'est pas navigateur. Isaïe, xxni, 1, 14, invite les 
vaisseaux de Tharsis a pousser des cris, à la vue de la 
ruine de Tyr. Saint Jean exprime une pensée analogue. 
Apoc.,x viii, 19. Il dit aussi qu'au son de la seconde 
trompette, le tiers des navires périront, c'est-à-dire le 
tiers des hommes qui sont sur mer. Apoc, vin, 9. Enfin 
Isaïe, xxxin, 21, en parlant de Jérusalem restaurée, 
dit que le Seigneur lui tiendra lieu de fleuve, et que 
sur ce fleuve ne passeront ni navires à rames, ni grands 
vaisseaux, c'est-à-dire aucune flotte de guerre capable 
de troubler la paix. H. Lesêtre. 

NAXERA (Emmanuel de), jésuite espagnol, né à 
Tolède le 25 décembre 1604, mort à Madrid le 11 sep- 
tembre 1680, Pendant qu'il professait l'Écriture Sainte 
au scolasticat de la' Compagnie de Jésus à Alcala, il fit 
paraître à Lyon en 1647 un long commentaire du livre 
de Josué (in-f° de 794 p.), réimprimé à Anvers en 1650 
et à Lyon en 1652. Quelques années plus tard, il expli- 
quait pareillement Les Juges, en trois volumes de 594, 
640 et 648 p., aussi publiés à Lyon, 1656-1664. L'auteur 
ne s'attache pas uniquement à donner le sens littéral 
du texte, il en tire d'abondantes conclusions morales 
qu'il destinait surtout aux prédicateurs. Son travail sur 
Josué se termine notamment par un appendice sur 
l'Arche, considérée comme figure de^la Sainte Vierge. 
Naxera dans ces pages développe les louanges de Marie 
suivant l'esprit de ses diverses fêtes. 

P. Bliard. 

NAZARÉAT, vœu par lequel certains Israélites se 
consacraient au Seigneur, en s'obligeant à des abstinences 
déterminées. Celui qui avait fait ce vœu s'appelait nâzîr 
ou nezîi' 'Ëlôhîm. Ce nom vient du verbe nàzar qui 
veut dire « séparer », puis « consacrer », et consécu- 
tivement « s'abstenir ». Le mot assyrien analogue, no- 
zdru, signifie « maudire » et « ensorceler ». Les ver- 
sions rendent ndzir par eOi-auivo;, ïjÙyu.svoç, « celui qui 
a fait. vœu, » fjyiaaixévo:, « consacré, » consecratus, 
nazarœus. 

I. La loi du nazaréat. — Elle est formulée au cha- 
pitre vi du livre des Nombres. — 1° Le nazaréen doit 
s'abstenir de toute liqueur enivrante, de vin, de vi- 
naigre, et de tout ce qui sert à les faire, raisins frais 



ou secs, et même de la peau et des pépins de raisins. 
Num., w, 1-4. — 2» Il ne doit pas se couper les cheveux. 
Num., vi, 5. —3» Il doit éviter toute souillure provenant 
du contact d'un mort, s'abstenir même d'approcher du 
cadavre de ses plus proches parents, père ou mère, 
frère ou sœur. Num., vi, 6-8. — 4» Si quelqu'un meurt 
subitement à ses côtés, le nazaréen est souillé par le 
fait même et tout le temps de sa consécration déjà écoulé 
ne compte pas. Il doit se purifier pendant sept jours, 
raser ses cheveux le premier et le septième jour; le 
huitième jour, offrir au sanctuaire deux tourterelles ou 
deux jeunes pigeons, que le prêtre sacrifie l'un en 
holocauste et l'autre en victime expiatoire; enfin renou- 
veler son vœu de nazaréat et offrir un agneau d'un an 
en sacrifice pour le péché. Num.., vi, 9-12. — 5° Le 
temps de son vœu terminé, le nazaréen se présente de 
nouveau au sanctuaire et fait offrir un agneau d'un an en 
holocauste, une brebis d'un an en sacrifice expiatoire, et 
un bélier en sacrifice d'action de grâces, avec les pains 
azimes, les gâteaux, l'huile et les libations qui 'accom- 
pagnent ordinairement les sacrifices. Puis le nazaréen 
rase ses cheveux et les fait consumer par le feu du 
sacrifice d'action de grâces; il reçoit dans ses mains la 
partie des offrandes qui doit revenir au prêtre; il peut 
même, si ses ressources le lui permettent, offrir encore 
davantage. Enfin il est libre et est autorisé à boire de 
nouveau du vin. Num., vi, 13-21. — 6» Il est à observer- 
que les nazaréens sont assimilés au grand-prêtre, 
quant à la défense d'approcher du cadavre même des 
parents, Lev., xxi, 11, 12, et, en quelque manière, aux 
simples prêtres, quant à la défense de couper leurs 
cheveux. Lev., xxi, 5. La défense de boire du vin et 
des liqueurs enivrantes leur est commune avec le 
grand-prêtre et ses fils, au moins au temps où ceux-ci 
ont à exercer leurs fonctions. Lev., x, 8, 9. 

II. Origines du nazaréat. — 1° Il paraît évident qufr 
Moïse n'a pas institué le nazaréat, mais qu'il n'a fait 
que consacrer une coutume qui existait avant lui. Il 
parle en effet du vœu du nâzîr comme d'une chose 
déjà familière aux Israélites. Il s'agit donc d'un rite 
remontant à l'époque patriarcale. — 2» S. Cyrille 
d'Alexandrie, De adorât, in spir, et verit., 16, t. lxviii, 
col. 931, regarde le nazaréat comme un emprunt fait 
aux usages religieux des Égyptiens. Son opinion a été 
adoptée par Spencer, De legibus Hebrmor. ritual., Cam- 
bridge, 1685, III, vi, 1; J. D. Michaelis, Mosaisches 
Recht, Francfort-sJ-M., 17754780, t. m, 145, etc. Chez 
les Égyptiens, on constate l'usage de sacrifier la cheve- 
lure en certains cas. Ainsi on rase la tête des enfante 
totalement ou en partie, et l'on consacre l'argent équi- 
valent au poids des cheveux coupés à la nourriture des 
animaux sacrés. Cf. Hérodote, II, 65; Diodore de Sicile, 
i, 18, 83. Des coutumes analogues se retrouvent chez 
les Syriens, cf. Lucien, De Dea syra, 60, et chez les 
Sémites en général. Cf. Lagrange, Le livre des Juges, 
Paris, 1903, p. 259. Par contre, dans certains actes 
religieux, les prêtres égyptiens avaient à se munir 
d'une barbe postiche. Cf. Maspero, Histoire ancienne- 
des peuples de l'Orient classique, Paris, t. î, 1895, 
p. 124. Les Égyptiens ne laissaient guère croître leurs 
cheveux et leur barbe que dans le deuil. Cf. Hérodote, 
n, 36. A raison de leur consécration, les prêtres égyp- 
tiens devaient aussi s'abstenir de vin, cf. Plutarque, 
De Isid. et Osir., 6, et de certains aliments. Cf. Por- 
phyre, De abstin., iv, 7. — 3» Mais ces pratiques 
égyptiennes ne dépendaient nullement d'un vœu. Elles 
ne s'unissaient pas ensemble pour constituer un genre- 
particulier de vie, perpétuel ou temporaire. Aussi, 
malgré certaines ressemblances de détail, est-il tout à 
fait improbable que le nazaréat hébreu ait fait de réels 
emprunts aux pratiques égyptiennes. Cf. Winer, Bibl. 
Realwôrterbuch, Leipzig-, 1838, t. ji, p. 165; Bàhr, 
Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839„ 



1517 



NAZAREAT 



1518 



t. il, p. 439, 440. — 4 e II est donc à croire que le rite 
du nazaréat était déjà traditionnel dans la famille de 
Jacob et que son origine doit être cherchée dans les 
coutumes chaldéennes. Pour faciliter la pratique du 
nazaréat aux Israélites pauvres, leurs frères plus riches 
se faisaient un devoir de paver pour eux les frais né- 
cessaires. Act., xxi, 24. Fr. Buhl, La Société Israélite 
d'après VA. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 18, 
pense que l'abstention du vin était une sorte de pro- 
testation contre la vie chanaéenne encore en vigueur 
au milieu des Israélites. Il est d'ailleurs en soi assez 
naturel que celui qui veut consacrer sa vie au Seigneur 
s'abstienne de vin et de toute liqueur fermentée, ces 
boissons ayant parfois pour effet de faire perdre à 
quelqu'un la possession de soi-même. 

III. Signification des eues du nazaréat. — 1» Le 
nazaréat comporte deux actes distincts, l'un négatif, se 
séparer des autres hommes, Num., vi, 2, l'autre positif, 
se consacrer à Dieu, Num., vi, 8. Au premier corres- 
pond l'abstinence du vin et des liqueurs enivrantes, au 
second la croissance de la chevelure. La consécration 
qui résultait pour le nazaréen de ces deux actes l'assi- 
milait aux prêtres et l'obligeait même aux règles de 
pureté imposées au grand-prêtre. — 2° L'abstinence du 
vin n'était pour lui, par comparaison avec l'obligation 
imposée au grand-prêtre, Lev., x, 10, qu'un moyen 
de mieux distinguer ce qui était pur et saint de ce 
qui ne l'était pas. — 3° La croissance de la chevelure 
marquait la plénitude de la vie, comme la croissance 
de la végétation dans la nature. Voilà pourquoi tout 
contact avec les morts, même les plus proches, était 
interdit au nazaréen, la mort étant la contradiction 
formelle de la vie. — 4° Des trois sacrifices offerts par 
le nazaréen à l'expiration de son vœu, le troisième 
était le plus important, par la nature de la victime et 
par la combustion de la chevelure consacrée à Dieu. 
Les portions de la victime était mises dans les mains du 
nazaréen, comme il se pratiquait dans les sacrifices 
offerts pour la consécration des prêtres. Exod., xxix, 
24. Tous ces rites accusaient l'assimilation du nazaréat 
et du sacerdoce, au point de vue de la consécration à 
Dieu. — 5° La Loi ne prévoit pas le manquement volon- 
taire au vœu du nazaréat; le cas, sans doute, était 
regardé comme impossible, parce qu'on ne faisait le 
vœu qu'en connaissance de cause. Le manquement 
involontaire exigeait le sacrifice de deux oiseaux et 
d'un agneau, alors que, pour les impuretés ordinaires, 
on n'offrait qu'une brebis ou une chèvre, que les pauvres 
remplaçaient par deux oiseaux. Lev., v, 6-7. C'est 
qu'en effet la pureté imposée au nazaréen était plus 
parfaite que celle du simple Israélite. La souillure attei- 
gnant à la fois sa personne physique et morale, par 
conséquent sa chevelure consacrée et le temps écoulé 
de son vœu, il était de plus obligé de couper à nouveau 
sa chevelure et de recommencer le temps de son vœu. 
Toutes ces exigences indiquaient à quel degré devait se 
maintenir la pureté inséparable de la consécration à 
Dieu. Cf. Bàhr, Symbolik, t. n, p.. 430-436. - 6» Bien 
que le nazaréat ne comportât que des pratiques ex- 
térieures, la consécration à Dieu dont il était le signe 
entraînait nécessairement une vie plus religieuse que 
celle des autres Israélites. Aussi admet-on généralement 
que les nazaréens se livraient à un certain ascétisme 
qui les rendait plus parfaits, plus exemplaires et plus 
agréables à Dieu. Samuel, saint Jean-Baptiste, saint 
Jacques le Mineur, sont des hommes de haute vertu 
morale. 

IV. La pratique juive. — 1» La Loi autorise les 
hommes et les femmes à faire le vœu de nazaréat, et 
elle suppose que ce vœu est temporaire. Num., vi, 2, 13. 
Par ordre de Dieu, Samson fut voué au nazaréat avant 
sa naissance, Jud., xm, 5; Samuel fut également voué 
par sa mère. I Reg., i, 11. — 2° Au cours des âges, les 



Israélites interprétèrent les termes de la Loi pour en 
régler pratiquement l'exécution. Ces interprétations sont 
consignées dans le traité Nazir de la Mischna. On dis- 
tinguait les nazaréens en perpétuels et en temporaires. 
Les nazaréens perpétuels étaient de deux sortes; les 
uns s'en tenaient aux prescriptions de la Loi, mais 
pouvaient couper leurs cheveux une fois l'an; les 
autres, à l'exemple de Samson, ne coupaient jamais 
leurs cheveux, mais n'offraient aucun sacrifice en cas 
de souillure. Cf. Nazir, i, 2. Les nazaréens temporaires 
faisaient le vœu de nazaréat pour un temps d'au moins 
trente jours. S'ils se vouaient pour une période plus 
longue, ils étaient obligés de s'en tenir scrupuleusement 
aux termes de leur promesse. Cf. Nazir, i, 3. — 3° Dix 
prescriptions s'imposaient au nazaréen : 1. laisser 
croître ses cheveux; 2. ne pas se raser; 3. ne boire ni 
vin, ni vinaigre, ni liqueur fermentée; 4. ne manger 
ni raisin frais, 5. ni raisins secs, 6. ni pépins, 7. ni 
peau de raisins; 8. ne pas entrer dans la maison d'un 
mort; 9. éviter la souillure des morts, même des six 
qui sont mentionnés Lev., xxi, 2, à l'exception du mort 
laissé sans sépulture, que le grand-prétre lui-même 
était tenu d'inhumer, à défaut d'autre; 10. offrir les 
sacrifices prescrits, soit à la fin du vœu, soit dans le cas 
de souillure involontaire. Cf. Nazir, m, 3; S. Jérôme, 
In Amos, n, 12, t. xxv, col. 1010. On voit que l'usage 
atténuait, en certain cas, l'obligation de ne jamais 
couper ses cheveux. — 4 e Les cheveux des nazaréens 
n'étaient définitivement coupés que dans le Temple. 
Une salle particulière, située dans le parvis des femmes, 
était destinée à cet usage. C'est là aussi que les naza- 
réens faisaient cuire leurs offrandes. Cette destination 
d'un lieu réservé dans le Temple aux préparatifs des 
nazaréens prouve que le nazaréat temporaire était assez 
fréquemment pratiqué. Cf. Reland, Antiquitates sacras, 
Utrecht, 1741, p. 47. Si le nazaréen ne pouvait faire 
lui-même les dépenses nécessitées par ses sacrifices, 
il y était aidé par d'autres ; ceux-ci accomplissaient 
même en cela un excellente œuvre de piété. Quand le 
nazaréen mourait avant la fin de la période qu'il avait 
vouée, son fils ou son héritier pouvait se faire couper 
les cheveux et offrir les sacrifices à sa place. Pour la 
purification de la souillure contractée involontairement 
au contact d'un mort, on se servait de la cendre de la 
vache rousse, comme dans les cas analogues. Voir 
Lustration, col. 423 ; cf. Iken, Antiquitates hebraicse, 
Brème, 1741, p. 226-231; Reland, Antiquitates saerx, 
p. 142-145 ; G. F. Meinhard, De Nasirmis, Iéna, 1676. 
— 5° C'est à tort qu'on a voulu voir dans les nazaréens 
des sortes de moines. Cf. Dessovius, Vota monastica et 
Nasirseorum inter se collata, Kiel, 1703; Less, Progr. 
super lege mos. de nasirasatu, prima eademque anti- 
guissima vitse monasticse improbatione, Gœttingue, 
1789. Rien n'autorise cette assimilation, les vœux des 
nazaréens ne portant que sur des pratiques extérieures. 
Ils n'en étaient pas moins obligés de se surveiller de 
très près et de se tenir quelque peu à l'écart de leurs 
semblables, puisque le contact même involontaire d'un 
mort réduisait à néant tout ce qu'ils avaient fait anté- 
rieurement pour l'accomplissement de leur vœu. 

V. Les nazaréens célèbres. — L'histoire biblique 
et les^annales juives mentionnent un certain nombre 
de personnages qui ont été liés par le vœu du nazaréat. 

1» Samson fut voué par sa mère au nazaréat, sur 
l'ordre de l'ange qui annonça sa naissance. Les condi- 
tions de vie imposées à Samson sont nettement indi- 
quées : ne boire ni vin ni boisson fermentée, ne rien 
manger de souillé, ne point couper sa chevelure. Les 
aliments souillés qui lui sont défendus ne sont pas 
seulement ceux qui ont ce caractère pour tout Israélite, 
mais encore les raisins et ce qui en vient. Il doit être 
nazaréen jusqu'à sa mort. Jud., xm, 3-14. Il n'est pas 
question pour lui de s'abstenir du contact des morts. 



1519 



NAZAREAT — NAZAREEN 



1520 



Cette abstention eût d'ailleurs été inconciliable avec 
sa vocation, puisque Samson était précisément appelé 
à mettre à mort en grand nombre les ennemis de son 
peuple. Jud., xiv, t. Quand Samson révéla à Dalila 
le secret de sa consécration à Dieu, dont sa longue che- 
velure était le signe, et que celle-ci eût été coupée par 
sa faute, cette infraction à la loi du nazaréat entraîna 
pour lui la suppression du secours divin et la perte de 
sa force extraordinaire. Jud., xvr, 17-20. Quand ensuite 
ses cheveux repoussèrent et que le repentir descendit 
dans son cœur, Samson retrouva sa force et l'assistance 
de Dieu. Jud., xvi, 22, 28. Josèphe, Ant. jud., V, vm, 
11, ajoute au texte une remarque arbitraire et contraire 
à la réalité, quand il fait dire à Samson que sa force 
est en proportion de la longueur de sa chevelure. 

2° Samuel fut également voué au nazaréat par sa mère, 
Anne, qui prit cette détermination de son propre mou- 
vement. Elle stipula seulement que les cheveux de son 
fils ne seraient jamais coupés, et qu'il serait consacré 
au Seigneur. I Reg., i, 11, 22. Ces conditions suppo- 
saient le nazaréat complet. 

3° Amos, n, 11, 12, dit que le Seigneur a suscité 
parmi les Israélites des jeunes hommes qui se sont 
voués au nazaréat, mais qu'on leur a fait boire du vin, 
au mépris de leur vœu solennel. — Les versions men- 
tionnent encore les nazaréens dans trois passages de 
l'Ancien Testament. Dans la bénédiction de Jacob, il 
est dit de Joseph : « Que les bénédictions descendent 
sur la tête de celui qui est nâzîr, « prince, » entre ses 
frères. » Gen., xlix, 26. Les Septante traduisent : « Sur 
la tête de Joseph, et sur la tête des frères dont il est le 
chef. » Il n'y a donc pas lieu d'admettre ici la traduc- 
tion de la Vulgate : « Sur la tête de celui qui est naza- 
réen entre ses frères. » Rien en eifet ne permet de 
supposer que Joseph ait fait le vœu du nazaréat. La 
même expression se trouve reproduite dans la bénédic- 
tion de Moïse. Deut., xxxm, 16. Elle doit être inter- 
prétée comme dans la bénédiction de Jacob. Dans les 
Lamentations, îv, 7, il est aussi parlé des nezîrim d'Is- 
raël. Les Septante traduisent par vaÇipctïot et la Vulgate 
par naiarsei. Malgré l'autorité de ces deux versions, on 
s'accorde à reconnaître, d'après le contexte, qu'il s'agit 
dans ce passage de princes et non de nazaréens, le 
mot nazîr s'appliquant à l'un et à l'autre. 

4» Quand Judas Machabée vit que Jérusalem était aux 
mains des gentils et que le culte sacré y avait cessé, il 
rassembla les Juifs fidèles à Maspha, et faisant compa- 
raître les nazaréens qui avaient terminé leur temps, il 
dit : « Que ferons-nous d'eux? Où les conduire? » 
I Mach., m, 49, 50. C'est en effet au Temple, alors ina- 
bordable, que devaient se célébrer les sacrifices qui 
terminaient le nazaréat. — Plus tard, le roi Alexandre 
Jannée et Siméon ben Schétach donnèrent neuf cents 
têtes de bétail pour subvenir aux sacrifices de trois 
cents nazaréens. Cf. Gem. Hier. Nazir, 54, 2; Midrasch 
Koheleth, 107, 3. Le nazaréat ne cessait donc pas d'être 
en assez grand honneur parmi les pieux Israélites. 

5» En annonçant la naissance de saint Jean-Baptiste, 
l'ange Gabriel dit qu'il ne devra boire ni vin, ni liqueur 
enivrante et qu'il sera rempli de l'Esprit-Saint. Luc, i, 
14, 15. Il n'est point parlé de la chevelure à laisser 
pousser, et quelques auteurs en concluent qu'il ne peut 
être question ici de nazaréat. Mais l'ange n'était pas 
tenu de faire une énumération complète. Il omet ce qui 
regarde la chevelure, de même que la mère de Samuel 
a omis ce qui concernait le vin et les liqueurs fermentées. 
Les omissions se suppléent d'elles-mêmes. Saint Jean- 
Baptiste a été nazaréen dans le sens le plus éminent 
par sa sanctification surnaturelle et sa vie mortifiée. 
Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 49. 

6° Josèphe, Ant. juçi., XX, vi, 1, raconte qu'Hérode 
Agrippa, arrivant à Jérusalem avec le titre de roi, fit 
offrir de nombreuses victimes et couper les cheveux 



d'un grand nombre de nazaréens, ce qui doit s'entendre 
probablement en ce sens qu'il fournit ce qui était néces- 
saire pour que ces nazaréens pussent offrir leur sacri- 
fice final. Il raconte ailleurs, Bell, jud., II, xv, 1, que 
Bérénice, sœur du roi Agrippa, vint à Jérusalem, sous 
le procurateur Florus, pour accomplir un vœu de naza- 
réat. Il remarque à cette occasion qu'on se vouait au 
nazaréat pour trente jours, pendant lesquels on priait 
dans l'espérance d'obtenir la guérison d'une maladie 
ou la délivrance d'un péril. Enfin, la Mischna, Nazir, 
m, 6, dit que la reine Hélène d'Adiabène fit vœu de 
nazaréat pour sept ans, si son fils revenait heureux de 
la guerre. Cette condition ayant été remplie, la reine 
Hélène commença son nazaréat, sur la fin duquel une 
souillure annula ce qu'elle avait fait; elle recommença, 
et subit le même accident sur la fin de la seconde 
période; elle dut recommencer encore, de sorte que 
son nazaréat dura en tout vingt et un ans. 

7» A la fin de sa troisième mission, saint Paul se 
trouvant en Grèce et tenant à se rendre à Jérusalem, 
fit un vœu de nazaréat, et, avant de s'embarquer à Cen- 
chrées, coupa ses cheveux. Act., xxiii, 18. Régulière- 
ment, les cheveux du nazaréen devaient être coupés dans 
le Temple. Mais il est probable que, quand le vœu avait 
été fait à l'étranger, on pouvait se couper les cheveux 
là où l'on se trouvait à l'expiration du vœu, à charge 
de les porter à Jérusalem et d'y accomplir les rites 
prescrits. Saint Paul, qui se savait si jalousement sur- 
veillé par les Juifs, n'aurait pas voulu se permettre la 
moindre infraction aux usages reçus en pareille ma- 
tière. Il avait fait ce vœu soit par reconnaissance pour 
la protection divine qui l'avait préservé de tant de 
dangers, soit aussi afin de rendre irrévocable son dé- 
part pour Jérusalem. Cf. Fouard, Saint Paul, ses mis- 
sions, Paris, 1892, p. 268; Knabenbauer, Aclus Apost., 
Paris, 1899, p. 317, 318. Saint Luc appelle le vœu de 
saint Paul eù-^v. Philon, De victimis, édit., Mangey, 
t. ii, p. 249, désigne le nazaréat sous le nom de r, eO/r, 
[isfâXir], « le grand vœu. » 

8" Saint Jacques le Mineur, d'après Hégésippe, se 
serait astreint à toute la rigueur de la discipline des 
nazaréens. Cf. Eusèbe, H. E., n, 23, t. xx, col. 197. 
C'est ce qui expliquerait la vénération que les Juifs 
eux-mêmes avaient pour lui et la facilité qui lui était 
laissée de pénétrer dans le Temple. Un Réchabite inter- 
vint en sa faveur au moment du martyre. Voir Jacques 
(Saint) le Mineur, t. m, col. 1086, 1087. Les Récha- 
bites s'abstenaient de vin, comme les nazaréens. Mais 
là s'arrêtait la ressemblance entre les uns et les autres. 
D'ailleurs les Réehabites pratiquaient cette abstinence 
en la rattachant, non pas à la loi mosaïque, mais à 
l'ordre de leur ancêtre Jonadab. Jer., xxxv, 6. Voir 
Réchabites. H. Lesêtre. 

1. NAZARÉEN (hébreu : ndzir,«. séparé, consacré; s 
Septante : EÎ)$â(ievoc, T^ytiévo; dans les Nombres, vi, 
2 sq., Na£:p [Nocïtpaîoç, NaÏTjpatoî, NaÇetpaîoç, dans 
divers manuscrits], dans les Juges, xm, 5, 7; xvi, 17; 
et dans I Mach., m, 49; •r l yiaa[i.evo;, dans Amos, n, 11, 
12; Vulgate : Nazarœus), 1° celui qui était consacré à 
Dieu par le vœu du nazaréat. Voir Nazaréat. — 2" Le 
mot hébreu nâzîr a aussi le sens de « prince », dans 
Gen., xlix, 26, et Deut.,xxxin, 16, où il est dit de Joseph, 
« prince de ses frères, » et dans les Lamentations, IV, 
7, où il est dit des princes de Juda. Dans ces trois pas- 
sages, la Vulgate a traduit nâzîr par Nazarœus. — 3° Dans 
saint Matthieu, n, 23, nous lisons : « [Joseph] vint ha- 
biter une ville nommée Nazareth, afin que s'accomplit 
ce qu'avaient dit les prophètes : Il sera appelé Nazaréen 
(grec : NaÇwpuîoç; Vulgate : Nazarœus). » Certains 
commentateurs pensent, sans exclure la signification « ha- 
bitant de Nazareth », que « Nazaréen » signifie ainsi ici 
« consacré à Dieu » par le nazaréat, mais cette explica- 



1521 



NAZARÉEN — NAZARETH 



1522 



tion est difficile à défendre. Voir J. Knabenbauer, 
Comment, in Matthxum, 1882, t., i. p. 113. 

2. NAZARÉEN (grec : Naïapïjvo'; et NaÇœpaïoî; Vul- 
gate : Nazarenus), 1° habitant de la ville de Nazareth. 
Dans le textus receptus grec, Nazaréen est écrit NaÇapr- 
vo'ç dans Marc, i,24;xiv,67; xvi, 6; Luc, iv, 34;Na^a- 
païoç dans Marc, x, 47; Naïupaîef, dans Matth., il, 
23; Luc, xvm, 37; xxiv, 19; Joa., xvm, 5; xix, 19; 
Act., Il, 22; m, 6; IV, 10; VI, 14; xxn, 8; xxvi, 9. L'or- 
thographe varie, du reste, dans les divers manuscrits 
de ces passages. Le titre de la croix, à l'église de Sainte- 
Croix de Jérusalem à Rome, porte : NAZAPENOTZ 
avec les lettres écrites au rebours. Voir Vigouroux, Le 
Nouveau Testament et les découvertes archéologiques, 
1" édit., p. 185, fig. 7. Ce mot n'est employé comme 
nom ethnique que pour déterminer le nom de Jésus, et 
marquer qu'il habitait Nazareth, dans les passages cités. 
Voir Nazareth. — 2° En un seul endroit, Act., gtxiv, 5,1e 
nomde «Nazaréens» est donné par les Juifsaux sectateurs 
de Jésus-Christ, NaÇwpotïot, et il leur fut attribué plus 
d'une fois dans la suite (Tertullien, Adv. Marcion., IV, 8, 
t. Il, col. 372), en particulier par les Juifs. Une secte 
apparentée aux Ébionites et composée de chrétiens con- 
vertis du judaïsme qui voulaient conserver la pratique 
de la loi mosaïque reçut aussi le nom de Nazaréens. 
Ils faisaient usage de l'Évangile de saint Matthieu, en ara- 
méen, m x»6' t E6paîouç Eùa-pfÉMov, Evangelium juxla 
Hebrœos. Voir sur cet Évangile, Matthieu (Évangile 
le saint), col. 881-882. Cf. Wirthmùller, Die Nazoràer, 
Ratisbonne, 1864. 

NAZARETH (NaÇapi, NaÇapér, Na£apÉ6, NaÇapà-r, 
NaÇapâ6), petite ville de Galilée, où s'accomplit le mys- 
tère de l'Incarnation, où Notre-Seigneur passa son en- 
fance et sa jeunesse jusqu'aux débuts de sa vie publique. 
Matth., n, 23; iv, 13; XXI, 11; Marc, i, 9; Luc, î, 26; 
il, 4, 39, 51; iv, 16; Joa., i, 45, 46; Act., x, 38. 

I. Nom. — Le nom de Nazareth ne se trouve ni dans 
l'Ancien Testament, ni dans Josèphe. Il offre, dans les 
manuscrits du Nouveau Testament, une certaine variété 
d'orthographe, et son étymologie est douteuse. Nos 
meilleures éditions critiques même ne sont pas d'ac- 
cord. Ainsi C. Tischendorf, Novum Testamentum grsece, 
édit. 8\ Leipzig, 1869, t. i, sur les douze passages où 
le mot est cité, emploie trois fois seulement NaÇapét, 
Marc, i, 9, et Joa., i, 45, 46, tandis que Westcott et 
Hort, The New Testament in the original Greek 
Londres, 1898, t. i, l'emploient huit fois, Matth., n, 23;, 
Marc, i, 9; Luc, i, 26; H, 4, 39, 51; Joa., i, 45, 46. 
Tischendorf a sept fois Nappée, Matth., n,23; xxi, 11; 
Luc, i, 26; il, 4, 39, 51; Act., x, 38; Westcott et Hort, 
deux fois, Matth., xxi, 11; Act., x, 38. Mais, quelle que 
soit la lettre finale, la terminaison pÉT, péô est appuyée 
par les meilleurs témoins. La forme NaÇapetT, NaÇapdfl 
se rencontre principalement dans le Codex Alexandri- 
nus (A) et dans un manuscrit du IX e siècle, le Codex 
Sangallensis (A). On trouve enfin NaÇapâ en deux en- 
droits, Matth., iv, 13; Luc, iv, 16. Keim, Geschichte 
Jesu von Nazara, Zurich, 1867, t. I, p. 319, t. H, p. 421, 
a essayé de montrer que cette dernière était la forme 
originale. Hengstenberg, Christologie des alten Testa- 
ments, Berlin, 1854, t. h, p. 124, prétend que le nom 
était proprement et primitivement "iï:, Nêsér, auquel 
on ajouta en araméen la terminaison féminine n, a, et, 
à l'état emphatique, n, t. Il fait appel pour cela au té- 
moignage des anciens Juifs, pour qui ni::, Nôserî, est 
« celui qui est né dans la ville de Nêsér en Galilée, à 
trois jours de chemin de Jérusalem ». Dans le Talmud, 
le Christ est appelé nï3 p, ben Nêsér, ou nrun, han- 
Nôseri, « le Nazaréen. » Cf. Buxtorf, Lexicon chaldai- 
cum, p. 1383. Les chrétiens étaient également appelés 
DHïi^n, han-Nôserîm, « les Nazaréens. » Du temps 



d'Eusèbe, H. E., i, 7, t. xx, col. 97, et de saint Jérôme, 
Ononiastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 143, le nom de 
la ville était Nazara. C'est de celte forme en tout cas 
que dérivent les adjectifs Naî;apr;v6ç, employé Marc, 
i, 24; x, 47, etc., et Luc, iv, 34; xxiv, 19, et NaÇœpaïoç, 
employé Matth., n, 23; xxvi, 71; Luc, xvm, 37; Joa., 
xvin, 5, 7; xix, 19, et Act., n, 22; m, 6; iv, 10, etc. On 
ne trouve nulle part NotfocpETaîoe. On peut objecter 
sans doute que le s, tsadé, est ordinairement rendu en 
grec par <x, et que le Z. représente plutôt le t, zaïn 
hébreu. Mais il est des exemples de noms dans lesquels 
les Septante ont traduit le tsadé par £; ainsi : yw, '£/?, 
0$', Gen., x, 23; xxn, 21; lys, Sô'ar, Z^opoc. Gen., 

xin, 10. Ce qui confirme la racine iïj, Nêsér, c'est le 

nom actuel de la ville, Xj-oLUI, En-Ndsirah, dans lequel 
le sàd arabe correspond au tsadé hébreu. Le mot nêsér 
signifie « rejeton » ; la Vulgate l'a traduit par flos, 
« fleur, » dans ce passage d'Isaïe, xi, 1, qui s'applique 
au Messie : 

Un rameau sortira de la tige de Jessé, 
Un rejeton poussera de ses racines. 

C'est à ce passage que, suivant un grand nombre de 
commentateurs, saint Matthieu, n, 23, ferait allusion en 
rappelant le nom prophétique de NaÇwpocïoç, « Naza- 
réen, » qui devait être celui du Sauveur. Le latin 
Nazarxus et le français Nazaréen, traduisant égale- 
ment l'hébreu "Vh, « séparé, consacré » à Dieu, qui 

•T 

désigne certains ascètes de l'Ancien Testament, ont 
apporté ici un peu de confusion. Voir Nazaréen 1, 
col. 1520. Quoi qu'il en soit, saint Jérôme, Onomastica 
sacra, p, 62, assignant au mot Nazareth l'origine que 
nous venons de mentionner, lui donne le sens de 
« fleur, rejeton », et sainte Paule et sa fille Eustochie, 
écrivant à Marcella, lui disaient : « Nous irons à 
Nazareth, et, suivant l'interprétation de son nom, nous 
verrons la fleur de la Galilée. » Cf. T. Tobler, Itinera 
et descriptiones Terrss Sanctm, Genève, 1877, t. i, 
p. 46. Mais le verbe nâsar a une autre signification, 
celle de « garder, protéger », et- elle est adoptée par 
certains auteurs. Ainsi Keim, Geschichte Jesu von 
Nazara, t. i, p. 319, et t. n, p. 421, préfère la forme 
msi, Nôserdh, « celle qui garde, qui veille. » Delitzsch, 

dans la Zeitschrift fur lutheranischc Théologie, 1876, 
p. 401, est pour ms», Nesérét, qui a le même sens. 

Enfin Ewald, dans les Gotlingische Gelehrte Anzeigen, 
1867, p. 1602, propose m'ss, Nisôréf, « tour de garde. » 

A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, 
p. 189-190, croit retrouver le nom de Nazareth dans 
celui de n>ns, $eriyéh, que le Talmud accole à celui 
de Bêf Léhem de Galilée pour dire : « Beth-Lehem 
près de Nazareth ou dans le district de Nazareth. » 
i$eriyéh serait mis pour Naseriyéh, le nun initial ayant 
pu être omis par un copiste. Malgré tout ce que ces 
conjectures ont de fragile, Nazareth, nous allons le voir, 
n'en mérite pas moins, par son gracieux aspect, le nom 
de c fleur de Galilée » et les collines qui l'entourent 
semblent former autour d'elle une couronne prolec- 
trice. 

II. Situation et description. — Nazareth est située 
sur les derniers contreforts des monts de Galilée, qui, 
descendant du Liban, viennent fermer au nord la 
grande plaine d'Esdrelon. Une route carrossable la re- 
lie à Khaïfa à l'ouest et à Kêfr Kenna au nord-est ; 
des chemins la rattachent à Seffuriyéh au nord, à 
Endor et Naïn au sud-est, à la plaine de Jezraël au sud. 
Voir le plan (fig. 415). 

1° Aspect général. — Nazareth occupe le côté sud- 
ouest d'un vaste cirque, qui ressemble à un golfe 
paisible dont une nappe de verdure remplacerait les 
eaux disparues. Les collines crétacées qui l'environnent 



1523 



NAZARETH 



1524 



forment, de leurs croupes arrondies, comme les bords 
gracieusement contournés de l'immense coquille sur les 
parois de laquelle elle repose. Quelques-unes de ces 
hauteurs, élevées en moyenne de quatre à cinq cents 
mètres au-dessus de la mer, sont dénudées, mais, sur 
les autres, des fleurs mêlées à des plantes aromatiques 
percent les broussailles de leurs brillantes couleurs. 
Sur le versant de la montagne, dont le sommet domine 
là ville, les maisons, presque toutes bâties en pierre de 
taille, s'étagent en détachant leur blancheur sur le vert 
tendre des oliviers et les sombres haies de cactus 
(fig. 416). Des terrasses soutenues par des murs per- 
mettent de cultiver différents arbres, entre autres de 
magnifiques figuiers et quelques dattiers. Au printemps, 
comme l'ont remarqué tous les voyageurs, et en parti- 



mouvement commercial qui donnait tant de vie aux 
bords du lac de Tibériade. 

2° Population et quartiers. — La population actuelle 
de Nazareth est d'environ 7 500 habitants, dont près de 
2 000 musulmans, et le reste composé de grecs ortho- 
doxes, de grecs-unis, de latins, de maronites et de pro- 
testants. La plupart se livrent à l'agriculture, au jardi- 
nage, ou à différentes industries, en particulier à la 
fabrication de couteaux et au commerce du coton et des 
grains. Les charpentiers y sont assez nombreux (fig. 417) 
et travaillent toujours dans un atelier distinct de la 
maison où demeure leur famille. Cet atelier est tou- 
jours au rez-de-chaussée et n'a pas d'appartement des- 
tiné à être habité. L'amour du travail amène chez les 
habitants de Nazareth une aisance relative, mais leur 




415. — Plan de la ville de Nazareth. D'après Baedeker. 



culier un savant naturaliste, M. Lortet, La Syrie d'au- 
jourd'hui, dans le Tour du monde, t. xli, p. 54, cette 
partie de la Galilée est un parterre non interrompu, 
formé surtout par des myriades d'anémones, de tulipes, 
d'iris, de scabieuses et de renoncules écarlates (Ranun- 
culus asiaticus), qui remplacent là les bleuets et les 
coquelicots de nos blés. Au nord de la ville, la plus 
haute colline, le Aébi Sa'în (485 mètres d'altitude), 
offre, de son sommet, un splendide panorama (voir la 
carte de la Galilée, t. m, col. 88) : en tournant les re- 
gards de l'est vers le sud et l'ouest, on aperçoit suc- 
cessivement le dôme arrondi du Thabor, le petit Her- 
mon ou Djebel Dahy, les hauteurs du Gelboé, les mon- 
tagnes de Samarie et la croupe allongée du Carmel, 
dont la pointe nord-ouest tombe dans les flots de la 
Méditerranée. Vers le nord s'étend la belle plaine de 
Battauf, dont les eaux alimentent le Cison; puis plus 
loin, vers le nord-est, une série de dômes étages est 
dominée par la blanche et majestueuse tête du Grand 
Hermon. Le caractère particulier de Nazareth est celui 
d'une charmante et silencieuse retraite, bien faite pour 
abriter la vie cachée de l'Homme-Dieu. Elle est, en 
effet, séparée par sa barrière de collines et de la 
grande route qui passait par la plaine d'Esdrelon et du 



réputation de turbulents et chicaneurs n'a, paraît-il, 
guère changé depuis le temps de Notre-Seigneur. 
Leur costume, un peu différent de celui des paysans de 
la Judée, est assez remarquable par le cordon de poil 
de chameau et le voile blanc qui constitue la coiffure. 
Les femmes, en habits de fête, portent une jaquette 
brodée de diverses couleurs et se parent le front et la 
poitrine de pièces de monnaie. Matin et soir, les Naza- 
réennes, dont un auteur ancien attribuait la beauté à 
un don de la Vierge Marie, viennent en longues files 
remplir leurs grandes urnes à forme antique à la source 
de la ville, qui porte encore le nom de 'Aïn Miriam, 
« la Fontaine de Marie, » ou « Fontaine de la Vierge » 
(fig. 418). Rien de plus gracieux que l'attitude de ces 
canéphores ambulantes, qui rappellent la mère du 
Sauveur venant là même faire la provision du pauvre 
ménage. Un pan de leur écharpe enroulé forme une 
couronne sur laquelle l'amphore est posée en équilibre, 
légèrement inclinée sur le côté. La main droite saisit 
une des anses, tandis que le poing gauche s'appuie sur 
la hanche, pour faire contrepoids. < 

La ville est divisée en plusieurs-quartiers : hdret el- 
gharbiyéh, « quartier occidental, » habité par des 
grecs-unis, des latins et des musulmans; au-dessous, 



1527 



NAZARETH 



1528 



hârêt el-gharaba; hâret el-lâtin, « quartier latin, » au 
sud-ouest : latins et maronites; plus haut, hâret es- 
surûdji : maronites-, grecs-unis, latins et musulmans; 
au centre, hâret el-islâm, « quartier musulman, » 
habité exclusivement par des musulmans; à l'est, hâret 
es-sarqiyéh, « quartier oriental : » musulmans; au 
nord, hâret er-rûm, « quartier grec : » grecs catho- 
liques, orthodoxes, russes, protestants, musulmans. 
Chaeune de ces différentes confessions a ses édifices ou 
établissements religieux, églises, couvents, écoles, or- 
phelinats, hospices. Si la ville, à l'extérieur, présente 
un assez bel aspect avec ses maisons blanches séparées 
par de petits jardins, elle est moins attrayante à l'inté- 
rieur. Ses rues, tracées sans aucun ordre sur des pentes 



seignement traditionnel, à été transportée à Lorette. Il 
ne reste donc plus ici, comme objet de la vénération 
chrétienne, qne la grotte qui y était attenante. C'est le 
lieu le plus important que nous ayons à étudier, avec 
l'église qui le recouvre. 

1° Sanctuaire de l'Annonciation. — A) Etat actuel- 
— L'Église de l'Annonciation (fig. 420) se trouve au sud 
et au bas de la ville, sur les premières pentes de la 
montagne. Dans la forme qu'elle présente aujourd'hui, 
elle ne remonte pas au delà du xvn» siècle; elle a même 
subi des remaniements considérables dans la première 
partie du XVIII e siècle, et n'offre rien de remarquable 
dans son architecture. Tournée du sud au nord, elle est 
partagée en trois nefs par de puissants pilieïs. L'inté- 




L> près une photographie de M. L. Heictet. 



abruptes, sont raides et glissantes; pavées, elles ont au 
milieu un caniveau qui, au moment des pluies, roule 
des torrents d'eau. Un certain nombre de maisons sont 
adossées à la montagne, contre le roc calcaire, et dans 
ce roc qui est assez tendre, il y a parfois, au fond de la 
maison,, une grotte soit naturelle, soit creusée ou 
agrandie artificiellement. On habite même de simples 
grottes (fig. 419). Sur Nazareth actuelle, au point de. 
vue des confessions religieuses et de leurs dépendances, 
du commerce et de l'industrie, cf. G. Schumacher, Das 
jetzige Nazareth, dans la Zeitschrijt des Deutschen 
Palâitiria-Vereins, Leipzig, t. xm, 1890, p. 235-245, 
avec un plan, pL 4, p. 204. 

III. Monuhexts et souvenirs. — C'est à Nazareth 
que l'ange Gabriel fut envoyé pour annoncer à Marie 
qu'elle serait mère de Dieu; c'est dans cette humble 
bourgade que le Sauveur passa les trente premières 
années de sa vie. Il n'est donc pas étonnant que la tra- 
dition ait cherché à localiser les faits qui se rattachent 
au mystère de l'Incarnation ou certains souvenirs 
évangéliqués. La demeure de la Sainte Vierge devait se 
composer, comme la plupart des maisons adossées à 
la montagne, d'une partie creusée dans le roc, et d'une 
autre bâtie en maçonnerie. Cette dernière, suivant l'en- 



rieur est long de 21 mètres sur 15 de large. On monte 
par deux escaliers de marbre, disposés à droite et à 
gauche, au maître-autel et au chœur, qui occupent une 
partie de la nef centrale et s'élèvent au-dessus de la 
crypte. L'entrée de celle-ci est située entre les deux 
rampes, et on y descend par un bel escalier de marbre 
de dix-sept degrés (fig. 421). Avant de franchir les 
deux derniers, on rencontre une sorte de vestibule 
appelé la Chapelle de l'Ange : c'est un rectangle de 
huit mètres de long sur 2 m 70 de large, ayant à droite un 
autel dédié à sainte Anne et à saint Joachim, et à gauche, 
celui de l'archange Gabriel. Chacun de ces autels est 
orné d'une colonne monolithe en granit, provenant de 
la basilique primitive. Entre les deux, une arcade ogi- 
vagle, appuyée sur deux colonnes torses en marbre, 
donne accès dans le sanctuaire proprement dit de l'An- 
nonciation, où conduisent les deux dernières marches. 
Dans le principe, cette chapelle était plus grande que 
celle de l'Ange, mais elle est maintenant divisée en 
deux par un mur de refend. Entièrement creusée dans 
le roc, elle a été revêtue de marbre, à l'exception de la 
voûte. Dans la première partie se trouve la chapelle de 
l'Annonciation, en marbre blanc élégamment sculpté et 
décoré de quatre colonnes en marbre gris-vert; sous la 



1529 



*£■■ 



NAZARETH 



1530 



table et dans la paroi du fond sont gravés ces mots : Hic 
Verbcm CAro faCTum est. A gauche de l'entrée sont deux 
colonnes de granit rouge, l'une brisée dans le bas et 
suspendue à la voûte, l'autre tout auprès, à moitié en- 
gagée dans la maçonnerie d'un pilier. On les appelle 
quelquefois, la première, colonne de la Vierge, et la 
seconde, colonne de l'Ange, parce qu'elles représente- 
raient, d'après certaines croyances, la place respective 
de l'Ange et de la Vierge au moment de l'Annonciation. 
A l'extrémité orientale de l'autel, une porte à laquelle 
on monte par deux degrés conduit à un second sanc- 
tuaire, voûté en forme d'abside et qui, primitivement, 
ne faisait qu'un avec le précédent. Un autel adossé à 



comme nous l'apprennent les anciens pèlerins. Au sud, 
appuyée contre le rocher de la grotte, était la maison 
de la Sainte Vierge, couvrant, dépassant même en lon- 
gueur l'espace occupé aujourd'hui par la chapelle de 
l'Ange", et débordant sur l'escalier actuel. Elle avait ses 
entrées extérieures à l'ouest, où a été retrouvé un esca- 
lier ancien, et à l'est. Elle communiquait avec la grotte par 
une porte septentrionale, transformée dans les travaux 
postérieurs, mais découverte par le Fr. Benoit Vlaminck 
derrière l'autel moderne de l'Ange (a). Au sud-ouest de la 
grotte, le même religieux a mis à jour une chambre 
ornée de mosaïques byzantines (6) avec l'inscription : 
Kwviovo; 6iax[ovoy] lEpoejo).'j[j.(»>v; elle contenait encore 




^rVTT 




418. — La fontaine de la Vierge. D'après une photographie. 



celui de l'Annonciation est dédié à saint Joseph fuyant 
en Egypte. Du fond de cette chapelle, un petit escalier 
conduit, à travers le rocher et le blocage d'un ancien 
mur, à une petite grotte obscure, qui est une ancienne 
citerne et qu'on appelle faussement la Cuisine de la 
Sainte^ Vierge. 

B) État ancien. — Les fouilles pratiquées par les 
Pères Franciscains nous permettent de reconstituer 
l'antique disposition du sanctuaire (fig. 422). L'an- 
cienne basilique était beaucoup plus grande que l'église 
actuelle et était orientée de l'est à l'ouest. Des restes des 
vieux murs sont encore visibles du côté du couvent, dans 
la cour duquel gisent plusieurs colonnes monolithes de 
granitgris et divers fragments sculptés. La porte actuelle 
de cette cour, qui conduit vers la rue, garde encore le 
large seuil et les bases des deux pies droits de la porte 
de l'ancienne basilique. La grotte de l'Annonciation se 
trouvait dans le bas-côté septentrional; mais, comme on 
le voit, elle avait été taillée, transformée de manière à 
revêtir l'apparence d'une petite église, avec trois absi- 
dioles : celle de l'orient a conservé sur ses parois des 
traces de mosaïque; c'est là, en effet, qu'était jadis l'autel, 



des débris de la sépulture que les anciens pèlerins véné- 
raient comme celle de saint Joseph, mais détruite dans 
les dévastations successives du sanctuaire. Derrière 
l'abside orientale, il a découvert un gros pilier (c) qui 
devait supporter une colonne de l'église supérieure. De 
même, les deux colonnes dites maintenant de la Vierge 
et de l'Ange devaient servir d'appui à celle de la travée 
suivante. Cf. Revue biblique, 1901, p. 489-490, Compte- 
rendu du résultat des fouilles exécutées par le Fr. Benoit 
Vlaminck au sanctuaire de Nazareth. 

Ces. détails sont confirmés par la tradition, que nous 
pouvonssuivre pendant un bon nombre de siècles. Voici 
ce qu'écrivait, vers le commencement du xvn e siècle,. 
F. Quaresmius, Elucidatio Terrse Sanctse, Anvers, 
1626, t. il, p. 825 : « Il y a la grotte [de l'Annonciation] 
creusée dans la roche, soit par la nature, soit aussi par 
un travail humain qui l'a achevée. Elle est soutenue au 
nord, au midi et à l'ouest par de très vieux murs. 
A l'est, est le grand autel dédié à l'Annonciation de la- 
sainte Vierge Marie. Le reste a été bâti depuis qu'on a 
recouvré ce saint lieu... Au midi on a placé une autre 
chapelle plus élevée, plus longue et mieux travaillée, 



1531 



NAZARETH 



1532 



qu'on appelle maintenant la Chapelle de l'Ange. Jadis, 
quand j'ai visité ce saint lieu pour la première fois, 
l'entrée de cette chapelle était à l'est. Mais on a bouché 
la porte d'alors, et on en a fait une autre par laquelle 
on entre en descendant six marches, car la chapelle est 
presque souterraine. » A propos de l'église qui avait été 
construite au-dessus, le même auteur ajoute : « Cette 
église tomba presque tout entière, et fut détruite, ex- 
cepté le mur du nord qui tenait au palais épiscopal au- 
jourd'hui restauré, et où demeurent les Frères de 
saint François. En nettoyant ces saints lieux on a en- 
levé beaucoup de terre, et on y a trouvé beaucoup de 
morceaux de marbre travaillé, des chapiteaux, des so- 



Vierge) avoyt esté édifflé le temps passé par les chres- 
tiens une grande solennelle église cathédralle et archi- 
épiscopalle. Mays après l'expulsion des chrestiens de la 
Terre Saincte, par succession de temps, elle est ruynée 
et les ruynes sont tombées sur la prédicte chambre, 
laquelle estoyt en forme de chappelle au meillieu de-^ 
l'Église, et ont faict comme une petite monticolle : 
la dicte chambre estoyt voultée et faicte de bonne pierre, 
et est toujours demeurée en son entier, dessoubz la 
terre et ruynes de l'Église, mays l'on y a faict un pertuys 
dedans terre pour trouver l'huys, par lequel nous des- 
cendismes avecque la lumière, et là sont encore troys 
autiers pour dire messe. » Au xv e siècle, en 1487-, 




419. — Grotte servant d'habitation. D'après une photographie de M. Heidet. 



clés et des fragments de colonnes. Ces traces du passé 
et les restes du mur subsistant ont permis de conclure 
que l'ancienne église était orientée de l'ouest à l'est, et 
avait deux rangées de colonnes. La sainte grotte et la 
chapelle de l'Annonciation étaient à gauche en entrant 
dans l'église, c'est-à-dire dans la nef du nord, et on y 
descendait par six marches. » Quelques années plus tard, 
en 1634, un autre franciscain, le P. Roger, La Terre- 
Sainte, Paris, 1664, p. 56-64, signalait également et 
marquait sur son plan, p. 59, un autel dédié à la 
Sainte Vierge dans la partie orientale de la grotte. Un 
autre autel se trouvait au fond, consacré à saint Joseph. 
Il en est de même pour Doubdan, Le voyage de la 
Terre-Sainte, Paris, 1666, plan, p. 50. Mais celui-ci, à 
la place de l'autel de saint Joseph, met l'escalier intérieur 
qui monte au couvent des Franciscains, et qui sans 
doute était fait depuis peu. 

Au xvi e siècle, en 1533, un pèlerin normand ou man- 
ceau, Greffin Affagart, Relation de Terre-Sainte, 
édit. J. Chavanon, Paris, 1902, p. 232, décrit ainsi l'état 
dans lequel se trouvait le lieu de l'Annonciation : « Sur 
ceste prédicte chambrette (la chambre de la sainte 



Nicole le Huen (d'après Bemhard de Breidenbach), Le 
grant voyage de Hierusalem, Paris, 1517, f. xxx, si- 
gnale aussi trois autels dans la chapelle. De même au 
xiy e , 1321, Marinb Sanuto, dans Bongars, Gesta Dei per 
Francos, Hanau, 1611, t. n, p. 253; au xin e , 1285, 
Burchard du Mont Sion, Descriptio Terrx sanctse, 
Magdebourg, 1587, f. 23. C'est en 1263 que l'église de 
l'Annonciation avait été complètement détruite par le 
sultan Bibars, comme il résulte d'une lettre d'Urbain IV 
à saint Louis. O. fiaynaldi, Annales ecclesiastici, Rome, 
1648, t. xiv, anno 1263, § vu. Quel était l'état de ce 
saint lieu au siècle précédent? L'higoumène russe 
Daniel, 1106-1107, nous le dit : « Une grande et haute 
église à trois autels s'élève au milieu du bourg [de 
Nazareth]; en y entrant, on voit â gauche, devant un 
petit autel, une grotte petite, mais profonde, qui a 
deux petites portes, l'une à l'orient, et l'autre à l'occi- 
dent, par lesquelles on descend dans la grotte; et, péné- 
trant par la porte occidentale, on a à droite une cellule, 
dont l'entrée est exiguë et dans laquelle" la Sainte Vierge 
vivait avec le Christ... En pénétrant dans cette même 
grotte par la porte occidentale, on a à gauche le Tombeau 



•1533 



NAZARETH 



1534 



de saint Joseph, le fiancé de Marie, qui y fut enterré 
par les mains très pures du Christ... Au-dessus de cette 
grotte est érigée une église consacrée â l'Annonciation. 
Ce saint lieu avait été dévasté auparavant, et ce sont les 
Francs qui ont renouvelé la bâtisse avec le plus grand 
soin. » Cf. Itinéraires russes en Orient, Genève, 1889, 
p. 70, 71. Ce témoignage concorde avec celui de 
Soewulf (1103), Peregrinatio ad Hierosolymam, dans 
les Mémoires de la Société de géographie, t. iv, p. 850 : 
« La ville de Nazareth a été complètement dévastée et 



420. — Le sanctuaire de l'Annonciation. 
D'après une photographie. 

ruinée par les Sarrasins. Mais cependant un très beau 
monastère indique le lieu de l'Annonciation. » A mesure 
qu'on avance dans les siècles antérieurs, les détails de- 
viennent moins précis. L'église de l'Annonciation est 
néanmoins mentionnée, au vm e siècle, par S. Willibald, 
Hodœporicon, dans les Itinera Hierosolymitana de 
T. Tobler et A. Molinier, Genève, 1880, t. i, p. 260; 
au vu 8 , par Arculfe, Relatio de Locis sanctis, dans le 
même recueil, 1. 1, p. 184; au VI e , par lepseudo-Antonin, 
ibid., p. 93. Dans un petit traité intitulé : Liber nomi- 
num locorum ex Aclis, qu'on trouve parmi les œuvres 
de saint Jérôme, t. xxm, col. 1302, on lit au mot Naza- 
reth qu'il y avait alors dans ce bourg deux églises, l'une 
à l'endroit où l'ange était entré pour annoncer à Marie 
le mystère de l'Incarnation, l'autre sur le lieu où Notre- 
Seigneur avait été élevé. Mais cet ouvrage est regardé 
comme apocryphe. L'origine constantinienne de la 



basilique n'a pas de preuves positives. On peut cepen- 
dant la conjecturer d'un passage de saint Épiphane, 
Adv. hmres., t. xli, col. 426, qui, parlant, d'un certain 
Joseph, de Tibériade, juif d'origine, puis converti au 
christianisme et élevé à la dignité de comte par Cons- 
tantin, dit en particulier : « Il ne demanda rien autre 
(à l'empereur qui lui offrait de lui accorder ce qu'il 
voudrait), que cette grande grâce d'être autorisé, par 
édit impérial, â construire des églises pour le Christ 
dans les villes et les villages des Juifs, là où personne 





421. — Plan de la crypte de l'Annonciation, d'après un croquis 
de la Palestine des professeurs de N.-D. de France. 

A,B, C, D. Lignes pointillées indiquant les dimensions de la 
sainte Maison de Lorette. — 1. Escalier de l'église à la crypte. 
— 2. Chapelle de l'Ange. — 3. Autel de saint Gabriel. — 
4, Autel des saints Joachim et Anne. — 5. Chapelle de l'An- 
nonciation. — 6. Autel de l'Annonciation. — 7. Autel de saint 
Joseph. — 8. Abside ancienne. — 9. Escalier conduisant à la 
grotte. — 10. Grotte, ancienne citerne. 

n'avait pu en construire, aucun Grec, Samaritain ou 
chrétieù n'étant supporté au milieu d'eux; principale- 
ment à Tibériade, à Diocésarée, à Sepphoris, à Nazareth 
et à Kapharnaum, où les Juifs veillent avec soin à ce 
que qui que ce soit d'un autre peuple n'habite avec eux. » 
Et plus loin, le même Père nous dit que le comte 
Joseph construisit des églises à Diocésarée et en d'au- 
tres villes. Cf. Clermont-Ganneau, Recueil d'archéolo- 
gie orientale, t.iv, Paris, 1901, p. 353-354. C'est jusqu'à 
cette époque seulement qu'il nous est permis de suivre 
la tradition relative au sanctuaire de l'Annonciation. 
2» Eglise de la Nutrition. — Les anciens témoignages 



1535 



NAZARETH 



1536 



signalent encore à Nazareth une autre église dite de la 
Nutrition. Le texte apocryphe de saint Jérôme que nous 
venons de mentionner l'indique, mais nous avons surtout 
le texte d'Arculfe : « La ville de Nazareth est, comme 
Capharnaùm, sans murs d'enceinte ; elle est située sur 
une montagne. Elle a cependant de grands édifices en 
pierre : on y a construit deux très grandes églises. 
L'une, au milieu de la ville, est bâtie sur deux voûtes, 
là où jadis avait été construite la maison dans laquelle 
fut élevé (nutritus) Notre-Seigneur et Sauveur. Cette 
église, comme on vient de le dire, appuyée sur deux 
tombeaux et deux arcs interposés, possède, à l'étage 
inférieur, entre ces mêmes tombeaux, une fontaine 
très claire, que fréquentent tous les habitants pour y 
puiser de l'eau. Dans l'église construite au-dessus, on 



rond (o),- servant à puiser de l'eau à la citerne; la par- 
tie supérieure, qui traverse des décombres et de la 
terre, est maçonnée; la partie inférieure traverse le 
roc et l'argile, et s'ouvre en entonnoir sur la citerne. 
La portion centrale, d'un pied plus bas, offre, dans le 
mur de l'est, les trois premières pierres d'une arche 
dont l'extrémité opposée s'appuyait sur le mur occiden- 
tal (au point i); on y remarque aussi trois bassins 
creusés dans le roc et qui se communiquent. Deux 
autres bassins séparés se trouvent plus bas, près du 
mur méridional. Le mur occidental de cette dernière 
chambre est seul maçonné; il renferme trois niches 
rectangulaires et une quatrième ouverte sur la pièce 
suivante, à laquelle on accède par une petite porte 
située au-dessous du mur. Cette pièce, de forme irré- 



H Constructions anciennes visibles . 

f .>. 1 Constructions anciennes joi/j /e Sot dcttiel . 

BU Ê&'Se actuelle . 




422. — Plan dej'ancienne basilique de l'Annonciation à Nazareth. D'après la Revue biblique, 1901, t. x, p. 490. 



peut aussi prendre de cette eau avec de petits vases 
attachés à une poulie. » L'autre église est celle de 
l'Annonciation. Cf. T. Tobler, Itinera et descriptiones 
Terrx Sanctse, t. i, p. 184. Des fouilles pratiquées, il 
y a plusieurs années, dans le couvent des Dames de 
Nazareth, tout près de celui des Franciscains, ont 
amené certains savants à penser que là pouvait être 
l'église de la Nutrition. De la cour du couvent, un es- 
calier conduit à une profondeur d'environ sept mètres. 
Voir fig. 423, plan. — A côté des six dernières marches 
est une fosse maçonnée (o), traversant jusqu'à la sur- 
face la voûte de l'escalier. Au bas des degrés, une auge 
circulaire, sur un banc de rocher, reçoit un petit aque- 
duc. Cette première chambre est creusée dans le cal- 
caire, mais a été maçonnée de tous les côtés, excepté 
au nord, près de la citerne d. De là, une ouverture dont 
la partie supérieure, de forme ronde, est creusée dans 
le roc, conduit par deux marches dans la chambre prin- 
cipale du souterrain, dont le sol est à environ dix 
mètres au-dessous de la cour. Rectangulaire, celle-ci 
est divisée en trois parties par des terrasses de niveau 
différent, celle du sud étant la plus basse et celle du 
nord la plus haute. Dans la partie septentrionale (ci- 
terne c) on trouve, à la paroi de l'ouest, quatre auges 
creusées dans le roc, à hauteur d'un mètre, unies par 
de petits canaux. Juste au-dessus d'elles est un orifice 



gulière, renferme un bassin au-dessus duquel est un 
orifice (o), qui communique avec l'extérieur. En reve- 
nant un peu en arrière, on se glisse par un passage 
étroit dans une petite chambre, qui contient les restes 
les plus importants du souterrain, c'est-à-dire deux 
tombes (t) ou kokim, de dimensions à peu près égales 
avec plafond arrondi, et toutes deux creusées dans le 
roc, qui est ici plus compacte. On a retrouvé auprès la 
porte de pierre qui les fermait; mais aucun ornement, 
aucun signe ne peut éclairer l'archéologue. A l'est de 
la citerne c, une porte conduit à la citerne e, de forme 
rectangulaire et voûtée ; elle possède encore dans un 
angle un petit canal de pierre, qui était destiné à ame- 
ner les eaux de l'extérieur. De là on passe dans la 
citerne d, qui était alimentée avec le trop-plein de la 
citerne h au moyen de l'aqueduc dont nous avons parlé 
dès le commencement. On signale enfin les citernes F 
et g. Parmi les débris trouvés dans ces caves souter- 
raines, on compte une élégante petite colonne de 
marbre avec chapiteau sculpté, des colonnes de granit, 
un fragment de chapiteau ionique, une petite statuette, 
dont la tête et les jambes sont malheureusement bri- 
sées, des fragments de poterie, de vieilles lampes et 
quelques monnaies. Les habitants de Nazareth disent 
.qu'une mosquée appelée Djdma' 'Ab.d es-Samad s'éle- 
vait autrefois sur cet emplacement, et les anciens pré- 



1537 



NAZARETH 



1538 



tendent qu'elle avait été bâtie avec les pierres d'une 
antique église qui se trouvait au même endroit. Est-ce 
l'église décrite par Arculfe? C'est possible, bien qu'il 
soit difficile de l'affirmer. Il y manque, en tout cas, la 
fontaine limpide près de laquelle tous les habitants se 
donnent rendez-vous pour renouveler leur provision 
d'eau. 6. Schumacher, à qui nous avons emprunté la 
description précédente, pense qu'il faut distinguer au 
moins deux périodes en ce qui concerne ce souterrain : 
la première et la plus ancienne est représentée par les 
deux kokim qui, en raison des monnaies trouvées, peu- 
vent avoir une origine juive assez reculée et indique- 
raient un ensemble de grottes sépulcrales comme on en 
rencontre en Palestine; la seconde est celle où l'on aura 



Tibériade. Elle porte' chez les chrétiens Je nom de 
'Aïn Sitti Miriam, « Fontaine de Madame Marie. » De 
forme voûtée, la construction qui la recouvre a été 
presque entièrement refaite en 1862 (fig. 418). A côté 
est un sarcophage antique, aujourd'hui très mutilé; la 
guirlande sculptée qui serpente autour forme trois fes- 
tons sur les longs côtés. Près de là aussi est un ancien 
réservoir en très mauvais état. Cette fontaine n'est que 
le débouché d'un canal qui vient d'une source située 
plus haut, au nord-ouest; sur le flanc de la colline. De 
ce côté, les Grecs schismatiques ont une église dédiée 
à saint Gabriel; dans la partie septentrionale est une an- 
cienne chapelle souterraine, où l'on descend par plu- 
sieurs degrés; on y voit une citerne où sont recueillies 



Echeiïe 




423. — Plan des touilles faites dans la cour des Dames de Nazareth. D'après Palest. Expl. Fund. Quart. Stat., 1889, p. 68. 



transformé ces grottes en un groupe de citernes, avec 
une grande chambre centrale, où les femmes descen- 
daient pour remplir leurs cruches dans les moments de 
pénurie. Cf. G. Schumacher, Récent discoveries in Ga- 
lilée, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly 
Statement, Londres, 1889, p. 68-74. Ces fouilles sont 
également décrites dans la Revue de la Terre-Sainte, 
Paris, 15 septembre 1888, p. 279-284, avec plan, p. 281. 
Des fouilles plus récentes ont fait découvrir, du côté 
méridional, deux autres tombeaux juifs, précédés d'une 
grotte sépulcrale, deux gros murs formant un peu l'ar- 
ceau, des bases de piliers, le commencement d'une 
abside centrale et une abside latérale plus petite, ce 
qui prouve qu'une église s'élevait là autrefois. En pla- 
çant en ce lieu le sanctuaire décrit par Arculfe, on au- 
rait ainsi, à côté de la maison de la Sainte Vierge, où 
s'accomplit le mystère de l'Incarnation, la maison de 
saint Joseph, où Notre-Seigneur fut élevé et passa la plus 
grande partie de sa vie. D'autres cependant cherchent 
plutôt l'église de la Nutrition du côté de la Fontaine 
actuelle de Nazareth. Cf. La Palestine, par des profes- 
seurs de Notre-Dame de France, Paris, 1904, p. 436. 

3° Fontaine de la Vierge. — La fontaine qui alimente 
Nazareth coule au nord-est de la ville, sur la route de 

DICT. DE LA BIBLE. 



les eaux de la source de Saint-Gabriel. Al'époque de Qua- 
resmius, cette chapelle était seule debout, et l'église qui 
la contenait, ainsi que le monastère de religieuses qui 
y était contigu, avaient été démolis. C'est là ou plus bas 
que, suivant les auteurs qui viennent d'être mentionnés, 
devait se trouver l'église de la Nutrition, bâtie, au té- 
moignage d'Arculfe, sur la fontaine de la ville. Mais il 
est alors difficile de dire qu'elle était « au milieu de la 
ville ». Au xie ou xn e siècle, Pierre Diacre, De Lotis 
Sanctis, Migne, t. clxxhi, col. 1127, parle de cette fon- 
taine, qu'il place « en dehors du bourg » et qu'il dis- 
tingue de celle qui existait dans la grande grotte du 
sanctuaire de la Nutrition. Sœwulf, Peregrinatio, pu- 
bliée par^I'Avezac dans les Mémoires de la Société de 
géographie de Paris, p. 38, dit : « Auprès de la ville 
jaillit une fontaine très limpide, garnie encore comme 
elle l'était de colonnes et de plaques de marbre. L'En- 
fant Jésus, comme les autres enfants, y vint souvent 
puiser de l'eau pour le service de sa mère. » De même 
Jean de Wirzbourg, Descriptio Terrée Sanctee, Patr. 
lat., t. clv, col. 1057. Burchard du Mont-Sion, Descrip- 
tio TerrsR Sanctse, fol. 23 : « Et il y a encore à l'extré- , 
mité de la ville, dans une église dédiée à saint Gabriel, 
une fontaine très vénérée par les habitants, et où l'on 

IV. - 49 



1539 



NAZARETH 



1540 



dit que l'Enfant Jésus venait chercher de l'eau pour le 
service de sa mère très chérie. » La tradition se pour- 
suit dans les siècles suivants. 

4° Atelier de saint Joseph. — A 200 mètres au nord-est 
de la basilique de l'Annonciation s'élève une petite cha- 
pelle rectangulaire (fig. 424) qu'on suppose occuper 
l'emplacement de l'atelier de saint Joseph. Le sanc- 
tuaire actuel remonte seulement à 1858, mais il rem- 
place le chevet d'une ancienne église à trois nefs dont 
l'architecture trahit l'époque des croisades. C'est là que 



Chrisli, bloc de calcaire sur lequel Notre-Seigneur 
aurait pris un repas avec ses apôtres après sa résur- 
rection. Il n'y a rien d'évangélique ni de sérieusement 
traditionnel dans ce souvenir. 

6° Le précipice. — Saint Luc, iv, 16-30, raconte qu'un 
jour les habitants de Nazareth, furieux du discours pro- 
noncé par Notre-Seigneur dans la synagogue, « le chas- 
sèrent de la ville, et le conduisirent jusqu'au sommet 
de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie, pour 
le précipiter. » Il serait tout naturel de placer la scène 




424. — Chapelle dite de l'atelier de saint Joseph. D'après une photographie. 



Jésus aurait appris et exercé le métier de charpentier. 
La tradition est relativement récente. 

5° Ancienne Synagogue. — Au nord-ouest de ce point, 
on rencontre l'église des Grecs unis, bâtie là où était 
l'ancienne synagogue de Nazareth. La vieille salle obs- 
cure et voûtée en ogive que l'on voit à l'entrée de 
l'église moderne, à gauche, ne remonte pas sans doute 
à l'époque de Noire-Seigneur, mais elle peut marquer 
le lieu où il se rendait chaque jour de sabbat et où il 
prit même un jour la parole. Luc.,iv, 16-28. Au vi e siècle, 
Antonin le Martyr mentionne cette synagogue dans un 
récit où la légende tient malheureusement trop de place. 
Cf. T. Tobler, Itinera Terrée Sanclse, t. i, p. 93. Mais 
c'est certainement un des lieux que les chrétiens purent 
retrouver le plus facilement, quand, au iv e et au V e siècle, 
ils succédèrent aux juifs qui avaient été jusque-là les 
maîtres de Nazareth. 

Nous ne citons que pour mémoire une petite cha- 
pelle située à peu de distance au nord-ouest de la 
synagogue, et renfermant ce qu'on appelle la Mensa 



sur le Nébi Sa'ïn, dont nous avons parlé au commence- 
ment de cet article, et qui domine la ville assise à ses 
pieds, ou sur quelque rocher avoisinant. Ainsi l'ont 
pensé bon nombre d'auteurs. Cf. Stanley, Sinai and 
Palestine, Londres, 1866, p. 367; Robinson, Biblical 
Researches in Palestine, t. n, p. 335, etc. Cependant 
une tradition locale, dont on peut suivre l'origine jus- 
qu'au moyen âge, nous transporte sur un point plus 
éloigné, à quarante minutes de marche au sud de Na- 
zareth. Le mont de la Précipitation serait un rocher à 
pic, qui surplombe un ravin et domine la plaine de 
200 mètres. On voit en cet endroit une petite abside 
d'église creusée dans le roc et des ruines de citernes 
ou de murs de soutènement. Ce sont sans doute les 
vestiges d'un petit couvent que mentionne un document 
de 808, le Commemoratoriuni de Casis Dei : « A un 
mille de Nazareth, où les Juifs voulurent précipiter le 
Christ Seigneur, est construit un monastère avec une 
église en l'honneur de sainte Marie et huit moines. » 
Cf. Tobler et Molinier, Itinera Hierosolymitana, t. i, 



1541 



NAZARETH — NÉAPOLIS 



1542 



p. 303. Au xii e siècle, Jean de Wirzbourg, Descriptio 
Terne Sanctœ, t. clv, col. 1057, place également « le 
lieu dit le précipice » à un mille au sud de la ville. A 
l'époque des Croisades, le lieu, très visité, s'appelle 
Saltus Dornini, « le Sault du Seigneur. » Il porte en- 
core aujourd'hui en arabe le même nom, Djebel el- 
Qafzéh, « la montagne du Saut. » On lit dans les Pele- 
rinaiges por aler en Ihemsalem (vers 1231) : « De 
Nazareth au Saut Nostre Seignor si a une lieue. » Cf. 
H. Michelant et G. Raynaud, Itinéraires à Jérusalem, 
Genève, 1882, p. 100. Dans une très ancienne description 
arabe chrétienne des lieux saints, du xiif siècle, le 
nom de Qafzéh se trouve mentionné, bien que mal 
ponctué; l'auteur signale en cet endroit l'existence d'un 
couvent arménien. Cf. Clermont-Ganneau, Recueil 
d'archéologie orientale, t. I, p. 340. Cette tradition peu- 
à la rigueur s'expliquer, dit-on, si par « la montagne » 
du texte évangélique, on entend,' non pas un sommet 
isolé, mais le massif montagneux sur lequel) est bâti 
Nazareth. Il n'en est pas moins sûr qu'elle est moins 
conforme à ce texte et à la vraisemblance historique. — 
Nous avons, du reste, tenu à signaler toutes ces tradi- 
tions, en raison des souvenirs que rappelle la cité gali- 
léenne; nous l'avons fait avec tout le respect qu'elles 
méritent, mais sans leur attacher d'autre valeur que 
celle qu'elles possèdent par elles-mêmes. 

IV. Histoire. — L'histoire de Nazareth tient tout 
entière dans quelques versets de l'Évangile. C'est dans 
cette obscure « cité de^Galilée », que l'ange Gabriel fut 
envoyé de Dieu pour annoncer à la Vierge Marie le mys- 
tère de l'Incarnation. Luc, i, 26. C'est de là que Joseph 
et Marie partirent pour Bethléhem, « la cité de David, » 
où devait naître le Messie, Luc, n, 4; là qu'ils revinrent 
après la présentation au Temple et la fuite en Egypte. 
Luc, II, 39; Matth., n, 23. Le Sauveur y passa son en- 
fance et sa jeunesse, que l'Écriture résume d'un seul 
mot : « Il leur était soumis. » Luc, n, 51. Lorsque 
l'heure fut venue de se manifester au monde, il aban- 
donna sa tranquille retraite pour venir sur les bords 
du Jourdain, recevoir le baptême des mains de Jean- 
Baptiste. Marc, i, 9. Quelque temps après, Philippe de 
Bethsaïde annonçait à Nathanaël le Messie dans la 
personne de « Jésus, fils de Joseph, de Nazareth ». Et 
Nathanaël, dans son étonnement, s'écriait : « Peut-il 
venir quelque chose de bon de Nazareth? » Joa., i, 45, 
46. Il y a là une allusion ou à l'obscurité de la ville ou 
à la mauvaise réputation des habitants ou à quelque 
autre cause; comme l'Écriture ne dit rien, chaque com- 
mentateur apporte ses raisons. La « fleur de Galilée » 
ne devait cependant pas être le théâtre d'action du 
Sauveur. Perdue dans un petit coin de la montagne, 
elle ne pouvait offrir à sa parole et à son zèle les 
mêmes avantages que les cités des bords du lac de Ti- 
bériade. Voilà pourquoi il la quitta et vint s'établir à 
Capharnaûm. Matth., iv, 13. Ses compatriotes, du reste, 
n'étaient guère disposés à recevoir les bienfaits de son 
enseignement. 11 retourna, en effet, un jour de sabbat, 
dans la ville « où il avait été élevé », et, selon sa cou- 
tume, entra dans la synagogue dont nous avons parlé. 
Là, après avoir lu un passage du prophète Isaïe, il se 
mit en devoir de l'expliquer. Tous les yeux étaient 
fixés sur lui, et les assistants admiraient la sagesse de 
l'humble charpentier, a le fils de Joseph. » Mais bientôt 
la colère succéda à l'admiration, et, le chassant en 
dehors de la cité, ils l'auraient précipité du haut d'un 
rocher, si lui-même n'avait su échapper à leurs mains. 
Luc, iv, 16-30. Nazareth n'en a pas moins attaché son 
nom à celui de Jésus, « le prophète de Nazareth. » 
Matth., xx, 11. « Le Nazaréen » ou « le Nazarénien », 
tel fut le surnom du Christ. Matth., xxvi, 71 ; Marc, i, 
24; x, 47; Luc, iv, 34; xvm, 37; Joa., xvm, 5, 7, etc. 
C'estle'litre qu'il porta sur la Croix, avec celui de «roi 
des Juifs ». Joa., xix, 19. Saint Jérôme, Onomastica sacra, 



p. 143, fait remarquer que ce nom fut aussi donné par 
opprobre aux premiers chrétiens. — Ces quelques 
lignes résument, avec l'histoire de ses sanctuaires, toute 
la gloire de Nazareth. Elle n'a rien d'humain, mais elle 
suffit pour que notre piété donne à la bourgade gali- 
léenne le même souvenir de vénération qu'à Bethléhem 
et à Jérusalem. 

On trouvera dans Ma r Le Camus, Les enfants de 
Nazareth, Bruxelles, 1900, d'intéressants détails sur le 
caractère et les mœurs des habitants actuels de Naza- 
reth, détails qui font revivre la vie d'autrefois dans la 
patrie du Sauveur. 

V. Bibliographie. — E. Robinson, Biblical fiesearches 
in Palestine, Londres, 1856, t. h, p. 333-343; Stanley, 
Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 442-450; Lortet, 
La Syrie d'aujourd'hui, dans le Tour du Monde, t. xli, 
p. 53-59; Survey of Western Palestine, Memoirs, Lon- 
dres, 1881, t. i, p. 275-279; W. M. Thomson, The Land 
and the Book, central Palestine, New- York, 1882 
p. 310-322; V. Guérin, La Galilée, 1880, t. i, p. 83-102; 
C. R. Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 1889, 
p. 72-78; La Palestine, par des professeurs de N.-D. de 
France à Jérusalem, Paris,lS04,p.428-439;G.Le Hardy, 
Histoire de Nazareth et de ses sanctuaires, Paris, 1905. 

A. Legendre. 

NÉAPOLIS (grec : Nia n6Xiç), ville et port de Macé- 
doine (fig. 425). Saint Paul et'ses compagnons débarquè- 




425. — Monnaie de Néapolis de Macédoine. 
NEAD[0A.I£]. Tête de nymphe. — 1$. Gorgonium. 

rent à Néapolis en allant de Troade en Macédoine. Act, 
xvi, 11. Néapolis était le port de Philippes qui était située 
en pleine terre, c'est donc aussi à Néapolis que s'em- 
barque Saint Paul quand il retourne à Troade. Act., 
xx, 6. Les voyageurs identifient généralemeut Néapolis 
avec la ville moderne de Kavalla qui compte cinq ou six 
mille habitants, presque tous musulmans. On a trouvé 
en effet à cet endroit de nombreuses' ruines grecques et 
romaines. Le port de Kavalla est le meilleur de ces 
parages. La distance de Kavalla à Philippes est d'en- 
viron 12 kil., c'est-à-dire à peu près celle de Cenchrées 
à Corinthe ou d'Ostie à Rome. Kavalla est exactement 
au point où Appien, Bell, civil., iv, 106, place Néapolis 
entre Philippes et Thasos, à environ 12 kil. de la ville 
et à 16 de l'Ile. Cf. Dion Cassius, xlvii, 35. Voir W. M. 
Leake, Travels in northern Greece, in-8", Londres, 1835, 
t. H, p. 180, cf. p. 217, 224. Cousinéry, Voyage dans la 
Macédoine, in 8°, Paris, 1831, t. n, p. 119, place Néapolis 
à 12 kil. au sud-est de Kavalla, à Eski-Kavalla, où se 
tronve un vaste port, mais cette hypothèse a contre elle 
tous les textes anciens et l'existence des ruines trouvées 
à Kavalla. Strabon, vu, frag. 39, fait dépendre Néapolis 
de Daton, riche cité entourée de campagnes fertiles, de 
lacs, où se trouvaient des mines d'or très productives, 
et des chantiers de constructions' maritimes. Néapolis 
était un port très fréquenté, parce que la voie Egnatia 
qui passait auprès, le long de la mer, conduisait en 
Macédoine et de là aboutissait à Dyrrachium. Sur la rive 
opposée de l'Adriatique était situé le port d'Apulie, 
Egnatia, ou finissait la voie Appienne qui conduisait à 
Rome. Cf. G. L. Tafel, De via militari Romanorum 
Egnatia, in-8», Tubingue, 1842. Pline, IV, 18 (42), place 
Néapolis en Thrace. Strabon, vu, frag. 39, et Ptolémée 
m, 13, la ratlachënt à la Macédoine. Elle était située sur 
la frontière des deux provinces, L. Heuzey et H. Daumet, 
Mission archéologique en Macédoine, 2 in-4°, Paris, 
1876, t. i r p. 19. E. Beurlier. 



1543 



NEAPOLITANUS (CODEX) — NÉBO (MONT) 



1544 



NEAPOL1TANUS (CODEX), colé IL A. 7 à la 
Bibliothèque nationale de Naples, est un manuscrit du 
XII e siècla, d'après Gregory et von Soden. Il comprend 
123 feuillets (0,266 X 0,188) de parchemin à deux colonnes 
de 37 lignes, et renferme les Actes, les Épîtres catholiques 
et celles de Paul, enfin l'Apocalypse jusqu'à m, 13. Sa 
notation ordinaire est 83«c <*"», 93P<"t l ; a. 200 dans le 
système de von Soden. Il a joui d'une certaine célé- 
brité au temps de la controverse des trois témoins 
célestes (I Joa., v, 7) : Ex codicibus grsecis (écrivait Fran- 
zelin dans sa dissertation sur l'authenticité du fameux 
verset) très nominantur in guibus versiculus exstat : 
Dublinensis (Montforlianus), Ottobonianus (in Vati- 
cana), Neapolitanus (sœc. xi). Nous parlerons en son 
lieu de V Ottobonianus ; le Montfortianus est le codex 
fabriqué au xvr 3 siècle pour relever le défi d'Érasme qui 
s'était engagé à imprimer le verset dans son édition du 
Nouveau Testament si on le lui montrait dans un seul 
manuscrit grec; quant au Neapolitanus, l'erreur est 
inexplicable, car l'auteur du Catalogue, Naples, 1826, a 
soin de noter, p. 22 : Deest célèbre teslimonium (I Joa., 
v, 7) quod recenlissima manu adscriptum legitur in 
pagellse ora. Tischendorf, N. T. edit. 8' crit. major. 
1872, t. H, p. 337, croit reconnaître dans cette manus 
recentissima l'écriture d'un bibliothécaire du xvn e siècle. 
En tout cas, le verset fut ajouté au xvn 6 siècle au plus 
tôt et copié sur un texte imprimé. Martin, Introd. à la 
crit. text. du N. T., Paris (lithogr. 1886), t. v, p. 18, sur 
la foi de Scrivener, Introduction etc., 4 e édit-, 1. 1, p. 296, 
qui s'en rapporte lui-même à Tregelles, confond notre 
codex avec le manuscrit de Naples coté II. A. 8. Ce 
dernier, qui ne présente aucune trace du Comma 
Joanneum, est duxi= siècle et a pour notation i13^t «ua 
Siipaul- a iQi dans le système de von Soden. 

F. Prat. 

NEBAHAZ (hébreu: Nibfyaz; Nibhân, dans quelques 
manuscrits; Septante: Vaticanus : 'E6Xai;ép ; Alexandrie 
nus: 'Agaaa&p xal Nai6i; [même nom sous deux formes 
différentes]; Lucien: 'EêXaiéÇép), idole que les Hévéens 
ou habitants de 'Avah transportèrent avec eux en Sama- 
rie, quand ils y furent transplantés par le roi de Ninive 
■Sargon. IV Reg., xvn, 31. Ce nom a très probablement 
été corrompu dans les transcriptions, qui sont si diffé- 
rentes dans les manuscrits grecs. On ne l'a pas, en tout 
cas, retrouvé jusqu'ici dans les documents cunéiformes. 
Il n'en est fait mention que dans les livres sacrés des 
Sabiens ou Mendaïtes; ils le représentent comme un dieu 
infernal, seigneur des ténèbres, qui, assis sur un trône 
placé sur la terre, touche de ses pieds le fond du Tar- 
tare. M. Norberg, Onomasticon Codicis Nasarsei cui liber 
Adami nomen, Lund, 1817, p. 99-101 ; Gesenius, Thésau- 
rus, p. 842. D'après les Rabbins, ce dieu avait une tête de 
chien, mais leur opinion n'a pas sans doute d'autre fon- 
dement que celle de l'étymologie qu'ils attribuent à 
Nibhaz, qu'ils font dériver du verbe ndbah, « aboyer. » 
Talmud de Jérusalem, Aboda Sara, m, 243; Talmud de 
Babylone, Sanhédrin, 62 b. Aucun document ne nous 
apprend qu'un culte ait été rendu au chien dans l'Asie 
antérieure où se trouvait la ville d'Avah, dont le site 
précis est d'ailleurs inconnu. Wolf Baudissin, dans 
Herzog, Real-Encyklopâdie, 2« édit., t. x, 1882, p. 529. 
— Voir Conrad Iken, Dissert, de Nibehas, idolo Awseo- 
rum, dans ses Dissertaliones philologico-theologicx, 
Lugduni Batavorum, 1749, t. i, p. 143-176; P. Scholz, 
Gôtzendienst und Zauberwesen bel den alten He- 
bràern, 1877, p. 399. 

NÉBAÏ (hébreu : >ais (chetib); >3>: (keri), Nêbdï; 
Septante :Na>êai), un des chefs du peuple qui signèrent 
l'alliance avec Dieu du temps de Jérémîe; II Esd., x,19. 

NEBALLAT (hébreu : Neballat; Septante rNaëaXxr, 
omis dans plusieurs manuscrits), ville de Palestine; 



nommée seulement après le retour de la captivité. Elle 
fut habitée à cette époque par les Benjamites. IIEsd., xi, 
34. Elle est nommée entre Seboïm et Lod (Lydda). C'est 
le village actuel de Beit Nebâla, à cinq kilomètres et 
demi au nord-est de Lydda, sur une petite colline. Il a 
une population d'environ 300 habitants. On y remarque 
de vieilles citernes et quelques ruines. Voir Ed. Robin- 
son, Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, 
t. ni, p. 30; K. Bœdeker, Palestine et Syrie, 1882, p. 143; 
Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, 1882, p. 233; 
Conder, Palestine, 1889, p. 259. 

NEBEL, instrumentde musique. VoirNABCE, col. 1432. 

NEBO (hébreu : Nebô), nom divin et nom géogra*- 
phique, que la Vulgate a rendu tantôt par Nabo et 
tantôt par Nebo. 

1. NÉBO, dieu chaldéen. Noir Nabo, col. 1434. 

2. NÉBO (MONT) (hébreu : har-Nebô; Septante : opo; 
Nagaû), montagne du pays de Moab, témoin de la mort 
de Moïse. Deut., xxxn, 49; xxxiv, 1. Le nom est égale- 
ment mentionné dans l'itinéraire des Israélites à travers 
Ja région moabite. Num., xxxm, 47. Dans ce dernier 
passage, il se trouve en relation avec le mont Abarim, 
comme Deut., xxxn, 49. D'autre part, Num., xxvii, 12, 
Moïse reçoit de Dieu l'ordre de monter sur l'Abarim, 
pour contempler de là la Terre Promise, comme 
Deut., xxxn, 49, où l'on ajoute « le mont Nébo ». 
L'Abarim étant la chaîne de montagnes qui longe la 
mer Morte, du côté du nord-est, il faut en conclure que 
le Nébo est un de ses sommets. La Bible en précise la 
situation en le plaçant « en face de Jéricho», Deut., xxxn, 
49; xxxiv, 1; donc à la pointe septentrionale de la 
chaîne. Il est aussi associé au « sommet du Phasga ». 
Deut., xxxiv, 1. Voir Phasga. Eusèbe et saint Jérôme, 
Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 141, 283, le 
signalent à six milles (près de neuf kilomètres) d'Esbus 
ou Hésébon, aujourd'hui Hesbân, vers l'ouest. Sa situa- 
tion exacte est cependant restée longtemps inconnue, 
car jusqu'au milieu du XIX 8 siècle on l'identifiait géné- 
ralement avec le Djebel Attarus, qui se trouve bien plus 
au sud. Voir la carte du pays de Moab, col. 1144. En 
1863, M. F. de Saulcy, arrivé après une heure de marche 
au bout de la plaine d'Hesbân, sur la route du Zerqa 
Ma'in, et entrant dans le pays montueux, entendit 
avec étonnement et joie ses guides lui désigner sous le 
nom de Djebel Nébâ un des sommets voisins. Cf. F. de 
Saulcy, Voyage en Terre-Sainte, Paris, 1865, t. i, 
p. 289. C'est, en effet, à cette distance au sud-ouest 
d'Hesbân qu'on reconnaît maintenant la montagne sur 
laquelle mourut Moïse (fig. 426). Elle s'élève graduel- 
lement du plateau de Moab jusqu'à un sommet de 
806 mètres d'altitude, ayant à l'ouest le Ras Siâghah et 
au sud le Phasga. De cette hauteur, on a parfaitement 
la vue qui est ainsi décrite dans le Deutéronome, xxxrv, 
1-3 : « Dieu lui montra (à Moïse) toute la terre : Galaad 
jusqu'à (ou jusque vers) Dan, et tout Nephthali et la 
terre d'Éphraïm et de Manassé et toute la terre de Juda 
jusqu'à (ou jusque vers)la mer occidentale, et le Négéb 
et le cercle (kikkar) de la plaine de Jéricho, la ville 
des palmes, jusqu'à Çô'ar (Ségor). » Les voyageurs ont 
confirmé l'exactitude de ce récit. Il nous suffit de résu- 
mer le témoignage de C. R. Conder, Heth and Moab, 
Londres, 1889, p. 134-139. La vue est la même du Néba 
et du Siâghah. De ce dernier point cependant le regard 
plonge plus facilement dans la vallée du Jourdain; du 
premier, il ne peut s'étendre loin vers l'est à cause du 
rideau que forment certaines lignes du plateau de Belqa. 
Au nord-est, apparaissent Hesbân et, par derrière, 
El-'Al. Au nord, le Djebel Oscha (1096 mètres) ferme 
l'horizon, cachant entièrement l'Hermon et le lac de 



1545 



NE 



BO (MONT) — NÉBO (BENÊ) 



1546 



Tibériade. A l'ouest, immédiatement -au-dessous du 
point d'observation, l'on aperçoit la moitié septentrio- 
nale de la mer Morte, mais la presqu'île appelée El- 
Lisân est cachée par les sommets de la montagne au 
sud du Nébo. C'est sur la Palestine occidentale, la 
Terre Promise proprement dite, que la vue s'étend le 
plus librement. Les versants de Judée et de Samarie 
apparaissent clairement; Hébron, Bethléhem, Jérusa- 
lem, Tell Asûr, et plus loin le Garizim et l'Hébal forment 
les points proéminents de cette ligne. On dit que le 
Gelboé et le Thabor sont visibles par un temps clair. 
Entre ces hauteurs et celles de Galaad, s'ouvre la vallée 
du Jourdain, à travers laquelle le fleuve se déroule 



1894, p. 562-564; F. Birch, The prospect from Pisgah,- 
dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly State- 
ment, Londres, 1898, p. 110-120. — Au IV e siècle, selon 
la Peregrinalio ad Loca Sancta, édition Gamurrini, 
Rome, 1888, p< 23, une église s'élevait sur le sommet du 
mont Nébo. A. Legendre. 

3. NÉBO, orthographe, dans la Vulgate, I Par., v, 8, 
de la ville appelée Nabo dans les Nombres. Voir Nabo 2, 
col. 1436. 

U. NÉBO (Septante : Naëoû, dans I Esd., n, 29; 
N«6îa, dans II Esd., vu, 33). Les Benê-Nebo étaient 




426. — Le mont Nébo. D'après une photographie. 



comme un immense serpent, dont l'œil suit les multi- 
ples replis. Tel est, dans son ensemble, l'incomparable 
panorama qui s'offre au regard des hauteurs du Nébo, 
et dont les couleurs varient selon les époques de l'année 
et les conditions atmosphériques. C'est bien celui que 
Dieu mit sous les yeux de Moïse. Il semble cependant 
physiquement impossible que l'œil puisse atteindre 
jusqu'à Dan (Tell el-Qadi) au nord et jusqu'à la Méditer- 
ranée à l'ouest. Mais le texte sacré ne le dit pas non 
plus formellement; la particule hébraïque 'ad ne signi- 
fie pas nécessairement « jusqu'à », elle indique aussi 
une simple direction, « jusque vers. » On peut encore 
dire que Dan et « la mer occidentale » marquent la 
limite de Galaad, d'un côté, de Juda, de l'autre, et non 
la limite extrême de la perspective. Cf. H. B. Tristram, 
The Land of Israël, Londres, 1866, p. 539-543; The 
Landof Moab, Londres, 1874, p. 325-328; G. A. Smith, 
The historical Geography of tke Holy Land, Londres, 



chefs d'une famille composée de cinquante-deux per- 
sonnes qui revint de Chaldée en Palestine avec Zoroba- 
bel. I Esd., n, 29; II Esd., vu, 33. Dans ce dernier pas- 
sage, Nébo est appelé « l'autre Nébo » et les Benê-Nebo, 
'anSè Nebô, « les hommes du Nébo. s Nébo est donc'uh 
nom de lieu, et le mot « autre » suppose qu'il y avait 
plusieurs Nébo, mais le texte ne fournit pas le moyen 
de se rendre compte de la distinction. D'après le con- 
texte,/Nébo ne peut désigner le Nébo de Nombres, 
xxxir, 3. Où était donc située cette localité ? Tout ce 
qu'on peut en dire, c'est qu'elle devait se trouver, 
d'après le contexte, dans la tribu de Benjamin ou peut- 
être de Juda. Beland, Paleestina, 1714, p. 908. On a 
voulu l'identifier avec Beit NCtba, à dix-huit kilomètres 
au nord-ouest de Jérusalem dans la vallée d'Aïalon, mais 
cette identification n'est pas généralement acceptée. 
M. Conder, Tentwork in Palestine, t. il, p. 339, propose 
Nûba, à onze kilomètres environ au nord-ouest d'Hé- 



:'Â : J 



1547 



NÉBO (BENÊ) — NÉCROMANCIE 



1548 



bron. « C'est un petit village qui s'élève sur une petite 
colline avec un puits, situé à 1 600 mètres à l'est. ■» Sur- 
vey nf Western Palestine, Memoirs, t. m, p. 309. Ce 
site souffre aussi difficulté, car, à cause de la place 
qu'occupe Nébo dans les listes d'Esdras et de Néhémie, 
cette localité appartiendrait plutôt à la tribu de Ben- 
jamin qu'à celle de Juda. — Quoi qu'il en soit de l'iden- 
tification, nous apprenons par le livre d'Esdras que sept 
des Eenê-Nebo avaient épousé des femmes étrangères 
qu'ils furent obligés de renvoyer. I Esd., x, 43. 



NÉBRISSENSIS (Àntonius). 

BR1JA, t. I, col. 709. 



Voir Antoine de Le- 



NEBSAN (hébreu : Nibëdn; Septante : NaçXaÇwv; 
Alexandrinus : Ne6s<iv), ville du désert de Juda, men- 
tionnée entre Sachacha et 'Ir-harnmélafy (Vulgate : 
Civitas salis) et Engaddi. Jos., xv, 62. Elle devait donc 
se trouver dans le voisinage de la rive occidentale de la 
mer Morte, mais elle n'a pas été jusqu'ici identifiée, 
Eusèbe et saint Jérôme ont ignoré eux-mêmes sa situa- 
tion précise; ils se contentent delà mentionner comme 
ville de Juda sous la forme Na^iv et Nepsant, sans 
donner aucune indication à son sujet. Onomasticon, 
édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 300-301. 

NÉCEB (hébreu : ham-négéb; Septante : Naêô-/.; 
Alexandrinus : Naxi6), donné comme nom distinct 
d'une ville de Nephthali par les Septante et par la Vul- 
gate. Voir Adami i, t. I, col. 209. 

NÉCHAO II (hébreu : n-sa, Nekôh, dans IV Reg., 

xxm, 29, 33, 34, 35; iDa , Nekô, dans II Par., xxxv, 20, 

22; xxxvi, 4; Jér., xli, 2; Septante: Ntyaù>), fils et suc- 
cesseur de Psammétique, second roi de la xxvi» dynastie 
égyptienne (610-594). Il n'existe aucun monument égyp- 

f t w 

Neku, se trouve seulement sur quelques stèles et sur 
plusieurs petits objets de bronze, d'albâtre, etc. British 
Muséum, A guide to the third and fourth Egyptian 
Rooms, in-8», Londres, 1904, p. 33, n. 32; 251, n. 86; 
262, n. 141 ; 181 , n. 68. Un scarabée publié par A. Mariette, 
Monuments divers recueillis en Egypte et en Nubie, 




427. — Scarabée de Néchao II. 

in-fol., Paris, 1872, pi. 4, C, et conservé au musée du 
Caire, fait allusion à ses victoires (fig. 427). 

Néchao, en succédant à Psammétique 1 er , Hérodote, u, 
158, continua l'œuvre de réorganisation militaire et 
maritime de son père. Sous son règne furent commencés 
les travaux du canal du Nil à la mer Rouge. Il cons- 
truisit de nombreux vaisseaux à trois rangs de rames; 
tant sur la Méditerranée que sur la mer Rouge. Héro- 
dote, n, 158-159. Par ses ordres, une expédition partit, 



sur des vaisseaux phéniciens, et descendit la mer 
Rouge pour doubler le sud de l'Afrique et revenir par 
les colonnes d'Hercule. Elle accomplit ce trajet en trois 
ans. Hérodote, rv, 42. Cependant ce fut par terre que 
Néchao entreprit sa campagne contre les Assyriens en 
608 avant J.-C. Hérodote, n, 159. Il voulait atteindre" 
Charcamis sur l'Euphrate. Josias, roi de Juda, vint à 
sa rencontre pour l'arrêter au passage. Néchao, qui vou- 
lait conserver son armée intacte pour sa campagne 
contre Nabopolassar, envoya des messagers à Josias, 
pour lui dire que la guerre n'était pas dirigée contre le 
royaume de Juda et que Dieu le ferait périr s'il combat- 
tait contre l'Egypte. Josias n'écouta pas Néchao et lui 
livra bataille dans la plaine de Mageddo. Blessé par une 
flèche, Josias fut transporté sur un char à Jérusalem et 
y mourut, IV (II) Reg., xxm, 29; II Par., xxv, 20-24. 
Voir Josias, t. m, col. 1683; Mageddo 1, t. iv, col. 559. Cf. 
Mageddo 3, col. 560. 

Hérodote, il, 159, raconte brièvement cette cam- 
pagne; il nomme la ville près de laquelle eut lieu la 
bataille, Magdotos, et mentionne ensuite la prise de 
Kadytis, ville dont le nom n'a pas encore été identifié. 
Après sa victoire, Néchao consacra son armure à Apollon 
Didyméen, dans le sanctuaire des Branchides, Néchao 
continua sa route vers l'Euphrate, IV (II) Reg., xxin, 29, 
puis revint vers le sud, sans avoir remporté aucun succès 
décisif en Mésopotamie. 

Le roi d'Egypte entra alors à Jérusalem et s'empara 
de Joachaz, fils de Josias; il le retint prisonnier a 
Rébla, au pays d'Émath et imposa au royaume de Juda 
une amende de 100 talents d'argent et d'un talent d'or. Il 
plaça ensuite sur le trône Éliakim, frère de Josias, à qui 
il donna le nom de Joakim et emmena Joachaz en 
Egypte. IV (II) Reg., xxm, 33-34; II Par., xxxvi, 3-4. 
Dans la quatrième année du règne de Joakim, Néchao 
qui s'était avancé de nouveau jusqu'à Charcamis près 
de l'Euphrate fut battu par Nabuchodonosor, fils de 
Nabopolassar, roi deBabylone. Jer., xlvi, 2-26. Nabucho- 
donosor poursuivit l'ennemi vaincu jusqu'à Peluse 
et s'empara de tout le pays situé entre l'Euphrate et la 
frontière d'Egypte où il fut arrêté par la nouvelle de la 
mort de son père. Néchao ne sortit plus de son royaume. 
IV (II) Reg,, xxiv, 7-14. Voir Charcamis, t. n, col. 584; 
Joachaz, 2, t. ni, col. 1549; Joakim 1, col. 155. Il mourut 
après un règne de seize ans. 

Bibliographie. — Fr. Lenormant-E.Babelon, Histoire 
ancienne de l'Orient, 9 8 édition, Paris, 1882, t. n, p. 390- 
396; G. Masperô, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient classique, t. ni, Paris, 1899, p. 513-518; 
F. Vigouroux, La, Bible et les découvertes modernes, 
6« édit., Paris, 1896, t. iv, p. 133-139; Flinders Pétrie, 
A History of Egypt from the XIX to XXX Dynasty, 
in-8», Londres, 1905, p. 335-339. E. Beurlier. 

NÉCODA, nom du chef d'une famille nathinéenne 
et du chef d'une famille dont l'origine israélite ne put 
être établie. 

1. NÉCODA (hébreu : Neqôdâ"'; Septante : NaxtoSâ; 
Alexandrinus : NexwSâv, dans I Esd., il, 48; Nsxioêâ ; 
Sinaiticus : NExtuSàpi, dans II Esd., vil, 50), chef d'une 
famille de Nathinéens qui retournèrent avec Zorobabel 
de Chaldée en Palestine. I Esd., n, 48; II Esd., i, vu, 
50. 

2. NÉCODA (hébreu : tfeqôdd' ; Septante : Nezioêi), 
chef éponyme d'une famille qui était revenue de la cap- 
tivité de Babylone avec Zorobabel, mais qui ne put pas 
prouver son origine israélite. I Esd., n, 60; H Esd., 

vu, 62. ■ e . 

NÉCROMANCIE. Voir Évocation des morts, t. n, 
col. 2128. 



1549 



NEERLANDAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



1550 



NÉERLANDAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE. 

— D'après une terminologie assez usitée et fondée du 
reste dans la nature des choses nous comprenons sous ce 
nom les verrions flamandes et hollandaises. Ces deux 
branches du néerlandais, sorties d'une souche commune, 
sont restées toujours assez rapprochées l'une de l'autre, 
et de nos jours, nonobstant les frontières politiques, 
elles tendent visiblement à se rapprocher davantage; 
tandis qu'au contraire le bas allemand, qui autrefois se 
confondait à peu près avec le néerlandais, est lentement 
mais sûrement absorbé par le haut allemand, déjà 
nommé communément l'allemand tout court. 

L'histoire des versions néerlandaises dé la Bible se 
divise tout naturellement en quatre parties : 1° Il faut 
dire un mot sur les restes de versions anciennes dans 
les trois dialectes, dont la fusion a formé le néerlandais 
du moyen âge. — 2° Il y a l'époque exclusivement 
catholique, qui se termine à l'apparition de la pre- 
mière Bible protestante en 1523. — 3» L'époque de 
tâtonnements et de lutte, on pourrait dire : l'époque 
de confusion, qui aboutit pour les catholiques à la Bible 
de Moerentorf (1599), pour les protestants à la version 
officielle, appelée la Bible des États (Généraux), Staten- 
bijbel (1637). — 4° L'époque de la domination de ces 
deux versions principales, époque qui, malgré bien des 
travaux postérieurs, ne semble pas encore définitive- 
ment terminée. 

I. Premières versions. — On a cru qu'il a existé 
dès le vm e siècle, une version des Psaumes en 
dialecte frison. C'est que dans la Vita Ludgeri 
d'Altfrid (Monumenta Germanise scriptorum, t. n, 
Hanovre, 1821, p. 412) on parle de Bernlef, ménestrel 
frison, qui après sa conversion chantait à ses compa- 
triotes les Psaumes qu'il avait appris de saint Ludger. 
Voir W. Moll, Kerkgeschiedenis van Nederland vôôr 
de hervomiing, Arnhem, 1864, t. i, p. 180, 371. Mais 
d'autres savants ont contesté la valeur historique du ré- 
cit, et en tout cas, de cette version frisonne, rien n'est 
conservé. — Dé même il ne nous reste pas de version 
proprement dite dans le dialecte saxon. Pour le poème 
biblique, le Béliand, voir Versions allemandes, t. î, 
col. 374. En 1894, le professeur K. Zangemeister a trouvé 
dans la Bibliothèque du Vatican trois fragments d'un 
poème du même genre et de la même époque, peut- 
être du même auteur, dont le premier contient un dia- 
logue entre Adam et Eve après la chute, le second a 
trait à Gen., îv, 9-vn, 4, le troisième à la destruc- 
tion de Sodome. Gen., xvm, 1-xix, 26. Voir K. Zan- 
gemeister et W. Braune, Bruchstûcke der altsàchsischen 
Bïbeldichtung, Heidelberg, 1894. — Dans le dialecle 
bas-franc on connaît des restes d'une version des 
Psaumes comprenant Ps. i, 1-m, 5; xvm; lui, 7-lxxiii, 
9. Elle paraît dater du commencement du dixième 
siècle. L'auteur est inconnu, mais il semble avoir vécu 
dans le Limbourg hollandais actuel ou dans les envi- 
rons. Ces fragments ont été publiés par F. H. von der 
Hagen, Niederdeutsche Psalmen aus der Karolinger 
Zeit, Breslau, 1816 (Ps. lui, 7-lxxiii, 9); en entier par 
M. Heyne dans ses Kleinere altniederdeutsche Denk- 
màler, Paderborn, 1866; 2<» édit. 1887. Comp. P. J. Co- 
sijn, De oudnederlandsche Psalmen, dans le Taal- en 
letterbode, t. m, p. 25-48. 110-124, 257-270; t. iv, p. 149- 
176, Harlem, 1872, 1873; A. Borgeld, De oudoostneder- 
frankische Psalmen : klank- en vormleer, Groningue, 
1899. Ces fragments n'ont du reste qu'un intérêt philo- 
logique, la version comme telle étant très médioere. 
Voir J. te Winkel, Geschiedenis der Nederlandsche let- 
terkunde, Harlem, 1887, p. 49. — Il existe une autre 
série de fragments de Psaumes, trouvés à Paris par 
Gédéon Huet, et publiés dans la Bibliothèque de l'École 
des chartes, t. xlvi, 1885, p. 496-502, sous le titre : 
Fragments inédits de la traduction des cantiques da 
Psautier en vieux néerlandais. Mais ce titre n'est pas 



exact : le dialecte n'est pas le bas franc mais plutôt le 
franc moyen ou rhénan. Voir J. H. Gallée, dans le 
Tydschrift van de Maatschappy van Nederlandsche 
Letterkunde, t. v, Leyde, 1885, p. 274-289. Les deux 
séries de fragments sont traitées par W. van Helten dans 
Die altostniederfrânkischen Psalmenfragmente, die 
Lipsius'schen Glossen, und die altsûdmittelfrànkischen 
Psalmenfragmente... I. Teïl, Texte, Glossen und In- 
dices, Groningue, 1902. 

II. Versions de 1300-1522. — Les précurseurs des 
versions proprement dites étaient lés bibles historiales. 
La plus ancienne, la « Bible rimèe », Rymbybel, de 
Jacob van Maerlant (1271), publiée à Bruxelles par 
J. David en 1858, n'est guère qu'une imitation assez 
libre en vers de VBistoria scholastica de Pierre Comes- 
tor. Les ouvrages en prose qui l'ont suivie se rappro- 
chent davantage du texte biblique. Le premier, com- 
posé en 1358, est l'œuvre d'un auteur inconnu. Certains 
détails lexicographiques ont fait penser à une origine 
hollandaise. Voir P. Leendertz dans De Navorscher, 
1861, p. 343; S. S. Hoogstra, Proza-beiverkingen van 
het leven van Alexander den Groote in het middelne- 
derlandsch, La Haye, 1898, p. xxxm sq. Cette pre- 
mière Bible historiale est conservée dans six manuscrits, 
Voir C. H. Ebbinge Wubben, Over middelnederlandsche 
vertalingen van het Oude Testament, La Haye, 1903, 
p. 3. Peut-être l'auteur s'est servi de la « Bible rimée », 
en la corrigeant par endroits d'après l'Histoire scolas- 
tique, mais sa source principale étaient les Livres Saints 
eux-mêmes, qu'il traduisait correctement et avec une 
certaine liberté. Tout en voulant donner une histoire 
continue, il reproduit en entier ou à peu près le Penta- 
teuque, Josué, les Juges, Ruth, les quatre livres des 
Rois, Tobie, Daniel, Judith, Esdras, Esther, et les livres 
des Machabées. Pour compléter son histoire il y introduit 
quelques récits de source profane. Le petit nombre de 
manuscrits existants a fait penser que l'ouvrage n'a pas 
été répandu, ou plutôt qu'il a été supplanté de bonne 
heure par la seconde Bible historiale, dont nous pos- 
sédons trente manuscrits complets ou partiels. Ici nous 
avons plutôt une version avec commentaires. Sous la 
rubrique texte ou texte de la Bible on donne la traduc- 
tion des différentes péricopes d'après la Vulgate; sous le 
titre Scholastica ou Scholastica histària on ajoute des 
développements ou des explications. En dehors des livres 
historiques de l'Ancien Testament il y a les Proverbes, 
l'Ecclésiaste, le Cantique, la Sagesse, l'Ecclésiastique, 
le livre de Job, et les parties historiques — « ce qui ap- 
partient à l'histoire courante », dit l'auteur — d'Ézéchiel 
et de Daniel. Dans certains manuscrits on trouve ajoutés 
soit les péricopes ecclésiastiques tirées de l'Ancien Tes- 
tament, soit une harmonie des Évangiles et un abrégé 
des Actes, soit encore des livres bibliques d'une version 
différente : le Psautier, les Lamentations, le prophète 
Jonas. La version a le double mérite d'être très fidèle et 
d'être pleine de force et d'onction. Un auteur allemand, 
W. Walther, Die deutsche Bibelùbersetzung tw Miltel- 
alter, Brunswick, 1889-1892, col. 650 sq., la préfère 
à tous les travaux contemporains du même genre en 
langue allemande. Il est regrettable qu'on ignore le nom 
de l'auteur. Il doit avoir écrit vers 1360, peut-être dans 
les environs d'Alost en Flandre. Un détail dans le pro- 
logue du Cantique nous fait croire qu'il appartenait au 
clergé régulier. 11 y raconte un fait qu'il ditTtenir d'un 
homme de son ordre : enen man ...van onser ordenen. 
Dans Ebbinge Wubben, p. 88. Quelque temps plus tard, 
vers 1384, un autre traducteur, également inconnu, tra- 
duit en entier les livres d'Isaïe, de Jérémie avec les La- 
mentations, et très probablement celui d'Ézéchiel, 
quoique ce dernier ne se trouve dans aucun manuscrit 
connu. 

La première Bible néerlandaise imprimée (Delft, 1477) 
reproduit le texte de la seconde Bible historiale, en 



1551 



NÉERLANDAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



1552 



supprimant les additions de source étrangère, et en 
ajoutant tous les autres livres de l'Ancien Testament 
excepté les Psaumes. Dès l'année suivante, elle était uti- 
lisée par l'éditeur de la Bible en bas-allemand deQuentel 
à Cologne. Voir Moll, dans les Verslagen en mededee- 
lingen der koninklyke A cademie van Wetenschappen, 
II série, t. vu, Amsterdam, 1878, p. 294. Malheureuse- 
ment la Bible de Delft de 1477 n'a été réimprimée 
qu'une seule fois, dans YAncien Testament qui parut 
en 1525 (à Anvers?) chez Hans van Ruremunde. Ici le 
teste de Delft est revu sur la Vulgate, le Pentateuque 
est remplacé par une autre version, et les Psaumes sont 
ajoutés. Mais dans l'entretemps on avait fait un pas en 
arrière en publiant à Anvers, 1513, 1516, 1518 (deux fois), 
chez Claes de Grave et Thomas van derNoot, la Bibel int 
Corte, « Bible abrégée. » C'était une édition de la seconde 
Bible historiale, plus ou moins corrigée. Isaac Le Long, 
Boekzaal der Nederduitsche Bybels, Amsterdam, 1732, 
p. 406, la traite de « falsification catholique faite 
à dessein », Les Protestants d'aujourd'hui sont plus 
modérés dans leurs jugements et reconnaissent que 
l'édition de 1518 était sérieusement corrigée. Mais déci- 
dément on avait tort de s'écarter du chemin frayé par 
les éditeurs de Delft. Voir H. van Druten, Geschiedenis 
der Nederlandsche Bybelvertaling, Leyde-Rotterdam, 
1895-1905, t. i, p. 322. — Les Psaumes aussi étaient 
alors traduits depuis longtemps. Une traduction rimée 
des Psaumes pénitentiaux et quelques autres fragments, 
publiés par G. J. Meijer dans les Nieuwe Werken 
van de Maalschappy van Nederlandsche Letterkunde, 
t. v, Dordrecht, 1841, p. 187-240 (voir aussi Ebbinge 
Wubben, p. 204-209), semblent dater du commence- 
ment du XIV e siècle. Une version du Psautier complet 
a dû suivre bientôt, car ce livre parait avoir été le pre- 
mier qui soit traduit en néerlandais. Il est même cer- 
tain qu'il y a eu plusieurs versions indépendantes; 
mais sous ce rapport les textes dispersés dans une 
soixantaine de manuscrits sont encore loin d'avoir livré 
tous leurs secrets. Dans quatre manuscrits le texte est 
enrichi de gloses. Toutes ces versions suivent la Vulgate, 
mais un des traducteurs, probablement le premier, pa- 
rait s'être servi aussi d'une version française. Histori- 
quement on connaît comme traducteurs et glossateurs : 
Geert Groote, le célèbre fondateur des Frères de la vie 
commune, f 1384, et Jean Scutken, membre éminent 
de la même confrérie, f 1423. On est porté à leur attri- 
buer la recension, ou plutôt la version la plus remar- 
quable, dont Van Druten ne connut que le seul manu- 
scrit 235 de la Maatschappy van Nederlandsche Letter- 
kunde à Leyde, mais qui de fait se retrouve dans plus 
de "vingt autres] manuscrits. Voir Ebbinge Wubben, 
p. 175. Quant à ce Psautier Walther, Die deutsche Bibel- 
ûbersetzung..., col. 700, renchérit encore sur les éloges 
faits à la Bible historiale de 1360. Aussi c'est cette ver- 
sion seule qui a été propagée par la presse. Elle a eu 
au moins dix éditions entre 1480 et 1509. Voir Van 
Druten, Geschiedenis, t. i, p. 38-40. — Le Cantique 
était également très goûté dans les cercles pieux du 
xiv e et du xv e siècle. Il en existe plusieurs ver- 
sions, encore trop peu connues, dans environ 45 ma- 
nuscrits, dont plus de trente ajoutent de longs commen- 
taires. 

Quant au Nouveau Testament, c'est la partie princi- 
pale historique, la vie de Notre-Seigneur, qui a été la 
première à se répandre en langue néerlandaise. Après 
la Bible rimée de Van Maerlant il y en a deux autres de 
forme poétique : une de Jean Boendale (1325-1330), 
dans le livre : Der Leken Spieghel, le miroir des laïques, 
publiée à Leyde en 1845 par M. de Vries, et une autre, 
d'un auteur inconnu de la même époque, mais d'une 
valeur poétique supérieure : Vanden levenexms Heren, 
publiée par P. J. Vermeulen à Utrecht en 1843. Une Vie 
de Jésus en prose de 1332 a été éditée à Groningue en 



1835 par G. J. Meijer; comp. quelques fragments, pu- 
bliés par J. J. Nieuwenhuysen dans la Dietsche Warande, 
t. 'm, Amsterdam. 1857, p. 239-241; et l'édition de 
J. Bergsma dans la Bibiiotheek van Middelnederlandsche 
letterkunde, Groningue, 1895-1898. Il en existe plusieurs 
autres en manuscrit, qui sont toutes des imitations des 
Vies de Notre-Seigneur de saint Bonaventure et de 
Ludolphe de Saxe. Voir Moll, Johannes Brugman, Am- 
sterdam, 1854, t. il, c. I et Appendices; les registres des 
sources de J. Verdam, Middelnederlandsch woorden- 
boek, La Haye, 1885 sq. (encore inachevé); L. D. Petit, 
Bibliographie van Middelnederlandsche taal-en letter- 
kunde, Leyde, 1888. L'usage général qu'on faisait de ces 
Vies de Jésus-Christ et de certaines harmonies des Évan- 
giles, explique le fait, à première vue assez étrange, que 
toutes les Épttres du Nouveau Testament, les Actes des 
Apôtres et même l'Apocalypse ont été traduits en néer- 
landais (vers 1360) avant les Évangiles. Néanmoins ceux- 
ci étaient déjà traduits avant l'année 1391. Van Druten 
connaissait quarante-trois manuscrits complets ou par- 
tiels du Nouveau Testament, et la liste est évidemment 
encore incomplète. Voir C. G. N. de Vooys, lets over 
middeleeuwse Bybelverlalingen dans le Theologisch 
Tydschrift, 1903, p. 113, 114. Mais le Nouveau Testa- 
ment ne semble pas avoir été répandu par la presse 
avant le commencement du xvi e siècle. Alors parurent 
les Actes et l'Apocalypse à Leyde chez Jean Severse 
(1512?), et à Anvers chez Claes de Grave — et le Nou- 
veau Testament en entier en 1518 à Delft et à Kampen. 
Voir Le Long, Boekzaal, p. 503. Aussi les premières 
éditions de Jacques van Liesveldt à Anvers, qui publia 
les Évangiles en 1522, les Épîtres de saint Paul, pro- 
bablement en 1523, et peu après les Épîtres catholi- 
ques, reproduisirent encore la version ancienne avec 
quelques modifications d'après la Vulgate. — Au con- 
traire les Epistolaires et Evangéliaires, collections 
de toutes les péricopes ecclésiastiques de l'année litur- 
gique, ne sont représentés que par d'assez rares manus- 
crits. Van Druten n'en cite que quatre, dont un de 1348. 
De Vooys, p. 148, en connaît cinq (ou sept?) autres. Mais 
dès le xv e siècle, les éditions imprimées étaient nom- 
breuses : on en connaît d'Utrecht (1478), de Delft (1481, 
1484), de Cologne (1482), de Harlem (i486), de Zwolle 
(1487, 1488, 1490), de Leyde (1488), de Déventer (1493, 
1496), d'Anvers (1496), etc. Une version ancienne de 
l'Apocalypse est publiée par O. Behagel dans la Zeit- 
schrift fur deutsches Alterthum, t. xxn, Berlin, 1877, 
p. 97-142. Remarquons en terminant cette partie que 
toutes les versions de cette époque sont évidemment des 
versions catholiques. C'est à tort que L. Relier, Die Re- 
formation und die ûlteren Reformationsparteien, 1885, 
p. 256, en défendant sa fausse hypothèse de l'origine vau- 
doise de la première version allemande du Nouveau 
Testament, a cru découvrir des « corrections catholi- 
ques » dans un manuscrit néerlandais, originaire de 
Zwolle. Voir Van Druten, Geschiedenis, 1. 1, p. 224-244. 
Aussi, jusqu'ici, il n'y a aucune trace d'intervention de 
la part de l'autorité ecclésiastique ou civile. 

III. Troisième époque. — Ici s'ouvre une époque 
d'activité remarquable, de luttes et de confusion. On 
y trouve bon nombre de versions, de corrections et 
d'éditions catholiques et protestantes, et plusieurs 
autres d'origine hybride ou de tendance douteuse, fruits 
d'un certain esprit de conciliation, ou plus souvent de 
spéculation purement mercantile. Il est douteux, îpar 
exemple, de quel côté il faut ranger la traduction du 
Nouveau Testament, d'après la troisième édition de la 
version latine d'Erasme (1522), qui parut à Delft en 
1524 chez Corneille Heynrickz, et qui semble avoir eu 
une dizaine d'éditions, en partie revues de pouveau sur 
la Vulgate. C'est le cas du moins de-l'édition donnée en 
1527 par Michel Hillen van Hoogstraten à Anvers. Un 
travail antérieur, basé sur le texte d'Érasme, l'Évangile 



1553 



NÉERLANDAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



1554 



de saint Matthieu, traduit par Jean Pelt, et imprimé à 
Amsterdam chez Doen PieterSOen, probablement en 
1522, avait été proscrit comme hétérodoxe par un pla- 
card de Charles-Quint, daté du 23 mars 1524. Guillaume 
Vorsterman publia à Anvers six éditions de la Bible 
complète-in-folio (1528, 1532, 1533, 1544, 1545, 1546), six 
autres du Nouveau Testament (1528, 1529, 1530 deux 
fois, 1531, 1534) et une de l'Ancien Testament (1543). 11 
avait pris pour base l'édition de Van Liesveldt (Anvers, 
1526), qui suivait la traduction allemande de Luther, 
pour autant qu'elle avait déjà paru, mais il l'avait fait 
corriger avec soin par des savants catholiques de Lou- 
vaïn. Néanmoins, plusieurs de ces éditions, soit de la 
Bible entière soit du Nouveau Testament, ont été frap- 
pées de condamnation, parce que les typographes, par 
incurie ou par mauvais vouloir, avaient négligé les 
corrections, en suivant de trop près l'édition dé Van 
Liesveldt. Du reste les presses catholiques d'Anvers 
n'avaient plus de repos. Nous connaissons deuxSéditions 
catholiques du Nouveau Testament de Michel Hillen van 
Hoogstraten (1530, 1533), trois autres de Matthieu Crom 
(1538, 1539, 1541), cinq de Henri Peters van Middelburg 
(1541, 1542, 1544, 1546, 1548), deux de sa veuve (1553, 
1556), et deux de Jean van Loe (1546, 1548?). Ajoutons 
la double édition, in-f» et in-8°, de Corneille Heynrickz à 
Delft (1533), celles de Pierre Warneson à Kampen (1543) 
et de Jean van Remunde à Zwolle (1546) — les Psaumes 
de Heynrickz (1534) et la Bible complète in-folio de Henri 
Peters van Middelburg (1535). Une autre édition du même 
imprimeur, celle de 1541, a été condamnée : c'était proba- 
blement une reproduction d'une des Bibles de Vorsterman. 
Même en pays allemand, à Cologne, se publia en 1548 
chez Jasper van Gennep une nouvelle version néerlan- 
daise de la Bible entière, ouvrage d'Alexandre Blanckart, 
0. C. Les passages qui ailleurs avaient donné lieu à des 
condamnations étaient soigneusement; rendus conformes 
à l'édition de la Vulgate, que le Père Hentenius, 0. P., 
venait de publier à Louvain (1547). Cependant l'ouvrage 
n'eut pas de succès. Dans la même année 1548 parut à 
Louvain chez Barthélémy van Grave une autre traduc- 
tion de la Vulgate de Hentenius par Nicolas van Winghe. 
C'est cette version, qui supplanta chez les catholiques 
des Pays-Bas toutes les versions précédentes. Après au 
moins dix-sept éditions complètes et une cinquantaine 
d'éditions du Nouveau Testament, elle fut corrigée sur 
la Vulgate clémentine, et devint ainsi la célèbre «Bible 
de Moerentorf ». Depuis que Cet imprimeur anversois 
en donna la première édition, en 1599, elle n'a cessé 
d'être reproduite en Belgique jusqu'au xix 8 siècle, avec 
des corrections purement orthographiques et gramma- 
ticales. 

C'était encore à Anvers qu'avaifparu en 1523, chez 
Adrien van Bergen, le premier Nouveau Testament pro- 
testant, c'est-à-dire dépendant de la version de Luther. 
Et depuis cette époque jusque vers la moitié du xvi« siè- 
cle, presque chaque année vit paraître des éditions 
semblables, soit du Nouveau Testament, soit de la Bible 
entière. Surtout à Anvers où se publiaient vers le même 
temps des versions ayant plus ou moins une teinte de 
luthéranisme, en français, en espagnol, en anglais, en 
danois. Les éditeurs les plus connus sont Adrien van 
Bergen, Jean van Ghelen, Hans van Buremunde, Martin 
de Keyser, Christophe van Buremunde, Govert van der 
Haghen, et surtout le fougueux Jacques van Liesveldt, 
qui, en 1545, paya de sa vie ses attaques incessantes 
contre le catholicisme. A Amsterdam travaillait pour 
la « Réforme » Doen Pietersoen, à Leyde Pierre Jans- 
zoon et Pierre Claessen, à Kampen Etienne Joessen, à 
Déventer Dirk van Borne, tandis qu'à l'étranger des 
textes néerlandais semblables sortaient des presses 
d'Adam Pétri van Langendorff à Bàle, de Pierre Etienne 
à Genève, et de Hiero Fuchs à Cologne. Il est vrai 
que dans ces divers textes la dose d'hérésie n'était pas 



partout la même. Parfois on ajoutait en marge les 
variantes de la « Bible de Delft » ou d'autres éditions 
catholiques; parfois on mêlait au texte même de Luther 
des corrections de ce genre, tirées du texte d'Érasme 
ou des versions franchement catholiques, soit pour évi- 
ter les rigueurs de la justice, soit pour tromper des • 
lecteurs catholiques, soit plutôt pour de simples raisons 
pratiques de libraire. Ce qui n'empêcha pas, du reste, 
que bon nombre de ces éditions ne fussent proscrites 
par l'autorité compétente, guidée le plus souvent par la 
Faculté théologique de Louvain. Voir Van Druten, Ge- 
schiedenis, t. n, p. 370437 ; Chr. Sepp, Verboden lectuur, 
Leyde, 1889, p. 67-70, 124, 192, 194. En face de cette 
confusion immense on comprend mieux que partout 
ailleurs la nécessité des mesures, prises par l'Eglise au 
Concile de Trente et depuis, pour assurer aux fidèles 
un seul texte latin authentique, et pour empêcher la 
lecture des traductions en langue vulgaire, non approu- 
vées par l'autorité ecclésiastique. 

Il est vrai que dans la seconde moitié du xvi 5 siècle, 
parmi les protestants aussi la confusion allait en dimi- 
nuant. Les diverses sectes, déjà constituées plus ou 
moins régulièrement, commençaient à publier des textes 
officiels pour leurs adeptes. Les luthériens avaient, au 
moins dès l'année 1558, une version, faite d'après la tra- 
duction en bas-allemand de Bugenhagen, et publiée à 
Embden. Là aussi était imprimée la Bible des Menno- 
nites (1560), qui en somme n'était guère qu'une repro- 
duction de la précédente, avec subdivision des chapitres 
en versets. L'Église « réformée » (calviniste), qui fut 
bientôt l'Église dominante en Hollande, avait elle aussi 
reçu des éditeurs mêmes de la Bible luthérienne sa Bi- 
bel in duyts (1556), et d'un autre éditeur (Gellius Cte- 
matius — Gilles van den Erven) le Nouveau Testament 
de Jean Utenhove (1556), un autre de Godefroi van Win- 
ghen (1559) et l'Ancien Testament du même traducteur 
(1562). Les Bibles luthérienne et mennonite ont été plu- 
sieurs fois revisées et réimprimées en Hollande, la pre- 
mière exclusivement d'après la version allemande de 
Luther. Une édition mennonite du Nouveau Testament, 
publiée en 1554 à Amsterdam par Matthieu Jacobszoon, 
a pareillement été reproduite plusieurs fois. Les Calvi- 
nistes, tout en reconnaissant les défauts de la Bible de 
G. van Winghen, ne parvinrent, pendant plus d'un 
demi-siècle de pourparlers stériles, qu'à modifier leurs 
notes exégétiques. Ce n'est qu'en 1618 que le synode 
calviniste de Dordrecht résolut de faire élaborer une ré- 
vision radicale d'après les textes originaux. Le travail 
ne commença qu'en 1628. Pour fixer la forme gramma- 
ticale de leur version, les auteurs composèrent d'abord * 
une espèce de grammaire néerlandaise. Les livres pro- 
tocanoniques de l'Ancien Testament étaient l'ouvrage 
de Baudart, Bogerman, Bucer et Thysius, et les livres 
deutérocanoniques et le Nouveau Testament celui de 
Hommius, Boland et "Walaeus. A la traduction, qui ne 
manque pas de mérite, ils ajoutaient des introductions, 
des résumés de chapitres, et des notes marginales. Ainsi 
le fameux Statenbybel s'imprima à Leyde en 1636, 
mais la publication fut différée jusqu'après l'approba- 
tion des États-Généraux qui date du 29 juillet 1637. 
Cette même année vit encore deux autres éditions, à 
Amsterdam et à Gouda, et depuis elles se succédaient 
d'année en année. Une liste officielle de corrections 
typographiques parut en 1655. Depuis environ un 
siècle et demi on s'est souvent appliqué à renouveler 
l'orthographe et les formes grammaticales, d'après les 
changements survenus dans la langue, mais sans modi- 
fier le sens. Et après tout la langue retient encore beau- 
coup de cetle saveur antique qui semble faire les délices 
et 'l'édification des pieux calvinistes. 

IV. Depuis la. fin du xvi e siècle. — Depuis cette 
époque, c'est la Bible de Moerentorf (ou Moretus) plu- 
sieurs fois réimprimée qui a dû. suffire presque seule 



4555 



NÉERLANDAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



1556 



aux besoins des catholiques de langue néerlandaise. Le 
Nouveau Testament, publié en 1614 par F. Coster, S. J., 
n'est guère qu'une reproduction de ce texte, orthogra- 
phiquement rajeunie et enrichie de nombreuses notes. 
Les travaux de Gilles de Witte (Nouveau Testament, 
1696, 1697, etc. ; Psaumes, 1697, 1699, etc. ; Proverbes, 
Écclésiaste, Cantique, Sagesse, Ecclésiastique, 1702; 
Tobie, Judith, Esther, Job, 1708; Pentateuque, 1709; 
Bible complète, Utrecht, 1717), d'André van der Schuur 
(Évangiles, 1689; le reste du Nouveau Testament, 1698; 
le Nouveau Testament, en entier, 1705, 1709, etc.; le 
Pentateuque, 1715; les livres historiques Josué-Rois, 
1 717 ; la Bible entière, complétée par H. van Rhijn, 1732), 
et de Philippe Laurent Verhulst (Nouveau Testament, 
1717, 1721) sont plutôt des versions jansénistes, faites 
sur la « Vulgate de Mons » et le « Nouveau Testament 
(français) de Mons ». Voir Van Druten, p. 633-665; M. F. 
V. Goethals, Histoire des lettres, des sciences et des arts 
en Belgique, t. i, Bruxelles, 1840, p. 283, 295 sq.; J. A. 
van Beek, Lyst van Boeken en Brochuren, uitgegeven 
in de Oud-Katholieke Kerk van Nederland, sedert 1700 
tôt 1751, Rotterdam, 1893, p. 5, 7, 28, 36, 48, 61, 62, 96; 
De Oud-Katholiek, 1895, p. 129-132; 1905, p. 117, 126, 
134 sq. — Le Nouveau Testament de De Witte (Candi- 
dus) fut sévèrement jugé par H. Bukentop O. F. M. dans 
son Examen translationis flandricss N. T..., Louvain, 
1698. Une version franchement catholique de l'Ancien 
Testament avec de savants commentaires latins est l'ou- 
vrage des Pères franciscains Guillaume Smits et Pierre 
van Hove, 21 in-8", Anvers, 1744-1777. Malheureusement 
elle est restée incomplète. Il y manque tous les Pro- 
phètes et les livres historiques Josué-Paralipomènes avec 
ceux des Machabées. A partir de ce temps, pendant près 
d'un siècle entier, nous ne trouvons que des versions 
des saints Évangiles ou de quelque livre isolé. Mais dès 
l'année 1859 ont paru simultanément deux versions du 
Nouveau Testament, avec des introductions et des 
notes : celles de l'avocat S. P. Lipman, juif converti, 
Bois-IeJDuc, 1859-1866, et du professeur J. Th. Beelen, 
Louvain, 1859-1866. L'une et l'autre ont de grands 
mérites; dans la première les introductions et les notes 
sont plus développées et contiennent plus d'érudition et 
de polémique contre l'exégèse protestante, mais elle 
n'est pas achevée : les Épîtres catholiques et l'Apoca- 
lypse font défaut. Comme les deux branches du néer- 
landais dans les derniers siècles se sont écartées davan- 
tage, il convient de noter que la langue de Lipman est 
le hollandais ou néerlandais du nord, tandis que Beelen, 
hollandais d'origine, mais professeur à Louvain, a plu- 
tôt cherché un juste milieu entre le hollandais et le 
flamand (ou néerlandais du midi). Beelen donna encore 
les Psaumes et les livres sapientiaux. Voir Beelen, t. i, 
col. 1542, où il faudrait ajouter la traduction de la Sa- 
gesse (1881) et de l'Ecclésiastique (1882). Quelques années 
après sa mort plusieurs savants belges se sont réunis 
pour compléter son œuvre. Le fruit de ce travail est : 
Hel Oude Testament in 't vlaamsch vertaald en uïige- 
leid door J. Th. Beelen, V. J. Coornaert, J. Corluy, 
O. E. Dignant, P. Haghebaert, A. G. Vandeputte, 6 vol., 
Bruges, 1894-1896. Ici la langue est plutôt le fla- 
mand, — mais avec les livres de Beelen, ceux de Corluy, 
les Grands Prophètes, se rapprochent sensiblement du 
hollandais. Enfin une dernière traduction catholique de 
l'Ancien Testament, quoique à peu près achevée, est 
encore en cours de publication. Elle parait depuis 1894 
à Bois-le-Duc sous le titre : Biblia Sacra Veteris Tes- 
tamenti, dat is : De Heilige Boeken van het Oude Ver- 
bond. Les auteurs sont les savants hollandais : H. J. 
Th. Brouwer, P. L. Dessens, Mgr. J. H. Drehmanns, 
Mgr. A. Jansen, J. M. van Oers, J. Schets, D. A. W. 
H. Sloet, G. W. J. N. van Zinnicq Bergmann. Tout 
comme la précédente elle donne le texte de la Vulgate 
en regard et ajoute des introductions et des notes. Dans 



la plupart des livres qui ont paru, les notes, sans être 
de moindre valeur réelle, sont parfois plus concises et 
d'une forme plus populaire que celles de la nouvelle 
version flamande, en évitant par exemple toute citation 
en langue étrangère. Ce n'est que dans les volumes les 
plus récents (les Juges de Sloet, les livres de Samuel et 
l'Ecclésiastique de Jansen) que les notes sont plus dé- 
veloppées et de tournure plus savante. Là aussi une 
large part est faite à la critique textuelle, littéraire et 
historique. Voir sur ces deux versions récentes Van Kas- 
teren, dans les Studiën op godsdienstig , wetenschap- 
pelyk en letterkundig gebied, t. xlhi, 1994, p. 276-292; 
t. xlv, 1895, p. 208-214; t. xlvii, 1896, p. 107-112; t. l, 
1898, p. 79-82; dans Biekorf, 1895, p. 95-104; et dans 
la Revue biblique, t. v, 1896, p. 119, 650; t. vi, 1897, 
p. 328; t. x,1901, p. 326; L. d'Heeredans Biekorf, 1895, 
p. '49-53, 104-111. Sur la dernière : G. Wildeboer dans 
les Theologische Studiën, 1905, p. 164-172; J. van den 
Dries, dans De Katholiek, t. cxxvni, 1905, p. 261-275; 
H. Coppieters dans la Revue biblique, nouv. série, t. m, 
1906, p. 139-144. — Tout récemment enfin .(décembre 
1905) on vient d'annoncer une nouvelle traduction (avec 
notes) des Évangiles et des Actes — qui est encore 
sous presse. 

Parmi les protestants néerlandais le Statenbybel s'est 
maintenu en usage jusqu'à nos jours. Ce n'est pas à 
dire toutefois que des traductions plus récentes ont fait 
défaut. En passant sous silence celles d'un bon nombre 
de livres isolés, nous devons mentionner le Nouvean 
Testament de Hartsoeker, de la secte des Remontrants 
(1681), celui du médecin Rooleeuw, des Collégiants 
(1694), de Charles Catz (1701), de G. Vissering, pasteur 
mennonite (1854), de G. J. Vos (1895), et deux versions 
de la Bible entière, y compris les livres deutéroeanoni- 
ques : celle de Y. van Hamelsveldt (1800) et de J. H. 
van der Palm (1818-1830). La dernière a joui pendant 
quelque temps d'une grande popularité, due à son style 
de bon goût plutôt qu'à son exactitude scientifique. 
Pour le Nouveau Testament, il existe même, depuis 
1868, une nouvelle traduction plus ou moins officielle 
de « l'Église réformée néerlandaise », qui comprend la 
grande majorité des protestants des Pays-Bas. C'est le 
« Synode général ■> de cette Église qui en 1848 prit la 
résolution de faire exécuter une nouvelle version de la 
Bible complète. Mais le plan n'a réussi que pour le 
Nouveau Testament, dont la « version synodale » parut 
vingt ans après. Les traducteurs, W. A. van Hengel, A. 
Kuenen, J. J. Prins et J. H. Scholten, étaient des criti- 
ques assez avancés. Mais pour une raison ou pour une 
autre ils déclaraient dans la Préface, que leurs intro- 
ductions et leurs notes « s'abstiennent soigneusement de 
raisonnements dogmatiques et polémiques, et ne don- 
nent aucune place à des jugements sur des recherches 
historiques ou critiques ». Néanmoins malgré cette 
prudente réserve, et malgré le caractère plus ou moins 
officiel de l'édition, il semble qu'elle est encore loin 
d'avoir supplanté chez le peuple le vieux Statenbybel, 
Quant à l'Ancien Testament, le travail a été repris en 
mains, indépendamment du Synode, en 1885, par À. 
Kuenen, J. Hooykaas, W. H. Kosters et H. Oort. Ils ont 
fini par publier (1897-1901) en deux forts volumes les 
seuls livres protocanoniques de l'A. T. avec introduc- 
tions, notes et tables. En fait de critique textuelle — 
dont H. Oort a rendu compte dans l'opuscule Textus 
hebraici emendationes, quibus in V. T. neerlandice 
vertendo usi sunt A . Kuenen, etc., Leyde, 1900 — le 
travail n'est pas sans mérite. La version est d'un hollan- 
dais pur et correct, souvent même élégant. Les notes 
exégétiques sont assez sobres et succinctes, mais les 
introductions, qui précèdent soit les livres entiers soit 
des parties plus ou moins longues, sont en général très 
développées. Il s'y étale une critique littéraire et histo- 
rique d'un radicalisme outré. C'est la vulgarisation des 



1557 



NÉERLANDAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE — NÉGEB 



1558 



hypothèses les plus osées sur l'histoire israéliie. Il sera 
difficile de trouver dans les 2000 pages une seule phrase 
qui trahisse une main chrétienne. Aussi dans un pros- 
pectus l'éditeur a annoncé ce commentaire populaire 
suivi, « d'après les recherches scientifiques du dernier 
demi-siècle, » comme un travail « qui n'existe encore 
dans aucun autre pays ». Voir Van Kasteren, dans les 
Studiên.... t. lu, 1899, p. 163-167; t. lvi, 1901, p. 72- 
75; dans la Revue biblique, t. x, 1901, p. 326-328. 

On nous permettra de passer sous silence les quelques 
tentatives de versions juives, qui ne datent que du 
xix e siècle, et dont une seule, continuée par diverses 
mains (1826-1862), a fini par comprendre toute la Bible 
juive. 

V. Bibliographie, — L'ouvrage classique sur les ver- 
sions néerlandaises, déjà cité plus haut, a le long titre que 
voici : Boek-zaal der nederduitsche Byhels, geopent in 
een Historische Verhandeling van de Overzetlinge der 
Heilige Schriftuure in de Nederduitsche Taale^ sedert 
dezelve eerst wierdt ondernomen ; beneffens de Veran- 
deringen, welke daar omirent door de Gereformeerde, 
Luthersche, Mennonieten en Boomschgesinde, van tyd 
tôt tyd tôt nu lue gemaakt zyn. Met een omstandig 
bericht, van meer dan Hondert Oude Handschriften, 
van Bybels en Bybelsche Boeken des Ouden en Nieu- 
wen Testaments, tôt op de Vindinge van de Druk- 
Konst ; als mede van meer dan duizent diergelyke ex~ 
emplaaren van verschillende Drukken, sedert de 
Vindinge der Druk-Konst lot nu toe;alle in de Neder- 
duitsche Taale. Doormengt met Historische, Taalkun ■ 
dige, Geestelyke en Wereldtlyke Aanmerkingen en 
met een meenîgle van heerlyke en Egte Bewys-stukken 
gestaaft, daar van veele nooit net licht gezien hebben. 
Metveelnaauwkeurigheid, moeite en kosten, sedertveele 
jaaren verzametd en beschreven, door Isaac Le Long, 
Amsterdam , 1732 ; Hoorn , 1764. Notons ensuite : 
H. Hinlopen, Historié van de Nederlandsche overzelting 
des Bybels, Leyde, 1777; H. van Druten, Geschiedenis 
der Nederlandsche Bybelvertaling, Leyde-Rotterdam, 
1895-1905. Van Druten voit dans son histoire la preuve 
« que Dieu a [voulu la Réforme », p. 174. Plus d'une 
fois cependant il n'hésite pas à flétrir les préjugés et 
la partialité de Le Long. Voir sur l'ouvrage de Van 
Druten : C. G. N. de Vooys, article cité, Theologisch 
Tydschrift, 1903, p. 111-158. Nous tenons de bonne 
source que l'auteur prépare une nouvelle édition. — 
Des détails sur les premières éditions imprimées de 
la Bible néerlandaise se trouvent dans J. I. Doedes, Ge- 
schiedenis van de eerste uitgaven der Schriflen des 
Nieuwen Verbonds in de Nederlandsche taal 4522, 
1533; Utrecht, 1872 ; P. C. van der Meersch, Recherches 
sur la vie et les travaux des imprimeurs belges et 
néerlandais, t. i (seul paru), Gand, 1856; G. Holtrop, 
Monuments typographiques des Pays-Bas au xr e siè- 
cle, la Haye, 1868; M. F. Campbell, Annales de la typo- 
graphie néerlandaise au XV e siècle, avec quatre sup- 
pléments, La Haye, 1874-1800. Voir encore : J. G. 
de Hoop Scheffer, Geschiedenis der Kerkhervorming 
in Nederland van haar ontstaan tôt 1531, Amster- 
dam, 1873, p. 256-282; F. P. Lorreins, Nota's over 
en tôt de geschiedenis der Nederlandsche Bybelverta- 
ling, dans Dietsche Warande en Belfort, 1904, n. 7, 
p. 10-26. J. van Kasteren. 

NEFILIM, NEPHILIM, dans la Vulgate : gigantes, 
Gen., vi, 4; monstra, de génère giganteo, Num., xiii, 
ai (2 fois). Voir Géants, 1», t. m, col. 135. 

NÉGEB, nom hébreu de la partie méridionale de la 
Palestine. Gen., xn, 9; xm, 1, 3; xxi, 1; xxiv, 62, etc. 
H représente une contrée qui a ses limites, son carac- 
tère et son histoire. 
. I. Nom. — Le mot négéb vient de la racine inusitée 



nâgab, qui veut dire « être sec ». Il caractérise bien, 
nous le verrons, le pays auquel il s'applique. Mais ce 
sens étymologique a en quelque sorte disparu pour 
faire place à un autre, dérivé de la situation même du . 
pays; négéb est devenu synonyme de « midi », comme 
yâm, yammâh, « la mer, vers la mer, » a été employé 
pour désigner « l'occident ». On le trouve ainsi uni aux 
mots : gebûl, « limite, » Jos., xv, 4; pe'af, « côté, » 
Num., xxxv, 5; Sa'ar, « porte, » Ezech., xlvi, 9, pour 
y ajouter l'idée de «, méridional ». De même, il indique 
le sud d'une ville, comme Jérusalem, Zach., xiv, 10, 
d'une contrée, comme le territoire d'Éphraïm. Jos., xvn; 
9, 10. Avec le hé local, négbâh, il détermine « le midi » 
en général, en tant que distinct du nord, de Test et de 
l'ouest. Gen., xm, 14. Mais, dans une quarantaine de 
passages de l'Ancien Testament, Négéb est devenu le 
nom propre de la région qui s'étend au sud de la Pales- 
tine, à partir des environs d'Hébron jusque vers Cadès; 
il est ordinairement accompagné de l'article, han-Négéb, 
et c'est dans ce sens que nous le considérons ici. Les 
versions anciennes semblent ne l'avoir pas compris 
sous ce rapport. Les Septante rendent négéb par lity, 
« sud-ouest, » Gen., xx, 1; xxiv,62: Num., xxxiv, 4, etc. ; 
vôtoç, « sud, » Num., xm, 29; Jud., i, 16; Jer., xm, 
19, etc.; èpTjjioç, « désert, » Gen., xn, 9; xm, 1, 3, etc.; 
quelquefois par Na-fig. Jos., x, 40; XI, 16; XV, 19; Jer., 
xxxn, 44; xxxui, 13; Ezech., xx, 46; Abd., 19, 20. La 
Vulgate le traduit par lerra australis, Gen., xx, 1; 
xxiv, 62; plaga australis, Gen., xm, 1; Num., xxxiv, 4; 
Jos., xv, 1, etc. ; auster, Jer., xm, 19; xxxn, 44, etc. ; me' 
ridies, Gen., xn, 9; xm, 3, etc.; plaga ou terra meri- 
diana, Num.,xm, 17; Jos., xi, 16; africus, Is., xxi, 1; 
terra arens, Jud., I, 15. Dans les premiers siècles de 
notre ère, ce district méridional s'appfelait Daroma. 
Voir Darom, t. il, col. 1307. On trouve un pays de 
Ngb mentionné quelquefois sur les monuments égyp- 
tiens; mais il n'est pas prouvé qu'il corresponde au 
Négéb palestinien. Cf. W. Max Mûller, Asien und Eu- 
ropa nach altâgyptischen Denkmâlem, Leipzig, 1893, 
p. 148. 

II. Situation et limites. — La Palestine, plus spécia- 
lement le territoire de Juda, au point de vue topogra- 
phique, comprend des contrées différentes, que la Bible 
distingue nettement : hâ-hâr, « la montagne, » c'est-à- 
dire la chaîne de hauteurs qui forme l'ossature du pays, 
du nord au sud; has-Sefêlâh, « la plaine, s c'est-à-dire 
la plaine philistine et une partie des basses collines du 
sud-ouest; hd'ârâbdh, « le désert, » c'est-à-dire les en- 
virons de la mer Morte et du Jourdain; enfin han-négéb, 
« le [pays] sec » ou « le sud ». Cf. Deut., i, 7; Jos., xi, 
16; Jud., i, 9. Quelles étaient les limites de cette der- 
nière région? Il est difficile de le dire exactement. De 
l'est à l'ouest, elle allait de l'Arabah à la Méditerranée; 
au nord et au sud, les lignes sont plus indécises. L'Écri- 
ture nous fournit cependant des indications suffisantes 
pour en donner un tracé approximatif. Elle signale plu- 
sieurs divisions géographiques ou ethnographiques du 
Négéb. A propos d'une invasion des Amalécites dans le 
sud de Chanàan, elle mentionne : le negéb hak-Kerêfî, 
« le négéb des Céréthiens, » puis « celui de Juda » 
(hébreu : â$ér lyhûdàh), et le négéb Kàléb, «. le négéb 
de Caleb. » I Reg., xxx, 14. Or les Céréthiens étaient 
une tribu des Philistins, habitant par conséquent le sud- 
ouest de la Palestine. Voir Céréthéens, t. n, col. 441. 
Nous savons par ailleurs que le territoire assigné à 
Caleb comprenait Hébron et les villages qui en dépen- 
daient. Jos., xxi, 11, 12. Un de ses descendants, Nabal, 
habitait Maon (aujourd'hui Ma'în) et avait des possessions 
sur le Carmel (El-Kermel), au sud d'Hébron. Voir la 
carte de Juda, t. m, col. 1760. Le négéb de Juda, tel qu'il 
est précisé ici, comprenait la contrée intermédiaire, c'est- 
à-dire les derniers contreforts du massif montagneux de 
la Judée. Il est encore question I Reg., xxvu, 10, du négéb 



1559 



NEGEB 



1560 



ha-Yerahme'êli, «négéb des Jéraméélites, » et du négéb 
haq-Qènl, « négéb des Cinéens. » Les Ginéens étaient 
voisins des Amalécites, mais une de leurs tribus* en par- 
ticulier est signalée au sud d'Arad (Tell 'Arâd). Jud., I, 
16. Quant aux Jéraméélites, ils demeuraient plus au 
sud, si l'on admet avec vraisemblance que leur nom est 
rappelé par celui de Youadi Rakhméh, au nord-est de 
Sbaita; on retrouve, en effet, dans le nom arabe les let- 
tres fondamentales du mot hébreu : Dm, rhm. Les quatre 
premières divisions du Négéb que nous venons de men- 
tionner en déterminent suffisamment la partie septen- 
trionale. Mais nous trouvons un point d'appui plus solide 
encore dans l'énumération des villes de Juda. Jos., xv, 
21-32. Les premiers groupes renferment précisément les 
cités du Négéb. La plupart sont malheureusement incon- 
nues, mais celles qui sont identifiées d'une façon certaine 
ou probable peuvent servir à délimiter au nord le dis- 
trict dont nous parlons. Nous pouvons signaler : Siceleg, 
généralement cherchée aujourd'hui à Kh. Zuheiliqéh; 
Remmon, Kh. Umm-er-Rummàmin; Garioth ou Ca- 
rioth-Hesron, Kh. el-Qureitein ; Adada, El-'Ad'adah; 
Molada, Kh. el-Milh; Bersabée, Bir es-Séba' ; Sama ou 
Sabée, Tell es-Séba'. En coordonnant ainsi tous ces 
renseignements nous arriverions à déterminer à peu 
près la limite nord du Négéb par une ligne allant de 
Siceleg à la mer Morte, ce serait la frontière de Siméon, 
relevée seulement au nord-est. Jos., xix, 1-8. Du côté 
du sud, la Bible ne nous donne que quelques points de 
repère : Harma ou Horma, identifiée avec Sbaïta, à en- 
viron quarante kilomètres A'Aïn Qadis, et Cadès, peut- 
être la même que Cadèsbarné, 'Ain Qadis, à 80 kilo- 
mètres au sud de Bersabée. E. H. Palmer, The Désert of 
the Exodus, Cambridge, 1871, t. Il, p. 426, résume ainsi 
toutes ces données : « 1. Dans la plaine, au nord et à 
l'ouest de Bersabée, nous pouvons reconnaître le Négéb 
des Céréthéens. 2. Dans la contrée montagneuse au sud 
d'Hébron, se trouvait le Négéb de Juda, et Tell Zif, 
Ma'în et Kermel indiquent exactement le Négéb de 
Galeb, S. Tell-'Arad et les plaines voisines formaient le 
Négéb des Cinéens, qui s'étendait probablement jusqu'à 
l'extrémité sud-ouest de la mer Morte. 4. Le plateau qui 
est borné au nord par Youadi Rakhméh, et au sud par 
les ouadis El Abyadh, Marréh et Maderah, représente 
le Négéb de Jérahméel. A ces limites s'arrêtait le dis- 
trict fertile du Négéb. » Si l'on comprend Cadès dans 
cette région, il faudrait aller plus loin. 

III. Description. — 11 nous suffit de considérer le 
Négéb depuis Bersabée. Pour le reste, voir Bersabée, 
t. i, col. 1629; Juda., 6, 9, t. m, col. 1756, 1774. Le pays 
comprend une arête montagneuse qui V étend entre les 
plaines côtières de la Méditerranée, d'un côté, et, de 
l'autre, les pentes accidentées qui descendent vers l'Ara- 
bah. L'ensemble du massif se compose de chaînons en- 
chevêtrés, séparés par de nombreuses et parfois larges 
vallées. Il est pénétré par une multitude d'ouadis qui se 
ramifient et viennent former à l'ouest et à l'est quelques 
grands déversoirs, comme Youadi Ghazzéh, Youadi el- 
Abiad, qui lui-même tombe dans Youadi el-Arisch ou 
« Torrent d'Egypte », Youadi Fiqrêh qui débouche au 
sud de la mer Morte, etc. Ces torrents malheureusement 
n'amènent aucune fertilité, car ils sont à sec la plus 
grande partie de l'année. Le Négéb est vraiment le «. (pays) 
desséché t>. On trouve cependant dans les vallées quel- 
que végétation, quelques pièces de culture; les arabes 
nomades qui l'habitent peuvent y élever leurs troupeaux. 
A de larges prairies plus ou moins verdoyantes succèdent 
des vallées pierreuses où l'herbe ne pousse pas. Autre- 
fois pourtant, comme nous le verrons, cette contrée eut 
des centres importants; à la culture des champs se joi- 
gnait celle de la vigne, comme l'indiquent les terrasses 
qu'on rencontre encore sur les pentes des montagnes. 
On voit aussi d'endroit en endroit des puits, des réser- 
voirs, de vastes grottes. Actuellement c'est le désert, 



avec son aridité, son silence, ses ruines, surtout si l'on 
compare cette région à celle qui s'étend plus au nord 
dans les environs d'Hébron, de Bersabée ou de Gaza ; 
mais comparée au Bddiet et-Tîh, elle mérite moins ce 
nom. C'est donc en -quelque sorte un pays de transition 
entre les grandes solitudes sinaïtiques et l'entrée de la 
Judée, où la vie, pourtant bien amoindrie aujourd'hui, 
commence à paraître. Le Négéb, du reste, au point de 
vue topographique, formait à Juda une excellente fron- 
tière, du côté du sud; il opposait à l'envahisseur qui 
aurait voulu atteindre par là Hébron et Jérusalem une 
barrière difficile à franchir, surtout avec des chariots 
de guerre. 

IV. Histoire. — Le Négéb, par la nature de son sol, 
est la terre des nomades. Aussi fut-il le séjour préféré 
des patriarches. Abraham, Isaac et Jacob aimèrent à 
fixer leurs tentes dans les environs d'Hébron, de Ber- 
sabée, de Gérare, le long de la route qui descendait en 
Egypte. Gen., xn, 9; xm, 1, 3; xx, 1; xxiv, 62; xxxvn, 
1; xlvi, 5. 11 fut aussi habité par les 'Avvîm ou Hévéens, 
Jos., xni, 4 (hébreu, 3), « qui demeuraient dans les 
douars (hébreu : hâsêrim), » Deut., H, 23, c'est-à-dire 
dans des sortes de campements protégés par une clô- 
ture en pierres et branches épineuses entrelacées. Voir 
Hévéens 3, t. m, col. 687; Hasérim et Haséroth, t. m, 
col. 445. On rencontre fréquemment dans le pays de 
ces enceintes de pierre. C'est par cette contrée que les 
explorateurs hébreux « montèrent » vers la terre de 
Chanaan. Num., xm, 17, 22. Le territoire était alors 
occupé par les Amalécites, Num., xm, 29, qui, joints 
aux Chananéens, arrêtèrent les envahisseurs, qu'ils re- 
poussèrent jusqu'à Horma, Sbaïta. Num., xiv, 25, 45. 
Mais, après la conquête, il fut donné à la tribu de 
Siméon. Jos., XIX, 1-8. A l'époque de Saiil et de David, 
l'Écriture mentionne, à côté des Amalécites, les Gessu- 
rites et les Gerzites, I Reg., xxvn, 8. Voir Gerzi, t. III, 
col. 215; Gessuri 2, t. m, col. 223. Sous les rois, il fut 
considéré comme une partie du royaume de Juda, dont 
il suivit les vicissitudes. Nous le voyons par Jérémie, 
qui, dans ses oracles, associe les villes du Négéb à celles 
des contrées supérieures. Jer.,xin, 19; xvh, 26;xxxn,44; 
xxxm, 13. Il entre également dans les nouvelles limites de 
la Terre-Sainte, telles que les établit Ézéchiel, xlvii, 19. 
Abdias, 19, annonce que les habitants du Négeb s'em- 
pareront de l'Idumée, dont ils étaient limitrophes. — 
En dehors des villes bibliques que nous avons men- 
tionnées sur la frontière septentrionale, nous devons si- 
gnaler encore, dans l'intérieur : Aroer, Ar'ârah, Tha- 
mar, Kwnub, Rehoboth, Er-Ruhéibéh, Horma, Sbaïta. 
Les stations romaines sont marquées principalement 
par Élusa, Khalasah, et Éboda, 'Abdéh. Il y a, dans ces 
différents endroits, ainsi qu'à El-Audjéh, El-Mes- 
chriféh et ailleurs, des ruines qui rappellent les an- 
tiques civilisations que ce pays vit fleurir. Voir, en 
particulier sur 'Abdéh, de très intéressantes découvertes 
dans la Revue biblique, Paris, 1904, p. 402-424; 1905, 
p. 74-89. Ces points jalonnent les quelques routes que 
suivaient les caravanes pour se rendre de l'Arabie, du 
golfe d'Akabah, aux ports de la Méditerranée. Dans un 
pays d'accès aussi difficile, les voies, en effet, ne peuvent 
être indifféremment tracées; elles le sont naturellement 
par le terrain lui-même. Il faut suivre les vallées où il 
y a chance de trouver de l'eau et quelque végétation. 
Les sommets ne peuvent être franchis que par cer- 
taines passes ou naqbs. On trouve encore des traces de 
ces voies antiques. — Nous avons dit que le Négeb faisait 
l'office de barrière pour la Judée; on ne connaît, en 
effet, qu'un exemple d'invasion du pays de ce côté, 
par l'armée de Chodorlahomor, qui, après avoir poussé 
une pointe jusqu'à Cadès, vint attaquer le$ rois de la 
Pentapole. Gen., xiv, 7. — Voir -Palestine; Siméon 
(Tribu de). 

V. Bibliographie. — E. Wilton, The Negeb; E. 



1561 



NÉGEB — NÈGRES 



1562 



Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 
1856, t. î, p. 173-220; E. H. Palmer, The Désert of the 
Exodus, Cambridge, 1871, t. n, p. 359-428; G. A. Smith, 
The historical Geography of the Holy Land, Londres, 
1894, p. 278-286; F. Buhl, Géographie des Alten Palâs- 
tina, Leipzig, 1896, 87-88, 182-185. A. Legendre. 

NËGÎNÂH (hébreu : nëgînâh; Septante : liaX^ôÇi 
■jjavos ; Vulgate : carmina). Le terme de neginâh et son 
pluriel negînôf se lisent au titre des Psaumes îv, vi, liv 
(lui), lxi (lx), lxvii (lxvi), lxxvi (lxxv), puis au Psaume 
Lvn (lvj), 7, Lamentations, v, 14, au cantiqne d'Ézéchias, 
Is., xxxvni, 20; et dans l'indication musicale qui 
suit le cantique d'Habacuc, nr, 19. — D'après la racine 
naggên, « toucher les cordes , » qui équivaut au grec 
tyàX).u>, voir Haepe, t. m, col. 437, le mot nëgînâh dési- 
gne la percussion des cordes et le jeu des instruments 
ï cordes. C'est aussi le sens qu'exprime sans doute Sym- 
maque par la traduction 2tèc tya\-ci\ç(v>v. Le joueur de 
harpe est nommé menaggén. I Sam., xvi, 18; Il Reg., 
m, 15; Ps. lxviii (lxvii), 26. — Par dérivation, nëgî- 
nâh, aussi bien que <](aXu,dç, prend la signification 
de « chant accompagné par les instruments à cordes », 
ou même le sens plus général de «tout thème poétique 
accompagné par la musique ». Ainsi s'expliquent les 
traductions des versions grecques, Septante : Èv <\ia.l\i.oZi, 
Ps. IV, vi ; 4v u'iavoi;, Ps. LUI, liv; Aquila : âv J/alaoïç; 
Théodotion : lv Cjuvoi;, reproduites par saint Jérôme : 
in canticis, in psalmis. Enfin, dans cette dernière si- 
gnification, nëgînâh a la nuance de « chanson mo- 
queuse » : Ps. lxix (lxviii) 13; Job, xxx, 9; Lam., xxx, 
14 et 63, où l'on trouve la forme équivalente manëginàh. 
— Les Juifs ont transporté ce nom de nëgînâh aux si- 
gnes d'accents : negînôf, negînôf ta'amîm, qu'ils joi- 
gnent aux textes bibliques ou liturgiques comme signes 
de ponctuation, d'accentuation tonique et de modulation. 
Pour eux la nëgînâh est l'ensemble de ce système d'ac- 
cents avec les règles de leur emploi. 

J. Parisot. 

NÉGLIGENCE (Septante : TtXr.njiéXEia; Vulgate : 
negligenûa ), manque de soin dans l'accomplissement 
d'un devoir. Ce manque de soin s'exprime en héhreu 
par le verbe bà'at, I Reg., u, 29, en chaldéen par le 
verbe 'ienà', en grec par les verbes àjieXsïv, èiuëXlîteiv, 
oXiytopeïv, en latin par le verbe néglige) e. La négligence 
devient assez souvent suffisamment grave pour constituer 
un péché. Voir Péché. — Dans la Sainte Écriture, il est 
plusieurs fois reproché aux prêtres et aux lévites de né- 
gliger leur service religieux et d'autres devoirs qui en 
sont la conséquence. I Reg., n, 29; II Par., xxiv, 5; 
xxix, 11; II Mach., iv, 14. Le peuple est averti de ne 
pas négliger les ordres du Seigneur. Lev., xx, 4; Deut., 
vm, 11 ; xxii, 3. « Celui qui néglige sa voie, » c'est- 
à-dire celui qui ne veille pas convenablement sur sa 
conduite morale, « mourra. » Prov., xix, 16, Artaxerxès 
et Darius recommandent qu'on ne néglige pas leurs or- 
dres. I Esd., iv, 22; vi, 11, 12. — Les invités au festin 
négligent l'appel dont ils ont été honorés. Matth., xxi, 
5. U ne faut pas négliger les grâces qu'on a reçues, 
I Tirn., iv, 14; Heb., u, 3, ni les instructions du Sei- 
gneur. Heb., xii, 5; Prov., m, 11. H. Lesêtre. 

NÈGRES, race d'hommes spécialement caractéri- 
sés par la couleur noire de leur peau. Cette couleur 
est due à un pigment qui, sous les climats très chauds, 
se dépose dans les cellules de la muqueuse épider- 
mique. 

1" On distingue deux grandes classes de nègres : les 
nègres de haute taille, dolichocéphales ou à tête plus 
longue que large, habitant l'Afrique et la Mélanaisie, et 
les nègres de petite taille ou pygmées, brachycéphales 
ou à tête plus large que longue, habitant l'Afrique sous 
le nom de négrilles, et l'Océanie sous le nom de négri- 



tos. On a cru, sur la foi de certains indices, que l'Asie 
avait été le berceau de la race nègre. Cf. Van den Gheyn, 
L'origine asiatique de la race noire, dans la Revue des 
questions scientifiques, Bruxelles, avril 1891, p. 428-462, 
et Congrès scient, internat, des catholiques, Paris, 1891, 
Anthropologie, p. 132-154. Différentes considérations ne 
permettent pas de tenir cette conclusion pour certaine. 
On ne s'explique pas, par exemple, comment, sous un 
même climat, certaines races seraient restées jaunes ou 
blanches, tandis que d'autres seraient devenues noires. 
Aussi le P. Van den Gheyn, Congr. scient, internat, des 
catholiques, Bruxelles, 1895, Anthropologie, p. 225, 
accorda-t-il ensuite moins de crédit à l'hypothèse d'une 
migration des nègres d'Asie en Afrique. On a cherché 
pendant longtemps à faire des caractères spécifiques de 
la race nègre une objection contre l'unité de l'espèce 
humaine. La plupart des savants n'ont pas admis la va- 
leur de cette objection. Cf. Guibert, Les origines, Paris, 
3 B édit., 1902, p. 215-255; Vigouroux, Les Livres Saints 
et la critique rationaliste, Paris, 5 S édit., 1902, t. iv, 
p, 1-119. Elle a, du reste, singulièrement perdu de 
son crédit depuis que la théorie de l'évolution est en 
faveur. Si, physiquement parlant, l'homme peut venir 
du singe, à plus forte raison le noir peut-il venir du 
blanc. 

2° Les Égyptiens furent en rapport avec les nègres et 
les négrilles au sud de leur pays; ils eurent parfois à 
batailler avec eux, et leurs monuments représentent soit 
des noirs qui apportent leurs tributs aux pharaons, voir 
t. il, fig. 619, col. 2009; cf. Lepsius, Denkm., Abth. ni,. 
Blatt. 117; Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient classique, Paris, t. u, 1897, p. 269, soit des 
scènes de guerre contre leurs tribus pillardes (fig. 428). 
Cf. Champollion, Monuments de l'Egypte et de la Nubie, 
pi. lxxi. En Asie, des négritos ont occupé la Susiane; 
leur type se retrouve encore dans la contrée. Cf. Dieu- 
lafoy, dans la Revue d'ethnographie, Paris, 1887, p. 400- 
414; L'acro- pôle de Suse, Paris, 1892, p. 7-11, 27-33, 
36, 37; Fr. Houssay, Les races humaines de la Perse, 
Paris, p. 28-45, 48; Maspero, Histoire ancienne, t. m, 
p. 32. Ces négritos susiens servirent dans l'armée de 
Xerxès. Hérodote, vu, 70, les appelle des Éthiopiens 
orientaux, et les distingue des Éthiopiens d'Afrique par 
leur langage et par leurs cheveux, qui étaient droits et 
non crépus. 

3° La Bible ne s'occupe pas directement de la race 
nègre, avec laquelle les Israélites n'ont pas eu de con- 
tact immédiat. Il se pourrait cependant qu'il y fût fait 
allusion dans un passage où Ézéchiel, xxvn, 11, parle 
de gammddîm postés sur les tours de Tyr. Les Sep- 
tante traduisent ce mot par çûXaxEç, ce qui suppose la 
lecture somerîm, « gardes. » La Vulgate rend le terme 
hébreu par Pygmsei, « pygmées. » La plupart des au- 
teurs font de gammddîm un nom de peuple, peut-être 
les Gamdu égyptiens, les Kumidi des lettres de Tell- 
el-Amarna, peuplade voisine de l'Hermon. Cf. Buhl, Ge- 
senius' Handwôrlerbuch, p. 156. Mais déjà J. D. Micha> 
lis, Supplem., Gœttingue, 1784, p. 326, adoptant le 
sens de la Vulgate, faisait venir gammddîm, de gomëd, 
« bâton, aune, » d'où hommes hauts d'une aune, hauts . 
comme un bâton, pygmées. Quoi d'étonnant que Tyr, 
en rapports constants avec Carthage, ait eu à son ser- 
vice des négrilles d'Afrique, ou ait enrôlé des négritos 
de Susiane ? « De fait, on peut facilement admettre que 
des pygmées ont été enrôlés comme archers pour la 
défense de Tyr, puisque tel a été et tel est encore leur 
rôle sur certains points du globe. » Ma r Le Roy, Les 
Pygmées, Tours, s. d., p. 8-10. Quelques auteurs ont 
tenté d'établir l'identité des nègres avec les Couschites, 
les Kassi babyloniens, les Cissiens et les Cosséens. Cf. 
Dessailly, Le paradis terrestre et la race nègre, p. 253- 
301. Sur cette identification, voir Chus, t. u, col. 743- 
746. Le pays de Chus désigne ordinairement l'Ethiopie 



1563 



NÈGRES — NÉHÉLAMITE 



1564 



africaine, et aussi quelquefois la partie de l'Asie occu- 
pée primitivement par les Couschites. Voir Ethiopie, 
t. il, col. 2007. Mais, parmi les textes bibliques qui se 
rapportent à l'Ethiopie, il en est qui pourraient viser 
l'Ethiopie asiatique, l'Élam la région de Suse, peuplé 
par les négritos, plutôt que l'Ethiopie africaine. Isaïe, 
xviii, 1-3, annonce à l'Ethiopie le futur désastre des 
Assyriens. L'Ethiopie, KûS, n'est-elle pas plutôt ici 
l'Élam, d'abord écrasé par Assurbanipal, qui prit et 
détruisit Suse, mais destiné à reprendre sa revanche 
contre l'Assyrie à l'avènement des Mèdes? Sophonie, 
h, 12, décrit le châtiment futur de Moab, d'Ammon, 
des Éthiopiens et de l'Assyrie, peuples qui ont été les 
ennemis d'Israël; puis, m, 10, il annonce aux futurs 
exilés de sa nation que Dieu fera revenir ses serviteurs 



classique, t. m, p. 373, 374. Or, nul doute qu'il n'y eût 
des nègres parmi ces débris des troupes égyptiennes. 
Nahum, m, 9, signale les Éthiopiens, les Lybiens et les 
Nubiens au nombre des défenseurs de l'Egypte. Il en 
fut probablement de même dans l'armée de Néchao, 
quand celui-ci traversa la Palestine, sous Josias, pour 
aller se faire battre par les Chaldéens à Carchemis. ~ 
L'épouse du Cantique, i, 4, 5, dit d'elle-même : 

Je suis noire (ëehorâh) et belle, filles de Jérusalem, [mon ; 
Comme les tentes de Cédar, comme les pavillons de Salo- 
Ne prenez pas garde que je suis noirâtre (Seharhorép), 
Que le soleil m'a brûlée. 

Le noir du visage est ici comparé à la couleur des 
tentes de Cédar, qui sont faites en étoffes de poils de 




428. — Ramsès II met en fuite une tribu nègre. Beit-Oualli. D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, pi. lxxi. 



d'au delà des fleuves de l'Ethiopie. N'est-ce pas encore le 
faH asiatique, la Susiane, dont il est question dans ces 
textes? Ce n'est pas en effet dans l'Ethiopie africaine 
que les Israélites ont été déportés, c'est en Chaldée et 
dans les pays situés au delà, particulièrement dans la 
Susiane. 

4° Le Kûsî, « Éthiopien, » qui ne peut pas changer sa 
peau, pas plus que le léopard ne peut changer son 
pelage tacheté, Jer., xm, 23, est un noir proprement 
dit, bien plutôt qu'un simple Abyssin. La couleur de ce 
dernier ne diffère pas notablement de celle du bédouin; 
or le terme de comparaison employé par le prophète, 
pour marquer l'incurabilité de Juda dans le mal, a beau- 
coup plus de relief s'il porte sur une couleur de peau 
à la fois indélébile et tranchant foncièrement avec la 
couleur habituelle aux Sémites. Les noirs n'étaient pas 
inconnus en Palestine à l'époque de Jérémie. Déjà, à la 
suite de sa campagne contre l'Éthiopien Tharaca, maître 
de l'Egypte, Asarhaddon, voir t. i, col. 1059, avait 
ramené avec lui un butin immense et des convois 
innombrables de prisonniers; il s'étail plu à parader 
avec eux à travers la Syrie, pour faire la leçon aux 
princes qui avaient cru à l'invincibilité du pharaon. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient 



chèvre ou de chameau et paraissent toutes noires. Voir 
Cédar, t. n, col. 357. L'épouse ne se présente pas comme 
une négresse, mais comme une personne qui a vécu en 
plein air. et que le soleil a brunie, a rendue Se!,iarhorét, 
« noirâtre, » mol qui est un diminutif de iâhar, « être 
noir. )) Il serait bien difficile de s'expliquer ce visage 
hâlé et noirci, s'il s'agissait de l'épouse de Salomon, 
qui, malgré ce défaut apparent, prétendrait encore être 
belle et s'en vanterait auprès des filles de Jérusalem. 
En donnant au Cantique le sens allégorique qui seul 
lui convient, les interprètes voient dans ce noir visage 
de l'épouse l'effet de la persécution, qui ménage à 
l'Église un nouveau genre de beauté ajoutée à sa beauté 
native. Cf. Bossuet, Œuvres compl., Bar-le-Duc, t. il, 
p. 11; Le Hir, Le Cantique des cantiques, Paris, 1883, 
p. 78; Gietmann, Ecoles, et Cant. cant., Paris, 1890, 
p. 439-441. H. Lesêtre. 

NÉHÉLAMITE (hébreu : han-Néhélâmi; han-Nefy- 
lâmî; Septante : AîXajitTïi;; Mexandrinus et Siniati- 
cus : 'EXajiÎTTic; Complute : NeeXajiÏT/iç), qualificatif qui 
accompagne le nom du faux prophète Séméias dans 
Jérémie, xxxix, 24, 31, 32. Il était avec les captifs à 
Babylone. Ce surnom de Néhélamite doit venir soit du 



1565 



NÉHÉLAMITE — NÉHÉMIE 



1566 



lieu de sa naissance ou de son séjour, soit d'un de ses 
ancêtres, mais il est impossible de résoudre le problème, 
parce nous ne connaissons aucune localité ni aucune 
personne du nom de Néhélam. Le Targum voit dans ce 
nom obn, tlàldni, ville située entre le Jourdain et l'Eu- 
phrate. Voir Héiam, t. m, col. 564. L'orthographe des 
Septante peut favoriser ce rapprochement, ou celui 
que font divers commentateurs avec le descendant 
d'Aser appelé Hélem. Voir Hélem, t. m, col. 566. Mais 
il est purement conjectural — Éâlâm en hébreu si- 
gnifie « songe, rêve » et Jérémie traite plusieurs fois de 
« rêveries et de songes » les oracles des faux prophètes, 
Jer., xxm, 25, 27, 28; il les appelle eux-mêmes nïbëê 
hâlômôt, « des prophètes de songes » (Vulgate : pro- 
phétie sommantes), f. 32. Cf. xxix, 8. En rappelant 
trois fois le surnom de Séméias, il a pu voir dans ce mot 
de Néhélami, une allusion à ses « rêves », à ses fausses 
prophéties. De là le sens de « rêveur » qui a été attri- 
bué à Néhélamite par quelques rabbins et quelques 
commentateurs chrétiens. Voir J. Knabenhauer, Com- 
ment, in Jeremiam. Paris, 1889, p. 359. 

NÉHELESCOL ou Vallée d'Eseol. Num., xm, 25. 
Voir Escol 2, t. u, col. 1928. 

NÉHÉMIE (hébreu : Néhémayâh; Septante : NesjjJac; 
Vulgate : Neliemias), nom de trois Israélites. 

1. NÉHÉMIE, un des chefs juifs qui revinrent en Pales- 
tine avec Zorobabel. I Esd., n, 2; II Esd., vu, 7. Ces 
chefs sont au nombre de douze en comptant Zoro- 
babel, et ils sont désignés sous le titre de c< fils de la 
province », liam-medînâh, e' est-à-dire du territoire dont 
Jérusalem était la capitale, cf. Il, Esd., xi, 3, lequel 
forma la medînâh ou province de Juda dans l'empire 
perse. Cf. I Esd., v, 8. Ce Néhémie est différent du fils 
d'Helcias. 

2. NÉHÉMIE, deux fois athersatha ou gouverneur 
des Juifs revenus de l'exil, restaurateur des murs de 
Jérusalem et réformateur de la communauté juive. Nous 
sommes renseignés sur ses deux gouvernements et les 
réformes qu'il a entreprises par ses propres Mémoires, 
insérés dans le II e livre d'Esdras, dit de Néhémie. Voir 
Néhémie (Livre de). Il ne nous a rien appris sur sa fa- 
mille, qui était, conclut-on de ce silence, peu illustre et 
peu connue, quoique habitant Jérusalem où se trouvaient 
les tombeaux des ancêtres, n, 3, 5. Il nous dit seulement 
qu'il était fils d'Helcias, I, 1 (Hachelai, x, 1), échanson 
du roi Artaxerxès à la cour de Suse, i, 11. On pense qu'il 
avait mérité par ses qualités personnelles d'être élevé à 
cette charge importante. Voir Échanson, t. u, col. 1559. 

I" gouvernement. — 1° Date. — Ce fut la vingtième 
année du roi Artaxerxès, i, 1 ; u, 1. Cette donnée, four- 
nie par les Mémoires authentiques de Néhémie, a été 
généralement tenue pour historique. Winckler, Alt- 
orientalische Forschungen, 2" série, Leipzig, 1899, t. u, 
p. 473, n'y voit qu'un emprunt mythologique à la légende 
babylonienne et une allusion à la fête du nouvel an 
durant laquelle les dieux décident le sort des nations, 
et par conséquent celui d'Israël. L'unique raison de 
cette singulière affirmation est que Néhémie adopte le 
système chronologique de Babylone. Mais si on a com- 
munément reconnu l'exactitude de cette date, on l'a 
fixée de façons bien différentes. Le désaccord provient 
de ce que Néhémie ne dit pas de quel roi perse, nommé 
Artaxerxès, il était l'échanson. La plupart des commen- 
tateurs reconnaissent dans ce roi Artaxerxès I er Lon- 
guemain (464-424). Voir Abtaxkrxès I er , t. i, col. 1040. 
Quelques-uns cependant y voyaient Artaxerxès II, dont 
la vingtième année du règne correspondait à l'an 385. 
Cf. JF. de Saulcy, Etude chronologique des livres d'Es- 
dras et de Néhémie, Paris, 1868, p. 47 sq..; Kaulen, 



Einleitung, 2 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 211. 
J. Imbert, Le temple reconstruit par Zorobabel, Lou- 
vain, 1889, aboutissait à cette conclusion, parce qu'il 
rabaissait le retour de Zorobabel au règne de Darius II. 
Mais son système chronologique est inadmissible, le 
retour de Zorobabel ayant eu lieu sous Cyrus. A. van 
Hoonacker, Zorobabel et le second temple, Louvain, 
1892, p. 12-25. Le P. Lagrange estime aussi que Néhé- 
mie reçut sa première mission la vingtième année 
d'Artaxerxès II. Ses principaux arguments sont tirés des 
données chronologiques de Josèphe, Ant. jud., XI, \n, 
1, 2. Revue biblique, octobre 1894. Mais ces données ne 
sont pas fondées. A. van Hoonacker, Revue biblique, 
avril 1895; Id., Nouvelles études sur la restauration 
juive après Vexil de Babylone, Paris, Louvain, 1896, 
p. 187-194. L'argument établi sur la succession des 
grands-prêtres juifs, Neh., xn, 10; cf. xm, 28, n'a pas 
plus de valeur. Ibid., p. 194-202. On n'allègue aucune 
raison sérieuse contre l'opinion 'générale que Néhémie 
vint à Jérusalem la vingtième année d'Artaxerxès I er , 
par conséquent en 444. 

2° Occasion. — Cette année-là donc, au mois de cas- 
leu, Hanani, un des frères de Néhémie, ou, du moins, 
un de ses plus proches parents, qui était reparti à Jé- 
rusalem, vraisemblablement avec une des caravanes 
précédentes, revenu à Suse, rendit visite à son frère avec 
quelques hommes de Juda. Néhémie l'interrogea sur la 
situation des Juifs, sortis de captivité et rapatriés à 
Jérusalem. Hanani décrivit leur grande affliction et leur 
opprobre : les murs de la ville étaient rompus, brisés, 
et les portes avaient été consumées par le feu, i, 1-3. 
Cette description correspond à l'essai de reconstruction 
des murs de la ville, interrompu par ordre d'Artaxerxès. 

I Esd., iv, 7-23. A. van Hoonacker, Nouvelles études, 
p. 161-181 ; J. Fischer, Die chronologischen Fragen in 
den Buchern Esra-Nehemia, Fribourg-en-Brisgau, 1903, 
p. 83-88. En apprenant ces tristes nouvelles, Néhémie 
s'assit et se mit à pleurer; il demeura plusieurs jours 
dans une profonde tristesse; il jeûnait et priait nuit et 
jour le Seigneur tout-puissant, fidèle et miséricordieux. 

II reproduit sa prière habituelle, dans laquelle il re- 
connaissait humblement les fautes de ses pères infidèles 
et justement punis par leur dispersion au milieu des 
païens. Il rappelait aussi à Dieu sa promesse de rassem- 
bler les captifs convertis et de les ramener à Jérusa- 
lem. Deut., xxx, 1-3. Il le suppliait donc de le protéger 
dans ses desseins et de lui faire trouver grâce aux yeux 
du roi qu'il servait comme échanson, i, 4-11. La suite 
du récit dévoile le secret dessein de Néhémie. Il vou- 
lait amener le roi à revenir sur la décision prise de 
faire cesser la reconstruction des murs de Jérusalem. 
I Esd., iv, 21, 22. Fortifié par la prière, il attendit Une 
occasion favorable pour intervenir et adresser sa re- 
quête. Au mois de nisan de la même année, par consé- 
quent après trois mois d'intervalle, il se trouva de ser- 
vice un jour que le roi était seul à table avec la reine, 
sa femme principale. Il s'y prit habilement pour se faire 
interroger par son maître. Contrairement à sen habi- 
tude, il se tint auprès de la table royale, l'air abattu et 
défait. Le roi s'en aperçut et s'en étonna, puisque 
l'échanson ne paraissait pas malade. Il voulut con- 
naître^ la cause de sa tristesse. Dominant sa crainte, 
Néhémîè dit au roi : « Pourquoi mon visage ne serait-il 
pas abattu, quand la ville où sont les tombeaux de mes 
pères est dévastée et que ses portes sont brûlées? » Le 
roi encourageant sa requête, il pria Dieu et demanda 
expressément d'être envoyé en Judée pour rebâtir la 
ville de Jérusalem. Il semblait difficile de faire revenir 
le roi sur sa décision. Grâce peut-être à l'intervention 
de la reine, la demande de l'échanson fut agréée. Le 
roi et la reine demandèrent seulement quelles seraient 
la durée du voyage et la date du retour. Néhémie fixa 
un délai qui lui fut accordé et qui était de douze ans, 



4567 



NEHEMIE 



1568 



v, 14; xin, 6. Le roi accorda l'autorisation, n, 1-6. En 
fait, Néhémie avait le titre d'alhersalha, vin, 9; x, 1 
avec des pouvoirs étendus. Voir t. i, col. 1221. 

Il demanda encore des lettres à présenter aux gou- 
verneurs des provinces situées au delà de l'Euphrate 
pour qu'ils le fassent passer jusqu'en Judée, et l'autori- 
sation de prendre dans les forêts royales le bois néces- 
saire aux travaux à faire au Temple et aux murailles 
aussi bien qu'à sa propre maison à Jérusalem. Parce 
quo Dieu le protégeait, le roi lui accorda les faveurs 
demandées, n, 7, 8. Il lui donna aussi des officiers et 
des cavaliers pour l'escorter. Le voyage se fit heureuse- 
ment grâce aux lettres présentées aux gouverneurs des 
provinces d'au delà de l'Euphrate, il, 9. Toutefois, 
Sanaballat et Tobie, de races ennemies des Juifs, ayant 
appris que Néhémie venait travailler à la prospérité des 
Israélites, en furent contristés, H, 10. Ils devaient bien- 
tôt mettre obstacle à ses projets. 

3° Reconstruction des murs de Jérusalem. — Pré- 
voyant cette opposition, Néhémie ne fît connaître à per- 
sonne l'objet de sa mission, avant de s'être rendu 
compte par lui-même de la situation. Trois jours après 
son arrivée à Jérusalem, il alla de nuit, avec une 
faible escorte, inspecter l'état des murs. Le cheval qu'il 
montait était le seul qu'il y eût à Jérusalem. Il sortit 
par la porte de la Vallée, s'arrêta devant la fontaine 
du Dragon pour considérer les murs ébréchés et les 
portes incendiées. Parvenu à la porte de la fontaine de 
Siloé et à l'aqueduc royal, il ne put trouver au milieu 
des ruines un passage libre pour son cheval. Remon- 
tant la vallée du Cédron, il continua d'examiner l'état 
des murailles et rentra par la porte de la Vallée, après 
avoir ainsi fait le tour de l'enceinte extérieure, n, 11- 
15. Les chefs qui commandaient au nom du roi igno- 
raient cette course nocturne et les projets de Néhé- 
mie, que celui-ci n'avait pas même révélés aux Juifs. 
Il les communiqua enfin à ces derniers, leur apprit 
la protection dont Dieu l'avait favorisé et l'auto- 
risation royale. Il les décida de la sorte à commen- 
cer aussitôt la reconstruction des murs de la ville, n, 
16-18. 

Dès la reprise des travaux, les adversaires des Juifs, 
Sanaballat, Tobie et Gossem, se moquèrent des tra- 
vailleurs et présentèrent leur entreprise comme un 
acte de rébellion et de désobéissance aux ordres du roi 
de Perse. Néhémie leur répondit que Dieu assistait ses 
serviteurs, qui continueraient à relever les murs de 
leur ville. 11 en avait le droit et il remplissait un devoir. 
Quant à eux, étrangers à Jérusalem, ils n'avaient aucun 
droit sur cette ville. Les travaux ne furent pas inter- 
rompus, et le chapitre m du livre de Néhémie trace 
un intéressant tableau du groupement des ouvriers et 
de la partie des murs qu'ils relevèrent. Les habitants 
de Jérusalem et des villages de la province, sauf les 
principaux de Thécué, f. 5, s'employèrent avec ardeur 
à l'œuvre de la restauration et de l'achèvement des mu- 
railles. Ce ne fut pas toutefois sans opposition. Les 
ennemis d'Israël et les tribus voisines se liguèrent 
pour entraver la reconstruction. Les moqueries de 
Sanaballat et de Tobie sur la hâte des travailleurs 
et sur la qualité des matériaux qu'ils employaient 
ne firent qu'augmenter la confiance pieuse de Né- 
hémie et l'ardeur des Juifs, îv, 1-6. Déjà, la moi- 
tié de la besogne était faite, quand les ennemis en 
colère passèrent des injures aux actes. Les Arabes, les 
Ammonites et les habitants d'Azot se joignirent à Sana- 
ballat et à Tobie et résolurent d'attaquer ensemble Jé- 
rusalem et de tendre des embûches aux reconstruc- 
teurs. Les tribus voisines voulaient par tout moyen 
s'opposer au relèvement de Jérusalem, parce que la 
restauration de la capitale juive devait fortifier les ra- 
patriés et ruiner parmi eux l'influence étrangère. Né- 
hémie n'eut pas seulement recours à la prière, il plaça 



sur la muraille des gardes qui veillaient nuit et jour. 
Les travailleurs se décourageaient et craignaient de ne 
pas venir à bout de leur entreprise. Leurs adversaires 
avaient projeté de les surprendre et de les tailler en 
pièces; mais les Juifs, qui habitaient au milieu d'eux, 
vinrent de dix endroits différents prévenir leurs frères. 
Néhémie rangea tout le peuple en armes autour des 
murs et l'encouragea à la confiance en Dieu et à la 
lutte. Mais les ennemis, ayant appris que leur dessein 
avait été dévoilé, changèrent d'avis, et les Juifs reprirent 
leur travail. Dès lors, par crainte d'une surprise, la 
moitié des jeunes serviteurs de Néhémie travaillait et 
l'autre moitié restait sous les armes avec les chefs. Tous 
les travailleurs eux-mêmes étaient armés, ils avaient 
l'épée au côté et ils sonnaient de la trompette auprès 
de Néhémie. Celui-ci avait, en effet, décidé qu'en raison 
de l'étendue du chantier et de l'éloignement des équipes, 
le lieu d'où partirait le son de la trompette serait le 
centre du ralliement. Le peuple ne devait pas quitter 
Jérusalem, chacun travaillait à son rang, jour et nuit. 
Néhémie lui-même, ses parents, ses hommes et ses 
gardes ne quittaient pas leurs vêtements, pas même de 
nuit, iv, 7-23. 

4° Plaintes du peuple contre les riches. — Cepen- 
dant, au milieu même de ces travaux, Néhémie eut à 
réprimer de graves abus, qui soulevèrent les plaintes 
du peuple. Des riches accaparaient les biens de leurs 
frères et ils ne leur fournissaient les moyens d'exis- 
tence et les sommes nécessaires au paiement des im- 
pôts-, que s'ils recevaient en gages leurs champs, 
leurs vignes, leurs maisons et même leurs enfants, v, 
1-5. Néhémie irrité réfléchit sur la conduite qu'il devait 
suivre. Il réprimanda les grands et les chefs, puis con- 
voqua le peuple en assemblée. Dans sa harangue, il 
opposa sa manière d'agir à celle des coupables. Tandis 
qu'il avait racheté le plus possible de Juifs vendus aux 
païens, eux vendraient-ils leurs frères pour qu'il dût 
les racheter? Les riches se lurent, ne sachant que ré- 
pondre. Néhémie continua ses reproches. Lui-même, 
ses frères et ses serviteurs avaient prêté de l'argent et 
du blé à plusieurs. Que tous, d'un commun accord, 
s'engagent à ne rien réclamer à leurs débiteurs, et que 
les riches rendent les biens saisis et les intérêts touchés. 
Ils prirent généreusement l'engagement proposé. Les 
prêtres firent la même promesse; et, frappant sa poi- 
trine, Néhémie attira les coups de la vengeance divine 
sur quiconque ne tiendrait pas son engagement. Le 
peuple répondit : Amen, et loua Dieu. L'engagement 
pris avec cette solennité fut observé, v, 6-14. Néhémie 
rappela à ce propos que ses prédécesseurs et leurs 
agents subalternes avaient pressuré et exploité les 
Juifs. Mais lui, il montra plus de désintéressement; 
non seulement il ne toucha pas, durant les douze années 
de son premier gouvernement, les revenus de sa charge, 
il travailla lui-même avec tous ses serviteurs à la ré- 
fection des murs, et il n'acheta aucun champ. Il nour- 
rissait à sa table 150 personnes, sans compter les Juifs 
qui habitaient parmi les tribus voisines et venaient à 
Jérusalem. Tous les dix jours, il distribuait du vin et 
beaucoup d'autres denrées. Le peuple était pauvre et 
Néhémie espérait de Dieu la récompense de sa bonté à 
l'égard des siens, v, 15-19. 

5° Embûches dressées par Sanaballat, Tobie et 
Gossem. — N'ayant pas réussi à entraver la réédification 
des murs de Jérusalem, alors que les portes n'étaient 
pas encore terminées, les adversaires de Néhémie lui 
tendirent de nouvelles embûches. Sanaballat et Gossem 
lui proposèrent de venir en quelque localité d'Ono pour 
conclure alliance avec eux; en réalité, ils voulaient s'em- 
parer de lui. Néhémie s'excusa sur la nécessité de sur- 
veiller les grands travaux qu'il avait entrepris, de peur 
qu'ils ne fussent négligés pendant son absence. Par 
quatre fois, la même proposition fut faite, et la même 



1569 



NÉHÉMIE 



1570 



réponse donnée. Une cinquième fois, Sanaballat envoya 
à Néhémie une lettre dans laquelle il rapportait le bruit, 
répandu par Gossem, que la reconstruction des murs de 
Jérusalem était une révolte contre le roi perse. Néhémie 
voulait se déclarer lui-même roi des Juifs, et il avait 
suscité des prophètes qui proclamaient la nécessité de 
reconnailre sa royauté. Le roi de Suse devait être 
averti de ce bruit public, et Sanaballat invitait Néhémie 
à venir en délibérer avec lui. Néhémie envoya un 
courrier répondre qu'il n'y avait rien de vrai en tous ces 
bruits et que Sanaballat inventait ces fausses nouvelles 
à dessein. Ces démarches n'avaient d'autre but que 
d'effrayer Néhémie et de lui faire cesser les travaux. 
Comme il persévérait, au contraire, dans son dessein, 
ses adversaires ourdirent de nouvelles intrigues, et 
eurent recours à la faction juive qui leur était favorable. 
Néhémie était entré en secret dans la maison du pro- 
phète Séméias pour le consulter. Celui-ci lui suggéra 
de s'enfermer dans le Temple, afin d'échapper aux coups 
des conjurés qui devaient venir de nuit pour le tuer. 
Néhémie refusa noblement de se cacher et de fuir 
ainsi le danger, et il comprit que Dieu n'avait pas ins- 
piré à Séméias ce dessein, mais que celui-ci, soudoyé 
par Tobie et Sanaballat, avait feint d'être inspiré; il 
était payé pour l'intimider et lui faire commettre une 
faute qu'on pourrait justement lui reprocher. La pro- 
phétesse Noadia et d'autres prophètes avaient cherché 
aussi à l'épouvanter. Néhémie s'en remet à Dieu de 
leurs actes et de leurs embûches dressées contre lui 
par Tobie et Sanaballat, VI, 1-14. Cependant, les mu- 
railles furent achevées le 25 du mois d'élul. Les travaux 
avaient duré 52 jours. Quand ils l'apprirent, les adver- 
saires des Juifs en furent consternés; ils y reconnurent 
la main de Dieu. Ils avaient été favorisés par plusieurs 
des principaux Juifs, qui correspondaient avec Tobie et 
qui avaient juré d'être de son parti, parce qu'il était 
allié, lui et son fils, à des familles juives. Ils venaient 
le louer devant Néhémie, et ils transmettaient à Tobie 
les paroles de Néhémie, vr, 15-19. 

6° Peuplement de la ville et dédicace des murs. — 
Les murs achevés et les portes posées, Néhémie fit le 
recensement des portiers, des chantres et des lévites. 
Puis, il donna à Hanani, son frère, et à Hananias, chef 
d'une famille de Jérusalem, ses ordres concernant la 
garde de la ville : les portes en seraient fermées de 
nuit et on ne les ouvrirait que lorsque le soleil serait 
déjà chaud. Ce soir-là, on les ferma et on les barra en 
leur présence, et les habitants de Jérusalem veillèrent 
tour à tour, chacun devant sa maison. La ville était 
étendue, mais elle contenait peu d'habitants et de mai- 
sons bâties, vti, 1-4. Elle n'était pas encore reconstituée 
comme cité. Dieu suggéra à Néhémie de faire le re- 
censement des habitants rassemblés. Le gouverneur 
voulait donner à Jérusalem une population suffisante 
de véritables Israélites, afin d'avoir une cité réellement 
nationale, à l'exclusion d'éléments étrangers. Il retrouva 
la liste des familles revenues de Babylone avec Zorobabel, 
vu, 5-73, et reproduite I Esd., il, 1-70; III Esd., v, 7-39. 
Quelques familles, même des familles sacerdotales, 
n'avaient pu faire la preuve de leur origine juive ou 
aaronique. Néhémie reproduisit cette liste dans ses 
Mémoires, parce qu'elle contenait le nom des familles 
israélites officiellement reconnues. Le recensement pro- 
jeté était dès lors inutile et ne fut pas exécuté ; à l'aide 
de cette liste, le gouverneur pouvait discerner les per- 
sonnes capables de prendre rang dans la population 
nouvelle de la ville sainte. Il ne restait plus qu'à les 
grouper et à les séparer entièrement de tout élément 
étranger. 

J. Nikel, Die Wiederherstellung des jùdischen Ge- 
meinivesens nach dem babylonischen Exil, Fribourg- 
en-Brisgau, 1900, p. 196, tient pour vraisemblable que, 
nonobstant l'éloignement du récit transporté, xn, 27-'t6, 

DICT. DE LA BIBLE. 



la fête de la dédicace des murs de Jérusalem eut lieu 
peu après l'achèvement de leur reconstruction. Le récit, 
dont le début n'est pas relié aux précédents, semble 
hors de sa place naturelle. Tous les lévites et les chan- 
tres furent rassemblés à Jérusalem. Les prêtres et les 
lévites, s'étant purifiés, purifièrent le peuple, les portes 
et les murailles. Néhémie fit monter les princes de Juda 
sur les murs, et il constitua deux chœurs de chantres 
qui, suivis chacun d'une partie de la foule, partirent du 
même point en sens opposé pour se rejoindre, après 
avoir fait le tour de la moitié des murs, devant le 
Temple. Néhémie suivait le second chœur. Les prêtres 
offrirent de nombreux sacrifices au milieu de la joie 
universelle. Ce même jour, on établit des chefs pour 
veiller à la conservation des offrandes, des prémices 
et des dîmes, destinées à l'entretien des prêtres et des 
lévites. Cependant, la dédicace des murs a fort bien pu 
suivre les réformes religieuses et civiles, prises en 
commun par Néhémie et Esdras, le récit se trouverait 
alors à sa place chronologique. Quoi qu'il en soit, le 
scribe Esdras y figurait à la tête des prêtres qui son- 
naient de la trompette, XH, 35. 

7° Réformes religieuses opérées en commun par 
Néhémie et Esdras. — Les chapitres vai-xn, qui rela- 
tent ces réformes, constituent dans le récitactuel un tout 
lié et expressément rapporté au premier séjour de Néhé- 
mie à Jérusalem. Tandis que la majorité des commenta- 
teurs maintient cette date, quelques critiques replacent 
les faits dans un autre cadre historique. Schlatter, Zur 
Topographie und Geschichte Palàstinas, Stuttgart, 1893, 
p. 405, a prétendu que les événements racontés, vm-x, 
se seraient produits du temps de Zorobabel et que leur 
récit aurait primitivement fait partie d'un document qui 
décrivait la réorganisation de la communauté juive après 
le retour de la première caravane. Néhémie l'aurait 
reproduit dans ses Mémoires, parce qu'il contenait la 
charte religieuse de la restauration israélite. Oncrutpar 
suite que les événements ainsi encadrés s'étaient pro- 
duits de son temps, et on fut ainsi amené à lui donner 
un rôle à lui-même et à Esdras. Ainsi le nom de Néhé- 
mie aurait été inséré, vm, 9, où le texte primitif ne 
présentait que le titre d'athersatha convenant à Zoroba- 
bel. Cf. III Esd., ix, 50. Au même passage, les mots : 
« Esdras et les lévites, » paraissent être une addition, 
puisque le verbe est au singulier. Au verset 13, les mots : 
« auprès d'Esdras et, » semblent avoir été interpolés, 
tant la construction actuelle de la phrase est étrange. 
Les prêtres et les lévites qui signent l'alliance, x, 3-27, 
sont en grande partie les mêmes que ceux du temps de 
Zorobabel, xn, 1-21. L'assemblée tenue à Jérusalem 
convient mieux à la situation de l'époque de Zorobabel 
qu'à celle de Néhémie. Les circonstances mentionnées 
s'y rapportent plus naturellement, ainsi la tristesse du 
peuple, vin, 9; cf. I Esd., ni, 12; la découverte de la loi 
concernant la fête des Tabernacles, vin, 14. Le jeûne 
du 24 e jour du 7 e mois, ix, 1, est le jour de pénitence 
institué au début de la captivité en expiation du 
meurtre de Godolias, et peu probablement usité encore 
à l'époque de Néhémie. Cf. Zach., vm, 19. Enfin, tes 
résolutions prises sur les mariages mixtes et l'entretien 
du culte supposent le début de la restauration et se 
rapportent à la première réorganisation de la commu- 
nauté. 

Ces arguments ne suffisent pas à prouver l'hypothèse. 

II n'y a aucune raison de considérer le nom de Néhémie 
comme interpolé, vm, 9; x, 2; dans le premier de ces 
deux passages, ce serait plutôt le titre : athersatha, ex- 
primé dans une pbrase incidente, qui aurait été ajouté, 
et il manque dans la version des Septante. Ed. Meyer, 
Die Enstehung des Judenlums, Halle, 1896, p. 200. 

III Esd., îx, 50, n'a pas conservé le texte primitif; 
c'en est plutôt un remaniement, dont l'auteur omet le 
nom du gouverneur dans un récit consacré tout entier 



IV. 



50 



4571 



NÉHÉMIE 



1572 



à l'œuvre d'Esdras. D'autre part, même si le nom d'Esdras 
devait disparaître de vin, 9, 13, il resterait en d'autres 
passages qui affirment l'activité commune des deux ré- 
formateurs. L'identité des noms des prêtres signataires 
de l'alliance s'explique parce que, dans la plupart des 
cas, ces noms représentent, non pas des individus, mais 
les classes sacerdotales qui étaient les mêmes sous 
Zorobabel et Néhétnie. Le peuple pouvait s'attrister à la 
lecture de la Loi qu'il n'avait pas observée aussi bien au 
temps de Néhémie qu'à celui de Zorobabel. Rien ne 
prouve que le jeûne, célébré au lendemain de la fête des 
Tabernacles, fut le jeûne commémoratif du meurtre de 
Godolias; il fut plutôt observé comme préparation au 
renouvellement de l'alliance, dont le récit suit. La ré- 
forme des mariages mixtes n'avait pas été complète et 
Néhémie qui, durant la reconstruction des murs, en 
avait conslaté les graves inconvénients, fit prendre des 
mesures plus sévères. Les généreuses promesses, faites 
par les Juifs rapatriés lors de la restauration du culte, 
ne furent pas régulièrement tenues. La ferveur pre- 
mière diminua, et il n'est pas étonnant qu'il fut néces- 
saire d'assurer la régularité du service et du paiement 
des dîmes et des revenus sacerdotaux. Les événements 
des ch. viii-x se sont donc produits au temps de Néhé- 
mie et pas à l'époque de Zorobabel. A. van Hoonacker, 
Nouvelles études, p. 237-254. 

M. Kosters, Het Herstel van Israël in het perzische 
tijdvak, Leyde, 1894, p. 76-87, reporte les mêmes évé- 
nements au second gouvernement de Néhémie après 
ceux qui sont racontés, xm, 4-31. Le critique hollan- 
dais transpose aussi les récits en plaçant celui du 
ch. vin après ceux des ch. ix et x. Ceux-ci décrivent 
l'organisation de la communauté juive et exposent ses 
préliminaires et ses conditions fondamentales. Or, 
selon M. Kosters, l'alliance soîennelle fondée sur la 
pratique exacte de la Loi, aurait été contractée entre 
les Juifs rapatriés et ceux qui n'étaient jamais allés en 
exil. Mais cette distinction n'est pas fondée, voir t. n, 
col. 1940-1941, et les nobles du f. 30 sont les princes 
de Juda, les chefs des familles rapatriées, qui ont signé 
le pacte écrit et dont l'engagement a été ratifié par le 
reste du peuple. Les preuves de la postériorité des 
ch. ix, x et xm, 4-31, ne sont pas plus péremptoires. 
Si les lévites sont chargés eux-mêmes de lever les 
dîmes, en dehors de Jérusalem, x, 38, il n'en résulte pas 
que cette constitution soit postérieure aux abus réprimés, 
xm, 10-14. Ces abus ne concernent pas le prélèvement 
des dîmes, mais leur partage. Les lévites n'ayant pas reçu 
leur part, nonobstant la levée régulière, se retirèrent 
dans leurs maisons et ne vinrent plus faire leur ser- 
vice à Jérusalem. Néhémie les convoqua dans la ville 
sainte et les rétablit dans leurs fonctions; puis, il 
nomma une commission chargée de la juste répartition 
des dîmes. L'engagement de respecter le sabbat, x, 31, 
n'empêcha pas la violation constatée et réprimée, xm, 
15-22. Les Juifs avaient promis de ne pas acheter ce 
jour-là aux marchands étrangers, x, 31. Mais ces mar- 
chands continuèrent à offrir leurs marchandises, et des 
Juifs oublièrent leurs promesses. Néhémie, revenu de 
Suse, dut fermer les portes de Jérusalem à ces mar- 
chands et leur interdire de vendre, même en dehors de 
la ville, xm, 15-22. De même, la fourniture du bois 
pour le Temple fut réglée une première fois, x, 34. Des 
négligences et des irrégularités s'étant produites, 
Néhémie dut, une seconde fois, établir une commis- 
sion pour veiller à la fourniture du bois aux époques 
déterminées, xm, 31. Quant aux mariages des Juifs 
avec les étrangers, Néhémie constate, à son premier 
retour, leur existence et leurs funestes conséquences. 
Il les fait interdire, x, 30. Mais la réforme, ne fut pas 
complète, ou bien les abus recommencèrent, et après 
son retour, Néhémie s'indigna de la violation de l'en- 
gagement pris antérieurement et sévit contre l'exemple 



donné dans la famille du grand-prêtre, xm, 23-28. La 
transposition du ch. vm à la suite des ch. rx et x n'est 
ni nécessaire ni démontrée. La succession des faits, 
telle qu'elle se présente dans le récit actuel, est natu- 
relle, et le déplacement exige de prétendues altérations 
du texte ou se fonde sur des hypothèses gratuites. Voir 
A. van Hoonacker, op. cit., p. 204-237. Nous pouvons 
donc suivre la série des événements telle qu'elle est ra- 
contée.Cf. Fischer,Die chronologischen Fragen,y. 89-91. 

Au septième mois, celui de tischri, d'une des années 
qui suivirent la reconstruction des murs, voir A. van 
Hoonacker, op. cit., p. 267-270, les Israélites, qui, après 
l'achèvement des murs, étaient rentrés dans leurs domi- 
ciles, se réunirent à Jérusalem. Le premier jour, le 
scribe Esdras lut solennellement la Loi. Néhémie con- 
sola le peuple que cette lecture faisait pleurer et le 
congédia en l'invitant à se réjouir en ce jour de fête, 
vin, 1-12. Le lendemain, Esdras lut ce qui concernait 
la fête des Tabernacles, qui fut célébrée très solennel- 
lement, vm, 13-18. Le 24 e jour du même mois, eut lieu 
le jeûne préparatoire au renouvellement de l'alliance, 
alliance qui fut signée en première ligne par le gou- 
verneur Néhémie, x, 1. Diverses dispositions furent 
prises relativement à la reconstitution religieuse de la 
communauté, x, 29-39. Le sort décida quels seraient 
ceux qui habiteraient Jérusalem, les habitants de la 
ville devant former la dixième partie de la population 
juive totale, xi, 1-19. La dédicace solennelle des murs, 
xn, 27-42, avec les réglementations faites le même jour, 
xn, 43-xiii, 3, eut lieu peut-être seulement après le 
choix des habitants de Jérusalem. Voir t. n, col. 1930. 
Cf. Nikel, Die Wiederherstellung, etc., p. 196-218. 

II e gouvernement. — 1» Date. — Ayant atteint le terme 
de son gouvernement, après douze années de séjour et 
de réformes à Jérusalem, la 32 e année du règne d'Ar- 
taxerxès I er (433), xm, 6, Néhémie était retourné à 
Suse. Combien de temps reprit-il à la cour son office 
d'échanson et à quelle date revint-il une seconde fois 
à Jérusalem? on ne peut le fixer avec certitude. L'ex- 
pression hébraïque d>d' yyS peut désigner un long 

espace de temps. M. A. van Hoonacker, Nouvelles 
études, p. 195, la porte à cinq ou six. ans. Comme Ar- 
taxerxès I er a régné 40 ans (464-424) et comme Néhé- 
mie obtint de lui un nouveau congé, xm, 6, son séjour 
à Suse ne put se prolonger au delà de huit années. 

2° Abus existant à Jérusalem. — A son retour, Né- 
hémie constata le mal extrêmement grave qu'avait 
causé le grand-prêtre Eliasib par sa conduite à l'égard 
de Tobie. Pendant l'absence de Néhémie, il s'était allié 
à la famille de cet étranger, xm, 4, et lui avait donné 
un appartement dans le parvis du Temple. Le gouver- 
neur jeta hors du trésor, auquel le grand-prêtre était 
préposé, les meubles de la maison de Tobie. 11 fit re- 
porter au trésor tout ce qu'Eliasib en avait enlevé pour 
donner un logement à Tobie, xm, 4-9. Les lévites, 
n'ayant pas reçu leur part des revenus sacrés, avaient 
quitté Jérusalem et étaient retournés chez eux. Néhé- 
mie reprocha fortement aux magistrats leur négli- 
gence à veiller au service régulier du Temple. Il con- 
voqua les lévites à Jérusalem et leur fit reprendre leurs 
offices ordinaires. Il établit une commission d'hommes 
fidèles pour surveiller les greniers du Temple et les 
revenus qu'on y déposait. Il espérait recevoir du Sei- 
gneur la récompense de sa sollicitude pour la maison 
de son Dieu et les cérémonies saintes, xrn, 10-14. Des 
Juifs violaient le repos du sabbat et amenaient à Jéru- 
salem ce jour-là des fruits qu'ils mettaient en vente. 
Néhémie leur interdit le commerce défendu. Les Ty- 
riens apportaient aussi au marché ce jo,ur-là des pois- 
sons et d'autres denrées. Néhémie reprocha aux chefs 
de la ville cette profanation, qui avait attiré autrefois 
sur leurs pères la colère divine. Il fit fermer les portes 



1573 



NÉHÉMIE — NËHÉMIE (LIVRE DE) 



1574 



de Jérusalem dès le commencement du sabbat jusqu'à 
la fin de la journée et il y plaça des serviteurs de sa 
maison pour empêcher tout porteur de fardeau de pé- 
nétrer dans la ville. Une fois ou deux, les marchands 
restèrent hors des murs. Néhémie leur défendit de 
revenir, les menaçant de les punir s'ils revenaient 
encore. Ils ne reparurent plus. Les lévites furent 
chargés de garder les portes et de veiller à la sanctifi- 
cation du sabbat, et Néhémie demandait à Dieu de se 
souvenir de la mesure qu'il avait prise à cet effet, xm, 
15-22. Malgré les défenses précédentes, des Juifs épou- 
saient encore des femmes d'Azot, d'Ammon et de Moab, 
et leurs enfants parlaient à moitié la langue d'Azot et 
ne savaient plus parler l'hébreu ou l'araméen. Néhé- 
mie les maudit, en battit quelques-uns, en fit raser 
d'autres et leur fit jurer devant Dieu de ne plus tolérer 
ces mariages mixtes, leur rappelant le mauvais 
exemple de Salomon qui avait violé la loi divine. Il 
chassa un petit-fils du grand-prêtre Eliasib, qui était le 
gendre de Sanaballat, xm, 23-28. Il espérait recevoir 
de Dieu la récompense de son zèle pour la pureté de 
l'ordre sacerdotal et lévitique et pour le service du 
Temple, xm, 29-31. 

III. Autres renseignements de la tradition juive. 
— En outre des faits précédents que Néhémie lui- 
même a racontés dans ses Mémoires, insérés dans le 
livre dit de Néhémie, voir Néhémie (Livre de), la tra- 
dition juive a gardé le souvenir du célèbre gouverneur 
et de quelques autres de ses actes. L'Ecclésiastique, 
xlix, 15 (13), célèbre la mémoire de celui qui « a relevé 
nos murs détruits, restauré nos ruines et rétabli les 
portes et les verrous » de Jérusalem, et d'après les 
Septante « a bâti nos maisons i>. On lui a même attri- 
bué plus tard la restauration du Temple et du sacri- 
fice, II Mach., i, 18-36, en lui donnant la qualité de 
prêtre. On l'a sans doute confondu avec le personnage 
du même nom, qui a fait partie de la caravane de Zoro- 
babel. I Esd., n, 2. On lui a attribué des écrits et 
donné une part dans la formation du recueil des 
Livres Saints. Il avait établi une bibliothèque qui com- 
prenait les livres sur les rois et les prophètes avec les 
livres de David et les lettres des rois perses sur les 
dons faits au Temple. II Mach., n, 13. Voir Canon, t. n, 
col. 139, et Esdras (Premier livre d'), ibid., col. 1942. 
L'historien juif Josèphe, Ant. jud., XI, v, 6-8, résume 
à sa façon les actes de Néhémie qu'il place sous le 
règne de Xerxès 1 er par une erreur manifeste et en 
contradiction avec le livre de Néhémie, et il ajoute que 
le célèbre restaurateur de Jérusalem mourut dans un 
âge avancé et comblé de gloire. On a attribué à Néhé- 
mie le Ps. cxxx (cxxxi). 

Dans tous ses actes, Néhémie se montre à nous 
comme un Israélite rempli de piété et d'une fidélité 
inébranlable à son Dieu et à sa patrie malheureuse. A 
la cour royale, il n'oublia pas Jérusalem et les Juifs 
rapatriés, pas plus que Joseph chez Pharaon n'oubliait 
ses frères persécutés. Par ses prières et son habileté, 
il obtint du roi l'autorisation de rebâtir la ville du 
tombeau de ses pères. Prudent et intrépide, il sur- 
monta tous les obstacles, évita les pièges qui lui étaient 
tendus et réussit dans toutes ses entreprises. Ses Mé- 
moires nous révèlent son zèle pour la gloire de Dieu, 
pour la pureté et la régularité du culte, et sa filiale 
confiance dans la récompense du Seigneur pour qui il 
agissait et luttait. Sa principale mission fut de relever 
les murs de Jérusalem et de réparer les abus. Dans le 
domaine religieux, il s'unit au scribe Esdras et recou- 
rut à son concours pour la reconstitution de la com- 
munauté israélite. Cf. C. Holzhey, Die Bûcher Ezra 
und Nehemia, Munich, 1902, p. 33-45; P. Riessler, 
Ueber Nehemias und Esdras, dans la Biblische Zeit- 
schrift, 1903, 1. 1, p. 232-245; 1904, t. n, p. 15-27. 

E. Mangenot. 



3. NÉHÉMIE, fils d'Azboc, delà tribu de Juda. Il était 
chef de la moitié du district (pélék; Vulgate: vicus) 
de Bethsur. Il vivait du temps de Néhémie et répara 
les murs de Jérusalem, au sud -est de la ville, depuis 
le voisinage de la piscine de Siloé dont Sellum, II Esd., 
m, 15, avait réparé les murs, et depuis les degrés qui 
descendaient de la cité de David jusqu'aux tombeaux 
de la famille de David et jusqu'à la piscine qui avait 
été construite & avec un travail considérable», ajoute la 
Vulgate, piscine dont la situation n'est pas connue avec 
certitude, et jusqu'à la maison des Forts. II Esd.. m, 
16. Voir Maison 3, col. 594. 

4. NÉHÉMIE (LIVRE DE). Hébreu : Ne/.wniayâh ; Sep- 
tante : Adyoi Neejjua uioù 'A^aXta ouXeXxîa; Vulgate : 
Liber Nehemiss gui et Esdrse secundus dicitur. 

I. Contenu et analyse. — Le livre de Néhémie, qui 
pendant longtemps n'a pas été distinct du I er livre d'Es- 
dras, dont il est la continuation, et qui en a été séparé 
à une époque inconnue et probablement par les chré- 
tiens, voir t. n, col. 1933-1934, raconte le retour de 
Néhémie à Jérusalem pour relever les murs de cette 
ville, ses efforts pour aboutir, malgré les obstacles sus- 
cités par les ennemis de Juda, à l'achèvement de cette 
restauration et au repeuplement de l'ancienne capitale 
du royaume de Juda, l'action combinée du gouverneur 
et du scribe Esdras pour les réformes religieuses et la 
reconstitution de la communauté israélite dans toute sa 
pureté, enfin le second gouvernement de l'échanson 
royal et la correction des abus, qui s'étaient introduits 
pendant son absence. 

Ce livre qui, dans son état actuel, est une compilation 
de documents divers, ne se partage pas logiquement en 
sections distinctes. Si on tient compte de la forme lit- 
téraire et du contenu, on peut y établir le sectionne- 
ment suivant : I re section. Extrait des Mémoires de 
Néhémie qui parle à la première personne, l-vn. — Néhé- 
mie y raconte : 1° le retour de son frère Hanani à S use 
et les informations qu'il en reçut sur la situation actuelle 
de Jérusalem, i, 1-3, sa propre douleur, sa prière, i, 
4-11, la manière habile par laquelle il attira sur lui 
l'attention du roi Artaxerxès I er , dont il était l'échanson, 
et obtint l'autorisation de relever les murs de Jéru- 
salem avec les moyens de remplir sa mission, n, 1-9; 
2° son arrivée à Jérusalem, son enquête nocturne autour 
des murs de la ville, la manifestation de son dessein et 
sa réalisation malgré les railleries des adversaires de 
Juda, n, 10-20; 3° la distribution des Juifs dans l'œuvre 
de la reconstruction des murs et la part que chaque fa- 
mille releva, m, 1-31; 4» les railleries des adversaires 
et la prière de Néhémie, leur conjuration armée et les 
préparatifs pour leur résister et éviter une surprise, iv, 
1-23; 5° la répression des accaparements des riches qui 
prêtaient à usure aux pauvres, le désintéressement de 
Néhémie et sa générosité à l'égard du peuple, v, 1-19; 
6° les pièges tendus au gouverneur, quand les travaux 
touchaient à leur terme, et le reproche de rébelliou 
contre le roi, la tentative de Séméias, complice des en- 
nemis de Juda, et le complet achèvement des murs, no- 
nobstant les oppositions suscitées à Jérusalem par une 
faction de Juifs alliés aux tribus voisines, yi, 1-19; 7° la 
garderies portes et le repeuplement de la ville, facilité 
par la découverte du recensement des familles rapatriées 
avec Zorobabel, vu, 1-73. — II' section. Continuation 
du récit, qui est fait dès lors à la troisième personne, 
viu-x. — 1° Assemblée du septième mois, durant laquelle 
Esdras lit la Loi au milieu des larmes du peuple, vm, 
1-12; le lendemain, à la réunion pour l'interprétation de 
la loi, lecture des ordonnances qui concernent la fête 
des Tabernacles, vm, 13-15; 2° célébration de cette fête 
avec une solennité extraordinaire et continuation de la 
lecture de la Loi, vm, 16-18; 3° le 24 e jour du même 
mois, jeûne préparatoire au renouvellement de l'alliance 



1575 



NÉHÉMIE (LIVRE DE) 



1576 



et lecture de la Loi, ix, 1-3; 4° prière des lévites, rappe- 
lant au Seigneur ses anciens bienfaits à l'égard d'Is- 
raël, les fautes du peuple et ses châtiments et renouve- 
lant l'alliance avec Dieu, ix, 4-38, signée par les chefs, 
les prêtres et les lévites, x, 1-27; 5° promesses faites 
par tous d'observer la loi, de ne plus permettre les 
mariages mixtes, de ne pas acheter aux jours de sabbat 
et de fête, d'observer l'année sabbatique, de payer une 
imposition pour les sacrifices, d'offrir le bois nécessaire 
au service du Temple et de donner les prémices et les 
dîmes, x, 28-39. — III' section. Morceaux de nature et 
d'origine différentes, xi-xii. — 1» Liste des habitants qui 
repeuplèrent Jérusalem, des lévites et du peuple, qui 
demeurèrent dans leurs localités particulières, xi, 1-36; 
2° liste des prêtres et des lévites revenus avec Zorobabel 
et Josué, xii, 1-26; 3° récit de la dédicace des murs re- 
bâtis de Jérusalem, xn, 27-42; 4° commission nommée 
pour distribuer les revenus du Temple et séparation de 
tout élément étranger, xn, 43-xin, 3; 5» mémoires de 
Néhémie sur son second gouvernement, xm, 4-31. 

II. Caractère composite du livre nonobstant l'unité 
de plan. — Bien que le livre actuel de Néhémie présente 
une unité incontestable, tant par son contenu, puisqu'il 
raconte le double gouvernement de l'échanson royal et 
les réformes religieuses exécutées soit par lui seul soit 
avec la collaboration d'Esdras, que par son but qui est 
d'exposer la suite de la restauration sociale et religieuse 
des Juifs revenus de l'exil, il apparaît à la simple ana- 
lyse comme une compilation de documents divers. 
L'unité de contenu et de plan révèle la main d'un au- 
teur ou rédacteur, qui groupe les documents, les relie, 
les complète en les adaptant à son but. Tout en donnant 
à l'ensemble son empreinte propre, ce rédacteur a laissé 
aux documents qu'il utilisait leurs caractères distinctifs, 
qui les rendent encore aujourd'hui aisément reconnais- 
sablés. 

Les sept premiers chapitres se distinguent des trois 
suivants par le ton, le genre d'exposition et le style. 
L'auteur y parle à la première personne, et le récit pré- 
sente une originalité qui décèle l'écrivain contemporain 
et l'acteur des faits racontés. C'est Néhémie lui-même 
qui a tenu la plume et qui a laissé, dans des Mémoires 
d'une authenticité inattaquable et avec un accent person- 
nel très fort, l'exposé des actes de son premier gouverne- 
ment et l'expression saisissante de ses sentiments inté- 
rieurs. Son individualité s'y reflète, et la formule : « Sou- 
venez-vous de moi, Seigneur, » etc., répétée, v, 19; VI, 14, 
est comme sa véritable signature. Lui-même a ajouté, vu, 
6-73, un document de l'époque de Zorobabel, qu'il venait 
de retrouver. A partir du ch. vm jusqu'à la fin du ch. x, 
il y a interruption brusque, le ton change; le récit à la 
première personne cesse, et il n'est plus parlé de Néhé- 
mie qu'à la troisième personne, vm, 9; x, 1. On lui 
donne aussi le titre perse d' athersatha, porté par Zoro- 
babel. I Esd., il, 63; II Esd., vu, 65, 70. Bien plus, le 
célèbre gouverneur cède presque la place au scribe 
Esdras, qui joue, comme scribe et comme prêtre, le rôle 
principal. Dans le récit lui-même, la personnalité de 
l'écrivain n'est plus si appareute; la forme est moins 
individuelle et moins plastique. La plupart des critiques 
ont conclu de ces différences que les ch. viii-x étaient 
d'une autre main, et faisaient partie soit des Mémoires 
d'Esdras, soit d'autres Mémoires contemporains, x, 29-39. 
Ceux qui les rapportent à Esdras considèrent qu'ils con- 
tiennent un récit vivant et détaillé comme les autres 
parties des Mémoires d'Esdras, et ils rapprochenl IEsd., 
x, 6, de H Esd., xn, 23, où il est parlé de Jonathan, 
fils d'Éliasib. Stade pense que IX, 9-x, 40, ont été ex- 
traits directement de ces Mémoires, parce que dans les 
Septante on lit : Kœ's fljtsv 'Eajpaç, ix„ 6. Cependant 
M. A. van Hoonacker, Nouvelles études sur la restau- 
ration juive après l'exil de Babylone, Paris, Louvain, 
1896, p. 258-263, estime que ces chapitres figuraient 



dans les Mémoires authentiques de Néhémie. Selon lui, 
Néhémie avait des raisons spéciales de ne pas se donner 
comme l'inspirateur des mesures et des décisions prises 
dans l'assemblée de Jérusalem. C'est la communauté 
elle-même qui prend des engagements et qui établit des 
réformes. En sa qualité de laïque, Néhémie n'avait pas 
mission pour restaurer le culte et pour agir comme chef 
spirituel. Rapportant les faits, il s'efface et fait parler 
et agir la communauté. Son récit prend tout naturelle- 
ment un tour plus objectif et plus impersonnel. Le do- 
cument, contenant la liste des compagnons de Zorobabel, 
Vil, 6-73, qu'il avait reproduit, servit de transition à la 
narration faite à la troisième personne. L'exorde lui- 
même, vin, 1, fut imité du récit d'Esdras, I Esd., m, 

I, qui fait suite à la liste des premiers rapatriés. IEsd., 

II, 1-70. D'ailleurs, n'écrivant pas cette partie, de ses 
Mémoires au moment où les événements s'accomplis- 
saient, Néhémie a pu donner à l'expression de sa pen- 
sée une spontanéité moindre que dans la narration des 
faits, dont il avait été le principal acteur. Enfin, la suite 
des Mémoires authentiques de Néhémie, xm, 4-31, sup- 
pose les décisions qui ont été prises à l'assemblée de 
Jérusalem et dont elle ne raconte que les applications 
à l'exécution desquelles le gouverneur civil apportera 
plus tard l'énergique concours de son autorité. Cf., pour 
les termes eux-mêmes dans l'original, x, 40; xm, 11. Un 
autre morceau des Mémoires, xu, 27-43, présente de nou- 
veau le passage de la troisième personne, ji. 27, à la pre- 
mière, f. 31. Il n'y aurait donc pas de raison suffisante 
d'attribuer les ch. vm-x à un auteur distinct du rédac- 
teur des Mémoires. 

Les ch. xi-xm contiennent des documents d'origine 
différente. Le ch. xi se rattache par le contenu au re- 
censement décidé, vu, 5, et continue immédiatement le 
ch. vu, quoique le récit ne soit pas de la même teneur. 
Les critiques ne sont pas d'accord sur l'époque à la- 
quelle se rapporte cette liste d'habitants de Jérusalem 
et de la Judée. Cette liste est en partie identique à pelle 
qui se trouve I Par., ix, 3-17. Désigne-t-elle des contem- 
porains de Zorobabel ou de Néhémie? La place qu'elle 
occupe dans le livre de Néhémie permet de la rattacher 
aux dispositions prises à l'assemblée de Jérusalem pour 
la repopulation de la capitale. A. van Hoonacker, op. 
cit., p. 263-267. Aussi les critiques admettent-ils géné- 
ralement que cette liste, dont le texte ne nous est pas 
parvenu intact, a fort bien pu figurer dans les Mémoires 
de Néhémie. La liste des prêtres et des lévites, xn, 1- 
26, n'a pas fait partie de ces Mémoires. Les cinq grands- 
prêtres nommés, j'. 10, 11, dépassent l'époque de Néhé- 
mie, quelle que soit, d'ailleurs, l'époque de Jeddoa, que 
Josèphe, Ant. jud., XI, vu, 2, fait contemporain de 
Darius Codoman, le dernier roi des Perses (336-332). 
Voir Jeddoa. De plus, la liste des lévites aurait été 
dressée sous le règne de ce prince, xn, 22. Enfin, la 
situation décrite est rapportée « aux jours de Néhémie, 
le gouverneur, et d'Esdras, le prêtre et le scribe », XII, 
26. Cette formule est l'indice d'une époque postérieure. 
Les critiques y découvrent des parties de documents 
anciens, 1-7, 8, 9, 12-21, dont l'un serait nommé au t. 23, 
mais complétées, 10, 11, 22-26, par le dernier rédacteur. 
Cf. F. Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 
1906, t. n, p. 165. La fin du livre, xu, 27-xni, 31, où le 
récit reprend à la première personne, est regardée 
comme une partie des Mémoires de Néhémie; la for- 
mule si caractéristique : « Souvenez-vous de moi, etc., » 
s'y retrouve, xm, 14, 22, 31; quelques critiques y re- 
connaissent toutefois, xn, 27-30, 42-43, des modifica- 
tions de forme introduites par le rédacteur, ou même 
de courtes gloses. 

III. Auteur et date. — 1° Les commentateurs anciens 
pour la plupart attribuaient à- Néhémie lui-même la 
composition de tout le livre qui porte son nom. La tra- 
dition rabbinique, consignée dans le Baba Bathra, lui 



1577 



NÉHÉMIE (LIVRE DE) 



1578 



attribuait la fin du livre d'Esdras, qui comprenait, les 
deux livres d'Esdras du canon actuel. Voir t. n r col. 140, 
1938. La considération du texte lui-même confirmait à 
première vue ces sentiment. Le titre, i, 1, annonçait un 
écrit de Néhémie. Le récit, qui débutait à la première 
personne du singulier, se terminait par la prière si con- 
fiante : « Sauvenez-vous de moi, Seigneur, » qui était 
pour ainsi dire la signature finale de l'auteur, an, 31 . 
Le caractère de compilation du livre ne faisait pas une 
grave objection à cette conclusion. Néhémie lui-même 
avait inséré dans ses Mémoires les documents qui con- 
firmaient ou complétaient son récit, et les critiques 
modernes concèdent qu'il en est certainement ainsi 
pour la liste des rapatriés du temps de Zorobabel, vu, 
6-73, et probablement pour l'autre listé, xi, 1-36. Les 
arguments des premiers critiques, qui distinguèrent les 
sources, étaient réfutés, et le plus grave, celui qui est 
fondé sur la liste des grands-prêtres, xn, 10-11, 22-23, 
dont le dernier, Jeddoa (Jaddus), était Contemporain 
d'Alexandre le Grand, disparaissait par le fait que l'on 
tenait cette énumération comme une addition faite à 
l'œuvre primitive par une main étrangère. F. Vigouroux, 
Manuel biblique, loc. cit. Dès lors que le livre entier, 
sauf quelques additions postérieures, était considéré 
comme écrit par Néhémie, sa date était approximative- 
ment fixée. Il ne pouvait être que de peu postérieur 
aux événements relatés dans le dernier chapitre. Comme 
le second gouvernement de Néhémie commença avant 
la fin du règne d'Artaxerxès I er (461-425), les Mémoires 
qui le racontaient avaient donc été rédigés dans la se- 
conde moitié du V e siècle avant Jésus-Christ, vers 425. 
2° Mais les critiques récents, qui ont poussé plus loin 
l'analyse des sources, ne reconnaissent pour l'œuvre 
même de Néhémie que ses Mémoires personnels, c'est- 
à-dire les récits où il parle à la première personne du 
singulier, et les morceaux plus anciens qu'il y avait 
insérés. Ils y placent donc les Ichstùcke, i, 1-vn, 5; xui, 
4-41, avec les listes et récits qui s'y rattachent, vu, 6-73; 
xi, 1-24 (pour la plus grande partie, car le texte actuel 
a été retouché) ; xn, 27-32, 37-40, 43, 44. (L'accord tou- 
tefois n'est pas fait pour quelques détails.) Ces Mémoires 
de Néhémie ont été rédigés vers 425. On rapporte à la 
même date, ou même un peu auparavant, les morceaux 
que l'on croit avoir été extraits des Mémoires d'Esdras, 
ou, au moins, des Mémoires contemporains, vin, 1-x, 
39; xn, 1-27 (au moins en partie), et pour quelques-uns, 
xiii, 1-3. Cornill, Einleitung in[das A. T., 3 e et 4 e édit., 
Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 133, pense, en outre, que 
les Mémoires de Néhémie et d'Esdras ont été retouchés 
par un écrivain qui vivait un siècle après leur compo- 
sition. Cette retouche était peut-être le did-ti rc* tsd. 

Neh., xn, 23. Bertholet pense aussi que les modifications 
rédactionnelles du texte sont en grande partie anté- 
rieures à la compilation définitive. Le dernier rédacteur 
aurait utilisé cette retouche, en combinant les documents 
dans l'ordre actuel, en remaniant quelques versets, i, 1 ; 
iv, 1 ; vu, 5, 7, 68, 69 ; vin, 4, 7, 8, quelques mots, 9-11 ; a, 
4, 5, 29a; xi, 10b, 11, 13, 17,' 22 (en partie), 25-36; xn, 
1-11, 33-36, 41, 42, 45, 56 (il aurait ajouté xn, 1-26, en 
retravaillant cette liste); encore xiu, 1-3 (selon les uns). 
Pour ces critiques, le dernier rédacteur des livres 
d'Esdras et de Néhémie serait le chroniste de Jérusalem, 
ou l'auteur des Paralipomenes.Voirt.il, col. 1934-1935, 
1938-1939. Attribuant donc au chroniste la rédaction 
actuelle du livre, ils la placent aux environs de l'an 330 
avant Jésus-Christ, puisque c'est à lui qu'ils attribuent 
la mention du grand-prêtre Jeddoa, xn,ll, 22, contem- 
porain d'Alexandre le Grand, selon Josèphe, Ant. jud., 
XI, vu, 2; vin, 2. Voir Paralipomènes. Écrivant après 
la fin de la domination perse, en Palestine, il a dit : 
« Darius le Perse, » xn, 22, tandis que Néhémie disait 
simplement « le roi », i, 11; n, 1-9, 18, 19; v, 4, 14; 



VI, 7; xih, 6. Il parlait du temps de Néhémie et d'Esdras 
comme d'une époque lointaine, xn, 26, 46. Ces conclu- 
sions sont admises en tout ou en partie par des criti- 
ques catholiques. Voir Kaulen, Einleitung in die heilige 
Schrift, 2 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 212; Pelt, 
Histoire des livres de l'A. T., 3 e édit., Paris, 1902, 
t. il, p. 377; Gigot, Spécial introduction to the study 
of the Old Testament, New- York, 1901. t. i, p. 323; 
C. Holzhey, Die Bûcher Ezra und Nehemia, Munich, 
1902, p. 59-64. S'ils n'admettent pas explicitement tous 
que ce rédacteur soit le chroniste, ils attribuent la der- 
nière rédaction du livre à un compilateur inconnu des 
environs de 330. Voir Torrey, The composition and 
historical value of ' Ezra-Nehemiah, Leipzig, 1896. 

IV. But. — Il diffère un peu selon que l'on considère 
les Mémoires de Néhémie et la dernière rédaction du 
livre qui les contient. — 1° Néhémie, en écrivant ses 
Mémoires, ne s'était pas proposé de composer une sorte 
d'autobiographie, puisqu'il ne parle ni de sa famille ni 
de ses antécédents. Il voulait seulement faire connaître 
la part qu'il a prise à la restauration complète et à 
l'achèvement des murs de Jérusalem, nonobstant l'oppo- 
sition des tribus voisines aidées par la connivence d'une 
faction adverse dans la ville elle-même, à la repopula- 
tion de cette ancienne capitale du royaume de Juda, 
et à la répression, pendant son second gouvernement, 
des abus religieux qu'il avait constatés à son retour. 
— 2° Quant au compilateur ou dernier rédacteur, il a 
voulu donner l'histoire complète de la reconstitution 
religieuse de la communauté Israélite; c'est pourquoi 
il a joint aux Mémoires de Néhémie des Mémoires 
contemporains, provenant d'Esdras ou d'un autre écri- 
vain et racontant l'activité commune des deux réforma- 
teurs pour la promulgation de la loi mosaïque et son 
accomplissement exact dans la vie publique des Israé- 
lites rapatriés. Il se préoccupait donc spécialement de 
tout ce qui concernait la religion et le culte; mais il 
aurait pensé aussi à polémiser contre les Samaritains 
et à justifier leur exclusion de la communauté juive. 
C'est pourquoi il aurait inséré le récit de Néhémie tou- 
chant les obstacles qu'ils avaient soulevés contre le re- 
lèvement des murailles de Jérusalem. D'ailleurs, si ce 
rédacteur a été l'auteur des Paralipomènes, son but 
sera précisé davantage à l'article Paralipomènes. 

V. Langue et style. — Les Mémoires de Néhémie 
sont écrits en hébreu et dans un style facile et naturel. 
On y remarque cependant quelques mots récents et des 
tournures tardives : n, 6, ]m; iv, 17, f>N avec le nominatif; 
v, 7, -frai; v, 15, 'oVi'; xm, 6, ypb; xm, 24, nyi D7. 
Toutefois, ces expressions modernes sont moins fré- 
quentes que dans l'œuvre du chroniste. La syntaxe de 
Néhémie est aussi plus classique que celle de ce der- 
nier. On a relevé quelques expressions souvent répé- 
tées dans ses Mémoires : « mon Dieu, » « notre Dieu, » 
n, 8, 12, 18; v, 19; vi, 14; vu, 5; xm, 14, 22, 29, 31, 
qui ne sont jamais employées par le chroniste; Elohé 
has-samaim, i, 4, 5 ; n, 4, 20 (dénomination divine 
usitée seulement après la captivité); <c gens de Juda, » 
ir, 16; iv, 8, 13; v, 7; vu, 5; usage fréquent de-wx, etc. 
Rappelons encore la formule caractéristique : « Sou- 
venez-vous de moi, Seigneur, etc., » déjà citée. — 
2° l?our les particularités du style du chroniste, 
cf. C. Holzhey, Die Bûcher Ezra, und Nehemia, p. 65- 
68. Voir Paralipomènes. 

VI. Autorité historique et divise lu livre. — Les 
Mémoires de Néhémie sont d'une ?uthenticité indiscu- 
table et respirent une sincérité d'accent qui rend très 
sympathique un écrivain racontant avec simplicité ce 
qu'il a fait. Les autres Mémoires contemporains pré- 
sentent le même degré de vérité. Aussi n'a-t-on jamais 
discuté les faits historiques qu'ils racontent; on a dis- 
cuté seulement sur la date à laquelle ils s'étaient pro- 
duits. Voir Néhémie 2. Les critiques estiment cepen- 



1579 



NÉHÉMIE (LIVRE DE) — NEIGE 



1580 



dant que les rédacteurs les ont un peu retouchés en 
les utilisant et en les compilant. Le dernier les a com- 
binés, reliés, complétés et remaniés conformément à 
son but; mais néanmoins, il n'en a pas altéré ni modi- 
fié le fond. On discute donc au plus sur la vérité histo- 
rique de quelques détails. Du reste, la discussion peut 
résulter en plus d'un endroit de l'état actuel du texte, 
qui n'est pas très pur. Le reproche le plus grave qu'on 
fait au chroniste, c'est d'avoir passé délibérément sous 
silence les fautes et les déconvenues des chefs religieux 
de la communauté. Mais ce reproche n'est-il pas le 
résultat d'une pétition de principe plutôt qu'une consta- 
tation de fait? Quoi qu'il en soit, il ne se concilie guère 
avec ce que le rédacteur emprunte aux Mémoires de 
Néhémie sur la conduite du grand-prêtre Éliasib, xn, 
4, 5. Voir Paralipomènes. Rien ne prouve que le rédac- 
teur ait tronqué ses sources ; il est plus vraisemblable, 
au contraire, qu'il les a reproduites intégralement avec 
de simples modifications de forme. — 2° L'autorité di- 
vine du livre de Néhémie, fondée sur la tradition juive 
et chrétienne, n'a jamais été mise en contestation. Il a 
été longtemps réuni au premier livre d'Esdras et a été 
inséré avec lui dans la Bible canonique. Il figure donc 
ainsi dans toutes les listes anciennes des Livres Saints. 
Voir tv n, col. 1933-1934. 

VII. État t)u texte. — Le texte hébreu de ce livre 
nous est parvenu en assez mauvais état. Il est facile de 
s'en rendre compte en comparant les documents qui 
ont été reproduits en d'autres passages de la Bible. 
Cf. vu, 6-73, avec I Esd., h, 1-70; xi, 3-20, avec I Par., 
ix, 3-17. Il n'est pas étonnant que de pareilles listes de 
noms propres et de chiffres aient été altérées par les 
copistes. Kaulen, Einleitung, p. m, a signalé quelques 
fautes, v, 16; vi, 9; IX, 17; xn, 11. Voir Bôhme, Veber 
den Text des Bûches Nehemia, Stettin, 1871 ; R. Smend, 
Die Listen der Bûcher Ezra und Nehemia, Bâle, 1881, 
Aussi les commentateurs proposent-ils assez souvent des 
corrections du texte. 

VIII. Commentaires. — Ils sont généralement les 
mêmes que ceux du premier livre d'Esdras. Voir t. h, 
col. 1943; cf. col. 1981. Nous complétons la liste précé- 
demment dressée. * V. Ryssel a réédité E. Bertheau, Die 
Bûcher Ezra, Nehemia und Esther, Leipzig, 1887; 
*H. Guthe et L. W. Batlen, The books of Êzra and Ne- 
hemiah (Bible en couleurs), Leipzig, 1901; *D.C. Sieg- 
fried, Ezra, Nehemia und Esther, Gœttingue, 1901 ; 
M. Seisenberger, Esdras, Nehemias und Esther, 
Vienne, 1901 ; * Bertholet, Die Bûcher Ezra und Nehe- 
miah, Tubingue, 1902. 

IX. Bibliographie. — F. Vigouroux, Manuel biblique, 
11= édit., Paris, 1901, t. n, p. 164-168; F. Kaulen, Einlei- 
tungin die heilige Schrift, 2 e édit., Fribourg-en-Bris- 
gau, 1890, p. 211-213; R. Cornely, Éistorica et critica 
introductio in libros V. T., Paris, 1887, t. n, p. 351-370; 
C. Holzhey, Die Bûcher Ezra und Nehemia, Munich, 
1902, p. 59-68; Nôldeke, Histoire littéraire de l'A. T.; 
trad. franc., Paris, 1873, p. 79-94; Cornill, Einleitung 
in das A. T., 3 e et 4 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896, 
p. 128-136; Driver, Einleitung in die Litteralur des 
alten Testaments, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 576- 
592. E. Mangenot. 

NÉHIEL (hébreu : Ne'î'êl, « demeure de Dieu ; » 
Septante : 'Ivar|X; Alexandrinus : 'Avi^X), ville d'Aser. 
Jos., xix, 27. Elle était située près de la frontière sud- 
orientale de cette tribu à Khirbet ïanin, à l'est de 
Ptolémaïde, au nord de Cabul, suivant les explorateurs 
anglais. Armstrong, Wilson et Conder, Nantes and 
Places in the Old and New Testament, Londres, 1889, 
p. 136; Conder, Palestine, 1889, p. 259. D'autres pla- 
cent Néhiel à Miar près du Khirbet Yanim. Voir la 
carte d'ÀSER. Eusèbe et saint Jérôme. Onomasticon, 
édit. Larsow et Parthey, 1862, au mot Aniel, p. 42-43, 



placent Néhiel au village de Baaoavaîa, Bxtoansea, où 
se trouvent des eaux thermales, sur la montagne (du 
Carmel), à quinze milles de Césarée. Ce site, d'après la 
carte de Van de Velde, convient au village moderne de 
Bistan, près duquel se trouve la source d'Ain-Haud, 
dans le voisinage d'Athlit, à l'est. Cette identification 
repose peut-être seulement sur l'orthographe du nom 
dans les Septante, qu'Eusèbe a pu décomposer en 'Aïn 
El, « source de Dieu » ou « source divine », et considérer 
comme signifiant une source thermale, douée de pro- 
priétés thérapeutiques. 

A A 

NEHILOT (Septante : ûjuip tr,; xXvipovonoijiis; Vul- 
gate : pro ea qum hereditatem consequitur) : ce nom 
qui ne se lit qu'au titre du Psaume v, désigne vrai- 
semblablement les flûtes, comme hâlîl. La forme plu- 
rielle indiquerait peut-être la flûte double, à moins que 
ce terme ne soit, comme nëgînôt appliqué aux instru- 
ments à cordes, l'appellation collective des a-jXoï; 
flûtes et hautbois. Voir Flûte, t. n, col. 2291. Les Sep- 
tante et la Vulgate ont pensé dans leur traduction au 
peuple d'Israël qui est l'héritage de Dieu, Deut., iv, 20; 
ix, 26; Ps. xxxvn, 9, et à l'Église. Act., xx, 28; Rom., 
vin, 17; Gai., iv, 26. J. Parisot. 

NEIGE (hébreu : sélég; chaldéen : telag; Septante : 
X'wv; Vulgate : nix), eau qui ayant traversé, en tombant 
des nuages, des régions d'une température inférieure à 
0°, s'est congelée sous forme de petits cristaux étoiles, 
d'une blancheur éclatante. Ces cristaux, en s'accrochant 
les uns aux autres, composent de légers flocons dont le 
volume est d'autant plus considérable que la neige tombe 
de plus haut. La neige fond dans les couches inférieures 
de l'atmosphère, si la température y monte au-dessus 
de 0". Sinon elle recouvre la terre d'une couche blanche 
qui fond plus ou moins rapidement suivant la tempéra- 
ture du sol ou de l'air. Sur les hauts sommets les neiges 
sont éternelles, parce que la chaleur des rayons solaires 
n'est jamais assez élevée ni assez prolongée pour fondre 
des couches épaisses. 

I. La neige en Palestine. — 1° Il y a des neiges per- 
pétuelles sur les montagnes du nord, dans le Liban, 
dont le nom signifie « blanc » à cause des'neiges qui le 
recouvrent, et dont le plus haut sommet atteint 
3052 mètres ; dans l'Anti-Liban, dont un sommet s'élève 
à 2075 mètres, et plus au sud-est, dans l'Hermon, dont 
le point culminant est à 2800 mètres. De presque toutes 
les hauteurs de la Palestine on aperçoit les sommets 
neigeux de l'Hermon. La neige tombe assez rarement 
dans le reste du pays. En Galilée, elle reste quelquefois 
deux ou trois jours avant de fondre complètement. A 
Jérusalem, elle dure rarement plus de quelques heures. 
Elle est à peu près inconnue dans les plaines basses et 
dans la région méridionale. — 2» Les livres historiques 
ne font que deux fois mention d'une chute de neige. 
L'un des vaillants hommes de David, Banaias, tua un 
lion dans une citerne un jour de neige. II Reg., xxm, 
20; 1 Par., xi, 22. C'est sans doute aux traces du lion 
sur la neige qu'il avait reconnu sa présence dans la 
citerne. Sous Simon Machabée, le général syrien Try- 
phon se disposait à partir de nuit avec de la cavalerie 
pour aller dégager la garnison de Jérusalem, quand la 
neige se mit à tomber et l'empêcha d'exécuter son pro- 
jet. I Mach., xm, 22. — 3° Les écrivains sacrés font 
plusieurs remarques sur le phénomène de la neige. 
C'est Dieu qui dit à la neige : Tombe sur la terre. Job, 
xxxvii, 6; Eccli., xliii, 14. Mais personne ne sait où en 
sont les amas. Job, xxxvm, 22. Elle tombe des cieux et 
n'y retourne pas. Is., LV, 10. Celle qui descend sur le 
Liban y reste. Jer., xviii, 14. Sa chute est comparée à 
celle de la laine, Ps. cxlvii, 16, à celle de l'oiseau qui 
se pose doucement à terre. Eccli., xliii, 19. A cause de 
sa rareté relative, la neige est ainsi comparée à des 



1581 



NEIGE — NEMRIM (EAUX DE) 



1582 



choses qui sont plus familières aux Hébreux. Elle se 
précipite dans les torrents, surtout dans ceux qui 
courent sur le flanc des montagnes, Job, vi, 16, et la 
chaleur en absorbe les eaux. Job, xxiv, 19. La neige est 
invitée, avec les autres météores, à louer le Seigneur. 
Ps. cxLViii, 8; Dan., ni, 70. La femme forte ne craint 
pas la neige pour sa maison, parce qu'elle a préparé ses 
vêtements en prévision du froid. Prov., xxxi, 21. 

II. La neige dans les comparaisons. — 1" L'époque 
de la neige donne lieu au proverbe : La gloire sied à 
l'insensé comme la neige en été. Prov., xxvi, 1. — 2° La 
fraicheur de la neige suggère cet autre proverbe : Un 
messager fidèle est comme la fraîcheur de la neige au 
jour de la moisson. Prov., xxv, 13. Quand souffle le vent 
du nord en Palestine, il apporte la fraîcheur que lui 
ont communiquée les neiges du Liban et de l'Hermon. 
Il est plus probable cependant que le proverbe fait 
allusion à l'usage où étaient les anciens de mêler de la 
neige à leur boisson pour la rafraîchir. Cf. Xénophon, 
Memorab., II, i, 30; Pline, H. N., xix, 4. La chose 
n'était pas impraticable en Palestine, surtout au nord du 
pays. Cf. Rosenmûller, Das alte und neue Morgenl., 
Leipzig, 1818, t. ,'iv, p. 149- — 3° C'est principalement 
à cause de sa blancheur éclatante que la neige sert de 
terme de comparaison. Le psalmiste demande à Dieu 
de devenir pur comme la neige, Ps. li (l), 9, et Job, 
ix, 30, parle même de se laver dans la neige pour se 
rendre blanc comme elle. — La lèpre apparaît blanche 
comme la neige sur la main de Moïse, Exod., iv, 6, sur 
le corps de Marie, sa sœur, Num., xn, 10, et de Giézi, 
serviteur d'Elisée. IV Reg., v, 27. — La manne est com- 
parée à la neige et au givre. Sap., xvi, 22. — Des vête- 
ments blancs comme la neige sont attribués à l'ancien 
des jours, Dan., vu, 9, au Sauveur à sa transfiguration, 
Matlh., xvn, 2; Marc, IX, 2, et à l'ange de la résurrec- 
tion. Matth., xxviii, 3. — Le personnage que voit saint 
Jean dans sa vision a la tête et les cheveux blancs 
comme la neige, ce qui marque sa haute dignité, son 
âge et sa sagesse. Apoc, i, 14. — Les princes de Jéru- 
salem étaient plus éclatants que la neige. Lam., iv, 7. 
Enfin, il est dit au Psaume lxviii (lxvii), 15 : 

Quand te Tout-Puissant dispersa les rois en elle, 
Il neigea sur le Selmon. 

Le Psaume fait allusion aux sorties triomphantes de 
Jéhovah pour défendre son peuple, et les rois dispersés 
sont probablement ceux du temps de Débora. Jud., v, 
19. Le Selmon est une montagne peu importante, dans 
le voisinage de Sichem, Jud., ix, 48, par conséquent à 
peu près au centre de la Palestine. On n'est pas d'accord 
sur le vrai sens de la comparaison employée par le Psal- 
miste. La neige sur le Selmon pourrait représenter la 
gloire et la joie de la victoire, l'éclat des armes et du 
butin, les ossements blanchis des vaincus, etc. Cf. Fr. 
Delitzsch, Die Psalmen, Leipzig, 1873, t. i, p. 471, 472. 

H. Lesêtre. 

NEMRA (hébreu : Nimràh; Septante : Na(j.pà), nom, 
dans les Nombres, xxxn, 3, d'une ville de la tribu de 
Gad, qui est appelée ailleurs, sous sa forme complète, 
Bethnemra. Voir t. I, col. 1697. 

NEMRIM (EAUX DE) (hébreu : Mê-Nimrîm, «eaux 
limpides ou salutaires, » d'après Gesenius, Thésaurus, 
p. 195, au mot Bêt-Nimrâh; d'après Bochart et 
autres: « eaux des Nemêrim ou des panthères; » Sep- 
tante : tô ôScop Trjî Neu.ï|pe![i; Alexandrinus : Ne[tps£[i, 
dans Is., xv, 6; io ûSo p Ne6petv; Alexandrinus : 
'E6pt'[i, dans Jer., xlviii, 34), eaux du pays de Moab, 
mentionnées dans les deux passages cités d'Isaïe et de 
Jérémie. 

J. Nom. — Le mot maim, mê à l'état construit, in- 
dique souvent dans la Bible, un cours d'eau : ainsi Is., 
m, 8 et 13, mê hay-Vardèn, « les eaux » pour « le 



fleuve du Jourdain »; Is., vm, 6, mê has-Bilôafy , « les 
eaux » pour « le ruisseau de Siloé ». Parfois, il semble 
plutôt désigner un réservoir d'eau soit naturel, comme 
« les eaux de Mérom », mêMérôm, Jos., xi, 5 et 7, 
pour « le lac Mérom », « les eaux de Gennésar, » tô 
viSwp toïï Tewrimip, I Mach., xi, 67, pour <c le lac Géné- 
zareth »; soit artificiel, comme « les eaux de Dibon », 
mê Dîmôn, Is., xv, 9, pour « les piscines et les citernes 
de Dibon » et, probablement s les eaux de Gihon », même 
Gihôn, II Par., xxxn, 30, pour « le réservoir de 
Gihon ». Il paraît encore signifier « une région arrosée » 
ou « marécageuse » : ainsi « les eaux deMageddo »,«ië 
Megiddô, Jud., v, 19, "pour « le territoire mouillé par 
les cours d'eau de Maggedo »; « les eaux de Masere- 
phat, » Misrefôt maîm, Jor., xi, 8, pour « le territoire 
arrosé de Maserephoth ». C'est cette dernière significa- 
tion qu'il semble avoir, Is., xv, 6, et Jer., xlviii, 34. — 
Bien que les prophètes ne le disent pas expressément, 
il n'est pas douteux que le nom de Nemrin n'ait été 
portée par une ville ou bourgade établie sur le terri- 
toire auquel la prophétie fait allusion et que celle-ci ne 
s'adresse pas à la fois à l'un et à l'autre. 

Les « eaux de Nemrim » désignent celles de la rivière ap- 
pelée aujourd'hui Nemeirâ qui se jette dans la mer Morte 
au sud-est (voir Moab, col. 1151, et carte, col. 1145), 
et non celles de l'ouadi Nimrim, qui se jettent dans le 
Jourdain après avoir arrosé Bethnemra. Voir la carte 
de Moab, col. 1145, et la carte du Jourdain, t. ni, 
col. 1726. Isaïe, xv, 6, dans sa prophétie contre Moab, 
prédit que les eaux de Nemrim tariront et que le gazon 
et la verdure qu'elles entretenaient seront desséchés. 
Jérémie, xlviii, 34, annonce également le dessèchement 
des eaux de Nemrim. Les deux prophètes placent les 
eaux du Nemrim dans le voisinage de Ségor, par consé- 
quent au sud-est de la mer Morte, et on ne peut les con- 
fondre avec celles de l'ouadi Nimrin qui sont au nord 
de cette mer. 

II. Identification et description. — Les prophéties 
d'Isaïe et de Jérémie, où Nemrim est nommée, regardent 
exclusivement Moab et les villes de Moab, il ne peut y 
avoir le moindre doute que cette localité et son terri- 
toire n'appartiennent eux-mêmes au pays de Moab. Mais 
de quel Nemrim s'agit-il? car on trouve dans l'ancienne 
Moabitide deux localités auxquelles convient ce nom : 
l'une à l'extrême nord connue autrefois sous le nom 
de Bethnemra et Nemra, Num., xxxn, 36, et Is., xm, 26, 
aujourd'hui telLNimrin sur l'ouadi Nimrin et l'autre 
presque à l'extrême sud et au-dessous de Kérak, l'ancien 
Kir-Moab, appelé Khirbet-Nemeirâ, à l'embouchure de 
Vouâdi Nemeirâ. Dans les deux endroits l'eau est abon- 
dante et dans les deux on signale la présence du léo- 
pard ou du guépard et de la panthère. — Le courant 
d'eau qui arrose le tell-Nimrîm (fig. 429) prend son 
origine près du Sait, la capitale du Belqa, au cœur des 
montagnes de Galaad méridional. La source est abon- 
dante et forme immédiatement un ruisseau qui bientôt 
est grossi par une multitude d'autres petits courants. 
La rivière, sur un parcours de six à sept kilomètres, ar- 
rose de nombreux vergers d'arbres fruitiers plantés sur 
ses rives et fait tourner plusieurs moulins. Il en est de 
même de plusieurs de ses affluents. En approchant du 
Ghô/Tixle courant devient plus rapide, mais il n'arrose 
plus qu'une double haie de lauriers-roses. Au delà d'une 
gorge étroite, située entre des rochers à pic, à travers 
laquelle la rivière se précipite en grondant, la vallée 
s'élargit pour laisser son courant pénétrer dans la plaine 
du Jourdain. Appelé jusqu'ici, l'espace de vingt-cinq 
kilomètres environ, ouâdi Sa'îb, du nom donné par les 
Arabes au beau-père de Moïse, il prend dorénavant sur 
le territoire du tell-Nimrîm, et jusqu'au Jourdain où il 
se jette, dix kilomètres plus loin, le nom de nahar- 
Nemrîm et son lit celui A'ouâdi Nimrim. Les bédouins 
'Adouin qui occupent ces régions utilisent ces eaux 



1583 



NEMRIM (EAUX DE) — NEMROD 



1584 



pour arroser quelques oliviers et les champs de blé ou 
de doura, dont ils ensemeftcent toute la région. Les seder 
(Zizyphus Spina Christi), les Zaqqûm (Eleagnus an- 
gustifolius), et les oser [\sclepias gigantea), arbustes 
spontanés du sol, en bénéficient en même temps. Jadis 
elles devaient entretenir de superbes plantations de 
palmes et d'arbres fruitiers de toutes espèces, car le ter- 
ritoire de Nimrin pouvait Se prêter aux cultures les plus 
variées et les plus riches. Plusieurs palestinologues ont 
pensé que les allusions d'Isaïe convenaient admirable- 
ment à ce quartier dans lequel on pourrait entretenir 
une verdure perpétuelle. Voir Robinson, Biblical Be- 
searches in Palestine, Boston, 1842, t. H, p. 249; Socin- 
Baedeker; Palestine et Syrie, Leipzig, 1882, p. 411; 
Armstrong, Wilson et Conder, Names and Places in the 
Old Testament, Londres, 1887, p. 134; Bethnehra, t. i, 



en-Nemeirâ et plus haut un troisième édifice carré, 
mais de moindres dimensions. Bien uue Vouddi Nemeirà 
et le Ghôr Jie puissent être comparés pour !a fertilité 
à Vouddi Sa'îb ou Niwim, ils sont cependant supé- 
rieurs sous ce rapport à Ja plupart des vallées qui 
s'ouvrent sur la mer Morte. — En nommant Nemrim 
avec Segor, Luith, et entre Oronaïm et Gallim, villes 
qui paraissent toutes appartenir à Moab méridional, il 
semble bien que le prophète Isaïe la place dans la 
même partie. Jérérûie est peut-être plus catégorique 
encore. En l'unissant à Ségor et à Oronaïm il parait la 
mettre en opposition avec le groupe certainement situé 
au nord formé par Hésébon, Éléajéh, et Jassa. Eusèbe 
et saint Jérôme voient aussi la Nemerwi (Eusèbe : 
Neëïipeffi) dont parlent Isaïe dans la vision contre 
Moab, et Jérémie, dans le « bourg appelé Bennamarin 




429. — Ouadi Nemrin. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



col. 1697. — Toutefois la plupart des explorateurs incli- 
nent plutôt à reconnaître le territoire et la ville dont 
parlent les prophètes dans Vouddi-Nemeirâ et des ruines 
situées à l'issue de la vallée et désignées du nom de 
Khirbeten-Nemeird. Cette vallée commence, sous le 
village des Dja'afar, à quinze kilomètres au sud du Ké- 
rak. Le Djebelrel-Khanâzir, « la montagne des san- 
gliers », la domine au sud. Elle suit la direction du 
nord-ouest. La rivière qui la baigne est abondante, non 
toutefois comne le nahar Nimrin, et son parcours 
n'atteint pas vingt kilomètres. La région qu'elle arrose, 
belle et fertile dans sa partie orientale, devient plus ro- 
cheuse et plus stérile en se rapprochant de la mer 
Morte. A l'issue des montagnes, la rivière se divise en 
plusieurs branches. La bande de terrain qu'elle traverse 
est de plus d'un kilomètre et est connue sous le nom 
de ghôr ou saffel-Nemeirâ. Parmi les mimosas dont la 
plaine est recouverte, on heurte à chaque pas des débris 
de constructions. On remarque spécialement, au sud de 
la rivière, un tertre couvert de ruines et, dans son voi- 
sinage, un édifice carré de six mètres de côté, bâti avec 
de grandes pierres. Plus loin, est un autre mamelon 
également couvert de décombres et au nord de la rivière 
parmi les débris, on rencontre un second édifice carré 
'flanqué de quatre tours à ses angles et appelé Bordj 



(Br,vva[jiape:(ji), situé au nord de 2oara », la Ségor de 
la Bible. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 
1862, p. 298 et 299. Ségor ou Zoara est constamment 
indiquée par les anciens à l'extrémité sud-est de la mer 
Morte. Voir Ségor. Vouddi Nemeirâ, est distant à son 
embouchure de six kilomètres seulement de ce point. 
La ruine dont il a été parlé parait occuper le site de la 
Bennamarim de YOnomasticon dont le nom est sans 
doute une transcription pour Beth-Nemêrim, et dont 
l'identité étymologique avec Nemeirâ est incontestable. 
Voir F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, t. l, 
p. 281-289; Tristram, Bible places, p. 353; E. H. Pal- 
mer, The désert of the Exodus, 1871, t. n, p. 465. 

L. HEtDBT. 

NEMROD (hébreu : Ninirôd; Septante : Negp<I>6), 
nom d'un descendant de Chus (asiatique) fils de Cham, 
présenté dans Genèse, x, 8-12, comme fondateur de l'em- 
pire babylonien, chasseur puissant devant Jéhovah — ce 
qui peut s'entendre au sens littéral, les rois babyloniens 
et assyriens ayant été de grands destructeurs de fauves, 
ou dans le sens métaphorique, chasseur d'hommes, 
conquérant, le terme hébreu gib'oôr ayant communé- 
ment le sens de « héros, vaillant homme de guerre ». 

Ce nom n'a pas encore été découvert dans les textes 
cunéiformes : les identifications proposées renferment 



1585 



NEMROD 



1586 



toujours une grande part de conjectures. Une ancienne 
liste babylonienne des « rois qui ont régné après le 
déluge » incomplète et sans chronologie, il est vrai, 
omet Nemrod. Cuneiform Inscriptions of the Western 
Asia, t. v, pi. XLlv, 1. 20 c. Les textes et la glyptique 
assyro-babylonienne mentionnent et représentent sou- 
vent un héros dont le nom, écrit en caractères idéogra- 
phiques Gis-dwhar, doit se lire Gilgamès : il appartient 
à l'époque primitive, presque à l'époque du déluge, c'est 
à la fois un prince puissant, qui dompte Éa-bani, l'homme 
à face de taureau, et en fait son compagnon, puis triom- 
phe du tyran Humbaba, et égorge un monstre envoyé 
contre lui par Anu et IStar; comme le Nemrod biblique, 
il règne aussi sur la ville d'Érech : mais les textes ne 
disent pas qu'il ait régné sur les autres villes de la 
tétrapole du Sennaar, Babylone, Achad et Chaîné. Tous 
ces détails sont empruntés au poème babylonien nommé 
communément l'épopée de Gilgamès. La figure colossale 
de ce héros (flg. 430) ornait l'entrée des palais assyriens, 
à côté des nirgal-i et des qirubi, lions et taureaux ailés 
à face humaine : on le retrouve également sur un granp 
nombre de cylindres-cachets babyloniens fort anciens, 
tels que le sceau de Sargon l'ancien (voir t. I, flg. 18, 
(col. 125. On le représentait portant une barbe et une 
chevelure longues et soigneusement frisées, luttant 
contre le taureau de la déesse IStar, ou bien tenant à la 
main droite une massue, et enserrant et étouffant du 
bras gauche un lionceau. — La difficulté devient plus 
grande quand on tente de rapprocher les deux noms, 
Nemrod et Gilgamès. Frd. Delitzsch et Hommel ont 
essayé de donner aux caractères idéographiques, la 
lecture Namra-udduou Nami-atsit, lumière de l'Orient, 
mais c'est une lecture purement conjecturale, et rien 
ne prouve que le composé idéographique se soit jamais 
lu autrement que Gilgamès. P. Haupt essaie d'arriver à 
l'identification en se basant sur un détail donné par l'épo- 
pée babylonienne : après sa victoire sur le taureau d'Anu, 
le héros en consacra les cornes, pour servir de coupes 
à libations, au dieu de Marad, soit qu'il fût lui-même 
originaire de cette ville, soit que le Dieu de Marad ait 
été sa divinité protectrice : Nemrod serait donc un sur- 
nom signifiant : le (héros) de la ville de Marad. Malheu- 
reusement les noms ethniques ou les appellations d'ori- 
gine ne se forment pas par le préfixe N, mais par la 
désinence aa, etc. Delitzsch propose de lire nu-Marad, 
le héros de Marad. Quant à la ville elle-même, après 
G. Smith, il l'identifie avec la localité de Ptolémée 
'AjjLopSoxaîa, au sud de Borsippa : Wo lag das Para- 
dies, p. 220. 

M. Sayce avait tenté d'assimiler Nemrod au roi kas- 
siteNazi-Murutasjla ressemblance onomastique est loin 
d'être frappante ; de plus les conditions historiques de 
temps et de situation sont totalement différentes : Nazi- 
Murulas appartenait à la troisième dynastie de Babylone 
et fut vaincu par le monarque assyrien Ramman-nirari 
vers l'an 1330. T. Pinches, dans le Dictionary of the 
Bible, de Hastings, t. m, p. 552, s'est rallié à l'opinion 
de J. Grivel, qui confondait Nemrod avec Mardok, le 
grand dieu babylonien, dont il lisait le nom Amar-ut 
ou Amar-utuk, forme accadienne sémilisée dans la Bible, 
par l'adjonction du N préfixe. Cela est purement conjec- 
tural. Tout ce qu'on peut alléguer, c'est que Mardouk est 
représenté comme le roi du panthéon babylonien, et 
comme un guerrier qui triomphe de la déesse du chaos 
Tihamât; il est aussi le protecteur sinon le fondateur de 
Babylone : mais cela ne peut suffire pour identifier les 
deux personnages. 

La notice hébraïque ajoute une seconde partie à 
l'histoire de Nemrod : elle nous apprend qu'après avoir 
établi son empire sur la tétrapole du Sennaar, Babylone, 
Arach, Achad, Chaîné, il gagna l'Assyrie, où il fonda 
aussi Ninive, Rehoboth-'Ir, Calach et Résen. A la vé- 
rité on peut expliquer cette phrase d'une tout autre 



façon, comme fait la Vulgate, en prenant Assur non 
comme une appellation géographique, mais pour un 
nom personnel ou ethnique, et traduire : « de (Sennaai")- 
sortit Assur qui bâtit Ninive, etc. » Quelle que soit la 
traduction admise, nous y apprenons un fait reconnu 
comme exact par la science assyriologique, que l'Assyrie 
fut à l'origine une colonie babylonienne, que son em- 




430. — Gilgamès étouffant un lion. Bas-relief de Ninive. 
Musée du Louvre. 

pire fut fondé par Nemrod, qui représente ici la puis- 
sance et la civilisation chaldéenne. Langue, écriture, 
science, religion, beaux-arts, etc., l'Assyrie n'eut rien en 
propre, tout lui vint de la Babylonie. De temps en 
temps elle secoua la prépondérance politique de Baby- 
lone, elle soumit même sa métropole sous ses derniers 
rois, mais elle finit par succomber elle-même sous les 
coups d'un nouvel empire babylonien. Voir Assyrie, 
Ninive, Babylone, et les autres noms des villes assy- 
riennes. 
Le récit biblique donna naissance à quantité de 



1587 



NEMROD 



NEOMENIE 



1588 



légendes orientales, ainsi qu'à l'explication de son nom 
par la racine hébraïque Marad, « se révolter. » Il serait 
l'instigateur de la construction de la tour de Babel et 
l'auteur de l'idolâtrie babylonienne : Abraham, ayant 
refusé d'adorer son idole, aurait été jeté par lui dans 
uae fournaise ardente, d'où il serait sorti sain et sauf : 
la Vulgate fait allusion à cette légende quand elle tra- 
duit qu'Abraham a été tiré par Dieu de igné Chaldœ- 
orum, II Esd., IX, 7, au lieu de « tiré de (la ville) 
d'Ur des Chaldéens ». Sa renommée de grand construc- 
teur lui a fait attribuer toutes les ruines importantes de 
Mésopotamie, Birs-Nimrud, à Borsippa, Tell-Nimrud, 
près de Bagdad, Nimrud, les ruines de l'ancienne ville 
de Calach sur le Tigre, etc. Il semble même qu'on re- 
trouve ce nom jusqu'en Egypte et en Lybie; l'un des 
ancêtres de Sésac I er de la XXII e dynastie, se nomme 
Namratu. S. Birch, dans les Records of the past, 
I re série, t. XII, p. 93. 

Biliographie. — J. Grivel, dans les Transactions of 
the Society of biblical Archselogy, 1874, t. m, p. 136- 
144; Smith-Delitzsch, Chaldàische Genesis, Leipzig, 
1876, p. 154 sq.; 311-312; Schrader-Whitehouse, The 
cuneiform Inscriptions and the Old Testament, 1885, 
t. i, p. 75; t. il, 1888, p. ix, 296; Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e éd., t, i, p. 344 sq.; 
344 sq.; Proceedings of the Society of biblical 
Archseology, t. xv, p. 291-300; t. xvi, p. 13-15; P. Jen- 
sen, Mythen und Epos, dans Keilinschriftliche Biblio- 
thek, t. vi, p. 116; Pinches, dans Hastings, A dictio- 
nary of the Bible, t. m, p. 552; Maspero, Histoire an- 
cienne des peuples de l'Orient, 1904, p. 182-184, 419, 
480; G. Rawlinson, The five great monarchies, 1879, 
t. i, p. 18, 118, 153, 175. E. Pannier. 

NÉNUPHAR, nom donné à plusieurs plantes de la 
famille des Nymphéacées. Voir Lotus, col. 367. 

NÉOCORE (grec : vewxo'po;; Vulgate : cultrix). Le 
gramrriate de la ville d'Éphèse donne à cette ville le titre 




431. — Monnaie du néocorat d'Artémis à Éphèse. 
AAPIANOC KAICAP OAÏÏktniOC. Buste d'Adrien à droite, Uroré. 
^. E*ECI£2N. Temple octostyle avec la statue d'Artémis. O.IC- 
NE2K0PQN. 

de néocore de la grande Diane (Artémis).Act.,xix,35. Ce 
mot signifie étymologiquement celui qui est chargé de 
nettoyer et d'entretenir le temple. Il désignait à l'ori- 
gine des officiers subalternes du temple. Euripide, Ion, 
f. 116, 794. Leurs fonctions devinrent par la suite plus 
importantes, ils furent les véritables administrateurs 
des sanctuaires. E. Beurlier, art. Néocore, dans le Dic- 
tionnaire des antiquités grecques et romaines, de Sa- 
glio, fasc. 36, Paris 1904, p. 55-56. C'est alors que le 
néocorat désigna d'une manière générale l'acte de rendre 
un culte à une divinité. Platon, Leg., vi, p. 759 a; Plu- 
tarque, De Iside et Osiride, 2, l'emploient dans ce sens. 
Josèphe, Bell, jud., V, ix, dit de même que les Juifs 
étaient néocores du vrai Dieu. Le texte des Actes des 
Apôtres est le plus ancien qui donne ce titre à une ville. 
Ce n'est qu'au n e et au m e siècle qu'on le trouve sur 



les monnaies et sur les inscriptions. Il s'applique presque 
toujours au culte des empereurs, cependant certaines 
villes s'appellent néocores de divinités locales, de Jupi- 
ter, d'Artémis, etc. Lebas et Waddington, Inscriptions 
d'Asie Mineure, t. m, n. 669, 674, 988; Mipnet, Descrip- 
tion des médailles, suppl., t. v, n. 247; t. m, n. 89. La 
ville d'Éphèse en particulier porte dans les inscriptions 
le titre de v£<i>xdpoç 'Aprsu.t5o;, néocore d'Artémis ou 
Diane. Wood, Discoveries al Ephesus, in-8°, Londres, 
1877, Appendice vi, n. 6, p. 50-52. Les médailles (fig. 431) 
donnent à Éphèse le même titre. Revue numismatique, 
1859, p. 305, pi. xn, n, 4; Mionnet, Supplément, t. vi, 
n. 524. Cf. G. Buchner, De neocoria, 148, Gissae, 1888, 
E. Beurlier, Le culte impérial, in-8°, Paris, 1890, p. 239. 

E. Beurlier. 

NÉOMÉNIE (hébreu : hôdéS, r'ôS ha-hôdéS; Sep- 
tante : veou,Y|vïa, vo-ju.ï]vfa ; Vulgate : neomenia, calendœ), 
premier jour du mois chez les Hébreux. Le mot hôdès 
signifie « nouveau, nouvelle lune » et « mois » commen- 
çant à la nouvelle lune : r'ôs hd-hôdéë signifie « com- 
mencement du mois ». 

I. La célébration religieuse. — 1» Par une première 
loi, Moïse ordonne de sonner des trompettes aux néo- 
ménies, comme en le faisait aux jours de fêtes, pendant 
l'offrande des holocaustes et des sacrifices d'action de 
grâces. Num., x, 10. Le son de la trompette était caracté- 
ristique de la néoménie, si bien que la néoménie solen- 
nelle du septième mois en prenait le nom de « fête des 
Trompettes ». Lev., xxm, 24; Num., xxix, 1. « Sonnez 
de la trompette à la nouvelle lune, » chantait un psal- 
miste. Ps. lxxxi (lxxx), 4. — 2° Des sacrifices particu- 
liers devaient être offerts au Temple à chaque néoménie : 
deux jeunes taureaux, un bélier et sept agneaux d'un 
an, en holocauste, avec les offrandes habituelles de fa- 
rine pétrie à l'huile et les libations de vin; on ajoutait, 
en sacrifice d'expiation, un bouc et des libations. Num., 
xxvm, 11-15. C'était le même nombre de victimes que 
dans l'octave de la Pâque et à la Pentecôte. Quand la 
néoménie tombait un jour de sabbat, ses victimes s'ajou- 
taient à celles des sabbats ordinaires. Elles s'ajoutaient 
également aux victimes spécialement prescrites pour la 
grande néoménie du septième mois. Num., xxix, 6. — 
3° Les Hébreux furent fidèles à offrir, les sacrifices des 
néoménies. Salomon les avait en vue quand il se pro- 
posa d'élever le Temple, II Par., il, 4, et il ne manqua 
pas deles offrir quand l'édifice fut consacré. II Par., vin, 
13. Ézéchias fournissait des victimes pour ces holocaustes. 
II Par., xxxi, 3. On rappelait aux prêtres et aux lévites 
le devoir qui leur incombait au sujet des néoménies. 
I Par., xxm, 31. La célébration de ces sacrifices fut 
rétablie après la captivité, I Esd., ni, 5; H Esd., x, 
33, et on les continua jusqu'à la ruine définitive du 
Temple. Cf. Josèphe, Ant. jud., III, x, 1. — 4° Comme 
toutes les autres solennités d'Israël, les néoménies 
cessèrent de plaire au Seigneur, à cause de l'esprit 
avec lequel on les célébrait. Is., i, 13; Ose., n, 11. Le 
prophète annonce qu'après la restauration messianique, 
« à chaque nouvelle lune et à chaque sabbat, toute chair 
viendra se prosterner devant Jéhovah, » Is., lxvi, 23, 
c'est-à-dire qu'il y aura alors des solennités qui rem- 
placeront les néoménies et les sabbats, et auxquelles 
toute l'humanité sera conviée. Dans sa description du 
Temple restauré, Ézéchiel, xlvi, 1, prédit aussi que 
la porte orientale du parvis intérieur, fermée les jours 
ordinaires, sera ouverte les jours de sabbat et de néo- 
ménie, pour que le prince vienne offrir son holocauste. — 
5° Hors du Temple, il y eut un service religieux dans 
les synagogues à l'occasion des néoménies. Aux prières 
accoutumées, on en ajoutait de spéciales à ce jour, et 
quatre lecteurs étaient désignés pour lire des passages 
de la Loi, mais sans lecture de prophéties. Cf. Megilla, 
iv, 2. Dès les anciens temps, on s'était appliqué à solen- 
niser la néoménie par quelque exercice religieux. Quand 



1589 



NÉOMÉNIE 



1590 



la Sunamite parle d'aller trouver le prophète Elisée, son 
mari s'en étonne en disant : « Ce n'est pourtant ni la 
nouvelle lune ni le sabbat. » IV Reg., iv, 23. On se ren- 
dait donc ces jours-là près du prophète pour entendre 
parler de Dieu et de sa loi. 

II. La célébration civile. — 1° La néoménie était consi- 
dérée comme une fête, mais elle n'entraînait pas l'obli- 
gation d'un repos rigoureux. Il est nommément prescrit 
de ne faire aucune œuvre servile à la néoménie du 
septième mois. Num., xxix, 1. Ces œuvres n'étaient 
donc pas défendues aux autres néoménies. Néanmoins 
on s'abstenait généralement des plus considérables. Le 
gros commerce était suspendu. « Quand la néoménie 
sera-t-elle passée, pour que nous vendions du blé? » 
disaient les accapareurs du temps d'Amos, vin, 5. 
C'étaient surtout les femmes que l'on exemptait de tout 
travail ce jour-là. Par cette exemption on prétendait rap- 
peler le souvenir des femmes qui avaient livré leurs 
anneaux d'or à Aaron pour la fabrication du veau d'or. 
Exod., xxxii, 2, 3. De diverses indications du texte sacré, 
Exod., xix, 1, 16; xxiv, 18, on conclut que la livraison 
des anneaux se fit à peu près à l'époque de la néoménie. 
Cf. Iken, Antiquitates hebraicm, Brème, 1741, p. 304, — 
2° Le jour de la néoménie, on se livrait à la joie et aux 
festins. Il y avait réception à cette occasion à la cour de 
Saûl. I Reg., xx, 5, 18, 24. Judith, vin, 6, s'abstenait de 
jeûner aux néoménies. Ces jours étaient si bien connus 
comme jours de fête pour les Juifs que, pour se conci- 
lier leur amitié, le roi Démétrius I er leur promettait 
d'ériger les sabbats, les néoménies et les solennités en 
jours d'immunité et de franchise. I Mach., x, 34. — 3° Les 
Juifs de la dispersion célébraient les néoménies comme 
on le faisait en Palestine, hors de Jérusalem, par des 
lectures de la Loi dans les synagogues, cf. Mischna 
Mêgilla, m, 5, 6; iv, 2, et par des réjouissances. Horace, 
Sat,, I, ix, 69, et Commodien, Inslr., I, 40, 3, parlent 
des tricesima sabbata des Juifs, qui ne sont autre chose 
que les néoménies. Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen 
Volkes im Zeit J, C, Leipzig, t. m, 1898, p. 95. 

III. Raison de l'institution des néoménies. — 1° Quel- 
ques auteurs, à la suite de Maimonide, More Nebou- 
chim, m, 46, ont pensé que les néoménies furent ins- 
tituées en opposition avec le culte qui était rendu à la 
nouvelle lune par certains peuples, et particulièrement 
par les Égyptiens. Cf. Spencer, De leg. Hebrssor., Cam- 
bridge, 1685, m, 4, p. 1045; J. D. Michaelis, Mosaisches 
Recht, Francfort-s.-M., 1775, t. rv, p. 170. La lune était 
l'objet d'un culte en Egypte, en Syrie, en Chaldée, etc. 
Voir Lune, col. 420. Mais il n'apparaît nulle part que ce 
culte ait été rendu à la lune précisément à l'époque où 
elle devient invisible. Rien d'ailleurs, ni dans les textes 
sacrés ni dans la tradition juive, ne permet d'établir une 
relation positive entre la néoménie et une opposition 
quelconque à des cultes lunaires. — 2» L'institution des 
néoménies s'explique simplement par la nature du 
calendrier en usage chez les Hébreux. Les mois étaient 
lunaires. C'est donc le cours de la lune qui réglait la 
vie religieuse et la vie civile. Is., lxvi, 23. La même 
division du temps faisait que les Germains fixaient leurs 
assemblées à la nouvelle lune ou à la pleine lune, comme 
à des jours favorables, Tacite, Mor. Gerni., 11, et que 
les Romains célébraient par des festins les calendes, les 
ides et les nones. Aulu-Gelle, Nocl. Attic., H, 24. Dès 
lors il était naturel qu'au début de chaque mois la pensée 
des Israélites fût ramenée à Dieu par des holocaustes 
qui rendaient hommage à son souverain domaine, par 
un sacrifice d'expiation qui reconstituait la nation en 
état de pureté légale devant Dieu, et par des réjouissances 
qui étaient une forme de la reconnaissance pour les bien- 
faits reçus. — 3° Bien que la néoménie ne fût pas à pro- 
prement parler une fête, puisqu'elle n'est pas inscrite 
au catalogue des fêtes,Lev., xxm, 2-43, mais qu'elle est 
seulement indiquée comme occasion de sacrifices, l'usage 



s'en perpétua parmi les Juifs et les judaïsants que saint 
Paul trouva en face de lui en Asie-Mineure. Aux Galates, 
iv, 10, il reproche des observances de jours, de mois, de 
saisons et d'années, toutes choses qui se rattachaient au 
judaïsme, et n'avaient plus de raison d'être dans la reli- 
gion nouvelle, alors surtout que les sacrifices mosaïques 
constituaient le fond essentiel de la néoménie. Aux 
Colossiens, n, 16, il recommande de ne pas se laisser 
juger et inquiéter au sujet des fêtes, des néoménies et 
des sabbats. Peut-être les néoménies étaient-elles ratta- 
chées par les hérétiques au culte asiatique du dieu Lunus. 
Voir Lune, col. 420. A la fin du vu" siècle, le concile 
in Trullo, can. 62, croit encore devoir prohiber les 
fêtes des calendes, dont l'usage s'était conservé en cer- 
tains pays. Cf. Héfélé, Uist. des Conciles, trad. Delarc, 
Paris, 1870, t. iv, p. 219. 

I V. Fixation de la néoménie, — 1° Il était très impor- 
tant pour les Hébreux de fixer le premier jour de la 
lune, parce que de ce jonr dépendait la date de fêtes 
solennelles. Ainsi la Pâque se célébrait le quinzième 
jour de nisan et la Pentecôte dépendait d'elle; la fête de 
l'Expiation tombait le dixième jour du septième mois et 
la fête des Tabernacles cinq jours après, etc. Pour qu'il 
y eût uniformité dans la célébration des fêtes, il était 
donc indispensable que le premier jour de la lune et du 
mois fût indiqué officiellement. — 2° Comme la révolu- 
tion de la lune dure 29 jours, 12 heures et 44 minutes, 
les phases ne se reproduisent jamais après un cycle en- 
tier de jours. Les anciens Hébreux étaient incapables de 
déterminer l'apparition de la nouvelle lune par le calcul 
astronomique. Ils procédaient donc empiriquement. 
Voici comment se passaient les choses à l'époque des 
traditions consignées dans la Mischna, par conséquent 
encore du temps de Notre-Seigneur. Le trentième jour 
de la lune, des membres du sanhédrin se tenaient dans 
un endroit déterminé depuis le matin jusqu'au sacrifice 
du soir, attendant les témoins qui auraient pu décou- 
vrir la nouvelle lune la veille au soir. C'est en effet au 
soir du vingt-neuvième jour qu'on pouvait commencer à 
l'observer, si les conditions atmosphériques étaient favo- 
rables, et si la nouvelle révolution lunaire datait déjà 
d'un nombre d'heures suffisant pour que le croissant 
pût être aperçu. Quand deux témoins capables et sérieux 
attestaient l'avoir vu, le président du sanhédrin s'écriait : 
meqûddos, « consacré; » le peuple répétait deux fois l'ex- 
clamation, et, si la journée n'était pas trop avancée, on 
offrait les sacrifices et on célébrait la néoménie. Si, au 
contraire, le trentième jour les témoins faisaient défaut, 
ou n'étaient pas dignes de foi, ou arrivaient trop tard, 
c'est à la journée du lendemain que la néoménie était 
fixée de droit, sans qu'il fût besoin d'autre constatation. 
Les Assyriens attachaient eux aussi une grande impor- 
tance à la constatation de la disparition ou de la réap- 
parition de la lune, à la fin du mois, et leurs observa- 
toires s'en occupaient avec soin. Les néoménies et les 
pleines lunes étaient l'occasion de fêtes à Babylone, ce 
qui explique l'absence d'une fête annuelle en l'honneur 
du dieu Lune. Cf. Lagrange, Études sur les religions 
sémitiques, Paris, 1905, p. 291. Macrobe, Saturnal., 
I, 15, parlant des institutions religieuses de l'ancienne 
Rome, raconte également que, « dans les anciens temps, 
un pontife subalterne était chargé d'observer l'appari- 
tion de la nouvelle lune et d'informer le grand sacrifi- 
cateur quand il l'avait vue. » — 3° Quand le jour de 
la néoménie était fixé à Jérusalem, on le faisait connaî- 
tre au reste du pays au moyen de grands feux allumés 
sur les hauteurs, ou de torches fixées à l'extrémité de 
longues perches. Rosch-Ilasschana, fol. 22, 23. De la 
montagne des Oliviers, on correspondait ainsi avec le 
mont Sartabéh, à peu près à quarante kilomètres à vol 
d'oiseau, sur les bords du Jourdain, au nord-est de Jéru- 
salem. Cette hauteur n'a que 379 mètres au-dessus de la 
mer, et 679 au-dessus de la plaine du Jourdain; mais la 



1591 



NÉOMÉNIE — NEPHTHALI 



1592 



vue qu'on a du sommet est des plus étendues, et l'on 
comprend que ce point ait été choisi, comme le rapporte 
le Talmud, pour transmettre les signaux des néoménies. 
Cf. Revue biblique, 1895, p. 615. Trois autres hauteurs 
servaient à constater l'apparition de la nouvelle lune, 
les monts Gerophna, Chavran et Baltin. Mais on n'en 
connaît pas l'emplacement; on ignore même s'ils se 
trouvaient tous en Palestine. Cf. Reland, Palxstina illu- 
strata,Utrecht,1714, 1. 1, p.346. Lorsque les Samaritains, 
pour tromper les Juifs, se furent mis à faire de faux 
signaux, il fallut prendre un autre moyen pour notifier 
les néoménies. On expédiait des courriers dans les pro- 
vinces. Cf. Rosch Hasschana, II, 2, 4; Gem. Betza, 4, 
2. Mais comme ceux-ci avaient peine à arriver à temps 
dans les endroits éloignés, on se résignait, dans beau- 
coup de localités, à célébrer deux jours de néoménie, 
afin de se trouver d'accord avec Jérusalem. Le second 
jour n'était pourtant pas considéré comme aussi saint 
que le premier. On a cru trouver dansl Reg., xx, 24-27, 
l'indice d'une célébration de la néoménie pendant deux 
jours. De la double célébration de la néoménie de nisan 
serait dérivé, conjeclure-t-on, l'usage de consacrer deux 
jours à la célébration de la Pâque, afin que cette fête 
coïncidât toujours avec le quinzième jour de la lune. 
Cf. A. Zanolini, De fest. et sect. Judœor., 1, 2, dans le 
Theol. curs. compl. de Migne, Paris, 1842, t. xrvi, col. 
24. Les divergences ou les incertitudes qui se présen- 
taient fatalement avec ce système n'avaient pas grande 
importance. C'était seulement à Jérusalem qu'on offrait 
les sacrifices; puis, s'il y avait erreur d'un jour pour la 
néoménie, on avait tout le temps d'être renseigné avant 
le jour où une solennité devait être célébrée, s'il en 
tombait quelqu'une dans le mois. Cf. Iken, Antiquitates 
hebraicee, p. 131, 132; Reland, Antiquitates sacrée, 
Utrecht, 1741, p. 256; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 
183; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit 
J. C., t. i, 1901, p. 750. Plus tard, bien postérieusement 
à l'ère chrétienne, les rabbins se servirent du calcul 
astronomique pour fixer les néoménies ; mais les Caraïtes 
s'en tinrent toujours à la méthode empirique. 

H. Lesêtre. 

NÉOPHYTE (Grec: veôçutoç; Vulgate : neophytus), 
celui qui est nouvellement planté dans la foi. — Le 
mot est emprunté aux Septante, qui l'emploient pour 
traduire néta', « jeune plant, » vedçmov, cum primum 
plantatum est. Job, xiv, 9; Ps. cxliii, 12; Is., v, 7, etc. 
La foi et la vie chrétienne sont comparées à une plan- 
tation. Matth., xv, 13; I Cor., in, 6. Le chrétien est en- 
raciné dans le Seigneur Jésus, Col., il, 7; il participe 
à sa racine et à sa sève divines. Rom., xi, 17. Il est 
donc naturel d'appeler néophyte ou jeune plant celui 
qui n'est entré dans la vie chrétienne que depnis peu 
de temps. — Saint Paul ne veut pas qu'on élève un néo- 
phyte aux dignités ecclésiastiques, de peur que, peu 
affermi encore dans la vertu, il ne cède à l'orgueil .et 
n'encoure condamnation. I Tim., m, 6. C'est le seul 
passage de l'Écriture où se lise le mot « néophyte ». 

H. Lesêtre. 

NÉPHATH-DOR, la ville de Dor, aujourd'hui Tan- 
tourah. Voir Dor, t. Il, col. 1487. 

NÉPHEG (hébreu : Néfég), nom de deux Israélites. 

1. NÉPHEG (Septante: Naçlx), second fils d'Isaar, 
frère de Coré, de la tribu de Lévi. Exod., vi, 21. 

2. NÉPHEG (Septante : Not<p6i, II Reg., v, 15; Par., 
m, 7; Naiiô, I Par., xiv, 6), fils de David, né à Jérusa- 
lem. On ne connaît de lui que le nom. II Reg., v, 15; 
I Par., ni, 7; xiv, 6. 

NÉPHI (grec : NsyOaEi), nom dans la Vulgate, I Mach., 
l, 36, du lieu ou plutôt du liquide qui est appelé aussi 



Nephthar. Néphi, comme le grec Neç6a£t' ( est probable- 
ment une corruption de Naphtha. Voir Nephthar. 

NEPHTHALI, nom d'un patriarche, de la tribu qui 
en descend, et d'une montagne de Palestine. Ce nom 
est uniformément en hébreu Naftâlî (pour l'étymologie, 
voir Nephthali I) et généralement en grec NsçôaXes ou 
Ne<p6a>.£. On trouve cependant Necpflate'n ou NeçOaXîfi 
dans quelques endroits de l'Ancien Testament, Gen., 
xxxv, 25; III Reg., rv, 15; vu, 14; Is., îx, 1; Ezech., 
xlviii, 3, 4, 34, et dans l'Évangile de S. Matthieu, iy, 
13, 15. Josèphe, Ant. jud., I, xix, 8, donne la même 
orthographe, qui vient du pluriel hébreu : Naffalîm. La 
Vulgate porte également Nephthalim, Matth., îv, 13,15; 
partout ailleurs elle a Nephthali. Dans les manuscrits 
et certaines éditions de la version latine on lit aussi 
Neptali, Nephtali: mais les éditions clémentines, après 
Robert Estienne ont constamment écrit Nephthali. Cf. 
C. Vercellone, Varias lectiones Vulgatx latin», Rome, 
1860, t. i, p. 106. A. Legendre. 

1. NEPHTHALI, sixième fils de Jacob, le second qu'il 
eut de Bala, servante deRachel, Gen., xxx,8. Son nom, 
comme celui de ses frères, repose sur la paronomase 
qui fut faite au moment de sa naissance. Rachel, qui 
avait tant porté envie à la fécondité de sa sœur, et heu- 
reuse de se dire, même par substitution, mère pour la 
seconde fois, s'écria (d'après l'hébreu) : Naftûlê 'i^lôkîm 
niftalti 'im-âhô(î gam-yâkôlfî. Et elle appela le nou- 
veau-né Naftâlî. La difficulté de connaître l'étymologie 
exacte de ce nom vient de l'obscurité des mots naftûlê, 
niftalfi, ou plutôt de la racine fatal. Il est facile de 
constater ici l'embarras des versions. La Vulgate tra- 
duit : « Dieu m'a comparée avec ma sœur, et j'ai pré- 
valu. » Elle omet donc le troisième mot, puis, faisant 
du premier un verbe, elle le met à la troisième per- 
sonne avec le suffixe de la première, enfin elle donne 
à fatal le sens de « comparer «.Telle n'est pas la signi- 
fication du verbe, qui, en chaldéen, en syriaque, en 
éthiopien et en arabe, veut dire : « tordre, tresser, en- 
trelacer; » à la forme niphal : « se tordre, s'entre- 
lacer, » d'où l'idée de « combattre » qu'on lui attribue 
généralement ici. Comme dérivé de la racine, l'on a 
fdtîl ou pâtîl, «-fil, corde. » La Vulgate a-t-elle tiré de 
là le sens d' « unir, comparer »? Peut-être; mais pâtîl 
se rattache plutôt au sens de « tordre ». On lit dans les 
Septante : EuvavTsXâôsTO |*ou à @e<5c, xaï awavect-piçYiv 
Tîj àSs'Aç-?) nou, xai r)8uvâae-(]v, « Dieu m'a aidée, et jj'ai 
lutté avec ma sœur, et j'ai prévalu. » Ils ont donc vu 
dans le premier mot un verbe à la troisième personne 
avec suffixe, et lui ont sans doute donné le sens de : 
« Dieu a lutté pour moi. » Le Targum d'Onkelos offre 
la paraphrase suivante : « Dieu a exaucé ma supplica- 
tion, lorsque j'ai supplié dans ma prière; j'ai désiré 
d'avoir un fils, comme ma sœur, et il m'a été donné. » 
La version syriaque s'en rapproche; omettant les deux 
premiers mots, au moins dans certaines éditions, elle 
traduit : « J'ai supplié avec ma sœur, et j'ai obtenu 
également. » Cette supplication est-elle simplement 
synonyme de « combat par la prière » ? Faudrait-il voir 
ici une confusion de mots, par exemple entre bris;, nif- 

[al, et V=i2nn, hitfallêl, « prier, supplier? » Nous res- 
tons dans les conjectures. Josèphe, Ant. jud., I, xix,8, 
trouve aussi dans Nephthali l'idée de combat, mais par 
la ruse, allusion au moyen que prit Rachel pour avoir 
des enfants. Les auteurs modernes traduisent générale- 
ment la phrase hébraïque citée plus haut : « Des com- 
bats de Dieu j'ai combattu avec ma sœur, et j'ai pré- 
valu ». Il s'agirait de combats pour obtenir la grâce et 
les bénédictions divines. Cf. Frz. Delitzsch, Die Gene- 
sis, Leipzig, 1887, p. 385; A. Dillmann, Die Genesis, 
Leipzig, 1892, p. 343. Naftâlî aurait donc le sens de 



Dictionnaire de la Bible. 



Letotizey et Ané Jaris. 




iStèi. 



**19 






' -BXTfl 



A» 1 ' 













*- «MTA ■ ■ „- .. , 




'-/'•■„ <liix,nir\S S*I**ABWS 






TRIBU DENEPH THAL1 

les noms d'après laVulgate sont/ écrits 
en- caractères droits rouges. — Les noms 
bibliques qui- se- (rouoent sur les monuments 
égyptiens et- assyriens sont/ erv caractères 
penchés -Meus; ceux qui, ne, sont pas bibliques 
en, caractères droits Meus. 

Échelle, 

5 10 15 Kilom. 



JmpJhtfrina/ t Parit. 



A ItM&kH/oèreJïffi'. 



1593 



NEPHTHALI 



1594 



« ma lutte ï ou « lutteur », comme les Romains disaient 
Luctatius, d'après J. Simonis, Onomasticum Veteris 
Testamenti, Halle, 1741, p. 320. Nous ne savons rien de 
la vie de ce patriarche. Frère de Dan par Bala, Gen., 
xsxv, 25, il eut quatre fils : Jasiel, Guni, Jéser et Sal- 
lem. Gen., xlvi, 24; 1 Par., vu, 13. C'est tout ce que la 
Bible nous apprend; ailleurs le nom s'applique à la 
tribu. Voir Nephtiiaxi 2. À. Legendre. 

2. NEPHTHALI, une des douze tribus d'Israël. 

I. Géogbaphie. — ie territoire de la tribu de Neph- 
thaJi s'étendait au nord-est de la Palestine, borné au 
nord par le Nahr el-Qasimiyéh ou Léontès, à l'ouest 
par les tribus d'Aser et de Zabulon, au midi par celle 
d'Issachar, à l'est parle Jourdain et le lac de Tibériade. 
Voir la carte (fig. 432). 

/. limites. — Les limites de Nephthali sont tracées 
Jos., xix, 33-34. Malheureusement le texte a des obscu- 
rités et l'identification des villes présente plus d'une 
difficulté; dans ces conditions, nous ne pouvons émettre 
que des conjectures. Voici ce que porte l'hébreu : « Leur 
frontière allait de Héleph (hébreu : yéléf; Septante : 
Codex Vaticanus : MooX&y.; Codex Alexandrinus : 
MsXép, provenant de l'union fautive du mem hébreu et 
du nom; peut-être Beit-Lîf, au sud-est de Tyr), du 
térébinthe de Sa'ânannîm (hébreu : mê-'Allôn be- 
Sa'ânannîm ; Septante : Cod. Vat. ; Mu>Xà xai Bs<rs- 
(uetv; Cod. Alex. : Mr,X(àv xat Beo-jvavi'jj., par l'union 
des prépositions hébraïques et l'addition de la particule 
conjonctive; peut-être (mais très problématique), « la 
« vallée de Sennim » que le livre des Juges, iv, 11, place 
près deCadés, aujourd'hui Qadès, au nord-ouest du lac 
Ilouléh), et Adami han-Néqéb (hébreu : 'Âdâmî kan- 
Néqeb ; Cod. Vat. ." 'Apjis y.où Naëôx; Cod. Alex. : 
' App.il xai Nav.ég, avec confusion dans le premier mot 
entre "y, dalelh, et -i, resch, et distinction des deux 
noms : Adami est probablement Khirbel Dâmiyéh, au 
sud-ouest du lac de Tibériade; Neqeb, s'il faut le distin- 
guer du précédent, est identifié par beaucoup d'auteurs 
avec la Siadata du Talmud et Khirbet Seiyadéh, à la 
pointe sud-ouest du même lac et Jebnaêl (hébreu : 
Yabne'èl; Septante : Cod. Vat.: 'lufba^al; Cod. Alex. : 
'IaëvT|X; actuellement Yemma, au sud de Kh. Seiya- 
déb) jusqu'à Lecum (hébreu : Laqqûm; Septante : 
Cod. Vat. : AwSà[i ; Cod. Alex, .•iy.pou; absolument 
inconnu), et elle aboutissait au Jourdain. Puis elle re- 
venait à l'ouest vers Azanot-Thabor (hébreu : 'Aznôt~ 
Tâbôr, « les oreilles du Thabor; s Septante : Cod. Vat. : 
'Evâe ©ag»p; Cod. Alex. : 'AÇavwf) ©aëcip; dans les 
environs de la célèbre montagne galiléenne), tirait de la 
vers Hucuca (hébreu : Huqqôq ; Septante : Cod. Vat. : 
'loLxàva; Cod. Alex. : 'Ixtir.; bien identifié avec Yaqûq, 
à environ 9 kilomètres au sud-sud-ouest de Safed), 
touchait au sud à Zabulon, à l'ouest à Aser, et au Jour- 
dain à l'est (l'hébreu porte ici : « et à Juda du Jour- 
dain, » ce qui ne signifie rien ou est au moins très dif- 
ficile à expliquer; Yehûdâh est plutôt à retrancher, 
comme l'a fait le texte grec). i> Dans ces conditions, 
nous aurions donc, au nord, Beit-Lif et peut-être la 
vallée de Sennim ou les environs de Qadès, et, au sud, 
Kh. Damiyéh et Yemma, qui fixeraient quelques 
jalons; puis une ligne, partant du Jourdain, remonte- 
rait des environs du Thabor jusqu'à Yaqûq, ferait un 
coude qui laisserait Zabulon au midi, et s'en irait dans 
la direction du nord, en longeant Aser à l'ouest; enfin 
le Jourdain formerait la frontière orientale. L'obscurité 
porte principalement sur le ^.33, où le point de départ 
reste mal défini, et le point d'arrivée inconnu. L'énu- 
mération des villes nous permettra cependant de com- 
pléter cette délimitation. 

II. villBS principales. — Ces « villes fortifiées » 
sont énumérées à la suite des limites que nous venons 
de décrire, dans les versets 35-38. 



1. Assedim (hébreu : has-Siddîm: Septante : t«v 
Tupiwv, « des Tyriens, » en lisant has-ipôrîm, par une 
confusion de lettres facile à comprendre), placée hypo- 
thétiquement par les uns à Hattin, par les autres un 
peu plus loin, au nord, à Es-Sattiyéh, par d'autres en- 
fin, plus bas, à Kh. Seiyadéh. 

2. Ser (hébreu : Sér; Septante : Tiipot), inconnue. 

3. Emath (hébreu : tfammaf ; Septante : Cod. Vat. : 
'ûpiaÇaSaxéO, par l'union avec le mot suivant, Rdqqat, 
et le changement du resch en daleth; Cod. Alex. ; 
'Ajiâe), probablement El-Hammâm, au sud et tout 
près de Tibériade. 

4- Reccath (hébreu : Raqqat ; Septante : Cod. Vat. : 
SaKifl compris dans le nom précédent; Cod. Alex. : 
Pexv.â6), serait, d'après le Talmud de Jérusalem, un an- 
cien nom de Tibériade (cf. A. Neubauer, La géographie 
du Talmud, Paris, 1868, p. 208); elle devait, en tout 
cas, se trouver dans le voisinage de cette ville. 

5. Cénéreth (hébreu : Kinnéréf ; Septante : Cod. 
Vat. : Keveplô ; Cod. 'Alex. : Xevsp<56), serait, d'après 
les uns, Abu-Schuschéh, sur les confins de la plaine 
de Génésareth, d'après les autres, Sinn-en-Nabrah, 
l'ancienne Sennabris, à la pointe sud-ouest du lac de 
Tibériade. 

6. Édéma (hébreu : 'Adâmâh; Septante: Cod. Vat. : 
'Apu.ou6; Cod. Alex. : 'ASau.(), peut être reconnue dans 
Khirbet Adrnah, un peu au-dessous de l'embouchure 
du Yarnxùk dans le Jourdain. 

7. Arama (hébreu : hâ-Râmâh; Septante : Cod. Vat. : 
'Apa»}X Cod. Alex. : Pajjd), bien identifiée avec Er- 
Rame'/i, à 10 kilomètres environ au sud-ouest de Safed, 

8. Asor (hébreu : Hàsôr; Septante : 'Amop), doit être 
cherchée à Tell Khureibéh, à l'ouest et non loin du lac 
Houléh, d'après Robinson, Biblical Researches in Pa- 
lestine, Londres, 1856, t. ni, p. '365-366; à Tell eUBar- 
raui ou Harrah, à une heure et au nord-est de la col- 
line précédente, d'après V. Guérin, Galilée, t. n, 
p. 363-368. 

9. Cédés (hébreu : Qédéî; Septante : Cod. Vat. : 
Kâôn; Cod. Alex. : KéSeç), porte encore aujourd'hui 
le même nom de Qadès ou Qédès, et se trouve au nord- 
ouest du lac Houléh. 

10. Édrai (hébreu : 'Edré'i; Septante : Cod. Vat. : 
'AoaàpEi; Cod. Alex. : 'ESpiet), probablement Je vil- 
lage de Yater, au nord de Beit-Lif. 

11. Enhasor (hébreu : 'En Hâsôr; Septante : izr^c 1 ) 
'Affôp), généralement reconnue dans Khirbet Hazîréh, 
au sud-est de Beit-Lif. 

12. Jéron (hébreu : Iréôn; Septante : Cod. Vat. : 
Kepmi; Cod. Alex. : 'IapitSv), aujourd'hui Yarûn, au 
sud-est de Kh. Haziréh. 

13. Magdalel (hébreu : Migdal-'Êl; Septante : Cod. 
Vat. : MEYaXaapesp., par l'union avec le mot suivant, 
Horem ; Cod. Alex. : MaySaXt?)), identifiée avec Med- 
jeidel, au nord de Ya'ter. 

14. Horem (hébreu : Biôrém; Septante : Cod. Val. ; 
aps;V du nom précédent; Cod. Alex. : Qpip), proba- 
blement Khirbet Bfarah ou Hûrah, au nord-est de 
Ya'ter. 

15. Bethanath (Bêt-Andt; Septante : Cod. Vat. : 
Bai69aj)i; Cod. Alex. : BatvaOâO), actuellement 'Ainîtha 
ou 'Anatha, au sud de Kh. Harah. 

16. Bethsamés (hébreu : Béf-Sémés ; Septante : Cod. 
Vat. : ©Eo-orajiDç ; Cod. Alex. : ©aafio-j;); son emplace- 
ment n'est pas connu. 

Comme on le voit, plusieurs de ces villes marquent 
assez exactement la frontière occidentale de Nephthali, 
et, unies à celles que nous v avons signalées précé- 
demment, permettent de la suivre depuis Magdalel, 
au nord, jusqu'à Édéma, au sud. Cette ligne de démar- 
cation correspond à celle qui ferme de ce côté les 
tribus d'Aser et de Zabulon. Fr. de Hummelauer, Josue, 
Paris, 1903, p. 410, s'appuyant sur le texte grec, voit 



1595 



NEPHTHALI 



1596 



dans ces cités les forteresses que le Tyriens ou les 
Phéniciens possédaient à travers le pays pour pro- 
téger leurs marchands. Quelles que soient les difficul- 
tés qui se rencontrent ici et dont nous nous rendons 
parfaitement compte, nous préférons les explications 
qui viennent d'être données à l'exégèse très originale 
du savant auteur en ce qui concerne la tribu de 
Nephthali. 

m. description. — La tribu de Nephthali occupait 
ainsi, au sud, une étroite bande de terre longeant la 
rive occidentale du lac de Tibériade. Ce sont les pentes 
du massif galiléen, qui descendent assez brusque- 
ment vers la dépression où s'étend le Bahr Tabariyéh. 
Le terrain est coupé par de courts ouadis qui viennent 
tomber dans le grand réservoir formé par le Jourdain. 
Au nord, la possession s'élargissait et venait s'ap- 
puyer à l'ouest, sur les sommets les plus élevés de la 
Galilée, Djebel Zabûd (1114 mètres), Djebel Djarmuk 
(1198 mètres), Djebel Adâthir (1025 mètres), -fias Vmm 
Qabr (715 mètres), qui jalonnaient la frontière. Le reste 
de cette partie septentrionale est un labyrinthe de hau- 
teurs qui vont encore de 400 à 800 mètres, séparées 
par de fertiles vallées, sillonnées par de nombreux tor- 
rents. On peut y distinguer trois versants : à l'est, les 
ouadis se dirigent vers le Jourdain et le lac Houlêh; au 
nord, à partir du Djebel Hadiréh, plusieurs se ramifient 
pour aboutir au Nahr el-Qasimiyéh ; enfin, à l'ouest, un 
très grand nombre ont leur point de départ sur la ligne 
de faîte que nous avons mentionnée et descendent vers 
la Méditerranée. Les nombreux sommets du massif ont 
servi autrefois et servent encore d'assiette à des villes et 
des villages, donnant au pays l'aspect d'une série de 
forts. Mais ce qui caractérise surtout la contrée, et jadis 
encore plus qu'aujourd'hui, c'est sa fertilité; aussi for- 
mait-elle une des douze préfectures chargées de subve- 
nir à l'entretien de la maison royale de Salomon, 
III Reg., iv, 15. Les pluies plus abondantes en Galilée 
que dans le reste de la Palestine, des sources nom- 
breuses, le voisinage du Jourdain, la température, chaude 
sur lés bords du fleuve et fraîche dans la montagne, 
faisaient de ce petit coin de terre un séjour délicieux. 
« Le pays de Nephthali, dit le Talmud de Babylone, 
Megillah, 6 a, est partout couvert de champs féconds 
et de vignes ; les fruits de cette contrée sont reconnus 
pour être extrêmement doux. » Cf. A. Neubauer, La 
géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 180. Les envi- 
rons du Jac de Tibériade passaient pour une sorte de 
paradis sur terre. Est-ce à cette prospérité que fait 
allusion la prophétie de Jacob, Gen., xlix, 21? On peut 
le croire. Le texte hébreu porte : 

Naftâll 'ayyâlâh (rfw), Seluhah 

harwndtèn 'imrê (nnn), Sâfér. 

Avec cette ponctuation il faudrait traduire : 

Nephtbali est une biche en liberté 
Proférant de belles paroles. 

C'est ainsi que la Vulgate a entendu ce passage, qui, 
avec ses deux images incohérentes, se rapporte on ne 
sait comment à la tribu. Les Septante ont lu différem- 
ment : 

NesfiaXt rtî\t%o$ àvstjJ.évov, 

Nephthali est un tronc qui pousse ses branches 
Produisant de beaux rejetons (ou rameaux). 

C'est d'après cette version que les eségètes modernes 
restituent ainsi le texte : 

Naftâll 'êlâh (nbtN) Seluhâh 

T " 

han-nôtên 'âmirê (na>!) Sdfér. 

Nephthali est un térébinthe qui projette ses rameaux 
n fournit des branches splendides. 



Cf. Rosenmûller, Scholia in Vêtus Testamentum, 
Genesis, Leipzig, 1821, p. 714; Fr. de Hummelauer, 
Commentarius in Genesim, Paris, 1895, p. 600; 
J. M. Lagrange, La prophétie de Jacob, dans la Revue 
biblique, Paris, 1898, p. 527, 534, etc. Le térébinthe re- 
présente, au sein de cette riche nature, l'épanouisse- 
ment de la vie et de la force. Moïse promettait à 
Nephthali la même prospérité. Deut., xxxm, 23 : 

Nephthali, rassasié de faveurs, 
Plein des bénédictions de Dieu, 
Possède la mer et le midi. 

Que faut-il entendre ici, par la « mer »)? Beaucoup 
pensent qu'il s'agit du lac de Tibériade ; d'autres tra- 
duisent yâm par « occident ». Qu'indique ddrôm, « le 
midi? » Il n'est fpas facile de le savoir. Voir les com- 
mentaires. Le territoire que nous venons de décrire à 
grands traits renferme encore de nombreuses ruines 
des civilisations anciennes. Voir Galilée, t. m, col. 87-; 
Mérom (Eaux de), t. iv, col. 1004; Tibériade (Lac de). 

11. Histoire. — Dans le dénombrement qui fut fait 
au désert du Sinaï, la tribu de Nephthali comptait 
53400 hommes en état de porter les armes. Num., i, 42. 
Elle occupait ainsi le sixième rang au point de vue de 
la force, et avait pour chef Ahira, fils d'Énan. Num., n, 
29. Dans les marches à travers le désert, elle était au 
nord du tabernacle avec Aser et Dan. Num., n, 25, 31. 
C'est par les mains de son prince, Ahira, qu'elle fit ses 
offrandes au sanctuaire. Num., vu, 78-83. Celui qui la 
représentait parmi les explorateurs envoyés au pays de 
Chanaan était Nahabi, fils de Vapsi. Num., xm, 15. Au 
second recensement, elle ne comptait plus que 45400 
guerriers, en ayant ainsi perdu 8000, ce qui la faisait 
tomber au huitième rang. Num., xxvi, 48-50. L'un de 
ses membres, Phedaël, fils d'Ammiud, fut parmi les 
commissaires chargés d'effectuer le partage de la Terre 
Promise. Num., xxxiv, 28. Après l'entrée en Palestine, 
elle se tint au pied du mont Hébal pour la cérémonie 
des bénédictions et des malédictions, Deut., xxvn, 13, 
et elle obtint le sixième lot dans la division du pays. 
Jos., xix, 32. Une de ses villes les plus importantes, 
Cédés, fut désignée comme cité de refuge. Jos., xx, 7. 
Elle était en même temps ville lévitique, avec Hammoth- 
Dor ou Émath (aujourd'hui El-Hanimdm, sur le lac de 
Tibériade) et Carthan (inconnue). Jos., xxi, 32; I Par., vi, 
62, 76. — Comme plusieurs autres tribus, Nephthali ne 
chassa pas les Chananéens qui habitaient le pays; on 
cite en particulier ceux de Bethsamès et de Bethanath, 
qui devinrent simplement tributaires ou soumis à la 
corvée. Jud., i, 33. L'élément étranger fut d'ailleurs 
toujours considérable dans cette région, appelée Gelil 
ha goyîm, « le district des étrangers » en Galilée des 
nations. Is., vin, 23. Ces Chananéens devinrent même 
un danger pour les tribus du nord, au temps des Juges. 
Nephthali et Zabulon réunis fournirent à Barac 
dix mille hommes pour les combattre. Jud., iv, 6, 10; 
v, 18. Nephthali aida également Gédéon contre les Ma- 
dianites. Jud., vi, 35; vu, 23. Par sa situation géogra- 
phique, il se trouvait exposé aux invasions venant du 
nord. Aussi, à l'époque de Baasa, roi d'Israël, et d'Asa, 
roi de Juda, les troupes de Benadad, roi de Syrie, en- 
vahirent-eilesle territoire, s'emparant des villes d'Ahion, 
dans la petite plaine nommée Merdj Ayûn, de Dan (Tell 
el-Qadi), d'Abel-Beth-Maacha (Abil), et de toute la con- 
trée de Cennéroth. III Reg., xv, 20; II Par., xvi, 4. Plus 
tard, sous le règne de Phacée, roi d'Israël, Téglath- 
Phalasar, roi d'Assyrie, prit les mêmes cités, avec Janoé, 
Cédés, Asor et tout le pays de Nephthali, et en trans- 
porta les habitants dans son propre royaume. IV Reg., xv, 
29. Mais ces jours d'humiliation devaient se changer plus 
tard en jours de gloire, puisque la terre de Nephthali fut 
le principal théâtre de la prédication du Sauveur. 
« Mais la nuit sera chassée, s'écrie Isaïe, vm, 22-ix, 1, 



1597 



NEPHTHALI — NEPHTHAR 



1598 



car il n'y aura plus d'obscurité pour le pays qui était 
dans la détresse. Dans le passé, il (Dieu) a humilié la 
terre de Zabulon et la terre de Nephthali ; dans l'avenir 
il couvrira de gloire la Route de la mer, l'autre rive du 
Jourdain, le district des nations. 

Le peuple qui marchait dans les ténèbres 

A vu une grande lumière 

Sur les habitants de ta terre des ombres 

Une lumière a brillé. » 

Saint Matthieu, iv, 13-16, a eu soin de montrer l'accom- 
plissement de cette prophétie au début du ministère de 
Jésus à Capharnaûm et sur les bords du lac de Tibé- 
riade. — Après Barac, Tobie est le seul homme mar- 
quant de la tribu cité dans la Bible. Tob., i, 1, 4; vu, 3. 

IV. Caractère. — L'histoire que nous venons de 
résumer ne révèle rien de particulier sur le caractère 
de Nephthali. Le seul héros de la tribu fut Barac. Ce- 
pendant l'expédition dont il fut le chef montre chez les 
Nephthalites de la décision, de l'habileté, du courage. 
Le cantique de Débora, Jud., v, 18, fait ressortir leur 
dévouement et leur bravoure en face de l'insouciance de 
Dan et d'Aser. Lorsque David est à Hébron, sur le point 
d'être élu roi, ils lui envoient « mille princes avec 
trente-sept mille hommes armés de lances et de bou- 
cliers ». I Par., xn, 34. A ce point de vue guerrier, la 
biche, dont parle le texte massorétique, Gen., xlix, 21, 
serait assez justement le symbole de la tribu, car la 
biche ou la gazelle est l'emblème du combattant rusé et 
agile. Cf. II Reg., n,18; I Par., xn, 8. Elle peut également 
représenter la libre expansion que Nephthali trouvait au 
sein de ses montagnes et de ses fertiles vallées, la vigi- 
lance qu'il exerçait aux avant-postes de la terre d'Israël. 

A. Legendre. 

3. NEPHTHALI (MONTAGNE DE) (hébreu : har Naf- 
tâlî : Septante : h ™ opei tm NsçOaXeî), montagne 
mentionnée, Jos., xx, 7, à propos de Cédés ou Cadés, 
ville de refuge. Elle représente la partie septentrionale 
du massif montagneux de la Palestine, comme, dans le 
même verset, « la montagne d'Éphraïm » en désigne la 
partie centrale, et « la montagne de Juda », la partie 
méridionale. Voir Nephthali 2; Cédés i, t. h, col. 360; 
■Galilée, t. m, col. 87. A. Legendre. 

NEPHTHAR (grec : Ne<p8ccp), nom donné à la sub- 
stance liquide qui ralluma le feu sacré du temps de 
Néhémie. II Mach., i, 36. 

1° Récit des Juifs de Jérusalem. — Dans la seconde 
lettre reproduite au commencement du second livre des 
Machabées et adressée par les Juifs de Jérusalem à 
Aristobule et aux Juifs d'Egypte, il est raconté que lorsque 
-les Juifs furent emmenés captifs en Perse (c'est-à-dire 
en Chaldée, qui, du temps de Néhémie, faisait partie du 
royaume de Perse), les prêtres prirent le feu sacré sur 
l'autel et le cachèrent dans une vallée, au fond d'un 
puits (Év xoiXtijiaTi cppéaio;) profond et à sec. Quand 
Néhémie se fut rendu en Judée, il fit chercher le feu 
par les descendants de ceux qui l'avaient caché. Ils re- 
vinrent en disant qu'ils n'avaient point trouvé de feu, 
mais seulement « une eau épaisse », ûSwp K<xyù. Néhémie 
donna aux prêtres (la Vulgate porte : Nehemias sacer- 
dos; il faut corriger sacerdotibus comme on le lit dans 
le grec) , l'ordre d'apporter de cette eau et d'en asperger 
le bois et les sacrifices. « Cet ordre ayant été exécuté 
au moment où le soleil qui avait été jusque-là voilé par 
les nuages, resplendit, un grand feu s'alluma, en sorte 
que tous furent dans l'admiration... Quand le sacrifice 
fut consommé, Néhémie fit verser le reste de l'eau sur 
de grandes pierres, et lorsque cela eut été fait, une 
flamme s'alluma et elle fut consumée par le feu qui 
rejaillit de l'autel. Quand le bruit de cet événement se 
fut répandu, on rapporta au roi de Perse que, dans le lieu 
où les prêtres qui avaient été emmenés captifs avaient 



caché le feu (sacré), était apparue une eau dont Néhémie 
et ceux qui étaient avec lui avaient sanctifié les sacri- 
fices. Le roi rendit ce lieu sacré, en le faisant enclore 
(et non pas en y faisant un temple, comme porte la 
Vulgate), après avoir vérifié le fait... Or les compagnons 
de Néhémie appelèrent cette feau] (et non pas ce lieu, 
comme a traduit la Vulgate), Nephthar, qui signifie 
purification. La plupart l'appellent Nephthaei (Vulgate : 
Néphi. ») II Mach., i, 18-36. 

2° Noms . — Le nom de Nephthar se lit dans les di- 
vers manuscrits grecs et latins. Le second nom est 
écrit dans les manuscrits grecs. NsçSasf, NEç6âi, NsipBâ, 
VAlexandrinus, par une répétition singulière, écrit 
Nepeâp, la seconde fois comme la première. La Vul- 
gate porte au second passage Nephi; c'est probablement 
une altération de Nsçèat ou NsçOà. Dans la version 
syriaque le premier nom est : f- A ft I a 1 «^ i guneffar, 

et le second - f a ' neftï. — Les critiques sont en 
désaccord sur le point de savoir lequel des deux noms 
est une corruption de l'autre, supposé même que les 
deux noms ne soient pas altérés l'un et l'autre. On ne 
s'accorde pas davantage pour expliquer comment 
Nephthar peut signifier xa8api<j|jiôç, « purification. » 
D'après Th. Benfey et M. A. Stern, Ueber die Monats- 
namen einiger alten Vôlker, 1836, p. 204-216, NsçOàp 
correspond au zend naptar; naptar apanm, p. 213, est 
l'eau primitive appelée aussi Arduiçura, laquelle pos- 
sède un très grand pouvoir de purification. Avesta, 
traduction C. de Harlez, Yaçna, lxiv, 1-10, t. m, p. 173. 
D'après P. de Lagarde, Gesammelte Abhandlungen, 
p. 177, cf. p. 224, le syriaque guneflar répond au bac- 
trien v iddv[a] tra, « purification. » Que Néhémie et ses 
compagnons, qui venaient de Perse, eussent donné à 
« l'eau épaisse » un nom zend, il n'y aurait là rien de 
surprenant. Néanmoins d'autres commentateurs préfè- 
rent une origine sémitique, qui est, pour ceux-ci, une 
dérivation de la racine irra, tâhêr, « être pur; » en lisant 
nitehâr, un lieu du N£tp6àp;pour ceux-là une dérivation 
de tds, pâtar, « ouvrir, rendre libre, » en lisant niftdr, 
« délivrance (du feu), » etc. Ces étymologies sont plus 
ingénieuses que solides. Voir aussi Bruston dans la 
Zeitschrift fur die alttestamentiche Wissenschaft, 
1890, p. 116. 

Quant au second nom, celui qui était donné par 
« la plupart » à « l'eau épaisse », il est difficile de ne pas 
y voir le naphte. « Ce mot, dit l'abbé Gillet, Les Macha- 
bées, Paris, 1880, p. 211, ne serait-il pas dérivé de vâtpôct, 
l'huile de naphte?... dont le nom vient assurément du 
persan... D'après cette interprétation, ajoute-t-il, quel- 
ques commentateurs ont cherché à expliquer l'origine 
de la légende du feu sacré : l'huile minérale, ont-ils 
dit, dont était saturée la boue retirée de la caverne, a 
pu s'enflammer aux rayons du soleil. » — Qu'on regarde 
le fait comme naturellement explicable ou qu'on le 
tienne comme un prodige, il faut remarquer que plu- 
sieurs exégètes catholiques soutiennent, depuis Emma- 
nuel Sa, qu'on n'est pas obligé d'admettre la véracité 
des récits rapportés dans les deux lettres que nous 
lisons en tête du II» livre des Machabées, parce qu'elles 
ne sont pas l'œuvre de l'auteur sacré, mais seulement 
citées et reproduites par 1 ui. Voir Frz. Kaulen, Einleitung 
m âiéheilige Schrift,t. i, 2, 1882, p. 244; cf. R. Cornely, 
Hislorico, et critica lntroductio in Libros Sacros, t. Il, 
part. I, p. 469, 471; H. Herkenne, Die Briefen zv, Be- 
ginn des zweiten Makkabàerbuches, Fribourg, 1904. 

3° Lieu où fut trouvé le nephthar. — La lettre des 
Juifs ne dit point où fut trouvée « l'eau épaisse ». La 
tradition locale place aujourd'hui le lieu de la décou- 
verte au puits qu'on appelle maintenant Bir-Éyûb, au 
sud de Jérusalem, au confluent de la vallée de Cé- 
dron et de la vallée d'Hinnom. Liévin de Hamme, Guide 
indicateur de Terre-Sainte, 4 e édit., 1897, t. I, p. 416. 



1599 



NEPHTHAR 



NEPHUSIM 



1600 



De là le nom de Puits de Néhémie qu'on lui donne 
également. La première trace de ce nom, d'après Ed. Ro- 
binson, Biblical Itesearches, 1841* t. i, p. 491, se trouve 
dans Quaresmius, Elucidalio Terrse Sanctse, Anvers, 
1639, t. il, p. 270, lequel disait, en 1616-1625, décri- 
vant la vallée de Géhennom : ubi celebris Me et nomi- 
natus puteus, Nehemise et ignis appellatus. La vallée 
où il est situé porte le nom d'ouadi En-Ndr, « vallée 
du feu, » mais rien n'indique que ce soit en souvenir 
du feu de Néhémie. Le Bîr-Éyûb est la fontaine ou 
plutôt le puits biblique de Rogel. Voir Hogel. Puisque 
c'est un puits d'eau vive, comme l'était Rogel; on ne 
pouvait donc y trouver de l'huile de naphte; on n'en 
rencontre pas davantage dans le voisinage de Jérusa- 
lem ; il y en a dans les environs de la mer Morte. Cf. 
Blanckenhorn, Enstehung und Geschichte des Todten 
Meeres, dans la Zeitschrift der deutschen Palâstina- 
Vereins, t. xix, 1896, p. 51 ; voir Bitume, t. i, col. 1803, 
1894; Naphte, col. 1474; mais où était « l'eau épaisse » 
puisée par les prêtres, on ne saurait le dire. — Voir G. 
B. Winer, Biblisches Realwôrterbuch, 3 e édit., 1848, 
t. il, p. 147-148. F. Vigouroux. 

NEPHTHUIM, NEPHTUIM (hébreu : Naftuhim; 
Septante : NeçôaXei'jji, Gen., x, 13; Complute : Naçôu- 
piu., I Par., i, 11; Vulgate : Nephtuim, Gen., x, 13; 
Nephlhuim, I Par., î, 11), nommé le quatrième parmi 
les enfants de Mesraïm. Gen., x, 13; I Par., i, 11. La 
forme plurielle de Nephtuim indique sans doute une 
tribu descendant de Mesraïm, mais on ne connaît avec 
certitude aucun lieu ni aucune province de ce nom. Le 
Targum de Jonathan explique Nephtuim par ix;ddtsj3, 
Pentaschœni, les habitants de Pentaschœnum, ville du 
Delta, à vingt milles romains de Péluse. On a rapproché 
ce nom, mais avec peu de probabilité, de celui de Na- 
pata, capitale de l'Ethiopie. Ptolémée, iv, 7, 19. Voir 
Ethiopie, t. n, col. 2008. Bochart, Phaleg., iv, 29, Opéra, 
Liège, 1692, t. i, col. 280, l'avait comparé avec celui de 
la déesse Nephthys, sœur et femme de Tryphon, dont le 
nom, selon Plutarque, De Islde, 38j_édit. Parthey, Ber- 
lin, 1850, p. 66, désignerait « l'extrémité du pays », 
c'est-à-dire le rivage de la mer. Plusieurs modernes 
croient retrouver les Memphites dans les Naphtuim, 
c'est-à-dire les habitants de No-Ptah ou Phtah, « de- 
meure du Dieu Ptah, » le dieu égyptien de la ville de 
Memphis. Voir Memphis, col. 955. Cf. G. Ebers, Aegyp- 
ten und die Bûcher Mose's, Leipzig, 1868, p. 112-115; 
Miss F. Corbaux, Rephaïm, dans le Journal of sacred 
Literature, 1851, p. 151. « Naphtouhim (No-Phtah), dit 
M. Maspero, s'établit dans le Deltaau nord deMemphis. » 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 4 e édit., 1886, 
p. 14. E. Brugsch veut que les Naphtuim soient les ha- 
bitants « de la terre de Thuhi », Na-Pa-Thuhi. Ge- 
schichte Aegyptens, 1877, p. 262. 

NEPHTOA (hébreu : Neffôâh; Septante : NaçOû), loca- 
lité de Palestine. « La fontaine de Nephtoa » est mention- 
née dans Jos., xv, 9, etxvin, 15-16, comme une des limites 
entre la tribu de Juda et de Benjamin. On identifie 
généralement, malgré quelques contradicteurs, Neph- 
toa avec Lifta à trois quarts d'heure au nord-ouest de 
Jérusalem. « De ces passages, dit V. Guérin, La Judée, 
t. I, p. 253-254, il résulte que la fontaine Nephtoah doit 
être cherchée entre la montagne située à l'ouest de la 
vallée de Ben-Hinnom et au nord de celle des Rephaïm, 
et les villes de la montagne d'Éphron, au delà desquelles 
venaient Kirialh-Jearim. C'est donc vers l'ouest-nord de 
Jérusalem qu'elle se trouvait. Quelques voyageurs mo- 
dernes, entre autres le D r Barclay, The city of the great 
King, p. 544, et le D r Sepp, Jérusalem und das Iteilige 
Land, 1. 1, p. 58, identifient cette antique fontaine avec 
Y'Aïn Lifta. Je crois qu'ils sont dans le vrai. D'abord 
la position de Y'Aïn Lifta se prête à cette conjecture; 



en second lieu, le nom que porte cette source semble 
une corruption de celui de Nephloah. En effet, rien 
plus fréquent, dans la transcription des noms hébreux 
en noms arabes que le changement du lamed en noun 
et réciproquement. » Lifta est un petit village entouré 
d'oliviers. V'Aïn Lifta (flg. 433) est une source abon- 
dante, dont l'eau est recueillie dans un bassin antique. 
« Elle se répand de là, dit Guérin, ibid., p. 252, dans 
des jardins plantés de citronniers, d'orangers, de figuiers, 
de grenadiers, d'amandiers et d'abricotiers. Non loin de 
la fontaine, je remarque plusieurs anciens tombeaux 
pratiqués dans le roc. » — D'autres explorateurs iden- 
tifient la fontaine de Nephtoa soit avec 'Aïn-Karîm, 
soit avec 'Aïn el-Haniéh, soit avec 'Aïn Yalo, mais 
sans grande vraisemblance. — Selon le Talmud, Neu- 
bauer, Géographie du Talmud, p. 146, la fontaine de 




433. — Fontaine d'Ain LiflJ,. h »pi^o u;,*. ^li^Lugicj,!,^. 

Nephtoa est Y'Aïn Êtam actuel ou la Fontaine scellée 
qui alimente les vasques de Salomon, au sud de Beth- 
léhem. Conder a accepté cette identification, Palestine, 
1889, p. 259, mais Etham n'était pas sur la limite de 
Benjamin et de Juda. — L'une des dix toparchies de 
Judée dont parlent Pline, H. N., v, 14, et Josèphe, 
Bell, jud., IV, vin, 1, Belhleptephéne toparchia, Be6- 
).eirr7|çû>v Towap^ia, avait peut-être pour chef-lieu 
Nephtoah-Lifta. En supprimant le Beth initial « mai- 
son », il reste Leptepha qui a pu devenir facilement 
Lifta. — L'étymologie qu'a donnée F. Hitzig de la fon- 
taine de Nephtoa, « source de naphte, » Geschichte und 
Mythologie der Philistâer, Leipzig, 1845, p. 272; Ge- 
schichte des Volkes Israël, Leipzig, 1869, est purement 
imaginaire. 

NEPHUSIM, NÉPHUSSIM (hébreu : Nefîsîm [che- 
tib]; Nefûsim [keri], dans I Esd., n, 50; NefûSesîm 
[chethib] ; Nefîsesim [kéri], dans II Esd., vu, 52; Sep- 
tante : Nefouain, I Esd., il, 50; Nefùicracrî, II Esd., VII, 
52; Vulgate : Nephusim, I Esd., n, 50; Nephussim, 
II Esd., vu, 52), famille de Nathinéens, appelée « fils 



1601 



NEPHUSIM — NÉRÉGEL-SÉRÉSER 



1602 



de Nephusim », qui revint de Babylone en Palestine 
avec Zorobabel. I Esd., n, 50; II Esd., vu, 52. Quelques 
exégètes soupçonnent que les Nephusim étaient les des- 
cendants de Naphis, fils d'Ismael, mais c'est une simple 
conjecture. Voir Naphis, col. 1474. 

NER (hébreu : Nêr, « lampe; » Septante : Nrjp), Ben- 
jamite, père de Cis et; grand-père de Saûl, I Reg., xiv, 
50; I Par., vin, 33; îx, 36, 39; père aussi d'Abner. 
I Reg., xiv, 51 ; xxvi,5, 14 ; II Reg., n, 8, 12; m, 6, 23, 
25, 28, 37; III Reg., n, 5. 32; I Par., xxvi, 28. De nom- 
breux commentateurs admettent deux 'Abner, l'un père 
d'Abner et l'autre père de Cis, afin de concilier les di- 
vers passages des Rois et des Paralipomènes. VoirABiELl, 
t. i. col, 47; Cis 1, t. n, col. 780. 

NÉRÉE (grec Niipeûç), chrétien de Rome, à qui saint 
Paul envoie ses salutations, ainsi qu'à sa sœur. Rom., xvi, 
15. Comme Nérée et sa sœur sont nommés à la suite de Phi- 
lologue et de Julie, sous cette forme : « Saluez Philo- 
logue et Julie, Nérée, sa sœur et Olympas et tous les saints 
qui sont avec eux, » Origène, Comm. ad Rom., x, 32, 
t. xiv, col. 1282, a supposé que Nérée et sa sœur pou- 
vaient faire partie de la maison de Philologue et de Ju- 
lie. — Le nom de Nérée se trouve dans les inscriptions de 
la maison impériale. Corpus inscript, lat., t. vi, n. 4344. 
Un martyr du nom de saint Nérée est célèbre dans l'his- 
toire de l'Église primitive, avec son compagnon Achillée. 
Une basilique leur fut dédiée; elle fut restaurée par Ba- 
ronius à la fin du xvi e siècle. Marucchi, Basiliques de 
Rome, 1901, p. 162-168. Saints Nérée et Achillée furent 
soldats et probablement prétoriens. Marucchi, Éléments 
d'archéologie chrétienne, 1900, p. 13, 45. Une inscrip- 
tion de saint Damase atteste qu'ils quittèrent l'armée 
aprè3 leur conversion : Militiez nomen dederant... 
Conversi fugiunt, ducis impia castra relinquunt. Dans 
Marucchi, Guide des catacombes romaines, 1900, p. 107. 
D'après les Actes de leur martyre, ils furent esclaves de 
sainte Domitille. Ibid., p. 45. « Les Actes des saints 
Nérée et Achille, dit M. Marucchi, Eléments d'archéo- 
logie chrétienne, p. xvn, histoire légendaire, hérétique 
même, ont été justement rejetés par la critique ; cepen- 
dant les découvertes faites sur la voie Ardéatine ont 
prouvé qu'ils disent vrai sur plusieurs points, que ces 
deux martyrs ont été vraiment en relation avec sainte 
Domitille et qu'ils ont reçu la sépulture dans un cimetière 
dépendant de sa propriété, in prsedio Domitillte. » Cf. 
aussi ibid., p. 254, 322; Id., Guide des Catacombes 
romaines, 1900, p. 104. J.-B. de Rossi a établi (contre 
Mommsen, Corpus inscript, lat., t. IV, p. 172-173), 
Bullettino di archeologia cristiana, 1875, p. 69-77, qu'il 
y avait eu deux Flavia Domitilla, l'une femme -de Fla- 
vius Clemens, consul en 95, laquelle fut exilée par Do- 
mitien dans Vile de Pandataria, probablement parce 
qu'elle était chrétienne (Dion Cassius, Epitome, lxvii, 
13), l'autre mentionnée par Eusèbe, H. E., m, 16, 
t. XX, col. 252, et par saint Jérôme, Epist. cvm ad Eu- 
stoch., t. XXII, col. 882, qui fut exilée dans l'Ile de Pon- 
tia. C'est de cette seconde Flavia Domitilla que Nérée 
et Achillée furent esclaves. 

D'après leurs Actes, « ces deux saints auraient été 
baptisés par saint Pierre; ils suivirent Domitille en 
exil ; décapités à Terracine, leurs corps fureut rapportés 
à l'endroit où fut construite plus lard la basilique de la 
voie Ardéatine. » Marucchi, Catacombes, p. 104. Leur 
fêle sa célèbre le 12 mai. Voir Acta sanctorum, maii 
t. m, édit. Palmé, 1866, p. 4-13. Leur tombeau fut très 
vénéré. — Une inscription païenne Irouvée dans le 
cimetière de Sainte-Domitille, en 1772, nous apprend 
qu'elle était la nièce de l'empereur Vespasien. Flavise. 
Domitil[lse] | [divi] Vespasiani. neptis | ejus. bene/icio. 
hoc. sepulcra[ni] | meis. lïbertis. liberlabus. po\suï\. 
Marucchi, Catacombes, p. 103. Celle inscription prouve 

D1CT. DE LA BIBLE. 



que la maîtresse des saints Nérée et Achillée vivait au 
premier siècle de notre ère, mais la date précise de 
leur martyre est inconnue. 

Des savants modernes identifient le compagnon 
d'Achillée avec le Nérée de l'Épître aux Romains, xvi, 
12. L'époque où a vécu le martyr ne s'oppose pas, il est 
vrai, à cette assimilation, mais rien ne l'établit; elle ne 
s'appuie que sur une coïncidence de nom qui peut être 
purement fortuite et on ne trouve dans la tradition an- 
cienne aucune trace de ce rapprochement. Les Actes 
des martyrs saints Nérée et Achillée disent qu'ils furent 
convertis avec Plautilla et Domitilla par saint Pierre, 
en 67, l'année même où le prince des Apôtres subit le 
martyre. Acta sanctorum, t. m, p. 8. Si l'on s'en rap- 
porte à ce témoignage, le Nérée, esclave de Domitille, 
ne peut être celui de l'Épître aux Romains, xvi, 15, qui 
était déjà chrétien en l'an 58 ou 59, date où fut écrite 
celte Épitre. F. Vigouroux. 

NÉRÉGEL-SÉRÉSER (hébreu : Nergal Sar'éfér; 
Septante : Map-fava<xâp ; Alexandrinus : NripY^uau'iuâp ; 
Sinaiticus: M<xp-focvva<xâp, Jer., xxxix, 3; N-qp-fàX Eapa- 
<ràp, Jer., xxxix, 13), grand officier de Nabuchodonosor. 
Ce nom, à cause de son origine étrangère et d'uns forme 
insolite pour les Grecs et les Latins, a été altéré dans un 
grand nombre de manuscrits grecs, et sa longueur est 
cause que dans la Vulgate il a été coupé en deux, Nérégel 
et Séréser étant séparés par une virgule, Jer., xxxix, 3, 
et par la conjonction et. Jer., xxxix,13. Il est répété deux 
fois au f. 3, il aurait été porté, par conséquent, par deux 
personnages de !a cour de Nabucbodonosor, si la répé- 
tition n'est pas fautive. On pense cependant aujourd'hui 
qu'il n'y a qu'un seul Nérégel-Séréser, et que c'est par 
erreur qu'un copiste a écrit deux fois son nom dans ce 
verset qui a beaucoup souffert daus les transcriptions. 
Les consonnes du nom de Nérégel-Séréser ont été d'ail- 
leurs exactement conservées dans les texte hébreu et 
latin, la vocalisation seule est défectueuse. Ce nom est 
incontestablement le nom propre babylonien bien connu 

par les monuments I ►«-! J , I I t£>> C * , Ner- 

gal-sar-usur, « (dieu) Nergal, protège le roi, » Cuneiform 
Inscriptions of Western Asia, t. I, pi. 67, i, 1, lequel a 
été porté par le roi de Babylone que nous appelons Né- 
riglissor. 

Nérégel-Séréser était Rab-Mag (Vulgate : Rebmagy 
Ce mot, qui a été pris à tort comme un nom propre 
par les anciens traducteurs et commentateurs de Jérc- 
mie, est certainement un titre de dignité. Il a été ce- 
pendant impossible jusqu'ici d'en déterminer avec cer- 
titude la signification. Voir RebmaG. Quoi qu'il en soit 
de ce point, il résulte du passage de Jérémie, xxxix, 13, 
que Nergal-sar-usur = Nérégel-Séréser était un des 
principaux personnages de la cour de Nabuchodonosor. 
On peut donc supposer avec vraisemblance, mais tou- 
tefois sans preuve directe, que ce rabmag, qui s'établit 
avec deux autres grands officiers chaldéens à la porte 
du Milieu, à Jérusalem, lors de la prise de la ville, en 
587 avant J.-C, Jer., xxxu, 3, et délivra avec eux le 
prophète Jérémie de sa prison, xi, 13, n'est pas autre 
que celui qui devint plus tard, en 459, roi de Babylone 
oiVtLpégna quatre ans. Nériglissor était fils de Bel-sum- 
iskun. Il épousa une des filles de Nabuchodonosor et 
fut ainsi le beau-frère d'Évilmérodach, fils et succes- 
seur immédiat de Nabuchodonosor. Évilmérodach ne 
régna que deux ans (561-559). Il périt victime d'une 
conjuration à la tète de laquelle était Nériglissor qui 
recueillit sa succession, mais' n'en jouit que quatre ans 
(559-555). Nériglissor fut remplacé sur le trône par son 
fils Labusimardouk; celui-ci fut tué au bout de neuf 
mois de régne et remplacé par Nabonide qui fut le 
dernier roi de Babylone. Bérose, dans Josèphe, Conl. 
Apion., i, 20, édit. ûidot, t. n, p. 351. Cf. Bezold, 

IV. - 51 



1603 



NÈRÉGEL-SÉRÉSER — NÉRIAS 



1604 



lnschriften Neriglissar's, dans Eb. Schrader, Keilin- 
schriftliche Bibliothek, t. m, part. 2, p. 10-29; L. Messer, 
Schmidt, Die Inschrift der Stèle Nabuna'ids, in-8°, 
Berlin, 1896, p. 17-22. F. Vigouroux. 

NERFS, cordons fibreux qui relient les différents 
organes du corps à Vase cérébro-spinal, et servent, les 
uns, appelés sensitifs, à transmettre au centre nerveux 
les impressions ressenties aux extrémités, les .autres, 
appelés moteurs, à porter aux muscles les excitations 
motrices parties du centre. — 1» Bien que déjà 300 ans 
avant J.-C. Hérophile, médecin d'Alexandrie, ait entrevu 
le rôle des nerfs, le langage vulgaire, chez les anciens 
et même encore de nos jours, a désigné sous le nom de 
nerfs les parties blanches et fibreuses du corps, les ten- 
dons, les aponévroses, les muscles, etc. C'est en ce 
sens qu'en parlent les auteurs sacrés. Le seul terme 
qui pourrait se rapporter au système nerveux propre- 
ment dit serait celui qui désigne la moelle, moah, 
(lueXfS;, medulla, en l'appliquant à la moelle épinière, 
bien qu'il ait un sens plus général dans les deux pas- 
sages où il est employé. Job, xxi, 24; Heb., iv, 12. Voir 
Moelle, col. 1187 ; Frz. Delitzsch, System der biblischen 
Psychologie, Leipzig, 1861, p. 233. — 2° Pour terminer 
sa lutte avec Jacob, l'ange le toucha bekaf yérêk, « à 
l'embolture du fémur, » to hXoctoç toû pwipoù, « à la lar- 
geur de la cuisse, » nervum fenioris, « au nerf de la 
cuisse, » et l'atrophie se produisit aussitôt. C'est en sou- 
venir de ce fait que les Israélites ne mangeaient pas 
dans les animaux le gîd han-nâSéh, le «muscle ischiati- 
que », celui qui relie la hanche au fémur. L'atrophie de 
ce muscle obligea Jacob à boiter. Gen., xxxii, 25, 31, 32. 
— 3° Dans les autres passages de la Sainte Écriture, le 
nerf est habituellement appelé gîd, veïpov, nervus, 
mais désigne toujours un muscle. Ainsi Job, x, 11, dit 
que, pour former l'homme, Dieu l'a composé d'os et de 
nerfs. L'hippopotame a les nerfs des cuisses solidement 
entrelacés. Job, xl, 12. Dans sa vision de la [résurrection 
des morts, Ézéchiel, xxxvn, 6, 8, voit successivement 
evenir sur les os desséchés les nerfs, la chair, la peau, 
esprit. Isaïe, xlviii, .4, reproche à Israël d'avoir un 
cou semblable à un nerf de fer. Le mot Sôr est employé 
dans les Proverbes, m, 8, avec le sens de muscles, dans 
lesquels la sagesse entretient la santé aussi bien que 
dans les os. Les versions ont rendu ce mot par <ra>na, 
« corps, » et umbilicus, « nombril, » sens que Sôr a éga- 
lement. Dans Job, xl, 11, le mot Sarîr sert aussi à dé- 
signer les nerfs ou les muscles vigoureux du ventre de 
l'hippopotame. Les versions Vont rendu par ô^aXiç, 
umbilicus, « nombril. » — 4° Pour empêcher les che- 
vaux de courir, on leur coupait les nerfs, c'est-à-dire 
les tendons des muscles des jambes. Cette action est 
exprimée par les verbes 'iqqêr, veupoxoraïv, subnervare. 
Jos., xi, 6, 9; II Reg., vm, 4; I Par., xvm, 4. Jacob, fai- 
sant allusion à la destruction des Sichémites, Gen. , xxxiv, 
1-31, dit de Siméon et Lévi : « Dans leur méchanceté, ils 
ont coupé les jarrets des taureaux. » Gen., xlix, 6. Sep- 
tante : « Us ont énervé un taureau. » Vulgate : Suffode- 
runt murum, « ils ont renversé un mur, » traduction 
qui suppose Sûr, « mur, » au lieu de Sôr, « taureau. » 

H. Lesêtre. 
NERGAL (hébreu : Nêrgal; Septante, 'Epy&, Nt- 

ptY^X; textes cunéiformes : *>— |>-T— *J— ,►>— T ^TT, 

►>— T «[►— T), divinité adorée primitivement dans 

la localité babylonienne Gn-du-a, Kûtû, la Cutha 
biblique. Les Rois, IV, xvii, 30, rapportent précisément 
que les Cuthéens transplantés en Samarie par le roi 
d'Assyrie après la destruction du rpyaume d'Israël, s'y 
firent une idole du dieu Nergal.Son nom Ne(r)-uru-gal, 
Ne-wm-gal, signifie dieu de la grande cité, VArali, le 
séjours des morts; on l'appelle aussi ilu sa qabri, dieu 



du tombeau : Cutha renfermait en effet une nécropole 
célèbre depuis la plus haute antiquité. On donnait à ce 
dieu une épouse du nom de La-az, d'ailleurs totalement 
inconnue. Cutha ayant été englobée dans l'empire baby- 
lonien, on fit entrer Nergal, comme les autres divinités 
locales, dans le panthéon babylonien; on lui donna 
pour père Mul-lil, « le dieu des esprits de la terre, » 
« Seigneur deNippur. » De Babylonie, son culte passa en 
Assyrie, où Nergal jouit de grands honneurs : il est men- 
tionné parmi les douze grands dieux par Assurbanipal, 
Sennachérib, Salmanasar, Assur-nasir-habal, Teglath- 
phalasarl er , etc. Il apparaît, comme divinité protectrice, 
dans les noms assyriens et babyloniens, Nergal-sar- 
usur, Nériglissor, Nergilos, (Nergal)-saréser, l'un offi- 
cier de Nabuchodonosor, l'autre successeur d'Évil- 
mérodach, le troisième vraisemblablement fils révolté 
et meurtrier de Sennachérib. Son rôle de dieu infer- 
nal le fit représenter [peu à peu comme c< le dieu des- 
tructeur », « exterminateur des méchants » (The Cunei- 
form Inscriptions of the Western Asia, t. n, pi. 54, 
lig. 73, c. d.; t. IV, pi. 2, lig. 1 b; pi. n, c. iv, lig. 10, 
« champion des dieux, maître des combats » et enfin 
dieu de la chasse. C'est principalement comme dieu de 
la guerre et de la chasse qu'il, est mentionné dans les 
inscriptions des monarques assyriens; J. Menant, An- 
nales des rois d'Assyrie, p. 44, 203, 290, etc.; 235, 253, 
254; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. n, 
p. 106, 216, 17, etc. Son entrée dans le panthéon baby- 
lonien lui valut enfin d'être identifié avec la planète 
Mars, encore honorée sous le nom de Nergil par les 
Mandéens. 

Ce dieu était représenté avec le corps d'un lion. Voir 
t. i,fig. 69, col. 313. Les textes cunéiformes donnent alter- 
nativement le nom de nir-gal ou la désignation idéogra- 
phique de ur-mah, comme aux lions tués à la chasse 
par les monarques assyriens, aux lions allégoriques, 
ailés et à face humaine, qui protégeaient les portes du 
palais. On peut voir les hypothèses des anciens com- 
mentateurs, actuellement dépourvus d'intérêt du reste, 
dans Selden, De diis Syris Syntagma, Leipzig, 1668, 
p. 313, et dom Calmet, Commentaire littéral sur le 
IV» livre des Rois, 1721, p. 629. 

Bibliographie. — Fr. Lenormant, Les origines de 
l'histoire, t. i, p. 346, n. 2; 527; Frd. Delitzsch, Chal- 
dâische Genesis, p. 59, 97, 269, 274-276; Wo lag das 
Parodies, p. 217-218; Sayce, Lectures on the origin 
and growth of Religion, p. 194-199; les hymnes à Ner- 
gal, ibid., p. 128, 496, 509, 511, 530; F. Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 5 e édit., t. in, 
p. 577-578 ; Eb. Schrader, Nergal, dans Riehm, Handwôr- 
terbuch des biblischen Altertums, t. n, p. 1075; Schra- 
der-Whitehouse, The cuneiform inscriptions and the 
Old Testament, 1885, 1. 1, p. 275; P. Jensen, Mythen und 
Epen, dansEb, Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, 
t. vi, part, i, p. 74, 242, 389, 390, 396, 466, 524, 557. 

E. Pannier. 

NÉRI, nom de deux Israélites. Voir Nérias. 

1. NÉRI, père de Baruch. La Vulgate écrit ainsi deux 
fois, Jer., xxxn, 12, 16, le nom du père du secrétaire 
de Jérémie qu'elle écrit partout ailleurs Nérias. Voir 
Nérias. 

2. NÉRI (grec : Nrjpf), nom 'd'un des ancêtres de 
Notre-Seigneur dans la généalogie de saint Luc, m, 
27. Néri était le fils de Melchi, le père de Sâlathiel et 
le grand-père de Zorobabel. 

NÉRIAS (hébreu : Nêrîyâh, « lampe de Jéhovah; » 
Septante : Nripux;), fils de Maasias et père du prophète 
Baruch et de Saraïas. Jer., -xxxii, 12, 16; xxxvi, 4, 8, 14, 
32; xliii, 3, 6; xlv, 1; li, 9; Baruch, i, 1. Le verset 59 
du ch. li de Jérémie montre que Saraïas était le frère 



4605 



NERIAS 



NÉRON 



1606 



de Barueh, puisqu'il est appelé comme lui fils de Nérias 
«t petit-fils de Maasias. Les deux frères eurent des rap- 
ports particuliers avec Jérémie. — La Vulgate écrit deux 
fois « Néri » le nom de Nérias. ~ Quelques commen- 
tateurs identifient le père de Barueh avec le Néri dont 
le nom se lit dans la généalogie de Notre-Seigneur en 
saint Luc, ut, 27, mais ce n'est qu'une hypothèse basée 
sur la similitude des noms. 

NÉRON, Nero Claudius Csesar Drusus Germanicus, 
■cinquième empereur romain (54-68 de notre ère) (fig. 
434). Il n'est pas nommé par son nom dans l'Ecriture, 




434. — Monnaie de Néron. 

EEBASTOL NEPÛN. Tête de Néron. — n). EI1ITI iAMA 

(nom de magistrat). Apollon assis, son arc à la main. 



mais il y est désigné par son titre de César ou empe- 
reur. Néron est en effet le « César » auquel saint Paul 
fit appel lorsqu'il était jugé à Césarée, Act., xxv, 11; 
les « saints > « de la maison de César » dont le même 
apôtre envoie les salutations aux Philippiens, iv, 22, 
sont aussi des chrétiens qui faisaient partie delà maison 
de Néron. Voir César, t. ri, col. 449. Son histoire est 
mêlée à celle des commencements du christianisme dans 
l'empire et spécialement à Rome. 

Son premier nom fut Lucius Dornitius Ahenobarbus. 
Il naquit en l'an 37 de notre ère à Antium; par son père 
Dornitius Ahenobarbus, qui était petit-fils d'Octavie, 
sœur d'Auguste, et aussi par sa mère Agrippine, fille de 
Germanicus et arrière-petite-fille d'Auguste, il apparte- 
nait à la famille des Césars. Son ambitieuse mère voulut 
en faire un empereur et, pas à pas, elle le prépara à 
ceindre la couronne impériale. Elle épousa d'abord en 
troisièmes noces son oncle l'empereur Claude, en 49; 
puis, elle fiança son fils avec Octavie, fille de Claude et 
de Messaline, et en l'an 50, elle le fit adopter par l'empe- 
reur comme son fils et son successeur, au détriment de 
Britannicus, le propre fils de Claude. Quatre ans plus 
tard, à la mort subite de celui-ci (54), qui fut attribuée 
au poison d'Agrippine, Tacite, Ann., xn, 66; Pline, 
H. N., xxn, 22; Suétone, Claud., 44, Néron fut pro- 
clamé empereur et accepté par l'armée, le sénat et le 
peuple. Tacite, Ann., xn, 68-69. Il avait dix-sept ans. 
Son éducation avait été très soignée par Sénèque et par 
Burrhus, mais l'excès de la puissance et les funestes 
exemples de sa mère qui ne reculait devant aucun 
crime, devaient faire de lui un monstre du genre 
humain. Il se débarrassa par le poison de Britannicus. 
Tacite, Ann., xiii, 15; Suétone, Nero, 22; Dion Cassius, 
lxi, 7, 4; Josèphe, Bell, jud., II, xm, 1. Néanmoins les 
cinq premières années de son gouvernement étaient loin 
de présager ce qu'il deviendrait un jour. Il se rendit tout 
d'abord agréable au peuple par ses largesses, Suétone, 
Néro, 10-11; il reconnut l'autorité du sénat, Tacite, 
Ann., xiii, 45; il s'efforça de modérer les impôts, Tacite, 
Ann., xiii, 50-51; il recueillit le bénéfice des succès 
militaires de Corbulon dans sa guerre contre les Parthes, 
en 55, Tacite, Ann., xnr, 6-9, 34-41 ; xiv, 23-26, et des 
succès de Stenonius Paulus, en 61, dans la soumission 
complète de la Grande-Bretagne. Tacite, Ann., xiv, 29. 
On ferma aussi les yeux sur les vices auxquels il donna 



dès lors carrière, sur sa vanité puérile, sur son immora- 
lité et sur son inconduite. Tacite, Ann., xm, 12, 25, 46. 
Cependant ses crimes se multiplièrent peu à peu; il 
n'eut plus bientôt aucune retenue; il ne respecta ni les 
lois de l'État, ni les lois de la nature. Dès l'an 58, il se 
lia avec Poppée, la femme du futur empereur Othon. Elle 
voulait devenir impératrice, et pour y parvenir, elle lui 
fit répudier sa femme Octavie et le poussa jusqu'au 
parricide, parce qu'elle redoutait l'influence d'Agrippine 
sur son fils. Il devait tout à sa mère et il la fit périr. 
Tacite, Ann., xiv, 3-8; Suétone, Nero, 34. 

Pendant que ces événements se passaient à Rome, 
saint Paul était prisonnier à Césarée et faisait appel 
à César, c'est-à-dire à Néron. Il arriva dans la capitale 
de l'empire peu après le meurtre d'Agrippine. Poppée 
était alors toute-puissante et bien disposée en faveur des 
Juifs. Josèphe, Ant. jud. y XX, vin, 11; Vit., 3. On ne 
saurait dire si elle s'occupa elle-même de saint Paul, 
mais il dut bénéficier de la protection qu'elle accordait 
d'une façon générale à ses compatriotes. On ne voyait 
alors en lui qu'un Juif. Il fut traité avec douceur et 
ménagement et finalement acquitté au bout de deux 
ans. Act., xxvm, 30. La sentence fut-elle prononcée par 
l'empereur en personne? Il est impossible de l'affirmer 
avec certitude, mais plusieurs historiens le croient 
volontiers. Néron tenait à rendre exactement la justice, 
surtout quand, des provinces, on avait fait appel à son 
tribunal. Suétone, Nero, xv. 

Néanmoins ses instincts vicieux se donnaient de plus 
en plus libre carrière et provoquaient un mécontentement 
général qui se manifesta peu à peu ouvertement. Sur 
ces entrefaites il se produisit, en juillet 64, un événement 
désastreux qui devait avoir de graves conséquences 
pour le christianisme naissant : l'incendie de la ville de 
Rome. Le feu fit rage pendant six jours et six nuits; on 
le croyait éteint lorsqu'il éclata de nouveau et continua 
encore ses ravages pendant deux jours. Des quatorze 
quartiers de la cité, trois furent totalement détruits, 
sept autres ne furent guère plus qu'un amas de maisons 
à demi ruinées. Nombre de temples et de monuments 
publics, des bibliothèques et des chefs-d'œuvre d'art 
furent la proie des flammes, et le fléau fit beaucoup de 
victimes parmi les habitants. L'empereur était alors à 
Antium, et il ne revint à Rome que lorsque le fléau 
menaça son palais. Mais on avait une telle idée de sa 
scélératesse que la rumeur publique l'accusa d'être l'au- 
teur volontaire de l'incendie et d'être monté sur la tour 
de Mécène pour jouir de l'affreux spectacle et réciter des 
vers sur la chute de Troie. Tacite, Ann., xv, 38-42; 
Suétone, Nero, 38. Il avait voulu, semblait-il, détruire 
de fond en comble l'ancienne Rome pour bâtir une ville 
nouvelle à laquelle il donnerait son nom. Tacite, Ann-, 
40. 

Néron est-il coupable de l'incendie de Rome ? Forte, 
an. dolo principis incertum, a écrit Tacite. Ann., 
38. M. Attilio Profumo, qui a étudié à fond le problème 
et étudié minutieusement tous les documents dans Le 
Fonti editenipi dello incendio Neroniano, in-4°, Rome, 
1905, arrive à la conclusion que les témoignages con- 
temporains établissent la culpabilité de l'empereur, 
p. 348JÎ, 715. 

I/incendie de Rome eut de graves conséquences pour 
les chrétiens. Comme le mécontentement contre celui 
que la rumeur publique accusait d'en être l'auteur 
allait toujours croissant, Néron, espérant ainsi donner 
le change àf'opinion, chargea les chrétiens de ce crime 
et en fit périr « une grande multitude » dans d'affreux 
supplices, d'après Tacite, Ann., xv, 44. Cf. S. Clément 
romain, I Cor., vi, édit. Gebhart, Pal. apost., t. i, 1876, 
p. 16. Divers critiques croient cependant que les chré- 
tiens ne furent pas condamnés comme incendiaires, 
mais comme violateurs des lois romaines. Quel que fût 
le prétexte, Dieu permit que l'un des hommes les plus 



1607 



NÉRON —NESROCH 



1608 



vicieux et les plus odieux que nous fasse connaître l'his- 
toire fût le premier des persécuteurs de son Église. 

Bientôt il n'épargna plus personne. Les riches furent 
mis à mort à cause de leurs richesses, les hommes les 
plus populaires, à cause de leur popularité, les plus 
honnêtes, à cause de leur vertu. Tacite, Ann., xv, 21. 
Même le voyage que la vanité et la soif des applaudisse- 
ments lui fil faire en Grèce, en 66-67, n'interrompit 
pas les exécutions à Rome. Dion Cassius, lxiii, 12, 17. 
Saint Pierre et saint Paul furent au nombre des vic- 
times. P. Allard, Histoire des persécutions, t. i, 1885, 
p. 73-77. 

Une première tentative d'insurrection, en 65, contre 
Néron avait été étouffée dans le sang. Tacite, Ann., 
xv, 48-70. Quand le mouvement de révolte se propagea 
dans les provinces, quand Galba se prononça contre lui 
en Espagne, Néron fut impuissant à le réprimer. Après 
avoir formé les projets les plus contradictoires, il s'enfuit, 
déguisé, de Rome pour se réfugier dans la villa d'un de 
ses affranchis, et là il se donna la mort, sans courage, 
pour échapper à une fin plus ignominieuse. Suétone, 
Nero, 40-49. Il avait 31 ans (68). Ainsi périt le premier 
persécuteur de l'Église, primus omnium persécutas Dei 
servos, dit Lactance, De mort, pers., 2, t. vu, col. 196. 

La terreur qu'il avait inspirée, la crainte que chacun 
éprouve de devenir sa victime étaient si vives qu'on ne 
put d'abord croire à une délivrance si désirée et à la 
réalité de sa mort. On s'imagina qu'elle était feinte, qu'il 
se cachait en un lieu inconnu ou qu'il s'était échappé 
chez les Parthes et qu'il allait revenir pour reprendre 
les rênes de l'empire. Il se trouva de faux Nérons qui 
tentèrent de profiter de la crédulité publique. Suétone, 
Nero, 57; Tacite, Hist., i, 2; ir, 8. Ces bruits se répan- 
dirent parmi les Juifs et les chrétiens., Orac. Sybill., iv, 
119, 137 sq. (d'origine juive et datés communément 
de l'an 80); on crut à sa résurrection, cf. ibid., v, 33, 91, 
216, 363 (d'origine chrétienne), quand on ne put plus 
douter de sa mort, et l'on attendit son retour comme 
Antéchrist. Commodien, Carmen apologeticum, in fine, 
dans Pitra, Spicilegium Solesmense, 1852; Victorinus, 
Scholia in Apoc, xnr, 3, cf. 1, 11, t. v, col. 338; Lac- 
tance, loc. cit. Cf. S. Augustin, De Civ. Dei, XX, 19, 
t. xli,.-co1. 686. 

Des critiques modernes prétendent retrouver ces 
fausses croyances populaires dans l'Apocalypse. Ce 
livre repose d'après eux sur cette erreur de fait que 
Néron n'était point mort en l'an 68 ; il prédit un évé- 
nement qui ne s'est jamais réalisé, car il annonce que 
Néron va reparaître et reprendre le gouvernement de 
l'empire. La preuve de ces assertions, c'est, entre autres, 
que Néron est désigné dans l'Apocalypse d'une façon 
très transparente. Le fameux nombre de la bête, le 
nombre 666, Apoc, xni, 18, calculé d'après la valeur.des 
lettres hébraïques, donne iDp ji-u = NEpuv Kai<rap = Né- 
ron César ou empereur. Voir Renan , L'Antéchrist,^. 415- 
417; N. Mangold, dans Frd. Bleek, Einleitung in das 
Neue Testament, 3 e édit., Berlin, 1875, p. 715. Mais l'Apo- 
calypse a été écrit en grec, non en hébreu, et les lettres 
doivent être comptées d'après leur valeur en grec; aussi 
aucun auteur ancien n'a vu Néron dans le chiffre Ï66. 
Pour rendre leur explication acceptable, les exégètes 
qui soutiennent cette opinion, sont obligés de faire com- 
poser l'Apocalypse en 69, plusieurs années avant la date 
que lui assignent les témoignages anciens. F. Vigouroux, 
Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5 e édit., t. v, 
p. 575-584. Voir Apocalypse, t. i, 746-748. Saint Jean dit 
formellement, Apoc, xvn, 8, que la bête 666 « a été, 
mais qu'elle n'est plus ». F. Vigouroux, 

NERPRUN. Voir Rhamnus et Paliure. 

N ESI B (hébreu : Nesib; Septante : Nauië; Alexan- 
drinus : Neai'ê), ville de la tribu de Juda, dans la Sé- 



phélah, mentionnée entre Esna et Céilar On l'identifie 
généralement avec le Beit-Nasib actuel, au sud de Céilah. 
Eusèbe, dans VOnomasticon, édit., Larsow et Parthey,. 
1862, p. 300, place Nesib à neuf miljes (que saint Jérôme, 
ibid., p. 301, corrige en sept milles) d'Éleuthéropolis. 
« La correction, dit V. Guérin, La Judée, t. m, p. 345 T 
est justifiée par l'intervalle qui s'étend entre Beit-Djibrin, 
l'ancienne Éleuthéropolis, et le Khirbet Aeit-Nesib. » 
Les" ruines de Nesib sont sur le sommet d'une colline. 
On y voit un certain nombre de citernes, des tombeaux 
antiques, des magasins souterrains, un birket ou pis- 
cine creusée dans le roc et des restes de constructions 
assez importantes, mais ces dernières postérieures à l'ère 
chrétienne. Voir Ed. Robinson, Biblical Researches in 
Palestine, 1841, t. n, p. 398; t. m, p. 12-13; Porter, 
Handbook for travellers in Syria and Palestine, 1868,. 
p. 265-266. 

NESROCH (hébreu : Nisrôk; Septante, 'EuSpix, 
'E<r9pâx> 'Auapix, Na<rapâx, Meuepâ/; Josèphe, Ant. 
put., édit. Didot, t. i, p. 369, 'Apàuxr,), dieu adoré par 
Sennachérib et dans le temple duquel il fut tué par ses 
fils Adrammélech et (Nergal)-saréser. IV Reg., xix, 37. 
Ce nom n'a pas encore été retrouvé dans le panthéon 
assyrien ou babylonien. Les anciennes transcriptions 
croyaient pouvoir le placer parmi les douze grands 
dieux, J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, p. 203, 
254, etc., et même le lire dans les inscriptions de Sen- 
nachérib, ibid., p. 233, 235; mais c'est une fausse lec- 
ture, que rien ne justifie, du nom de É-a, dieu de l'abîme 
et père de Mardouk. On ne peut donc présenter jus- 
qu'ici que des conjectures. Parmi les noms dès douze 
grands dieux, le dernier de ceux mentionnés par Assur- 
banipal, The Cuneiform Inscriptions of the Western 
Asia, t. v, pi. 1, lig. 17,43, etc., peut se transcrire Nuzku, 

►»— J pz JET ' une divinité solaire, devenue plus 

tard, par une sorte d'assimilation avec Nabiu-Nébo, le 
patron des scribes : Sayce, Lectures on the origin and 
growth of the Religion, p. 118-120, et assimilé d'au- 
tres fois à Nergal : P. Jensen, Mythen und Epos, p. 466, 
dans Eb. Schrader, Keilinschrifliche Bibliothek, t. vi T 
part. I. Pour la lecture de l'idéogramme, voir The 
Cuneif. Inscr., t. n, pi. n, col. m, lig. 344. Mais, outre la 
divergence des formes Nuzku et Nesroch, il faut remar- 
quer que le nom de cette divinité ne se trouve guère 
dans les textes de Sennachérib, dont les dieux protecteurs 
sont surtout Assur et Istar, auxquels il joint rarement 
Sin, Samas, Bel, Nabûet Nergal « ilani tïklia, les dieux 
à qui je me confie ». Prisme de Taylor, col. v, lignes 
50-52; Schrader, Kéilinsch. Bibliothek, t. Ir, p. 106-107. 
Le dieu Assur étant la divinité éponyme de l'Assyrie, le 
protecteur spécial des monarques assyriens et l'insti- 
gateur de toutes leurs conquêtes, Eb. Schrader, aban- 
donnant la transcription hébraïque et se déterminant 
d'après les multiples et variables transcriptions grecques, 
a cru pouvoir y reconnaître précisément ce nom d As- 
sur, tel qu'on le retrouve dans le nom même du fils de 
Sennachérib, Assur-ah-iddin, Asaraddon, mais complété 
par une désinence aku dont on ne voit pas bien ici le 
rôle, 'Auap(âx). — T. G. Pinches y voit, dans Hastings, 
A Dictionary of the Bible, t. m, p. 555, un composé 
du nom du dieu Assur et de celui du dieu lunaire Sin, 
qu'on retrouve comme élément initial du nom de Sen- 
nachérib (Sin-ahi-irba, « que Sin multiplie ses frères ») 
et qu'il faudrait lire en accadien Aku, Asur-Aku. Mais 
nulle part le dieu Sin n'est identifié au dieu Assur, et 
l'on ne trouve pas d'exemple d'un pareil composé dans 
l'onomastique assyrienne. — Voir F. Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 577; 
Schrader-Whithouse, Thè cuneiform inscriptions and 
the Old Testament, 1888, t. n, p. 13-14. 

E. Pannier. 



1609 



NETHUPHATI — NEVEU 



4610 



NETHUPHATI, orthographe, dans II Esd., xii, 28, 
du nom de lieu qui est écrit ailleurs Nétophati et 
Nétupha. Voir Nétophati. 

NÉTOPHATI (hébreu : Nelôfâh; Septante : Nettoya; 
Alexandrinus, Neçmrà, I Esd., H, 22; 'Araçâ; Aleooan- 
drinus : 'Averwçi, dans II Esd., vu, 26), village de la 
tribu de Juda. La Vulgate l'appelle Nétupha, I Esd., n, 
22; II Esd., vu, 26; partout ailleurs, elle emploie la 
forme ethnique du nom, qui signifie proprement « Né. 
tophatite », Netuphati, dans II Esd.,xn,28; Nétophati, 
comme nom de lieu, I Par., n, 54; ix, 16; Jer., XL, 8; et 
Netophatites, comme nom ethnique, I Reg,, xxm, 28, 
29; IV Reg., xxv, 33; I Par., xi, 30; xxvn, 13, 15. Néto- 
phati-Netophah était dans la tribu de Juda, dans le voi- 
sinage de Bethléhem. I Par., n, 54; I Esd., n, 22; 
II Esd., vu, 26. 

I. Identification. — 1° Umm-Toba. — Conder, Pa- 
lestine, 1889, p. 259, identifie Netophah avec Vmm- 
Tôba, ruines antiques situées dans une vallée entre Jé- 
rusalem et Bethléhem, non loin de la route de Jérusa- 
lem à Bethléhem, à l'est, à peu près vis-à-vis du tombeau 
de Rache], n II y avait en ce lieu, dit V. Guérin, La 
Judée, t. m, p. 83-84, un village dont il subsiste encore 
quelques arasements de maisons, des souterrains, des 
citernes et des tombeaux creusés dans le roc... Quant 
au nom de la vallée et des ruines qui s'y trouvent, nom 
qui signifie « mère de béatitude », il viendrait, d'après 
une ancienne tradition, de ce que sainte Marie de Cléo- 
phas, mère de saint Jacques le Mineur, aurait séjourné 
et aurait été ensevelie dans l'une des grottes, soit natu- 
relles, soit artificielles, qu'on rencontre en cet endroit. » . 

2° Beit-Nettif. — D'autres palestinologues identifient 
Netopha avec le Beit Nettif actuel, et V. Guérin est du 
nombre : « Comme Netophah, dit-il, La Judée, t. n, 
p. 375, est mentionnée (dans II Esd., vu, 26) avec Beth- 
léhem, on en a conclu qu'il fallait la chercher dans le 
voisinage de celle-ci, et que dès lors il était impossible 
de l'identifier avec le village actuel de Beit-Nettif, mal- 
gré la coïncidence singulière des noms, un intervalle 
de quatre heures de marche environ séparant BeiPNet- 
tif de Bethléhem. Mais cette raison ne me parait pas 
suffisante pour s'opposer à cette identification, car, dans 
le même chapitre du livre II d'Esdras, au f. 25, les 
enfants de Gabaon sont cités immédiatement avant ceux 
de Bethléhem. Or, trois heures de marche au moins 
forment entre ces deux points une distance trop grande 
pour qu'on puisse les dire voisins; toutefois ils sont 
mentionnés à côté l'un de l'autre, comme s'ils étaient 
plus rapprochés. » L'éloignement de Beit-Nettif, par 
rapport à Bethléhem, est l'argument capital qu'on fait 
valoir contre son identification avec Netopha et [il n'est 
pas sans valeur. Le nom moderne rappelle cependant 
si bien le nom hébreu qu'on admet communément 
qu'il y a eu là une Netophah dont il est question dans le 
Talmud. La Mischna mentionne « l'huile de Netophah », 
Peah, vu, 1, 12; il est parlé, Schebiith, ix, 7, des ar- 
tichauts de la vallée de Beth Netophah, et quoique au- 
cune indication ne soit donnée sur sa position, on iden- 
tifie tout naturellement le Beth Netophah talmudique 
avec le Beit Nettif actuel. 

Beit Nettif, située à l'ouest de Bethléhem, au nord- 
est de Beitdjibrin (Éleuthéropolis) (voir la carte de 
Juda), à 6 heures de marche environ de Jérusalem, sur 
la route de cette ville à Éleuthéropolis et à Gaza, se 
dresse sur une 'crête rocheuse, d'où l'on jouit d'une vue 
magnifique qui embrasse les montagnes de Juda, la 
plaine des Philistins et les restes ou les ruines d'un 
grand nombre de villages dont une dizaine sont nom- 
més dans l'Écriture. Le village renferme aujourd'hui 
un millier d'habitants. Il possède un khan en forme 
de tour carrée. Dans les maisons grossièrement bâties, 
on voit encastrées des pierres travaillées provenant 



d'anciens monuments. Deux puits, plusieurs citernes, 
des silos et des magasins creusés dans le roc sont en- 
core aujourd'hui en usage. Sur les pentes de la vallée, 
une belle verdure et de grands chênes. 

II. Histoire. — Le nom de Netophah apparaît pour 
la première fois dans l'Écriture comme étant la patrie 
de deux des trente gibborîm de David, Mabaraï et Hé- 
led. II Reg., xxm, 28, 29; I Par., xi, 30. Nous apprenons 
par I Par., n, 54, que Netopha avait été peuplée comme 
Bethléhem, par les descendants de Selma, de la tribu de 
Juda, Moharaï et Héled appartenaient en effet à cette 
tribu , le premier étant de la famille de Zaraï et le second 
de celle d'Othoniel (ou Gothoniel), l'une et l'autre de la 
postérité de Juda. I Par., xxvn, 13, 15. Maharaï (Maraï) 
et Héled (Holdaï) distingués pour leur bravoure, furent 
placés à la tête du dixième et du douzième corps d'ar- 
mée par David. I Par., xxvn, 13, 15. Les Netopha- 
tites paraissent avoir eu l'esprit belliqueux. Une tradi- 
tion dont on n'a pas de motif de rejeter l'authenticité 
rapporte que les habitants de Netopha mirent à mort 
les gardes placés par Jéroboam sur les routes qui con- 
duisaient à Jérusalem, atin d'arrêter les Juifs fidèles qui 
portaient au Temple les prémices de leurs récoltes. Tar- 
gum, suri Par., Il, 34; sur Ruth, rv, 20; sur Eccl., îll, 
11. Le souvenir de la mesure prise par Jéroboam, la- 
quelle fut maintenue par ses successeurs (M. Frd. Beck, 
Targum seu Paraphrasis chaldaica, in I et II librum 
Chronicorum et notis, sur I Par., n, 54, Augsbourg, 
1680-1683), est consacré dans le calendrier juif par un 
jeûne qui se célèbre le 22 du mois de sivan. — Un 
autre chef militaire nétophatite nous est connu par 
Jérémie, xl, 8, et par le quatrième livre des Rois, xxv, 
23; c'est Saréas (Saraïa), fils de Thanehumeth, un des 
commandants de l'armée juive; il vivait du temps 
de Godolias, qui avait été nommé gouverneur de Juda 
par Nabuchodonosor après la prise de Jérusalem. Jéré- 
mie, XL, 8, énumère aussi « les fils d'Ophi » de Neto- 
pha parmi les guerriers qui se rendirent avec Saréas 
auprès de Godolias. Le prophète remarque que ces 
Netophatites n'avaient pas été emmenés en captivité. 
Tous leurs compatriotes n'avaient pas été aussi heu- 
reux. Cinquante-six d'entre eux revinrent de Chaldée 
avec Zorobabel. I Esd., n, 22 (d'après II Esd., vu, 26, 
leur nombre était de 188; il est impossible de savoir 
quel est le chiffre authentique). — Nous apprenons par 
tes Paralipomènes et par Néhémie que les hâsêrîm ou 
douars de Netopha étaient habités par des lévites, 

I Par., îx, 16; II Esd., xii, 28. Ces lévites étaient des 
chanteurs. II Esd., xii, 28. Il résulte de ces deux pas- 
sages que les Lévites n'habitaient pas seulement les 
villes qui leur avaient été assignées lors du partage de 
la Terre Promise. Voir Lévitiques (Villes), col. 216. 
Ci. Survey of Western Palestine, Memcirs,t. m, 1883, 
p. 24; Tobler, Dritte Wanderung nach Palàstina, Go- 
tha, 1859, p. 117. — Des anachorètes chrétiens menèrent 
la vie monastique dans un désert voisin de Netopha, 
Natupha. Acta sanctorum, die 20 januarii, t. n, p. 674, 
note e, édit. Palmé. F. Vigodroux. 

NÉTUPHA, orthographe dans I Esd., H, 22, et 

II Esd., vu, 26, du nom de lieu qui est écrit ailleurs 
Néthuphati et Nétophati. Voir Nétophati. 

NEUBAUER Ignace, né à Bamberg en 1724, mort 
à Œllingen en 1795, entra dans la Compagnie de 
Jésus en 1745. Il professa notamment la théologie à 
Wurzbourg et les langues orientales à Heidelberg. Neu- 
bauer prend place' au nombre des exégètes par des 
commentaires en hébreu des Psaumes de David, com- 
mentaires qui parurent à Wurzbourg en 1771. 

P. Bliard. 
NEVEU, NIÈCE, le fils ou la fille d'un frère ou d'une 
sœur. — L'hébreu n'a pas de terme spécial pour dési- 



1611 



NEVEU 



NEZ 



1612; 



gner ce degré de parenté. Quelquefois le neveu est ap- 
pelé « fils du frère » , Gen., xn, 5, et la nièce « fille du 
frère ». Gen., xxiv, 48; Esth., n, 7. D'autres fois, le mot 
'âh, « frère, » est employé avec le sens de neveu. Abra- 
ham donne ce nom, Gen., xm, 8, à Lot qui n'est que 
son neveu. Gen., xn, 5; cf. xiv, 16. Laban le donne à 
Jacob, Gen., xxix, 15, qui est le fils de sa sœur. Gen., 
xxix, 10. Amasa, fils d'Abigaïl, sœur de David, est ap- 

?elé par ce dernier « son os et sa chair ». II Reg., Xix, 
2. C'est donc habituellement par des périphrases qu'on 
désignait le neveu ou la nièce. Quant aux mots èxvovoç, 
nepos, neptis, employés assez souvent par les versions, 
Gen., xxxi, 48; Exod., x, 2; Lev., xvm, 10; 1 Tim., v, 
4, etc., ils s'appliquent, non à des neveux ou des nièces, 
mais aux petits-enfants en ligne directe. 

H. Lesêtre. 
NEWCOME William, prélat anglican, né dans le 
Bedfordshire, mort le 11 janvier 1800. Ses études termi- 
nées à Oxford, il entra dans les ordres et devint, en 1766, 
évêque de Dromore. Après avoir gouverné successive- 
ment plusieurs diocèses, il fut appelé en 1795 au siège 
d'Armagh en Irlande. Il composa plusieurs ouvrages 
parmi lesquels nous mentionnerons : An attempt to- 
wards and improved version, a metricat arrangement 
and a explanation of the twelve minor prophets, in-4°, 
Londres, 1785; An attempt towards and improved ver- 
sion, a metrical arrangement and a explanation of 
the propheta Ezechiel, in-8», Dublin, 1788. — Voir 
W. Orme, Biblioth. biblica, p. 326. 

B. Heurtebize. 
NEWTON Isaac, mathématicien anglais, protestant, 
né à Woolshope dans le Lincolnshire le 25 décembre 1642, 
mort à Kensington le 20 mars 1727. Il étudia au collège 
de Grantham, puis de la Trinité à Cambridge et prit ses 
grades à l'Université de cette ville où, en 1669, il obtint 
une chaire de mathématiques qu'il occupa pendant vingt- 
six ans. En 1689, il fut envoyé au Parlement où il ne 
resta qu'un an, et en 1699 il était nommé directeur de la 
monnaie. La même année il devenait membre associé 
de l'Académie des sciences de Paris. De 1703 à sa mort 
il fut président de la Société royale de Londres. Nous 
n'avons pas à nous occuper ici des découvertes scienti- 
fiques de Newton, mais seulement à mentionner un 
commentaire sur Daniel et l'Apocalypse où se retrouve 
le protestant très attaché à toutes ses erreurs et s'effor- 
çant de les justifier. Ce travail ne parut qu'après la mort 
de son auteur : Observations upon the prophecies of 
Daniel and the Apocalypse of St. John, in-4°, Lon- 
dres, 1733. Guill. Sudeman en publia une traduction 
latine, in-4", Amsterdam, 1737. Les œuvres d'Isaac Newton 
ont été publiées en 5 in-4», Londres. 1779-1785. — Voir 
Brewster, Memoirs of the life, writings and discoveries 
of Sir lsaac Newton, 2 in-12, Edimbourg, 1860; W. 
Orme, Biblioth. biblica, p. 329. B. Heurtebize. 

NEZ, NARINES (hébreu : 'af, ouau duel : 'appayîm; 
une fois, dans Job, xli, 11 : nehirâyîm; Septante : 
fiuxTrip, £îç; Vulgate : nasus, nares), organe de l'odorat, 
formant une saillie cartilagineuse au milieu du visage, 
et renfermant deux conduits verticaux, appelés narines, 
qui servent également à la respiration. La Sainte Écri- 
ture emploie le mot 'af dans plusieurs acceptions. 

1» La forme du nez. — Il est dit de l'Épouse que son 
nez est « comme la tour du Liban qui regarde du côté 
de Damas », Cant., vu, 4, c'est-à-dire qu'il est droit, 
bien tourné et solidement planté. D'après les versions, 
il faudrait exclure du sacerdoce lévitique celui qui a le 
nez mutilé, xoXo6ôpptv, ou de travers, torto naso. Le 
texte hébreu parle seulement de l'homme qui est harûm, 
« mutilé » en général, sans désigner spécialement aucun 
organe, Lev., xxi, 18. Ézéchiel, xxili, 25, annonce aux' 
Israélites coupables que les Assyriens leur couperont le 
nez et les oreilles. Cette mutilation était usuelle chez 



les Égyptiens. Les Grecs prétendaient même que la ville- 
de Rhinocoroura ou Rhinocoloura devait son nom au. 
grand nombre de forçats au nez coupé qu'elle renfermait. 
Cf. Diodore de Sicile, i, 60, 78; Strabon, XVI, n, 31 ; 
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient 
classique, t. i, p. 337; t. n, p. 124. 

2° L'organe de la respiration. — C'est dans les. 
narines de l'homme que Dieu met le souffle de vie. 
Gen., n, 7. Le mot 'affayîm ayant aussi le sens de 
« visage », c'est ce dernier que les versions ont choisi : 
TcpôutoTcov, faciès. Le premier sens convient mieux 
néanmoins. Le souffle de vie, qui constitue l'homme à 
l'état d'être vivant, a en effet pour signe sensible la 
respiration, qui passe par l'organe des narines. 
Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, 
Leipzig, 1861, p. 82, 83. Tout ce qui avait souffle de vie 
dans les narines et se trouvait hors de l'arche, mourut 
au déluge. Gen., vu, 22. Jérémie appelle le roi de Juda 
le « souffle de nos narines », c'est-à-dire celui qui nous 
faisait respirer et vivre. Lam., iv, 20. Les impies disent 
que « le souffle de nos narines est comme une fumée », 
Sap., n, 2, c'est-à-dire que la vie se dissipera complète- 
ment un jour et qu'il faut en profiter dans le présent. 

3° L'organe de l'odorat. — Amos, iv, 10, rappelle aux 
hommes de Samarie que Dieu a fait monter à leurs 
narines l'infection de leur camp. Les idoles ont des 
narines, mais elles ne sentent point. Ps. cxv (cxm), 6; 
Sap.,* xv, 19. Les femmes de Jérusalem, pour flatter leur 
odorat, avaient parmi leurs objets de toilette des ba(ê 
han-néfés, « filles de respiration, s olfactoriola, c'est- 
à-dire des boîtes de senteur. Is., m, 20. Voir Odeur. — 
Ézéchiel, vin, 17, parlant des hommes de Jérusalem qui 
se livrent à l'idolâtrie, dit qu' « ils approchent le rameau 
de leur nez >; . Il s'agit ici d'un rite idolàtrique dont on 
n'a pas l'explication. Il est souvent question, dans les 
textes babyloniens, du cèdre cher aux grands dieux que 
le devin doit avoir en main pendant les incantations. 
Cf. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, 
Paris, 1903, p. 233, 235, etc. Saint Jérôme, In Ezech., 
III, 9, t. xxv, col. 84, pense que le rameau en question 
est analogue à la branche de palmier, gai'a, que les 
Grecs portaient devant les idoles. Le texte hébreu l'appelle 
zemôrâh, « rameau de vigne. » On ignore pour quelle 
raison on l'approchait du nez. Peut-être n'y a-t-il là que 
l'expression ironique d'un geste analogue à celui des 
Perses qui, en priant le soleil, tenaient en main une 
branche d'arbre, le bareçman. Cf. Buhl, Gesenius' 
Randwbrterbuch, Leipzig, 1899, p. 219. 

4° Le siège de la colère. — Dans la colère, les narines 
se dilatent et la respiration se précipite. Le sang d'ail- 
leurs afflue aisément au nez. Prov., xxx, 33. Aussi, en 
hébreu, les mots 'af, 'affayîm, servent-ils de nom à la 
colère. Exod., xv, 8; Deut., xxxn,\22; Job, iv, 9; II Reg., 
xxn, 9; Dan., xi, 20; etc. Voir Colère, t. n, col. 833. 
Au Psaume x, 4, 'af désigne l'orgueil, l'arrogance du 
pécheur. 

5° Narines des animaux. — L'auteur du livre de Job 
parle des narines de l'hippopotame, qu'on ne peut se 
hasarder à perforer, Job, xl, 19, et de celles du croco- 
dile, qu'on ne saurait traverser avec un jonc, Job, XL, 
21, et qui lancent une vapeur brillante aux rayons du 
soleil. Job, xli, 11. Un anneau d'or ne sied pas aux 
narines d'un pourceau, Prov., xi, 22. On passait des 
anneaux aux narines des animaux pour les conduire plus 
aisément. Voir Anneau, t. i, col. 636. Dieu fait dire à 
Sennachérib qu'il lui passera un anneau aux narines 
pour le reconduire dans son pays. IV Reg., xix, 28; 
Is., xxxvii, 29. Voir 1. 1, fig. 158, col. 637, un prisonnier 
auquel on passe un anneau à travers les lèvres. — Dans 
la Vulgate, il est dit du cheval : « La gloire de ses 
narines est la terreur, ».ce qui peut signifier que son 
fier hennissement est effrayant. Il y a dans le texte 
hébreu : « La fierté de son frémissement est terreur, » 



1613 



NEZ — NICODÈME 



1614 



et dans les Septante : ;< Redoute la gloire de son poitrail. » 
Job, xxxix, 20. Il n'est point question de narines dans 
ce texte, sinon en ce sens implicite que les narines du 
cheval sont en mouvement quand il frémit. 

H. Lesêtre. 
NÉZEM, nom hébreu d'un anneau porté en Orientpar 
les femmes et quelquefois par les hommes (flg. 435). 




435. — Nézem. Musée Lavigerie, à Carthage. 

Voir Anneau, t. i, col. 692 3 , et aussi ibid., fig. 151, 
col. 693. 

NICANOR (grec : Nixtivwp, « vainqueur »), nom de 
deux Syriens et d'un des premiers diacres établis par les 
Apôtres. 

1-2. NICANOR (grec : Nixœvup), fils de Patrocle. 
II Mach., vu, 9. Général syrien, il commanda les ar- 
mées d'Antiochus IV Épiphane et de Démétrius I er dans 
les expéditions contre les Juifs. Il était éléphantarque, 
ou chef des éléphants du roi sous Antiochus, II Mach., 
xiv, 12, et portait le titre honorifique d'ami du roi que 
les princes Syriens donnaient à leurs principaux offi- 
ciers. I Mach., m, 38. En 166 avant J.-C, Lysias, chance- 
lier du roi de Syrie, lui confia en même temps qu'à 
Gorgias et à Ptolémée, fils de Dorimène, la conduite d'une 
armée destinée à réprimer la révolte des Juifs contre le 
roi de Syrie. Nicanor voulut d'abord faire une razzia 
de captifs Juifs pour fournir par le produit de leur vente 
les 2000 talents que le roi de Syrie devait payer comme 
tribut aux Romains. I Mach., ni, 38-41 ; II Mach., vin, 8- 
11; Josèphe, Ant. jud., XII, vu, 3. Les Syriens furent 
battus et Nicanor s'enfuit sous un déguisement à 
Antioche. II Mach., vm, 30-36. Voir Judas, 3, t. ni, col. 
1791-1792. — Le Nicanor qui fut ensuite gouverneur de 
Cypre et qui continua à tracasser les Juifs est probable- 
ment la même personne. Iî Mach., xn, 2. Lorsque 
Démétrius I er Soter succéda à Antiochus IV Épiphane, 
Nicanor fut en grande faveur auprès de lui. Il avait 
accompagné le roi dans sa captivité à Rome et s'était 
échappé avec lui. Polybe, m, 11 ; Josèphe, Ant. jud., XII, 
x, 4. Quand, à l'instigation d'Alcime, Démétrius résolut 



de s'emparer de Judas Machabée, Nicanor fut mis à la 
tête des troupes envoyées contre lui. I Mach., vu, 26; 
II Mach., xiv, 12. Nicanor essaya d'abord de s'emparer 
de la personne de Judas en l'attirant traîtreusement dans 
une embûche, mais sa trahison fut découverte, IMach., 
vu, 28-30; II Mach., xiv, 30-31. Nicanor eut alors recours 
à la force et livra bataille à Judas près de Capharsaloma . 
Les Syriens furent battus. Sur cette bataille et sur ses 
suites, voir Judas 3, t. m, col. 1799-1801. Nicanor y fut 
mortellement blessé. Judas lui fit trancher la tête et 
institua une fête solennelle en souvenir de sa défaite, 
la veille du jour de Mardochée. I Mach., vu, 39-50; 
II Mach., xv, 20-40; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 5. 

E. Beurlier. 
3. NICANOR, nom d'un des sept premiers diacres 
institués par les Apôtres pour s'occuper des pauvres de 
Jérusalem. Act., vi, 5. Il est nommé le quatrième parmi 
les sept. On ne sait guère de lui que son nom. Le 
Pseudo-Dorothée dit qu'il fut un des soixante-douze 
disciples, Pat. gr., t. xcii, col. 1061, et le fait mourir 
le même jour que le diacre Etienne. De même le Pseudo- 
Hippolyte, t. x, col. 953. D'après le martyrologe ro- 
main, il mourut martyr dans l'Ile de Chypre le 20 jan- 
vier. Les Grecs célèbrent sa fête le 28 juillet. Voir Acta. 
sanctorum, januarii t. i, édit. Palmé, t. i, p. 601. 

NICCOLAI Alphonse, né à Lucques le 31 décembre 
1706, mort à Florence en 1684, entra' dans la Com- 
pagnie de Jésus le 14 février 1723. Ses talents pour la 
prédication lui acquirent la réputation d'un des meil- 
leurs orateurs de son temps et le titre de théologien 
impérial. Parmi ses nombreux et savants ouvrages, on 
doit distinguer plusieurs dissertations et leçons d'Écriture 
Sainte. Ses études sur la Genèse en J volumes in-4°, 
Florence, 1750-1763, se remarquent spécialement, grâce 
surtout à une érudition large et abondante. Ce't ouvrage • 
fut suivi d'un long commentaire sur l'Exode et de dis- 
sertations fort érudites sur Daniel, Tobie, Esther et Ju- 
dith. On lui doit enfin une Explication littérale du 
texte sacré, parue à Gênes en 2 in-4°, 1770. 

P. Bliard. 

NICETAS SERRON, appelé aussi Nicetas Hera- 
eleensis, exégète, fleurissait vers l'année 1070. D'abord, 
diacre de l'église de Constantinople, il fut ensuite, à ce 
qu'on croit, évêque de Serron, en Macédoine, puis 
évêque d'Héraclée, en Thrace. Plusieurs ouvrages de lui 
ont été imprimés dans la suite, parmi lesquels : Catena 
grsscorum Patrum in beatum Job collectore Niceta, 
ex 11 Mss. Bibl. Bodlejanx codd. grsece nunc primum 
in lucem edila et latine versa, studio Patricii Junii, 
in-f°, Venise, 1587, et Lond., 1637. — Catena Patrum 
grœcorum xxx in Matthseum. Prodit nunc primum 
ex Bibl. elect. Bavar. Ducis, in-f°, Toulouse, 1647. (Forme 
le 2 e vol. des Symbolse in Matthseum, impr. à Tou- 
louse en 1646-47.) — In Epist. 1 Pauli ad Corinth. enar- 
ratio, gr. e cod. Mediceo cunx interpret. lat. et annott., 
éd. Jo. Lamius, in Delitiis eruditorum, in-8°, Florent., 
1738. — Dupin, dans son Hist. des controverses et des 
matières ecclésiastiques traitées dans l'onzième siècle, 
p. 388, attribue la Catena grsec. Patr. à Olympiodore. 

— Voy. aussi J. J. Hofmann, Lexicon universale, t. m, 
art^Nicetas, Heraclese Episcopus. A. Régnier. 

NiCKES Jean Anselme, bénédictin de l'abbaye de 
Saint-Paul-hors-les-Murs à Rome, né dans le diocèse de 
Cologne et mort en 1866, a publié : De libro Judithss, 
in-8°, Breslau, 1854; De libro Estherœ et ad eum quse 
pertinent vaticiniis libri 111, in-8», Rome, 1856. — Voir 
Hurter, Nomenclator literarius, t. m, col. 1032. 

B. Heurtebize. 

1. NICODÈME(grec Nix<5Sr||jioi;). Un des chefs princi- 
paux des Juifs du temps de Notre-Seigneur. Joa., m, 2. 

— Le nom de Nicodème est d'origine grecque vhr\, S^po;, 



1615 



NICODEME 



NICOLAÏTES 



1616 



passé aux Juifs par l'intermédiaire de la langue qu'on 
parlaitdans la plus grande partie des paysde la dispersion. 
Ct.~Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes 
modernes, Paris, 1896, p. 27. On le trouve dans le Tal- 
tnud, Taamith, 20, 1, sous la forme pleine de naqài- 
môn, et défective de naqdim, dérivée des racines ndqi, 
« innocent, » et ddm « sang. i> Dans Josèphe, Ant. jud., 
XIV, m, 2, Ntx<S87i|io; est le nom d'un des ambassa- 
deurs d'Aristobule à Pompée. 

Saint Jean, parmi tous les écrivains sacrés du Nouveau 
Testament, est le seul qui parle dans son Évangile de cet 
éminent personnage juif. Joa., m, 1, 4, 9; vu, 50; xix, 
39. Nicodème appartenait à la secte des Pharisiens. Joa., 
m, 1. Voir Pharisiens. Il était un des premiers, un 
chef (apxwv) des Juifs, Joa., m, 1, en tant que membre 
du Sanhédrin. Joa., vu, 50. Jésus-Christ, dans son pre- 
mier entretien avec lui, l'appelle maître en Israël 
(6 SiSàuxaXo; toû 'laparfi.), Joa., m, 10, faisant proba- 
blement allusion à sa double qualité de pharisien et 
de sanhédrite, et plus sûrement à sa qualité de scribe 
ou docteur de la Loi. Nicodème à en juger par Joa., 
xïx, 39, devait être assez riche, et jouissait d'une cer- 
taine influence dans le Sanhédrin. Quelques-uns pensent 
qu'à l'époque de son premier entretien avec le Sauveur, 
Joa., m, 2, Nicodème était d'un âge déjà avancé, Joa., 
m, 4 : « Comment un homme peut-il naître lorsqu'il 
est vieux? » mais on s'appuie sur ce passage trop géné- 
ral sans raison suffisante. Cet entretien eut lieu au 
moment de la manifestation publique de Jésus-Christ à 
Jérusalem, lorsque déjà les premiers ferments de la 
révolte des Juifs contre le Messie se faisaient jour; il 
montre combien peu, même les meilleurs d'entre eux, 
étaient ouverts aux clartés de la foi nouvelle. Nicodème 
avait reconnu en Jésus l'Envoyé de Dieu, Joa., ni, 2, 
mais sa connaissance était imparfaite; il était certain 
due celui qui accomplissait le miracle dont il était le 
témoin, disposait d'une puissance surnaturelle, mais là 
se bornait sa science. Il venait donc à Jésus pour s'ins- 
truire. Cf. Th. Calmes, L'Évangile selon S. Jean, Paris, 
1904, p. 180. — Suivant le texte sacré, m, 3, Jésus, 
répondit à la pensée intime de son interlocuteur, qui 
associait aux miracles de Notre-Seigneur l'idée de 
l'avènement très prochain du royaume de Dieu et du 
Messie. La question posée par Nicodème peut se formu- 
ler ainsi : « Que faut-il faire pour avoir la vie éter- 
nelle? » Jésus répond : « Il faut naître de nouveau, il 
faut naître d'en haut, avwOev, si on veut voir le royaume 
de Dieu. » Voilà la condition nécessaire : la régénération 
ou la transformation radicale de l'êlre intérieur. Nico- 
dème ne comprend pas ce langage, Joa., m, 4, 9, mais 
le divin Maître insiste, et dans ces explications, Joa., 
m, 5, on doit voir le signe sensible de l'initiation, cette 
régénération intérieure, c'est-à-dire le baptême chrétien. 
— Dans cet entretien, dont l'évangéliste ne donne pro- 
bablement qu'un résumé fort restreint, le caractère 
intime de Nicodème apparaît : pharisien croyant, qui 
ne le cédait ni en intelligence, ni en savoir à aucun des 
sanhédrites, mais en même temps timide et peu suscep- 
tible d'être initié aux mystères de la foi nouvelle. — 
Cependant son àme était droite, car on peut déduire de 
Joa., vu, 50, que, dès qu'il connut la vérité, il s'y donna. 

Dans cette seconde circonstance, l'hostilité systéma- 
tique du monde officiel des Juifs se montre à découvert. 
Les gens du peuple se déclarent en grande partie favo- 
rables à Jésus, Joa., vu, 40-41; mais la haine des san- 
hédrites éclate; ils maudissent cette foule ignorante qui 
se prononce à rencontre des prêtres et des docteurs de 
là Loi. Joa., vu, 49. Nicodème, dont la foi en Jésus de 
Nazareth depuis le premier entretien avait grandi, s'élève 
contre ces dispositions hostiles de se3 collègues : « Notre 
loi condamne-t-elle un homme sans qu'on l'entende 
d'abord, et sans qu'on sache ce qu'il a fait? » Joa., vu, 
51 . Mais son observation ne change rien aux dispositions 



des sanhédrites : « Serais-tu Galiléen, toi aussi? Scrute 
les Écritures, et tu verras que de la Galilée il ne sort pas 
de prophète. » Joa., vu, 52. 

Nicodème, le docteur qui, Joa., m, 1, était venu 
d'abord auprès de Jésus pendant la nuit, reparaît dans 
l'histoire évangélique, Joa., xïx, 39, dès que le Christ 
eut expiré sur la croix ; et on le voit s'occuper active- 
ment à l'ensevelissement de Jésus en compagnie de 
Joseph d'Arimathie. Nicodème avait apporté environ 
cent livres d'une composition de myrrhe et d'aloès pour 
l'embaumement : et tous les deux réunis prirent le corps 
de Jésus, et l'enveloppèrent de linceuls, avec les aro- 
mates, comme c'est la coutume d'ensevelir chez les 
Juifs. Joa., xïx, 40. 

Le reste de sa vie est très incertain. Il joue un rôle 
particulier dans la première partie d'un ancien écrit 
apocryphe, les Acta Pilali. Cf. Tischendorf, Evangelia 
apocrypha, p. 210-332; Conybeare, Studia biblica, t. IV, 
Oxford, 1896, p. 59-132. La deuxième partie de cet écrit 
apocryphe contient le récit grec de la descente du Christ 
aux enfers. Ces deux récits, en réalité indépendants, de- 
puis le XVI e siècle ont été publiés sous le titre d' Evange- 
lium Nicodemi. Voir Évangiles ai>ocryphes, I ro classe, 
t. il, col. 2116. Un document légendaire du v« siècle 
relate que l'ancien sanhédrite Gamaliel apparut au 
prêtre Lucien et lui révéla qu'il s'était converti au chris- 
tianisme avec son fils Abib et avec Nicodème. Celui-ci-, 
en apprenant de la bouche du Sauveur la nécessité de 
renaître par le baptême, Joa., m, 2, se fit baptiser par 
les disciples de Jésus. Alors les Juifs lui ôtèrent sa 
charge de sanhédrite et le chassèrent de Jérusalem, 
parce qu'il croyait en Jésus-Christ. Ils l'eussent même 
fait mourir si Gamaliel n'eût intercédé en sa faveur. 
Gamaliel l'aurait recueilli chez lui jusqu'à la fin de ses 
jours, et l'aurait fait enterrer à côté de saint Etienne à 
Caphargamala distante de vingt milles de Jérusalem, où 
dans l'endroit indiqué par Gamaliel furent retrouvés 
ses restes mortels. Cf. Epistola Luciani ad omnem 
Ecclesiam, Patr. Lat., t. xli, col. 807. — On ne con- 
naît pas l'époque de sa mort. Le martyrologe romain 
mentionne l'invention de ses reliques avec celles de 
saint Etienne, de Gamaliel et d'Abibon au 3 août. Cf. Acta 
Sanctorum, augusti t. i, p. 199. Les Ménologes grecs 
et le Ménologe de Sirlet au contraire en font mention 
le 15 septembre. Cf. Acta Sanctorum, septembris t. v, 
p. 5. — Une légende chrétienne nous représente 
Nicodème comme sculpteur. On lui attribue le Volto 
Santo, très vénéré à Lucques, en Italie. Cf. Dobschutz, 
Christusbilder, dans Texte und Untersuchung., 1899, 
p. 280 et suiv. 

On a aussi essayé d'identifier Nicodème avec Bunai 
ou Nicodème Ben Gorion dont on parle fréquemment 
dans le Talmud, et qui vécut jusqu'à la destruction de 
Jérusalem; mais il n'y a pas de preuves suffisantes 
de cette identification. Cf. Lightfoot, Horse Hebraicx in 
Joa., m, 1 et suiv., Cambridge, 1658. 

A. Molini. 

2. NICODÈME (ÉVANGILE DE) ou Actes de Pilate. Voir 

ÉVANGILES APOCRYPHES, t. II, Col. 2116. 

NICOLAÏTES (Grec : NtxoXaïTaï; Vulgale : A'ico- 
laitm), hérétiques dont saint Jean signale la présence 
et l'action à Éphèse et à Pergame. Apoc, u, 6, 15. 
A Éphèse, il y en a qui se disent apôtres et ne le sont 
pas; leur mensonge a été constaté. L'ange de cette 
église a cela de bon qu'il déteste les actes des Nicolaïtes, 
odieux à Dieu même. A Pergame, il y a des sectateurs 
de Balaam, qui apprit aux fils d'Israël à manger les 
viandes idolâtriques et à commettre la fornication. Il y 
a aussi dans cette ville des sectateurs des Nicolaïtes. — 
1° D'après saint Irénée; Cont. hères., i, 26, 3, t. vu, 
col. 687, le nom de ces hérétiques leur viendrait de 
Nicolas, l'un des sept diacres ordonnés par les Apôtres. 



1617 



NICOLAÏTES 



NICOLAS 



1618 



Àct., vi, 5. Le saint docteur se contente de dire d'eux 
que indiscrète vivunt, « ils vivent dans le dérègle- 
ment. » Tertullien, De prsescript., 46, t. h, col. 63, et 
tous les Pères qui s'occupent des Nicolaïtes attribuent à 
leur nom la même origine. Cf. S. Épiphane, Hier., xxv, 
t. xli, col. 321 ; S. Augustin, De kseres., 5, t. xlii, 26. 
— 2° On peut aussi se demander si le diacre Nicolas a 
été lui-même un hérésiarque. Saint Irénée, tout en rat- 
tachant les Nicolaïtes au diacre Nicolas, ne dit pas 
positivement que celui-ci ait erré. L'auteur des Philoso- 
phumena, vu, 8, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 392, est plus 
•explicite. Il accuse Nicolas d'avoir été l'auteur d'une 
■secte pernicieuse, en s'écartant lui-même de la vraie 
doctrine et en enseignant l'indifférence de la vie et de 
la nourriture, àSwçopiav 6tou ts xat fSpiicrewç. Ce sont 
•ses disciples que saint Jean aurait eu en vue dans l'Apo- 
calypse. Clément d'Alexandrie, Slrom., m, 4, t, vm, 
col. 1232, suivi par Eusèbe, H. E., m, 29, t. xx, col. 277, 
atteste l'immoralité de la secte, mais il dégage le diacre 
•de toute paternité vis-à-vis d'elle. Il raconte qu'on repro- 
chait au diacre d'être trop épris de sa femme, et que, 
pour se justifier, Nicolas amena celle-ci dans l'assem- 
■blée en disant : Quiconque la veut peut l'épouser, car, 
ajoutait-il, rcapaxprioOai t fj <rapx\ Sef. Le verbe mapaxpîiff- 
6ai, qui veut dire « abuser », signifie aussi « maltraiter », 
Hérodote, m, 92, et « faire peu de cas d'une chose ». 
Hérodote, l, 108; n, 141; vm, 20. Le même auteur, iv, 
159; vu, 223, appelle napaxpe<ô|Aevot, ceux qui sont « in- 
souciants » de leur vie ou de leur sort. Plus tard, les 
Nicolaïtes lui empruntèrent sa maxime, mais en la pre- 
nant dans un sens tout différent : Il faut abuser de la 
^hair, c'est-à-dire en user comme on l'entend, au gré 
de ses passions. Ils interprétaient l'offre du renonce- 
ment du diacre en ce sens que, d'après lui, chacun était 
■en droit d'user de la femme d'un autre, la fornication 
et l'adultère étant choses indifférentes. Ce que l'on sait 
de la famille de Nicolas ne permet pas de penser qu'il 
•ait ainsi interprété sa maxime. Il est à croire que s'il fût 
devenu lui-même un apostat et un chef de secte immo- 
rale, saint Luc, en le nommant, Act., vi, 5, l'eût qualifié 
■d'un mot comme il l'a fait pour Judas. Luc, vi, 16. — 
3 e 11 n'est même pas absolument certain que les Nico- 
laïtes aient emprunté leur nom au diacre. Saint Jean 
les assimile à Balaam et suppose l'existence d'une secte 
se rattachant par son nom à ce faux prophète. Cf. Jud., 
11 ; II Pet., h, 15. Dôllinger, Christenlhum und Kirche, 
Munich, 1860, p. 131, croit devoir distinguer les Nico- 
laïtes et les Balaamites. On les regarde généralement 
comme identiques. Cf. Lange, Die Judenchrist. Ebion. 
und Nicol., Leipzig, 1828. — 4° L'école de Baur a pré- 
tendu reconnaître, dans les Nicolaïtes, des chrétiens 
de saint Paul poursuivis, sous ce nom, par l'apôtre 
saint Jean. Ainsi s'expliqueraient les allusions du pre- 
mier à ceux qui se disent apôtres sans l'être, I Cor., 
ix, 1-5; II Cor., xi, 5; Gai., i, 1; aux profondeurs 
de Satan opposées aux profondeurs de Dieu, I Cor., 
H, 10; aux viandes idolâtriques que saint Paul permet 
en certains cas. I Cor., x, 23. Dans la personne de ces 
chrétiens peu scrupuleux à l'égard des préceptes de la 
loi juive, saint Jean viserait l'apôtre des gentils lui- 
même. Il faudrait de fortes preuves pour établir une 
pareille thèse. Ces preuves font, défaut. Les immoralités 
que saint Jean dénonce n'ont rien de commun avec ce 
que saint Paul permettait aux chrétiens venus de la gen- 
tilité. Rien ne prouve non plus que la fornication, 
nopvefa, stigmatisée par l'Apocalypse, n, 14, vise les ma- 
riages entre Juifs et personnes étrangères à la race d'Is- 
raël. Cette fornication est l'immoralité déjà flétrie par 
saint Jude, 4, 10, et par saint Pierre. II Pet., n, 2, 10. 
D'ailleurs, il n'existe aucune espèce de donnée historique 
qui permette de rattacher les Nicolaïtes à saint Paul ou 
à son entourage. — 5» En somme, cette secte se distin- 
guait par son immoralité, par son mépris pour la loi 



concernant les viandes offertes aux idoles, par la pré- 
tention de ses chefs à se dire juifs et apôtres, par ses 
spéculations aventureuses et incompréhensibles que 
saint Jean appelle les profondeurs de Satan. Apoc, n, 
24. La secte se perpétua assez longtemps après saint 
Jean, et sur son enseignement compliqué se greffèrent 
plus tard les absurdités du système ophite. Cf. Duchesne, 
Histoire ancienne de l'Église, Paris, 1906, 1. 1, p. 76-77- 

H. Lesêtre. 
1. NICOLAS (grec : Nixo).aoç, de vtxi] et Xaôç « vain- 
queur du peuple; » Yulgate : Nicolaus), un des sept 
diacres de la primitive Église, le dernier nommé dans 
la liste, à qui les Apôtres confièrent le soin des pauvres 
et des veuves de Jérusalem. Act., vi, 5. C'était un prosé- 
lyte d'Antioche, par conséquent d'origine païenne. Dans 
l'antiquité, plusieurs Pères ont vu en lui le chef de la 

. secte des Nicolaïtes, d'autres au contraire ont fait son 
éloge. Voir Nicolaïtes. D'après saint Épiphane, Hier., 
i, 25, 1 , t. xli, col. 320, et le Pseudo-Dorothée, Patr. gr., 
t. xcn, col. 1062, n° 12, dans le Chronicon pascale. 
Nicolas était un des soixante-douze disciples. Le Pseudo- 
Dorothée le fait évêque de Samarie. Sa réputation n'a 
pas néanmoins été celle d'un saint, et ni l'Église grecque 
ni l'Église latine n'ont honoré d'un culte sa mémoire 
comme celle des autres premiers diacres. Les anciens 
Pères, ceux qui le condamnent comme ceux qui le défen- 
dent, sont d'accord pour reconnaître que sa femme fut la 
cause indirecte des griefs qu'on lui reprocha. Il avait 
une épouse fort belle, raconte saint Épiphane, Hœr., 
I, 25, t. xli, col. 321, et il la quitta pour vivre dans la 
perfection, mais il la reprit plus tard et se plongea dans 
le désordre. L'évéque cypriote est appuyé sur ce point 
par saint Irénée, Cont. hser., i, 26, 3, t. vu, col. 687; 
Tertullien, De prsescript., xlvi, t. n, col. 63; l'auteur 
des Philosophumenœ, vu, 36, t. xvi, col. 3443; 
saint Hilaire, In Matth., xxv, t. îx, col. 1053; saint 
Grégoire de Nysse, In Eunom., xi, t. xlv, col. 880; 
saint Philastre, De hser., xxxiii, t. XII, col. 1148; saint 
Jérôme, Epist., cxlvii, ad Sabin., 4, t. xxn, col. 1108- 
1109; Cassien, Coll. xvm, 16, t. xlix, col. 1120; saint 
Grégoire le Grand, Boni, xxxrm in Evang., 7, t. lxxvi, 
col. 1286. 

Clément d'Alexandrie, qui est un témoin plus ancien 
que saint Épiphane, présente les faits sous un autre 
jour. D'après son récit, Strom., m, 4, t. vm, col. 1129, 
les Apôtres reprochèrent un jour à Nicolas d'être trop 
jaloux de sa femme. Pour se justifier, le diacre la fit 
venir et déclara publiquement qu'il permettait de 
l'épouser à quiconque la voudrait. Cette parole était in- 
considérée et répréhensible, mais néanmoins Nicolas 
mena une vie chaste et ses fils et ses filles qui vécurent 
longtemps, gardèrent la virginité perpétuelle. Clément 
cite aussi une autre parole attribuée à Nicolas et dont 
les hérétiques firent mauvais usage. Il avait dit qu'il 
faut maltraiter la chair et en abuser, napax?^ »- 
Clément, Strom-, n, 20, t. vin, col. 1061. Il entendait 
par là qu'il faut réprimer la concupiscence et mortifier 
la chair, mais les hérétiques qui usurpèrent son nom 
l'interprétèrent dans un mauvais sens. La version de 
Clément d'Alexandrie, favorable quant au fond au diacre 
Nicolas, a été acceptée par l'historien Eusèbe qui re- 
produit tout au long, H. E., m, 29, t. xx, col. 276, les 

' paroles du docteur alexandrin, par Théodoret, Hseret. 
fab., m, 1, t. cxxxm, col. 401. Cf. Victorin de Pettau, 
In Apoc, n, 6, t. v, col. 321. Cf. aussi les épitres inter- 
polées de saint Ignace, Ad Trall., xi; ad Philad., vi, 
dans les Patres apostolici, édit. O. de Gebhart, etc., 
Leipzig, 1876, t. il, p. 192, 238; Constit. apost., vi, 8, 
t. i, col. 928, et la note de Cotelier, ibid. Il résulte de 
tous ces témoignages que, d'après l'opinion des plus 
anciens écrivains ecclésiastiques, sr la conduite de 
Nicolas n'a pas été blâmable, comme l'ont dit plusieurs 
d'entre eux, son langage avait du moins manqué de 



1619 



NICOLAS 



NID 



1620 



prudence et que les Nicolaïtes en profitaient pour le 
regarder comme le père de leur secte. Cassien, Coll., 
xvm, 16, t. xlix, col. 1121, est le seul qui cite l'opi- 
nion d'après laquelle les Nicolaïtes auraient eu pour 
fondateur un autre Nicolas; même les Lettres igna- 
tiennes et les Constitutions apostoliques reconnaissent 
que ces gnostiques se réclamaient, quoique à tort, de 
Nicolas : NcxoXafca; -cou; '}/suS<i>vij|iouç, 6 i]/s'jâ<£vj[j.o; 
NtxoXat-ciQç. Les lettres ignatiennes et les Constitutions 
apostoliques emploient également le mot i]/su8tivu|io'.. 
Loc. cit. Ce sont des « pseudonymes », lisons-nous Ad 
Trall., p. 192, « parce que le Nicolas des Apôtres ne 
fut pas tel qu'eux. » Voir Nicolaïtes. 

2. NICOLAS DE LYRE. Voir LYRE 2, col. 454. 

NICOPOLIS (grec : NtxiitoXcç, « ville de la Vic- 
toire y>). La ville de Nicopolis est indiquée à la fin de 
l'Épitre à Tite, m, 12, comme étant le lieu ou saint Paul 
se propose de passer l'hiver qui suivra la date de la 
lettre... L'apôtre dit à son disciple de se hâter, ce qui 
suppose que l'hiver devait être proche. Plusieurs villes 
portaient ce nom, mais selon toutes les probabilités, 




436. — Monnaie de Nîcopolis d'Épire. 

NEPQM0[E] NIKOnOAIE H IIPOE AKfTlOM]. Buste de la Victoire, 

à droite. — fy NEPQNOE EITOANIA. Galère. 

c'est de Nicopolis d'Épire qu'il s'agit dans ce passage 
(fig., 436). 

Nicopolis fut fondée par Auguste en souvenir de la 
bataille d'Actium sur l'emplacement où campaient ses 
troupes avant la bataille, dans l'Isthme étroit qui sépare 
l'Adriatique de la baie d'Actium. Dion Cassius, li, 1; 
Strabon, VII, vu, 6; Suétone, Octav., 18. Sur l'emplace- 
ment où avait été située sa propre tente, il bâtit un 
temple de Neptune et de Mars. Dion Cassius, li, 12; 
Suétone, Octav., 18. La ville fut peuplée d'habitants 
venus de divers villes du voisinage. Dion Cassius, li, i; 
Suétone, Octav., 12; Strabon, VII, vu, 6; Pausanias, 
V, xxhi, 3, VII, xviii, 8; X, xxxvm, 4. Auguste institua 
des jeux qui se renouvelaient tous les cinq ans et qu'on 
appelait Actia, en souvenir de sa victoire. Us étaient 
dédiés à Apollon et comprenaient des concours poé- 
tiques et musicaux, des coursés et des combats de tout 
genre. Us rivalisèrent bientôt avec ceux d'Olympie; 
Strabon, VII, vu, 6; Suétone, Octav., 18. Nicopolis fût 
admise sur l'ordre d'Auguste dans le conseil amphictyo- 
nique et reçut le titre de colonie romaine. Pausanias, X, 
xxvin, 3; Pline, H. N., IV, i, 2; Tacite, Annal., v, 10. La 
nouvelle ville s'enrichit rapidement de beaux monuments 
en particulier de ceux qu'y fit construire Hérode le Grand. 
Josèphe, Ant. jud., XVI, v, 3. Strabon, VII, vu, 5-6, 
décrit la situation de Nicopolis. Elle avait deux ports, 
dont le plus petit et le plus rapproché s'appelait Comore, 
le plus éloigné et le plus vaste était à l'entrée du golfe 
ambracique. Au moyen âge, la ville de Nicopolis fut 
abandonnée et une nouvelle cité fut construite à l'ex- 
trémité sud du promontoire. Les ruines de Nicopolis 
se trouvent à l'endroit appelé Paléoprévesa. Ce sont des 
débris de murailles, des bains, des restes d'aqueducs, 
et surtout un vieux château appelé Paléokastron bâti 
sur l'emplacement de l'acropole et dans les murailles 
duquel sont encastrés de nombreux fragments de 



marbre et des inscriptions. Au nord de Paléoprévesa 
se voient encore un théâtre très bien conservé et un 
stade. Cf. Col. W. Leake, Travels in Northern Greece, 
in-8°, Londres, 1835, t. i, p. 185-190; James Wolfe, dans 
le Journal of the Roy. geogr. Society, t. ni, 1833, 
p. 77. K. Beurlier. 

NID (hébreu : qên; Septante : voum'a, voacrfov; Vul- 
gate : nidus, nidulus), abri que l'oiseau se ménage 
pour y déposer ses œufs et y élever ses petits. Il y a 
des oiseaux qui ne se construisent pas de nids; tels sont 
beaucoup de palmipèdes, d'échassiers et de gallinacés. 
L'aigle se fait une aire, nid vaste et découvert dans le 
creux d'un rocher. L'autruche dépose ses œufs dans le 
sable. Beaucoup d'oiseaux se contentent de quelques 
plumes ou autres matériaux légers et flexibles déposés 
dans le creux d'un arbre, d'autres travaillent leur nid 
avec beaucoup plus de soin. Pour construire le leur, 
les hirondelles font une sorte de ciment qu'elles ma- 
çonnent avec leurs becs. Les [nids des oiseaux sont 
placés, suivant les différentes espèces et la conforma- 
tion des lieux, dans les branches des arbres, les creux 
des rochers, les saillies abritées des maisons, les trous 
des ruines, ou même des cavités pratiquées dans le 
sol. — Les Orientaux ont grand respect pour les nids 
des oiseaux. Ceux-ci peuvent en toute liberté nicher 
dans les édifices sacrés, et l'on croirait commettre un 
sacrilège en les délogeant. Hérodote, i, 159, raconte 
que l'oracle d'Apollon JMdyméen, chez les Branchides 
d'Asie-Mineure, ayant ordonné de livrer Pactyas aux 
Perses, Aristodicus se mit à détruire tous les nids 
d'oiseaux qui s'étaient établis autour du temple. Une 
voix sortie du sanctuaire lui dit alors : « le plus scé- 
lérat des hommes, as-tu bien l'audace d'arracher de 
mon temple mes suppliants ? » Aujourd'hui encore, les 
corbeaux nichent et perchent en foule autour des sanc- 
tuaires qui occupent l'emplacement de l'ancien Temple. 
Voir t. il, col. 959. Bien que partageant ces sentiments 
de bienveillante tolérance vis-à-vis des oiseaux, les an- 
ciens Israélites ne leur permirent certainement pas de 
nicher autour du Temple. Josèphe, Bell, jud., V, v, 6, 
dit que le toit du monument sacré était hérissé de 
broches d'or très aiguës, ^pucréoi ôêsXoc, pour empêcher 
les oiseaux de s'y poser et de le souiller. La Mischna, 
Middoth, iv, 6, appelle cet appareil hélé 'orêb, « appa- 
reil aux corbeaux . » A plus forte raison dévait-on avoir 
grand soin d'empêcher les nids de se construire. — 
Sur les nids des pigeons, voir t. u, col. 847, 850. 

I. Les nids d'oiseaux. — 1° Les oiseaux ont leur nid. 
Matth., vm, 20; Luc, ix, 58. Cf. Ps. cm (civ), 17; Jer., 
xlviii, 28; Ezech., xvn, 23. L'hirondelle dépose ses 
petits dans le sien. Ps. lxxxiv (lxxxiii), 4. Tobie, n, 11, 
devint aveugle par le fait d'une fiente tombée d'un nid 
d'hirondelle. L'aigle place son nid dans les hauteurs. 
Job, xxxix, 27. — 2° Pour inspirer aux Hébreux la dou- 
ceur, même envers les animaux, comme aussi pour 
affirmer le souverain domaine de Dieu sur tout ce qui 
a vie, la Loi défendait à celui qui trouvait un nid sur 
un arbre ou à terre de prendre la mère en même temps 
que les petits. Il devait se contenter de ces derniers. 
Deut., xxii, 6-7. Dans le prophète Isaïe, x, 14, le 
roi d'Assyrie se vante d'avoir mis la main sur les ri- 
chesses des peuples comme sur un nid, et de les avoir 
ramassées comme des œufs abandonnés. — 3° Le même 
mot qên sert aussi pour désigner le contenu du nid, la 
nichée. L'aigle sur son nid, c'est-à-dire sur sa nichée, 
éveille sa couvée, voltige au-dessus de ses petits, dé- 
ploie ses ailes et les prend pour leur apprendre à 
voler. Deut., xxxii, 11. Isaïe, xvi, 2, compare les filles 
de Moab à une nichée effarouchée. Vo,ir t. i, fig. 473, 
col. 1553-1554, des nids d'oiseaux aquatiques, dans les- 
quels plusieurs nichées sont menacées par des quadru- 
pèdes carnassiers. Notre-Seigjieur dit qu'il a voulu ras- 



1621 



NID — NIL 



1622 



sembler ses enfants comme l'oiseau rassemble son nid, 
c'est-à-dire sa nichée sous ses ailes. Luc, xm, 34. L'oi- 
seau qui erre loin de son nid est comme un exilé. 
Prov., xxvn, 8. — 4° Par assimilation, les cases que 
Noé devait ménager dans l'arche sont appelées des 
qinntm, « des nids, »vo<7<t!ou, manaiunculse. Gen., rv, 14. 
II. Comparaisons tirées des nids. — La demeure des 
Cinéens est comparée à un nid placé dans le roc. Num., 
xxiv, 21. Voir Cinéens, t. il, col. 768. La même com- 
paraison est employée au sujet des Iduméens, qui vi- 
vaient dans un pays de rochers. Jer., xlix, 16; Abd., 4. 
Voir Idumée, t. m, col. 833. L'Assyrie est comparée à un 
cèdre, dans les branches duquel nichent les oiseaux du 
ciel, figures des nations qui vivent sous la domination 
de cet empire. Ezech., xxxi, 6. Le nid est l'image de la 
demeure paisible dans laquelle l'homme de bien espère 
mourir. Job, xxix, 18. Placer son nid trop haut grâce 



tique Veni de Libano. Un peu plus tard il traduisait 
du grec en latin, avec notes courtes, mais substantielles, 
les Psaumes de Salomon. P. Bliard. 

NIFANIUS, commentateur luthérien allemand, mort 
en 1689. Licencié en théologie, il fut superintendant de 
Ravensberg. Il publia : S. Joannis Evangelium com- 
mentario perpettw Ulustratum atque ab Hugonis Grotii 
imprimis et aliorum corruptelis vindicatum, in-4°, 
Francfort-sur-le-Main, 1684. — Voir Walch, Biblioth. 
theologia, t. îv, p. 648. B. Heurtebize. 

NIGELLE ou NIELLE. Voir Gith, t. m, col. 244. 

NIGER (grec : Ns'yep), surnom latin, « le noir, » donné 
à un chrétien d'Antioche appelé Simon, pour le distin- 
guer- de ses homonymes. Act.,xm, 1. Voir Simon Niger. 




437. — LeNil personnifié. Statue du jardin des Tuileries. 



à des gains iniques, c'est-à-dire édifier sa fortune par 
l'injustice, c'est s'attirer le malheur. Hab., il, 9. Celui 
qui n'a pas de nid à soi, le vagabond, ne mérite pas 
confiance. Eccli., xxxvi, 28. H. Lesêtre. 

NIELLE DES BLÉS. Voir Charbon des blés, t. n, 
col. 580. 

NIEREMBERG Jean Eusèbe, né à Madrid en 1595, 
d'une famille allemande fixée en Espagne, mort dans 
cette ville le 7 avril 1658. Admis au noviciat de la 
Compagnie de Jésus, à Salamanque, en 1614, il remplit, 
sa formation religieuse achevée, diverses fonctions dans 
son Ordre, notamment celle de professeur d'Écriture 
sainte à Madrid. Nous devons au P. Nieremberg plu- 
sieurs ouvrages d'exégèse dans lesquels la piété et l'éru- 
dition s'appuient et se fortifient. C'est d'abord un traité 
De origine Sacrx Scripturx, in-f°, Lyon, 1641. 11 y ex- 
pliquait plusieurs passages de l'Écriture, s'attachant 
surtout à mettre en lumineux relief ce qui touchait aux 
Antiquités. L'année suivante, 1642, également à Lyon, 
il faisait paraître ses Stromata S. Scripturœ, in-f», 
éclairant par des commentaires littéraux et des réflexions 
morales la vie et l'histoire de Caîn, Nabuchodonosor, 
Jézabel, Jonathas, Susanne, Mardochée, Esther, etc. 
Pendant ce temps il commentait, en un petit volume, 
et appliquait à la perfection religieuse, le verset du Can- 



NIL (hébreu : Ye'ôr; Siliôr), fleuve d'Egypte (fig. 437). 

I. Nom. — Le mot grec NeîXoç, qui est, dans le lan- 
gage courant, le nom du fleuve qui parcourt l'Egypte 
du sud au nord, est d'origine inconnue. On le rencontre 
pour la première fois dans Hésiode, Theog., 338; Strabon, 

1, H, 22. Il se retrouve dans les historiens et dans les 
géographes, Hérodote, iv. 45, etc.; Strabon, XVII, i, 

2, etc. Les Égyptiens l'appelaient la grande rivière, Iatour- 
âou ou Iaour-âou, qui est devenu en copte i&po. E. 
Brugsch, Geographische Inschriften, Leipzig, in-8», 
1857-1880, 1. 1, p. 78-79; Dictionnaire géographique in-8°, 
Leipzig, 1879-1881, p. 84-88. Le nom de Nil ne se ren- 
contre ni dans le texte hébreu, ni dans les Septante, et 
une seule fois dans la Vulgate, Is., xxm, 3. En hébreu 
le Nil est désigné par les mots Sihôr et Ye'ôr. — 1» Sihor, 
« le noir, » « le trouble, » Is., xxm, 3; Jer., n, 18. Ce 
nom indique la couleur des eaux bourbeuses du fleuve 
au moment des crues. — 2° Ye'ôr, la rivière; ce nom, 
qui est d'origine égyptienne, iaour désigne la rivière par 
excellence du pays, Gen., sli, 1, 2, 3, 17, 18; Exod., i, 
22; il, 3; rv, 9; vu, 15, 18, 20, 21, 24, 25, 28; vin, 5, 7; 
xvn. 5; IV Reg., xix, 24; Is., vu, 18; xix, 8; xxm, 10; 
Jer., xlvi, 7, 8; Am., vin, 8; ix, 5, etc. — Exod., vu, 19; 
Ps. Lxvm, 14; Is., xrx, 6, 7, 8; xxxvii, 5; Ezech., ix, 3, 
4, 5, 10, entendent par ce mot l'ensemble des canaux qui 
portent l'eau du fleuve aux différentes parties de l'Egypte. 
Isaïe, xix, prophétise le dessèchement du fleuve et des 



1623 



NIL 



.1624 



canaux et, par suite, la ruine du pays. Cf. IV Reg., xix, 
24. 

II. Le Nil dans la Bible. — Le Nil, sous son nom de 
Ye'ôr, est souvent mentionné dans le Pentateuque. C'est 
du Nil que sortent les vaches vues en songe par le pha- 
raon de Joseph. Gen., xli, 1-3. C'est dans le Nil que 
le pharaon ordonne de précipiter tous les enfants mâles 
des Hébreux. Exod., i, 22. Moïse y est exposé dans une 
corbeille de jonc et recueilli par la fille du prince. Exod., 
il, 3-6. C'est au Nil que Moïse prend l'eau qu'il répand 
sur la terre et qui se change en sang. Exod., iv, 9; 
Ps. lxxvii (lxxviii), 44. Le serviteur de Dieu change 
bientôt après en sang toute l'eau du fleuve. Exod., vu, 
17-22. Il en fait sortir les grenouilles qui ravagent la 
terre d'Egypte, Exod., vm, 5-13. Voir Plaies d'Egypte. 
— Les prophètes parlent aussi souvent du Nil. Isaïe, 
xix, 6, appelle ses eaux « les eaux de la mer », il "nous 
montre, f. 8, les pêcheurs qui y jettent l'hameçon, 
xvin, 2, les barques de papyrus qui fendent ses ondes, 
vm, 8, les mouches qui abondent sur ses bords; Jéré- 
mie, xl vi, 7-8, décrit la marche majestueuse du fleuve; 
Amos, ix, 4, fait allusion à la crue et à la baisse du Nil ; 
Nahum, in, 8, dit que cette « mer » servait de « rem- 
part » à Thèbes; Ézéchiel, xxix, 3, représente le pha- 
raon comme un grand crocodile qui se tient couché au 
milieu du fleuve et qui dit : Mon fleuve est à moi, mais 
que Dieu en arrachera. Cf. xxxil, 2. — Le livre de [Job 
qui est plein d'allusions à l'Egypte, décrit l'hippopotame 
et le crocodile du Nil. Job, xl, 10-28. 

III. Cours du Nil. — L'Egypte, dit Hérodote, II, v, est 
un don du Nil. C'est au Nil en effet et à ses inondations 
régulières que l'Egypte doit toute sa fécondité. C'est par 
la partie inférieure de son cours que le Nil fut d'abord 
connu et, jusqu'à ces dernières années, les sources de ce 
fleuve étaient inconnues. La partie la plus rapprochée 
de la Méditerranée porte le nom de Delta parce que le 
fleuve s'y divise en plusieurs branches qui forment la 
figure d'un A grec dont la base serait Ja Méditerranée. 
Les trois branches principales sont la Canopique à 
l'ouest qui aboutit près du cap d'Aboukir; la Pelusiaque 
qui descend le long de la chaîne arabique à l'est, et en- 
fin la Sébennityque qui divise en deux parties à peu 
près égales le triangle compris entre la branche Pelu- 
siaque et la branche Canopique. Ces trois artères prin- 
cipales sont réunies l'une à l'autre par une quantité 
considérable de canaux, de fossés naturels ou artificiels 
qui répandent partout la fécondité. Au sud du Delta une 
bande de terre végétale s'étend le long des rives du 
fleuve entre deux chaînes de collines distantes d'envi- 
ron 20 kilomètres. Le Nil coule au milieu. C'est moins 
un fleuve qu'un lac sinueux, coupé de bancs de sable 
et d'ilôts, au milieu duquel serpente un chenal. La 
plaine se resserre de plus en plus. A Thèbes elle a encore 
15 à 16 kilomètres de large ; au défilé de Dgébéléin ou 
Djebel Silsiléh, il ne reste que le lit même du fleuve 
entre deux escarpements de pierre. Au delà le fleuve est 
traversé de l'Est à l'Ouest entre le 24 e et le 18 8 degré de 
latitude par cinq bancs de granit qui forment des ra- 
pides et qu'on appelle les cataractes. 

La première, sorte de couloir sinueux, va du port 
d'Assouân à l'île de Philse. La seconde, au sud d'Ouadi- 
Halfah étend ses rapides sur une largeur de 16 kilo- 
mètres environ et forme un archipel de 350 îlots. A 
Kkartoum le cours du fleuve se dédouble. Le principal 
qu'on appelle le Nil blanc ou Bahr-el-Djebel, vient du 
lac Albert-Nyanza à l'ouest, le second, le Nil bleu ou 
Bahr-el-Azrek, descend des montagnes d'Ethiopie. G. Mas- 
pero, Histoire ancienne, t. i, p. 1-16; Elisée Reclus, 
Nouvelle Géographie, t. x, p. 49-111 ; Sir Harry Johns- 
ton, The Nile question, in-8°, Londres, 1903, p. 160-174, 
276-293, 299-319. Les anciens Égyptiens ignoraient 
quelles étaient les sources du Nil. Cf. Papyrus Sallier, 
h, 12. 



IV. L'inondation du Nil. — Chaque année, au mois 
de février, le Nil blanc, grossi par les pluies qui tombent 
dans la région des grands lacs, coule précipitamment 
vers le nord entraînant dans son cours toutes les mares 
restées de l'inondation précédente. Il se grossit des 
eaux du Bahr-el-Ghazâl, à l'ouest, qui lui apporte les 
eaux des plaines situées entre le Darîbur et le Congo et 
de celles du Sobat, à l'est, qui apporte les eaux des mon- 
tagnes d'Abyssinie. Vers la fin d'avril, le niveau du 
fleuve s'élève à Khartoum d'environ 30 centimètres et 
s'écoule lentement vers l'Egypte. Le courant conserve 
jusqu'au Delta une teinte verte qui provient des débris 
des plantes qu'il ramasse sur son passage. C'est ce qu'on 
appelle le Nil vert ; on dit qu'alors le Nil est empoi- 
sonné et donne d'atroces douleurs à ceux qui boivent 
ses eaux. Trois ou quatre jours après le Nil vert com- 
mence la crue véritable. Le Nil bleu amène les eaux du 
plateau central de l'Abyssinie et son cours a une telle 
impétuosité qu'il reste séparé du Nil blanc jusqu'à 
500 kil. environ au delà de Khartoum. Les cataractes 
mettent un frein à la fureur du fleuve et forment 
comme six étages de bassins à travers lesquels l'eau se 
tamise peu à peu. L'arrivée de l'inondation est signalée 
à Syène vers le 8 juin et au Caire du 17 au 20. C'est ce 
qu'on appelle la nuit de la goutte; deux jours après 




438. — Le dieu Nil. — D'après A Guide to the tkird and 
fourth Egyptian Boom, Londres, p. 158. 

elle est dans le Delta. Cette nuit de la goutte est le sou- 
venir d'une tradition égyptienne d'après laquelle, vers 
le milieu de juin, Isis pleurant son frère Osiris laisse- ' 
rait tomber dans le fleuve une larme qui serait cause 
de l'inondation. Pausanias, X, xxxii, 10. Cf. Lane, 
Manners and Customsof modem Egyptians,Lonàres, 
1871, t. il, p. 224. Le Nil monte peu à peu et atteint sa 
pleine hauteur vers le 15 juillet. Pendant cette crue le 
limon qu'il charrie lui donne une couleur rouge, qui 
ressemble parfois à celle du sang, mais qui ne nuit pas 
à la qualité de l'eau. Quand la hauteur est suffisante 
pour inonder les terres, les Égyptiens ouvrent les digues 
et l'eau se répand partout. Les anciens Égyptiens mesu- 
raient la hauteur du Nil par coudées de m 54; à 
14 coudées la crue était considérée comme excellente. 
L'Egypte est alors une nappe ,d' eau trouble divisée par 
les chaussées qui relient les villages. Le fleuve reste 
stationnaire environ huit jours, puis décroît peu à peu. 
G. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 22-24; Elisée 
Reclus, Nouvelle Géographie, t. x, p. 111-118. 

V. Le DIEU Nil. — Les Égyptiens adoraient le Nil 
comme une divinité bienfaisante, Hapi. Ils le représen- 
taient sous la figure d'un homme vigoureux et bien 
portant. Ses seins étaient développés comme les seins 
d'une femme et pendants. Sur la tète, il, portait un bon- 
net surmonté de plantes aquatiques. Sur les bas-reliefs 
on le représente tenant à la main des vases à libation, 
des croix ansées, des tables couvertes d'offrandes, des 



1625 



NIL — NÎNIYE 



1626 



poissons, des épis, elc. Cf. Pierret, Panthéon égyptien, 
1881, p. 9. Les inscriptions l'appellent : « Hâpi, père des 
dieux, maître des aliments, qui fait naître les substances 
et inonde les deux Égyptes de ses richesses, donne la vie 
et remplit les greniers. » Deux Hâpi, l'un peint en rouge 
et portant sur sa tête des fleurs de Lotus est le Nil du 
Sud, l'autre peint en bleu et coiffé d'une touffe de Pa- 
pyrus est le Nil du Nord. Ils lient ensemble les deux 

plantes dans le symbole V qui signifie unir (fig. 438). 

British Muséum, A Guide to the third and fourth Egyp- 
tian rooms, in-8», Londres, 1904, p. 158. Cf. p. 176, n. 2_ 
Le Nil avait de nombreuses chapelles où les prêtres en se - 
velissaient les cadavres d'hommes ou d'animaux que reje- 
taient le courant. Hérodote, n, 90. D'après la tradition 
égyptienne il habitait une grotte située en ïhébaïde, d'où 
il sortait au moment de l'inondation. Chaque année on 
y célébrait une fête et on y chantait des hymnes au son 
des instruments. G. Maspero, Histoire ancienne, t. i, 
p. 36-41 ; A. Palanque, Le_ Nil à l'époque pharaonique, 
son rôle et son culte en Egypte, in-8°, Paris, 1903. 

VI. La flore et la faune de la vallée du Nil. — La 
flore des rives du Nil est très pauvre. Les plantes des 
marais sont abordantes dans le Delta. Dans l'antiquité 
le papyrus et les variétés du lotus bleu y prospéraient. 
Elles ont presque entièrement disparu aujourd'hui. Le 
Sycomore et le Dattier y sont au contraire toujours en 
pleine prospérité. Les autres arbres meurent à mesure 
qu'on néglige leur culture. Les animaux y sont presque 
tous d'origine étrangère. L'espèce la mieux conservée 
est celle des ânes qui garde une pureté de forme et 
une vigueur inconnues ailleurs. Un grand nombre de 
serpents sont propres aux pays, entre autres l'Uraeus, si 
fréquemment représenté sur les monuments. On ren- 
contre aussi de nombreux scorpions, dont les piqûres 
sont très douloureuses. Les pythons gigantesques qui 
sont représentés sur les monuments funèbres avaient 
disparu à l'époque historique. L'hippopotame resta 
dans le Delta jusqu'au moyen âge. Les crocodiles très 
nombreux dans l'antiquité sont remontés peu à peu vers 
le sud. On n'en voit presque plus au nord d'Assouân. — 
Les oiseaux sont extrêmement nombreux dans la vallée. 
Beaucoup d'entre eux traversent la Méditerranée pour 
y venir hiverner, tels sont par exemple les hirondelles, 
les cailles, les canards sauvages, les hérons, etc. Les 
ibis blancs et noirs, les flamands roses, les pélicans, 
les cormorans pèchent en longues files sur les bancs 
de sable; les oiseaux de proie trouvent dans les rochers 
des retraites inaccessibles d'où ils fondent sur la plaine. 
— Certaines espèces de poisson de mer viennent frayer 
dans l'eau douce du fleuve. D'autres descendent avec la 
crue; quelques-uns atteignent une très grande taille, le 
bayad a souvent près de 1 mètre, le latus jusqu'à 
3 mètres. Un des poissons les plus curieux est le fahaka 
qui naît au delà des cataractes et descend le Nil porté 
par une poche d'air. On rencontre aussi des tortues de 
grande taille. G. Maspero, Histoire ancienne, t. l, p. 27- 
36; Sir Harry Johnston, The Nile question, p. 133, 177, 
204, 218-221, 253-257, 294. Cf. Strabon, VII, ir, 4-6; 
Diodore de Sicile, I, xxxv-xxxvi; Pruner, Aegyptiscke 
Naturgeschicte, in-8», Munich, 1848. 

Bibliographie. — G. Maspero, Histoire ancienne des 
'peuples de l'Orient classique, in-4°, t. 1, 1895, p. 3-43. — 
Elisée Reclus, Nouvelle géographie, in-4°, t. x, 1885, 
p. 49-119; Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l'Orient, 
9 e édit., t. il, 1882, p. 5-27; Wilcoks, Egyplian irriga- 
tion, in-8s Londres, 1889; Johnston, The Nile question, 
in-8», Londres, 1903. E. Beurlier. 

NINIVE (hébreu : Ninevêh ; Septante : Ntveuii [Niveui' 
dans le Nouveau Testament]; auteurs grecs et latins : 

Nïvo;, Ninus; assyrien : £ 



m 



iKÊL^v^, 



Nina, NUnu-a, d'étymologie fort douteuse ; voir Frd. 
Delitzsch, Wo lag das Paradies, 1881, p. 260; Sayce, 
Lectures on the Origin and Growth of Religion, p. 57), 
l'une des principales villes d'Assyrie, capitale du royaume 
assyrien à différentes époques. Elle était située sur la 
rive gauche du Tigre, au confluent du Khauser, qui la 
traversait d'est en ouest, en face de la ville actuelle de 
Mossoul, placée sur l'autre rive du fleuve (fig. 439). Deux 
collines formées de monceaux de ruines, Koybundjik et 
Nébi-Younous, et une enceinte de murs de forme irré- 
gulière indiquent présentement l'étendue de la ville an- 
cienne : elle formait une sorte de rectangle allongé du 
nord-ouest au sud-est, dont la portion sud-est aurait subi 
des érosions : deux angles ont conservé leur orientation 
primitive, ceux du nord et de l'ouest. Le Tigre longeait 
autrefois le côté sud-ouest des murs; les alluvions du 
Khauser l'en ont présentement un peu éloigné. L'en- 
ceinte était formée de briques crues sur des assises de 




439. — Vue de Mossoul, port sur le Tigre. 
D'après Layard, Discoveries, p. 365. 

pierre, fort large et fort élevée, percée de portes fortifiées 
et protégée par un grand nombre de tours; le Tigre et 
le Khauser, avec les canaux y aboutissant, complétaient 
la défense : l'est et le sud-est, moins bien défendus, 
étaient protégés par plusieurs ouvrages extérieurs. La 
ville pouvait passer pour imprenable : elle n'avait guère 
à redouter qu'une crue subite et trop forte du Tigre et 
du Khauser, la brique assyrienne n'étant, au moins 
dans l'épaisseur des murs, que de l'argile moulée séchée 
au soleil : à plusieurs reprises les annales des rois d'As- 
syrie mentionnent des accidents de ce genre (fig. 440). 

De la ville elle-même et de ses faubourgs rien n'a 
guère été exhumé jusqu'à présent, les fouilles ont porté 
principalement sur les deux monticules, qui étaient en 
réalité des cités royales. Sur celui du nord, où se trouve 
le village de Koyoundjik, haut de 20 mètres, long de 
800 et large de 400, on a retrouvé les palais de Senna- 
Gh,érib et d'Assurbanipal, élevés sur l'emplacement 
d'autres plus anciens; ainsi que celui d'Assur-étil-ili, 
plus exigu et demeuré inachevé. Le monticule du sud- 
est, nommé Nébi-Younous, à cause d'un tombeau sup- 
posé du prophète Jonas, renfermait un second palais, 
plus petit, de Sennachérib, et celui d'Asarhaddon. 

Les classiques font remonter la fondation de Ninive 
à un légendaire roi Ninus; la Bible en fait honneur à 
Nemrod, ou bien, selon une autre traduction du même 
texte, à Assur, Genèse, x, 12, sous les noms desquels on 
peut voir une personnification des races babylonienne et 
assyrienne. L'origine babylonienne et la haute antiquité 



1627 



NINIVE 



1628 



de Ninive sont pleinement confirmées par l'assyriolo- 
gie. A la vérité les textes les plus anciens proviennent, 
aon de cette ville, mais d'Assur (actuellement Kaléh- 
Schergat) et de Calach (actuellement Nimrud) qui 
furent les premières capitales du royaume d'Assyrie; 
ils ne mentionnent même nulle part la fondation de 
Ninive, mais seulement de nombreuses restaurations. 
Le renseignement précis le plus ancien émane du roi 
Assur-nasir-apal (885-360) : « le temple E-barbar, temple 



(fti) dans les inscriptions du très ancien roi de Tell-Loh 
Gudéa, a donné occasion à Hommel et à Sayce (ce der- 
nier d'une façon dubitative), dans Hastings, A dictionary 
of the Bible, t. m, p. 554, d'essayer de remonter beau- 
coup plus haut encore : mais il s'agit évidemment dans 
ces textes d'une localité chaldéenne, et nullement assy- 
rienne, comme l'a fait observer depuis longtemps A. 
Amiaud, The Inscriptions of Telloh, dans les Records 
of the Past, nouv. sér., t. i, p. 45. Peut-être Ninive 




440. — Plan des ruines de Ninive et carte des environs. 



d'Istar de Ninive, que Samsi-Ramman... avait construit, 
était tombé en ruines; des fondations au faite je le ré- 
parai, je l'achevai. » The Cuneiforni Inscriptions of 
the Western Asia, t. m, pi. 3, n.10, 1. 39-43; Records 
of the Past, 2 e série, t. îv, p. 94. Or Samsi-Ramman I" 
régnait auxix» siècle avant J.-C. : nous l'apprenons de 
Théglathphalasar I<" (vers 1100), lequel répara un second 
temple, celui d'Anou et Ramman, également « construit 
par Samsi-Ramman, depuis 641 ans ». The Cun. Inscr. 
of the W. A., t. i, pi. 15, col. vu, lig. 60-75; Eb. Schra- 
der, tCeilinschriftliche Bibliothek, t. i, p. 42-43. Il est 
évident que la fondation de Ninive est antérieure à la 
construction du temple de Samsi-Ramman. La mention 
d'un temple de la déesse Nina, et d'une localité Nina 



doit-elle son nom à la déesse chaldéenne Nina, assi- 
milée en effet à la déesse Istar, Beltis, l'Astarté ou Vénus 
assyrienne, nommée dans les inscriptions lstar Sa 
Ninua, Istar de Ninive, opposée à lstar s'a Arba-ilu, 
déesse guerrière. Au x\« siècle, Dousratta de Mitanni 
envoie même en Egypte une statue de cette « Istar de 
Ninive ». H. Winckler, Die Thontafeln von Tell-el- 
Amarnah, dans Schrader, Keilinsch. Bibliot., t. v, 
n. 20, p. 48-49. 

Pendant ce temps les souverains de l'Assyrie résident 
cependant non à Ninive, mais plus au sud, d'abord à 
Assur, puis à Calach, s'éloignant toujours davantage 
de la Babylonie,avec laquelle ils étaient souvent en 
guerre : les monuments ou inscriptions de ces princes 



1629 



NINIVE 



1630 



trouvés à Ninive ont pu y être transportés plus tard, 
comme ceux des anciens princes de la basse Chaldée. 
Nous constatons cependant que, au IX e ou x e siècle, les rois 
assyriens ont une résidence à Ninive : c'est là que 
Assur-nasir-pal (885-860) et son fils Salmanasar II 
(860-825) passent successivement les premières années 
de leur règne, Calach ayant été leur résidence durant 
leurs dernières années; nous y trouvons ensuite des 
inscriptions de Ramman-Nirari III, petit-fils de ce der- 
nier (812-783). Sargon (722-705) le destructeur du 
royaume d'Israël, bien que s'étant bâti une nouvelle 
capitale plus au nord, Dur-Sarrukin, actuellement 
Khorsabad, « pour remplacer Ninive, » fit cependant 
exécuter des travaux à Ninive, y restaura en particulier 
le temple, de Nébo et Marduk; J. Menant, Annales 
des rois d'Assyrie, p. 211 : c'est à Ninive que le livre 
de Tobie, i, 11-12, fait résider foute la tribu de Nephthali 
sous Salmanasar — c'est-à-dire en réalité Sargon — 
père de Sennachérib. Tob., i, 18-19. Il est certain que ce 
dernier fit de Ninive « la résidence de sa royauté et l'ad- 
miration des peuples » ; il « releva ses murs aussi haut 
quje des montagnes », il l'approvisionna d'eau, en creu- 
sant le canal qu'il appela suqta &in-akhi-irba, enfin s'y 
bâtit deux palais : au nord, sur les ruines d'un plus an- 
cien sur le tertre de Koyoundjik, le grand palais, sa rési- 
dence, où il accumula sculptures, statues, bronzes, cè- 
dres et cyprès odoriférants, avec tous les trésors des 
nations conquises ; au sud, à Nebi-Younous, un autre plus 
petit, bit Kutalli, sorte d'arsenal, où il amassait armes, 
chars, provisions, chevaux, etc. Schrader, Keilinsch, 
Bibliothek, t. H, p. 110-111, 116-117, etc. Ses sculpteurs, 
au lieu de nous donner comme les précédents, des 
abrégés des scènes qu'ils veulent reproduire, dessinent 
des tableaux d'une complexité, d'une netteté et d'un réa- 
lisme frappants : Sennachérib, on le voit par les scènes 
de ses bas-reliefs, aimait à présider en personne aux tra- 
vaux de ses architectes et de ses sculpteurs. Asarhaddon 
(681-668) imita son père; bien qu'ayant habité Calach, il 
résida le plus souvent à Ninive, « la ville de sa royauté, » 
où il recevait les rois et les tributs des peuples vaincus : 
il y construisit un nouveau palais, plus magnifique que 
les précédents, et qu'il, nomma hekaltu paqidai 
Jcalamu, « palais qui gouverne l'univers ; » en même 
temps jl reconstruisait le bit kutalli sur un plan plus 
vaste; tout cela se fit avec les tributs des 22 rois du 
pays des Ilatti et des riverains de la Méditerranée, 
Ba'al de Tyr, Manassé de Juda, dix rois de Chypre, etc. 
Schrader, ibid., p. 134-135 sq.; J. Menant, Annales 
des rois d'Assyrie, p. 245-246. L'Egypte, conquise 
par Asarhaddon, dut aussi contribuer à l'ornementation 
de la capitale. Mais c'est surtout Assurbanipal (668-626) 
qui donna à Ninive toute sa splendeur : ses constructions 
dépassent pour leur étendue, leur splendeur, la variété 
et le fini des bas-reliefs, tout ce qui s'était vu jusqu'alors : 
les multiples campagnes du roi contre l'Élam, la Susiane, 
la Babylonie, les ambassades de l'Arabie, de l'Arménie, 
les chasses royales, les plaisirs de la cour, etc., y sont 
représentés avec une véritable perfection, analogue à 
celle des meilleurs bas-reliefs égyptiens. Les campagnes 
que Asarhaddon et Assurbanipal firent en Egypte ex- 
pliquent facilement cette direction nouvelle de l'art 
assyrien. Ce dernier répara et agrandit à Ninive, sur le 
tertre de Koyundjick, le palais de Sennachérib : ce qui 
est encore d'un plus grand intérêt, à l'imitation des 
bibliothèques des temples et des palais babyloniens, il 
y réunit « ahhuz nimeqi Nabu, la sagesse de Nabu (le 
dieu des sciences), kullat dupsarruti sa gimir ummani 
rnala baSû, la totalité des tablettes écrites de tout genre, 
tant qu'il y en a ». Menant, ibid., p. 254, 275, 276; 
Schrader, ibid., p. 154-155, 230-231, etc. Layard trouva 
là les milliers de tablettes d'argile, alors soigneusement 
copiées sur les exemplaires babyloniens, puis classées 
et cataloguées, d'où le British Muséum de Londres a tiré 



ses plus belles richesses. Lui-même rappelle parmi ses 
plus beaux titres de gloire la reconstruction du Bit 
riduti, le harem? du palais de Ninive « la grande ville 
chère à Belit (Istar) »; les bas-reliefs qui ornaient ces 
constructions nouvelles sont certainement ce que l'art 
assyrien a produit de plus parfait. 

Ninive et l'empire assyrien semblaient alors à l'apogée 
de leur puissance : leur ruine était cependant fort proche : 
sur les successeurs d'Assurbanipal, nous avons peu de 
renseignements. Nous possédons seulement, exhumée 
de Ninive, une inscription mutilée du dernier, Sîn-Sar- 
Ukun, le Sarakos des Grecs, en même temps que leur 
Sardanapale : on en est réduit, sur la fin de Ninive, à 
des conjectures et aux récits des historiens classiques. 
Depuis longtemps déjà les Mèdes de Cyaxare la mena- 
çaient : mais l'invasion et l'occupation de la haute Asie 
par les Scythes, ne permit pas aux Mèdes d'exécuter 
leur dessein jusqu'au bout. Sin-sar-iëkoun, nous l'appre- 
nons par une inscription de Nippour, était encore reconnu 
roi jusqu'en Babylonie la septième année de son règne. 
Pesser, Texte juristischen und geschâftlichen Inhalls, 
dans Schrader, Keil. Bibl., t. iv, p. 176-177. Cependant 
Nabopolassar qui gouvernait Babylone en son nom, 
finit par vouloir se rendre totalement indépendant : en 
607-606, il s'unit aux Mèdes et aux Scythes, et vint blo- 
quer Ninive : et au bout d'un siège dont les documents 
ne nous apprennent ni la durée, ni les péripéties, cette 
ville succomba et fut prise et totalement ruinée, les Ba- 
byloniens rendant ainsi à Ninive tout le mal que celle- 
ci leur avait fait sous Assur-bani-pal. Quant aux Mèdes 
et aux Scythes leurs alliés, ils se laissèrent surtout attirer 
par les trésors accumulés dans les palais et dans les 
temples : « ils anéantirent les sanctuaires des dieux 
d'Assur, les détruisirent sans en laisser un seul, » comme 
l'écrira soixante ans plus tard le roi babylonien Na- 
bonide. Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient, t. m, p. 484-485. La destruction fut si com- 
plète que, deux siècles après, Xénophon, à la retraite 
des Dix Mille, traversa ce pays sans même relever le 
nom de l'antique capitale disparue. Toutefois la tradi- 
tion locale conserva son souvenir; sur les ruines il se 
bâtit même une petite ville qui porta le nom de la 
grande cité, et qui est mentionnée plusieurs fois dans 
l'histoire durant les démêlés des Romains et des 
Parthes, au temps de la révolte de Méherdates contre 
Gotarzès sous Claude, puis sous Trajan qui. l'enleva à 
Mebarsapes, ensuite durant les guerres entre Héraclius 
et Chosroès, en 627, quand l'empereur y défit le géné- 
ral perse Rhazathes; G. Rawlinson, The Sixth Mo- 
narchy, p. 257, 310; The Seventh Monarchy, p. 522; 
elle est encore mentionnée dans l'histoire des croisades, 
mais elle disparut peu à peu ne laissant derrière elle 
que les deux villages de Koyoundjik et Nébi-Younous, ce 
dernier nom faisant allusion à la prédication de Jonas 
et à son prétendu tombeau. 

Des ruines de Ninive, on n'a guère retrouvé et exploré 
que les restes des palais royaux (fig. 441), de sorte qu'il 
nous est difficile de nous faire une idée de sa population : 
les conjectures sur ce point sont fort divergentes : Jones 
et G. Rawlinson la portent à 175000 habitants; Maspero, 
d'après Billerbeck-Jeremias, va jusqu'à 300000. Pour l'au- 
teur du livre de Jonas, elle renferme plus de 120000 ha- 
bitants qui nesciunt quid sit inter dexteram et sini- 
stram, ce qui suppose un total d'environ 600000 âmes, 
Jonas, m, 3, et il faut trois jours pour la parcourir 
civitas magna itinere trium dierum, rv, 11. Si ces 
données sont historiques et primitives, il .faut expliquer 
les trois jours du parcours des principales rues de la 
ville, et étendre l'appellation de Ninive à tout le triangle 
assyrien compris entre le Tigre et le Grand Zab, et ren- 
fermant ainsi Calach, Dur-Sarrukin, et plusieurs autres 
cités importantes : il est vrai qu'aucun texte ne nous 
fournit d'exemple du nom de Ninive ainsi étendu. Pour 



1633 



NINIVE 



NIVEAU 



1634 



Diodore de Sicile, H, 3, édit. Didot, 1. 1, p. 82; la ville 
est plus grande encore, elle a vingt-cinq lieues de cir- 
cuit, et est entourée d'un mur haut de cent pieds, dé- 
fendu par quinze cents tours; il la transporte même du 
Tigre sur l'Euphrate. Pline H. N., VI, 16, édit. Lemaire, 
1828, p. 619, se contente de la placer sur la rive gauche 
du Tigre, au lieu de la rive droite; Strabon, XVI, i, 3, 
édit. Didot, p, 628, nous assure qu'elle était beaucoup 
plus vaste que Babylone. On lui fait de même une his- 
toire toute légendaire, avec Ninus, Sémiramis etNinyas 
à l'origine, et Sardanapale se brûlant au milieu de ses 
trésors pour conclusion. Ctésias fut l'auteur ou du moins 
le vulgarisateur de ces fictions. Eb. Schrader, Keïlin- 
schriften und Geschichtsforschung, 1878, p. 492 ; Aby- 
déne, Historicorum grsecorum fragmenta, édit. Didot, 
t. îv, 282-283. 

Outre la Genèse, x, 11-12, et les livres historiques, 
IV Reg., xix, 36; Is., xxxvii, 37; Tob., I, 11; vu, 3; 
xi, 1; xiv, 2, 6, 14; Judith, i, 5, Ninive est encore men- 
tionnée par Jonas (voir Jonas, t. m, col. 1604), les pro- 
phètes Nahum et Sophonie. Ces deux derniers annoncent 
sa ruine. D'après Sophonie, il, 13-15, cette ville « qui 
disait : Moi, et rien que moi », qui vivait dans une 
absolue sécurité, sera dépouillée de ses lambris de cèdre, 
et se changera en un désert, à l'étonnement du monde 
entier. Nahum annonça le même événement : le joug 
d'Assur sera brisé, il ne laissera même aucune posté- 
rité de son nom : devant l'ennemi terrible qui l'attaque, 
les troupes d'Assur préparent en vain la défense : les 
portes du Ueuve s'ouvriront (peut-être l'assiégeant sera 
t-il favorisé par une de ces crues du Tigre qui ont plu- 
sieurs fois dévasté Ninive) et le palais s'effondrera : on 
détruira le repaire des lions (c'est-à-dire la demeure 
des rois d'Assyrie) rempli qu'il était de dépouilles. 
Nahum donne comme raison de cette destruction de 
Ninive ses conquêtes sanglantes et son ambition, puis 
ses prostitutions, c'est-à-dire son idolâtrie, la plupart 
des conquêtes des monarques assyriens se faisant en 
l'honneur et Sous la protection du dieu Assur : nous 
voyons même que son culte fut introduit jusqu'à Jérusa- 
lem sous Achaz : l'allusion faite à No-Amon ou Thébes 
d'Egypte, prise et saccagée par Assurbanipal vers 660, 
sous Urdamen, fils de Tharaca, sert à dater la prophétie 
de Nahum, avec une approximation très satisfaisante, au 
temps de la grandeur de Ninive. Isaïe peut être entendu 
du même événement dans ses menaces contre Assur, x, 
16-19; xxx, 30-33, bien que le nom de Ninive n'y soit pas 
prononcé. — Notre-Seigneur dans l'Évangile rappelle la 
pénitence des Ninivites. Matth., xii, 41; Luc, xi, 30, 32. 

Les ruines de Ninive furent explorées d'abord par 
E. Botta, puis et surtout par A. Layard, W. K. Loftus, 
Cf. Smith, H. Rassam; c'est à ces fouilles que le Musée 
Britannique doit ses principales richesses, en bas- 
reliefs et en tablettes cunéiformes assyriennes. 

Bibliographie. — A. Layard, Nineveh and its re- 
mains, 2 in-f», 1848; Discoveries in the ruins of Nine- 
veh and Babylon, in-8°, 1853; Botta, Monument de Ni- 
nive, 5 in-f», 1846-1850; V. Place, Ninive et l'Assyrie, 
3 in-f°, 1866-1869; Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient, t. m, p. 310, 468, 470, 480, 482- 
485, etc. ; Id., Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 
1904, p. 342, 428, 518, 596; G. Rawlinson, The five 
great Monarchies, 1879, t. i, 248-253; 259; t. n, p. 179, 
196, 213, etc.; J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, 
p. 151, 211, 32, 55, 71, 213, 230, etc.; F. Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. i, p. 347, 
361 ; t. m, p. 492-496; t. iv, p. 135-140; G. Smith-Delitzsch, 
Chaldâische Genesis, Erlâuterungen, p. 262-268; Schra- 
der-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the 
O. Test., t. i, p. 81-86; t. n, p. 44-47, 146-147; Eb. 
Schrader, Keilinschriftliche Bïbliothek, t. i, p. 42, 78 ) 
168; t. il, p. 110, 154, 230, etc., et les ouvrages mention- 
nés à l'article Assyrie. E. Pannier. 

DICT. DE LA BIBLE. 



NINIVITES (hébreu : 'AnSê Nînevéh; Septante : 
aiiSpe; Niveur,; Nouveau Testament : Nivsy'trai, <xvSp=; 
Nivsui; Vulgate : Ninivitse), habitants de Ninive. Jon., 
m, 5; Matth., xn, 41 ; Luc, xi, 30, 32. 

NISAN (hébreu : p»j, Nisdn; Septante : Nto-âv), 
premier mois de l'année hébraïque. Estber, vil, 7. Il 
est nommé deux fois dans le texte hébreu, II Esd., u, 

I ; Esther, m, 7, et deux fois en plus dans la Vulgate. 
Esther, m, 12; xi, 2. Ce mois, dans les livres plus an- 
ciens de l'Écriture, est appelé Abib. Voir t. i, col. 46. 

II commençait à la première lune de mars et finissait à 
la nouvelle lune d'avril. Il était de trente jours. Comme 
le nom de Nisan ne se lit dans la Bible qu'après la cap- 
tivité de Babylone, il parait être un emprunt fait par les 
Juifs à leurs vainqueurs. Le premier mois de l'année 
babylonienne s'appelait ni-sa-an-nu. Eb. Schrader, 
Die Keilinschriften und das alte Testament, 2" édit., 
1883, p. 247; cf. p. 379-380. Il correspondait au premier 
signe du zodiaque, le Bélier, pendant lequel avait lieu 
l'équinoxe du printemps. Nisan correspond au mois 
macédonien appelé Xanthicus. Josèphe, Ant. jud., I, 
m, 3, édit. Didot, t. i, p. 9. 

NITRE. Voir Natron, col. 1488. Ce mot désigne au- 
jourd'hui un sel formé d'acide nitrique et de potasse, 
mais le vttpov, nitrum, est le natron des anciens. 

NITRIENSIS (CODEX), coté Additional 172il au 
Musée britannique, est un des 550 manuscrits rapport; s 
en 1847 d'un monastère syrien du désert de Nitrie : de 
là son nom. Tout le manuscrit était palimpseste et qua- 
rante-huit de ses feuillets contiennent 21 fragments de 
l'Évangile de saint Luc formant environ 516 versets, en 
une belle onciale du vie siècle, sous un traité de Sévère 
d'Antioche traduit en syriaque et écrit au vm s ou au 
IX e siècle. En critique, ce très important manuscrit est 
désigné par la lettre R — par e 22 dans le système de 
notation de von Soden. Il a 0,296 X 0,235, est à deux 
colonnes de 25 lignes, et ne porte ni accents ni esprits ; 
toute la ponctuation consiste en un point simple soit 
sur la ligne soit eu haut. Les lettres onciales, simples, 
fermes et carrées, sont d'une dimension peu ordinaire 
caria ligne de sept ou huit centimètres en contient seu- 
lement de 7 à 12. — Pour la paléographie, il ressemble 
assez aux codex J, N et P. Le texte a été édité par Ti- 
schendorf, Monum. sacra ined., t. n, Leipzig, 1857, p. 1- 
92. On trouvera des fac-similés dans Catalogue of 
ancient Manuscripts in the British Muséum, part, i, 
Londres, 1881, p. 22, pi. x; Kenyon, Biblical Mss. in 
the British Mus., Londres, 1900, pi. m. — Pour le con- 
tenu exact voir Scrivener, Introduction, t. i, p. 145; 
Gregory, Textkritik, t. i (1900), p. 64; Von Soden, Die 
Schriften des N. T., t. i ( 1902), p. 122. F. Prat. 

NIVEAU (hébreu : tnisqolët et milqéléf; Septante : 
UT(i9u.iov, « balance, » et ara9[i6;, « poids; » Vulgate : 
pondus, « poids, » etmensura, « mesure »), instrument 
servant à établir an plan horizontal, et, par extension, 
à niveler. Le mot ne se lit que dans deux passages ; 
les versions n'en ont saisi le sens que vaguement. — 
Des -prophètes du temps de Manassé annoncent que le 
Seigneur va étendre sur Jérusalem le cordeau de 
Samarie et le niveau de la maison d'Achab, c'est-à-dire 
qu'il va ruiner la ville comme il a ruiné Samarie 
et la faire disparaître de fond en comble comme il a 
fait disparaître la maison d'Achab. La suite du texte 
explique le sens delà prophétie : Jérusalem sera comme 
un plat qu'on nettoie et qu'ensuite on renverse sens 
dessus dessous. IV Reg., xxi, 13. La ville sera donc 
rasée au niveau du sol. Parlant également de Jérusalem, 
Isaïe, xxvin, 17, dit que le Seigneur fera de la droiture 
une règle, et de la justice un niveau. Ce niveau sera 

IV. - 52 



1635 



NIVEAU — NO-AMON 



1636 



une suite de fléaux qui feront disparaître les refuges 
au mensonge et de la fausseté, pour ne laisser que la 
pierre de choix qui sert de fondement à Sion. — Sur 
plusieurs passages où les traducteurs font intervenir le 
niveau, voir Fil à plomb, t. n, col. 2244. 

H. Lesêtre. 
NO, nom, dans le texte hébreu, de la ville de Thèbes. 
Jer., xliv, 25; Ezech., xxx, 14, 16. La Vulgate l'a tra- 
duit par Alexandria populorum. Voir No-Amon, 
et Alexandrie, t. i, col. 357. 

NOA, nom d'une femme Israélite et d'une ville, 
dans la Vulgate. Les noms sont vocalises différemment 
en hébreu. 

1. NOA (hébreu : No'âh; Septante: Noua), la seconde 
des filles de Selphaad, de la tribu de Manassé. Elle 
ebtint comme ses sœurs le droit d'hériter de son père 
parce qu'elle n'avait pas de frère, à la condition de se 
marier dans sa tribu. Num., xxvi, 33; xxvn, i; xxxvi, 
11; Jos., xvn, 3. 

2. NOA (hébreu : han-Nê'âh; Septante: omis ou dé- 
figuré dans le Vaticanus ; Alexandrinus : 'Avvoui), ville 
frontière de Zabulon. Jos., xix, 13. Le texte hébreu 
porte, d'après la traduction générale des modernes : « [La 
frontière de Zabulon] continuait par Himmon qui con- 
fine à Néah. i> tiimmôn ham-me{o'ar han-Nê'âh. Le Va- 
ticanus a rendu ces mots par Pe|jiu,[uvaà MaOapaoÇi; 
Y Alexandrinus par Pe(i[itovà(i MaOapiu. 'Avvouâ ; la 
Vulgate par Remmon, Amthar et Noa. Voir Amthar, 
t. i, col. 526. La situation de Noa est inconnue. Elle 
était ignorée d'Eusèbe et de saint Jérôme qui se bor- 
nent à indiquer qu'elle appartenait à la tribu de Zabu- 
lon. Onomast., édit. Larsow et Parthey, 1862, au mot 
'Avoua, Anna, p. 44, 45. Quelques-uns ont proposé 
d'identifier Nê'àh = Noa avec Néhiel, mais sans autre 
raison qu'une vague ressemblance des noms. 

MOADAÎÀ (hébreu : Nô'adeyâh; Septante : Nwa- 
8îa}, lévite, fils de Bennoï. Il vivait du temps d'Esdras 
et revint avec lui de captivité à Jérusalem, où il fut 
ehargé, avec plusieurs autres, de peser l'or, l'argent et 
les vases précieux qui avaient été rapportés de Chaldée. 
pour le service du Temple. I Esd., vm, 33. 

NOADIA, nom, en hébreu, Nô'adeyâh, de deux per- 
sonnes que la Vulgate appelle, l'une Noadaïa, l'autre 
Noadias. 

NOADIAS (hébreu : Nô'adeyâh; Septante : Nwoe- 
îîa), fausse prophétesse qui, de concert avec les Sama- 
ritains et les ennemis des Juifs, voulut empêcher, par 
la terreur, Néhémie de reconstruire les murs de Jéru- 
salem. Les Septante et la Vulgate font de Noadias « un 
prophète », mais le texte hébreu l'appelle expressément 
« une prophétesse », nebî'âh. Il Esd., vi,14. 

NO-AMON, NO (hébreu : Nô',. Nô'-'Amôn; Sep- 
tante : ©rjëoci, AiôoTtoiic, v-zpk 'A[i|ifi>v ; Vulgate : 
Alexandria), capitale de l'Egypte. 

I. Nom. — pDN- ni, Nô'-'Amôn, Nahum, m, 8, est 

la transcription exacte de l'égyptien I™"™, Nout 

eu Nouit Amen, «la ville, le domaine d'Amon » (Papyr. 
Sallier, m, 6, 8), comme nj, Jer. , xlvi, 25 ; Ezech., xxx, 14, 

15,16, est la transcription également de ", Nout, « la 

ville par excellence- » Cest la ^njû *■*-] > Ni' a, des 
textes cunéiformes. G. Smith, History of Assurbanipal, 
Londres, 1871, Cyl. A, col. u, lig.' 65, etc., p. 53. Les 
Grées, en vertu de l'identification de leur Jupiter avec 
Amon, traduisirent ce nom au pied de la lettre par Dios- 



polis, Aiôo-itoXi;, « la ville de Jupiter, » qu'ils appelèrent 
la Grande, vi (le^âX»), pour la distinguer de plusieurs 
autres Diospolis, en particulier du chef-lieu du xvn e nome 
dans le Delta, le Diospolile ou Sébennyte inférieur. J. de 
Rougé, Géogr. de la Basse-Egypte, Paris, 1891, p. 115- 
118. Avant eux les Égyptiens citaient constamment Nout 
sous ses différents noms en parallélisme avec la Nout 

du Delta. EUe était pour eux « la ville du midi »,^ i N 

Nout risil, l'autre « la ville du nord », ^ , Nout 

mehetj. Cf. Brugsch, Dictionnaire géogr. de VÉgypU 
ancienne, Leipzig, 1879, p. 705. Pour cette dernière, on 
ne cite aucun exemple certain de la forme Nout-Amen. 

— Nout avait d'autres noms. On l'appelait encore : 

L J I*™", Pérou Pi Amen, «la demeure d'Amon, »noro 
sacré de la ville et de ce chef l'équivalent de Noiit-Amen ; 

— T &> Ouast, en sa qualité de métropole civile du 
iv B nome de la Haute-Egypte; — I ■©, Apel, pour 

désigner le quartier monumental qui comprend sur la 
rive droite du fleuve le Louxor et le Karnak de nos 

jours; — l'j O, Apet-asout, pour marquer spécia- 
lement Karnak. Pourquoi les Grecs lui donnèrent-ils le 
nom de Thèbes? Les uns, comme Steindorff, voir Baede- 
ker, Egypte, Leipzig, 1903, p. 236, renoncent à l'expli- 
quer; d'autres, comme Chabas, Œuvres diverses, t. n, 
p. 250, dans la Bibliothèque êgyptologique, t. x, s'y 
sont essayés sans satisfaire personne. Brugsch écrit bien, 
Dict. géogr., p. 946, que la partie habitée de la ville se 

disait ^fc-y IIJ^, Dimaiou, et Mariette ajoute que Thè- 
bes était pour tous « la ville par excellence», «^•l/l"^', 

Tema. Or, dit-il, « rien n'est plus fréquent dans l'anti- 
quité que la permutation de Vm et du b... Homère a 
connu une Tema (Tèba) dont le nom sonnait à son 
oreille comme celui de ©ijëat de Béotie, et il a adopté ce 
nom. » Voyage dans la Haute-Egypte, in-16, 1903, 
p. 151-152. Mais aucun égyptologue ne semble avoir pris 
en considération cette étymologie. Peut-être pourrait-on 
penser avec certains que par l'adjonction de l'article 

féminin •jk , ta, devant le nom féminin Apet, on a 

obtenu Ta-Apet, Tape, ©îjëoci, tout comme les Coptes 
dérivèrent directement du même mot leur tmic, Thèbes. 
IL. Sa. topographie. — A Thèbes, le Nil achève la 
courbe qu'il décrit vers Erment : il coule donc ici plutôt 
du sud-est au nord-ouest. Suivant l'usage, et pour sim- 
plifier, nous supposons qu'il va du sud au nord. Quand 
Strabon visita Thèbes à] la fin de l'ère ancienne, il n'y 
rencontra que des temples en ruines et quelques bour- 
gades éparses sur les deux rives du Nil. C'est encore au- 
jourd'hui à peu de chose près le même spectacle (fig. 442). 
La grandeur des ruines nous laisse toutefois deviner 
qu'une ville immense était assise là jadis sur les deux 
bords du fleuve. Mais après les ravages qu'elle a subis 
à travers les longs siècles qui nous séparent de sa splen- 
deur, il est difficile d'en retrouver les limites exactes, 
et, sur ce point, les. renseignements des anciens sem- 
blent contradictoires. Si nous faisons le tour des ruines 
en commençant par Louxor qui forme la partie sud de 
la rive droite, nous rencontrons d'abord sur ce même 
côté Karnak et la série des temples groupés autour du 
grand temple d'Amon, puis Médamout situé dans les 
terres vers la chaîne arabique et qui parait avoir été le 
quartier nord de la Thèbes orientale. Revenant à Kar- 
nak et franchissant le fleuve nous atteignons Qournah 
qui commence la ligne des temples dont le Ramesseuin 
occupe à peu près le centre et Medinet-Habou l'extré- . 
mité sud. Si maintenant, -négligeant Médamout, nous 
faisons passer une ligne par tous ces monuments, nous 
obtenons d'après les calculs des savants de l'Expédition 



1637 



NO-AMON 



1638 



française (1798-1801), un circuit de quatorze kilomètres 
environ. Or, Diodore de Sicile, i, 45, donne à la ville 
de Thèbes un circuit (rapt'ëoXov) de cent quarante stades. 
Diodore, ayant tiré ses récits des Annales des prêtres 
égyptiens ou des écrits des voyageurs plus anciens que 
Jui qui paraissent avoir puisé à la même source (l. c, i, 
46), « il n'y a point de doute qu'il ne fasse mention de 
Stades égyptiens qui doivent être évalués à cent mètres. 
Il résulte de là que le circuit donné par Diodore à la 
ville de Thèbes serait de quatorze mille mètres. Cette 
mesure convient très bien au contour d'une ligne qui 
envelopperait Karnak, Louxor, Medinet-Habou, le Mem- 
nonium, le tombeau d'Osymandias (Ramesseum) et 
Qournah sans y comprendre Médamout... Ce contour 



cette dénomination de Diospolis n'était plus donnée à 
tout ce qui, dans la haute antiquité, avait porté le nom 
de Thèbes; mais qu'elle devait être plus particulière- 
ment appliquée à la partie de l'ancienne ville qui com- 
prend Karnak et Louxor, et à tout l'espace qui existe 
entre ces deux endroits sur la rive orientale du fleuve. 
En effet, Strabon dit positivement que c'était là qu'était 
la ville à l'époque où il voyageait en Egypte, et il a soin 
d'observer que, sur la rive opposée il existait une autre 
partie de Thèbes où se trouvait le Memnonium.. » Loc. 
cit., p. 248. Deux autres auteurs nous ont donné des 
chiffres sur l'étendue de Thèbes : Etienne de Byzance 
et Eustathe. Le premier, citant Caton, déclare que la 
ville, avant qu'elle ne fût ruinée par les Perses, avait 




442. — Plan d'ensemble de Thèbes. 



est plus grand que quatorze et moindre que quinze mille 
mètres..., le résultat approche de trop près de la vérité 
pour que nous ne le regardions pas comme entièrement 
exact. » Jollois et Devilliers, Dissertation sur la position 
géographique et l'étendue de Thèbes, dans la Descrip- 
tion de l'Egypte, Paris, 1821, t. n, p. 234. De son côté, 
« Strabon rapporte que de son temps, on retrouvait des 
vestiges de )a grandeur de Thèbes dans une étendue en 
longueur d'environ quatre-vingts stades » {loc. cit., p. 235) : 
xot vûv S't'/vT) Ssîxvutai toO [iiye6oy; aÙTÏji; lia biiorpovcot 
arctSîout tô (lîjxo;. Geogr., xvn, 46. Le stade de Strabon 
est de i58 m lB, ce qui fait donc 12698 mètres. « C'est en 
effet là, à peu près, l'étendue qu'occupent, le long des 
bords du fleuve, toutes les ruines que l'on peut consi- 
dérer comme appartenant à Thèbes, depuis Médamout 
jusqu'au petit temple situé au sud de l'Hippodrome de 
Medinet-Habou. » Jollois et Devilliers, loc. cit., p. 235. 
Il est à remarquer que Diodore et Strabon ne parlent 
que de la ville qu'ils ont vue et qui n'était plus Thèbes, 
mais Diospolis. « Il parait qu'au temps des Romains 



quatre cents stades de longueur. De Urbibus et populis 
édit. 1678, p. 240. Eustathe, Gommentar. in Periege- 
tem, v, 250, sans parler de longueur ou de circuit, lui 
attribue quatre cent vingt stades. D'Anville, Mémoires 
sur l'Egypte ancienne et moderne, Paris, 1766, p. 201- 
202, est arrivé à concilier ces deux derniers auteurs 
avec Diodore et Strabon, mais en substituant, dans Dio- 
dore, au mot uspt'6o).ov celui de, |a?xoc, et au mot \ir;t.Qç. 
daris^a citation de Caton, celui de 7tept'6oXov. « Cette 
explication est ingénieuse, sans doute, disent Jollois et 
Devilliers; mais elle n'est guère probable. Commen 
supposer, en effet, qu'une altération de texte, de la na- 
ture de celle qu'il faut admettre, ait pu avoir lieu dans 
trois écrivains différents? » Loc. cit., p. 236. Et les deux 
savants déclarent s'en tenir aux témoignages plus an- 
ciens de Diodore et de Strabon et abandonnent Etienne 
de Byzance et Eustathe. Dans une étude récente, M. Le- 
grain a repris le problème. Note sur Nouit-Risit, dans 
le Recueil des Travaux relatifs à la Philologie et à 
l'Archéologie égyptiennes et assyriennes, t. xxvi, 1904, 



1639 



NO-A.MON 



1640 



p. 84-88; Seconde note sur Nouit-Risit, loc. cit., t. xxvii, 
1905, p. 183-187. De son travail, il résulte que la Nout 
du Sud, que nous avons rendue par ville ou domaine, 
désignait dans les textes hiéroglyphiques Thèbes et son 
district. Thèbes fut bien pendant longtemps la métropole 
du sud et la capitale des souverains, mais elle eut tou- 
jours sa vie communale propre et son territoire. De ce 
chef elle jouissait d'une administration particulière. Le- 
grain, Note, loc. cit., p. 85-86. Son étendue parait avoir 
répondu à la commune actuelle de Louxor, c'est-à-dire 
mesurer une longueur d'environ 45 kilomètres. M. Le- 
grain le déduit d'un texte de la tombe de fiekhmara où 
sont énumérées toutes les communes de la province du 
sud. La commune de Thèbes aurait été comprise entre 
Rizagat au midi et Gamoulah au nord. Note, loe. cit., 
p. 86-88. Cf. Newberry, The life of Rekhmara, pi. ni 
et p. 24, pi. v-vi et p. 26-29. C'était là le domaine 
d'Amon, régi par un gouverneur et un maire sous la 
haute autorité du vizir qui administrait toutes les com- 
munes de Siout à Assouan. « Au-dessous de ces trois 
fonctionnaires principaux, se rangent des cheikhs, des 
employés municipaux de grades différents et des bour- 
geois. Viennent ensuite les gens du commun, serfs ou 
esclaves, n'ayant aucun droit municipal ni vie politique. 
Tout ce monde appartenait au fief d'Amon, en vivait et 
le faisait valoir. C'est ce que semble indiquer la Version 
des Septante qui pour rendre exactement le No-Amon 

hébreu, Nàhum, m, 8, la w l^^, des textes hiérogly- 
phiques, traduit par ttjv fieplSa 'Afifuàv, portion ou pos- 
session d'Amon. » Seconde note, Loc. cit., p. 183. Il 
en fut ainsi tant que Thèbes n'eut pas été ruinée par 
les Perses et qu'on n'eut pas usurpé les biens des tem- 
ples. C'est précisément de l'époque antérieure aux 
Perses que parlent de façon explicite Etienne de Byzance 
et Eustathe. Ils paraissent donc nous donner l'étendue 
du fief d'Amon ; et leurs 400 et 420 stades, soit 40 ou 
42 kilomètres, ne s'écartent point trop, pense M. Legrain, 
des 45 kilomètres assignés à la Nout-Risit. En résumé, 
d'après ce qui précède, nous connaîtrions la longueur 
de Diospolis au temps de Diodore et de Strabon : 14 kilo- 
mètres environ; nous connaîtrions aussi l'étendue du 
domaine d'Amon. Mais les temples n'étaient que des 
centres, la ville proprement dite rayonnait au delà; au 
sud de Medinet-Habou, par exemple, il y eut le palais 
d'Aménophis III : il reste donc encore, et peut-être qu'il 
restera toujours, de connaître la véritable étendue de 
la Thèbes hécalompyle ou aux cent portes d'Homère. 

III. Thèbes monumentale et v le dieu Amon. —A l'ori- 
gine Thèbes ne fut qu'une bourgade aussi obscure que 
son dieu. « Sur les monuments des six premières dy- 
aasties publiées jusqu'à ce jour, dit Maspero, j'ai trouvé 
une seule fois, dans un nom propre, le nom du grand 
dieu de Thèbes, Amon, le seigneur des deux mondes, le 
patron de l'Egypte au temps des conquêtes syriennes. » 
Hisl. anc. des peuples de l'Orient, 6 e édit., Paris, 1904, 
p. 108. En 1903, Percy E. Newberry découvrit dans 
la nécropole thébaine, au sud-est de l'Assassif, une tombe 
de la fin de la VI e dynastie. 11 remarqua ce fait étrange 
que dans ce tombeau d'un prince de Thèbes on ne men- 
tionne ni le nom d'Amon, ni le nom de la ville de 
Thèbes. Par contre on y cite Erment et Dendérah avec 
leurs divinités respectives, Mentou et Hathor. A sixth 
dynasty Tomb at Thèbes, dans les Annales du Service 
des Antiquités de l'Egypte, t. rv, 1903, p. 99-100. Mais 
Thèbes était admirablement située, à 720 kilomètres du 
Caire, sur la rive droite du fleuve, au centre d'une vaste 
et-fertile plaine. Sur la rive opposée, « juste en face 
d'elle, la chaîne libyque lance un rameau escarpé, en- 
trecoupé de ravines et de cirques arides, et séparé de la 
kerge par une simple langue de terre cultivée, facile à 
défendre. » Maspero, Histoire de l'Orient classique, 1. 1, 
p. 453. C'était une capitale toute désignée, un centre 



et un point d'appui d'où l'Egypte jetterait ses armées au 
sud pour conquérir le Soudan, au nord pour asservir, 
chasser les envahisseurs et atteindre l'Euphrate. Vers 
elle affluerait le commerce des bords du Golfe persique 
et de la mer Rouge par la route de Coptos, de l'Afrique 
par le Nil, les routes du désert et les oasis. C'est ce que 
semble avoir vaguement deviné la famille des Antef et 
des Mentouhotep qui organisa la lutte contre les dynas- 
ties héracléopolitaines, finit par mettre la main sur 
toute l'Egypte et fonda la XI e dynastie. Du coup Amon 




Le dieu Khonsou. 



Portrait de la fin de la XVIII- dynastie, 
représentant vraisemblablement Horemheb ou Harmhabi. 

se dégage de l'ombre et partage les hommages avec 
Mentou. Sous la XII e dynastie, celle des Aménémhat et 
des Osortésen, il prend décidément le premier rang 
comme dieu local thébain : il est déjà celui que Jérémie, 
xlvj, 25, appellera plus tard Amon de No. Mentou n'est 
plus que le second membre de la triade de Thèbes, 
encore est-il vite détrôné par le dieu lunaire Khonsou 
(fig. 443). Cf. E. de Rougé, Étude des monuments du 
massif de Karnak, dans les Mélanges d'archéologie 
égyptienne et assyrienne, t. i, p. 38. Associé désormais 
à Moût, la mère, et à Khonsou, le fils, Amon est iden- 
tifié au soleil, devient Amon-Ra et a le pas sur tous les 
autres dieux de la région. Voir une reproduction de la 
triade, thébaine, t. i, fig. 118, col. 487. A la suite des 
Antef, tous les pharaons du Moyen Empire « élèvent 
dans Rarnak leurs monuments à leur père Amon, Sei- 
gneur des deux mondes ». Les fragments de colonnes 
polygonales à seize pans, les piliers, les tables d'offrandes 
aux reliefs exquis, les statues en granit d'un beau tra- 
vail, mis au jour ces dernières années, nous disent assez 
que nous sommes loin de l'édicule primitif qui abrita 
le dieu « né dans Karnak dès le commencement ». Stèle 
du Louvre A. 68, dans Pierret, Études égyptologiques, 
t. i, p. 8; E. de Rougé, Textes géographiques d'Edfou, 
pi. xxi et p. 58. Ils nous disent aussi que la fortune du 
dieu et celle de Thèbes sont en raison directe de la for- 
tune de la famille royale qui, sous la XII e dynastie, mena 
si haut et si loin la civilisation égyptienne. Pour tout 



1641 



NO-AMON 



1642 



ce qui concerne les souvenirs du Moyen Empire à Kar- 
nak, voir surtout les Rapports de M. Legrain sur ses 
fouilles remarquables, dans Annales du Service des 
Ant., par exemple, t. iv, 1903, p. 12-13, 26-30, et t. v, 
1904, p. 27 sq. 

L'invasion des Hyksos vient arrêter l'essor de Thèbes 
•et d'Amon. Ils reculent devant le dieu Soutekh. Mais 
les descendants de la famille thébaine ne désespèrent 
ni d'eux-mêmes ni de leur dieu. Ils se serrent autour 
de lui et, après plusieurs siècles de lutte, Thèbes et 
Amon-Ra rayonnent de nouveau sur toute l'Egypte avec 
Ahmès I», le fondateur de la XVIII e dynastie. Bientôt 
même le Nouvel Empire s'étend, sous les Thoutmès, des 
plaines du Sennaar sur le Nil Bleu jusqu'aux sources 
■de l'Euphrate. Les Pharaons attribuent toutes les vic- 
toires à Amon. C'est lui qui a conduit l'Egypte au som- 
met de sa puissance et réuni dans la main de Pharaon 
tout le monde alors connu. « J'ai fait de toi une mer- 
veille, dit Amon à Thoutmès III, dans un morceau cè- 



de granit, hautes de trente-deux mètres, s'élèvent dans 
le vestibule de Thotmès I er . L'inscription du socle en- 
seigne & aux hommes à venir » que c'est elle, Hatchep- 
sou, qui est l'auteur de ces merveilles. Elle le rappelait 
aussi sur une pierre d'un mur voisin, Musée du Caire, 
n. 360 : «c Le roi lui-même (la reine) dresse deux grands 
obélisques (flg. 444) à son père Amon-Ra, à l'intérieur 
du portique auguste ; ils sont couverts d'électrum en 
grande quantité, leur pointe se perd dans le ciel, ils 
éclairent le monde comme le disque solaire; rien de 
pareil n'a été fait depuis que la terre existe. » Et sur le 
socle encore : « J'ai commencé à tailler l'ouvrage 
l'an XV, le I er méchir jusqu'à l'an xvl, le 30 mesori, ce 
qui fait sept mois depuis qu'on attaqua la montagne. » 
k L'un des monolithes est encore debout au milieu des 
ruines de Karnak, et la pureté de ses lignes, le fini de 
ses hiéroglyphes, la beauté des figures qui le recouvrent, 
nous expliquent l'orgueil que la reine éprouvait à les 
admirer, son frère et lui. » Maspero, Hist. de l'Or. cl. 




m 

là 




444. — Bas-relief du temps de la reine Hatchepsou (Hatasou) à Karnak, représentant les deux obélisques avec les inscriptions. 



lèbrè ; je t'ai donné force et puissance sur toutes les 
terres étrangères, j'ai répandu tes esprits et ta terreur 
sur toutes les contrées, ton effroi jusqu'aux quatre 
piliers du ciel; j'aj multiplié l'épouvante que tu jettes 
dans les cœurs, j'ai fait retentir le mugissement de ta 
Majesté parmi les chefs des neuf arcs (les nations enne- 
mies de l'Egypte) : tous les chefs des nations étrangères 
sont dans ton poing. » Suit l'hymne bien connu qui 
■n'est qu'une reprise et un développement en grand 
style égyptien de ce qu'on vient de lire, Stèle de Karnak, 
dans Mariette, Karnak, pi. xi. Cf. Maspero, Hist. de 
l'Orient classique, t. il, p. 268, 269. L'Egypte recon- 
naissante place Amon au sommet de son panthéon. Ra 
d'Héliopolis, le dieu de l'Ancien Empire, ne monta jamais 
si haut. Amon l'efface ou l'absorbe, comme il a déjà effacé 
ou absorbé les dieux voisins de Thèbes. Si le protocole 
royal garde le titre de « Fils du Soleil », ce n'est qu'en 
vertu de l'usage. Amon-Ra est vraiment le dieu national 
de l'Egypte et Pharaon est « le fils de ses entrailles », 
comme l'attestent les théogamies conservées dans les 
temples de Deir el-Bahari et de Lpuxor. Cf. A. Moret, 
Du caractère religieux de la royauté pharaonique, 
Paris, 1902, c. n, p. 39-73. Aussitôt l'ancien sanctuaire 
est restauré et agrandi : son enceinte recule, les cha- 
pelles s'y multiplient, les pylônes s'ajoutent aux pylônes, 
, les portes dorées aux portes dorées, les obélisques aux 
obélisques. En ce dernier genre, nul ne fait plus grand 
que la reine Hatchepsou. Par son ordre deux aiguilles 



1. n, p. 244. Ce n'est pas tout : par la volonté d'Améno- 
phis III et toujours pour la gloire d'Amon, le temple 
de Louxor ne tarde pas à sortir de terre avec son im- 
posante colonnade; dans la mouvance de Karnak, Moût 
a son édifice, sans compter nombre d'autres chapelles 
qui surgissent partout, comme le Promenoir de Thot- 
mès HI, immédiatement à l'est du sanctuaire de la 
XII e dynastie. Sur une longueur de trois kilomètres, 
une allée de béliers relia Louxor à Karnak et, par une 
bifurcation, au temple de Moût, relié lui-même à Kar- 
nak par une allée semblable (fig. 445). 

Toutefois, pour des causes demeurées obscures, 
Thèbes et son dieu subirent une éclipse momentanée. 
On vit Aménophis IV, le neuvième roi de la XVIII e dy- 
nastie, rompre subitement en visière avec le culte et la 
capitale de ses ancêtres. Laissant derrière lui le nom 
d'Amon martelé sur tous les monuments thébains, il 
vint fonder entre la Haute et la Moyenne Egypte une 
nouvelle capitale à un nouveau dieu : le Disque solaire. 
Mais il allait contre le sentiment de la nation, et ses 
successeurs, moins d'un siècle après, revinrent à Thèbes, 
relevèrent ses ruines et réhabilitèrent le dieu national. 
Celui-ci fut plus puissant que jamais; et les grands Ra- 
messides de la XIX e dynastie, jusqu'à Ramsès III de 
la XX e , firent de Karnak le temple le plus prodigieux et 
de Thèbes la ville qui fut l'étonnement de toute l'anti- 
quité. C'est le moment où les poètes chantent : « Hom- 
mage à toi, Amon-Ra, seigneur de Karnak, l'ancien 



1643 



NO-AMON 



1644 



unique des cieux, le plus ancien sur la terre, maître 
de vérité, père des dieux, auteur des choses d'en haut 
et des choses d'en bas, toi qui éclaires le monde et 
traverses le ciel en paix, Ra, bienheureux roi; chef su- 
prême de l'univers, riche en force et en puissance... 
roi, le plus grand des dieux, nous t'adorons parce que 
tu nous as créés, nous t'exaltons parce que tu nous as 
façonnés, nous te bénissons parce que tu demeures 
parmi nous. » Mariette, Papyr. de Boulak, t. il, n, 17, 
pi. xt et p. 7 et 8. C'est le moment aussi de la grande 
salle hypostyle que dessina Ramsès I er , qu'éleva Séti 1er, 



Ch. Blanc, Voyage dans la Haute-Egypte, Paris, 1876, 
p. 158. « Je me garderai bien de rien décrire, dit 
Champollion ; car ou mes expressions ne vaudraient 
que la millième partie de ce qu'on doit dire en parlant 
de tels objets, ou bien, si j'en traçais une faible esquisse, 
même fort décolorée, on me prendrait pour un enthou- 
siaste, peut-être même pour un fou. Il suffira d'ajouter 
qu'aucun peuple ancien ni moderne n'a conçu l'art de 
l'architecture sur une échelle aussi sublime, aussi large, 
aussi grandiose que le firent les vieux Égyptiens; ils 
concevaient en hommes de cent pieds de haut, et 



'^J^r' — "-^ 






G5'>1 



Kl %» 



Temple 
S 1 d'Osmis etd'Opet 

-■"" !iyflrr'!By- ,,,,,,,,,,,m '«™ 

S5 Hiiii»iiïîiB""«^^^*J*'J 
SM TEMPLE 

8-* „ DE- KHONSOU 



'?\ i 



9 







".£, • 




ie Temple 
f d'AmênopIrisI 



ChapeI| B d'Osi 










S r\\ 



mi 



y^./ 



sC3 ""l 



ma. - Groupe des temples de Kamak 



qu'acheva et décora Ramsès II (fig. 446). Nous ne 
pouvons que l'indiquer ici. Sur cent trois mètres de 
largeur et cinquante-deux de profondeur, soit sur une 
superficie de cinq mille mètres carrés, c'est une forêt 
de cent trente-quatre colonnes, lotiformes dans les 
bas-côtés, campaniformes dans l'allée centrale. Ces 
dernières, au nombre de douze, montent jusqu'à vingt- 
quatre mètres, leurs fûts ont plus de dix mètres de 
circonférence, et, par suite, égalent la colonne Vendôme 
ou la colonne Trajane ; soixante personnes tiendraient 
à l'aise sur une seule de leurs campanes. Les colonnes 
des bas-côtés montent à treize mètres et leur circonfé- 
rence est de huit mètres quarante. « Les entre-colon- 
nements n'étant pas beaucoup plus larges que le dia- 
mètre de ces prodigieuses colonnes, il en résulte une 
demi-obscurité qui ajoute le prestige du mystère à la 
puissance cyclopéenne des constructions. On est comme 
perdu dans une épaisse forêt; le monde des figures 
qui sont peintes en vives couleurs et qui tournent sur 
la convexité des colonnes vous donnent le vertige. » 



1 imagination qui, en Europe, s'élance bien au-dessus 
de nos portiques, s'arrête et tombe impuissante au 
pied des cent quarante colonnes de la salle hypostyle 
de Karnak. » Lettres écrites d'Egypte, Paris, 1833, 
p. 98. 

Si l'on réduit le temple égyptien du Nouvel Empire à 
ses éléments essentiels, on voit qu'on y accédait par une 
allée de sphinx, au bout de laquelle on rencontrait deux 
obélisques sur le front d'un pylône; derrière le pylône, 
en enfilade, une cour à portiques, la salle hypostyle et 
enfin le sanctuaire et ses dépendances. Mais les cours, 
les pylônes, les salles, les obélisques pouvaient se mul- 
tiplier. C'est ce qui est arrivé à Karnak qui se déve- 
loppa jusque sous les Ptolémées. On leur doit le grand - 
pylône inachevé de l'Ouest. Le temple, d'ouest en est, 
compta six pylônes et mesura, en y comprenant au 
fond le Promenoir de Thotmès III, plus de huit cetrts 
mètres de longleur. Au sud quatre autres pylônes, 
comme autant de portes triomphales, partaient de la 
cour centrale dans la direction du' temple de Moût, 



1645 



NO-AMON 



1646 



laissant à gauche le Lac sacré, A faire le tour de la 
grande enceinte, on marche près d'une lieue, Ram- 
sès II, « le roi pariétaire, » ajouta une cour et un 
pylône en avant du temple de Louxor et dressa ses 
colosses, vingt-trois au moins, à l'intérieur, et à l'exté- 
rieur. Le tout était précédé de deux obélisques dont le 
plus petit s'élève aujourd'hui sur la place de la Con- 
corde. Le second membre de la triade thébaine, Khon- 
sou, n'avait pas été oublié par les grands bâtisseurs, 
mais son temple tombait en ruines. Hamsès IJI, le 
dernier d'entre eux, y remédia en érigeant à l'angle 



Sésostris, sont au «entre, un peu au nord des colosses. 
Derrière la ligne des temples — ils durent être plus de 
quarante et répondre au nombre des tombes de la 
Vallée des Rois — derrière la ligne des temples, sur 
une longueur de cinq kilomètres, montent les blondes 
terrasses libyques avec leurs noirs syringes, alignées, 
étagées par rayons. Dans leur milieu, ces terrasses 
s'ouvrent en un vaste amphithéâtre au fond duquel se 
déploie et se dresse une falaise abrupte de cent cin- 
quante mètres, couronnée là-haut comme d'une immense 
pyramide à degrés. Au fond de cette solitude de calcaire, 




445 b. — d'après Mariette et Legrain. 



sud-ouest de la grande enceinte le sanctuaire que 
devaient terminer ses successeurs (fig. 447). Plus 
heureux, Montou, devenu le dieu de la guerre pour le 
compte d'Amon, eut de bonne heure deux temples, 
l'un à l'extérieur de l'enceinte de Karnak, au nord, 
l'autre, à Médamout. 

Jetons un regard sur la rive gauche. En hiver, 
lorsque de la Thèbes des vivants on passe dans la 
Thébes des morts, ce que d'abord on aperçoit des 
berges du Nil c'est une plaine verte et lumineuse : elle 
s'allonge au sud et au nord, entre Ja montagne et le 
fleuve. Là-bas, en face, à la lisière, mais encore dans 
les champs d'orge, se profilent les deux colosses de 
Memnon : ils annonçaient le temple disparu d'Améno- 
phis III. Et tout de suite, ce sont les régions de la mort, 
marquées à leur extrémité septentrionale par le temple 
de Qournah, monument de Séti h', et à leur extrémité 
méridionale par les pylônes de Medinet-Habou, monu- 
ment de Ramsès III. Voilées d'un léger rideau de tama- 
risques, les colonnades du Ramesseum, monument de 



contre cette grande paroi, la reine Hatchepsou vint 
adosser sa chapelle, perçant la roche pour y enfoncer 
son sanctuaire au bout de trois terrasses, à côté d'une 
autre chapelle de la XI e dynastie. Dans le contrefort de 
l'aile nord du cirque, on trouva en 1891 les cent 
soixante-trois cercueils des prêtres d'Amon. En 1881, 
on avait déjà découvert dans l'aile sud les momies royales 
soustraites sous la XXI e dynastie aux profanateurs de 
ja^Vallée des Rois ou gorge profonde qui s'ouvre 
brusquement derrière la paroi de Deir el-Bahari et va 
déboucher par une étroite et sinueuse issue trois kilo- 
mètres plus loin, au-dessus du temple de Qournah. Si la 
Vallée des Rois était bien faite pour abriter les syringes 
royales, elle n'était pas assez vaste pour contenir les 
cénotaphes qui font partie intégrante de toute grande 
sépulture égyptienne. Cela nous explique que nous 
ayons rencontré de ce côté de la montagne, en bor- 
dure de la plaine, les temples funéraires des grands 
pharaons de la XVIII e à la XX e dynastie. Tous ces 
temples étaient consacrés à Amon. 



1647 



NO-AMON 



1648 



La fortune de l'Egypte devait profiter à un dieu si 
honoré. L'énumération de ses richesses nous a été con- 
servée par le grand Papyrus Ilarris qui nous ramène 
à la fin du règne de Ramsès III, c'est-à-dire vers l'an 
1150 avant notre ère. Nous y voyons que dans le total 
immense des donations faites aux dieux par les prédé- 
cesseurs de Ramsès III, confirmées et augmentées par 
ce prince, Amon de Karnak avait eu la part du lion. Il 
détenait 86.486 esclaves, 4SI .362 têtes de bétail, 
898.168 aroures de terre à blé, 433 vignobles, 56 villes 
d'Egypte, 9 villes syriennes, sans compter d'innom- 
brables trésors et provisions entassés dans les dépen- 
dances du temple. On a calculé, qu'à lui seul, Amon 
possédait un dixième du sol égyptien et qu'un centième 



(77 tonnes). Je fis prévaloir mes armes sur l'Egypte et 
l'Ethiopie; j'y accomplis de hauts faits. Je retournai 
sain et sauf, les mains pleines, à Ninive, ma capitale. » 
Cyl. A, col. il, lig. 71-83, dans G. Smith, History of 
Asswbanipal, p. 53-65, et Assyrian Discoveries, p. 328- 
329. Puis vinrent Nabuchodonosor et les Perses. Toute- 
fois, tant qu'il y eut en Egypte des souverains nationaux 
et que la guerre civile ou étrangère leur laissa quelque 
répit et des ressources, on travailla au temple de Kar- 
nak. Le dernier Nectanèbe y éleva la porte orientale du 
grand mur d'enceinte. Peu après les Ptolémées, ce fut 
l'abandon complet. Thèbes ne fut plus qu'un lieu de 
pèlerinage visité par les voyageurs : les chrétiens logèrent 
leurs églises dans les temples, les moines s'y aména- 




446, — Salle hypostyle de Karnak. D'après une photographie. 



de la population était sa chose. Cf. Erman, Aegypten 
uni âgyptisches Leben, édition anglaise, Londres, 
1894, p. 299^03. Les grands-prêtres d'un tel dieu ne 
pouvaient que bénéficier de la gloire de leur maître. 
Aussi dès que les derniers Ramessides dégénérés eurent 
disparu de la scène, ils se trouvèrent prêts pour ceindre 
la couronne des deux Égyples. Les rois-prêtres rem- 
plissent la XXI e dynastie. Ils disparaissent ensuite et la 
capitale est transférée dans le Delta. Thèbes abandonnée 
ne fut bientôt plus que l'ombre d'elle-même. Les troupes 
assyriennes la rançonnèrent une première fois sous 
Tharaca (668). Montoumhat, le gouverneur de Thèbes, 
avait à peine eu le temps de purifier les temples et de 
réparer les désastres sur le passage de l'ennemi, E. de 
Rougé, Etude sur tes won. du massif de Karnak, loc. 
cit., p. -18-19, que celui-ci reparut (664). Cette fois 
Thèbes fut mise à. sac. « Mes mains, dit Assurbanipal, 
prirent la ville dans sa totalité. Je saisis l'or, l'argent, 
les pierres précieuses, tous les trésors du palais royal, 
les étoffes teintes en berom, de grands chevaux, la po- 
pulation mâle et femelle. J'enlevai dé leur base, à la 
porte d'un temple, pour le pays d'Assur, deux grands 
obélisques du poids de deux mille cinq cents talents 



gèrent des couvents, une partie des habitants de la rive 
gauche demanda un abri aux tombes profanées. Mais 
ses ruines sont restées si imposantes jusqu'à nos jours, 
malgré le tremblement de terre de l'an 27 avant J.-C. 
et les vandalismes de toute provenance, qu'elles n'ont 
cessé d'exciter la plus vive admiration. On sait qu'en 
1799 les soldats de l'armée française s'arrêtèrent muets 
devant la majesté des ruines de Thèbes, qu'ils présentè- 
rent les armes et que les tambours battirent aux champs. 
IV. Thèbes et la bible. — La ville de Nout est nom- 
mée par les prophètes Nahum, Jérémie et Ézéchiel, 
dans le texte hébreu de la Bible. — 1° Nahum, m, 8- 
10. Le prophète vient d'annoncer la chute de Ninive. 
Il poursuit, s'adressant à la ville coupable, fr. 8 : « Vaux- 
tu mieux que No-Amon, assise au milieu des fleuves, 
que les eaux environnent, qui avait la mer pour rem- 
part et dont les eaux étaient la muraille? Kousch était 
sa force, ainsi que l'Egypte, et ils étaient innombrables; 
Phut et les Libyens étaient ses auxiliaires. Elle aussi 
est allée en exil, elle a été captive; ses petits enfants 
aussi ont été écrasés à l'angle" de toutes les rues; on a 
jeté le sort sur ses nobles, et tous ses grands ont été 
chargés de chaînes. » Saint Jérôme, dans la Vulgate, a 



1649 



NO-AMON 



1650 



rendu j"idn m par Alexandria populorum. Il y fut 
induit par son maître d'hébreu : Heurxus qui me in 
Scripturis erudivit, ita legi passe asseruit :numquid es 
melior quam No-Anton, et ait, hebraice No dici 
A lexandriam;AMON autem multitudinem sive populos. 
In Nahum, m, 8, t. xxv, col. 1260. Il était d'ailleurs 
persuadé que No était une ville du Delta située sur la 
place que devait occuper plus tard la capitale des Pto- 
lémées, et il la baptisa, en vertu d'une prolepse, du nom 
d'Alexandrie : Nos autem pro No, Aleœandriam posui- 



du Prophète, » Gëogr. de la Basse-Egypte, p. 118, et il 
renvoie à Champollion qui, lui aussi, a soutenu que la 
description de Nahum ne convient pas à la Diospolis de 
la Haute-Egypte. L'Egypte, sous les Pharaons, t. il, 
p. 131-133. 

Récemment encore, W. Spiegelberg, Aegyptologische 
Randglossen zum Alten Testament, 1904, p. 31-36, a 
tenté de situer No-Amon, la [j.ept'801 'AjijMiv des Sep- 
tante, dans le Delta, à Balamoun. Mais il suppose que 
les envahisseurs s'aventuraient dans cette région; il 




447. — Portail d'Évergète I" devant le temple de Khonsou. 
D'après une photographie. Dans le lointain, Karnak et l'obélisque d'Hatchepsou. 



mus per anticipationem. In Ezech., xxx, 4, t. xxv, 
col. 289. Il ne s'avisa pas de songer que le prophète 
parlait d'une grande ville qu'il opposait à Ninive et qu'il 
fallait la chercher ailleurs que dans le voisinage de la 
Méditerranée et de l'humble Rakotis qui précéda Alexan- 
drie. Tous les interprètes anciens s'en tinrent à l'expli- 
-cation de saint Jérôme. Même de nos jours, Brugsch 
après avoir dit, Dict. géogr., p. 28, que « Nai-Amun, la 
-ville d'Amon », était « un des noms de la ville de Thèbes 

très exactement transcrit par j"iaK *to », se reprend un 

T 

peu plus loin au souvenir du passage de Nahum. «Ville 
fortifiée, ville située sur la mer et entourée de canaux, » 
ces expressions l'embarrassent. « Ces indications, dit-il, 
perdent toutes leurs valeurs, si on voulait reconnaître 
, la ville de Thèbes de la Haute-Egypte dans le nom cité 
•de Nô-Amun. » Loc. cit., p. 291. M. J. de Rougé dit à 
■son tour de la Ver-Amen du Delta : « C'est la No-Amun 



suppose surtout que la Diospolis inferior portait le 
nom de Nout-Amen, ce qu'il n'établit que par analogie 
avec la nomenclature des noms de Thèbes, les textes 
faisant défaut. Qu'il n'objecte pas que les inscriptions 
du Delta ont péri. Ailleurs que dans le Delta, et en les 
citant sous leurs divers noms, on parlait des villes de 
;cè~même Delta. Spiegelberg perd aussi de vue qu'au 
temps des prophètes Israël avait les mêmes ennemis 
que l'Egypte : les Assyriens. Or, parmi les villes prin- 
cipales nommées dans les textes cunéiformes (Cyl. A. 
de Rassam, col. i, lig. 90-109) on ne rencontre pas 
Diospolis inferior et nulle part n'apparaît son impor- 
tance politique. Par contre, au premier regard, le texte 
de Nahum nous montre qu'il ne peut y être question 
que d'une grande métropole, capable pour le moins de 
rivaliser avec Ninive dont le prophète vient de prédire 
la chute. Mais comment une ville si forte que Ninive 
et si considérable pourra-t-elle tomber? C'est l'objection 



1651 



NO-AMON 



1652 



qu'il faut prévenir et que Nahum prévient en effet : 
Thèbes est bien tombée, cette Thèbes si renommée, si 
forte, assise sur les eaux et au milieu des eaux; elle 
est tombée à la stupéfaction de l'Egypte et du monde, 
et Ninive ne tomberait pas ! La topographie ancienne 
de Thèbes différait sensiblement de l'actuelle : le Nil 
s'est éloigné de Karnak qu'il baignait, les canaux dont 
la trace est encore visible sillonnaient la ville et l'en- 
touraient; de plus Thèbes était la seule ville d'Egypte 
assise sur les deux rives du Nil : les eaux étaient donc 
sa muraille. Poussant plus loin, le nom de « mer » en 
hébreu, comme en égyptien d'ailleurs, est souvent 
donné aux grands fleuves. Cf. Is., xxvm, 1; xvm, 2; 
xix, 5, etc. Il y a là tous les éléments voulus pour ex- 
pliquer le langage d'un prophète qui se sert de l'hyper- 
bole pour frapper plus vivement les esprits, comme 
lorsqu'on nous dit des armées assyriennes prêtes à dé- 
vaster l'Egypte qu'elles en feront un « désert » et une 
« solitude », Ézech. xxix, 10 : la description de Nahum 
convient donc très bien à Thèbes. 

Déjà Samuel Bochart l'avait affirmé, Phaleg, 4, 27. 
Opéra, 3 in-f», Utrecht, 1692, t. i, col. 278. Les cylin- 
dres d'Assurbanipal sont venus enlever toute incertitude 
à ce sujet et du même coup fixer l'époque où vivait 
Nahum : il parle d'un fait qu'on n'a pas encore oublié. 
« Par la protection d'Assur, de Sin, et des grands dieux, 
mes maîtres, dit Assurbanipal, ils (mes généraux) enga- 
gèrent une bataille dans une vaste plaine, et disper- 
sèrent ses forces (celles deTanoutamen).Tanoutamanou 
s'enfuit seul et entra dans Ni'a, sa capitale. Dans un 
voyage d'un mois et dix jours, sur une route difficile, 
ils, (nies généraux) arrivèrent après lui, au milieu de 
Ni'â; Cette ville ils la prirent dans sa totalité et pas- 
sèrent sur elle comme un ouragan. » Tablette K 2675, 
recto lig. 70-74, verso lig. 1-5, dans Georges Smith, 
History of Assurbanipal, p. 55-56. Vient ensuite la des- 
cription du pillage, donnée plus haut et dans laquelle 
Assurbanipal dit qu'il « saisit la population mâle et 
femelle ». Nous voilà à peu près fixés sur la position de 
Ni'a : on s'est battu à l'entrée de l'Egypte, et quarante 
jours en remontant le fleuve, à travers un pays ennemi où 
les routes n'existèrent jamais et où l'oncompte du Caire à 
Louxor sept cent vingt kilomètres, n'étaient pas trop pour 
franchir la distance qui sépare de Thèbes le Delta orien- 
tal. Une seconde inscription sur la même campagne va 
faire pleine lumière. Ici Assurbanipal s'attribue les ex- 
ploits de; ses généraux. <s Dans ma seconde campagne, 
dit-il,je r ; marchai vers l'Egypte et l'Ethiopie.. Tanouta- 
manouapp'ritjla marche de -mes troupes et que je fou- 
lais le sol de l'Egypte. Il abandonna Memphis, et, pour 
Sauver sa vie," se réfugia dans Ni'a. Les rois, les préfets, 
lés gouverneurs que j'avais établis en Egypte, vinrent 
à ma rencontre et me baisèrent les pieds. A la suite de 
Tanoutamanou je me mis en route; j'arrivai à Ni'a, la 
cité forte; il vit l'approche de ma puissante armée et 
s'enfuit à Kipkip (capitale de l'Ethiopie). » Cyl. A, 
lig. 61-72, dans G. Smith, loc. cit., p. 52-53. C'est donc 
bien vers le midi que se trouve Ni'a, puisque l'armée 
d'Assurbanipal, venant du nord, passe Memphis que 
Tanoutamanou vient de quitter fuyant en Ethiopie, et 
Ni'a ne peut être que Thèbes. Cf. Knabenbauer, Com- 
ment, in Prophetas Minores, t. I, p. 40-41 ; Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, 
p. 83-85. . 

2° Jérémie, xlvi, 25 : « Je vais visiter Amon de No. » 
Ainsi parle le Seigneur par la bouche de son prophète. 
Ici encore, comme plus loin dans le texte d'Ezéchiel, 
la Vulgate rend No par Alexandria. Nous savons main- 
tenant qu'il s'agit de Thèbes. Il s'agit aussi de la pre- 
mière campagne de Nabuchodonosor en Egypte, cette 
Egypte qui a bercé Israël d'espérances folles et vers 
laquelle Israël a le tort de regarder. Nommer Nabucho- 
donosor, c'est dire que Ninive est tombée (608) et que 



le second empire chaldéen a remplacé le premier. Sui- 
vant Josèphe, qui cite le témoignage de Bérose et de 
Mégasthène, Contr. Apion., r, 19, 20; Ant. jud., X, n, 1 ; 
Mûller, Historicorum Grœcorum Fragmenta, lndica, 
fragm. 20, édit. Didot, t. n, p. 416; cf. Slrabon, i, 16, 
auxquels peut joindre Abydène, Mûller, loc. cit., t, îv, 
fragm. 8 et 9, p. 283, Nabuchodonosor aurait con- 
quis l'Egypte, une grande partie de la Libye et de 
l'Ibérie. Aussi affirme-t-il que la prophétie contre 
l'Egypte s'est réalisée. De cette première campagne, 
avec le témoignage documenté de Josèphe, nous n'avons 
guère que celui de la Bible. Jérémie nous en donne 
l'époque : « Je vais livrer le Pharaon Hophra, roi 
d'Egypte, aux mains de ses ennemis et aux mains de 
ceux qui en veulent à sa vie, comme j'ai livré Sédécias, 
roi de Juda, à Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui en 
voulait à sa vie (xliv, 30). » Il est à remarquer que le 
texte dit : « Je vais livrer Hophra ;Éphrée) aux mains de 
ses ennemis, » c'est-à-dire il sera. vaincu par les Babylo- 
niens; et il ajoute : « et aux mains de ceux qui en 
veulent à sa vie, » c'est-à-dire à Amasis et à ses parti- 
sans; et ce dernier point concorde avec ce que nous 
savons de l'histoire d'Egypte. Amasis détrôna Hophra 
et celui-ci fut bientôt étranglé par la populace de Sais. 
Hérodote, il, 169. Jérémie, xlvi, 25, donne aussi l'éten- 
due de l'invasion, quand il écrit plus loin : « Jéhovah 
des armées Dieu d'Israël a dit : Je vais visiter Amon de 
No, et le Pharaon et l'Egypte, et ses dieux et ses rois. » 
Hophra' (voir Éphrée, t. n, col. 1882) régna de 589 à 570, 
et Josèphe place cette invasion en l'an 23 de Nabucho- 
donosor, cinq ans après le siège de Jérusalem, Ant. jud., 
X, ix, 7, ce qui nous reporte à 583. Jérémie ajoute : 
« Et après cela, elle (l'Egypte) sera inhabitée comme 
aux jours d'autrefois, dit le Seigneur ». Jer., xlvi, 26. 
En effet, Amasis, qui régna de 570 à 526, s'appuyant 
sur les Grecs, releva très vite le pays de ses ruines. 
— M. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit., t. iv, p. 414-248, cite deux cylindres babylo- 
niens au cartouche d'Apriès; pour le moins, « ils at- 
testent les rapports qui ont existé entre ces deux pays 
(l'Egypte et la Babylonie) du temps de Nabuchodonosor 
et d'Apriès. » • " 

3» Ézéchiel, xxx, 14 : « J'exercerai mes jugemente 
sur No'; » 15 : « J'exterminerai la multitude de No ; » 
16 : « No sera forcée. » Ces menaces d'Ezéchiel durent 
se réaliser pendant la seconde campagne de Nabucho- 
donosor en Egypte, la 37° année de son règne, 568. En 
général, c'est la seule campagne qu'admettent les égyp- 
tologues. Elle fut annoncée par Jérémie à Taphnès, 
près de Péluse. Après la mort de Godolias, c'est là, à 
l'entrée de l'Egypte, qu'avait résolu de se réfugier le 
petit nombre de ceux que les Chaldéens avaient dédair 
gné d'emmener captifs. En vain, le prophète combattit 
leur dessein. Ils l'entraînèrent de force avec eux, se 
croyant désormais à l'abri de Nabuchodonosor. Mais 
Dieu leur dit par la bouche de Jérémie, xlih, 10-13 : 
« Je vais envoyer Nabuchodonosor, roi de Babylone, 
mon serviteur, et je placerai son trône sur ces pierres 
que j'ai déposées (les pierres que Dieu ordonna à 
Jérémie de cacher sous la plate-forme en briques à 
l'entrée de la maison de Pharaon), il étendra son tapis 
sur elles. Il viendra et frappera le pays d'Egypte,... il 
brûlera la maison des dieux d'Egypte. » Cf. Pétrie, 
Tanis, part, n, including Tell Defenneh (The Biblical 
Tahpanhes), 1888, V e Mémoire de YEgypt Explora- 
tion Fund. La 27 e année de son exil, c'est-à-dire en 571, 
puisqu'il avait été emmené en exil à Babylone avec 
Jéchonias en 598, Ézéchiel (xxix, 10) marque les limites 
qu'atteindra l'invasion : « Et je ferai du pays d'Egypte, 
un désert aride et désolé, de Migdol à Syène, et jus- 
qu'à la frontière de l'Ethiopie, » c'est-à-dire de la pre- 
mière ville du nord.de l'Egypte, jusqu'au delà de No, 
jusqu'à la première cataracte. Deux documents, l'un 



1653 



NO-AMON 



NOB 



1654 



égyptien, l'autre babylonien, combinés ensemble par 
Wiedemann, Der Zug Nebucadnezar's gegen Aegypten, 
et Nebucadnezar und Aegypten,àa.n% la Zeitschrift fur 
âgyptische Sprache, 4878, p. 2-6, 87-89, lui ont permis 
de conclure à l'exactitude de la prophétie d'Ézéchiel et de 
celle de Jérémie. Le document égyptien se lit dans une 
inscription du Louvre (Statue A, 90, publiée dans 
Pierret, Recueil d'Inscriptions, t. i, p. 21-29; Cf. Vi- 
goureux, loc. cit., p. 413-414). Le texte est de Neshor, 
fonctionnaire d'Apriès à Éléphantine : « Sa Majesté 
l'éleva à une très haute dignité... comme gouverneur 
des régions du sud pour en contenir les peuplades 
rebelles. Il a établi sa crainte parmi les peuples du 
sud qu'il a refoulés vers leurs montagnes. Il a obtenu la 
faveur de son maître Haaabra. » Après avoir raconté tout 
ce qu'il a fait pour l'embellissement des temples, Neshor 
poursuit : « J'ai fait élever ma statue pour perpétuer 
mon nom à toujours, il ne périra pas dans le temple ; 
j'ai eu soin de la demeure des dieux lorsque mal lui 

advint des tireurs de flèches , Padit, des Hanibou, 

•^»^ , des Satiou, *ft • Je marchai contre les Shasou 

(Bédouins, Nomades) du haut pays, jusqu'au milieu 
d'eux. Petite (pour eux) était la crainte de Sa Majesté, 
dans l'exécution du dessein qu'ils avaient conçu. Je ne 
leur ai pas permis de s'avancer jusqu'en Nubie. Je les 
ai rejetés vers le lieu où était Sa Majesté qui en fit un 
grand carnage, s Dans notre texte, sans parler des 
Bédouins du haut pays, nous avons trois catégories de 
gens qu'eut à combattre Neshor : les tireurs de flèches, 
la Compagnie des tireurs de flèches ou archers, qui 
peuvent être des Nubiens ou des habitants de la région 
du Sinaï, plus probablement des premiers; puis les 
Bambou, qui sont les Grecs et dont beaucoup ser- 
vaient alors en Egypte comme mercenaires ; et enfin les 
Satiou qui désignaient les Asiatiques en général, ceux, 
que les Égyptiens rencontraient dès leur entrée en 
Palestine et qu'on appelait aussi Aamou. Il est difficile 
de voir dans une pareille énumération de peuples, les 
Assyriens de Nabuchodonosor. Aussi Maspero, Notes sur 
quelques points de grammaire et d'histoire, dans la 
Zeitschrift,i8Sb, p.87-90; Brugsch, Beitrâge,ibid v 1884, 
p. 93-97, et Flinders Pétrie, History of Egypt] t. ht, 
1905, p. 346-347, n'y ont voulu reconnaître qu'Une « ré- 
bellion des garnisons du sud de l'Egypte, comprenant 
des auxiliaires grecs et sémites » et peut-être aussi des 
Nubiens. Cependant Wiedemann a persisté dans son 
opinion, Aegyptische Geschichte, Supplément, 1888, 
p. 70, et cette opinion a été suivie par Tiele, Babylo- 
nisch-Assyrische Geschichte, p. 433-438 et par Win- 
ckler, Geschichte Babyloniens und Assyriens, p. 312- 
313. Cf. Maspero, Hist. de l'Orient classique, t. m, 
p. 558, n. 5. . 

Le document babylonien est une tablette d'argile 
écrite sur les deux faces (British Mus., n. 3304i). 11 
a été publié d'abord par Pinches, Transact. Soc. Bibl. 
Arch., t. vu, 1882, p. 218, mais dans un texte fautif, 
dit Budge, et avec une traduction erronée, puis correc- 
tement par le P. Strassmaier, dans Babyl. Texte, t. vi 
(History of Egypt., t. vn, p. 20, n. 1). Le même Budge 
établit que, dans ce qu'on peut lire de cette inscription, 
il n'est question ni d'Amasis, ni d'une invasion de 
l'Egypte entière. Il n'y a d'indiscutables que les lignes 
13 et 14 : « L'an 37, Nabuchodonosor, roi (de Babylone), 
vint (en) Egypte pour livrer bataille. » Budge conclut : 
« En aucun cas, le fragment ne peut être invoqué 
comme une preuve ou que Nabuchodonosor conquit 
l'Egypte ou qu'il l'envahit et s'avança à travers le pays 
comme avaient fait Assarhadon ou Assurbanipal ; tout 
ce qu'il prouve, c'est que le compilateur de la chronique 
avait dans l'esprit que Nabuchodonosor assembla ses 
forces et vint en Egypte la 37 e année de son règne. » 



Loc. cit., p. 20-22. C'est bien déjà quelque chose. Ajou- 
tons qu'il existe au Musée du Caire trois cylindres de 
Nabuchodonosor. Mais ils ne renferment, outre le pro- 
tocole ordinaire, que l'énumération de quelques édifices 
construits par le roi à Babylone. Ils proviennent de 
l'Isthme de Suez et peuvent nous indiquer que le roi 
babylonien vint au moins jusqu'à Taphnès et qu^ii 
planta son pavillon royal à l'entrée de la maison de 
Pharaon, comme l'avait prédit Jérémie. Cf. Afaspero, 
Guide au Musée de Boulak, n. 5830-5832^ p. 402-403.- 
En résumé le document babylonien nous donne la date 
certaine de la seconde entrée en Egypte de Nabucho- 
donosor : l'an 37 de son règne en 568. Mais ni ce docu- 
ment, ni le document égyptien ne sont assez certains 
pour en tirer une conclusion plus étendue. Bien que 
Nabuchodonosor ait eu pour souci principal de nous 
mettre au courant de ses constructions, et que les 
Égyptiens ne soient pas dans l'habitude d'enregistrer 
leurs défaites, espérons que d'autres documents plus 
décisifs verront le jour. 

Biblioora.phie. — Outre les ouvrages cités au cours 
de cet article, on peut consulter : Description de 
l'Egypte, 1821, t. 11, et m; Maspero, Histoire de 
l'Orient classique, t. 11, p. 305-314, 553-560; Guide 
Joanne, Egypte (Bénédite), 1900, p. 460-545; Baedeker, 
Egypte (Steindorff), édit. française, 1903, p. 234r307; 
W. Budge, The Nile, 1902, p. 378-432; Perrot et Chipiez, 
Histoire de l'Art, t. 1, c. iv; L. Borchardt, Zur Bau- 
geschichted. Amonstempels vonKarnak, Berlin, 1905; 
Flinders Pétrie, Six Temples at Thebes, Londres, 
1896; Mariette, Deir el-Bahari, Paris, 1877 ; Ed. Na- 
ville, Deir el-Bahari, Mémoires xn-xiv, xvi, xix, de 
VEgypt Exploration Fund; Quibell, The Hamesseum, 
Londres, 1898; G. Daressy, Notice explicative des 
ruines du temple de Louxor, Le Caire, 1893, et Notice 
explicative des ruines de Médinet-Habou, Le Caire, 
1897. C. Lagier. 

NOB (hébreu: Nôb; Septante : N6ê, II Esd., xi, 32; 
êv 6$â, Is, x, 32; Vulgate : Nob, II Esd., xi, 32; Nobe, 
Is., x, 32), localité située dans le voisinage et au nord 
de Jérusalem. II Esd., xi, 32; Is., X, 32. Isaïe, traçant 
dans un tableau idéal la marche des Assyriens contre 
Jérusalem, les fait passer par Aïath, l'antique Aï, Ma- 
gron, Machmas (Mukhmas), Gaba (Djéba), Rama 
(Er-Râm), Gabaath de Saùl (Tell el-Fûl). Voir la 
carte de Benjamin, t. 1, col. 1588. Puis, après s'être 
adressé à Anathoth ('Andta), avoir signalé la fuite des 
habitants de Médeména et de Gabim, il ajoute (d'après 
l'hébreu) : 

Encore aujourd'hui il s'arrête à Nob ; 

It agite la main contre la montagne de Sion, 

Contre la colline de Jérusalem. 

L'envahisseur est donc en vue de la ville sainte. On a 
pensé à El-lsauiyéh comme pouvant représenter le 
point en question. Voir le plan des environs de Jéru- 
salem, t. m, col. 1321. Mais Jérusalem n'est pas visible 
de là. Scha'fât, étant à la même latitude qu'Anathoth 
ne peut répondre non plus aux données du texte bibli- 
que. On croit donc généralement que Nob devait se 
j trmîver sur le mont Scopus ou le haut plateau d'où l'on 
aperçoit si bien Jérusalem en venant du nord, et qui 
est la position stratégique d'où tous les conquérants 
sont partis pour attaquer la cité juive. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., XI, vin, 5; Bell, jud., II, xix, 4; V, 11, 3; 
F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, Leipzig, 
1896, p. 96. Dans le livre de Néhémie, xi, 32, Nob est 
mentionnée parmi les villes de Benjamin réhabitées 
après le retour de la captivité. Citée entre Anathoth et 
Anania (Beit Hanina), elle devait donc, d'après ce se- 
cond passage, être située au même endroit qu'indique 
le premier. Faut-il l'identifier avec la ville sacerdotale 



1655 



NOB — NOCES 



1656 



de Nobé, dont il est question, I Reg., xxi, 1 ; xxn, 9, 
11, 19 ? C'est possible, sans être certain. Voir Nobé 3. 

A. Legendre. 
NOBÉ, nom d'un Israélite et de deux villes. 

1. NOBÉ (hébreu : Nôbal.i; Septante : Na8ai5), israé- 
lite dont la tribu n'est pas indiquée, mais qui était sans 
doute un descendant de Manassé comme Jaïr et les 
autres enfants de Machir qui sont nommés dans le 
même passage. Il vivait du temps de Moïse; il prit la 
ville de Chanath avec ses dépendances, et lui donna 
son nom. Num., xxxii, 42. D'après le Séder Olam 
Rabba, ix, il était né en Egypte, il mourut après Moïse 
et fut enterré près du Jourdain. Chronologie*, Hebrœo- 
rum major qux Seder Olam Rabba inscribitur, in-f», 
Lyon, 1608, p. 12. 

2. NOBÉ (hébreu : Nôbati; Valicantis : Nà6«i; Alexan- 
drinus : Na6é9), ville située à l'est du Jourdain, et 
mentionnée dans une expédition de Gédéon contre les 
Madianites. Jud., vm, 11. On peut penser qu'elle est 
identique à Canath, aujourd'hui Qanauât, au pied du 
Djébelrtiauran, appelée aussi Nobé. Nuin., xxxn, 42. 
Voir Canath, t. n, col. 121. Cependant, comme ce n'est 
pas certain, il est possible qu'on doive la chercher dans 
les montagnes de Galaad, de même que Jegbaa, El-Dju- 
beikat, avec laquelle elle est citée. Dans ce cas, son 
emplacement est inconnu. A. Legendre. 

3. NOBÉ (hébreu : Nôbéh, I Reg., xxi, 1 ; xxn, 9 ; 
Nôb, I Reg., xxn, 11, 19; Septante : Codex Vaticanus: 
Nonëâ, I Reg., xxi, 1 ; xxn, 9, 19 ; Noi^ct, I Reg., xxn, 
11 ; Codex Alexandrinus : Noéâ, I Reg., xxi, 1 ; xxn, 9, 
19 ; No6<46, I Reg., xxii, 11), ville sacerdotale, où David, 
fuyant Saûl, chercha un refuge prè,s du grand-prêtre 
Achimëlech. I Reg., xxi, 1. L'arche d'alliance y résidait 
alors ; et Achimélech, n'ayant pas d'autre pain à offrir 
au fugitif abattu, lui donna les pains de proposition, 
qdi venaient d'être retirés du Sanctuaire ; il lui remit 
aussi l'épée de Goliath. Trahi par Doëg Tlduméen, et cité 
devant Saûl, il fut par ordre el en présence de ce roi 
jaloux, mis à mort avec les 85 prêtres qui l'accompa- 
gnaient. Nobé elle-même fut détruite, et les habitants 
furent passés au fil de l'épée. Seul Abiathar, l'un des 
fils d'Achimélech, échappa au massacre. I Reg., xxn, 
9, 11, 19. Où se trouvait cette ville? L'Écriture ne le 
dit pas et son emplacement ne peut être que l'objet de 
conjectures. Cependant le nom est le même que celui 
de Nob, localité mentionnée par Isaïe, x, 32, entre Ana- 
thoth ('Anâta) et Jérusalem, et qu'on place sur le Scopus 
ou dans les environs. Voir Nob, col. 1654. D'autre part, 
Nobé ne devait pas être loin de Gabaa de Saûl (TelUel- 
Fûl), qui elle-même n'était pas éloignée de Nôb. David, 
fuyant de la cour de Saûl, et prenant le chemin de 
Bethléhem, devait passer par Nob. Ces raisons semblent 
permettre d'identifier Nobé avec Nob. On se demande 
néanmoins si les prêtres vinrent jamais s'établir si près 
de la forteresse jébuséenne. — Saint Jérôme, Ep. ad Eus- 
tochium, t. xxn, col. 883, parle de Nobé comme étant 
dans le voisinage de Lydda (Diospolis). Elle correspon- 
drait alors ou à Annabéh (l'ancienne Bethoannaba) au 
sud-est de Ludd, ou au village moderne de Beit Nuba 
plus éloigné de Ludd et à peu de distance de Yâlô 
(Aialon). Voir la carte de Dan, t. n, col. 1232. Le rap- 
port onomastique peut-il à lui seul justifier cette opi- 
nion et oblige-t-il de chercher si loin la ville sacerdo- 
tale ? Nous ne savons. Cf. E. Robinson, Biblical Re- 
searches in Palestine, Londres, 1856, t. n, p. 254 ; 
t. m, p. 145; V. Guérin, Judée, t. i, p. 286-290, 314-317; 
F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, Leipzig, 1896, 
p. 198. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttin- 
gue, 1870, p. 142, 284, ont confondu cette ville avec 
une autre de même nom, du moins dans la Vulgate, et 



dont il est question dans l'histoire de Gédéon. Jud., 
vm, 11. Celle-ci s'écrit en hébreu Nôbah avec un heth 
final, et se trouvait à l'est du Jourdain. Voir Nobé 2. 

A. Legendre. 
NOBILIBUS (Christophe de), théologien catholique 
italien, né à Milan, mort vers 1715. Il entra en 1659 
dans l'ordre des Augustins déchaussés, où il prononça 
ses vœux l'année suivante. Homme d'une grande piété 
et d'une remarquable érudition, il passa sa vie dans 
l'étude de la philosophie et de la théologie, et en particu- 
lier des Livres Saints. Nous avons de lui plusieurs ou- 
vrages, parmi lesquels : Oscula cselestia, s. explanatio 
in Canticacanticorum, in-4, Milan, 1677. — Voy. Phi- 
lippi Argelati Bibliotheça scriptorum mediolanensium, 
in-f», Milan, 1745, t. n, col. 994. A. Régnier. 

NOBILIUS FLAMINIUS, théologien italien, né 
vers 1530, mort à Lucques, en 1590, fut membre de la 
congrégation chargée par Sixte V de la revision de la 
Vulgate. A la demande du Pape, il recueillit tous les 
fragments de l'ancienne version Vulgate latine qu'il 
put trouver dans les Pères, les livres liturgiques, etc., 
et les publia en notes dans sa traduction des Septante 
parue in-f», à Rome, en 1588, sous le titre de . Vêtus 
Testamentum secundum LXX latine editum. Son tra- 
vail a été depuis complété par Thomasius, Martianay, 
Bianchi, Sabatier, etc. Voir Latines (Versions), col. 101. 
Il avait donné un an auparavant, sur l'ordre du même 
Sixte V, une édition des Septante : Vêtus Testamen- 
tum juxta LXX, in-f", Rome, 1587. Ses Annotatio- 
nes in Veteris Testamenli LXX Interprètes ont été 
insérées par Walton dans sa Polyglotte, t. vi, n. ix, 
p. 1-196. 

NOCES (hébreu : hâtunnâh; Septante : yâpoi, 
vui«.opeO<Tt?; Vulgate : nupliœ, desponsatio), célébration 
solennelle du mariage (fig. 448). 

I. Dans l'Ancien Testament. — 1° Chez les Hébreux, 
l'union des époux commençait par les fiançailles, qui 
donnaient à l'un et à l'autre tous les droits des époux 
mais n'étaient suivies de la célébration solennelle du 
mariage et de la cohabitation qu'au bout d'un an ou de 
plusieurs mois. Voir Fiançailles, • t. n, col. 2230. Sur 
la législation et les coutumes qui présidaient à l'union 
des époux, voir Mariage, col. 758. La célébration du 
mariage ne comportait aucune cérémonie religieuse. 
Elle s'accomplissait sous les yeux des parents et de 
témoins nombreux et était accompagnée de fêtes 
bruyantes et de festins. — 2° Quand Laban s'engagea à 
donner Rachel pour femme à Jacob, il réunit tous les 
gens du lieu et fit un festin. Puis il substitua fraudu- 
leusement Lia à Rachel, et Jacob ne s'aperçut de la 
tromperie que le lendemain matin. Gen., xxix, 21-25. 
— 3° Lorsque Samson voulut épouser une Philistine de 
Thammatha, son père l'accompagna dans cette ville 
pour la célébration des noces. On donna au jeune ma- 
rié trente compagnons, selon la coutume du pays, et on 
fit des festins pendant sept jours. Samson proposa une 
énigme aux convives, et quand ceux-ci eurent obtenu la 
réponse, grâce à l'indiscrétion de l'épouse, Samson leur 
paya le prix convenu, mais aux dépens de leurs compa- 
triotes. Jud., xiv, 10-19. On voit ici apparaître les com- 
pagnons spécialement désignés pour faire cortège à 
l'époux pendanl les fêtes nuptiales. On les retrouve à 
l'époque évangélique sous le nom de «fils de l'époux». 
Matth., ix, 15; Marc, n, 19. Sur les énigmes proposées 
aux convives, voir Énigme, t. u, col. 1807. — 4° On doit 
remarquer la manière dont agirent les Israélites pour 
empêcher l'extinction totale de la tribu de Benjamin. 
Comme ils avaient juré de ne pas accorder aux survi- 
vants leurs filles en. mariage, ils conseillèrent aux Ben- 
jaminites de se cacher dans les vignes et de s'emparer 
eux-mêmes des jeunes filles de Silo, quand elles vien- 



1657 



NOCES 



1658 



draient pour danser en an jour de fêté. C'est ce qui fat 
fait et personne ne réclama. Jud., xxr, 15-23. Peut-être 
faut-il voir dans cet événement l'origine de ce simulacre 
d'enlèvement de la fiancée, qui faisait parfois partie de 
la cérémonie des noces hébraïques. — 5° Il n'est rien 
raconté en détail des noces de Salomon avec la fille du 
pharaon d'Egypte. III Reg., m. 1. Bans le Cantique des 
cantiques, m, 11, les filles de Sion sont seulement in- 
vitées à voir Salomon avec la couronne que sa mère lui 
a donnée pour le jour de ses noces. Le Psaume xlv 
(xliv), 14-16, fait aussi allusion à l'entrée de l'épouse 
dans la maison du roi. Elle lui est amenée, vêtue d'habits 
brodés, et suivie de jeunes filles ses compagnes. Des 
réjouissances les accueillent à leur arrivée. — 6» Pour 
la célébration du mariage du jeune Tobie avec Sara, 
fille de Raguel, celui-ci met la main de sa fille dans 
celle de Tobie et prononce cette bénédiction : « Que le 
Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob soit 
avec vous, qu'il vous unisse lui-même et qu'il mette 
pour vous le comble à sa bénédiction. » Tob., vu, 15. 
C'est peut-être moins l'usage que les conditions parti- 
culières dans lesquelles se trouvait Sara, qui inspiraient 
cette formule de bénédiction. Elle émanait d'ailleurs du 



nombre. C'est alors que Jonathas et ses homme?, 
sortant de leur embuscade, semèrent la mort dans le 
cortège et changèrent les 'noces en deuil. I Mach., ix, 
36-41. — 9° Les noces du roi Alexandre Bala avec Cléo- 
pâtre, fille de Ptolémée Philométor, sont aussi men- 
tionnées comme ayant été célébrées avec une grande 
magnificence, comme il convenait à la dignité des 
époux. I Mach., x, 58. — 10° On trouve dans la Sainte- 
Écriture quelques autres traits qui se rapportent à la 
célébration des noces. L'épouse se préparait à la céré- 
monie par un bain. Ruth, ni, 3; Ezech., xxm, 40. Elle 
répandait sur elle des parfums. Cant., ni, 6. Un voile la 
recouvrait entièrement. Gen., xxiv, 65; xxxvm, 14. Elle 
s'ornait de bijoux, Is., xlix, 18; lxi, 10, et mettait la 
ceinture que l'époux seul devait délier. Jer.,. h, 32. 
Celui-ci portait une couronne. Is., lxi, 10. Les chants 
et le son des instruments se faisaient entendre pendant 
la noce. Jer., vu, 34; xvi, 9. Les fiancés se juraient 
fidélité. Ezech., xvi, 8; Mal., n, 14. La fête se continuait 
dans des festins, et le lendemain, si l'époux avait trouvé 
sa fiancée dans l'état où elle devait être, le mariage 
était définitif. Deut., xxn, 14-21, 
II. Dans le Nouveau Testament. — 1» A Caria, 




448. — Mariage grec antique. D'après J. H. Huddilston, Lessons front Greek Pottery, New-York, 1902, fig. 8. 



père de famille. Il est ensuite question d'un écrit par 
lequel on dresse acte du mariage, <tuytp«?t|) conscrip- 
tio. Tob., vu, 16. D'après le code d'Hammurabi, art. 128, 
un mariage n'était valide qu'autant que les obligations 
de la femme avaient été fixées. Cf. Scheil, Textes éla- 
mites-sémitiques, Paris, 1902, p. 64. Peut-être quelque 
condition analogue était-elle en vigueur dans le pays 
qu'habitait Tobie, et nécessitait-elle un acte écrit. Des 
festins suivirent, d'abord le jour même, Tob., vu, 17, 
puis le lendemain, avec plus d'apparat et en compagnie 
des voisins et des amis. Tob., vu, 21, 22. Raguel fit 
alors un autre écrit pour assurer à Tobie la moitié de 
ses biens, quand lui-même et Anne, sa femme, ne se- 
raient plus. Tob., vni, 24. Quinze jours après, leur pa- 
rent Gabélus arriva; il appela de nouveau la bénédiction 
divine sur les jeunes époux et prit part à un nouveau 
festin de noces. Tob., ix, 8-12. — 7» Les noces d'Assué- 
rus avec Esther furent célébrées par un festin offert 
aux princes et aux officiers et par des présents dignes 
de la magnificence royale. Esth., n, 18. — 8° Un cor- 
tège de noce est décrit à l'occasion d'une vengeance 
exercée par Jonathas, frère de Judas Machabée, contre 
les fils de Jambri, qui avaient tué traîtreusement son 
autre frère, Jean. Jonathas apprit que les fils de Jambri 
allaient célébrer une grande noce et amener de Médaba 
une fiancée, qui était la fille d'un des principaux chefs 
amorrhéens. Jonathas et ses hommes se cachèrent, au 
jour dit, dans un repli de la montagne. Tout d'un coup, 
on entendit grand bruit; c'étaient les deux cortèges qui 
se rencontraient. L'époux, ses amis et ses frères arri- 
vaient au-devant de la fiancée avec des tambourins, 
des instruments de musique et des présents en grand 



Notre-Seigneur lui-même assiste à des noces. Saint 
Jean, h, 1-10, ne mentionne que le repas, sanctifié par 
la présence du divin Maître et honoré par l'accomplis- 
sement de son premier miracle. — 2" Plusieurs autres 
détails, se rapportant à la célébration des noces, sont 
rappelés dans l'Évangile. Pendant la durée des fian- 
çailles, mais surtout pendant les jours qui précédaient 
immédiatement les noces, les fiancés ne communi- 
quaient entre eux que par l'intermédiaire d'un ami, qui 
était en même temps l'organisateur de la fête, et dont 
le rôle ne se terminait que quand l'épouse .était dans la 
demeure de son époux. Saint Jean-Baptiste se donne 
comme remplissant ce rôle. Il est l'« ami de l'époux », 
il l'a fait connaître à la nation sainte, que le Sauveur 
vient épouser, et il se tient pour satisfait maintenant 
qu'il entend l'époux parler à son épouse. Joa., m, 29. 
Notre-Seigneur lui-même se présente comme époux. 
Ses Apôtres sont les « fils des noces », les « fils de 
l'époux », c'est-à-dire ceux qui font cortège à l'époux 
pendant les fêtes nuptiales. Ils sont de la fête; il ne 
convient donc pas qu'ils jeûnent et s'attristent. Matth., 
ix, ,15; Marc, n, 19; Luc., v, 34. Le temps des noces 
/ est ici celui pendant lequel Notre-Seigneur demeure 
au milieu des hommes, pour contracter son union avec 
eux. Profitant d'une occasion qui lui est offerte, le Sau- 
veur donne en passant un avis utile à ceux qui sont 
conviés à des festins de noces : c'est de ne pas s'attribuer 
à eux-mêmes les premières places, mais d'attendre 
qu'on leur assigne celle qui leur convient. Luc, xiv, 
8-10. Ces repas de noces se faisaient la nuit. Il était fort 
tard quand les conviés rentraient chez eux. C'était par- 
fois à la seconde veille, vers minuit, ou même à la 



1659 



NOCES — NOD 



4660 



troisième', de minuit à trois heures du matin. Durant ce 
temps, le serviteur fidèle veillait à la maison afin d'ac- 
cueillir son maître à sa rentrée. Luc, XII, 36-38. — 
3° Deux paraboles fournissent des détails plus circons- 
tanciés sur la célébration des noces. Un roi célèbre les 
noces de son fils, fait de grands préparatifs pour le 
festin et, à l'heure convenable, envoie ses serviteurs 
pour chercher les conviés. Ceux-ci refusant de venir, le 
roi, qui ne veut pas que ses préparatifs soient inutiles, 
fait remplir la salle du festin par des convives de ren- 
contre. L'un de ces derniers n'a pas la robe nuptiale. Il 
est inexact de dire que cette robe était distribuée aux 
convives à l'entrée de la salle par les soins du maître 
de la maison. En pareil cas, le convive en question 
l'eût reçue aussi bien que les autres. L'usage de donner 
un vêtement aux invités n'existait pas chez les Hébreux. 
Les exemples cités, Gen., xli, 42; xlv, 22; IV Reg., v, 
5; Esth., Il, 18; Dan., V, 7, sont des exemples se rap- 
portant à des étrangers, et le cas de David, I Reg., 
xviu, 4, n'est pas applicable ici. La robe nuptiale est 
donc tout vêtement suffisamment décent pour la cir- 
constance. Comme le repas avait lieu la nuit, le convive 
indigne est jeté dehors, par conséquent dans « les ténè- 
bres extérieures ». Matth., xxn, 2-13. — 4° La parabole 
des dix vierges donne d'autres détails. Il y a là dix 
vierges qui vont au-devant de l'époux et de l'épouse, ou 
mieux au-devant de l'époux seulement, d'après la grande 
majorité des manuscrits grecs. Elles aeccompagnent 
l'épouse, avec des lampes à la main. Cinq d'entre elles, 
prévoyant une assez longue attente, ont seules pris avec 
elles une petite provision d'huile. L'époux tarde en effet 
et les vierges s'endorment. Au milieu de la nuit, le cor- 
tège de l'époux est annoncé; il faut aller au-devant de 
lui. Cinq des vierges garnissent leurs lampes, et les 
autres sont obligées d'aller courir, à pareille heure, pour 
acheter de l'huile. L'époux arrive enfin; tout le cortège 
entre dans la salle du festin, ordinairement dans la mai- 
son de l'époux, et la porte est fermée. Celles qui arrivent 
en retard ne sont pas reçues. Matth., xxv, 1-13. — 5° Ces 
coutumes sont restées en vigueur en Palestine. On y voit 
encore les cortèges nocturnes avec les flambeaux pour se 
rendre à la salle du festin ; ils sont même considérés 
comme la partie constitutive de la cérémonie du ma- 
riage. Cf. G. Saintine, Trois ans en Judée, Paris, 1868, 
p. 103-114; Pierotti, La Palestine actuelle dans ses 
rapports avec l'ancienne, Paris, 1865, p. 251-253; Le 
Camus, Noire voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, 
t. il, p. 19, 20. « Quant à la pompe- extérieure, aux 
marches processionnelles qui accompagnent les épou- 
sailles, elles ont leur raison d'être; c'est le désir de 
rendre l'union publique et évidente, d'en faire un acte 
notoire que puissent attester de nombreux témoins. Cela 
remplace nos publications. Musulmans, juifs, chrétiens 
de toutes les sectes n'auraient garde d'y manquer, et 
nos Latins sont encore moins exagérés que les autres. 
Ainsi chez les Arméniens non unis la cérémonie doit 
durer trois jours pleins. Chez les Musulmans, on fait 
un véritable abus de la marche en cortège. Tout le mo- 
bilier, toute la corbeille de la mariée, sont portés en 
pompé, article par article, sur les pas d'un joueur de 
musette et d'une grosse caisse. » G. Saintine^Trois ans 
en Judée, p. 113. Ainsi étaient portés, à la noce de 
Médaba, des ôi0~a, c'est-à-dire des objets en grand 
nombre. I Mach., ix, 39. Cf. De Basterot, Le Liban, la 
Galilée et Rome, Paris 1869, p. 228; Jullien, L'Egypte, 
Lille, 1891, p. 268. 

III. Les coutumes juives. — 1° Aux usages consa- 
crés par les textes de la Sainte Écriture, les Hébreux 
en avaient ajouté quelques autres dont plusieurs étaient 
probablement suivis du temps de Notre-Seigneur. Bien 
que le fiancé et la fiancée pussent se voir, chez le père 
de cette dernière, durant le temps des fiançailles, ils 
restaient enfermés chez eux pendant les jours qui pré- 



cédaient immédiatement le mariage. Les amis du fiancé 
venaient alors le visiter et se réjouir avec lui. La veille 
de la cérémonie, lès femmes menaient la fiancée au 
bain en grande pompe. Le même jour, les fiancés s'en- 
voyaient mutuellement une ceinture de noces, à grains 
d'argent pour le jeune homme et à grains d'or pour 
la jeune fille. Les noces se célébraient le mercredi, 
c'est-à-dire la nuit du mardi au mercredi, quand la 
fiancée était vierge, et la nuit suivante, quant elle était 
veuve. Cf. Ketuboth, i, 1. Les noces ne se célébraient 
ni les jours de grandes fêtes, excepté celle des Phurim, 
ni les jours de fêtes moindres, ni pendant les trente- 
trois jours qui suivaient la Pâque, ni du 17 tammuz 
(juin-juillet) au 9 ab (juillet-août). On pouvait faire le 
festin nuptial l'après-midi du sabbat, mais la cérémonie 
des noces avait dû être terminée la veille, avant le com- 
mencement du sabbat. On mettait au front de la fiancée 
une couronne de myrte, cf. Kethuboth, 11, 1, et les 
amis de l'époux tenaient en main des rameaux de pal- 
mier. Cf. Kethuboth, xvi, 17; Schabbath, 110 a; Sota, 
49 b. La cérémonie s'accomplissait sur la place publique, 
en présence au moins de dix hommes. Durant le repas 
on se livrait à une grande joie. Les hommes les plus 
graves y prenaient part. Pour là modérer, on employait 
un moyen original, qui était de briser quelque vase 
précieux. Cf. Berackoth, 31, 1. Enfin, on conduisait la 
fiancée dans la chambre nuptiale, où un dais, Ps. xix 
(xvm), 5; Joël, H, 16, ou même une sorte de berceau de 
fleurs, appelé hûppâh, avait été préparé. Cf. Kethu- 
both, IV, 5. Ce dais fut aussi employé, mais sans doute 
à une époque postérieure, pour couvrir les fiancés sur 
la place publique, pendant que les assistants leur 
adressaient leurs vœux et que le rabbin unissait leurs 
mains. Les fêtes nuptiales duraient ordinairement sept 
jours ; mais les jours de noces étaient portés à trente, 
quand on tenait à faire les choses en grand. Cf. Joma, 
i, 1; Iken, Antiquitates kebraicse, Brème, 1741, p. 497- 
601. — 2° Plusieurs de ces usages se sont longtemps 
conservés dans la célébration des mariages chrétiens, 
spécialement les fiançailles, la bénédiction des époux 
pendant qu'on étend un voile au-dessus de leurs têtes, 
et leur couronnement à la sortie de l'église. Mais cette 
bénédiction n'était nullement une condition de validité; 
le mariage proprement dit restait indépendant du rite. 
Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, 
p. 413, 414. 

IV. Les noces spirituelles. — Les rapports de 
Jésus-Christ avec son Église sont souvent décrits sous 
la figure de l'union conjugale. Voir Cantique des can- 
tiques, t. h, col. 194. Saint Paul parle des noces du 
Fils de Dieu avec l'Église militante, sanctifiée par la 
parole divine, purifiée par le baptême, glorieuse sans 
tache ni ride, sainte et irréprochable. Eph., v, 25-27. 
Saint Jean parle des noces de l'Agneau avec l'Église 
triomphante, parée de byssus blanc et resplendissant, 
qui représente les bonnes œuvres des saints. Heureux 
ceux qui sont appelés à prendre part au festin de ces 
noces! Apoc., xix, 7-9. H. Lesètre. 

NOD (hébreu : tu; Samaritain : tj, Nôd; Septante : 
NacS), contrée à l'est de l'Éden où Caïn s'enfuit après 
avoir tué son frère Abel. Gen., iv, 16. Caïn avait dit au 
f. 14 qu'il serait nôd, « fugitif », et la terre où il s'est 
enfui est en conséquence appelée Nod. Elle est tout à 
fait inconnue. Bohlen y a vu l'Inde; M. Sayce, Higher 
Criticism and the Monuments, in-12, Londres, 1894, 
p. 146, le Manda des inscriptions cunéiformes; Kno- 
bel, Die Genesis, 2 e édit., Leipzig, 1860, la Chine, etc. 
Saint Jérôme, dans sa traduction, n'a pas pris nôd pour 
un nom propre; il en a fait un adjectif et l'a rendu 
ainsi : « Caïn... fugitif habita dans une contrée située 
à l'est de l'Éden » ou paradis terrestre. Nôd a été éga- 
lement rendu comme un adjectif par la paraphrase 



1661 



NOD 



NOÉ 



1662 



chaldaïque, par Symmaque et par Théodoret. Cf. Fr. 
von Hummelauer, Comnientarius in Genesim, 1895, 
p. 184. 

NODAB (hébreu : Nôdâb ; Septante : Na8a6aîoi), 
nom d'une tribu ismaélite qui fut chassée du pays qu'elle 
occupait par les tribus transjordaniques de Manassé 
oriental, de Gad et de Ruben, I Par., v, 19, lors d'une 
campagne contre les Agaréens et d'autres tribus de la 
même région. La date de cet événement est inconnue, 
Le texte sacré dit seulement que les Israélites habitèrent 
jusqu'à la captivité dans la contrée qu'ils avaient con- 
quise. I Par., v, 22. La Vulgate n'a pas rendu exacte- 
ment le sens de l'hébreu (et des Septante). Tandis que 
le teste original porte : « Ils firent la guerre aux Aga- 
réens, à Jéthur, à Naphis et à Nodab, » la Vulgate tra- 
duit : « Ils combattirent contre les Agaréens; mais les 
Ituréens, Naphis et Nodab leur donnèrent du secours. » 

1 Par., v, 19. Voir Agaréens, t. i, col. 263. 

Les tribus avec lesquelles Nodab est nommé habi- 
taient à l'est du pays de Galaad. Nodab n'est mentionné 
que dans ce seul passage de l'Écriture. Tout ce que l'on 
peut en dire avec certitude, c'est qu'il était dans le voi- 
sinage des Agaréens, des Ituréens et des Naphisiens. 
Voir Ituréb, t. m, col. 1039, et Naphis, col. 1474.11 est 
aujourd'hui impossible de déterminer quelle contrée 
elle habitait. Le Kamous, compilé au xv 8 siècle, men- 
tionne comme existante une tribu arabe appelée Nodab. 
Voir Ch. Forster, The historical Geography of Arabia, 

2 in-8°, Londres, 1844, t. î, p. 315. Un grand nombre 
de critiques préfèrent cependant aujourd'hui admettre 
que le nom de Nodab est altéré. L'auteur des Qumst. 
hebr. in 1 Par., v, 19, Patr. lat., t. xxm, col. 1374, 
avait déjà émis l'opinion que Nodab est le même que 
Cedma, le dernier des fils d'Ismaël. Gen., xxv, 15. Elle 
s'appuie sur le fait que Nodab occupe dans l'énuméra- 
tion des Paralipomènes.la place que tient Cedma dans 
la Genèse : « Jéthur et Céphis et Cedma, » Gen., xxv, 
15 = « Jéthur, Naphis et Nodab, » I Par., xv, 19, et 
sur cet autre fait que Nodab, qui semble être une tribu 
ismaélite, ne paraît pas dans la liste généalogique d'Is- 
maël dans la Genèse. M. A. E. Suffrin, dans Hastings, 
Dictionary of the Bible, t. m, p. 558, croit y recon- 
naître le nom altéré des Nabatéens. Voir Nabuthéens, 
col- 1444. 

NODIN Jean, religieux de l'ordre de Saint-François, 
docteur de la Faculté de Paris t avait commencé un ou- 
vrage : Victoria Hebrœorum adversus JEgyptios catho- 
licorum triumphum contra hmreticos prsesignans, hoc 
est commentaria in priora guindecim Exodi capita 
per locos communes ad utititatem concionatorum : il 
fut terminé par Didier Richard, religieux du même ordre, 
in-f°, Lyon, 1611. — Voir Wading, Scriptores Minorum, 
p. 216. B. Heurtebize. 

NOÉ (hébreu : Nôah; Septante : Nos), fils de Lamech 
et petit-fils de Malhusalem. Il est compté parmi les dix 
patriarches antédiluviens, dont il clôt la série, quoiqu'il 
ait vécu encore trois siècles et demi après le déluge. 
Lorsque Lamech lui donna le nom de Noé, il dit, en 
jouant sur ce mot, qui signifie repos : « Celui-ci nous 
soulagera dans nos labeurs et les travaux de nos mains 
sur cette terre que Dieu a maudite. » Gen., v, 29. Que 
ces paroles expriment simplement un souhait de Lamech 
ou qu'il ait ainsi parlé par une inspiration prophétique, 
comme le pensent certains interprètes, elles se trouvent 
vérifiées par la place que le Seigneur lit à Noé dans le 
plan de la Rédemption. Gen., vi, 13, 22; ix, 1-17; 
Cf. Eccli., xlvi, 17-19. Voir Arche de Noé, 1. 1, fig. 246, 
col. 926. 

I. Corruption universelle; le déluge décrété; 
construction de l'arche. — Au temps de Noé une 



corruption inouïe régnait sur la terre. Ladescendance 
de Caïn et celle de Setli s'étaient rapprochées; les Fils 
de Dieu (voir ce mot, t. h, col. 2255), c'est-à-dire les 
enfants de Seth, s'étaient unis en mariage aux filles 
des Caïnites : dès lors les deux cités, celle du démon 
et celle de Dieu, se trouvèrent confondues, selon la pen- 
sée de saint Augustin, De civit. Dei, xv, 20, n. 1, t. xli, 
col. 462. Le fruit de ces Unions fut une race d'hommes 
violents, impies, livrés aux plus brutales passions, et 
dont les désordres poussèrent enfin à bout la patience 
divine. Moïse nous dit que le Seigneur, irrité contre 
tant de crimes, se repentit d'avoir fait l'homme et se 
décida à l'exterminer, en le noyant dans un déluge uni- 
versel, Gen., vi, 17, et non seulement l'homme, mais 
tous les animaux, qui peuplaient la terre et les airs. 
Gen., v, 2-7. Cependant, toujours miséricordieux, le 
Seigneur ne voulut pas perdre l'humanité sans retour 
en l'anéantissant tout entière; au milieu de la corruption 
générale, il avait distingué et choisi un homme, qu'il 
préserva par sa grâce du déluge de l'iniquité avant de 
le sauver du déluge dés eaux. Bossuet, Disc, sur l'his- 
toire universelle, Paris, 1828, t. xiv, 2" partie, c. i, p. 169. 
Celui qui devait être ainsi épargné et devenir en consé- 
quence le germe d'un monde nouveau fut Noé « homme 
juste et parfait », dont la vertu était encore relevée par le 
contraste des vices de ses contemporains et qui marcha 
toujours « avec Dieu ». Gen., vi, 9. Cette dernière louange 
n'est donnée par l'Écriture qu'à un autre saint patriarche, 
Hénoch. Gen., V, 22. Le Seigneur fit connaître à Noé 
son dessein de châtier les coupables et lui ordonna de 
construire une arche dont il traça lui-même le plan et 
indiqua la matière et les dimensions; elle devait être, 
durant l'inondation, un lieu de refuge et de séjour pour 
lui, pour sa famille et pour les animaux qui seraient 
épargnés. Voir Arche de Noé, t. i, col. 923. Noé devait 
avoir à ce moment quatre cent quatre-vingts ans, si, 
comme on est en droit de le conclure du récit sacré, 
Dieu lui donna l'ordre de construire l'arche au moment 
même où, en décrétant le châtiment, il déclarait qu'il 
accordait aux coupables un répit de cent vingt ans avant 
l'exécution de la sentence. Or, Noé avait six cents ans 
« lorsque les eaux du déluge inondèrent la terre ». 
Gen., vtt, 6. — Entre ces deux dates se place la nais- 
sance de ses trois fils Sem, Cham et Japhet; il avait 
cinq cents ans à la naissance de l'aîné, Sem. Gen., 
v, 31. 

Cette communication divine fournit à Noé l'occasion 
de montrer cette foi louée par saint Paul, Heb., xi, 7, 
dans des termes qui rappellent l'éloge que l'Apôtre donne 
dans les versets suivants à celle d'Abraham. Plein de 
confiance «dans la révélation divine touchant des choses 
qu'il ne voyait pas encore », il se mit aussitôt à l'œuvre 
et commença de construire l'arche. Devenu par la 
volonté du Seigneur « le prédicateur de la justice », 
II Pet., n, 5, il fit connaître aux hommes la sentence por- 
tée contre eux; mais ils restèrent « incrédules » à ses 
paroles aussi bien qu'insensibles à l'autre sorte de prédi- 
cation muette qu'il leur adressait en préparant sous leurs 
yeux l'instrument du salut de sa famille. Ces hommes, 
esclaves de leurs passions, rendirent « vaine l'attente de 
la patience divine tout le temps que dura la construction 
dej'arche », I Pet., m, 20 (grec); ils continuèrent « à 
boire, à manger », à se livrer à leurs affaires et à leurs 
plaisirs, Matth., xxiv, 38; Luc, xvii, 26, et la foi de Noé, 
si vive et si constante, ne servit qu'à « condamner un 
monde » pervers et obstiné dans son incrédulité. Heb., 
xi, 7. Ses exhortations et l'exemple de sa constance ne 
furent pas cependant complètement inutiles : lorsque le 
châtiment vint donner raison à ses prédictions, beau- 
oup d'entre les coupables se repentirent et obtinrent 
leur pardon. Saint Pierre nous dit que l'âme sainte dn 
Sauveur alla visiter leurs âmes aux limbes le jour de sa 
passion. I Pet., m, 20. 



1663 



NOÉ 



1664 



II. L'entrée dans l'arche. .— Lorsque le terme fixé 
fut arrivé, Noé avait achevé son œuvre. Dieu lui ordonna 
alors d'entrer dans l'arche avec sa femme, ses trois fils 
et leurs femmes, en tout huit personnes, I Pet., m, 20, 
et d'y faire entrer aussi les animaux, conformément aux 
prescriptions qu'il lui avait déjà données. D'après les 
f. 1 et 4 de Gen., vu, Noé reçut l'ordre d'entrer dans 
l'arche sept jours avant le déluge, et selon les i. 10 et 
11, il y entra le jour même ou les cataractes du ciel 
s'ouvrirent pour inonder la terre (fig. 449). Il y a là 
une contradiction apparente, mais il est aisé de conci- 
lier ces deux indications. Noé et sa famille entrèrent en 
effet dans l'arche une semaine avant le déluge, Gen., vu, 
1 et 4, mais non pour s'y enfermer définitivement, ce 
qu'ils ne firent que sept jours plus tard, Gen., vu, 10, 
13, lorsque le vaisseau eut reçu tous ses habitants. Dans 
l'intervalle, Noé et les siens durent continuer à s'occu- 
per des derniers préparatifs, compléter peut-être les 
approvisionnements pour lui et pour les animaux, Gen., 
vi, 21, et recevoir ces animaux à mesure qu'ils arri- 
vaient, les introduire dans l'arche et les installer à la 
place qui convenait à chacun. 

Deux questions entre bien d'autres ont exercé ici la 




449. — Noé dans l'arche, d'après la tradition chaldéenne. Antique 
cylindre babylonien. — D'après Jeremias, Der alte Testament 
im Lichte des Alten Orients, fig. 43. 

sagacité des anciens interprètes. Ils se sont demandé 
d'abord comment les animaux les plus féroces vinrent 
à Noé, sans aucun danger pour lui et sans lui causer 
la moindre crainte. L'Écriture Sainte ne nous apprend 
rien sur ce point et nous en sommes réduits à des 
conjectures. Il en est de même pour l'autre question : 
Comment tous les animaux, appelés des pays les plus 
lointains et les plus divers, sont-ils venus seulement selon 
un nombre déterminé et sont-ils arrivés en même temps 
et au même endroit? Les uns ont invoqué l'intervention 
des anges; les autres ont recouru à un instinct ana- 
logue à celui qui pousse certaines espèces à émigrer vers 
d'autres climats. Dom Calmet a fait à ce sujet une sage 
réflexion, qui doit s'appliquer à tous les récits de la 
Bible, car elle exprime une règle essentielle de l'exé- 
gèse catholique : « Chacun, dit-il, peut abonder dans 
son sens sur la manière dont ceci s'exécuta, pourvu 
que la certitude du fait n'en souffre pas. » Com- 
mentaire littéral sur la Genèse, vi, 20, Paris, 1707, 
p. 169. 

III. Le déluge; la bénédiction de Dieu et son 
alliance avec Noé. — Lorsque tous les animaux furent 
réunis dans l'arche et au moment où les eaux du ciel 
allaient commencer de tomber, pour engloutir le monde 
condamné pur la justice divine, le Seigneur donna à 
Noé une marque tonchante de sa bonté. L'auteur sacré 
nous là fait connaître par ces simples paroles : « Et le 
Seigneur l'enferma par dehors » (hébreu : ferma der- 
rière lui, ou pour lui). Gen., vu, 16. Par là, il voulait 
affermir sa foi et lui inspirer une absolue confiance et 
un entier abandon à Dieu. Enfermé dans ce vaisseau 
sans voiles, sans gouvernail, sans aucun moyen de se 
diriger, il ignorait sur quelles terres il aborderait pour 



y déposer les germes d'un monde nouveau conservé 
dans l'arche (fig. 450}. 

Le Seigneur, qui lui avait révélé si longtemps à 
l'avance l'époque du déluge, lui en laissait maintenant 
ignorer la durée. Aussi voyons-nous le patriarche^ cher- 
cher à savoir où en élait l'inondation lorsque l'arrêt de 
l'arche sur les montagnes du pays dé l'Ararat, dont les 
sommets étaient déjà émergés, lui fit comprendre que 
les eaux avaient dû baisser. Gen., vm, 4, 5. Il fit sortir 
par une fenêtre d'abord un corbeau qui ne revint pas, 
puis une colombe qui, n'ayant pas trouvé d'endroit où 
se reposer, retourna vers lui. Huit jours après, la 
colombe, lâchée une seconde fois, rapporta dans son bec 
un petit rameau d'olivier avec ses feuilles vertes. Noé 
attendit encore sept jours pour tenter une nouvelle ex- 
périence et envoya une troisième fois la colombe, qui ne 
revint pas. Découvrant alors le toit de l'arche, il put 
s'assurer par lui-même que les eaux se retirant avaient 
laissé la terre à sec. 

Cependant il ne débarqua pas encore; toujours soumis 
à l'action divine, il attendit que Celui qui l'avait enfermé 
dans l'arche vint lui ordonner d'en sortir. Quand il 
reçut cet ordre, une année entière s'était écoulée depuis 




450. 



- Noé ramant dans la barque, d'après la tradition chaldéenne. 
Antique cylindre babylonien. 
D'après Jeremias, ibid., fig. 44, p. 125. 



son embarquement. Il rendit la liberté à tous les ani- 
maux, ne retenant auprès de lui que ceux qu'il voulait 
offrir à Dieu et aussi sans doute ceux qui devaient res- 
ter à son service ou lui être de quelque utilité. Gen., 
vm, 6-9. 

Dès que Noé eut mis les pieds sur la terre purifiée 
par les eaux du déluge, sa première pensée fut de 
reconnaître, par un sacrifice solennel, le souverain do- 
maine du Seigneur qui venait de donner une preuve si 
éclatante de sa puissance et de sa justice contre les mé- 
chants en même temps qu'un témoignage si touchant 
de bonté et de miséricorde envers son serviteur fidèle. 
Il érigea donc un autel et y offrit en holocauste des vic- 
times prises dans toutes les espèces d'animaux purs, 
oiseaux ou quadrupèdes, qui avaient été conservés dans 
l'arche. Gen., vm, 20. 

C'est la première fois que l'Écriture fait mention d'un 
autel, mais évidemment Noé n'a rien innové, et sous 
une forme ou sous une autre, les autels ont dû exister 
dès l'origine du monde, aussi bien que les sacrifices qui 
les supposent. Voir Autel, t. i, col. 1266. Cf. Gen., iv, 
3-5. — On peut faire la même observation sur la dis- 
tinction entre les animaux purs et impurs; la façon 
dont s'expriment Dieu lui-même et l'écrivain sacré in- 
dique bien qu'il s'agit d'une institution connue, et c'est 
pourquoi on en parle sans aucune explication. Gen., 
vu, 2; vm, 20. Voir Animaux impurs, col. 613. 

Le Seigneur agréa ce sacrifice; sa justice, qui venait 
de s'exercer avec une si terrible rigueur sur les pécheurs 
par le déluge, se trouva complètement satisfaite par cet 
hommage du juste Noé. Dieu voulut même mettre à 
l'avance une barrière à sa juste colère en se dépouillant, 
en quelque sorte, pour l'avenir, d'une partie de ses- 



1665 



NOÉ 



1666 



droits contre l'homme coupable : il déclara que désor- 
mais, faisant une plus large part à la miséricorde, à 
cause de la faiblesse naturelle de l'homme, il ne maudi- 
rait plus la terre à cause de lui et ne bouleverserait plus, 
par une pareille catastrophe, le cours régulier des ré- 
coltes et des saisons. Gen., vm, 21-22. 

Il daigna sanctionner cette promesse en se liant par 
un pacte solennel avec Noé et ses fils, ainsi qu'avec les 
animaux sortis de l'arche et tous les autres répandus 
sur la face de la terre. Il décréta qu'il resterait de cette 
alliance nouvelle un signe perpétuel capable par sa na- 
ture et son universalité d'être reconnu de tous : ce fut 
i'arc-en-ciel. Chaque fois qu'il viendrait étendre sur les 
nuages du ciel son orbe aux brillantes couleurs, Dieu se 
souviendrait de son alliance et de ses promesses, c'est- 
à-dire que les hommes y verraient le symbole et le mé- 
morial de la parole que Dieu leur avait donnée de ne 
plus les châtier en noyant la terre dans un nouveau 
déluge. Gen., ix, 8-17. Voir Arc-en-ciel, t. i, col. 910. 

A cette promesse et à ce pacte, dont l'objet, pour ainsi 
dire tout négatif, était l'exemption d'une peine à en- 
courir, Dieu joignit une triple bénédiction qui assurait 
à l'homme des avantages positifs. Ces trois bénédictions, 
comme les commentateurs le font observer, sont le re- 
nouvellement et la confirmation de celles qui avaient 
été données à Adam. 

Au moment de ce second commencement du monde, 
Dieu renouvelle à l'homme les prérogatives dont il 
l'avait investi aux premiers jours de son existence sur 
la terre. La première de ces bénédictions est la fécon- 
dité de l'homme et la propagation de l'espèce humaine. 
Gen., IX, 1; cf. i, 28. Par la seconde, l'homme est 
maintenu dans son empire sur les animaux, tel du moins 
qu'il lui est resté après le péché. Gen., IX, 2; cf. I, 28. 
La troisième enfin lui confère le droit de se nourrir de 
ce qui a vie sur terre, plantes et animaux. Gen., ix, 3; 
cf. i, 29. Sur ce troisième point, voir Chair des ani- 
maux, t. il, col. 489. Sur la défense de manger le sang, 
voir Sang. 

Les Pères ont vu dans Noé une des principales figures 
de Jésus-Christ. Comme le Sauveur il a prêché d'abord 
la pénitence aux hommes; il a construit lui-même l'arche, 
comme Jésus-Christ a fondé son Église; il a sauvé ceux 
qui sont entrés avec lui, tandis que tous les autres pé- 
rissaient, de même que Jésus-Christ proposeaux hommes, 
comme moyen nécessaire de salut, d'entrer dans l'Église 
et d'y demeurer. A ces grandes lignes générales on 
peut ajouter un trait particulier fourni par deux pas- 
sages de l'Écriture, dans lesquels Noé nous apparaît 
comme le type du Messie médiateur et intercesseur : 
« Au temps de la colère, dit l'Ecclésiastique, il fut fait 
réconciliation, et c'est pourquoi, lorsque arriva le déluge, 
un reste fut laissé sur la terre. » Eccli., xliv, 17-18. Le 
mot grec àvrâXXayixa, traduit ici par « réconciliation », 
s'entend dans le Nouveau Testament du prix donné 
comme équivalent d'une âme. Cf. Matth., xvi, 26; 
Marc, vm, 37. Il est encore permis de voir dans Noé 
une figure de Jésus médiateur par la puissance d'inter- 
cession que Ézéchiel lui attribue, bien que l'interces- 
sion que suppose le prophète soit représentée comme 
inefficace dans les circonstances où elle est censée se 
produire. Ezech., xix, 16, 18, 20. — Sur la tradition 
chaldéenne du déluge et du Noé chaldéen, voir Déluge, 
t. il, col. 1346. 

IV. Bernière période de la vie de Noé. — Noé 
vécut encore trois cent cinquante ans après le déluge. 
Gen., ix, 28. Dieu lui accorda cette longue vie pour 
lui donner le temps d'accomplir jusqu'au bout sa mis- 
sion de sauveur, en la continuant sous une forme nou- 
velle. Sur la terre dépeuplée par le déluge, l'humanité 
renaissante avait en lui son chef et son guide. De même 
qu'Adam, Je premier père du genre humain, en avait 
été aussi l'instituteur, Ncé devait être le perc et l'ins'i- 

DICT. DE LA BI2LE. 



tuteur de l'humanité renouvelée, avec cette différence 
toutefois qu'Adam avait eu tout à apprendre à ses en- 
fants, tandis que Noé n'avait rien à enseigner aux siens. 
Sem, Cham et Japhet avaient eu sous leurs yeux, du- 
rant le siècle qui précéda le déluge, le spectacle de la 
brillante civilisation inaugurée par les fils de Lamech 
le Caïnite. Gen., iv, 21-22. La construction seule de 
l'arche, à laquelle ils avaient dû participer sous la direc- 
tion de Noé, suppose des connaissances techniques 
très variées. Or, ces connaissances et d'autres qui 
caractérisent la civilisation antédiluvienne n'avaient 
pas péri dans le grand cataclysme. Noé et ses fils les 
avaient reçues comme un héritage à transmettre aux 
générations futures, sauf à en éliminer les éléments 
corrompus qu'elles renfermaient. « Avec le genre hu- 
main, dit Bsssuet, Noé conserva les arts, tant ceux qui 
servaient de fondement à la vie humaine et que les 
hommes savaient dès leur origine, que, ceux qu'ils 
avaient inventés depuis. » Discours sur l'histoire' uni- 
verselle, l re partie, 1™ époque, Paris, 1828, t. xiv, p. 9. 

Mais si Noé n'avait pas à instruire ses fils et ses 
petits-fils, il devait les diriger dans des voies nouvelles, 
toutes différentes de celles où l'humanité antédiluvienne 
s'était égarée. Les hommes, en s'appliquant à la culture 
des arts et des sciences, n'y avaient cherché qu'un 
moyen d'accroître leur bien-être et de multiplier leurs 
jouissances, et ce progrès matériel avait fait progresser 
en même temps la corruption des mœurs qui avait 
causé leur perte. 

La mission de Noé, dont l'objet principal était de sau- 
ver des eaux les restes du genre humain, devait donc 
avoir pour complément de le préserver pour l'avenir 
d u déluge de corruption où le vieux monde avait sombré. 
De cette direction nouvelle, l'Écriture ne nous dit qu'un 
mot, mais il est significatif : « Noé fut un homme 
adonné à l'agriculture et il se mit à cultiver la terre. » 
Gen., ix, 20. Il ramena ainsi les hommes aux occupa- 
tions qui furent celles des premiers jours du monde. 
Ses enfants avaient été témoins des excès et des désor- 
dres de la civilisation corruptrice qui venait de dispa-' 
raltre; il leur inculqua les éléments d'une civilisation 
toute différente en s'adonnant à l'agriculture; par son 
exemple, et aussi sans doute par ses conseils, il les éta- 
blit dans un genre de vie plus approprié à leurs vrais 
besoins et plus capable d'assurer leur bonheur, parce 
qu'il leur offrait beaucoup moins d'occasions de pécher 
et leur laissait plus de liberté pour élever leur pensée 
vers leur créateur. 

Noé parait avoir voulu s'appliquer à faire progresser 
l'agriculture en lui ouvrant une voie plus large par la 
culture de la vigne. « Il planta la vigne, » dit la Ge- 
nèse, IX, 20. Ces paroles n'indiquent nullement que la 
vigne fût inconnue dans le pays habité par Noé avant 
le déluge et qu'elle se soit présentée à sa vue comme 
un objet tout à fait nouveau. La suite du texte ferait 
plutôt croire qu'on n'usait alors du raisin que comme 
des autres fruits destinés à la table, ainsi que cela se 
pratique encore en certains pays où la vigne n'est pas 
cultivée en grand. Le patriarche voulut en extraire le 
vin, et il se laissa surprendre par cette liqueur dont il 
ne soupçonnait pas les effets. Il en but sans défiance en 
^eor grande quantité et s'enivra. Gen., IX, 21. 
; Cet accident fut l'occasion d'une scène imposante 
dont le récit termine l'histoire de Noé. Dans son ivresse 
le vieux patriarche s'était étendu nu sur le sol de sa 
tente. Cham le vit dans cet état et s'empressa de sortir 
pour aller en aviser ses frères. Sem et Japhet se con- 
duisirent dans cette circonstance avec un respect admi- 
rable vis-à-vis de leur père. Lorsque celui-ci, ayant 
repris ses sens, apprit ce qui s'était passé, il maudit 
Cham dans la personne de son fils Chanaan, et il bénit 
Sem et Japhet, en prononçant dans un esprit prophé- 
tique les solennelles paroles que l'Écriture nous a con- 

IV. - 53 



4667 



NOÉ 



NOIR 



1668 



servées. Elles sont le testament du patriarche et l'his- 
toire anticipée des trois grandes familles issues de 
Sem, de Cham et de Japhet : « Maudit soit Chanaan, 
dit-il; il sera l'esclave des esclaves de ses frères.» Et il 
dit aussi : « Béni soit le Seigneur Dieu de Sem; que 
Chanaan soit son esclave. Que Dieu dilate Japhet, qu'il 
habite dans les tentes de Sem et que Chanaan soit son 
esclave. » Gen., ix, 22-27. Voir Cham, Chanaan, t. n, 
col. 513, 532. « Et tous les jours accomplis (de Noé) 
furent de neuf cent cinquante ans, et il mourut. » 
Gen., xx, 29. E. Palis. 

NOÉMA (hébreu : Na'arnâh; Septante : Noejiâ), fille de 
Lamech et de Sella, sœur de Tubalcaïn. Gen., iv, 22. Les 
commentateurs lui ont attribué l'invention de l'art de 
filer et de faire des étoffes. — D'après les rabbins, la 
femme de Noé s'appelait Noéma. Mais on lui donne 
aussi d'autres noms non moins imaginaires. Fabricius, 
Apocrypha Veteris Testamentis, t. I, p. 271. — Une 
des femmes du roi Salomon, la mère de Roboam, qui 
était de race ammonite, portait en hébreu le même 
nom que la fille de Lamech, Nâ'amâh, Vulgate : Naama. 
III Reg., xiv, 21 ; II Par., xn, 13. Voir Naama 1 , col. 1426. 

NOÉMAN (hébreu : Na'âmân; Septante : NoEuâv), 
fils de Bêla et petit-fils de Benjamin. De lui sortit la 
famille des Noémanites. Num., xxvi, 40. Dans la 
Genèse, xlvi, 21, son nom est écrit dans la Vulgate 
Naaman. Voir Naaman 1, col. 1426. 

NOÉMANITES (hébreu : han-Na'âmî [pour Na'â- 
mônî]; Septante : 6 NoEfiavi; Vulgate : Noëmanitee), 
descendants de Noéman. Num., xxvi, 40. 

■ NOÉMI (hébreu : No oral; Septante : NtoSfu'v), femme 
d'Étimélech. — Le livre de Ruth raconte qu'à l'occasion 
d'une famine, Élimélech, d'Éphrata ouBethléhem,Noémi, 
sa femme, et leurs deux fils se retirèrent dans le pays 
dé Moab. Élimélech y mourut. Ses deux fils se marièrent 
' avec des femmes moabites et moururent à leur tour, 
si bien que Noémi resta avec ses deux brus, Orpha et 
Ruth. Comme la famine avait cessé, Noémi se décida à 
retourner dans son pays. Elle dit adieu- à ses deux brus 
et leur recommanda de retourner chez leurs mères afin 
de pouvoir se remarier. Orpha obéit, mais Ruth, mal- 
gré toutes les instances, ne voulut pas se séparer de sa 
belle-mère. Toutes deux revinrent donc à Bethléhem. Les 
femmes du pays disaient en la revoyant : « Est-ce là 
Noémi? » Pour elle, après avoir éprouvé tant de mal- 
heurs, elle répondait : « Ne m'appelez pas no'ômî, » c'est- 
à-dire « mon agrément » (Vulgate : pulchram, « belle »), 
« mais appelez-moi tnârâ', » c'est-à-dire « amertume » 
(Vulgate : amaram, « amère »), « car le Tout-Puissant 
m'a remplie d'amertume. » Ruth, i, 1-21. Noémi s'occupa 
de fixer le sort de Ruth. Celle-ci alla glaner dans le 
champ d'un homme riche, nommé Booz, et d'ailleurs 
parent d'Élimélech. Quand la moisson fut terminée, 
Notémi, se conformant à l'usage du temps et du pays, 
commanda à Ruth de se parer, de s'approcher du lieu 
où dormait Booz et de se coucher à ses pieds. Des expli- 
cations s'ensuivirent naturellement. Ruth fit appel à 
la coutume du lévirat, qui donnait à Booz le droit de 
l'épouser. Un autre parent plus proche renonça à ce 
droit, et Booz épousa Ruth. Voir Booz, t. i, col. 1851; 
Lévirat, t. iv, col. 213; Ruth. Quand celle-ci eut un fils, 
Obed, qui fut le grand-père de David, les femmes de 
Bethléhem félicitèrent Noémi. Cette dernière prit soin 
de l'enfant et se fit sa nourrice, ce qui signifie qu'elle 
veilla sur lui avec amour et dévouement comme sur son 
propre enfant. Rulh, n, 1-iv, 16. H. Lesêtre. 

NOGA, NOGÉ, héLreu : Nôgah, « splendeur; » 
Septante : Nafaf; Na-féO, I Par., xiv, 6; Alexandrinus : 



NafÉ; Vulgate : Noge, I Par., m, 7; Noga, I Par., xiv, 
6), fils de David, né à Jérusalem, I Par., m, 7; xiv, 6. 
Son nom ne se trouve pas dans la liste parallèle. II Reg. , 
v, 14-15. 

NOHAA ( hébreu : Nôfrdh; Septante : Nuâ), le qua- 
trième des fils de Benjamin. Voir la généalogie de Ben- 
jamin, t. i, col. 1589.. 

NOHESTA (hébreu : NehuSla', « bronze » ou « ser- 
pent » (?); Septante : Nsaôa; Lucien : N£Ea9âv), fille 
d'Elnathan de Jérusalem, femme du roi Joakim et mère 
du roi Joacliin. Elle fut emmenée captive a Babylone par 
Nabuchodonosor en 597 avant J.-C. IV Reg., xxiv, 8, 15. 
Voir Elnathan 1, t. il, col. 1701. D'après la vocalisation 
massorétique de Nohesta ; il signifierait « bronze »; 
d'après les consonnes, «ma, «d/jâS, il peut signifier 
« serpent ». Saint Jérôme, De nom. hébr., t. xxm, 
col. 826, l'a dérivé de neliôsét, « bronze, airain, » et il 
en a rendu la signification par œs ejus. 

NOHESTAN (hébreu : NehuSfân, « de bronze, d'ai- 
rain; » Septante : NesaSâv; Alexandrinus : Ns<i8àv), 
nom donné par le roi Ëzéchias au serpent d'airain que 
Moïse avait fait élever dans le désert. Num., xxi, 8-9. 
D'après le texte massorétique de IV Reg., xvni, 4, et 
d'après le texte ordinaire des Septante, ainsi que d'après 
la traduction de la Vulgate, c'est Ézéchias qui lui 
aurait donné le nom de Nohestan, mais d'après la leçon 
de Lucien, xa\ êx<i>eaav ocùtôv Neea6ctv, le sujet du 
verbe est indéfini, ce qui revient à dire que Nohestan 
était le nom populaire du serpent d'airain, et cela paraît 
plus vraisemblable. — Quoi qu'il en soit, ce nom peut 
faire aussi allusion à la forme du serpent, ndl}à$, autant 
qu'à la matière dont il avait été fabriqué. — Malgré son 
origine, Ézéchias fit briser le serpent d'airain, parce 
qu'il était devenu l'objet d'un culte idolâtrique et que 
les Juifs brûlaient de l'encens en son honneur. IV Reg., 
xvin, 4. Voir Serpent d'airain. 

NOIR (hébreu : liûm, Selwr, Seharhor, « noirâtre, » 
Sejfôr, « noirceur; » Septante : rcepxvijç, jiéXai;, p.E|ieXaveo- 
pivo;'; Vulgate : niger, nigrede), ce qui est sans lumière, 
obscur, dépourvu de couleur, par opposition avec le 
blanc qui est la réunion de tous les rayons lumineux et 
de toutes les couleurs. Le noir peut résulter de l'absence 
totale de lumière, ou de la conformation superficielle 
d'un objet absorbant plus ou moins complètement tous 
les rayons lumineux. — Il y a des brebis qui ont la toison 
noire. Gen., xxx, 32, 35, 40. Dans leurs visions, Zacharie, 
vi, 2, 6, et saint Jean, Apoc, vi, 5, voient des chevaux 
noirs, sortant vers le septentrion, c'est-à-dire vers le 
côté du ciel où ne va pas le soleil. Les chèvres et les 
chameaux ont quelquefois un poil noir avec lequel on 
fabrique des étoffes pour faire des tentes, des sacs, etc. 
L'épouse du Cantique, i, 4, 6, brûlée par le soleil, a le 
teint noir comme les tentes de Cédar. Saint Jean, Apoc, 
yi, 12, voit le ciel devenir noir comme un sac de poil. 
L'homme a des poils noirs. Lev., xm, 31, 37. L'épouse 
a les cheveux noirs comme le corbeau. Cant., v, 11. Le 
nom du corbeau, 'oréb, de 'ârab, « disparaître, » en 
parlant du soleil, assyrien : érèbu, marque en effet 
l'obscurité, le noir, comme quand le soleil est couché. 
L'homme est cependant incapable de rendre naturelle- 
ment noir ou blanc un seul de ses cheveux. Matth., v, 
36. Les idoles ont le visage noirci par la fumée. Bar., 
vl, 20. La souffrance et le chagrin rendent le visage noi- 
râtre. Job, xxx, 30; Nah., il, 10. Après la prise de Jéru- 
salem, les princes de la ville ont l'aspect plus sombre 
que la noiceur même. Lam., iv, 8. -r Dans nos contrées 
occidentales, le noir est devenu la couleur du deuil. 
Chez les Hébreux, on se contentait de porter des vête- 
ments sombres ou le cilice, ordinairement noirâtre. 



1669 



NOIR — NOM 



iôîc 



Voir Cilice, Deuil, t. n, col. 760, 1396. — Pour le sur- 
nom de Simon le Noir, voir Niger. H. Lesêtbe. 

NOIX. — 1° Fruit du noyer (hébreu : 'ëgôz; Septante : 
râpuov; Vulgate : nux). Voir Noyer. — 2° La Vulgate 
traduit aussi par nux, « noix, » Exod., xxv, 33, 34; 
xxxvii, 19, 20, le mot hébreu mesuqqâdim, qui signifie 
« fait en forme d'amandes » et se dit de l'ornement en 
forme de calice du chandelier d'or (Septante : xpa-rîjpeç 
èxTSTunonÉvoi xapu'iay.ouç ; Vulgate : scyphi quasi in 
nucis modum). Voir Amande, t. i, col. 437, et Chande- 
lier d'or, t. n, col. 544. 

NOM (hébreu ; Sêm : chaldéen : Sum; Septante :ôvo [ta; 
Vulgate: nomen), mot qui sert à désigner une personne, 
un être ou un objet quelconque. 

I. Noms divins. — 1° Les noms de Dieu. — Dieu, qui 
est désigné en hébreu par le nom général d'Elohim 
(voir t. n, col. 1701), révéla à Moïse son nom particu- 
lier de Jéhovah ou yahvéh. Exod., m, 6-16 (voir t. m, 
col. 1227). Il est appelé de différents autres noms, Ado- 
naï (voir t. i, col. 223), El (voir t. il, col. 1627) ; saddai, 
navToxpdtTMp, omnipotens, le Tout-Puissant, Gen., xvn, 
l;Job, v, 17, etc.; 'elyôn, û^catoç, altissimus, le Très- 
Haut, Gen., xiv, 18; Ps. vu, 18, etc. ; Dieu sebâ'ôt, Suvâ- 
[i£wv, virtutum ou exercituum, des armées, Ps. lxxx 
(lxxix), 15; Jer., v, 14, etc.; qedôs Isrâ'êl, âyioç 'Itrpaty, 
sanctus Israël, le Saint d'Israël, Is., xlvii, 4; go'ëlênû, 
pùaai fiiiâc, redemptor noster, notre Rédempteur, Is., 
lxhi,16; 'El hag-gâdôl hag-gîbbôr, ©eb; ô jnsyaç ô Cs^u- 
p6;, fortissime, magne et potens, Dieu grand et fort. 
Jer., xxxn, 18, etc. — Le Fils de Dieu incarné est ap- 
pelé Emmanuel, Is., vu, 14 (voir Emmanuel, t. h, 
col. 1732), Conseiller admirable, Dieu fort, Père éternel, 
Prince de la paix, Is.,ix, 6; Jésus, Malth., i, 21; Luc, 
i, 31 (voir t. ni, col. 1423); Messie, Verbe, etc. Voir 
t. m, col. 1424-1427. 

2° Le nom pris pour la personne. — Chez les Hébreux, 
le nom, étant toujours significatif, s'identifiait en quelque 
sorte avec celui qu'il désignait et s'employait comme 
synonyme. Dans un assez grand nombre de passages, 
le nom de Dieu est pris pour la personne même de Dieu. 
« J'envoie mon ange devant toi,... mon nom est en 
lui. » Exod., xxin, 21. Jéhovah choisit une tribu pour 
y faire habiter son nom. Deut., xn, 5, 11, 21 ; xvi, 2, 6, 
11. Le Temple est une demeuré bâtie à son nom. II Reg., 
vu, 13; III Reg., v, 5; vm,18, 19. « Là sera mon nom, » 
dit le Seigneur en parlant de cette demeure. III Reg., 
vin, 29 ; ix, 3. « C'est dans Jérusalem que je placerai 
mon nom. » IV Reg., xxi, 4, 7; II Esd., i, 9. « Que le 
nom du Dieu de Jacob te protège. » Ps. xx (xix), 2. 
« Le nom de Jéhovah vient de loin. » Is., XXX, 27, etc. 
Les Hébreux, d'ailleurs dociles aux prescriptions "for- 
melles de la loi, Exod., xx, 7; xxm, 13; Deut., v, 11, 
avaient pour le nom de Dieu le même respect que pour 
sa personne. Pour ne pas manquer de révérence envers 
le nom de Jéhovah, ils le remplaçaient par celui d'Ado- 
naï dans toutes les lectures publiques ou privées, sauf 
dans la bénédiction solennelle ,que le prêtre donnait dans 
le Temple. Voir Adonaï, 1. 1, col. 223; Sota, 7; Joma, 6; 
Iken, Antiquitates hebraicx, Brème, 1741, p. 280, 290; 
Schûrer, Geschichte des Judtschen Volkes in Zeit. J.-C, 
Leipzig, t. il, 1898, p. 297, 458. Les Samaritains profes- 
saient le même respect pour le nom sacré, et il est pos- 
sible que le mot Asimah, dont on a fait le nom d'une 
idole d'Émath (voir t. t, col. 1097), ne représente autre 
chose que l'hébreu has-Sêm, « le nom, » c'est-à-dire 
Jéhovah lui-même, honoré d'ailleurs avec d'autres dieux 
par les habitants importés dans la Samarie. IV Reg., 
xvn, 30-33. Voir Samaritains. Les livres des rabbins 
emploient souvent le mot « nom » au lieu de dire 
\ Dieu. ». Cf. Sanhédrin^ 5&a; Schebvot,.3&n} Drach, 
Harmonie entre l'Église et la Synagaçp$e- T Paris, 1884, - 



1. 1, p. 408-410. Ils attribuaient à Dieu trois autres noms 
mystérieux, un de douze lettres, un de quarante^deux 
et un de soixante-douze. Cf. Kxdduschin, 91 a; Vayikra 
Rabba, 23; Debarim Babba, 1. Abenezra a composé un 
Séfer haë-sêm, « livre du nom, » sur le nom de Jéhovah. 
Voir t, i, col. 35. 

3» Perfections du nom de Dieu. — Le nom de Dieu 
est saint, Ps. cxi (ex), 9, grand et terrible, Mal., i, 11, 
14, incommunicable, c'est-à-dire ne pouvant convenir 
qu'à Dieu lui-même. Sap., xiv, 21. Le nom de Dieu est 
puissant. C'est au nom de Dieu, c'est-à-dire avec l'auto- 
rité et la puissance de Dieu, que parlent et agissent 
• ceux que Dieu envoie aux autres hommes. Deut., xvin, 
19; Jos., ix, 9; I Reg., xvn, 45;Eccli., xxxvi, 17; xn, 
14; Matth., vu, 22; Luc, xxiv, 47. Notre-Seigneur lui- 
même ne vient et ne parle qu'au nom de son Père. Joa., 
v, 43; x, 25. Aussi, « béni celui qui vient au nom de 
Dieu. » Ps. cxviii (cxvii), 26 ; Matth., xxi, 9; "xxm, 39; 
Marc, xi, 10; Luc, xix, 38; Joa., xn, 13. 

4° Le nom de Jésus. — Le nom du Sauveur, « Jéhovah 
sauve, » participe à la sainteté et à la puissance du nom 
de Jéhovah. Il est supérieur à tous les autres noms, 
Phil., n, 9, 10; Hébr., i, 4, et, par excellence, le nom qui 
procure le salut. Act., iv, 12; Rom., x, 13. Ce nom est 
prêché et manifesté. Marc, vi, 14. Croire au nom de 
Jésus, c'est adhérer à sa doctrine. Joa., i, 12; n, 23 ; m, 
18; I Joa., m, 23; v, 13. Pour obtenir la grâce, les dis- 
ciples de Jésus s'assemblent en son nom, Matth., xvm, 
20, et en son nom s'adressent au Père. Joa., xiv, 13; xv, 
16; xvi, 23-26. Au nom de Jésus, les Apôtres et les mi- 
nistres de l'Église agissent et prêchent, Act., m, 16; iv, 
10, 17; v, 18; opèrent des miracles, Marc, ix, 37, 38; 
xvi, 17; Luc, ix, 49; x, 17; Act., m, 6; iv, 30; xvi, 
18; baptisent, Act., n, 38; vm, 12, 16; x, 48; xix, 5; 
remettent les péchés, Act., x, 43; xxn, 16; I Cor., vi, 
11; I Joa., n, 12, et administrent l'extrême-o-nction. 
Jacob., v, 14. Il est nécessaire, méritoire et heureux de 
souffrir pour le nom de Jésus. Matth., xxiv, 9; Marc, 
xiii, 13; Luc, xxi, 17; Joa., xv, 21; Act., v, 41 ; ix, 16; 
I Pet., iv, 14. 

5° Devoirs envers le nom de Dieu. — Il faut jurer par 
le nom de Dieu, Deut., vi, 13; Jos., ix, 19, et non par 
celui des faux dieux, Exod., xxm, 13; Jos., xxm, 7; ne 
pas prendre ce saint nom en vain, Exod., xx, 7 ; Deul., 
v, 11 ; ne pas le souiller, Lev., xvm, 21; xix, 12; xx, 
2; xxi, 6; xxn, 32 ; xxiv, 16. Voir Blasphème, t. i, ■ 
col. 1806. Notre-Seigneur ordonne de demander que ce 
nom soit sanctifié, c'est-à-dire honoré et traité sainte- 
ment par tous ceux qui le profèrent et se disent les 
enfants du Père qui est dansles cieux. Matth., vi, 9; 
Luc, xi, 2. Le nom divin appelle le respect, Lev., xviu, 
21; l'amour; Ps. v, 12; la louange, Exod., ix, 16; Ps. 
lxvi (lxv), 2; l'invocation, Gen., xm, 4; xxi, 33; xxvi, 
25; III Reg., xvm, 24; Judith, xvi, 2, etc. ; la bénédic- 
tion, Tob., ni, 13, 23; Job, i, 21; Ps. lxxii (lxxi), 17; 
xevi (xcv), 2; cxm (cxn), 2; Eccli., xxxix, 41; Dan-, 
n, 20, etc. L'expression de ces divers sentiments revient 
continuellement dans les Psaumes; il est question du. 
nom de Dieu jusqu'à cent cinq fois dans soixante-quatre. 
Psaumes. 

6» Protection qu'assure le nom de Dieu. — Dire que la 
nomiiu Seigneur est invoqué sur quelqu'un, Num., vi, 
27; Deut., xxviii, 10; II Reg., vi, 2; II Par., vu, 14; 
Eccli., xxxvi, 14; Jer.,xiv, 9; Bar., n, 15; Daa.,ix, 18; 
Am., ix, 12; Jacob., n, 7, etc., c'est dire que cequeJUpi'un 
appartient à Dieu par un titre spécial,, qu'il a par eon* 
séquent droit d'en recevoir aide et protection, comme 
l'épouse, par exemple, appartient à l'époux et doit être 
protégée par lui. Is., îv, 1. Cette situation privilégiée» 
été autrefois celle du peuple d'Israël, et «st maintenant 
celle du peuple chrétien. « Nous avons le nom d'enfants 
, de Dieu et nous le sommes. » I Joa., ili, I. 

II. Noms des êtres créés. — 1» Remarques parti- 



1671 



NOM 



1672 



culières. — Il est dit qu'Adam, sur l'invitation de Dieu, 
donna des noms aux êtres animés qui l'entouraient dans 
le paradis terrestre. Gen., n, 19, 20. Il n'est pas néces- 
saire d'admettre que tous les animaux aient alors reçu 
un nom, ni que tous les noms donnés par Adam aient 
exprimé les qualités essentielles de l'animal. Les carac- 
tères saillants suffisaient amplement pour établir une 
distinction pratique entre ces différents êtres. Pour don- 
ner un nom à la première femme, Adam se contenta 
de marquer son origine, Gen., h, 23, ou sa maternité, 
Gen., ni, 20, sans recourir aux qualités essentielles de 
sa compagne. Il lui suffit pareillement de constater dans 
chaque animal un trait distinctif quelconque et de s'en 
inspirer pour lui donner un nom. — En vertu de la loi 
du lévirat, le premier-né du second mariage portait le 
nom du frère défunt et continuait légalement sa lignée. 
Gen., xxxvin, 9; Deut., xxv, 7; Ruth, iv, 5. Voir Lé- 
virat, col. 213. — Les noms des douze tribus d'Israël 
étaient gravés sur deux pierres d'onyx, attachées à 
l'éphod du grand-prêtre, pour rappeler que celui-ci in- 
voquait le Seigneur au nom des douze tribus et qu'il 
appelait sur elles les bénédictions divines. Exod., xxviii, 
10, 29. — Se faire un nom, c'est accomplir des actions 
d'éclat afin de s'attirer l'attention, l'estime ou l'admira- 
tion des hommes. Gen., xi, 4; xn, 2; I Mach., v, 57. 
Un bon nom vaut mieux que la richesse et les autres 
avantages temporels. Prov., xxir, 1 ; Eccle., vu, 2. 

2° Identité du nom avec la personne ou la chose. — 
Comme le nom de Dieu, le nom de l'homme est sou- 
vent pris pour la personne elle-même. Deut., n, 25; 
vu, 24 ; ix, 14 ; xxix, 20; Jos., vu, 9; Prov., x, 7; Apoc, 
m, 4 ; xi, 13, etc. Dire que Dieu connaît quelqu'un par 
son nom, Exod., xxxm, 10, 17, que Jésus connaît ses 
brebis par leur nom, Joa., x, 3, c'est indiquer la faveur 
et la protection particulières dont ces êtres sont l'objet. 

— Avoir son nom écrit au livre de vie, c'est être assuré 
du bonheur éternel. Phil., îv, 3; Apoc, m, 5; xm, 8. 

— Dans les textes prophétiques, « être appelé » niqrà\ 
signifie tout simplement « être », parce que le nom est 
toujours significatif, comme il a été déjà remarqué. 
Le Messie futur sera appelé, c'est-à-dire sera en réalité 
le Conseiller admirable, le Dieu fort, etc. Is., ix, 5. Le 
Dieu d'Israël est appelé Dieu de toute la terre. Is., liv, 
5. Jésus-Christ sera appelé, par conséquent sera Fils du 
Très-Haut, Luc, I, 32, Fils de Dieu, Luc, i, 35, Naza- 
réen, Matfh., n, 23, Adèle, Apoc, xix, 11, et Verbe de 
Dieu. Apoc, xix, 13. Jean-Baptiste sera appelé et sera 
prophète du Très-Haut. Luc, i, 76. Le premier né est 
appelé saint, c'est-à-dire est consacré à Dieu. Luc, u, 
23. Les pacifiques seront appelés, c'est-à-dire seront en- 
fants de Dieu. Matth., v, 9. Suivant leur fidélité à la 
loi de Dieu, les disciples seront appelés et 'par consé- 
quent seront petits ou grands dans le royaume des 
cieux. Matth., v, 19. De même, les restes d'Israël seront 
appelés saints, Is., iv, 3, et Israël lui-même sera appelé 
réparateur des brèches et restaurateur des chemins. Is., 
l vin ,.12. La maison de Dieu sera appelée, c'est-à-dire 
devra être et sera la maison de la prière. Is., lvi, 7; 
Matth., xxi, 3 ; Marc, xi, 17. Jérusalem sera appelée et 
sera « ville fidèle », Is., i, 26; non plus « délaissée », 
mais « mon plaisir en elle », Is., lxii, 4 ; « recherchée, 
ville non délaissée, » Is., lxii, 12; « ville de vérité, 
montagne sainte, » Zach., vin, 3. Par contre, Babylone 
cessera d'être appelée et par conséquent d'être « sou- 
veraine des royaumes ». Is., xlvh, 5. On remarquera 
que celte location ne se trouve guère que dans Isaïe,et 
dans la^partie des Évangiles qui a une couleur plus 
sjiécialestteni tfébraïque. La conception d'une relation 
ttfès .étMstéshtre le nom et l'être qu'il désigne se re- 
trouve dîailleurs chez tous les peuples sémitiques. 

.3? Signification des noms. — 1. Pour les Hébreux 
«jOUîB,e pour les autres peuples sémitiques, les noms 
propres avaient toujours un sens, qui servait à fixer un 



fait, un détail plus ou moins important, ou constituait 
une invocation religieuse ou une sorte de profession de 
foi. Quand des récits passaient d'un peuple à un autre, 
ce dernier avait soin de transposer les noms propres 
dans sa propre langue, afin de leur prêter un sens et 
d'en faire des éléments mnémotechniques. Il est certain, 
par exemple, que le premier homme et la première 
femme n'ont pas porté des noms hébreux, pas plus que 
leurs descendants nommés jusqu'à Abraham. Pourtant, 
les noms d'Adam, d'Eve, de Caïn, d'Abel, de Seth, de 
Jubal, de Noé, etc., ont une forme hébraïque et un 
sens dans la langue des Hébreux. C'était une né- 
cessité. Des noms étrangers n'auraient pas été conser- 
vés par la tradition populaire. 

2. Les auteurs sacrés, surtout dans les plus anciens 
temps, indiquent fréquemment la signification des noms. 
Quand ces noms désignent des personnes, le sens de ces 
noms a été inspiré par des circonstances très diverses, 
mais presque toujours sans rapport avec le caractère ou 
le rôle historique du personnage, puisque ces noms 
étaient donnés à la naissance. La Genèse explique ainsi 
les noms d'Eve, m, 20; de Caïn, iv, 1 ; de Seth, iv, 25; 
de Noé, v, 29; d'Abraham, xvn, 5; d'Isaac, xxr, 6; d'Esaû 
et de Jacob, xxv, 25 ; des fils de Jacob, xxix, 32, 33, 
34, 35; xxx, 6, 8, 11, 13, 18, 20, 24, et de Joseph, xli, 
51, 52; de Phares, xxxvm, 29. Le nom de Moïse est éga- 
lement expliqué au commencement de l'Exode, n, 10. 
Noémi trouve que le nom de Mara « amertume », se jus- 
tifierait mieux pour elle. Ruth, i, 20. Le nom de Samuel, 

I Reg., i, 20, est aussi expliqué. Ensuite, cet usage dis- 
paraît des livres historiques. Dans les prophètes, on 
trouve encore des noms propres dont le sens prophé- 
tique est spécialement noté. Is., vin, 8; Ose., i, 4, 6, 9. 
Dans le Nouveau Testament, le nom de Jésus est expli- 
qué par l'ange, Matth., i, 21, et le Sauveur explique 
lui-même le nom de Pierre, quand il le donne à son 
apôtre. Matth., xvi, 18. Presque tous les autres 'noms 
d'hommes et de femmes qui se rencontrent dans la 
Bible ont un sens en hébreu. Ce sens est indiqué dans 
les articles du Dictionnaire, quand il est connu; mais 
ils proviennent quelquefois de racines dont nous igno- 
rons le sens. Sur le nom de Marie, voir t. v, col. 774. 

3. Les noms propres de lieux sont, au point de vue de 
l'histoire, plus importants encore que les noms d'hoin- 
ines ; car ils fixent pour toujours des traditions et tirent 
eux-mêmes leur signification d'un fait que l'on a trouvé 
digne de mémoire. Ces noms sont fréquemment expli- 
qués par les auteurs sacrés. Il en est ainsi, par exemple, 
pour Babel, « confusion, » Gen., xi, 9; Segor, « petite, » 
Gen., xix, 20, 22; Bersabée, « puits du serment, » Gen., 
XXI, 31; Éseq, « querelle, » et Rechoboth, « largeur, » 
noms de deux puits. Gen., xxvi, 20, 22; Bethel, i mai- 
son de Dieu, » Gen., xxvni, 17, 19; xxxv, 7; Abel-Mis- 
raïm, « deuil de l'Egypte, » Gen., L, 11 ; Mara, « amer- 
tume, » Exod.. xv, 23; Massah etMeribah, «contestation,» 
Exod., xvn, 7; Thabéera, « incendie, » Num., xi, 3; 
Horma, « anathème, » Num., xxi, 3; Galgala, de gâlal 
« rouler, » Jos., v, 9 ; Achor, de 'âkar, « troubler, » 
Jos., vil, 25, 26; Bokim, « les pleurs, » Jud., n, 5; 
Ramath Léchi, « hauteur de la mâchoire, » Jud., xv, 
17 ; Ében-Ézer, « pierre du secours, » III Reg. vu, 12; 
Séla'-Hatnmahleqôt, « rocher de l'évasion, »I Reg., 
xxiii, 28; Ifelqaf Hasûrim « champ des tranchants, » 

II Reg., il, 16 ; BaalPharasim, « mont des divisions, » 
II Reg., v, 20; Is., xxviii, 21 ; Phéretz-Oza, « percussion 
d'Oza, » II Reg., vi, 8, etc. Dans le Nouveau Testament,; 
on ne voit expliqués, à l'usage des étrangers, que Golgo- 
tha, « lieu du crâne, » Marc, xv, 22; Siloé, « envoyé, » 
Joa., ix, 7, et Haceldàma, « champ du sang. » Matth., 
xxyii, 8; Act., i, 19. 

4. Très souvent, les noms- propres des Hébreux n'ont 
aucun rapport avec le personnage qu'ils désignent. Ainsi 
Agabus,- Act., xi, 28, peut venir de hâgdb,n sauterelle, » 



1673 



NOM 



1674 



le nom de Rachel veut dire « brebis * ; celui de Débora, 
« abeille ; » le nom du prophète Jonas vient de yôndh, 
« colombe, » et Barjona veut dire « fils de Jona » ou de 
« la colombe » ; Églon, roi de Moab, tire son nom de 
'égel, « veau; » Oreb, prince madianite, tire le sien de 
'orêb, « corbeau, x> et son compagnon Zeb, Jud., vu, 25, 
porte celui du loup, ze'êb. Aja, Gen., xxxvi, 24, em- 
prunte son nom au vautour, 'ayyâh; Suai, I Par., vu, 
36, au chacal, sû'âl ; Séphor, prince de Moab., Jos., 
xxrv, 10, à l'oiseau, sippôr, et Tabitha, Act., ix, 36, à la 
gazelle, tebîtâ' (en araméen). Thamar, qui est le nom 
de trois femmes de l'Ancien Testament, veut dire 
« palmier »; Élon est le nom du chêne, Gen., xlvi, 14, 
et Susanne celui du lis. Job, xlii, 13-14, donne à ses 
trois filles, les noms de Jémima, « colombe, » Qetsia, 
« parfum, casse, » et Kéren-Happouk, « boite d'anti- 
moine. » D'autres noms sont suggérés par des qualités 
ou des défauts corporels : Héled, « le gras, » II Reg., 
xxiii, 29; Laban, « le blanc, x> Gen., xxiv, 29; Édom, 
« le roux, » Gen., xxv, 25; Suar, « le petit, » Num., i, 
8; Gaddel, Geddel, « le grand, » I Esd., h, 47, 56; 
Aram, « le haut, » Gen., xxil, 21 ; Phessé, « le boiteux, » 
I Par., iv, 12; cf. Josèphe, Bell, jud., V, xi, 5; Sépho, 
« le chauve, » Gen., xxxvi, 23; Amasaï, « le fort, » I Par., 
VI, 35, etc. Il y a des noms qui se rapportent au carac- 
tère moral: Nabal, « le fou, »IReg., xxv,3; Hachamoni, 
« le sage, » I, Par., xr, 11, Réu, « l'ami, » Gen., xi, 18, 
etc. D'autres rappellent des métiers : Somer, « gardien, » 

I Par., vu, 34; Berzellaï, « qui s'occupe du fer, » 

II Reg., xvn,27; Obed, « serviteur, » Jud., IX, 26; Charmi, 
« vigneron. » Gen., xlvi, 9, etc. Comme chez tous les 
autres peuples anciens et modernes, beaucoup de noms 
hébreux ne sont donc que des noms communs, affectés 
à la désignation de tel ou tel homme. 

5. On trouve aussi beaucoup de noms d'hommes dans 
la composition desquels entre le nom de Dieu. Eldad, 
« que Dieu aime, » Num., xi, 26; Eldaa, « que Dieu a 
appelé, » Gen., xxv, 4; Éliab, « dont Dieu est le père, » 
Num., i, 9; Élioda, « dont Dieu prend soin, » II Reg., 
v, 16; Éliézer, « dont Dieu est le secours, » Gen., xv, 2; 
Éliphaz, « dont Dieu est la force. » Job, H, 11, etc. D'au- 
tres fois, le mot El est à la fin du nom : Daniel, « Dieu 
est mon juge; » Ézéchiel, « que Dieu fortifie"; » Israël, 
« le fort de Dieu, » etc. Le nom de Jéhovah entre égale- 
ment dans la formation de beaucoup de noms : Josabad, 
« que Jéhovah a donné, » I Par., xxvi, 4; Joiada, « dont 
Jéhovah prendra soin, » IV Reg., xi, 4; Joakim, « que 
Jéhovah établira, » IV Reg., xxiv, 8; Joarib, « que Jého- 
vah défende. » I Par., ix, 10, etc. Il est parfois placé 
à la fin du nom : Ézéchias, * que Jéhovah fortifie, » 
II Reg., xvm, 1 ; Ananie, « que Jéhovah ail pitié, » IPar., 
ix, 30; Azarias, «r que Jéhovah aide. » III Reg., iv, 2, etc. 
On voit que le nom de Jéhovah entre dans la composi- 
tion des noms propres sous une forme syncopée; quel- 
quefois il n'est pas même exprimé, mais sous-entendu. 

6. Les noms des divinités étrangères servent à former 
les noms de plusieurs personnages mentionnés dans la 
Bible. — 1. Noms égyptiens : Putiphar, a consacré à 
Phra, s pa-Ra, nom du soleil, Gen., xxxix, 1; Ase- 
neth, « demeure de Neith, e ou « qui est à Neith », 
Gen., xl, 45, etc. — 2. Noms phéniciens : Balanan, 
il Baal fait grâce » (voir t. i, col. 1400); Esbaal, « homme 
de Baal » (voir Isboseth, t. m, col. 986); Jérobaal, 
« qui lutte contre Baal » (voir t. m, col. 1300); Mérib- 
baal, il que Baal se défende » (voir col. 996), etc. Le 
premier de ces noms est porté par un roi d'Édom et 
par un officier de David, probablement chananéen; 
le second est remplacé par un autre plus usuel; les 
deux autres indiquent l'hostilité contre Baal. Ces noms 
ne prouvent donc rien en faveur de l'influence du 
culte de Baal parmi les Israélites, pas plus d'ailleurs 
que les noms de lieux de composition analogue et 
qui sont antérieurs à la conquête de Chanaan par les 



Hébreux. Voir Baal, t. i, col. 1315, — 3. Noms assy- 
riens : Assurbanipal, « le dieu Assur a donné un fils » 
(voir ti I, col. 1144); Baltassar, « que le dieu Bel protège 
le roi » (voir t. i, col. 1420); Nabuchodonosor, « que le 
dieu Nabo protège la couronne » (voir col. 1437); Sen- 
nachérib, & le dieu Sin a multiplié les frères, » etc. — 
4. Noms grées : Apollos, dérivé du nom d'Apollon (voir 
t. i, col. 774); Épaphrodite, d'Aphrodite (voir t. h, 
col. 1820); Hermès, fils de Zeus ou Jupiter, Rom., xvi, 
li; Nymphas, de vu^Vi, « épouse, » Col., iv, 15; Olym- 
pas, don de l'Olympe, Rom., xvi, 15; Phœbé, fille d'Ou- 
ranos, personnification du ciel, Rom., xvi, 1 ; Nérée, 
fils de Poséidon, dieu de la mer, Rom., xvi, 15; Diolré- 
phès, « nourrisson de Zeus » ou Jupiter, III Joa., 9; 
Démétrius, de Dèmèter, déesse des biens de la terre, 
III Joa., 12; Linus, fils d'Apollon. II Tim., iv, 21, etc. 

7. On a cherché à tirer de la signification des noms 
propres des conclusions relatives aux croyances dé ceux 
qui les portaient. Ces conclusions sont légitimes en ce 
qui concerne les noms hébreux, égyptiens, assyriens, à 
condition de ne les étendre qu'à ceux de ces noms qui 
par leur caractère ou leur généralité sont vraiment 
aptes à exprimer les sentiments d'un peuple. Chez les 
Israélites, en particulier, certains noms sont très ex- 
pressifs au point de vue de la foi, de la confiance et de 
la reconnaissance envers Dieu. Tels sont, outre ceux 
qui ont été cités plus haut, les noms suivants, dans 
lesquels entrent comme composants les deux noms ha- 
bituels de Dieu, 'El et Ydh, contraction de Jéhovah : 
Abdias, « serviteur de Jéhovah; » Adonias, « Jéhovah 
est mon seigneur; » Béséléel, « à l'ombre de Dieu; » 
Élie, « Jéhovah est mon Dieu ; » Éliézer, « mon Dieu 
est secours ; » Élimélech, « Dieu est roi ; s Elisée, « Dieu 
est mon salut; » Elnathan et Nathanaël, « que Dieu 
donne; » Ézéchiel, « que Dieu rend fort; » Ezriel, 
« Dieu est mon secours; » Gamaliel, « Dieu récom- 
pense; » Hanànias, « Jéhovah fait grâce; » Isaïe, « Jé- 
hovah est sauveur; » Ismaël, t Dieu exauce; » Joël, 
« Jéhovah est Dieu ; » Jéraméel, « Dieu est miséricorde ; » 
Jésus et Josué, « Jéhovah est salut; » Johanan et Jean, 
« Jéhovah est grâce; » Jonathan et Nathanias, « Jého- 
vah a donné »; Josaphat, « Dieu juge; » Josias, « Dieu 
guérit; » Lamuel, c; à Dieu; » Melchias, « Jéhovah est 
mon roi; » Michas, « qui comme Jéhovah; » Samuel, 
« que Dieu écoute; » Zacharie, « dont Jéhovah se sou- 
vient, » etc. — Les noms théophores de femmes sont 
plus rares : Athalie, « Jéhovah est ma force; » Elisa- 
beth, « dont Dieu est le serment, » qui jure par Dieu ; 
Josabeth, « dont Jéhovah est le serment; » Jahel, «Jého- 
vah est Dieu, » etc. — Il est clair que, dans la suite des 
temps, beaucoup de ces noms ont été attribués par 
habitude et sans qu'on fit grande attention à leur signi- 
fication, comme il arrive parmi nous pour les noms 
d'Emmanuel, de Théodore, de Théophile, etc. Il n'en 
est pas moins vrai qu'à l'origine, c'est une pensée reli- 
gieuse qui les a incontestablement inspirés. — Voir sur 
les noms propres théophores : Lagrange, Études sur les 
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 73, 76, 89, 102, 
111 ; Eb. Nestlé, Die israelilischen Eigennamen nach 
ihrer religionsgeschitlichen Bedeutung, Harlem, 1876; 
M. Grundwald, Die Eigennamen des Alten Testamentes 
injkrer Bedeutung fur die Kenntnis des hebrâïschen 

•', Volksglaubens, Breslau, 1895 ; E. Renan, Sur les noms 
théophores dans les langues sémitiques, dans la Bévue 
des études juives, 1882, p. 161-177; Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, p. 459. — Sur 
les noms chrétiens empruntés aux croyances païennes, 
aux nombres, aux animaux, aux fleurs, aux localités, à 
l'histoire, aux croyances chrétiennes, etc., voir Martigny, 
Dict. des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 504- 
516. 

8. Les noms de lieux ont fréquemment, comme élé- 
ment composant, un mot indiquant une particularité 



1675 



NOM 



1676 



naturelle ou artificielle : Aïn ou En, « source, » d'où 
Endor, Engaddi, Engallim, Engannim, Enhasor, etc. ; 
Be'er, « puits, » d'où Bersabée, etc. ; Beth, « maison, » 
qui fournit une foule de composés, Béthanie, Bethléhem, 
etc., voir t. i, col. 1647-1764 ; Caphar, « village, » 
d'où Capharnaûm, etc.; Géba, « colline, » d'où Gabaa, 
Gabaat, Gabaon, etc. ; Kir, « mur, » d'où Kir Haraseth, 
Kir Moab, etc. ; Rama, « hauteur, » d'où Rama, Ra- 
math, Ramatha, etc. 

9. D'autres noms propres sont composés de deux 
noms communs, comme Abimélech, « père roi ; » Abra- 
ham, père de multitude; Benjamin, « fils de la droite; » 
Melchisédech, « roi de justice, » etc. 

10. A l'époque évangélique, les noms hébreux sont 
saturellement nombreux en Palestine ; mais les éléments 
étrangers s'introduisent de plus en plus. L'araméen 
fournit Thomas, « jumeau ; » Caïphe, « pierre » ou « dé- 
pression »; Saphire, « belle; » Marthe, « dame; » Cé- 
phas, « pierre; » Boanergès, « fils du tonnerre; » Tabi- 
tha, «. biche, » et tous les noms dans lesquels entre 
comme préfixe le substantif bar, correspondant à l'hé- 
breu ben, « fils : >) Barabbas, « fils du père; » Barthé- 
lemi, « fils de Tholmaï; » Barnabe, « fils de consola- 
tion; » Bartimée, « fils de Timée, » etc. A l'araméen 
appartienent aussi les noms de lieux, Bethesda, Gabbatha, 
Golgotha, Haceldama. 

11. Avec les Séleucides, la mode des noms grecs s'était 
introduite en Palestine. On avait vu des grands-prêtres 
ehanger leur nom hébreu pour un nom grec, Jésus ou 
Josué pour Jason, Onias pour Ménélas, Joachim pour 
Alcime. Les noms d'AristobuIe, d'Alexandre, d'Antigone, 
apparaissent dans la lignée des princes asmonéens. Voir 
t. m, col. 306. Les noms grecs portés par des Israélites 
sont assez rares dans l'Evangile : Nicodème, André, 
Philippe. Saint Thomas a un second nom grec : Didyme, 
« jumeau, » équivalent de son nom hébreu. Les Juifs 
hellénistes portent souvent des noms grecs comme les 
sept premiers diacres. Voir t. m, col. 583. On trouve aussi 
Âlvéai, Énée, Act., IX, 33; 'P65/\, de £63ov, « rose, » 
Rhodè, Act., xn, 13; Éairçsi'pr), « de saphir, » Saphire, 
Act., v, 1, etc. Beaucoup d'autres noms grecs se lisent 
dans le Nouveau-Testament, mais appartiennent à des 
chrétiens de la gentilité : 'Api(rrap/oc, « maître souve- 
rain, » Aristarque, Col., iv, 10; 'Ap^i'jtitoç, « maître des 
chevaux, » Archippe, Col., iv, 17; 'AnO-pcpi-roç, « in- 
comparable, » Asyncrite, Rom., xvi, 14; 'Epaatôç, « ai- 
mable, » Ëraste, Rom., xvi, 23; Eû'êouXoç, « de bon 
conseil, » Eubule, II Tim., iv, 21; EûtuS-a, « bonne 
odeur, » Évodie, Phil., iv, 2; Kaprcoç, « fruit, »Carpus, 
II Tim., iv, 13; 'Ovrjai'iJioc, «profitable, » Onésime, Col., 
rv, 9; 'Ovrinîçopoi;, « portant profit, » Onésiphore, II Tim., 
1, 16;IIepcTÎ{, «de Perse, » Persis, Rom., xvi, 12;ETâxuç, 
« épi, » Stachys, Rom., xvi, 9; Tcf«J6eoç, « qui honore 
Dieu, » Timotbée, Rom., xvi, 21 ; TpéipipLoî, « nourri- 
cier, » Trophime, II Tim., iv, 20; Tu/ix<iç, « fortuné, » 
Tychique, Eph., vi, 21; «Mr^ùiv, « aimant, » Philémon, 
Philem., 1; X>4ï], « verdure, » Chloé. I Cor., i, 11, etc. 

12. Les noms latins sont plus rares en Palestine. Tels 
sont Marc, « le mâle; » Justus, « le juste, » Act., xvm, 
7; Niger, « le noir, » Act., xin, 1; Paul, « le petit, » 
nom substitué à celui de Saul, « le demandé. » Parmi 
les chrétiens de la gentilité se rencontrent les noms 
suivants : Ampliatus, « illustre, » Rom., xvi, 8; Aquila, 
« aigle, » Act., xvm, 2; Clemens, « clément, x> Phil., iv, 
3; Crescens, « qui grandit, » II Tim., iv, 10; Crispus, 
« crêpa, » I Cor., i, 14; Fortunatus, « favorisé, » I Cor., 
xvi, 15; Prisca et Priscilla, n l'ancienne, » Rom., xvi, 
3; I Cor., xvi, 19; Pudens, « modeste, » II Tim., iv, 21; 
Sécundus, Tertius et Quartus, « le second, » « le troi- 
sième » et « le quatrième » dans la famille, Act., xx, 4; 
Rom., xvi, 22, 23; Rufus, « le roux, » Rom., xvi, 13; 
Sylvanus, « de la forêt, » II Cor., i, 19; Urbanus, « de 
la ville, » Rom., xvi, 9, etc. On voit que ces noms grecs 



et latins ressemblent, dans leur genre, à ceux qui sont 
en usage chez tous les peuples anciens et modernes. 
Beaucoup d'autres n'ont pas de signification précise, 
sans doute par suite de leur déformation. 

4° Imposition des noms. — 1. Certains noms sont 
imposés sur l'ordre même de Dieu : Ismaël, Gen., xvi, 
11 ; Abraham, xvn, 5 ; Isaac, Gen., xvn, 19 ; Israël, 
Gen., xxxv, 10; Jean, Luc, i, 13; Jésus, Matth., i, 21; 
Luc, i, 31; Pierre, Marc, ni, 16; Boanergès, Marc, m, 
17. — 2. Ce sont ordinairement les parents qui donnent 
le nom à l'enfant. La mère remplit préférablement cet 
office. Ainsi procèdent Eve, Gen., iv, 1, 25; les femmes 
de Jacob, Gen., xxix, 32-xxx, 24; Rachel, Gen., xxxv, 
18; la mère de Samson, Jud., xm, 24 ; Anne, mère de 
Samuel, I Reg., î, 20; la belle-fille d'Héli, I Reg., iv, 
21 ; Elisabeth, Luc, i, 60. Le père intervient aussi. 
Abraham donne le nom à Isaac, Gen., xxi, 3; Jacob 
appelle son dernier fils Benjamin, Gen., xxxv, 18; Da- 
vid nomme son fils Salomon, II Reg., xn, 24, et Zacha- 
rie veut, comme Elisabeth, qu'on appelle son fils Jean. 
Luc, i, 63. Il est à remarquer que saint Joseph est 
chargé, conjointement avec Marie, de donner le nom 
de Jésus au divin Enfant. Matth., i, 21 ; Luc, I, 31. 
Parfois l'entourage de la famille prend l'initiative du 
nom à attribuer. Les voisines de Noémi donnent 
le nom d'Obed au fils de Ruth et de Booz. Ruth, 
iv, 17. Les voisins et les parents d'Elisabeth voudraient 
que son fils s'appelât Zacharie. Luc, i, 59. — 2. Primi- 
tivement, le choix du nom était inspiré par une cir- 
constance quelconque de la naissance. Lorsque, par la 
suite, le nombre des noms propres fut devenu considé- 
rable, on reprit des noms déjà portés, soit par le père 
même de l'enfant, Tob., i, 9; Luc, i, 59; cf. Josèphe, 
Ant. jud., XIV, I, 3, soit du moins par quelqu'un de 
sa parenté. Luc, i, 61. Les mêmes noms propres étant 
ainsi attribués à beaucoup de personnes, on distinguait 
celles-ci entre elles par des additions faites à leur nom. 
Quelquefois, le nom du lieu de naissance est ajouté au 
nom de la personne : Jason de Cyrène, II Mach., n, 24 ; 
Marie-Madeleine ou de Magdala, Judas Iscariote ou de 
Kérioth, Joseph d'Arimathie, etc. D'autres fois, à la ma- 
nière arabe, on indique la filiation : Joram, fils d'Achab, 
et Joram, fils de Josaphat, IV Reg., vm, 16; Joas, fils 
de Joachaz, et Joas, fils d'Ochozias, IV Reg., xiv, 8, 3 ; 
Jéroboam, fils de Nabat, II Par., ix, 9, et Jéroboam, 
fils de Joachaz, IV Reg., xiv, 23 ; Zacharie, fils de Ba- 
rachie, Matth., xxm, 25; Jean, fils de Zacharie, Luc, 
m, 2; Simon de Jean, Joa., xxi, 15; Joseph Barsabas, 
Act., i, 23, etc. Jacques le Majeur et Jean sont fréquem- 
ment appelés « fils de Zébêdée », Matth., xxvi, 37 ; 
Marc, x, 35, etc., pour les distinguer de Jacques le 
Mineur et de Jean-Baptiste. Jacques le Mineur est ap- 
pelé Jacques d'Alphée. Luc, vi, 15. D'autres degrés de 
parenté servent aussi à établir l'identité des person- 
nages. Jude de Jacques est Jude frère de Jacques. Luc, 
vi, 16. Marie de Cléophas, Joa., xix, 25, est la femme 
de Cléophas; elle est également appelée Marie, mère 
de Jacques et de Joseph, Matth., xxvii, 56, Marie de 
Joseph, Marc, xv, 47,et Marie de Jacques. Marc, xvi, 1, 
Jeanne est désignée comme femme de Chusa. Luc, 
vm, 3. Marie est appelée mère de Jésus, pour la distin- 
guer des autres Maries. Act., i, 14. Jacques, Joseph, Si- 
mon et Jude sont nommés frères, c'est-à-dire cousins 
de Jésus. Matth., xm, 55. Simon de Cyrène, déjà suffi- 
samment distingué par ce double nom, est présenté 
comme père d'Alexandre et de Rufus, afin que les lec- 
teurs de l'Évangile le reconnaissent mieux. Marc, xv, 
21. D'autres particularités caractérisent certains noms : 
Jean-Baptiste ou le baptiseur; Matthieu le publicain, 
Matth., x, 3; Simon le cananéen ou le zélote, Matth., x, 
4; Marc, m, 18; Luc, vi, 15; Marie-Madeleine, de qui 
sept démons étaient sortis, Luc, vm, 2; Simon le lé- 
preux, Matth., xxvi, 6 ; Marc, xiv, 3, etc. Quelquefois 



1677 



NOM — NOMBRE 



1678 



. deux noms indiquent le même personnage : Joseph 
Barsabas le juste, Act., i, 23; Jean Marc, Act., xn, 25, 
etc. Matthieu et Lévi désignent le même apôtre. Matlh., 
ix, 9, Marc, m, 14. — Dans les premiers temps, le nom 
était imposé à l'enfant au moment de sa naissance. 
Quand Dieu prescrivit la circoncision, ce fut seulement 
à l'occasion de cet acte que le nom fut donné, parce 
que c'était par la circoncision que l'enfant naissait à la 
vie sociale et religieuse et prenait rang dans le peuple 
de Dieu. Luc, I, 59; II, 21. 

5° Changement des noms. — 1. Pour différentes rai- 
sons, les noms primitifs sont quelquefois changés. Dieu 
change le nom d'Abram, « père élevé, » en Abraham, 
« père de multitude, » Gen., xvti, 5, pour mieux indi- 
quer la vocation du patriarche. Il change de même celui 
de Saraï en Sara, princesse. Gen., xvii, 15. Jacob reçoit 
de l'ange le nom d'Israël, Gen., xxxv, 10, qui deviendra 
le nom patronymique de la nation future. Rachel ap- 
pelle son second fils Benoni, « fils de ma douleur ; » 
Jacob substitue à ce nom celui de Benjamin, « fils de 
la droite. » Gen., xxxv, 18. Le pharaon donne à Joseph 
le nom égyptien de Tsaphnath-Panéach, « pourvoyeur 
de la vie, » Gen., xli, 45, pour marquer la fonction dé- 
volue au jeune Hébreu. Plus tard, à la cour de Babylone, 
on change de même les noms des compagnons de Da- 
niel, Ananias, Misaël et Azarias, en ceux de Sidrac, Mi- 
sach et Abdénago, Dan., i, 7, puis celui de Daniel en 
Baltassar. Dan., v, 12. Moïse attribue le nom de Josué 
à Osée, fils de Nun. Num., xm, 17. A Salomon, ainsi 
nommé par son père, le prophète Nathan assigne, de la 
part de Dieu, le nom de Jédidiah, « bien-aimé de Jého- 
vah. » III Reg., xn, 25. Le premier nom prévalut à 
l'usage. Néchao, en plaçant Eliacim, fils de Josias, sur 
le trône de Jérusalem, change son nom en Joakim. IV 
Reg., xxiii, 34. Voir t. m, col. 1552. Pour des motifs 
peu honorables, les grands-prêtres Josué, Onias et Joa- 
chim abandonnent leurs noms hébreux et prennent les 
noms grecs : Jason, Ménélas et Alcime. Voir t. m, col. 
306. — 2. Notre-Seigneur change le nom de Simon en 
celui de Céphas, « pierre, » qui indique le rôle assigné 
à l'apôtre. Joa., i, 42. Les fils de Zébédée, Jacques et 
Jean, reçoivent le surnom de Boanergès, « fils du ton- 
nerre. » Marc, m, 17. Mais ce nom est plutôt un qua- 
lificatif qu'une appellation usuelle. Joseph, lévite de 
Chypre, est appelé par les apôtres Barnabe, « fils de 
consolation, » Act., iv, 36, et n'est plus connu. ensuite 
que sous ce nom. Lors de la conversion du proconsul 
Sergius Paulus, Saul abandonne son nom hébreu pour 
le nom latin de Paul, Act., xni, 9, qui facilitera ses 
rapports avec les Gentils. — Voir Leusden, Onomasti- 
cum sacrum, Leyde, 1664;Hiller, Onomatiscum sacrum, 
Tubingue, 1706 ; Simonis, Onomasticum V. T., Halle, 
1741 ; N. T., 1762 ; B. Michaelis, Observât, phil. de 
nomin. propriis Èbreor., Haie, 1729 ; Nomina guse- 
dam propria V. et N. T., 1754. 

H. Lesêtre. 

NOMBRE (hébreu : mispâr; une fois kâsas, Exod., 
xn, 4; chaldéen : minyân, I Esd., vi, 17; Septante : 
àpi8u.oç; Vulgate : numerus), expression de la quotité, 
ayant pour base l'unité, ses multiples et ses fractions. 
Les différents ternies hébreux qui se rapportent aux 
opérations faites sur les nombres sont : sâfar, àpt6u.5tv, 
numerare, « compter; » mànâh, en chaldéen : me- > 
nâh, àpt6u.eîv, numerare, « dénombrer; » sefôrâh, 
inctf{z\ia, promissio, le «livre de comptes »; sefdr, 
àpi8u.6ç, dinumeratio, le « dénombrement »; pequd- 
dâh, éTctoxE^tç, computati sunt, la « recension », le 
«dénombrement»; dans saint Luc, xiv, 28, i^Tjçîïetv, 
« compter avec des cailloux, » calculer, computare. 
Cf. Act., xix, 19. 

I. La science des nombres chez les Hébreux. — 
1° Les anciens Orientaux n'ont pas été de grands calcu- 
lateurs. La science pratique des quatre opérations élé- 



mentaires, addition, soustraction, multiplication, divi- 
sion, suffisait à leurs besoins, et ilss'en tinrent là. Les 
Égyptiens se servaient presque exclusivement du système 
décimal, qui prend pour base de calcul les cinq doigts 
de la main. Ce système, auquel s'arrêtèrent les ancêtres 
de la race aryenne, fut adopté, avec les noms de nom- 
bre sanscrits, par les Grecs et les Latins. Cf. Max Mûl- 
ler, Essais sur la mythologie comparée, traâ.G. Perrot, 
Paris, 1874, p. 64-67. Chez les Chaldéens, le système 
décimal se combinait avec le système duodécimal, dont 
l'idée semble avoir été suggérée par les douze mois de 
l'année. Il nous en est resté la division du cercle en 
360 degrés. On comptait par dizaines, centaines, 
mille, etc., mais aussi par multiples ou subdivisions 
de 60. Ainsi, toute unité pouvait se subdiviser en 
soixante fractions égales, et chacune de ces fractions 
en soixante autres. Pour les grandes quantités en nom- 
bre, en longueur, en superficie, en contenance, en 
poids, etc., le multiple 60 était beaucoup plus usité que 
le multiple 100. Ainsi 60 unités faisaient un sosse, 
60 sosses faisaient un nère, 60 nères faisaient un sare, 
et ces multiples s'appliquaient aux quantités de toute 
nature. Le nombre 60 est le produit du 5 décimal et 
du 12 duodécimal. La combinaison des deux systèmes 
permettait de diviser à la fois par 10 et par 121es grandes 
quantités, ce qui rendait plus facile la tâche de ceux 
qui avaient à calculer. Cf. Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient classique, Paris, 1895, t. I, 
p. 772, 773. 

2° Les Hébreux ont gardé sur ce point, comme sur 
tant d'autres, la tradition des Chaldéens, leurs ancêtres. 
Quand Abraham demande au Seigneur d'épargner So- 
dome si la ville renferme 50 justes, il réduit peu à peu 
ce nombre, suivant le système décimal, à 45, à 40, à 
30, à 20 el à 10. Gen., xvm, 26-32. Au désert, le Sei- 
gneur promet à Moïse que le peuple pourra manger 
de la viande non pas un jour, ni 2, ni 5, ni 10, ni 20, 
mais 30. Num., XI, 19. Ici encore, la gradation est dé- 
cimale. Le système duodécimal apparaît dans l'impor- 
tance qu'ont chez les Hébreux les chiffres 12, 60, et 
leurs multiples ou leurs divisions. Dans une des para- 
boles de Notre-Seigneur, celle du semeur, le gain est de 
100, de 60 ou de 30 pour un. Matth., xm, 8; Marc, rv, 
8. On a ici un multiple décimal et un multiple duodé- 
cimal avec sa moitié. Le système duodécimal règle les 
mesures de longueur. Ainsi le doigt vaut 2 grains d'orge, 
le palme 8, le zéreth 15, l'empan 24, le pied 32, la cou- 
dée 48, et la canne vaut 4 coudées. Tous ces chiffres 
sont des divisions ou des multiples de 12. Pour les me- 
sures de capacité, le cab vaut 4 log, le gonior 1/2, le 
hin 12, le séah 24, le bath 72, et le cor ou chômer 720. 
Ici encore, il y a application des deux systèmes. Les poids 
se multiplient d'abord d'après une règle décimale : le 
béqah vaut 10 gérah, le sicle 20, le mine 1,000; puis in- 
tervient un multiple duodécimal : le talent vaut 60 mines. 
Voir Mesure, col. 1044. L'influence chaldéenne est donc 
incontestable dans la numération hébraïque. Quant à la 
manière dont les Hébreux traitaient les nombres, on n'a 
aucune donnée positive. Leur science n'allait certaine- 
ment pas plus loin sous ce rapport que celle des Chal- 
déens ou des Phéniciens. Elle se bornait aux comptes les 
"plus simples, selon la nécessité des affaires courantes, 
d'ailleurs assez peu développées chez un peuple surtout 
agricole. Les règles élémentaires suffisaient pour cela. 
Le calcul n'était pas beaucoup plus compliqué quand il 
fallait estimer le prix d'une propriété d'après le nombre 
d'années à courir jusqu'à l'année jubilaire. Lev., xxv, 15, 
16. Quand le commerce et l'industrie prirent quelque 
extension, comme à l'époque de Salomon, il dut exister 
des spécialistes plus habitués à calculer. D'ailleurs il 
y avait des trésors à surveiller et à évaluer, tant dans le 
Temple que dans la maison du roi, des propriétés 
royales ou particulières que géraient des intendants, 



1679 



NOMBRE 



1680 



des journées d'ouvriers à payer le soir, et, au moins à 
partir des Machabées, le change de l'argent à Jérusa- 
lem même, la pratique de la banque, le fermage et la 
perception des impôts, etc., opérations qui nécessitaient 
une certaine habitude du calcul. D est vrai qu'avec les 
Séleucides, les méthodes grecques commencèrent à 
s'introduire en Palestine; mais elles ne furent jamais 
à l'usage du commun des Israélites, qui ne poussèrent 
pas leurs connaissances arithmétiques au delà de ce 
qu'exigeait la routine des transactions locales. 

3° De deux passages bibliques, III Reg., vu, 23; 
II Par., iv, 2, on a conclu que les Hébreux ne possé- 
daient qu'une notion sommaire du rapport qui existe 
entre le diamètre et la circonférence. Si la mer d'airain 
avait 10 coudées de diamètre et 30 coudées de circon- 
férence, c'est que les Hébreux identifiaient ce rapport à 
celui de 1 à 3. Archimède l'estimait par la fraction 22/7, 
qui est trop forte à partir de la troisième décimale. Ce 
rapport est exprimé par la fraction continue 3, 14159... 

II suit de là que, dans le cas de la mer d'airain, un 
diamètre de 10 coudées ou 5 m 25 supposait une circon- 
férence, non de 30 coudées ou 15 m 75, mais en réalité de 
16 m 48, c'est-à-dire de m 73, soit d'une coudée et demie 
de plus. Si la circonférence était réellement de 30 cou- 
dées ou 15 m 75, elle supposait un diamètre de 5 m , soit 
seulement de 9 coudées et demie. Il est évident que dans 
la pratique on ne descendait pas à ces précisions, et 
que, spécialement dans une description, on se contentait 
d'une simple approximation. 

4° Certains calculs plus importants s'imposaient aux 
autorités religieuses d'Israël. Il leur fallait d'abord dé- 
terminer l'époque de la Pâque, qui se célébrait norma- 
lement le 15 du mois de nisan, mais qu'il y avait lieu 
parfois de retarder par suite de l'état des récoltes et de 
î'intercalation d'un second mois de adar avant celui de 
nisan. Voir Année, t. i, col. 642. D'après la date de la 
Pâque, on fixait aisément celle de la Pentecôte. Il y 
avait aussi à déterminer le commencement officiel de 
chaque mois. Voir Néoménie, col. 1588. Mais le calcul 
qui préoccupa le plus les Juifs, fut celui de la venue du 
Messie, d'après la prophétie de Daniel. Voir Daniel, 
t. il, col. 1277-1282. Ils supputèrent longtemps l'époque 
à laquelle devait apparaître le Messie, tel qu'ils l'ima- 
ginaient. Toujours déçus dans leur espérance, ils fini- 
rent par constater officiellement leur déception et la 
fin de leur inutile attente. « Tous les termes marqués 
pour la venue du Messie sont passés... Combien d'années 
sabbatiques écoulées où sont apparus les signes néces- 
saires du Messie, et cependant il n'est pas venu!... 
Puisque la fin est arrivée et que le Messie n'est pas 
venu, il ne viendra plus! » Sanhédrin, 97 a, b. Quel- 
ques-uns pensaient que les péchés des hommes arrê- 
taient seuls cette venue et que la pénitence attirerait le 
Messie. D'autres disaient : « Maudits soient ceux qui 
supputent le temps du Messie ! » Gem. Babyl. Sanhédrin, 
f. 97. « Que leur cœur éclate et que leurs calculs, s'éva- 
nouissent! » Maimonide, Iggereth Hatteman, f. 125, 
4. Les Juifs ne s'étaient pas trompés dans leurs calculs, 
mais dans l'idée qu'ils se faisaient du Messie. 

II. La. représentation des nombres. — 1° Les an- 
ciens peuples éprouvèrent vite le besoin d'exprimer les 
nomhres par des signes spéciaux, permettant d'indi- 
quer des sommes considérables sous une forme beau- 
coup plus abrégée que par le détail en toutes lettres. 
Bien avant qu'Abraham quittât la Chaldée, il existait en 
ce pays tout un système de signes conventionnels des- 
tinés à exprimer les nombres. On employait dans ce but 
les coins qui servaient déjà pour l'écriture. Des clous 
verticaux, juxtaposés ou superposés, indiquaient les 

unités : | = 1; || = 3; ||| = 3; TjT= 4; |T{_= 5; 

III = 6, etc. Les dizaines étaient représentées par des 



crochets : ^ = 10; ^ = 20; /^ =30, etc. A partir 

de 60, on pouvait continuer à se servir des crochets : JJ5 
ou remplacer 50 par un clou vertical, avec des crochets 
pour les dizaines suivantes : | / = 60; | // = 70, etc. 
La centaine était indiquée par un clou vertical barré 
d'un trait horizontal et précédé d'un clou simple pour 
chaque centaine : 1 |— = 100; || J— = 200; ||| |— = 

300, etc. On exprimait 1000 par 10 fois 100 : (|>~, et 

ainsi de suite en combinant les signes précédents. 
Cf. Fr. Lenormant, Études accadiennes, Paris, 1873, 
t. m, p. 225, 226; Pinches, The Akkadian Numerals, 
dans les Proceedings of the Society of fiibl. ArchmoL, 
t. iv, 1881-1882, p. 111-117; Maspero, Histoire ancienne, 
t. i, p. 772. Ces notations numériques se retrouvent dans 
le code d'Hammurabi. Cf. Scheil, Textes élamites-sémi- 
tiques, 2 e série, Paris, 1902, col. vi, 63; viu, 17, 19, 56; 
x, 62, etc. 

2° Les Hébreux eux aussi ont dû chercher de bonne 
heure le moyen d'écrire les nombres sous une forme 
abrégée. On ne voit pas trace chez eux de signes parti- 
culiers inventés dans ce but. Mais, à l'époque des Ma- 
chabées, on trouve quelquefois, sur les monnaies juives, 
les chiffres des années exprimés par des lettres. Cf. 
Eckhel, De doctrin. num. veter., t. m, p. 468; Cave- 
doni, Numismatica biblic., Modène, 1850, p. 19. On en 
conclut avec assez de vraisemblance que cette manière 
d'écrire les nombres était usitée antérieurement. Un 
bon nombre de variantes qu'on signale dans les textes 
primitifs ou dans les versions des Livres saints ne s'ex- 
pliquent même, que si on suppose les nombres expri- 
més par des lettres qui, à raison de leur similitude de 
forme, se changeaient" aisément l'une pour l'autre. Cf. 
Reinke, Beiiràge zur Erklârung des A. T., Munster, 
1851, t. i, p. 10; Corluy, Nombres (Expression des) chez 
les Hébreux, dans le Dict. apologét. de Jaugey, Paris, 
1889, col. 2222-2225. Voici la valeur numérique qui était 
assignée à chaque lettre de l'alphabet : 



N = 1 > = 10 

3 = 2 , 3 = 20 

1 = 3 b = 30 

1 = 4 D = 40 

n = 5 3 = 50 

1 = 6 D = 60 

1 = 7 y = 70 

n = 8 3 = 80 

1S = 9 S = 90 



p = 100 
1 = 200 
W = 300 

n = 400 

pn = 400 + 100 = 500 
in =400 + 200 = 600 
WI1 = 400 + 300 = 700 
nn = 400 + 400 = 800 
pnr = 400 + 400 + 100 = 900 



Les massorètes exprimaient les dernières centaines 
au moyen des lettres finales : ") = 500; a = 600; i = 
700; i = 800; y = 900; mais les rabbins préféraient 
se servir des lettres ordinaires, combinées comme on le 
voit dans le tableau. Dans les chiffres composés, celui 
des dizaines précédait celui des unités : v = 14; iaa — 
29, etc.; celui des centaines précédait celui des dizaines : 
nip = 138; nwn, =747, et ainsi de suite. Toutefois au 
lieu d'écrire : n> = 15 et v = 16, les Juifs mettaient 
tb = 9 + 6 = 15, et td = 9 + 7 = 16, les deux formules 
ht et }> pouvant être prises pour des abréviations du 
nom sacré de Jéhovah. Les milliers s'énonçaient au 
moyen des mêmes lettres de l'alphabet, qu'on reprenait 

en les surmontant de deux points : n = 1000; a = 2000; 

p = 100000; tin = 800000, etc. Ces deux points pou- 
vaient d'ailleurs être omis dans les nombres composés 
de plusieurs chiffres. Enfin, pour indiquer qu'une lettre 
ou un groupe de lettres représentaient une valeur nu- 
mérale et ne devaient pas recevoir de voyelles, on sur- 
montait la première lettre du groupe de deux traits en 

forme d'obèles : pn .-= 500; npnns = 1905, etc. Voir 
Hébraïque (Langue), t. m, col. 467; Preiswerk, Gram- 



1681 



NOMBRE 



1682 



maire hébraïque, Genève, 1864, p. 133-134; Touzard, 
Grammaire hébraïque, Paris, 1905, p. 76. 

3° A l'époque évangélique, la numération grecque 
devait aussi être, sinon usitée, du moins connue en Pa- 
lestine. Comme en hébreu, les nombres y étaient re- 
présentés par les lettres de l'alphabet. Ce système appa- 
raît dès le rv« siècle av. J.-C. ; les grammairiens 
d'Alexandrie l'adoptèrent ensuite, et, à partir de 250 
av. J.-C, on le trouve en usage sur les monnaies et 
dans les documents écrits. De a à 6, les lettres mar- 
quent les unités, avec le digarama F, le vav des Hé- 
breux et des Phéniciens, pour marquer 6 de i à iz les 
dizaines, avec le xémra, b ou Ç", coph des Hébreux et des 
Phéniciens, q des Latins, pour marquer 90; les lettres 
de p à (o marquent les centaines, avec le <râ(im, Q (aifiLa 
et nî) pour représenter le nombre 900. Toutes ces 
lettres, employées comme valeurs numérales, sont sur- 



JVord 











451. — Hosace en mosaïque de Hosn. 
D'après la Revue biblique, 1900, p. 119. 

montées d'un accent à droite : «',6',y', etc. Avec un 
iota souscrit à gauche, leur valeur est multipliée par 
1000 : ,s = 5000; ,x = 80 000; ,u = 800000, etc. Une 
rosace en mosaïque (fig. 451), découverte en 1899 à 
Hosn, en Pérée, est ornée de lettres grecques majus- 
cules, E, O, II, K(x<Sirxa), P, PK, PA, etc., qui repré- 
sentent les nombres 60, 70, 80, 90, 100, 120, 130, etc. 
Dans le grand théâtre de Gérasa, en Palestine trans- 
jordanienne, le P. Germer Durand a constaté qu'un 
certain nombre de places étaient numérotées. Les 
chiffres sont ainsi écrits : CIB — CIT —CIA — Cl€ — 
CK — CKA — CKB — CKI", ce qui correspond, en 
lisant de gauche à droite, à 212, 213,214, 215,220, 221. 
Sur une autre série : ^«b — Al<{> — ll<|> — ai<b — Al<p 

— I<p, les chiffres sont à lire de droite à gauche : 515, 
514, 513, 512,511, 510. Cl. Revue biblique, 1895, p. 377. 

— Pour les inscriptions, surtout dans la Grèce propre- 
ment dite, on se servait de I, II, III, IIH, V (pour 7t£vt£ 
= 5; A (pour Aéxa) = 10; H (pour Hexatôv) = 100; X 
(pour XiXioc) = 1000; M (pour Mûpioi) = 10000. On 

rendait 50 par Q (10 X 5}, et 500 par Q (100 x 5). Les 

chiffres les plus élevés se plaçaient à gauche. — 4° La 
numération latine était à l'usage de l'administration 



romaine établie en Palestine. Elle se composait de 
traits verticaux, I, II, III, et des signes suivants : 
X =10; V (probablement moitié de X) = 5; L= 50; 
C (centum) = 100; D = 500; M (Mille) "= 1000; puis, 

pour les multiples de 1000 : £, $, etc. 

III. Altération des nombres bibliques. — 1» Que 
les anciens Hébreux, dans leurs transcriptions du texte 
sacré, aient écrit les noms de nombre en toutes lettres 
ou en notation alphabétique, il est certain que beau- 
coup des nombres consignés dans les Livres saints ont 
souffert et ne nous sont arrivés que plus ou moins 
altérés. La chose est manifeste en ce qui concerne les 
listes patriarcales. Des différences notables apparaissent 
entre les chiffres de l'hébreu, du samaritain et des 
Septante. Voir Longévité, t. iv, col. 355, 359. Souvent, 
ces différences portent sur un seul chiffre, celui des 
centaines. Il en est ainsi pour Seth et ses descendants 
jusqu'à Lamech, et ensuite pour tous les descendants 
de Sem. En se reportant aux anciens alphabets, t. i, 
col. 407, on voit, par exemple, que la différence de 
forme n'est pas grande entre ■» = 4 et n = 200; entre 
i = 6, t = 7, et > = 10; entre p = 100 et t = 200; etc. 
Il était bien plus facile de confondre i avec i, que 
yniN, « quatre, » avec D>rNa, deux cents; » i, i et >, 

que wtf, « six, » yatf , « sept, » et -itoy, & dix, » etc. Cette 

constatation donnerait à penser qu'au moins à une cer- 
taine époque les nombres bibliques ont été écrits alpha- 
bétiquement, ce qui a rendu les confusions faciles. On 
s'expliquerait ainsi comment, Gen., n, 2, l'hébreu, la 
Vulgate et le chaldaïque disent que Dieu termina son 
œuvre le septième jour, tandis que les Septante, le sa- 
maritain, le syriaque et Josèphe, Ant.jud., I, 1, 1, mar- 
quent le sixième jour. La différence graphique serait 
d'un i = 7 à un i = 6. Néanmoins, ces remarques ne 
suffisent pas à prouver que les chiffres bibliques aient 
été habituellement transcrits sous forme de lettres. Sur 
la stèle de Mésa, lignes 2, 8, 16, 20, 28, 29. 33, les nom- 
bres sont écrits en toutes lettres. Cf. col. 1015-1017; 
Lagrange, L'inscription de Mésa, dans la Revue bi- 
blique, 1901, p. 523-525. 

2» Beaucoup d'autres causes pouvaient contribuer à 
l'altération des nombres par les transcripteurs : la mau- 
vaise façon du texte à transcrire, l'intention de corriger 
une leçon regardée comme fautive, la confusion d'un 
passage avec un autre, et en général le caractère même 
des noms de nombres, surtout des nombres un peu 
élevés. Le sens et le contexte peuvent aider le copiste à 
déchiffrer exactement un mot mal écrit, mais cette res- 
source lui manque pour les chiffres. De là des diver- 
gences multiples que l'on signale entre des chiffres qui 
devraient s'accorder. Ainsi, au temps de David, on 
compte d'une part 800000 hommes portant les armes en 
Israël, et 500 000 en Juda, II Reg., xxiv, 9, et d'autre 
part, 1100 000 hommes en Israël et 470000 en Juda. 
I Par., xxi, 5. Salomon avait 40 000 stalles pour ses 
chevaux de chars d'après III Reg., iv, 26, et seulement 
4 000 d'après II Par., ix, 25. Quand il commença à 
régner, Joachin avait 18 ans d'après IV Reg., xxiv, 8, 
et 8 ans d'après II Par., xxxvi, 9. Phinées frappe 
24 000 Israélites, d'après Num., xxv, 9, et 23 000, d'après 
LÇor., x, 8, etc. Les chiffres varient aussi entre l'hé- 
/breu et les versions. Les Israélites sont restés en 
Egypte 430 ans, Exod.,xn, 40; les Septante comprennent 
dans ces 430 ans le séjour en Egypte et le séjour en 
Chanaan; et comme le temps passé par Abraham, Isaac 
et Jacob en Chanaan s'élève à 215 ans, il n'en reste plus 
que 215 pour le séjour des Israélites en Egypte. De son 
côté, saint Paul, Gai., m, 17, compte 438 ans, entre la 
promesse faite à Abraham et la loi du Sinaï. A Bethsa- 
mès, le Seigneur frappe ceux qui ont geté un regard 
irrespectueux] sur l'arche, I Reg., vi, 19; les victimes 
sont au nombre de 70 et [de 50000, d'après l'hébreu, 



1683 



NOMBRE 



1684 



les Septante et la Vulgate, de 5070, d'après le syriaque et 
l'arabe, et de 70 seulement d'après Josèphe, Ant. jud., VI, 
i, 4, dont la leçon est préférée. Les textes ayant con- 
servé côte à côte les deux leçons 70 et 50000 nous mon- 
trent sur le vif l'embarras où étaient les copistes quand 
ils transcrivaient les chiffres. Voir Bethsamês, t. i, 
col. 1735. Des altérations analogues sont à constater 
dans les chiffres qui constituent la chronologie des rois 
de Juda et d'Israël. Ainsi Ochozias commence son règne, 
tantôt la 12=, IV Reg., vin, 25, tantôt la 11 e année de 
Joram, roi d'Israël. IV Reg., ix, 29. Joram d'Israël de- 
vient roi la seconde année de Joram, roi de Juda, 
IV Reg., i, 17, et d'autre part, IV Reg., vm, 16, Joram de 
Juda commence à régner la 5 e année de Joram d'Israël. 
Joatham et Achaz régnent 16 ans chacun, l'un après l'autre, 
, IV Reg., xv, 32, 33; xvi, 2; Il Par., xxvn, 1; xxvm,l; 
cependant, le règne d'Osée, roi d'Israël, est daté à la 
fois de la 20» année de Joatham, IV Reg., xv, 30, et de 
la 12» d'Achaz. IV Reg., xvn, 1. Cf. Prat, dans les Études 
religieuses, 1902, p. 617. D'autres divergences séparent 
encore ces deux chronologies dissemblables entre elles 
d'avec la chronologie assyrienne, ce qui suppose de fré- 
quentes fautes de copistes dans la transcription des 
nombres. Cf. Pelt, Hist. de l'Ancien Testament, Paris, 
1904, t. H, p. 131-140; Vigouroux, La Bible et les dé- 
couvertes modernes, 6 e édit., t. ni; p. 433. 

IV. Imprécision fréquente des nombres bibliques. — 
1» En général, la précision numérique n'est pas dans 
les habitudes des Orientaux. Il ne faut donc pas s'éton- 
ner si on ne la trouve pas toujours chez les écrivains 
sacrés. D'ailleurs certaines données numériques com- 
portent par elles-mêmes une assez notable latitude. Ainsi 
il est naturel que Moïse estime d'abord à environ 600 000, 
Exod., xii, 37, une population masculine qu'un recense- 
ment plus précis portera ensuite à 603550 hommes. 
Exod., xxxvni, 26. Beaucoup de chiffres ronds doivent 
être regardés comme approximatifs. Tels sont les 
800 000 hommes d'Israël et les 500000 de Juda,II Reg. ,xxiv, 
9; les 70000 victimes de la peste, II Reg., xxiv, 15; les 
1160000 hommes de l'armée de Josaphat, II Par., xvn, 
14-18; les 3000 maximes de Salomon. III Reg., iv, 32, etc. 
Il est possible que plusieurs de ces nombres aient à être 
réduits; rien du moins n'oblige à les prendre à la lettre. 

— 2° Il y a des nombres conventionnels qui, sous une 
forme précise, sont en réalité indéfinis. Cf. S. Augustin, 
De cil). Dei, xv, 24, t. xli, col. 471. Tels sont les nom- 
bres 7, 10, 70, 100, 1000, 10000, dans certaines circons- 
tances. — Caïn sera vengé 7 fois et Lamech 77 fois. 
Gen.,iv,24. Le juste tombe7fois et se relève. Prov., xxiv, 
16. Il faut pardonner non pas 7 fois, mais 70 fois 

7 fois. Matth., xvm, 22; Luc, xvn, 4. — Voilà 10 fois 
que vous m'insultez. Job, xix, 3. Cf. Gen., xxxi, 7, 41; 
Num., xrv, 22, etc. — Que tu aies vécu 10 ans, 100 ans, 
1000 ans, dans le séjour des morts on n'a pas souci de 
la vie. Eccli., xli, 6 (4). — Saûl a tué ses 1000 et David 
ses 10000. I Reg., xxi, 11. — Que 1000 tombent près de 
toi et 10000 à ta droite, tu ne seras pas atteint. Ps. xc(xci), 

7, etc. — 3° Les Hébreux se servaient encore des nom- 
bres dans des formules purement approximatives, pour 
signifier seulement quelques unités. — Voilà ce que 
Dieu fait 2 fois, 3 fois, pour l'homme, Job, xxxm, 29 — 
2 villes, 3 villes couraient à une autre ville. Am., iv, 8 — 
2, 3 olives, 4, 5 aux branches. Is., xvn, 6. — A cause 
de 3 crimes et à cause de 4. Am., i, 3, 6. — 6 fois il te 
délivrera, et la 7 e fois le mal ne t'atteindra pas. Job, v, 
19. — Nous ferons lever contre lui 7 pasteurs et 

8 princes. Mich., v, 4. — Donne une part à 7 et même à 

8. Eccle., xi,' 2, etc. — Il y a aussi des formules dans 
lesquelles deux nombres se suivent, l'un renchérissant 
sur l'autre, pour les besoins du parallélisme. Dieu a dit 
une parole, deux que j'ai entendues. Ps. lxii(lxi), 12. 

— Il y a 6 choses que hait Jéhovah, 7 qu'il a en horreur. 
Prov., vi, 16. — La sangsue a 2 filles, 3 sont insatiables, 



4 ne disent jamais assez. Prov., xxx, 15. De même aux 
versets 18, 21, 24, 29 du même chapitre. — Mon cœur 
estime 9 choses, ma langue en proclame 10. Eccli., xxv, 
9(7). De même Eccli., xxvi,5, 25 (19). Ces formules ne 
sont pas toujours usitées, puisque parfois les choses 
différentes sont énoncées par des ^nombres simples. 
Prov., xxx, 24; Eccli., xxv, 1. 

V. Locutions bibliques sur les nombres. — 1» Une 
foule très nombreuse est appelée infinie. Eccle., iv, 16. 
Elle est comparée à la poussière, Gen., xvi, 16; Num., 
xxiii, 10; au sable de la mer, Ose., i, 10; Rom., ix, 27 ; 
Apoc, xx, 7; aux étoiles, Gen., xv, 5, que Dieu seul 
peut compter. Ps. cxlvi, 4. N'avoir point de nombre, 
ne pouvoir être compté, sont des expressions qui mar- 
quent la très grande quantité des personnes ou des ob- 
jets en question. Gen., xvi, 10; xxxil, 12; II Par., v, 
6; xu, 3; Judith, n, 8 ; xv, 8; Job, v, 9; ix, 10; Ps. 
xxxix (xl), 13 ; cm (civ), 25; civ (cv), 3ï; cxlvi, 5; 
Cant., vi, 7 ; Eccle., i, 15 ; Jer., xlvi, 23 ; I Mach., v, 
30. Au contraire, pouvoir compter les arbres d'une forêt, 
c'est dire qu'ils sont peu nombreux. Is., x, 19. — 2° Le 
troupeau passe sous la main qui le compte. Jer., xxxm, 
13. Compter les jours, c'est attendre avec impatience 
Tob., ix, 4 ; x, 9. Ne vouloir pas qu'un jour soit compté, 
c'est le maudire. Job, m, 6. « Être au nombre » signi- 
fie faire partie d'un ensemble. Judith, x, 8; xi, 10; xvi, 
31 ; Esth., n, 8; Eccli., xix, 3; Job, m, 6 ; Sap., v, 5 ; 
Act., i, 27. Celui qui remplit le 'nombre de ses jours, 
Exod., xxiii, 26, atteint les limites normales de la vie; 
celui qui n'en remplit que la moitié, Job, xxi, 21, a 
une vie écourtée. A Baltassar, qui avait vu sur la mu- 
raille les mots : Mené, mené, Daniel dit : « Dieu a 
compté ton règne et y a mis fin. » Dan., v, 26. Ceux 
qui ont à faire des dépenses considérables commencent 
par compter. Lev., xxv, 50; xxvn, 18, 23; Luc, xiv, 
28; Act., xix, 19. — 3° Dieu a tout réglé avec mesure, 
nombre et poids, Sap., xi, 20, c'est-à-dire que, par sa 
providence, il fait régner l'harmonie parmi ses créa- 
tures. Cf. S. Bernard, Serm. de divers. ,lxxxvi, t. clxxxiii, 
col. 703. Il compte les cheveux de notre tête, Matth., x, 
30; Luc, xu, 7, c'est-à-dire se préoccupe des plus infimes 
détails qui concernent l'homme. 

VI. Les dénombrements chez les Hébreux. — 1» Le 
premier compte qui soit consigné dans la Bible est ce- 
lui de la famille de Jacob, au moment où le patriarche 
s'établit en Egypte. Le total des personnes venues en 
Egypte avec Jacob est de 70. Gen., xlvi, 8-27. Ce nom- 
bre est répété, Exod., i, 5, et Deut.,x, 22. Les Septante 
ajoutent d'autres noms, de manière à porter le nombre 
à 75. Saint Etienne s'en tient à ce dernier chiffre. Act., 
vu, 14. Josèphe, Ant. jud., II, vu, 4, garde le chiffre 
de 70. Mais ce nombre même de 70 ne répond pas à la 
réalité. D'abord il ne comprend que des hommes, 
comme le texte même le remarque. Gen., xlvi, 26. Or, 
parmi ces derniers, on compte Her et Onan, déjà morts 
en Chanaan, Gen., xlvi, 12, et dix fils de Benjamin, 
Gen., xlvi, 21, qui à cette époque était encore tout 
jeune. De plus, le verset 18 annonce un total de 16 
personnes, alors que 15 hommes seulement sont nom- 
més, et après que le verset 26 a conclu à un total de 66, 
le verset 27 ajoute Joseph et ses deux fils et conclut à 
un total général de 70. Ces difficultés ont été résolues 
de différentes manières. Cf. S. Jérôme, Qusest. in Gè- 
nes., t. xxiii, col. 1001; S. Augustin, De civ. Dei, xvi, 
40, t. xli, col. 518 ; Reinke, Beitrâge zur Erklâr. des 
A. T, Munster, 1851, 1. 1, p. 100-109 ; Crelier, La Genèse, 
Paris, 1889, p. 421-423; Fr. de Hummelauer, Comm. in 
Gènes., Paris, 1895, p. 571-574. En somme, il ne faut 
pas chercher ici plus de précision qu'on n'en trouve 
dans les autres passages de la Bible qui citent des 
chiffres un peu compliqués.On doit se rappeler ensuite 
que l'auteur du récit veut obtenir au total le nombre 
70, qui est un nombre mystique, et que, pour y parve- 



1685 



NOMBRE 



1686 



Éphraïm . . 


. 40500 


Manassé . . 


. 32200 


Benjamin. . 


• 35 400 


Dan .... 


62 700 


Aser . . . 


41500 


Nephthali . 


. 53400 



nir, il ajoute ou retranche des noms. On peut appliquer 
au nombre 70 la remarque de saint Augustin, Qusest' 
in Heptat., i, 152, t. xxxrv, col. 589, au sujet du chiffre 
admis par les Septante : « Les Septante n'ont pas fait 
erreur en complétant ce nombre avec une certaine 
liberté prophétique, en vue de la signification mystique... 
Je ne sais pas si tout peut s'entendre à la lettre, surtout 
pour les nombres qui, dans l'Écriture, sont sacrés et 
pleins de mystères. j> 

2» Sur l'ordre du Seigneur, Moïse fit au désert le 
dénombrement de la population israélite sortie d'Egypte. 
On trouva 603550 hommes en état de porter les armes, 
sans compter les Lévites. Num., i, 45-47. Ce total se 
décomposait ainsi par tribus : 



Ruben . ... 46 500 

Siméon. ... 59300 

Gad 45 650 

Juda 74 600 

Issachar ... 54 400 

Zabulon ... 57400 



Num., i, 20-43. Les Lévites mâles, d'un mois et au- 
dessus, furent au nombre de 22 000. Num., m, 39. Ce 
dernier total se décomposait en 7 500 Gersonites, 8 600 
Caathites et 6 200 Mérarites. Num., ni, 22, 28, 34. La 
somme de ces trois nombres donnant 22 300, il faut 
en conclure que le premier total de 22 000 est donné 
en chiffres ronds, ou bien qu'il a été altéré. Il est vrai 
qu'un des chiffres partiels aurait pu aussi subir une alté- 
ration-, de sorte que, par exemple, au verset 28, il fallût 
lire Selos (-jJbn') me'ôt, 300, au lieu de ses (vrà) mé'ôf, 

600. Cependant le chiffre de 22 300 est le plus probable, 
parce que les Lévites sont destinés à remplacer les 
premiers-nés de tout Israël et que ces derniers sont au 
nombre de 22 273. Num., m, 43. Parmi ces Lévites, il 
y en eut 8 580 au-dessus de trente ans. Num., iv, 48. 
En ajoutant le nombre des Lévites à la population des 
autres tribus, on obtient un total de 625 850 hommes et 
une proportion d'un premier-në sur 28. Il faut en con- 
clure qu'à ce moment beaucoup de premiers-nés ne fu- 
rent pas comptés comme tels, parce qu'ils étaient déjà 
mariés ou parce que dans beaucoup de familles le pre- 
mier enfant avait été une fille. Cf. Rosenmùller, InLib. 
Numer., Leipzig, 1798, p. 171-174. 

3° A la fin du séjour dans le désert, quand eurent 
péri tous les hommes qui avaient 20 ans et plus au mo- 
ment de la révolte, Num., xiv, 29-34, le Seigneur or- 
donna un nouveau dénombrement. Le résultat fut le 
suivant : 



Ruben .... 43730 

Siméon .... 22 200 

Gad 40500 

Juda 76500 

Issachar. ... 64300 

Zabulon. . . . 60500 



Manassé 52 700 

Éphraïm .... 32 500 
Benjamin. . . 45 600 

Dan 64400 

Aser 53400 

Nephthali ... 45 400 



Au total : 601 730 hommes de vingt ans et au-dessus, aux- 
quels il faut ajouter 23^000 Lévites d'un mois et au- 
dessus. Num., xxvi, 1-62. En comparant ce tableau au 
précédent, on constate une diminution de 1 820, sans 
tenir compte des Lévites qui augmentent de 700 ou 
1 000. La tribu de Siméon est la plus éprouvée, proba- 
blement parce que les 24000 hommes qui venaient de 
périr, à la suite des immoralités dont le Siméonite 
Za-mri avait donné l'exemple, lui appartenaient. Num., 
xxv, 9-14. Siméon perdait 37100, Nephthali, 8000, 
Éphraïm, 8000, Gad, 5150 et Ruben, 2770. Par contre, 
Manassé gagnait 20500, Aser, 11900, Benjamin, 10200, 
Issachar, 9900, Zabulon, 3100, Juda, i 900 et Dan 1 700. 
Ce dénombrement avait son importance, parce que la 
Palestine allait être partagée entre les tribus au pro- 
rate de la population de chacune. Num., xxvi, 54. 



4° Dans la dernière année de son règne, David eut 
l'idée de faire le dénombrement de son peuple et il 
confia à Joab le soin d'exécuter cette opération. Joab 
augurait mal de ce dénombrement ; il le fit opérer ce- 
pendant par les officiers de l'armée. Mais on s'arrêta 
avant d'avoir recensé la tribu de Benjamin et la tribu 
de Lévi, cette dernière, du reste, étant exempte d'un 
recensement qui concernait les hommes capables de 
porter les armes. Le total obtenu fut, d'après II Reg., 
xxiv, 9 : 800000 hommes en Israël et 500000 en Juda, 
et d'après I Par., xxi, 5 ; 1100000 en Israël et 470.000 
en Juda. Le roi comprit qu'il avait commis une faute. 
Voir David, t. n, col. 1318. La punition fut une peste 
qui causa la mort de 70 000 hommes. II Reg., xxrv, 15; 

I Par., xxi,. 14. De Josué à David, la population mili- 
taire des Israélites avait donc passé de 601.730 hommes 
à 1 300 000 ou 1 570000, d'où une augmentation de 700000 
à 970000 hommes environ. Les 601 730 hommes du dé- 
nombrement mosaïque représentent l'accroissement de 
la population militaire d'Israël pendant 470 ans, de l'ar- 
rivée de Jacob en Egypte (1923) à l'entrée daas la Terre 
Promise (1453) ; les 700000 ou 970000 hommes représen- 
tent l'accroissement pendant 438 ans, de Josué à la fin 
de David (1015). Toutefois, à ce dernier total, manque le 
dénombrement de Benjamin, d'où un déchet probable 
d'environ 400000 hommes. — Sur l'effectif des armées 
pendant la période royale, voir Armée chez les Hébreux, 
t. i, col. 979-980. 

5» Il n'est pas possible de faire le dénombrement des 
Israélites qui furent conduits en exil à l'époque de la 
captivité. Voir Captivité, t. n, col. 227-232. En ce qui 
concerne le royaume d'Israël, aucun chiffre n'est donné. 
IV Reg., xv, 29; xvii, 23 ; I Par., v, 26. Quant au 
royaume de Juda, on n'a que des chiffres incomplets, 

II est une fois question de 10 000 hommes ou peut-être 
de 18000, IV Reg., xxiv, 14, 16. Jérémie, lu, 28-30, 
parle de 4 600 personnes en trois déportations de 3023, 
de 832 et de 745. Comme ces chiffres ne comprennent 
de part et d'autre que les notables, les hommes de 
guerre et les artisans, les éléments font défaut pour 
établir un compte, même approximatif. Josèphe, Ant. 
jud., X, vi, 3 ; vu, 1, mentionne un premier convoi de 
3000 prisonniers et un second de 10832. 

6° On a des renseignements plus positifs sur la po- 
pulation qui revint en Palestine après la captivité. Le 
dénombrement de ceux qui revinrent avec Zorobabel 
se trouve dans les trois listes suivantes : 

I Esd.. II Estî., III Est!., 
n, 2-60. vu, 1-66. v, 7-31. 

Hommes d'Israël 24144 25406 26 390 

Prêtres 4 289 4 289 2 388 

Lévites 341 360 341 

Nathinéens et serviteurs .... 392 392 372 
Hommes de descendance incer- 
taine 652 642 652 

Total. . . . 29819 31089 30143 

Les trois textes ajoutent ensuite un même total iden- 
tique de 42 360 personnes, supérieur de plus d'un quart 
aux totaux partiels dont le détail avait été fourni. La 
différence représenterait le nombre des anciens habi- 
tants du royaume d'Israël qui s'étaient joints aux Juifs. 
Cf. Séder Olam rabba, 29, in-f°, Lyon, 1608, p. 31. Mais 
«ette explication n'est point certaine. Toujours est-il que 
le total général doit être regardé comme authentique, 
puisqu'il est le même dans les différents textes. Josèphe, 
Ant. jud,, XI, m, 10, a des chiffres fantastiques : 
4 628000 personnes au-dessus de 12 ans, se décomposant 
en 74 Lévites, 40 742 femmes et enfants, 128 chantres, 
110 portiers, 392 servants, 662 de descendance douteuse, 
525 prêtres ayant renoncé à leur sacerdoce, 7 337 escla- 
ves, 245 chanteurs et musiciens. Le seul chiffre de 
392 servants est d'accord avec celui des livres d'Esdras. 



1687 



NOMBRE 



1688 



7° Avec le scribe Esdras revint une nouvelle caravane 



ainsi composée : 



Prêtres et Israélites. 

Lévites 

Natbinéens 




Total . 



1772 



m Esd., 

VIII, .12-50. 

1574 

38 

220 

1832 



Enfin, parmi ceux qui avaient épousé des femmes étran- 
gères, Esdras compta 17 prêtres, 10 lévites et 86 Israé- 
lites, en tout 113. I Esd., x, 18-43. 

8° A l'époque évangélique, il est fait mention du re-' 
censément de Cyrinus, Luc, h, 1-5; mais les résultats 
n'en sont pas donnés. Voir Cyrinus, t. n, col. 1188-1190, 
et Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, 
t. 1,1901, p. 508-543. — Quelques autres renseignements 
numériques sont fournis à l'occasion, pour signaler les 
5000 hommes de la première multiplication des pains; 
ils avaient été rangés au préalable par groupes de 50 et 
de 100, Matth., xiv, 21 : MarCj vi, 40, 44 ; Luc, ix, 14; 
Joa., vi, 10; — les 4 000 hommes de la seconde multi- 
plication, Matth., xv, 38; Marc, vin, 9; — les 500 dis- 
ciples qui virent le Christ ressuscité, I Cor., xv, 6; — 
les 120 disciples du cénacle, Act., i, 15; — les 3000 pre- 
miers convertis de saint Pierre, Act., n, 41; — les 5000 
convertis à la suite du second discours, Act., m, 4; etc. 

9° Saint Jean donne le nombre symbolique des ser- 
viteurs de Dieu : 144000, dont 12000 de chaque tribu. 
Apoc, vil, 3-8; xiv, 3. Les tribus sont nommées dans 
l'ordre suivant : 



Juda 


Nephthali 


Issachar 


Ruben 


Manassé 


Zabulon 


Gad 


Siméon 


Joseph 


Aser 


Lévi 


Benjamin 



Dans les nomenclatures qui sont faites des tribus, quand 
il s'agit des partages de territoires, Lévi n'est pas nom- 
mé; par contre, Joseph est représenté par Éphraïm et 
Manassé. Ici, Lévi est mentionné, mais Dan est omis et 
Joseph est nommé, bien que Manassé le soit aussi. On 
a donné diverses explications à ce sujet, entre autres 
que l'Antéchrist devant naître de la tribu de Dan, il con- 
venait que cette tribu fût passée sous silence par saint 
Jean. Voir Antéchrist, t. i, col. 660. S. Irénée, Adv. 
haïr., v, 30, t. vu, col. 1 205; S. Augustin, In Heptat., 
vi, 22, t. xxxrv, col. 788; S. Grégoire, Moral., xxxi, 
24, t. lxxvi, col. 596. Comme Joseph représente déjà 
Manassé, il est beaucoup plus probable que l'omission 
de Dan est due à des copistes qui auront confondu Aav 
avec Mav, commencement du nom de Manassé. 

10° Un dernier dénombrement, extra-biblique mais 
intéressant la nationalité juive et justifiant une des pro- 
phéties du Sauveur, est celui des victimes que fit la 
guerre de Judée, sous Vespasien et Titus. En addition- 
nant les nombres partiels que Josèphe donne dans son 
livre sur la guerre de Judée, on arrive à un total de 
1362660 tués, dont principalement 20000 à Césarée, 
Bell, jud., H, xxviii, 1 ; 60 000 en Egypte. VII, vin, 7 ; 
15000 à Japha, III, vu, 31; 40,000 à Jotapata, III, vu, 36; 
et enfin, 1100000 à Jérusalem, VI, ix, 3. Le nombre 
des prisonniers faits pendant toute la guerre fut de 
97000, Bell, jud., VI, ix, 3, dont 36400 à Tarichée, III, 
x, 9. Cf. de Champagny, Rome et la Judée, Paris, 1876, 
t. il, p. 182, 183. Les Juifs auraient ainsi perdu pen. 
dant cette guerre près d'un million et demi des leurs. 
Tacite, Hist., v, 13, réduit à 600 000 le nombre des as- 
siégés de Jérusalem, et dans ce chiffre il comprend les 
hommes et les femmes de tout âge. Sur l'exagération 
des chiffres fournis par Josèphe, voir F. de Saulcy, Les 
derniers jours de Jérusalem, Paris, '1866, p. 91, 417-420. 

VII. Les nombres historiques et mystiques de la 
Bible. — Il y a dans la Sainte Écriture des nombres 



qui appellent l'attention, à raison de la fréquence avec 
laquelle ils sont employés, de l'importance qu'on leur 
prête ou du caractère mystique qui leur est assigné. Ces 
nombres sont principalement les suivants : 

1» Un. — L'unité est la caractéristique de Dieu,Deut., 
VI, 4; Mal., n, 10; de son sanctuaire, Deut., xn, 5; du 
Pasteur qu'il enverra à son peuple, Ezech., xxxrv, 23; 
du Christ, maître des hommes, Matth., xxm, 10; de la 
Trinité divine, Joa., x, 30; xvn, 22; de l'Eglise, Eph., 
v, 25-27, etc. 

2° Deux. — 11 y a, parmi les choses profanes, les 
2 grands luminaires du ciel, Gen., i, 16; les 2 êtres hu- 
mains en une seule chair, Gen., n, 23; les 2 fils d'Abra- 
ham, Gai., iv, 22; les 2 fils de Rébecca, Gen., xxv, 23; 
les 2 royaumes de Juda et d'Israël, I Reg., xn, 19; les 
2 poissons de la multiplication des pains, Matth., xiv, 
19; les 2 glaives de Pierre, Luc, xxn, 38; les 21arrons, 
Matth., xxvii, 38, etc.; et parmi jes choses sacrées, les 
2 chérubins de l'Arche, Exod., xxv, 18; les 2 tables de 
la loi, Exod., xxxi, 18; les 2 boucs expiatoires, Lev., 
XVT, 8; les 2 colonnes du Temple, III Reg., vil, 15; les 
2 veaux d'or de Jéroboam, III Reg., xn, 28; les 2 oli- 
viers et les 2 verges de Zacharie, iv, 3; xi, 7; les 
2 anges d'Héliodore, II Mach., m, 26; les 2 tourterelles 
et les 2 colombes de la purification, Luc, n, 24; les 
2 anges du Tombeau, Joa., xx, 12; les 2 anges de l'As- 
cension, Act., i, 10; les 2 Testaments, Gai., iv, 24; les 

2 témoins de l'Apocalypse, xi, 3, 4, etc. 

3° Trois. — La Sainte Écriture mentionne les 3 fils de 
Noé, Gen., vi, 10; les 3 amis de Job, n, 11; les 3 justes 
d'Ezéchiel, xiv, 14; les 3 compagnons de Daniel, "m, 23; 
les 3 villes de refuge, Deut., xix, 2; les 3 ans de famine 
et les 3 jours de peste sous David, II Reg., xxi, 1; xxiv, 
18; les 3 jours de chemin à faire dans le désert par les 
Hébreux, Exod., m, 18; xv, 22; les 3 jours de jeûne de 
Sara, fille de Raguel, Tob., ni, 10, et des Juifs de Suse, 
Esth., îv, 16; les 3 semaines de deuil de Daniel, x, 2; 
les 3 reniements de saint Pierre, Matth., xxvi, 34; les 

3 témoins terrestres, I Joa., v, 8; etc. Dans l'ordre des 
choses saintes, les 3 anges qui apparaissent à Abraham, 
Gen., xvin, 2; les 3 pèlerinages annuels à Jérusalem, 
Exod., xxxiv, 23; les 3 prières quotidiennes de Daniel, 
vi, 10; les 3 jours de Jonas, n, 1, figurant les 3 jours 
de la sépulture du Sauveur, Matth., xn, 40; xxvn, 63; 
les 3 personnes de la Sainte Trinité, Matth., xxxvm, 
19; les 3 vertus théologales, I Cor., xm, 13; la triple 
vision de saint Pierre, Act., x, 16, etc. 

4° Quatre. — Ce nombre n'est signalé que par les 

4 fleuves de l'Éden, Gen., iv, 10; les 4 vents ou 4 extré- 
mités du monde, Is., xi, 12; Jer., xlix, 36; Marc, 
xm, 27; les 4 animaux d'Ezéchiel, i, 5, figures des 
4 évangélistes ; les 4 empires, Dan., n, 37-40, et les 
4 animaux de Daniel, vu, 3, et de l'Apocalypse, iv, 6; les 

4 chars de Zacharie, vi, 1 ; les 4 anges de l'Apocalypse, 
vu, 1; les 4 jours de Lazare au tombeau, Joa., xi, 17; 
les 4 parts des vêtements du Sauveur crucifié, Joa.,xix, 
23, etc. 

5° Cinq. — Ce nombre a peu d'importance. Il faut 
rendre 5 bœufs pour un qu'on a dérobé. Exod., xxn, 1. 
Les princes d'Israël offrent, dans leurs sacrifices paci- 
fiques, 5 béliers, 5 boucs, 5 agneaux, Num., vu, 17-83, 
et les Philistins renvoient 5 ex-voto d'or avec l'Arche. 
I Reg., vi, 5. David demande 5 pains à Achimélech, 
I Reg., xxi, 3, et 5 pains servent au miracle de la mul- 
tiplication. Matth., xiv, 17. Une parabole met en scène 

5 vierges sages et 5 vierges folles. Matth., xxv, 2. Le 
Seigneur promet que 5 Israélites fidèles poursuivront 
100 ennemis, Lev., xxvi, 8, et saint Paul préfère 5 pa- 
roles intelligibles à 10000 en langue incomprise. I Cor., 
xiv, 19. 

6° Six. — Il n'y a à signaler que les 6 jours de tra- 
vail par semaine et les 6 années consécutives de cul- 
ture permis aux Israélites, Exod., Xx, 9; xxiii, 10, les 



1689 



NOMBRE 



1690 



6 ailes des séraphins, Is., vi, 2, et les 6 urnes de pierre 
de Cana. Joa., n, 6. 

7° Sept. — C'est le nombre qui revient le plus sou- 
vent dans l'usage ordinaire de la vie religieuse ou civile 
des Hébreux. Son importance lui vient de la division du 
temps en périodes de 7 jours, consacrée par la première 
page du Livre sacré. Gen., i, 5-31; n, 2. Aussi est-il très 
usité dans les choses saintes. Abraham donne 7 brebis 
pour garantir un serment. Gen., xxi, 30. Il y a 7 jours 
des azymes, Exod., xu, 15; 7 jours de fête des Taber- 
nacles, Lev., xxm, 34; le 7 e jour à consacrer au Sei- 
gneur, Exod., xx, 10; 7 jours pour la consécration 
d'Aaron et de ses fils, Exod., xxix, 35; 7 pour la consé- 
cration de l'autel, Exod., xxix, 37; II Par., vu, 8, 9. Il 
y a 7 semaines entre la Pâque et la Pentecôte. Lev., 
xxm, 15. Les sacrifices comprennent fréquemment 

7 animaux de la même espèce. Lev., xxm, 18; Num., 
xxm, 1 ; xxvm, 11 ; Job, xlii, 8, etc. Les aspersions se 
répètent ordinairement 7 fois. Lev., îv, 6, 17; xiv, 7; 
xvi, 14; Num., xix, 4. Le chandelier du sanctuaire a 
7 branches. Exod., xxv, 37. Il y a 7 anges devant le 
Seigneur, Tob., xu, 15; 7 louanges quotidiennes adres- 
sées à Dieu, Ps. cxvm (cxix), 164; 7 dons du Saint- 
Esprit, Is., xi, 2, 3; 7 églises auxquelles écrit saint 
Jean. Apoc, i, 4. De plus, le nombre 7 est souvent em- 
ployé dans les visions prophétiques. Is., iv, 1; xxx, 26; 
Jer., xv, 9; xxxil, 9; Ezech,, xxxix, 9; XL, 22; xliii, 
25; xlv, 21; Dan., iv, 13, 22, 29; xiv, 31; Mich., v, 1; 
Zach., m, 9; iv, 2, etc. Dans l'Apocalypse en particu- 
lier, saint Jean mentionne 7 candélabres, i, 12; 7 étoiles, 
i, 16; 7 esprits, m, 1; 7 lampes, iv, 5; 7 sceaux, v, 1; 
7 cornes et 7 yeux, v, 6; 7 anges et 7 trompettes, vin, 
2; 7 tonnerres, x, 3; 7 têtes et 7 diadèmes, xu, 3; 
7 anges et 7 plaies, xv, 1 ; 7 montagnes et 7 rois, xvn, 
9, etc. — Au point de vue profane il faut citer les 
7 ans de service de Jacob chez Laban, répétés une se- 
conde fois, Gen., xxix, 18, 30, et ses 7 salutations à 
Ésaû, Gen., xxxm, 3; les 7 vaches et les 7 épis des 
songes expliqués par Joseph, Gen., xli, 26; les 7 jours 
durant lesquels Marie, sœur de Moïse, est exclue du 
camp, Lev., xu, 14; les 7 nations exterminées devant 
Israël, Deut., vn, 1; les 7 immersions deNaaman dans 
le Jourdain, IV Reg., v, 10; les 7 maris de Sara, fille de 
Raguel, Tob., ni, 8, 10, et les 7 frères morts successi- 
vement, Matth., xxii, 25; les 7 frères Machabées, 
II Mach., vu, 1 ; les 7 diacres, Act., vi, 3; les 7 chutes 
du juste, Prov., xxiv, 16; les 7 démons de la rechute, 
Matth., xu, 47, et les 7 démons de Madeleine, Marc., 
xvi, 9; les 7 pardons à accorder 70 fois, Matth., xvm, 
22; Luc, xvii, 4; le septuple châtiment de l'infidélité, 
Lev., xxvi, 28; les 7 jours que durent le deuil, Gen., l, 
10; Judith, xvi, 29; Eccli., xxn, 13; Ezech., m, 15; cer- 
tains jeûnes, I Reg., xxxi, 13; I Par., x, 12; les noces 
et les réjouissances, Jud., xiv, 17; Tob., xr, 21; Esth., i, 
15; certaines impuretés, Lev., xu, 2 ; xm, 4, 26, etc.; la 
7 e année ou année sabbatique, Lev., xxv, 4, etc. 

8° Huit. — Ce chiffre ne marque que l'octave des 
fêtes, Lev., xxm, 36; Joa., xx, 26, etc., et le jour où 
doit se pratiquer la circoncision. Gen., xxi, 4; Lev., 
xn, 3; Luc., n,21. 

9» Dix. — Il y a 10 commandements. Exod., xxxiv, 
28. Il y eut 10 plaies d'Egypte. Exod., vu, 14-xn, 29. 
Les Israélites doivent payer la dîme de leurs produits. 
Exod., xxn, 29. Booz prend 10 témoins pour épouser 
Ruth. Ruth, iv, 2. Notre-Seigneur guérit 10 lépreux, 
Luc, xvn, 12, et met en scène, dans ses paraboles, 
10 vierges, Matth., xxv, 1, et 10 serviteurs recevant 
10 mines à faire valoir. Luc, xix, 13. 

10" Douze. — Ismaël a 12 fils, qui deviennent chefs 
de tribus. Gen., xxv, 13-16. Jacob a 12 fils, Gen., xxix, 
32-xxx, 24, qui deviennent les chefs des 12 tribus d'Is- 
rafil. Gen., xux, 28. De ce nombre des tribus dépend 
celui de certaines institutions et de certains faits. Il y 



a 12 pierres g l'autel de l'alliance bâti par Moïse, Exod., 
xxrv, 4; 12 noms gravés sur le pectoral, Exod., xxvm, 
21; 12 pains de proposition, Lev., xxiv, 5; 12 verges 
pour déterminer la confirmation divine du choix d'Aa- 
ron, Num., xvn, 2; 12 explorateurs envoyés en Chanaan, 
Deut., i, 23; 12 pierres choisies par 12 hommes dans le 
lit du Jourdain, pour en faire un monument commémo- 
ratif, Jos., iv, 3; 12 morceaux de la femme du lévite, 
Jud., xix, 29; 12 intendants de Salomon sur Israël, 
III Reg., iv, 7; 12 bœufs de bronze soutenant la mer d'ai- 
rain, III Reg., vu, 25; 12 morceaux symboliques faits 
avec le manteau d'Ahias, III Reg., xi, 30; 12 pierres à 
l'autel bâti par Élie, III Reg., xvm, 31; 12 hommes par 
famille de chantres, I Par., xxv, 9-31; 12 portes et 
12 pierres fondamentales à la Jérusalem céleste. Apoc, 
xxi, 12-14. Dans les sacrifices, 12 animaux de même 
espèce sont assez souvent immolés. Num., vu, 87;xxix, 
17; I Esd., vi, 17; vm, 35. — Il y avait 12 sources à 
Élim. Exod., xv, 27. Elisée labourait avec 12 paires de 
bœufs. III Reg., xix, 19. L'Écriture mentionne encore 
les 12 petits prophètes, Eccli., xlix, 12; les 12 signes du 
zodiaque, IV Reg., xxm, 5; les 12 heures du jour, Joa., 
xi, 9; les 12 ans de Jésus à son premier pèlerinage à 
Jérusalem, Luc, n, 42; les 12 ans de la fille de Jaïre, 
Luc, VIII, 42; les 12 corbeilles qui restent après la 
première multiplication des pains, Joa., vi, 13; les 
12 étoiles à la couronne de la femme de l'Apocalypse, 
xu, 1; les 12 récoltes de l'arbre de vie, Apoc, xxn, 2, 
et surtout les 12 Apôtres, dont le nombre correspond 
à celui des 12 patriarches de l'ancienne loi. Matth., 
x, 1, 2. 

11° Trente. — Ce nombre est celui des 30 sicles 
d'argent à payer pour un esclave frappé par un bœui, 
Exod., xxi, 32, des 30 sicles d'argent payés au pasteur, 
Zach., xi, 12, 13, et des 30 pièces d'argent payées à 
Judas pour prix de sa trahison. Matth., xxvi, 15; xxvn, 
3-9. Le deuil d'Aaron et celui de Moïse durèrent 30 jours. 
Num., xx, 30; xxxiv, 8. Au désert, les Lévites commen- 
cèrent leur service à 30 ans, Num., iv, 23; Notre-Sei- 
gneur commença son ministère à environ 30 ans. Luc, 
m, 23. Samson avait 30 compagnons, Jud., xiv, 11, et 
David 30 vaillants chefs. I Par., xi, 11. 

12° Quarante. — La sainte Écriture mentionne 
40 jours de pluie pour le déluge, Gen., vu, 12; 40 jours 
employés à l'embaumement de Jacob, Gen., l, 3; les 
40 ans de séjour au désert, Exod., xvi, 35; Num., xiv, 
33; les 40 jours que Moïse passe par deux fois sur le 
Sinaï, Exod., xxiv, 18; xxxiv, 28; les 40 jours que 
dure le défi de Goliath, I Reg., xvn, 16; les 40 jours 
de marche du prophète Élie, III Reg., xix, 8; les 40 jours 
donnés à Ninive pour faire pénitence, Jon., ni, 4; les 
40 jours durant lesquels de brillants cavaliers appa- 
rurent dans les airs au-dessus de Jérusalem, II Mach., 
v, 2; les 40 jours du jeûne de Jésus, Matth., iv, 2, et 
les 40 jours de ses apparitions après sa résurrection. 
Act., i, 3. 

13° Soixante-dix. — Les Hébreux qui vont en Egypte 
avec Jacob sont au nombre de 70. Gen., xlvi, 27. Les 
Égyptiens portent 70 jours le deuil de Jacob. Gen., l, 
3. Des anciens, au nombre de 70, ont à se prosterner 
au pied du Sinaï, Exod., xxi, 4, et sont ensuite asso- 
ciés à Moïse. Num., xi, 16. Ézéchiel, vin, 11, voit 
70 anciens adorer les idoles. Adonibézec tenait enchaî- 
nés 70 rois qu'il avait mutilés. Jud,, I, 7. A Bethsamès, 
70 hommes furent frappés pour manque de respect à 
l'arche. I Reg., vi, 19. De même, 70 prêtres de Bel 
furent punis de mort pour leur supercherie. Dan., xiv, 
9. Gédéon avait 70 fils, Jud., vm, 30, Abdon 70 fils et 
petits-fils, Jud., xn, 14, et Achab 70 fils à Samarie. IV 
Reg., x, 1. La durée ordinaire de la vie est de 70 ans. 
Ps. xc (lxxxix), 10. Tyr sera réduite en servitude 
70 ans. Ie., xxm. 15. La cantivité iniiigée aux Israélites 
a duré 70 ans. Jer., xxv, 11; II Par., xxxvi, 21; Dan., 



t691 



NOMBRE 



1692 



ix, 2. Daniel, ix, 24, prédit les 70 semaines d'années 
qui s'écouleront jusqu'à la venue du Messie. 

14» Cent. — Ce nombre est relativement rare dans la 
Bible. Celui qui accuse à tort une vierge d'Israël paie 
100 sicles d'argent. Deut., xxh, 19. Jacob avait acheté 
un champ des fils d'Hémorau prix de 100 qésitas.Gen., 
xxxiii, 19. Saûl promit sa fille Michol en mariage à qui 
rapporterait les dépouilles de 100 Philistins. I Reg., 
xvm, 25. Abdias sauva 100 prophètes des coups de Jé- 
zabel. III Reg., xvm, 4. L'homme vit au plus 100 ans, 
Eccli., XVIII, 8, âge qui ne sera que jeunesse dans le 
royaume futur. Is., lxv, 20. Le bon Pasteur qui a 
100 brebis en laisse 99 pour courir après celle qui 
s'égare. Matth., xvin, 12. Nicodème apporta 100 livres 
d'aromates pour embaumer le Sauveur. Joa., xix, 39. 
Le centuple est promis à celui qui quitte tout pour 
Notre-Seigneur. Matth., xix, 29; Marc, xi, 30. 

15° Mille. — Le nombre 1000 est quelquefois employé 
dans son sens numérique exact. Abimélech donne à 
Abraham 1000 pièces d'argent en dédommagement. Gen., 
XX, 16. Joab se trouve en face d'un Israélite qui, à ce 
prix, n'aurait pas voulu tuer Absalom.II Reg., xvm, 12. 
Les fruits de la vigne de Salomon vaudraient 1000 sicles 
d'argent. Cant., vin, 11. Cf. Is., vu, 23. Salomon offre 
1000 holocaustes à Gabaon. III Reg., m, 4. Daniel, m, 
40, parle d'holocaustes de 1000 brebis. Chaque tribu 
fournit 1000 hommes contre les Madianites.Num., xxxi, 
4. On compte 1000 personnes qui périssent dans la tour 
de Sichem. Jud., ix, 49. Samson tue 1000 Philistins avec 
la mâchoire d'âne. Jud., xv, 15. David est établi par 
Saûl chef de 1000 hommes. I Reg., xvin, 13. Baltassar 
donne un festin à 1000 de ses princes. Dan., v, 1. Dans 
la tour de David sont suspendus 1000 boucliers. Cant., 
iv, 4. — Mais souvent le nombre 1000 est mis pour une 
quantité indéfinie. Dieu étend sa miséricorde à 1000 gé- 
nérations. Exod., xx, 6; Deut., vu, 9; Jer., xxxn, 18. 
Ses commandements sont pour 1000 générations. Ps. 
civ (cv), 8;I Par., xvi, 15. Fidèles à Dieu, les Israélites 
poursuivront leurs ennemis un contre 1000, Jos., xxm, 
10; infidèles, 1000 fuiront devant un seul. Is., xxx, 17. 
On ne peut répondre à Dieu en un cas sur 1000. Job, 
ix, 3. Pour Dieu, 1000 ans sont comme un jour. Ps. 
lxxxix (xc), 4. Pour trouver ce qu'il y a de meilleur, 
on choisit un entre 1000. Eccle., vu, 29; Cant., v, 10; 
Eccli., vi, 6; xvi, 3; xxx, 15; etc. L'accroissement de 
1 à 1000 caractérisera le temps messianique. Is., lx, 
22. Pour son châtiment, une ville de 1000 sera réduite 
à 100. Am., v, 3. A cause de la naissance du Messie, 
Bethléhem ne sera pas la moindre parmi les 1000 de 
Juda. Mich., v, 2. Que celui.qui est forcé de marcher 
1000 pas en marche 2000. Matth., v, 41. Sur les lOOOans 
du règne du Christ avec les saints, Apoc, xx, 2-7, voir 

MiLLÉNARISME, Cûl. 1090-1097. 

16° Dix mille. — L'emploi de ce nombre à propos de 
troupes est relativement fréquent. Jud., i, 4; m, 29; iv, 
6; vu, 3; xxi, 10; I Reg.,xv, 4; III Reg., v, 14;IMach., 
iv, 29; x, 74; II Mach., xn, 19; Luc, xiv, 31. Il sert 
aussi pour les sommes d'argent, Esth., m, 9; Matth., 
xvm, 24, pour les animaux, II Par., xxx, 24, pour les 
mesures. II Par., xxvn, 5, etc. Il est également usité 
pour exprimer une quantité très considérable, mais 
indéfinie. Deux Israélites fidèles poursuivront 10000 en- 
nemis. Deut., xxxn, 30. David a tué ses 10000. I Reg., 
xvm, 7. Le peuple disait â David : « Roi, tu es comme 
10000 d'entre nous. »„II Reg., xvm, 3. 11 y en a 10000 
qui tombent à droite de celui que Dieu protège. Ps. xc 
(xci), 7. Saint Paul dit aux Corinthiens que, même s'ils 
avaient 10 000 maîtres, ils n'ont qu'un père. I Cor., iv, 
15, etc. 

17° Enfin, dans l'Apocalypse, ■xm, 18, saint Jean donne 
le chiffre de 666 comme devant être' celui de la bête qui 
viendra dans les derniers temps combattre le royaume 
du Christ sur la terre. L'apôtre remarque que ce nom- 



bre sera celui d'un homme. Le nombre de 666 apparaît 
déjà comme celui des fils d'Adonicàm qui revinrent 
avec Zorobabel. I Esd., n, 13. Ce nombre est porté à 
667 dans II Esd., vu, 18. Le nom de âdmîqâm signi- 
fierait « seigneur des ennemis ». Cf. Gesenius, Thé- 
saurus, p. 329. Mais on ne voit pas ce qu'on pourrait 
tirer de là. — Le nombre 666 s'écrirait en hébreu : 
imn ; en grec : XEî"' ; en latin : DCLXVI. Y a-t-il à for- 
mer un nom avec ces lettres, au moins celles de l'hé- 
breu? Est-on assuré d'ailleurs de la langue dans laquelle 
saint Jean suppose la transcription numérique ? — On 
a aussi cherché des noms d'hommes dont la somme des 
lettres, prises numériquement, donnât le chiffre voulu. 
De là les hypothèses faites sur AATEINOS, l'empire 
latin, TEITAN, noms proposés par saint Irénée, Adv. 
hœr., v, 30, t. vu, col. 1206; inp \rii, Néron César, 
cf. 1. 1, eol. 748; DIoCLes aVgVstVs, Dioclétien Auguste; 
C. F. IVLIANVS. C/ES, AVG., C. F. Julien, César, 
Auguste, etc. D'après la Gematria d'Abenesra, dans le 
nom de Jéhovah, t = 10, n = 5, >= 6; la somme des 
deux premières lettres est 15, qui donne au carré 225; 
la somme des trois lettres est 21, qui donne au carré 
441 ; or 225 + 441 = 666. Il est vrai que, dans ce cal- 
cul, Abenesra n'a nullement l'intention d'expliquer le 
nombre apocalyptique. Cf. Karppe, Etud. sur les orig. 
et la nature du Zohar, Paris, 1901, p. 200. On pourrait 
multiplier indéfiniment les combinaisons semblables, à 
l'aide des différents alphabets, sans qu'aucune certitude 
en découlât logiquement.il s'agit ici d'un fait qui, étant 
donnée la place que saint Jean lui assigne dans son 
livre, précédera d'assez peu le jugement de Dieu. Ce 
fait appartient donc encore à l'avenir, et il ne parait 
pas qu'il y ait utilité pour nous à en avoir la clef. Saint 
Irénée, Adv. hœr., v, 30, t. vu, col. 1207, dit à ce 
sujet : « Il n'y a pas de péril en la demeure et nous 
n'affirmons pas d'une manière positive qu'il portera tel 
ou tel nom. Nous savons que si ce nom avait eu à être 
publié actuellement, il aurait été révélé par celui qui 
avait vu l'Apocalypse. » 

VIII. Symbolisme des nombres. — 1° Réalité de ce 
symbolisme. — 1. Comme on vient de le constater, cer- 
tains nombres reviennent avec affectation dans la Sainte 
Écriture. C'est donc qu'on leur prêtait une signification 
particulière. Il est dit d'ailleurs que « Dieu a disposé 
toutes chosesavec mesure, nombreet poids », Sap., xi, 21, 
c'est-à-dire avec cette harmonie parfaite qui a porté les 
pythagoriciens à donner au monde le nom de xôajioç, 
« bon ordre. » Cf. Plutarque, Moral., édit., Dûbner, 
Paris, 1846-1855, p. 886. Déjà, chez les Chaldéens, « les 
notions positives s'entremêlaient bizarrement à des con- 
sidérations mystiques sur la puissance des nombres, 
sur les liens qui les attachaient aux Dieux. » Maspero 
Histoire ancienne, t. I, p. 774. Les Hébreux conservè- 
rent quelque chose de ce goût pour l'interprétation mys- 
tique des nombres. — 2. Après avoir voyagé en Orient 
et surtout en Egypte, pour se rendre compte des doc- 
trines des différents peuples, Pythagore, vers le milieu 
du vi c siècle avant Jésus-Christ, par conséquent pendant 
la captivité des Juifs à Babylone, formula son principe 
philosophique que « les nombres sont les principes des 
choses ». Dieu, l'unité absolue, est l'origine suprême de 
tous les nombres. On se demande si, pour Pythagore, 
les nombres sont des éléments substantiels et des causes- 
efficientes, ou seulement des archétypes ou des symbo- 
les. Toujours est-il que ces nombres se composent de 
deux principes, le un, ou monade, principe non pro- 
duit et essentiellement parfait, et le. deux, ou dyade^ 
principe produit par l'intervention du . « vide » ou « inK 
tervalle » et essentiellement imparfait. Cf. Aristote, 
Phys., IV, 6; Wendt, De rerum principiis sec. Pytbttg.,, 
Leipzig, 1827 ; Chaigne, Pythagoreét laphilos. pyt.hag.,. 
Paris, 1873; Josèphe, Cont . Apion., i, 22; S. Justin, Cohort._ 
ad. Grsec., 14, t. vi, col. 270, et l'auteur des Philoso-" 



1693 



NOMBRE 



1694 



phumena, îx, 4, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 466, affir- 
ment que des emprunts ont été faits par Pythagore aux 
doctrines juives. D'autre part, le premier signale l'in- 
fluence des idées de ce philosophe sur le genre de vie 
des Esséniens. Ant. jud-, XV, x, 4. Cf. Schùrer, Ges- 
ehichte des jûdischen Volkes im Zeit J.-C, Leipzig, 
t. il, 1898, p. 574, 583. Philon, que les Pères rattachent 
à la fois à Platon et à Pythagore, cf. Clément d'Alexan- 
drie, Stromat., i, 15, 72; n, 19, 100, t. vm, col. 814, 
1040; Eusèbe, H. E., II, 4, 3, t. xx, col. 145; S. Jé- 
rôme, Epist. txxadMagn., 3, t. xxii, col. 667, avait écrit 
un livre aujourd'hui perdu rcep\ àpt6[jt.wv, « sur les nom- 
bres, » dans lequel il expliquait la vertu des nombres 
et auquel il fait lui-même allusion. Vit. Mosis, m, 11 ; 
De opific. mundi, append., édit. Mangey, t. il, p. 152 ; 
t. i, p. 43. On ne peut évidemment prétendre que les 
écrivains sacrés postérieurs à Pythagore aient emprunté 
quoi que ce soit à ce philosophe. Mais les écrivains 
juifs et chrétiens se sont certainement inspirés de ses 
idées sur l'importance des nombres. — 3. Ainsi Athé- 
nagore, Légat, pro christ., 6, t. vi, col. 902, cite l'opi- 
nion des pythagoriciens sur la valeur du nombre 10, 
qui renferme toutes les raisons et toutes les harmonies 
des autres. D'après l'auteur des Philosophumena, îv, 7, 
dans le système de Pythagore, utilisé par les hérétiques, 
les nombres 1 et 3 étaient mâles, les nombres 2 et 4 
étaient femelles, et 10, somme de ces quatre nombres 
générateurs, était un nombre parfait. Cf. Philosophu- 
mena, i,2, p. 8-14; vr, 11, p. 269-278. Saint Justin, Cohort. 
ad Grœc, 4, t. vi, col. 248, et saint Irénée, Adv. hser., 
il, 14, t. vu, col. 752, admettent le principe pytha- 
goricien sur l'importance des nombres et sont obli- 
gés de suivre les hérétiques sur ce terrain. Saint Àm- 
broise, Epist. XLir, t. xvi, col. 1136, entreprend d'ex- 
pliquer les nombres « non à la manière de Pythagore 
et des autres philosophes, mais selon la forme et les 
divisions de la grâce spirituelle ». Il ne convenait pas 
en effet d'interpréter les nombres de la Sainte Ecriture 
d'après des principes qui lui fussent étrangers. — 4. Ce 
sont surtout les Pères occidentaux qui cherchent l'ex- 
plication symbolique des nombres. Saint Irénée, Adv. 
hseres., i, 14 ; n, 24, t. vu, col. 603-608, 788-795, sup- 
pose la réalité de ce symbolisme ; il observe toutefois, 
n, 28, col. 810, que souvent les conclusions tirées des 
nombres sont vaines, et déclare, n, 25, col. 798, que ce 
ne sont pas les nombres qui font la règle, mais la règle 
qui commande les nombres. Saint Augustin est, de tous 
les Pères, celui qui s'attarde le plus volontiers, le plus 
longuement et le plus subtilement à l'explication des 
nombres. Cf. De music., î, 12; t. xxxii, col. 1095; 
Epist. lv, ad inquis. Januar., 15-17, t. xxxiii, col. 218- 
220; In Ps. vi, 1, 2 ; xux, 9, t. xxxvi, col. 90, 91, 570- 
572; In Ps. cl, I, t. xxxvn, col. 1961, etc. Ailleurs, De 
doctr. christ., n, 16, t. xxxiv, col. ;48, il pose en prin- 
cipe que « l'inintelligence des nombres empêche d'en- 
tendre beaucoup de passages figurés et mystiques des 
Écritures », et que, « dans beaucoup de formes des 
nombres, sont cachés certains secrets de similitude qui, 
à cause de l'inintelligence des nombres, restent inacces- 
sibles pour le lecteur. » — 5. En fait, il ne parait pas 
que les nombres aient par eux-mêmes une valeur sym- 
bolique. Celle que les Pères leur attribuent vient ;uni- 
quement des choses dénombrées, si bien que, suivant 
la qualité de ces dernières, le même nombre a des sym- 
bolismes divers ou même opposés. Il suit de là que le 
symbolisme des nombres n'a qu'une importance très se- 
condaire pour l'interprétation des textes sacrés. Malgré 
son observation sur la nécessité de l'intelligence des 
nombres, saint Augustin en tire plus de choses curieuses 
que de choses utiles. Les autres Pères ne sont pas plus 
heureux que lui. En cherchant des mystères dans les 
nombres, ils obéissent à une sorte de mode en vigueur 
de leur temps, mais ils n'apportent aucune contribution 



vraiment sérieuse à l'explication des textes sacrés. Aussi 
saint Jérôme, In Gai., 1, 1, t. xxvi, col. 329, parle-t-il, 
sans les blâmer, de ceux qui regardent comme « tout à 
fait superflu de considérer les nombres qui sont dans 
l'Écriture ». Les symbolismes attribués â différents 
nombres sont simples ou composés, suivant qu'ils ré- 
sultent du nombre lui-même ou des nombres dont il se 
compose. 

2» Symbolismes simples. — Les Pères assignent à 
plusieurs nombres une signification symbolique. 

1. Un. — Conformément à la nature des choses, à la 
théorie pythagoricienne et surtout à l'indication de la 
Sainte Écriture, l'unité est le symbole et la caractéris- 
tique du Dieu suprême, principe de toutes choses. Cf. 
S. Augustin, De vera religione, xxxvi, t. xxxiv, col. 151 ; 
De Gen. ad Utt., 10, t. xxxvi, col. 234. 

2. Deux. — Ce nombre n'est pas bon, parce qu'il mar- 
que l'exclusion de l'unité, la division, l'imperfection et 
la conjonction charnelle. Cf. S. Hilaire, In Ps. cxl, t. ix, 
col. 828; S. Ambroise, De Noe et arca, 12, t. xiv, 
col. 378 ; S. Jérôme, Epist., xlviii, 19, t. xxn, col. 508; 
Adv. Jovin., i, 16 ; t. xxm, col. 236 ; In Zach., î, 1, t. xxv, 
col. 1422, etc. Cependant, le nombre 2 est pris quelque- 
fois dans un sens favorable. Cf. S. Ambroise, De xlii 
mans., t. xvn, col. 11. Dans le Nouveau Testament, il 
symbolise la charité, dont la pratique nécessite au moins 
deux termes. Cf. S. Augustin, Quœst. in Evang., n, 14, 
t. xxxv, col. 1339; S. Grégoire le Grand, Rom. xvu in 
Evang., t. lxxvi, col. 1139. De la défaveur attachée au 
nombre 2 résulterait le caractère favorable du nombre 
impair. Cf. "Virgile, Eclog., vm, 75; S. Jérôme, Epist., 
xlviii, 19, t. xxn, col. 509; In Eccl., t. xxm, col. 1046. 

3. Trois. — Ce nombre avait déjà un caractère sacré 
dans le paganisme ; c'était le nombre impair par excel- 
lence, par conséquent un nombre heureux et d'usage 
fréquent dans le culte des dieux. Il garda ce caractère 
chez les Juifs, à cause du Dieu trois fois saint, Is., vi, 
3, qui était, qui est et qui sera. Apoc, i, 4 y iv, 8. La 
révélation du mystère de la sainte Trinité acheva de 
rendre ce nombre sacré entre tous. Cf. S. Ambroise, De 
Abrahamo, 1, t. xiv, col. 446; In Luc, i, 36, t. XV, 
col. 1548. 

4. Quatre. — Certains regardaient ce nombre comme 
néfaste et à éviter, sans doute parce qu'il doublait le 
nombre 2. Saint Ambroise, Heccaein.,i\, 9, t. xiv, col. 205, 
déclare cette idée sans fondement. Pour toute l'antiquité, 
le nombre 4 symbolise l'univers, composé des 4 élé- 
ments, eau, terre, air et feu. Cf. S. Jérôme, In Agg., 2, 
t. xxv, col. 1401 ; S. Ambroise, De xlii mans., t. xvn, 
col. 11 ; De Abrah-, n, 9, t. xiv, col. 487. Le monde est 
la révélation extérieure de Dieu, etDieu s'est révélé aux 
Hébreux sous son nom de mn>, le TETpaYpâ|j.[jt.aTOv, Jého- 
vah, le nom à 4 lettres, de même que sous le Nouveau 
Testament, il s'est révélé par les 4 Évangiles. Le nombre 
4 symbolise donc aussi la révélation. Du nombre 4 vient 
encore l'idée de carré et de cube, par conséquent de 
stabilité. Cf. S. Jérôme, In Matth., n, 15, t. xxvi, 
col. 112. 

5. Cinq. — Ce nombre symbolise la loi mosaïque, con- 
tenue dans les 5 livres du Pentateuque, le peuple juif 
vivant sous cette loi, cf. S. Irénée, Adv. hser., n, 24, 
t. VU, col. 794, 795; S. Augustin, In Ps.xux, 9, t. xxxvi, 
col. 571 ; Serm., xxxi, t. xxxvm, col. 198, et aussi la 
continence des 5 sens. Cf. S. Augustin, In Ps. xljx, 9, 
t. xxxvi, col. 570. 

6. Sept. — Le nombre 7, particulièrement sacré chez 
tous les peuples, symbolise l'union de la divinité, repré- 
sentée par 3, avec le monde, réprésenté par 4, et spécia- 
lement avec le peuple d'Israël. Il est à remarquer qu'en 
hébreu le même mot 73tf signifie « sept » et » faire 
serment ». Le nombre 7 intervenait en effet dans les 
cérémonies accompagnant le serment et l'alliance. Gen., 
xxi, 28; Hérodote, m, 8, etc. II est écrit : « Dieu n'ou- 



1695 



NOMBRE 



1696 



bliera pas l'alliance qu'il a jurée, nisba', à vos pères. » 
Deut., iv, 31 ; vm, 18. Le caractère mystérieux et sacré 
du nombre 7 est reconnu par les Pères. Cf. S. Hilaire, 
In Ps. cxvm, xxi, 5, t. îx, col. 637; S. Ambroise, Epist. 
xliv, t. xvi, col. 1136; S. Jérôme, In Am., n, 5, t. xxv, 
col. 1037 ; S. Grégoire de Nazianze, Orat. in Pent., 2- 

4, t. xxxvi. col. 431 ; S. Bernard, Serm. de temp, pose, 
3, t. clxxxiii, col. 288, etc. Il est sacré à cause des 7 
couples d'animaux purs de l'arche, voir t. i, col. 614; 
cf. S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 16, t. xxm, col. 236; du 
sabbat et des 7 dons du Saint-Esprit. Cf. S. Jérôme, In 
Is.,- il, 5, t. xxiv, col. 72 ; S. Augustin, Serm. ccxlviii, 

5, t. xxxviii, col. 1161. Il symbolise la perfection et la 
plénitude. Cf. S. Augustin, Qusest. xlii, In Heptat., v, 
42, t. xxxiv, col. 765; In Ps. lxxvui, 10, t. xxxvi, 
col. 1019. S. Bernard, Serm. lu, de divers., t. clxxxiii, 
col. 675, y voit l'union de la foi, indiquée par le nombre 
trinitaire, et des mœurs, représentées par les quatre vertus 
cardinales. C'est un nombre vierge, parce qu'il n'engendre 
pas d'autres nombres. Cf. S. Ambroise, DeNoe et arca, 
12, t. xiv, col. 378. 

7. Huit. — C'est le chiffre de l'octave. Il marque le 
passage de la synagogue, représentée par 7, nombre du 
sabbat, à l'Église, cf. S. Jérôme, In Ezech., xn, 40, 
t. xxv, col. 338, fondée sur la résurrection glorieuse du 
Christ, le lendemain du sabbat ou huitième jour. Cf. 
Epist. Bamabse, 15, t. n, col. 771 ; S. Augustin, Epist. 
lv, 11, 13, t, xxxiil, col. 215. C'est aussi le symbole de la 
vraie circoncision, à cause de la circoncision judaïque 
pratiquée le huitième jour après la naissance, cf. S. Hi- 
laire, InPs. cxviit, t. ix, col. 503; S. Jérôme, Adv. Lu- 
cifer., 22, t. xxm, col. 176; InAgg.,% t. xxv, col. 1401, 
et le symbole de la perfection, parce que le 8 e jour 
complète la solennité. Cf. S. Ambroise, In Ps. cxvm, 
prol., t. xv, col. 1198; S. Augustin, Epist. lv, t. xxxm, 
col. 215. 

8. Dix. — Ce nombre est heureux et parfait, à cause 
de son rapport avec l'unité et des dix préceptes de la 
loi. Cf. S. Ambroise, De xlii mans., t. xvii, col. 11 ; 
S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 22, t. xxm, col. 240; S. Au- 
gustin, Serm. xxxi, t. xxxvin, col. 198. D'après Ter- 
tullien, De anim., 37, t. n, col. 714, le 10= mois étant 
celui de la naissance, le nombre 10 marque la renais- 
sance spirituelle à la loi du Décalogue. 

9. Douze. — Nombre sacré, à cause de la division du 
peuple de Dieu entre 12 tribus. Cf. S. Augustin, In 
Ps. cm, 3, t. xxxvn, col. 1359. 

10. Quinze. — Ce nombre symbolise la plénitude de 
la science, d'après S. Jérôme, In Gal. h i, 1, t. xxvi, 
col. 329. 

11. Vingt. — Le nombre 20 participe à la défaveur 
qui frappe le nombre 2. Il est néfaste dans la Sainte 
Écriture. Cf. S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 22, t. xxm, 
col. 240. 

12. Quarante. — Ce nombre est le symbole de la pé- 
nitence et de la prière. Cf. S. Hilaire, In Matth., 3, 
t. ix, col. 928 ; S. Jérôme, In Jon., 3, t. xxv, col. 1140; 
S. Augustin, In Ps. ex, I, t. xxxvn, col. 1463. Il indi- 
que aussi l'ensemble des siècles. Cf. S. Augustin, In 
Ps. xcir, 14, t. xxxvn, col. 1226; Serm., ccx, t. xxxvin, 
col. 1051. 

13. Cinquante. — Le nombre 50 rappelle l'année 
jubilaire et la descente du Saint-Esprit à la Pentecôte. 
Il symbolise donc la rémission du péché et l'effusion 
de la grâce. Cf. S. Hilaire, In Ps., prol., 10, t. ix, 
col. 238; S. Ambroise, De JVoe et arca, 33, t. xiv, 
col. 415 ; S. Jérôme, In Ezech., xn, 40, t. xxv, col. 387. 

14. Soixante-dix. — Ce nombre a une signification 
mystique, comme multiple de deux autres nombres 
symboliques, 7 et 10. Cf. S. Augustin, Qusest. in Heptat., 
i, 152, t. xxxiv, col. 589. 

lô; Mille. — Par ce nornbre sont symbolisés l'en- 
semble des générations et la perfection de la vie. Cf. S. 



Augustin, In Ps. civ, 7, t. xxxvn, col. 1394; S. Gré- 
goire le Grand, Moral., ix, 3, t. lxxv, col. 860. 

3° Symbolismes composés. — Ces symbolismes résul- 
tent des combinaisons d'idées fournies par les nombres 
partiels dont se compose une totalité. — 1. Un premier 
exemple de ce genre de symbolisme se rencontre dans 
l'Épitre de Barnabe, 9, t. n, col. 751. L'auteur veut 
rendre compte du nombre de 318 hommes circoncis par 
Abraham. Gen., xiv, 14; xvil, 27. D'après la numération 
grecque, H = 8 et I = 10 ; les deux premières lettres 
du nom de Jésus, IH, valent donc 18. La lettre T = 300 et 
en même temps est la figure de la croix. Le nombre 318 
indique ainsi que les hommes sont sauvés par Jésus 
en croix. — 2. S. Augustin est celui des Pères qui goûte 
le mieux ce symbolisme compliqué, et il multiplie les 
appels à l'attention de ses auditeurs pour qu'ils sai- 
sissent le sens de ses calculs. Voici quelques exemples 
de sa méthode. Le nombre 12, qui est celui des Apôtres 
jugeant les 12 tribus d'Israël, Matth., xix, 28, signifie 
que l'Église est composée d'hommes appelés des 4 vents 
au moyen du baptême conféré au nom des 3 personnes 
divines ; car 4 x 3 = 12. In Ps. lxxxvi, 4, t. xxxvn, 
col. 1104. Le nombre 15, formé de 7, nombre du sabbat, 
et de 8, nombre de la résurrection, représente les deux 
Testaments, In Ps. lxxxix, 10 ; cl, 1, t. xxxvn, 
col. 1144, 1959, et le nombre 20, produit des 5 livres de 
Moïse par les 4 Évangiles, désigne les justes des deux 
Testaments. In Heptat., lv, 2, t. xxxiv, col. 718. La si- 
gnification du nombre 15, représentant l'union des deux 
Testaments, est également admise par saint Hilaire, In 
Ps. cxvm, t. ix, col. 644, et S. Ambroise, Epist. xliv, 
t. xvi, col. 1138. Saint Jérôme, In Agg.,%1. xxv, col. 1401, 
sacrifie aussi à la même méthode en expliquant le nom- 
bre 24 comme le produit des 4 éléments par les 6 jours 
de la création. — Pour saint Augustin, 40, temps de la vie 
humaine, se décompose en 7 + 3 = 10; et 10 x 4 = 40, 
7 symbolisant la créature, 3, le créateur, 10, la pléni- 
tude de la sagesse, et 4, les saisons de l'année. De 
même, 50, symbole de l'Église triomphante, est la somme 
de 40, nombre de la vie humaine, et de 10 ou denier, 
récompense de l'ouvrier. Matth., xx, 10; Serm. cclii, 
10, 11, t. xxxvin, col. 1177, 1178. — Les 38 ans du pa- 
ralytique, Joa., v, 5, représentent le nombre 40, qui est 
la plénitude de la loi, c'est-à-dire le produit des dix 
commandements par les 4 Évangiles, moins les 2 pré- 
ceptes de la charité envers Dieu et le prochain . On com- 
prend que le saint Docteur, pour faire entendre ce 
symbolisme à ses auditeurs, leur ait dit : « Je vous veux 
attentifs ; le Seigneur nous aidera, moi à m'expliquer 
comme il faut, vous à saisir suffisamment. » In Joa., 
xvii, 5, t. xxxv, col. 1529-1531. — Les 77 générations 
énumérées par saint Luc, m, 23-38, représentent les 
hommes pécheurs qui ont vécu avant la venue du Sau- 
veur, parce que 77 est le produit de 7, nombre de la 
créature, par 11, nombre de la transgression; or 11 a 
ce caractère parce qu'il transgresse ou dépasse de 1 le 
nombre 10, qui est celui du Décalogue. Serm. lu, 34; 
Lxxxm, 6, t. xxxvm, col. 353, 517. — Enfin les 153 pois- 
sons de la pêche miraculeuse, Joa., xxi, 11, fournissent 
le symbolisme suivant. Le Saint-Esprit et ses dons sont 
figurés par 7, et 10 représente la loi accomplie par la 
grâce du Saint-Esprit, ce qui forme 17 au total. Si main- 
tenant on additionne les nombres de 1 à 17, c'est-à-dire 
1 +2 + 3+4, etc., on obtient au total 153, nombre 
qui figure les fidèles et les saints admis au paradis où 
Dieu les récompense. Serm. ccxlviii, 5, t. xxxvm, 
col. 1161. Il serait difficile de pousser plus loin la sub- 
tilité. Aussi Richard Simon, Hist. critique du Vieux 
Testament, Rotterdam, 1685, p. 388, après avoir cité le 
passage de saint Augustin, Dç doclr. christ., n, 16, 
t. xxxiv, col. 48, se croit-il en droit de dire : « J'avoue 
que ces nombres contiennent quelquefois des mystères, 
mais ils ont jeté souvent les interprètes de la Bible 



1697 



NOMBRE — NOPHÉ 



1698 



dans des sens allégoriques qui sont entièrement inutiles 
pour connaître le sens littéral. Il arrive même quelque- 
fois qu'on néglige le sens littéral pour débiter ces sortes 
de mystères. Saint Augustin, qui était savant dans la phi- 
losophie des platoniciens, est sujet à ce défaut, et il le 
fait même paraître à cet endroit. » — Sur le symbolisme 
des nombres dans la Bible, voir Bâhr, Symbolik des 
mosaischen Cultus, Heideiberg, 1837, t. î, p. 119-208 ; 
Auber, Hist. et théorie du symbolisme religieux, Paris, 
1884, t. î, p. 97-155; — dans les anciens monuments 
chrétiens, voir Martigny, Dict. des antiquités chré- 
tiennes, Paris, 1877, p. 503-504. 

4* Les Kabbalistes ont étendu au delà de toute limite 
raisonnable le rôle des nombres dans l'interprétation de 
la Bible. Le principe de leur Gematria, est que la va- 
leur numérique des lettres recèle d'importants mystères 
et que les mots et les phrases de même valeur numéri- 
que peuvent se prendre légitimement les uns pour les 
autres. Outre que rien n'appuie ce principe, ses consé- 
quences sont trop arbitraires et trop fantaisistes pour 
conduire à des conclusions utiles au point de vue de 
l'intelligence des textes sacrés. Voir Kabbale, t. m, 
col. 1883. Il y a donc là une prétendue science des 
nombres bibliques qui porte à faux et n'est d'aucun 
profit. — Dans son Livre du nom, Abenezra applique 
toutes sortes de spéculations pythagoriciennes sur les 
nombres. Il mentionne ce qu'on a appelé plus tard le 
carré magique (fig. 452), dans lequel les 9 premiers 



6 


7 


2 


1 


5 


9 


8 


3 


4 



452. — Carré magique. 
D'après Karppe, Étude, p. 202. 

chiffres sont disposés de telle sorte que leur total donne 
15 dans tous les sens. Ce nombre représente les deux 
premières lettres du nom de Jéhovah, n>. Le chiffre 
central 5 représente le Verbe divin qui gouverne tout, 
et les nombres pairs des angles figurent les 4 éléments. 
Cf. S. Karppe, Etude sur les origines et la nature du 
Zohar, Paris, 1901, p. 195-203. — Les Kabbalistes font 
ainsi grand état des dix Sephirôth qui caractérisent le 
Dieu infini, Ên-soph, « sans fin. » Le mot sephirôth 
peut signifier en hébreu « nombres » ou « numération », 
ce qui a fait naturellement penser aux nombres de Py- 
thagore. Mais les sephirôth sont plutôt des attributs 
divins, comme l'indiquent leurs noms : 1, kétér, « cou- 
ronne ; » 2, hokmâh, « sagesse ; » 3, binâh, « intelli- 
gence ; » 4, hésèd, » grâce, » ou gedûlâh, « grandeur ; » 
5, din, « justice, » ou gebûrah, « force ; » 7, nèsah, 
« triomphe; » 8, hôd, « gloire; » 9, yesôd, « fonde- 
ment ; » 10, malkût, « royauté. » Cf. Franck, La 
Kabbale, Paris, 1843, p. 147; Munit, Palestine, Paris, 
1881, p. 523, 524; Karppe, Étud., p. 365-421. Avec Abu- 
Iafia, au xiii' siècle, « apparaissent les premiers éléments 
de ce qu'on appellera l'arithmomancie, qui consiste à as- 
socier un nombre à chaque élément, à chaque astre, et 
à fonder sur cette base une astrologie en quelque sorte 
mathématique, qui met la puissance attachée aux astres 
au pouvoir des combinaisons de nombres... La science 
où la logique doit régner en souveraine est embauchée 
pour être l'humble servante d'une folle... traînée à la 
remorque des fantaisies les plus puériles. » Karppe, 
Étude, p. 302, 303. On ne peut mieux caractériser la va- 
leur des élucubrations des kabbalistes à propos des 
nombres. H. Lesêtre. 

DICT. DE LA BIBLE. 



NOMBRES (LIVRE DES), quatrième livre du 
Pentateuque. Voir Pentateuque. 

NOMBRIL (hébreu : sôr, sôrêr ; Septante : ôjtçaXo's; 
Vulgate : umbilicus), cicatrice arrondie qui reste au 
centre de l'abdomen après la section du cordon ohibi- 
lical par lequel l'embryon était mis en communication 
avec sa mère. — Ezéchiel, xvi, 4, parle de cette section, 
qui se fait immédiatement après la naissance. Le nom- 
bril de l'Épouse est comparé à une coupe arrondie. 
Cant., vu, 3. — Sur deux passages où la Vulgate porte 
le mot umbilicus, Job, xl, 11 ; Prov., ni, 8, voir Nerfs, 
col. 1603. — Dans un sens figuré, le mot tabbûr signifie 
aussi « nombril », c'est-à-dire « centre » du pays. C'est 
ainsi que l'ont traduit les versions. Jud., IX, 37 ; Ezecb., 
xxxvm, 12. Il a ce sens dans le Talmud. Cependant, 
d'après le phénicien, le samaritain et l'éthiopien, il 
faudrait donner à tabbùr le sens de « montagne ». Les 
versions chaldaïque et syriaque le traduisent par « for- 
teresse ». Cf. de Hummelauer, In libr. Judic, Paris, 
1888, p. 196; Rosenmûller, Ezéchiel, Leipzig, 1810, 
t. n, p. 539. Les deux sens sont possibles, car le nom- 
bril peut être considéré comme le sommet de la protu- 
bérance abdominale, et une montagne être regardée 
comme le centre d'un pays. H. Lesêtre. 

NON-MON-PEUPLE, nom donné par le prophèle 
Osée, i, 9, à un de ses fils, en hébreu : Lô'-'ammî. Voir 
Lo-àmmi, col. 317. 

NOPH (hébreu : Nàf; Septante : MÉ(x?tç; Vulgate : 
Memphis), nom de la ville de Memphis en hébreu, dans 
Is., îx, 6; Jer., il, 16; Ezech., xxx, 16. Dans le texte 
original d'Osée, IX, 6, au lieu de Nôf, nous avons Môf, 
et cette leçon doit être plus correcte, car Memphis s'ap- 
pelait en égyptien Men-nofir, d'où, par contraction, en 
copte, Memfi, Menfi, en arabe, Menf. La forme Nôf 
peut être dérivée de nofir, le m étant tombé. Voir 
Memphis, col. 954. 

NOPHÉ (hébreu: Nôfah; Septante: ai Yvva?y.sç), 
ville moabite dont on ne retrouve ailleurs aucune trace, 
au moins sous cette forme, en dehors de Num., xxi, 
30, et dont l'existence même est contestée par un cer- 
tain nombre de critiques. Elle est nommée avec Hésé- 
bon, Dibôn et Médaba, dans le chant qui est cité. 
Num., xxi, 27-30. On lit en hébreu : 

Nous avons porté la dévastation jusqu'à Nofah 
Et jusqu'à Médaba. 

Ce que les Septante traduisent de la manière sui- 
vante : « Les femmes ont encore allumé le feu dans 
Moab, » et la Vulgate : « Ils sont arrivés fatigués à No- 
phé et jusqu'à Médaba, » Nophé et Médaba ne parais- 
sent point dans la version grecque et divers critiques, 
à leur suite, refusent de voir, les uns Nophé, les autres 
Médaba, dans ce texte. Les premiers traduisent : a Nous 
avons tout ravagé, de sorte que le feu s'est allumé jus- 
qu'à Médaba ; » les seconds : « Nophé, qui est près du 
désert. » Ils lisent : midbar, « désert, » au lieu de Mêdbd, 
« Médaba. » Plusieurs de ceux qui conservent le nom de 
Nofah supposent que ce nom est pour Nôbah (voir Nobé 2, 
col. 1655), la ville qui est mentionnée deux fois dans 
l'Écriture, Num., xxxn, 42, et Jud., vm, 11. Ce sont là tout 
autant d'hypothèses en faveur desquelles on ne peut al- 
léguer aucune raison bien sérieuse. La traduction des 
Septante suppose un texte hébreu en partie différent : 
ils ont traduit nasUm (qui vient de sâmêm et signifie 
« nous avons dévasté »), comme si c'était le pluriel ndsim, 
« femmes, » de 'Uâh. La racine nâfah veut dire « souf- 
fler » ; elle peut signifier souffler le feu ; mais nôfah ne 
peut se rendre, comme l'ont fait les traducteurs grecs, par 
irpofféxavixav.Ilsont lu enfin M ô'âb, au lieu de Mêdabâ". 

IV. - 54 



1699 



NOPHETH 



NOURRITURE 



1700 



NOPHETH (hébreu : han-nâfef ; Septante : Maçe-ri), 
ville de Manassé, d'après la Vulgatc, qui dit expressé- 
ment urbs Nophet, quoique le mot « ville s ne se lise 
pas en hébreu. Jos., xvn, 11. Le terme de l'original han- 
néféf (han-nafet à cause de la pause) ne désigne pas 
une ville. La Vulgate a pris un nom commun pour un 
nom propre. Elle a traduit : « Manassé eut... la troisième 
partie de la ville de Nopheth. » Il faut traduire : « Ma- 
nassé eut... trois districts montagneux. » Gesenius, Thé- 
saurus, p, 866. Ces trois districts montagneux qui furent 
attribués à Manassé dans le territoire des tribus d'Âser 
et d'Issachar, sont ceux de Belhsan, de Mageddo et de 
Dor. Voir Fr. de Hummelauer, Comment, in Josue, 
1903, p. 392. 

NORAN (hébreu : Na'ârân; Septante : Noapàv; 
Alexandrinus : Naapâv), ville d'Éphraïm, ainsi appelée 
I Par., vu, 28. Elle est appelée Naaratha dans Josué, 
xvi, 7. Voir Naaratha, col. 1428. 

NORD (hébreu : sâfôn; Septante : Bopéaç, Boppîç; 
Vulgate : septentrio), la partie du ciel opposée au midi, 
le côté où le soleil ne va pas, sauf dans les latitudes 
polaires. Comme les anciens s'orientaient du côté du 
soleil levant, le mot semô'l, « gauche, » sert aussi quel- 
quefois à désigner le nord. Job, xxm, 9. Voir Cardi- 
naux (Points), t. h, col. 257. Hoba est à gauche, c'est- 
à-dire au nord de Damas. Gen., xiv, 15. — Le mot 
sâfon indique ordinairement la situation géographique, 
Num., xxxiv, 7;Ezech.,XLii, 17;la direction, Exod.,xxvi, 
21; la partie septentrionale de la terre, Ps. lxxxix 
(lxxxvhi), 13; Is., xliii, 6, et poétiquement le vent du 
nord. Prov., xxv, 23; Cant., iv, 16. Il désigne aussi les 
monarchies asiatiques dont les armées arrivaient en 
Palestine par le nord, Is., xiv, 31 ; Jer., i, 14; iv, 6; vi, 
22; x, 22; l'Assyrie, Soph., n, 13; la Babylonie, Jer., 
,111, 18; xvi, 15; xxxi, 8; xlvi, 10; Zach., h, 10; vi, 6, et 
en général des royaumes septentrionaux par rapport à la 
Palestine. Jer., xxv, 26; Ezech., xxxii, 30; xxxvm, 15; 
xxxix, 2. Dans Daniel, xi, 6, les rois du septentrion 
sont les Séleucides de Syrie. Le nord est considéré 
comme la partie principale du ciel, Job, xxvi, 7, la de- 
meure des dieux, dans l'idée des idolâtres, Is., xiv, 13, 
et lé point du ciel d'où Jéhovah fait éclater sa gloire. 
Ezech., I, i. — Sur l'or qui vient du septentrion, Job, 
xxxn, 22, voir Or. H. Lesêtre. 

NORVÉGIENNE (VERSION) DE LA BIBLE. 

Voir Scandinaves (Versions) de la Bible. 

NOTKER, moine de Saint-Gall, surnommé Balbulus 
ou le Bègue, né entre 830 et 840 à Elyg dans le canton 
de Zurich, ou à Jonswill dans le canton de Saint-Gall, 
fut en 890 bibliothécaire du monastère de Saint-Gall. Il 
y mourut le 6 avril 912. Il a laissé entre autres écrits, 
un opuscule de bibliographie scripturaire : De Inter- 
prétions divinarum Scripturarum liber. Patr. lat., 
t. cxxxi, col. 993-1004. Voir son Elogium historicum, 
par Mabillon, ibid., col. 983-994; W. Bâumker, dans 
Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, 2 e édit., t. ix, 1895, 
col. 531-533. 

NOURRICE, NOURRICIER (hébreu : mênéqét, de 
l'hiphil, hênîq, « allaiter ; s 'oméné{, de 'aman, « en- 
tretenir; » Septante : Tpoçdç, -ccBïjvic ; Vulgate : nutrix; 
nourricier : 'omên, Tt6i]vôç, nutritius), celle qui nourrit 
de son lait un petit enfant, celle ou celui. qui lui.donne 
ses soins. 

1» liai nourrice. — La Sainte Écriture mentionne 
Déborai nourrice de Rébecca, Geni, xxrv, 59 ; xxxv,8 ; 
voir'fjBBonA, t. il, col. 1331 ; la. mère] de Moïse, que la 
fille du. Pharaon chargea d'être la-, nourrice de l'enfant, 
en lui disant : hêniqihû M, ô^laadv \wi, nutri mihi 



« nourris-le pour moi, » Exod., il, 9 ; Noémi qui se fit 
nourrice de l'enfant de Ruth, nutrix et gerula, « nour- 
rice et porteuse, » dit la Vulgate, Ruth, iv, 16; la nourrice 
de Miphiboseth, fils de Jonathas, qui, en apprenant la 
mort de ce dernier et de Saûl, s'enfuit précipitamment et 
laissa tomber l'enfant qui devint boiteux, II Reg. , iv, 4 ; la 
nourrice du jeune roi Joas, qui fut soustraite avec lui 
à la fureur d'Athalie, IV Reg., xi, 2 ; II Par., xxii, 11. 
Notre-Seigneur plaint celles qui, au moment du siège 
de Jérusalem, seront SiqXaïoùfTat, nutrientes, nourrissant 
de petits enfants. Matth., xxiv, 19; Marc, xm, 17; Luc, 
xxi, 23. Il s'agit ici à la fois des mères qui nourrissent 
elles-mêmes, et des nourrices qui allaitent les enfants 
des autres. Les nourrices proprement dites étaient d'ail- 
leurs très rares chez les Hébreux, les mères se faisant 
un devoir d'allaiter elles-mêmes leurs enfants. Cf. Ke- 
tuboth, 64 a. Encore est-il possible que les nourrices 
mentionnées par les auteurs sacrés n'aient eu, dans la 
plupart des cas, qu'à soigner et à garder les petits en- 
fants, comme dut faire Noémi. Voir Enfant, t. h, col. 
1786. Les Juifs recommandaient aux femmes qui nour- 
rissaient des enfants de ne prendre elles-mêmes que 
des aliments très sains, de ne pas jeûner, surtout le 
matin, et de ne pas trop se découvrir la poitrine. Cf. 
Iken, Antiguitates hebraicse, Brème, 1741 , p. 515. D'après 
le code d'Hammurabi, 194, cf. Scheil, Textes élamites- 
sémitiques, Paris, 1902, p. 94, si un enfant mourait aux 
mains de sa nourrice, celle-ci, sous peine d'avoir les 
seins coupés, ne pouvait se charger d'un autre enfant 
sans l'autorisation des parents du premier. Rien ne 
rappelle cette pénalité dans la législation hébraïque. 

2° Le nourrisson. — Le petit enfant encore au sein 
est appelé yônêq, « celui qui tête, » ÔTjXâÇwv, lactens. 
Deut., xxxn, 25; I Reg., xv, 3; Ps. vin, 3, «te. Jéré- 
mie donne aussi aux nourrissons le nom de 'ëmunîm, 
Tt6r]voij(ievqi, qui nutriebantur. Lam., iv, 5. 

3° Le nourricier. -r- A Samarie, les soixante-dix fils 
d'Achab avaient des nourriciers qui prenaient soin 
d'eux, IV Reg., x, I, 5. Mardochée remplissait cette fonc- 
tion auprès d'Esther. Esth., il, 7. L'arabe Émalchuel 
prenait soin, au même titre, d'Antiochus, fils d'Alexan- 
dre. I Mach., xi, 39. Saint Joseph eut la gloire d'être 
le nourricier de l'enfant Jésus. Matth., n, 14, 21; Luc, 
n,48; m,23. 

4° Au figuré. — Moïse se plaint que Dieu lui com- 
mande de porter le peuple hébreu sur son sein comme 
la nourrice porte son petit enfant. Num., xi, 12. Isaïe, 
xlix, 23, promet à Israël qu'après sa restauration les 
rois seront ses nourriciers et les reines ses nourrices, 
figure de l'empressement avec lequel les rois de la 
terre accourront au foyer de la vérité. Baruch, iv, 8, 
reproche aux Israélites d'avoir oublié Dieu, leur nour- 
ricier, et d'avoir contristé Jérusalem, leur nourrice. 
Dans Osée, xi, 3, Dieu dit qu'il a été le nourricier 
d'Éphraïm ; hébreu et Septante : tiregatyî, auvsnôStn-a, 
« je lui ai appris à marcher, s La bonté de Dieu est la 
nourricière de tous les êtres, ratvc<Kp<J<poç, nutrix 
omnium. Sap., xvi, 25. Saint Paul atteste qu'il a eu 
pour les chrétiens de Thessalonique les soins qu'une 
nourrice a pour ses enfants. I Thess., n, 7. 

H. Lesêtre. 

NOURRITURE (hébreu : 'okêl, 'okldh, a ce qui se 
mange, » de 'âkal, « manger; » léhém, la nourriture 
en général, et particulièrement le pain, lehvm; bârût, 
téréf, ma'âkal, rnâzôn, makkolét, ma'âdannim, maS~ 
mannim, les diverses nourritures en général; bdri\ 
déSên, la nourriture grasse et succulente ; tibljàh, saïd, 
Se'ê»;,.la nourriture d'origine animale; birydh, la nour- 
riture: préparée pour- un malade ; hallâmût, la nourri- 
ture: insipide ypat-bag, la nourriture royale, Dan. ,1,5, 8; 
chaldéen : lehêm, tnâzôn ; Septante :. cÉp-roç, gpûjia, 
ëptûjtaxa, Spûtriç, a-na; Vulgate : alimentum, alimonia, 
cibus, esca, épuise, epulatio, panis. Dans S. Jean, xxt, 



1701 



NOURRITURE 



1702 



5, npoaaiyiov, pulmentarium, a provision de bouche »), 
substance étrangère qu'un corps vivant s'assimile pour 
entretenir sa vie. 

I. A L'ÉPOQUE patriarcale. — 1» Au paradis terrestre. 
— L'organisation de l'homme lui permet de se nourrir 
également soit de végétaux, soit de la chair des ani- 
maux. Cependant, quand Dieu eut placé l'homme dans 
le paradis terrestre, il lui assigna pour aliments les 
fruits de tous les arbres à l'exception d'un seul. Gen., 
h, 16,17; ni, 2, 3. Il ne s'agissait évidemment que des 
fruits comestibles. D'autre part, la chair des animaux 
n'est pas mentionnée. Il ne s'ensuit pas qu'elle ait été 
interdite aux premiers hommes ; au moins leur était-il 
permis de se nourrir du lait qui provenait des ani- 
maux ; autrement l'élevage, dont s'occupe déjà Abel, 
Gen. , iv, 2, n'aurait guère eu de raison d'être. — 2° Après 
le déluge. — Dieu déclara à Noé qu'il lui permettait de se 
nourrir de tous les animaux vivants aussi bien, que des 
"végétaux. Gen., ix, 2. Cette autorisation ne faisait que 
confirmer l'usage, car déjà, avant le déluge, était en vi- 
gueur la distinction des animaux purs et impurs, Gen., 
vu, 2, distinction qui vise les sacrifices, sans doute, 
mais se rapporte surtout à l'alimentation. Voir Animaux 
impurs, t, i, col. 613. En permettant de manger la chair 
des animaux, Dieu défendit sévèrement de se nourrir 
de leur sang. Gen., ix, 4. Voir Chair bes animaux, 
t. il, col. 490, 495; Sang. — 3» Dans le pays de Cha- 
naan. — Les patriarches se nourrissaient de pain, Gen., 
xviii, 5 ; xxi, 14; xlii, 2, voir Pain; de lait et de beurre, 
Gen., xvm, 8 ; de légumes. Gen., xxv, 28. La plus 
grande frugalité présidait ordinairement à leurs repas. 

II. Chez les anciens Hébreux. — 1» Dans la terre de 
Gessen. — Les Hébreux se servirent en Egypte de la 
nourriture habituelle au pays, pain et galettes de cé- 
réales, animaux domestiques, animaux pris à la chasse 
ou à la pêche, herbes, légumes et fruits qui abondaient 
autour d'eux. Voir Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient, Paris, t. i, 1895, p. 61-66. Plus 
tard, ils regrettèrent les pots de viande et le pain, Exod., 
xvi, 3, les poissons, les concombres, les melons, les poi- 
reaux, les oignons et les aulx qu'ils avaient sans peine et 
en abondance dans la terre de Gessen. Num., xi, 4, 5. 

2° Ati désert. — Privés de la nourriture si facile à 
obtenir en Egypte, les Hébreux furent réduits au désert 
au lait et à la chair de leurs troupeaux, aux produits du 
sol alors plus cultivé et plus fertile, aux aliments ache- 
tés aux nomades, etc. Ils murmurèrent. Par deux fois, 
Dieu leur envoya des cailles, Exod., xvi, 13; Num., xi, 
31-32, voir Caille, t. h, col. 33, et, pendant quarante 
ans, il fit tomber la manne pour leur servir de nour- 
riture principale. Exod., xvi, 14, 31. Voir Manne, 
col. 656. 

3° En Palestine. — Une fois fixés dans leur pays dé- 
finitif, les Hébreux eurent à leur disposition les pro- 
duits naturels d'un sol fertile, ceux de l'élevage et de la 
chasse : les céréales, blé (voir t. i, col. 1811), épeautre 
(voir t. H, col. 1821), orge, etc., servant à faire le pain 
et les gâteaux (voir t. m, col. 114) ; les légumes (voir 
t. iv, col. 160), les fruits (voir t. il, col. 2412) ; les pro- 
duits naturels ou travaillés des animaux, lait (voir t. iv, 
col. 37), beurre (voir t. i, col. 1767), fromage (voir t. n r 
col. 2406), jniel (voir t. iv, col. 1080); la chair des ani- 
maux (voir t. il, col. 488), quadrupèdes, oiseaux, pois- 
sons, bêtes prises à la chasse (voir t. n, col. 616), etc. 
Sur la manière d'accommoder ces divers aliments, voir 
Cuisine, t. n, col. 1146-1150 ; Graissé, t. m, col. 293; 
Huile, t. m, col. 770; Sel. Sur la manière de les 
prendre, voir Festin, t. n, col. 2212 ; Repas. Les Hé- 
breux étaient généralement sobres au point de vue de 
la nourriture, et la Sainte Écriture signale peu d'excès 
à cet égard. Voir Gourmandise, t. m, col. 281. Dans les 
temps de famine, on en était naturellement réduit à 
une nourriture très insuffisante et quelquefois répu- 



gnante. Voir Colombe, t. n, col. 849 ; Famine, t. il, 
col. 2173. Les pauvres se contentaient parfois de ra- 
cines, Job, xxx, 4;- Luc, xv, 16, et les assiégés de pis 
encore. IV Reg., xvm, 27; II Mach., v, 27. — On. n'ai- 
mait pas les mets insipides. Job, vi, 6. On les^assai- 
sonnait au moyen du sel, I Esd., îv, 14 ; Eccli., xxxix, 
31 ; voir Sel ; du eumin, Is., xxvm, 25, 27, voir Cu- 
min, t. il, col., 1158; de la coriandre, voir t. H, col. 973; 
de l'anis, voir t. i, col. 625 ; de la menthe, Matth., xxm, 
23, voir Menthe, col. 976; de la rue, Luc, xi, 42, voir 
Rue, etc. La câpre, Eccle.,xn, 5, voir t. n, col. 221, ser- 
vait à stimuler l'appétit. 

III. A l'époque êv Angélique. — 1». La nourriture 
était la même que dans les anciens temps. Dans les 
repas plus importants, on voyait figurer des viandes de 
toutes sortes. Matth., xxn, 4. Mais le menu peuple se 
bornait habituellement aux mets les plus simples, le 
pain, les poissons desséchés ou même frais, Matth., vu, 
10; xrv, 17; xv, 36; Marc, vi, 38; Luc, ix, 13; xi, 11,- 
xxiv, 42; Joa., vi, 9; xxi, 9, 13 ; les œufs, Matth., vu, 9; 
Luc, xi, 11; le miel, Matth., ni, 4; Luc, xxiv, 42 ; les 
sauterelles, Matth., m, 4, etc. — 2° Notre-Seigneur prend 
la nourriture ordinaire, et quelques-uns lui en font un 
reproche. Matth., xi, 19; Luc, 7, 34. Il recommande à 
ses disciples d'avoir confiance en la Providence au sujet 
de la nourriture, Matth., vi, 25, 31 ; Luc, xn, 22, 29, 
et à ses envoyés d'accepter ce qu'on leur sert, Luc, x, 
8, parce que l'ouvrier mérite qu'on le nourrisse. Matth., 
x, 10. Il dit que la vie est plus que la nourriture, Matth., 
vi, 25; Luc, xii, 23, et que par conséquent il faut, à 
l'exemple du Père éternel, attacher plus d'importance à 
la première qu'à la seconde. Il prescrit de donnerla 
nourriture à ceux qui ont faim, et déclare que cette 
charité s'adresse à lui-même. Matth., xxv, 35, 42. — 
3° Saint Paul dit que le chrétien doit se contenter 
d'avoir l'essentiel pour se nourrir et se couvrir. 1 Tim v 
VI, 8. A propos des viandes offertes aux idoles, il pose 
en principe que « le royaume de Dieu n'est ni le man- 
ger, ni le boire », Rom., xiv, 17, et que ce sont là des 
choses indifférentes en elles-mêmes au point de vue du 
salut. Voir Ldolothyte, t. m, col. 830. 

IV. Remarques sur la nourriture. — 1° La nour- 
riture la plus simple est conseillée. Prov., xxvu, 27. 
L'excès sous ce rapport a de fâcheuses conséquences. 
Eccli., xxxi, 12-25; xxxvii, 30-34. — 2» Dans le chagrin, 
on s'abstient de nourriture. IReg., I, 7; Tob.,m, 10, etc. 
H en est de même en d'autres circonstances graves. 
Voir Jeûne, t. m, col. 1528. Parfois, en vue de l'accom- 
plissement d'une résolution importante, on défendait 
de manger quoi que ce fût, I Reg., xiv, 24, ou l'on s'y 
obligeait par serment. Act., xxm, 12, 21. Il fallait se 
trouver dans une condition bien misérable pour en être 
réduit à manger, comme les chiens, ce qui tombait sous la 
table des maîtres. Jud., i, 7 ; Marc, vu, 28 ; Luc., xvi, 21. 
— 3° Des nourritures miraculeuses sont plusieurs fois 
mentionnées : la manne, Exod., xvi, 14 ; la farine et 
l'huile de la veuve de Sarepta, III Reg., xvn, 16 ; le 
pain présenté à Élie par un ange, III Reg., xix, 6, et 
celui que lui apportaient les corbeaux dans la vallée de 
Carith, III Reg., xvn, 4-6; l'huile et les pains multipliés 

^ par Elisée, IV Reg., iv,5, 6, 43, 44; les pains multipliés 
par Notre-Seigneur au désert, Matth., xiv, 19, 20; xv, 
36, 37; Marc, vi, 41, 42; vin, 6-8; Luc, ix, 16, 17; 
Joa., VI, 11, 12, etc. — 4° Métaphoriquement, « manger 
la moelle de la terre s, c'est avoir une nourriture abon- 
dante et succulente. Gen., xlv, 18. Par contre, pour 
marquer l'épreuve, on dit qu'on se nourrit de larmes, 
Ps. lxxx (lxxix), 6 ; d'absinthe, Jer., îx, 15; xxm, 15; 
de cendre, Ps. en (ci), 10; Lam., m, 6; de fiel, Ps. lxix 
(lxvhi), 22; du pain de douleur, Ps. cxxvii (cxxvi), 
2, etc. Donner la chair de quelqu'un en nourriture, 
Ps. xliv (xliii), 12; lxxiv (lxxhi), 14; Is., xlix, 26; Jer., 
xix, 9. etc.. c'est l'abandonner à ceux qui le font périr, 



1703 



NOURRITURE — NOUVEAU TESTAMENT 



1704 



et dévorer un peuple comme une nourriture, c'est le 
persécuter violemment. Ps. xrv (xm), 4. 

V. La nourriture spirituelle. — 1° Notre-Seigneur 
dit que sa nourriture est de faire la volonté de son Père. 
Joa., îv, 32, 34. Il se propose lui-même comme la nour- 
ture de l'âme, par la vérité qu'il enseigne, Joa., vi, 35- 
40, et par son propre corps dont il fait le vrai pain de 
vie. Joa., vi, 48-52. — 2» Saint Paul présente aux fi- 
dèles récemment convertis un enseignement élémen- 
taire qui est comme le lait qu'on donne aux enfants, 
I Cor., ni, 2, mais qui n'est pas encore la nourriture 
substantielle d'une doctrine complète. Cf. Heb., v, 12, 
13; I Pet. n,2. 

VI. La nourriture des animaux. — 1° Dieu a créé 
pour les animaux une nourriture appropriée à leur 
organisation. Gen., i, 30. Il la leur donne libéralement, 
sans qu'ils aient besoin de travailler pour l'obtenir. 
Ps. civ (cm), 21, 27; cxxxvi (cxxxv), 25; cxliv, 15, 16; 
cxlvi, 9; Job, xxxvili, 41 ; Prov., vi, 8; Matth., vr, 26; 
Luc, xii, 24. — 2° C'est une malédiction pour un être 
humain que de devenir, de son vivant ou après sa 
mort, la nourriture des animaux, oiseaux, chiens, etc. 
Deut., xxviii, 26; III Reg., xiv, 11 ; xvi, 4; xxi, 23,24; 
IV Reg., ix, 10 ; Ps. lxxix (lxxviii), 2 ; Jer., xvi, 4; 
xix, 7 ; xxiv, 20, etc. Goliath et David se souhaitem 
mutuellement ce sort. 1 Reg., xvn, 44. 46. Chez les Égyp- 
tiens, on laissait les corps de certains ennemis « éten- 
dus sur le sol pour être mangés des bêtes sauvages et 
des oiseaux de proie ». Maspero, Les contes populaires 
de l'Egypte ancienne, Paris, 3 e édit., p. 177. C'était en 
effet une malédiction pour quelqu'un que de ne pas 
reposer tout entier dans un tombeau. Voir Morts, 
col. 1316. Ce sort fut réservé à Jégabel. IV Reg., ix, 
35, 36. Dieu s'est cependant engagé à réclamer à l'ani- 
mal le sang de l'homme, Gen., ix, 5, sans doute en or- 
donnant de faire périr la bête qui a causé la mort d'un 
homme. Exod., xxi, 28, 29. H. Lesêtre. 

NOUVEAUTÉ (grec : xatvôrr)?; Vulgate : novitas), 
ce qui apparaît pour la première fois. La chose nou- 
velle s'appelle en hébreu hâdâS, et une fois zdr et 
nâkri, « chose étrangère, inouïe, » Is., xxvm, 21; en 
chàldéen : hâdaf, I Esd., vi, 4; en grec xaivôv, et en 
latin novuni. 

1° Au point de vue matériel, il est question dans la 
Sainte Écriture des objets nouveaux que Béséléel exé- 
cute avec l'esprit que lui communique le Seigneur, 
Exod., xxxv, 35; de maisons neuves, Deut.,xx, 5; xxii, 
8; Jer., xxvi, 10; xxxvi, 10; II Mach., h, 30; de nou- 
velle cour, II Par., xx, 5; de sépulcre neuf, Matth., 
xxvii, 60; Joa., xix, 41; de chariots neufs, I Reg., vi, 
7; II Reg., vi, 3; I Par., xm, 7; Is., xli, 15; d'outre? 
neuves, Jos., ix, 13; Job, xxxu, 19; Matth., ix, 17; 
Marc, h, 22; Luc, v, 37; de vases neufs, IV Reg., îr, 
20: I Mach., iv, 49; de nourriture nouvelle, Sap., xvi, 
2, 3; de vin nouveau, Eccli., ix, 14, 15; Lnc, v, 39; de 
manteau, IU Reg., xi, 29-30, et d'hahits neufs, Judith., 
xvi, 10; d'autel, I Mach., iv, 47; de cordes, Jud., xvi, 
11; xv, 13, de glaives, II Reg., xxi, 16; de bois neufs, 
I Esd., vi, 4; de nouveaux phénomènes naturels, Sap., 
xi, 19; xvi, 16; xix, 5, 11; de nouvelles lettres, Esth., 
vin, 5, 10; de langues nouvelles, Marc, xvi, 17, etc. 
Sur les fruits nouveaux, voir Prémices. 

. 2* Au point de vue moral, Dieu manifeste parfois son 
action dans le monde par des actes dont la nouveauté 
et la Candeur attirent l'attention des hommes. Num., 
xvi, S0; Is., xliii, 19; XL vin, 6; lxv, 17; lxvi, 22; 
Jer., xxxi, 22; Apoc, xxi, 5. Cependant, en général, il 
n'y a rien de nouveau sous le soleil, Ëccle., î, 10, parce 
que ni les lois de la nature ni le caractère des hommes 

. ne changent. Le retour de la prospérité est une nou- 
velle lumière. Esth., vin, 16. On tire du même trésor le 
vieux et le neuf, c'est-à-dire ce que chaque époque a 



apporté de bon. Cant., vu, 13; Matth., xm, 52. L'Évan- 
gile constituait une doctrine nouvelle, Marc, l, 27 ; Act., 
xvn, 19; mais il y avait des nouveautés contre lesquelles 
il fallait se tenir en garde. I Tim., vi, 20. Les nouveau- 
tés plaisaient beaucoup aux Athéniens. Act., xvn, 21. 
Aux nouveaux bienfaits de Dieu, on répond par des can- 
tiques nouveaux. Judith, xvi, 2, 15; Ps. xxxm (xxxn), 
3; XL (xxxix), 4; xevi (xcv), 1, etc.; Is., xlii, 10; Apoc, 
v, 9; xiv, 3. 

3° Au point de vue spirituel, Dieu promet à l'bomme 
un esprit nouveau, c'est-à-dire l'effusion de grâce qu'ap- 
portera le Messie. Ezech., xi, 19; xvm, 31; xxxvi, 26. 
II contracte avec lui une nouvelle alliance. Jer., xxxi, 
31; Matth., xxvi, 28; Marc, xiv, 24; I Cor v xi, 25; 
II Cor., m, 6; Heb., vm, 8. Il le régénère et fait de 
lui une nouvelle créature, c'est-à-dire un être vivant de 
la vie même de Jésus-Christ. II Cor., v, 17; Gai., vi, 15; 
Eph., h, 15; iv, 24; Col., m, 10; Heb., x, 2. Il lui com- 
munique une nouvelle vie, la vie surnaturelle ou d'union 
intime avec les trois personnes divines, Rom., vi, 4; vu, 
6; Xii, 2, et lui impose un nouveau commandement, 
celui de l'amour. Joa., xm, 34; I Joa., n, 7, 8; II Joa., 
5, Il crée pour le récompenser de nouveaux cieux et une 
nouvelle terre, c'est-à-dire l'Église, royaume de Dieu 
sur la terre, et le ciel, lieu de la récompense éternelle 
pour les élus. II Pet., m, 13; Apoc, m, 12; xxi, 1, 2. 

H. Lesêtre. 

NOUVEAU TESTAMENT (grec : Ka:vr, Atatoto; 
Vulgate : Novum Testamentum), nom donné à la ré- 
vélation évangélique et, par extension, aux livres ins- 
pirés qui s'y rapportent. 

I. Sens du mot. — 1° Le mot Testamentum a été 
choisi par la Vulgate pour rendre le mot hébreu berîf, 
qui sert à désigner l'alliance contractée par Dieu avec 
l'ancien peuple, Gen., vi, 18; xv, 18 ; Exod., xxiv, 7 ; 
Deut., ix, 9; etc., voir Alliance, t. i, col. 387, et celle 
qu'il devait renouveler à l'époque messianique. Is., lv, 
3 ; lxi, 8; Jer., xxxi, 31; xxxn, 40; Ezech., xvi, 60; 
xxxiv, 25 ; xxxvii, 26. Le berîf commençait par un acte 
solennel et entraînait une obligation impérieuse liant 
les deux contractants l'un à l'autre. Dieu s'engageait à 
protéger Israël et Israël s'engageait à servir Dieu. — 
2° Les Septante rendent ordinairement berîf par £ta- 
OiÎxt). Gen., Vi, 18; xv, 18; xvn, 2, etc. Ce mot signifie 
« disposition, arrangement », d'où « disposition testa- 
mentaire i>, Aristophane, Vesp., 584, 589, et « conven- 
tion ». Aristophane, Av., 439. Le berî{ était donc, pour 
les Septante, l'arrangement conclu par Dieu avec son 
peuple, la convention faite avec lui. La 8ta6>jxir, nouvelle 
est celle que Jésus-Christ est venu conclure avec l'hu- 
manité rachetée par lui. Matth., xxvi, 28; Marc, xiv, 
24; Luc, xxii, 20; I Cor., xi, 25; Heb., ix, 15. — 3» La 
Vulgate emploie le mot testamentum, « testament, » 
expression des dernières volontés de quelqu'un, vo- 
lontés exécutables après sa mort et sur lesquelles lui- 
même ne peut revenir. Ce sens est impliqué dans le 
grec 8i«8r,xTi. La Vulgate l'a spécialement affirmé à 
cause de la manière dont la nouvelle alliance a été con- 
clue à la dernière Cène et aussi à cause de la théorie 
développée dans l'Épltre aux Hébreux, ix, 15, 17. 

II. L'institution du Nouveau Testament. — 1» Cette 
institution avait été promise par les prophètes, lsaïe, 
lv, 3; lxi, 8, annonce que la nouvelle alliance sera 
éternelle. Jérémie le redit à son tour et explique que 
cette alliance ne sera plus seulement extérieure, mais 
écrite au fond des cœurs. Jer., xxxi, 31-33; xxxn, 40. 
Il l'appelle, xxxi, 31, « alliance .nouvelle ». Ézéchiel, 
xvi, 60; xxxvii, 26, parle aussi d'alliance éternelle et 
pacifique, et Osée, n, 18, représente cette alliance 
sous la figure de l'union conjugale. — 2° A la der- 
nière Cène, Notre-Seigneur institue l'alliance promise 
ou plutôt il promulgue à l'avance l'alliance qui ne 
sera contractée qu'au moment de sa mort sur la criox. 



1705 



NOUVEAU TESTAMENT 



1706 



Il présente à ses Apôtres le calice en leur disant : 
« Voici mon sang de la nouvelle alliance, » Matth., 
xxvi, 28; Marc, xiv, 24; « Ce calice est la nouvelle 
alliance dans mon sang. » Luc, xxii, 20; I Cor., xi, 25- 
L'Église, dans sa formule de consécration, reprend la 
donnée des prophètes et dit : « Voici le calice de mon 
sang, du nouveau et éternel Testament. » L'ancienne 
alliance avait été scellée par le sang, Exod. , xxiv, 8 ; la 
nouvelle se conclut dans les mêmes conditions, mais 
d'une manière incomparablement supérieure, puisque 
c'est le sang de l'Homme-Dieu qui est répandu dans le 
calice, Ix^uvvôjjievov, et qui bientôt sera répandu sur la 
croix, effundelur, pour la rémission des péchés. Matth., 
xxvi, 28. Le caractère contractuel de cette effusion du 
sang résulte de la déclaration même de Notre-Seigneur, 
qui l'appelle le « sang de la nouvelle alliance », c'est-à- 
dire le sang versé pour rendre possible, réaliser, ma- 
nifester et commémorer cette alliance. Le sang des 
anciennes victimes n'avait qu'une valeur symbolique et 
figurative, le sang du Sauveur a une valeur effective et 
sans limite, à cause de la personne divine à laquelle il 
appartient. — 3° Cette alliance nouvelle porte à bon 
droit le nom de testament. Car c'est seulement après la 
mort de Jésus-Christ que les hommes entreront en 
possession de l'héritage qu'il leur a acquis par l'effu- 
sion de son sang. Et de même que le testateur ne peut 
plus revenir, une fois mort, sur la décision qu'il a 
prise, ainsi Dieu ne dénoncera jamais, non par impuis- 
sance, mais par volonté, l'alliance contractée par son 
Fils. L'Épltre aux Hébreux prend le mot ôiaOvjxr, dans 
le sens de « testament », comme d'ailleurs traduit la 
Vulgate. D'après l'écrivain sacré, Jésus-Christ est le mé- 
diateur de la nouvelle alliance, par conséquent celui qui 
prépare le testament nouveau et lui donne force exécu- 
toire. « Car là où il y a testament, SiaOïqxvi, il est néces- 
saire qu'intervienne la mort du testateur, SiaOépievoç, 
parce qu'un testament n'a son effet qu'après la mort, et 
qu'il est sans valeur tant que le testateur est en vie. » 
Heb., ix, 15-17. La condition de l'homme pécheur de- 
puis Adam s'opposait à une alliance définitive et totale 
avec Dieu, tant que le péché n'était pas efficacement 
expié par l'effusion du sang. Notre-Seigneur a sacrifié 
sa vie pour assurer cette expiation. C'est donc en mou- 
rant qu'il scellait l'alliance, et dès lors, cette alliance 
prend le caractère d'un testament, puisque la volonté du 
Sauveur n'est exécutée qu'après sa mort. — 4° Les au- 
teurs sacrés donnent le nom de « Nouveau Testament » 
à l'alliance contractée par l'intermédiaire de Jésus-Christ, 
par opposition avec les anciennes alliances du temps de 
Noé, d'Abraham et de Moïse. II Cor. , m, 6 ; Heb. , vm, 8 ; 
ix, 15 ; xii, 24. Ils l'appellent aussi « testament éternel ». 
Heb., xni, 20. Voir Loi nouvelle, col. 347-353. 

III. Le Nouveau Testament écrit. — 1° Sa composi- 
tion. — On donne encore le nom de Nouveau Testament 
à l'ensemble des livres inspirés qui se rapportent soit à 
la vie soit à la doctrine de Notre-Seigneur. Ces livres 
sont au nombre de vingt-sept, dont cinq historiques : les 
quatre Évangiles et les Actes des Apôtres ; vingt et un 
doctrinaux : les Épitres des Apôtres, et un prophétique : 
l'Apocalypse. Ces écrits ontpourauteurs sixApôtres; saint 
Matthieu, saint Jean, saint Jacques, saint Pierre, saint 
Jude et saint Paul, converti après la disparition du Sau- 
veur, deux disciples, saint Marc et saint Luc. Pouif 
l'Épitre aux Hébreux, voir Hébreux (Épitre aux), t. ni, 
col. 544-546. Sur la manière dont ces écrits ont été envi- 
sagés et reçus dans l'Église primitive, voir Canon des 
Écritures, t. n, col. 167-182. Dès le temps des apôtres, 
on considérait ces différents écrits comme revêtus d'un 
caractère sacré. Déjà saint Pierre met en parallèle les 
Épitres de saint Paul et « les autres Écritures ». II Pet., 
in, 16. Saint Jean parle de son Apocalypse comme d'une 
prophétie à laquelle il n'est permis à personne de rien 
retrancher ni de rien ajouter. Apoc, xxn, 18-19. 



2° Son unité. — L'Ancien Testament renferme des 
livres de toute nature, historiques, législatifs, doctrinaux, 
liturgiques et prophétiques, ayant des auteurs très divers, 
connus ou inconnus, dont la composition s'espace sur 
près de quatorze siècles, et qui contiennent une multi- 
tude de choses qui ne se rapportent qu'indirectement à 
la révélation. C'est l'histoire d'un peuple, dans les prin- 
cipales phases de son existence, et, à travers cette his- 
toire, des enseignements très variés concernant la reli- 
gion du passé et celle de l'avenir. Le Nouveau Testament 
a une unité beaucoup plus accusée. Jésus-Christ en est 
pour ainsi dire l'objet exclusif. Les Évangiles racontent 
sa vie et exposent ses enseignements. Les Actes rappor- 
tent ce que les apôtres ont fait de plus important pour 
propager la foi en lui. Les Épitres expliquent sa doctrine. 
L'Apocalypse montre dans l'avenir les destinées de son 
Église et le triomphe final du Sauveur. Tous ces écrits ont 
étécomposésdansun espace de temps relativement court, 
puisque soixante ans au plus, et peut-être beaucoup moins, 
se sont écoulés entre l'apparition du premier Évangile et 
celle du dernier. Voir Évangiles, t. n, col. 2062. En- 
core cet espace se réduit-il à vingt ou trente ans, si l'on 
met à part les écrits de saint Jean composés à la fin du 
siècle. 

3" Son caractère occasionnel. — Pourtant tous les 
livres qui composent le Nouveau Testament n'ont été 
composés que par occasion. Notre-Seigneur avait com- 
mandé aux Apôtres de prêcher sa doctrine. Matth., xxvm, 
9; Marc, xvi, 15. Il ne leur avait pas défendu d'écrire, 
mais il ne le leur avait pas non plus prescrit, et il faut 
bien avouer que le génrede vie primitif des Apôtres ne 
les prédisposait pas à devenir écrivains. Tout au plus 
saint Luc, simple disciple, avait-il une préparation sé- 
rieuse, Quant à saint Paul, la teneur de ses Épitres fait 
assez comprendre qu'il ne prend la plume qu'occasion- 
nellement. La formule : « Que celui qui lit, comprenne, » 
qui se trouve une fois dans l'Évangile, Matth., Xxiv, 15; 
Marc, xni, 14, ne donne nullement à entendre, comme 
on l'a prétendu, que Notre-Seigneur suppose son ensei- 
gnement mis par écrit, car, dans ce passage, le Sauveur 
vise uniquement la prophétie écrite de Daniel sur l'abo- 
mination de la désolation. Le Sauveur, au contraire, ne 
connaît que des auditeurs, jamais de lecteurs. Matth., 
xi, 15; xm,9, 43; Marc, iv, 9, 20, 23; vu, 14; Luc, vi, 
37 ; vin, 8, 21 ; xi, 28 ; xiv, 35 ; Joa., vin, 47 ; x, 16, etc. 
A chacun des articles concernant les Évangiles ou les 
Épitres, on trouvera l'indication de l'occasion certaine 
ou présumée qui a porté l'auteur à écrire. 

4" Sa langue. — Le Nouveau Testament tout entier est 
composé dans une même langue, la langue grecque, 
comprise à cette époque dans tout le monde civilisé. 
L'Évangile de saint Matthieu, originairement écrit dans 
une langue sémitique, l'araméen a été de bonne heure 
traduit dans la langue commune à tous les autres livres. 
Voir col. 882. Sur la langue du Nouveau Testament, voir 
Grec biblique, t. m, col. 319-330. A part l'Apocalypse, 
dans laquelle abondent les figures et les symboles, tous 
les autres livres du Nouveau Testament sont écrits sous 
forme narrative ou didactique, par conséquent à la 
portée du commun des lecteurs auxquels ils s'adres- 
saient. C'est la forme qui convenait le mieux à l'expres- 
sion de la révélation évangélique, définitive et destinée 
à tous les hommes de tous les temps et de tous les pays. 
Ce caractère simple et lucide des écrits du Nouveau Tes- 
tament a permis de les traduire successivement dans 
toutes les langues du monde sans trop leur faire perdre 
de leur valeur originale. Dans l'Ancien Testament, au 
contraire, les livres poétiques et prophétiques, coulés 
dans le moule purement sémitique, ont grand'peine à 
passer dans les langues étrangères sans perdre notable- 
ment de leur valeur littéraire. Les écrivains du Nouveau 
Testament sont des Sémites écrivant dans une langue 
classique. Cette situation qui, de prime abord, semblait 



1707 



NOUVEAU TESTAMENT 



1708 



être pour eux une cause d'infériorité et d'insuccès, de- 
vint au contraire favorable à la propagation de leur 
œuvre. Celle-ci, en effet, saisit les Juifs et les Asiatiqnes 
par son tour sémitique, et les Grecs par la forme rela- 
tivement classique qu'elle était obligée de revêtir. Le 
Nouveau Testament réalisa ainsi ce que saint Paul tâ- 
ehait d'être lui-même, « débiteur vis-à-vis des ignorants 
eomme des savants, » Rom., i, 4, et « tout à tous ». 
ï Cor., ix, 22. 

5° Son contenu incomplet. — Le caractère occasionnel 
des écrits du Nouveau Testament ne permet pas de dire 
qu'il contient d'une manière complète la révélation trans- 
mise aux Apôtres par Notre-Seigneur. Saint Jean termine 
son Évangile en déclarant qu'il a laissé de côté beaucoup 
d'autres choses accomplies par le Sauveur. Joa., xxi, 25. 
Cette déclaration porte sur les récits des synoptiques 
aussi bien que sur son propre Évangile, puisque saint 
Jean avait leur œuvre sous les yeux et qu'il parle de 
livres sans nombre qu'on pourrait encore écrire en 
utilisant ce qu'il omet.Dans les Épitres, les Apôtres ne 
font que traiter certaines questions, pour répondre aux 
difficultés qui leur ont été posées, ou expliquer certains 
points du dogme et de la morale dont l'intelligence ou 
la pratique laissaient à désirer parmi les destinataires de 
leurs lettres. Aussi le concile de Trente, sess. IV, dont 
les termes sont reproduits par celui du Vatican, Const. 
de fide, n, déclara-t-il que la vérité révélée par Notre- 
Seigneur est « contenue dans les livres écrits et dans 
les traditions non écrites qui, reçues de la bouche du 
Christ par les apôtres, ou transmises de main en main 
par les apôtres eux-mêmes, sous la dictée du Saint-Es- 
prit, sont arrivées jusqu'à nous ». On n'est pas en droit 
de dire que la tradition ne fait que répéter ce qui est 
déjà dans les écrits sacrés. Saint Paul recommande à 
son disciple d'enseigner et de faire transmettre par des 
hommes capables, non ce qu'il a lu, mais ce qu'il a en- 
tendu. II Tim., il, 2. En effet, tout ce qui a été enseigné 
n'a pas été inséré dans les livres du Nouveau Testa- 
ment, et la tradition contient bien des choses dont 
l'Écriture ne fait pas mention. Cf. Franzelin. De divin, 
tradit. et Scriptura, Rome, 1875, p. 245-260. Le Nou- 
veau Testament écrit ne reproduit donc pas dans son 
intégralité la révélation évangélique. 

6° Son utilité relative. ~ Le Nouveau Testament 
écrit n'a pas été nécessaire à la propagation primitive 
de la foi. Les premiers fidèles ont été convertis sans le 
secours d'aucun écrit, et ceux qui les ont suivis n'ont 
connu qu'assez tardivement les différents livres du 
Nouveau Testament. La doctrine évangélique a donc 
été connue par tradition avant de l'être par les écrits 
inspirés. Cf. Franzelin., Op.cit.,p. 261-267. Aujourd'hui 
encore, comme du temps de saint Irénée,'„ Corei. hœr., 
III, iv, 1, 2, t. vu, col. 855, beaucoup s'en rapportent à 
l'enseignement de la tradition, parmi ceux « qui croient 
au Christ, en ayant le salut écrit par le Saint-Esprit dans 
leur cœur sans parchemin ni encre, et en gardant avec 
soin l'antique tradition ». Quelque précieux et quelque 
utiles que soient les écrits du Nouveau Testament, la 
tradition peut les suppléer et les supplée en réalité pour 
beaucoup d'âmes, qui ne sont dépourvues malgré cela 
ni de la connaissance de Jésus-Christ ni de sa grâce. Il 
en a été ainsi pour la majeure partie des premières 
générations chrétiennes. 

7» Son caractère définitif. — La révélation contenue 
dans l'Ancien Testament a été bornée, progressive et 
finalement incomplète ; en dehors des écrits sacrés, il 
n'existait pas de tradition authentique de cette révéla- 
tion. La révélation évangélique est définitive et totale, 
non pas en ce sens que Dieu a révélé tout ce qu'il pou- 
vait révéler, mais en ce sens qu'il a révélé tout ce qu'il 
jugeait à propos de révéler pour le sàlut de l'humanité. 
L'Esprit devait enseigner aux Apôtres « toute vérité ». 
Joa,, xvi, 13. Bien que les livres du Nouveau Testament 



n'aient pas un contenu aussi riche que la tradition, ils 
renferment cependant les points principaux de cette ré- 
vélation, avec une multitude d'indications utiles à la 
croyance et aux mœurs chrétiennes. De cette révélation, 
l'Église tire, par voie de développement, des vérités qui 
s'y trouvaient implicitement contenues ; mais rien ne 
peut être ajouté au trésor primitif. Le progrès n'est 
possible que par une perception plus explicite de la 
vérité déjà possédée, et non, comme dans l'Ancien Tes- 
tament, par des additions successives à la vérité anté- 
rieurement révélée. 

8° Son développement historique. — Il importe enfin 
de remarquer que, d'après les écrits du Nouveau Testa- 
ment, les Apôtres sont en possession des articles fonda- 
mentaux de la foi chrétienne dès qu'ils commencent leur 
prédication évangélique, et que le développement qui 
apparaît dans la doctrine à travers les écrits sacrés n'a 
rien que de naturel et de logique. Ces articles fondamen- 
taux de la foi chrétienne sont l'existence de la Trinité di- 
vine, l'incarnation et la divinité de Jésus, Fils de Dieu, 
la rédemption de l'homme par sa mort volontaire, la né- 
cessité pour l'homme de croire en lui et de recevoir de 
lui a vie de l'âme pour pouvoir atteindre sa fin, l'éternité 
bienheureuse. Or, dès les premiers discours des Apôtres, 
tels que les rapportent les Actes, ces points de doctrine 
apparaissent aussi nettement définis qu'on peut l'atten- 
dre, étant données les circonstances. La divinité de 
Jésus-Christ, en particulier, y est affirmée d'une manière 
formelle. Act., in, 15; iv, 11, 12 ; v, 31 ; x, 36, 42, etc. 
« L'absence de toute trace d'une théorie générale con- 
cernant la personne du Christ est une des marques 
d'historicité que présentent les premiers chapitres des 
Actes. Mais les descriptions qu'ils offrent du caractère et 
de l'œuvre absolument uniques du Christ me paraissent 
tout à fait inconciliables avec l'hypothèse d'une per- 
sonne purement humaine. » Stevens, The Theology of 
the N. T., 1901, p, 267. Les Épitres de saint Paul, dont 
les premières au moins sont indépendantes de tout 
Évangile écrit, à raison même de leur date, rappellent 
quelques faits que raconteront les synoptiques, mais 
surtout démontrent que l'Apôtre « connut non pas seu- 
lement la doctrine mais la vie publique et certains dis- 
cours du Sauveur. A vrai dire il n'en indique rien que 
les points saillants; mais avec assez d'autorité pour 
laisser entrevoir qu'ils possède pleinement tout le 
reste, tout, depuis la préexistence divine de Jésus et sa 
naissance d'une femme jusqu'à sa mort et à sa résur- 
rection, depuis l'angoisse de Gethsémani jusqu'à l'apo- 
théose dans le ciel. Il parle de sa vie pauvre et humiliée, 
de son caractère doux et miséricordieux, de son pou- 
voir sur la nature, de son enseignement si nouveau et 
si surprenant, de son rôle de médiateur et de législateur 
souverain, de son sacrifice expiatoire, et si, une fois ou 
l'autre, il veut entrer dans le détail, on voit qu'il sait 
très bien, et que l'on ne racontera pas mieux que lui ». 
Le Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, t. i, p. 19. 
Toute la substance du Nouveau Testament est donc 
déjà dans les écrits de saint Paul, comme elle était dans 
l'enseignement oral des autres apôtres. C'est l'application 
ferme de la- doctrine du Sauveur et l'adaptation de ses 
leçons et de ses exemples à la pratique de la vie chré- 
tienne. Les synoptiques paraissent ensuite, sous une 
forme purement historique qui tranche fortement avec 
le caractère dogmatique et parénitique des écrits de 
saint Paul. Ils font connaître le détail des faits et des 
enseignements que l'Apôtre n'ignorait pas et qu'il sup- 
posait arrivés déjà, par voie orale, à la connaissance des 
chrétiens, au moins dans leurs éléments principaux. 
Mais ici et là, c'est toujours le même Christ, la même 
doctrine, la même règle de vie, la même espérance. Les 
Épitres des autres Apôtres s'inspirent des circonstances- 
pour mettre en lumière certains détails de l'enseigne- 
ment évangélique et de la règle des mœurs nouvelles. 



4709 



NOUVEAU TESTAMENT — NUAGE 



1710 



Enfin paraissent, à la fin du siècle, les Épitres et l'Évan- 
gile de saint Jean, qui présentent un portrait du Christ 
enrichi de traits multiples et souverainement intéres- 
sants, mais de ressemblance parfaite avec le Christ de 
saint Paul et celui des synoptiques. Dans tout le Nou- 
veau Testament règne ainsi une vivante unité, dont 
Jésus-Christ, Fils de Dieu, est lui-même le principe et 
le centre. Toutefois, ce ne sont pas les synoptiques qui 
sont la source du développement doctrinal; c'est l'en- 
seignement oral sur la personne et la doctrine de Jésus, 
enseignement utilisé d'abord par saint Pierre, dans ses 
discours des Actes, par saint Paul dans ses Épitres, et 
ensuite par les Évangélistes. Cf. Lepin, Jésus Messie et 
Fils de Dieu, Paris, 1905, 2' édit., p. 338-363. — Sur les 
questions qui se rapportent au texte et à la doctrine du 
Nouveau Testament, voir Canon des Écritures, t. i, 
col. 167-183; Manuscrits bibliques, t. iv, col. 682-698; 
Évangiles, t. il, col. 2068-2114, et les articles sur cha- 
cun des livres du Nouveau Testament. 

H. Lesêtre. 
NOVARINI Aloysius, théologien italien, né à Vérone 
en 1594, mort dans cette même ville le 14 janvier 1650. 
Il fit profession- en 1614 dans la congrégation des clercs 
réguliers théatins. Parmi ses écrits nous avons à men- 
tionner :Matthœus et Marcus expensi, notis monitisque 
saeris illustrati, in-f», Lyon, 1642; Lucas expensus..., 
in-f°, Lyon, 1643/ Johannes expensus..., in-f», Lyon, 
1643; Paulus expensus..., in-f°, Lyon, 1643; Moses ex- 
pensus..., 2 in-f», Vérone, 1645-1648. — Voir Ant. Fr, 
Vezzosi, I scritlori de' chierici regolari delti Tealini, 
Rome, 1780, t. n, p. 100. B. Heurtebize. 

NOYER, arbre qui produit la noix dont le nom hé- 
breu 'ëgôz est rendu par les Septante : y.âpuov; et la 
Vulgate nux. Cant., vi, 11. 

I. Description. — Les Juglandées, dont cet arbre est 
le type, forment une famille des plus naturelles tenant 




453. — Noyer : rameau, fleura et fruit. 

à la fois des Amentacées par leurs fleurs mâles groupées 
■en chatons, et des Térébinthacées par leurs feuilles 
composées-pennées ainsi que par leurs principes rési- 
neux-aromatiques. Le Noyer cultivé, Juglans regia L 
(Bg453), est originaire des forêts d'Asie, mais a été" intro- 
duit dès les âges les plus reculés danstoutes les régions 
tempérées du globe, à cause de la diversité de ses produits 
utiles. Son bois est un des meilleurs pour les arts; brun, 
compact, d'un grain fin, agréablement veiné, il n'est sujet 



ni à se fendre ni à se tourmenter. L'enveloppe verte des 
fruits (brou de noix) riche en tanin fournit à la tein- 
ture une couleur brune solide. L'amande est comestible 
avant comme après la maturité : l'on en extrait une 
huile douce, sapide et siccative dont le défaut est de 
rancir assez vite à l'air. Enfin la sève peut donner_par 
évaporation une assez grande quantité de sucre cristal- 
lisante ou se convertir en boisson fermentée. 

Le Noyer est un grand arbre à cime touffue et 
arrondie : le tronc épais et assez court est recouvert 
d'une écorce grise crevassée.- Les feuilles alternes et 
sans stipules se composent de 7 à 9 folioles ovales, 
glabres, coriaces et d'un vert sombre. Les chatons mâles 
sont solitaires et pendants, insérés vers la base des 
rameaux de l'année : chaque fleur est formée par un 
calice à divisions inégales, membraneuses, soudé avec 
la bractée axillante, protégeant de nombreuses étamines 
à filets raccourcis et terminés par de grosses anthères 
Les fleurs femelles solitaires ou plus souvent géminées, 
parfois même ternées, terminent les rameaux : l'ovaire 
infère ovoïde supporte un limbe calicinal 4-lobé. Le 
fruit à maturité est un drupe dont l'enveloppe externe 
peu charnue finit par se déchirer irrégulièrement. Le 
noyau lui-même se'sépare à la germination en 2 valves ou 
coques convexes, et rugueuses à la surface. Sa cavité in- 
térieure incomplètement divisée en 4 cloisons est occupée 
par une seule graine volumineuse, sans albumen, à co- 
tylédons charnus, huileux, bilobés et bosselés. F. Hy. 

II. Exégèse. — Bien que ce nom 'ëgôz ne se présente 
qu'une seule fois dans l'Écriture, Cant., VI, 11, la signi- 
fication n'en est cependant pas douteuse. Ce mot, em- 
prunté vraisemblablement d'une langue aryenne, a passé 
dans les idiomes sémitiques. Le persan l'appelle :^£=», 

Khaus, Ghuz, et dans le dialecte du Ghilan aghuzj 
l'arménien èngoyz; l'arabe j«î>-, Djaue, Gjaus; le sy- 
riaque Gûzô, Gauza. Abulfaradj convient que les Arabes 
ont emprunté ce nom aux Persans. O. Celsius, Hiero- 
botanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 28; Gesenius, 
Thésaurus, p. 20, et les add. de Rcediger, p. 64; A. Pictet, 
Les origines indo-européennes, 2 e édit., in-8, Paris, s. ri,, 
1. 1, p. 290; lm. Lôw, Aramâische Pflanzennamen, in-8', 
Leipzig, 1881, p. 84. Les Septante ont interprété exâDie- 
ment le mot par xâpuov, « noix; » et la Vulgate par nux. 
Le Talmud l'entend de même Maaseroth, i, 2 ; Schebiith, 
vu, 5; Schabbath, vi, 7; rx, 5; Peah, i, 5. Les langues 
anciennes et les traductions de l'Écriture s'accordent 
donc à voir dans 'ëgoz, le fruit du noyer. La noix 
(et indirectement l'arbre qui la produit) n'est signalée 
qu'une fois dans la Bible : c'est dans la bouche de 
l'épouse des Cantiques, vi, 11 : « J'étais descendue au 
jardin des noix. » Elle vient' sous les frais ombrages 
des noyers du jardin de- Salomon « contempler les 
herbes de la vallée, et voir si la vigne pousse, si les gre- 
nadiers sont en fleur ». Cet arbre est cultivé en Orient, 
surtout dans la région du Liban, où l'on apprécie son 
fruit et surtout l'huile qu'on en extrait. H. Tristram, 
The natural History of the Bible, in-12, Londres, 1889, 
p. 413. Au temps de Josèphe, Bell, jud., III, x, 8, les 
noyers étaient abondamment cultivés dans la plaine de 
Génésareth. Ils étaient évidemment plus rares, à me- 
sure qu'on s'avançait dans le midi de la Palestine. Ce- 
pendant ils n'étaient pas inconnus à l'Egypte. Des noix 
ont été trouvées dans la nécropole d'Hawara; et les 
scalœ coptes donnent à ce fruit le nom de Koïri, ou 
Kaïre, emprunté, semble-t-il, au grec xdtpuov. V. Loret, 
La flore pharaonique, 2 a édit., in-8, 1892, p. 45. Cf. E. Fr. 
Rosenmùller, Handbuch der biblischen Alterthums- 
kunde, t. iv, p. 224; O. Celsius, Hierobotanicon, t. i, 
p. 28-34. E. Levesque. 

NUAGE, NUÉE, NUE (hébreu : 'âb, 'ânândh, 
'dnân, 'ârâfel, saliaq; chaldéen : 'ânan; Septante : 



1711 



NUAGE — NUDITE 



1712 



veçélri', Vulgate : nubes, nebula, nubecula), amas de 
vapeur condensée, affectant des formes très diverses, 
suspendu dans ! l'atmosphère à différentes hauteurs, 
obéissant à l'impulsion des vents, et souvent se résol- 
vant en pluie. 

I. Les nuages au point de vue physique. — 1» L'au- 
teur du livre de Job, dans ses descriptions des mer- 
veilles de la nature, parle plusieurs fois des nuages, de 
leur formation, de leurs effets. Les nuages sont l'œuvre 
de Dieu; l'homme ne peut ni les produire, ni même 
les compter. Job, xxxv ; 5; xxxvm, 37. Dieu enferme 
l'eau dans les nuages, Job, xxxvii, 11, et ils ne se 
rompent pas. Job, xxvi, 8. Ils laissent couler la pluie, 
Job, xxxvi, 28; mais l'homme ne peut leur commander 
pour qu'ils la versent. Job, xxxvm, 34. Les nuages 
font à la mer comme un vêtement, en s'élevant tout 
autour d'elle, Job, xxxvm, 9, et ils se balancent dans 
les airs. Job, xxxvii, 16, 21. C'est en eux qu'éclate le 
fracas du tonnerre. Job, xxxvi, 29. — 2° Pour les autres 
écrivains sacrés, c'est Dieu qui fait les nuages et les appelle 
des extrémités de l'horizon. Ps. cxxxv (cxxxiv), 7;Prov., 
vin, 28; Jer., x, 13; li, 16; Eccli., xliii, 16; Bar., vi, 
61. Les nuages volent dans le ciel comme des oiseaux, 
Eccli., xliii, 15; versent la pluie, Ps. cxlvii (cxlvi), 8; 
Ecole., xi, 3; Prov., ni, 20; Is., v, 6; Eccli., xliii, 24; 
procurent l'ombre, Is., xxx, 5, ou laissent passer les 
rayons du soleil, II Reg., xxm, 4, et produisent le phé- 
nomène de Parc-en-ciel. Gen., ix, 14; Ezech., i, 28. Les 
nuages sont invités à bénir le Seigneur, par l'obéissance 
physique aux lois qui les gouvernent. Dan., m, 73. — 
3" ,Du haut du Carmel, le serviteur d'Élie aperçoit le 
petit nuage qui annonce la pluie. III Reg., xvm, 44. En 
Palestine, le vent d'ouest, arrivant de la mer, amenait 
les nuages et la pluie. Luc, xm, 54. 

II. Les nuages dans les théophanies. — Les nuages, 
interposés entre la terre et le ciel, sont considérés par 
lesauteurs sacrés comme lesupportetl'enveloppe deDieu 
dans ses apparitions. — 1° De fait, les nuées accompagnent 
les manifestations divines à la sortie d'Egypte, Exod.,xm, 
21 . 22, voir Colonne dénuée, t. n, col. 854 ; au Sinaï, Exod. , 
xix, 9; xx, 21 ; xxiv, 15, 16 ; xxxiv, 5 ; Deut., iv, 11 ; v, 22 ; 
EcclL, xlv, 5; dans le Temple de Salomon, III Reg., vm, 
2; II Par., vi, 1 ; cf. Ezech., x, 3, 4; dans les visions pro- 
phétiques, Ezech., î, 4; Dan., vu, 13; Apoc, î, 7; x, 1; 
xiv, 14-16; à la Transfiguration. Matth., xvn, 5; Marc, 
îx, 6; Luc, ix, 34; à l'Ascension, Act., i, 9. — 2" Les 
nuées accompagneront la venue du Fils de l'homme 
au dernier jour, Dan., vu, 13; Matth., xxiv, 30; xxvi, 
64; Marc, xm, 26; xiv, 62; Luc, xxi, 27; Apoc, i, 7, 
es les justes le rejoindront dans les nuées, c'est-à-dire 
seront transportés au-devant de lui dans les hauteurs, 
pour l'accompagner ensuite dans le ciel. I Thés., iv, 
16; Apoc, xi, 12. — 3° Dieu est porté sur les nuées, 
Deut., xxxm, 26; il les a sous les pieds, II Reg., xxn, 
12; Ps. xvm (xvn), 10; elles sont comme la poussière 
de ses pieds. Am., i, 3, Elles lui servent de char rapide. 
Is., xix, 1; Ps. civ (cm), 3. — 4° Les nuées sont l'en- 
veloppe de Dieu et comme le manteau de sa majesté. 
II Reg., xxn. 12; Job, xxn, 13, 14; xxvi, [19; Ps. xvm 
(x-vn), 12; xcvn (xcvi), 2; II Mach., n, 8; Act., i, 9. — 
5° Elles manifestent, par tous les phénomènes dont elles 
sont le théâtre, la grandeur, la [puissance et la sagesse 
de Dieu. Jud., v, 4; Ps. lxviii (lxvii), 35; lxxvii (lxxvi), 
18; Eccli., xxiv, 6. 

III. Les nuages dans les comparaisons. — 1° Par 
leur légèreté, leur mobilité, leur nature, éphémère, les 
nuages sont l'image des choses qui passent et dispa- 
raissent rapidement. Les morts, comme la nuée qui se 
dissipe, ne reviennent pas du tombeau. Job, vu, 9. Le 
bonheur de Job a passé comme un nuage. Job, xxx, 
15. La piété d'Éphraïm et de Juda a disparu comme la 
nuée du matin que fait évaporer le soleil; Éphraïm 
sera dissipé de même. Ose., vi, 4; xm, 3. Dieu fera dis- 



paraître les péchés d'Israël comme un nuage. Is., xliv, 
22. Notre vie passe comme un nuage. Sap., n, 3. — 
2° Les nuages épais, qui produisent les ténèbres, figurent 
le malheur. Job, m, 5, voudrait que les nuées eussent 
fait disparaître le jour où il a été conçu. Pendant que 
tous les peuples seront ensevelis dans les nuages, la 
lumière brillera sur Jérusalem. Is., lx, 2. Les nuées 
recèlent les pluies torrentielles, la grêle, la foudre, et 
sont ainsi l'image des calamités déchaînées par la colère 
de Dieu. Les jours de nuages et de ténèbres sont les 
jours de la vengeance divine. Jer., xm, 16; Ezech., 
xxx, 18; xxxii, 7; xxxiv, 12; xxxvm, 9, 16; Jo., h, 2; 
Soph., i, 15. Des nuées partiront les traits qui extermi- 
neront les impies. Sap., v, 22. — 3° Les nuages qui 
s'avancent pressés les uns contre les autres figurent les 
envahisseurs qui marchent contre Jérusalem, Jer., îv, 
13, et aussi les Israélites qui reviennent de Ja captivité. 
Is., lx, 8. — 4° Il y a des nuées bienfaisantes; telle est 
celle qui couvrira Sion. Is., iv, 5. La miséricorde de 
Dieu est comme une nuée qui apporte la pluie. Eccli., 
xxxv, 26. Isaïe, xlv, 8, demande que les nuées versent 
la justice sur la terre. C'est des nuées, c'est-à-dire du 
ciel, que tombait la manne du désert. Ps. lxxviii 
(lxxvii), 23. — 5° La prière du juste monte jusqu'aux 
nues, c'est-à-dire jusqu'au trône de Dieu. Eccli., xxxv, 
20. Mais quand Dieu ne veut pas écouter la prière, il 
s'entoure de nuées impénétrables. Lam., m, 44. — 
6° Des nuages sans eau représentent celui qui se vante 
sans raison, Prov., xxv, 14, et aussi les docteurs de men- 
songe qui ne peuvent donner la vérité et sont le jouet 
de l'erreur. II Pet., H, 17; Jud., 12. — 7° De même que 
l'obscurité des nuées fait ressortir l'éclat de l'étoile du 
matin et de l'arc-en-ciel, ainsi brille au milieu du monde 
la vertu des saints. Eccli., l, 6, 8. — 8° On dit d'une 
chose qu'elle s'élève jusqu'aux nues quand elle atteint 
un haut degré de grandeur. La bonté et la fidélité de 
Dieu s'élèvent jusqu'aux nues. Ps. xxxvi (xxxv), 6; lvii 
(lvi), 11 ; Cviii (cvn), 5. Jusqu'aux nues monte l'orgueil 
du méchant, Job, xx, 6, et celui du roi de Babylone. 
Is., xiv, 14. Jusqu'aux nues s'élèvera le châtiment de ce 
dernier. Jer., li, 9. La flatterie fait qu'on porte jusqu'aux 
nues la parole du riche. Eccli., xm, 28. — 9» La men- 
tion des nuages revient encore dans quelques locutions 
métaphoriques ou proverbiales, qui s'expliquent d'elles- 
mêmes. Il est ainsi question de nuées d'encens, Ezech., 
vm, 11, et de nuées de témoins. Heb., xu, 1. Celui qui 
regarde les nuages ne moissonnera pas, Eccle., xi, 4, parce 
qu'il se livre à des observations inutiles au lieu de tra- 
vailler. Ce n'est pas des nuages qu'on tire la sagesse. 
Bar., m, 29. H. Lesêtre. 

NUDITÉ (hébreu : 'êrfim, 'érvâh, 'éryâh; Septante : 
yupivdTïic, YÛfjivtoaiç; Vulgate : nuditas), absence plus ou 
moins complète de vêtements. Celui qui est dans cet 
état s'appelle 'ârôm, une fois solâl ou 'ârar, et, avec 
l'abstrait pour le concret, ma'ârummim, II Par., xxvm, 
15, y\)[iv6(, nudus. L'idée de nudité comporte dans la 
Sainte Écriture des sens et des degrés différents. 

1° La nudité complète. — C'est celle d'Adam et Eve au 
paradis terrestre, Gen., u, 25; m, 10, 11, et celle de 
l'enfant qui vient au monde. Job, i, 21; Eccle., v, 14; 
Ose., il, 5. Il est probable que le jeune homme saisi peu 
après l'arrestation de Notre-Seigneur, s'échappa en cet 
état des mains des Juifs. Marc, xiv, 51,52. Voir Linceul, 
col. 266. 

2° La nudité obscène. — Elle est souvent appelée dans 
les versions àff/ruxoijùvYi, turpitudo, « honte. » Il en est 
question dans les textes législatifs qui défendent certains 
crimes contre les mœurs, Lev., xvm, 6-18; xx, 17-21, 
et dans les textes prophétiques qui assimilent l'idolâtrie 
à l'adultère et à Ja prostitution. Jer., xm, 26; Ezech., 
xvi, 7, 22, 37, 39; xxm, 29; Nah., m, 5; Ose., n, 11; 
Hab., il, 15; Apoc, m, 18; cf. I Reg., xx, 30. Les Hé- 



4713 



NUDITÉ — NUIT 



1714 



breux se montraient fort sévères au sujet de cette sorte 
de nudité et ils prenaient toutes les précautions pour 
en éviter le danger, même quand il s'agissail des sup- 
pliciés. Voir Caleçon, t. 11, col. 60; Langes, t. iv, 
col. 90; Latrines, col. 125. Sous le procurateur Cuma- 
nus, un soldat romain, en faction dans les portiques du 
Temple pendant les fêtes de la Pâque, s'étant permis 
une obscénité, il en résulta une terrible émeute qui 
causa la mort deplusieurs milliers de Juifs. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., XX, v, 3; Bell, jud., II, xn, 1. 

3° La nudité incomplète. — On appelle nus ceux qui 
sont découverts d'une manière anormale, comme Noé 
dans son ivresse, Gen., ix, 22, 23, et surtout ceux qui 
sont incomplètement vêtus ou qui ont quitté leurs vê- 
tements de dessus. Les malheureux sont nus, sans 
vêtement, c'est-à-dire insuffisamment vêtus. Job, xxiv, 
7, 10. Saûl était nu, c'est-à-dire sans vêtements de dessus, 
pour prophétiser, I Reg„ xix, 24, et David était dans le 
même état pour danser devant l'arche. II Reg., yi, 20. 
On est nu quand on porte le cilice de pénitence, Is., 
xxxn, 11; Mich., i, 8; quand on s'enfuit d'un champ 
de bataille où l'on a été vaincu, Is., xx, 2-4; Am., il, 
16; II Mach., xi, 12; Act., xix, 16; quand on a quitté 
son vêtement de dessus pour pêcher, comme saint Pierre. 
Joa., xxi, 7. Ce sens relatif du mot « nu » n'est pas 
particulier à l'hébreu. Il appartient également à 
Yujivôç, cf. Hésiode, Op. et dies, 389; Xénophon, Anab., 
I, x, 3; IV, iv, 12, etc., et à nudus. Cf. Virgile, Georg., 
î, 299; Pétrone, Sat., 92, etc. On s'est demandé en 
quel état Jésus-Christ fut crucifié, quand les soldats 
l'eurent dépouillé de ses vêtements. Matth., xxvii, 35. 
Il n'y a pas de documents directs permettant de ré- 
soudre la question. Certains auteurs païens semblent 
supposer la nudité complète chez les crucifiés. Artémi- 
dore, Oneirocrit., H, 58; Arrien, Epist., iv, 26. D'au- 
tres auteurs permettent de croire à un dépouillement 
moins absolu. Cicéron, De offic, i, 35; Denys d'Hali- 
carnasse, i, 80; vu, 72; Valère Maxime, n, 2, 9. L'Évan- 
gile de Nicodème, i, 10, raconte que le Sauveur fut 
crucifié avec un linge autour des reins. L'autorité ro- 
maine, qui tolérait l'usage juif de présenter aux 
condamnés à mort le vin stupéfiant, Matth., xxvn, 34; 
Marc, xv, 23, ne devait sans doute pas se montrer plus 
difficile à accorder la permission de couvrir le suppli- 
cié. Plusieurs Pères, S. Cyprien, Epist., lxiii, 3, t. iv, 
col. 375; S. Augustin, De civ. Dei, xvi, 2, t.'XLi, 
col. 478; ,Cont. Faust., xii, 23, t. xlii, col. 266, etc., 
mentionnent, il est vrai, la nudité du Christ en croix, 
mais en l'opposant typiquement à celle de Noé, ce qui 
n'exige nullement qu'elle ait été absolue. Benoît XIV, 
De fest., 88, admet cependant qu'elle l'a été et il cite 
un certain nombre d'auteurs de son avis. Cf. Lipsius, 
De cruce, Anvers, 1595, H, 17. En somme, on ne peut 
rien affirmer de précis. II est bon d'observer cepen- 
dant que le corps du Sauveur, à la suite de la flagella- 
tion et du crucifiement, était tout recouvert de plaies 
et comme revêtu de son sang. Cf. Fouard, La vie de 
N.-S. J.-C, Paris, 1880, t. u, p. 409; Knabenbauer, Ev. 
sec. Matth., Paris, 1893, t. Il, p. 522; Friedlieb, Archéol. 
de la passion, trad. Martin, Paris, 1897, p. 180; 
Le Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, t. ni, 
p. 370. 

4" La nudité indigente. — Souvent la nudité ne désigne 
pas autre chose que l'extrême indigence à laquelle 
sont réduits soit un peuple, ûeut., xxvin, 48; Lam., iv, 
21, soit des persécutés ou des malheureux. Job, xxii, 
6; Tob., I, 23; Rom., vin, 35; I Cor., iv, 11; II Cor., 
XI, 27. Vêtir ceux qui sont nus, c'est-à-dire secourir 
ceux qui sont dans le besoin sous quelque forme que 
ce soit, est une œuvre fréquemment conseillée ou louée 
dans la Sainte Écriture. II Par., xxvin, 15; Ezech., 
xviii, 7, 16; Tob., i, 20; iv, 17; Jacob., n, 15. Notre- 
Seigneur déclare faite à lui-même la charité exercée à 



l'égard du prochain sous cette forme particulière. 
Matth., xxv, 36-44. 

5° La nudité spirituelle. — C'est celle de l'âme qui n'a 
su acquérir ni vertus ni mérites. II Cor., v, 3; Apoc, 
m, 17; cf. xvi, 15; xvn, 16. Pour couvrir cette nudité, 
il faut se revêtir de Jésus-Christ. Rom., xm, 14; Gai., 
m, 27; Eph., iv, 24; Col., m, 10. 



H. Lesêtre. 



NUEE. Voir Nuage, col. 1710. 



NUIT (hébreu : layîl, layelâh, et rarement 'éméS, 
néëéf; chaldéen : lêleya ; Septante : vit, oxôtoç; Vul- 
gate : nox, tenebrx), temps durant lequel le soleil, 
descendu au-dessous de l'horizon, n'envoie plus direc- 
tement sa lumière. Voir Ténèbres. 

La Sainte Écriture parle souvent de la nuit, mais d'or- 
dinaire simplement pour indiquer le temps où une 
chose se fait. Dans un certain nombre de passages ce- 
pendant, la mention de la nuit a une signification 
particulière. 

1° Création de la nuit. — Au premier jour de la 
création, Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres et 
donna à celles-ci le nom de « nuit ». Gen., I, 5; cf. Jer., 
xxxiil, 20. Au quatrième jour, il fit les astres qui de- 
vaient présider à la nuit. Gen., i, 16. Voir Cosmogonie, 
t. H, col. 1046. La nuit, étant une créature de Dieu, le 
loue à sa manière, Dan., m, 71. Les cieux racontent la 
gloire de Dieu, et chaque nuit en transmet la connais- 
sance à la suivante. Ps. xix (xvm), 3. 

2° Divisions de la nuit. — Les anciens Hébreux divi- 
saient la nuit en trois veilles. Le commencement des 
veilles de la nuit, c'est-à-dire la première veille a sa 
mention dans Jérémie. Lam., h, 19. Il est question de 
la veille du matin dans Exod., xiv, 24, et I Reg., xi, 11. 
Enfin, la veille du milieu est mentionnée dans Jud., 
vu, 19. Pour qu'il y ait une veille du milieu de la nuit, 
il en faut une qui précède et une qui suive. A l'époque 
évangélique, les Juifs avaient adopté la division romaine 
de la nuit en quatre veilles, énumérées par saint Marc, 
xm, 35 : àtyl, sero, le soir; (iso-ovuxti'ov, média nox, mi- 
nuit; àXsxTopotptovfa, galli cantus, le chant du coq, et 
rcpcot, mane, le matin. Cf. Matth., xiv, 25; Marc, vi, 
48; Luc, n,8; Act., xxm, 23; Tite-Live, v, 44; Cicéron, 
Epist. ad famil.,111, vu, 4; César, Bell, gai., I, xii, 2; 
il, 14; II, xxxiii, 2; S. Jérôme, Epist. cxl, 8, t. xxii, 
col. 1172. Le commencement de la veille du milieu, dont 
parle le livre des Juges, vu, 19, est ramené par Josèphe, 
Ant. jud., V, vi, 5, aux environs delà quatrième veille. 
En réalité, le commencement de la seconde veille hé- 
braïque correspondait au milieu de la seconde veille ro- 
maine, et non de la quatrième. Ces veilles étaient 
plus ou moins longues, selon la longueur de la nuit. En 
Palestine, à la latitude de 33°, la plus longue nuit et la 
plus courte diffèrent environ de quatre heures. Les 
veilles nocturnes duraient donc à peu près une heure 
de plus au solstice d'hiver qu'au solstice d'été. — Les 
Samaritains et les Caraïtes appelaient 'éréb, « soir, » le 
temps qui s'écoule entre le coucher du soleil et l'obs- 
curité complète, tandis que les Pharisiens et le Talmud 
réservaient ce nom aux dernières heures du jour. Voir 
Soir et Gesenius, Thésaurus, p. 1065. La 'âlâtâh, caligo, 
était l'obscurité complète. Gen., xv, 17; Ezech., xn, 6, 
7, 12. Le milieu de la nuit était appelé hàsôf hal-layelàl, 
|iéaï] vil, média nox, Exod., xi, 4; Job, xxxiv, 20; Ps. 
exix (cxviii), 62, et 'îsôn layelâl, « pupille de la nuit, » 
c'est-à-dire nuit noire comme le centre de l'œil. Prov., 
vu, 9; xx, 20. 

3» L'emploi de la nuit. — La nuit est : — 1. le temps fa- 
vorable à la méditation, Ps. lxxvii (lxxvi), 7; exix 
(cxvin), 55, 62; Is., xxvi, 9; cf. Gen., xxiv, 63; — 2. le 
temps où se produisent ordinairement les visions et les 
communications divines, Gen., XL, 5; xlvi, 2; I Reg., 
xv, 16; III Reg., m, 5; I Par., xvn, 3; II Par., i, 7; vi 



1715 



NUIT —NYMPHAS 



1710 



12; Job, IV, 13; xx, 8; xxxiii, 15; Ps. xvil (xvi), 3; Is., 
xxix, 7; Dan., h, 19; vu, 2, 7, 13; Zach., i, 8; Act., 
xvi, 9; xvin, 9; xxm, 11; xxvii, 23; voir Songe; — 
3. le temps ordinaire de la conception, Job, m, 3-7; 
Sap., vu, 2; — 4. le temps pendant lequel les voleurs 
aiment à opérer, Job, xxiv, 14; Jer., xlix, 9; I Thés., 
v, 2; cf. Mattb., xxvm, 13; — 5. le temps favorable aux 
embûches et à l'attaque des ennemis, Jud., vu, 9; 
IReg.,xiv,36; IVReg., vm, 21; IIPar.,xxi,9; II Esd., 
vi, 10; Judith, xm, 18; Ps. xci (xc), 5; Cant., m, 8; 
Jer., vi, 5; II Mach:, xm, 15; — 6. le temps que Dieu 
choisit parfois pour exécuter les arrêts de sa justice. 
Exod., su, 12; Sap., xvm, 14; IV Reg., xix, 35, etc. — 
Sur la lampe qui ne s'éteint pas durant la nuit, Prov., 
xxxi, 18, voir Lampe, col. 59; sur la lune qui brûle 
pendant la nuit, Ps. cxxi (cxx^, 6, voir Insolation, t. ni, 
col. 886. 

4» Sens figurés. — La nuit figure le malheur, Job, 
xxxv, 10; la mort, Joa., ix, 4; la privation de la lumière 
surnaturelle. Rom., xm, 12; I Thés., v, 5. Aussi est-il 
dit que, dans le ciel, il n'y a pas de nuit. Apoc, xxi, 
•25; xxn, 5. 

5° Locutions diverses. — Dire qu'une chose se fait 
« jour et nuit », c'est dire qu'elle se fait sans interrup- 
tion aucune. Deut., xxvm, 66; II Esd., i, 6; iv, 9; Ps. 
lxxxviii (lxxxvii), 2; Jer., xvi, 13; Act., ix, 24; II Thés., 
m, 8; Apoc, iv, 8; vu, 15, etc. La pluie du déluge 
tombe « quarante jours et quarante nuits », Gen., vit, 4, 
12; Moïse est sur le Sinaï t quarante jours et quarante 
nuits », Exod., xxiv,18; xxxiv,28; Deut., ix, 9-25; x, 10; 
Ëlie marche « quarante jours et quarante nuits », III Reg., 
xix, 8; [David et Tobie jeûnent « trois jours et trois 
nuits », I Reg., xxx, 12; Tob., m, 10, et Notre-Seigneur 
« quarante jours et quarante nuits », Matth., îv, 2; 
Marc., i, 13; les amis de Job se tiennent silencieux au- 
près de lui « sept jours et sept nuits », Job, n, 13, etc. 
— « Se lever de nuit » pour accomplir un acte, c'est 
consacrer à cet acte sa diligence et ses soins. Gen., XX, 
8; xxn, 8; xxxl, 55; Jos., m, 1; Jud., vi, 38; xix, 5: 
I Reg., xv, 12; xxix, 11; IV Reg., vu, 12; II Par., xxxvi, 
15; II Esd., n, 12; Prov.,xxxi, 15; Jer., xxv, 3; xxvi,5; 
xxix,19;xliv,4. Cette diligence convient surtout quand 
il s'agit de louer Dieu. Ps. lxiii (lxii), 7; Sap., xvi, 28. 

H. Lesètre. 

NUMÉNIUS (grec : Nou^vto;), fils d'Antiochus. 
Numénius fut un des ambassadeurs envoyés à Rome par 
Jonathas vers 144 avant J.-C, pour renouveler le traité 
d'alliance conclu entre les Juifs et les Romains, et, sur 
leur chemin, porter des lettres du grand-prêtre et 
de la nation juive aux Spartiates. I Mach., xn, 16-17. Les 
ambassadeurs furent bien reçus à Sparte et à Rome, 
I Mach., xn, 17; xiv, 22. Numénius fut aussi chargé par 



Simon d'offrir aux Romains un grand bouclier d'or du 
poids de mille mines pour assurer l'alliance, I Mach., 
xiv, 24. Il revint avec ses compagnons, porteur d'une 
lettre circulaire qui fut envoyé à tous les peuples en re- 
lations avec les Juifs pour leur annoncer leur alliance 
avec Rome, et dont un exemplaire était destiné au 
grand-prêtre Simon. I Mach., xv, 15-24. Voir Bouclier, 
t. i, col. 1883; Lacedémoniens, t. m, col. 7; Lucius 1, 
t. m, col. 409. E. Beurlter. 

1. NUN, :, ], quatorzième lettre de l'alphabet hé- 
breu, exprimant la consonne n. Nun signifie « poisson » 
et sa forme allongée, dans les alphabets sémitiques, 
rappelle celle du poisson. Voir Alphabet, t. i, col. 407. 

2. NUN (hébreu : Nûn; une fois Non, I Par., vu, 27, 
« poisson ; » Septante : Nau^, et dans divers manuscrits : 
Na6rî, Na6é), de la tribu d'Éphraïm, père de Josué, le 
conquérant de la Terre Promise, qui est appelé ordinai- 
rement Bin-Nûn ou « fils de Nun ». Exod., xxxm, 11. 
Num., xi, 28; xiv, 6, etc.; Jos., I, 1, etc. On ne sait rien 
de sa vie, il n'est jamais mentionné que comme père 
de Josué. Dans la Vulgate, Eccli., xlvi, 1, son nom est 
écrit une fois Navé, d'après l'orthographe grecque. 

NYCTICORAX. Voir Chevêche, t. n, col. 683. 

NYMPHAS (grec : Nu|j.<pâç), chrétien ou chrétienne 
de Laodicée. Le plus grand nombre en font un chrétien, 
comme l'indique le contexte, et comme le portent la 
plupart des manuscrits, oTxou ocjtoû. D'après le Codex 
Vaticanus, c'est une femme, otxou rçùxîiç. De même 
pour les versions syriaques. Les Codex Alexandrinus, 
Sinaticus-, Ephrsemi rescriptus lisent oTxou aîrctov, en 
rapportant le pronom à ceux qui composent la maison, 
et ne déterminent point si Nymphas était un homme 
ou une femme. Col-, iv, 15. L'Ambrosiaster, In Col., iv, 
15, t. xvn, col, 442, voit en elle une chrétienne devota. 
Mais saint Jean Chrysostome, Horn. xn in Col., iv, 1, 
t. lxii, col. 381, l'appelle (léyav tov avSpa, « un homme 
important, » et Théophylacte, Expos, in Col., iv, 15, 
t. cxxiv, col. 1276-1282, reproduit à peu près ses paroles. 
Théodoret, In Col., iv, 15, t. lxxxh, col. 626, voit aussi 
en lui un homme de Laodicée. Les Grecs honorent 
Nymphas comme apôtre avec saint Eubule, voir t. n, 
col. 2042, le 28 février. Voir Acta sanctorum, februa- 
rii t. m, édit. Palmé, 1865, p. 725. Nous ne connais- 
sons aucun détail sur sa vie. Son nom est probablement 
une contraction de Nymphodoros. J. Ellicot, St. Paul's 
Epistles to the Philippians, the Colossians, 4 8 édit., 
Londres, 1875, p. 206; J. B. Lightfoot, St. Paul's Epis- 
tles to the Colossians, Londres, 1875, p. 308-309. 







OBAD1A (hébreu : 'Obadydh, « serviteur de Yàh; » 
Septante : 'A63toO), le second des cinq fils d'Izrahia, de 
la tribu d'Issachar, qui sojit qualifiés « tous chefs ». Le 
texte est altéré dans ce passage. Il mentionne cinq fils 
d'Izrahia et n'en nomme que - quatre. I Par., vu, 3. 
Obadia vivait du temps de David. 

OBADIAS BEN JACOB SPHORNO, d'où le nom 
latin de Siphronius ou Ziphronseus, théologien juif ita- 
lien, né à Césène dans la seconde moitié dû xv e siècle, 
mort à Bologne en 1550. Il pratiqua la médecine à Bo- 
logne, puis il enseigna l'hébreu à Home, où il eut 
pour élève J. Reuchlin. Il est l'auteur des commentaires 
suivants : lllustratio seu explanatio Cantici Cantico- 
l'Um et Ecclesiastse, in-4», Venise, 1567. — pis tdswd. 

Judicium justunt, ex Deuteronomio, xvi, i8 (commen- 
taire sur le livre de Job, publié en même temps que celui 
de Siméon bar Zemach), in-i°, Venise, 1590. — by itfi-i'B 
O'Vin. Commentarius in Psalmos, in-4°, Venise, 1586. 

— Un a attribué à Obadias d'autres ouvrages dont il 
paraît douteux qu'il soit l'auteur. Voir Wolf, Bibliotheca 
hébrma, in-4», Hambourg et Leipzig, 1715-1733, t. i, 
p. 938 sq. A. Régnier. 

OBD1AS (hébreu : 'Obadydh, « serviteur de Yâh »), 
nom de sept Israélites dans la Vulgate. Le nom de 
'Obadydh est porté en hébreu par douze Israélites. La 
Vulgate a transcrit ailleurs ce nom par Abdias et par 
Obdias. Elle l'a écrit Obadia dans I Par., vu, 3. Les 
Septante "ont également transcrit ce nom de manières 
différentes. 

1. OBDIAS (Septante : 'AëSia), fils d'Aman et père 
de Séchénias, de la tribu de Juda, d'après les Septante 
et la Vulgate. I Par., m, 21. Ils ont lu en hébreu benô, 
« son fils, » au lieu de benê, « les fils de, » que porte 
Je texte massorétique, lequel, au lieu d'individus, énu- 
mére des familles descendant de David. 

2. OBOIAS (Septante : 'AëS:'»), cinquième fils d'Asel, 
de la tribu de Benjamin, descendant de Saùl. I Par., 
vin, 38; ix, 16. 

3. OBOIAS (Septante : 'Aêêta), fils de Séméias, des- 
cendant d'Idithum, qui habita Jérusalem au retour de 
la captivité de Babylone. 1 Par., ix, 44. Plusieurs commen- 
tateurs l'identifient avec l'Obdias de II Esd., x, 5. 

4. OBDIAS (Septante : 'AéSîa), le second des onze 
vaillants Gadites qui allèrent rejoindre David fugitif, 
dans le désert de Juda, pendant la persécution deSaùl. 
I Par., xn. 9. 

5. OBDIAS (Septante : 'AëBîa), le second des cinq de 
ses principaux officiers que Josaphat envoya avec des 
prêtres et des lévites dans les villes de Juda pour ins- 
truire le peuple de la loi du Saigneur. Il Par., xvn, 7. 



6. OBDIAS (Septante: 'AëSîa), prêtre, un des signa- 
taires ^le l'alliance entre Dieu et le peuple du temps de 
Néhémie. II Esd., x, 5. II peut être le même qu'Ob- 
dias 3, d'après plusieurs commentateurs, mais il faut 
remarquer contre cette identification, qu'Obdias est 
compté parmi les prêtres dans II Esd., x, 5, cf. 7, tan- 
dis que l'Obdias qui revint de captivité et habita Jéru- 
salem n'était qu'un lévite, descendant d'Idithun. 
I Par., ix, 16. 

OBED (hébreu : law, 'Obéd), nom de six Israélites. 
Obed signifie « servant (participe présent), serviteur ». 
Le nom divin est sous-entendu et par conséquent Obed 
a la même signification qu'Abdias ou Obdias. L'hébreu 
vocalise Obed 1 : 'Ébéd, et aussi un septième Israélite de 
même nom, I Esd., vin, 6, que la Vulgate appelle Abed. 
Voir t. i, col. 26. 

1. OBED (Hébreu: 'Ebed; Septante: luio-r{k; Alexan- 
drinus : 'Agée), père de Gaal qui se mit à la tête des Si- 
chémites révoltés contre la tyrannie d'Achimélech, fils 
de Gédéon. Jud., ix, 26, 28, 30, 31, 35. Il n'esl nommé 
que comme père de Gaal. Quelques manuscrits hébreux 
écrivent son nom 'Ébér, et les versions syriaque et arabe 
ont suivi cette orthographe. 

2. OBED (Septante: 'Q§r|«), fils de Booz et de Ruth, 
de la tribu de Juda, ancêtre de David et de Jésus- 
Christ. Ruth, iv, 17, 21, 22; I Par., n, 12, Matth., 
i, 5; Luc, m, 32. Les voisines de Noémi, qui avait 
fait faire le mariage de sa belle-fille Ruth avec Booz, la 
félicitèrent de cette naissance et donnèrent à Penfani 
le nom d'Obed. Noémi le prit sur son sein et le soigna 
comme une nourrice. Dans la généalogie d'Obed, qui 
est donnée de Phares à David, Ruth, iv, 18, 22, et qui 
est répétée dansl Par., n, 10-12 ; Matth., i, 3-6; Luc, 
m, 32-33, plusieurs noms intermédiaires ont été omis, 
car elle ne renferme que dix noms pour plusieurs siècles, 
cinq pour le séjour en Egypte et cinq depuis la sortie 
d'Egypte jusqu'à David, c'est-à-dire pour une période de 
huit à neuf cents ans. Voir Chronologie, t. n, col. 737- 
738. 

3. OBED (Septante: 'Qêrfi; Alexandrinus : 'IwëriS), 
de la tribu de Juda, descendant de Sésan et de l'esclave 
égyptien Jéraa, à qui Sésan, qui n'avait pas de fils, avait 
donné une de ses filles, Oholaï, en mariage. Son père 
s'appelait Ophlal et il eut pour fils Jéhu. I Par., n, 34- 
38. Son grand-père était Zabad qui fut un des soldats de 
David distingués par leur bravoure. I Par., xi, 41. 

4. OBED (Septante : 'ÊJëjîS ; Alexandrinus ; 'Icoër|5 ; 
Sinaiticus: 'lmêrfi), un des vaillants soldats de l'armée 
de David. I Par., xi, 46 (hébreu, 47). 

5. OBED (Septante: 'Û6^8 ; Alexandrinus; 'L»gT)g), 
lévite, le troisième fils de Séméia, un des petits-fils 
d'Obédédom, portier du Temple. I Par., xxvi, 7. 



1719 



OBED 



OBEISSANCE 



1720 



6. OBED (Septante : 'Qgi-8; Alexandrinus : 'I(o6t 1 S) i 
père d'Azarias qui vivait du temps de la reine Athalie, 
II Par., xxni, 1. Voir Azarias 16, t. i, col. 1301. 

OBÉDÉDOM (hébreu : Ôbëd 'Ëdôm, « serviteur 
d'Édom »), nom d'une ou plusieurs personnes dont le 
nombre est difficile à déterminer. La signification même 
du nom est obscure. Quelques modernes prétendent 
avec B. Stade, Geschichle Israels, p. 121, qu'Édom dé- 
signe ici une divinité. Voir W. Mûller, Asien und Eu- 
ropa naeh aîtâgyptischen Denkmàlern, 1893, p. 315. 
Mais il n'est pas croyable que des lévites aient porté un 
nom idolâtrique. 

i-3. OBÉDÉDOM (Septante : 'AgeSSapa, II Reg., vi, 
10-12; I Par., xm, 13-14; 'AêSeSôn, II Par., xxv, 24; 
Alexandrinus: 'Age88a8d|i, 'AgcSSapàv, 'IagSoSop), pro- 
priétaire de la maison dans laquelle fut déposée l'arche 
d'alliance, lorsque David la transportait de Cariathiarim 
à Jérusalem. Quand elle fut arrivée près du lieu où 
habitait Obédédom, Oza l'ayant témérairement touchée, 
parce qu'il la croyait en danger de tomber, fut frappé 
subitement de mort. Effrayé de cet accident, David n'osa 
point transporter l'arche dans l'endroit qu'il lui avait 
préparé dans sa propre maison et il la laissa en dépôt 
dans celle d'Obédédom. Elle devint pour ce dernier une 
source d'abondantes bénédictions, ce que voyant David, 
il revint à son premier projet et la transporta solen- 
nellement trois mois après dans sa capitale. II Reg., 
vi, 8-17; I Par., xm, 13-14. 

La personalité d'Obédédom soulève de nombreuses 
difficultés qu'on ne peut résoudre avec une pleine cer- 
titude. Il est qualifié de « Géthéen ». II Reg., vi, 10, 11; 
I Par., xm, 13. Plusieurs commentateurs concluent de 
là que c'était un Philistin, originaire de Geth. D'autres 
pensent qu'il est appelé Géthéen parce que, quoique 
israélite d'origine, il avait séjourné longtemps à Geth. 
Le plus grand nombre croient qu'il était lévite, et que 
Géthéen signifie qu'il était originaire de Geth-Remmon, 
ville lévitique de la tribu de Dan assignée aux fils de 
Caath. Jos., xxi, 24; I Par., vi, 69. — L'opinion qu'il était 
lévite est la plus vraisemblable. Le premier livre des 
Paralipomènes, IPar.,xv,18, 24, nomme un Obédédom, 
qui vivait du temps de David et qui était portier de 
l'arche. Le texte, cf. y. 25, ne le distingue en aucune 
façon de celui chez qui l'arche avait été déposée, et il est 
donc naturel de ne voir là qu'un seul et même person- 
nage. — D'Obédédom, portier du Temple, était issue une 
nombreuse famille, composée de soixante-deux per- 
sonnes, d'après I Par., xxvi, 4-8, et le texte remarque 
expressément, f. 5, au sujet des nombreux enfants d'Obé- 
dédom, que « Dieu l'avait béni », ce qui parait être une 
allusion à la bénédiction de II Reg., vi, 11 ;I Par., xm, 
14. — D'après I Par., xvi, 38, un Obédédom, également 
lévite, fut aussi chef à la même époque d'une famille de 
soixante-deux portiers, mais cet Obédédom est appelé 
fils d'Idithun, t- 38, et était par conséquent Mérarite 
(voir Idithun, t. m, col. 807), tandis que l'Obédédom 
de I Par., xxvi, 4, était Corite, f. 1, et par conséquent 
Caathite. Voir Corite, t. h, col. 1005. Il y eut donc deux 
lévites, chefs de portiers, appelés l'un et l'autre Obédé- 
dom, à moins d'admettre une faute dans le texte actuel, 
ce que l'on ne peut établir. — Outre les Obédédom por- 
tiers, il est encore question d'un Obédédom musicien 
qui prit part en cette qualité au transfert de l'arche à 
Jérusalem. Il est nommé deux fois avec Jéhiel. I Par., xv, 
2l;xvi, 5. Comme Obédédom le portier avait été déjà 
mentionné en cette qualité, xv, 18, et qu'il l'est de nou- 
veau au f. 24, il est peu probable qu'il reparaisse comme 
musicien dans la même série d'énumération au f. 21, 
quoique cette opinion compte des partisans qui s'ap- 
puient sur cette circonstance, qui ne laisse pas que 
d'être embarrassante, qu'Obédédom le portier est as- 



socié à Jéhiel aussi portier, t. 18, et qu'il en est de 
même au f. 21 et xvi, 5, où ils sont nommés également 
l'un à côté de l'autre comme jouant du kirtnôr. 

4. OBÉDÉDOM (Septante : 'A68e5ô|j.), gardien des 
vases sacrésilu temps d' Amasias, roi de Juda. Joas, roi 
d'Israël, ayant vaincu Amasias, prit à Jérusalem « tout 
l'or et l'argent et tous les vases qui se trouvaient dans 
la maison de Dieu et chez Obédédom ». II Par., xxv, 24. 
On peut à la rigueur entendre ce texte en ce sens 
que la maison d'Obédédom est celle qui avait appar- 
tenu au personnage de ce nom qui vivait du temps 
de David et ne désigne par un contemporain du roi 
Amasias. 

OBÉDIA (hébreu: 'Ôbadyâh, voir Obdias, col. 1717; 
Septante : 'ASecSla), fils de Jéhiel, descendant de Joab, 
qui, sous Esdras, ramena avec lui, de la captivité en 
Judée, deux cent dix-huit hommes de sa parenté. 

OBÉISSANCE (hébreu : yeqâhâh, Semo'a; Septante : 
è7raxpôa(riç, iitaxoii; Vulgate : obedientia, obeditio), 
vertu qui porte à exécuter les ordres de celui qui a le 
droit de les donner. 

1° A Dieu. — 1. Abraham a obéi à Dieu et en a été 
récompensé par la promesse d'une postérité innom- 
brable. Gen., xxii, 18; xxvi, 5; Heb., xi, 8. Dieu pré- 
fère l'obéissance aux victimes. I Reg., xv, 22; Eccle., 
iv, 17. Aussi, selon l'exemple donné par les Machabées, 
I Mach., ii, 20; II Mach., vu, 30, il vaut mieux obéir à 
Dieu qu'aux hommes. Act., v, 29. La race des justes est 
obéissance et amour, Eccli., m, 1 (seulement dans 
la Vulgate), et celui qui obéit au Seigneur console sa 
mère. Eccli., m, 7. La lumière elle-même obéit à 
Dieu. Bar., m, 33. Obéir à Dieu c'est obéir à sa loi. 
Exod., xv, 26; Lev., xxvi, 18; Deut., xi, 13, 27; xxvi, 
14, 17, etc. Cette obéissance, promise à Dieu par son 
peuple, Exod., xxiv, 7; Jer., nui, 6, etc., devait avoir 
sa récompense. Deut., xxx, 2, 20. Mais souvent c'est la 
désobéissance qui a prévalu, I Reg., xxvm, 18; Jer., 
xxxvii, 2; Act., vu, 39, etc., et qui a entraîné le châti- 
ment divin. Jer., xlih, 7. — 2. Il a été prédit du Messie 
qu'à lui serait l'obéissance {yeqâhâh) de tous les peuples. 
Gen., xlix, 10 (dans les versions : wpooSoxia, expectatio, 
« attente »). Daniel, vu, 27, reproduit la même annonce. 
Quand le Fils de Dieu parut, il fut lui-même obéissant 
à son Père jusqu'à la mort, Phil., il, 8, et, par ses 
propres souffrances, il apprit ce que c'est qu'obéir. 
Heb., v, 8. — 3. La mer, les vents et les démons obéis- 
saient au Fils de Dieu. Matth., vin, 27; Marc, i, 27; 
iv, 40; Luc, vin, 25. Les disciples du Sauveur doivent 
être des « fils d'obéissance ». 1 Pet., i, 14, 22. Obéir à 
l'Évangile, Rom., i, 5; vi, 17; x, 16; xv, 18; II Cor., 
ix, 13; II Thés., i, 8, à la vérité, Gai., m, 1; v, 7, à la 
foi, Rom., xvi, 26; I Pet., i, 2, c'est obéir à la loi nou- 
velle apportée par le Fils de Dieu. 

2° Aux hommes. — 1, La Sainte Écriture signale 
l'obéissance de Jacob à ses père et mère, Gen., xxvm, 
7; des Égyptiens à Joseph, sur l'ordre du pharaon, 
Gen., xli, 40; des enfants d'Israël à Moïse, Deut., 
xxxiv, 9; Jos., i, 17; des Réchabites à leur ancêtre 
Jonadab. Jer., xxxv, 8-18, etc. Il est prescrit aux Israé- 
lites d'obéir aux prêtres et aux juges, Deut., xvii, 12, et 
aux enfants d'obéir à leurs parents, sous peine d'être 
traduits devant les anciens. Deut., xxi, 18. Le châtiment 
frappera celui qui dédaigne l'obéissance (yeqâhâh) vis- 
à-vis de sa mère. Prov., xxx, 17 (dans les versions : -pipa;, 
« la vieillesse, » partum, « l'enfantement »). A propos 
de l'intervention divine à la bataille de Gabaon, l'historien 
sacré dit que Dieu obéit à la voix de l'homme. Jos.,x, 14. 
— D'après la Vulgate, « tout obéit à l'argent, » c'est-à- 
dire à celui qui est riche, tandis que, d'après le texte 
hébreu, « l'argent répond à tout, » c'est-à-dire procure 



1721 



OBÉISSANCE — OBÉLISQUE 



1722 



toutes les jouissances. Eccle., x, 19. « L'esprit du juste 
médite l'obéissance, » d'après la Vulgate, tandis qu'il 
y a en hébreu : 'ânôt, « pour répondre, s et dans les 
Septante : ute-rei;, des choses dignes de foi. Prov., xv, 
28. Enfin, la Vulgate dit que « l'homme obéissant ra- 
contera sa victoire », alors qu'il y a en hébreu : 
« l'homme qui écoute pourra parler toujours, » lânésah, 
« à perpétuité. » Plusieurs versions anciennes ont dé- 
rivé ce dernier mot du verbe chaldéen nesalf, « vaincre. » 
Prov., xxi, 28. — 2. Dans le Nouveau Testament, Noire- 
Seigneur dit que celui qui a la foi pourrait se faire 
obéir par un mûrier. Luc, xvn, 6. Saint Paul stigma- 
tise la désobéissance des païens à l'égard de leurs 
parents. Rom., i, 30; Il Tim., m, 2. Il recommande 
aux chrétiens d'obéir à leurs parents et à leurs maîtres, 
Eph., vi, 1, 5; Col., m, 20, 22, aux pouvoirs établis, 
Tit., m, 1, et à leurs pasteurs, à l'égard desquels, du 
reste, il reconnaît et loue l'obéissance des fidèles. 
II Cor., n, 9; vu, 15; x, 6; II Thés., m, 14; Philem., 
21 ; Heb., xih, 17. H. Lesêtre. 

OBÉLISQUE (hébreu: massâbâh; Septante: <rrij),7) 
<rcwXo;; "Vulgate : titulus, statua), monument ordinaire! 
ment monolithe et à base quadrangulaire, terminé en 
pointe et servant à l'ornementation des temples égyp- 
tiens. — On a attribué aux obélisques égyptiens diffé- 
rentes significations. Cf. Lagrange, Études sur les reli- 
gions sémitiques, Paris, 1905, p. 212. « A dire le vrai, 
ils ne sont que la forme régularisée de ces pierres levées, 
qu'on plantait en commémoration des dieux et des morts 
chez les peuples à demi sauvages. Les tombes de la 
IV e dynastie en renferment déjà qui n'ont guère plus d'un 
mètre, et sont placés à droite et à gauche de la stèle, 
c'est-à-dire de la porte qui conduit au logis du défunt; 
ils sont en calcaire, et ne nous apprennent qu'un nom 
et des titres. A la porte des temples, ils sont en granit 
et prennent des dimensions considérables, 20 m 75 à Hé- 
liopolis, 23 m 59 et 23 m 03 à Louxor. Le plus élevé de ceux 
que l'on possède aujourd'hui, celui de la reine Hatchep- 
sou à Karnak, monte jusqu'à 33 m 20,.. Les obélisques 
étaient presque tous établis sur plan carré, avec les 
faces légèrement convexes et une pente insensible de 
haut en bas. La base était d'un seul bloc carré, orné de 
légendes ou de cynocéphales en ronde loosse, adorant 
le soleil. La pointe était coupée en pyramidion et re- 
vêtue, par exception, de bronze ou de cuivre doré... 
Le plus souvent les quatre faces verticales n'ont d'autre 
ornement que des inscriptions en lignes parallèles con- 
sacrées exclusivement à l'éloge du roi. » Maspero, 
L'archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 102, 103. De 
colossales statues tenaient l'entrée des temples égyp- 
tiens. La place des obélisques était en avant de ces sta- 
tues de chaque côté de la porte; car les obélisques 
n'allaient que par paire, et souvent n'avaient pas la 
même hauteur. On en trouve à Karnak, il est vrai, plu- 
sieurs qui sont perdus au milieu des cours. Celui de la 
reine Hatespou est même encastré dans une maçon- 
nerie de 5 mètres de haut qui en cache la base (fig. 454). 
Cela tient à ce que des constructions nouvelles ont 
été successivement ajoutées, et que les plus récentes" 
masquaient les façades antérieures. Plusieurs de ces 
obélisques égyptiens ont été transportés en Europe. 
Celui de Paris vient de Louxor. Il est en granit 
rose de Syène. Sa hauteur est de 22 m 83 et son poids 
est estimé à 250000 kilogrammes. Il avait été érigé 
par Ramsès II. Il contient l'éloge plusieurs fois répété 
du roi et ses actes d'adoration à Ammon-Ra. Cf. Cha- 
bas, Records of the past, t. IV, p. 17; Perrot, His- 
toire de l'art, t. i, p. 348-351; Vigouroux, La Bible et 
les découvertes modernes, 6eédit., t. n, p. 242. A Rome, 
l'obélisque de Saint-Jean de Latran est en granit rouge 
et date de Thotmès III. Il provient du temple du 
soleil à Thèbes. Il a été brisé en trois morceaux et, 



après restauration, mesure encore 32"> de haut, Son 
poids est évalué à 440000 kilogrammes. L'obélisque de 
la place Saint-Pierre a été apporté d'Héliopolis sous 
Caligula et pèse près de 327000 kilogrammes. Sur les 
procédés employés par les Égyptiens pour dresser ces 
masses, voir Maçon, col. 515, 519. D'autres obélisques 
moins considérables affectaient la forme d'une stèle 
rectangulaire arrondie dans le haut et quelquefois sur- 
montée d'un objet de métal. — Il est question deux 
fois d'obélisques dans la Sainte Écriture. Isaïe, xix, 19, 
après avoir fait allusion à la Ville du soleil, c'est-à-dire 




454. — Obélisque de la reine Hatchepsou i 
D'après une photographie. 



Karnak. 



On ou Héliopolis, dit que, près de la frontière d'Egypte, 
« un obélisque (massëbâh) sera consacré à Jéhovah. » 
Cette prophétie signifie qu'un jour, surtout après 
la venue du Messie, Dieu sera connu et servi en Egypte 
à meilleur litre que les fausses divinités en l'honneur 
desquelles se dressent des obélisques. Voir Onias IV; 
Josèphe, Bell, jud., VII, x, 3; Ant. jud., XIII, m, 3. 
Onias, fils du pontife Onias III, s'autorisa de cette pro- 
phétie pour relever, en l'honneur de Jéhovah, un vieux 
temple égyptien tombant en ruines à Léontopolis. Il y 
adjoignit une tour ou un pylône. Ses moyens ne lui per- 
mettaient évidemment pas d'y dresser un obélisque pro- 
prement dit. Voir l'obélisque qui subsiste encore à Hé- 
liopolis, t. i, fig. 528, col. 1737, Sur le séjour de la 



1723 



OBÉLISQUE — OBJETS TROUVÉS 



1724 



Sainte Famille en cette région, voir Héliopolis, t. m, 
col. 571, et Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. 241-251; 
Id., L'arbre de la Vierge à Matariéh, Le Caire, 1904. 
Jérémie, ïliii, 13, annonce au contraire que Nabucho- 
donosor brisera les obélisques {masehôt; Vulgate : sta- 
tua) de la Maison du soleil, en Egypte, et brûlera les de- 
meures des dieux. Ézéchiel, xxix, 19; xxx, 10, prédit 
aussi la conquête de l'Egypte par Nabuchodonosor. 
Voir Nabuchodonosor, col. 1440. L'état actuel des 
découvertes historiques ne permet pas de déterminer 
de quelle manière se sont accomplies les prophéties, 
spécialement en ce qui concerne le temple d'Héliopolis. 
Mais une inscription jointe à la statue d'un personnage 
égyptien, nommé Nes-Hor, fait allusion à ce qui passa, 
sous le règne d'Apriès, à Éléphantine, dans la Haute- 
Egypte. Nes-Hor y dit : « J'ai pris soin de la maison 
{des dieux), quand elle eut à souffrir des troupes étran- 
gères des Amu (les Sémites), des peuples du nord, de 
ceux de l'Asie, les misérables... » Cf. Pierret, Recueil 
d'inscriptions hiéroglyphiques inédites, p. 21-26; 
Records of the past, t. vi, p. 79-84. Que les agresseurs 
mentionnés dans l'inscription soient seulement des 
rebelles, comprenant des auxiliaires grecs et sémites, 
comme le pensent Maspero, Notes sur quelques points 
de grammaire et d'histoire, dans la Zeitschrift fur 
âgyptische Sprache, 1884, p. 87-90, etBrugsch, Beitràge, 
ibid., p. 93-^7, ou que ce soit une armée chaldéenne 
arrivée jusqu'à Syène, comme l'admettent Wiedemann, 
Der Zug Nebucadnezar's genen Aegypten et Nebucad- 
nezar und Aegypten, dans la Zeitschrift, 1878, p. 2-6, 
87-89, qui maintient son interprétation dans Aegyp- 
tische Geschichte, Supplément, p. 70, puis Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 246-253; 
Tiele, Babylonisch-assyrische Geschichte, p. 433-438; 
Wînckler, Geschichte Babyloniens und Assyriens, 
p. 3^2-313, il est certain que les temples égyptiens avaient 
à craindre, quand des Sémites en armes s'abattaient sur 
le pays. Par conséquent, Nabuchodonosor ne dut pas 
plus respecter les demeures des dieux et les obélisques, 
à Héliopolis et ailleurs, qu'il ne respecta le temple de 
Jérusalem. H. Lesêtre. 

OB1TER DICTA. On donne ce nom, qui signifie 
« chosés^dites en passant », à de petits détails qu'on 
lit dans ^Écriture et qui n'ont par eux-mêmes aucune 
importance, tels que le mouvement de la queue du 
chien de Tobie : Èlandimento caudm suis gaudebat. 
Tob., xi, 9. Quelques théologiens ont pensé que ces 
minuties n'étaient pas inspirées, -mais il n'y a aucun 
motif d'en contester l'inspiration. 'Voir Vigouroux, 
Manuel biblique, 12» édit., 1906, 1. 1, p. 79-80; Corluy, 
Y a-t-il dans la Bible des passages non inspirés ? dans 
te Science catholique, 15 mai 1893j;p. 481-507 ; Ch. Pesch, 
De inspiratione Sacrée Scripturse, Fribourg-en-Brisgau, 
1906, p. 335-337. ....-_-.-,.-.. 



OBJETS TROUVÉS, objets.perdus par le proprié- 
taire légitime et rencontrés pàriîn étranger. — 1° La loi 
devait nécessairement s'occuper d'un cas aussi fréquent 
que celui-là ; Voici ce qu'elle prescrit : « Si tu TèncdBtnes le 
bœuf de!toni,ennemi ou son àriëtggaré, tu ne manqueras 
pas de le lui Eamener. * Exod.y Xxiii,: i„ La prescription 
est ici formulée en faveur.de tous, même de l'ennemi; 
et il ne suffit 'pas de ne point s'emparer de l'animal 
perduyon doit le ramener à son propriétaire, par con- 
séquent s'imposer unt peine spécial© pour l'accomplis- 
sement de cette t démarche. La loi visait peut-être; à 
ménager ainsi une réconciliation entre Israélites en- 
nemis. Portée au désert, .où les troupeaux n'avaient 
pas dp demeure longtemps fixe et où ils pouvaient aisé- 
ment s'égarer, cette prescription avait son importance. 
Elle fut plus tard libellée sous une forme un peu diffé- 
rente : « Si tu vois égarés le bœuf ou la brebis de ton 



frère, tu ne t'en détourneras pas, mais tu les ramèneras 
à ton frère. Si ton frère habite loin de toi et que tu ne 
le connaisses pas, tu recueilleras chez toi l'animal et il 
y restera jusqu'à ce que ton frère le recherche ; alors tu 
le lui rendras. Tu feras de même pour son âne, et aussi 
pour son manteau et tout objet qu'il aura perdu et que 
tu trouverais; tu ne dois pas t'en désintéresser. » Deut., 
xxii, 1-3. Ici, il n'est plus question de l'ennemi, mais 
du frère, c'est-à-dire de l'Israélite, sans tenir compte 
de l'inimitié qui peut séparer de lui. En possession de 
la terre de Chanaan, les Israélites ne seront plus 
groupés comme dans le désert; il se pourra donc qu'on 
vive assez loin de celui qui a perdu un objet et que 
même on ne le connaisse pas. En pareil cas, il est juste 
que celui qui a trouvé l'animal le garde provisoirement, 
jusqu'à ce que le légitime propriétaire, qui a intérêt à 
faire des recherches, se présente pour rentrer en pos- 
session de son bien. Le dépositaire, sans doute, avait 
alors à nourrir l'animal. Mais la charge n'était pas 
lourde, parce que l'animal pouvait vivre sur les pacages 
communs, que son utilisation compensait la dépense 
faite par le dépositaire et que celui-ci avait droit d!ob- 
' tenir du propriétaire les dédommagements nécessaires. 
Le Lévitique, vi, 3, déclare qu'il y a péché à garder une 
chose perdue qu'on a trouvée et à faire un faux serment 
à son sujet. Pour son châtiment, celui qui a commis 
cette faute doit restituer la chose trouvée, avec un 
cinquième de sa valeur en sus, et offrir en même temps 
un sacrifice de réparation. Lev., vi, 4, 5. — 2° Le code 
d'Hammourabi, art. 9-13, s'occupe de la question des 
objets trouvés, mais seulement au point de vue de la 
restitution et des dommages et intérêts. Il ne dit rien 
de la conduite à tenir au sujet de l'objet perdu. La loi 
mosaïque est ici plus explicite, puisqu'en toute hypo- 
thèse elle prescrit de s'y intéresser. Le code babylonien 
suppose un propriétaire retrouvant son bien chez un 
détenteur qui prétend l'avoir acheté à un vendeur. Des 
témoins sont appelés pour confirmer devant les juges 
les dires de chacun. De là plusieurs sentences prévues. 
Art. 9, le vendeur est convaincu d'être le voleur : le 
vendeur est digne de mort, le propriétaire reprend son 
bien, l'acheteur se dédommage sur la maison du vendeur. 
Art. 10 ; l'acheteur prétendu ne peut produire son 
vendeur; convaincu ainsi d'être lui-même le voleur, il 
est digne de mort et le propriétaire reprend son bien. 
Art, 11 : le propriétaire ne peut produire de témoins 
poui; justifier ses prétentions; donc il trompe, il est 
digne de mort. Art. 12 : le vendeur meurt entre temps; 
l'acheteur peut prendre sur la maison du vendeur cinq 
fois ce qu'il a dépensé. Art. 13 : les témoins invoqués 
par les Uns et les autres peuvent être éloignés; le juge 
acccorde alors un délai de six mois, au bout desquels 
acejui qui n'a, pas ses témoins est condamné. Cf. Scheil, 
Textes élaynites-sémitiques, 2 e sér., Paris, 1902, p. 26- 
28, 134. Une législation pareille, avec ses pénalités 
graves, suppose évidemment que les objets perdus sont 
de valeur assez considérable. Les conséquences sont 
notablement plus sévères que chez les Hébreux, chez 
lesquels la fraude avec serment n'entraîne que la res- 
' titution avec majoration, d'un cinquième, tandis qu'à 
Babylone elle entraînait la mort. Le chiffre cinq sert 
à la fois à marquer le taux de ; la majoration chez les 
Israélites et celui de la compensation chez les Babylo- 
niens. Il y a peut-être là un souvenir gardé par la tra- 
dition hébraïque et appliqué par le législateur. La légis- 
lation chaldéenne a été considérablement adoucie sur 
plusieurs points par Moïse, sans doute parce que les cas 
de ce genre étaient peu fréquents chez les Hébreux, que 
les choses perdues étaient difficiles à receler ou de peu de 
valeur chez un peuple agricole et qu'enfin le délinquant 
paraissait assez châtié et déshonoré par la sentence 
portée contre lui. D'autre part, les sévérités d'Ham- 
mourabi s'expliquent par la- condition de ses sujets 



1725 



OBJETS TROUVÉS — OBLÂTION 



1726 



vivant côte à côte dans une grande ville, et les graves pé- 
nalités infligées par le code pourraient être l'indice d'une 
probité assez défectueuse, à moins que leur gravité même 
fût un obstacle à leur application. — 3° Il n'est pas 
question, dans la suite de la Bible, de la législation sur 
les objet trouvés, sans doute parce que l'obéissance à 
ses prescriptions ne souffrait aucune difficulté. Saùl a 
perdu ses ânesses et Samuel lui dit qu'elles sont retrou- 
vées, mais il n'indique pas dans quelles conditions. 
I Reg., IX, 18-20. Il ne résulte pas clairement du récit 
que l'on s'adressât au voyant pour retrouver les objets 
perdus; car c'est seulement sur le chemin à prendre 
pour le retour à la maison paternelle que le serviteur 
propose de consulter l'homme de Dieu. I Reg., IX, 6. 
La femme de la parabole évangélique perd sa brebis et 
sa drachme, mais c'est elle-même qui les cherche et 
les retrouve. Luc, xv, 4, 8. Voici comment Josèphe, 
Ant. jud,, IV, vm, 29, formulait la loi : « Si quel- 
qu'un trouve sur le chemin de l'or ou de l'argent, il 
cherchera celui qui l'a perdu, et fera indiquer par un 
crieur l'endroit où il l'a trouvé, afin de le restituer, 
bien assuré que le profit qu'on tire au détriment 
d'autrui n'est jamais bon. De même pour les troupeaux; 
si quelqu'un en rencontre qui soient égarés dans le 
désert, et s'il ne trouve pas immédiatement le proprié- 
taire, il les gardera près de lui, en attestant Dieu 
qu'il n'entend pas détourner ce qui ne lui appartient 
pas. » Josèphe consigne ici ce qui se pratiquait de son 
temps; c'est à ce titre qu'il introduit la mention d'un 
crieur public dont le texte sacré ne parle pas. Les 
docteurs juifs interprétaient cette loi comme ils faisaient 
pour toutes les autres. D'après eux, Baba mezia, 1, 2, 
l'objet trouvé qui appartient à un Juif doit lui être 
rendu, à moins que ce dernier ne désespère de le re- 
trouver et semble ainsi déclarer qu'il l'abandonne. On 
n'est pas tenu de rendre l'objet trouvé s'il appartient à 
un infidèle. Les objets trouvés qui n'ont aucune marque 
de propriété peuvent être gardés, parce que le proprié- 
taire est censé les avoir abandonnés. S'ils ont une 
marque, on les fait proclamer à la criée trois ou quatre 
fois; si le propriétaire ne se présente pas, il est censé 
abandonner l'objet, cheval, habit, etc., à celui qui l'a 
trouvé. Le crieur, paraît-il, faisait sa proclamation dans 
un faubourg de Jérusalem, sur une haute pierre appelée 
'ébén tô'ùî, « pierre de l'égaré, » c'est-à-dire de la chose 
égarée. On voit que, dans leur interprétation, les doc- 
teurs atténuaient singulièrement les obligations imposées 
par la loi mosaïque, puisque, la plupart du temps, le 
légitime propriétaire était laissé dans l'ignorance au 
sujet de ce qu'il avait perdu. H. Lesêtre. 

OBLATION (hébreu : minfrâh, qorbân, qurbân, 
mots qui tous signifient « don »; Septante : itpooçopâ, 
Swpov, et quelquefois 8u<réa, kizapyoii; Vulgate : oblatio, 
donum, munus, et quelquefois sacrificium, primitias), 
être animé ou inanimé présenté à Dieu dans le culte 
liturgique. Quand l'oblation consistait en animaux des- 
tinés à l'immolation, elle prenait le nom de zébah, 
Ouaîa, sacrificium, « sacrifice;» voir Sacrifice; dans 
les autres cas, c'était la mirihâk proprement dite, 
rcpotjçopâ, êôipov, oblatio, donum, le don ou l'offrande. 
Les deux genres d'oblations sont nettement distingués. 
Cf. Ps. xli (xl), 7; li (l), 20; Jer., xvn, 26; Heb., v, 
1, etc. 

I. L'oblation EN général. — 1° Son antiquité. — 
Dès son origine, l'humanité a offert à Dieu une partie 
des biens qu'elle recevait de lui. Caïn offrait les produits 
de la terre, Abel les premiers-nés de son troupeau et 
leur graisse. Gen., îv, 3, 4. Ces offrandes n'étaient que 
l'expression des sentiments mêmes de l'âme toute dé- 
vouée à Dieu, puisque Dieu agréait l'offrande extérieure 
dans la mesure où les sentiments intérieurs lui plai- 
saient. Gen., iv, 4,5. Plus tard, Melchisédech offrait, en 



qualité de prêtre, le pain et le vin, destinés ensuite à 
ravitailler la troupe d'Abraham. Gen.,xiv, 18. Chez tous 
les anciens peuples, on trouve en usage ces offrandes à 
la divinité. Les textes babyloniens parlent souvent de 
pain, de vin, de miel, de beurre, de farine, de lait, de 
dattes, de sel, etc., placés sur les autels pour être offerts 
aux dieux. Cf. Fr. Martin, Textes religieux assyriens et 
babyloniens, Paris, 1903,. p. 243, 253, 259, etc.; Mas- 
pero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient clas- 
sique, Paris, t. i, 1895, p. 680; Zimmern, Ritualtafeln, 
Berlin, 1903, p. 95. Les Arabes offraient queiquefois le 
lait. On cite un cas dans lequel ils répandaient la fa- 
rine à poignées devant Oquaisir, divinité peut-être ré- 
cente, si, comme on l'a dit, elle représentait César. 
Cf. Clennont-Ganneau, Recueil d'archéologie orientale, 
t. H, p. 247. Chez les Chananéens, spécialement les 
Phéniciens-Carthaginois, les céréales, l'huile, le lait, la 
graisse, les fruits, le pain, l'encens, le miel étaient ma- 
tière à oblations. Cf. Corpus inscript, semit., 165-170 ; 
Bâhr, Symbolik des niosaischen Quitus, Heidelberg, 
1839, t. n, p. 217-268; Lagrange, Études sur les reli- 
gions sémitiques, Paris, 1905, p. 254, 262. — 2» Sa 
composition chez les Hébreux. — 1. Tandis que la plu- 
part des peuples présentaient en oblation à la divinité 
toutes sortes d'objets comestibles, les Hébreux étaient 
strictement limités dans leur choix par la Loi. Tout 
d'abord, celle-ci excluait les substances fermentées, 
sé'or, ainsi que le miel. Lev., il, 11. Le miel exclu 
n'était pas seulement le miel végétal, fait avec du raisin, 
mais aussi le miel animal, à cause des impuretés que 
pouvaient lui faire contracter son origine. Voir Miel, 
col. 1083. Les substances alimentaires prévues par le 
rituel mosaïque pour les oblations sont des épis et du 
grain, Lev., n, 14; la fleur de farine, le pain et les 
gâteaux qui en sont faits, l'huile, et l'encens, Lev., u, 
1, i, et enfin le vin. Voir Libation, col. 234. La fermen- 
tation naturelle qui donne au vin sa teneur définitive 
n'était pas un obstacle à l'usage de ce liquide dans les 
oblations; autrement celles-ci, s'il eût fallu se servir 
de moût, n'eussent été possibles que durant quelques 
jours après fa vendange. Le set et l'encens faisaient 
aussi partie des substances employées dans les sacrifices 
et les oblations. Voir Encens, t. u, col. 1772-1775. Le 
sel était indispensable; on devait en répandre sur 
chaque oblation. Il "marquait l'alliance de Dieu avec son 
peuple. Lev., n,13. Voir Sel. — 2, En réalité, la farine 
à l'état naturel ou à l'état de pâte cuite faisait le fond 
des oblations ordinaires. Sauf exception, l'huile était 
répandue sur cette farine ou servait à la pétrir, et 
l'encens était étendu à la surface, ainsi que le sel. 
Quand l'oblation consistait en farine, le prêtre en pre- 
nait une poignée avec l'huile et l'encens, et il la brûlait 
sur l'autel. Quand il s'agissait de gâteaux, cuits au four, 
à la poêle ou dans un autre ustensile, le prêtre en pre- 
nait une partie, qu'il faisait brûler sur l'autel. Tout ce 
qui restait de la farine ou des gâteaux appartenait aux 
prêtres, qui d'ailleurs ne pouvaient le manger que dans 
le lieu saint. Lev., n, 1-10; vi, 14-18. 

II. Sa signification. — La simple oblation a la 
même signification symbolique que le sacrifice san- 
glant. Dans ce dernier, c'est le sang, véhicule de la vie, 
qui est répandu en l'honneur du Dieu Créateur; dans 
l'oblation lui sont consacrés les aliments qui entre- 
tiennent la vie, sans lesquels le sang perd sa vigueur 
et devient aussi impuissant que s'il était versé. De part 
et d'autre, c'est donc la vie même de l'homme qui est 
comme sacrifiée en reconnaissance du souverain do- 
maine et en réponse aux exigences de l'infinie justice 
de Dieu. Seulement, cette vie est remplacée, dans le 
sacrifice, par la vie d'un animal, et, dans l'oblation, 
par les éléments mêmes qui l'entretiennent. Aussi, en 
certains cas, l'oblation remplace-t-elle équivalemment 
le sacrifice. Lev., v, 11. Cf. Bàhr, Symbolik des mo- 



1727 



OBLATION 



1728 



saischen Cultus, t. n, •->. 215, 216. En se mêlant aux 
divers éléments de IV: lution, l'encens, par sa bonne 
odeur, symbolise le no-;i de Dieu et sa présence, ainsi 
que l'hommage rendu i> ce nom par celui qui présente 
l'oblation. Cf. Bâhr, Symbolik, p. 327. 

III. Différentes sortes d'oblations. — 1° Oblations 
jointes à des sacrifices. — 1. Chaque jour, une oblation 
était jointe à l'holocauste. Elle se composait de fleur de 
farine, d'huile et d'encens. Après qu'on avait brûlé sur 
l'autel une poignée de cette offrande et l'encens, les 
prêtres prenaient pour eux le reste de la farine, mais 
ne pouvaient la manger ni avec du levain, ni hors du 
lieu saint. Lev., vi, 14-18; Num., vin, 8; xv, 4-10. — 

2. Dans les sacrifices pacifiques, on offrait avec la vic- 
time diverses sortes de gâteaux pétris à l'huile ainsi 
que des pains fermentes. Parmi ces diverses offrandes, 
une de chaque espèce était réservée pour Jéhovah et 
destinée au prêtre qui avait fait l'aspersion avec le sang 
de la victime. Lev., vu, 11-14. Les pains fermentes 
n'étaient ni placés ni brûlés sur l'autel. Lev., il, 12. — 

3. Le lépreux guéri offrait en sacrifice des victimes 
auxquelles il devait joindre, s'il était aisé, trois dixièmes 
d'éphi (de cinq à dix litres) de fleur de farine pétrie à 
l'huile, et, s'il était pauvre, un dixième d'éphi seule- 
ment (deux ou trois litres). Lev., xiv, 10, 21. — 4. Celui 
qui terminait son nazaréat joignait aux différentes vic- 
times qu'il avait à offrir une corbeille de pains sans 
levain, différents gâteaux pétris à l'huile et les oblations 
ordinaires. Num., vi, 14, 15. — En somme, les obla- 
tions ne devaient être jointes qu'aux holocaustes et aux 
sacrifices pacifiques dans lesquels on immolait des 
quadrupèdes. Les sacrifices pour le péché ou pour le 
délit n'en comportaient pas . Seul le sacrifice du lépreux 
faisait exception; on y présentait des oblations, et cela, 
même dans le cas où, pour raison de pauvreté, on rem- 
plaçait les quadrupèdes par des oiseaux. Lev., xiv, 10, 
12, 31. 

2° Oblations séparées. — Ces oblations pouvaient 
être publiques ou privées. — 1. Publiques. Chaque jour 
le grand-prêtre présentait ou devait faire présenter, en 
son nom et au nom des prêtres, un dixième d'éphi de 
fleur de farine, dont moitié le matin et moitié le soir. 
Cette farine, pétrie avec l'huile, était frite dans la poêle 
et entièrement brûlée sur l'autel, parce que les prêtres 
ne pouvaient manger de ce qu'ils avaient offert en leur 
propre nom. Lev., vi, 19-23. Le texte sacré n'est pas ici 
très clair. Josèphe, Ant. jud., III, x, 7, dit que cette 
oblation se faisait quotidiennement et que le prêtre, 
c'est-à-dire probablement le grand-prêtre, en supportait 
les frais. Le lendemain du sabbat de la Pâque, on appor- 
tait au sanctuaire une gerbe, comme prémices de la mois- 
son. Cette offrande était suivie du sacrifice d'un agneau 
d'un an, d'une autre oblation de deux dixièmes d'éphi de 
fleur de farine et d'une libation de vin. Lev., xxm, 10- 
14. Cette fleur de farine était accompagnée d'huile et 
d'encens, selon la règle générale. Lev., n, 1-3. — A la 
Pentecôte, on présentait en oblation deux pains faits 
avec deux dixièmes de fleur de farine et cuits avec du 
levain. L'holocauste qui venait ensuite était accompa- 
gné des oblations ordinaires. Lev., xxm, 17, 18. Ces 
pains fermentes pouvaient être présentés en offrande de 
prémices, mais on ne les plaçait pas sur l'autel et ils 
n'étaient pas brûlés. Ainsi était respectée la prohibition 
de faire brûler quoi que ce fût qui contint du levain. 
Lev., il, 11, 12. — Chaque jour de sabbat, on disposait 
sur une table du sanctuaire douze pains, faits chacun 
avec deux dixièmes d'éphi de fleur de farine. Ces pains 
de proposition étaient placés sur deux piles, dont cha- 
cune devait être récouverte d'encens pur. Au sabbat 
suivant, les prêtres renouvelaient les pains et man- 
geaient les anciens en lieu saint. Lev., xxiv, 5-9. — 
2. Privées. Le jour de son initiation, le prêtre faisait 
une oblation d'un dixième d'éphi de fleur de farine 



cuite avec de l'huile. Lev., vi, 20, 21. C'est cette même 
oblation que le grand-prêtre répétait chaque jour. — 
Celui qui péchait comme faux témoin ou qui contrac- 
tait une impureté avait à offrir un sacrifice de menu 
bétail ou au moins d'oiseaux. Si ses ressources ne lui 
permettaient pas d'en faire la dépense, il se contentait 
d'une oblation d'un dixième d'éphi de fleur de farine, 
mais sans y ajouter d'huile ni d'encens, car ces subs- 
tances étaient exclues des sacrifices pour le péché. Lev., 
v, 1-4, 11, 12; cf. Num., v, 15. — Quand une femme 
était accusée à tort ou à raison par son mari, on la 
soumettait à une épreuve au cours de laquelle elle pré- 
sentait en oblation un dixième d'éphi de farine d'orge, 
sans huile ni encens ; le prêtre en brûlait une poignée 
sur l'autel. Num., v, 15, 26. — Enfin les particuliers 
pouvaient aussi présenter des oblations par vœu ou par 
dévotion. Num., xxix, 39. 

3° Autres oblations. — On présentait encore en obla- 
tion les prémices, Lev., n, 14-16, les premiers-nés, 
Exod., xiii, 12, et certaines dîmes. Num., xvm, 26. 
Voir DIme, t. ii, col. 1432; Prémices, Premier-né. 

IV. L'agitation des oblations. — Le texte sacré 
parle assez souvent d'un mouvement particulier que 
l'on imprimait aux victimes et aux oblations avant de 
les employer au service liturgique. En hébreu, ce mou- 
vement est désigné par l'hiphil du verbe nûf, hênîf, 
et par le substantif fenûfâh. Exod., xxix, 27; xxxvm, 
24; Lev., vu, 34. Voici en quoi consistait ce mouve- 
ment, d'après les traditions rabbiniques. Cf. Gem. 
Kidduschin, 36, 2, Gem. Succa, 37, 2 ; Menachoth, v, 
6; Siphra, f. 40, 2, etc. Le prêtre s'avançait jusqu'à 
l'entrée du parvis dans lequel se trouvait l'autel et ve- 
nait auprès de celui qui portait entre ses mains soit la 
victime, soit quelqu'un de ses membres, soit la matière 
d'une oblation. Il posait ses mains sous les mains de 
celui qui présentait l'objet, et il imprimait quatre mou- 
vements successifs : d'avant en arrière, d'arrière en 
avant, de bas en haut et de haut en bas. Les deux mou- 
vements de va et vient constituaient à proprement par- 
ler la (enûfdh, le balancement, et les deux autres la 
(erûmdh, l'élévation. Les deux mots sont employés 
conjointement, Lev., X, 15, l'un pour l'autre, Exod., 
xxxvm, 24; Num., xxxi, 52, et parfois pour l'oblation 
elle-même. Lev., vu, 34; Exod., xxv, 2, 3, etc. A ces 
quatre mouvements, quelques-uns en ajoutent deux 
autres, de gauche à droite et de droite à gauche. Les 
anciens auteurs juifs ne parlent que de quatre. D'autres 
ont vu dans ces mouvements la figure d'une croix. 
Cf. Smits, Proleg.in Levit., 1763, p. 366; H. Zschokke, 
Historia sacra, Vienne, 1888, p. 125. — On comprend 
que les traducteurs n'aient pas pu rendre les mots hé- 
breux par des équivalents bien précis. Les Septante se 
servent du verbe èitmôévai, et des substantifs àçaipE^a, 
à?<ipKîfj.a, iiti'9s[».a, la Vulgate des verbes levare, elevare, 
ojferre, et du substantif elevatio. — Toutes les obla- 
tions n'étaient pas soumises à ces mouvements; on en 
exemptait tout d'abord celles qui étaient présentées par 
des femmes ou par des gentils. On balançait et ensuite 
on apportait au coin sud-ouest de l'autel l'oblation de la 
gerbe pascale et l'oblation pour la femme accusée par 
son mari. On balançait, mais on n'apportait pas à l'au- 
tel les deux pains de la Pentecôte et le log d'huile pré- 
senté par le lépreux. Lev., xiv, 20, 21. On ne balançait 
pas, mais on apportait à l'autel l'oblation pour le péché 
de faux témoignage ou d'impureté, celles des prêtres et 
les oblations volontaires. On ne balançait et on n'appor- 
tait à l'autel ni les libations ni les pains de proposition. 
Cf. Menachoth, v, 5; Siphra, f. 76, 2. — Gesenius, 
Thésaurus, p. 866, voit dans le rite de la fenûfâh 
comme une manière de montrer à Dieu l'oblation sous 
tous ses aspects. D'après le P. de Hummelauer, In Exod. 
et Levit., Paris, 1897, p. 296, la fenûfâh tire son nom de 
l'hiphil hênîf, qui indique le mouvement de la faucille 



1729 



OBLATION 



1730 



dans les blés, Deut., xxm, 25, de la scie dans le bois, 
Is., x, 15, de la main qui s'agite, Job, xxxi, 21 ; elle 
marquerait donc les gestes divers par lesquels l'obla- 
tion est présentée à Dieu. L'hiphil hêrîm, de rûm, d'où 
vient {erûmâh, joint au sens d'« élever », celui d'« en- 
lever », Ezech., xxi, 31, d'à ôter », de « prélever ». 
Lev., h, 9; I Reg., ix, 24, etc. La terûmdh impliquerait 
donc l'idée de séparation. Le traité Temmoth de la 
Mischna s'occupe des « levées » à faire pour les prêtres; 
l'objet de ce traité indique ainsi le sens que peut 
prendre le mot terûmdh. 

IV. LES OBLATIONS DANS le cours de l'histoire 
Israélite. — 1" La loi sur les oblations a été en vigueur 
jusqu'à l'époque évangélique. L'auteur de l'Ecclésias- 
tique, xiv, 11, recommande de faire à Dieu de riches 
offrandes avant qu'on ne meure, et en proportion des 
biens que l'on possède. C'est surtout quand on est ma- 
lade qu'il importe d'offrir l'encens et la fleur de farine. 
Eccli., xxxvm, 1. Il faut présenter ses oblations avec 
joie. Eccli., xxxv, 8. Cf. II Cor., ix, 7. Il est toutefois 
nécessaire de se souvenir que l'oblation n'est agréée de 
Dieu que si celui qui l'apporte se conduit comme il le 
doit. « L'obéissance à la loi vaut de multiples offrandes... 
Rendre grâces équivaut à une oblation de fleur de fa- 
rine. » Pourtant, « ne te présente pas devant le Seigneur 
les mains vides, car toutes ces oblations sont prescrites 
et doivent être faites... Le Seigneur paie de retour et te 
rendra sept fois autant. » Eccli., xxxv, 1-10. Les prêtres 
présentent solennellement à Dieu ces oblations. Eccli., 
L, 13; Heb., v, 1. — Notre-Seigneur réprimande sévè- 
rement ceux qui consacrent à l'oblation ce qu'ils de- 
vraient garder pour leur père ou leur mère. Matth., XV, 
5; Marc, vu, 11. Il parle de ceux qui jurent par 
l'oblation qui est sur l'autel et se croient liés, tandis 
qu'ils s'estiment libres s'ils n'ont juré que par l'autel. 
Matth., xxiil, 18-20. — Saint Paul, ayant fait vœu de 
nazaréat, vint présenter ses oblations à Jérusalem et fit 
les frais des oblations pour quatre hommes que saint 
Jacques et les anciens lui recommandèrent. Act., xxi, 
24, 26; xxiv, 17. — 2° Les écrivains sacrés reviennent 
souvent sur cette idée que Dieu n'agrée pas les oblations 
des impies, Job, xxxvi, 18; Eccli., vu, 11 ; xxxiv, 23, ni 
de ceux qui lui sont infidèles. Dieu fait dire par Isaïe, 
xliii, 23, 24, à son peuple prévaricateur : 

Je ne t'ai pas été à charge pour des offrandes, 

Je ne t'ai pas fatigué pour de l'encens, 

Il ne t'en a pas coûté cher pour un roseau odoriférant... 

Mais toi, tu m'as été à charge par tes péchés. 

Quant à celui qui apporte des oblations sans un cœur 
humble et contrit, 

Il présente une oblation, mais offre du sang de porc, 
H fait brûler l'encens, mais bénit une idole. 

Les deux actes se valent aux yeux de Dieu. Is., lxvi, 
S. Amos, IV, 5, reproche à Israël de se faire illusion sur 
ses oblations sans levain et ses dons volontaires, qu'il 
annonce à grand fracas. Dieu ne prend pas plaisir à de 
telles oblations, il ne les regarde pas. Am., v, 22. Notre- 
. Seigneur ordonne à celui qui est en désaccord avec son 
frère de laisser son offrande devant l'autel et d'aller 
tout d'abord se réconcilier avec son frère. Matth., v, 
23, 24. — 3° Les Israélites s'abaissèrent jusqu'à présenter 
des oblations aux idoles. Jérémie, vu, 18; xliv, 19, 
parle du gâteau, kavvân, que les femmes préparaient 
pour la reine du ciel, Istar. C'est le kamânu, pâtisse- 
rie cuite au four, des textes assyriens, cf. Fr. Martin, 
Textes religieux assyriens et babyloniens, p. xix, 60, 
67, le yauwv des Septante. Voir Gâteau, t. m, col. 114. 
Ézéchiel, xx, 28, 31, parle d'oblations faites aux idoles, 
spécialement à Moloch. — 4° Pendant la captivité, les 
oblations furent interrompues. Dan., m, 38. Jérémie, 
xvu, 26, avait annoncé qu'elles recommenceraient. Mais 
Daniel, ix, 27, prédit qu'un jour le sacrifice et l'obla- 

DICT. DE LA BIBLE.} 



tion cesseront tout à fait. Par elles-mêmes d'ailleurs, 
ces oblations n'étaient pas capables de plaire à Dieu. 
Ps. XL (xxxix), 7; Heb., x, 5, 8. Aussi Malachie, i, 11, 
annonce-t-il que le Seigneur se prépare une oblation 
pure, universelle et digne de son saint nom. Le Sauveur 
incarné vint en effet prendre la place des anciennes 
victimes, et, dans son oblation eucharistique, il se ser- 
vit du pain et du vin, les deux éléments les plus habi- 
tuels des oblations et des libations mosaïques. Unis à 
lui, ses fidèles serviteurs constituent comme une obla- 
tion vivante qui est présentée à Dieu. Is., lxvi, 20; 
Rom., xv, 16. 

V. Les usages juifs. — Les usages des Juifs, par 
rapport aux oblations, sont consignés principalement 
dans le traité Menachoth, le 42 e de la Mischna. — 1° La 
préparation. La farine employée devait provenir de 
froment, sauf pour la gerbe de la Pâque, parce l'orge 
mûrissait le premier, et pour le sacrifice de la femme 
soupçonnée, auquel ne convenait qu'une oblation de 
qualité inférieure. Sota, h, 1. Le froment pouvait être 
ancien ou récent, pourvu qu'il fût très bon. Sa prove- 
nance était indifférente, sauf pour la gerbe de la Pâque 
et les pains de la Pentecôte, qui réclamaient du grain 
de terre israélite. Le meilleur venait de Michmas et de 
Mézonécha, près de Bethaven, à une quinzaine de kilo- 
mètres au nord-est de Jérusalem. Menachoth, vin, 1. 
Cf. Reland, Palœstina illustrata, Utrecht, 1714, p. 897. 
La farine devait être passée à travers divers cribles, 
quelquefois douze ou treize, jusqu'à ce qu'elle fût deve- 
nue très fine. L'orge de la Pâque était d'abord grillé 
dans une poêle à trous, puis exposé au vent, avant de 
passer par la meule et les cribles. On pouvait moudre 
et passer la farine hors du parvis des prêtres; mais la 
cuisson devait se faire dans ce parvis, où se trouvaient 
les fourneaux et les ustensiles nécessaires. Certains lé- 
vites étaient préposés à ces opérations. I Par., ix, 28- 
32. Les pains de proposition et les gâteaux du grand- 
prêtre se préparaient dans des locaux particuliers. La 
préparation des oblations privées était permise à tout 
Israélite en état de pureté légale. — 2° Les achats et 
les mesures. Les achats nécessaires pour les oblations 
publiques se faisaient aux frais du trésor. Si les obla- 
tions provenaient de la récolte spontanée de l'année 
sabbatique, le trésor indemnisait celui qui avait gardé 
cette récolte. Les particuliers pouvaient soit apporter 
leurs oblations du dehors, soit les acheter au Temple 
même. Ils en payaient le prix au préposé « aux cachets », 
qui leur donnait des jetons pour obtenir en échange ce 
qui leur était nécessaire. Schekalim, v, 3. Ces jetons 
portaient quatre noms différents, d'après lesquels on 
réglait la mesure des oblations jointes aux sacrifices : 
gedî, « chevreau, » pour agneaux et chevreaux, 1/10 d'éphi 
de farine, 1/4 de hin d'huile et autant de vin; zàkàr, 
« mâle, » bélier ou brebis, 2/10 d'éphi de farine, 1/3 de 
hin d'huile et autant de vin; 'égel, « veau, » grands 
quadrupèdes, 3/10 d'éphi de farine, 1/2 hin d'huile et 
autant de vin; hôte', « pécheur, » le lépreux, 3/10 ou 
1/10 d'éphi de farine, selon qu'il était riche ou pauvre. 
Il fallait trois éphis de farine pour la gerbe de la Pâque, 
autant pour les deux pains de la Pentecôte, et deux 
pour chacun des douze pains de proposition. La farine 
présentée dans les oblations volontaires ne pouvait être 
d'une quantité inférieure à 1/10 d'éphi, ni supérieure 
à 60/10; les oblations publiques étant de 61/10, il ne 
convenait pas que les oblations privées les égalassent. 
On ajoutait un log d'huile pour chaque dixième d'éphi 
de farine. Menachoth, xn, 4; xm, 1. On prenait une 
poignée d'encens pour chaque oblation, grande ou pe- 
tite. On ne l'offrait jamais seul à l'autel des sacrifices. 
Les Juifs regardaient comme une exception ce qui est 
mentionné Num., vu, 14. — 3° La cuisson. L'huile 
pouvait être jointe à la farine de trois manières : on 
mettait l'huile dans un vase et on y ajoutait la farine ; 

IV. - 55 



1731 



OBLATION 



OCCIDENT 



1732 



on mettait la farine d'abord, on ajoutait l'huile et on 
mélangeait, ou bien on se contentait de verser l'huile 
sur la farine. Quelquefois on additionnait le mélange 
d'eau chaude, pour rendre la pâte moins épaisse. Le 
Lévitique, II, 4, 5, 7, parle de trois vases différents pour 
la cuisson : le tannûr ou four, pour cuire les gâteaux 
de pâte épaisse avec ou sans huile, le mahâbaf, vase 
plat et sans rebords pour cuire la pâte épaisse, et le 
marhéséf, vase profond et à rebords, pour cuire la pâte 
plus liquide. Quand les gâteaux ne renfermaient pas 
it'huile, on les marquait avec de l'huile d'une croix 
ayant la forme d'un X. Menachoth, v, 8; Siphra, f. 75, 
2. — 4° La réception. Les oblations de farine non cuite 
étaient reçues par le prêtre dans un vase qui les sanc- 
tifiait; celles de la femme soupçonnée l'étaient dans 
une corbeille. Les gâteaux, d'abord réduits en morceaux, 
étaient placés dans le vase de sanctification. Sur la fa- 
rine ou les morceaux, on versait ce qui restait d'huile 
non employée, et on mettait l'encens qui était requis; 
puis on balançait, s'il y avait lieu. Quand une partie de 
l'oblation devait être brûlée sur l'autel, le prêtre en re- 
tirait une poignée, avant que l'encens eût été ajouté, 
et il mettait la portion enlevée dans un autre vase avec 
l'encens. Les Juifs entendaient par poignée la cavité 
formée par les trois doigts du milieu repliés sur la 
paume de la main; le pouce et le petit doigt faisaient 
retomber ce qui était en excès. Cette opération passait 
pour être difficile à bien exécuter. Siphra, î. 71, 1. 
Lorsque des gentils offraient des sacrifices comportant 
des oblations et ne prévoyaient pas ces dernières, on 
lés ajoutait aux frais du trésor. Les oblations des gen- 
tils réclamaient, aussi bien que les autres, l'huile et 
l'encens. — 5° Le partage. Une fois l'encens brûlé sur 
l'autel, le prêtre entrait en possession de ce qui lui re- 
venait des oblations. Celles-ci appartenaient aux prêtres 
de service ce jour-là. Les pains de proposition se par- 
tageaint entre les prêtres de la semaine qui finissait et 
ceux de la semaine qui commençait. Tous les prêtres 
avaient droit aux oblations des jours de fête, ordinaire- 
ment beaucoup 'plus nombreuses. Cependant le grand- 
prêtre pouvait toujours prélever ce qu'il voulait, par 
exemple un des pains de la Pentecôte, quatre ou cinq 
des pains de proposition, etc., sans que jamais 'sa part 
pût excéder la moitié des oblations. Seuls les prêtres et 
leurs descendants mâles, en état de pureté, avaient 
droit de se nourrir des oblations, pourvu qu'ils le fissent 
dans le parvis intérieur, le jour même de l'oblation ou 
la nuit suivante. — Dans les sacrifices pacifiques, Lev., 
vu, 11-13, le partage était plus compliqué. On y avait 
employé 20/10 d'éphi de farine; dix servaient à faire dix 
gâteaux fermentes, et avec les dix autres, on préparait 
trois séries de dix gâteaux non fermentes, soit trente 
en tout. Pour le sacrifice du nazaréen, on fabriquait 
dix gâteaux mélangés d'huile, et dix autres seulement 
graissés d'huile, les uns et les autres sans levain. De 
ces deux sortes d'oblations, rien n'allait à l!autel. Les 
prêtres prélevaient, dans le sacrifice pacifique, un des 
gâteaux fermentes, et un de chacune des trois autres 
espèces, et, dans le sacrifice du nazaréen, un seul gâ- 
teau. Ils pouvaient manger ces gâteaux en ville et avec 
toute leur famille, le jour du sacrifice et la nuit suivante. 
Les autres gâteaux revenaient à ceux qui avaient offert 
les sacrifices; ils pouvaient les manger le jour et la 
nuit suivante. Ces différents mets, en effet, n'étaient pas 
considérés comme oblations, mais comme parties de sa- 
crifices. Lev., u, 11; Menachoth, v, 1 ; Siphra, f. 77, 1. 
Cf. Reland, Autiquitates sacrx, Utrecht, 1741, p. 193-199; 
Iken, Antiquitates hebraicœ, Brème, 1741, p. 192-210. 

H. Lesêtre. 
OBOLE. Voir Minutum, col. 1108. 

OBOTH (hébreu : 'Obôf ; Septante : 'Q6<i0 ; le Codex 
Vaticanus, Num., xxxiii, 43, 44, porte 2o>é(o8, faute 



qui tient probablement à la préposition précédente), 
une des stations des Israélites dans le désert. Num., 
xxi, 10 (et 1 1 dans l'hébreu et les Septante) ; xxxnr, 
43, 44. Elle est citée après Phunon, bien reconnu au- 
jourd'hui dans Khirbet Fendn, à l'est de l'Arabah, à 
l'appui de DjebeUesch-Schera. Voir la carte d'Idumée, 
t. m, col. 830. Or, au-dessus de ce point, se trouve un 
ouadi appelé Véibéh, qui correspond bien à l'ancien 
Oboth. Wetzstein, en effet, dans ses Remarques sur le 
Cantique des Cantiques, jointes au Biblischer Coni- 
mentar de Frz. Delitzsch, Leipzig, 1875, a montré, 

p. 168, que 1 arabe <^-o« , Uéibéh, est une abréviation 
de na'iN, et ce dernier nom le diminutif de ntaiN, 

t "T- 

'Obôth, Cette vallée renferme quelque verdure, avec de 
nombreux petits palmiers, arbustes et plantes. Cf. E. 
Hull, Mount Seir, Londres, 1889, p. 163; M.-J. La- 
grange, L'itinéraire des Israélites du pays de Gessen 
aux bords du Jourdain, dans la Revue biblique, Paris, 
1900, p. 286. A. Legendre. 

OCCASION (hébreu : Jo'dnâft; Septante : àyop^r,, 
eùxatpia; Vulgate : occasio, opportunitas), moment fa- 
vorable à l'exécution d'une action. — Samson cherchait 
une occasion de querelle aux Philistins. Jud., xiv, 4. 
Quand le roi de Syrie envoya Naaman au roi d'Israël, 
ce dernier s'imagina qu'il cherchait occasion (mif'anndh, 
7cpo9a<i!ÏETa!, occasiones quserit) pour lui faire la guerre. 
IV Reg., v,7. Les ministres et les satrapes cherchaient 
contre Daniel l'occasion de l'accuser. Dan., vi, 4, 5. 
Le roi Démétrius voulait honorer Jonathas, à l'occasion , 

I Mach., xi, 42. Ménélas saisit l'occasion pour prendre 
des vases du Temple, II Mach., rv, 32; Alcime profita 
de l'occasion pour desservir les Juifs auprès de Démé- 
trius, II Mach., xiv, 5, et Nicanor épiait l'occasion de 
saisir Judas Machabée. II Mach.,xtv, 29. Hérodiade pro- 
fita d'une fête célébrée au palais d'Hérode et en prit 
occasion pour réclamer la tête du précurseur. Marc, vi, 
21. Les Juifs cherchaient l'occasion de prendre Jésus 
sans exciter de tumulte. Matth., xxvi, 16; Marc, xiv, 
11; Luc, xxii, 6. — Il y a pour toutes choses « temps 
et opportunité » (hébreu : « temps et jugement, » 
xotipbç xal xpfaiç). Eccle., vin, 6, Le deuil n'est pas une 
occasion favorable pour faire de la musique. Eccli., xxn, 
6. Qu'on donne l'occasion au sage (hébreu : « donne 
au sage »), il deviendra plus sage. Prov., ix, 9. La loi 
ancienne était une occasion de péchés. Rom., vu, 8. 11. 
Saint Paul veut donner occasion aux Corinthiens de se 
glorifier à son sujet, II Cor., v, 12, mais il n'en veut 
pas fournir aux faux docteurs de lui ressembler. 

II Cor., xi, 12. La liberté chrétienne ne doit pas être 
une occasion de vivre selon la chair. Gai., v, 13. Les 
jeunes veuves doivent se remarier, pour ne pas donner 
occasion à la médisance. I Tim., v, 14. Timothée a le 
devoir de prêcher, eùxalpwj, àxoupwî, opportune, 
importune, que l'occasion soit favorable ou non. 
II Tim., iv, 2. H. Lesétre. 

OCCIDENT (hébreu : niebo' haS-SéméS, « coucher 
du soleil, » ma'ârâb, ma'ârdbdh, 'âhôr, « ce qui est 
par derrière, » yâm, « mer; » Septante : 8u<ju.i) -r|X(ou, 
ê'jdfiat; Vulgate : soîis occasus ou occubitus, occidens), 
partie de l'horizon du côté de laquelle le soleil se couche. 
— En Palestine, la Méditerranée se trouve à l'occident 
du pays, ce qui fait qu'assez souvent la mer est prise 
pour l'occident lui-même. Gen., xn, 8; xxviii, 14; 
Exod., xxvi, 22; xxxvm, 12; Deut., xxxm, 23; Jos.,vni, 
9, etc. Comme l'orient était le point de repère vers 
lequel se tournaient le plus habituellement les Israé- 
lites, l'occident se trouvait par derrière, d'où son nom 
de 'âhôr. Job, xxin, 8; Is., ix, 11. La locution « de 
l'orient à l'occident », qui revient si souvent, Ps. cxin 
(cxu), 3; Mal., î, 11, etc., désigne toute la terre, d'une 



1733 



OCCIDENT — OCHOZIAS 



1734 



extrémité à l'autre. Cf. Matth., vin, 11 ; xxiv,27; Luc, xm, 
29. — Le vent qui souffle de l'occident sur la Palestine 
y arrive chargé des vapeurs qu'il a recueillies en pas- 
sant au-dessus de la Méditerranée. Notre-Seigneur 
observe que, quand on voit la nuée se lever du côté du 
couchant, on peut dire à coup sûr : « La pluie vient, s. 
Luc, xi, 54. C'est, en effet, à l'occident, du côté de la 
mer, que commencèrent à se lever les nuages, pour 
mettre un à la sécheresse prédite par Élie. III Reg., xvu, 
1 ; xviu, 42-45. — Les pays occidentaux sont appelés 
assez souvent les « Iles ». Voir Ile, t. ni, col. 841. 

H. Lesêtre. 
OCHIN Bernardin, ou plutôt Ochino, portait ce nom 
parce que, disent les uns, c'était celui de ses parents ; 
parce que, disent d'autres, il était né à Sienne (1487), 
dans le quartier dit dell'Oca (en français de l'Oie). Il 
entra jeune dans l'ordre des mineurs observants, d'où 
il passa chez les capucins en 1534, Ceux-ci l'élurent, en 
1538 et 1541, général de leur congrégation, qui sortait 
du berceau. Médiocrement savant, il était doué d'un ta- 
lent oratoire merveilleux, qui le fit admirer en beaucoup 
de villes d'Italie; en même temps, l'austérité apparente 
de sa vie le faisait considérer comme un très saint per- 
sonnage. Charles V, passant à Naples, y prolongea son 
séjour pour se donner le plaisir de l'entendre. Mais 
Ochin n'avait pas assez de science ni assez de véritable 
vertu pour ne point succomber sous le poids de ses suc- 
cès. Ce fut, parait-il, pendant sa prédication à Naples 
que de secrètes relations avec Pierre Martyr (Vermigli) 
lui firent faire les premiers pas vers le protestantisme. 
Ses progrès dans l'erreur furent ensuite rapides; il 
quitta son ordre, puis l'Italie, se retira à Genève, à 
Bâle, etc., se maria, eut plusieurs enfants, produisit une 
quantité d'ouvrages empreints de toutes les erreurs et 
de toutes les haines protestantes, finit par être en hor- 
reur à ses coreligionnaires eux-mêmes, et dut mener, 
pendant ses dernières années, une vie de misère et 
d'aventures. Boverius, l'annaliste des capucins, le fait 
mourir à Genève, après rétractation de ses erreurs. 
Tous les autres historiens affirment qu'il persista dans 
son apostasie jusqu'à la fin. Le P. Nicéron, les résu- 
mant, dit que, le cardinal Commendon l'ayant fait chas- 
ser de Pologne, il vit mourir de la peste, à Pinczow, ses 
deux fils et sa fille. Sa femme était morte longtemps 
auparavant, en Suisse. Malade en même temps que ses 
enfants, il guérit malgré son grand âge; mais il ne leur 
survécut que trois semaines. La peste le frappa de nou- 
veau à Slaucow, où il mourut dans l'impénitence. Tous 
ses ouvrages sout extrêmement rares, quelques-uns 
même au point de n'avoir pas de prix, au dire de Bru- 
net, c'est là aujourd'hui leur unique mérite. Parmi leur 
nombre, il y a : 1» Expositione sopra la Epistola di $an 
Paolo alli Romani, s. 1. n. d. in-12 (1545); 2° Exposi- 
tione sopra la Epistola alli Galati, in-12, s. 1. n. d. (1546). 
Ces deux livres, écrits dans un sens protestant, ont été 
probablement imprimés à Bâle. P. Apollinaire. 

OCHOZATH (hébreu : Âfruzat ; Septante : '0-/oÇâ6), 
ami (hébreu : rê'a) d'Abimélech, roi de Gérare, qui 
l'accompagna dans sa visite à Isaac. Gen., xxvi, 26. Les 
Septante traduisent rê'a par vutiçaYMïô;, « paranym- 
phe, » signification inadmissible dans ce passage. — La 
terminaison féminine af se retrouve dans d'autres noms 
philistins tels que Goliath. Cf. l'iduméen Genubath. 
III Reg., xi, 20. 

OCHOZIAS (hébreu : 'Aliazyâh ou 'Ahazyâhâ, « ce- 
lui que tient Jéhovah ; » Septante : 'O/oÇtocç), nom porto 
successivement par un roi d'Israël et par un roi de Juda. 

1. OCHOZIAS, roi d'Israël (en 904, 897 ou 879, suivant 
les divers systèmes chronologiques), était fils d'Achab et 
de Jézabel. D ne régna que deux ans, pendant que 



Josaphat était roi de Juda. Il continua les impiétés de 
son père et du premier roi schismatique Jéroboam. 
III Reg., xxii, 52-54. Le dieu Baal avait toute sa con- 
fiance; mais cette confiance lui fut fatale. La Sainte 
Écriture raconte avec quelque détail ce qui advinî au 
roi en punition de son idolâtrie. Un jour qu'il se trou- 
vait dans sa chambre haute, à Samarie, Ochozias tomba 
de sa fenêtre à travers le treillis, sur lequel il s'était 
sans doute imprudemment appuyé. Voir Fenêtre, t. n, 
col. 2202; Maison, t. iv, col. 5'JU. Devenu malade à la 
suite de sa chute, il envoya consulter Beelzébub à Acca- 
ron, pour savoir s'il relèverait de sa maladie. Voir Beel- 
zébub, t. i, coL 1547. Dans le fond, cependant, l'inten- 
tion d'Ochozias devait être probablement d'obtenir sa 
guërison du dieu chasse-mouches, dont le pouvoir 
s'étendait à chasser les esprits mauvais, Mattb., su, 24, 
et, par voie de conséquence, à écarter les maux dont 
ceux-ci étaient la cause. Cf. Lagrange, Études sur les 
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 85. Sur l'ordre de 
Dieu, Élie se porta à la rencontre des envoyés du roi 
pour leur reprocher l'oubli coupable dans lequel on 
tenait le Dieu d'Israël en pareille circonstance et leur 
annoncer que le prince mourrait de son mal. Aux ren- 
seignements que lui donnèrent ses envoyés, Ochozias 
reconnut l'intervention du prophète Élie. Il chargea 
successivement trois de ses officiers de le lui amener. 
Les deux premiers furent frappés de mort avec leurs 
hommes, en punition de leur insolence et aussi proba- 
blement pour donner un avertissement salutaire au roi 
qui avait sans doute conçu de criminels projets contre 
le prophète. Voir Élie, t. n, col. 1673. Celui-ci suivit 
le troisième officier, rendu plus circonspect par le châ- 
timent dont avaient été victimes les deux autres, et il 
signifia à Ochozias en personne la mort imminente qui 
l'attendait. L'événement ne tarda pas à vérifier la pro- 
phétie d'Élie et Ochozias mourut la seconde année de 
son règne, sans laisser d'enfants. IV Reg., i, 1-18. 

H. Lesêthe. 
2. OCHOZIAS, roi de Juda (en 884 ou 887, suivant les 
diverses chronologies), succéda à son père Joram la 
douzième année du roi d'Israël Joram, fils d'Achab. Il 
avait alors vingt-deux ans et fut mis sur le trône par 
les habitants de Jérusalem, parce que tous ses frères 
aines avaient été emmenés et tués par des brigands phi- 
listins et arabes. II Par., xxi, 16, 17. Voir Joram, t. ni, 
col. 1645. Il portait aussi le nom de Joachaz, sur lequel 
prévalut celui d'Ochozias. Voir Joachaz, t. m, col. 1550. . 
Il avait pour mère Athalie, fille d'Achab et de Jézabel, 
que son père Joram avait épousée. Voir Athalie, t. i, 
col. 1207. Le jeune prince ne régna qu'un an, mais, 
par son impiété, se montra digne de sa parenté. Il se 
laissa guider par sa mère et par de perfides conseillers. 
Trop docile à leurs avis, il s'allia avec Joram, roi d'Israël, 
pour faire la guerre contre Hazaël, roi de Syrie. Joram, 
blessé à Ramoth de Galaad, se retira à Jézraël, pour se 
faire soigner. Ochozias crut de son devoir d'aller le 
visiter. Ce fut pour sa perte. Jéhu avait été suscité par le 
Seigneur pour exterminer toute la maison d'Achab.Voir 
Jéhu, t. m, col. 1245, 1246. Quand il se présenta devam 
Jézraël, Joram et Ochozias se portèrent à sa rencontre. 
Leroi d'Israël fut percé d'une flèche. A cette vue, Ocho- 
zias s'enfuit du côté de Beth-Haggan ou Enganniir. . 
Voir Beth-Haggan, t. i, col. 1685. Jéhu le poursuivit ci 
dit : « Frappez-le, lui aussi, sur son char! » Ochozias, 
blessé à la montée de Gaver, prés de Jéblaam, se réfugia 
à Mageddo, où il mourut. Ses serviteurs le mirent sur 
son char et le transportèrent à Jérusalem pour l'inhu- 
mer dans le sépulcre de ses ancêtres. IV Reg., vin, 25; 
IX, 29. D'après un autre récit, Ochozias se serait réfugié 
à Samarie, d'où Jéhu l'aurait fait tirer pour le mettre 
à mort. II Par., xxii, 1-9. On concilie les deux narra- 
tions en supposant que, dans la seconde, Samarie dé- 
signe non pas la ville de ce nom, mais le royaume ou 



1735 



OCHOZIAS 



OCTAVE 



1736 



la contrée, comme IV Reg., xvit, 24. De Jézraël, le roi, 
fuyant vers le sud, aurait cherché à gagner Satnarie; 
mais atteint à une douzaine de kilomètres de là, à Jé- 
blaam, il aurait été blessé, se serait porté au nord-ouest, 
par la route qui va de Jéblaam à Mageddo, villes dis- 
tantes d'une vingtaine de kilomètres, et aurait expiré 
dans cette dernière localité. Voir la carte de Manassé, 
col. 644. Si l'on préfère voir dans le nom de Samarie 
celui de la ville-elle-même, il faudrait admettre que, 
dans sa fuite, Ochozias avait réussi à gagner cette ville 
et à s'y cacher, mais qu'ensuite dépisté par les envoyés 
de Jéhu, il était remonté vers Jéblaam et y avait été 
blessé. En tous cas, quand il est dit que Jéhu le fit mou- 
rir, il faut entendre ces paroles dans un sens assez 
large; en réalité, Jéhu le fit poursuivre par ses émis- 
saires et ce furent ceux-ci qui le blessèrent à mort. 

H. Lesêtre. 
OCHRAN (hébreu : 'Ôhrân, « affligé; » Septante : 
'Ej(piv), de la tribu d'Aser, père de Phégiel qui était 
le chef de cette tribu au temps de l'Exode. Ochran n'est 
nommé dans l'Écriture que comme père de Phégiel. 
Num., i, 13; n, 27; vu, 72, 77; x, 26. 

OCTAVE (hébreu : lemînî, et au féminin Semînît; 
Septante : bySôri; Vulgate : octava), ce qui vient en 
huitième lieu. 

I. Emploi du mot Semînî. — Ordinairement, ce mot 
est employé pour marquer le huitième jour, qui était 
le jour de la circoncision, Gen., xxi, 4; Act., vu, 8; 
Lev., xn, 3; Luc, i, 59; il, 21; Phil., m, 5; le jour 
où l'on offrait les premiers-nés des quadrupèdes admis 
dans les sacrifices, Exod., xxii, 30 (hébreu, 29); 
Lev., xxii, 27; le jour le plus solennel de la fête des 
Tabernacles, Lev., xxiii, 36, 39; Num., xxix, 35; II Esd., 
vin, 18; le jour où se terminait la consécration du 
grand-prêtre, Lev., ix, 1, où se célébraient les sacrifices 
pour la purification du lépreux, Lev., xiv, 10, 23, de 
l'impur, Lev., xv, 14, 29, du nazaréen, Num., vi, 10; 
le jour où fut achevée la dédicace du Temple sous 
Salomon, II Par., vu, 9, et sa purification sous Ézéchias. 
II Par., xxix, 17. Les autres fêtes juives n'avaient pas 
d'octave ; la Pâque ne durait que sept jours. Lev., 
xxiii, 8. 

II. La locution 'al-hal-Semînît. — Cette locution 
« pour la huitième » revient trois fois dans la Sainte 
Écriture. Parmi les chantres institués par David, il en 
est qui ont à chanter sur le kinnor 'al-haS-Semînît lenas- 
sêah, « sur la huitième pour diriger s> ou « pour jouer ». 
I Par., xv, 20. Cf. Buhl, Geseii. Handwôrterb., Leipzig, 
1899, p. 540. Les Septante ont rendu le mot d'une ma- 
nière approximativement phonétique : i|j.aaevt6, et la 
Vulgate : pro octava. Deux Psaumes, l'un pour instru- 
ments à cordes, Ps. VI, et l'autre sans désignation d'ins- 
truments, Ps. XII (xi), portent en titre 'al-has-semînîf, 
■jT.ip Tfjç ôy8<5hi;, pro octava. De multiples, explications 
ont été données de cette locution. Voici les principales : 

1° a Pour l'octave, » c'est-à-dire pour le jour de l'octave. 
C'est le sens admis par beaucoup de Pères et de com- 
mentateurs, qui voient dans cette octave le symbole de 
la résurrection du Sauveur et de la vie future. Cf. Ori- 
gène, In Ps., t. xu, col. 1061 ; Eusèbe, In Ps. ri, ix, 
t. xxiii, col. 120, 132; S. Athanase, Expos, in Ps. ri, et 
De tltul. Psalm. ri, t. xxvii, col. 75, 666; S. Grégoire 
de Nysse, In Ps. n, 5, t. xliv, col. 504, etc. Mais, tout 
d'abord, les deux Psaumes en question ne se rapportent 
nullement à ce sujet. Ensuite, la liturgie mosaïque ne 
connaît qu'une octave, celle de la fête des Tabernacles, 
désignée par les mots yôm has-semînî, « le huitième 
jour, » Lev., xxiii, 36, 39, et non par un simple adjectif 
féminin. De plus, on ne s'expliquerait pas bien que 
David eût institué un groupe de chantres uniquement 
en vue de cette octave. I Par., xv, 20. 

2 D « Pour l'instrument à huit cordes, » que l'on sup- 



pose appelé du nom de seminît. Ainsi l'ont compris les 
anciens auteurs juifs, le Târgum du Psaume vi : 'al- 
kinnârâ' difmanîyà' nîmayyâ', « sur la harpe à huit 
cordes, » David Kimchi, S. Jarchi, Abenezra, etc. Cf. 
Jahn, Archxol. biblic, i, 5, dans le Cursus compW 
Script. Sacr. de Migne, t. n, col. 887; J. Parisot, Exégèse 
musicale de quelques titres des Psaumes, dans la Revue 
biblique, 1899, p. 120, 121. Josèphe, Ant. jud., VII, 
xn, 3, dit que le kinnor avait dis cordes et que le nébel 
fournissait douze sons. Cette assertion n'empêche pas 
de supposer un kinnor ou d'autres instruments à huit 
cordes. Mais il est difficile d'admettre qu'un pareil ins- 
trument soit désigné par un adjectif ordinal, et que, 
nébel 'dsôr signifiant « nébel à dix » cordes, Ps. xxxm 
(xxxu), 2; cxliv (cxliii), 9, l'expression kinnôrôt 'al- 
liaé-Semînîf, « kinnors sur la huitième, » puisse se 
rapporter grammaticalement à des instruments munis 
de huit cordes. 

3° « Pour la huitième » classe des chantres. Les chan- 
tres institués par David furent divisés en vingt-quatre 
séries, dont un tirage au sort fixa les fonctions. 

I Par., xxv, 8-31. Le mot qui désigne la classe ou série, 
mahâloqét. I Par., xxiii, 6; xxiv, 1, est masculin; il 
ne peut donc être sous-entendu après Seminît. Le mot 
mUmêrét, I Par., xxiii, 32; xxv, 8, qui marque le 
« service », la fonction, est du même genre. On ne 
voit donc pas comment Seminît pourrait à lui seul 
impliquer l'idée de série ou de fonction, comme' le 
pense Calmet, In duos Paralip. libr., I, xv, 21, dans le 
Curs. com.pl. Script. Sacr. de Migne, t. xi, col. 985. 

II ne paraît pas, d'autre part, que les chantres désignés 
pour jouer du kinnor 'aUhas-Semînît à la translation 
de l'Arche, I Par., xv, 21, soient identiques aux chantres 
désignés plus tard par le « huitième sort », hag-gôrâl 
haS-semînî. I Par., xxv, 15. 

4° « A l'octave. » On appelle octave tout son dont le 
nombre de vibrations est, par comparaison avec les vi- 
brations d'un son donné, dans le rapport de 1 à 2, ou 
de 1 à 1/2. Ainsi le son ut normal correspond à 522 vi- 
brations par seconde; le son qui correspond à 261 vibra- 
tions en est l'octave grave, et le son qui correspond à 
1044 vibrations en est l'octave aigu. Dans un instrument, 
si une Corde vibrante donne un son, une corde de lon- 
gueur double en donne l'octave grave, et une corde de 
longueur moitié moindre en donne l'octave aigu. Or, dans 
le texte de I Par. , xv, 21, il est question de trois sortes de 
chantres. Les premiers sont munis de cymbales d'airain 
le-hasrni'a, « pour faire entendre, » probablement pour 
marquer la mesure ; d'autres ont à jouer sur des nébel 
'al 'âlamôt, « en jeunes filles, » probablement sur les 
tons élevés du soprano; enfin les derniers ont des kin- 
nor 'al-has-seminit, « à l'octave, » ce qu'on entend de 
l'octave grave, de la basse. De fait, le Psaume xlvi (xlv), 
indiqué 'al 'alamôf, est un Psaume de joie et de triom- 
phe, tandis que les Psaumes vi et XII (xi), marqués 'al- 
haS-semînit, sont des chants de tristesse. Cf. Gesenius, 
Thésaurus, p. 905, 1439; Buhl, p. 856; Fr. Delitzsch, 
Die Psalmen, Leipzig, 1873, t. i, p. 96; Hupfeld-Riehm, 
Die Psalmen, Gotha,, 1867, avec cette remarque, t. i, 
p. 166, que le nom de Jéhovah est répété huit fois dans 
le Psaume vi; Cornely, lntrod. in V. T. Libr. Sacr., 
t. n, 2, Paris, 1887, p. 92, etc. Patrizi, Cento Salmi, 
Rome, 1875, p. 28, 29, entend différemment les nota- 
tions de l'auteur des Paralipomènes. D'après lui, les 
chantres lehasmî'a, « pour faire entendre, »' sont des 
basses destinées à donner du corps au chant; les 'al 
'alamôt sont des voix de sopranos, et les 'al-kas-seminît, 
« à l'octave, » destinés à diriger le chant, sont des voix 
de ténors, tenant le milieu entre les deux autres. Il est 
à remarquer que la traduction grecque iitép ttjç ôySor;; 
n'est que la reproduction littérale de l'hébreu. Les 
Grecs exprimaient ce que nous appelons « octave » par 
Etaitatrûv ou 8tâ ratuûv (xopSfiv), toute l'échelle des 



1737 



OCTAVE 



ODEUR 



1738 



cordes ou des notes, et la dernière ou huitième note 
de cette échelle. Cf. Plutarque, Moral., édit. Dùbner, 
1019 b, etc. Mais si l'expression hébraïque désigne réel- 
lement l'octave, ce ne peut être dans le sens que nous 
attachons à ce mot. Nous appelons octave Je son qui a 
la moitié ou le double des vibrations d'un son donné. 
Comme notre gamme se compose de sept notes, la hui- 
tième note descendante ou ascendante constitue l'octave 
grave ou aigu. Dans notre musique, basée sur la poly- 
phonie, la valeur en vibrations des sept notes a été cal- 
culée scientifiquement de manière à rendre les accords 
possibles entre deux ou plusieurs notes résonnant à la 
/ois. Chez les Orientaux, on ne se préoccupe que de la 
mélodie. Il est très probable que chez les Hébreux, 
comme chez les anciens Arabes, l'échelle des tons avait 
été établie d'après la division d'une corde vibrante en 
douze parties égales, division conforme au système duo- 
décimal en usage, conjointement avec le système dé- 
cimal. Voir Nombre, col. 1678. En conséquence, les 
intervalles séparant les notes étaient plus grands que 
ceux de notre gamme, qui d'ailleurs comprend deux 
demi-tons. Il suit de là que la huitième note hébraïque 
ou octave devait être plus distante de la note fonda- 
mentale que dans notre gamme. Cette huitième note 
correspondait à peu près au rni \> au-dessus de notre 
octave, ou, en partant de l'ut supérieur, descendait 
jusqu'au la b. On ne peut d'ailleurs déterminer à partir 
de quel ton les musiciens hébreux auraient fait partir 
cette octave, ni si elle était ascendante ou descendante. 
Voir Musique, col. 1351; J. Parisot, Musique orientale, 
Paris, 1898, p, 9-12. 

5° On pourrait enfin supposer que l'adjectif semînif 
se rapporte à un substantif sous-entendu. Assez souvent 
des adjectifs ordinaux féminins indiquent la division, 
avec les mots hélqâh, « portion, » ou nidndh, « partie, » 
sous-entendus : selîUt, le tiers, Num., xv, 6, 7; rebi'ît, 
le quart, Exod., xxix, 40; hâmBîf, le cinquième, 
Gen., xlvji, 24; sïsîi, le sixième, Ezech., iv, 11; 'àiîrît, 
le dixième, Lev., v, 11, etc. Mais on ne voit guère 
pourquoi un Psaume serait adressé à la huitième partie 
des chanteurs. On ne peut non plus, en gardant à l'ad- 
jectif son caractère ordinal, songer à une exécution ou 
à un prélude sur la « huitième corde » du Mnnor, 
comme le passage des Paralipomènes pourrait en don- 
ner l'idée; car les mots qui signifient « corde », surtout 
qâv, pris une fois dans le sens de corde instrumen- 
tale, Ps. xix (xvin), 5, sont masculins. Il en est autre- 
ment de plusieurs mots féminins qui signifient « chant », 
c'est-à-dire « jeu » des instruments à cordes, comme 
zinirâh, Am., v, 23; negînâh, Is., xxxvui, 20; Lam., v, 
14, ou qinàh, « chant lugubre. » Jer., vu, 29; ix, 9. 
Les deux Psaumes VI et xh seraient à exécuter sur la 
« huitième » mélodie ou la « huitième » qinàh. Les 
chanteurs de David auraient eu à jouer du kinnor sur 
la « huitième » mélodie, pour préluder au chant ou le 
guider. I Par., xv, 21. Mais cette explication devient 
plus conjecturale encore quand on l'applique à ce der- 
nier cas. Le mot qôl, « voix, » son, ton, ne peut être 
sous-entendu avec semînit, à cause de son genre mas- 
culin. — En somme, le sens de l'expression 'aUhas- 
semînît demeure problématique. Sa forme grammaticale 
ne se justifie pas si on l'entend d'un instrument à huit, 
cordes. Il parait plus probable qu'elle désigne un mode 
de chant particulier. H. Lesêtre. 

ODAIA (hébreu : Hôdîyâh, « "Yâh est gloire; » Sep- 
tante : 'ÛSouca), nom de trois Israélites et d'une femme 
dont c'est plutôt le surnom. Voir OdaïaI. Dans II Esd., 
vm, 7, la Vulgate écrit Odia le nom hébreu Hôdîyâh. 

1. ODAIA (hébreu : Hôdîyâh; Septante : f, 'ISouia), 
femme de Méred, de la tribu de Juda. I Par., iv, 19. 
Odaïa signifie probablement « la Juive », c'est-à-dire la 



femme juive de Méred, Judaïa, pour la distinguer de sa 
femme égyptienne. Voir Judaïa, t. ni, col. 1778. 

2. ODAIA (Septante : 'QSousa; omis dans 1 Esd., vin 
et rx, 5), lévite, un de ceux qui firent garder le silence 
au peuple quand Esdras lui fit la lecture de la Loi, qui 
prièrent ensuite à voix haute sur l'estrade, I Esd.y-vm, 
7; rx, 5, et qui signèrent enfin l'alliance entre Dieu et 
Israël sous Néhémie, x, 10. La Vulgate, dans I Esd., vm, 
7, écrit le nom de ce lévite Odia. 

3. ODAÏA (Septante : 'Q&o\>\>.), autre lévite qui signa 
l'alliance entre Dieu et son peuple au temps de Néhé- 
mie. II Esd., x, 13. Certains commentateurs le confon- 
dent avec Odaïa 2. 

4. ODAIA (Septante : 'QSov'ûx), un des chefs du peuple 
qui signèrent l'alliance entre Dieu et Israël au temps de 
Néhémie. II Esd., x, 18. 

ODAREN ou ODARÈS (Septante : 'OSowxppTiv ou 
'OSoaapprjç; Alexandrinus : 'O8o|j.ï|pii), chef d'une tribu 
bédouine qui vivait dans les environs de Bethbessen 
(t. i, col. 1667), dans le désert de Juda, probablement 
non loin de Jéricho. Jonathas Machabée le défit avec sa 
tribu. I Mach., ix, 66. 

ODED (hébreu : 'Ôdèd, « rétablissant; » Septante : 
, nom de deux Israélites. 



1. ODED, père du prophète Azarias qui vivait du temps 
d'Asa et exhorta ce prince à rester fidèle à Dieu qui 
venait de lui faire remporter la victoire contre Zara 
l'Éthiopien. II Par., xv, 1, 8. Voir Azarias 11, t. I, 
col. 1300. 

2. ODED, prophète de Samarie, du temps de Phacée, 
roi d'Israël. Il alla au-devant du vainqueur qui venait 
de faire de nombreux prisonniers en Juda et le déter- 
mina par ses paroles à renvoyer les captifs. Plusieurs 
chefs d'Éphraïm l'appuyèrent; hommes et butin furent 
rendus, les pauvres furent pourvus de tout ce qui leur 
était nécessaire, et les malades et les faibles, ramenés 
sur des chevaux jusqu'à Jéricho. II Par., xxvm, 9-15. 

ODEUR (hébreu : riah, une fois béie'm, Exod., xxx, 
23; riah nihoah, « odeur de suavité; » chaldéen :rîah, 
nîhohîn; Septante : oo^ri, sywSi'a," Vulgate : odor), im- 
pression produite sur l'odorat par les gaz ou les parti- 
cules très subtiles qui se dégagent de certaines sub- 
stances. Le verbe rûah, « respirer, » signifie à l'hiphil 
liêrîah, « sentir l'odeur, » è<7çpp«ivs!î6«i, odore perfrui, 
odorem recipere. 

1° Bonne odeur. — 1. Quand Jacob se présente à 
Isaac avec les vêtements d'Ésaû, le patriarche sent une 
odeur comme celle d'un champ béni de Dieu, c'est-à- 
dire l'odeur de la campagne à travers laquelle Ésaù 
courait sans cesse pour chasser. Gen., xxvn, 27. Voir 
Ésaû, t. ii, col. 1910. — 2. Il y a des objets qui déga- 
gent naturellement une odeur agréable, les parfums, 
Cant, iv, 10; vu, 3; Dan., u, 46; Eccli.,xLix, 1; le baume, 
Eccli., xxiv, 21; le nard, Cant., vu, 11; Joa., xn, 3; 
voir Parfum; les lis, Eccli., xxxix, 19; les fruits, 
Cant., vu, 8; la mandragore, Cant., vu, 13; la vigne, 
Cant., ii, 13; le Liban, célèbre pour la senteur de ses 
cèdres et des autres essences balsamiques. Cant., iv, 11 ; 
Eccli., xxxix, 18; Ose., xiv, 7. Voir Liban, col. 228, — 
3. Une bonne odeur caractérisait particulièrement le 
parfum employé dans le sanctuaire, Exod., xxx, 23; 
Eccli., xlv, 20, et la loi défendait de fabriquer ce par- 
fum pour en respirer l'odeur en dehors des cérémo- 
nies liturgiques. Exod., xxx, 38. — 4. Dans un sens mé- 
taphorique, il est parlé de l'odeur de l'eau, c'est-à-dire de 



1739 



ODEUR 



ODOLLAM 



1740 



son voisinage, Job, xiv, 9, et de l'odeur du feu, c'est-à-dire 
de son atteinte. Jud., xv, 14; xvi, 9; Dan., m, 94. Moab, 
resté toujours dans sa région native, est comparé à un 
vin qui s'est reposé sur sa lie, de sorte que son odeur 
n'a pas changé. Jer., xlviii, 11. — 5. Spirituellement, 
Dieu fait répandre par les apôtres « l'odeur de sa con- 
naissance »; ils sont s la bonne odeur du Christ », 
odeur mortelle pour ceux qui refusent de croire, mais 
odeur de vie pour les autres. II Cor., n, 14-16. 

2° Odeur des sacrifices. — 1. Quand Noé fut sorti de 
l'Arche, il offrit à Dieu des holocaustes d'animaux purs, 
et ce fut pour Jéhovah une « odeur de suavité r>, nah. 
nihoah, ô(jjiirj citoêtaç, odor suavitatis. Gen., vin, 21. 
Il y a là une expression anthropomorphique destinée à 
marquer le bon accueil fait par Dieu au sacrifice, comme 
s'il en éprouvait une jouissance personnelle. Cette 
expression équivaut à celle qui est employée à propos 
des dons d'Abel : yîsa' yehovâh'él-hébél ve'élminb.atô, 
èitetSev ô ©sôç irà "AëcX xal im xoï; Stipoiç aÙToO, res- 
pexit Dominus ad Abel et ad munera ejus, « Jéhovah 
jeta les yeux sur Abel et sur ses dons, » c'est-à-dire les 
considéra avec bienveillance. Gen., iv, 4. Dans le récit 
babylonien du déluge, Samas-napistim raconte comment 



1 — * -fc dSSËz- - — ■£ il -- jL J- x. > -_*^ E _^ _t - 




455. — Le dieu Samas saisit de la main la fumée du sacrifice. 

D'après Heuzey-Sarzet, Découvertes en Chaldée, 

pi. 30 bis, n. 17 bis. 

il offrit aux dieux un sacrifice et une libation après sa 
sortie du vaisseau. Aussitôt, 

Les dieux sentirent l'odeur, 
Les dieux sentirent la bonne odeur, 
Les dieux se réunirent comme des mouches au-dessus du 

[sacrificateur. 

Col., m, 160-162. Cf. Vigouroux, La Bible et les décou- 
vertes modernes, Paris, 1896, t. i, p. 324; Loisy, Les 
mythes babyloniens, Paris, 1901, p. 157. Dans la pensée 
des Chaldéens, les dieux se rassasiaient réellement des 
victimes qu'on leur offrait et vers lesquelles la bonne 
odeur les attirait. Une intaille chaldéenne (fig. 455) 
montre même le dieu Shamash saisissant de la main 
gauche la fumée du sacrifice. Pour rendre les dieux 
aptes à se nourrir, les Chaldéens, comme d'ailleurs les 
Egyptiens, ouvraient solennellement la bouche aux 
statues divines au moment de leur consécration. Cf. 
H. C. Rawlinson, The cuneiform Inscriptions of Wes- 
tern Asia, Londres, t. iv, 1891, pi. xm, n, 1-5; pi. xxv, 
col. m, 15, 16; Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, t. i, 1895, p. 680; Lagrange, 
Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 266. 
La prohibition faite aux Hébreux de sculpter des images, 
Exod., xx, 4, écartait pour eux le danger de céder à une 
tentation aussi grossière. L'esprit de la Loi était radi- 
calement opposé à une pareille conception, et Asaph 
pourra dire plus tard au nom de Dieu : 

Si j'avais faim,' je ne te le dirais pas. 
Car le monde est à moi avec tout ce qu'il contient. 
Est-ce que je mange la chair des taureaux? 
Est-ce que je bois le sang des boucs? 

Ps. l (xlix), 12, 13. 



2. C'est donc dans un sens purement métaphorique 
qu'il faut entendre cette « odeur de suavité », qui est 
attribuée avec instance aux sacrifices lévitiques. 
Exod., xxix, 18, 25, 41; Lev., i, 9, 13, 17; h, 2, 9, 12; 
m, 5, 16; iv, 31; vi, 15, 21; vm, 21, 28; xvii, 6; xxm, 
13, 18; xxvi, 31; Num., xv, 3, 7, 10, 24; xviii, 17; 
xxviii, 2, 6, 8, 13, 24, 27; xxix, 2, 8, 13, 36; I Esd., VI, 
10. — 3. L'« odeur de suavité » est également attribuée 
aux parfums et aux autres offrandes faites au sanctuaire, 
I Reg., xxvi, 19; Eccli., xlv, 20; l, 17; à l'offrande du 
juste, Eccli., xxxv, 8; au sacrifice spirituel, Eph., v, 2> 
et même à l'offrande faite à un ministre de Dieu. 
Phil., iv, 18. Dieu déclare aux Israélites que, s'ils de- 
viennent infidèles, il ne respirera plus l'odeur de leurs 
parfums. Lev., xxvi, 31. — 4. Ézéchiel, vi, 13; xvi, 19, 
parle d'offrandes qui sont d'agréable odeur pour les 
idoles, c'est-à-dire qui sont de nature à plaire aux esprits 
mauvais qui reçoivent le culte idolâtrique. 

3° Mauvaise odeur. — Elle se nomme en hébreu 
be'os et saftânâh, ce que les versions rendent par 
Ppîiu,o;, o-crapia, fœtor, putredo. — 1. La manne se 
corrompait et devenait infecte le lendemain du jour où 
on l'avait recueillie, excepté cependant le jour du sab- 
bat où celle de la veille se conservait. Exod., xvi, 24. 
Pour les filles de Sion idolâtres, la mauvaise odeur 
remplacera un jour le parfum. Is., ut, 24. Une mouche 
morte suffit à rendre infect un parfum. Eccle., x, 1. 
Certaines blessures répandent l'infection. Ps. xxxvm 
(xxxvn), 6. Quand Antiochus fut rongé par les vers, 
voir Helminthiase, t. m, col. 585, il exhalait une si 
violente odeur de pourriture que toute son armée en 
était incommodée. II Mach., ix, 9, 10, 12. — 2. L'odeur 
qui se dégage des cadavres humains est particulière- 
ment désagréable. Cette infection s'élèvera des corps des 
ennemis vaincus, Joël, u, 20; Is.,xxxiv, 3, et même du 
camp d'Israël devenu infidèle et maudit. Am., iv, 10. La 
mauvaise odeur s'échappait du tombeau de Lazare, le 
quatrième jour après sa mort. Joa., xi, 39. 

H. Lesêtre. 

ODIA, orthographe, dans ia Vulgate, II Esd., vin, 7, 
du nom du lévite qui est écrit ailleurs dans le même 
livre Odaïa. Voir Odaïa. 2, col. 1738. 

ODOIA (hébreu : Hôdavyah, « louange de Yâh; » 
Septante : 'Û-Sovfoc), un des chefs de la demi-tribu de 
Manassé à l'est du Jourdain. D'après quelques commen- 
tateurs, il aurait vécu, de même que les autres chefs 
nommés avec lui, I Par., v, 24, à l'époque ou PhulrThel- 
gathphalnasar, c'est-à-dire Théglathphalasar III, roi de 
Ninive, emmena les tribus transjordaniennes en capti- 
vité, f. 26, mais cela n'est pas certain. — Deux autres 
Israélites, appelés aussi en hébreu Hôdaviyâh, portent, 
dans la Vulgate, les noms de Odui'a, I Par., ix, 7, et 
d'Odovia, I Esd., n, 40. Ce dernier porte aussi le nom 
d'Oduïa dans II Esd., vu, 43. Enfin, un des descendants 
de Zorobabel, dont le nom est écrit en hébreu Hâdaye- 
ydhû, est appelé également dans la Vulgate Oduïa. 
1 Par., m, 24. 

ODOLLAM (hébreu : 'Adulldm ; Septante : 'Ogo>.- 
Àau.), nom d'une ville et d'une caverne de Palestine. 

4. ODOLLAM, ville de la tribu de Juda. Son nom est 
écrit Adullam dans Josué, xv, 35, et Odullam dans 
Josué, xii, 15. 

1° Site. — Le site n'est pas certain. On le place com- 
munément aujourd'hui à 'ld-el-Miyé ou 'Aid-el-Mà, 
ruines situées au nord-est de Beit-Djibrin, l'ancienne 
Éleuthéropolis. Eusèbe et saint Jérôme disent, Ono- 
mastic, édit. Larso-w et Parthey, 1862, p. 176, 177, 
qu'Odollam était de leur Jemps un grand village à dix 
milles ou quinze kilomètres d'après Eusèbe, douze milles, 
d'après saint Jérôme, à l'est d'Éleutliéropolis, par con_ 



1741 



ODOLLAM 



1742 



séquent sur le versant des montagnes de Juda du côté 
de la plaine des Philistins. Le livre de Josué, xv, 35; 
cf. II Esd., xi, 30, le place dans la Séphéla, entre Jéri- 
moth d'une part, Socho et Azéca de l'autre. Odollam était 
voisin de Kézib ou Achazib, Gen., xxxvm, 5 (hébreu) 
{voir Achazib 2, t, i,col. 136-137; Kezib, t. m, col. 1890), 
située plus bas que Thamna, Gen., xxxvm, 12, dans le 
voisinage de Marésa. II Par., xi, 7; Mich., i, 15; 
II Mach., m, 38; cf. 35; Josèphe, Ant. jud., VIII, x,l. 
1. M. Clermont-Ganneau identifie Odollam avec 
Khirbet 'ld-el-Miyé ou 'Aid-el-Miàh ou Miyé, à une 
heure au sud de Schuûkéh, dans la partie supérieure 
de l'ouradi es-Sûr. Voir la carte de Juda. Il y a là des 
grottes qui sont encore aujourd'hui habitées. Clermont- 
Ganneau, L'emplacement de la ville d'Adoullam, 
dans la Revue archéologique, nouv. sér., t. xxx, 1875. 



assez grande surface, dit M. Clermont-Ganneau, dans la 
Revue archéologique, t. xxx, 1875, p. 241, autant que 
j'en puis juger à travers les hautes herbes où elles sont 
noyées; il y a un grand puits entouré d'auges nom- 
breuses ou l'on vient abreuver les troupeaux. Le lieu 
est absolument inhabité, sauf dans la saison des pluies, 
où les pâtres viennent s'y réfugier. » 

2° Histoire. — Odollam était une ville royale chana- 
néenne, avant la conquête de la Palestine par Josué. Ja- 
cob et sa famille avaient fréquenté ces parages ; c'est là 
que* Juda avait épousé la fille de Sué, Gen., xxxvm, 1-2, 
et elle devint une des possessions de ses descendants, 
Jos.,xv, 35, lorsque, à l'époque de l'invasion de )a Terre 
Promise, son roi eut été vaincu par les Hébreux. Jos., 
XII, 15. Il n'est plus question d'elle qu'à l'époque de la 
persécution de David par Saûl. Le vainqueur de Goliath 




456. — Khirbet 'Aid el-Miah, D'après une photographie du Palestine Exploration Fund. 



p. 231-245; m e série, t. xxvn, sept.-oct. 1895, p. 262. 
V. Guérin, Judée, t. ni, p. 338-339, n'a pas identifié 
Odollam, mais il donne une description des ruines 
du Khirbet 'Aïd el-Miâh ; « Une soixantaine d'habita- 
tions renversées formaient dans l'oued un village qui 
existait encore à l'époque musulmane, car on y observe 
les restes d'une mosquée. Dans l'antiquité, les ruines 
qui couvrent le plateau de la colline du Cheikh Mad- 
kour et celles qui s'étendent dans la vallée constituaient 
probablement une seule et même ville divisée en deux 
quartiers, la partie haute et la partie basse. Près du 
Khirbet 'Aïd el-Miâh s'élève, au milieu de Voued, un 
superbe térébinthe, dont le tronc mesure au moins 
cinq mètres de circonférence » (fig. 456). Le village était 
au pied et sur le plateau d'une colline raide et presque 
isolée, dont les pentes sont aujourd'hui disposées en 
terrasses. La colline est entourée au nord et à l'ouest 
par une étroite vallée qui débouche à l'est en une val- 
lée large. La colline s'élève de 3 à 400 pieds au-dessus 
de la vallée. La position est très forte, n'étant rattachée 
à la chaîne des collines environnantes que par un col 
étroit. Les ruines du vDlage, «t comme la plupart de 
celles des antiques cités de Palestine, n'ont pas de ca- 
ractère bien déterminé, mais paraissent occuper une 



se réfugia dans une caverne du voisinage, voir Adul- 
lam 2, pour échapper à son ennemi. — Son petit-fils, 
le roi Roboam, fortifia Odollam, lorsqu'il voulut mettre 
la partie méridionale de son royaume en état de défense 
contre les attaques des pharaons d'Egypte. II Par., xi, 
7. — Michée, i, 15, prédit que la gloire d'Israël, c'est-à- 
dire ses princes et ses chefs, iront à Odollam, seront 
obligés d'y fuir et de s'y cacher pour ne pas tomber 
entre les mains de leurs ennemis. — Le nom de cette ville 
ne reparaît plus qu'après la captivité de Babylone. 
Parmi les descendants de Juda qui revinrent en Pales- 
tine, quelques-uns, sans doute les fils de ses anciens 
"habitants, établirent leur résidence à Odollam. II Esd., 
xi, 30. — Cette ville est mentionnée pour la dernière fois 
dans l'Écriture pendant les guerres de Judas Machabée 
contre les Syriens. Après avoir battu les troupes de 
Gorgias, dans les environs de Marésa (164 avant J.-C), 
le général juif alla à Odollam où il célébra le sabbat 
avec son armée. II Mach., xn, 38. Voir Judas Machabée, 
t. m, col. 1795-1796. — Un ami de Juda, fils de Jacob, 
qui s'appelait Hiras, était de la ville d'Odollam. Voir 
Hihas, t. m, col. 717. Les Septante et la Vulgate font 
de lui le « berger » 'de Juda, au lieu de son « ami ». 
Gen., xxxvm, 1, 12, 20. P. Viêouroux. 



1743 



ODOLLAM (CAVERNE D') 



1744 



2. ODOLLAM (CAVERNE D'), caverne dans laquelle 
se réfugia David, pendant la persécutiou de Saiil. 
Lorsque le vainqueur de Goliath fut sérieusement me- 
nacé par le roi jaloux, il se réfugia à la cour d'Achis, 
roi philistin de Geth, pour sauver sa vie. Là il courut 
de nouveaux dangers, auxquels il n'échappa qu'en 
simulant la folie. Il se hâta de chercher un asile ailleurs 
et il alla se cachar dans la caverne d'Odollam, où ses 
frères, la maison de son père et quatre cents partisans 
vinrent le rejoindre. I Reg.,xxn,l-2;cf.IIReg., xxni,13. 
On peut supposer, d'après ces détails, que la caverne 
n'était pas très éloignée de Geth et de Bethléhem. La 
proximité de cette dernière ville résulte plus clairement 
encore de l'épisode rapporté, I Par., XI, 15-19. Pendant 



rochers de Kkareiloun le site de la ville d'Odollam. Voir 
V. Guérin, Judée, t. m, p. 136-137; Liévin de Hamme, 
Guide-indicateur de Terre Sainte, 4= édit., 1897, t. n, 
p. 83-84. Quelques-uns, il est vrai, ont essayé de dis- 
tinguer la ville et la caverne et d'en faire deux localités 
situées à une grande distance l'une de l'autre. Cette 
séparation violente est contraire au texte sacré. Josèphe, 
Aut. jud., VI, xil, 3, dit expressément que « la caverne 
était près de la ville d'Odollam », Iv ta itpb; 'ABoiiXXâiji.?) 
itôXet <T7ueXaiw. C'est la ville qui donnait son nom à la 
caverne et la caverne où s'était réfugiée David est près 
d"Aïd-el-Mâ. Il y a là dans la colline des grottes habi- 
tables. Le F. Liévin les a trouvées occupées « par des 
familles entières avec des ehamenux et d'autres bêtes 




4"57. — Ouadi Khareitoun, d'après une photographie. 



que David était à Odollam, ayant exprimé un jour le 
désir de boire de l'eau de la citerne située à la porte 
de Bethléhem, trois de ses braves allèrent lui en cher- 
cher en passant à travers le camp des Philistins. La 
distance ne devait donc pas être extrêmement considé- 
rable, quoique leur acte soit cité comme un grand 
exploit. 

C'est sans doute à cause de cette circonstance que 
l'on a souvent placé la caverne d'Odollam à Mogaret 
Khareitoun (fig. 457), à huit kilomètres environ à l'est 
de Bethléhem. Voir Cavernes, iv, 2», t. h, col. 356. 
Guillaume de Tyr, Hist. rerum transmarin., xv, 6, 
t. CCI, col. 617, paraît être le premier auteur de cette 
identification qui a été acceptée jusqu'à ces derniers 
temps par un grand nombre de commentateurs et de 
/voyageurs. Ils ont cru que le voisinage de Bethléhem et 
les dimensions considérables de la caverne qui a 220 mè- 
fres de long, sept salles, dont l'une mesure 23 mètres 
sur 11 en moyenne, et deux entrées, sont des raisons 
décisives pour placer là l'asile de David et de ses parti- 
sans. Mais il est impossible de découvrir au milieu des 



de somme » à qui elles servent de demeure. Guide- 
indicateur de Terre Sainte, 4 e édit., 1897, t. n, p. 84. 
Une caverne de grandeur moyenne, est sur le côté sep- 
tentrional de la colline; à l'ouest, on remarque toute 
une série de grottes sur les flancs de l'étroite vallée. 
« Il est facile, dit Clermont-Ganneau, Revue archéolo- 
gique, t. xxx, 1875, p. 242, de loger dans ces vastes 
cavernes David et ses sauvages compagnons; de là on 
domine et l'on commande à une grande distance les 
plaines et les vallées d'alentour; les ghazzias une fois 
opérées, on pouvait trouver dans cette forteresse natu- 
relle une retraite sûre et commode, » Cf. Conder, Tent 
Work in Palestine, 1878, t. n, p. 158-159; F. Buhl, 
Géographie des alten Palàstina, 1896, p. 193. 

Aïd el-Midh est à environ quatre heures ouest-sud-ouest 
de Bethléhem. C'est une distance considérable pour 
aller y chercher de l'eau, comme le firent les trois 
braves de David. Mais leur action est citée comme un 
exploit, précisément parce qu'elle fut extraordinaire, à 
cause de l'intrépidité avec laquelle ils traversèrent le 
camp des Philistins et aussi à cause de la distance. Quand 



1745 



ODOLLAM (CAVERNE D') — ŒCOLAMPADE 



1746 



David s'était écrié : « Qui me donnera à boire de l'eau 
de la citerne qui est à la porte de Bethléhem? » II Reg., 
xxni, 15, il avait dû penser qu'il exprimait un de ces 
désirs irréalisables dont on croit l'accomplissement 
impossible, et lorsqu'il vit qu'on l'avait pris au mot, il 
ne voulut point boire et offrit l'eau à Dieu en libation 
à cause du danger auquel s'étaient exposés pour lui ses 
trois héros et de la fatigue qu'ils avaient endurée; il re- 
fusa de s; boire le sang de ses guerriers ». 

Tant qu'on a placé la caverne d'OdolIam à Kharei- 
toun, beaucoup d'interprètes ont pensé que c'était là 
que s'était passé l'épisode raconté dans I Reg., xxiv, 
1-8, lorsque Saûl, s'arrêtant à l'entrée de la caverne où 
était couché David, eut la vie sauve grâce à la généro- 
sité de celui qu'il voulait faire périr. Ce qui vientd'être 
dit montre que cette identification est fausse; la dif- 
ficulté d'accès de Khareitoun suffit d'ailleurs à le 
montrer. Liévin, Guide, t. Il, p. 81-82. Au surplus, le 
texte sacré ne place pas la scène à Odollam, mais du 
côté d'Engaddi. I Reg., xxiv, 1. « Les Bédouins de la 
contrée et quelques Bethlémitains, dit Liévin, ibid., 




r~ 



458. — Plan de la caverne de Khareitoun. 
D'après 0. Fraas, Ans dem Orient, Stuttgart, 1867, p. 80. 

p. 82, montrent la grotte de Saûl, qu'ils appellent Mo- 
ghâret-ChaouI, à Oum et-Talâa (la mère de la Montée), 
point culminant qui se trouve du côté de l'Orient, à une 
heure 35 minutes de Bethléhem , Il y a là des citernes, 
des grottes, des parcs de brebis et quelques ruines, pro- 
bablement celles d'une forteresse... Il n'y avait là aucun 
village... On (y) voit encore aujourd'hui des parcs (de 
brebis, I Reg., xxiv, 4) et des grottes, » et elle est sur le 
chemin d'Engaddi, que David avait dû quitter lorsqu'il 
avait appris que son ennemi l'y poursuivait. Quoi qu'il 
en soit de la véritable position de la caverne où entra 
Saûl, ce n'est certainement pas celle d'Odollam. 

F. VlG0UROUX. v 

ODOLLAMITE (hébreu : 'Adullâmi; hâ-Âdul- 
làmî; 'OSoXXa\Li-cr\i), habitant d'Odollam, ou originaire 
de cette ville. Gen., xxxvm, 1, 12, 20. Hiras, ami de 
Juda, fils de Jacob, était Odollam ite. Voir Hiras, t. m, 
col. 719. 

ODON d'Asti, moine bénédictin en Piémont, vivait 
vers l'an 1120. Il est auteur d'un commentaire sur les 
Psaumes, Expositio in Psalmos, publié d'abord parmi les/ 
œuvres de Brunon, évêque d'Asti, auquel il est dédié. D 
se trouve au t. CLXV (col. 1141) de la Patrologie latine 
de Migue. Clair et précis, ce commentaire s'arrête après 
le cx e Psaume. — Voir dom Ceillier, Hist. générale des 
auteurs ecclésiastiques, t. xxi (1757), p. HO; Ziegelbauer, 
Hist. rei lit. Ord. S. Benedicti, t. i, p. 60; t. iv, p. 35, 
83; Fabricius, Biblioth. lalina medix setatis, t. v (1858), 
p. 147. B. Heurtebize. 

ODOVIA (hébreu : Hôdavyàh [voir OdoïaI ; Sep- 
tante : 'QSouta), lévite dont les descendants, au nombre 



de soixante-quatorze, revinrent de Babylone en Pales- 
tine avec Zorobabel. I Esd., h, 40; II Esd., vil, 44. Dans 
ce dernier passage, la forme hébraïque de son nom est 
contractée en Hodvàh (chethib), Hodyâh (kerî) (Sep- 
tante : OûSoina; Vuigate, Oduia). Le Juda de I Esd., 
m, 9, peut être le même qu'Odovia, sous une forme- 
altérée, parce qu'il est nommé avec les mêmes per- 
sonnes dans I Esd., n, 40; II Esd., vii, 43. Voir Juda 2 t 
t. ni, col. 1756. 

ODUÏA, nom dans la Vuigate de trois Israélites. Sur- 
ce nom, voir Odoïa. 

1. ODUÏA (hébreu : Hôdavyàh; Septante : 'QSoyfa), 
fils d'Adana et père de Mosollam, de la tribu de Benja- 
min. Un de ses descendants, Salo, habita Jérusalem au 
retour de la captivité. I Par., ix, 7; cf. f. 3. 

2. ODUIA (hébreu : Hôdayevdhù [chethib], Hôda- 
vyâhû [keri] ; Ssptante : 'OSoXia ; Alexandrinus : 
'Q8ou'ia), fils aîné de'Élioénaï, descendant de Zorobabel. 

I Par., m, 24. 

3. ODUIA, forme, dans II Esd., vu, 44, du nom qui 
est écrit ailleurs Odovia. Voir Odovia. 

ODULLAM, orthographe dans la Vuigate, Jos., xii, 
15, du nom de la ville de Juda qui est appelée ailleurs 
Odollam. Voir Odollam, col. 1740. 

ŒCOLAMPADE Jean, théologien allemand, l'un 
des fondateurs du protestantisme, né en 1842 à Weins- 
berg, petite ville qui appartenait au Palatinat, mort le 
24 novembre 1531, à Bâle. Son vrai nom, dont on n'a 
pas pu fixer l'orthographe avec certitude (peut-être Huss- 
gen ou Heussgen), fut transformé en Hausschein par 
ses amis, désireux de lui donner un sens [lumière de 
la maison) qui fut facile à ti*aduire en grec, suivant la 
coutume de l'époque. Il fit ses études d'abord dans sa 
ville natale, puis à Heilbronn, à Bologne et àHeidelberg. 

II prit en octobre 1503 le grade de maître es arts, et peu 
après l'électeur palatin Philippe lui confia l'éducation 
de ses enfants. Après avoir été ordonné prêtre, il revint 
à Weinsberg, où ses parents lui procurèrent une pré- 
bende. Mais désirant ardemment poursuivre l'étude de 
l'hébreu et du grec, il se rendit d'abord à Stuttgart, où 
il fut accueilli par J. Reuchlin, puis à Tubingue, où il fit 
la connaissance de Mélanchthon. En 1515, l'évêque de 
Bàle, Christophe von Utenheim, l'appela dans cette 
ville comme prédicateur : c'est là qu'il fréquenta 
Érasme, et que, grâce à sa connaissance de l'hébreu, 
il put l'aider de ses conseils dans la composition de ses 
commentaires du Nouveau Testament; c'est là aussi 
qu'il prit ses grades en théologie, de 1515 à 1518. Cette 
année même, il fut nommé prédicateur de la cathédrale 
d'Augsbourg. C'est dans cette ville qu'il commença à 
être troublé par les idées des réformateurs, et même à 
défendre les doctrines de Luther dans quelques polé- 
miques auxquelles il prit part, entre autres avec le do- 
minicain Jean Eck. Il hésita néanmoins quelque temps 
avant de se décider tout à fait. Il eut même un retour 
•vers le catholicisme, pendant lequel il entra au couvent 
d'Altenmunster, de l'ordre de Sainte-Brigitte (23 avril 
1520). D'abord heureux dans la paix du cloître, il ne tarda 
pas à être sollicité de nouveau par les luttes extérieures. 
Il publia -divers écrits fort peu orthodoxes (pour la dé- 
fense de Luther, sur le culte de la sainte Vierge, sur 
l'eucharistie, sur la confession), qui faillirent compro- 
mettre l'ordre dont il faisait partie. Enfin, à l'occasion 
d'une maladie grave qui lui rendit les austérités impos- 
sibles, il quitta le monastère, avec la permission de ses 
supérieurs, en février 1522. Dès lors, il mena une vie 
agitée. En novembre 1522, il arriva à Bâle. Là il s'em- 



1747 



ŒCOLAMPADE — ŒIL 



1748 



ploya activement à faire triompher la réforme. Œco- 
lampade se maria dans cette ville, et fut placé à la 
tête de l'église réformée, qu'il organisa, de concert avec 
le conseil de la ville. C'est là qu'il mourut quelques 
semaines plus tard. — Ses écrits sont nombreux; nous 
ne citerons que ses commentaires de la Bible : Dema- 
goriee, id est conciones 21 in Epist. Joannis I, Bâle, 
1524; Theophylacti in IV Evangelia enarrationes, ex 
grœco in latinum versée, in-f°, Bâle, 1524 et 1531; Co- 
logne, 1541; Commentarii in Esaiam, Jeremiam et 
hzechielem, in-4», Bâle, 1525; Cologne, 1525; Bâle, 
1548; in-f», Genève, 1558; Annotationes in Epistolam 
ad Romanos, in-8°, Bâle, 1526; Annotationes in Epi- 
stolam Joannis I, in-8». Bâle, 1524; Nuremberg, 1524; 
Bâle, 1525; Theophylacti commentarii in IV Evan~ 
gelia, Œcolampadio interprète, in-f», Bâle, 1525; Co- 
logne, 1528; Annotationes in postremos III pro- 
phetas, Haggœum, Zackariam et Malachiam, Bâle, 
1527; Genève, 1578; Commentariorum in Danielem I, 
11, in-4», Bâle, 1530; id. cum exeg. in Jobum,in-{°, 
Genève, 1567; Exegemata in Jobum, in-4 ^ Bâle, 1532; 
Annotationes in Evangelium Joannis, in-8», Bâle, 1533 
et 1585; Commentarii in Jeremia, I, 3, et enarra- 
tiones in Threnos Jeremiee, in-4», Strasbourg, 1533; 
Commentarii in Ezechielem, in-4°, Strasbourg, 1534; 
Explanatio in Epistolam ad Hebrseos, in-8°, Stras- 
bourg, 1534; Annotationes in Hoseeam, Joelem, 
Amos, Abdiam et 2 capita Michxee, in-8», Strasbourg, 
1535; Genève, 1578; Annotationes in Genesin, in-8", 
Bâle, 1536; Enarrationes in Evangelium Malthsei cum 
concionïbus popularibus in aliquol loca Novi Testa- 
menli, in-8°, Bâle, 1536; Commentarii in Jobum, 
Danielem, Hoseam, Joelem, in-f», Genève, 1553 et 1555; 
Commentarii in Esaiam, Jeremise Threnos et Eze- 
chielem, in-f 1 , Genève, 1558; Hypomnemala in J 'esaiam 
prophetam, in-4», Bâle, 1548. A. Régnier. 

ŒCUMENIUSi théologien byzantin, dont la vie est 
à peu près inconnue, était, d'après Montfaucon, évêque 
de Tricca en Thessalie, et vécut vers la fin du x» siècle. 
On a sous son nom des commentaires des Actes des 
Apôtres, des Épitres de saint Paul et des Épîtres catho- 
liques. Ces commentaires, qui ne sont pas seulement 
une compilation d'un grand nombre de Pères grecs, 
mais qui contiennent de plus des remarques personnelles 
intéressantes, ont été imprimés pour la première fois à 
Vérone (in-f°, 1532), en même temps que le commentaire 
<le l'Apocalypse de saint Jean par Aréihas. Parmi les 
éditions suivantes, on peut citer celle de Frédéric 
Morel (2 in-f», Paris, 1631) et celle de Migne (2 in-4», 
Paris, 1864; t. cxvm-cxix de la Patrologie grecque). 

A. Régnier. 

OEDER, Georg Ludwig, exégète protestant, rationa- 
liste mitigé, né à Schopiloch près Dinkelsbùhl, le 28jan- 
vierl694, mort le 24 avril 1760. II étudia à Iéna (depuis 
1712). Après y avoir été reçu magister .en théologie 
(1714), il aida d'abord dans le ministère son vieux père 
qui était pasteur protestant à Schopfloch. G. Ludw. 
Oeder fut ensuite nommé professeur au gymnase de 
Heilbronn. Il passa en la même qualité à Ansbach, où 
il devint directeur du gymnase en 1730. En 1737 il 
rentra dans le ministère comme pasteur de Feuchtwan- 
gen. 

Ses écrits sont très nombreux, quoique peu considéra- 
bles. Voici ceux qui regardent les Saintes Écritures : 
Disputalio de lege sub Christi adventum cessante (sur 
Cal., 111,19 et 20), m-i°,\éna,iH5; DisputatiodeBiteamo 
veniam eundi non obtinente ad Num., xxu, 20, in-4°, 
Iéna, 1715. — Ces deux écrits, il les réédita dans les 
Observationes sacrée ad varia eague difficiliora Scrip- 
turse Sacrée loca, in-8» (deux parties), Iéna, 1715-1716. 
— De latronibus absgue miraculis hvmi procumben- 
tibus, dans les Miscellati. Lipsiens, Leipzig, 1721, t. x. 



— De loco sacro, ibidem, t. xn, 1723. Ces deux dis- 
sertations et tous les écrits mentionnés ci-dessus, il les 
réédita de nouveau dans son Syntagma Observationum 
sacrarum, in-8», Ansbach, 1729. — Programma de pane 
Angelorum ad Psalm. xxxvm, 25, Ansbach, 1731. Ce 
Progr. forma plus tard le n° 88 de ses Conjecturée. — 
De scopo evangelii Johannis adversus Lampium, in- 
8», Leipzig, 1732. — Conjecturarum de difficilioribus 
Sacrée Scripturx locis centuria, in-8», Leipzig, 1733. — 
Vorrede eines ungenannten Verfassers von dem Wer- 
theimischen Bûche so unter dem-Titel : Der gôttlichen 
Schrifften vor den Zeiten des Messise Jésus, heraus- 
kommen mit nôthigen Anmerkungen begleitet von 
Sincero Pistophilo, in-4», Schwobach et Leipzig, 1736. 

— Disputatio de raptu non Pauli Apostoli, sed 
alterius cuiusdam in paradisum et de palo carni data, 
ad II Cor., xu, 1, 9, in-4», ibid., 1737. — Sinceri Pis- 
tophili neue und grttndliche Erlàuterungen schiverer 
Stellen heil. Schrift Francfort et Leipzig (parut en réalité 
à Ansbach), 1735 et suiv. — Dissertatio desensu mystiço 
Scripturx Sacrée forme un appendice aux Conjecturée. 

— Observalio exegetico-critica de tempore et loco 
scriptarum Epistolarum Pauli Apostoli ad Philip- 
penses et Corinthios (se trouve dans ses Conjecturée). 

— Gedancken vom letzten Oster-Feste Christi; — Er- 
klârung des 53. Capitels Esaim wider den Socinianer 
Eschrich.... et d'autres dissertations qui ont toutes 
paru dans les Programmes du gymnase d 'Ansbach. ~ 
Ce fut surtout sa Freie Vntersuchung ûber einige Bû- 
cher des Allen Testaments, qui fit sensation. Ce livre, 
composé en 1756, n'a été édité qu'en 1771 par G. I. L. 
Vogel. Cf. Michaelis, Orientalische und exegelische Bi- 
bliothek, t. il, p. 44; t. h, 1-58; t. vi, 24-154. — Voir 
Grosses, Vollstândiges Universallexicon, Leipzig et 
Halle, 1740, t. xxv, col. 539-543.. — A llgemeine deutsche 
Biographie, Leipzig, t. xxiv, 1887, p. 147. — Rosen- 
mûller, Handbuch fur die Literatur der biblischen 
Kritik und Exégèse, 4 in-8», Gœttingue, 1797-1800, t. i, 
p. 109-111. M. Bihl. 

ŒIL (hébreu : 'ayîn; Septante : àqp6aX[xôç; Vulgate : 
oculus). organe de la vue. Le mot 'ayin, qui désigne 
l'oeil dans toutes les langues sémitiques, est aussi le 
nom de la lettre y, aïn, qui avait la forme d'un œil dans 
les anciens alphabets. Voir Alphabet, t. i, col. 406-414. 

I. Dans le sens propre. — 1» C'est Dieu qui a formé 
l'œil. Ps. xciv (xcin), 9; Prov., xx, 12. Les yeux voient 
les choses extérieures et permettent au corps, dont ils 
sont le flambeau, Matth., vi, 22; Luc, xi, 34, de se 
diriger. On loue la beauté des yeux, comme ceux de 
David, I Reg.,xvi, 12, ou ceux de l'Épouse. Cant.,iVj 1. 
Ceux du crocodile sont comparés aux paupières de 
l'aurore, Job, xli, 9, c'est-à-dire aux rayons lumineux 
qui annoncent le lever du soleil. Le soleil lui-même 
éblouit les yeux. Eccli., xliii, 4. Les yeux pleurent. 
Job., xvi, 21; Lam., i, 16; m, 48; Ps. exix (cxvm), 136; 
Jer., IX, 1, 18, etc. La fumée les incommode, Prov., 
x, 26; le sommeil les appesantit, Matth., xxvi, 43; 
Marc, xiv, 40, mais aussi les fuit quelquefois. I Mach., 
vi, 10, etc. Le chagrin les voile, Job, xvn, 7, et les 
consume, Ps. vi, 8; le bien-êlre les illumine. I Reg., 
xiv, 27, 29. Les idoles ont des yeux qui ne voient pas, 
Ps. exiv (cxui), 5; cxxxv (cxxxiv), 16; Sap., xv, 15, et 
que la poussière remplit impunément. Bar., vi, 16. 
Les femmes mettaient du fard à leurs yeux. IV Reg., 
ix, 30; Jer., iv, 30; Ezech., xxm, 40. On recouvrait les 
yeux d'un bandeau pour les empêcher de voir. III Reg., 
xx, 38. — 2» Les yeux peuvent subir divers accidents. 
Ils sont quelquefois malades, Gen., xxix, 17; Lev., 
xxi, 20; xxvi, 16, et cette maladie peut avoir le carac- 
tère du châtiment. Deùt., xxvm, 65. La vieillesse les 
obscurcit ou les éteint, Gen., xxvii, 1; xlvhi, 10; 
I Reg., m, 2; iv, 15; III Reg., xiv, 4; Eccle., xu, 3, 



1749 



ŒIL 



1750 



infirmité qui fut épargnée à Moïse. Deut., xxxiv, 7. 
Quand une personne est morte, on lui passe la main 
sur les yeux pour les fermer. Gen., xlvi, 4; Tob., xrv, 
-15. Tobie perdit la vue par accident, puis la recouvra 
miraculeusement. Tob., h, 11; vi, 9; xi, 8-15. Isaïe, 
xxxv, 5; xlii, 7, avait annoncé qu'au temps du Messie 
les yeux des aveugles seraient ouverts. Notre-Seigneur 
accomplit la prophétie non seulement spirituellement, 
en éclairant les âmes, mais aussi physiquement, en 
touchant les yeux des aveugles pour les guérir. Matth., 
ix, 29, 30; xx, 34; Marc, vin, 23, 25; Joa., ix, 6. Quand 
l'œil est frappé, il pleure. Eccli., xxii, 24. Celui qui, 
par un coup, faisait perdre l'œil à son esclave, lui 
devait accorder la liberté en compensation. Exod., Xxi, 
26. Les Philistins arrachèrent les yeux à Samson. Jud., 
xvi, 21. Naas l'Ammonite voulait crever l'oeil droit à 
chacun des habitants de Jabès. I Reg., xi, 2; cf. Zach., 
xi, 17. Les Chaldéens crevèrent les yeux du roi Sédécias. 
IV Reg., xxv, 7; Jer., xxxix, 7; lu, 11. Voir 1. 1,%. 158, col. 
637. Les corbeaux crèveront l'œil de l'enfant révolté contre 
ses parents. Prov., xxx, 17. Voir Corbeau, t. n, col. 960. 
— 3° « Lever les yeux » est une expression qui revient 



des choses. Le serpent promet à Eve que, si elle et 
Adam mangent du fruit, ils auront les yeux ouverts et 
connaîtront le bien et le mal. Gen., m, 5, 7. Ouvrir 
les yeux à quelqu'un, c'est attirer son attention sur une 
chose importante, Gen., xxi, 19; Num., xxii, 31; xxiv, 
3, 4; IV Reg., vi, 20; Luc, xxiv, 31, etc. ; et en parti- 
culier le convertir à la vraie foi, Act, xxvi, 18. Des 
yeux qui voient sont la même chose qu'un cœur qui 
comprend. Deut., xxix, 4. Les yeux du cœur sont la 
conscience. Eph., i, 18. Le voile mis sur les yeux est 
l'obstacle à l'intelligence des choses. Gen., xx, 16; 
Ezech., xn, 12; II Cor., ni, 13-16. Rendre quelqu'un 
aveugle, c'est l'empêcher de porter son attention sur 
ce qu'il devrait connaître. Num., xvi, 14; Lev., xxiv, 
16. Les présents aveuglent les yeux des sages. Deut., 
xvi, 19; Eccli., xx, 31. Détourner les yeux d'une chose 
équivaut à vouloir l'ignorer. Deut., xv, 9; Ps. cxix 
(cxvm), 37; Cant-, vi, 4; Eccli., IV, 5; xxvn, 1, etc. 
Dieu lui-même, dans sa justice, intervient pour fermer 
les yeux de ceux qui, par leur faute, ne veulent pas 
connaître la vérité. Is., vi, 10; xxix, 10; Matth., xm, 
15; Joa., xli, 40; Act.,xxvm, 27; Rom., xi, 8,10. — L'œil 




459. — Yeux divins au-dessus des tombeaux. D'après Rosellini, Monumenti civili, pi. cxxix. 



très fréquemment pour signifier « regarder » un spec- 
tacle qui a une certaine étendue. Gen,, xm, 10; Exod., 
xiv, 10; Is., lx, 4; Jer., m, 2; Ezech., vm, 5; Dan., 
vin, 3; Zach., i, 18; Matth., xvn, 8; Luc, vi, 20; Joa., 
IV, 35, etc. On lève aussi les yeux pour prier. Dan., iv, 
31; Luc, xvi, 23; xvm, 13; Joa., xi, 41; xvn, 1, etc. 
« Voir de ses yeux, » c'est être spectateur direct d'une 
chose, qu'on se rappellera ensuite et dont on sera un 
témoin irrécusable. Deut., m, 21; iv, 34; XXI, 7; 
IV Reg., vu, 2, 19; Job, xix, 27; xxix, 11; Eccli., li, 
35; Is., xxx, 20; Mal., î, 5; Matth., xm, 16; Luc, h, 30; 
Gai., m, 1; I Joa., î, 1, etc. Job, xix, 27, a la certitude 
qu'un jour, ressuscité de son tombeau, il verra de ses 
yeux son vengeur éternellement vivant. « Entre les 
yeux » désigne le front, Exod., xm, 9, 16; Deut.. vi,8; 
xi, 18, ou le haut de la tête. Deut., xiv, 1. 

II. Dans le sens figuré. — 1» Des yeux sont attribués 
à Dieu comme symbole de sa vigilance sur ses créatures. - 
Jéhovah a l'œil sur les hommes. Jer., xxxn, 19; Zach., 
ix, 1. Il a même sept yeux qui parcourent toute la terre. ., 
Zach., iv, 10. Mais il les détourne de ceux qui 
l'offensent, Is., i, 15, c'est-à-dire qu'il n'a plus pour 
eux ce regard paternel qui assurerait leur bonheur. 
Les Egyptiens représentaient les yeux divins au-dessus 
de leurs tombeaux (fig. 459). Cf. t. n, fig. 705; Cham- 
pollion, Monuments de l'Egypte, pi. clxxviii ; Rosellini, 
Monumenti civili, pi. cxxix, cxxxn. L'œil divin de Râ 
était chargé de châtier les hommes coupables. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient 
classique, Paris, 1895, t. i, p. 164-165. — 2° Dans 
l'homme, les yeux ouverts signifient la connaissance 



du vautour, pourtant si puissant, ne connaît pas les 
chemins qui conduisent à la mine souterraine. Job, 
xxviii, 7, — 3° L'œil, à raison de sa vivacité expressive, 
manifeste les pensées et les sentiments de l'âme. Il y a 
ainsi l'œil orgueilleux, Ps. xvin (xvn), 28; ci (c), 5; 
Prov., vi, 17; l'œil de pitié, I Reg., xxiv, 11; Ezech., 
xx, 17, et l'œil sans pitié, qui n'épargne personne, 
Deut., vit, 16; xm, 8; Is-, xm, 18; Ezech., vin, 18; ix, 
5; l'œil ardent de colère, Job, xvi, 10; Esth., xv,.10; 
l'œil dont les roulements sont un signe de fureur, Job, 
xv, 12; l'œil dont les clignements marquent la moquerie 
ou la méchanceté, Ps. xxxv (xxxrv), 19; Prov., vi, 13; 
x, 10; Eccli., xxvii, 25; Is.. m, 16; l'œil insatiable, 
Prov., xxvn, 20; Eccle., i, 8; Eccli., xiv, 9, 10, par 
suite de cette curiosité et de cette cupidité que saint Jean 
appelle la concupiscence des yeux, I Joa., n, 16; l'œil 
qui languit dans l'attente, Job, xxxi, 16, ou qui se lasse 
à regarder vers le ciel, Is., xxxvm, 14; l'œil des ser- 
viteurs fidèles qui se fixe sur les mains du maître, 
jpour mieux saisir ses moindres ordres. Ps. cxxm 
(cxxn), 2. — 4» Comme l'œil met l'âme en communica- 
lion avec les spectacles extérieurs, il est souvent pour 
celle-ci une cause de tentations. Num., xv, 39; Judith, 
ix, 13; x, 17; xvi, 11. Job, xxxi, 1, avait fait un pacte 
avec ses yeux pour éviter ces tentations. Notre-Seigneur 
conseille d'arracher l'œil qui scandalise, Matth., v-, 29; 
xvm, 9; Marc, ix, 46, c'est-à-dire de s'imposer les 
plus grands sacrifices pour écarter l'occasion du mal. 
Parlant des faux docteurs, saint Pierre dit qu'ils ont 
les yeux pleins d'adultérés et insatiables de péchés. 
II Pet., il, 14. — 5" L'œil mauvais, dont il est fréquem- 



1751 



ŒIL 



ŒSTRE 



1752 



ment question dans la Sainte Écriture, est l'œil envieux 
et jaloux, indice d'une méchanceté injustifiée contre le 
prochain. Deut., xv, 9; I Reg., xvm, 9; Tob., iv, 7; 
Eccli; xxxi, 14, 15; Matth., xx, 15; Marc, vil, 22, etc. 
Mais nulle part il n'est parlé de « mauvais œil », dans le 
sens d'un sort jeté à quelqu'un par un simple regard. 
Sur la superstition du « mauvais œil », voir 0. Jahn, 
Ueber den Aberglauben des bôsen Blicks bei den Alten, 
dans les Berichte der Verhandlungen der hônigl. 
sâchsisch. Cresellschaft der Wissenschaften, 1855, 
p. 28-110; Leclercq, Amulettes, dans le Dict. d'Archéol. 
chrét,, t. i, col. 1843-1846. Le mauvais œil, si redouté 
aujourd'hui en Orient, en Egypte et dans le sud de 
l'Europe, effrayait également les anciens Égyptiens. 
Pour s'en préserver, ceux-ci attachaient par une cor- 
delette, à leur bras ou à leur poignet Vouza ou œil 
mystique (fig 460), sorte de bijou taillé dans une pierre 
de prix. Cf. Maspero, L'archéologie égyptienne, Paris, 

1887, p. 235. Les Arabes peignent encore une main 
ouverte en noir sur la chaux blanche dont leur maison 
est enduite; cette main éloigne le mauvais œil. 
Cf. Babelon, Manuel d'archéologie orientale, Paris, 

1888, p. 282; Revue biblique, 1903, p. 247. Voir Main 
d'Absalom, col. 585. — Plusieurs personnages de 




460. — Vouza, ou œil mystique. 
D'après Maspero, Archéologie égyptienne, p. 235. 

l'Apocalypse, i, lï; n, 18; xix, 12, ont des yeux qui 
brillent comme la flamme. 

III. Locutions diverses. — 1° Les yeux étant un des 
principaux moyens de se rendre compte des choses 
extérieures, on les nomme pour indiquer différentes 
relations de présence, de connaissance, de jugement, etc. 
Ainsi « devant les yeux », Gen., xxxm, 11, 18; Exod., 
vi, 30; Deut., i, 30, etc., ou « aux yeux», Gen., xvm, 
3; xxiii, 11. 18; Exod., iv, 30; vu, 20; xix, 11, etc., 
signifient c< en présence ». — « Œil à œil » veut dire face 
à face. Num., xiv, 14; Matth., v, 38. — Ceux qui 
« servent à l'oeil », Eph., vl, 6; Col., m, 22, sont les 
mauvais serviteurs qui ne s'acquittent de leur devoir 
que sous la surveillance effective du maître. — « Hors 
des yeux » de quelqu'un signifie à son insu. Num., xv, 
24; ls., LXV, 16. — C'est « aux yeux » que les choses 
paraissent telles ou telles, Gen., m, 6; xix, 14; xxix, 
20; II Reg., x, 3; etc; c'est « à ses propres yeux » 
qu'on se juge de telle ou telle manière. Job, xxxn, 1 ; 
Prov., m, 7; xxvi, 12; ls., v, 21, etc. On plaît « aux 
yeux » de quelqu'un, Jud., xiv, 3, ou on lui déplaît. 
Exod., xxi, 8. — « Trouver grâce aux yeux » d'un 
autre est une locution qui revient très fréquemment 
pour indiquer la faveur dont on est l'objet. Gen., 
xxxm, 10; Exod., xxxm, 13; Num., xi, 15; Deut., xxiv, 
1; Ruth, n, 10; I Reg., i, 18; xvi, 22; Esth., vu, 3; 
Luc, i, 30, etc. — 2» On jette les yeux sur quelqu'un, 
quelquefois pour le traiter défavorablement, Gen., 
xxxix, 7; Am., ix, 4, 8, mais bien plus ordinairement 
pour exercer la bienveillance envers lui. Gen., xliv, 
21; Deut., Xi, 12; Job, xiv, 3; xxiv, 23; III Reg., vin, 
29, 52; I Esd., v, 5; Ps. xxxnr (xxxn), 18; xxxiv 
(xxxm), 16; Jer., xxw, 6; xxxix, 12; xt, 4; Zach., ix, 
1; I Pet., in, 12, etc. — Garder comme la prunelle de 



l'œil est la marque d'nne vigilance très dévouée. Deut. r 
xxxn, 10; Ps. xvn (xvi), 8; Prov., vil, 2. — Toucher- 
la prunelle de son œil, c'est s'exposer à un grand 1 
danger, Zach., n, 8, comparable à celui d'une épine- 
dans les yeux. Num., xxxm, 55; Jos., xxiii, 13. — 
Arracher ses yeux pour les donner à un autre, c'est 
porter le dévouement jusqu'aux plus durs sacrifices. 
Gai., iv, 15. — 3° L'expression « œil ponr œil » est 
une des formules du talion. Exod., XXI, 24; Lev., xxiv, 
20. — Être l'œil pour quelqu'un c'est lui servir de guide, 
Num., x, 31, particulièrement s'il s'agit d'un aveugle. 
Job, xxix, 15. Chez les Perses, on appelait « œil du roi », 
celui qui le représentait dans les provinces et voyait en 
son nom. Hérodote, i, 114; Xénophon, Cyrop., VIII, il, 
7; Eschyle, Pers., 979. — Les parents de Tobie appellent 
leur fils « la lumière de nos yeux ». Tob., x, 4. Chez 
les Grecs, ôçôaXiiôç désigne aussi une chose chère ou 
précieuse, Pindare, Olymp., n, 11 ; Sophocle, Œdip. rex r 
987; Euripide, A ndrom., 407, etc.,etlesLatinsemploient 
comme terme de tendresse oculus, Plaute, Pseud., I, 
il, 46; Cure, I, m, 47, et même oculissimus. Plaute, 
Cure., I, n, 28, etc. — Notre-Seigneur parle de la paille 
et de la poutre dans l'œil, Matth., vu, 3-5; Luc, vi, 41, 
42, pour indiquer qu'on voit plus aisément les petits 
défauts du prochain que ses grands défauts à soi, — 
Un clin d'œil est un court instant, le temps de cligner 
la paupière. I Cor., xv, 52. — Le mot 'ayîn se prête 
encore aux diverses acceptions de regard, Cant., iv, 9; 
Zach., iv, 5; de visage, Ps. vi, 8, et d'aspect. Num., xi, 
7; Lev., xm, 5, 55; Ezech.,"i, 4, 5; x, 9; Dan., x, 6. — 
L'œil de la terre est la surface ou l'aspect de la terre. 
Exod., x, 5, 15; Num., xxn, 5, 11. — L'œil du vin, 
Prov., xxiii, 31, désigne soit son aspect, soit les bulles 
qui se forment â sa surface quand on le verse. Il est dit 
de Juda que ses yeux sont rouges de vin, Gen., xlix, 12, 
parce que le territoire de cette tribu était fertile en 
vignes. — Le mot 'ayîn a aussi le sens de « source ». 
Voir Aïn, t. i, col. 315; Fontaine, t. n, col. 2302. La 
Vulgate a traduit par oculus Jacob, « œil de Jacob, » 
l'hébreu 'en ya'âqob, qui signifie « source de Jacob », 
et que les Septante ont rendu par ini -jf^ 'îaï.â>ê, « sur 
la terre de Jacob, » probablement pour mfti\ 'Iaxwê,. 
« source de Jacob. » Deut., xxxm, 28. — Dans Osée, x, 
10, le qeri indique qu'il faut lire 'âvonôtâm, « leurs 
iniquités, » au lieu de 'ênotam, « leurs yeux, » py 
devant être lu pour py. Les Septante et la Vulgate tra- 
duisent d'après ce qéri. H. Lesêtre. 

ŒSTRE, insecte diptère, dont les différentes espèces 
forment la tribu des œstrides (fig. 461). Les œstres sont 




^jsr 



461. — L'œstre du cheval. 



de grosses mouches, beaucoup plus velues que les 
mouches ordinaires. Voir Mouche, col. 1324. Il existe un 
œstre spécial pour différents quadrupèdes; le cheval, le 
chameau, le bœuf, l'âne,- le mouton, etc., ont chacun le 
leur. L'œstre du cheval fixe ses œufs sur les jambes ou 
les épaules du quadrupède, de manière qu'en se léchant 



1753 



ŒSTRE — ŒUF 



1754 



celui-ci les introduise dans son eslomac. Là, les œufs 
deviennent larves, s'échappent ensuite avec les détritus 
de la nutrition, tombent à terre et y poursuivent leur 
développement jusqu'à ce qu'ils soient devenus des 
mouches. L'œstre du bœuf et du mouton procède autre- 
ment. La femelle de l'insecte, à l'aide d'une tarière 
■spéciale, perce la peau du quadrupède et y introduit son 
■œuf. Celui-ci est couvé naturellement dans une sorte de 
petite bosse qui se forme sous la peau et lui sert d'abri. 
II s'en échappe au moment convenable pour achever 
sa transformation au dehors. Les quadrupèdes redou- 
tent les œstres, et quand ils les entendent bourdonner, 
ils entrent dans la plus vive agitation. En Orient, ces 
insectes sont bien plus irritants que dans les climats 
tempérés, surtout à certaines époques de l'année. La 
Sainte Écriture ne les désigne pas nommément; mais 
il est fort probable que les œstres étaient au nombre 
des mouches dont il est quelquefois parlé, surtout à 
propos de l'Egypte. Exod.,\'in, 21-24; Ps.lxxvih(lxxvii), 
45; ex (civ), 31; Is., vu, 18, etc. — Voir N. Joly, Re- 
cherches sur les cestrides en général, Lyon, 1846. 

H. Lesêtre. 
OETINGER Friedrich Christoph, exégète protes- 
tant, théosophe, né à Goeppingen, le 6 mai 1702, mort 
le 20 février 1782. 11 fit ses études de théologie aux sé- 
minaires de Blaubeuren et de Bebenhausen 1717-1722 
et ensuite à l'université de Tubingue : 1722-1727. Pen- 
dant qu'il y était répètent, il entreprit plusieurs voyages. 
Puis il fut nommé pasteur à Hirsau (1738-1743). Il 
exerça les mêmes fonctions à Schnaitheim 1743-1746, à 
Walddorf 1746-1752, à Weinsberg, comme dekan (doyen), 
1752-1759 et à Herrenberg 1759-1766, et enfin, depuis 
1766, comme prélat à Murrhardt, où il mourut. Il subit 
surtout l'influence du célèbre Bengel et des deux théo- 
sophes Jak. Boehme et Swedenborg. Étant persuadé, 
que les auteurs sacrés avaient été de profonds philo- 
sophes, il s'efforça, dans ses écrits exégétiques, de dé- 
couvrir la philosophie de l'Écriture. Cette philosophia 
sacra, selon lui, devait nous aider à contrôler les 
données de la philosophie et de la science profanes. — 
Il a laissé à peu près 70 écrits, parmi lesquels nous 
n'avons à signaler que ceux qui se rapportent à l'exé- 
gèse. — tester und schriftmâssiger Grund einiger 
theologischen Hauptwahrheiten, in-4°, Francfort- 
s.-l.-M., 1731. — Etwas Garnies vont Evangelio nach les : 
40-60, in-8°, Tubingue, 1739. — Inquisitio in sensum 
communem et rationem, in-8», Tubingue, 1753. — 
Theologia ex idea vitse deducta, Francfort, 1763 et 1765, 
in-8°, traduite en allemand et annotée par Hamberger, 
in-8", Stuttgart, 1852. — Vnterricht vom Hohenpries- 
tertum Christi. in-12, Francfort et Leipzig, 1772. — 
Gule Botschaft vom Koenigreich Jesu Christi (c'est-à- 
dire : les prophéties messianiques), in-8", Tubingue, 1773. 
— Biblisch-emblematisches Wôrterbuch. L'édition ori- 
ginale, qui parut 1776, s. loco, a été rééditée par Ham- 
berger, in-8°, Stuttgart, 1848. — Beihilfe zum reinen 
Verstande der Schrift, in-8», Schwâbisch-flall, 1777. — 
Herzenstheologie, 3» édit., in-8°, Francfort, 1778. — 
Abhandlung, voie man die hl. Schrift lesensolle., éd. par 
Hamberger, Stuttgart, 1858. — K. Fr, Chr. Ehmann 
publia les Œuvres complètes de Oetinger en 2 séries, 
dont l'une (en 5 vol.) comprend ses ouvrages homilé/ 
tiques, et l'autre (en 7 vol.) ses écrits théosophiques. 
Cette édition parut à Stuttgart, 1858-1867. Les écrits 
d'exégèse sont rangés dans la deuxième série. Le 
tome m' de cette série; Stuttgart, 1860, contient ; 
Die Psalmen Davids' et Etwas vom Evang. nach Jer. 
40-60; le iv e vol. : Spruche und Prediger Salomo, das 
Hohelied, Hiob, — et une nouvelle édition de ses opus- 
cules exégétiques déjà mentionnés. — Voir Auberlen, 
Die Theosophie Oetingers nach ihren Grundzûgen, 
Tubingue, 1847 ; Ehmann, Oetingers Leben und Briefe, 
Stuttgart, 1859 (Ehmann y énumère tous les écrits 



d'Oetinger); Wàchter, Bengel und Oetinger, Guters- 
loh, 1886; J. Hamberger, dans la Real Encyklopâdie 
fur protest. Théologie und Kirche, 2 e édit., Leipzig, 
1883,t. xi, p. 1-4; J, Herzog, ibidem, 3 e édit., Leipzig, 
1904, t. xw, p. 332-339; Kleffner, dans le Kirchen- 
iexicon, 2 8 édit., Fribourg-en-B., 1895, t. ix, col. 761-766; 
,1. Herzog, Fr. Chr. Oetinger : Lebens-und Cliarak- 
terbild : Calw., 1905, Familien-Bibliothekj t. lv. 

M. Bihl. 

ŒUF (hébreu : bêsâh, qui ne se lit qu'au pluriel : bê- 
sîm; Septante : wôv; Vulgate : ovum), produit de la 
fécondation des animaux dits ovipares, oiseaux, reptiles, 
poissons, mollusques et insectes, à quelques exceptions 
près. La Sainte Écriture ne mentionne que les œufs 
d'oiseaux et de serpents. 

1° Œufs des oiseaux. — L'œuf des oiseaux se com- 
pose de cinq parties différentes et concentriques : l'ovule 
ou cellule centrale qui, après la ponte, forme un élé- 
ment plus clair au milieu de la masse du jaune et évolue 
en vertu d'une activité propre; le jaune, qui est une 
partie nutritive ; le blanc d'œuf, composé d'albumine ; 
la membrane coquillière ou pellicule qui enferme le 
blanc; la coque ou enveloppe calcaire et ovoïde qui 
protège le tout. A raison des éléments divers qui sont 
contenus dans la coque, l'œuf constitue pour l'homme 
un aliment très substantiel, mais à condition de rester 
frais. La chaleur permet à la cellule centrale de se 
développer en se nourrissant aux dépens des éléments 
qui l'entourent, jusqu'à ce que le petit oiseau soit formé 
et puisse briser la coquille pour en sortir vivant. Cette 
chaleur est fournie en quantité suffisante par le soleil 
dans les régions très chaudes; l'oiseau peut alors aban- 
donner ses œufs dans le sable jusqu'à leur éclosion. 
C'est ce que .fait l'autruche. Job, xxxix, 14. Voir Au- 
truche, t. i, col. 1280. Mais le plus ordinairement c'est 
la femelle de. l'oiseau qui entretient elle-même la cha- 
leur nécessaire en recouvrant les œufs de son corps 
pendant la période d'incubation, qui dur* de douze à 
soixante jours, suivant les espèces. La poule, qui tient 
la place principale parmi les espèces domestiques, couve 
de vingt à vingt-quatre jours. — Dans un but d'utilité 
pour l'homme et de bienveillance pour les animaux, 
celui qui trouvait un nid avec la mère sur ses petits ou 
sur ses œufs devait laisser la mère en liberté. Deut., 
xxn, 6, 7. — Assur s'est emparé des peuples comme on 
s'empare d'œufs abandonnés, sans que qui que ce soit 
ait remué l'aile, ouvert le bec ou poussé un cri. Is., x, 
14. — Jérémie, xvn, 11, dit que l'homme qui acquiert 
des richesses injustement ressemble à une perdrix qui 
couve des œufs et ne les fait pas éclore, yâlad. Elle ne 
profite pas de sa couvée. Voir Perdrix. — Au moment où 
Tobie recouvra la vue, des pellicules, semblables à celle 
d'un œuf, tombèrent de ses yeux, Tob., xi, 14. — Notre- 
Seigneur demande si un père donnerait un scorpion à 
son fils qui désire un œuf. Luc, xi, 12. Le scorpion blanc, 
enroulé sur lui-même, a en effet quelque ressemblance 
avec un oauf. Voir Scorpion. L'enfant désire un œuf au 
même titre que le pain et le poisson, afin de s'en nourrir. 
I.uc, xi, 11. Les œufs tenaient une telle place dans 
l'alimentation des Juifs, que le septième traité du se- 
cond livre de la Mischna, le Beza ou Yom tob, est en 
grande partie consacré à l'examen de cette question : 
J 'eut-on manger un ouf pondu un jour de fête? L'école 
de Schammaï tenait pour l'affirmative et celle d'Hillel 
pour la négative, quand le jour de fête suivait le sabbat. 
i)ans ce dernier cas, en effet, l'œuf était censé préparé 
le jour même du sabbat et c'eût été violer la loi du 
repos que, de le manger. Pratiquement, on finit par 
interdire l'usage de tous les œufs pondus un jour de 
fête, que le sabbat précédât ou non. Cette défense fit 
partie de la haie mise autour de la Loi. Cf. Surenhu- 
sius, Mischna sive totius Hebrmorum juris systema, 
Amsterdam, 1698, t. h, p. 282. Le traité Schabbath, n, 



1755 



ŒUF — ŒUVRE 



1756 



à propos des lampes qu'on doit allumer pour le sabbat, 
s'occupe même des coquilles d'œufs. On ne peut les 
utiliser pour faire une lampe, parce qu'elles flambe- 
raient même sur un chandelier en argile; on le peut 
toutefois si, au sommet du chandelier, le potier a mé- 
nagé une cavité dans laquelle l'huile se déversera. — 
Job, vi, 6, parlant de mets fades et sans sel, dit qu'on 
ne peut trouver de goût au jus de liallâmût. Dans le 
Targum, Terumoth, x, 12; Aboda zara, 40 a, le mot 
hébreu est identifié avec les mots rabbiniques fyélmôn 
ou hélbôn, « jaune d'œuf, » alors que le sens de « blanc 
d'œuf » répondrait mieux au mot rir, « salive, » qui 
précède frallâmût- L'albumine du blanc d'œuf ressemble 
en effet à la salive, quand elle est fouettée, et elle n'a 
pas de goût. Cf. Rosenmùller, Iobus, Leipzig, 1805, t. i, 
p. 192-194. Le syriaque rend le mot hébreu par halla- 
mot, qui désignerait, d'après Fr. Delitzsch, Das Buch 
lob, Leipzig, 1876, p. 96, une sorte de pourpier du genre 
portulaca, et d'après Buhl, Gesenius' Handwôrterb., 
Leipzig, 1899, p. 255, une borraginée du genre anchusa, 
les plantes potagères sont charnues, laissent échapper 
une sorte de salive quand on les coupe et constituent une 
nourriture assez fade quand manque l'assaisonnement. 
Les autres versions ne traduisent pas le mot hébreu 
littéralement; Septante : « paroles vaines; » Vulgate : 
« ce qui apporte la mort, » dernière traduction qui sup- 
pose que hallàmût a été probablement lu hâlah mâvét, 
« amène la mort. » 

2» Œufs des serpenls. — Isaïe, xxxiv, 15, annonce 
que, dans les palais d'Édom, le serpent fera son nid, 
pondra {millet) ses œufs et les fera éclore. C'est dire 
que ces palais seront assez ruinés et assez déserts pour 
que les serpents y trouvent un tranquille abri. — Le 
même prophète compare Israël prévaricateur à celui 
qui couve des œufs de basilic; si on les mange, ils 
donnent la mort; si on les écrase, il en sort une vipère. 
Is., lix, 4. Voir Basilic, t. i, col. 1495. Le basilic dont 
il est ici question est le sif'onî, grande vipère jaune très 
dangereuse, et le reptile qui sort de l'œuf est le 'éféh, 
probablement la vipère de sable, aussi fort venimeuse. 
Voir Vipère. Les vipères portent ordinairement douze 
ou vingt-quatre œufs, qui sont couvés et éclosent dans 
le ventre même de la mère, d'où les vipéreaux sortent 
tout vivants, avec une taille de cinq ou six centimètres. 
Le texte d'Isaïe suppose donc que, du ventre d'une vi- 
père tuée, quelqu'un a extrait des œufs pour les couver. 
Si l'on presse l'enveloppe membraneuse d'un de ces 
œufs, il en sort une vipère vivante et déjà suffisam- 
ment agile pour être dangereuse. Si l'on avale l'un de 
ces œufs, contenant et contenu, ce qui est possible, puis- 
qu'il n'y a pas de coque solide comme pour les œufs 
des oiseaux, le vipéreau déjà formé peut mordre la pa- 
roi stomacale et causer la mort par son venin. S'il 
n'était pas encore formé, le contenu de l'œuf ne pour- 
rait empoisonner par lui-même, puisque le venin 
du serpent est sans action sur les voies digestives et 
n'entre dans l'organisme que par une blessure. Le texte 
hébreu dit que celui qui mange de ces œufs mourra, 
ydmût. D'après les Septante, « celui qui va manger de 
leurs œufs, écrase un œuf stérile (otfptov, cf. Arislote, 
Générât, anim., m, 2), et trouve dedans un basilic. » 
D'après saint Jérôme, In Is., xvi, 59, t. xxiv, col. 578, 
« s'il le presse avant de le manger, il n'y trouvera 
qu'abominable pourriture et puanteur. » Le prophète 
emploie la comparaison au sujet de celui qui « conçoit 
le mal et enfante le crime ». Is., lix, 4. Celui-là doit 
s'attendre aux conséquences de ses actes coupables. 
Cf. W. Carpenter, Script, histor. mit., m, 2, dans le 
Script. Sacr. curs. complet, de Migne, Paris, 1857, 
t. m, col. 755. H. Lesêtre. 

ŒUVRE (hébreu : melâ'kdh, ma'âèéh, mifâl, po'al, 
pe'ulldh; chaldcen : ma'bâd, 'âbîdd') Septante : ïpyov'; 



Vulgate :opus), produit de l'activité d'un être intelligent. 

ï. Les œuvres de Dieu. — 1» Ce sont tout d'abord le 
ciel et la terre créés par lui. Gen., n, 2, 3; Eccle., vu, 
14; Ps. vm, 4, 7; Eccli, Xi, 4; xxxix, 21, 39, etc. Ces 
œuvres sont invitées à bénir Dieu à leur manière, Dan., 
m, 57, et le firmament publie la gloire du Créateur. 
Ps. xix (xvm), 2. L'œuvre de Dieu révèle son existence 
et ses perfections; mais les insensés n'ont pas su le 
comprendre, Sap., xni, 1, et les sages du paganisme 
s'y sont trompés par leur faute. Rom., ï, 19-21. — 
2° Dieu intervient dans le monde par d'autres œuvres 
extraordinaires, qui constituent des miracles et mani- 
festent, dans des cas particuliers, la volonté et la pro- 
tection divines. Deut., xi, 7; Jos., xxiv, 31; Jud., n, 7; 
Ps. xlvi (xlv), 9; xcn (xci), 6; cv (civ), 1; Is., xxvi, 
12, etc. Il est honorable de publier ces œuvres de Dieu. 
Tob., su, 7. Habacuc, m, 7, demande à Dieu de faire 
revivre son ceuvre, c'est-à-dire son intervention miracu- 
leuse, au milieu des temps. Voir Miracle, col. 1119. - 
3° Les œuvres du Christ sont sa prédication et ses mi- 
racles. Matth., xi, 2; Joa., vu, 3, 21; xv, 24. Le Sauveur 
fait profession de n'accomplir que les œuvres du Père, 
c'est-à-dire celles que le Père lui a commandées et pour 
l'accomplissement desquelles il lui assure son concours. 
Joa., iv, 34; v, 36; ix, 4; x, 25, 32; xiv, 10. 

II, Les œuvres de l'homme. — 1° Œuvres matérielles. 
— 1 . L'homme est fait pour travailler et s'occuper de mille 
manières différentes au milieu de la création. Gen., n, 
15. Les « œuvres de ses mains » sont les actes divers 
qui résultent de son activité. Voir Main, col. 582. Il lui 
est prescrit de s'abstenir de toute œuvre le jour du sab- 
bat. Exod., xx, 9, 10; Luc, xxm, 3-36, etc. — 2. Il est 
spécialement question d'oeuvres d'art ou d'industrie, 
exécutées par l'homme. Telles sont les œuvres d'art 
destinées au service du Tabernacle, Exod., xxxv, 29, 35; 
xxxvi. 35; xxxvin, 10, 24, etc., et du Temple de Salo- 
mon. III Keg., VI, 25; vu, 14-51, etc. Quelques espèces 
d'œuvres sont nommément désignées : melà'kâh, ipya- 
cnu.Qv, confectum, le travail de tout ouvrier, Lev., xm, 
48; voir Artisans, t. ï, col. 1045; mab.âs'dbâh, é'pyov, 
opus, toute espèce d'oeuvre d'art, Exod., xxxi, 4, etc. ; 
yesér, nofama, figmentum, toute espèce d'oeuvre, sur- 
tout l'œuvre obtenue par la fonte, Is., xxix, 16, etc.; 
fna'âséh hdrâs, ïpyov téxtovo; ou xe^vitou, opus artifi- 
cis, l'œuvre du sculpteur ou du fondeur, Jer., x, 3, 
9, etc. ; tnikbâr ou ma'âséh réséf, epyov Sixtuwtôv, opus 
in moduni retis, œuvre réticulée ou en forme de treil- 
lis, Exod., xxvii, 4, etc.; 'ârubbâh, œuvre en forme de 
treillis, Ose., xm, 3;sebâbâh, Sixtviwtôv, caneelli, œuvre 
en forme de grillage, IV Reg., ï, 2; ma'âséh môrdd, 
'é'pyov %a.iaê&oz(ù(, lora dependentia, œuvre pendante, 
festons, III Reg., vu, 29; niiqëdh, -^puo-OTopeuTô'v, pro- 
ductile, œuvre en torsade, Exod., xxv, 18, comme une 
chevelure frisée, migSéh, Is., ni, 24; gedîlïni, crcpeirtâ, 
funiculi, œuvre de même; nature, Deut., xxu, 12; gra- 
tte?, epyov àXuo-sS<oTôv, cohœrens, œuvre analogue, 
Exod., xxviu, 22; sa'âsu'im, epyov èv lùXwv, opus sta- 
tuarium, œuvre de statuaire, II Par., m, 10; r)pi9eûeTo, 
« elle filait, » opus textrinum, œuvre de tissage. Tob., 
11,19, etc. — 2° Œuvres morales. — 1. Les bonnes œuvres 
sont les actions conformes à la volonté de Dieu. Matth., 
xxvi, 10; Marc, xiv, 6; Act., ix, 36; II Cor., ix, 8; 
Col., ï, 10; I Tim., v, 10; vi 18; II Tim., m, 17; Tit., n, 
7, 14; m, 1; II Pet,, ï, 10. Notre-Seigneur recommande 
que les bonnes œuvres de ses disciples puissent être 
vues par les hommes, pour la gloire du Père. Matth., 
v, 16. Ces œuvres sont nécessaires à la vie chrétienne, 
Jacob., I, 25; n, 14-26, spécialement les œuvres de péni- 
tence. Act., xxvi, 20. Il faut que ces œuvres soient 
pleines devant Dieu, c'est-à-dire animées par la charité. 
Apoc, m, 2. Un homme puissant en œuvres et en pa- 
roles est celui qui exerce une grande action sur les 
autres par ses œuvres naturelles et surnaturelles et par 



4757 



ŒUVRE — OFFRANDE 



1758 



sa prédication. Tels furent surtout Moïse, Act., vu, 22, 
et Jésus-Christ. Luc, xxrv, 19. Quant aux œuvres de la 
Loi ancienne, elles ont absolument cessé d'être légitimes 
et utiles à partir de la promulgation de l'Évangile. 
Rom., iii,20, 28; Gai., h, 16. Voir Justification, t. m, 
col. 1878-1880; Loi mosaïque, t. iv, col. 345. L'œuvre 
de Pévangélisation est le travail accompli par les Apôtres 
et leurs collaborateurs pour la propagation de l'Évan- 
gile. Act. xiii, 2; xiv, 25; Rom., xiv, 20; Phil., ir, 30; 
II Tim., iv, 5. — 2. Les œuvres mauvaises sont les 
actions contraires à la volonté de Dieu. Joa., m, 19. 
Elles sont appelées « œuvres de ténèbres », Rom., XIII, 
12; « œuvres de la chair, » Gai, v, 19; « œuvres 
mortes, » Heb., vi, 1; ix, 14; « œuvres d'impiété, >/ 
Jud., 15; « œuvres du diable, » Joa., vin, 41; 1 Joa., m, 
8. — 3. Les œuvres de l'homme le suivent à la mort. 
Apoc, xiv, 13. C'est alors que Dieu juge et traite cha- 
cun selon ses œuvres. Prov., xxiv, 12, 29; Eccli., xvi, 
15; Is., m, 11; Jer.,xxv, 14; Lam., m, 64; Matth., xvi, 
27; Rom., n, 6; II Cor., xi, 15; II Tim., iv, 14; I Pet., 
i, 17; Apoc, h, 23; xx, 12-13; xxii, 12. Le feu éprou- 
vera les œuvres de chacun, pour que son sort soit réglé 
en conséquence. I Cor., ni, 13-15. 

H. Lesêtre. 
OFALIM (hébreu : 'ofdlîm), tumeur à l'anus. Ce 
mot est toujours remplacé en qéri par tehtôrîm, « tu- 
meurs hémorroïdales. » Les versions traduisent 'ofâlîm 
d'une manière moins précise. Septante : é'Spa, « fonde- 
ment, » partie du corps qui sert à s'asseoir; Vulgate : 
anus, ou circonlocutions désignant la même chose. Les 
'ofâlîm, en assyrien : uplu, sont généralement recon- 
nus comme étant des tumeurs à l'anus. Cf. Bochart, 
Bierozoicon, Leipzig, 1793, t. n, p. 381; Buhl, Geseuius' 
Handwôrterb., p. 630. Autrement dit, ce sont des 
hémorroïdes. Voir Hémorroïdes, t. lu, col. 587. Le 
Seigneur les énumère parmi les maux dont les Hébreux 
seront frappés s'ils lui sont infidèles. Deut., xxvm, 27. 
— Quand les Philistins se furent emparée de l'Arche 
d'alliance, les habitants d'Azot, de Geth et d'Accaron 
furent successivement atteints de différents maux, et, en 
particulier, d"ofâlîm. Les Philistins en appelèrent alors 
à leurs prêtres et à leurs devins pour être délivrés. 
Ceux-ci leur conseillèrent de renvoyer l'Arche avec des 
ex-voto expiatoires. Parmi ces derniers devaient se 
trouver cinq 'ofdlîm d'or, selon le nombre des princes 
qui avaient subi la contagion. Le conseil fut suivi et les 
ex-voto d'or placés dans un coffret, pour être transportés 
avec l'Arche jusqu'à Bethsamès. I Reg., v, 6, 9, 12; vi, 
5, 8, 11, 15, 17. Il est à croire qu'à dater de ce moment 
la contagion cessa de sévir parmi les Philistins. Héro- 
dote, i, 105, raconte un fait qu'il est intéressant de 
rapprocher du récit biblique. Quand les Scythes parurent 
en Palestine avec le dessein de marcher contre l'Egypte 
et qu'ensuite ils s'en retournèrent sans avoir réalisé 
leur dessein, un certain nombre d'entre eux pillèrent 
le temple d'Atergatis, à Ascalon, dans le pays des Phi- 
listins. Voir Ascalon, t. i, col. 1064. En punition de 
leur brigandage, la déesse leur aurait envoyé une « ma- 
ladie de femme », 6ï|).sia voOo-oç, qui passa à leur des- 
cendance et les fit appeler désormais 'Evdcpssç, « hommes- 
femmes. » La 6iii),eta voûoo? désigne d'ordinaire des 
mœurs efféminées et débauchées. Cf. Hérodien, IV, xn, 
4, etc. Sur son caractère spécifique, voir Hippocrate, 
trad. Littré, t. n, p. 184. Le scholiaste d'Aristophane, 
Acharn., 242, raconte également comment les Athé- 
niens, frappés d'une maladie honteuse pour avoir man- 
qué de respect à une statue de Bacchus, ne furent déli- 
vrés qu'après avoir envoyé au dieu des ex-voto 
rappelant leur mal. Cf. Winer, Bibl. Realtvôrterbuch, 
Leipzig, 1838, t. n, p. 303. L'usage de faire hommage 
aux dieux de représentations des membres guéris ou à 
guérir était général chez les anciens. Voir t. i, fig. 526, 
col. 1731; t. iv, fig. 235, col. 911. Cf. Diodore de Sicile, 



i, 22; J.J. Frey, De more diis simulacra membrorum 
consecrandi, Altorf, 1746; Noury, Le culte d'Esculape 
en Grèce, dans la Chronique médicale, Paris, dée. 1905, 
p. 774, 776. Il n'est pas étonnant de le trouver en vi- 
gueur chez les Philistins. H. Lesêtre. 

1. OFFENSE. Voir Injure, t. m, col. 878; Péché. 

2. OFFENSE (MONT DE L') (hébreu : har-ham-maX- 
hi(, « mont de la perdition; » Septante : Spoj toû Mo- 
o-9â6), prolongement méridional du mont des Oliviers, 
au sud-est de Jérusalem. On l'appelle aujourd'hui mont 
du Scandale. La Vulgate lui donne le nom de Mons Of- 
fensionis, IV Reg., xxm, 13, et l'hébreu celui de perdi- 
tion, parce que c'est là que Salomon, pour faire plaisir 
à ses femmes étrangères, éleva des temples aux faux 
dieux qu'elles adoraient. III Reg., xi, 7. Le mont du 
Scandale n'est guère qu'un monceau de rochers nus, sur 
lesquels on a bâti de nos jours quelques habitations. 

OFFICIERS, nom générique qu'on emploie pour 
désigner ceux qui remplissent des fonctions au nom du 
roi, et spécialement des fonctions militaires. Aucun mot 
hébreu spécial ne correspond à ce terme. — Voir les 
divers titres particuliers, hébreux et grecs, donnés à ceux 
qui exercent un pouvoir quelconque, Gouverneur, t. m, 
col. 283. Pour les officiers militaires, voir Chef, i, 30; 
n, 3° et 4», t. il, col. 644 et 645; Armée, t. i, col. 977. — 
Voir aussi Économe, t. n, col. 1570; Échanson, col. 1558; 
Panetier; Cour et les titres des divers officiers de la 
cour énumérés dans cet article, t. n, col. 1079; Écuyer, 
t. n, col. 1585. 

OFFRANDE (hébreu : nedâbdh; Septante : éxoiimov, 
xottà aîpeaiv ; Vulgate : oblatio voluntaria ou spontanea), 
ce qu'on offre à Dieu sans y être obligé par la loi ou 
par un vœu. Sur l'offrande obligatoire et liturgique, 
voir Orlation. col. 1727. Sur l'offrande faite à un homme,, 
voir Présent. 

1» Avant la loi mosaïque, les premières offrandes faites 
à Dieu sont celles de Caïn et d'Abel. Gen., iv, 3, 4. Sur 
l'offrande du pain et du vin par Melchisédech, Gen., 
xiv, 18, voir Melchisédech, col. 939. — 2» Au désert, 
des offrandes d'objets précieux de toute nature sont 
faites pour la construction du Tabernacle par tout le 
peuple et par ses chefs. Exod., xxxv, 5-9, 21-29; xxxvr, 
5-7; Num., vu, 2-83, Des offrandes analogues se repro- 
duisent sous David, pour la construction du Temple, 
I Par., xxix, 5-9, sous Esdras pour sa reconstruction. 
I Esd., i, 4, 6; vu, 15, 16; vin, 28. — 3" La loi mosaïque 
autorise et même encourage les offrandes volontaires à 
Jéhovah. A ces offrandes s'applique spécialement le 
nom de neddbâh, du verbe nâdab, « agir spontané- 
ment. ■» Lev., xxm, 38; Num., xv, 3; xxix, 39); Deut., 
xn, 17; Am., iv, 5. Elles convenaient surtout à la fête 
de la Pentecôte. Deut., xvi, 10. Quand on offrait un 
animal, il devait être sans défaut. Lêv., xxn, 18, 21. La 
loi tolérait cependant, pour ce genre d'offrandes, un 
animal privé d'une oreille ou de la queue. Lev., xxii, 
23. La victime de l'offrande volontaire devait être mangée 
le jour même ou le lendemain. Lev., vu, 16. — 4° Le 
lévite Coré fut préposé dans le Temple à la garde des 
offrandes volontaires, et sa fonction dut passer à ses 
descendants. II Par., xxxi, 14. Judith, xvf, 23, offrit au 
Seigneur les dépouilles d'Holoferne. Certaines familles 
offraient volontairement à tour de rôle le bois néces- 
saire au service du second Temple. Il Esd., x, 34; 
xm, 31. Les offrandes en argent étaient gardées dans le 
trésor. Voir Gazophylacium, t. ni, col. 133. — 5° Les 
psalmistes annoncent que les rois viendront apporter 
leurs offrandes à Jéhovah. Ps. lxviii (lxvii), 30; lxxii 
(lxxi), 10. Les mages présentèrent les leurs à l'enfant 
Jésus. Matth,, u, 11. H. Lesêtre. 



1759 



OG — OIE 



1760 



OG (hébreu : 'Ôg; Septante : "O-f). r °i de Basan. 
L'étymologie de son nom est inconnue. Gesenius, Thé- 
saurus, p. 997. Il était Amorrhéen, de la race des Re- 
phaïm. Jos., un, 12; Deut., m, 11. Son royaume ren- 
fermait soixante villes, Deut., m, 4, entourées de murs, 
f. 5, dont les deux principales étaient Astaroth Carnaïm, 
sa capitale, et Édrâï. Jos., xm, 12. C'était, avec Séhon, 
roi des Amorrhéens, le roi le plus puissant et le plus 
redoutable des pays à l'est du Jourdain, lorsque Moïse 
arriva dans ces contrées. Sa taille de géant et sa force 
l'avaient rendu célèbre. La manière dont les Nombres, 
sxi, 33-35, et le Deutéronome, m, 11, rendent compte de 
sa défaite, montrent quelle importance les Hébreux 
attachèrent à leur victoire. Le roi Séhon avait été déjà 
battu, Num., xxi, 21-30, mais la conquête de son royaume 
était précaire, tant que Og restait maître d'une partie 
du pays. Une bataille suffit pour l'abattre; il y périt avec 
ses fils et une grande partie de son peuple, et toutes ses 
villes tombèrent au pouvoir des assaillants. Num., xxi, 
35; Deut., m, 1-11; xxxi, 4; Jos., n, 10; xin, 12; cf. III, 
Reg., iv, 19. Le territoire des deux rois amorrhéens fut 
donné aux tribus de Gad et de Ruben et à la demi-tribu 
de Manassé. Num., xxxn, 33; Deut., iv, 47; in, 12-18; 
Jos., xiii, 7-12, 15-31. Le bruit de cet exploit se répandit 
promptement dans la terre de Chanaan et y jeta la 
terreur. Jos., ix, 10. Longtemps après l'événement, le 
Psalmiste glorifiait Dieu de la victoire qu'il avait fait 
remporter à son peuple sur Séhon, roi des Amorrhéens, 
et sur Og, roi de Basan. Ps. cxxxiv (cxxxv), 11 ; cxxxvi 
(cxxxv), 19-20. Cf. Il Esd., ix, 22. 

Nous lisons dans le Deutéronome, m, 10 : « Og, roi 
de Basan, était resté seul de la race des Rephaïm. Son 
lit en fer se voit à Rabbath Ammon; il a neuf coudées 
de long et quatre coudées de large, en coudées 
d'homme, » c'est-à-dire, quatre mètres et demi environ 
de longueur et deux environ de largeur. On admet assez 
généralement aujourd'hui qu'il ne s'agit pas d'un lit 
proprement dit, mais d'un sarcophage, qui était le lit du 
mort, et que ce sarcophage était en basalte noir, qui res- 
semble au fer, dont il contient jusqu'à 20 pour 100. Les 
Arabes de nos jours regardent encore le basalte comme 
du fer, ce qui se comprend facilement, parce que c'est 
une pierre ferrei coloris atque duritise, comme s'ex- 
prime Pline, H. N., xxxvi, 11. Voir Basalte, t. i, 
col. 1485. Le basalte abonde dans l'ancien royaume 
d'Og, et on y a trouvé de très grands sarcophages en 
cette matière. Le Deutéronome, vin, 9, parlant du pays 
« où les pierres sont de fer », fait sans doute allusion 
au basalte. Voir Fer, t. n, col. 2205. Quant aux dimen- 
sions, il faut remarquer qu'on faisait les sarcophages 
beaucoup plus grands qu'il n'était nécessaire, surtout 
pour les grands personnages. On ne saurait dire pour- 
quoi le sarcophage d'Og se trouvait à Rabbath Ammon. 
Le passage du Deutéronome qui en parle est considéré 
par plusieurs critiques comme une addition postérieure 
au texte sacré, ce qui est possible, mais non prouvé. Ce 
sont, sans doute, les expressions du Deutéronome qui 
ont fait imaginer les fables qui ont cours à son sujet 
dans les livres orientaux et rabbiniques et d'après 
lesquelles il était un des géants antédiluviens à qui 
sa haute taille permit d'échapper aux eaux du déluge, 
et il vécut trois mille ans, etc. Voir Le Coran, tra- 
duct. Sale, c. v, p. 86; d'Herbelot, Bibliothèque orien- 
tale, in-f», Paris, 1697, aux mots Falasthin, Anac, 
p. 336, 113. J. Montagne. 

OGIAS (LIVRE D'), livre apocryphe, connu seule- 
ment par le catalogue des livres apocryphes de saint 
Gélase, voir t. i, col. 769, et qu'on croit avoir contenu 
l'histoire fabuleuse d'Og, roi de Basan. Voir Apocryphes, 
t. i, col. 771. 

OGNON, plante potagère. Voir Oignon. 



OHAM (hébreu : Hôliâm; Septante : 'EXân), roi d'Hé- 
bron, un des cinq rois du sud de la Palestine qui atta- 
quèrent les Gabaonites et furent battus par Josué à la 
bataille de Bélhoron. Jos., x, 3-14. Il fut pris avec les 
autres rois conféd érés dans la caverne de Macéda où ils 
s'étaient cachés ; Josué ordonna aux chefs de son armée 
de leur mettre le pied sur le cou et il les fît ensuite 
attacher à des poteaux où ils moururent. Jos., x, 14-27. 
Voir Macéda, col. 472. 

OHOL (hébreu : 'Ôhél, « tente ; » Septante : '061 ; 
Alexandrinus : 'Oo« ; Lucien : 'A8à), descendant de 
David, le cinquième des sept fils de Zorobabel. I Par., 
m, 20. 

OHOL. AÏ (héhreu : 'Ahelaï; Septante : AaSaî), fille de 
Sésan, de la tribu de Juda. Elle n'avait pas de frère. Son 
père, dont elle était par conséquent l'héritière, la maria 
à un de ses esclaves, Jéraa, qui était d'origine égyptienne, 
et elle en eut un fils appelé Éthéi. I Par., n, 31, 34-35. 
Le père de Zabad, l'un des gibborîm de David, porte 
en hébreu le même nom que la fille de Sésan ; la Vul- 
gate l'appelle Oholi. I Par., xi, 41. 

OHOLI (hébreu : Ahelâï ; Septante : 'A^aïâ; Alexan- 
drinus : '0\t), père de Zabad, l'un des soldats de David 
remarquables par leur bravoure. I Par., xt, 41. 

OIE, oiseau palmipède, type de la tribu des anséri- 
nées (fig. 462). L'oie a le corps plus volumineux que le 




432. — Oie. 

canard, le cou plus court et plus raidfr que le cygne, les 
tarses plus élevés et plus portés en avant, ce qui lui 
permet de marcher assez facilement. Aussi l'oiseau 
est-il plus souvent sur terre que dans l'eau. L'oie est 
remarquable par la finesse de son ouïe et par sa vigi- 
lance. Elle vit longtemps, se nourrit de graines et de 
plantes aquatiques, est bonne à manger, surtout quand 
elle est engraissée. L'oie ordinaire, anas anser, est ori- 
ginaire de l'Europe orientale; l'oie sauvage diifère peu 
de la précédente. — Les oies d'Europe étaient bien con- 
nues en Egypte, où elles se rendaient pendant l'hiver. On 
les chassait dans les marais au moyen de filets (fig. 463), 
on gardait les plus jeunes pour les apprivoiser, 
on tuait et on salait les autres (fig. 464), et il n'en man- 
quait jamais sur les marchés. Cf. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris, 1895, 
t. i, p. 35, 60, 322; Lectures historiques, Paris, 1890, 
p. 110. On nourrissait dans le temple de Karnak l'oie 
d'Amon. L'oie est l'emblème du dieu Seb. Voir Wilkin- 



1761 



OIE 



OIGNON 



1762 



son, Mannersand Customs ofthe ancient Egyptians, 
édit. Birch, t. m, p. 60 (flg. 465). 

Il n'est presque pas question de volailles dans l'Ancien 
Testament. L'oie n'était pas absolument inconnue en 
Palestine; mais elle n'est jamais nommée. Elle pouvait 
cependant être comprise au nombre de ces animaux en- 
graissés qui étaient servis à la table de Salomon, 
III Reg., iv, 23 (hébreu, y, 3), et qui sont désignés sous 
le nom de barburîm. Voir t. i, col. 1458. Le Samari- 
tain rend par le même terme, nana, le mot yanSûf, 



ment les unes les autres comme autant de tuniques, les 
plus internes demeurant épaisses, charnues, gorgées 
de matières nutritives, protégées par celles de la surface 
bientôt sèches et membraneuses. Les feuilles qui en 
partent sont disposées sur deux rangs, à limbe creux et 
très dilaté puis progressivement aminci jusqu'à l'extré- 
mité. Au centre s'allonge la hampe florifère, elle-même 
flstuleuse et ventrue, surtout vers le tiers inférieur, 
dépassant la longueur des feuilles et terminée par 
une ombelle fournie de forme globuleuse. Chacun des 




463. — Chasse aux oies sauvages. D'après Lepsius, Denkmâler, Atrth. n, Blatt 131. 



Lev., xi, 17, .qui désigne des oiseaux aquatiques. A 
Jérusalem, Néhémie traitait chaque jour à ses frais 
cent cinquante hommes, sans compter les hôtes de pas- 




464. — Égyptiens préparant des conserves d'oie. 
D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, pi. clxxxv. 

sage, et, outre la viande de boucherie, et il leur don- 
nait de la volaille, dont des oies faisaient sans doute 
partie. II Esd., v, 18. Cf. Tristram, Natural History of 
the Bible, Londres, 1889, p. 220. H. Lesêtre. 

OIGNON (hébreu : besâlîm; Septante : xpô(Ji(jiua 
Yulgate : csepe), plante potagère. 

I. Description. — Ce terme s'applique souvent aux 
bulbes que possèdent la plupart des Liliacées, sortes 
de tiges courtes et souterraines entourées par la base 
persistante de feuilles transformées en écailles. Mais il 
désigne particulièrement un légume dont l'usage comme 
condiment remonte à la plus haute antiquité, Allium 
Cepa (fîg. 466). Tous les aulx se reconnaissent à 
l'odeur spéciale et pénétrante qui s'exhale de leurs 
diverses parties : celle de l'oignon suffirait à le distin- 
guer de ses congénères. Mais son bulbe est non moins 
caractéristique, très renflé, arrondi ou même déprimé, 
et restant ordinairement simple jusqu'à la fin, alors que 
dans la plupart des autres espèces il devient multiple 
en produisant sur son pourtour de petits bulbes secon- 
daires ou caieux qui s'en détachent tôt ou tard pour 
multiplier la plante. Les écailles se recouvrent entière- 

DJCT. DE LA. BIBLE. 



nombreux pédicelles supporte une fleur blanche ou 
teintée de violet, puis une capsule obscurément tri- 
quètre remplie à la maturité de graines noires, apla- 
ties-anguleuses. Celles-ci sous un tégument crustacé 
renferment un embryon logé dans un albumen charnu- 




465. — Le dieu Seb. 
D'après Wilkinson, Manners and Customs, t. m, flg. 516. 

huileux. L'oignon originaire des montagnes de l'Asie 
centrale s'est répandu partout grâce à la facilité de sa 
culture sous les climats les plus extrêmes, et, par suite, 
a fourni des variétés fort nombreuses. A l'exception de 
celle qu'on nomme oignon-patate, et qui est franche- 
ment vivace par ses caieux", toutes sont bisannuelles et 
périssent après la floraison : elles doivent donc être 



IV. 



56 



1763 



OIGNON 



1764 



multipliées par le semis. Dans la race vulgairement 
appelée oignon d'Egypte ce sont au contraire des bul- 
billes qui se forment au sommet de la hampe à la place 
des graines, et qui en remplissent les fonctions. 

II. Exégèse. — Les besâlim que les hébreux au désert 
regrettaient si vivement de ne plus trouver comme en 
Egypte (Num., xi, 5) et qui sont mentionnés entre les 
poireaux et l'ail, sont certainement des oigons (Allium 
Cepa). Le nom de cette plante qui en arabe, en syriaque, 
en éthiopien,, conserve les mêmes lettres radicales, les 




466. — Allium Cepa. 

traductions des Septante, de la Vulgate, des Targums, 
ne laissent pas de doute à cet égard. I. Lôw, Aramâïsche 
Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 74. Les Égyp- 
tiens modernes désignent encore Y Allium Cepa par le 
nom de basai ou bussul, qui rappelle les besâlîm 
hébreux (singulier bâsel). 

LesÉgyptiens,don t les Hébreux regrettent les succulents 
oignons, ont cultivé cette plante potagère dès les temps 
les plus reculés. Hérodote, II, xxv, raconte même qu'on 
dépensa pour les ouvriers de la grande pyramide la 
somme fabuleuse de seize cents talents d'argent en 
radis, en oignons et en aulx. .Mais ces chiffres qu'on 
montra à l'historien grec dans une inscription des 
pyramides sont probablement, selon M. Maspero, Nou- 
veau fragment d'un commentaire sur le livre 11 d'Hé- 



rodote, .dans Y Annuaire de la société pour l'encoura- 
gement des études grecques en France, 1875, p. 16, 
« les chiffres des milliers qui dans beaucoup de pros- 
cynèmes, servent à marquer les quantités de choses 
diverses présentées à un dieu pour qu'il les transmette 
au mort. » Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient, t. i, p. 380, note 1. La représenta- 
tion de ce légume est très fréquente dans les monu- 
ments. Ici, à Beni-Hassan, nous- assistons à la récolte 
des oignons : un jardinier les arrache et les lie en 
bottes. Voir t. m, fig. 181, col. 927. Là sur un bas- 
relief de Saqqarah, c'est une marchande qui se rend à la 
ville, une corbeille de légumes sur la tête, et trois bottes 
d'oignons sur l'épaule. Fr. Wônig, Die Pflanzen in 
alten Aegypten, in-8°, Leipzig, 1886, p. 196. Ailleurs, 
Leipsius, Denkmâler, Abth. n, Bl. 96, une des scènes 
d'un marché égyptien, représente un fellah exposant des 
oignons et du blé dans un panier, et en face deux pra- 
tiques apportant en échange l'un deux colliers de ver- 
roterie, l'autre un éventail. Cf. fig. 512, t. il, col. 1556, 
au registre d'en bas à droite. On peut voir au Musée 
Guimet reproduit d'après une peinture des tombeaux 
un marchand d'oignons et de concombres attaqué par 




467. — Prêtre égyptien offrant des oignons. Thèbes. 
D'après Wilkinson, Manners and customs, 2* édit., t. i, flg. 9. 

un singe. Mais le plus fréquemment ce qu'on trouve 
dans les tombeaux ce sont des tables d'offrande, char- 
gées d'oignons, souvent attachés en botte. Comme les 
Égyptiens estimaient beaucoup cet aliment, ils ne pou- 
vaient manquer de l'offrir habituellement à leurs défunts. 
Pour les offrir aux dieux on les disposait en bottes ayant 
la forme de couronne ou de bonnet, Wilkinson, The Man- 
ners and Customs, 1. 1, p. 181, t. il; p. 515 (flg. 467). Au 
Louvre, parmi les végétaux antiques du Musée Égyptien, 
se trouve un carton renfermant une centaine d'oignons 
(allium cepa) torréfiés, comme on le faisait pour les of- 
frandes d'orge et de blé, V. Loret et J. Poisson, Études 
de botanique égyptienne, dans le Recueil de travaux 
relatifs à la philologie et archéol. égypt., t. xvn, 1895, 
p. 184. Du reste on les rencontre souvent bien conservés 
dans les tombeaux. Rien de plus doux, de plus savoureux 
que les oignons d'Egypte qu'on mangeait crus ou cuits. 
Wilkinson, t. u, p. 26, Dans ces pays chauds ils étaient 
un excellent excitant de l'appétit et souvent la nourriture 
habituelle. Il semblerait que le nom d'une plante si com- 
mune devrait avoir été reconnu avec certitude dans 
les textes : on est cependant encore réduit à des con- 
jectures. Comme le signe égyptien qui représente un 

oignon I se prononce houdjî on en a conclu que ce 

devait être le nom de la plante. Ce pourrait être cepen- 
dant un nom générique signifiant bulbe et s'appliquant 



1765 



OIGNON 



OISEAU 



1766 



aux plantes à bulbe. Le nom copte de l'oignon, il est vrai, 
Pire, htit, rappelle l'égyptien houdj. Dans un tombeau 
de Thèbes a côté d'un personnage qui porte une botte 

d'oignons, M. Maspero a lu le mot I I , badjwr, 

badjal, qui donne, semble-t-il, l'origine du bésél hé- 
breu et du basai arabe, l'allium cepa. V. Loret, La 
Flore pharaonique, 2" édit., 1892, p. 36; 0. Celsius, 
Hierobotanicon, in-8», Amsterdam, 1748, t. n, p. 83-89. 

E. Levesque. 
OINT. Messie en hébreu et Christ en grec signifient 
« oint ». Voir Messie, col. 1032; Christ, t. n, col. 717. 

OISEAU (hébreu : sippôr, de sâfar, « siffler; » gôzâl, 
« jeune oiseau ; » 'efroah, « petit oiseau"; » ba'al kânâf, 
« possesseur d'ailes; » 'ôf, « aile, » désignant collecti- 
vement les oiseaux ; chaldéen : sippar, 'ôf : Septante : 
opvsov, ôpviç, ôpvfOiov, u£t£iviv, TiTeptutAv,* Vulgate : avis, 
volatile, volucris, pennatum), animaux vertébrés, revê- 
tus de plumes, et dont les membres antérieurs sont 
conformés pour le vol. Leur bouche est pourvue d'un 
bec dont la forme varie beaucoup, selon les espèces. 
Tous les oiseaux sont ovipares, voir Œuf, col. 1754, et 
la plupart construisent des nids pour y déposer leurs 
œufs et leurs petits. Voir Nid, col. 1620. 

I. Les oiseaux de Palestine. — 1° L'ornithologie 
palestinienne est très riche. Tristram a collectionné dans 
ce pays 322 espèces, auxquelles une trentaine d'autres 
peuvent être ajoutées. Sur ce nombre, 26 sont particu- 
lières à la Palestine ou aux pays limitrophes; 8 appar- 
tiennent à l'Asie orientale; 32 sont communes à l'Arabie 
et à l'Afrique orientale, et enfin 260 se retrouvent en 
Europe. Les oiseaux de proie sont remarquables par 
leur variété et leur grande quantité. Bien que d'une su- 
perficie assez limitée, la Palestine a des côtes maritimes 
très étendues, sur lesquelles se rencontrent en abon- 
dance les oiseaux de mer. Les oiseaux des plaines se 
donnent rendez-vous dans les riches contrées de Saron 
et d'Esdrelon. Les collines, les bois, les rochers, les 
montagnes, les déserts ont leurs hôtes particuliers et 
fort nombreux. Le climat appelle dans le pays, pendant 
l'hiver, les oiseaux du nord, et pendant l'été ceux de 
l'Afrique. L'élévation exceptionnelle de la température 
qui règne dans la vallée du Jourdain et autour de la 
mer Morte permettent à des oiseaux de type tropical d'y 
séjourner habituellement. Toutes ces conditions réunies 
expliquent la richesse de la Palestine en oiseaux de 
tant d'espèces. Cf. Tristram, The natural History of 
the Bible, Londres, 1889, p. 165-167. — 2» Les oiseaux 
mentionnés dans la Bible et cités dans ce Dictionnaire 
sont les suivants, d'après la classification de Linné et 
de Cuvier : 

I. Rapaces, oiseaux carnassiers, qui ont un bec fort 
et crochu, des serres puissantes et acérées et une vue 
très perçante, soit au grand jour, soit au crépuscule, 
d'où deux familles : Diurnes : Aigle, t. i, col. 298. — 
Aiole de mer ou Orfraie, 1. 1, col. 305. — Busard, 1. 1, 
col. 1974. — Circaète, t. u, col. 772. — Crécerelle, 
t. n, col. 1105. — Émouchet, t. il, col. 1764. — Épervier, 
t. ii, col. 1829. — Faucon, t. n, col. 2181. — Gypaète, 
t. m, col. 371. — Milan, t. iv, col. 1084. — Vautour. — 
Nocturnes : Chat-huant, t. n, col. 627. — Chevêche 
t. il, col. 683. — Chouette, t. u, col. 716. — Duc, t. ir, 
col. 1508. — Effraie, t. ir, col, 1598. — Hibou, t. m, 
col. 702. 

II. Grimpeurs, ayant les doigts conformés pour grim- 
per sur les plans verticaux ou inclinés : Coucou, t. n, 
col. 1059. 

III. Palmipèdes, oiseaux aquatiques dont les doigts 
sont palmés pour faciliter la nage; ils sont divisés en 
quatre familles : Cryptorhines, à narines peu visibles : 
Cormoran, t. n, col. 1006. — Pélican. — Longipennes, 
avec des ailes appropriées au long vol : Mouette, t. iv, 



col. 1326. — Pétrel. — Lamellirostres, dont le bec a 
des lamelles cornées sur les bords : Canard, t. n, 
col. 120. — Cygne, t. n, col. 1162. — Oie, t. iv, col. 1760. 

— Plongeurs, à ailes courtes en forme de nageoires : 
Plongeurs. 

IV. Échassiers, oiseaux à longues pattes, formant 
quatre familles : Coureurs, disposés pour courir, plutôt 
que pour voler : Autruche, t. i, col. 1279. — Hérodiens, 
oiseaux de rivage, à vol puissant : Butor, 1. 1, col. 1979. 

— Cigogne, t. n, col. 756. — Demoiselle de Numidie, 
t. n, col. 1365. — Grue, t. m, col. 354. — Héron, t. m, 
col. 654. — Limicoles, oiseaux de marais, vivant surtout 
de vers : Ibis, t. nr, col. 802. — Pluvier. — Macro- 
dactyles, à doigts longs et très fendus, pour marcher 
sur les herbes des marais : Porphyrion. 

V. Gallinacés, oiseaux granivores et lourds d'allure, 
parmi lesquels se rangent la plupart des oiseaux domes- 
tiques ; ils forment deux familles : Colombidés, volant 
aisément et perchant sur les arbres ou dans des eDdroits 
élevés : Colombe ou pigeon, t. n, col. 846. — Tourte- 
relle. — Gallinacés proprement dits, volant difficile- 
ment et perchant assez bas : Caille, t. n, col. 33. — 
Coq, t. n, col. 951. — Paon. — Perdrix. — Poule. 

VI. Passereaux, oiseaux en général de petite taille, 
parmi lesquels se rangent tous ceux qui ne sont pas 
compris dans les classes précédentes : Corbeau, t. n, 
col. 958. — Corneille, t. n, col. 1013. — Engoulevent, 
t. n, col. 1804. — Grive, t. m, col. 351. — Hirondelle. 
t. m, col. 719. — Huppe, t. m, col. 779. — Martinet 
t. ni, col. 720. — Passereau. 

Outre les traits particuliers qui se rapportent à cha- 
cune de ces espèces d'oiseaux et qui sont décrits dans 
les articles qui les concernent, la Sainte Écriture ren- 
ferme encore un assez grand nombre de remarques sur 
les oiseaux en général. 

II. Place des oiseaux dans la création. — 1° Le 
récit de la création assigne au cinquième jour l'appa- 
rition des oiseaux sur la terre. Gen., i, 21. Dans la série 
géologique, on reconnaît leurs traces dès le commen- 
cement de l'époque secondaire, durant la période tria- 
sique. Cf. Cosmogonie, t. n, col. 1043; Tristram, The 
natural History, p. 156. Adam eut à donner des noms 
aux oiseaux. Gen., il, 19, 20. L'homme reçut formelle- 
ment le pouvoir de les dominer. Gen., i, 26, 28. Ce 
pouvoir fut confirmé après le déluge, Gen., ix, 2, et 
plusieurs fois rappelé par la suite. Ps. vin, 9; Bar., m, 
17; Eccli., xvii, 3. — Saint Jacques, m, 7, remarque 
que toutes les races d'oiseaux peuvent être domptées 
par l'homme. — 2° A l'époque du déluge, Dieu voulut 
exterminer tous les êtres, jusqu'aux oiseaux du ciel, 
Gen., vi, 7; il ordonna à Noé de faire entrer dans 
l'arche sept paires de chacun d'eux, Gen., vu, 2, ce qui 
fut fait. Gen., vu, 14. Tous les autres périrent. Gen., vn i 
21, 23. Le déluge passé, les oiseaux de l'arche sortirent. 
Gen., vm, 17, 19. Si on admet l'universalité absolue du 
déluge, il faut supposer toute une série de miracles pour 
expliquer le rassemblement dans l'arche des sept paires 
d'oiseaux de chaque espèce. Avec la théorie de l'univer- 
salité [restreinte, cf. t. n, col. 1351, il suffit d'admettre 
que Noé n'a eu à s'occuper que de certaines espèces 
d'oiseaux plus faciles à rassembler et plus utiles à con- 
server. D'ailleurs le patriarche ne se borna pas aux oi- 
seaux qui peuvent être mangés, puisque des corbeaux 
furent admis dans l'arche. Gen., vin, 7. Noé se sert 
successivement de deux oiseaux, le corbeau et la co- 
lombe, pour se rendre compte de l'état du sol après la 
décroissance des eaux. Gen., vm, 6-9. Le même trait 
se retrouve dans le récit chaldéen du déluge, col. 111, 
147-155. Cf. Yigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, 6 e édit-, t. i, p. 320. Les anciens navigateurs 
emportaient avec eus des oiseaux destinés à leur indi- 
quer la proximité ou la direction du rivage. Voir Co- 
lombe, t. n, col. 847. — 3» Dieu, maître des oiseaux, 



1767 



OISEAU 



176» 



comme de toutes les créatures, les connaît tous. Ps. l 
(xlix), 11. 11 les a faits moins sages que l'homme, 
Job, xsxv, 11, et la sagesse leur est cachée, Job, xxviii, 
21; ils n'en sont pas moins capables d'apprendre à 
l'homme que Dieu a fait toutes choses. Job, XH, 7. Ils 
tremblent devant Dieu, Ezech., xxxviii, 20, et lui ont 
obéi en pleuvant au désert comme le sable pour nourrir 
les Hébreux. Ps. lxxviii (lxxvii), 27; Sap., xix, 11. Aussi 
est-ce à bon droit qu'ils sont invités à bénir le Seigneur. 
Ps. cxlviii, 10; Dan!, m, 80. — 4" Les oiseaux sont 
souvent associés au sort de l'homme, ainsi que les autres 
animaux. Dieu fait alliance avec l'homme et avec les 
oiseaux qui dépendent de lui. Gen., IX, 9; Ose., n, 18. 
Par contre, les oiseaux sont châtiés avec l'homme ou 
disparaissent pour sa punition. Jer., ix, 10; xn, 4; 
Ose., iv, 3; Soph., i, 3. 

III. Les oiseaux dans la législation mosaïque. — 
1° La loi défend de manger certaines espèces d'oiseaux. 
Lev., xi, 13-19; xx, 25; Deut., xiv, 11-18; cf. Act.,X,12; 
xi, 6. La défense porte sur les rapaces, les palmipèdes, 
les échassiers, et, parmi les passereaux, sur tous les 
corvidés et. sur la huppe. De fait, la chair de tous ces 
oiseaux est répugnante ou indigeste, à raison du genre 
d'aliments dont ils se servent, et les tribus de Syrie et 
d'Arabie ont sur ce point les mêmes idées que les an- 
ciens Israélites, à quelques exceptions près. Il restait à 
ces derniers l'usage des gallinacés et d'un bon nombre 
de passereaux. La Loi ne s'inspirait pas seulement d'une 
pensée d'hygiène ; elle tendait surtout à préconiser l'idée 
de la pureté qui doit présider à tous les actes de l'Israé- 
lite. Cf. t. m, col. 861. Ezéchiel, xliv, 31, rappelle aux 
prêtres la défense de manger la chair des oiseaux morts 
ou déchirés. Cette défense est renouvelée de Lev., xxii, 
8, qui ne parle que des bêtes en général. — 2° Le sang 
de l'oiseau comestible pris à la chasse devait être ré- 
pandu sur le sol et recouvert de terre. Lev., xvii, 13. 
Voir Sang. — 3° Quand on prenait un nid avec les 
petits ou les œufs, il fallait laisser la mère en liberté. 
Deut., xxu, 6. Cette prescription était destinée à main- 
tenir parmi les Israélites des habitudes de douceur et 
de bienveillance, même envers les animaux. — 4» Le 
Décalogue défendait expressément toute image taillée 
et toute figure « de ce qui est en haut dans le ciel ». 
Exod., xx, 4. Il s'agissait de « toute image d'oiseau qui 
vole dans le ciel ». Deut., iv, 17. Cette défense devait 
couper court à toute tentative de culte idolâtrique, et 
ce n'est pas sans raison que saint Paul reproche aux 
gentils d'avoir adoré des images d'oiseaux. Rom., i, 23. 
On sait que beaucoup de divinités égyptiennes étaient 
représentées avec des figures d'oiseaux, Horus avec celle 
de l'épervier, cf. t. H, col. 1829; Thot avec celle de 
l'ibis, cf. t. m, col. 801; Seb avec celle de l'oie. Cf. 
col. 1761, etc. Les Hébreux avaient été en Egypte té- 
moins de ce spectacle, contre lequel il importait de 
les prémunir. C'est à raison de cette loi que la présence 
à Jérusalem des aigles romaines constituait pour les 
Juifs un attentat sacrilège. Voir Abomination de la dé- 
solation, t. i, col. 71. Hérode avait placé sur la grande 
porte du Temple, contrairement à cette même loi, un 
grand aigle d'or, symbole de la domination romaine. 
Les docteurs juifs virent là un outrage à leur religion. 
Pendant la dernière maladie du roi, deux d'entre eux, 
Judas et Matthias, excitèrent les jeunes gens qu'ils in- 
struisaient à faire disparaître l'emblème prohibé. Ceux- 
ci, en plein midi, abattirent l'aigle à coups de haches. 
Une quarantaine d'entre eux furent saisis. Par ordre 
du roi, les deux docteurs et les principaux exécuteurs 
de l'acte furent brûlés vifs et les autres égorgés. 
Josèphe, Ant. jud., XVII, vi, 2, 3; Bell, jud., I, xxxiii, 
2-4. , . 

IV. Les oiseaux dans les sacrifices. — 1° Au sortir 
de l'arche, après le déluge, Noé offrit à Dieu des holo- 
caustes d'animaux et d'oiseaux purs. Gen., vin, 20. — 



2° Abraham, sur l'ordre de Dieu, offrit aussi un sacri- 
fice comprenant une génisse, une chèvre, un bélier, 
une tourterelle et une jeune colombe. Les quadrupèdes 
furent partagés et leurs deux moitiés mises en face l'une 
de l'autre; mais les oiseaux furent laissés entiers. 
Gen., xv, 9, 10. Cet usage de ne pas mettre les oiseaux 
en morceaux dans les sacrifices, probablement à cause 
de leur faible volume, fut plus tard consacré par la Loi. 
Lev., i, 17. — 2° On ne pouvait admettre pour les holo- 
caustes que des colombes ou des tourterelles. Lev., i, 
14. Voir Colombe, t. n, col. 848; Tourterelle. Pour la 
purification du lépreux, il fallait « deux oiseaux Vivants 
purs ». Lev., xiv, 4. Ces oiseaux, çipporim, sont appelés 
ôpvMta par les Septante et passeres par la Vulgate. Il 
ne s'agit pas ici nécessairement de colombes ou de tour- 
terelles, réservées pour le sacrifice que le lépreux offrira 
dans le sanctuaire, Lev., xiv, 22, mais d'oiseaux purs 
quelconques, gallinacés ou passereaux. Cf. Gem. Jerus. 
Nazir, 51, 2. Dans les sacrifices publics, on n'offrait 
jamais d'oiseaux, Siphra, f. 64, 1, et dans les autres 
sacrifices qui comportaient des offrandes d'oiseaux, il 
n'y avait pas à s'inquiéter de leur sexe ni de leurs dé- 
fauts, Siphra, f. 239, 9, parce que la Loi ne parlait de 
ces choses qu'à propos des quadrupèdes. Lev., xxu, 19. 




468. — Oiseau en bois, à roulette. 

D'après FI. Pétrie, Hawara, Biahmu and Arsinoe, 

pi. xiii, 21. 

— 3° Des règles spéciales déterminaient la manière dont 
les oiseaux destinés aux sacrifices devaient être immo- 
lés. Le prêtre les égorgeait avec l'ongle. Lev., i, 15. Dans 
ce but, il prenait l'oiseau de la main gauche, les deux 
derniers doigts saisissant les pattes, le pouce et l'index 
tenant le cou retourné. Puis, avec le pouce de la main 
droite, il coupait le cou de l'oiseau, de manière à le 
séparer pour les holocaustes, Lev., i, 15, et à le laisser 
adhérent au corps pour les sacrifices expiatoires. Lev., v T 
8. Cf. Sebachim, 64, 2. Les prêtres seuls exécutaient 
cette immolation, et elle passait pour une de leurs 
fonctions les plus difficiles. Cf. Siphra, f. 66, 2; Gem. 
Joma, 47, 2; 49, 2. Bien que cette immolation pût se 
faire d'un côté quelconque de l'autel, l'usage était de se 
tenir, pour les holocaustes, au sud-est, près de l'endroit 
où devaient être jetées les entrailles et les plumes,, 
Lev., i, 16, et au sud-ouest pour les autres sacrifices. 
Cf. Siphra, f. 67,1; Sebachim, vi, 2; Iken, Antiqui- 
tates hebraicsc, Brème, 1741, p. 175; Reland, Antiqui- 
tates sacrée, Utrecht, 1741, p. 159. Dans la Mischna, le 
traité Kinnim s'occupe des offrandes d'oiseaux dans les 
sacrifices des pauvres. 

V. Mœurs des oiseaux. — Différents traits bibliques, 
se rapportent aux mœurs des oiseaux en général, sans 
compter ceux qui concernent chaque espèce en parti- 
culier. — 1° Leur vol. Le vol est la caractéristique des oi- 
seaux, d'où les noms de ba'al kânâf, « maître d'ailes, » 
Prov., i, 17; Eccle., x, 20, de kol kânâf, « toute aile, » 
tous les oiseaux, Gen., vu, 14, et de 'of, « aile, » Gen., i,. 
21, 30; Lev., xvn, 13; Dan., n, 38, etc., pour désigner 
les oiseaux en général. Éliphaz, voulant démontrer à 
Job que ses malheurs ne sont pas naturels, lui demande- 



1769 



OISEAU 



1770 



si l'homme est né pour la peine comme les benê réSéf r 
les fils de [la foudre pour voler. Job, v, 7. Par ces fils 
de la foudre, les Septante entendent les petits du vau- 
tour, veo<t<toi Yutô;, et la Yulgate les oiseaux, avez. Les 
modernes croient que ces « fils de la foudre » ou « fils 
de la flamme » sont les étincelles, les anges, etc. La tra- 
duction adoptée par les versions se base sur ce fait que, 
quand il est question de vol, c'est tout d'abord aux oi- 
seaux que l'on pense. — . Le livre de la Sagesse, v, 11, 



des obstacles, l'Ecclésiaste, x, 20, recommande de ne 
pas maudire le roi, même en secret, « car l'oiseau du 
ciel emporterait ta voix et l'animal ailé publierait tes 
paroles. » C'est l'équivalent de notre proverbe : « Les 
murs ont des oreilles, » mais sous une forme plus gra- 
cieuse et d'ailleurs appropriée à un pays de vie en plein 
air. Baruch, VI, 21, 70, remarque que les oiseaux volent 
sur la tête des idoles et même se posent sur elles. — 
2° Leur séjour. Les oiseaux ont leur nid, dans lequel 




469. 



■ La stèle des vautours. Musée du Louvre. 



décrit ainsi le vol des oiseaux : « L'oiseau s'envole à tra- 
vers les airs sans qu'on puisse trouver trace de son pas- 
sage; on n'entend que le bruit de ses ailes qui frappent 
l'air léger et s'y frayent un chemin avec effort; il le tra- 
verse par le mouvement de ses ailes et l'on ne trouve 
plus ensuite par où il a passé. » Osée, îx, 11, dit que la 
gloire d'Israël s'envole comme l'oiseau. S'appuyer sur 
lès mensonges, c'est poursuivre l'oiseau à travers les 
airs. Prov., x, 4 (Vulgate). Les malédictions injustifiées 
sont comme l'oiseau qui vole, Prov., xxvi, 2, elles ne 
laissent pas plus de traces que le vol de l'oiseau. Les 
nuées sont comparées à des oiseaux qui volent, et la 
neige à des oiseaux qui s'abattent. Eccl., xlv, 15, 19. 
Les filles de Moab seront commedes oiseaux qui fuient, 
comme une nichée que l'on disperse. Is., xvi, 2. Comme 
l'oiseau, dans son vol, se rend de tous côtés, en dépit 



ils habitent pendant qu'ils couvent et élèvent leurs pe- 
tits. Voir Aire, t. r, col. 329, 6; Nid, t. iv, col. 1620. 
Matth., vm, 20; Luc, ix, 58. Ils déploient leurs ailes 
sur leur couvée, Is., xxxi, 5, et ressemblent à l'exilé 
quand ils errtnt loin de leur nid. Prov., xxvn, 8. Ils 
habitent aussi dans les branches des arbres, et la Sain le 
Écriture compare volontiers à un arbre assez développé 
pour abriter les oiseaux dans ses branches soit un puis^ 
sant royaume, Ezech., xxxi, 6, 13, soit un grand mo- 
narque, Dan., iv, 9, 11, 18, soit surtout le royaume 
messianique. Ezech., xvii, 23; Matth., xm,32; Marc.,iv, 
32; Luc, XIII, 19. Les oiseaux aiment à fréquenter le 
bord des ruisseaux, Ps. civ (cm), 12, et à se réunir avec 
ceux de la même espèce. Eccli., xxvn, 10. Les oiseaux 
sauvages s'établissent dans les ruines solitaires. 
Apoc, vin, 2. — 3° Leur nourriture, A part les oiseaux 



1771 



OISEAU 



1772 



de proie, qui se nourrissent de chair, les palmipèdes et 
les échassiers, dont beaucoup se nourrissent de poisson, 
cf. I Cor., xv, 39, la plupart des autres oiseaux sont 
granivores. Le panetier du pharaon voyait en songe les 
oiseaux du ciel manger les pâtisseries contenues dans 
la corbeille qu'il portait sur la tête. Gen., XL, 17. Les 
oiseaux ne sèment point, mais Dieu les nourrit. 
Matth., vi, 26. Voir Corbeau, t. n, col. 960. Ils mangent 
le grain qu'ils aperçoivent sur le sol. Matth., xm, 4; 
Marc, iv, 4; Luc, vin, 5. — 4° Leur chant. Les oiseaux 
Font résonner leur voix dans le feuillage. Ps. civ (cm), 
12; Cant., n, 12. Le livre de la Sagesse, xvn, 17, parle 
du « chant mélodieux des oiseaux dans les rameaux 
épais des arbres ». Les oiseaux chanteurs, fauvettes, 
merles, rossignols, etc. , abondent dans les arbres de la 



on aimait à tenir les oiseaux captifs, Job, XL, 24, et à 
les mettre en cage. Jer., v, 27. Voir Cage, t. n, col. 30. 
A défaut d'oiseaux vivants, les enfants jouaient avec des 
imitations en bois, comme ce pigeon à roulettes qu'on 
a retrouvé en Egypte (fig. 468). — 2° Les chasseurs se 
proposaient surtout la capture des oiseaux comestibles. 
Les petits oiseaux étaient en Orient un objet très com- 
mun de commerce et de consommation. Cf. Matth., x, 
29; Luc, xn, 6. Aujourd'hui encore, dans les marchés, 
on voit de longs chapelets de moineaux et d'autres oi- 
seaux mis en vente par les oiseleurs. Les gargoliers sy- 
riens les vendent souvent tout plumés, troussés, alignés 
sur de petites brochettes de bois, et rôtis. En dehors 
des engins communément employés pour la chasse aux 
oiseaux, flèches, pierres, filets et pièges, rien ne prouve 




470. — Oiseau de proie attiré par les cadavres. D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 26. 



vallée du Jourdain et des autres vallées boisées. Cf. 
Tristram, The natural Bistory, p. 161. Le vieillard se 
lève au chant de l'oiseau. Eccle., xn, 4. Voir Coq, t. n, 
col. 952. 

VI. Chasse des oiseaux. — Voir Chasse, t. n, col. 621 ; 
Filet, col. 2245; Piège. 1° La Sainte Écriture compare 
l'homme prémuni contre la tentation, aux oiseaux sous 
les yeux desquels on tend en vain des filets, Prov., i, 
17; l'homme qui doit se dégager d'une caution, à l'oiseau 
qui s'échappe de la main de l'oiseleur, Prov., vi, 5; le 
jeune homme qui se laisse séduire par la courtisane, 
à l'oiseau qui se précipite dans le filet sans savoir qu'il 
y va pour lui de sa vie, Prov., vu, 23; celui qui froisse 
un ami, à celui qui fait fuir les oiseaux en leur jetant 
une pierre, Eccli., xxii, 25 (18); xxvn, 21 (19); l'homme 
sur qui fond le malheur, aux oiseaux sur lesquels s'abat 
tout d'un coup le filet, Eccle., ix, 12; les ennemis de 
Jérusalem, au chasseur qui poursuit le passereau à 
coups de pierres, La m., m, 52, 53; Éphraïm coupable, 
aux oiseaux du ciel qu'abat le filet, Ose., vu, 12: enfin 
la justice de Dieu qui fond sur Israël infidèle, à l'oi- 
seau qui se précipite sur l'appât du piège. Am., ni, 5. 
Cf. Van Hoonacker, dans la Revue biblique, 1905, p. 171 . 
Pour entendre leur chant et contempler leurs ébats, 



que les Hébreux se soient servis des chiens, comme 
les Égyptiens et les Assyriens, ni des faucons, comme 
les Grecs, les Arabes et beaucoup d'autres peuples 
orientaux. Le chien étant un animal impur, il est peu 
probable que les Israélites aient jamais consenti à 
manger un oiseau qu'il aurait souillé de son contact. 
Cf. Exod., xxii, 31 ; Lev., xxii, 8. Quant à la fauconnerie, 
la Sainte Ecriture n'y fait aucune allusion et, à vrai dire, 
la conformation du sol en Palestine est fort peu favo- 
rable à ce genre d'exercice. Cf. Tristram, The natural 
History, p. 161-165. Sur la chasse des cailles, voir t. n, 
col. 36. 

VIL Les oiseaux de proje. — Il est souvent fait men- 
tion des oiseaux de proie en général, désignés par le 
mot 'ayît en hébreu. Gen., xv, 11 ; Is., xvm, 6; 
Ezech,, xxxix, 4. — 1° Quand Abraham eut divisé les 
victimes de son sacrifice, les oiseaux de proie accou- 
rurent pour en prendre leur part et le patriarche fut 
obligé de les chasser. Gen., xv, 11. Joseph annonça au 
panetier du pharaon qu'il serait pendu et que les oi- 
seaux déchiqueteraient son corps. Gen.,xL, 19. Pendant 
plusieurs mois, Respha demeura auprès des cadavres 
des sept fils de Saûl pour empêcher les rapaces de les 
dévorer. II Reg., xxi, 10. — 2° On trouve assez souvent 



1773 



OISEAU 



OISIVETÉ 



1774 



dans la Sainte Écriture cette malédiction portée contre 
les coupables : qu'après leur mort ils soient dévorés 
par les oiseaux du ciel et les animaux des champs ! 
Moïse annonce aux Israélites que, s'ils sont infidèles au 
Seigneur, leurs cadavres seront la pâture des oiseaux et 
des bêtes que personne ne chassera. Deut., xxvui, 26. 
Jérémie, vu, 33, répète la même annonce. Il revient 
plusieurs fois sur ce sujet avec grande insistance. Jer., xv, 
3; xvi, 4; xix, 7; xxxiv, 20. La menace se réalisa. Les 
Israélites purent se plaindre que leur ville et leur Temple 
fussent en ruines et que les cadavres des leurs aient été 
livrés en pâture aux oiseaux du ciel. Ps. lxxix (lxxviii), 
1, 2. — Le même sort est prédit aux ennemis d'Israël, 
aux Éthiopiens, Is., xvm, 6; aux Égyptiens, Ezech., xxix, 
5; xxxu, 4; à Gog., xxxix, 4. Le prophète invite, de la 
part de Dieu, les oiseaux de toute sorte à venir se ras- 
sasier au sacrifice des ennemis immolés. Ezech., xxxix, 
17. Saint Jean reproduit cette invitation pathétique à 
tous les oiseaux qui volent à travers le ciel : « Venez, 
rassemblez-vous pour le grand festin de Dieu, pour 
manger la chair des rois, la chair des chefs de guerre, 
la chair des vaillants ! » Apoc.,xtx, 17-21. — A plusieurs 
grands coupables, il est annoncé que les oiseaux du ciel 
dévoreront leur cadavre. Ainsi en arriva-t-il pour les des- 
cendants de Jéroboam, III Reg., xiv, 11; pour ceux de 
Baasa, III Reg., xvi, 4, et pour ceux d'Achab. III Reg., 
xxi, 24. — Quand David et Goliath sont en présence, 
ils ne manquent pas de vouer mutuellement le cadavre 
de l'adversaire aux oiseaux du ciel. I Reg., xvn, 44, 46. 
— Antiochus Épiphane, frappé par la vengeance divine, 
promettait d'égaler aux Athéniens ces mêmes Juifs 
« qu'il avait jugés indignes de sépulture, et dont il avait 
dit qu'il livrerait leurs cadavres en proie aux oiseaux du' 
ciel et aux bêtes féroces ». II Mach., îx, 15. — Quand 
le général syrien, l'impie Nicanor, eut été défait et mis 
à mort, Judas Machabée fit couper sa langue en mor- 
ceaux pour qu'on la donnât en pâture aux oiseaux. 
II Mach., xv, 33. — 3° L'idée d'abandonner le cadavre 
d'un ennemi en pâture aux oiseaux de proie est commune 
à tous les anciens peuples de l'Orient, et même aux 
Grecs et aux Latins. Cf. lliad., i, 4; Virgile, ASneid., 
ix, 485. Après avoir fait périr des gens de Babylone, près 
d'un taureau-colosse aux environs duquel son grand- 
père Sennachérib avait été assassiné, Assurbanipal aban- 
donna leurs cadavres aux chiens et aux oiseaux de proie. 
Cf. Schrader, Keilinschriftliche Bibliotek, t. Il, p. 192. 
Une stèle de Lagasch, dont les débris sont au Louvre, 
montre les vautours dépeçant les cadavres après la ba- 
taille (fig. 469), et sur un monument assyrien, on voit 
l'oiseau de proie planer au-dessus des combattants en 
attendant sa proie (fig. 470). Dans toute l'antiquité, on 
attachait la plus grande importance à la sépulture du 
cadavre. Chez les Sémites, en particulier, on croyait que 
l'âme ne pouvait descendre en paix dans les enfers 
qu'autant que le corps jouissait de sa sépulture. Autre- 
ment elle se trouvait forcée d'errer sur la terre, dans 
un domaine qui n'était plus le sien. Voir Sépulture; 
Maspcro, Histoire ancienne des peuples de l'Orient 
classique, Paris, 1895, t. i. 589; Lagrange, Études sur 
les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 326-336; Loiay, 
Les mythes babyloniens, Paris, 1903, p. 202, 203. C'était 
donc infliger un déshonneur et un châtiment à quel- 
qu'un que de livrer son cadavre aux rapaces et d'aban- 
donner ses os sur le sol. Ce sort était plus redoutable 
encore pour les Israélites, car les rapaces étaient des 
animaux impurs, dont on ne pouvait devenir la nour- 
riture que par suite d'une malédiction terrible. De plus, 
la présence des ossements abandonnés à la surface du 
sol constituait pour les survivants une occasion de 
souillure permanente. D'après Hérodote, i, 140, il en 
était tout autrement chez les Perses et surtout les mages 
qui n'enterraient un corps qu'après qu'il avait été dé- 
hiré par un oiseau ou par un chien. 



Il est dit que Salomon avait disserté sur les oiseaux 
par conséquent sur ce que l'on savait alors de leurs es- 
pèces et de leurs mœurs. III Reg., iv, 33. 

H. Lesêtre. 

OISELEUR (hébreu : yâqôs,yâqûs, yôqêë; Septante : 
cÇeu-nriç, Oripe'jTiriç; Vulgate : auceps, venans), celui qui 
prend des oiseaux à l'aide d'engins divers. Voir Filet, 
t. il, col. 2245; Piège. Prendre les oiseaux à" la chasse 
s'exprime par le verbe sud, BripeuErv, capere aucupio. 
Lev., xvii, 13. — L'oiseleur épie et se baisse pour 
dresser ses pièges. Jer., v, 26. Il met son filet sur le 
chemin par où passeront les oiseaux. Ose., ix, 8. Mais 
parfois l'oiseau s'échappe de sa main, Prov., VI, 5, ou 
du filet. Ps. cxsiv (cxxin), 7. Dieu lui-même délivre la 
victime du filet de l'oiseleur. Ps. xci (xc), 3. Dans ces 
différents textes, l'oiseleur représente le méchant qui 
prépare ses machinations contre le juste qu'il veut 
perdre. — Les versions nomment encore l'oiseleur, 
iÇeu-rii;, celui qui prend les oiseaux à la glu, auceps, 
dans un passage où Amos, m, 5, parle seulement du 
lacet que l'oiseleur caché tient à la main pour abattre 
le filet au moment propice. Voir t. n, col. 2245. 

H. Lesëtre. 

OISIVETÉ (Septante : àpyi'a; Vulgate : oliositas), 
état d'un homme inoccupé. Quand cet état succède lé- 
gitimement au travail, c'est le repos; quand on s'y 
maintient volontairement alors qu'on devrait travailler, 
c'est la paresse. Voir Paresse. — L'oisiveté enseigne 
beaucoup de malice, Eccli., xxxm, 29, car elle laisse 
libre carrière à toutes les pires tentations. La femme 
forte ne mange pas le pain 'aslôf, « des paresses, » 
oxviripdt, « lente, » otiosa, « oisive, » Prov., xxxi, 27. 
Insensé est celui qui recherche rêqim, (jui-taca, « les 
futilités, » otiurtx, « l'inaction. » Prov., xn, 11; xxvm, 
19. Dans ce second passage, les Septante remplacent 
[iàraia par <rxoW|, (l le loisir. » Celui qui se fatigue â 
travailler beaucoup laisse son bien à qui ne s'est occupé 
de rien, Vulgate, « à un oisif. » Eccl., h, 21. Quand vient 
la vieillesse, les dents « sont oisives, » bdtlû, ï]'pyyi<7ocv, 
otiosm. Eccl., xn, 3. Parmi les causes des péchés de 
Sodome, Ezéchiel, xvi, 49, signale l'orgueil, la bonne 
chère, et salvaf liasqët « la sécurité du repos, » eù8ï]V!a 
êoit«TâXti)v, « l'abondance des délices, » abundantia et 
otiunx, « l'abondance et le repos. » Quand le roi de 
Babylone tire au sort la ville qu'il va assiéger et que le 
sort tombe sur Jérusalem, les habitants de cette cité 
disent que ce sera sebu'ê sebu'ôt lâhêm, « serments de 
serments pour eux, » expression obscure qui parait 
vouloir dire que les Israélites ont pour eux les serments 
par lesquels Dieu s'est engagé en leur faveur. Les 
Septante ne rendent pas ces mots. La Vulgate a lu sébé, 
sabbetôf lâhêm, « repos des sabbats pour eux, » ce qui 
peut signifier que, malgré les menaces du roi de 
Babylone, ce roi ou eux-mêmes resteront aussi tran- 
quilles qu'on l'est un jour de sabbat. Ezech., xxl, 23(28). 
— Notre-Seigneur dit qu'on rendra compte d'une 
parole oiseuse, âpyijv, qui ne contribue pas au 
bien en quelque manière et reste stérile. Matth., 
XII, 36. Le père de famille trouve sur la place, des 
ouvriers oisifs, images de ceux qui ne travaillent pas à 
l'œuvre de Dieu. Matth,, xx, 3, 6. Saint Paul blâme les 
jeunes veuves oisives qui courent les maisons. I Tim., 
v, 13. — Dans les synagogues juives était requise la 
présence d'au moins dix Israélites pour le service divin. 
Ce nombre n'était pas difficile à obtenir le jour du 
sabbat. Les autres jours, il en était autrement, surtout 
dans les petites localités. De là l'institution des « dix 
oisifs », 'àêrâh batldnin, dont parlent fréquemment les 
anciens écrivains juifs. Cf. Jer. Megilla, i, 6; Bab. 
Megilla, 5 a ; Baba kamma, 82 a ; Sanhédrin, 17 b , etc. 
La première mention s'en trouve dans la Mischna, 
Megilla, i, 3, qui qualifie de localités importantes 
celles dans lesquelles se rencontrent « dix oisifs ». 



1775 



OISIVETÉ — OLIVIER 



1776 



Dans les autres, on donnait un salaire à dix hommes 
chargés d'assurer une assistance convenable à la syna- 
gogue au moment de la prière. Cf. Buxtorf, Lexicon 
chai. talm. rabb., Bâle, 1640, col. 292; Reland, Anti- 
quitates sacrx, Utrecht, 1741, p. 69. Ces « dix oisifs » 
n'étaient ni des lettrés, ni des dignitaires, que d'ailleurs 
on aurait eu peine à rencontrer dans les villages- 
Cf. Schûrer, Geschichte des jûdiscken Volkes im Zeital- 
terj. C, Leipzig, t. n,1898, p. 442. H. Lesêtre. 

1. OLEARIUS Gode f roi, théologien protestant, né à 
Halle le 1 er janvier 1604, mort dans cette ville le 20 fé- 
vrier 1685. Après avoir enseigné la philosophie à Wit- 
tenberg, il fut ministre, puis surintendant à Halle- 
Parmi ses écrits : Erklârung des Bûches Hiob in LV 
Predigten, in-4°, Leipzig, 1633 ; Bibliotheca theoreitico- 
practica adnotata, in-4°, Halle, 1676. — Voir Walch, 
Biblioth. theologica, t. iv, p. 407, 982, 1071. 

B. Heurtebize. 

2. OLEARIUS Jean, frère du précédent, théologien 
protestant, né à Halle le 17 septembre 1611, mort à 
Weissenfels le 14 avril 1684. Il fut docteur en théologie 
de l'université de Wittenberg, surintendant de Querfurt, 
conseiller du consistoire et enfin surintendant général 
à Weissenfels. Parmi ses nombreux écrits : Biblische 
Erklârung, 5 in-f°, Leipzig, 1678-1681. 

OLEASTER (Jérôme), théologien catholique portu- 
gais, appelé aussi Jérôme de Azambuja, du nom d'un 
bourg de Portugal, mort en 1563. Il entra, le 6 oc- 
tobre 1520, dans l'ordre des Frères prêcheurs, au 
célèbre couvent de Batalha. Très versé dans la connais- 
sance du latin, du grec et de l'hébreu, il fut un habile 
jurisconsulte et un très savant théologien. En 1545, sur 
la demande de Jean III, roi de Portugal, il se rendit en 
Italie, avec plusieurs religieux de son ordre, pour assis- 
ter au concile de Trente. A son retour, le même souve- 
rain lui proposa l'évêché de l'île de Saint-Thomas (Sâo 
Thomé), dans le golfe de Guinée; mais il refusa, pour 
ne pas interrompre ses travaux. Peu de temps après, il 
fut nommé inquisiteur par le cardinal Henri et il 
exerça successivement les principales charges de son 
ordre dans sa province ; au moment de sa mort il était 
provincial. On a de lui : Commentaria in Pentatew 
chum Moysi, hoc est in quinque primos Bibliorum 
libros ; quibus juxta Magistri sancti Pagnini Lucensis 
interpretationem Hebraica veritas cum ad genuinum 
literss sensum, tum ad mores informandos ad unguem 
enucleatur, in-f», Lisbonne, 1556; in-f», Anvers, 1568; 
in-f», Lyon, 1586 et 1589. ~ In Esaiani commentaria, 
in-f», Paris, 1623 et 1658. — Il avait, croit-on, composé 
aussi des commentaires des livres des Rois, des Psaumes, 
de Jérémie et des petits prophètes; mais ils n'ont pas 
été publiés. Voir dans Nicolas Antonio, Bibliotheca his- 
pana, in-f», Rome, 1672, t. I, p. 448; Echard, Sc7-iptores 
ordinis Prœdicatorum, in-f», Paris, 1719-1721, t. u, 
p. 182 et 335. A. Régnier. 

OLIVE, fruit de l'olivier. Le fruit porte le même nom 
que l'arbre en hébreu, en grec et en latin. Voir Oli- 
vier 1. Il est mentionnées., xvii, 6; xxiv, 13 ; Mich. , vi, 
15, etc. Les noyaux d'olives sont appelés dans la Vulgate : 
ossa olivanim. Baruch., vi, 42. Les Septante ont dans 
ce passage ta Tritupa, « son » du blé, ce qui désigne 
sans doute des espèces de gâteaux de son que les 
femmes babyloniennes faisaient brûler comme un 
charme pour attirer les hommes en l'honneur de la 
déesse Istar. Voir Schleusner, Novus thésaurus philo- 
logicus, t. vi, 1821, p. 547. 

OLIVETAN Pierre Robert, parent et compatriote 
de Calvin, né vers la fin du xv e siècle à Noyon, mort à 
Ferrare, en Italie, en 1538. Il habita successivement 



Genève et Neufchâtel en Suisse. C'est àNeufchàtel qu'il 
commença la première traduction française protestante 
de la Bible. Sur cette traduction, voir t. n, col. 2363. 

1. OLIVIER (hébreu : zaif ; Septante : èXotfa; Vulgate : 
oliva), arbre dont la culture était très répandue en 
Palestine. 

I. Description. — Dans la série végétale, les Oléacées 
forment une famille des plus naturelles à fleurs gamo- 
pétales régulières pourvues de deux étamines. Ce sont 
des arbres et arbrisseaux à feuilles opposées répandus 
dans les parties tempérées-chaudes de l'hémisphère 
boréal. Leur nom vient des oliviers qui en constituent 
le principal genre, et spécialement de VOlea europea 
(fig. 471) spontané dans une foule d'endroits rocailleux 
de la région méditerranéenne dont il caractérise bien 




471. — Olea Europea. 

la végétation. Ce type est très variable, et il faut sans 
doute lui rattacher comme simple race propre à l'Asie 
centrale YO. cuspidata décrit à part dans le Prodrome 
par de Candolle. La plante sauvage et rabougrie, con- 
nue sous le nom d'Oléastre, a ses rameaux latéraux 
souvent terminés en pointe épineuse avec des feuilles 
petites et coriaces, tandis que l'espèce améliorée par la 
culture et par des sélections méthodiques a fourni des 
races plus vigoureuses, à feuilles larges, et surtout 
plus fertiles. L'olivier sans atteindre jamais les dimen- 
sions d'un grand arbre, est doué d'une extrême longé- 
vité : son bois jaune veiné de brun est dur et suscep- 
tible de prendre un beau poli. Du tronc assez inégal 
s'élancent de fortes branches dressées d'un blanc 
grisâtre. Les feuilles persistantes ont un limbe ovale 
lancéolé, entier, atténué en court pétiole, glabre et d'un 
vert cendré en dessus, blanc-soyeux en dessous avec la 
nervure médiane seule saillante. De nombreuses petites 
fleurs blanches sont groupées en c inflorescences axillaires 
ou terminales, formées- d'un calice campanule, d'une 
corolle en roue, et d'un ovaire libre à deux loges deve- 
nant à la fin un fruit charnu, penché sur son pédon- 



il 777 



OLIVIER 



1778 s 



■cule, oblong avec noyau central osseux à surface réti- 
culée. C'est ce fruit d'abord vert, puis noir, connu sous le 
nom d'olive, qui rend l'arbre précieux et l'a fait cultiver 
dés l'antiquité la plus reculée dans toules les contrées 
de l'ancien monde jouissant d'un climat approprié, sur- 
tout d'étés assez longs et secs pour assurer habituellement 
Ja maturité de la récolte. A cet élat la chair de l'olive 
fournit par expression l'huile douce la plus estimée pour 
les usages de la table et de l'industrie. La drupe elle- 
même devient comestible, récoltée avant la maturité et 
soumise à la macération dans l'eau salée. F. Hy. 

11. Exégèse. — 1° Nom et identification. — Zait est 
sans aucun doute le nom de l'olivier : ainsi traduisent les 
Septante, la Vulgate, toutes les versions; les langues 
sémitiques ont conservé le même nom sous la forme 
zaifo en syriaque, zêta" en chaldéen, zeitûn en arabe, etc. 
I. Lôw, Aramâische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 
1881, p. 94. Ce mot zaif désigne également l'arbre et 
l'olive, son fruit, comme en grec et en latin i>«:a et 
oliva. Pour l'arbre le texte sacré emploie ordinairement 
le mot zaif seul, Jud., îx, 9, ou quelquefois une locu- 
tion comme zait sémén, olivier à huile, Deut., \m, 8, 
ou 'es haz-zait, arbre à olives. Agg., n, 19. Il est à re- 
marquer que 'es Sémén, arbre à huile, ne désigne pas 
l'olivier, dont il est nettement distingué dans II Esd., 
vin, 15, mais le chalef ou Elseagnus anguslifolius, t. n, 
col. 511. L'olive s'appelle comme l'olivier zaif, Agg., n, 
19; Mich., vi, 15, et l'huile qu'on en lire se dit Sémén 
t,ait, huile d'olive, Exod., xxvii, 20; xxx, 24; Let., xxiv, 
12. Les Septante et la Vulgate rendent par iXaiwv, olive- 
twwi, plantation ou lieu planté d'oliviers, olivette, le mot 
hébreu zait pris au sens collectif, des oliviers. Le texte 
massorétique dans Jud., xv, 5, porte nu a~a, kérém zaif, 
verger, plantation d'oliviers; mais kérém désigne un 
vignoble et il est plus probable qu'il manque une con- 
jonction avant zait, iw o-p, kérém ve-zait, les vignes et 
les oliviers, comme ont lu les Septante et la Vulgate; 
les deux noms sont ainsi fréquemment réunis, Deut., 
vi, 11, etc. Setilê zê[im, Ps. cxxvin, 3, sont des plants 
ou rejetons d'oliviers; Sibâlê hazzêtim, Zach., îv, 12, 
sont des rameaux chargés d'olives; gargar « baie », dé- 
signe l'olive. Is., xvn, 6. Voir t. i, col. 1386. 

2° Culture et récolte. — L'olivier était cultivé dans 
toute la Palestine, plus abondamment même que la 
vigne. La terre promise était un pays de froment, d'orge, 
de vignes et d'oliviers. Deut., VI, 11; vin, 7, 8; IV Reg., 
xviii, 32; II Esd., îx, 25. C'était un des biens annoncés 
par Dieu à son peuple, en si grande abondance qu'il 
croîtrait pour ainsi dire dans les rochers. Deut., xxxii, 
13; mais s'il était infidèle, l'olivier ne produirait plus 
son fruit et périrait, Deut., xxvm, 40; Jos., xxiv, 13; 
Amos, iv, 9; Habac.,111, 17. — Avant la complète matu- 
rité de l'olivier, les Juifs faisaient la récolte soit en se- 
couant les branches, soit en frappant les arbres avec un 
long bâton (san, hâbal), Deut., xxiv, 20; Is., xxvii, 12; 
cL Tr. Peah, vil, 2. Saint Cyrille d'Alexandrie, In ls., 
H, 3, t. xx, col. 426, constate les mêmes procédés de 
son temps. Ils sont semblables à ceux de la Grèce. Voir 
t. m, flg. 156, col. 771. Cf. Varron, i, 5; Pline, H. N., 
xv, 3. Les quelques olives qui restent attachées au 
sommet des arbres, sont glanées ensuite par les orphe- 
lins et les indigents. Is., xvu, 6; xxiv, 13. Toutes ces 
coutumes se retrouvent encore en Orient. W. M. Thoip- 
son, The Land and the Book, in-8°, Londres, 1885, 
p. 56. Les olives étaient placées dans des mortiers où 
on les pressait, on les écrasait pour en extraire une 
première huile : huile pure, huile n»ro, Ketit, pilo 
cnntusum, traduit la Vulgate, Exod., xxvm, 20; xxix, 
40; Lev., xxiv, 2, dont on se servait pour les lampes du 
sanctuaire. Si au lieu d'une simple pression des olives, 
on les foule au pressoir, Mich., vi, 15, l'huile qu'on en 
relire est moins pure, moins douce, d'un goût moins 
fin et prenant parfois un peu d'amertume : cependant 



elle suffit aux usages ordinaires et l'emporte encore sur 
les autres huiles. On voit encore en Palestine plusieurs 
anciens pressoirs creusés dans le roc, dans des endroits 
où maintenant on ne trouve plus d'oliviers : ce qui 
suppose qu'autrefois ils croissaient dans la région, 
comme par exemple au sud d'Hébron. Certains pres- 
soirs étaient formés de deux pierres, dont l'une était con- 
cave et recevait les olives, l'autre comme une meule 
était roulée dessus pour les écraser et en exprimer 
l'huile. Voir Huile, t. m, fig. 157, col. 773. Cunnin- 
gham Geikie, The holy Land and the Bible, in-8°, New- 
York, 1888, t. î, p. 92. Le jardin de Gethsémani {Gaf 
Sémén) tire son nom d'un de ces pressoirs d'huile, 
creusé au bas de la montagne des Oliviers, t. m, 
col. 229-234, et les fig. 46 et 47, ibid., col. 230, 231. 

3° Usages et commerce. — Pour la fête des taber- 
nacles on coupait des rameaux aux oliviers très abon- 
dants autour de la ville pour en dresser des tentes de 
feuillages. II Esd., vin, 15. Plusieurs commentateurs 
disent que les chérubins et les portes du sanctuaire 
dans le temple de Salomon, III Reg., vi, 23, 33, étaient 
en bois d'olivier. Cependant le terme employé n'est pas 
zait, mais bien 'es sémén qui désigne plutôt le chalef. 
Quelques auteurs cependant voient dans le 'es sémén, 
l'olivier sauvage : on n'avait pas la même raison que 
pour l'olivier cultivé, de le conserver pour son huile; 
mais on l'utilisait pour son bois d'un beau poli. 

Les olives étaient employées comme maintenant à l'ali- 
mentation : on les mangeait crues ou cuites, sans condi- 
ment, ou avec du sel, de l'huile, ou diversement prépa- 
rées. Pour l'huile d'olive qui entrait dans l'alimentation, 
dans les onctions, dans les sacrifices, ou qui était em- 
ployée pour l'éclairage, voir Huile, t. m, col. 770. 

Les récoltes d'olives étaient si abondantes en Palestine 
qu'elles étaient loin d'être consommées sur place. On 
exportait l'olive et l'huile par le commerce; c'était une 
des principales ressources du pays. Osée, xu, 2, fait 
allusion à ce commerce d'Israël avec l'Egypte. L'olivier 
était cependant connu en Egypte : des noyaux d'olives 
provenant d'offrandes desséchées, des couronnes de 
rameaux d'olivier, ont été trouvées dans des tombeaux. 
Il est vrai que ces tombeaux ne sont pas antérieurs à 
la XX e dynastie. Le nom de l'olivier même, Djad ou 

Zat, -~| I (cf. le zaif hébreu), ne se rencontre dans 

les textes qu'à partir des Ramessides. Aussi des égypto- 
logues, comme Pleyte, croient que l'olivier n'a été intro- 
duit en Egypte qu'à l'époque des grandes conquêtes des 
Pharaons en Asie, c'est-à-dire sous la XVIII e dynastie. 
Ce qui avait porté certains auteurs à regarder son intro- 
duction comme plus ancienne, c'est qu'on prenait le 
nom égyptien baq pour l'olivier, tandis qu'il a été dé- 
montré par V. Loret, Recherches sur -plusieurs plantes 
connues des anciens Égyptiens, dans Recueil de tra- 
vaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyp- 
tienne, in-4», Paris, t. vu, p. 101, que Baq est le nom 
du Moringa. Les Égyptiens faisaient grande consomma- 
tion d'olives, comme fruits comestibles, et d'huile 
d'olives pour l'entretien des lampes surtout dans les 
temples, les simples particuliers se servant de l'huile 
du sésame, du ricin, de laitue, de lin, de carthame. 
V. Loret, La flore pharaonique, in-8°, Paris, 2 e édit., 
1892, p. 59; Fr. Wônig, Die Pflanzen ira altenAegypten, 
2 édit., Leipzig, 1886, p. 253, 327. Les textes sacrés nous 
indiquent aussi que le commerce des olives ou de l'huile 
se faisaient avec d'autres contrées que l'Egypte : les 
Phéniciens venaient en acheler en Palestine. 111 Reg., 
v, 11 ; I Esd., ni, 7; Ezech., xxvii, 17. 

4° Comparaisons et symbolisme. — Éliphaz, Job, xv, 
33, compare le méchant à un olivier dont les fleurs 
tombent prématurément sans produire de fruit. Les 
enfants autour de la table du père de famille sont com- 
parés à des rejetons d'oliviers qui s'élèvent autour du 



1779 



OLIVIER — OLIVIERS (MONT DES) 



1780 



tronc principal. Ps. cxxvii, 3. L'olivier étant pour 
l'oriental un bel arbre, aux- feuilles toujours vertes, 
chargé de fruits, fournit plusieurs comparaisons. Ainsi 
la sagesse, Eccli., xxiv, 14, est comparée à un bel olivier 
au milieu de la plaine. Simon, fils du grand-prêtre 
Onias est comme un olivier chargé de fruits. Eccl., 
L, 10. D'après Jérémie, xi, 16, Juda est comme un bel 
olivier, chargé de fruits, mais que le feu de la fondre a 
consumé. — L'olivier toujours vert est un symbole de 
prospérité, Ps. lu (li), 8; Is., xli, 19; un emblème 
de protection pacifique, II Mach., xrv, 4. Les deux ra- 
meaux d'olivier, chargés de fruits que Zacharie dans sa 
vision contemple à droite et à gauche du candélabre, 
symbolisent les deux oints du Seigneur, Jésus et Zoro- 
babel. Zach., iv, 3, 11-13. Dans l'Apocalypse, xi, 4, les 
deux oliviers représentent les deux témoins du Christ. 
C'est à cause des nombreux avantages de cet arbre 
qu'il est choisi par les autres arbres pour être leur roi 
dans l'apologue de Joatham. Jud., ix, 8. Le rameau vert 
d'olivier rapporté par la colombe montre à Noé que les 
eaux du déluge s'était retirées des terres inondées. — 
D'après la Vulgate, Baruch, vi, 42, les femmes de 
Babylone qui se prostituaient en l'honneur de leurs 
dieux, étaient assises dans les avenues du temple brû- 
lant des noyaux d'olives, c'est-à-dire une sorte de gâteau 
ou entraient des noyaux concassés. Mais dans le texte 
grec il est question de gâteaux de farine grossière. — 
0. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, 
t. n, p. 330-350; Th. Fisher, Der Oelbaum, dans Pe- 
termans Mittheilungen, Nr. 147. 

5° Olivier sauvage. — L'olivier sauvage, àypiéXaioç, 
oleaster', dont parle saint Paul, Rom., xxxi, 17-24, ne 
doit pas être confondu avec le chalef, Elœagnus angu- 
slifolius, arbre d'une espèce différente, qu'on appelle 
quelquefois olivier sauvage, oleaster, et qui est désigné 
dans l'Ancien Testament sous le nom d'arbre à huile, 
t. n, col. 511. Il s'agit ici de l'olivier véritable, mais non 
cultivé. La métaphore dont l'Apôtre se sert au f. 16, en 
comparant les patriarches à la racine et les chrétiens 
aux branches, l'amène à développer une image connue 
des prophètes, Jer., xi, 16; Ose., xiv, 6, et à comparer 
le peuple du Christ à un olivier. Mais pour faire com* 
prendre le rejet des Juifs et l'admission des Gentils, il 
introduit l'idée de la greffe. Parmi les rameaux de cet 
olivier, les uns, les Juifs, qui étaient les rameaux natu- 
rels, xaïà çuaiv, ont été retranchés en grande partie, 
les autres, les Gentils, rameaux d'olivier sauvage, ont 
été contre nature, 7t«pà çûcriv, greffés à leur place sur 
l'olivier cultivé. Saint Paul ne prétend pas que les 
choses se passent ainsi en horticulture; il est donc 
inutile d'en appeler à Columelle, De re ruslica, v, 9, 
parlant de la pratique employée pour redonner de la 
vigueur à un arbre cultivé languissant qui est de greffer 
sur lui des rejetons sauvages pleins de vie. Cette idée 
serait même contraire à l'intention de l'apôtre en ce 
passage, qui ne veut pas faire ressortir les avantages 
procurés par les Gentils à l'Église. Il s'agit ici de l'ordre 
surnaturel, de l'ordre de la grâce, où les choses ne se 
passent pas comme dans la nature, et saint Paul a soin 
de dire que cette greffe est Ttapà çJotv, contre nature. 
Il se contente de se servir de l'idée générale de la 
greffe. Origène le fait remarquer dans son Comment, 
in Epist. ad Rom., vin, 11, t. xiv, col. 1195. 

E. Levesque. 

2. OLIVIER DE BOHÊME. Voir CHALEF, t. II, col. 511. 

3. OLIVIER SAUVAGE. Voir OLIVIER, II, 5°. 

1. OLIVIERS (JARDIN DES). Voir Gethsémani, 
t. m, col. 229. 

2. OLIVIERS (MONT DES) (hébreu : har haz-Zêtïm; 
grec : ôpoç tôv 'EXaiwv ; Vulgate : mons Olivarum et 



mons Olivetus), hauteur voisine de Jérusalem, à l'est de 
cette ville (tig. 472-474, 476-478). 

I. Situation et description. — La montagne des Oli- 
viers est en face de Jérusalem, du côté de l'orient, 
Zach., xiv, 4, au delà du torrent de Cédron; Joa., xvm, 
1, et Luc, xxil, 39, « près de Jérusalem, à une marche 
de sabbat, » èerriv tyyvç "Ispou<iaXr|[i craëëaTou ?X 0V ôSov. 
Act. i, 12. La montagne des Oliviers, ajoute Josèphe, 
Bell, jud., V, n, 3, fait face, du côté de l'orient» 
à la ville dont elle est séparée par le torrent du Cédron. 
Le sommet était distant de la ville de cinq ou six 
stades. Ant. jud., XX, vin, 6, et Bell, jud., v, n, 3. 
Appelée fur ez-Zeitoûn, dont la signification est iden- 
tique, par les anciens écrivains arabes chrétiens, la 
montagne des Oliviers est nommée fur Zeità ou Djebel 
Tûr Zeità, par les auteurs musulmans, et aujourd'hui 
le plus ordinairement simplement Djebel et-Tûr, bien 
que le nom de fur, comme djebel, signifie également 
« montagne ». Si ces noms se donnent plus particuliè- 
rement à la cime qui fait face au Raram es-Sérif, em- 
placement de l'Ancien Temple, il comprend cependant 
aussi toute la ramification à laquelle ce sommet ap- 
partient, et qui se rattache à l'arête des monts de Ju- 
dée, au sud-est de Sa'afdt, et au nord-est de Jérusalem. 
Cette ramification se dirige du nord au sud, sur un es- 
pace de trois kilomètres et demi de longueur et de deux 
kilomètres de largeur. Elle se compose de trois sommets 
principaux en forme de mamelons séparés par de lé- 
gères dépressions. Celui du nord, Je plus élevé, a 
830 mètres d'altitude au-dessus du niveau de la Médi- 
terranée, le moyen en a 820, et la cime en face de Jéru- 
salem 818 ou 1212 mètres au dessus de la mer Morte. 
Ce sommet domine ainsi de 76 mètres la montagne du 
Temple. Le panorama embrassé de ces cimes, surtout 
du haut de la tour russe bâtie sur la dernière, est des 
plus vastes, des plus majestueux et des plus riches par 
la multitude des villes et des lieux célèbres qu'il offre 
aux regards. C'est d'abord la Judée tout entière dont la 
montagne occupe à peu près le centre, avec le désert 
de Juda, au sud-est, aux formes extraordinaires et 
tourmentées, A l'est les araboth de Jéricho et de Moab 
que sépare le Jourdain semblable à une bande sombre 
serpentant au milieu de la plaine jaunâtre, puis la mer 
Morte, presque tout entière; enfin, fermant l'horizon à 
l'orient, les monts de Galaad depuis le Rabbad, près 
d'Adjloûn, et les monts de la Moabitide.'que le soleil du 
soir colore des plus riches teintes du safran et de la 
pourpre, jusqu'aux collines du Djebâl et de l'Arabie 
Pétrée. Deux collines se rattachent à la montagne et 
l'appuient à sa base comme des contreforts : au sud- 
ouest, le Djebel Baten el-Haûd dont l'altitude est de 
740 mètres et sur le flanc occidental duquel se déve- 
loppe le village de Silûân ; au sud-est, le Djebel el- 
Azarîéh ainsi appelé du village de Lazare où se trouve 
le tombeau de l'ami du Sauveur, qui se dissimule à sa 
base dans un pli de terrain. EWAzariéh remplace l'an- 
cienne Béthanie qui, avec Bethphagé, semble indiquée 
comme appartenant au mont des Oliviers. Luc, xix, 29; 
cf. xxiv, 50; Act., i, 12. La masse de la montagne est 
formée de couches de calcaire blanc, plus ou moins 
compactes, sur lesquelles se sont déposées, par endroits, 
d'autres couches de formation plus récente, et particu- 
lièrement des silex. Ce roc est perforé d'innombrables 
cavernes, citernes et grottes sépulcrales. Deux d'entre 
ces cavernes sont célèbres entre toutes, celle de Gethsé- 
mani et celle où le Seigneur enseignait ses disciples 
au sommet de la montagne et dont nous aurons à 
parler. La plupart des citernes remontent à la plus 
haute antiquité, et plusieurs d'entre elles, isolées 
çà et là, semblent avoir été creusées pour des jar- 
dins et des domaines privés. D'autres, ramassées en 
groupes, indiquent la présence de bourgades aujourd'hui 
disparues. Un de ces groupes accompagné d'excavations 




472. — Carte du mont des Oliviers. 



1783 



OLIVIERS (MONT DES) 



1784 



régulières semblables à des chambres parait marquer, à 
l'ouest à'eUAzarîéh et tout près, le site de la Béthanie 
êvangélique. Un second groupe sur le pied méridional 
de la montagne, entre la colline ftelr'Azarîéh et Djebel 
Baten el-tiaûâ, indique peut-être le noyau primitif de 
Bethphagé dont le développement a dû s'opérer gra- 
duellement sur l'extrémité sud de la montagne et jus- 
qu'au sommet. Un troisième groupe plus considérable 
se trouve à la base du revers oriental de la montagne, 
au nord d'el-'Azariéh. Les indigènes lui donnent au- 



centimètres de côté, orné sur ses faces de deux demi- 
colonnes ioniques et de deux pilastres du même ordre 
aux angles, surmonté d'une pyramide de quatre mètres 
de hauteur. Les indigènes, le connaissent sous le nom de 
Kûfiéh bent Fara'ûn ou Kûfiéh Zaùdjet Fara'ûn, 
« la coiffe de la fille » ou « de l'épouse de Pharaon ». 
Les chrétiens et les juifs le tiennent pour le tombeau 
du prophète Zacharie. Le second monument que l'on 
rencontre cinquante mètres plus au nord, haut de qua- 
torze mètres et demi, est appelé par les indigènes Tan- 




473. — Le mont des Oliviers. D'après un plan du moyen âge, dans les Gesta Dei per Francos, de Bongars. 



jourd'hui le nom A'eUJiidrah, « le lieu des puits ; » 
c'est,pensons-nous, l'emplacement de l'antique Bahurim 
que nous allons retrouver bientôt. Un quatrième groupe 
garde encore la réserve d'eau de pluie nécessaire aux 
habitants d'el-' Aîsaouîéh, petit village situé à deux 
kilomètres au nord-est de Jérusalem, près du chemin 
•d'Anathoth, et au nord A'el-Biârah dont il est séparé 
par le contrefort de la montagne au pied duquel se 
trouve ce dernier endroit. El-'Aisaoutéh passe pour être 
Nobé, Is., x, 32, ou Laïsa, t- 30. Le mont des Oli- 
viers, qui forme le côté oriental de la vallée de Josaphat, 
a presque toujours été le grand cimetière de Jérusalem. 
Le village de Silûdn n'est qu'une vaste nécropole an- 
tique dont les chambres sépulcrales auxquelles ont été 
rattachés- des appartements construits, servent de de- 
meure à la population et d'étable pour son bétail. Deux 
monuments annexés à des cavernes sépulcrales se voient 
au nord. Le plus méridional entièrement taillé dans le 
roc vif est un grand cube de cinq mètres vingt-cinq 



tur Fara'oûn, « le bonnet de Pharaon. » Les chrétiens 
et les juifs ont cru reconnaître en lui le monument 
appelé, I (III) Reg., « la main d'Absalom. » Voir Absa- 
lom, t. i, col. 98; Main d'Absalom, t. m, col. 585-586. 
Derrière ce monument, à l'est, on voyait, il y a quel- 
ques années, la façade d'un sépulcre ornée d'un fronton 
sculpté désigné du nom de Josaphat, roi de Juda, voir 
t. m, col. 1654 et fig. 284 ; elle a disparu ensevelie sous 
la terre et les pierres. Ces monuments paraissent du 
moins antérieurs à l'ère chrétienne. Il en est de même 
de la caverne sépulcrale située entre les deux, et appe- 
lée « tombeau de saint Jacques ». Voir t. m, col. 1087- 
1088 et fig. 201. 

Les variations et contradictions perpétuelles dans l'at- 
tribution de ces monuments démontrent qu'il n'est 
resté aucune tradition certaine à leur sujet. Une caverne 
des plus curieuses est celle connue sous le nom de 
« tombeau des prophètes » (fig. 475), située au-dessus 
de celle-ci à 450 mètres, à l'est, vers le sommet de la 



1785 



OLIVIERS (MONT DES) 



1786 



montagne. Voir Schick, dans le Quarterly Statement, 
1883, p. 128; Clermont-Ganneau, dans la Revue cri- 
tique, 1878, p. 184, 199, 216; Archmological Researches, 
t. i (1889), p. 347-374 ; H. Vincent, Le tombeau des 
prophètes, dans la Revue biblique, 1901, p. 72-88. Deux 
de ces grottes sépulcrales sont illustres entre toutes : 
le tombeau de Lazare à Béthanie et surtout celui de la 
Mère du Sauveur, au jardin des Oliviers. 
La montagne des Oliviers, si l'on excepte sa partie la 



Matth., xxi, 19-21, Marc, xi, 1, 13-14. On voit encore, 
mêlé à l'olivier et au figuier, l'amandier, le grenadier, 
le pêcher, l'abricotier, et çà et là de grands caroubiers. 
La parole de Jésus à ses disciples après la Cène, alors 
qu'il se rendait avec eux à Gethsémani : « Je suis la 
vigne véritable, » Joa., xv, 1, était probablement sug- 
gérée par la vue des vignobles de la montagne des Oli- 
viers. La présence de la vigne est signalée par le pèlerin 
de Bordeaux, au IV e siècle, prés du jardin des Oliviers, 




474. — Mont des Oliviers et vallée de Josaphat. 
D'après un plan de 1308, tiré des Voyages en Terre Sainte, de Marino Sanudo Torselli. 



plus méridionale où le roc est souvent à découvert, et 
le flanc occidental du Djebel Bafen elrHaouâ, qui ne 
paraît pas différent du rocher ou « pierre de Zoh életh », 
III Reg., r, 9, est couverte d'une couche de terre rela- 
tivement épaisse, très apte à la culture des grands 
arbres. Il en était jadis entièrement revêtu. Matth., xxi, -, 
8; Marc, xii, 8. L'olivier, comme l'indique le nom même/ 
de la montagne et celui de Gethsémani porté par un de 
ses quartiers, y a prospéré dès les temps les plus an- 
ciens. Une grande partie du versant occidental, les 
alentours à'el-'Azarîéh, et le versant occidental de Baten 
el-Haûâ ont encore aujourd'hui de belles plantations 
d'oliviers. Le nom de Bethphagé, « la localité des figues, » 
indique que la culture du figuier y florissait aussi. C'est 
près d'un des chemins qui sillonnaient la montagne, 
qu'un jour le Sauveur demandant des fruits à un arbre 
de cette espèce et n'en trouvant point, le maudit. 



Un large quartier situé au-dessus est encore désigné 
actuellement sous le nom de « vigne du chasseur ». 
Karem es-Seyidd. 

Parmi les arbres d'ornement plantés autour des éta- 
blissements construits par les Occidentaux, on remarque 
surtout le pin et le cyprès. Les pentes moins abruptes 
et les concavités des plus larges vallons sont ordinaire- 
ment semés de blé, d'orge, de lentilles, de fèves ou de 
kersenné. 

II. Histoire. — 1° Dans l'Ancien Testament. — La 
montagne des Oliviers apparaît d'abord comme une 
montagne sainte où, avant la construction du Temple, 
les Israélites allèrent parfois adorer Dieu. Le roi David, 
fuyant devant Absalom qui s'avançait vers Jérusalem, 
gravit la montagne des Oliviers et alla au sommet adorer 
le Seigneur. II Reg., xv, 32-36. Le sommet où David 
se rendait pour prier est vraisemblablement la cime 



1787 



OLIVIERS (MONT DES) 



1788 



opposée à la montagne du Temple par où devait passer 
le chemin antique allant directement de Jérusalem vers 
la vallée du Jourdain. David quittait à peine le sommet 
de la montagne, lorsqu'il rencontra Siba, serviteur de 
Miphiboseth, fils de Saûl, qui s'avançait au-devant de 
lui avec deux ânes chargés de provisions. Le roi, induit 
en erreur par le rapport fallacieux de Siba, lui conféra 
la propriété de tous les biens de son maitre. Ibid., xvi, 
1-4. David, suivant le versant oriental de la montagne, 
était arrivé près de la petite ville de Bahurim, lors- 
qu'en sortit Séméi de [la maison de Saûl, se mettant 
à poursuivre de ses injures et de ses malédictions le 
roi et ses compagnons; Abisaï, fils de Sarvia, vou- 
lait se jeter sur Pinsulteur et lui faire payer son audace 
en lui tranchant la tête, David l'en empêcha. II Reg., 




475. — Le tombeau des prophètes. 
D'après la Revue biblique, 1901, pi., entre les p. 74-75. 

xvi, 5-13. Voir Bahurim, t. I, col. 1384. — Quand Salo- 
mon, guidé par son aveugle complaisance pour ses 
femmes idolâtres, fit élever des bamoth à leurs idoles 
sur les hauteurs des alentours de Jérusalem, le mont 
des Oliviers fut principalement souillé par ces impies 
sanctuaires. III Reg., xi, 7. Ces cultes infâmes s'y per- 
pétuèrent, du moins par intermittence, jusqu'au temps 
du roi Josias. Plein de zèle pour extirper l'idolâtrie et 
rétablir dans toute sa pureté la religion de Moïse, le roi 
« souilla les bâmôt élevés en face de Jérusalem, à la 
droite du mont du Scandale, par Salomon, roi d'Israël, 
à Astaroth, idole des Sidoniens, à Chamos, dieu de 
Moab et à Melchom, dieu d'Ammon ». IV Reg., xxm, 13- 
14. Depuis le XVI e siècle, les Européens ont coutume de 
donner le nom de « mont du Scandale » au Djebel Baten 
el-Haûd. Auparavant on indiquait plus généralement 
aux pèlerins les divers sommets du mont des Oliviers 
qui sont directement en face de la montagne du Temple 
et de la ville ; on désignait spécialement le plateau de 
Karm es-Seyidd. L'expression « à la droite de la mon- 
tagne » peut signifier dans la partie le plus au sud. Le 
mont des Oliviers était, suivant les rabbins qui lui don- 
nent le nom à peu près synonyme de har ham-Mishah, 



« la montagne de l'onction » ou « de l'huile », le lieu en 
dehors du Temple où était immolée et consumée la vache 
rousse dont les cendres devaient être mêlées à l'eau des 
purifications employées après les funérailles. Num., xix ; 
Maïmonide, Traité de la vache rousse, c. ni, 1; Car- 
moly, Itinéraire de Palestine, Bruxelles, 1847, p. 128. 
Cf. S. Jérôme, Epist. crin, t. xxn, col. 887. Annonçant 
la grande attaque des peuples contre Jérusalem, le pro- 
phète Zacharie, xiy, 3-5, ajoute : « Le Seigneur sortira 
et combattra toutes ces nations, comme il a combattu 
au jour de la mêlée. En ce jour, ses pieds reposeront sur 
la montagne des Oliviers qui est en face de Jérusalem, 
à l'orient, et la montagne des Oliviers se séparera par le 
milieu, du côté de l'orient et du côté de l'occident, et 
[formera] une immense vallée, une moitié de la mon- 
tagne reculera vers le nord, et une moitié vers le midi. 
Et vous vous sauverez à la vallée de ces deux montagnes 
parce que la vallée (formée par ces montagnes) se trou- 
vera tout à côté. Et vous fuirez comme vous avez fui 
devant le tremblement de terre, au temps d'Ozias, roi 
de Juda. » Quelques interprètes ont pris ce passage dans 
un sens littéral et il aurait son accomplissement aux 
derniers jours du monde ,• la plupart l'ont entendu dans 
un sens purement allégorique et spirituel. 

2° Dans le Nouveau Testament. — Pendant le cours 
de sa vie publique, quand Jésus venait à Jérusalem, à 
l'occasion des solennités, la montagne des Oliviers 
parait avoir été le lieu de son logement ordinaire. Le 
matin, accompagné de ses disciples, le Sauveur se ren- 
dait à la ville. « 11 passait ses journées à enseigner 
dans le Temple d'où il sortait le soir, et il passait les 
nuits à la montagne des Oliviers. » Luc, xxi, 37; cf. 
xxn, 39. Trois endroits de la montagne avaient ses 
préférences : Béthanie, la bourgade de Lazare et de ses 
sœurs, Marthe et Marie; le jardin des Oliviers et un 
autre lieu situé plus haut en face du Temple. 

En son dernier voyage, Jésus venant de Bethabara 
(ou Béthanie) au delà du Jourdain, Joa., x, 40; cf. i, 
28, arriva au mont des Oliviers, par la voie de Jéricho, 
et s'arrêta non loin de Béthanie. Marthe apprenant 
l'arrivée du Maitre, courut au-devant de lui. C'était le 
quatrième jour depuis la mort de Lazare. « Seigneur, 
si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort, » sou- 
pira la sœur du défunt. Jésus l'assura de la double 
résurrection de son frère, la temporelle et l'éternelle. 
Marthe appela sa sœur Marie, « car Jésus n'était pas 
encore arrivé au bourg, mais était encore en l'endroit 
où Marthe l'avait rencontré. » Joa., xi, 30. Marie se 
jeta en pleurant aux pieds de Jésus en répétant la 
plainte de Marthe. Le Sauveur, ému jusqu'aux larmes, 
se fait conduire de là au tombeau de Lazare et le rend 
vivant à ses sœurs. Joa., xi,145. Jésus, avant de monter 
à Jérusalem, passa la nuit « à Béthanie au mont des 
Oliviers », non loin de Bethphagé. Joa., xii, 12; 
Matth., xxi, 1 ; Marc, xi, 1 ; cf. x, 46, et Matth., xx, 29. Le 
lendemain, Jésus envoya deux de ses disciples à Beth- 
phagé lui chercher une ânesse, attachée à cet endroit, 
et son ânon pour le monter. Le peuple sachant que 
Jésus arrivait se porta en foule au mont des Oliviers, 
pour lui faire une ovation. Les uns étendaient leurs 
vêtements sur le chemin, les autres répandaient sous 
ses pas le feuillage arraché aux arbres de la montagne, 
ou agitaient les palmes qu'ils tenaient à la main. La 
multitude précédait et suivait Jésus en criant: Hosanna, 
ô fils de David, ô vous qui êtes béni et venez au nom du 
Seigneur, ô roi d'Israël, Hosanna! Joa., xii, 13-18; 
Matth., xxi, 1-9; Marc, xi, 1-10; Luc, xix, 29-40. A la 
descente de la montagne les regards de Jésus se por- 
tèrent sur la ville et il se prit à pleurer sur les mal- 
heurs qui l'attendaient à cause de l'infidélité de ses 
habitants. Luc, ibid., 41-44. 

Le soir, Jésus retournait à Béthanie où il demeurait 
et revenait le matin de bonne heure à la ville. Matth., xxi, 



1789 



OLIVIERS (MONT DES) 



1790 



17, En s'y rendant un jour, alors que la faim le pressait, 
il aperçut, à quelque distance du chemin, un figuier 
couvert de feuilles, mais sans fruits, car ce n'était pas 
la saison des figues. « Tu n'en produiras plus jamais, » 
dît le riauveur, préparant une leçon pour ses disciples. 
Le lendemain matin comme ses disciples s'émerveil- 
laient de trouver le figuier complètement desséché, 
Jésus leur dit : « En vérité si vous aviez une foi sans 
hésitation, non seulement vous feriez la même chose 
pour ce figuier, mais si vous disiez à cette montagne 
(indiquant sans doute le mont des Oliviers où ils pas- 
saient), lève-toi et va le jeter à la mer, elle le ferait, a 
Matth., xxi, 18-22, Marc, xi, 11-27 ; Luc., xxi, 37. — Dans 



indices précurseurs de la grande guerre, qui devait 
surgir et amener la ruine de la ville sainte et du Tem- 
ple qu'ils avaient sou3 les veux. Il leur parla en même 
temps de la dernière période du monde et de ses dan- 
gers. Matth., xxiv ; Marc, xm ; Luc, xxi, 5-37. Plusieurs 
autres enseignements paraissent avoir été donnéi-par 
le Maître à ses disciples en cet endroit. Cf. Matth., xxv. 
Le quarantième jour après sa résurrection, Jésus se 
retrouvait au mont des Oliviers, non loin de l'endroit 
dont nous venons de parler, au milieu de ses disciples. 
Il venait de prendre avec eux son dernier repas et de 
leur donner ordre de ne pas s'éloigner de Jérusalem 
pour v attendre l'effusion de l'Esprit-Saint qu'il leur 




476. — Le mont des Oliviers vu du sud-est. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



ses Séjours à Jérusalem, le Sauveur se retirait encore 
fréquemment au jardin des Oliviers, en l'endroit appelé 
Gethsémani. C'est là qu'il vint, après la dernière cène, 
avec Pierre, Jacques et Jean, pour prier son Père et 
attendre l'heure de se livrer pour le salut du monde. 
— Sur le flanc de la montagne, au-dessus de ce jardin, 
on se trouvait en face du Temple et le regard embras- 
sait toute l'esplanade sur laquelle s'élevait le majes- 
tueux édifice avec toutes ses dépendances, et au delà la 
ville entière formant autour du sanctuaire un hémi- 
cycle de l'aspect le plus imposant. Peu de jours avant 
sa Passion, le Seigneur, pour se reposer sans doute de 
la fatigue de ses prédications, était venu s'asseoir en 
cet endroit qui était probablement en la possession de 
l'un de ses disciples ou de ses amis. Quelqu'un de sa 
suite venait de lui faire remarquer en sortant du Tem- 
ple la grandeur des pierres et la splendeur des cons- 
tructions. « De tout cela, avait dit le Sauveur, il ne 
restera pas pierre sur pierre. » Pierre, Jacques, Jean et 
André s'élant approchés du Maître lui demandèrent : 
Quand donc cela arrivera-t-il? Jésus leur exposa les 



avait promis. « Vous serez mes témoins à Jérusalem, 
dans toute la Judée, en Samarie et jusqu'aux extrémi- 
tés de la terre. » Comme il venait de dire ces choses, à 
la vue de tous il commença à s'élever et bientôt un 
nuage le déroba aux yeux des disciples. Tandis qu'ils 
regardaient encore, deux hommes vêtus de blanc appa- 
rurent devant eux, leur disant: « Pourquoi continuez- 
vous à regarder le ciel? Ce Jésus qui vient de monter 
au ciel en reviendra de la même manière. » Du mont 
„des Oliviers les apôtres retournèrent à Jérusalem et 
allèrent s'enfermer au Cénacle pour attendre la réali- 
sation de la promesse du Maître. Act., i, 2-14. Cf. Luc, 
xxiv, 45-53; Marc, xvi, 15-20. 

Quelques années plus tard, sous le procurateur Félix 
(52-60), un da ces faux messies, contre lesquels Jésus 
avait voulu prémunir ses disciples, quand il leur indi- 
quait les signes de la ruine de Jérusalem, venu 
d'Egypte réunissait ses sectateurs à cette même mon- 
tagne, leur annonçant qu'à son commandement seul les 
murs de Jérusalem tomberaient comme autrefois les 
murs de Jéricho. Le procurateur avait envoyé ses troupes 



1791 



OLIVIERS (MONT DES) 



1792 



et les avait dispersés, tuant un grand nombre d'entre 
eux. Act., xxt, 38; Josèphe, Bell. jud. r II, xm, 5; 
Ant. jud., XX, vm, 6. — Aux pronostics succéda bien- 
tôt le commencement de la réalisation. Titus avait pris 
en main le commandement de l'armée et s'était avancé 
vers Jérusalem. Les troupes étaient insuffisantes pour 
former l'investissement complet de la ville. Il appela la 
X e légion, alors à Jéricho. Elle vint s'établir au mont 
des Oliviers. Une sortie hardie des Juifs jeta un instant 
le trouble dans le camp de la légion, mais ne réussit 
pas à briser le cercle qui les renfermait. Bell, jud., V, 
ii, 34. Le mur de circonvallation coupait le Cédron en 
face du quartier neuf du Bézétha, et s'étendait sur 



religion du Christ commençait à triompher; le monde, 
arraché aux ténèbres de l'idolâtrie, ne pouvait man- 
quer de porter avec reconnaissance ses regards vers 
la montagne sainte d'où lui était venue la lumière. 
Cette montagne lui apparaît tout d'abord comme l'école- 
où ont été formés ses propres éducateurs. « Le mont 
des Oliviers à l'orient de Jérusalem, dit saint Jérôme, 
dans sa traduction de YOnomaslicon d'Eusèbe, est celui 
où Jésus instruisait ses disciples. » De situ et nomin., 
t. xxiii, col. 911. Cf. Epist. cvin, t. xxn, col. 887. 

Parmi les souvenirs nombreux dont a été illustré le 
mont des Oliviers, celui-là est le premier dont se préoc- 
cupe la mère de Constantin, Hélène, envoyée par son 




477. — Le mont des Oliviers, ru du sud-ouest. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



toute la longueur du mont des Oliviers, jusqu'au rocher 
appelé Péristéréon, IlEpniT£peà>voç %aXo\jy.hr^i ■Kitpa.ç. 
Bell, jud., V, xii, 2. — On a cru reconnaître cette 
pierre au tombeau des Prophètes; il serait peut-être 
plus juste d'y voir « la pierre Zohéleth », III Reg., i, 
9, ou quelqu'un des monuments qui s'y trouvaient. Les 
jours de malheur annoncés, au même endroit, par le 
Sauveur pleurant sur Jérusalem, commençaient et la 
désolation était proche. Quand déjà les horreurs de la 
faim se faisaient sentir, les plus courageux d'entre les 
assiégés essayèrent une seconde fois, en se précipitant 
avec fureur sur les soldats qui formaient au mont des 
Oliviers le cercle d'investissement, de se faire une 
trouée et de s'échapper. Ils luttèrent longtemps avec une 
indomptable énergie, mais ils durent se replier sur la 
ville pour y attendre la mort ou l'esclavage. Bell, jud., VI, 
il, 8. Cf. Luc, xxi, 20. 

3° Depuis la ruine de Jérusalem. — L'ordre du 
Maître donné à ses apôtres sui" la montagne des Oliviers 
de porter l'Évangile jusqu'aux extrémités de la terre, 
Marc, xvi, 15, et Act., i, 8, avait été exécuté et la 



fils à Jérusalem pour honorer, par de somptueux mo- 
numents, les principaux lieux qui ont été les témoins 
des mystères de la Rédemption. « La mère de l'empe- 
reur, dit Eusèbe, fit construire, au sommet du mont 
des Oliviers, un temple, à la grotte même où le Sei- 
gneur de tous dévoila à ses disciples les inscrutables 
fins dernières, comme l'atteste l'histoire véritable. » 
Vita Constantini, t. XX, col. 1102-1103. Cf. S* Silvise 
peregrin., Rome, 1887, p. 99; Pèlerin de Bordeaux, lti- 
nerarium, dans Itinera latina, édit. Tobler, Genève, 
1877-1880, p. 18; S. Eucher (vers 440), ibid., p. 53; 
Théodosius (vers 530), De Terra Sancta, ibid., p. 66-67; 
Adamnan, Relatio Arculfi, p. 166-167; S. Sophrone 
(f 638), Anacreontica, xix, t. lxxxvh, col. 3811 ; Com- 
mémora torium de Casis Dei (c. 808), édit. Tobler, 
p. 302; Kitâb el-Burhàn, attribué à saint Athanase, ma- 
nuscrit arabe de la bibliothèque orientale des PP. Jésuites 
à Beyrouth, p. 216. Dans le principe la basilique élevée 
par sainte Hélène A la grotte où le Seigneur avait ensei- 
gné ses disciples devait rappeler en même temps le 
souvenir de l'Ascension. Cf. Eusèbe, Laus Constantini, 



1793 



OLIVIERS (MONT DES) — OLSHAUSEN 



1794 



t. xx, col. 1370-1371; Démonstratif) evangelica, vi, 18, 
t. xxii, col. 457; Sozomène, H. E., h, 2, t. lxvii, col. 934. 
L'emplacement où le Seigneur était monté au ciel, 
situé non loin, un peu plus haut, et qui n'avait pas de 
sanctuaire spécial, en 333, quand l'anonyme de Bordeaux 
faisait son pèlerinage, ne tarda pas à être honoré d'un 
monument superbe. Cf. Itinerarium, ibid.; Eusèbe, Vita 
Constantini, ibid. Dès avant la fin du iv« siècle, tous 
les endroits auxquels se rattachait quelqu'un des sou- 
venirs principaux du mont des Oliviers, le lieu de la 
prière et de l'agonie au jardin des Oliviers, l'endroit 
voisin de Béthanie où Marthe et Marie étaient accou- 



logie à l'université de Kiel (1814-1816), il poursuivit ces 
études à l'université de Berlin. Schleiermacher et sur- 
tout Neander y exercèrent une influence marquée sur 
les idées du jeune H. Olshausen. Il débuta comme Pri- 
vatdocent à Berlin en 1820. Dès 1821 il fut promu à 
l'extraordinariat et en 1827 à l'ordinariat à l'université 
de Konigsberg. En 1834 il passa dans la même qualité 
à Erlangen où il mourut. 

Ame foncièrement religieuse, H. Olshausen était 
opposé au rationalisme, sans être pour cela luthérien 
exagéré. Il estimait et employait la méthode exégétique 
grammatico-historique, mais il donnait la préférence à 



i 




478. — Le Mont des Oliviers, vu du nord-ouest. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



rues à la rencontre du Sauveur, le tombeau de Lazare 
et d'autres encore étaient marqués par des constructions 
religieuses. Voir Ms r Mislin, Les Saints Lieux, 3 in-8", 
Paris, 1858, t. n, p. 466-479; Bsedeker, Palestine et 
Syrie, Leipzig, 1882, p. 225-238 ; Fr. Liévin de flamme, 
Guide-Indicateur de la Terre-Sainte, 3" édit., Jéru- 
salem, 1887, t. i, p. 335-363. L. Heidet. 

OLLA (hébreu : 'Ulld', «joug; » Septante: 'Oxô), 
de la tribu d'Aser, père d'Arée, d'Haniel et de Résia, 
qui comptèrent parmi les principaux de leur tribu> 
I Par., vu, 39. 

OLON (hébreu : Hôlon), orthographe, dans la Vul- 
gate, Jos., xv, 51, du nom de la ville sacerdotale de la 
tribu de Juda appelée ailleurs Hélon, I Par., vi, 58, et 
Holon, Jos., xxi, 15. Voir Hélon 2, t. m, col. 586. 

1. OLSHAUSEN Hermann, exégète protestant ortho- 
doxe, né à Oldeslœ, le 30 mars 1766, mort à Erlangen, 
le 4 septembre 1839. Il fréquenta d'abord le gymnase 
de Glûckstadt. Après avoir étudié deux années la théo- 

DICT. DE LA BD3LE. 



une sorte d'exégèse allégorique (typologique). — Il 
publia, outre quelques écrits d'histoire ecclésiastique et 
d'autres ayant rapport à des questions religieuses de 
son temps, plusieurs ouvrages sur le Nouveau Testa- 
ment. — Historiée ecclesix veteris monumenta, in-8», 
Berlin, 1820 et 1822. — Die Aechtheit der vier kanoni- 
schen Evangelien aus der Geschichte der zwei erslen 
Jahrhunderte erwiesen, in-8», Kœnigsberg, 1823. — Ein 
Wort ûber tieferen Schriftsinn, in-8°, 1824. — Die bi- 
blische Schriftauslegung ; noch ein Wort ûber tieferen 
Schriftsinn,in-8 , Hambourg, 1825. — H. Olshausen avait 
entrepris un grand commentaire du Nouveau Testament, 
dont lui-même ne publia cependant que les quatre pre- 
miers volumes : Biblischer Cornmentar ûber sâtnmtliche 
Schriften des Neuen Testamentes zunàchst fur Predi- 
ger und Studierende, Konigsberg i830-i834, 7 in-8°, 
Hambourg, 1837, 3 e édition en partie. Ebrard et Wiesinger 
ont continué cet ouvrage. Ibidem 1850-62 (t. v à vii e ). — 
Voir la biographie de H. Olshausen par sa femme Agn. 
von Prittwitz-Gaffron, dans Rheinwalds Allgemeines 
fiepertorium fur theologische Litteratur, 1840, 7 fasc, 
p. 91-94; Sieffert, dans VAUgemeine deutsche Biogra- 

IV. — 57 



1795 



OLSHAUSEN — OMBRE 



1796 



phie, t. xxrv, p. 323-328, Leipzig, 1887; L. Pelt, dans la 
Realencyklopâdie fur protest. Théologie und Kirche, 
3» édit., Leipzig, t. xiv, 1904, p. 366-368. 

2. OLSHAUSEN Justus, orientaliste, exégète protes- 
tant, frère du précédent, né à Hohenfelde le 9 mai 1800, 
mort à Berlin le 28 décembre 1882. Après avoir parcouru 
les classes du gymnase de Glùckstadt et de celui d'Eutin, 
il étudia de 1816 à 1819 à l'université de Kiel et de 1819 
à 1820 à l'université de Berlin. En 1820 il alla à Paris, 
il y resta trois ans (1820-1823) ; il y suivit le cours de 
langues orientales de Sylvestre de Sacy et noua amitié 
avec Alex, de Humboldt. Après son retour à Kiel, il fut 
nommé professeur extraordinaire des langues orientales 
(1823.) En 1830 il fut promu à l'ordinariat. En 1852 le 
gouvernement du Danemark lui ayant enlevé cette 
chaire, Olshausen alla à Kônigsberg comme professeur 
des mêmes langues et comme bibliothécaire en chef 
(1853.) De là il fut appelé à Berlin comme conseiller au 
ministère du culte. Il prit sa retraite en 1874. J. Ols- 
hausen qui a laissé quantité d'ouvrages remarquables 
était plutôt philologue que théologien. Il publia d'abord : 
Emendationen zum, 'alten Teslamente mit grammali- 
schen und historischen Erôrlerungen, in-8», Kiel, 1826. 
Il édita ensuite en collaboration avec J. Mohl, Frag- 
ments relatifs à la religion de Zoroastre, extraits des 
manuscrits persans de la bibliothèque du Roi, in-4°, 
Paris, 1829. — Vendidad Zend-Avestœ pars xx adhuc 
superstes. E codicibus manuscript. Parisiens, edit. 
Pars I, in-4°, Hambourg, 1829. Cette publication qui aurait 
dû comprendre 7 à 8 fascicules ne fut pas poursuivie. — 
Zur Topographie des alten Jerusalems, in-8°, Kiel, 1833. 

— Observationes criticse ad Vet. Test. in-4°, Kiel, 1836 
{Programme de cette université). L'année suivante il 
publia, avec l'aide de J. N. Gloyer, Niebuhrs Reisebe- 
schreibung nach Arabien und den umliegenden Làn- 
dern., in-4», 1837. — Ueber den Ursprung des Alphabets 
und ûber die Vocalbezeichnung im Alten Testament, 
in-8°, Kiel, 1841. Ce traité parut dans les Kieler Philo- 
logische Studien. — En 1852 il publia la deuxième édi- 
tion du Commentar zu Hiob de Hirzel, dans le Kurz- 
gefasstes exegetisches Handbuch zum Neuem Testa- 
ment. — L'année suivante il fournit pour la même col- 
lection (vol. xv e ) le Commentai' zu den Psalmen, Leip- 
zig, 1853. — Ueber phbnicische Ortsnamen, dans le 
Rheinisches Muséum fur Philologie, 1853, p. 321 sq. 

— Lehrbuch der he bràischen Sprache, t. I (haut- und 
Schriftlehre), t. n (Formenlehre), in-8°, Brunswick, 
1861 . Il y regarde l'arabecomme la plus ancienne langue 
sémitique. La III e partie, qui aurait dû traiter la Syntaxe, 
n'a jamais paru. Depuis 1860, membre de l'Académie des 
sciences de Berlin, il publia dans les Mémoires de cette 
docte corporation : Prûfung des Characters der in den 
assyrischen Keilinschriften enthaltenen semitischen 
Spraclie, dans les Abhandlungen der Berliner Aka- 
demie der Wissenschaften i86U, in-4». (Un tirage à 
part parut à Berlin 1865.) — Parthava und Pahlav, 
Mada und Mah, in-4», Berlin, 1864. — Ueber das Vocal- 
system der hebrâisclten Sprache nach der sogenannten 
assyrischen Punktuation, in-4», Berlin, 1865. — Ueber 
die Umgestaltung einiger semitischer Ortsnamen bei 
den Griechen, in-4°, Berlin, 1879. — Voir Eb. Schrader, 
Gedachtnisrede auf Justus Olshausen, dans les Mittei- 
lungender kgl. preuss. Akademie der Wissenschaften, 
Berlin, 1883; Carstens, dans YAllgemeine deutsche 
Biographie, t. xxiv, p. 328-30, Leipzig, 1887; Ad. Kamp- 
hausen, dans la Realencyklopâdie fur protest. Théo- 
logie und Kirche, 3 e édit., t. xiv, Leipzig, 1904, p. 368- 
371. M. Bihl. 

OLTRAMARE Marc Jean Hugues, exégète protes- 
tant suisse, né à Genève le 27 décembre 1813, mort 
dans cette ville le 23 février 1891. Il y avait commencé 



ses études qu'il termina à Tûbingue et à Berlin. Après; 
avoir exercé en passant le ministère pastoral, il occupa 
la chaire d'exégèse du Nouveau Testament à la faculté 
de théologie protestante de Genève; poste où il resta 
jusqu'à sa mort. Sans parler de nombreuses publica- 
tions de polémique ou de théologie et d'une traduction 
du Nouveau Testament, on a de lui : Commentaire sur 
l'Épltre aux Romains, 2 in-8», Paris, 1881-1882; Com- 
mentaire sur les Épïtres de saint Paul aux Colossiens, 
aux Éphésiens et à Phïlémon (avec une notice sur 
l'auteur en tête du t. n), 3 in-8°, Paris, 1891-1892. D'après 
M. Bovon, Théologie du Nouveau Testament, 2 in-8», 
Lausanne, 1905, t. n, p. 112, « pour toutce qui concerne 
ces trois écrits et leur authenticité, » l'auteur « traite 
ce sujet avec une telle ampleur qu'il épuise la matière 
et qu'il reste peu de chose qui lui échappe ». 

O. Rey. 
OLYMPIADE (grec : 'OXunnSc, probablement forme 
contractée de 'OXv(jwi<58<«>po;), chrétien de Rome, salué 
par saint Paul, dans l'Épître aux Romains, xv, 15. Le 
pseudo-Hippolyte, De lxx Apost., 42, t. x, col. 955, le 
compte parmi les soixante-dix disciples du Sauveur et 
dit qu'il souffrit le martyre à Rome. Sa fête est célébrée 
par les Grecs le 10 novembre. 

OLYMPIEN (grec: 'OXii(jimoc), épithète de Jupiter, 
dieu de l'Olympe en Thessalie. Voir Jupiter, t. ni, 
col. 1866. Antiochus IV Épiphane lui dédia le temple 
de Jérusalem en décembre 168 avant Jésus-Christ. 
II Mach., vi, 2. Cf. I Mach., i, 57. 

OLYMPIODORE d'Alexandrie, diacre de cette ville, 
vivait dans la première moitié du vi e siècle. Il fut or- 
donné par l'archevêque monophysite d'Alexandrie, 
Jean III, surnommé Nikiotès, lequel mourut en mai 516. 
Migne a publié sous le nom d'Olympiodore dans la 
Patrologie grecque, t. xcm, des commentaires sur Job, 
les Proverbes, l'Ecclésiaste, Jérémie, les Lamentations, 
Baruch et saint Luc. Le commentaire sur Job, col. 13- 
469, n'est pas dans son ensemble l'œuvre d'Olympio- 
dore comme l'avait cru son traducteur latin P. Comito- 
lus; l'éditeur du texte grec, P. Junius, Catena Patrum 
grsecorum, in-8», Londres, 1637, a établi que la Catena 
in Job est l'œuvre de Nicétas Serron (voir col. 1614) 
qui vivait au xi» siècle. Le commentaire de Jérémie 
existait au manuscrit dans la bibliothèque Barberini, 
mais n'a pas été publié. Les fragments sur Jérémie 
(col. 627-726), sur les Lamentations (col. 725-762), sur 
Baruch (col. 761-774), sur la lettre de Jérémie (col. 773- 
780), sont tirés de la Catena de Michel Ghislerius, 
Lyon, 1653, où ils figurent sous le nom d'un Olympiodore 
qui n'est pas autrement déterminé. Quelques fragments 
sur les Proverbes (col. 469-478), dont on a seulement le 
texte latin, traduit par Th. Pelte, S, J., et un fragment 
de saint Luc, VI, 23, col. 779, publié par le cardinal Mai, 
Scriptorum nova collectif), t. ix, p. 666, peuvent être du 
diacre d'Alexandrie, mais on n'en a pas la certitude. 
Le commentaire sur l'Ecclésiaste (col. 477-628) est pu- 
blié d'après YAuclarium Bibl. greec. Patr., Paris, 1624. 
Les commentaires anciens sur ce livre sont rares. Celui- 
ci est surtout moral. F. Vigouroux. 

OMAR (hébreu : 'Ôtnâr, « éloquent (?) ; » Septante : 
'û[iâp), le second des sept fils d'Éliphaz et petit-fils 
d'Esaû, un des 'allûf ou chefs de tribu iduméens. 
Gen., xxxvi, 11, 15; I Par., i, 36. Voir Allouph, t. i, 
col. 390. La tribu qui a dû porter son nom n'a pas été 
identifiée. 

OMBRE (hébreu j sel, sSlél, sëlém, salmâvéf; chal- 
déen : telal; Septante :<rxiâ ; Vulgate : umbra), absence 
des rayons directs du soleil sur un corps quelconque 
pendant le jour. Tout agent lumineux peut être l'occa. 



1797 



OMBRE 



1798 



sion d'une production d'ombre; dans la Bible, il n'est 
question d'ombre que par rapport au soleil. Un corps 
opaque exposé aux rayons de l'astre à une partie éclai- 
rée directement et l'autre partie éclairée seulement par 
des rayons diffus ; cet éclairage restreint constitue 
l'ombre propre du corps. Ce corps, grâce à son opacité 
arrêtant les rayons directs du soleil, empêche les objets 
qui sont au-delà, sur la même ligne droite, de recevoir 
ces rayons : c'est son ombre portée. Quand le corps 
exposé au soleil est en mouvement, son ombre se meut 
également selon certaines règles géométriques ; quand 
le corps est au repos, l'ombre se meut cependant à 
cause du déplacement du soleil, mais dans un sens 
contraire au mouvement de l'astre. — Le mot hébreu 
salmâvét a été décomposé par les versions en deux 
autres mots, sêl, « ombre, » et mâvéf, « mort, » d'où 
« ombre de la mort », oxcà 8avccTou, umbra mortis, ombre 
comme celle qui règne dans le séjour de la mort. Mais 
les anciens hébraïsants n'ont pas tous admis cette éty- 
mologie. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1169. Plusieurs 
préfèrent faire venir le mot de sàlam, « être sombre, » 
sens qu'on retrouve dans l'assyrien salmu, l'arabe sa- 
léma et l'éthiopien saléma. On observe d'ailleurs que, 
dans bien des cas, Job, xxiv, 17; xxviii, 3; Ps. cvil 
(cvi), 10, 14; Is., ix, 2, etc., le mot salmâvét ne se 
rapporte nullement au séjour des morts, et que sel, 
« ombre, » est pris la plupart du temps dans la Bible 
avec un sens agréable. Le mot salmâvét voadrait donc 
dire simplement « obscurité », par conséquent ombre 
épaisse. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 
1898, p. 704. Voir Ténèbres. 

1° Au sens propre. — d . Les montagnes projettent des 
ombres, d'abord courtes et pouvant être prises pour des 
troupes d'hommes, Jud., IX, 36, puis s'allongeant de 
plus en plus, à mesure que le soleil baisse sur l'horizon, 
Jer., vi, 4, enfin fuyant elles-mêmes et disparaissant 
dans la nuit. Cant., n, 17 ; iv, 6. — 2. Les arbres four- 
nissent aussi une ombre très appréciée en Palestine, 
où le soleil est ardent. Les oiseaux cherchent cette 
ombre, Marc, iv, 32, et l'esclave accablé par le labeur 
soupire après le moment où il la trouvera. Job, vu, 2. 
Voir Magasin pittoresque, 12 e année, p. 314. Les lotus 
couvrent l'hippopotame de leur ombre. Job, xl, 17 (22). 
Dans ce texte, la Vulgate a confondu sé'êlîm des « lotus » 
et selàlim, des « ombres », d'où une tautologie dans la 
traduction. L'ombre de la vigne couvrait les montagnes 
d'Israël. Ps. lxxx (lxxix), 11. Élie dormit à l'ombre 
d'un genêt, III Reg., xix, 5, et Jonas s'abrita à l'ombre 
d'un ricin qui sécha bientôt. Jon., rv, 5, 6. Pour s'adon- 
ner à l'idolâtrie, les Israélites recherchaient l'ombrage 
épais des arbres, sous lesquels ils trouvaient des retraites 
mystérieuses. Ose., iv, 13. Voir Bois sacré, 1. 1, col. 1840. 
— 3. Le serpent réunit ses petits à son ombre, Is., xxxiv, 
15, afin de les garantir contre les ardeurs du soleil. Une 
ombre épaisse règne dans les galeries où les mineurs 
vont chercher les métaux et les pierres précieuses. Job, 
xxviii, 3. Plus profonde encore est 1' « ombre de la 
mort », l'obscurité qui enveloppe le séjour des morts. 
Job, x, 22. Voir Sche'ol. — 4. Le prophète Isaïe fit ré- 
trograder l'ombre de dix degrés sur le cadran solaire 
d'Achaz, aux yeux d'Ézéchias malade. IV Reg., xx, 9-11 ; 
Is., xxxvm, 8. Voir Cadran solaire, t. n, col. 27ri — 
5. A Jérusalem, on mettait les malades sur le passage 
de saint Pierre, afin que son ombre au moins lès cou- 
vrît. Act., v, 15. On espérait ainsi obtenir leur guéri- 
son. Le Codex Bezse ajoute au texte : « Car ils étaient 
délivrés de la maladie que chacun d'eux avait. » Quel- 
ques autres manuscrits ont une addition analogue. 

2° Au sens figuré. — Un certain nombre des propriétés 
de l'ombre fournissent aux écrivains sacrés des images 
ou des comparaisons. Ainsi l'ombre figure : 1. La sécu- 
rité. En Orient, il est toujours dangereux de s'exposer 
sans abri aux /ayons du soleil. Voir Insolation, t. m, 



col. 885. On cherche donc l'ombrage d'un arbre, d'un 
rocher, de tout ce qui peut empêcher le rayonnement 
direct. Alors on est en sécurité. Dans l'apologue de 
Joatham, le buisson élu roi dit aux autres arbres de se 
confier à son ombrage. Jud., ix, 15. Assur a été-comme 
un grand arbre au feuillage épais, à l'abri duquel des 
nations nombreuses se sont mises à l'ombre ; mais, à 
l'heure du châtiment, les peuples s'éloignent de l'ombre 
d' Assur, et avec lui descendent au sche'ol ceux qui étaient 
assis à son ombre. Ezech., xxxl, 2, 6, 12, 16. Malheur 
aux Israélites qui voudront s'abriter à l'ombre de 
l'Egypte. Is., xxx, 2, 3. Un bon prince est pour Israël 
comme un grand rocher à l'ombre duquel il se tient. 
Is., xxxn, 2. Les Israélites comptaient vivre ainsi à 
l'ombre de leur roi. Lam., îv, 20. Il leur fallut pour- 
tant vivre à l'ombre de Nabuchodonosor. Bar., i, 12. 
Cf. Dan., îv, 9..Mais un jour Israël refleurira, on revien- 
dra vivre à son ombre, Ose., xiv, 8, et, plus tard, le 
royaume messianique deviendra un grand arbre dont 
les rameaux abriteront les oiseaux, Ezech., xvii, 23, 
comme autrefois les forêts abritaient Israël de leur 
ombre sur l'ordre de Dieu. Bar., v, 8. Après leur châ- 
timent, les Moabites en fuite voulaient s'arrêter à 
l'ombre de Hésébon, Jer., xlviii, 45, mais ils en furent 
chassé's. Pour se cacher, les fugitifs demandent l'ombre 
de la nuit au milieu du jour. Is., xxi, 3. — 2. La pro- 
tection divine. Elle a été manifestée quand l'ombre de 
la nuée couvrait les Hébreux au passage de la mer 
Rouge. Sap., xix, 7. Dieu défend contre les oppresseurs 
comme l'ombre du nuage protège contre le soleil. Is., 
xxv, 4-5. Il est un ombrage contre les feux du midi, 
Eccli., xxxiv, 19, une tente qui donne de l'ombre. Is., iv, 
6. Les Psalmistes demandent à Dieu de les protéger à 
l'ombre de ses ailes. Ps. xvn (xvi), 8 : lviii (lvii), 2. 
Le serviteur de Jéhovah est couvert par l'ombre de sa 
main. Is., xlix, 2 ; li, 16. L'épouse désire s'asseoir à 
l'ombre de son bien-aimé. Cant., n,3. Les trois Apôtres, 
sur la montagne de la transfiguration, sont à l'ombre 
de la nuée, Matth., xvn, 5; Marc, ix, 6 ; Luc, ix, 34, 
et ainsi introduits dans le mystère des secrets divins. 
La vertu du Très Haut couvre Marie de son ombre, 
Luc, i, 35, pour opérer en elle le mystère de l'incar- 
nation. En Egypte, pour dire que quelqu'un était sous 
la protection et sous l'autorité d'un plus puissant, on se 
servait d'une locution comme celle-ci : « L'ombre de 
Pharaon, ton maître, tombe sur toi. » Cf. Maspero, 
Les contes populaires de l'ancienne Egypte, Paris, 
3 e édit.,p.l98. — 3. L'abandon. L'ombre marque égale- 
ment l'état de ce qui n'est pas éclairé [par la vérité, la 
grâce, la vie, etc. Il n'y a point d'ombre de la mort où 
l'on puisse se cacher pour faire le mal, Job, xxxiv, 22, 
car la lumière du regard divin éclaire tout et Dieu met 
à la lumière ce qui est à l'ombre. Job, xn, 22. Dans 
une ;vallée d'ombre, refuge d'êtres malfaisants qui se 
cachent, rien n'est à craindre pour celui qui a Dieu avec 
soi. Ps. xxm (xxn), 4. Les prisonniers habitent l'ombre 
de la mort, d'où la Providence les tirera. Ps. cvii (cvi), 
10, 14. Il faut glorifier Dieu avant que la lumière de la 
vie soit remplacée par l'ombre de la mort dans l'autre 
monde. Jer., xm, 16. Les fils de Coré, soumis à l'épreuve 
malgré leur fidélité, demandent si Dieu veut les écraser 
et les couvrir de l'ombre de la mort. Ps. xliv (xliii), 
20. Job, m, 5, voudrait que le jour de sa naissance fût 
revendiqué par les ténèbres et l'ombre. A ceux qui 
habitaient à l'ombre de la mort, c'est-à-dire dans l'igno- 
rance, le vice et la menace de l'éternel malheur, le 
Messie a apporté la délivrance, Is., ix, 2; Matth., iv, 
16, et la lumière. Luc, i, 79. — 4. L'insignifiance phy- 
sique ou morale. Job, xvn, 7, miné par la maladie et le 
chagrin, se plaint que tout son corps n'est plus qu'une 
ombre. S'arrêter aux songes c'est vouloir saisir une 
ombre. Eccli., xxxrv, 2. Pour les voleurs, le matin 
équivaut à l'ombre de la mort, Job, xxiv, 17, parce que 



1799 



OMBRE — ONAGRE 



180O 



la lumière du jour empêche l'exécution de leurs mau- 
vais desseins. En Dieu, il n'y a pas même l'ombre d'un 
changement, Jacob., i, 17, c'est-à-dire pas de variation 
si insignifiante qu'elle soit. Les anciennes institutions 
mosaïques n'ont été que l'ombre des choses futures. 
Col., il, 17 ; Heb., vin, 5; x, 1. Ici l'idée exprimée est 
double : les choses de l'ancienne loi ont été insigni- 
fiantes, sans valeur pour le salut, si on les compare à 
celles de la loi nouvelle ; elles en ont cependant été la 
figure, de même que l'ombre portée par un objet repro- 
duit quelque chose des contours de cet objet. En hébreu 
le même mot sélém signifie « ombre » et « image », 
parce que les premières figures ont été dessinées d'après 
les contours de leur projection sur une surface plane- 
Le texte de la Sagesse, xv, 4, appelle le peintre axia- 



Dieu est le premier et le dernier, le commencement et 
la fin, Apoc, i, 8; Jésus-Christ l'est de même, Apoc., 
xxi, 6; xxn, 13; « celui par qui tout commence, celui 
à qui tout se termine, que nul ne précède, à qui nul ne 
succède, » comme le dit Bossuet, L'Apocalypse, i, 8 r 
dans ses Œuvres, Versailles, 1818, t. m, p. 158. Voir 
A et û, t. i, col. 1. 

OMER, mesure. La mesure hébraïque appelée inn, 
borner, est rendue ordinairement dans la Vulgate par 
corus et celle qui est appelée nny, 'ômér, par gomor. 
Voir Con, t. h, col. 954, et Gomor, t. m, col. 273. 

OMRAI (hébreu: 'lmrî, « éloquent (?); » Septante:. 
'Ajjurpoiiu.), fils de Bonni et père d'Amri, de la tribu de 




,. »85 c 

479. — La chasse à l'onagre. Bas-relief assyrien du British Muséum. 



Ypâ<pos, « celui qui trace d'après l'ombre ; » Vulgate : 
umbra piclurse, « ombre de peinture. » Le texte hé- 
breu de Ps. xxxix (xxxvm), 7, dit que l'homme passe 
« comme une ombre », et les versions traduisent 
« comme une image », en prenant l'un pour l'autre les 
deux premiers sens de sélem. — 5. L'inconsistance. La 
vie de l'homme passe comme l'ombre. Cette image est 
fréquente dans la Sainte Écriture. I Par., xxix, 15 ; Job, 
vin, 9; Ps. xxxix (xxxvm), 7; cxliv (cxliii), 4; Eccle., 
vu, 1; Sap., il, 5. Les jours de l'homme sont comme 
l'ombre qui s'allonge, Ps. en (ci), 12, comme l'ombre 
à son déclin, Ps. cix (cvm), 22, comme l'ombre qui ne 
s'arrête pas. Job, xiv, 2. Le soir surtout, l'ombre s'al- 
longe de plus en plus et semble précipiter sa marche 
implacable pour faire bientôt place à la nuit, qui, en 
Palestine, n'est séparée du jour que par un court cré- 
puscule. Les méchants et les faux biens de ce monde 
participent naturellement à la condition de l'homme et 
passent comme l'ornbre. Eccle., vin, 13; Sep., v, 9, 

H. Lesêtre. 
OMÉGA, nom de la dernière lettre de l'alphabet 
grec, Q, employé dans l'Apocalypse,!, 8; xxr, 6; xxii,13, 
pour signifier fin, le dernier. Cf. Is., xliv, 6; xlviii, 12. 



Juda. Un de ses descendants, Othéi, habita Jérusalem 
après le retour de la captivité de Babylone. I Par., IX, 
4. — Un autre Israélite, père de Zachur, qui travailla à 
la reconstitution des murs de Jérusalem du temps de 
Néhémie, II Esd., m, 2, s'appelle aussi en hébreu 
'lmrî, mais la Vulgate a écrit son nom Amri. 

ON (hébreu: 'On; Septante: 'IDiioûtioXic), nom hé- 
breu de la ville d'Egypte que les Septante et la Vulgate 
appellent Héliopolis d'après le nom que lui avaient 
donné les Grecs. Gen., xli, 45, 50; Ezech., xxx, 17. Voir 
Héliopolis 1, t. m, col. 571. 

ONAGRE (hébreu : péré', et une fois 'ârôd, Job,, 
xxxix, 5; chaldéen : 'ârod; Septante : ôveq-po;, ovoç 
âypioc, ovoç êpeuitriç; Vulgate : onager), quadrupède de 
l'ordre des jumentés, souvent confondu avec l'âne sau- 
vage. Voir Ane, t. i, col. 566. 

1° Histoire naturelle. — 1. Les anciens ont connu 
sous le nom d' « onagre », <et beaucoup de modernes, 
désignent par le même nom, équivalant à celui d'âne 
sauvage, un quadrupède presque indomptable, même 
quand il nait en captivité ou qu'on le prend tout jeune, 



4801 



ONAGRE 



1802 



■cf. Aristote, Bist. anim., vi, 36; Oppien, Cyneget., ni, 
184; remarquable par la beauté de ses proportions, cf. 
Martial, xm, 98; dont la rapidité défie celle des che- 
vaux les plus agiles, cf. Aristote, Hist. anim., vi, 29; 
Élien, Nat. anim., xiv, 10; Xénophon, Anab., I, v, 2; 
vivant par troupes nombreuses en Perse, en Arabie et 
■dans l'Asie centrale, cf. Pline, H. N., vm, 16; Varron, 
De re rust., n, 6; AmmienMarcellin, xxiv, 8; Strabon, 
vu, 312; xii, 568; poursuivi comme gibier de chasse, 
Strabon, vu, 312, et d'une chair délicate au goût. Les 
monuments assyriens représentent cette chasse à l'ona- 
gre, traqué par les chiens et percé de flèches (flg. 479), ou 
pris au lacet (fig. 480). « On le force difficilement avec 
des chiens, mais on l'abat à coups de flèches, ou bien 
on le prend vivant au piège. On lui ajuste au cou un 



Syrie, de la Perse, etc., est applicable à l'hémippe, au 
gour, au ghor-khur, au kiang ou dshiggéteï, c'est-à- 
dire à diverses variétés de VEquus hemionus et non à 
l'Equus asinus ». L'hémione est un jumenté qui tient 
le milieu entre le cheval et l'âne, d'où son nom de 
« demi-âne » ; il a les parties antérieures du premier et 
les parties postérieures du second, la tête de même 
forme que celle du cheval, mais grosse comme celle de 
l'âne, les oreilles intermédiaires entre celles des deux 
précédents animaux, et il réunit les qualités assignées 
par les anciens à l'onagre. Ce serait donc en réalité 
l'hémione que les anciens auraient connu sous le nom 
d'onagre, le péré', « rapide, » des Hébreux, assimilée 
l'âne à raison de ses formes générales, mais n'ayant 
pu, en aucune manière, devenir la souche des ânes do- 




0=859 



0. — Chasse à l'onagre. Bas-relief assyrien de Nimroud. D'après Place, pi. 54, n. 3. 



nœud coulant, dont deux hommes tiennent les extrémi- 
tés. L'animal se débat, rue, essaie de mordre, mais ses 
-efforts n'aboutissent d'ordinaire qu'à serrer le lacet, et 
il s'affaisse à demi ^étranglé ; après quelques alternatives 
de révolte et de suffocation, il finit par se calmer tant 
bien que mal et se laisse emmener. On l'apprivoisait et 
il se pliait sinon aux travaux de l'agriculture, du moins 
à ceux de la guerre. » Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 769. 
Cette dernière conclusion se tire du poème babylonien 
où le soleil est représenté sur un char attelé d'onagres 
vigoureux dont les jarrets ne se lassent jamais. Cf. Jen>^ 
■sen, Die Kosmologie der Babylonier, Strasbourg, 1890, 
p. 111. Tristram, The natural History of the Bible, 
Londres, 1889, p. 43, appelle Asinus hemione l'onagre 
de l'Asie centrale et le distingue de V Asinus hemippus 
ou onagre de la Syrie orientale. Mais Milne Edwards, 
-dans les Compt. rend, de l'Acad. des sciences, Paris, 
t. lxix, 1869, p. 1259, considère « comme bien démon- 
tré que l'âne est une espèce essentiellement africaine, 
qui ne s'est répandue en Asie qu'à l'état domestique; 
-car tout ce que les anciens, ainsi que les voyageurs 
modernes, ont dit des ânes sauvages ou onagres de la 



mestiques, si différents par le caractère, la lenteur, la 
domesticabilité, etc. Du reste, les animaux représentés 
par les artistes assyriens sont des hémiones. Cf. C. A. 
Piètrement, Les chevaux dans les temps préhist. et 
histor., Paris, 1883, p. 708-711. — 2. L' Asinus vulgaris, 
souche des ânes domestiqués, a été aussi regardé par 
les anciens comme un onagre. Il est originaire des 
déserts de l'Afrique. On le rencontre encore par petites 
troupes de quatre ou cinq dans ces régions. Ses carac- 
tères sont à peu près les mêmes que ceux de l'âne 
domestique. Il ne se montre sur les confins de l'Egypte 
qu'en été; l'hiver, il se retire dans les déserts du Haut 
Nil. — 3. Quelques auteurs ont pensé que le mot péré' 
désigne l'onagre asiatique, tandis que 'ârôd serait le 
nom de l'âne sauvage d'Afrique. Cette supposition 
manque de fondement. Le mot 'ârôd n'apparaît en effet 
qu'une seule fois dans la Bible, pour servir de parallèle 
au mot père" : 

Qui a lâché le péré' en liberté, 

Qui a brisé les liens du 'ârôd? Job, xxxix, 5. 

Le mot 'ârôd n'est que le chaldéen 'ârod, employé 
par Daniel, v, 21, et ne pouvant, par conséquent, servir 



1803 



ONAGRE 



ONAM 



1804 



â nommer l'âne sauvage d'Afrique, inconnu en Baby- 
lonie. C'est par suite des exigences du parallélisme que 
l'auteur sacré oppose, comme deux termes synonymes, 
le péré' au 'ârôd. Les deux noms se rapportent à l'onagre 
asiatique, c'est-à-dire à l'hémione. Cf. Bochart, Hiero- 
zoicon, Leipzig, 1793-1796, t. n, p. 214; Rosenmùller, 
Iobus, Leipzig, 1806, t. il, p. 913. Wetzstein, dans Frz. 
Delitzsch, Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 507, identifie 
le péré' avec le farâ du désert d'Arabie, qui ressemble 
assez à l'âne par la tête, les oreilles et la queue, mais 
est pourvu de deux cornes, et n'est plus dès lors un 
jumenté, mais un bovidé analogue à l'antilope. Cette 
identification n'est pas probable; elle a contre elle les 
anciennes versions qui font du péré' un âne sauvage, le 
purîmu assyrien, par conséquent un animal semblable 
à l'âne et dépourvu de cornes. — 4. h'Asinus hemippus 
est l'hémione de Syrie (flg. 481). Comme l'âne sauvage 
d'Afrique, l'animal change de place suivant les saisons. 




481. — L'hémione de Syrie. 

Il habite encore en été au nord de l'Arménie et descend 
en hiver dans les parages du golfe Persique. On le ren- 
contre aussi dans le Haouran ou pays de Basan. h'Asi- 
nus hemione ou hémione de l'Asie centrale fréquente en 
grand nombre les plateaux de la Perse, et, dans l'Inde 
anglaise, le pays de Katch, d'où le nom de dshiggétéï 
qu'on lui donne en cette contrée. LesTartares prennent 
l'hémione à l'aide de pièges et de lacets, comme les 
Assyriens d'autrefois, mangent sa chair et utilisent sa 
peau pour la préparation du chagrin. Cf. Tristram, The 
natural History of the Bible, p. 41-43; Wood, Bible 
animais, Londres, 1884, p. 279-284. 

2° L'onagre dans la Bible. — 1. Il est question du 
péré' une douzaine de fois dans les textes sacrés. L'ani- 
mal était donc bien connu des Hébreux, surtout de 
l'auteur de Job. L'ange de Jéhovah caractérise Ismaël, 
avant sa naissance, en disant qu'il sera un péré', que sa 
main sera contre tous et que la main de tous sera 
contre lui. Gen., Xvr, 12. La vie d'Ismaël, qui fut vaga- 
bonde et aventureuse, et le caractère de ses descendants, 
qui furent belliqueux et peu sociables, justifient cette 
comparaison. En traduisant péré' par âypotxoc, férus, 
« sauvage, » les versions ne rendent que le sens géné- 
ral de la, comparaison. — Job, vi,5, demande si l'onagre 
rugit devant l'herbe tendre, pour signifier que s'il se 
plaint lui-même, c'est qu'il n'a pas ce qu'il désirerait 
et reçoit au contraire en nourriture ce qui cause son 
tourment. De son côté, Sophar reproche à Job de se 
buter contre la justice de Dieu et de ne pas comprendre 
ce que comprendraient un fou et un onagre. Job, xi, 



12. L'onagre, en effet, vit dans les déserts, loin des 
hommes qui pourraient l'apprivoiser, et, quand, il est 
pris par eux, il se montre indocile. C'est donc un type 
d'inintelligence. Job, xxiv, 5, compare encore à l'onagre 
dans la solitude les malheureux qui, traqués par les 
brigands, en sont réduits à errer dans les déserts et à 
vivre misérablement. Enfin, l'auteur sacré décrit en ces 
termes les mœurs de l'onagre, Job, xxxix, 5-8 : 

Qui a lâché le péré' en liberté, 

Qui a brisé les liens du 'ârôd, 

A qai j'ai donné le désert pour maison, 

Et pour demeure la plaine aride? 

Il méprise le tumulte des villes 

Et n'entend pas la voix d'un maître. 

Il court les montagnes pour trouver sa pâture, 

Il y cherche les moindres brins de verdure. 

Ces traits rappellent l'indépendance, la sauvagerie, 
l'indomptabilité de l'onagre, qui ne songe qu'à se pro- 
curer sa nourriture et la rencontre même dans les ré- 
gions les plus arides. — Un Psalmiste parle de l'onagre 
qui vient aux sources pour y étancher sa soif. Ps. civ 
(cm), 11. — Osée, vm, 9, pour reprocher à Israël son 
penchant envers les Assyriens, le compare à l'onagre 
indompté qui cherche fortune dans le désert. — Isaie, 
xxxii, 14, dit que Jérusalem châtiée à cause de ses infi- 
délités, deviendra un repaire où s'ébattront les onagres. 
— Jérémie, H, 24, reprend l'idée d'Osée et assimile la 
nation coupable à une onagre habituée au désert; elle 
aspire l'air, dans l'espoir d'assouvir sa passion, et ceux 
qui la recherchent la trouvent sans peine. Le prophète 
dit encore, en décrivant une sécheresse : 

Les onagres se tiennent sur les hauteurs, 

Aspirant l'air comme des chacals, 

Leurs yeux s'éteignent, faute de verdure. Jer., xiv, 6. 

Daniel, v, 21, raconte que, pendant sa lycanthropie, 
voir Folie, t. u, col. 2301, Nabuchodonosor vécut avec 
les onagres. Les rois d'Assyrie s'étaient ménagé des 
parcs immenses auprès de ieurs palais d'été. Dans ces 
parcs, on rassemblait des bêtes sauvages et même des 
animaux féroces que le souverain se donnait le plaisir 
de chasser à ses heures. Cf., Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient classique, Paris, t. m, 1899, 
p. 401. Les bêtes sauvages y vivaient seules en liberté, 
tandis que les animaux féroces, retenus en cage, n'étaient 
lâchés que pour la chasse. Nabuchodonosor pouvait 
donc ainsi vivre dans la compagnie des onagres. — 
Enfin, l'Ecclésiastique, xni, 23, dit que le pauvre est la 
proie des riches, comme l'onagre est la proie des lions 
dans le désert. Le lion poursuivait et atteignait l'onagre 
aussi aisément que le cerf. Voir fig. 84, col. 269. — 2. 
Tous ces traits bibliques conviennent parfaitement aux 
hémiones, c'est-à-dire aux animaux que les auteurs 
sacrés avaient sous les yeux et qu'on rencontrait assez 
fréquemment de leur temps en Mésopotamie et en 
Syrie, particulièrement dans le Hauran, patrie de Job. 
Ils ne sauraient convenir au même degré à l'âne sau- 
vage proprement dit, qui, de nos jours, n'a jamais été 
trouvé ailleurs que dans le nord de l'Afrique et qui 
n'est passé en Asie qu'à l'état domestique. Les auteurs 
sacrés n'auraient guère eu l'occasion de le connaître 
autrement que par ouï-dire. Il en faut conclure que les 
onagres de la Bible sont des hémiones. — Sur la ma- 
chine de guerre appelée « onagre », voir Baliste, 1. 1, 
col. 1415. H. Lesêtre. 

ONAM (hébreu : min, 'Ôndm, « fort »), nom d'un 
Horréen et d'un Judéen. 

1. ONAM (Septante: 'ûfiôp, dans Gen., xxxvi, 23, et 
'Qviv, dans I Par., l, 40), le plus jeune des cinq fils de 
Sobal l'Horréen. 



1805 



ONAM 



ONCTION 



180G 



2. ONAM (Septante : 'Oçôu), de la tribu de Juda, fils 
de Jéraméel et d'Atara, et père de Séraéi et de Juda. 

I Par., ii, 26, 28. Voir Jéraméel 1, t. m, col. 1256. 

ONAN (Hébreu: pi«, Ôndn, « fort; » Septante: 
AOvâv), second fils de Juda et de sa femme chananéenne 
Sué. Gen., xxxvm, 2-4 ; xlvi, 12 ; Num., xxvi, 19 ; 

II Par., h, 3. Son frère aîné, Her, étant mort sans en- 
fants, la coutume du lévirat l'obligea à prendre Thamar, 
sa belle-sœur, pour femme, mais Onan l'empêcha cri- 
minellement de devenir mère et il fut pour cela frappé 
de mort par le Seigneur. Gen., xxxvi, 7-10. Voir Lévi- 
rat, col. 213. 

ONCTION (hébreu : mishâh, de mâsab, « oindre, 
consacrer; » famrûq, de mâraq, « polir, purifier; » 
Septante : ^pîujJLa, XP'"^ SXetnna; Vulgate : unctio), 
action qui consiste à frotter ou à arroser d'huile. — Le 
premier mot hébreu n'est employé qu'à propos des 
onctions liturgiques et est toujours joint au mot sémén : 
« huile d'onction, » Exod., xxv 6; xxix-, 7, etc., « huile 
sainte d'onction, » Exod., xxx, 25, 31 ; Lev., x, 7. Le 
second mot, rendu vaguement par les versions, se 
rapporte aux onctions de toilette. Esth., n, 3, 9, 12. 
Cf. Prov., xx, 30. — La Sainte Écriture mentionne 
différentes espèces d'onctions. 

1° Onctions liturgiques. — 1. La première onction 
de ce genre est celle que fit Jacob à Bethel. Jéhovah 
lui étant apparu pendant son sommeil, le patriarche 
prit la pierre sur laquelle sa tête avait reposé, la dressa 
en stèle et versa de l'huile sur le sommet, en souvenir 
de la présence de Dieu. Gen., xxvm, 16-18; xxxi, 13. 
Voir Bethel, t. i, col. 1673. Le rite qui consistait à 
oindre avec de l'huile des pierres commémoratives 
était très ancien, et commun à tous les peuples chez 
lesquels prospérait la culture de l'olivier. Sept ou huit 
siècles après Jacob, Téglathphalasar I er découvrait les 
stèles commémoratives de son père Samsi-Ramman, 
les oignait d'huile, les remettait en place et demandait 
qu'on en fit autant pour les siennes. Cf. Schrader, 
Keilinschriftliche Bibliothek, t. i, p. 44; Lagrange, 
Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 198, 
205. Il y a là un rite destiné à signaler une sorte d'in- 
tervention divine en faveur de l'homme et à en perpé- 
tuer le souvenir. L'huile servait à consacrer la pierre 
par l'application d'un des produits naturels les plus 
précieux, et la consécration était d'autant plus durable 
que ce liquide pénétrait la pierre même et ne se lais- 
sait pas entraîner par l'eau de pluie. Cf. Bâhr, Symbo- 
lik des mosaischen Quitus, Heidelberg, 1839, t. il, p. 176. 
Il n'y a pas à s'étonner que Jacob ait eu de l'huile avec 
lui, même pendant son voyage. Cette substance servait 
à tant d'usages divers qu'un Sémite ne pouvait s'en 
passer et en portait toujours dans ses provisions. La 
coutume d'oindre d'huile certaines pierres de caractère 
idolâtrique se retrouve chez les Grecs. Clément 
d'Alexandrie, Strom., vu, t. ix, col. 433, parle de ■kolc 
Xi'doç Xraapdç, « toute espèce de pierres ointes d'huile » 
devant lesquelles ils se prosternaient. Arnobe, Adv. 
Gent., i, 19, t. v, col. 767, confesse que lui-même il 
avait souvent vénéré des pierres semblables le long des 
routes. — 2. Le grand-prêtre, au moment de sa consé- 
cration, recevait une onction d'huile spécialement Com- 
posée dans ce but. Exod., xxx, 25-32; xxxi, 11; xxxv, 
15. Voir Huile, t. m, col. 775. Cette pnetion fut abon- 
dante pour Aaron; elle fut versée sur sa tête et coula 
jusque sur sa barbe. Exod., xxlx, 7, 36; Lev., xvi, 32 
Num., xxxv, 25; Ps. cxxxm (cxxxii), 2; Eçcli., xlv,18. 
Les anciens rabbins prétendaient distinguer, d'après 
Lev., vin, 12, deux actes dans l'onction du grand-prêtre, 
l'effusion de l'huile et l'onction proprement dite. Cette 
onction se faisait avec le doigt, selon les uns en forme 
de 3, première lettre du mot kohên, s prêtre, » et selon 



les autres en forme de ^ grec. Cf. Gem. Kerituth, 
11; Ugolini, Thésaurus, t. xii, p. 954. On renouvelait 
l'onction pour tous les grands-prêtres, successeurs 
d' Aaron. Toutefois, au dire des rabbins, l'huile d'onction 
fut perdue du temps de'Josias ; à partir de cette époque, 
on aurait cessé d'oindre les pontifes. Quant aux-autres 
prêtres, appartenant tous à la descendance d'Aaron, il 
est question d'onction à eux conférée, mais seulement 
dans la personne des fils du premier grand-prêtre. 
Exod,, xxvm, 41; xxx, 30; XL, 13; Lev., vi, 20; vu, 36; 
vin, 2; x, 7; xxi, 10, 12; Num., ni, 3. Cette onction, 
croit-on, aurait suffi pour consacrer toute la race aaro- 
nique. Les lévites ne recevaient aucune onction. En 
somme, dans la suite des temps jusqu'à Josias, le 
grand-prêtre fut seul à recevoir l'onction. C'est pour- 
quoi il est distingué par le nom de hak-kohên ham- 
mâsiali, « le prêtre oint. » Lev., îv, 3, 16; xvi, 32; 
Num., m, 3; xxxv, 25. Cf. Reland, Antiquitates sacrée, 
Utrecht, 1741, p. 74, 75; Iken, Antiquitates kebraiese, 
Brème, 1741, p. 112; Bâhr, Symbolik, t. n, p. 166-168; 
H. Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1883, p. 112, 114. 
Il est probable que cette onction, tout en consacrant 
officiellement le grand-prêtre, lui ménageait certains 
secours spirituels pour le digne accomplissement de 
son ministère. — 3. Les onctions d'huile sont aussi en 
usage dans le rituel babylonien. Le bârû ou devin doit 
en particulier tremper dans l'huile la plante si-si et 
s'en oindre. Cf. Fr. Martin, Textes religieux assyriens 
et babyloniens, Paris, 1903, p. 251, 253, 297. —4. L'onc- 
tion d'huile servit aussi à consacrer certains objets 
destinés au service du culte divin, le Tabernacle, 
l'autel et les divers ustensiles du sanctuaire. Cette onc- 
tion fut faite par Moïse. Exod., XL, 9-11; Lev., vin, 10, 
11 ; Num., vu, 1, 10, 88. Moïse aspergea également 
d'huile d'onction et de sang pris sur l'autel les vête- 
ments d'Aaron et de ses fils. Lev., îx, 30. Il est à re- 
marquer qu'il n'est fait aucune mention d'onction ni 
dans la dédicace du Temple de Salomon, III Reg., 
vin, 3-11; II Par., v, 1-14; ni dans le dédicace de celui 
de Zorobabel, I Esd., vi, 16-22; ni pour l'inauguration 
du nouvel autel des holocaustes, après la profanation 
d'Antiochus Épiphane. Il est dit seulement que cet 
autel svsxatvfoÔTi, renovatum est, « fut renouvelé, » 
c'est-à-dire consacré à nouveau par une cérémonie 
appelée iyy.ama\i.6ç, dedicatio, « dédicace. » II Mach., 
iv, 54, 56. Même pour l'autel du temple d'Ezéchiel, 
xliii, 20, 26, il n'est parlé que de mettre du sang du 
sacrifice aux quatre cornes, et de le consacrer pen- 
dant sept jours. Cette consécration est exprimée 
par la formule umil'û yâdâv, les prêtres « empliront 
leurs mains », qui indique une fonction sacerdo- 
tale, voir Main, col. 583, comme l'offrande de dons 
ou de sacrifices, mais non une onction faite par les 
prêtres. 

2° Signification de l'onction. — 1. D'après plusieurs 
passages bibliques, I Reg., x, 1, 6; xvi, 13, 14; Is., lxi, 
1, l'huile d'onction symbolise « l'esprit de Jéhovah ». 
L'huile d'olive sert de nourriture, de lumière, de forti- 
fiant, de remède. Voir col. 773-774. Elle est donc un 
principe de lumière et de vie, et rien dans les produits 
de la nature ne représente mieux F& esprit de Jého- 
vah », qui est lumière et vie. Celte lumière et cette vie 
produisent dans l'âme la sainteté, que l'huile symbolise 
aussi par sa pureté. De là le nom de rûali qodés, 
« esprit de sainteté, » donné à l'esprit de Dieu, Ps. li (l), 
13; Is., lxiii, 10, 11, et le nom de Sémén qodés, 
« huile de sainteté, » donné à l'huile d'onction. Exod., 
xxx, 25, 31; Lev., x, 7. Cf. Bâhr, Symbolik, t. n, p. 171- 
174. — 2. Il suit de là que, quand l'onction sainte est 
appliquée, l'esprit de Jéhovah est sur la personne qui 
a été ointe, c'est-à-dire exerce à son égard des droits 
spéciaux de puissance et de bonté. Réciproquement, la 
simple effusion de l'esprit de Jéhovah suffit à faire de 



1807 



ONCTION 



1808 



quelqu'un un « oint », bien qu'il n'y ait pas eu d'onc- 
tion sensible. Is., xtv, 1; lxi, 1, etc. 

3° Onction des rois. — 1. Les Hébreux avaient pu voir 
en Egypte, pendant leur séjour dans la terre de Gessen, 
que, lors de l'avènement d'un roi au trône, il était 
oint d'huile. Les monuments (fig. 482) représentent 
les dieux eux-mêmes versant l'huile sur le nouveau 
roi. Wilkinson, Manners and Customs, 1879, t. i, 
p. 436. La première mention d'onction royale chez 
les Hébreux, se trouve au livre des Juges, ix, 8, dans 
l'apologue de Joatham : « Les arbres se mirent en 
route pour oindre un roi qui les gouvernât. » Leur 
première proposition s'adressa à l'olivier, qui lui-même 
produit l'huile servant à l'onction. Ceci suppose 
qu'Abimélech, proclamé roi par les Sichémites, avait 
été oint par eux. Jud., ix, 6. En tous cas, il résulte des 
termes de l'apologue que l'usage de l'onction était en 
vigueur à cette époque chez les peuples voisins des 




482. — Onction du roi par les dieux. 
D'après Wilkinson, Manners and Customs, 2" édit, t. m, pi. lxu. 

Hébreux. — 2. La Sainte Écriture parle de plusieurs 
onctions royales. Samuel sacra Saùl en versant sur sa 
tête une fiole d'huile. I Reg.. îx, 16; x, 1; xv, i, 17; 

II Reg., i, 21; Eccli., xlvi, 16. La cérémonie n'eut aucun 
témoin, et quand ensuite Saûl fut reconnu roi par tout 
le peuple, I Reg., x, 20-24, il ne fut pas question 
d'onction. — Samuel sacra de même David au milieu 
de ses frères, en lui versant la corne d'huile. I Reg., 
xvi, 3, 12, 13. Plus tard, les hommes de Juda l'oignirent 
eux-mêmes pour régner sur eux. II Reg., n, 4, 7; ni, 
39. Enfin, tous les anciens d'Israël l'oignirent àHébron, 
afin qu'il régnât sur tout le peuple. II Reg., v, 3, 17; 
xii, 7; I Par., n, 3; xiv, 8; Ps. lxxxix (lxxxviii), 21. — 
Absalom, révolté contre son père, fut oint par ses par- 
tisans afin de prendre la place de David. II Reg., xix, 
10. — Quand Adonias voulut se faire proclamer roi, 
David chargea le prêtre Sadoc et le prophète Nathan 
d'aller oindre Salomon à la fontaine de Gihon. Le 
prêtre Sadoc prit donc dans le Tabernacle la corne 
d'huile et il oignit Salomon. III Reg., i, 34, 39, 45; 
v, 1; I Par., xxix, 22. — Élie reçut de Dieu l'ordre 
d'oindre Hazaël comme roi de Syrie, Jéhu comme roi 
d'Israël et Elisée pour lui succéder comme prophète. 

III Reg., xix, 15, 16; Eccli., xlviii, 8. Il ne paraît pas 
qu'il ait exécuté personnellement cet ordre. Ce fut 
Elisée qui, à Damas, prédit la royauté à Hazaël. IV Reg., 
vu, 13. Quant au sacre de Jéhu, ce fut un jeune homme, 
un fils de prophète, qui l'exécuta. Sur les indications 
d'Elisée, il se rendit à Ramoth-Galaad, prit Jéhu à 
part, lui versa sur la tête la fioje d'huile que lui avait 
donnée le prophète, et lui dit de la part de Jéhovah : 
« Je t'oins roi d'Israël. » IV Reg., IX, 3, 6, 12; II Par., 
xxn, 7. — Le grand-prêtre Joïda et ses fils, après avoir 



ménagé la reconnaissance de Joas, dépossédé du trône 
parAthalie,lui mirent le diadème et lui firent l'onction 
dans le Temple en disant : « Vive le roi! » II Par., 
xsiii, 11. — Après la mort de Josias, le peuple voulut 
avoir pour roi Joachaz, bien qu'il eût deux ans de 
moins que son frère Éliacim ou Joakim, et afin de lé- 
gitimer cette substitution, on oignit Joachaz pour le 
faire roi. IV Reg., xxm, 30, 31, 36. — 3. Il résulte de 
ces données historiques que l'onction royale n'était 
qu'exceptionnelle. On y recourait soit pour établir une 
nouvelle dynastie, comme c'est lé cas pour Saûl, David, 
Jéhu, soit pour consacrer en faveur de quelqu'un un 
pouvoir contesté ou contestable, comme c'est le cas 
pour Absalom, Salomon, Joas et Joachaz. Cf. Munk, 
Palestine, Paris, 1881, p. 409. David lui-même, après 
son onction secrète, en reçoit deux autres pour l'inau- 
guration de sa royauté sur Juda, puis sur tout Israël. 

II en était donc de l'onction royale comme de l'onction 
sacerdotale; celle que recevait le chef de la dynastie 
suffisait pour toute sa descendance. Il est remarquable 
que l'onction royale, même conférée en secret, consti- 
tuait un droit qu'on ne songeait pas à contester. Ainsi, 
dès que Salomon est oint, le parti d' Adonias tombe dans 
un complet désarroi. II Reg., i, 43-50. Quand Jéhu 
raconte à ses compagnons ce que vient de faire l'envoyé 
d'Elisée, ceux-ci aussitôt le traitent en roi. IV Reg., ix, 
11-13. —4. Le roi désigné par le Seigneur est fréquem- 
ment appelé masiafy, xpurroç, christus, celui qui a reçu 
l'onction. Cette expression, qui conviendra par excel- 
lence au Messie, voir Christ, t. n, col. 717, Messie, 
t. iv, col. 1032, est appliquée à Saûl, 1 Reg., xn, 3, 5; 
xvi, 6; xxiv, 7, 11; xxvi, 9, 11, 16, 23; II Reg., i, 14, 
16; à David, II Reg., xix, 21; xxn, 51; xxm, 1; 
Ps. xviii (xvn),51; xx (xix), 7; xxvm (xxvn), 8; Eccli., 
xlvi, 22; à Salomon, II Par., xi, 42; à différents rois, 
Ps.lxxxiv (lxxxiii), 10; lxxxix (lxxxviii), 39, 52; Lam., 
iv, 20; Hab., m, 13; et même à Cyrus. ls., xlv, 1. Il 
est certain que Cyrus n'a pas reçu d'onction des mains 
d'un prêtre juif. Il en faut dire probablement autant 
d'Hazaël, roi de Syrie, qui devait être « oint » par Élie. 

III Reg., xix, 15. Le verbe màsal) signifie, d'après 
l'arabe, « effleurer avec la main, » d'après l'assyrien 
masdfiu et l'araméen mâsah, « mesurer, » c'est-à-dire 
mettre la main sur un objet pour juger de sa dimen- 
sion. Cf. Buhl, Gesenius' Handworterb., Leipzig, 1899, 
p. 489. Il marque primitivement une imposition de la 
main qui, par addition d'huile, peut devenir une onc- 
tion. Le masîafi est donc, en principe, l'homme sur 
lequel Dieu a mis la main pour l'investir d'une fonc- 
tion. L'idée d'huile et d'onction est ici accessoire, parce 
qu'elle n'appartient pas au sens radical du mot. L'onc- 
tion n'était que la manifestation extérieure du choix 
divin; mais ce choix constituait essentiellement le 
maSiati, et plusieurs personnages portent ce titre sans 
jamais avoir reçu d'onction d'huilé; tels Cyrus, le 
Messie des rois et des prophètes. — 5. Il est probable 
que l'huile employée pour l'onction 'royale était une 
huile sainte, et non une huile profane. Pour oindre 
Salomon, Sadoc alla prendre l'huile dans le Taber- 
nacle. III Reg., l, 39. Il est à croire que Samuel, pour 
oindre Saùl et David, et Joïada, pour oindre Joas, 
firent de même. Quant aux onctions de David par les 
hommes de Juda et les anciens d'Israël, d'Absalom 
par le peuple, de Jéhu par l'envoyé d'Elisée, et de 
Joachaz par le peuple, rien n'indique la provenance de 
l'huile employée. En tous cas, il ne parait pas que la 
Loi permit l'onction d'un roi avec l'huile sainte desti- 
née à la consécration du grand-prêtre. Exod., xxx, 32. 
L'huile qui servit à oindre David est appelée « hrile 
sainte ». Ps. lxxxix (lxxxviii), 21. Pour qu'elle méritât 
ce nom, il suffisait qu'elle provînt du sanctuaire, par 
exemple, des lampes qui brûlaient devant le Saint des 
saints. Les rabbins distinguaient entre « l'huile d'onc- 



1809 



ONCTION 



1810 



tion » contenue dans une corne, III Reg., i, 39, et 
l'huile parfumée contenue dans la fiole. I Reg., x, 1. 
■Cf. Gem. Jer. Schekalim, 9, 1; Gem. Horaioth, 12, 1; 
Midr. Koheleth, 104, 4. Cette distinction n'est que 
conjecturale. Les rabbins prétendent aussi que, pour 
faire l'onction royale, on versait un peu d'huile sur la 
tête, et on retendait avec le doigt en forme de cercle 
ou de couronne. La Sainte Ecriture est muette à ce su- 
jet. Cf. Reland, Antiq. sacr., ; p. 129, 130; Iken, Antiq. 
hebr., p. 379, 380. 

4° Onction des prophètes. — Élie reçut l'ordre 
d'oindre Elisée à sa place, III Reg., xvi, 16, et au 
Ps. cv (civ), 15; I Par., xvi, 22, les « oints » sont mis 
en parallèle avec les prophètes. Néanmoins, il n'appa- 
rait nulle part que les prophètes aient inauguré leur 
ministère par une onction. On ne constate qu'un simple 
appel de Dieu pour Samuel, I Reg., m, 4-11, pour 
Nathan, II Reg., xn, 1, pour Isaïe, vi, 6-9, pour Jéré- 
mie, i, 5-9, pour Ezéchiel, n, 1-3, pour Jonas, i, 1, 
2, etc. L'onction doit donc ici se prendre dans le sens 
général de mission, et d'effusion de l'esprit de Dieu 
sur celui qu'il envoie. On voit du reste qu'Elisée, le 
seul prophète au sujet duquel il soit parlé d'onction, 
fut investi de sa mission quand Élie jeta sur lui son 
Manteau. III Reg., xix, 19. Si d'ailleurs une onction 
avait été nécessaire pour constituer le prophète, les 
vrais prophètes eussent toujours été facilement distin- 
gués des faux prophètes, et ces derniers eussent cher- 
ché à se faire accréditer en obtenant que leurs partisans 
les oignissent. Cf. Reland, Antiq. sacr., p. 135; Iken, 
Antiq. hebr., p. 15. 

5» Onction messianique. — 1. Il était prédit que le 
Verbe incarné serait l'« oint » par excellence, a oint 
d'une huile d'allégresse, » Ps. xlv (xliv), 8; Heb., i, r 9, 
oint par l'Esprit de Jéhovah descendu sur lui. Is., lxi, 

1. Daniel, ix, 24, annonce que soixante-dix semaines 
ont été décrétées pour « oindre le Saint des saints ». 
L'expression qodés qâdâsim, « Saint des saints, » dé- 
signe ordinairement le debîr, la partie la plus sacrée 
du sanctuaire. Exod., xxvi, 33; III Reg., vi, 16, etc. 
Mais elle s'applique aussi à tout ce qui est spécialement 
consacré à Jéhovah, l'autel, Exod., xxix, 37, les obla- 
tions, Lev., n, 3, 10, les sacrifices, Lev., vi, 18; vu, 1, 
6; Num., xvm, 9, les victimes. II Par., xxix, 33; 
II Ësd., x, 34, etc. Aaron lui-même est appelé qôdéS 
qoddSîm, I Par., xxm, 13, comme étant l'oint le pre- 
mier et le plus solennellement consacré. Daniel n'a donc 
pas en vue le sanctuaire du Temple, qui d'ailleurs n'a 
jamais été oint après lui, mais un personnage, le Messie, 
que la "Vulgate appelle Sanctus sanctorum. Le Syriaque 
traduit : « Jusqu'au Messie, le Saint. des saints, » les 
Septante Vatic. : xplaa; âfiov ôy'wv, « pour oindre le 
Saint des saints. » Les rabbins Aben-Esra, Abarbanel, 
Moïse ben Nachman, etc., admettent que ce « Saint des 
saints » est le Messie. Mêmes des auteurs qui prennent 
l'expression dans le sens abstrait, avouent qu'elle peut 
s'entendre du Messie, comme le to -fEvvwfisvov Ix aoïi 
âyiov, quod nascetur ex te sanctum, de saint Luc, I, 
35. Cf. Scholl, Comment, lxx hebdom. Danielis, Franc- 
fort-s.-M., 1831, p. 12; Corluy, Spicileg. dogm. bibl., 
Gand, 1884, t. i, p. 479. L'histoire éclairant ici la pro- 
phétie, on peut donc conclure que le Saint des saints 
appelé, d'après Daniel, à recevoir l'onction, n'est autre 
que le Messie. Cf. Fabre d'Envieu, Le livre du pro- 
phète Daniel, Paris, 1897, t. n, 2 e part., p. 915-924. — 

2. L'onction reçue par le Messie ne fut pas matérielle, 
mais purement spirituelle. Elle lui était due à raison 
de son triple titre de prêtre, de roi et de prophète. A 
son baptême, l'Esprit de Dieu, que l'Église appelle 
spiritalis unctio, descendit sur lui. Matth., m, 16; 
Marc, i, 10; Luc, ni, 22; Joa., i, 32. A Nazareth, 
faisant allusion à plusieurs textes d'Isaïe, xi, 2; xlii, 1 ; 
Lxr, 1, le Sauveur dit dans la synagogue : « L'Esprit du 



Seigneur est sur moi, et c'est pourquoi il m'a oint. » 
Luc, IV, 18. Il est encore parlé de cette onction dans 
les Actes, iv, 27; x, 38. Saint Augustin, De Trinit., xv, 
47, t. xlii, col. 1093, fait remonter l'onction du Christ 
à son incarnation même, opérée par le Saint-Esprit. 
Saint Hilaire, De Trinit., xi, 18, t. x, col. 412>^samt 
Athanase, Orat. I cont. Arian., 47, t. xxvr, col. 110; 
saint Jérôme, In Is., xvli, 61, t. xxiv, col. 599, etc., 
disent, qu'elle n'eut lieu qu'au moment où le Saint- 
Esprit descendit sur le Sauveur à son baptême. C'est 
alors en effet que sa mission divine devint publique. 
Lui-même semble l'insinuer quand il dit, peu de temps 
après, aux Nazaréens : « Aujourd'hui vos oreilles en- 
tendent l'accomplissement de cet oracle, » l'oracle 
d'Isaïe. Luc, lv, 21. 

6° Onction spirituelle. — Saint Paul dit que Dieu a 
oint les chrétiens et les a marqués d'un sceau en faisant 
descendre le Saint-Esprit dans leurs cœurs. II Cor., 
vu, 21, 22. Saint Jean, I, n, 20, 27, rappelle aussi aux 
chrétiens qu'ils ont reçu l'onction du « Saint », c'est-à- 
dire de l'Esprit que leur a communiqué Jésus-Christ, 
et que cet onction leur permet de connaître la vérité, 
sans qu'il soit besoin qu'on la leur enseigne. Cf. Joa., 
xvi, 13. 

7° Onction sacramentelle. — Il n'en est question que 
dans saint Jacques, v, 14, qui recommande d'appeler 
les prêtres de l'Église auprès du malade, « afin que 




483. — Esclave égyptien parfumant la tête de son maître. 
D'après Wilkinson, Manners, t. i, p. 426. 

ceux-ci prient sur lui, en l'oignant d'huile au nom du 
Seigneur. » Voir Extrême-Onction, t. h, col. 2140. 
Pour préluder à cette onction, le Sauveur voulut que 
ses Apôtres guérissent beaucoup de malades en les 
oignant d'huile. Marc, vi, 13. Mais ces onctions ne 
produisaient pas de grâce spirituelle; elles n'étaient 
pas le sacrement dont parle saint Jacques, mais elles 
l'annonçaient et le figuraient. C. Knabenbauer, Evang. 
sec. Marc, Paris, 1894, p. 163. Le Concile de Trente, 
sess. xiv, De extrem. unction., i, dit que, dans le 
passage de saint Marc, le sacrement est « insinué ». 

8° Onctions corporelles. — 1. Les onctions d'huile 
parfumée étaient en grand usage dans la toilette des 
Orientaux (fig. 483). Elles ont leur raison d'être au point 
de vue hygiénique. Dans les climats très chauds, l'éva- 
poration cutanée est souvent excessive; elle peut provo- 
quer divers accidents et causer un affaiblissement pro- 
gressif. Les onctions d'huile ont pour effet de fermer en 
partie les pores de la peau, ce qui empêche la transpira- 
tion sudoriûque de se produire aussi abondamment. Les 
Hébreux pratiquèrent les onctions d'huile dès les plus 
anciens temps. Parmi les malédictions que leur fait 
entendre Moïse, il est dit qu'ils ne pourront s'oindre 
d'huile, parce que les olives tomberont. Deut., xxvm, 
40. Michée, vi, 15, dit également aux Israélites infidèles 
qu'ils presseront l'olive, mais ne s'oindront pas d'huile. 
Ruth, m, 3, et David, II Reg., xn, 20, complètent leur 
toilette en s'oignant après s'être lavés. La veuve qui re- 
court à Elisée n'a plus qu'un peu d'huile, « pour 



1811 



ONCTION 



ONÉSIME 



1812 



s'oindre, » ajoutent les versions. IV Eeg., rv, 2, Les 
Israélites de Samarie ayant fait un grand nombre de 
prisonniers dans une bataille contre leurs frères de 
Juda, se laissent persuader de les renvoyer chez eux; 
mais auparavant ils prennent soin de les vêtir, de les 
nourrir et de les oindre. II Par., xxvm, 15. — 2. Les 
riches se parfumaient d'huile fine. Am., vi, 6. Avant 
d'entreprendre son exploit, Judith, x,13; xvi, 10, s'oint 
d'huiles parfumées. A Suse, les futures épouses du roi 
subissaient une année de préparation pour leur toi- 
tette avant de lui être présentées ; elles devaient s'oindre 
pendant six mois d'huile de myrrhe, et pendant six 
autres mois de parfums et d'aromates. Esth., Il, 12. 
Cf. Hérodote, 1, 195. Ezéchiel, xvi, 8, suppose que 
l'onction suit le bain, dans la toilette d'une épouse. — 
3. L'onction étant considérée comme une chose agréable, 
il était d'usage de se l'interdire dans le deuil et la tris- 
tesse. II Reg., xiv, 2; xil, 20; Dan., x, 3. Cf. Taanith, 
i, 4-7; Yoma, vin, 1. Notre-Seigneur recommande à ses 
disciples de se laver et de s'oindre la tête les jours de 
jeûne aussi bien que les jours ordinaires. Matth., vi, 
17. Il n'entend pas blâmer l'abstention de l'onction 
dans les jours de pénitence; il veut seulement que, 
quand on se mortifie, on ne cherche pas à le faire sa- 
voir à tout le monde en prenant une mine défaite et 
négligée, comme le pratiquaient les pharisiens. L'ascé- 
tisme essénien avait horreur des onctions. Un essénien 
qui en recevait une malgré lui s'essuyait avec soin, de 
manière à garder toujours un extérieur grossier. Cf. 
Josèphe, Bell, jud., II, vin, 3. — 4. A l'époque évangé- 
lique, l'usage voulait que, quand on recevait un hôte 
de distinction, on exerçât envers lui certains devoirs et 
qu'on répandît l'huile parfumée sur sa tête. Cet usage 
parait remonter assez haut chez les Israélites. Cf. 
Ps. xxiii (xxn), 5; cxli (cxl), 5. L'introduction en Pa- 
lestine de certaines coutunes gréco-romaines n'avait pu 
que le raviver et le répandre dans la société aisée. 
Quand la pécheresse eut oint les pieds du Sauveur chez 
"Simon, le Sauveur reprocha au pharisien de n'avoir 
pas oint sa tête d'huile. Luc, vu, 38, 46. A Béthanie, 
Marie-Madeleine versa de nouveau l'huile précieuse sur 
la tête et sur les pieds de Jésus, qui loua celte action 
et défendit Marie-Madeleine contre ses détracteurs. 
Matth., xxvi, 7, 10; Marc, xiv, 3, 6; Joa.,'xn, 3. — 
5. On oignait d'huile parfumée le cadavre |des morts. 
Notre-Seigneur accepta en prévision de sa sépulture 
l'onction de Madeleine. Matth., xxvi, 12; Marc, xiv, 8. 
Au matin de la résurrection, les saintes femmes vinrent 
au sépulcre avec l'intention d'oindre le corps de Jésus, 
Marc, xvi, 1; Luc, xxiv, 1. — 6. Pour inviter les Ba- 
byloniens à la lutte, Isai'e, xxi, 5, dit : « Debout, capi- 
taine ! Oignez le houclier ! » Les Assyriens se servaient 
de boucliers en métal ou aussi en cuir. Ces derniers 
réclamaient un entretien particulier. On les oignait 
d'huile pour les empêcher de se fendiller, les rendre 
plus souples et faciliter le glissement des traits. Voir 
Bouclier, t. i, col. 1880, 1885. Dans son élégie sur la 
mort de Saiil et de Jonathas, David dit que le bouclier 
de Saûl fut jeté bas, « comme s'il n'était pas oint 
d'huile, » c'est-à-dire comme s'il n'avait pas été préparé 
pour un combat victorieux, ou comme si Saûl n'avait 
pas été oint par ordre du Seigneur. II Reg., i, 21. 
D'après les Septante : « Le bouclier de Saûl n'est pas 
oint d'huile, mais du sang des blessés. » Dans la Vul- 
gate, unclus oleo pourrait se rapporter à Saûl aussi 
bien qu'à son bouclier. Le parallélisme de l'hébreu ne 
permet pas de décider lequel des deux sens est à pré- 
férer, celui des Septante ou celui de la Vulgate. — Voir 
S. B. Scheid, De oleo unctionis, et D. Weymar, De 
unctione sacra Hebrœor., dans Ugolini, Thésaurus, 
t. xii ; F, Scacchi, Saeror. olaeo-chrismat. myrothecia 
tria, Amsterdam, 17i0; Verwey, De unctionibus, dans 
Ugolini, Thésaurus, t. xxx. H. Lesëtre. 



ONÉSIME (grec: 'Ovtjo-isjioc, « utile, profitable »), 
esclave chrétien de Colosses, Col., iv, 9, en faveur du- 
quel saint Paul écrivit son Épître à Philémon. Phil., f. 10, 
16. Onésime s'était enfui de la maison de Philémon 
dont il était esclave, moins probablement par amour de 
la liberté que par crainte du châtiment qu'il redoutait 
à cause de quelque faute ou crime qu'il avait commis, à 
Se ti 7|8['xï)as as. y\ ôçeOiss, si aliquid nocuit tibi aut débet, 
écrit saint Paul à Philémon, f. 18, soit vol, soit dommage 
qu'il avait causé à son maître. Il s'était réfugié à Césa- 
rée ou plutôt à Rome où il lui était plus facile de se 
cacher, d'échapper aux poursuites au milieu de la mul- 
titude et en même temps de gagner sa vie. Là il ren- 
contra saint Paul, qui était prisonnier et attendait d'être 
jugé. L'Apôtre le convertit, quem genui in vinculis, 
f. 10. Peut-être Onésime avait-il déjà entendu parler du 
christianisme dans la maison de son maître en Phrygie, 
où il y avait une « église » chrétienne, f. 2. Depuis com- 
bien de temps l'esclave fugitif était-il à Rome quand il 
embrassa la vraie foi, nous l'ignorons. Le mot mpè; 
<3pav, ad horam, du f. 15, ne peut déterminer exacte- 
ment la durée. 

Le nouveau chrétien, quoique esclave et quoique cou- 
pable d'une faute envers son maître, était généreux, 
dévoué, intelligent, capable de sentiments élevés, que 
la foi chrétienne éveilla au fond de son cœur. 11 rendit 
des services à saint Paul, qui les qualifie en faisant un jeu 
de mots sur la signification de son nom. Cet Onésime, 
au lieu d'être « utile » à son maître, conformément à 
son nom, lui avait été 'iffiy\n-co^, inulilis, mais il est 
maintenant devenu EifypYjoroç, utilis, à l'un et à l'autre, 
à Philémon et à Paul. Paul s'est profondément attaché 
à lui et il en parle avec une grande tendresse, il l'aime 
comme son « fils », comme ses propres « entrailles », 
f. 10, 12 ; il l'aurait gardé volontiers à son propre ser- 
vice, mais il le lui renvoie parce qu'il est son bien et il 
lui demande, non seulement de lui faire bon accueil, 
mais de le recevoir et de le traiter comme « un frère », 
f. 16, parce qu'il est devenu tel en Jésus-Christ. 

Onésime fut chargé avec Tychique de porter la lettre 
de saint Paul à Philémon, en même temps que l'Épître 
aux Colossiens. Col., iv, 7-9. On ne doute pas que son 
ancien maître ne lui ait pardonné et n'ait pleinement 
répondu aux désirs de l'Apôtre ; il lui rendit probable- 
ment la liberté. Le soin avec lequel il conserva ces quel- 
ques lignes montre l'impression qu'elles avaient pro- 
duite sur son esprit. L'intervention de saint Paul en 
faveur d'Onésime peut être considérée comme le pre- 
mier acte d'émancipation fait par le christianisme en 
faveur des esclaves. La doctrine nouvelle devait sup- 
primer la servitude en proclamant l'unité du genre 
humain et en prêchant que tous les hommes sont frè- 
res. Comme conséquence de ces vérités, le maître, de- 
venu chrétien, affranchirait un jour son esclave. Mais 
celte grande révolution ne devait pas s'opérer brusque- 
ment ni par des moyens violents. « La guérison de cette 
plaie si invétérée, si [étendue, dit le cardinal Rampolla, 
Santa Melania giuniore, in-f°, Rome, 1905, p. 220, était 
réservée au christianisme, par la force de la doctrine, de 
la persuasion, de l'exemple et du renouvellement social 
dans les mœurs, dans les lois, dans la vie. » Cf. ibid., 
p. 219-222. L'Apôtre ne déclare pas à Onésime qu'il est 
libre ; il le rend à Philémon, parce qu'il était sa pro- 
priété; mais en lui rappelant ce qu'ils sont désormais 
l'un et l'autre, c'est-à-dire « frères », et ce mot seul 
était l'abolition de l'esclavage, et le relèvement de cette 
classe dégradée. Onésime était le type et la personnifi- 
cation de l'esclave, et il s'était conduit comme tel ; le 
baptême l'a transfiguré et il est devenu par là le sau- 
veur de tous ses malheureux compagnons. Son cas, 
relevé par saint Paul, est le signal de la libération, et le 
billet écrit à Philémon est comme la charte d'affranchis- 
sement des millions d'esclaves que renfermait l'empire 



1813 



ONÉSIME — ONGLE 



1814 



romain. Voir J. B. Lightfoot, St. Paul's Epistles to 
the Çolossians and to Philemon, 1875, p. 376-380; Paul 
Allard, Les esclaves chrétiens, 2 e édit., Paris, 1876, 
p. 201. 

Sur la suite de la vie d'Onésime, nous n'avons que 
des données peu certaines et même contradictoires. 
D'après les Constitutions apostoliques, vu, 46, Patr. gr., 
t. i, col. 1056, il fut établi par saint Paul évêque de 
Bérée en Macédoine. D'après les martyrologes, il fut, 
au contraire, évêque d'Éphèse en Asie-Mineure et suc- 
céda à saint Timothée sur le siège de cette ville. Acta 
Sanctorum, februarii t. h, édit. Palmé, p. 857. On sait 
parla lettre de saint Ignace aux Éphésiens, i, 3, Patrum 
apostol. Opéra, édit. Gebhart, 1876, t. h, p. 4, que 
l'évêque d'Éphèse, son contemporain, s'appelait Oné- 
sime, et on en a fait la même personne que l'esclave 
converti de Philemon, mais ce nom d'Onésime était 
commun, et, quoiqu'il fût possible que l'ancien esclave 
phrygien vécût encore du temps de saint Ignace, celui-ci 
semble parler de l'évêque d'Éphèse comme d'une per- 
sonne dont l'autorité n'est pas parfaitement établie et 
probablement encore jeune. On a fait prêcher aussi le 
disciple de saint Paul en Espagne et les actes apo- 
cryphes des deux saints Xantippe et Polynice sont 
écrits en son nom. Texts and Studies, H, 3. — Les tra- 
ductions anciennes sur son martyre et sur sa mort sont 
également discordantes. Les unes, consignées dans le 
martyrologe romain, le font conduire à Rome comme 
saint Ignace, où il meurt lapidé; les autres, à Pouzzoles r 
où il termine sa vie dans les supplices. D'après les Bol- 
landistes, ibid., p. 859, le martyr du Pouzzoles n'est point 
l'Onésime de l'Épltre à Philemon, mais un autre chré- 
tien qui portait le même nom, fort commun de son 
temps. Nicéphore Callixte, H. E., ni, 11, t. cxlv, 
col. 928, place le martyre du disciple de saint Paul sous 
Néron; Cédrénus, Hist. Compend., t. cxxi, col. 469, 
sous Domitien. F. Vigouroux. 

ONÉSIPHORE (grec : 'Ovr,<ji<popoç, « porte-profit»), 
chrétien d'Éphèse. Saint Paul le nomme deux fois dans 
sa seconde Épitre à Timothée. Il nous apprend qu'Oné- 
siphore lui avait [rendu de grands services à Éphèse, 
comme peut le savoir mieux que personne Timothée 
qui est dans cette ville. Depuis, pendant que l'Apôtre 
est prisonnier à Rome, les autres chrétiens d'Asie (Mi- 
neure) qui étaient dans la capitale, tels que Phygelle et 
Hermogène, l'ont abandonné; Onésiphore, au contraire, 
n'a point rougi des chaînes du captif; quand il est venu 
à Rome, il l'a cherché, l'a trouvé et l'a souvent récon- 
forté (àvÉ^ule). II Tirn., i, 15-18. Par reconnaissance, 
l'Apôtre souhaite la miséricorde divine à sa maison et 
aussi à lui-même au jour du jugement, f 16, 18. Le 
second souhait ou plutôt la seconde prière suppose 
qu'Onésiphore n'est plus vivant et fournit une preuve 
de la pratique des premiers chrétiens de prier pour les 
morts. A la fin de son Épître, iv, 19, saint Paul salue 
la maison d'Onésiphore qui devait continuer les tradi- 
tions de piété du défunt. — En dehors de ce que nous 
apprend saint Paul sur Onésiphore, les traditions an- 
tiques sont confuses et contradictoires. Les Ménologes 
grecs font de lui un des soixante-douze disciples, ce 
qui est peu croyable, et ils l'honorent comme évêque- 
à des jours divers, le 29 avril comme évêque de 
Colophon en Asie, le 8 décembre comme évêque de 
Césarée, mais sans spécifier de quelle Césarée, le 
2 décembre comme évêque de Coronée en Messé- 
nie, etc. Baronius, dans le Martyrologe romain, dit 
qu'il subit le martyre dans l'Hellespont avec saint Por- 
phyre (son esclave) ; il fut attaché à la queue d'un che- 
val qui le traîna jusqu'à ce qu'il rendit l'âme. Les 
Menées grecques font aussi mourir ces deux saints du 
même supplice au 8 novembre. Le nom d'Onésiphore 
ayant été assez commun â cette époque, on peut sup- 



poser qu'on a attribué à plusieurs la qualité de disciple 
de saint Paul. Les Bollandistes admettent comme pro- 
bable qu'Onésiphore a prêché la foi dans l'Hellespont, 
qu'il y est devenu évêque de Parium et qu'il y a été 
martyrisé. Acta Sanctorum, septembris t. h, édit. 
Palmé, p. 665. F. Vigodroux. 

ONGLE, substance cornée qui termine l'extrémité 
supérieure des doigts. Cette substance, principalement 
composée d'albumine et dé phosphate de chaux, est 
regardée soit comme un durcissement du corps 
muqueux de la peau, soit comme le résultat d'une agglu- 
tination de poils. Chez l'homme, les ongles ont la forme 
de lamelles convexes, qui croissent par l'addition suc- 
cessive de couches intérieures et dépassent la pulpe 
digitale. Chez les animaux, les ongles prennent des 
formes diverses, suivant qu'ils sont destinés à la pré- 
hension et à l'attaque, comme les griffes des carnassiers, 
les serres des oiseaux de proie, ou à la station et à la 
marche, comme les sabots des chevaux et des 
ruminants. 

I. Ongles de l'homme. — 1° Quand un Israélite 
introduisait dans sa maison une captive prise à la guerre, 
il devait lui « faire les ongles », siforén. Deut., xxi, 12. 
La version d'Onkelos suppose qu'il s'agit ici de laisser 
pousser les ongles en signe de deuil, puisque le texte 
ajoute que la captive allait avoir à porter pendant un 
mois le deuil de ses parents. D'après les Septante : 
mpîovuxfe'Ç, la Vulgate : circumcidet, et la Peschito, il 
est au contraire prescrit de les couper. Dans le deuil, 
les Israélites se coupaient les cheveux, alors que d'autres 
peuples les laissaient pousser. Voir Cheveux, t. n, 
col. 690. Couper les ongles serait donc, par analogie, 
une marque de deuil. D'autre part, le texte dit immé- 
diatement après que la captive quittera les vêtements 
de sa captivité, ce qui ferait considérer la coupe des 
cheveux et des ongles comme un abandon de tout ce 
qui rappellerait à la femme son ancienne condition. 
Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1075. L'expression 'âsfâk 
'éf-siffoméyâh aurait donc le même sens qu'en français 
« faire ses ongles ». Cf. Buhl, Gesen. Handwôrterb., 
Leipzig, 1899, p. 644. — Le mot siforén est employé 
une autre fois par Jérémie, xvn, 1, pour désigner une 
sorte de burin à graver en forme d'ongle, 3vu$, unguis. 
— Chez les Chaldéens, ce n'est pas d'un ongle de métal, 
c'est de l'ongle même de l'homme qu'on se servait pour 
signer les contrats. On trouve souvent, à la fin de ces 
derniers, les mots : zu-pur-Bu-nu, « leurs ongles, » 
puis la marque des ongles des signataires empreints 
dans l'argile. Cf. Scheil, Textes élamites-sémiliques, 
2 e sér., Paris, 1902, p. 172, 174, 176. Cet usage n'était 
possible que dans un pays où l'on écrivait sur l'argile. 
Voir Contrat, t. n, col. 930. — 2° Pendant que Nabu- 
chodonosor fut atteint de lycanthropie, ses ongles (chal- 
déen : tefar, 3vu5, unguis) poussèrent comme des griffes 
d'oiseaux. Dan., iv, 30. — Le verbe mdlaq, « couper 
avec l'ongle, » sert à indiquer l'acte du prêtre qui 
égorge un oiseau pour le sacrifice, soit en détachant 
complètement le cou avec l'ongle, Lev., 1, 15, soit en le 
laissant adhérent. Lev., v, 8. Voir Oiseau, cpl. 1765. Les 
versions rendent ce verbe par àitoxvi'^eiv, « égratigner, » 
retorquere, « retourner. » 

IL Ongles des animaux. — 1» Le mot 'dqêb, ■nTÉpva, 
ungula, est employé dans deux textes poétiques pour 
nommer le sabot du cheval. Gen., xlix, 17; Jud., v, 22. 
Le sabot n'est qu'un ongle qui s'est développé sur toute 
la dernière phalange des doigts des animaux. Chez le 
cheval, tous les doigts sont réunis en un seul. C'est 
pourquoi dans Job, xxxix. 21, et dans Isaïe, xxxvm, 28, 
les versions confondent le pied avec le sabot. — 2° Les 
ruminants et les porcins sont bisulques, c'est-à-dire ont 
le pied fourchu ou divisé en deux doigts. Ce pied des 
ruminants est désigné en hébreu par le mot parsâh, 



1815 



ONGLE — ONIAS 



1816 



« sabot fendu, » iiz\r„ ungula, venant du verbe paras, 
« fendre, » comme l'assyrien parâsu, « séparer ; t 
Septante : im-^iZttv, « avoir le sabot fendu, » Vulgate : 
ungulam dividere, « fendre le sabot. » Moïse, ayant 
reçu l'ordre de conduire son peuple dans le désert avec 
tous ses troupeaux, déclare au pharaon que pas un 
ongle, pas un seul sabot de ces derniers ne restera en 
Egypte. Exod., x, 26. — La législation mosaïque range 
parmi les animaux purs, qu'il est permis de manger, 
tous ceux qui ont la corne divisée, le pied fourchu, et 
qui ruminent. Le porc, qui a le pied fourchu mais ne 
rumine pas, est compté parmi les animaux impurs. 
Lev., xi, 3-7, 26; Deut., xrv, 6-8. — Dieu préfère la 
louange au sacrifice d'un animal ayant cornes et sabots. 
Ps. lxviii (lxvii), 32. — Après le châtiment de l'Egypte, 
le sabot de ses bestiaux ne se fera plus entendre sur ses 
rives. Ezech., xxxn, 13. — Le mauvais pasteur prend 
si peu de soin de ses brebis ou les exploite si durement 
qu'il leur brise les ongles, soit en les menant à travers 
les rocs, soit en les leur arrachant pour en tirer parti. 
Zach., xi, 16; — 3° Malgré sa signification étymologique, 
le mot parsdh est plusieurs fois employé pour désigner 
le sabot des chevaux. Isaïe, v, 28, dit que les chevaux 
assyriens ont le sabot dur comme le caillou. Les anciens 
ne ferraient pas leurs chevaux; ceux-ci devaient donc 
avoir la corne du sabot très solide, pour fournir les 
longues courses des campagnes militaires, surtout dans 
des pays rocheux où les routes faisaient à peu près 
défaut. Plusieurs fois, des armées furent arrêtées par 
le mauvais état des sabots de leur cavalerie. Alexandre 
le Grand et Mithridate souffrirent de cet obstacle. 
Cf. C. Magne, Le fer à cheval dans l'antiquité, dans le 
Bulletin de la montagne Sainte-Geneviève et ses abords, 
Paris, 1904, p. 303-325. En tous cas, le ferrement des 
chevaux n'était pas connu des Orientaux antérieurs à 
l'ère chrétienne. Il est dit que Sion aura des sabots 
d'airain, c'est-à-dire très durs, pour broyer les peuples. 
Mich., iv, 13. Les sabots de la cavalerie ennemie reten- 
tissent contre les Philistins, Jer., XLvn, 3, jusque dans 
les rues de Tyr. Ezech., xxvi, 11. — 4° Daniel, vu, 19, 
voit' dans une de ses visions une bête qui a des griffes 
d'airain, et il donne à ces griffes le nom chaldéen de 
tefar, qui désigne aussi les ongles de l'homme. 

H. Lesêtre. 
ONIAS (Grec : 'Ovtaç), nom de plusieurs pontifes 
juifs à l'époque des Lagides et des Séleucides. 

1. ONIAS I er . Il était fils et successeur de Jaddus, le 
grand-prêtre qui avait reçu Alexandre le Grand à Jéru- 
salem. Josèphe, Ant. jud., XI, vin, 5. Il remplaça son 
père peu de temps après la mort d'Alexandre, Josèphe, 
Ant. jud., XI, vin, 7, et occupa le pontificat pendant 
vingt-trois ans (323-300). Il vit successivement la Pales- 
tine attribuée à Laomédon de Mitylène (323), conquise 
par Nicanor, pour le compte du roi d'Egypte, Ptolémée 
Soter (320), reconquise par Antigone, roi de Syrie (314), 
reprise par Ptolémée (312), remise par traité à Antigone 
(311) et enfin rendue à Ptolémée (301), dont les succes- 
seurs la gardèrent presque tout un siècle. Au cours de 
■ces guerres, beaucoup de Juifs furent transportés en 
Egypte, en Cyrénaïque et en Lydie. Un grand nombre 
s'établirent dans la ville nouvelle d'Alexandrie où 
Alexandre avait fixé déjà une colonie juive assez consi- 
dérable. Les mêmes droits leur furent accordés qu'aux 
Macédoniens, Josèphe, Cont. A-pion., il, 4, ce qui con- 
tribue à les attirer de plus en plus. — La faveur avec 
laquelle les Juifs étaient traités à Alexandrie, à la suite 
-de l'accueil qu'Alexandre avait trouvé à Jérusalem, voir 
Alexandre le Grand, t. i, col. 346, 347, ne manqua pas 
de fixer l'attention des Grecs. Ainsi s'explique l'initia- 
tive que prit le roi de Sparte, Arius (309-265), voir 
Arius, t. i, col. 965, d'écrire au pontife Onias pour se 
•mettre en rapports avec la nation juive et lier amitié 



avec elle. Onias accueillit avec honneur l'envoyé de 
Sparte. On ne sait s'il répondit par lettre ou seulement 
verbalement à l'invitation qui lui était faite de rensei- 
gner les Spartiates sur l'état des affaires juives. I Mach., 
xn, 7, 8, 20-23. Onias n'est plus nommé que comme 
père de Simon, surnommé le Juste, qui lui succéda dans 
le souverain pontificat. Eccli., l, 1. H. Lesêtre. 

2. ONIAS II, fils de Simon le Juste, était encore trop 
jeune pour succéder à son père à la mort de ce dernier. 
Deux de ses oncles, Éléazar et Manassé, occupèrent donc 
avant lui le pontificat suprême. La Sainte Écriture ne 
fait pas mention d'Onias II. Josèphe, Ant. jud., Xll, iv A 
1-6, fournit quelques renseignements à son sujet. Celait 
un homme avare et cupide, qui se refusa à payer au roi 
Ptolémée Évergète le tribut de vingt talents d'argent que 
les grands-prêtres précédents avaient coutume d'acquitter 
au nom du peuple. Le roi menaça de mettre la main 
sur le territoire de la Judée, dont jusque-là les grands 
prêtres avaient gardé l'administration à peu près indé- 
pendante. Onias ne voulut rien entendre, malgré les 
instances de son neveu Joseph, jeune homme intelligent 
et énergique. Ce dernier finit par se rendre en per- 
sonne à la cour du roi d'Egypte, se fit bien venir du 
prince et en obtint, moyennant seize mille talents 
annuels, la ferme des impôts de Phénicie, de Gélésyrie, 
de Samarieet de Judée. Il revint avec deux mille soldats 
chargés de protéger ses opérations et exerça sa charge 
avec grand succès pendant vingt-deux ans. L'adminis- 
tration financière de Joseph fut très favorable à ses 
compatriotes. Néanmoins, sous le pontificat d'Onias, les 
Juifs eurent beaucoup à souffrir des incursions des 
Samaritains qui commirent contre eux toutes sortes de 
brigandages. Josèphe, Ant. jud., XII, iv, 2. Ceci prouve 
que les rois égyptiens se contentaient de percevoir le 
produit des impôts de Palestine, sans s'inquiéter d'y 
maintenir l'ordre, et que les grands-prêtres n'avaient 
pas le pouvoir suffisant pour défendre leurs concitoyens. 
Onias mourut peu de temps après son neveu Joseph. 
Josèphe, XII, iv, 10. H. Lesêtre. 

3. ONIAS III. Il était fils de Simon II, fils lui-même 
d'Onias II, et il lui succéda dans le souverain pontificat 
(185-174). C'est à tort que Josèphe, Ant. jud., XII, IV, 
10, le met en relations avec Arius de Sparte. Un siècle 
de distance séparait les deux personnages. Onias III fut 
remarquable par sa piété et son amour de la justice. 
C'était « un homme de bien, d'un abord modeste et de 
mœurs douces, distingué dans son langage et adonné 
dès l'enfance à toutes les pratiques de là vertu ». II 
Mach., xv, 12. Le roi de Syrie, Séleucus, fournissait à 
cette époque, tout ce qui était nécessaire pour les sacri- 
fices offerts dans le temple de Jérusalem. L'administra- 
teur du Temple était alors un certain Simon, de la tribu 
de Benjamin, qui entra en conflit avec le grand-prêtre 
au sujet de l'intendance du marché de la ville. Ne 
pouvant l'emporter sur Onias, il voulut se venger basse- 
ment, en signalant à Apollonius, gouverneur militaire 
de la Célésyrie et de la Phénicie, les immenses richesses 
qui remplissaient le trésor du Temple. Voir Apollonius 
4, t. i, col. 777. Celui-ci en parla à son maître, le roi 
Séleucus Philopator, dont la cupidité fut aussitôt excitée 
et qui chargea son ministre des finances, Héliodore, 
d'aller mettre la main sur le trésor indiqué. Voir 
Héliodore, t. m, col. 570. Héliodore se présenta au 
grand-prêtre qui le reçut amicalement et lui fit remar- 
quer que le trésor renfermait d'importants dépôts, que 
les richesses dont il se composait avaient été considé- 
rablement exagérées et que d'ailleurs leur caractère 
sacré les rendait intangibles. Le ministre syrien persista 
néanmoins à vouloir «xécuter l'ordre royal. Onias fut 
profondément affligé de cette résolution. Ce qui paraît 
l'avoir inquiété surtout, d'après le texte sacré, c'était la 



1817 



ONIAS 



481& 



saisie des dépôts confiés au Temple. De concert avec 
les prêtres et toute la population de Jérusalem, il recou- 
rut au seul moyen de préservation que lui permit la 
situation : il en appela à la protection du Tout-Puissant. 
Son espoir ne fut pas déçu. La vengeance divine s'abattit 
miraculeusement sur Héliodore. Onias, imploré par les 
satellites de ce dernier, pria le Seigneur d'accorder la 
vie au spoliateur ; il offrit même un sacrifice dans ce 
but, de manière qu'on ne pût accuser les Juifs de 
complot contre le ministre du prince et que celui-ci 
fût à même de renseigner Séleucus sur la manière 
dont les choses s'étaient passées. Héliodore eut la vie 
sauve ; il fit offrir un sacrifice d'actions de grâces, 
assura Onias de son amitié, partit avec les troupes qui 
l'accompagnaient et, bien convaincu du caractère surna- 
turel de la vengeance qui s'était exercée contre lui, fit 
comprendre au roi qu'il n'y avait rien à tenter contre 
le Temple de Jérusalem. II Mach., m, 1-40. Simon n'en 
poursuivit pas moins ses intrigues contre Onias ; il alla 
même jusqu'à l'accuser d'hostilité contre le pouvoir 
établi. Le grand-prêtre se décida alors à aller trouver 
le roi afin de lui expliquer la situation et de préserver 
son peuple de toutes représailles. Sur ces entrefaites, 
Séleucus mourut et eut pour successeur Antiochus 
Épiphane. Jason, frère d'Onias, se fit alors attribuer, à 
prix d'argent, le souverain pontificat et s'appliqua, avec 
un zèle sacrilège, à introduire en Judée les mœurs et 
les coutumes païennes de l'hellénisme. Voir Jason, 
t. m, col. 1141. Un frère de Simon, Ménélas, supplanta 
celui-ci à son tour, et n'hésita pas, pour se maintenir 
dans sa dignité usurpée, à donner ou à vendre des 
vases d'or du Temple. Voir Ménélas, t. iv, col. 964. 
Onias vivait alors retiré à Daphné, près d'Antioche. II 
reprocha à Ménélas le crime qu'il venait de commettre, 
crime d'autant plus odieux qu'un Juif osait se'permettre 
ce que le païen Héliodore avait été empêché d'exécuter. 
Pour se venger, Ménélas engagea Andronique, laissé 
par Antiochus Épiphane comme vice-roi à Antioche, à 
le débarrasser du vieux pontife. Voir Andronique, t. i, 
col. 565. Andronique, usant de ruse, tira Onias de son 
asile et le mit à mort. Les Juifs ne furent pas seuls à 
s'indigner de ce meurtre odieux. Beaucoup d'étrangers 
partagèrent leurs sentiments. Antiochus lui-même prit 
part au deuil général ; il versa des larmes sur la mort 
de cet homme de bien et dégrada Andronique au lieu 
même où il avait commis son crime. II Mach., iv, 1-38. 
La mémoire d'Onias resta en vénération parmi les 
Juifs. Pendant que Judas Machabée luttait pour l'indé- 
pendance de sa nation, il eut un songe dans lequel 
il vit Onias « les mains étendues, priant pour toute la 
nation des Juifs », et lui montrant à son tour Jérémie, 
« l'ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le 
peuple et pour la ville sainte. » II Mach., xv, 12-14. 
Onias était ainsi mis à peu près sur le même rang 
que Jérémie, à raison de son dévouement pour la 
nation. H. Lesêtm. 

4. ONIAS, dit Ménélas. D'après Josèphe, Ant. jud., 
XII, v, 1, les deux frères du pontife Onias III, Jason et 
Ménélas, qui usurpèrent successivement sa fonction, 
s'appelaient primitivement Jésus et Onias. Ils auraient 
donc grécisé leurs noms en Jason et Ménélas, les seuls' 
que transcrit l'auteur du, livre des Machabées. Ce chan- 
gement de noms est très admissible, étant données 
les circonstances. Mais ce qu'on ne peut admettre sur 
la foi de Josèphe, c'est que Ménélas ait été frère de 
Jason et par conséquent d'Onias III, car alors il y 
aurait eu, contre toute vraisemblance, deux frères du 
nom d'Onias dans la même famille. Cf. Schûrer, Ge- 
schichte des judischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, 
t. i, 1901, p. 195. D'après II Mach., iv, 23, Ménélas 
était frère de Simon, l'accusateur d'Onias III. 

H. Lesètre. 



5. ONIAS IV. Il était fils d'Onias III, mais se trouvait 
encore en bas âge à la mort de son père. Après Jason. 
et Ménélas, ce fut Alcime, appelé précédemment Joa- 
chim, qui obtint de Lysias, gouverneur d'Antiochus- 
Eupator, le souverain pontificat, bien qu'il n'ajopartint 
pas à la famille des grands-prêtres. Voir Alcime, t. i, 
col. 338. Onias IV, se voyant évincé, se retira en Egypte 
auprès du roi Ptolémée Philométor, qui lui fit bon. 
accueil et lui accorda un terrain dans le nome d'Hélio- 
polis, à quelque distance au nord de la ville d'IIélic- 
polis ou On. Voir la carte, t. n, col. 1604, et Héliopolis, 
t. m, col. 571. Le lieu s'appelait Léontopolis, différent 
du Léontopolis qui formait un nome beaucoup plus au 
nord d'Héliopolis. Strabon, xvn, 1, 19 ; Pline, H. N, v r 
9, 49; Ptolémée, iv, 5, 51. Josèphe, Ant. jud., XIV, vm, 
1 ; Bell, jud., I, IX, 4, parle d'un « district dit d'Onias »- 
qu'il place entre Pelnse et Memphis, et qui se rapporte 
probablement à la région dans laquelle Onias s'établit 
avec ses compatriotes. Cf. Naville, Lecture on Bubastis 
and the city of Onias, dans The Academy, 1888, p. 49, 
50, 140-142, 193-194; Schûrer, Geschichte, t. i, p. 97, 
98. Le lieu s'appela successivement Pirâ, Onias et Tell- 
el-Yahoudiéh. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peu- 
ples de l'Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 75. Il y 
av.ùt là un vieux temple appelé « Bubaste des champs », 
dédié à la déesse Bastit, à tête de lionne, d'où le nom 
de Léontopolis donné à la ville hellénique. Le temple 
tombait en ruines. Onias éleva en cet endroit un édifice 
analogue au Temple de Jérusalem, mais bien plus petit 
et fort modeste, orné cependant d'une tour de soixante 
coudées. L'autel ressemblait à celui de Jérusalem. Le 
candélabre était remplacé par un lustre d'or suspendu 
à une chaîne d'or. Une enceinte de briques, avec porte 
en pierre, entourait l'édifice. Le roi concéda aux envi- 
rons beaucoup de terres dont le revenu devait servir à 
l'entretien des prêtres et aux dépenses du culte. Onias- 
en effet attira auprès de lui un bon nombre de prêtres 
et reproduisit dans son sanctuaire ce qui se faisait 
dans le Temple de Jérusalem. Josèphe, Ant. jud., 
XIII, m, 1-3; Bell, jud., VII, x, 2, 3. — Cette entre- 
prise avait été inspirée à Onias par la situation scan- 
daleuse qui se perpétuait à Jérusalem, avec des grands- 
prêtres usurpateurs et sanguinaires qui favorisaient 
honteusement la propagation des mœurs païennes. Le 
roi Ptolémée seconda de tout son pouvoir la fonda- 
tion d'Onias ; il avait un intérêt politique à favoriser- 
les Juifs en Egypte pour les détacher des rois de 
Syrie. Au point de vue religieux, il fallait légitimer le 
nouvel établissement. Onias crut en trouver la justifi- 
cation dans ce passage d'Isaïe, xix, 18-19 : 

En ce jour-là, il y aura au pays d'Egypte cinq villes ; 

Qui parleront la langue de Chanaan, 

Et prêteront serment à Jéhovah des armées ; 

L'une d'elles s'appellera Ville du Soleil. 

Et ce jour-là, Jéhovah aura un autel 

Au milieu du pays d'Egypte, 

Et auprès de la frontière 

Un obélisque sera consacré à Jéhovah. 

On lit maintenant dans l'hébreu, au lieu de « Ville du. 
Soleil », 'îr hahéres, « ville de destruction. » Les Septante 
lisent ville d'Asédek,et dans le texte de Complute, ville 
d'Achérès, 'A/spiç, ce qui suppose en hébreu îr hahérés, 
« ville du Soleil; » Symmaque : tiôXi; i\\lov, Vulgate : 
civitas solis. Il est fort probable que les Juifs de Pales- 
tine ont modifié le texte hébreu par hostilité envers 
Onias et son entreprise. De fait, Onias semblait réaliser 
la pensée d'Isaïe : Jéhovah était adoré dans plusieurs 
villes égyptiennes, particulièrement dans le nome d'Hé- 
liopolis, et un autel s'élevait en son honneur, avec un 
pylône qui en signalait la présence. Néanmoins, Josèphe, 
Bell, jud., VII, x, 3, ne voit pas la fondation d'Onias 
d'un bon œil. Il ne fait que reproduire le jugement des 
docteurs de Jérusalem, consigné dans la Mischna, 



1819 



ONIAS — ONO 



1820 



Menachoth, xm, 10. Il n'était point assuré, aux yeux 
de ces derniers, que les actes liturgiques accomplis 
dans le temple de Léontopolis fussent valides et que les 
prêtres qui y servaient eussent les mêmes droits que 
ceux de Jérusalem. Beaucoup penchaient pour la néga- 
tive. L'entreprise d'Onias encourut en somme le même 
discrédit que la traduction en grec de la Bible hébraï- 
que. Sans doute, on ne prescrivit pas de jeûne en expia- 
tion de la construction du temple égyptien, comme on 
l'avait fait à l'occasion de la traduction des Septante. 
Voir Jeune, t. n, col. 1531. Mais," bien que le culte y 
fût exercé par un descendant légitime du souverain 
pontife et par de véritables prêtres, on ne laissait pas 
que d'être défavorablement impressionné par cette 
infraction à la loi qui n'autorisait les sacrifices que dans 
le lieu choisi par Jéhovah au milieu des tribus. Deut., 
xh, 5-7. Il faut ajouter cependant que ni Onias ni ses 
prêtres n'obéissaient à des vues schismatiques; Les 
relations avec Jérusalem étaient soigneusement conser- 
vées, les pèlerinages à la ville sainte s'accomplissaient 
comme par le passé et les prêtres avaient soin de four- 
nir à leurs collègues de la capitale les preuves docu- 
mentaires de leur légitime descendance. Cf. Josèphe, 
Cont. Apion., I, 7 ; Philon, De Provident., édit. Mangey, 
t. il, p. 646. — Le temple d'Onias fut bâti vers l'an 160 
avant J.-C. Il dut être fréquenté par beaucoup de Juifs, 
car Philon, In Flaccum, 6, t. n, p. 523, porte à un 
million le nombre de ceux qui habitaient l'Egypte. Pour- 
tant les écrivains du Nouveau Testament n'y font au- 
cune allusion. Il est possible que, pendant son séjour en 
Egypte, la Sainte Famille ait passé ou séjourné dans les 
environs de Léontopolis ; mais on ne sait rien de cer- 
tain à ce sujet. Après la ruine de Jérusalem, le préfet 
•d'Alexandrie, Lupus, dépouilla en partie et ferma le 
temple d'Onias. Son successeur, Paulin, obligea les 
prêtres à lui livrer tout ce qui restait, interdit l'accès 
de l'édifice et prit des mesures pour y empêcher désor- 
mais tout exercice du culte. C'était en l'an 73. Cf. 
Josèphe, Bell, jud., VII, x, 4. L'examen des ruines qui 
subsistent aujourd'hui montre que le temple avait été 
bâti à l'aide des vieux matériaux trouvés sur place. On 
voit enchâssées dans les murs d'anciennes pierres à 
hiéroglyphes plus ou moins effacés et recouvertes de 
plâtre. Cf. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, 
Paris, 1894, 1. 1, p. 129 ; Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, 
p. 112. H. Lesêtre. 

6. ONIAS, juif pieux, qui vivait à Jérusalem au temps 
<Ju grand-prêtre Hyrcan.. Par ses prières, il avait obtenu 
la pluie pendant une sécheresse. Cf. Mischna, Thaanith, 
ni, 8. Pendant que les Arabes d'Arétas et les Juifs du 
parti d'Hyrcan assiégeaient le roi Aristobule, frère 
d'Hyrcan, réfugié avec les prêtres dans l'enceinte du 
Temple pendant les fêtes de la Pâque de l'an 65, on 
somma Onias de proférer des imprécations contre Aris- 
tobule et ses partisans. Onias fit cette prière : « Dieu 
roi de l'univers, ceux qui sont de mon côté sont ton 
peuple et ceux qui sont assiégés sont tes prêtres ; aussi 
je te prie de ne pas exaucer ceux-ci contre ceux-là et de 
ne pas réaliser ce que ceux-là demandent contre ceux- 
ci. » Il fut aussitôt lapidé par les Juifs qui l'entouraient. 
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, n, 1. Cet exemple montre 
qu'à cette époque, malgré l'avilissemeut du sacerdoce 
suprême, les violences fréquentes et les efforts tentés 
pour introduire les mœurs païennes dans le pays, il y 
avait encore en Israël des hommes de haute vertu, 
comme les Zacharie, les Siméon et les autres qui appa- 
raîtront aux temps évangéliques. H. Lesêtre. 

ONKELOS, un des docteurs de la Mischnah, de la 
fin du premier siècle. On lui a longtemps attribué un 
Targum ou traduction chaldéenne du Pentateuque, 
mais à tort selon l'opinion générale des critiques. Cette 



attribution doit son origine à un passage souvent cité 
du Talmud de Babylone, Meghillah, 3 a : « B. Jérêmie 
dit que le Targum du Pentateuque fut composé par le 
prosélyte Onkelos avec l'approbation de R. Eliézer et 
de R. Josué. » Mais il y a là une confusion faite dans 
les écoles de Babylone, qui ont appliqué à Onkelos et 
auTargum du Pentateuque ce que les traditions pales- 
tiniennes disaient d'Aquila et de sa version grecque. 
En effet le Talmud de Jérusalem, Meghillah, 1,11, après 
avoir remarqué que la seule langue étrangère permise 
pour traduire la loi était le grec, ajoute : « Aquila le 
prosélyte a traduit le Pentateuque avec l'approbation 
de R. Eliézer et de R. Josué qui le louèrent par le pas- 
sage du Psaume xlv, 3 : ma >33d n>s>s> » (dont le sens 
littéral dans le texte sacré est sans doute, Tu es plus 
beau que les enfants des hommes, mais qui était dans 
la bouche des rabbins un jeu de mot faisant, allusion à 
la langue de Japhet, ns', la langue grecque : Tujaphé- 
tises mieux que les autres hommes). D'ailleurs Db'py 
et Dibpjis (en grec à^xiiXo;), selon Luzzato et d'autres 
grammairiens, ne sont qu'un seul et même nom, avec 
la différence de prononciation des Palestiniens et des 
Babyloniens. L. Vogue, Histoire delà Bible et de l'exé- 
gèse, in-8°, Paris, 1881, p. 149. De plus le Talmud de 
Babylone ne" donne jamais, en dehors du passage indi- 
qué, le nom de Targum d'Onkelos au Targum du Pen- 
tateuque qu'il cite cependant fréquemment. Les attri- 
butions à Onkelos de cette version araméenne sont 
toutes post-talinudiques et s'appuient uniquement sur 
le passage du Talmud que nous avons rapporté et qui 
est dû à une méprise. Le premier qui ait cité ce Targum 
sous le nom d'Onkelos, est, selon G. Dalman, Gramma- 
tik des Jûdisch-Palâstinischen Aramâisch, in-8°, 
Leipzig, 1894, p. 9, le Gaon Sar Schalom au IX e siècle. 
Il ne s'ensuit pas qu'il n'a jamais existé de person- 
nage du nom d'Onkelos et différent d'Aquila, le tra- 
ducteur grec de la Bible. Vers la fin du premier siècle 
il a existé un Onkelos, souvent mentionné dans les 
Tosaphoth ou gloses des rabbins, disciples de Raschi; 
c'était un tannaïte(de l'araméen run, répéter, enseigner) 
ou docteur de la Mischnah, et disciple de Gamaliel II. 
De nombreuses légendes ont circulé sur lui, qui l'ont 
fait fils de Kalonymos ou Kalonikos, l'ont regardé comme 
un prosélyte en le confondant avec le prosélyte Aquila, 
et l'ont mis en rapport avec l'empereur Hadrien. — Voir 
The Jewish Encyclopsedia, t. n, 36; ix, 405; xh, 58; 
Anger, De Onkelo, Leipzig, 1846; Friedmann, Onkelos 
und Akylas, in-8°, Vienne, 1896; A. Berliner, Targum 
Onkelos Bealin, 1884; H. Barnstein, Das Targum of 
Onkelos to Genesis, in-8°, Londres, 1806. Voir Targum 
de Babylone. E. Levesque. 

ONO (hébreu : i:iw (dans II Esd., vu, 57, *iaV»), 'Ônô), 
nom d'une ville de Palestine et de la plaine voisine de 
cette ville. 

\. ONO (Septante : 'Qvôv, I Par., vm, 12; 'Qvw, 
I Esd., n, 33; II Esd., vi, 2 : vu, 37; Alexandrinus ; 
'Ûvtiv,dans ce dernier passage), ville de Benjamin, dans . 
le territoire de la tribu de Dan. Elle n'est nommée que 
dans les livres postérieurs à la captivité de Babylone. 
Elle est toujours placée à côté de Lod (Lydda) et de 
Hadid (Haditéh; voir Adiada, t. i, col. 217). I Par., 
vm, 12; I Esd., h, 33; II Esd., vu, 37; xi, 34-35. 

1» Description. — L'antique Ono porte aujourd'hui le 
nom de Kefr-'Ana. « C'est, dît V. Guérin, Judée, t. i, 
p. 319-320, un village de 500 habitants [à neuf kilo- 
mètres au nord-ouest de Lydda (voir la carte de la tribu 
de Dan, t. n, col. 1233)]. Les maisons sont grossière- 
ment bâties avec des briques cuites au soleil, formées 
de terre et de paille hachée (comme en Egypte). Sur 
divers points s'élèvent des palmiers, dont les panaches 
verdoyants dominent gracieusement cet amas informe 



1821 



ONO — ONYX 



1822 



d'habitations. Près du village, deux bassins peu profonds, 
creusés dans le sol, mais non construits, recueillent 
pendant l'hiver les eaux pluviales. Plusieurs puits à 
norias alimentent, en outre, cette localité et permettent 
d'arroser les jardins qui l'entourent. A côté de l'un de 
ces puits, je remarque quelques tronçons de colonnes 
de marbre qui paraissent antiques. » Pour dépeindre la 
fertilité du pays d'Ono, le Talmud raconte que Jacob ben 
Dosthai étant allé à Ono de grand matin marchait au 
milieu des figues qui lui allaient jusqu'aux talons. Re- 
land, Palssslina, 1714, p. 913. 

2° Histoire. — Ono fut fondée ou plutôt restaurée et 
peuplée par un Benjamite, ainsi que Lod ou Lydda. II 
s'appelait Samad et était fils d'Elphaal. I Par., vin, 12. 
(D'après le texte original, le fondateur d'Ono et de Lod 
peut être tout aussi bien Elphaal que son fils Samad, 
mais cette dernière interprétation est généralement 
celle qui est admise.) Ono devint ainsi la possession 
de la tribu de Benjamin, quoiqu'elle fût située en plein 
territoire de la tribu de Dan, de même que cela eut lieu 
pour Aïalon. Jos., xix, 42; xxi, 24; I Par., vm, 13. 
L'existence d'Ono, avant sa restauration par les Benja- 
mites, est constatée par les listes du pharaon d'Egypte, 
Thotmès III, qui vivait avant Moïse et qui nomme cette 

ville I V \ I \, Aounaou. W. Max Mùller, Asien 

und Europa nach altâgyptischen Denkmâlern, 1893, 
p. 83. Elle n'est pas mentionnée dans le livre de Josué, 
mais si l'on peut s'en rapporter aux Targumistes, elle 
avait été conservée intacte par le successeur de Moïse; 
elle fût brûlée seulement pendant la guerre que les au- 
tres tribus firent aux Benjamites pour venger le crime 
de Gabaa, cf. Jud., xx, 48, et c'est de sa restauration 
après cet événement qu'il est question dans I Par., vm, 
12. Voir le Targum sur ce passage. — Une partie des 
habitants d'Ono fut emmenée en captivité à Babylone 
par les troupes de Nabuchodonosor. Ils revinrent avec 
les captifs de Lod et d'Hadid, comprenant en tout 725 per- 
sonnes, d'après I Esd., n, 33; 721 d'après II Esd., vu, 37. 
.— Sanaballat et les ennemis des Juifs pressèrent à plu- 
sieurs reprises Néhémie d'aller les trouver dans la plaine 
d'Ono, afin de l'empêcher de relever les murs de Jéru- 
salem, mais Néhémie ne se laissa pas prendre au piège- 
Il Esd., vi, 2. — Voir Neubauer, Géographie du Tal- 
mud, Paris, 1868, p. 86; Survey of western Palestine, 
Memoirs, t. h, feuille xm, p. 251. 

F. Vigouroux. 
2. ONO (PLAINE D') (hébreu : Biq'at 'Ônô; Sep- 
tante : TtEêiov'Qviô. Vulgate : campus Ono), plaine dans 
laquelle était situé le village d'Ono. II Esd., yi, 2. Cette 
plaine, ou cette vallée, comme elle est aussi appelée, gë , 
semble être la même que celle qui est nommée, II Esd., 
XI, 35, gë ha-hârâSîm, « la vallée des artisans. » Le 
texte porte : « Lod et Ono (dans) la vallée des Artisans. » 
Quelques manuscrits des Septante ont amalgamé tous 
ces mots en un seul : 'QvwYTjapaffeiV (Complute); la 
plupart les ont omis. Cette même vallée est mentionnée, 
I Par., îv, 14, où nous lisons : « Saraïa (fils de Cénez, de 
la tribu de Juda) engendra Joab, père de la Vallée des 
Artisans, gë hârâsîm, car il y avait là des artisans, 
hârâêîm. » La Vulgate l'appelle dans les deux endroits : 
Vallis artificum. Dans le second, les Septante unissent 
encore les deux mots en un : 'Aitnàâaip; Alexandrinus : 
rr\apat7tiii. Le Talmud, Megillah, i, 1, place aussi Lod 
et Ono dans la vallée des Artisans. — Cette vallée débouche 
dans la plaine de Saron. Les Benjamites s'y établirent 
au retour de la captivité de Babylone. II Esd., xi, 35. 
Les ennemis des Juifs, Sanaballat et Gossem, cher- 
chèrent vainement à y attirer Néhémie pour l'empêcher 
de rebâtir les murs de Jérusalem, II Esd., vi, 2. 

F. Vigouroux. 
ONOCENTAURE (Septante : ôvoxevTajpoi; ; Vulgate : 
onocenlaums), animal fabuleux (fig. 484) dont le nom 



ne se trouve pas dans l'hébreu, .mais dans les versions. 
Is., xxxiv, 14. Cf. 1. 1, col. 613. Le centaure est lui-même 
un être mythologique dont le corps est moitié homme, 
moitié cheval. Dans l'onocentaure, une des moitiés com- 
posantes serait un âne au lieu d'un cheval. Dans J^ texte 
hébreu, il est question de la dévastation de l'Idumée, dans 
laquelle « les siyyîm se rencontreront avec les 'iyyîm » ; 




484. — Onocentauresse représentée au milieu d'autres animaux 
Fragment de la mosaïque de Palestrine. 

d'après les versions, « les démons se rencontreront avec 
les onocentaures. » Les siyyîm sont des bétes sauvages 
du désert, et les 'îyyim, « les hurleurs, » sont les 
chacals. Voir Chacal, t. n, col. 474. H. Lesêtre. 



ONOMASTIQUE SACRÉE. 

1676. 



Voir Nom, col. 1670- 



1. ONYX (hébreu : sehêlét; Septante : ô'vuï; Vulgate : 
onyx, ungula), substance animale entrant dans la com- 
position des parfums. L'onyx était un des éléments em- 
ployés pour préparer le parfum du sanctuaire. Exod., 
xxx, 34. La sagesse se compare elle-même à un parfum 
dont fait partie l'onyx. Eccli., xxxiv, 21 (15). Dioscoride, 




Le Strombus et son opercule. 



il, 10, décrit ainsi cette substance : « L'onyx est l'opercu- 
le d'un coquillage semblable à celui de la pourpre. Il se 
trouve dans les marais de l'Inde qui produisent le nard, 
et il est aromatique parce que les coquillages prennent 
du nard. On le recueille lorsque les marais sont desséchés 
par la chaleur. Celui qu'on prend dans la mer Rouge 
n'est pas pareil, il est blanchâtre et brillant. Celui de 
Babylone est noir et plus petit. Tous deux sont odori- 
férants quand on les brûle; leur parfum rappelle en 



1823 



ONYX 



1824 



quelque manière l'odeur du castoréum. » Cf. Pline, 
H. N., xxxii, 10. Le casloréum est une substance 
sécrétée par le castor; d'une odeur pénétrante, elle est 
employée en médecine comme antispasmodique. L'onyx 
est fourni par l'opercule d'un mollusque gastéropode de 
l'ordre des pectinibrancb.es et du genre Strombus 
(fig. 485). Cet opercule est appelé SvuJ à cause de sa 
ressemblance avec un ongle. La Ghemara, Kerithoth, 
f. 6 a, le nomme également siforén, « ongle. » De cet 
opercule on tire un parfum qui dégage une odeur forte 
et pénétrante quand on le brûle. On l'utilise encore en 
Orient pour la composition de plusieurs espèce s d'encens. 
Il y a différentes espèces de Strombus. Le mollusque 
atteint parfois des dimensions considérables, qui peuvent 
aller jusqu'à m 30; aussi le coquillage devient-il alors 
un objet d'ornement. Dioscoride suppose que l'onyx 
peut se trouver sur des coquillages d'eau douce; mais 
on ne sait ce qu'il veut dire quand il parle de marais 
produisant le nard, dont le parfum se communique aux 
coquillages. Aujourd'hui, plusieurs espèces de Strombus 
se rencontrent dans la Méditerranée; mais la mer 
Rouge sert d'habitat au plus grand nombre, et c'est à 
ces dernières qu'on emprunte l'onyx. Les Arabes ap- 
pellent l'onyx dofr-el-afnt, « ongle du diable, » comme 
en allemand Teufelsklaue, et les Abyssins doofu. On 
lui donne les noms d'ostracium, unguis odoralus, et, 
en médecine, blatta byzantina. Bochart, Hierozoicon, 
Leipzig, t. m, 1796, p. 797, a pensé que les Septante 
pouvaient entendre par ô'vuij le bdellium, auquel Dios- 
coride, î, 80, trouve quelque ressemblance avec l'onyx, 
et que Pline, H. N., xn, 19, gratifie d'ongles blancs. 
Voir Bdellium, 1. 1, col. 1527. Mais le bdellium ne paraît 
pas avoir été utilisé par les anciens pour la composi- 
tion des parfums, et l'identification du sehêléf avec 
l'onyx est trop appuyée par la tradition des anciennes 
versions et par ce qu'on connaît des usages de l'antiquité 
pour qu'on puisse l'abandonner. Cf. Gesenius, Thésau- 
rus, p. 1388; Tristram, The natural History of the 
Bible, Londres, 1889, p. 297; Wood, Bible animais, 
Londres, 1884, p. 590. H. Lesêtre. 

2. ONYX (hébreu : Sôham, traduit diversement par les 
Septante et la Vulgate), variété d'agate à plusieurs 
teintes. — L'onyx (fig. 486) est une agate composée de 
plusieurs couches plus ou moins épaisses et de diffé- 




486. — L'onyx. 

rentes couleurs, disposées par bandes régulières et cir- 
culaires. Cette pierre diffère de l'agate rubanée en ce 
que les bandes, an lieu d'être droites et parallèles, sont 
curvilignes et concentriques. Le prix en varie suivant la 
dureté, la finesse du grain et la vivacité des couleurs, en 
même temps que d'après le volume. Cette pierre pré- 
cieuse (qu'il ne faut pas confondre avec l'albâtre onyx 
qui est un calcaire et non une agate) a, dit Pline, H.N., 
xxxvn, 24, une partie blanche dont la couleur rappelle 
l'ongle, d'où son nom ôvjÇ. L'onyx, d'après Théophraste, 
est mélangé alternativement de blanc et de brun. Les 
anciens tiraient cette pierre de l'Arabie, de l'Egypte, de 
l'Inde. Sa pesanteur spécifique est 2,376. 



Le Sôham est une pierre qu'on trouve dans la terre 
d'Havilath, Gen., n, 12; pierre très précieuse, Job, 
xxvin, 16; qui est mentionnée parmi les offrandes des 
Israélites pour le temple, Exod., xxv, 7; xxxv,9, 27; qui 
faisait partie des trésors accumulés parle roi David pour 
aider à la construction de la maison deDieu,IPar.,xxiX, 
2; qui sertie dans un chaton d'or servait à retenir les épau-. 
Hères de l'Ephod, Exod., xxvm, 9; xxxix, 6; qui était 
du nombre des 12 pierres du Pectoral, la 2« du qua- 
trième rang, Exod., xxvm, 20; xxxix, 13; et dont le roi 
de Tyr rehaussait l'éclat de ses vêtements. Ezecb., 
xxvm, 13. 

Quelle est cette pierre de sôham? Les différentes ver- 
sions du texte sacré, au lieu d'aider dans cette recherche, 
ne font que rendre l'identification plus difficile à cause 
de la variété de leurs traductions. Il est juste cependant, 
pour procéder plus sûrement, de prendre d'abord les 
textes où la pierre sôham se présente isolément. Car 
dans les énumérations, comme dans celle des pierres 
du pectoral, Exod., xxvm, 20; xxxix, 13, ou les pierres 
précieuses du roi de Tyr, Ezech., xxvm, 19, les manus- 
crits sur lesquels les traducteurs ont fait leur version, 
ont pu n'avoir pas toujours ces pierres rangées dans le 
même ordre; et de même les manuscrits de la traduc- 
tion ont pu souffrir des copistes quelque déplacement 
dans les noms. La Vulgate traduit par lapis onychinùs , 
sauf dans Job, xxvm, 16, où on lit lapis sardonychus. 
Les Septante ont la plus grande inconstance, tradui- 
sant différemment suivant les livres, et suivant même 
les versets à très peu d'intervalle et dans le même 
contexte. Ainsi on a Xc'Ooç itpâcnvoî dans Gen., n, 12; 
(râpSio; dans Exod., xxv, 7, etxxxv, 9, et crixâpaySo; dans 
Exod., xxvm, 9; xxxv, 27; xxxix, 6; aoâp., qui n'est que 
la transcription du mot hébreu, dans I Par., xxix, 2, et 
ô'vu? dans Job, xxvm, 16. Les autres traducteurs grecs 
n'ont pas cette diversité : Aquila traduit par aap56vuÇ; 
Symmaqueét Théodotien parô'vui;. La paraphrase d'On- 
kelos tient pour bûrlà, le syriaque pour bêrûlô' : 
ce qui évidemment rappelle le mot grec pqpOMtov, le 
béryl. 

Si nous considérons maintenant les énumérations de 
pierres précieuses, comme dans la description du ra- 
tional, Exod., xxvm, 17-20; xxxix, 10-13, nous remar- 
quons en comparant le texte hébraïque, les Septante, la 
Vulgate et l'historien Josèphe, Ant. jud., III, vi, 5; 
Bell, jud., V, v, 7, que les pierres ne sont pas toutes 
disposées dans le même ordre (voir Rational); il ne 
faut donc pas s'en tenir rigoureusement au rang qu'occupe 
une pierre en hébreu pour avoir sa traduction au même 
rang dans les LXX et la Vulgate : ce qui donnerait des 
résultats invraisemblables, comme par exemple le 12 e 
nom des Septante àvû/iov traduisant nstf', yasféh de 

l'hébreu. 'Ia<r7ciç, qui est évidemment la traduction de 
yasféh, occupe la 6* place : ce qui suppose que le tra- 
ducteur devait lire yasféh à cette place ou que l'ordre 
des noms de sa version a été renversé par les copistes. 
La même chose a pu se produire entre la II e et la 12 e 
plaee, qui seraient peut-être interverties, en sorte qu'au 
lieu de regarder (5r)pijX).iov comme la traduction de sô- 
ham, et ôvux tov ce " e de yahâlônï, ce dernier mot grec, 
c'est-à-dire l'onyx, serait en réalité la traduction de sô- 
ham. Si l'on compare le texte hébraïque d'Ezéchiel, 
xxvm, 10-13, avec le même passage dans les Septante, 
qui reproduisent l'énumération des pierres du Rational, 
on constate que probablement ce texte hébreu est défec- 
tueux et qu'il ne reste plus que 9 pierres sur les 12 qu'on 
devrait y trouver; mais la disposition du texte permet 
de reconnaître peut-être dans Sr.p'jXXtov, et plus proba- 
blement dans ov-j^iov, la traduction du mot sôham, et 
non pas certainement dans' adtTcçsipoç, comme le disent 
beaucoup d'auteurs qui ne tiennent compte que de 
la place matérielle qu'occupent les mots hébreux et 
grecs. 



1825 



ONYX 



OOZAM 



1826 



En face de cette diversité de traduction, les commen- 
tateurs et les lexicographes se sont aussi divisés. G. B. 
Winer, Biblisches Realwôrlerbuch, in-8», Leipzig, 1848, 
1. 1, p. 283; E. Fr. K. Rosenmùller, Handbuch der biblis- 
chen Alterlhumskunde, l" partie, Biblische Mineral- 
reich, p. 41, et d'autres tiennent pour le bérjl. Pour 
J. Braun, Vestitus sacerdotum hebrœorum,in-8°, Leyde, 
1680, p. 728-739, le sôham est plutôt le sardonyx; de 
même W. F. Jervis, Minerais and Metals mentioned 
in tke Old Testament, in-8° (Londres, 1905). Gesenius, 
Thésaurus, in-4°, Leipzig, 1829, p. 1369, et J. D. Mi- 
chaelis, Supplemenla ad lencica hebraica, in-8", Gœt- 
tingue, 1792, t. n, p. 2290, préfèrent l'onyx. L'étymologie 
du mot sôham diversement expliquée par ces auteurs 
n'a donné jusqu'ici rien de bien satisfaisant. En l'ab- 
sence d'indications caractéristiques dans les textes sa- 
crés mentionnés plus haut, et en face de la diversité des 
anciennes versions, et des opinions variées des cri- 
tiques, il est difficile de déterminer avec certitude la na- 
ture de la pierre appelée sôham. On peut hésiter entre le 
béryl, l'onyx, et le sardonyx. Dans l'hypothèse où sô- 
ham serait le béryl (selon la disposition des pierres de 
rational d'après le texte actuel des Septante), le yahâlom 
serait alors vraisemblablement l'onyx. Mais la traduction 
de sôham par onyx a pour elle un peu plus d'autorités. 
Quant à décider si l'on doit voir dans sôham un onyx 
proprement dit, ou un sardonyx, cela est difficile. On 
sait que les deux pierres ont le même genre de stries 
ou bandes concentriques, la seule différence est qu'une 
ou deux des couches dans le sardonyx sont rouge cor- 
naline au lieu des couleurs noires ou brunes de l'onyx. 
Les anciens Hébreux pouvaient désigner les deux pierres 
par le même nom. Ce qui confirmerait ce sentiment, 
c'est que dans le texte de l'Apocalypse, xxr, 18, l'énu- 
mération des 12 pierres précieuses, qui s'inspire du 
rational, contient le sardonyx mais pas Yonyx. 

E. Levesque. 

OOLIBA (hébreu : 'Ohôlîbâh, « ma tente est en elle ; » 
,Septante : 'Ooliêà; Alexandrinus : 'OXiëi), personni- 
fication de Jérusalem et du royaume de Juda, dans 
Ezéchiel, xxiu, 4, II, 22, 36, 44, sous la figure d'une 
courtisane dont l'inconduite représente l'idolâtrie des 
Juifs. Sa sœur Oolla (hébreu : 'Ohôlâh, « sa tente »), 
sous une figure analogue, personnifie Samarie et le 
royaume d'Israël. Les deux sœurs, selon une coutume 
assez commune en Orient, ont des noms à peu prés 
semblables : Ooliba est ainsi nommée parce que c'est à 
Jérusalem qu'est latente ou le temple de Dieu; Oolla 
est appelée « sa tente », parce qu'elle s'était fait un 
temple à elle, contrairement aux préceptes du Seigneur. 
Elles sont filles d'une même mère, Sara, femme d'Abra- 
ham. Oolla est la sœur aînée, parce que le royaume 
d'Israël était plus grand que celui de Juda. L'une et 
l'autre, dans leur jeunesse, c'est-à-dire quand Israël 
commençait à devenir un peuple, se sont livrées à 
l'idolâtrie en Egypte. Puis Oolla s'est donnée aux Assy- 
riens. Cf. Ezech., xvi ; Ose., v, 13; vu, II; vin, 9; xn, 1; 
IV Reg., xv, 19, et elle est devenue leur victime. Ooliba 
a imité les débordements de sa sœur et les a aggravés. 
Cf. Jer., ni, 8-11; Ezech., xvi, 47; IV Reg., xvi, 7, etc. 
Non seulement elle s'est livrée aux Assyriens, mais N 
aussi, après eux, aux Chaldéens. 

Elle vit des hommes peints sur la muraille, 

L'image des Chaldéens peinte au vermillon*. 

Des ceintures autour des reins 

Et des tiares avec des diadèmes sur la tête (fig. 487), 

Ayant tous l'air de grands personnages. 

C'était le portrait des fils de Babylone. Ezech., xxiii, 14-15. 

* Le bas-relief représentant Sargon, qui ornait un des murs 
du palais de Khorsâbadet qui est conservé aujourd'hui au musée 
du Louvre, porte encore des restes de peinture au vermillon. 
Voir Sargon. 

DICT. DE LA BIBLE. 



Ooliba sera punie de ses crimes. Ces Chaldéens, ces 
Assyriens, pour lesquels elle a abandonné son Maître, 
seront les instruments de la vengeance divine, elle et 
sa sœur seront châtiées comme des adultères. Ezech. 




487. — Assyro-chaldéens. Brique émaillée en couleurs ornant 
un des murs du palais de Kalakb. Les vêtements sont de cou- 
leur jaune de deux nuances, avec des ornements blancs et 
jaune foncé. — D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. il, 
pi. 55. 

xxiii, 1-49. Dans tout ce chapitre, l'idolâtrie est repré- 
sentée comme un adultère, selon la métaphore" com- 
mune. Voir Adultère, t. I, col. 242. 

OOLIBAMA (hébreu : 'Ohôlibâmâh), nom d'une 
femme d'Lsaû et d'un chef édomite. 

1. OOLIBAMA (Septante : '0).'.âiy.i),Rlle d'Ana (voir 
Ana2, t. i, col. 532) et femme d'Ésaû. Gen., xxxvi, 2, 
5, 14, 18, 25. Voir aussi Bééri 1, t. i, col. 1547. Dans la 
Gen., xxvi, 3i, Oolibama porle le nom de Judith. L'ex- 
plication des deux passages de la Genèse est obscure et 
difficile. Les commenlateurs admettent un double nom 
des femmes d'Ésaû, soit qu'elles aient reçu le second 
en épousant le fils d'Isaac, soit que ce nom ait un rap- 
port avec leur descendance ou avec le pays qu'habitèrent 
les tribus auxquelles elles donnèrent naissance. Ooli- 
bama eut trois fils, Jéhus, Ihélon et Coré, Gen., xxxvi, 5, 
14, 18, qui furent tous les trois 'alluf ou chefs de tribus 
iduméennes. Oolibama était Ilorréenne d'origine, voir 
Ihélom, t. in, col. 840, et elle put être l'occasion oujïiême 
la cause de l'établissement d'Ésaû dans le mont Séir 

2. OOLIBAMA (Septante : 'Ohëîy-i;), un des chefs 
'allûf, d'Édom. Gen., xxxvi, 41; l Par., I, 52. 

OOLLA (hébreu : 'Oôhlah; Septante : 'Oo).â; 
Alexandrinus: '0'i.lâ), personnification, dans Ezéchie], 
xxiii, 4, 5, 36, 44, sous la forme d'une courtisane, de 
Samarie idolâtre, comme sa sœur Ooliba personnifie 
Jérusalem. Voir Ooliba. 

OOZAM (hébreu : 'Ahuzzdm, « leur possession, » 
ou « le tenace »; Septante : 'Qy/xix; Alexandrinus : 
'Q/zliy.), le premier des quatre fils que Naura donna 

•; iv. - sa 



1827 



OOZAM — OPHI 



1828 



à Assur, surnommé « père de Thécua », de la tribu de 
Juda. I Par., ïv, 6. 

OPHAZ (hébreu : 'Ûfâz, Jer., x, 9; Dan., x, 5; on 
doit lire 'ofîr, d'après une note conjecturale des Masso- 
rètes, sur Jer., x, 9; Septante : Mwfâ^, Jer., x, 9; 'QyéX,, 
Dan., x, 5; Vulgate : Ophaz, Jer., x, 9; [aurum] obry- 
zum, Dan., x, 5), nom d'une contrée aurifère, comme 
semble l'indiquer le contexte dans Jérémie, x, 9, où 
l'or d'Ophaz fait pendant à « l'argent de Tharsis ». 
Tharsis désignant une contrée, il est naturel de prendre 
aussi Ophaz pour un nom géographique. Comme on ne 
connaît pas de pays ainsi appelé, beaucoup d'interprètes 
ont cru de tout temps qu'il fallait lire Ophir (voir ce 
mot), le pays de l'or, si célèbre en Palestine depuis le 
roi Salomon. Gesenius, Thésaurus, p. 136-137. D'autres, 
comme Bochart, Phaleg., 1. II, c. xxvu, Opéra, t. i, 
1692, col. 141, ont pensé qu'Ophaz est l'île de Tapro- 
bane (Ceylan), où Ptolémée, vu, 4, 7, 8, place le fleuve 
et le fort de Phasis. — Pour d'autres commentateurs, le 
mot 'ûfaz n'est pas un nom propre, mais un qualificatif 
indiquant la qualité de l'or, sa pureté. Ils s'appuient sur 
la traduction de la Vulgate qui a rendu dans Daniel, 
x, 5, 'ûfaz par obrizum, « pur, » en le rapprochant de 
ts, pdz, qui, joint à ké(ém, Cant., v, 11, ou bien seul, 
Cant., v, 15; Ps. xxi (xx), 4; Job, xvm, 17, etc., signifie 
« or pur ». On allègue aussi en faveur de cette explica- 
tion la lecture Mioçàç des Seplanle, dans Jérémie, x, 9. 
Il est question I (III) Reg., x, 18, de tsid am, zâhâb 
mûfâz, qui a pour équivalent dans II Par., ix, 17, 
TiiTO am, zâhâb tâhôr, « or pur. » Mùfâz peut être re- 
gardé comme le participe hôphal du verbe pâzaz inusité 
à kal, et signifiant « purifié », quoique les Talmudistes, 
Yoma, ïv, 2, croient que mûfâz est pour mê'ufâz, 
« d'Ophaz, » Gesenius, Thésaurus, p. 1097. Hitzig a 
imaginé que Ophaz venait du sanscrit vipàça, « libre, » 
et désignait une colonie hindoue qui, partie du voisi- 
nage de PHyphase('f7/V!z) ou Indus, en sanscrit : vipaça, 
s'était établie en Arabie dans l'Yémen où il y a de l'or. 
— Toutes les hypothèses se ramènent à deux, savoir, si 
ûfâz est un nom propre ou s'il est un adjectif. Pour 
résoudre la question, on peut répondre seulement que 
le contexte dans Jérémie, x, 9, parait demander un nom 
de lieu. Voir J. Knabenbauer, Comment, in Jeremiam, 
1889, p. 152. F. Vigouroux. 

OPHEL (hébreu : hâ-Ôfêl, avec l'article; Septante; 
*07té>; Vaticanus : "Onk, II Par., xxvu, 3; xxxm, 14: 
'Û<pâ>; II Esd., m, 26;.'0<f.oà>, II Esd., xi, 21; Alexan- 
drinus : 'Q<pXà, II Par., xxvu, 3; xxxm, 14), colline 
sud-est de Jérusalem, prolongement méridional du mont 
Moriah. II Par., xxvu, 3; xxxm, 14; II Esd., m, 26; xr, 
21. Le mot 'ôfél signifie « colline » et est employé dans 
ce sens IV Reg., v, 24; Is., xxxii, 14; Mich., ïv, 8. Avec 
l'article, il désigne, dans les passages cités de II Par., 
et II Esd., l'une des hauteurs sur lesquelles était bâtie 
la ville sainte. Nous lisons, II Par., xxvil, 3, que Joa- 
tliain « fit beaucoup de constructions sur la muraille 
d'Ophel », et, Il Par., xxxm, 14, que Manassé « bâtit le 
mur extérieur de la cité de David à l'occident de Gihon, 
dans le torrent, et dans la direction de la porte des 
Poissons, et autour d'Ophel, et il l'éleva beaucoup ». Ce 
dernier texte est obscur; voir l'explication dans l'article 
Jérusalem, t. m, col. 1363. Il fixe néanmoins suffisam- 
ment la situation d'Ophel. Voir le plan de Jérusalem 
ancienne et de ses différentes enceintes, t. m, col. 1355. 
D'après II Esd., m, 26; xi, 21, les Nathinéens, qui 
constituaient une classe inférieure des ministres du 
san-etnaire, habitaient à Ophel jusqu'en face de la porte 
des Eaux, à l'orient, et jusqu : à la tour Saillante. En sui- 
vant ce qui est dit, II Esd., m, 15-28, de la reconstruc- 
tâ» (fea murs de Jérusalem à l'est, depnis la porte de la 
RjHfahie jusqu'à la porte des Chevaux, travail auquel 



prirent part les habitants de Thécué, « depuis la tour 
Saillante jusqu'au mur d'Ophel » (la Vulgate dit : « jus- 
qu'au mur du temple »), H Esd., m, 27, il est facile de 
conclure que la colline dont nous parlons est bien celle 
qui fait suite au Moriah. La même conclusion résulte de 
la description que Josèphe, Bell, jud., V, ïv, 2, fait de 
la première enceinte de Jérusalem, et dans laquelle il 
mentionne « un lieu qu'on appelle Ophla ». Voir Jéru- 
salem, t. m, col. 1357. Ophel est une colline triangu- 
laire resserrée entre le Cédron à l'est et la vallée de 
Tyropœon à l'ouest. Plane à sa partie supérieure, elle 
s'incline rapidement au sud par une série d'étages; sa 
longueur est d'environ 500 mètres et sa largeur moyenne 
d'une centaine de mètres. Mais le relief en était beau- 
coup plus accentué autrefois, les ravins qui l'entourent 
ayant été en partie comblés par les décombres qui s'y 
sont accumulés au cours des siècles. Voir Jérusalem, 
t. m, col. 1352, et les fig. 247, 248. Elle fut le point ini- 
tial de Jérusalem, puisqu'elle porta primitivement la 
forteresse des Jébuséens et devint la cité de David ou 
Sion.Voir Sion. A. Legendre. 

OPHER, nom, dans la Vulgate, d'un fils de Madian 
et d'une ville. La Vulgate a écrit, dans les Paralipomènes, 
Épher, le nom du fils de Madian et de deux Israélites 
appelés tous les trois 'Êfér dans le texte hébreu. Voir 
Épher, 1, 2, 3, t. ii, col. 1830-1831. 

1. OPHER (hébreu : 'Êfér, « jeune cerf; » Septante : 
'Açsîp, dans Gen., xxv, 4; 'Opsp, dans I Par., i, 33), le 
second des cinq enfants de Madian, le fils d'Abraham 
et de Cétura. Gen., xxv, 1, 2, 4; I Par., i, 32-33. La 
Vulgate l'appelle Épher, I Par., i, 33. Voir r.PHER 1, 
t. H, col. 1830-1831. 

2. OPHER (hébreu ; tLéfèr, « creux, puits ; » Septante : 
"Eçsp, dans Jos., xn, 17; "Ospip, dans 111 Reg., ïv, 10), 
ville royale chananéenne. Elle est mentionnée entre 
Taphua et Aphec, Jos., xh, 17-18, et, d'après III Reg., ïv, 
10, elle était voisine de Socho. Eusèbe et saint Jérôme la 
nomment dans V Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, 
1862, p. 306-307, mais sans indiquer sa position. Elle 
n'a pas été jusqu'ici identifiée; il résulte cependant des 
données bibliques qu'elle était dans le territoire de la 
tribu de Juda, au sud-ouest de Bethléhem, probablement 
entre Foukin et Schoueikêh. Elle fut prise par Josué 
et son roi mis à mort. Jos., xh, 17. Sous le règne de 
Salomon, « la terre d'Épher » fit partie de la préfecture 
de Benhésed. III Reg., ïv, 10. Dans ce dernier passage, 
la Vulgate écrit Epher au lieu i'Opher. — Elle a égale- 
ment orthographié Hépher le nom de trois Israélites 
appelés Ijiéfer dans le texte hébreu, comme la ville cha- 
nanéenne. Voir Hépher 1, 2, 3, t. m, col. 595. — - Hépher 
entre aussi comme élément dans le nom de Gethhépher. 
Voir Gethhépher, t. m, col. 228. 

3. OPHER, second élément du nom de Gethhépher, 
dans IV Reg., xiv, 25 (Vulgate). Au lieu de traduire 
comme le porte l'hébreu : « Jonas... qui était de Gethhé- 
pher, » saint Jérôme a traduit : a Qui était de Geth 
qui est en Opher. » Voir Gethhépher, t. m, col. 228. 

OPHÉRA (hébreu : 'Ofrâh), nom dans la Vulgate, 
Jos., xvm, 23, de la ville de Benjamin appelée ailleurs 
Éphraïm, Éphrem, Éphron, Éphra ; Maison de poussière. 
Voir Éphrem 1, t. n, col. 1885. 

OPHI (hébreu : 'Ôfaï [ehethib], ' Êfaï \kerî | ; Septante : 
'Iioçé; Alexandrinus : 'ûçét; Sinaiticus : 'Qçij), Néto- 
phatite dont les fils étaient officiers {sàrim} dans l'armée 
qui avait été laissée en Judée lors de la déportation des 
Juifs en Chaldée. Ils allèrent à Masphath faire avec 
plusieurs autres leur soumission à Godolias, établi gou- 



-1829 



OPHI 



OPHIR 



1830 



Terneur du pays par Nabuchodonosor, Jer., xl, 8, 13, 
•et le prévinrent qu'Istnâhel, fils de Nathanias, voulait 
le tuer. Jer., xl, 13-16. Il refusa de les croire et ils 
furent probablement massacrés avec lui par Ismahel. 
•Jer., xli, 1-3. 

OPHIM (hébreu : Ifuppîm; omis .dans les Septante), 
"fils ou descendant de Benjamin. Voir Benjamin, t. i, 
■col. -1589; Hapham, t. m, col. 420. 

OPHIOMACHUS (hébreu : l.torgôl ; Septante : 
4çto[iâx'1î)) espèce de sauterelle comestible que la Vul- 
gate, d'après les Septante, et par suite, les versions 
françaises de la Vulgate, ont ainsi appelée de ce nom 
qui signifie « celui qui combat contre les serpents », 
parce que Aristote, Hist. animal., IX, 6, et Pline, H. 
N., xi, 29, mentionnent une grande sauterelle qui attaque 
les serpents. Voir Sauterelle. 

OPHIOMANCIE, divination par les mouvements 
■des serpents. — Le verbe nâlfas est employé au pihel, 
nihéS, avec le sens d' « exercer la magie » ou « faire de 
la divination ». Lev., xrx, 26; Deut., xvnl, 10; IV Reg., 
xvii, 17; xxi, 6; II Par., xxxm, 6. Une fois, Gen., xliv, 
15, l'auteur sacré s'en sert même à propos de cyatho- 
mancie ou d'hydromancie. Voir Coupe, t. n, col. 1075. 
iLes versions le traduisent pas des mots qui signifient 
« tirer des présages d'après les oiseaux ». Voir Divina- 
tion, t. n, col. 1445. Mais comme le radical nâ{ia8 est 
identique à nâhâs, « serpent », un certain nombre 
■d'auteurs ont pensé que le verbe nihêS se rapportait 
plus spécialement à la divination par le moyen des 
serpents, dont les mouvements étaient censés capables 
de livrer aux devins les secrets de l'avenir. Cf. Bochart, 
Hierozoicon, Leipzig, 1793, t. i, p. 21, qui cite de nom- 
breux exemples d'ophiomancie chez les peuples de l'an- 
tiquité; Rosenmûller, In Levit., Leipzig, 1798, p. 114; 
Winer, Biblisches Realwôrterbuch, 3 e édit., 1848, t. n, 
p. 719, etc. Mais le sens de divination par les serpents 
me s'impose nulle part dans les passages où le verbe 
nihêS est employé. Aussi est-on, plus généralement 
porté à attribuer à nâhas le même sens qu'à lâhaS, 
■«. siffler, » murmurer doucement comme on fait dans 
les incantations, d'où le sens de lahaS, « murmure » et 
« incantation ». Le verbe kdsaf a de même le double 
sens de « murmurer » et de « faire des incantations ». 
Il est donc fort probable que le verbe nâlfas représente 
.une idée différente de celle qu'exprime le substantif 
nâhâs. Cf. Gesenius, Thesauru$,p. 875; Buhl, Gesenius' 
Handivôrterb., Leipzig, 1899, p. 521. Ainsi, il ne serait 
.pas question d'ophiomancie d'une manière spéciale dans 
fia Bible. Les Hébreux ont surtout connu les psylles. 
Voir Charmeur de serpents, t. n, col. 595. 

H. Lesêtre. 

OPHIR, nom d'un fils de Jectan et d'un pays aurifère. 

1. OPHIR (hébreu : ns-m, 'Ôfîr, Gen., x, 29; tsin, 
'Ôfir, I Par., I, 23; Septante : Ooçei'p), le onzième des 
treize fils de Jectan, fils d'Éber et petit-fils de Sem. Il 
est nommé entre Saba et Hévila, Gen., x, 28-29; I Par., i, 
22-23, ce qui montre que la tribu qui porta ce non} 
habitait l'Arabie méridionale, mais il est impossible file 

^préciser où était situé son territoire. Voir Bochart, 
Phaleg., n, 15, Opéra, t. i, col. 97. Cf. Jectan, t. ni, 11, 
-col. 1215. 

2. OPHIR (hébreu : 'Ôfîr; Septante : Sunpipi; Alexan- 
■ drinus : Seoçapâ, III Reg., ix, 28; Souçi'p, III Reg., x, 

11, et II Par., IX, 10; 'Oçt'p, III Reg., xxii, 49; Swçipi, 
II Par., vm, 18), pays aurifère. 

I. Ophir dans la Bible. — La flotte de Salomon alla 
chercher à Ophir de l'or et de l'argent. Les vaisseaux, 
-grands comme ceux qui faisaient le voyage de Tharsis 



en Espagne, furent construits à Asiongaber, près d'Élath, 
sur le golfe d'Akaba et montés par des matelots phé- 
niciens, fournis par Hiram, roi de Tyr. III Reg., ix, 
26-28; II Par., vm, 17-18. Le voyage d'Asiongaber à 
Ophir, aller et retour, durait trois ans. III Reg.vx, 22. 
La flotte apporta à Salomon quatre cent vingt talents 
d'or, III Reg., IX, 28 (quatre cents, I Par., vm, 18), de 
l'argent, du bois de santal, des pierres précieuses > de 
l'ivoire, des singes et des paons. III Reg., x, 11, 22. 

II Par., ix, 10; Il fit faire avec l'or deux cents grands 
boucliers et trois cents petits. III Reg., x, 16-17, voir 
Bouclier, t. i, col. 1881 ; avec le bois de santal des kin- 
nor et des nables pour les musiciens du Temple, et des 
mis'âd (III Reg., x, 12) ou des mesillôf (II Par., ix, 11), 
« balustrades » ou « degrés », pour le Temple et pour 
le palais royal. III Reg., x, 12; II Par., ix, 11. Nous 
ignorons combien de fois les vaisseaux de Salomon 
firent le voyage d'Ophir. — Plus tard, un de ses succes- 
seurs, Josaphat, conçut le projet de renouveler ses 
voyages fructueux à Ophir, mais les vaisseaux qu'il 
avait fait construire furent détruits par une tempête à 
Asiongaber avant même d'avoir pu prendre la mer. 

III Reg., xxix, 40. — A partir de l'époque de Salomon, 
« Ophir, » Job, xxii, 24 (Vulgate : aureos), « or d'Ophir, » 
devint en hébreu synonyme d'or très pur. Job, xxvm, 
16 (Vulgate : tinctis Indise coloribus); Ps. xlv (xliv), 10 
(Vulgate : in veslitu deaurato); Is., xm, 12 (Vulgate: 
mundo obrizo). Voir aussi Ophaz. Dans I Par., xxix, 4 
(Vulgate : de. auro Ophir). Ophir est employé pour dé- 
signer un or excellent comme celui d'Ophir. 

II. Situation d'Ophir. — Elle est discutée depuis des 
siècles et aujourd'hui encore elle est un sujet de contro- 
verse. Les opinions sur ce sujet peuvent se ramener à 
Irois classes, la première plaçant Ophir en Arabie, la 
seconde en Afrique, la troisième dans l'Inde. 

1° Ophir en Arabie. — Cette opinion a été pendant 
longtemps dominante et elle compte encore des parti- 
sans, quoiqu'ils ne s'accordent pas entre eux sur la 
partie de l'Arabie où se trouvait Ophir. M. Ed. Glaser 
la soutient dans sa Skizze der Geschichte und Géogra- 
phie Arabiens, t. n, 1890, p. 353-387, et place Ophir 
sur la côte arabe du golfe Persique. Voir aussi Vivien 
de Saint-Martin, Année géographique, XI e année, 1872, 
p. 45; Id., Histoire de la géographie et des décou- 
vertes géographiques, Paris, 1875, p. 25; H. Guthe, 
Kurzes Bibelworterbuch, Tubingue, 1903, p. 489 (qui re 
jette l'opinion de M. Glaser et place Ophir dans l'Arabie 
méridionale); A. Sprenger, Die aile Géographie Arabiens 
ah Grundlage der Entwickelungsgeschic/ite des Semi- 
lismus, in-8°, Berlin, 1875, p. 56-58. — 1. La première 
raison qu'on allègue en faveur de l'Ophir arabe, c'est 
que la Genèse, x, 28-29, place la descendance d'Ophir le 
jectanide entre celle de Saba et d'Hévila, voir t. m, 
col. 688, c'est-à-dire dans l'Arabie méridionale, mais il 
n'est pas certain que l'Ophir salomonien tire son nom 
de l'Ophir jectanide. — 2. La seconde raison, c'est qu'on 
trouve dans l'Arabie du sud et du sud-est les produits 
i|u'allaient chercher les vaisseaux de Salomon. L'Arabie 
(tait très célèbre dans l'antiquité comme contrée auri- 
fère, ainsi que l'attestent Agatharchide, dans Photius, 
Codex ccl, 50, t. civ, col. 69; Diodore de Sicile, n, 50, 
m, 44, 47; Strabon, xvi, 4, 22; Pline, H. N., VI, 28, 
32, et l'Écriture elle-même. Num., xxxi, 22, 50; Jud.., 
vin, 24, 26; III Reg., x, 1-2; Ps. lxxii (lxxi), 15. Cf. 
Gen., n, 11 et I Par., i,9. Elle abondait aussi en pierres 
précieuses. Diodore de Sicile, n, 54; m, 46. Cf. Gen., n, 
12; III Reg., x, 2; Il Par., ix, 1. Enfin on y trouvait 
également des singes. Pline, H. N., vm, 19. Il est vrai 
qu'elle ne produit pas le bois de santal, ni l'ivoire, ni 
les paons, mais on pouvait néanmoins se les procurer 
dans ses ports où se faisait un grand commerce et où 
ils étaient apportés de l'Inde et de l'Ethiopie. Cf. Héro- 
dote, m, 114. Voir Ezech., xxvii, 21-22; Strabon, xvi; 



1831 



OPHIR 



1832 



Diodore de Sicile, h, 54. — 3° Les documents cunéi- 
formes, les uns antérieurs à l'an 1000 avant notre ère, 
les autres du vm e siècle avant J.-C, attestent que le 
territoire compris entre la Susiana et le golfe Persique 
portait le nom A'Apirra ou Apir. Voir Frd. Delitzsch, 
Wo lag das Parodies 9 p. 131, 231; Fr. Hommel, Ge- 
schichte Babyloniens und Assyriens, p. 720. Ce nom 
peut se transcrire en hébreu par Ophir. Des navires 
partant d'Asiongaber devaient mettre trois ans, aller et 
retour, en tenant compte des moussons, pour faire le 
voyage au golfe Persique. — Telles sont les principales 
raisons alléguées en faveur de l'Arabie. Mais si Ophir 
était réellement situé en Arabie, on ne s'explique pas 
facilement pourquoi le commerce ne se serait pas fait 
par caravanes, ce qui était moins dangereux et plus 
conforme aux habitudes du pays. 

2° Ophir en Afrique* — Une opinion moins ancienne, 
mais qui a recruté de nombreux partisans dans les 
temps modernes, place Ophir sur la côte orientale de 
l'Afrique, vis-à-vis de Madagascar. Huet, le savant évêque 
d'Avranches, a trouvé Ophir dans Sofala. Commentaires 
sur les navigations de Salomon, dans [Bruzen de la 
Martinière], Traités géographiques et historiques pour 
faciliter l'intelligence de l'Écriture Sainte, 2 in-12, La 
Haye, 1730, t. il, p. 8-255. Le célèbre géographe d'Anville 
dit, dans son Mémoire sur le pays d'Ophir où les flottes 
de Salomon allaient chercher de l'or {Mémoires de 
l'Académie des Inscriptions, t. xxx, 1764, p. 90} : « Le 
canton que l'on dit être le plus abondant en mines 
(d'or) est une montagne dont le nom d'Afura ou Fura 
(en Afrique) présenterait peut-être à quelques critiques 
un rapport avec celui d'Ophir. » Quatremère est plus 
affirmatif encore dans son Mémoire sur le pays d'Ophir 
(Mémoires de l'Académie des Inscriptions), t. xv, 1842, 
2«part.,p. 370, où il s'exprime ainsi : « Il faut admettre 
que la contrée d'Ophir était située sur la côte orientale 
de l'Afrique, aux lieux où existe encore aujourd'hui le 
royaume de Sofala. » M. C. Peters, Das goldene Ophir 
Salomo's, in-8», Munich, 1895, identifie Ophir avec les 
ruines de Zimbaboué, dans le Mashonaland, entre le 
Zambèse et le Limpopo, où l'on trouve des restes d'an- 
ciennes exploitations de l'or. Il croit, de plus, qu'Ophir 
ne diffère pas du Punt des inscriptions égyptiennes. 
D'après R. N. Hall et W. G. Neal, The ancient Ruins 
of Rhodesia, in-8", Londres, 1902, p. 25-44, Rhodesia= 
Monomotapa=Ophir. Malgré les affirmations contraires, 
cette partie de l'Afrique parait bien avoir été inconnue 
des Phéniciens et des Égyptiens. — D'autres savants, 
sans confondre le Punt égyptien avec la moderne Rho- 
desia, croient cependant que c'est l'Ophir biblique et le 
placent sur la côte éthiopienne de la mer Bouge et 
sur la côte correspondante de l'Arabie, mais ce pays, 
quoique l'or n'en fût pas absent, n'a cependant jamais 
été « la terre de l'or ». 

3° Ophir dans l'Inde. — 1. L'identification d'Ophir 
avec une contrée de l'Inde est fort ancienne. C'est dans 
l'Inde que les Septante font naviguer les vaisseaux de 
Salomon. Dans tous les passages relatifs à cet événement, 
ils transcrivent Ophir par Sovçi'p, Swipt'p, Eu^âpa; or 
cocÇip est le nom copte de l'Inde. Peyron, Lexicon lin- 
guse copticm, in-4», Turin, 1835, p. 218; Champollion, 
L'Egypte sous les pharaons, 2 in-8°, Paris, 1814, t. i, 
p. 98. — Josèphe, qu'on a bien le droit considérer ici 
comme un témoin de la tradition juive, dit expressément, 
Ant. jud., VIII, vi, 4, édit. Didot, t. i, p. 437 : « Le roi 
fit construire de nombreux vaisseaux... à Asiongaber..., 
qui appartenait aux Juifs... Hiram, roi de Tyr, lui 
envoya des pilotes et des hommes entendus dans la 
navigation, autant qu'il en eut besoin, et Salomon leur 
commanda de se rendre, avec ses gens, dans cette con- 
trée de l'Inde appelée autrefois Sophir et aujourd'hui 
Terre de l'or. Eîî ttjv icctXai (ièv Suçt'pav, vOv es Xpuariv 
■piv xa),ou[iévr)v,TTJç 'IvStx^çèurivavÎTYi. » — Saint Jérôme, 



dans la Vulgate, a conservé ordinairement le nom 
d'Ophir, mais il l'a traduit une fois dans Job, xvin, 16 r 
par « Inde », et il place expressément Ophir dans 
l'Inde,avec Eusèbe. Onomast., aux mots Ophir, Sophera, 
Sophir, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 376-379; 346 r 
347, 350, 351. Le commentaire fort ancien qui se trouve 
dans les Œuvres de saint Basile, Is., xm, 12, n. 208, 
t. xxx, col. 592; Procope, Comm. in Is., xn, 12 r 
t. lxxxvii, part. 2, col. 2084; Suidas, Lexicon, édit. 
Bernhardy,1853,t. n, col. 834; Hésychius, Glossse sacrée, 
édit. Ernesti, 1785, p. 250, et en général, tous les écri- 
vains grecs, placent Ophir dans l'Inde. On peut donc 
affirmer que c'est là l'opinion traditionnelle et la plus 
ancienne. 

2. Elle est confirmée par le fait, aujourd'hui univer- 
sellement admis, que l'Inde est le seul pays qui produise 
toutes les marchandises apportées par les marins de 
Salomon, et le nom de plusieurs d'entre elles est sans- 
crit, c'est-à-dire appartient à la langue qu'on parlait 
dans l'Inde. Les mots qôf, tukkyim et almûg ou algum, 
qui désignent les singes, les paons et le bois de santal 
sont sanscrits; les paons et le bois de santal ne sont 
indigènes que dans l'Inde, en sorte que les partisans de 
l'Arabie ou de l'Afrique sont obligés d'admettre que ces 
produits étaient exportés de l'Inde dans les comptoirs 
arabes ou africains. Cela n'est pas impossible, mais 
n'est-il pas plus naturel d'admettre que les Phéniciens 
qui étaient de grands commerçants préféraient aller 
les chercher dans leur pays d'origine? Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 382- 
395. On peut donc regarder comme la plus probable 
l'opinion de Josèphe, des Septante et des plus anciens 
Pères, d'après lesquels Ophir était situé dans l'Inde. 

3. Il est plus difficile de déterminer exactement la 
partie de l'Inde où abordaient les vaisseaux de Salomon. 
On l'a placée sur les côtes de Malabar, à Ceylan dans le 
district de Goa où une antique cité, Supara ou Uppara, 
rappelle le nom d'Ophir, en Malaisie. L'opinion de Max 
Mûller, Leçons sur la science du langage, 2 e édit. franc., 
p. 256, sans être certaine, est néanmoins fort vraisem- 
blable : « Si Ophir, c'est-à-dire le pays du bois d'algum, 
dit-il, doit être cherché dans l'Inde et si le point d'où 
la Hotte de Salomon rapportait des paons, des singes et 
de l'ivoire, doit être aussi cherché dans une contrée où 
on parlait sanscrit, l'endroit auquel il est le plus natu- 
rel de songer, c'est l'embouchure de l'Indus. Ce fleuve 
offrait aux habitants du nord toutes les facilités pour 
porter jusqu'à la côte leur or et leurs pierres pré- 
cieuses, et les marchands du sud et du centre de l'Inde 
pouvaient bien désirer profiter d'un marché si heureu- 
sement situé pour y vendre leurs paons, leurs singes et 
leur bois de santal. Dans cette même localité, Ptolémée, 
vu, 1, 6, nous donne le nom d'Abiria au-dessus de 
Patlalène, et les géographes indiens y placent une popu- 
lation qu'ils appellent Abhira ou Abhira. Non loin de 
là, Mac-Murdo trouva, ainsi qu'il le raconte dans sa 
description de la province de Cutch, une race d'Abhirs, 
qui sont, selon toute probabilité, les descendants de 
ceux qui vendirent à Hiram et à Salomon leur or et 
leurs pierres précieuses, leurs paons et leur bois de 
santal. » Abhira, situé à l'embouchure de l'Indus, était, 
comme le remarque Lassen, lndische Alterthumskunde, 
1866-1874, t. i, p. 653; cf. t. n, p. 557, l'endroit de la 
côte le plus proche comme le plus commode pour les 
Phéniciens. 

4. Les vents qu'on appelle moussons soufflent réguliè- 
rement dans la mer de l'Inde, alternativement pendant 
six mois, -d'avril en octobre, du sud-ouest, et d'octobre 
en avril du nord-est. Lassen, lndische Alterlhumskunde r 
t. i, p. 251. La flotte phénicienne devait nécessai- 
rement arriver à Ophir pendant la première saison et 
repartir pendant la seconde. Voir le calcul de la durée 
du voyage de trois ans de la flotte de Salomon à Ophir- 



1833 



OPHIR - OPHTALMIE 



1834 



^Malacca), dans C. R. Low, Maritime Discovery, in-8°, 
Londres, 1881, 1. I, p. 74-75. 

Bibliographie. — Bellermann, Handbuch der bibli- 
schen Literatur; Erfurt, 1787-1799, t. IV, p. 416-440; 
W. Gesenius, Ophh; dans Ersch ot Gruber, Encyklo- 
pâdie der Wissenschaften, m sect., 1833, iv Th., p. 201- 
204; C. Ritter, Endkunde, t. xrv, 1848, Die Farht nach 
Ophir, p. 348-431; Georgens, Das alttestamentliche 
Ophir, dans les Theologische Studien und Kritiken, 
1878, p. 458-475; Soetbeer, Das Goldland Ophir, 1880; 
J. Lieblein, Handel und Schifffahrt auf den rothen 
Meerinalten Zeiten, in-8", Leipzig, 1886, p. 142; Herz- 
feld, Handelsgeschiche derJuden derAlterthums, 1879. 

F. Yigouroux. 

OPHLAL (hébreu : 'Eflâl; Septante : 'Acpa^X ; 
Alexandrinus : 'OcpXàB), fils de Zabad et père d'Obed, 
de la tribu de Juda et de la famille d'Hesron et de Jé- 
raméel. 1 Par., n, 37. 

OPHNI, nom, dans la Vulgate, d'un des fils du grand- 
prêtre Héli et d'une ville de la tribu de Benjamin. Le 
texte hébreu les écrit d'une manière différente. , 

1. OPHNI (hébreu : }}ofni; Septante : 'Oçvl), fils aîné 
du grand-prêtre Héli, frère de Phinées. I Reg., i, 3 ; H, 
34 ; iv, 4 ; xi, 17. Les deux frères remplissaient à Silo 
leurs fonctions sacerdotales auprès du Tabernacle d'une 
manière indigne de leur caractère sacré. C'étaient 
des fils de Bélial. T Reg., n, 12. Ils violaient les pres- 
criptions rituelles relatives aux sacrifices, s'emparaient 
de force de la part des victimes qui leur convenait, 
I Reg., H, 12-17, et ils ne respectaient pas davantage 
les lois de la morale, jl. 22. (Ce dernier trait manque 
dans les Septante.) Leur conduite indignait les Israé- 
lites. Héli, instruit de leurs débordements, leur en fit 
à la vérité des reproches, mais avec mollesse, de sorte 
que Dieu lui fit annoncer d'abord par un prophète in- 
connu, f. 27-36, et ensuite par le jeune Samuel, voué 
au service du Tabernacle, I Reg., m, 11-12, que les deux 
coupables mourraient le même jour et que le souverain 
sacerdoce passerait de sa famille dans une autre. Ophni 
et Phinées périrent en effet quelque temps après sur le 
champ de bataille où ils avaient apporté l'arche d'al- 
liance dans une guerre contre les Philistins ; l'arche fut 
prise en même temps. En apprenant cette nouvelle, 
Héli tomba de son siège à la renverse et se tua ; la 
femme de Phinées fut saisie des douleurs de l'enfan- 
tement et mourut en donnant le jour à Ichabod (t. m, 
col. 803). I Reg., iv, 1-22. Le sacerdoce suprême resta 
«ncore dans la famille d'Héli jusqu'à la fin du règne de 
David, mais la seconde partie de la prophétie s'accom- 
plit au commencement du règne de Salomon, où le 
pontificat passa de la descendance d'Héli à Sadoc, qui 
était de la branche aaronique d'Éléazar. III Reg., îv, 4. 
Voir Héli 1, t. m, col. 569. 

2. OPHNI (hébreu : hâ-'Ofni, avec l'article; omis 
dans les Septante), ville de la tribu de Benjamin, men- 
tionnée une seule fois dans l'Écriture. Jos., xvm, 24. 
Elle est citée entre « le village d'Emona » (hébreu : 
Kéfar hâ'Ammôndi), qui est inconnu, et Gabée (hébreu.: 
Gâba'), bien identifié avec Djéba', un peu au sud-ouest 
de Mukhmas. Voir la carte de Benjamin, t. i, col. 1588. 
Plusieurs auteurs la reconnaissent volontiers dans 
Djifna, ou Djifnéh, au nord-ouest de Béthel. Cf. E. 
Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 
1856, t. il, p. 264, note 2; Mûhlau, dans Riehm's Hand- 
wôrterbuch des Biblischen Alterlums, Leipzig, 1884, 
t. Il, p. 1125. Il y aurait, d'après eux, correspondance 
assez exacte entre l'hébreu >;sy, 'Ofnî, e% l'arabe \.i ».->.. 

Djifna, le 7, 'aïn, se changeant parfois en T grec, 
comme dans hit, Azzâh, devenu VàÇa, Gaza, Jos., xv, 



47, et le T se changeant en djim, comme dans TaÇÉp, 
=jj^-, Djézer. Jos., x, 33. L'antique cité d'Ophni se 
retrouverait ainsi dans une ville importante de Judée, 
Fà^va, dont parle Josèphe, Ant. jud., XIV, xi, 2, et qui 
est aujourd'hui le village de Djifna. Cette explication 
n'est pas admise par d'autres. Gophna serait plutôt le 
représentant de «3915, Gufna' ou Gofna', ville popu- 

leuse dont il est question dans le Talmud. Cf. A. Neu- 
bauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 157. 
Eusèbe, Onomaslica sacra, Gcettingue, 1870, p. 300, 
cherchant, faussement d'ailleurs, à identifier la vallée 
d'Escol, Num., xm, 24, 25, avec celle de Gophna, dit 
que ce dernier nom signifie « vigne », ce qui nous 
ramène à l'hébreu fSî, géfén, et à l'araméen Gofna'. 

C'est donc de Gofna', et non de 'Ofnî, que dériverait le 
nom actuel de Djifna. Cf. G. Kampffmeyer, Alte Namen 
im heutigen Palâstina und Syrien, dans la Zeitschrift 
des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, 
p. 57-58. F. de Saulcy, Voyage en Terre-Sainte, Paris, 
1865, t. il, p. 222, fait valoir un autre argument en 
disant que Djifna rentre difficilement dans le territoire 
de Benjamin. Cette raison n'a pas grande force, car 
le point en question peut aisément être compris dans 
les limites de la tribu. L'identification d'Ophni avec 
Djifna reste donc possible, sans être certaine. Le vil- 
lage actuel est situé dans une vallée fertile, plantée de 
vignes, de figuiers, d'oliviers et d'abricotiers. Un certain 
nombre de maisons sont adossées à une colline et 
forment la partie haute du bourg. Il est alimenté d'eau 
par une excellente source, appelée 'Aïn Djifna, à 
laquelle on descend par plusieurs degrés. On y trouve 
les débris d'une ancienne église byzantine et les restes 
d'un vieux château, qui ne remonte peut-être pas au 
delà de l'époque des croisades. Cf. V. Guérin, Judée, 
t. m, p. 28. C'est là certainement l'emplacement de l'an- 
cienne Gophna, qui fut la capitale d'une des dix lo- 
parchies de la Judée. Cf. Pline, H. N., v, 15. Josèphe, 
Ant. jud., XIV, xi, 2, la met au nombre des plus puis- 
santes cités (5uva™xaTai) du pays; il en parle encore 
Ant. jud., XIV, xii, 2, 5; Bell, jud., II, xx, 4; V, n, 1; 
VI, n, 2. 3. A. Legendhe. 

OPHRA (hébreu : 'Ofrâ h; Septante: I" 'oçspâ; Alexan- 
drinus : Toçopâ), fils de Maonathi, de la tribu de Juda. 
I Par., iv, 14. Voir Maonathi, col. 704. — Dans le texfe 
hébreu, deux villes, l'une de Benjamin, Jos., xvm, 23; 
I Sam., xin, 17 Mich., 1, 10 (texte hébreu), Bêt le 'afrdh; 
l'autre de Manassé, Jud., vi, 11 ; vin, 27 ; ix, 5, portent 
le nom de 'Ofrâh, « gazelle ». La Vulgate appelle la 
première Ophera (voir Éphrem 1, t. H, col. 1885), dans 
Jos., xvn, 23; Èphra dans I Reg., xm, 17 (voir 
Éphra 2, t. il, col. 1872) ; Domus pulveris dans Mich., 
i, 10 (voir Aphrah, 1. 1, col. 735). Elle appelle la seconde 
Ephra. Voir Éphra 1, t. il, col. 1869. 

OPHTALMIE, maladie des yeux qui prive plus ou 
moins complètement de la vue. — 1° L'ophtalmie peut 
tenir à l'âge, qui affaiblit peu à peu la vue et parfois la 
supprime totalement. Cet affaiblissement est signalé 
chez Isaac, Uen., xxvn, 1; Jacob, Gen., xlviii, 10; Héli, 
le grand-prêtre, I Reg., m, 2; iv, 15; Ahias, le prophète, 
III Reg. , Xiv, 4, tandis que Moïse conserve jusqu'à la 
fin l'intégrité de ses yeux. Deut., xxxiv, 7. L'Ecclésiaste, 
xn, 3, remarque que, dans la vieillesse, « s'obscurcissent 
ceux qui regardent par les fenêtres, » c'est-à-dire les 
yeux. — 2° Il y a des ophtalmies qui tiennent à des 
causes pathologiques ou accidentelles. Lia avait les 
yeux malades. Gen., xxix, 17. Tobie, n, 11, devint 
aveugle par accident. Zacharie, xiv, 12, dit que les 
yeux des ennemis de Jérusalem pourriront dans leurs 
orbites. La Loi déclarait impropres au service du culte 
les lévites qui avaient une tache dans l'œil. Lev., xxi, 



1835 



OPHTALMIE — OR 



1836- 



20. Les ophtalmies. étaient fréquentes en Palestine par 
suite de la vivacité de la lumière, de la sécheresse du 
climat qui développait des poussières nuisibles, des 
mouches qui se posaient fréquemment autour des 
yeux et souvent du manque d'hygiène. Voir Aveugle, 
t. j, col. 1289; Mouche, t. rv, col. 1325. — Les animaux 
eux-mêmes sont atteints. Les yeux des onagres s'étei- 
gnent quand la sécheresse détruit la verdure. Jer., xiv, 
6. — 3° D'autres ophtalmies sont attribuées à des causes 
morales, comme le chagrin, Job, xvii, 7;Ps. xxxi(xxx), 
10.; xxxvni (xxxvii), 11; lxxxviii (lxxxvii),10; Lam., h, 
11, ou l'attente prolongée d'un bien qui ne vient pas. 
Ps. lxix, (lxviii), 4; cxix (cxvui), 82, 123; Is., xxxvni, 
14; Lam., IV, 17. — Sur les moyens de guérison de 
l'ophthalmie, voir Collyre, t. h, col. 842. 

H. Lesêtre. 

OPPROBRE (hébreu : hérpâh, 'érvâh, qâlôn; 
Septante : àffxitioinjvïi, ô'veiîoç, ôveiSîirjiiç; Vulgate : 
opprobrium, turpitudo), ce qui cause une grave honte 
à quelqu'un. L'opprobre peut provenir de différentes 
causes. 

1° L'indécence. — L'opprobre qui en résulte est 
caractérisé surtout par les mots 'érvâh, yi^aman, 
â(TX T lf- l0( ™ v *)> turpitudo. Gen., ix, 22, 23; Exod., xx, 26; 
xxvin, 42; Lev., xvm, 6-18; xx, 17-21; Is., xlvii, 2, 3; 
Ezech., xvi, 37; I Reg., xx, 30'; Apoc, xvi, 15; Rom., 
i, 27. 

2° La stérilité. — A la naissance de son fils Joseph, 
Rachel constate que Dieu lui a ôté son opprobre. Gen., 
xxx, 23. Elisabeth, mère de Jean-Baptiste, parle de 
même. Luc, i, 25. A l'époque du châtiment divin, sept 
femmes diront à un homme : Laisse-nous porter ton 
nom, ôte notre, opprobre. Is., iv, 1. 

3° L'humiliation. — A propos de la circoncision, 
Dieu dit à Josué qu'il a ôté à son peuple l'opprobre de 
l'Egypte. Jos., v, 9. Voir Circoncision, t. n, col. 776. 
Le défi de Goliath est un opprobre pour les Hébreux, 
I Reg., xvîi, 26; David le fera disparaître. Eccli., xlvu, 
4. Thamar est couverte d'opprobre par l'attentat de son 
frère Amnon. II Reg., xm, 13, Le Messie, pendant sa 
passion, sera l'opprobre des hommes et le rebut du 
peuple. Ps. xxii (xxi), 7. Saint Paul veut qu'un évêque 
soit considéré au dehors, afin de ne pas tomber dans 
l'opprobre. I Tim., m, 7. 

4° La défaite. — Naas l'Ammonite, croyant qu'il sera 
vainqueur, veut infliger l'opprobre à tout Israël. I Reg., 
xi, 2. Le roi de Babylone emmènera les Égyptiens 
captifs pour leur honte. Is., xx, 4. Les Israélites qui 
veulent se réfugier en Egypte seront couverts d'opprobre. 
Jer., xlii, 18. Les Édomites de Bosra seront un joui- 
un objet d'opprobre. Jer., xlix, 13. 

5° Les vices. — L'opprobre est le châtiment de l'in- 
sensé, Prov., ni, 35; du corrupteur, Prov., vi, 33; de 
l'indocile, Prov., xm, 18; de celui qui fréquente les 
méchants, Prov., xvm, 3; xxn, 10; du menteur, Eccli., 
xx, 26; de la race des impies, Eccli., xli, 9, 10; du père 
qui ne surveille pas sa fille, Eccli., xlii, 11; du fabri- 
cant d'idoles. Bar., vi, 47, etc. Les méchants seront 
confondus dans un opprobre éternel. Jer., xxm, 40. 
Les morts se réveilleront un jour, les uns pour la vie 
éternelle, les autres pour l'opprobre éternel. Dan., 
xii, 2. 

6° L'infidélité à Dieu. — Israël infidèle à Dieu, de- 
viendra l'opprobre des nations. Jer., xxiv, 9; xxix, 18; 
xliv, 8; Ezech., v, 14, 15; xxn, 4; Mich., vi, 16; Soph., 
ni, 18; Judith, v, 18; vu, -16. Lesauteurs sacrés deman- 
dent la délivrance de cet opprobre qui les avilit aux yeux 
des nations. Ps. xliv (xlih), 14; lxxix (lxxvhi), 4; 
Judith, iv, 10; Lam., v, 1; Jo., n, 17 19. Dieu exauce 
cette prière. Is., xxv, 8; liv,-4; Jer., xxxi, 19; Ezech., 
xxxiv, 29; xxxvi, 15, 30. Dieu a infligé autrefois aux 
ennemis d'Israël une honte éternelle. Ps. lxxvhi 
(lxxvii),86. 



7» La fidélité à Dieu. — Elle attire l'opprobre sui- 
tes bons de la part des méchants. Les amis de Job in- 
voquent son. opprobre pour le convaincre de crime. 
Job, xix, 5. Assez souvent, les Israélites fidèles subissent 
l'opprobre à cause de leur attachement à Dieu. Ps. 
lxix (lxviu), 8, 10; Jer., xv,15; xx, 8; cf. vi, 10; Dan., 
m, 33; ix, 16; II Esd., i, 3; n, 17. Au temps des- 
Machabées, les ennemis changent le sabbat en opprobre 
et souillent honteusement l'autel des holocaustes. 
I Mach., i, 41 ; iv, 45. Les premiers chrétiens furent 
aussi soumis à l'opprobre à cause de leur foi. Heb.,. 
x, 33. 

8° La méchanceté individuelle. — David subit l'op- 
probre de la part de Nabal. I Reg., xxv, 39. Le juste la 
souffre de la part de l'insensé. Ps. xxxix (xxxvm), 9;. 
cix (cviii), 25; cxix (cxvm), 39. Il ne doit pas s'en 
effrayer, car il n'en sera pas toujours ainsi. Is., li, 7; 
Lam,, m, 30. Sobna a été l'opprobre de la maison de 
son maître. Is., xxn, 18. L'homme de bien ne jette pas- 
l'opprobre sur son prochain. Ps. xv (xiv), 3. 

H. LESÈrnE. 

OR (Hébreu : zàhâb, harûs, kéfém ; chaldéen : dehab; 
Septante : -/putriov, xpunôc; Vulgate : aurum), métal pré- 
cieux, d'une brillante couleur jaune, très ductile, inal- 
térale à l'air, et n'entrant en fusion qu'à une tempéra- 
ture de 1200°, supérieure à la température de fusion» 
de l'argent et du cuivre. La Sainte Écriture mentionne 
l'or très souvent, à différents points de vue. 

I. Origine et traitement de l'or. — 1° Les auteurs 
sacrés assignent à l'or plusieurs lieux d'origine : Hevi- 
lath, Gen., n, 11, voir t. m, col. 689; Ophir, III Reg.,. 
ix, 26-28; II Par., vm, 17, 18; III Reg., xxn, 49, voir 
col. 1829; Ophaz, Jer., X, 9, probablement identique à 
Ophir, voir col. 1827; Tharsis, Is., lx,9: Jer., x, 9, voir 
Tharsis; Parvaïm, II Par., m, 6, voir Parvaïm ; l'Es- 
pagne, déjà désignée vraisemblablement par le nom de- 
Tharsis, I Mach., vin, 3, voir Argent, t. i, col. 945,. 
946; Espagne, t. n, col. 1951. Dans Job, xxxvn, 22, il 
est dit que « l'or vient du septentrion ». Telle était, en* 
effet, l'opinion des anciens. Cf. Hérodote, m, 116;. 
Pline, H. N., vi, 11 ; xxxni, 4 ; Frd. Delitzsch, Wolag- 
dos Parodies, Leipzig, 1881, p. 118. Les monts Altaï, 
« montagne d'or » en turc, dans l'Asie septentrionale,, 
sur les limites de la Sibérie et de la Mongolie, passaient 
pour la région aurifère par excellence. Les mines de 
l'Altaï ont toujours été célèbres ; l'or y abonde dans les- 
torrents qui se jettent dans l'Obi et le Jénisséï. « Veux- 
tu devenir riche, tourne-toi vers le nord, » disaient les 
Talmudistes, Bathra, 25 6. Cf. Frz. Delitzsch, Das- 
Buch lob, Leipzig, 1876, p. 489. L'or se trouve aussi 
assez abondamment dans l'Oural, qui, par rapport à la. 
région palestinienne, est dans le nord. 

2° L'or se présente sous trois aspects différents. — 

1. Dans les gîtes particuliers, il apparaît en grains ou; 
en cristaux au sein d'une gangue de quartz dont il faut 
le dégager par le broiement et ensuite la fonte. — 

2. Dans les dépôts métallifères, il est disséminé sous 
forme de menus cristaux ou de parcelles infimes au 
milieu des filons d'argent, de cuivre ou de fer pyri- 
teux. — 3. Enfin, dans les terrains d'alluvion et les 
sables de transport, qui fournissent la plus grande partie- 
de l'or utilisé, le métal affecte la forme de paillettes, 
de grains ou même de masses plus volumineuses appe- 
lées pépites. Cf. de Montessus, L'industrie de l'or, dans 
la Revue des questions scientifiques, Bruxelles, janv.. 
1906, p. 73-114. L'or arrivait aux Hébreux dans un état 
de pureté plus ou moins défectueux. Il fallait l'épurer 
par coupellation, au moyen du creuset. Voir Creuset,. 
t. h, col. 1116. Cf. Job, xxvin, 1, 6.. Cette opération 
devait être très usitée ; car les écrivains bibliques font 
de fréquentes allusions à l'épreuve du feu subie par 
l'or, comme symbole des épreuves imposées au juste- 
par la Providence afin de le perfectionner. Job, xxiu,. 



1837 



OR 



1838 



10 ; Prov., xvn, 3 ; xxvil, 21 ; Sap., ni, 6 ; Eccli., H, 5 ; 
Zach., xui, 9; Mal., m, 3; I Pet., i, 7. 

3° L'or prenait différents noms, qui avaient été pri- 
mitivement des qualificatifs, suivant l'état dans lequel il 
se présentait. Le zâhâb sâgûr, ou simplement le segnr, 
Job, xxvm, 15, est l'or pur, sans alliage, par opposition 
avec l'or à l'état vulgaire ou mélangé. Les versions tra- 
duisent ce mot par /puiriov <Tuyxex>Et<TiAévov, crjvxlstirrôv, 
•xaflapdv, aurum purissimum, purum, III Reg., VI, 20» 
21 ; vil, 49, 50 ; x, 21 ; II Par., iv, 20, 22 ; ix, 20 ; et dans 
Job, xxvm, 15, par <tuyx^si<t[i<>v, « enfermé, » et obrizum. 
Les participes grecs empruntés au verbe ^uyxiec'eiv, 
« enfermer, » traduisent littéralement sdgûr, participe 
du verbe sâgar, « enfermer. » L'or serait par excellence 
la chose qu'on enferme, la chose précieuse, quand il 
est pur. Quant au mot obrizum, dans le Targum 'ôbrîzin, 
il désigne en latin l'or qui a subi Yobrussa ou oëpu^ov, 
c'est-à^ire l'épuration. Cf. Pline, H. N., xxxm, 3, 9; 
Suétone, Ner., 44. — Le paz est l'or pur, et le zâhàb 
mûfazl'orêpnTé,56y.nLov,fulvumnimis,'munclissimurn. 
III Reg., x, 18; II Par., ix, 17. Il est à remarquer que 
trois fois paz est rendu par TouàÇiov, topazus, Ps. cxix 
(cxvm), 127, ou par X£8oç TÎjttoç, lapis pretiosus, Ps. xx 
(xix), 11 ; Prov., vin, 19, à cause de la similitude des 
mots. — Le zâhàb Sdh-ût, de Mhal, « frapper, » est l'or 
martelé, èixrôv, « ductile, » purissimum, probatum. 
III Reg., x, 16, 17 ; II Par., ix, 15, 16. 

4° L'or n'abondait pas en Chanaan à l'époque d'Abra- 
ham. Il n'est pas mentionné parmi les biens du patri- 
arche. Quand celui-ci veut acquérir la caverne de Mak- 
pelah, il en donne le prix en argent. Gen., xxm, 15, 
16. En Egypte, les descendants de Jacob se familiari- 
sèrent avec la vue et aussi, à l'occasion, avec la mani- 
pulation industrielle de l'or. Les Égyptiens recevaient 
primitivement le précieux métal, dont le nom nub, se 
retrouve constamment sur leurs monuments, de l'Ethio- 
pie septentrionale, appelée pour cette raison pays de 
Nub, c'est-à-dire de l'or, ou Nubie. Il y t avait des fonc- 
tionnaires qui rapportaient de là le « minerai d'or », et 
qui portaient les titres de « surveillant de la maison de 
l'or » et d' « intendant des pays de l'or ». Ce pays en 
effet renfermait les gisements aurifères les plus riches 
que l'Egypte ait connus. « L'or s'y trouve en pépites, 
dans des poches perdues au milieu du quartz blanc; il 
y est mêlé à des oxydes de fer et de titane dont les 
anciens n'ont point tiré parti. L'exploitation, commencée 
de temps immémorial par les Ouaouaiou qui habitaient 
la région, était des plus simples : on en rencontre par- 
tout la trace au flanc des ravins. Les galeries s'enfoncent 
à cinquante ou soixante mètres de profondeur en suivant 
la direction naturelle des filons. Le quartz détaché, on 
en jetait les débris dans des mortiers de granit, on les 
pilait, on pulvérisait ensuite les débris sur des meules 
analogues à celles qu'on employait pour broyer le grain, 
on triait les résidus sur des tables en pierre, puis on 
lavait le reste dans des sébiles en bois de sycomore, 
jusqu'à ce que les paillettes se fussent déposées. » Mas- 
pero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient clas- 
sique, Paris, 1895, t. i, p. 480. Cf. Agatharchide, dans 
Mûller-Didot, Geographi Grxci minores, 1. 1, p. 123-129; 
Diodore de Sicile, m, 12-14. Les Égyptiens n'avaient 
pas de colonies permanentes dans le pays de l'or ; njàîà,' 
presque chaque année, un détachement de troupes allait 
chercher le métal recueilli depuis le voyage précédent. 
D'autres expéditions se rendaient au Pouanît, sur la 
côte sud-ouest de la mer Rouge. Là, « les indigènes 
récoltaient l'or dans les terrains d'alluvion que le 
Tacazzé, le Nil Bleu et ses affluents arrosent. Leurs 
femmes s'occupaient à recueillir les pépites, qui sont 
souvent assez grosses ; elles les serraient dans de petits 
sachets en cuir, les échangeaient aux marchands contre 
les produits de l'industrie égyptienne, ou les livraient 
aux orfèvres pour en façonner des boucles d'oreilles, 



des anneaux de nez, des bagues, des bracelets d'une 
facture assez fine. L'or se trouve associé à plusieurs 
autres métaux, dont on ne savait pas le séparer; le plus 
pur avait une teinte jaune clair qu'on estimait par- 
dessus tout ; mais l'or allié à l'argent, dans la proportion 
de 80 p. 100, l'électrum, était encore recherché, et les 
ors grisâtres mêlés de platine servaient à fabriquer des 
bijoux communs. » Maspero, Histoire ancienne, t. i, 
p. 492; cf. Cailliaud, Voyage à Méroé, t. m, p. 16-19. 
Les rois d'Egypte employaient cet or pour le culte des 
dieux et pour la dotation de leurs serviteurs dévoués. II 
n'est pas étonnant qu'après son voyage en Egypte, 
Abraham soit devenu riche en or. Gen., xm, 2. Les 
princes de la XII e dynastie, ses contemporains, exploi- 
taient depuis longtemps la Nubie et le Pouanlt. L'exploita-' 
tion avait d'ailleurs commencé dès la V e et la VI e dynas- 
ties. Sous la XIX», il y eut une recrudescence d'activité 
dans les mines voisines de la mer Rouge. Séti I« r envoya 
des ingénieurs pour renouveler l'exploitation. On lit dans 
une inscription d'un temple de la région, celui du bourg 
de Radésiéh : «r Désormais nous pouvons cheminer en 
paix et atteindre vivants notre but ; maintenant que les 
sentiers difficiles sont ouverts et que la route est devenue 
bonne, on peut amener l'or, comme notre seigneur et 
maître nous l'a ordonné. » Cf. Chabas, Les inscriptions 
des mines d'or, in-4», Chalon-sur-Saône, 1862, p. 5-6. 
Des plans reproduisaient l'état des mines. Sur l'un 
d'eux, qui constitue la plus ancienne carte qui nous 
soit parvenue (fig. 488), les terrains sont peints en rouge 
vif, les montagnes en ocre sombre, les chemins mar- 
qués de pas indiquant la direction, tandis que des lé- 
gendes font connaître les noms locaux. Cf. Chabas, Les 
inscriptions des mines d'or, p. 30-32; Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6« édit., t.i, p. 472- 
474; t. n, p. 551-557. 

5° Les Egyptiens surent de bonne heure traiter l'or 
par des procédés variés. On ne recourait directement 
à la fusion que quand les objets à obtenir n'avaient 
qu'un faible volume. Par le martelage, on exécutait les 
reliefs désirés et l'on fabriquait les plaques destinées 
à recouvrir différents ouvrages de bois. L'or se prête 
aisément à ces transformations, grâce à. sa très grande 
ductilité et à sa faible dureté, inférieure à celles de 
l'argent et dû. cuivre. La nature des travaux importants 
exécutés au désert prouve que les ouvriers hébreux 
s'étaient initiés en Egypte à l'art de traiter l'or. « L'idée 
d'appliquer l'or et les métaux nobles sur le bronze, sur 
la pierre ou sur le bois, était déjà ancienne en Egypte, 
au temps de Khéops... Ils recouvraient d'or les portes des 
temples, le soubassement des murs, les bas-reliefs, les 
pyramidions d'obélisque, les obélisques entiers... 
C'étaient des lames forgées à grands coups de marteau 
sur l'enclume. Pour les objets de petite dimension, on 
se servait de pellicules, battues entre deux morceaux de 
parchemin. Le musée du Louvre possède un véritab'e 
livret de doreur, et les feuilles qu'il renferme sont aussi 
fines que celles des orfèvres allemands au siècle passé. 
On les fixait sur le bronze au moyen d'un mordant am- 
moniacal. S'il s'agissait de quelque statuette en bois, on 
commençait par coller une toile fine ou par déposer une 
mince couche de plâtre, et l'on appliquait l'or ou l'argent 
par-dessus ce premier enduit... Le bronze et le bois doré 
ne suffisaient pas [toujours aux dieux : c'était de l'or 
massif qu'il leur fallait et on leur en donnait le plus 
possible... La quantité de métal ainsi consacrée au ser- 
vice de la divinité était considérable. Si on y trouvait 
beaucoup de ligures hautes de quelques centimètres à 
peine, on en trouvait beaucoup aussi qui mesuraient 
trois coudées et plus. Il y en avait d'un seul métal, or 
ou argent; il y en avait qui étaient partie en 'or, partie 
en argent; il y en avait enfin qui se rapprochaient de 
la statuaire chryséléphanline des Grecs, et où l'or se 
combinait avec l'ivoire sculpté, avec l'ébène, avec les 



1839 



OR 



1840 



pierres précieuses. » Maspero, L'archéologie égyptienne, 
Paris, 1887, p. 296-299. En Egypte, on ne frappait ni mon- 
naies ni médailles. L'or pris en butin était donc fondu 
en lingots ou employé à fabriquer de la vaisselle et des 
bijoux. Voir t. H, fig. 387, col. 1075, la coupe d'or don- 
née par Thothmès III à l'un de ses officiers, Amenho- 
tep III, avait reçu d'un gouverneur d'Ethiopie un sur- 
tout en or (fig. 489), en partie reproduit, t. n, fig. 34, 
col. 91, et représentant la-cueillette des dattes dans un 
bois de palmiers, avec des hommes conduisant deux gi- 
rafes, d'autres qui implorent la pitié des soldats égyptiens 
et des prisonniers nègres. « La passion des métaux pré- 



Exod., xxxn, 4. Il est probable que les deux termes 
sont intervertis et qu'il faut traduire : (( Aaron façonna 
l'or au burin après avoir fait un veau à la fonte. » Les 
Septante traduisent : « Il les façonna au burin, ypaçiêi, 
et en fit un veau fondu. » La Vulgate rend différem- 
ment le texte : « Il le façonna par un travail du fusion, 
opère fusorio, et leur fit un veau de fonte, conflali- 
lem. » Les versions syriaque et chaldaïque rendent le 
mot hérét, qui ne se retrouve plus que dans Isaïe, vm, 
1 , avec le sens de « stylet », par des mots qui signifient 
« forme », c'est-à-dire moule dans lequel on coule le 
métal en fusion. C'est le sens reproduit équivalemment 











4S8. — Carte égyptienne des pays aurifères. D'après Chabas, Inscriptions des mines d'or, pi. n. 



cieux était poussée si loin sous les Ramessides, qu'on 
ne se contenta plus de les employer au service de la table. 
Ramsès II et Ramsès III avaient des trônes en or, non 
point plaqués sur bois, mais massifs et garnis de pierre- 
ries. » Maspero. L'archéologie égyptienne, p. 304. 

6° Dès l'époque du désert, on voit les Hébreux utiliser 
l'or en plaque, zâhâb niiqsâh, «. l'or tourné, » TopeuTov, 
ductile, pour la fabrication des chérubins de l'Arche, 
Exod., xxv, 18; xxxvii, 7, et du candélabre d'or. Exod., 
xxv, 31, 36; xxxvii, 17, 22; Num., vm, 4. Il est question 
de placages d'or à propos de l'Arche, Exod., xxv, 11,12; 
de la table des pains de proposition, Exod., xxv, 24, 28; 
des colonnes soutenant le rideau du Tabernacle, Exod., 
xxxvi, 38; des statues idolatriques. Is., xxx, 22; XL, 19; 
Bar., vi, 23; Hab., n, 19, etc. — Le premier travail exé- 
cuté par les ouvriers hébreux fut le veau d'or, pour la 
fabrication duquel les femmes et les enfants israélites 
sacrifièrent leurs boucles d'oreilles. On le façonna bahé- 
rét, « au burin, » et on fit un veau massékâh, « fondu. » 



par la Vulgate. Plus loin, Exod., xxxn, 20, il est dit 
que Moïse brûla le veau d'or, le broya pour le réduire 
en poudre et fit boire par les Israélites celte poudre 
mélangée à l'eau. C'était faire comprendre aux cou- 
pables que leur idole n'avait pas plus de valeur que le 
veau vivant qui sert de nourriture à l'homme. Pour 
expliquer que le veau d'or ait pu être réduit en poudre, 
plusieurs auteurs ont supposé qu'il était de bois plaqué 
d'or. Cf. Rosemmûller, In Exod., Leipzig, 1795, p. 627. 
Mais le texte se prête peu à cette explication, et d'ail- 
leurs la difficulté se réduit à une question de plus ou 
de moins, puisqu'il fallut pulvériser le placage d'or de 
même façon que la figure entière. Cf. Deut., ix, 21. Il 
ne peut être ici question de calcination, ou traitement 
du métal par le feu au contact de l'air, ayant pour effet 
de l'oxyder et de le réduire en poudre; l'or est un des 
rares métaux qui résistent à cette opération. Guénée, 
Lettres de quelques Juifs, Paris, 1821, 11 e édit., t. i, 
p. 304, oppose à Voltaire un procédé pour rendre l'or 



-1841 



OR 



1842 



potable. Si on fait fondre dans un creuset trois parties 
de sel de tartre et deux parties de soufre, une partie 
•d'or se fond parfaitement dans ce mélange. Le composé 
ainsi obtenu peut être ensuite pulvérisé et dilué dans 
une eau qui devient rougeâtre, a mauvais goût, mais 
peut se boire. Le sel de tartre est un dépôt produit 
par le vin. Il est de toute évidence que ce procédé n'a 
pu être employé par Moïse au désert. Encore moins 
pouvait-il connaître l'eau régale, composée d'acide sul- 
furique et d'acide chlorhydrique et dissolvant l'or. Ces 
moyens chimiques étaient alors totalement inconnus. 
Il ne peut donc s'agir que d'une pulvérisation méca- 
nique, ainsi que l'indique le verbe 'éko(, « broyer » 
comme dans un mortier. Deut, IX, 21. Chacun sait 
que, par un battage suffisant, l'or peut être réduit en 
feuilles minces facilement réductibles en poussière. Au 
désert, ni les pierres dures, ni les bras, ni le temps ne 
manquaient pour amener à l'état de poussière le veau 



c'est le Temple qui sanctifie l'or et, par conséquent, lui 
est supérieur. Matth., xxiii, 16, 17. Isaïe, II, 7; lx, 17, 
avait prédit qu'à l'époque de la restauration, le pays 
serait rempli d'or et d'argent, ce qui doit s'entendre 
dans le sens spirituel. — 2» A la guerre, l'or constituait 
un butin que le vainqueur s'appropriait avec soin. La 
loi mosaïque avait prévu le cas; l'or, ainsi que les autres 
métaux pris à la guerre, devaient être passés par le feu 
pour pouvoir être gardés légitimement par les Israé- 
lites. Num., xxxi, 22, 23. Exception était faite pour 
l'or provenant des idoles; il n'était pas permis de le 
conserver. Deut., vu, 25. L'or pris à Jéricho dut être 
consacré à Jéhovah, Jos., vi, 19, 24, sans doute comme 
prémices de la conquête du pays de Chanaan, et Achan 
paya de sa vie le détournement d'un lingot d'or qui 
l'avait tenté dans le butin. Jos., vu, 21. Après sa vic- 
toire sur les Madianites, Gédéon réclama pour sa part 
de butin les anneaux d'or pris sur l'ennemi, et il y en 










o 


o 





0. 


O 


o 


o 


o 


o 


O 


o 


o 









m 

le 



Iffflïir 1 



^smmm/r 



HïWCTJMg 



o 


o 


o 


o 


o 


ô 


o 


o 





o 


o 


o 


o 


o 


o 


Q 









— Surtout en or. Tombeau de Houi. D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. nr, Blatt. 118. 



d'or, quel qu'ait été son volume. — Sur la valeur rela- 
tive de l'or, voir Argent, t. i, col. 946. 

II. L'OR OBJET DE POSSESSION ET DE CONQUÊTE. — 

1» L'or, que ses qualités rendent si précieux, a toujours 
été regardé par les hommes comme un élément de 
richesse, à raison de la possibilité qu'il ménage de 
pouvoir se procurer par l'échange toutes sortes d'objets 
utiles. Il est parlé de la richesse en or d'Abraham, Gen., 
xiii, 2; xxiv, 35; de Joseph, Gen., xliv, 8; des Israé- 
lites, s'ils restent fidèles à Dieu, Deut., vm, 13; Jos., 
xxn, 8; des princes en général, Job, m, 15; des rois 
d'Israël, auxquels il est recommandé de n'avoir pas 
trop d'or, Deut., xvii, 17; de Salomon, Eccle., il, .8, 
qui a amassé l'or comme l'étain, Eccli,, xlvii, 20; 
d'Ézéchias, qui mit une vaine complaisance à montrer 
ses trésors, IV Reg., xx, 13; II Par., xxxii, 27;, Is., 
xxxix, 2; des rois de Tyr, Ezech., xxvm, 4, ville dans 
laquelle l'or est commun comme la boue des rues, Zach., 
ix, 3; cf. Is., xiii, 12; de Ptolémée, fils d'Abobus. 
I Mach., xvi, 11, etc. Il y avait beaucoup d'or dans le 
temple d'Élymaïde, I Mach., vi 1, et surtout dans le 
Temple de Jérusalem. II Mach., m, 11. Les Juifs avaient 
tant d'estime pour cet or de leur sanctuaire que, d'après 
eux, le serment fait par cet or liait, tandis que le. ser- 
ment fait par le Temple lui-même ne comptait pas. 
Notre-Seigneur leur fit honte en leur rappelant que 



eut un poids de dix sept cents sicles. Gédéon employa 
cet or à se faire un éphod. Jud., vin, 24-27. A Rabbath, 
David s'empara de la couronne d'or du roi des Ammo- 
nites; elle pesait un talent. II Reg-, xii, 30. Benadad, 
roi de Syrie, se promettait de mettre la main sur l'or 
et l'argent d'Achab, roi d'Israël; mais il fut vaincu par 
ce dernier. III Reg., xx, 3, 7. L'or se trouvait dans le 
butin laissé par les Syriens devant Samarie, IV Reg., 
vu, 8; dans le pillage que Joas, roi d'Israël, exerça à 
Jérusalem, IV Reg., xiv, 14; II Par., xxv, 24; dans le 
butin de Judith sur Holoferne, Judith, xv, 14; dans le 
pillage des idoles par les voleurs, Bar., vi, 57. Les pro- 
phètes annoncent que l'or sera pris ou convoité par 
Gog, Ezech., xxxvin, 13; par les ennemis de l'Egypte, 
Dan., xi, 8, 43; les Phéniciens et les Philistins, Jo., 
ni, 5; les conquérants de Ninive, Nah., H, 9, et les 
Israélites triomphants de leurs voisins. Zach., xiv, 14. 
Antiochus s'empara de tout ce qu'il y avait d'or à Jéru- 
salem. I Mach., i, 24. Judas enleva beaucoup d'or et 
d'argent aux troupes de Gorgias. I Mach., iv, 23. Lysi- 
maque et Ménélas pillaient les vases d'or de Jérusalem. 
II Mach., iv, 39. — 3° D'autres fois, il fallait donner de 
l'or aux ennemis pour se débarrasser d'eux. Asa, roi 
de Juda, livre à Bénadad, roi de Syrie, tout ce qu'il yji 
d'or dans son palais et dans le Temple. III Reg., xv, 
18, 19; II Par., xvi, 2, 3. Achaz agit de même pour se 



1843 



OR 



1844 



ménager les bonnes grâces de Téglathphalasar, roi 
d'Assyrie. IV Reg., xvi, 8. Ézéchias livre à Sennachérib 
une partie de son or et de celui du Temple. IV Reg., 
xviil, 14, 16. Joachaz est obligé de payer à Néchao, roi 
d'Egypte, une forte contribution d'or. IV Reg., xxm, 
33, 35; II Par., xxxvi, 3. — 4° Une préoccupation con- 
traire se manifeste en quelques rares circonstances. Les 
Gabaonites, au temps de David, assurent qu'ils ne dis- 
putent pas pour de l'or ou de l'argent, II Reg., xxi, 4; 
Isaîe, xm, 17, dit que les Mèdes ne font pas cas de 
l'argent et ne convoitent pas For, pour signifier que 
Babylone, menacée par eux, ne pourra les éloigner en 
leur payant une rançon. — 5» Notre-Seigneur recom- 
mande à ses apôtres de ne prendre avec eux ni Or ni 
argent, Matth., x, 9, pour marquer que les richesses ne 
doivent pas compter parmi leurs moyens d'action. Saint 
Pierre n'avait ni or ni argent, Act., m, 6, et saint Paul 
ne convoitait l'or de personne. Act., xx, 33. 

III. L'or employé dans le culte mosaïque. — 1° « A 
moi est l'argent, à moi est l'or, ditJéhovah des armées. >> 
Agg., Il, 9. Il était donc naturel que l'or fût employé à 
son service, pour donner aux Hébreux une haute idée 
de son culte et leur montrer que la majesté de Jéhovah 
ne le cédait en rien à celle des dieux de l'Egypte et de 
la Chaldée. Suivant les prescriptions de Dieu même, 
Exod., xxv-xxx, l'or fut largement utilisé dans le mo- 
bilier sacré du Tabernacle. Les Israélites furent d'abord 
invités à en apporter dans ce but. Exod., xxxv, 5, 22. 
Béséléel fut rempli de l'esprit de Dieu pour le travailler, 
Exod., xxxv, 32, et les offrandes furent si abondantes 
qu'on fut obligé de les arrêter. Exod., xxxvi, 6. On fit 
en or le placage des planches et des traverses du Taber- 
nacle et les anneaux des barres, Exod., xxxvi, 34, 36, 
38; le revêtement intérieur et extérieur de l'Arche, 
toute sa garniture, le propitiatoire et les chérubins, le 
revêtement de la table des pains et tous ses accessoires, 
le chandelier et ses ornements, le revêtement de l'au- 
tel des parfums et ses accessoires. Exod., xxxvn, 2-28. 
L'or employé à ces différents ouvrages se monta à vingt- 
neuf talents et sept cent trente sicles. Exod., xxxvm, 
24. Cette quantité représente, d'après une appréciation 
probable, 1243 kilogrammes 823 grammes d'or, qui vau- 
draient aujourd'hui 4284304 francs. D'après de Hum- 
melauer, In Exod., Paris, 1897, p. 348, la valeur ne 
serait que de 3855 733 francs. L'or fut encore employé 
pour l'éphod du grand-prêtre, la ceinture, le pectoral et 
leurs accessoires, ainsi que la lame ou diadème. 
Exod., xxxix, 2-30. — Dans les temples idolâtriques de 
l'époque, l'or était employé avec une prodigalité bien 
plus grande encore. Il est accumulé aujourd'hui dans 
les temples de l'Inde, sous toutes sortes de formes, 
dans des proportions qui défient l'évaluation. Cf. P. Loti, 
L'Inde, Paris, s. ÙV, p. 204-208, 430-432. Par son éclat 
et ses autres qualités, l'or symbolisait chez les Hébreux 
la lumière divine avec sa pureté et sa majesté ; il était 
comme une image visible des attributs de Jéhovah. Cf. 
Bâhr, Symbolik des niosaischen Cultw, Heidelberg, 
1837, t. i, p. 256-261, 281-283. - 2» Dans le Temple de 
Salomon, des placages d'or à profusion ornaient la cons- 
truction elle-même et son mobilier. III Reg., vi, 20-35. 
Hiram fabriqua en or l'autel des parfums, la table des 
pains, les chandeliers, les bassins et la plus grande 
partie des ustensiles. III Reg., vu, 48-50. David avait 
préparé les modèles de tous ces objets et laissé l'or 
nécessaire à leur fabrication. I Par., xxn, 14; xxvm, 
14-18. Il avait amassé dans ce but 100000 talents d'or, 
somme qui représenterait aujourd'hui plus de 14 mil- 
liards. I Par., xxii, 14. Le chiffre a évidemment souf- 
fert dans les transcriptions. Une pareille quantité d'or 
est sans proportion avec les autres évaluations mention- 
nées à cette époque. Ainsi, sur son propre trésor, David 
avait donné pour le Temple 3000 talents d'or, et les 
princes d'Israël 5000 talents. I Par., xxix, 4, 7. La flotte 



de Salomon ne rapporta d'Ophir la première fois que 
420 talents d'or, et les autres années 666 talents. 
III Reg., ix, 28; x, 14. Plus tard, il est vrai, à en croire 
les historiens, Alexandre aurait trouvé à Ecbatane 
120000 quintaux (12000000 de livres) d'or, à Persépolis 
120000 talents d'or, 50000 à Suse, etc. Cf. Diodore de 
Sicile, xvi,57; Quinte Curce, 5,6, 9;Pline,.fl.A T ., xxvii, 

3. Mais il s'agissait là de cités appartenant à des empires 
qui avaient fait de nombreuses guerres de conquêtes. 
D'ailleurs, la valeur du talent d'or n'est pas détermi- 
née avec une suffisante précision. Il n'en est pas moins 
certain que le Temple de Salomon était extraordinaire- 
ment riche en ustensiles, en meubles et en ornements 
d'or. — 3° Au retour de la captivité, les Israélites rap- 
portèrent avec eux pour le temple 5400 objets d'or et 
d'argent. I Esd., i, 4. Les chefs de familles offrirent 
pour la construction 61 000 dariques d'or, soit plus de 
1800000 francs. I Esd., n, 69. Artaxerxès et les grands 
de Babylone firent d'autres offrandes d'or pour le Temple. 
I Esd., vu, 15-18. Esdras put remettre ainsi 100 ta- 
lents d'or et vingt coupes d'or valant mille dariques. 
I Esd., vin, 26, 27, 32-34. Des offrandes volontaires 
montèrent encore à 41000 dariques d'or. II Esd., vu, 
70-72. — 4° Le Temple d'Hérode avait neuf portes toutes 
plaquées d'or et d'argent. Josèphe, Bell.jud., V, v,3. A 
l'intérieur, tout était éclatant d'or, la porte du parvis, 
ses lambris, et la vigne d'or qui la surmontait. Ibid., 

4. La toiture était faite de pesantes lames d'or, qui tran- 
chaient sur la blancheur du marbre et brillaient au 
soleil. Des tiges d'or empêchaient les oiseaux de se 
poser sur cette toiture. Jbid., 6. Après la prise de Jé- 
rusalem, on vit paraître à Rome, pour le triomphe de 
Vespasien et de Titus, la table d'or, qui pesait plusieurs 
talents, et le chandelier d'or, lbid., VII, v, 5. 

IV. L'or employé dans les cultes idolâtriques. — 
1° Chez les Hébreux, la Loi défendait expressément de 
faire des dieux d'argent et d'or. Exod., xx» 23. Cette loi 
n'était pas encore promulguée quand Aaron fabriqua 
le veau d'or, pour satisfaire les désirs du peuple. 
Exod., xxxn, 4, 24, 31. Plus tard, Jéroboam fit deux 
veaux d'or qu'il plaça l'un à Béthel, l'autre à Dan, aux 
deux extrémités de son royaume schismatique, pour 
détourner les Israélites- de se rendre à Jérusalem. 
III Reg., xii, 28; Tob., i, 5. — 2" Les idolâtres offraient 
de l'or à leurs dieux, Dan., xi, 38; Ose., Il, 8, et se fabri- 
quaient des idoles d'or et d'argent dont les écrivains 
sacrés font fréquemment mention avec moquerie. 
Deut., xxix, 17; Ps. cxiv (cxm), 4; cxxxv (cxxxiv), 15; 
Sap., xm, 10; Is., n, 20; xxxi, 7; xlvi, 6; Jer., x, 4,9; 
Bar., vi, 3, 8, 9; Ezech., xvi,17; Ose., vul, 4; Act., xvn, 
29, etc. En renvoyant l'Arche, les Philistins offrirent en 
ex-voto au Dieu d'Israël cinq tumeurs d'or et cinq sou- 
ris d'or. I Reg., vi, 5. Dans leur pensée, ces présents ne 
s'adressaient qu'au Dieu d'Israël, qui n'était pas pour 
eux le vrai Dieu, mais simplement un dieu particulier 
protégeant le peuple qui l'invoquait. — 3" Il faut encore 
ranger parmi les œuvres idolâtriques la statue d'or, que 
le roi Nabuchodonosor fit dresser dans la plaine de 
Doura et qu'il commanda à ses sujets d'adorer. Dan., m, 
1-6. La statue avait soixante coudées (environ trente 
mètres) de haut et six (trois mètres) de large. Il est de 
toute évidence qu'en appelant ce colosse « statue d'or », 
Daniel ne songe pas à une statue d'or massif. Hérodote, 
î, 183, mentionne, dans le grand temple de Babylone, 
une statue d'or représentant le dieu assis, et près d'elle 
une table, un trône et un marchepied en or, le tout 
valant 800 talents d'or (environ 60588000 francs d'au- 
jourd'hui, d'après la valeur du talent euboïque employé 
par l'historien). Il parle ensuite d'un autel d'or, puis d'une 
statue d'or massif de douze coudées de haut.' Mais rien 
n'oblige à admettre que la statue de soixante coudées 
ressemblât à cette dernière. Les écrivains sacrés, se 
conformant d'ailleurs en cela au langage courant, appel- 



1845 



OR 



ORACLE 



1846 



lent objets d'or des objets qui ne sont que plaqués d'or. 
Ainsi l'autel des parfums, qui est en bois couvert de lames 
d'or, est appelé «autel d'or ». Exod., xxxvn, 25; XL, 5, 
26. Il est donc légitime de penser que la statue de 
Nabuchodonosor n'était qu'une statue d'argile étayée 
avec du bois et plaquée d'or, comme celles dont parle 
Isaïe, xl, 19, 20. Mais, même en cet état, elle représen- 
tait encore une valeur énorme. « Ces statues colossales 
d'or étaient tout à fait dans les usages babyloniens. Dio- 
dore de Sicile, h, 9, décrit, avec des détails d'une pré- 
cision qui ne peut s'expliquer que provenant d'un do- 
cument réel, et en conformité avec les règles de la 
représentation des divinités chaldéo-babyloniennes, les 
trois statues qui, jusqu'au pillage de Xerxès, couron- 
naient la pyramide de Babylone, Ê-saggadhou, et qui, 
avec les autels placés devant et les autres accessoires, 
formaient une masse d'or de 5850 talents, 143559 kilo- 
grammes, c'est-à-dire en poids 430 millions677 000 francs 
de notre monnaie... Sous Nabuchodonosor, la masse 
de métaux précieux que le pillage d'une grande partie 
de l'Asie antérieure avait fait affluer à Babylone, et que 
le roi, d'après le témoignage de Bérose, Iragm., 14, 
employa pour la décoration des édifices sacrés, dépasse 
l'imagination, d'après les documents les plus authen- 
tiques. Prenons, par exemple, la grande inscription de 
la Compagnie des Indes, où ce monarque a raconté 
une partie de ses travaux dans sa capitale. H. Rawlin- 
son, Cun. Insc. W. A., t. i, pi. 53-58. Nous y voyons 
qu'il a fait plaquer « en or pur d'un poids immense » 
un autel monumental transporté par ses soins devant 
la pyramide de Babylone, et revêtir intérieurement 
« d'or battu au marteau, brillaDt comme le levant et le 
couchant », fout le sanctuaire supérieur de la pyramide 
de Borsippa. C'est dans ce sanctuaire qu'Hérodote 
vit lui-même les objets d'or dont il parle plus haut. 
« L'érection de la statue d'or, au chapitre m de Daniel, 
devient un fait parfaitement vraisemblable au milieu de 
tous ces autres faits. Il a pleinement le cachet de 
l'époque. » Fr. Lenormant, La divination et la science 
des présages chez les Chaldéens, Paris, 1875, p. 192- 
196. Cf. Fabre d'Envieu, Le livre du prophète Daniel, 
Paris, 1890, t. h, 1« part., p. 215-222; "Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6> édit.,t. iv, p.297- 
304. Il n'est pas impossible que l'or emporté de Jérusa- 
lem ait contribué à l'érection de la statue. Les Talmu- 
distes prétendent même que, en accomplissement d'une 
prophétie d'Ézéchiel, vu, 19, l'or provenant du Temple 
fut placé tout à fait à la base. Mais c'est là une alléga- 
tion fantaisiste. 

V. L'OR DONNÉ EN PRÉSENT OU EN PAIEMENT. — L'or 

est souvent offert en hommage à quelqu'un que l'on ré- 
vère, que l'on craint ou dont on attend quelque avan- 
tage. II Par., tx, 24; Ps. lxxh (lxxi), 15; Is., lx, 6; 
I Mach., x, 60; xi, 24; xv, 26, etc. C'est l'un des trois 
présents des mages à Notre-Seigneur. Matth., il, 11. — 
2° On l'offre ou on le donne à quelqu'un pour qu'il 
accomplisse une chose que l'on désire, Num., xxn, 18; 
xxiv, 13; pour le doter, II Par., xxi, 3; pour payer un 
achat. I Par., xxi, 25; Ezech., xxv», 22; I Mach., m, 
41, etc. A leur sortie d'Egypte, les Hébreux emportèrent 
avec eux des objets d'or et d'argent mis entre leurs 
mains par les Égyptiens. Exod., m, 22; xi, 2; xii,jS5; 
Ps. cv (Civ), 37. Ces objets constituaient une légitime 
rémunération des travaux exécutés par eux au bénéfice 
de leurs oppresseurs. Voir Emprunt, t. n, col. 1765. — 
3° L'or ne peut pourtant racheter de la colère de Dieu. 
Ezech., vu, 19; Soph., i, 18. Ce n'est pas par l'or, mais 
par le sang de Jésus-Christ que les fidèles ont été ra- 
chetés. I Pet., i, 18. — Sur l'or employé dans les mon- 
naies, voir Monnaie, col. 1234. 

VI. L'or dans l'usage domestiote. — 1» Salomon le 
premier, parmi les Israélites, employa l'or en grande 
quantité dans l'ameublement de ses palais. De son temps, 



est-il dit hyperboliquement, « l'or étaifcommun comme 
les pierres à Jérusalem. » II Par., i, 15. Il se fit faire 
un trône d'ivoire couvert d'or pur avec un marchepied 
d'or, III Reg., x, 18; II Par., IX, 17, 18; cinq cents bou- 
cliers d'or, dont deux cents grands et trois cents^petits, 
III Reg., x, 16, 17; II Par., ix, 15, 16, et toute une vais- 
selle d'or pour la maison du Bois-Liban. III Reg., x, 
21; II Par., ix, 20. Les boucliers furent bientôt après 
pillés par Sésac, roi d'Egypte, III Reg., xjv, 26; II Par., 
XII, 9, et plus tard, r tout ce qui restait de l'or accumulé 
par Salomon dans ses palais et dans le Temple devint la 
proie de Nabuchodonosor et des Chaldéens. IV Reg., 
xxiv, 13; xxv, 15. — 2° Les auteurs sacrés mentionnent 
encore un grand nombre d'objets servant au luxe, à la 
parure, à différents usages, et dans la confection ou la 
composition desquels entre l'or : des anneaux, Jud., 
vin, 24, 26; Prov., xi, 22; des couronnes, II Reg., xn, 
30; Esth., vin, 15; I Mach., x, 20; Apoc, xiv, 14; des 
colliers, Gen., xli, 42; des boucles d'oreilles, Gen.,xxiv, 
22; Exod., xxxn, 2; Job, xlh, 11; des bijoux, Gen., 
xxiv, 53; Prov., xxv, 11; Ezech., xvi, 13; I Mach., h, 
18; des ceintures, Dan., x, 5; Apoc, xv, 16; des vête- 
ments tissés d'or, Esth., xv, 9; II Mach., v, 2; de la 
vaisselle, I Mach., xv, 32; des coupes, Esth., i, 7; 
I Mach., xi, 58; des lits, Esth., i, 6; des pavillons tissus 
d'or et de pourpre, Judith, x, 19; des sceptres, Esth., 
iv, 11 ; des chandeliers, Apoc, i, 12, 13; des encensoirs. 
Heb., ix, 4; Apoc, vin, 3, etc. — 3° Daniel, n, 32, 35, 
45, parle d'une statue à tête d'or vue en songe par Na- 
buchodonosor. Zacharie, IV, 12, voit dans une vision un 
entonnoir d'or d'où l'or découle, etc. — 4" Saint Paul 
ne veut pas que l'or ligure dans la parure des chrétiens. 
I Tim., n,9. Saint Pierre faifla même recommandation. 
I Pet., m, 3. 

VII. L'or au point de vue moral. — 1° Malgré la va- 
leur de l'or, il y a des biens d'un ordre très supérieur : 
la loi de Dieu, Ps. xix (xviii), 11 ; cxix (cxvm), 72, 127; 
la sagesse, Job, xxvm, 15; Prov., vin, 10, 19; xvi, 16; 
xx, 15; xxn, 1; Sap., vu, 9; Eccli, xl, 25; Bar., m, 30; 
l'aumône, Tob., xn, 8; l'assistance du prochain, Eccli., 
xxix, 14; l'épouse vertueuse, Eccli., vn, 21 ; l'ami, Eccli., 
vu, 20; et même la santé. Eccli., xxx, 15. — 2" On com- 
pare aussi à l'or la sagesse, Prov., iu, 14; l'instruction, 
Eecli., xxi, 24; la musique dans un festin, Eccli., xxxu, 

7, 8; la tête du bien-aimé, Cant., v, 11; le grand-prêtre 
Simon. Eccli., l, 10. Les fils de Jérusalem pris par les 
Chaldéens sont assimilés à l'or, mais à l'or terni. Lam., 
iv, 1,2. Il faut garder ses paroles comme on garde son 
or, c'est-à-dire les surveiller de très près. Eccli., xxvm, 
29. L'or avec lequel on bâtit l'édifice spirituel au-dessus 
du fondement, qui est Jésus-Christ, représente les 
œuvres les plus excellentes de la vie chrétienne. I Cor., 
m, 12. — 3° L'or exerce une fascination dont le serviteur 
de Dieu doit se défier. Il perd beaucoup de personnes 
et même des rois. Eccli., vin, 3. Celui qui l'aime se 
défend difficilement du péché. Eccli., xxxi, 5-8. Il en 
est qui mettent leur confiance dans l'or. Bar., m, 18. 
Job, xxxi, 24, agissait tout autrement. Cf. Eccli, xxxi, 

8. L'or des riches se rouille, c'est-à-dire se perd et ne 
les suit pas dans l'autre vie. Jacob., v, 3. Cependant, il 
y a une acquisition légitime de l'or, et l'instruction le 
procure en abondance. Eccli., li, 36. — Voir Avarice, 
t. i, col. 1285; Richesse. H. Lesêtre. 

ORACLE (hébreu : debîr.; Septante : tô ôaët'p; Vul- 
gate : oraculum), le lieu du sanctuaire dans lequel 
Jéhovah se faisait entendre à Moïse et ensuite au 
grand-prêtre. — A proprement parler, Jéhovah faisait 
entendre sa voix entre les chérubins placés sur le 
propitiatoire de l'Arche. Exod., xxv, 22; xxx, 6. L'Arche 
elle-même était placée dans le debîr, petit sanctuaire 
qui occupait la partie la plus retirée du Tabernacle et 
ensuite du Temple. Les Septante se contentent de 



1847 



ORACLE — ORAGE 



1848 



rendre phonétiquement le mot hébreu, comme repré- 
sentant une chose qui n'avait pas son équivalent chez 
les Grecs. Aquila et Symmaque le traduisent par -/pinot- 
TioTTipiov, « résidence d'un oracle. » Cf. Diodore de 
Sicile, i, 1. Saint Jérôme le rend dans la Vulgate par 
oraculum. Ailleurs, In Epist. ad Ephes., I, t. xxvi, 
col. 476, il dit que debîr serait traduit plus exactement 
par ><x).ï|riipiov, loculorium, que notre mot « parloir » 
rendrait littéralement. Saint Jérôme fait venir debîr 
du verbe ddbar, « parler. » C'est pourquoi, à propos du 
propitiatoire, il ajoute « c'est-à-dire l'oracle », Exod., 
xxxvu, 6, ou appelle directement « oracle » le propitia- 
toire. Exod., xxv, 18, 20; XL, 18; Lev., xvi, 2; etc. Là 
où l'hébreu dit « parler avec Jéhovah » il traduit « con- 
sulter l'oracle ». Num., vu, 89; II Reg., xxi, 1. Le saint 
docteur s'exprimait ainsi pour donner aux lecteurs de 
)a Bible quelque idée de ce qui se passait auprès de 
l'Arche, en rapprochant ce phénomène divinement sur- 
naturel de Yoraculum idolâtrique. Cf. Cicéron, De 
divinat., I, 19. Mais il est loin d'être certain que debîr 
emprunte au verbe ddbar le sens de parole. La même 
racine, en arabe et en syriaque, a aussi le sens d' « être 
en arrière », et dans les lettres de Tell-el-Amarna, l'as- 
syrien dubburu veut dire « repousser, chasser ». Le 
debîr serait donc simplement la « partie postérieure », 
l'arrière du Temple. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 318; 
Buhl, Gesenius' Handwôrterb., p. 166. C'est là du reste 
ce qui ressort clairement de l'identification faite par le 
texte sacré entre debîr hab-bâyît, « l'arrière de la 
maison, » et qodés haq-qôddsîm, « le Saint des saints. » 
III Reg., vin, 6. Là encore saint Jérôme traduit l'hébreu 
debîr hab-bâîf par « l'oracle de la maison ». En réalité, 
il y avait entre le debîr et le propitiatoire ou oracle 
proprement dit la différence qui sépare le contenant du 
contenu. "Voir Propitiatoire. — Le debîr du Tabernacle 
avait dix coudées dans tous les sens, Exod., xxvi, 22; 
cf. Josèphe, Ant. jud., III, vi, 4, et celui du Temple de 
Salomon vingt coudées. II Par., in, 8. Il ne contenait 
absolument que l'Arche et était fermé par un voile, 
en avant duquel on plaçait la table des pains de propo- 
sition, le chandelier et l'autel des parfums. Exod., xxvi, 
33-35. Le grand-prêtre ne pénétrait à l'intérieur qu'une 
fois l'an, à l'occasion de la fête des Expiations. Num., 
xvi, 13; Heb., ix, 17. Mais il s'agit ici d'une cérémonie 
solennelle. Le grand-prêtre et les prêtres entraient dans 
le Saint des saints quand il y avait nécessité, comme, 
par exemple, pour l'entretien du lieu, le soin de l'Arche, 
etc. Le second Temple ne possédait plus l'Arche 
d'alliance; le debîr était donc vide. Pompée y pénélra 
après la prise de Jérusalem, « d'où l'information qu'il 
n'y avait à l'intérienr aucune image de dieux, mais un 
emplacement vide et de vains mystères. » Tacite, Rist., 
v, 9. Quand Titus entra dans le Temple à son tour, il 
ne put que jeter un rapide regard sur le Saint, tô «yiov, 
et les objets qui s'y trouvaient; il n'est pas dit qu'il se 
«oitavancéjusqu'au Saint des saints. Josèphe, Bell, jud., 
VI, iv, 7. A la place de l'Arche, il y avait seulement 
dans le debîr une pierre appelée 'èbên Hfîyâh, « pierre 
de position, » qui s'élevait de trois doigts au-dessus du 
sol. Yonia, v, 2. Les Musulmans prétendent que cette 
pierre est conservée dans la mosquée d'Omar, appelée 
pour cetle raison El-Qoubbet es-Sakrah, « coupole du 
rocher. » Cf. Chauvet-Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 
1890, p. 278. Ce rocher, qui occupe presque toute la 
surface située sons la coupole, n'est autre chose que le 
sommet du mont Moriah, et servait probablement de 
base à l'autel des holocaustes. Cf. V. Guérin, Jérusalem, 
Paris, 1889, p. 368; Reland, Antiquitates sacras, Utrecht, 
1741, p. 26, 39, 63; C. lken, Antiquitates hebraicai, 
Brème, 1741, p. 56. Voir Temï>le. — Dans Ézéchiel, xxi, 
23, la Vulgate emploie le mot « oracle » dans un passage 
où il n'est question que de divination. Voir t. n, col. 1444. 
— Pour l'oracle de Béelzébuh, IV Reg., i, 2-3, voir 



Béelzébub, t. i, col. 1547. — L'Écriture condamne la 
consultation des oracles idolâtriques. Ose., IV, 12; 
Hab., n, 119 ; Sap., un, 17. H. Lesëtre. 

ORAGE (hébreu : galgal, sôfdh, sa'ar, s'ârâh, 
sd'âvdh, sô'âh; Septante : xaïaiyii;, (rudasiapiô;, ^Eijjitiv ; 
Vulgate : procella, lempestas, turbo), perturbation 
atmosphérique, accompagnée de grand vent, de pluie, 
de grêle, d'éclairs et de tonnerre, ou seulement de 
quelques-uns de ces phénomènes. L'orage a son siège 
dans des nuées épaisses amenées par un vent fort, que 
l'auteur de Job, xxxvii, 10, appelle niimafêl, « souffle 
de Dieu, » itvoî| 'Iaxup°û> fiante Deo. Voir Vent. 

1" Les orages en Palestine. — 1. D'avril à novembre, 
il ne pleut pour ainsi dire jamais en Palestine; il est 
même très rare, durant cette période, que quelques 
nuages apparaissent dans le ciel. En hiver, pendant la 
saison des pluies, de novembre à la fin de mars, les 
orages ne sont pas rares; en dehors de cette saison, ils 
sont inconnus. Aussi les Israélites regardent-ils comme 
une merveille que Samuel ait pu obtenir la production 
d'un orage pendant la moisson des blés, c'est-à-dire en 
avril ou en mai. I Reg., xn, 17, 18. Ce sont les vents 
d'ouest qui amènent la pluie en Palestine; des orages 
éclatent soit quand ces vents se rencontrent avec des 
vents opposés, soit quand l'air chaud et humide s'élève 
dans les hauteurs de l'atmosphère et s'y condense. 
Quelques fois l'orage a son contre-coup sur des régions 
qui ne l'ont pas subi. L'eau déversée en abondance par 
les nuées orageuses roule torrentiellement dans les 
vallées et peut aller causer des désastres à une assez 
grande distance. Voir Inondation, t. ni, col. 883. — 
2. Les auteurs sacrés parlent assez souvent des orages 
et énumèrent les différents phénomènes qui les com- 
posent. David décrit ainsi un orage, dont il fait l'accom- 
pagnement d'une théophanie. C'est Jéhovah qui se ma- 
nifeste : 

11 incline les deux et descend ; 

Un nuage sombre est sous ses pieds. 

Porté sur le chérubin, il s'élance, 

Il plane sur les ailes du vent. 

Des ténèbres, il fait son manteau, 

Sa tente est d'eaux obscures et de nuages épais. 

De la splendeur qui l'entoure partent les nuées, 

Avec la grêle et les charbons ardents. 

Alors Jéhovah tonde dans les cieux, 

Le Très-Haut fait retentir sa voix. 

Ps. xviii (svii), 10-14. Un autre Psaume, xxix (xxvm), 
3-9, décrit plus spécialement le tonnerre et ses effets. 
Voir Tonnerre. Les auteurs ont observé le développe- 
ment des orages et des ouragans. Ils n'en savent pas 
l'origine : l'ouragan sort de retraites cachées, Job, 
xxxvu, 9, et il échappe à l'œil de l'homme. Eccli., xvi, 
21. On pouvait cependant les présager. Un ciel qui dès 
le matin paraît rouge et chargé, iruppôCee <mrpà£wv, 
rutilât triste, annonce de l'orage pour la journée. 
Matth., xvi, 3. Au commencement, il s'élève un vent 
violent qui chasse devant lui la poussière et tous les 
objets légers, Job, xxi, 18; Ps. lvih (lvh), 10; lxxxiii 
(lxxxii), 14; Is., xvn, 13; xxix, 5; XL, 24; Sap., v, 15; 
et parfois brise tout sur son passage. Job, IX, 17. Puis 
soudain, en un instant, c'est le fracas, le tonnerre, la 
pluie, la grêle, le tourbillon, le feu de la foudre. Is., 
xxvm, 3; xxix, 6; xxx, 30; Ezech., xm, 11, 13. Tous 
ces effets sont si terrifiants, surtout dans un pays chaud 
et montagneux, que les écrivains sacrés y reconnaissent 
comme une intervention directe de Dieu. Ps. l (xlix), 
3; Nah., i, 3. Il y a ordinairement orage dans les cas 
où les auteurs sacrés mentionnent la chute de la grêle, 
comme à la septième plaie' d'Egypte, Exod., îx, 24; à la 
bataille de Gabaon. Jos., x, 11, etc. Voir Grêle, t. m, 
col. 336. Saint Jean s'inspire des idées des anciens 
écrivains de la Bible, quand il décrit la manifestation 



1849 



ORAGE — ORATORIENS 



1850 



de Dieu au milieu des phénomènes de l'orage. Apoc., 
Iv, 5. 

2° Les orages dans la Bible. — 1. Au sens propre 
et historique, les Livres Saints ne parlent guère des 
orages, tant ce phénomène était à leurs yeux commun 
et passager. Il est au contraire tout à fait exceptionnel 
en Egypte, où il ne se produit à peu près jamais 
d'orages proprement dits, et où l'on ne connaît guère 
que des' averses de pluie et des éclairs de chaleur. 
Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit., t. H, p. 333. C'est ce qui rendit plus effrayante 
pour les Égyptiens la septième plaie, durant laquelle 
tombèrent sur le pays « la grêle et du feu mêlé à la 
grêle », Exod., ix, 24, c'est-à-dire avec la grêle des coups 
de foudre fréquents et meurtriers. Dans la presqu'île 
Sinaïtique, de violents orages se déchaînent de temps 
en temps, entre décembre et mai. « Parfois, après des 
mois de sécheresse absolue, un orage éclate dans les 
parties hautes du désert. Le vent se lève soudain et 
souffle en bourrasque, des nuages épais, venus on ne 
sait d'où, crèvent aux grondements incessants du ton- 
nerre; il semble que le ciel fonde et s'écroule sur les 
montagnes... Au bout de huit ou dix heures, l'air 
s'éclaircit, le vent tombe, la pluie s'arrête. » Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique, 
Paris, 1895, t. I, p. 348. Quand Dieu donna sa loi à 
Moïse sur le moût Sinaï, il voulut qu'un grandiose orage 
signalât sa présence. Nuées épaisses, éclairs, tonnerre, 
tremblement de terre, projection d'une fumée qui 
semblait jaillir du sein d'une fournaise, la montagne 
paraissant en feu et la flamme s'élevant jusque dans les 
profondeurs du ciel, Exod., xix, 16, 18; Deut., iv, 11, 
tout était combiné pour inspirer au peuple une pro- 
fonde idée de la puissance du divin législateur et lui 
faire redouter les châtiments qu'attirerait la désobéis- 
sance. Les Hébreux craignirent de mourir si Dieu con- 
tinuait à leur parler dans un si formidable appareil. 
Exod., xx, 18-20. On était alors au troisième mois depuis 
la sortie d'Egypte, Exod., xix, 1, cinquante jours après 
la Pâque, d'après la tradition juive, par conséquent 
vers la fin de mai, c'est-à-dire à une époque à laquelle 
ne se produisaient plus guère les orages naturels. Mais 
cette circonstance du temps n'étonnait pas par elle-même, 
parce que les Hébreux n'étaient pas encore habitués au 
climat de la presqu'île. — 2. Le Nouveau Testament ne 
mentionne pas d'orages. Un jour, peu avant la Pâque, 
des Juifs crurent entendre le tonnerre dans le Temple; 
c'était seulement une voix venue du ciel pour glorifier 
Jésus. Joa., xn, 28, 29. On a voulu expliquer par un 
orage l'apparition des langues de feu au jour de la 
Pentecôte, Act., n, 2, 3, et la conversion subite de saint 
Paul sur le chemin de Damas. Act., ix, 3. Cf. Renan, 
Les Apôtres, Paris, 1866, p. 63-67, 179-183. Mais les 
textes ne mentionnent pas d'orages en ces occasions, 
et les orages ne produisent pas les effets énumérés par 
les écrivains sacrés, don des langues, changement 
d'hommes ignorants et timides en apôtres intrépides et 
instruits, transformation d'un persécuteur acharné en 
humble disciple, etc. Cf. Lescœur, La science et les faits 
surnaturels contemporains, Paris, 1897, p. 25-42. — 
3. Au sens figuré, l'orage est l'image soit du châtiment 
qui fond inopinément sur les impies, Jer., xxm, -i9f 
xxx, 23; Sap., v, 24, 28, soit des ennemis qui sur- 
viennent à l'improviste et dévastent tout. Is., xxvrir, 2. 

H. Lesêtre. 

ORANGER. On a cherché quelquefois à identifier' 
l'oranger avec le fappuah, arbre aux fruits parfumés et 
savoureux. Cant., H, 3, 5; vu, 9; vin, 5; Prov., xxv, 11. 
Mais l'oranger ne fut connu dans la région méditerra- 
néenne qu'après l'ère chrétienne, et même ne parait pas 
avoir été introduit dans l'Asie occidentale avant la domi- 
nation des Arabes. Alph. de Candolle, Origine des plantes 
cultivées, in-8°, Paris, 1886, p. 146, 148. Voir Pommier. 



ORATOIRE (Vulgate : oratorium), lieu où l'on se; 
retire pour prier. — II est dit de Judith qu'avant d'aller 
trouver Holoferne, elle entra dans son oratoire pour 
prier. Judith, ix,l. Les textes grecs ne mentionnent pas 
d'oratoire dans ce passage. En réalité, les Israélites qui 
voulaient prier en particulier accomplissaient cet acte 
dans une chambre de leur maison, ordinairement dans la 
chambre haute. III Reg.,xvn, 19-23; IV Reg., iv, 10, 33; 
Dan., vi, 10; Act., x, 9; etc. Voir Maison, col. 589, 590. 
L'oratoire de Judith n'était pas d'autre nature. Notre-Sei- 
gneur recommande à celui qui veut prier en particulier 
d'entrer dans sa chambre, d'en fermer la porte et de 
s'adresser en secret au Père qui l'écoutera. Ces condi- 
tions seront favorables au recueillement et à la ferveur 
de la prière. Mais la recommandation du Sauveur a sur- 
tout pour but de faire éviter l'ostentation qui rend la 
prière stérile. Le disciple du divin Maître ne doit pas 
imiter les hypocrites qui prient publiquement dans les 
synagogues et au coin des places pour se faire voir. Matth., 
vi, 5, 6. — La synagogue servait aussi d'oratoire aux Juifs, 
d'où le nom de itpo<reux''i> « prière, » qu'ils lui donnaient. 
Cf. Act., xvi, 13; Philon, In Flacc, 6, édit. Mangey, 
t. n, p. 523; Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 23; Vita, 
54; III Mach., vu, 20; Juvénal, Sat., ni, 296, etc. — La 
7ipo<T£uX'n> 1 ue Philon, Vita Mosis, m, 27, t. n, p. 168, 
appelle aussi TtpoffeuxTriptov, « oratoire, » était souvent 
établie au bord d'un cours d'eau, pour la facilité des 
ablutions légales. Les Juifs y faisaient, ordinairement 
en plein air, ce que Tertullien, Ad nation., i, 13, t. i, 
col. 579, appelle des orationes littorales. Cf. Tertullien, 
De jejun., 16, t. n, col. 976; S. Epiphane, De hxres., 
lxxx, 1, t. xli, col. 757. Tel était l'oratoire dont parlent les 
Actes, xvi, 13. Situé hors de la ville de Philippes, pro- 
bablement sur la voie Égnatia, il avoisinait les bo/ds du 
Gangitès. — Maimonide, Hilchoth Tepliilla, iv, 1, dit que 
«cinq choses sont à observer quand arrive le moment 
de la prière : la pureté des mains, le soin de se cou- 
vrir, la pureté du lieu où se fait la prière, l'éloignement 
de tout ce qui pourrait distraire et la ferveur du cœur». 
Il fallait donc que, même en plein air, l'oratoire fût 
exempt de toute impureté. Une inscription grecque de 
la Basse-Egypte constate que Ptolémée Évergéte, proba- 
blement Ptolémée III, accorda le droit d'asile à une 
irpotreux'/|- A l'inscription grecque sont ajoutés les mots 
latins : Regina et rex jusser(unt), « ordre de la reine 
et du roi, » dus, croit-on, à l'intervention de Zénobieet 
de Vaballathus. Cf. Corp. inscript, lat., t. m, suppl. 
n. 6583; Mommsen, Ephemeris epigraphica, t. iv, 1881, 
p. 25. D'après la manière dont s'expriment les anciens 
auteurs juifs, il ne paraît pas qu'il ait existé de diffé- 
rence essentielle entre la npoffstr/iîi et la synagogue, qui 
était, elle aussi, un oratoire en certaines occasions. La 
npousu/'l! des Actes, xvl, 13, est visiblement le lieu où 
les Juifs s'assemblent le jour du sabbat et où saint Paul 
peut prêcher, et Philon entend toujours ce nom dans le 
sens de synagogue. Voir SvnAGogue. Cf. J. Ayre, The 
Treasury of Bible Knowledge, Londres, 1879, p. 732; 
Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes 
archéologiques modernes, 2 e édit., p. 224-225; Schûrer, 
Geschichte des jïtdisches Volkes ini Zeitalter J. C.^ 
Leipzig, t. n, 1898, p. 443-448. H. Lesêtre. 

ORATORIENS (TRAVAUX DES) SUR LES 
SAINTES ÉCRITURES. Dans son oraison funèbre 
du P. Bourgoing, Bossuet disait des oratoriens : « Ils 
ont toujours en mains les Saints Livres pour en re- 
chercher sans relâche la lettre par l'étude, l'esprit par 
l'oraison, la profondeur par la retraite, l'efficace par la 
pratique, la fin par la charité à laquelle tout se termine 
et qui est l'unique trésor du chrétien. » Batterel, Mé- 
moires, t. Il, p. 325. En effet, l'étude de l'Écriture Sainte 
devait à l'Oratoire passer avant toutes les autres. « En 
établissant dès l'origine que chaque jour les membres. 



1851 ORATORIENS (TRAVAUX DES; 1 ) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1852 



de sa compagnie liraient quelques pages du texte sa- 
cré, sans traduction, sans commentaires, sans aucun 
appareil scientifique, avec le seul secours du Saint- 
Esprit pieusement invoqué et de leur attention fidèle- 
ment appliquée, M. de Bérulle avait préparé admirable- 
ment ses disciples aune science approfondie des saintes 
Lettres. Comment, en effet, ne point sortir de cette 
lecture journalière avec l'ardent désir de s'y plonger de 
nouveau pour en mieux saisir le sens, pénétrer la 
moelle, goûter l'esprit? » Houssaye, Le Père de Bé- 
rulle, t. m, p. 392. Aussi, dès le début, parmi les premiers 
oratoriens, plusieurs se distinguèrent par leurs travaux 
sur la Sainte Écriture. Le fondateur de l'Oratoire lui- 
même, ses ouvrages le prouvent, avait une connaissance 
approfondie des saintes Lettres. Il faut noter aussi que 
c'est grâce à son intervention que put paraître la 
Polyglotte de Le Jay. Par la fondation des grands 
séminaires à laquelle l'Oratoire eut- tant de part, fut 
aussi favorisée l'étude de l'Écriture Sainte : les confé- 
rences, entre autres, du séminaire de Saint-Magloire, 
furent célèbres dans la France entière. Enfin l'arrivée 
à Paris des manuscrits « hébreux, chaldaïques, arabes, 
syriaques sur l'Écriture », Batterel, 1. 1, p. 181, rapportés 
d'Orient par un des premiers oratoriens, le P. Achille 
de Harlay, fut une des causes de l'essor que prirent en 
France au xvn e siècle les études en question. 

On trouvera dans les notices particulières qui leur 
sont consacrées dans ce Dictionnaire des renseigne- 
ments détaillés sur les principaux exégètes oratoriens. 
Ici nous voulons seulement donner une vue d'ensemble 
de ces travaux. 

I. Traités d'introduction a l'étude de l'Écriture 
Sainte. — /. règles d'herméneutique . — Bence, Ma- 
nière de lire utilement l'Écriture Sainte, à la suite de 
son Manuale in S. Evangelium, Lyon, 1626; Neer- 
cassel, Traclatus de leclione scripturarum... Accedit 
dissertatio de interprète Scripturarum, Utrecht, 1667 
(traduit en français) ; Eymery, Dissertation sur les pro- 
légomènes de Walton très utiles à ceux qui veulent 
entendre les Saintes Ecritures, Liège, 1699; Lainy, 
Apparatus ad biblia sacra, Grenoble, 1687 (traduit en 
français et en anglais); Bufin, Exhortation à la lecture 
de l'Écriture Sainte, Amsterdam, 1718; Houbigant, 
Prolegomena in Scripturam Sacram, Paris, 1746; de 
Valroger, Introduction historique et critique aux livres 
du N. T., Paris, 1861. 

//. ÉDITION ET CRITIQUE DES TEXTES. — Morin, 

Biblia grseca sive Vêtus Testamentum secundum Sep- 
tuaginta..., Paris, 1628; Pentateuchus hebraso-samari- 
tanus..., Paris,1632(dans laPoii/gtoitedeParis); Exerei- 
tationes biblicse de hebrxi grœcique textus sinceritate, 
Paris, 1633; Lelong, Bibliotheca sacra, Paris, 1709; 
Discours historique sur les... Bibles polyglottes, Paris, 
1713; de Bysance (f en 1722), Notice sur les mss. 
hébreux de la bibliothèque de l'Oratoire; Houbigant, 
Biblia hebraïca, Paris, 1753; Veteris Testamenli versio 
nova ad kebraicam veritatem facta, Paris, 1753; Pro- 
verbia, Ecclesiastes, 1763; Notée criticx in universos 
V. T. Ubros, Francfort, 1777; Psalmorum versio vul- 
gata et versio nova ad hebraicam veritatem facta, 
Paris, 1746 ; de Valroger, Étude sur une ancienne ver- 
sion syriaque des Évangiles... découverte par Cureton, 
Paris, 1859. 

III. TRADUCTION EN LANGUES VULGAIRES. — Amelotte, 

Le N. T. de N.-S. J.-C, traduit en français sur 
l'ancienne édition latine, Paris, 1666-70; réédité des 
centaines de fois; Passavant (f 1713), Le livre de la 
Genèse, Les psaumes de David, Le N. T., traduit en 
français; Lalouette, Histoire des traductions fran- 
çaises de l'Écriture Sainte..-, avec les changements que 
les protestants y ont faits, Paris, 1692. 

IV. GRAMMAIRES ET LEXIQUES. — Morin, OpUSCUla 

hebrxo-samaritana scilicet gramrnatica samaritana, 



Paris, 1657; Thomassin, La méthode d'étudier les 
grammaires ou les langues par rapport â l'Écriture 
Sainte, en les réduisant toutes à l'hébreu, Paris, 1650; 
Glossariurn universale hebraicum,Paris, 1697; Renou, 
Methodus hebraicus et radiées hebraicœ... ad instar 
radicum grsecarum, Paris, 1708, édité par Lelong qui 
publia aussi un Supplément â l'histoire des diction- 
naires hébreux de Wolfius, dans le Journal des Savants 
du 17 janvier 1707; Houbigant, Racines hébraïques sans 
points voyelles ou dictionnaire hébraïque par racines, 
Paris, 1732. 

y. concordances. — Vignier (Jérôme), Concorde 
évangéligue, Paris, 1662; Leprevost d'Herbelay, Vie de 
J.-C. ou concorde des 4 évangélistes, Paris, 1653; Mau- 
duit, L'Évangile analysé suivant l'ordre historique de 
la concorde, Paris, 1762. 

II. Commentaires sur l'écriture.—/, commentaires 
Généraux. — Be Carrières, La Sainte Bible traduite 
en français avec un commentaire littéral, Paris, 1701- 
1716. Indéfiniment réédité. Notons ici que le P. de 
Carrières fonda à l'Oratoire une bourse d'études 
d'Écriture Sainte dont le premier titulaire devait être 
le P. Houbigant. 

//. commentaires particuliers. — Senault, Para- 
phrase sur Job, Paris, 1637 ; Baniel, Analyse du livre 
de Job, Lyon, 1710; Guilleminet, Le livre de la Sa- 
gesse en français, avec des réflexions sur chaque sujet, 
Paris, 1712; Dorron, Jésus-Christ révélé dans les 
Saintes Écritures, principalement dans les Prophètes, 
Paris, 1658; Cadenet, Paraphrase dévote, pieuse, litté- 
rale et mystique sur les Psaumes, Paris, 1660; Lepre- 
vost d'Herbelay, Paraphrase littérale des Psaumes, 
Paris, 1665; Loriot, Les Psaumes de David expliqués 
par des considérations morales, Paris, 1700 ; Vignier 
(Henry), Les Psaumes de David avec des sentiments 
de piété sur chaque verset, pour en faciliter la médi- 
tation, Paris, 1703; Molinier, Les Psaumes de David 
interprétés selon l'hébreu, Paris, 1717; Duranty de Bon- 
recueil, Psaumes de David expliqués par Théodoret, 
saint Basile et saint Jean Chrysostome, Paris, 1741 ; Ca- 
Iabre, Homélie ou paraphrase du Psaume L Miserere, 
Paris, 1695; Bizault, Explication du Psaume L Mise- 
rere, Paris, 1754. — Bence, Manuale in sanclum J. C. 
D. N. Evangelium, Lyon, 1626; Bourgoing, Veritates 
et sublimes excellentise Verbi Incarnati..., Anvers, 
1629 (la 3 e partie est une explication des Évangiles de 
l'année); Amelote, Notae in Evangelium Matthœi, Pa- 
ris, 1688; Levassor, Paraphrase sur l'Évangile de saint 
Matthieu, Paris, 1688; Paraphrase sur l'Évangile de 
saint Jean, Paris, 1689; Mauduit, Analyse de l'Évan- 
gile, Paris, 1694 ; Bourée, Explications des épitres et des 
évangiles des dimanches et fêtes, Lyon, 1697 ; Guibaud, 
Explication du N. T., Paris, 1785; Gratry, Commen- 
taire sur l'Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1863, 
1865. — Bence, Manuale in omnes S. Pauli Epistolas. 
in omnes Epistolas catholicas, Lyon, 1628; Marchelty, 
Paraphrase sur les Épîfres de saint Pierre, 1639; Le* 
vassor, Paraphrase sur les Épitres, Paris, 1689; Mau- 
duit, Analyse des Épitres..., Paris, 1691. — Mauduit, 
Analyses des Actes des Apôtres, Paris, 1637. — Hervé, 
Apocalypsis... explicatio historica, Lyon, 1684; Mau- 
duit, Analyse de l'Apocalypse, Paris, 1714. 

III. Histoire sacrée, apologétique, archéologie 
biblique. — 1. histoire sacrée. — Lebrun, Essai de 
la concordance du temps avec des tables pour la concor- 
dance des ères et des époques, Paris, 1700; Reyneau, 
Histoire des premiers temps du monde d'accord avec 
la physique et la loi de Moyse, Paris, 1784; Mérault, 
Rapport sur l'histoire des Hébreux, rapprochée des 
temps contemporains, Orléans, 1815; de Valroger, L'âge 
du monde et de l'homme d'après la Bible et l'Eglise, 
Paris, 1869. — Lamy, Traité historique de l'ancienne 
Pàquedes Juifs..., Rouen, 1693 1 cet ouvrage fut le point 



1853 



ORATORIENS (TRAVAUX DES) — ORDRE 



1854 



de départ de nombreuses polémiques) ; Lebrun, Disser- 
tation sur l'apparition du prophète Samuel à David, 
et sur les moyens par lesquels on consultait Dieu dans 
l'ancienne loi, Paris, 1737. — Amelotte, La Vie de Jésus- 
Christ, Paris, 1669; de Bralion, Histoire chrétienne, 
laquelle comprend celle des viesdeJ.-C. et de la Sainte 
Vierge, Paris, 1650; Jourdain, Verbi incarnati J. C. 
D. -N. verba, Paris, 1654. 

II. APOLOGÉTIQUE' ET ARCHÉOLOGIE BIBLIQUE. — De 

Valroger, Les doctrines hindoues... mises en [rapport 
avec les traditions bibliques, dans les Annales de 
philosophie de 1839; Essai sur la crédibilité de l'his- 
toire évangélique, Paris, 1847. E. Gault (f 1640) a édité 
la Description de la Terre Sainte d'Adrichomius et pu- 
blié une Généalogie des Rérodes, d'après Balterel, I, 
123; de Souvigny, Trattato del computo ecclesiastico, 
Rome, 1641 ; Lamy, Apparatus ad Biblia sacra in quo 
de Hebraeorum gente, legibus, Grenoble, 1687 ; De taber- 
naculo fœderis, Paris, 1720, édité par le P. Desmolets 
qui y a ajouté une De templo Salomonis historicis cri- 
lici dissertatio. — Peut-être sera-t-on surpris de ne 
voir mentionnés ici ni Quesnel, ni Richard Simon, mais 
l'un et l'autre ne faisaient plus partie de l'Oratoire quand 
parurent leurs trop fameux ouvrages qui Ont fait de l'un 
le père de l'exégèse rationaliste et de l'autre le chef de 
file du second jansénisme. Voir leurs articles respectifs. 
Appendice. — Liste alphabétique des oratoriens 
philippins qui ont écrit sur les choses bibliques. — 
Barcellona, Parafrasi dei Profeti, 1827; Parafrasi dei 
Evangelisti, 1831; Becillo, Êvangeliorum connexio, 
1622; Bianchini, Vindicise canonicorum icripturarum, 
1740; Evangeliorum quadruplex latinse versionis an- 
tiques, 1749; Bozio (Th.), Annales Antiquilatum ab 
orbe condito, 1637; Ferretti Mastai (A.), Gli Evan- 
gelii uniti tradelti e commehtati, 1817; Giustiniano, 
De S. Scripture ejusque usu oc interpretibus commen- 
tarius, 1614; Tobias explanationibus historicis... illu- 
stratus, 1622; Lanceo (A.), Monita moralia sacrse scrip- 
tural ad suos titulos reducta, 1652; de Magistris, Daniel 
secundum 70 ex tetraplis Origines nunc primum editus, 
1772; Magri, Hierotexicon, 1677; Massini, Vite de' 
santi dell' anlico Testamento, 1786; Ant. Pereira de 
Figueiredo, Velho e hovo Testamento, traduction por- 
tugaise de la Bible, 23 in-8°, Lisbonne, 1778-1790; Spe- 
ranza, Scriptursc Sacrse variis translationibus... elu- 
cidalus, 1641. A. Ingold, 

ORDINATION, rite au moyen duquel est conféré le 
(sacrement de l'ordre. — 1° L'imposition des mains est 
Le signe extérieur employé pour la collation du sacre- 
ment. Il n'apparaît pas à ce titre dans l'Évangile; mais 
les Apôtres s'en servent pour la première fois quand 
ils veulent ordonner les diacres. Act., vi, 6. Les mi- 
nistres d'Antioche imposent les mains à Saùl et à 
Barnabe pour les ordonner. Act., xm, 2. Saint Paul 
rappelle à Timothée la grâce qu'il a reçue quand l'as- 
semblée des prêtres (npEtrëuTÉptov) lui a imposé les mains. 
I Tim., iv, 14. Il était au nombre de ces prêtres, ou bien 
il avait lui-même conféré à Timothée l'ordination épis- 
copale, car il dit à son disciple : « Je t'avertis de rani- 
mer la grâce de Dieu que tu as reçue par l'imposition de 
mes mains. » II Tim., i, 6. — 2» Comme l'imposition des 
mains a des significations multiples, voir Imposition des 
mains, t. m, col. 850, des paroles spéciales devaient en 
déterminer le sens quand il s'agissait de l'ordination. 
Aussi est-il dit que ceux qui ordonnent prient avant d'im- 
poser les mains, c'est-à-dire qu'ils confèrent les pou- 
voirs d'ordre sous forme déprécatoire. Act., vi, 6; XIH, 
3.-3» L'imposition des mains apparaît déjà dans l'An- 
cien Testament comme le signe de la transmission d'un 
pouvoir. Num., yiii, 10; xxvn, 18; Deut., xxxrv, 9. Dans 
le Nouveau, elle sert à faire descendre le Saint-Esprit, 
Act., vm, 17; six, 6; dans l'ordination, en particulier, 



elle indique la transmission du pouvoir d'ordre et le 
don du Saint-Esprit. Act., xx, 28. — 4° On pouvait 
désirer l'ordination, I Tim., m, 1, à condition d'avoir 
entendu l'appel divin. Heb., v, 4. Mais l'évêque ne devait 
ordonner qu'après examen. I Tim., v, 22. Saint Paul 
indique en détail les conditions que doit remplir celui 
qui veut être ordonné. Il exclut le bigame, celui qui 
est adonné au vin, le violent, le néophyte, l'arrogant, 
l'homme d'argent, le mauvais administrateur de sa 
propre maison, celui qui ne jouit pas d'une considéra- 
tion suffisante au dehors. Il réclame du candidat l'ha- 
bitude des vertus, et la possession des qualités natu- 
relles, le sens rassis, la circonspection, la bonne tenue, 
l'hospitalité, la capacité pour l'enseignement, la douceur, 
le désintéressement, le zèle, la justice, la sainteté, l'em- 
pire sur ses passions, l'attachement à la vraie doctrine. 

I Tim., m, 1-10; Tit., I, 5-9. Tous les pasteurs ne réa- 
lisèrent pas cet idéal de leur ordination, témoins Dio- 
tréphès, III Joa., 9, et les évêques de Sardes et de 
Laodicée. Apoc, in, 1-4, 15-17. H. Lesêtre. 

ORDRE, sacrement par lequel sont consacrés les 
ministres de l'Église. 

1» Ministres distincts des fidèles. — 1. On voit par le 
saint Évangile que Jésus-Christ s'entoure d'un certain 
nombre de disciples qu'il distingue des autres et qu'il 
appelle Apôtres. Matth., x, 2-4; Marc, m, 13-19; Luc, 
vi, 12-16; Marc, iv, 10; etc. Il les initie à l'avance à la 
fonction de prédicateurs qu'ils auront à remplir, Matth,, 
x, 1-42; Marc, vi, 7-11; Luc, ix, 1-5; il s'assure de 
leur fidélité quand tous les autres l'abandonnent, Joa., 
VI, 68-71; il les prend seuls avec lui pour célébrer la 
dernière Pâque, Matth., xxvi, 17-29; Marc, xvi, 12-25; 
Luc, xxu, 7-20; Joa., xm, 1-30, etc.; en un mot, il les 
met visiblement à pari de tous les autres qu'il appelle 
simplement ses disciples. Voir Apôtres, t. I, col. 782- 
785. — 2. Les Apôtres parlent et agissent en hommes 
qui occupent un rang et exercent des fonctions particu- 
lières dans l'Église. Ils se donnent comme les témoins 
choisis d'avance par Dieu pour prêcher au peuple et 
attester la divinité de Jésus-Christ. Act., x, 41-42. Ils 
font des règlements qui s'imposent aux fidèles. Act., 
xv, 28, 29; I Cor., xi, 17, 34, etc. Ils écrivent en qualité 
de chefs par la volonté de Jésus-Christ. I Tim., I, 1; 

II Tim., I, 1, etc. Ils se présentent comme les ambas- 
sadeurs du Christ, Dieu lui-même exhortant par leur 
bouche. II Cor., v, 20. Saint Paul écrit aux fidèles de 
Corinthe qu'ils sont le corps et les membres du Christ, 
mais que Dieu a établi dans son Église des apôtres en 
première ligne, ensuite des prophètes, puis des doc- 
teurs, des pasteurs, des évangélistes, par conséquent 
des ministres chargés de gouverner spirituellement et 
d'instruire les simples fidèles. I Cor., xii, 28; Eph., iv, 
11. Il recommande aux pasteurs de l'église d'Éphèse de 
veiller sur tout le troupeau à la tête duquel le Saint-Esprit 
les a établis évêques (èm<jx(S7iou(;). Act., xx, 28. Voir 
Évêque, t. il, col. 2125. Paul et Barnabe instituent des 
prêtres (7tps<r6\jTÉpou;) dans chaque église qu'ils fondent. 
Act., xiv, 22. Saint Paul rappelle à Tite le devoir, qu'il a 
d'établir des prêtres dans chaque ville de Crète. Tit., i, 
5, etc. De tous ces textes, il ressort nettement que Jésus- 
Christ a voulu qu'il y eût dans son Église un corps cons- 
titué de pasteurs distincts des fidèles par leur charge et 
leur dignité. — 3. A ces textes, on en oppose d'autres qui 
semblent nier toute distinction entre les membres de 
l'Église. Saint Paul écrit aux Galates, m, 28 : « Il n'y a plus 
ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni 
femme, car vous n'êtes tous qu'une personne dans le 
Christ Jésus. » Mais il est clair, par le contexte, que l'Apô- 
tre parle ici de l'égalité de tous au regard de la foi et de 
la vie en Jésus-Christ, et non de l'égalité au point de vue 
des pouvoirs et des emplois dans l'Église. L'Apôtre ne 
peut se contredire et supposer «n cet endroit une éga- 



1855 



ORDRE 



OREB 



1856 



lité contraire aux principes hiérarchiques qu'il a rap- 
pelés dans les textes précédents. En dehors de ce seul 
point de vue de la foi et de la vie en Jésus-Christ, il est 
manifeste qn'il y a toujours distinction entre Juif et 
grec, 1 entre homme libre et esclave, entre homme et 
femme, par conséquent aussi entre pasteur et simple 
fidèle. — Saint Pierre écrit de son côte que les fidèles 
sont des pierres vivantes, destinées à entrer dans la 
structure de l'Église, « pour former un temple spiri- 
tuel, un sacerdoce saint, afin d'offrir des sacrifices spi- 
rituels, agréables à Dieu, par Jésus-Christ », qu'ils sont 
« une race choisie, un sacerdoce royal, une nation 
sainte ». I Pet., n, 5, 9. Saint Jean ajoute que Jésus- 
Christ « nous a faits rois et prêtres de Dieu ». Apoc, 
i, 6. Mais ce sacerdoce ne doit pas plus se prendre dans 
le sens strict que la royauté. Déjà le Seigneur avait dit 
à tous les enfants d'Israël : « Vous serez pour moi un 
royaume de prêtres et une nation sainte. » Exod., xix, 
6. Ces paroles ne promettaient nullement le sacerdoce 
proprement dit à chaque Israélite. La preuve en est 
qu'aussitôt après Dieu institua le sacerdoce aaronique 
et lui assigna ses fonctions liturgiques. Exod., xxviu- 
xxix. Il en est de même du sacerdoce dont parle saint 
Pierre; c'est une certaine participation à la vie spiri- 
tuelle de Jésus-Christ, souverain prêtre, participation 
qui permet d'entrer dans la structure du temple spiri- 
tuel qui est l'Église, qui donne le pouvoir d'offrir des 
sacrifices spirituels, mais non celui d'offrir le sacri- 
fice eucharistique, d'enseigner, de commander dans 
l'Église, etc. C'est ce qui fait dire à saint Augustin, De 
civ. Dei, XX, 10, t. xli, col. 676, expliquant le texte de 
l'Apocalypse, xx, 6 : « Us seront prêtres de Dieu et du 
Christ et régneront avec lui mille ans : cela n'est point 
dit seulement des évêques et des prêtres, qui déjà sont 
proprement appelés prêtres dans l'Église; mais de 
même que tous les chrétiens tirent leur nom du chrême 
mystique, ainsi tous sont prêtres en tant que membres 
de ce prêtre » qui est Jésus-Christ. Cf. Hurter, Theol. 
dogmat. compend., Inspruck, 1879, t. ni, p. 414-415. 
Sur la distinction des prêtres et des laïques dans 
l'Église, voir Petau, De eccles. hierarch., III, n, m. 

2° Pouvoirs attribués à ces ministres. — 1. Notre- 
Seigneur donne à ses ministres le pouvoir de lier et de 
délier, c'est-à-dire d'exercer l'autorité dans son Église 
avec l'assurance que leurs décisions seront ratifiées dans 
le ciel, par conséquent consacrées par l'autorité de Dieu 
même. Voir Lien, col . 248. Ce pouvoir est attribué à saint 
Pierre, Matth., xvi, 19, et à tous les autres Apôtres. 
Matth., xvin, 18. A la dernière Cène, Jésus, après avoir 
changé le pain en son corps, dit aux Apôtres : « Faites 
ceci en mémoire de moi. » Luc, xxn, 19; I Cor., xi,25. 
Le soir même de sa résurrection, il leur communique 
le Saint-Esprit, avec le pouvoir de remettre ou de 
retenir les péchés. Joa., xx, 22, 23. Avant de monter 
au ciel, il leur commande de s'en aller enseigner les 
nations, de les baptiser, de leur apprendre à garder ses 
préceptes. Il ajoute : « Voici que je suis avec vous tous 
les jours jusqu'à la fin du temps, » montrant par là 
que les pouvoirs qu'il confère ne finiront pas avec la 
vie des 'Apôtres, mais qu'ils doivent se perpétuer autant 
que l'humanité sur la terre. Matth., xxvm, 18-20 ; Marc. , 
xvi, 15; Luc, xxiv, 47. Enfin, il les constitue ses 
témoins officiels pour prêcher en son nom dans tout 
l'univers. Luc, xxiv, 48; Act., i, 8. — 2. Avec le temps, 
les Apôtres sont amenés à créer une classe de ministres 
qui prennent le nom de diacres et exercent dans l'Église 
des fonctions déterminées. Act., vi, 1-6. Voir Diacre, 
t. il, col. 1401. Puis, quand la foi nouvelle se propage, 
le ministère des simples prêtres apparaît distinct de 
celui qui est réservé aux évêques. Voir Évêque, t. Il, 
col. 2122-2125. Ainsi quand les Samaritains sont bap- 
tisés par ceux qui leur ont apporté la foi, Pierre et 
Jean vont leur imposer les mains- pour qu'ils reçoivent 



le Saint-Esprit. Act., vin, 14-17. Philippe instruit et 
baptise l'eunuque de la reine Candace ; mais là s'arrête 
son pouvoir, et il ne fait pas descendre le Saint-Esprit 
sur le néophyte. Act., vin, 39. 

3° Sacrement de l'ordre. — 1. D'après la doctrine 
de l'Église, Conc. Trid., Sess. vu, can. 1, Jésus-Christ 
a institué tous les sacrements, ce qu'on entend d'une 
institution immédiate, mais avec une certaine latitude, 
en ce sens que Jésus-Christ aurait laissé à son Église 
le soin de fixer le détail du rite sacramentel, ce qui pa- 
raît assez probable pour le sacrement de l'ordre. Les 
Évangiles ne fournissent aucune indication précise sur 
l'institution du rite extérieur de ce sacrement. A la Cène, 
Jésus-Christ dit aux Apôtres : « Faites ceci en mémoire 
de moi, » Le soir de sa résurrection, Notre-Seigneur 
souffle sur eux, leur communique le Saint-Esprit et leur 
confère le pouvoir de remettre les péchés. Joa., xx,21- 
23. Il semblerait au premier abord qu'il y a là un rite 
sacramentel, avec signe extérieur et collation d'une 
grâce gratis data. Mais il n'en est rien ; le souffle n'a 
pas été retenu par les Apôtres comme signe sacramen- 
tel, et le pouvoir que Notre-Seigneur confère en cette 
occasion n'est que l'un de tous ceux que comporte le 
sacrement de l'ordre. — 2. Avant la Pentecôte, les 
Apôtres n'exercent aucun pouvoir sacerdotal. Saint 
Pierre parle et agit en chef, sans doute; mais lui et les 
autres se contentent de prier en attendant le Saint- 
Esprit. Act., i, 14, 15. C'est seulement après la Pente- 
côte qu'ils exercent effectivement leur ministère de 
prédicateurs, Act., il, 14, et d'évéques qui baptisent, 
Act., il, 41, confirment, Act., vm, 17, etc. Ils savaient 
donc qu'ils étaient investis du pouvoir de faire toutes 
i ces choses, et ce pouvoir, ils n'avaient pu le recevoir 
que de Jésus-Christ. Autrement, nous trouverions l'ori- 
gine de l'institution de l'épiscopat et du sacerdoce dans 
les Actes des Apôtres, comme nous trouvons celle du 
diaconat. Il importe donc peu que nous ne rencontrions 
dans l'Évangile aucune mention 'expresse du rite du 
sacrement destiné à transmettre les pouvoirs ecclésias- 
tiques. Nous savons que l'Évangile est loin de contenir 
tout ce que Jésus a fait. Joa., xxi, 25. D'autre part, nons 
constatons que Notre-Seigneur a ordonné à ses Apô- 
tres d'exercer ces pouvoirs, en prêchant, en baptisant, 
en consacrant, en remettant les péchés, etc. ; que les 
Apôtres les ont exercés ensuite et qu'ils les ont commu- 
niqués à d'autres, Act., vi, 6; xiv, 22; I Tim., iv, 14; v, 
22; II Tim., i, 6, etc., toutes choses qui ne pourraient 
se constater si l'institution divine n'avait précédé. — 
Sur le rite sacramentel qui serf à conférer l'épisco- 
pat, le sacerdoce ou le diaconat, voir Ordination, 
col. 1853. H. Lesètre. 

OREB (hébreu : 'Ôrêb, « corbeau; » Septante : 
'Qpriê), nom d'un des chefs madianites qui envahirent 
la Palestine du temps de Gédéon et du rocher auprès 
duquel il fut massacré. 

1. OREB, scheik madianite, qui, avec Zeb, « le loup, » 
et les deux rois Zébée et Salmana, ravageait la Pales- 
tine et fut battu par Gédéon. Zébée et Salmana étaient 
à la tête des Madianites et le texte leur donna le titre 
de melakîm ou rois. Jud., vm, 5. Oreb et Zeb sont 
seulement appelés sarîm, « princes. » Jud., vu, 25; 
vin, 3. Lorsque les Madianites eurent été battus par 
les trois cents soldats de Gédéon, Oreb et Zeb s'en- 
fuirent avec les leurs, mais les gués du Jourdain par 
lesquels ils devaient nécessairement passer pour retour- 
ner dans leurs pays, furent interceptés par les Éphraï- 
mites qui en firent un grand carnage. Oreb fut tué au ro- 
cher qui prit son nom et Zeb au pressoir qu'on appella 
« le pressoir de Zeh». Jud., vu, 25 ; vm, 3. Le livre des 
Juges ne mentionne expressément dans ces passages 
que la mort d'Oreb et de Zeb, mais Isaïe, x, 26, com- 



4857 



OREB — OREILLE 



4858 



"pare le désastre de Madian en celle circonstance à celui 
tles Égyptiens poursuivant les Hébreux au passsage de 
la mer Rouge. Cf. Ps. lxxxiii (lxxxii), 12. Voir Gédêon, 
■t. m, col. 148. 

2. OREB (ROCHER D') (hébreu: Sûr'Ôrêb; Septante : 
Snùp QpT(g. Jud., vu, 25; totcoç OXiil/eMç, Is., x, 26; Vul- 
gate : Petra Oreb), nom donné au rocher auprès duquel 
"fut tué le chef madianite Oreb. Il n'est pas possible au- 
jourd'hui de l'identifier. Quelques exégètes, comme 
-Gesenius, Thésaurus, p. 1064, l'ont placé à l'est du 
Jourdain, mais le texte des Juges, vu, 25, indique 
-clairement que ce rocher était à l'ouest du fleuve et 
-probablement non loin de ses rives. 

OREILLE (hébreu : 'oze'n; Septante : o5?, wriov; 
"Vulgate : ouris, auricttlo), organe de l'audition. 

I. L'organe extérieur. — 1° L'oreille est faite pour 
percevoir les sons. Elle saisit les plus faibles bruits, 
Judith, XIV, 14; Job, IV, 12, et distingue les paroles. 
Job, xii, 11 ; xxxiv, 3. C'est Dieu qui lui a donné cette 
faculté, Prov., xx, 12, et qui la lui a donnée libéralement, 
-car l'oreille ne se lasse pas d'entendre. Eccle., i, 8. Ce- 
pendant, pour le vieillard, « disparaissent toutes les 
filles du chant, » parce qu'il devient sourd avec l'âge. 
Eccle., xii, 4. Pour éviter d'entendre, les oreilles ne 
peuvent pas se fermer d'elles-mêmes, comme les yeux 
■se ferment au moyen des paupières ; il faut les boucher 
•avec les mains. C'est ce que firent les Juifs en entendant 
le discours de saint Etienne. Act., vu, 56. Obligés par 
"l'usage à déchirer leurs vêtements quand ils entendaient 
un blasphème, voir Blasphème, t. i, col. 1807; Déchirer 
ses vêtements, t. Il, col. 1337, les Juifs s'exemptaient 
■des conséquences de cette prescription en se bouchant 
les oreilles et en poussant des cris. — 2 3 Les oreilles des 
sourds devaient s'ouvrira l'époque du Messie. Is., xxxv, 
5. Notre-Seigneur réalisa la prophétie en guérissant des 
sourds, ce qu'il fit spécialement quand une fois il mit 
des doigts dans les oreilles d'un sourd et leur com- 
manda de s'ouvrir. Marc, vu, 33, 34. — 3» On ornait 
l'oreille au moyen de boucles d'or. Gen., xxxv, 4; 
Exod., xxxii, 2; Ezech., xvi, 12, etc. Dans la consécra- 
tion d'Aaron et de ses fils, Moïse dut mettre sur le lobe 
de leur oreille droite du sang du bélier offert en sacri- 
fice. Exod., xxix, 20; Lev., vm, 23, 24. Une cérémonie 
semblable avait lieu pour la purification du lépreux. 
Lev., xiv, 14, 17, 25, 28. Le rite employé pour le grand- 
prêtre et ses fils indiquait qu'ils devaient être toujours 
prêts à écouter Jéhovah et à obéir à ses ordres. 
Cf. Bâhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 
1839, t. il, p. 425. Sur le rite employé pour le lépreux, 
voir Lèpre, col. 184. — 4» Les oreilles pouvaient subir 
différents accidents extérieurs. On les perçait naturel- 
lement pour y suspendre divers ornements. Quand un 
esclave désirait rester à perpétuité chez son maître, 
sans profiter de la libération que lui assurait le retour 
de l'année jubilaire, le maître le menait devant Jéhovah, 
comme pour prendre Dieu à témoin de l'engagement 
contracté, puis il le faisait revenir à la maison et, auprès 
de la porte, il lui perçait l'oreille avec un poinçon. 
Exod., xxi, 6; Deut., xv, 17. D'après ce second texte,- 
l'oreille était fixée sur la porte avec le poinçon. C'était 
une manière d'indiquer que l'esclave était pour toujours 
attaché à la maison par l'oreille, c'est-à-dire l'obéis- 
sance. Ce rite était usité chez d'autres peuples pour 
signifier la sujétion à laquelle se vouait quelqu'un soit 
envers un maître, soit envers les dieux. Cf. Arbiter 
Pétrone, Satir., lxiii; Juvénal, Sat., 1, 102; Plutarque, 
Sympos., il, 1 ; Rosenmûller, In Exod., Leipzig, 1785, 
p. 532-533. Au Psaume xl (xxxix), 7, le serviteur de 
Dieu lui dit, d'après l'hébreu : « Tu m'as percé les oreil- 
les... Je veux faire ta volonté. » Il est possible qu'il y ait 
là une allusion à la condition d'esclave volontaire et per- 

DICT. DE LA BIBLE. 



pétuel, qui n'existe plus que pour faire la volonté de son 
maître. Mais les textes législatifs ne parlent que d'une 
oreille, et ici il est question des deux. L'expression 
serait donc plutôt à prendre dans un sens général : Tu 
m'as creusé des oreilles, tu m'as fait capable de 
t'entendre et de t'obéir. Cf. Delitzsch, Die Psalmen, 
Leipzig, 1873, t. i, p. 323. La Vulgate confirme ce second 
sens : Aures autem perfecisti mihi, « tu m'as façonné 
des oreilles. » Mais on lit dans les Septante : nôijjia Se 
xaTripTt'dw (ioi, et dans le Psautier romain : corpus 
autem perfecisti mihi, « tu m'as façonné un corps. » 
Il est fort peu probable que, par une confusion de lec- 
ture, on ait substitué CQMA à OTIA, car déjà dans 
l'Épître aux Hébreux, x, 5, on trouve reproduit le texte 
des Septante. Le sens ne diffère pas, quant au fond, 
entre les deux textes. Les Septante, reconnaissant le 
caractère messianique du passage, ont remplacé une 
métaphore peu intelligible en elle-même par une ex- 
pression plus aisée à saisir. En venant sur la terre, le 
Messie reçoit un corps, une nature humaine, qui doit 
lui permettre d'obéir à la volonté du Père. Cf. V. Thal- 
hofer, Erklàrung der Psalmen, Ratisbonne, 1880, 
p. 246. — Ézéchiel, xxm, 25, annonce à Jérusalem que 
les Chaldéens lui couperont le nez et les oreilles. Saint 
Jérôme, In Ezech., vu, 23, t. xxv, col. 220, reconnaît 
ici le châtiment d'une femme adultère que l'on défigure 
pour qu'elle cesse de plaire aux complices de ses dé- 
sordres. Les mutilations de cette nature étaient fréquem- 
ment infligées aux vaincus par les Assyriens, les Chal- 
déens, les Perses et les autres peuples asiatiques. On 
sait que le mage Gaumâta, qui avait une ressem- 
blance élonnante avec Smerdis, fils de Cyrus, réussit à 
régner pendant quelques mois à la place de ce dernier, 
et ne fut démasqué que grâce à sa privation d'oreilles, 
celles-ci lui ayant été coupées antérieurement pour 
quelque méfait. Cf. Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient classique, Paris, t. ni, 1899, p. 673. 
Chez les Égyptiens, on coupait le nez et les oreilles à 
ceux qui s'étaient rendus coupables de certains délits. 
Cf. Diodore de Sicile, i, 60, 78; Hérodote, n, 162; Dé- 
véria, Le Papyrus judiciaire de Turin, p. 64-65, 116- 
121; Maspero, Une enquête judiciaire, p. 86; Histoire 
ancienne, 1. 1, p. 337; t. n, p. 288. Chez les Assyriens, 
on procédait de même. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 
t. n, p. 638, — A Gethsémani, saint Pierre coupa d'un 
coup d'épéè l'oreille d'un serviteur du grand-prêtre, Mal- 
chus, que Notre-Seigneur guérit aussitôt. Matth., xxvi, 
51; Marc, xiv, 47; Luc, xxii, 50, 51; Jx>a., xvm, 10, 
26. — 5° Le berger arrache quelquefois un bout 
d'oreille de sa brebis à la gueule du lion. Am., m, 12. 
Il était fort imprudent de prendre un chien, surtout ur» 
chien d'Orient, par les oreilles, ou, d'après les Sep- 
tante, par la queue. Prov., xxvi, 17. — Les idoles ont 
des oreilles, mais sont incapables d'entendre. Ps. exiv 
(cxin), 6; Sap., xv, 15. — Il faut entourer d'une haie 
d'épines son domaine, d'après les Septante, ses oreilles, 
d'après la Vulgate. Eccli., xxvni, 28. Le second sens 
paraît plus en harmonie avec le contexte. Il y aura eu 
confusion, dans la lecture de l'hébreu, entre fan, 'on, 
« possession, » et fiN, 'ozén, « oreille. » 

II. L'orgine intérieur, c'est-à-dire l'attention et l'in- 
telligence pour écouter, comprendre et même exécuter 
ce qu'énoncent les paroles perçues par l'organe exté- 
rieur. 1° Différentes locutions se rapportent à ces actes. 
« Parler à l'oreille » de quelqu'un, c'est s'adresser di- 
rectement à lui. Gen., xx, 8; xliv, 18; l, 4; Exod., x, 
2; xvn, 44; Deut., v, 1; xxxii, 44; Jos., vi, 5, 20; Jud., 
V, 3; 1 Reg., vin, 21; xxv, 4, etc. C'est ainsi que le cri 
de la prière vient aux oreilles de Dieu, II Reg., xxm 
7; Ezech., Vin, 18; ix, 1; Jacob., v, 4, etc.; et qu'une 
nouvelle monte aux oreilles, IV Reg., xix, 28; Is., 
XxXVii, 29, ou arrive aux oreilles. Act., xi, 22. — 
2<> <( Ouvrir l'oreille » de quelqu'un, c'est lui faire un 

IV. - 59 



4859 



OREILLE 



ORFÈVRE 



4860 



révélation, l'informer d'une chose. I Reg., ix, 15; xx, 
"13; Il Reg., -vu, 27; 1 Par., xvn, 25; Job, xxxm, 16; 
XXXVI, 10, 15, etc. Un mythe chaldéen présente une 
expression analogue : « Éa a fait une large oreille à 
Adapa, » c'est-à-dire lui a donné l'intelligence. Jensen, 
Mythen und Epen, Berlin, 1900, p. 92-101 . « Entendre 
de ses oreilles, » c'est être averti directement et per- 
sonnellement d'une chose. II Reg., vu, 22; I Par., 
xvh, 20; Job, xxvni, 22; Ps. xuv (xmi), 2, etc. Une 
chose « accomplie aux oreilles » est celle dont les 
•oreilles constatent la réalisation. Luc, iv, 21; vu, 1. Ce 
qu'on a « entendu à l'oreille i> est un enseignement 
reçu en particulier et destiné à être ensuite publié. 
Matth., x, 27; Luc, xii, 3. Chaque matin, le Seigneur 
éveillait, l'oreille du prophète, c'est-à-dire le rendait 
attentif à ses révélations. Is., l, 4, 5. — 3° L'oreille 
peut se comporter de différentes manières par rapport 
aux paroles qui lui parviennent. « Prêter l'oreille, » 
Job, vi, 28; xin, 17; Eccli., vi, 34, etc., ou « incliner 



xvm (xyii), 45, c'est obéir sur-le-champ. « Ce que 
l'oreille n'a pas entendu, » c'est-à-dire ce dont l'homme- 
ne peut recevoir même l'idée, c'est le bonheur du cieU 
ICor., il, 9. — Quand on apprend une nouvelle qui 
jette dans la stupeur, on dit que « les oreilles tintent » r 
I Reg., m, 11; IV Reg., xxi, 12; Jer., xix, 3, ou en 
« sont assourdies ». Mich., vu, 16. Sous l'empire d'une 
violente émotion, le cœur a des mouvements brusques- 
qui refoulent le sang avec violence aux extrémités et 
produisent des tintements dans les oreilles. L'oreille 
du méchant entend des bruits effrayants, Job, xv, 21 f 
parce que le remords lui est une cause de menaces et 
de terreurs. Des « oreilles incirconcises » indiquent la 
mauvaise disposition du cœur à l'égard de la vérité. Jer., 
vi, 10; Act., vu, 51. L'oreille ne doit pas se désintéresser 
du reste du corps, I Cor., XII, 16, c'est-à-dire que le 
chrétien, en communion avec ses frères, ne doit pas- 
vivre comme s'il n'avait qu'à s'occuper de soi. — Il est 
dit de Banaïas que David le mit 'al-miSma'tô, « à son. 



W "*■ A FTXllf 




490. — Orfèvres. D'après Wilkinson, The Manners and Cvstoms, t. u, p. 234, flg. 413. — 1 et 2 fabriquent des bijoux, 
— 8 souffle le feu pour fondre l'or, — 4 et 5 pèsent l'or, — 6. Scribe, — 8 et 9 lavent l'or. A leur droite est le directeur 
des travaux. Les autres ouvriers a droite préparent l'or avant qu'il soit mis en œuvre.' 



l'oreille », IV Reg., xix, 16; II Par., vi, 40; II Esd., i, 
6, 11; Ps. xxxi (xxx), 3; xlv (xliv), 11; Jer,, xvii, 23; 
xxxv, 15; Bar., n, 16, etc., marque l'attention bienveil- 
lante avec laquelle on accueille une parole ou une de- 
mande. Ainsi Dieu, II Par., vi, 40; vu, 15; Ps. v, 2; 
xvn (xvi), 1, 6, etc., et quelquefois l'homme, II Esd., 
vin, 3, etc., ont l'oreille attentive à la prière. L'oreille 
qui entend est prise pour l'intelligence qui comprend. 
Deut., xxix, 4. De là l'expression fréquente dans le 
Nouveau Testament : « Entende qui a des oreilles pour 
entendre. » Matth., xi, 15; xm, 9, 43; Marc, iv, 9, 23; 
vu, 16; Luc, vm, 8; xiv, 35; Apoc, H, 7; m, 6; xih, 
9, etc. Par contre, « fermer les oreilles, » Prov., xxi, 
13; Is., xxxm, 15, comme la vipère sourde ferme les 
siennes à la voix de l'enchanteur, Ps. lviii (lvii), 5; 
« détourner ses oreilles, » Prov., xxvm, 9; Lam., m, 
56; « avoir les oreilles alourdies, » Is., vi, 10; lu, 1; 
Zach., vu, 11; Matth., xm, 15; « avoir des oreilles et 
ne pas entendre, » Ezech., xn, 2; Marc, vm, 18; Act., 
xxvm, 26, 27; Rom., xi, 8, etc., sont des expressions 
qui marquent la mauvaise volonté avec laquelle on 
refuse d'apprendre, de croire ou d'obéir. — 4» Quelques 
autres locutions bibliques sont empruntées aux fonc- 
tions de l'oreille. « L'oreille jalouse entend tout, » 
Sap., i, 10, ce qui se rapporte à Dieu auquel rien 
n'échappe. L'oreille qui cherche la sagesse indique un 
esprit curieux de s'instruire. Prov., xvm, 15; xxm, 12. 
« Obéir à l'audition de l'oreille, » II Reg., xxn, 45; Ps. 



audition, » II Reg., xxm, 23; I Par., xi, 25, c'est-à- 
dire en fit son confident, son conseiller. D'après Jes 
Septante, il le mit xpôç tôiç àxoàç aùroy, « à ses au- 
diences, » et, dans les Paralipomènes, eue tï|v iratpiàv- 
aÙToO, « vers sa patrie, » traduction qui suppose un- 
tout autre texte hébreu. D'après la Vulgate, il fit de lui 
son auricularius, son auditeur, le plaça ad auriculam 
suam, « près de son oreille, » ce qui rend bien le 
texte hébreu. Dans un sens un peu différent, les rois de 
Perse avaient « beaucoup d'yeux et beaucoup d'oreilles ». 
On appelait de ce nom des fonctionnaires qui parcou- 
raient les provinces pour en contrôler ou en réformer 
l'administration. Voir Œil, col. 1748; Xénophon, Cyro- 
pssd., vm, 2, 10. — Le mot 'ozén entre dans la compo- 
sition de plusieurs noms propres : Azanias, 'âzanydh,, 
« Jéhovah entend, » lévite du temps de Néhémie, 
II Esd., x, 9; Amnoth-Thabor, « oreilles du Thabor, » 
ville de la tribu de Nephthali, Jos., xix, 34; voir t. i, 
col. 1298; Ozni, 'ozni, « l'homme aux oreilles, » nom 
d'un fils de Gad, Num., xxvi, 16; et Ozensara, 'uzzên< 
Sé'ërâh, « oreille de Sara, » fille d'Éphraïm, nom donné 
à une'ville. 1 Par., vu, 24. H. Lesêtre. 

ORFÈVRE (hébreu : soréf, mesârèf, du verbe sâraf,. 
« fondre et épurer les métaux; » Septante : XP Uffo XÔoc, 
XpuooupY<5ç, àpYUpoxôoç, àpYupoxoxoç, y<avtiiav, « fon- 
deur, » uupuT^;; Vulgate : aurifex, argenlarius), ou- 
vrier qui travaille les métaux précieux (fig. 490). — 



1861 



ORFEVRE 



ORGE 



1862 



Après la sortie d'Egypte, dès le séjour au désert, il se 
trouve déjà parmi les Israélites des ouvriers capables 
de faire le veau d'or, Exod., xxxil, 4, et les différents 
objets en or destinés au service du Tabernacle. Exod., 
xxxvm, 24-27. Voir Bêséléel, t. I, col. 1639. A l'époque 
des Juges, Michas charge un orfèvre de lui fondre une 
idole d'argent. Jud., xvn, 4. L'orfèvre dégageait l'argent 
des scories et en fabriquait un vase. Prov., xxv, 4. 
Isaïe, m, 18-21, parle en détail des objets de bijouterie 
dont se paraient les femmes de Jérusalem et qui sup- 
posent assez avancé l'art des orfèvres. Ceux-ci sont pris 
à parti à cause des idoles d'or ou plaquées d'or qu'ils 
fabriquaient. Is., XL, 19; xlvi, 6; Bar., vi, 45; Sap., xv, 
9. Au retour de la captivité, les orfèvres prirent part 
comme les autres à la reconstruction des murs de Jéru- 
salem. II Esd., m, 8, 30, 31. Malachie, m, 2, 3, com- 
pare le Messie futur au fondeur qui épure l'or et l'ar- 
gent. — A Éphèse, une émeute contre saint Paul fut 
suscitée par l'orfèvre Démétrius, qui fabriquait de pe- 
tits temples de Diane en argent. Act., xix, 24. Voir 
Diane, t. h, col. 1408; Argent, t. i, col. 945; On, 
col. 1836. H. Lesêtre. 

ORFRAIE, oiseau de proie, le même que l'aigle de 
mer ou pyrargue. Voir Aigle de mer, t. i, col. 305. Le 
nom d'orfraie lui est plus particulièrement donné pen- 
dant ses deux premières années, alors que sa queue 
d'abord noirâtre ne passe pas encore au blanc. Il y a 
deux sortes d'orfraie, l'haliaëtus albicilla, extrêmement 
rare sur les côtes syriennes, quoique se trouvant par- 
fois dans la Basse-Egypte, et le pandion haliaëtus, qui 
se trouve, bien qu'en petit nombre, dans tous les 
endroits de la Palestine où il rencontre des conditions 
favorables à son genre de vie. On le voit près des 
rivières qui coulent dans le voisinage de la côte, au 
milieu des rochers du rivage, dans la vallée du Jour- 
dain et autour du lac de Génésareth. C'est l'aigle pê- 
cheur proprement dit; mais il préfère pêcher au bord 
de la mer. Cf. Tristram, The natural history of the 
Bible, Londres, 1889, p. 183; Wbod, Bible animais, 
Londres, 1884, p. 356. H. Lesêtre. 

ORGE (hébreu : èe'ôrâh; Septante : xpiO-ri; Vulgate : 
hordeum), une des céréales de Palestine. 

I. Description. — De toutes les céréales, c'est celle 
dont la culture remonte à la plus haute antiquité et qui 
se trouve encore actuellement la plus répandue à la sur- 
face du globe. Elle doit cet avantage à l'extrême rapidité 
de sa croissance, qui lui permet d'atteindre sa maturité 
au bout de quelques mois après le semis, se contentant 
des étés courts du Nord, et pouvant être récoltée avant 
la saison brûlante du Midi. 

Le genre Hordeum est caractérisé entre toutes les 
autres graminées par son épi dont l'axe porte un 
groupe de trois épillets uniflores sur chacune de ses 
dents. Dans l'orge sauvage un seul de ces épillets est 
fertile, et les grains se trouvent ainsi superposés sur 
deux rangs, d'où le nom de H.distichum. Mais la cul- 
ture a obtenu des races dans lesquelles les épillets col- 
latéraux sont plus ou moins développés, de façon que 
l'épi porte quatre ou six rangées de grains. Toutes, ces 
orges étaient connues des anciens, mais celle dont \& 
culture a dû précéder les autres, au moins chez les^ peu- 
ples sémitiques, est l'orge à deux rangs, dont le type 
spontané, décrit par Boissier sous le nom de S. Itha- 
burense (fig. 491), ne se sépare de VH. distichum que 
par la fragilité du rachis de l'épi, par les glumes ordi- 
nairement plus velues et dépassant les glumelles, enfin 
par les arêtes plus longues atteignant 15 centimètres. 
Elle habite les régions désertiques de l'Arabie Pétrée, 
autour du Sinaï, du Thabor, ainsi que les montagnes du 
Liban. F. Ht. 

II. Exégèse. — 1» Nom et identification. — En hébreu 



l'orge se dit èe'ôrâh, d'une racine qui signifie « être 
velu, couvert de poils », par allusion à la longue barbe 
de son épi. L'identification ne souffre aucune difficulté, 
les langues sémitiques ayant conservé le même nom : 
en araméen se'ârà', se'orlâ'; en syriaque se'orto' ; en 
arabe sa'ir, et les versions, comme les Septante et la 
Vulgate, rendant toujours le mot hébreu par xpiQVj et 
hordeum. I. Lbw, Aramâîsche Pftanzennamen, in-8°, 
Leipzig, 1881, p. 277. D'ailleurs le contexte des passages 
où se rencontre le mot tëôrâh demande cette significa- 
tion. Le pluriel èe'orîm se dit des grains d'orge. Ils 
sont également désignés quelquefois par le collectif hé- 
breu bar, le grain séparé de la paille, terme il est vrai 
qui convient aussi et plus souvent au grain de blé. 11 y 




491. — Hordeum Ithaburense. 

a lieu de remarquer qu'en persan le mot bàr désigne 
l'orge. Cf. le cymrique barlys c'est-à-dire « herbe-bar s, 
et l'anglais barley pour l'orge. A. Pictet, Les origines 
indo-européennes, 2 e édit., Paris, s. d., 1. 1, p. 335. Sous 
le terme général ddgân, les céréales, l'orge se trouve 
parfois comprise, cf. t. il, col. 437. 

2° Pays bibliques producteurs de l'orge. —1. La pre- 
mière mention, qui est faite de l'orge dans la Sainte 
Écriture, se rapporte à l'Egypte. [C'est au sujet de la 
septième plaie. Exod., IX,31. Un terrible orage accom- 
pagné de grêle ravagea la vallée du Nil et détruisit les 
récoltes d'orge et de lin.[On jetait à la saison où l'orge 
monte en épis, c'est-à-dire au mois de mars. Les consé- 
quences du fléau durengêtre considérables, l'orge étant 
abondamment cultivée dans toute l'Egypte. C'est encore 
la céréale la plus répandue dans ce pays. P. S. Girard, 
Mémoire sur l'agriculture, l'industrie elle commerce 
de l'Egypte, dans la Description [de l'Egypte; État 
moderne, t. u, Paris, 1812, p.'525. Dans des tombeaux 
de la XII e dynastie, et même dans des sépultures con- 



1863 



ORGE 



ORGUEIL 



1864 



eroporaines des pyramides ont été trouvés des grains 
et des pains d'orge. V. Loret, La Flore pharaonique, 
2 e édit., Paris, 1892, p. 23. Les espèces ainsi découvertes 
sont YHordeum vulgare et \'H. hexastichum. Le nom 
égyptien de l'orge n'est pas bôti, comme l'ont cru 
quelques égyplologues (c'est le nom de l'épeautre ou du 

doura), mais bien ati, I S • , devenu iwt en copte. 

D'après Hérodote, n, 36, 77, les anciens Égyptiens se 
gardaient de manger du pain d'orge ou de blé, mais se 
nourrissaient d'épeautre. Athénée, m, 29, Diodore de 
Sicile, i, 14, disent le contraire, et d'après ce dernier, 
I, 34, nous savons que les habitants de la vallée du Nil 
n'avaient aucune répugnance pour la boisson fermentée 
faite avec de l'orge. Du reste les peintures funéraires 
témoignent contre Hérodote (t. i, col. 1815). La remar- 
que de cet historien pourrait bien ne s'appliquer qu'à 
certaines provinces où la défense tiendrait à des prati- 
ques superstitieuses et à la consécration de ces céréales 
à quelque divinité. 

2. La Bible fait également allusion à l'orge de Babylo- 
nie c'est sur les bords du fleuve Kebar que le prophète 
Ézéchiel, iv, 9, reçoit l'ordre de mélanger à du blé une 
certaine quantité d'orge, de fèves, de lentilles, de millet 
et d'épeautre, cinq espèces de grains de nature infé- 
rieure, dont plusieurs ne servent à faire du pain que 
dans les cas de détresse. Plus loin, xm, 19, Jéhovah re- 
proche aux faux prophètes de l'avoir déshonoré auprès 
de son peuple pour une poignée d'orge. Si l'on en croit 
Hérodote, i, 193, les rives du Tigre el de l'Euphrate 
étaient extraordinairement fertiles en blé et en orge, 
qui y atteignaient des dimensions considérables. Cf. 
1. 1, col. 1814. D'après plusieurs explorateurs modernes, 
Hérodote n'aurait pas exagéré. Car on voit en ces ré- 
gions jusqu'à 30 et 40 épis naître d'un seul grain d'orge. 
Delattre, Travaux hydrauliques en Babylonie, dans la 
Revue des questions scientifiques , Bruxelles, 20 octo- 
bre 1888, p. 451. 

3. La Palestine est célébrée comme une terre féconde 
en blé et en orge. Deut., vin, 8. Elle produisait des cé- 
réales en abondance, rôb dâgân. Gen., xxvn, 28, 37. Ce 
terme général qui revient fréquemment, convient à 
l'orge aussi bien qu'au blé. Cf. t. i, col. 1815. Fréquem- 
ment aussi le nom spécial de l'orge se'orâh est men- 
tionné dans les textes. Quand Ruth s'en va glaner dans 
les champs de Booz, c'est de l'orge qu'elle ramasse. 
Ruth, i, 22; n, 17, 23; m, 2, 15. Absalom envoie mettre 
le feu dans le champ d'orge de Joab situé à côté du 
sien. II Reg., xiv, 30. Elisée annonce qu'après la levée 
du siège de Samarie par les Syriens, les Israélites qui 
avaient tant souffert de la famine auront deux se'ak 
d'orge pour un sicle. IV Reg., vu, 1. 

Dans un champ d'orge, à Phésdomim, Éléazar, un des 
trois chefs des gibborim battit les Philistins. I Par., xi, 
13. Pour la nourriture des ouvriers d'Hiram employés 
à couper le bois destiné aux constructions de Salomon, 
celui-ci faisait donner vingt mille cors d'orge et autant 
de froment. II Par., H, 10. Après la défaite des Ammo- 
nites, Joatham leur impose en tribut dix mille cors 
d'orge, II Par., xxvu, 5. Maintenant encore, même sous 
la domination musulmane, « la Palestine offre quantité 
de plaines fertiles en blé, en orge, en doura, etc., là 
où les bras ne manquent point à l'agriculture. » A. J. 
Delattre, Le sol en Egypte et en Palestine, dans les 
Études religieuses des Jésuites, nov. 1892, p. 403. On 
peut juger de ce qu'elle devait produire lorsqu'elle était 
soigneusement cultivée par une population nombreuse. 
Mais des fléaux comme celui des sauterelles pouvaient 
anéantir en un instant la plus belle récolte. Joël, i, 11. 

3° Semailles et moissonsi — 1. Dans la vallée du Nil 
on semait l'orge en novembre, avec quelques jours de 
différence en plus ou en moins suivant les régions. 
P. S. Girard, Mémoire sur l'agriculture, dans Descrip- 



tionde l'Egypte. État modeme,\. h, Paris, 1812, p. 525. 
C'est à peu près à la même époque en Palestine, un 
mois avant le blé. Talmud de Babylone, Berakoth, 18 ï . 
L'orge est semé soit à la volée, soit avec soin par ran- 
gées en distançant les grains. Is., xxvm, 25. La mois- 
son se faisait dès le premier mois de l'année : elle 
s'ouvrait par une cérémonie le 16 Nisan ou deuxième 
jour de la Pâque. Au premier soir du 16 Nisan, à la 
manière juive de compter, aussitôt après le coucher du 
soleil, on fauchait une gerbe d'orge dans un champ 
voisin de Jérusalem, et le 16 au matin on l'offrait dans 
le temple comme prémices de la moisson de l'année. 
Lev., xxni, 10-12. L'époque régulière de la moisson 
servait de date : « Au temps de la moisson des orges. » 
Ruth, ï, 22; n, 23; II Reg.,XXi, 9; Judith, vin, 2. 

2. La moisson de l'orge se faisait comme celle du blé, 
t. I, col. 1817. On coupait l'orge à la faucille et on la 
mettait en gerbes. Le mari de Judith, Manassès sur- 
veillait les moissonneurs qui liaient les gerbes dans les 
champs. Judith, vm, 2. On fait allusion au battage et 
au vannage de l'orge. Ruth., u, 17; m, 2. La récolte 
était ensuite renfermée dans des greniers; on avait 
aussi la coutume de cacher l'orge dans des fosses 
creusées au milieu des champs. Jer., xli, 8. P. S. Gi- 
rard, Mémoire sur l'agriculture, dans la Description 
de l'Egypte, État moderne, t. n, p. 525. 

4° Usages domestiques et oblations. — Le pain d'orge 
est un des plus anciens aliments, observe Pline, H. N., 
xviii, 14. Les hébreux en faisaient usage, comme en 
témoignent plusieurs textes de l'Écriture. Ainsi on 
apporte à David dans sa fuite de l'orge en nature ou en 
farine. II Reg., xvn, 28. Durant la famine on apporte à 
Elisée vingt pains d'orge et des épis dans un sac. 
IV Reg., iv, 43. Salomou fournissait du blé et de l'orge 
aux serviteurs du roi Hiram qui travaillaient pour lui. 
II Par., n, 15. Les pains multipliés par Jésus-Christ 
pour les cinq mille hommes qui l'avaient suivi au dé- 
sert étaient cinq pains d'orge. Joa., vi, 9. On mangeait 
l'orge comme le blé sous plusieurs formes. Ou bien on 
grillait les grains au feu et on les mangeait sans autre 
accommodement, Lev., n, 14; IV Reg., iv, 43; ou bien on 
les réduisait en farine qu'on appelle qémah se'ôrîm. 
Num., v, 15. (Le mot qémah employé seul, sans déter- 
mination spéciale, se dit de la farine de froment.) Et la 
farine pétrie et cuite au four donnait le pain d'orge, 
pain qui n'était pas très estimé, et était la nourriture des 
pauvres ou du temps de détresse. L'orge est évaluée deux 
fois moins que le blé, IV Reg., vu, 1,16, 18, et trois fois 
moins dans l'Apocalypse, vi, 6. Jud., vu, 13; IV Reg., IV, 
42; Ezech., iv, 9; xm, 19; Joa., vi, 13. On l'employait 
surtout pour la nourriture des animaux. Les intendants 
de Salomon faisaient venir l'orge et la paille pour les 
chevaux de trait et de course. IV Reg., IV, 28. C'est la 
nourriture habituelle des chevaux en Palestine, en 
Egypte et en général en Orient où l'on ne cultive pas 
l'avoine. Aussi les Rabbins appellent-ils l'orge la nour- 
riture des bêtes. Misckna Pesach., 3. Cf. Pline, H. N., 
xviii, 14. C'est à cause de l'infériorité de cette céréale, 
qu'au lieu de l'oblation ordinaire de fleur de farine de 
blé, on ne devait offrir pour la femme soupçonnée 
d'adultère que de la farine d'orge. Num., v, 15. Pour 
racheter un champ consacré à Dieu, si l'on voulait 
payer le prix en argent, on faisait l'estimation d'après 
la quantité de grain nécessaire pour l'ensemencer, à 
raison de cinquante sicles d'argent pour un horner 
d*orge. Lev., xxvn, 16. D'après Ezech., xlv, 13, dans le 
temple à venir, au sujet des offrandes à prélever, pour 
un fyomer d'orge on devait prendre le sixième d'un 
épha. Cf. O. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 
1748, t. n, p. 239-247. < E. Levesque. 

ORGUEIL (hébreu : gè'âh, ga'âvâh, gd'ôn, gé'ûp, 
gôbah, gabhût, gèvàh, zâdôn, mârôm, 'ébrâh, rahab, 



1865 



ORGUEIL 



ORIENTAUX 



1866 



Sahas; chaldéen : gêvâh; Septante : Ù7rep-/)çav£a, ifêpiç, 
ïrajua; Vulgate : superbia, arrogantia, jactantia), sen- 
timent exagéré de sa propre valeur. Les douze noms 
qui servent à désigner ce vice en hébreu indiquent que, 
chez les Israélites, l'orgueil comportait beaucoup de 
nuances et de formes différentes. La Sainte Écriture 
parle fréquemment de l'orgueil et des châtiments qui 
l'attendent. — 1» Ses caractères. 1. L'orgueil est naturel 
à l'homme. II Tim., m, 2. Il est au-dedans du cœur, 
Marc, vu, 22, et constitue l'une des trois concupiscences. 
I Joa., H, 16. Il commence à se manifester quand on 
se détourne de Dieu et qu'on commet le péché. Eccli., 
x, 14, 15. Chez le méchant, il s'élève jusqu'aux nues. 
Job, xx, 6; II Thés., n, 4-. — 2. Il est souvent joint à la 
sottise, Prov., xiv, 3, à l'incrédulité, I Tim., vi, 4, à 
l'insouciance, Eccli., xxxn, 22, et surtout à la méchan- 
ceté. Ps. xxxi (xxx), 19; cxix (cxvm), 51; cxxm (cxxii), 
4; Prov., xxi, 24; I Mach., n, 47, 49. Job, xxxv, 12, 
mentionne l'orgueilleuse tyrannie du méchant, pour 
qui l'orgueil est une parure et la violence un vêtement, 
Ps. lxxiii (lxxii), 6, et qui, comme la perdrix enfermée 
dans une cage pour attirer les autres oiseaux, travaille 
à faire tomber les autres dans le mal. Eccli., xi, 32. 
Pendant que le méchant s'enorgueillit ainsi, le malheu- 
reux se consume. Ps. x, 2. — 2° Ses conséquences. 
L'orgueil entraîne après lui l'ignominie, Prov., xi, 2; 
l'humiliation, Prov., xxix, 23; des querelles, Prov., xin, 
10, qui font couler le sang, Eccli., xxvii, 16, et la ruine. 
Prov., xvi, 18. Cette ruine s'étend à l'autre vie et fait 
dire aux méchants : « A quoi nous a servi l'orgueil? » 
Sap., v, 8. Ils sont ainsi pris dans leur propre orgueil. 
PsvLlx (lviii), 13. — 3° Haine de Dieu pour l'orgueil. 
Cette haine est souvent affirmée soit de la sagesse, 
Prov., vin, 13; Eccli., xv, 7, soit de Dieu lui-même. 
IV fleg., xix, 28; Is., xxxvn, 29; Judith, ix, 16; Ps. ci 
(c), 5; Prov., xvi, 5; Eccli., x, 7; Xvi, 9; Am., vi, 8; 
Rom., I, 30. Il est dit dans les Proverbes, m, 34, que 
Dieu «, se moque des moqueurs et donne sa grâce aux 
humbles ». En reproduisant ce verset d'après les Sep- 
tante, saint Jacques, rv, 6, et saint Pierre, I, v, 5, 
disent que « Dieu résiste aux orgueilleux ». — 4° La 
vengeance divine. 1. Elle est fréquemment appelée 
contre les ennemis orgueilleux. Ps. lxxiv (lxxiii), 23; 
xciv (xcm), 2; cxix (cxvm), 78, 122; Eccli., Ll, 14; Ju- 
dith, vi, 15; vin, 17; ix, 12; xm, 28; II Mach., i, 28; etc. 
— 2. Dieu porte la peine de mort contre celui qui, par 
orgueil, n'écoute pas le prêtre. Deut., xvn, 12, 13. Il 
menace les orgueilleux, Ps. cxix (Cxvm), 21; Is., xm, 
11; leur annonce son jugement futur, Eccli., xxi, 5; les 
punit sévèrement, Ps. xxxi (xxx), 24; renverse leur 
maison, Prov., xv, 25; les abaisse à son jour, Is., n, 12; 
Dan., iv, 34; Matth., xxm, 12; Luc, xiv, 11; xvm, 
14; et les disperse. Luc, i, 51. — 3. La vengeance di- 
vine éclate en particulier contre l'orgueil d'Israël re- 
belle, Lev., xxvi, 19; d'Ephraïm, Is., xxxm, 1, 3; Ose., 
vil, 10; de Juda et de Jérusalem, Jer., xm, 9, 17; 
Ezech., vu, 10, 24; xvi, 56; xxrv, 21; xxxm, 28; de So- 
dome, Ezech., xvi, 49; de Tyr, Is., xxm, 9; de Moab, 
Is., xvi, 6; Jer., xlviii, 29; de Moab et d'Ammon, Soph., 
n, 10; d'Édom, Abd., 3; des Chaldéens, Is., xm, 11; de 
l'Egypte, sur le secours de laquelle on a tort de compter, 
Is., xxx, 7; Ezech., xxx, 6, 18; xxxn, 12; des Philistins^ 
Zach., ix, 6; de l'Assyrie, Zach., X, 11; des Syriens, 
I Mach., m, 20; d'Antiochus qui, dans l'enivrement de 
son cœur, s'imaginait pouvoir rendre navigable la terre 
ferme et faire marcher sur la mer. II Mach., v, 21; vu, 
36; IX, 7, 8; de Capharnaûm, Matth., xi, 23; de la grande 
Babylone. Apoc, xvm, 7, 8. Cf. Is., xiv, 13-15. — 
5° Fuite de l'orgueil. L'orgueil n'est pas fait pour 
l'homme, Eccli., x, 22, puisque celui-ci n'est que terre 
et poussière. Eccli., x, 9; cf. xxv, 4. Éliu pense que 
Dieu éprouve l'homme précisément pour le retirer de 
l'orgueil. Job, xxxm, 17. Tobie, îv, 14, recommande de 



ne céder à l'orgueil ni dans son cœur ni dans ses pa- 
roles. Il faut éviter la compagnie des orgueilleux, car, 
en les fréquentant, on leur devient semblable. Eccli., 
xm, 1. Les ministres de l'Église doivent surtout être 
exempts d'orgueil. 1 Tim., m, 6; TH., i, 7. Vois Humi- 
lité, t. m, col. 777. H. Lf.sètre. 

1. ORIENT (hébreu : 'ûr, de 'ôr, e. lumière, » le côté 
d'où vient la lumière à la suite de la nuit; mnsà", 
« sortie, » et mizrâfy, « sortie du soleil; » qâdîm, « ce 
qui est devant; » lifnê, « ce qui est en face, » et surtout 
qédém; Septante : àva-roXiî, souvent employé au pluriel 
àvcxToW, ëÇoSoç; Vulgate : ortus solis, oriens), partie 
de l'horizon du côté de laquelle le soleil se lève. — 
Pour s'orienter, les Israélites se tournaient du côté du 
soleil levant, d'où les expressions, qâdim, « ce qui est 
devant soi, », Ezech., xlvii, 18; xlviii, 1; lifnê, « en 
face, » Gen., xxm, 17 ;'al penê, « vis-à-vis, » Gen., xvi, 
12; xxv, 18, etc., pour désigner l'orient; 'àlyôr, « par 
derrière, » Job, xxm, 7, 8; Is., ix, 11, pour désigner 
l'occident; seniol, « à gauche, » Gen., xiv, 15; Job, 
xxm, 9, pour désigner le norcL Comme la lumière du 
soleil apparaît d'abord à l'orient, celui-ci est appelé 'ûr 
(Vulgate : in doclrinis), par opposition aux « îles de la 
mer », qui indiquent l'occident. Is., xxiv, 15. Le lever 
du soleil et son coucher, c'est-à-dire l'orient et l'occi- 
dent, marquent les deux extrémités de l'horizon et 
figurent des choses très éloignées l'une de l'autre. 
Gen., xxvm, 14; Ps. xix (xvm), 7; cm (en), 12; cxm 
(cxn), 3; Is., xliii, 5; Zach., vin, 7; Bar., iv, 37; Matth., 
vin, 11; Luc, xix, 29. Les « fils de l'Orient », benê 
qédém, mol twv àvaioXwv, viol Ks5é(i, orientales, filii 
orientis, sont les peuples qui, par rapport aux Israé- 
lites, se trouvaient à l'orient, et particulièrement les 
Arabes. Job, i, 3; Jer., xlix, 28, etc. Les Mages venaient 
d'orient, c'est-à-dire de Perse et de Médie. Matth., n, 
1. Voir Mages, col. 546. La mer orientale est la mer 
Morte. Jos., il, 20; Zach., xiv, 8. — Deux fois, dans Za- 
charie, m, 8; vi, 12, le Messie est caractérisé par le 
nom de sémah, « germe, » le rejeton par excellence de 
David. Les versions traduisent par àva-roX/i, oriens, 
« orient, » en prenant le mot hébreu dans le sens de 
petite plante qui commence à apparaître. Zacharie, 
père de Jean-Baptiste, appelle le Sauveur àvaxoXr., 
oriens, Luc, i, 78, le comparant ainsi au soleil qui ap- 
paraît à l'orient pour illuminer la terre. 

H. Lesêtre. 

2. ORIENT (hébreu : sémah, « germe, rejeton; » 
Septante : âvocToATJ), nom donné parla Vulgate au Mes- 
sie futur, dans la traduction de Zacharie, m, 8; vi, 12. 
Cf. Luc, i, 78. Voir Germe, t. m, col. 212. 

ORIENTAUX (hébreu : benê-Qédém, n. les fils de 
l'Orient : » Septante : ytj àvaroXwv, Gen., xxix, 1 ; ol 
•jlo't àva-roAûv, Jud., vi, 3, 33; vu, 12; o\ à?' tjAiou 
àvaToXôiv, Job, i, 3, et Is., xi, 14; o\ ulot KeSén, Jer., 
xlix, 28, et Ezech., xxv, 4, 10; àpxaiot àvCptiTto!, IIIReg., 
iv, 30 (hébreu, v, 10) ; Vulgate : Orientales, générale- 
ment; filii orientis, Is., xi, 14; Jer., xlix, 28; Ezech., 
xxv, 10; filii orientales, xxv, 4), nom donné aux no- 
mades vivant à l'orient du pays de Chanaan. 

I. Données bibliques. — 1° Indications géographi- 
ques et ethnographiques. — D'après son acception 
ordinaire, l'Orient, Qédém, embrassant en général 
toutes les contrées situées à l'orient du pays habité par 
les Israélites, le nom d' « Orientaux » devrait de même 
désigner indistinctement tous les peuples de ces con- 
trées, et il gardait sans doute cette signification danj 
l'usage; toutefois, dans le langage des auteurs et des 
personnages bibliques, « les fils de l'Orient » et « le 
pays d'Orient », 'érés-Qédém, a une signification beau- 
coup plus restreinte. Quand Abraham voulant séparer 
les fils d'Agar et de Cétura de son fils Isaac auquel il 



1867 



ORIENTAUX 



1868 



réservait l'héritage de la Terre Promise, en leur remet- 
tant une part de ses troupeaux et de ses autres richesses, 
Gen., xxv, 6, et les envoyait à la terre d'Orient, il ne 
leur désignait sans doute pas d'autre pays que celui où 
l'histoire montrera constamment les descendants d'is- 
maêl et les diverses tribus descendues ou nommées des 
enfants de ces deux femmes du patriarche, la région 
eu n'ont cessé de se tenir les nomades communé- 
ment sémites, à l'est du pays de Chanaan. Le terri- 
toire le plus éloigné où la Bible nous fait voir « les fils 
de l'Orient » est le district mésopotamien de Paddan- 
Aram, au nord-est de Chanaan, sur la rive gauche de 
l'Euphrate, où s'était développée la descendance d'Aram 
et où se trouvait la famille de Nachor, frère d'Abraham : 




492. — Bédouin oriental. 
D'après une photographie de M. L. Heidet. 

c'est là « la terre des fils d'Orient », 'érés benê-Qédéni, 
où vécut Jacob, quand il fut obligé de s'éloigner de Cha- 
naan, pour se soustraire au ressentiment de son frère 
Ësaii. Gen., xxix, 1. On retrouve les fils de l'Orient des- 
cendants d'Aram avec Job, le plus grand parmi tous 
les benê-Qédém, dans la terre de Hus, Job, I, 3. 

2» Caractère des Orientaux. — Les auteurs sacrés ne 
semblent pas attacher au nom benê-Qédém uniquement 
la signification d' « habitants de la région orientale », 
en rangeant parmi eux les Amaléciles et les Madianites 
qui habitaient au sud du pays d'Israël, ils indiquent 
qu'ils lui attribuent un sens plus étendu. Ont-ils entendu 
dire aussi « le peuple ancien », signification comportée 
par l'étymologie du nom et à cause de leur antiquité 
relative et à cause de leur genre de vie qui paraît celui 
des peuples primitils? Rien dans l'Écriture ne l'indique 
positivement. Ce qui est certain c'est que le bén-Qédém 
est, parmi les fils d'Adam, un homme de caractère et 
de mœurs spéciales : c'est l'habitant du désert adonné 
à la vie pastorale, vivant sous la tente qu'il transporte 
à son gré, se servant dans ses voyages et ses courses, 
ses guerres et ses razzias qui sont une partie de sa vie, 
do chameau pour monture, et toujours armé de l'arc, 
en un mot, c'est le nomade scénite des écrivains clas- 
siques, le Bédouin d'aujourd'hui, dont l'appellation plu- 
rielle et collective est el-Arab,n\es Arabes, ». le même 
nom qui dans la Bible est le synonyme le plus ordinaire, 
le plus général de benê-Qédém. Cf. Gen., xvi, 12, 
xxxni, 25; Exod., n, 16-17; m, 1 ; Num., xxxi, 9; Jud., vi, 
5; vm, 11, 21 ; 1 Reg., xv, 15; I Par., v, 10; xxvn, 30; 
H Par., xvn, 11; xxi, 16, xxn, 1; Job, i, 3; Cant., 1, 4; 



Is., xiii, 20; xxi, 13, 17; Lx, 6; Jer., xxv. 23-24; xlviii, 
28-29; Eaech., xxvn, 21. Voir Arabe, t. i, col. 828. 

II. Géographie. — Étendue et limites de la terre des 
benê-Qédém. — Le pays des Orientaux, d'après les indi- 
cations précédentes, comprenait toute la Contrée s'éten- 
dant depuis Harran et la Mésopotamie, jusqu'à et y 
compris le pays des Madianites au sud, situé sur le 
rivage de la mer Rouge, et depuis le désert de Sur et 
les pays de Galaad et de Basan à l'ouest, jusqu'à l'Eu- 
phrate à l'est. Ce fleuve qui parait être la frontière la 
mieux déterminée de ce territoire, ne l'est cependant 
pas en tant que limite précise et extrême, puisque les 
bénê-Qédém occupent la Mésopotamie sur la rive gauche 
ou orientale, au moins dans la partie la plus septentrio- ' 
nale. S'il était possible d'assigner des bornes fixes à la 




493. — Bédouin oriental. 
D'après une photographie de M. L. Heidet. 

Mésopotamie, aucune indication certaine ne le permet- 
trait pour la partie de la rive droite. Au sud, faut-il con- 
sidérer le Néged actuel comme contrée laissée aux 
tribus orientales ou déjà comme district de la terre de 
Ku$ ou d'Ethiopie? Le nom de Hénathia que l'on 
trouve aujourd'hui attaché à une région du Néged et 
qui rappelle celui d'Hénoch, petit-fils de Céthura, per- 
met du moins d'attribuer la partie septentrionale de ce 
district aux fils de l'Orient. La frontière occidentale dut 
être d'une constante mobilité; le désert de Sur qui 
marque de ce côté la limite du territoire occupé parles 
fils d'Ismaël,se trouva possédé tantôt par des peuplades 
recensées parmi les benê-Qédém, comme les Amalécites, 
tantôt par d'autres qui en paraissent exclues. Si nous 
les trouvons, avec les Madianites, dans les pays de Moab 
et de Séhon, l'occupation de cette dernière contrée par 
les Israélites les fera reculer plus à l'orient. Il en sera 
de même au pays de Basan et sans doute sur tout le 
périmètre de la terre des benê-Qédém, quand les popu- 
lations qui les entourent sont assez fortes pour leur faire 
respecter les bornes qu'elles se sont posées. Quand au 
contraire elles sont affaiblies, les benê-Qédém les dé- 
bordent soit pour occuper simultanément les terres 
limitrophes dans lesquelles ils s'avancent plus ou moins, 
soit pour en faire leur domaine exclusif, comme il est 
arrivé pour tout le pays de Galaad, la vallée même du 
Jourdain et aux régions au sud d'Hébron, à la captivité 
de Babylone et depuis les croisades jusqu'à nos jours. 
La plus grande partie des contrées où nous voyons 
circuler les bénê-Qédém peut cependant être consi- 
dérée comme leur terre propre, elle demeure dès les 



11869 



ORIENTAUX — ORIGÈNE 



1870 



«temps les plus fécules en leur constante possession. 

C'est la partie désignée simplement dans les Livres 
Saints sous les noms de « disert ». Cf. Jos., i, 4; IPar., 
v, 9; II Par., vnl, 4; Judith h, 13 (grec, 23); Job, i, 19; 
Jer., xxvii, 24. Cette contrée les Grecs et les Romains 
l'appelèrent « l'Arabie déserte » et elle est connue au- 
jourd'hui sous celui de Hamâd ou de Badiét éS-Sâm, 
« le désert de Syrie, » auquel il faut ajouter la région 
désignée du nom (Je Sammar avec la partie septen- 
trionale du bedjed, s'étendant environ du 26° degré de 
latitude nord au 36° degré et du 36° de longitude orien- 
tale de Paris au 48°, ou d'Alep au Hedjâz et au Nedjed, 
•et du chemin du pèlerinage musulman de Damas à la 
Mecque jusqu'à l'Euphrate et aux abords du golfe Per- 
sique. Ce territoire embrasse un espace à peu près 
■double de celui de la France et de près d'un million de 
kilomètres carrés de superficie. 

III. Relations des dèhè-qédém avec les Israélites. 
— Abraham et Jacob, dans leur voyage de Mésopotamie 
■à Chanaan, durent traverser une grande partie de la 
terre des benê-Qèdém. Ces patriarches, pasteurs et 
nomades vivant sous la tente, avec leurs chameaux et 
leurs troupeaux, ils durent être considérés comme des 
frères à la recherche de pâturages. Cf. Gen., xn, xxiv, 
xxxi. — Moïse fuyant de l'Egypte fut bien accueilli par 
le prêtre pasteur de Madian. Exod., h, 15-21 ; xvm ; Num. , 
x, 29-32; I Reg., xv, 6. — Les Amalécites avaient inau- 
guré contre Israël les hostilités qui devaient être l'état 
presque constant entre le peuple de Dieu et les tribus 
du désert, en attaquant la caravane des fils d'Israël se di- 
rigeant vers le Sinaï. Exod., xvn, 8, 16; Deut., xxv, 17-19. 
La même tribu, avec les Madianites, est à la tête de tous 
les benê-Qédem, dans la campagne d'incursion qu'ils 
.poursuivent pendant sept années sur le territoire d'Is- 
«raël, jusqu'à ce que Gédéon, suscité par l'Ange de Dieu, 
y mette fin par l'extermination des guerriers orientaux. 
Jud., vi-vm. Voir Gédéon, t. m, col. 146. La première 
expédition de Saùl, après avoir brisé l'orgueil des Phi- 
listins à Machmas, fut de se porter au désert entre Hévila 
et Sur, pour y exercer la vengeance du Seigneur et y 
poursuivre Amalec jusqu'à l'extermination. I Reg., xv. 
Vers la même époque, les Israélites dé la Transjordane 
attaqués par les tribus de l'est, les Agaréens, les Itu- 
réens,Naphis et Nadab, s'unissent pour marcher contre 
eux. Ils les vainquirent.'en firent un terrible carnage, 
s'emparèrent de tous leurs troupeaux et des personnes 
qui restaient et 6'établirent à leur place dans toute la 
partie du désert qui est en face de Galaad. Ils en joui- 
rent ainsi jusqu'à leur déportation en Assyrie, au temps 
■d'Achaz, roi de Juda. I Par., v, 8-22. David, en sou- 
mettant tous les pays jusqu'à l'Euphrate, II Reg., vm, 
12, 14, et I Par., xvm, 3, 11-13, comprit dans son em- 
.pire la terre des benê-Qédem. Amalec et Édom sont 
■spécialement inscrits, ibid., parmi les peuples tribu- 
taires, ou les* pays où le roi établit des garnisons. Les 
meilleures relations s'établirent entre les fils de l'Orient 
et le successeur de David, leur suzerain. Leurs rois lui 
apportaient en abondance l'or et l'argent. III Reg., IV, 
30 (hébreu, v, 10), 34; x, 1, 15; cf. iv, 24 [hébreu, 
v, 4); II Par., ix, 1, 14; Eccli., xlvii, 17-18. — Au- 
jourd'hui encore Salomon est souvent le sujet des 
entretiens des fils du désert et l'objet de leur admira- 
tion. — On les trouve ensuite soumis au roi Josaphat à 
■qui ils servent un tribu en nature de 700 béliers et au- 
tant de boucs. II Par., xvn, 11. Cette déférence était 
sans doute particulière à quelques tribus du sud et 
transitoire, car les Orientaux n'avaient pas dû négli- 
ger l'occasion du schisme entre lsraèl et Juda, pour 
reprendre leur indépendance. De fait, on les voit ordi- 
nairement disposés à continuer leurs incursions sur le 
territoire de leurs voisins, comme au temps des Juges, 
ou alliés à leurs ennemis. Ps. lxxxh, 6-8; IV Reg., 
-XXiv, 2; II Par., xx, 10; xxi, 16-17; xxii, 1; xxvi, 7; 



II Esd., h, 19; iv, 1-8; vi, 1-16; I Mach., v, 39; xn, 31. 
Judas Machabée ayant rencontré, près de Jamnia, un 
groupe de cinq mille nomades, NojjujiScî, avec cinq cents 
cavaliers, alliés des Gréco-Syriens", et les ayant battus, 
ils implorèrent la commisération du héros et lui deman- 
dèrent de faire alliance avec lui, s'engageant à luTpayer 
un tribut en bétail et à lui prêter leur concours. Considé- 
rant les avantages qu'il pouvait retirer d'eux, Judas ac- 
cepta la proposition; l'alliance fut conclue et les nomades 
retournèrent à leurs campements. II Mach., xn, 10-12. 

IV. Les Orientaux dans les prophètes.— En portant 
leurs regards sur les peuples entourant la terre d'Israël, 
les prophètes ne pouvaient manquer de les arrêter sur 
les fils de l'Orient. Leurs prophéties concernant les ha- 
bitants du désert semblent avoir en vue deux périodes^ 
la période contemporaine ou voisine et les temps mes- 
sianiques. Les prophéties d'Isaie regardant Duma, xxi, 
11-12, celle contre l'Arabie, ibid., 13-17, où sont visées 
spécialement les tribus de Dadan, Théma (hébreu) et 
Cédar, paraissent faire allusion aux attaques que ces 
groupes eurent à subir de la part des Assyriens. Le 
livre de Judith mentionne brièvement quelques-unes 
de ces attaques, i, 8; H, 13; nr=, .14. Jérémie reprend 
les mêmes prédictions, mais pour la partie qui sera 
accomplie par les Chaldéens et Nabuchodonosor. Il 
s'adresse aussi à Dadan et à Théma et il leur adjoint Buz 
et tous ceux qui ont la chevelure coupée en rond, à tous 
les rois des Arabes et de l'Arabie et à tous ceux qui 
habitent le désert, xxv, 23-24; cf. ix, 26. « Pour Cédar 
et le royaume de Hazor, » le prophète a une mention 
spéciale, xlix, 28-33. 

Les documents assyriens et l'histoire depuis le 
IX e siècle au VI e avant Jésus-Christ, sont en quelque 
sorte le commentaire de ces prophéties. Voir Arabie, 
Histoire, 2» et 3", t. i, col. 864-866, Cédar, t. h, col. 359- 
360; Dadan, col. 1203; Asor 5, t. i, col. 1110, et Théma. 
Ézéchiel présente, xxvn, 15, 20, 22, les fils de Dadan, 
Cédar et toute l'Arabie en pleine prospérité dans leur 
commerce avec Tyr, et sa prophétie annonce le dévelop- 
pement territorial des fils de l'Orient, qui seront l'ins- 
trument de Dieu contre Ammon et Moab, Séir ou Edom. 
Ezech., xxv, 1-11. Voir Ammonites, t. i, col. 498; Moab, 
col. 1171-1177; Nabuthéens, col. 1446. 

V. Bibliographie. — Maçoudi, Les prairies d'or, 
arabe et français, édit. Barbier de Meynard et Pavet de 
Courteille, 8 in-8<', Paris, 1861-1864, t. i, ch. xxxvn- 
xxxviii ; t. m, p. 78-114; Ed-Dimisqy, Cosmographie, 
édit. M. A. F. Mehrer, in-4°, Saint-Pétersbourg, 1866, 
1. IX, p. 246-255; S. 0. Kley, The history of the Sara- 
cens, 3 8 édit., 2 in-4», Cambridge, 1754; Gust. Le Bon, 
La civilisation des Arabes, in-4°, Paris, 1884; Elisée 
Reclus, Nouvelle géographie universelle, t. IX, L'Asie 
antérieure, c. vi, Arabie, Paris, 1884, p. 827-928, et 
les ouvrages indiqués à Arabe, t. i, col. 835. 

L. Heidet. 

ORIGÈNE ('QpiYÉvï);). Par le nombre et l'impor- 
tance de ses écrits, par l'impulsion qu'il donna à la 
science biblique, comme chef du Didascalée d'abord 
puis de l'école de Césarée, par l'influence prodigieuse 
qu'il exerça sur les écrivains ecclésiastiques des âge» 
suivants et aussi par les controverses dont il fut l'objet, 
Origène occupe une place unique dans l'histoire de 
l'exégèse. Nous n'avons à parler ici que de l'exègète.Il 
ne sera donc question, si ce n'est en passant, ni du 
théologien, ni de l'apologiste, ni du prédicateur, ni du 
critique. Voir Hexafles, t. m, col. 689-701. 

I. Biographie sommaire et chronologie des œuvres., 
— /. onioÈNE A Alexandrie. — 1» Points de repère. — 
La source principale pour la biographie d'Origène est le 
sixième livre de l'Histoire d'Eusèbe,t. xx, col. 521-601. 
Celui-ci, avec la collaboration de saint Pamphile, avait 
composé en six livres l'Apologie de son héros; il avait 
réuni plus de cent de ses lettres et il possédait à Cé- 



1,-. 



1871 



ORIGÈNE 



1872: 



sarée ses écrits autographes, munis d'annotations pré- 
cieuses de sa propre main. Il était donc très bien in- 
formé et le soupçon de partialité dont il peut être l'objet 
porte sur les appréciations et non sur la suite ou la 
date des faits eux-mêmes. Les renseignements complé- 
mentaires fournis par saint Jérôme, saint Épiphane, 
Rufin, Photius et autres, quelque intéressants qu'ils 
puissent être, ont beaucoup moins d'importance et dé- 
rivent probablement en majeure partie de YApologie. 
- Des témoignages concordants nous permettent de 
fixer la naissance d'Origène à l'année 185 (ou 186), sa 
mort à l'année 253 (ou 254) et son départ définitif 
d Alexandrie à l'année 231. Au moment où il devint 
orphelin par le martyre de Léonide, la dixième année 
de Septime-Sévère (commencée le 2 juin 202), il était 
« très jeune, tout enfant, n'ayant pas plus de dix-sept 
ans ». Eusèbe, H. E., VI, 1 et 2. Il mourut à Tyr, sous 
Gallus, âgé de soixante-neuf ans révolus. Eusèbe, H. E., 
vu, i. II y a là un léger désaccord : Gallus fut tué en 
253 et les soixante-neuf ans révolus d'Origène, même 
en le faisant naître en 185, nous mèneraient en 254. 
Cette dernière date est à préférer, car il est probable 
qu'Eusèbe a fait plus d'attention à l'âge exact de son 
héros qu'à l'année précise où il est mort. Quant au dé- 
part d'Alexandrie il eut lieu la dixième année d'Alexan- 
dre Sévère et peu de temps avant la mort du patriarche 
Démétrius, Eusèbe, R. E., VI, m, o, c'est-à-dire en 231. 
2" Les maîtres d'Origène. — Le premier fut Léonide 
son père qui, non content de lui enseigner les belles- 
lettres, lui faisait chaque jour apprendre par cœur et 
réciter des passage de l'Écriture. Il est certain que 
l'enfant suivit les le.jons de catéchèse de Clément, mais 
seulement jusqu'à la persécution de 202, époque à la- 
quelle Clément quitta Alexandrie pour n'y plus revenir. 
Au contraire il est douteux qu'il ait jamais entendu 
Pantène, bien que ce dernier soit rentré, dit-on, à 
Alexandrie après ses missions parmi les Indiens. Cepen- 
dant la lettre d'Alexandre de Jérusalem à Origène où il 
lui rappelle qu'il doit à Pantène et à Clément de l'avoir 
connu, favorise cette hypothèse, Eusèbe, H. E., vi, 14. 
Porphyre dit qu'Origène fréquenta l'école d'Ammonius 
Sàccas, Eusèbe, H. E., vi, 19, et qu'il y profita beau- 
coup. Le fait est très vraisemblable et l'on n'a aucune 
raison de le contester. Le même Porphyre donne la 
liste suivante des auteurs préférés d'Origène : Platon 
eh première ligne; puis Numénius et Cronius, Apollo- 
phane et Longin, Modérât, Nicomaque et autres pytha- 
. gùriciens, enfin Chérémon le Stoïcien et Cornutus. 
Origène cite en effet assez souvent Platon et quelque- 
fois Numénius et Chérémon. Dans une lettre dont 
Eusèbe, H. E., vi, 12, nous a conservé un fragment, 
il expliquait pour quelles raisons il s'était adonné à 
l'étude de la philosophie et disait avoir trouvé à l'école 
du Maître, sans doute Ammonius Saccas, son successeur 
Héraclas qui la fréquentait déjà depuis cinq ans. Il 
apprit aussi l'hébreu dès sa jeunesse. S. Jérôme, De 
Vir. M. 54, t. xxm, col. 665. Son maître, auquel il fait 
maintes fois allusion, De princip., i, 3, 4; iv, 26, 
t. xi, col. 148, 400, est inconnu. Saint Jérôme nous 
apprend, Adv. Rufin., i, 13, qu'il avait entendu le pa- 
triarche des Juifs, Huillus. Dans Origène ce nom est écrit 
"IovXXo;. Un autre mot de saint Jérôme, Epist. xxxix, 
1, t. xxil, col. 466, a fait supposer que sa mère elle- 
même était juive et savait l'hébreu. Quoi qu'il en soit, 
Origène ne semble pas avoir acquis une connaissance 
très approfondie de cette langue. Cependant ses étymo- 
logies fautives et le peu de soin qu'il a de recourir 
au texte original, en cas de divergence avec le grec, ne 
prouvent rien. La version des Septante faisait seule auto- 
rité dans l'Église et, quant aux étymologies, l'exemple de 
Platon et de Varron nous montre avec quelle liberté 
les anciens, même les plus savants, traitaient la science 
d«s mots. Cf. Redepenning, Origenes, t. i, p. 458-461. 



3° Enseignement au Didascalée (203-231). — Tout en. 
poursuivant ses études philosophiques et théologiques, 
Origène s'occupait activement des catéchumènes que- 
l'éloignement de Clément avait laissés sans maître. Cette 
chargé qu'il avait prise spontanément durant la persé- 
cution de l'an 202 lui fut officiellement confirmée- 
l'année suivante par le patriarche .Démétrius. Douze ou 
quinze ans plus tard, il s'associa un de ses condicisples 
à l'école d'Ammonius do nom d'Héraclas, afin de- 
vaquer plus librement à ses propres études. Vers la 
même époque (218), il convertit Ambroise qui mit 
généreusement à sa disposition une armée de secré- 
taires et de calligraphes, avec toutes les ressources que- 
pouvait exiger la diffusion de ses ouvrages. Jusque-là 
Origène, bien que déjà célèbre comme professeur,, 
n'avait encore rien publié. Eusèbe, H. E., vi, 17-18. 

— Cinq longs voyages interrompirent l'enseignement . 
au Didascalée : 1. Voyage à Rome vers 213 (sous Zéphy- 
rin et Caracalla, Eusèbe, H. E., vi, 14) « pour voir la. 
plus ancienne des églises ». A Rome, où il demeura 
peu de temps, Origène aurait assisté à une homélie de 
saint Hippolyte. On suppose que la découverte à Nico- 
polis d'une cinquième version des Septante date de 
cette époque. Eusèbe, R. E., VI, 16. — 2. A peine de 
retour, Origène dut se rendre en Arabie, sur les ins- 
tances du gouverneur qui, désireux de le voir et de 
l'entendre, avait écrit à cet effet au patriarche. Eusèbe,, 
H. E., vi, 12. — 3. Pendant que la persécution de 
Caracalla ensanglantait l'Egypte (215 ou 216), il vint à 
Césarée de Palestine où l'évêque Théoctiste l'invita à. 
prêcher dans l'église, quoiqu'il fût encore simple laïque. 

— 4. Probablement en 218, Mammée, mère de l'empe- 
reur Alexandre-Sévère, le manda auprès d'elle à An- 
tioche. Eusèbe, H. E., vi, 21. — 5. Entin vers 230> 
(sous Pontien de Rome et Zébinus d'Antioche, Eusèbe,. 
R. E., vi, 23) des affaires ecclésiastiques l'appelèrent 
en Grèce. C'est en passant à Césarée qu'il fut ordonné 
prêtre par Théoctiste, évêque de cette ville, assisté de 
l'évêque de Jérusalem, saint Alexandre. Au cours de ce 
voyage il visita Éphèse et Antioche. Mais, à son retour à 
Alexandrie, il trouva Démétrius vivement irrité contre 
lui et résolu à le perdre. Deux conciles rassemblés par 
le patriarche prononcèrent l'un son exil, l'autre sa dépo- 
sition. Photius, Biblioth., 118, t. cm, col. 397. Origène 
n'attendit pas la seconde sentence; il devança même 
probablement la première, en se réfugiant à Césarée. 

4° Ouvrages composés à Alexandrie. — Jusqu'en 
218, Origène s'occupa surtout de travaux critiques. Saint" 
Épiphane dit expressément que les Reœaples furent son 
premier ouvrage. Contra hssr., lxiv, 3, t. xli, col. 1073,. 
S'il écrivit, ce fut pour son propre compte et non en 
vue de la publicité. Entre 218 et 231 il composa, sans- 
qu'on puisse dire exactement dans quel ordre, les deux 
livres sur la Résurrection, le Perïarchon, les Stromates, . 
un commentaire sur les Lamentations, une explication: 
des 25 premiers Psaumes, huit livres du commentaire- 
sur la Genèse 2 cinq livres du commentaire sur saint" 
Jean. Il menait sans doute de front plusieurs de ces 
ouvrages et nous savons que le commentaire sur saint 
Jean et les Hexaples l'occupèrent presque toute sa vie. 

il. origène a césArée. — 1» Enseignement à Césa- 
rée. — 1. Accueilli avec honneur par Théoctiste de Césa- 
rée qui l'avait ordonné prêtre Origène fut invité à 
continuer dans la métropole de la Palestine l'enseigne- 
ment si brillamment inauguré à Alexandrie. La nouvelle- 
école fut bientôt très fréquentée. Au nombre des dis- 
ciples d'Origène on compta entre autres saint Athéno- 
dore et son frère saint Grégoire le Thaumaturge qui 
prononça en quittant son maître, après nn séjour de- 
cinq ans, le célèbre panégyrique où il retrace, au mi- 
lieu d'éloges d'un enthousiasme et d'une exubérance 
juvéniles, un intéressant portrait d'Origène professeur. 
Quatre voyages interrompirent l'enseignement d'Ori— 



1873 



ORIGÈNE 



1874 



gène à Césarée. 1. Vers 235 il céda aux instances de 
son ami saint Firmilien, métropolitain de Césarée en 
Cappadoce, qui le retint longtemps auprès de lui. 
S. Jérôme, De viris ill., n, 54, t. xxm, col. 665. 
Peut-être ce voyage coïncida-t-il avec la persécution de 
Maximin. Ainsi s'expliquerait le détail fourni par Pal- 
lade, Hist. Laus., 147, t. lxXiii, col. 1213, qu'Origène 
passa deux ans dans la maison d'une dame chrétienne 
de Césarée de Cappadoce nommée Julienne et y trouva 
les écrits du traducteur Symmaque. — 2. Vers 240 il se 
rendit à Athènes et vit à Nicomédie son ami Ambroise. 
Eusèbe, H. E., vi, 32. — 3. Vers la même époque 
il fut invité par les évêques réunis en concile à Bostra 
qui avaient condamné l'évêque de cette ville, appelé 
Bérylle, sans réussir à le convaincre. Origène fut plus 
heureux. Eusèbe, H. E., vi, 33. — 4. Entre 246 et 
249 il gagna de nouveau l'Arabie pour réfuter et con- 
vertir certains hérétiques qui prétendaient qiie l'âme 
meurt avec le corps et ressuscite avec lui, Eusèbe, H. E., 
VI, 37. En outre ses lettres et ses écrits signalent sa pré- 
sence à Jérusalem, à Jéricho, à Antioche, à Éphèse, etc. 
Le renseignement donné par saint Épiphane, Cont. 
hier., lxiv, 3, t. xu, col. 1073, qu'il aurait passé 28 ans 
à Tyr, est absolument controuvé. Origène mourut à 
Tyr, mais il y résida peu de temps. D'ailleurs 23 ans 
tout au plus s'écoulèrent entre son exil et sa mort. 

2° Ouvrages composés à Césarée. — D'abord le com- 
mentaire sur saint Jean, à partir du livre VI. Au com- 
mencement de ce livre, Origène fait une touchante 
allusion aux tempêtes soulevées contre lui et au calme 
qui leur succéda. Pendant la persécution de Maximin, 
vers 235 ou 236, fut composée l'Exhortation au martyre 
adressée à Ambroise et à Protoctèle, prisonniers pour 
la foi. Origène écrivit ensuite son commentaire sur 
Isaïe. Pendant son voyage en Grèce, entre 238 et 244, il 
acheva son commentaire sur Ezéchiel et commença 
l'explication du Cantique des cantiques. A la même 
époque, il envoya de Nicomédie sa réponse à Jules 
Africain. Mais ses ouvrages les plus célèbres datent de 
sa vieillesse. Ce fut après l'âge de soixante ans, quand 
il eut autorisé les sténographes à recueillir ses homélies, 
Eusèbe, H. E., vi, 36, faute de temps pour les dic- 
ter, qu'il composa son Commentaire sur saint Matthieu 
en 25 livres, son Commentaire sur les petits Prophètes 
et sa réfutation de Celse (probablement en 248). Après 
la persécution de Dèce il n'écrivit plus que des lettres. 

II. Principes d'exégèse. — Il ne sera pas inutile 
d'énumérer ici les principaux passages ayant trait à 
l'inspiration, au sens et à l'interprétation de l'Écriture, 
la plupart des critiques commettant la double faute de 
juger le système d'Origène sur des citations tronquées 
et sans tenir compte de sa terminologie. — 1. Textes 
conservés en grec : Periarchon, iv, 1-27, t. xi, col. 341- 
402; Contra Cels., iv, 49-51; vu, 20, t. xi, col. 1108- 
1113, 1449-1452 (défense de l'allégorie scripturaire); 
In Matt., xv, 1-3; xvi, 12-13, t. xm, col. 1253-1261, 
1409-1417 (la lettre et l'esprit, avec application aux 
aveugles de Jéricho); In Joa., x, 2-4, t. xiv, col. 309- 
316 (solution des antilogies). De plus les quatorze pre- 
miers chapitres de la Philocalie composés en très 
grande partie d'extraits d'ouvrages aujourd'hui perdus. 
— 2. Textes conservés seulement dans une traduction 
latine. In Gen., hom. n, 6, t.xn, col. 173-17* (les/trois 
sens); In Gen., hom. xvii, t. xn, col. 253-262; In 
Levit., hom. v, 1-5, t. xn. col. 447-456 (les trois sens); 
In Levit., hom. vu, 4-7, t. xn, col. 483-492 (le 
sens spirituel de la Loi); In Num., hom. IX, 7, t. xn, 
col. 632-633 (les trois sens) ; In Num., hom. xi, 1-3, t. xn, 
col. 640-647 (règles pour le sens spirituel de la Loi); 
In Is., hom. vi, 3-4, t. xm, col. 240-243 (nécessité du 
sens spirituel) ; chap. vi de l'Apologie de saint Pamphile, 
t. xvii, col. 590-595 (l'Écriture se vérifie le plus souvent 
à la lettre). 



/. inspiration DE L'ÉCRITURE. — Le fait même de 
l'inspiration est sans cesse affirmé. Les Livres Saints 
sont inspirés de Dieu (OiâinWTzoï, sfMiveuoroe) ; ils sont 
saints et sacrés («71a (3tëXca, Upà YP a Vl iaTa ) J 'k> sont 
divins (ôeïoi X.oyo:, 6eèa ypaçri, 6efa piëXîa ou yp4|iu.aTa). 
Inspiration et divinité des saints Livres sont pour Ori- 
gène deux notions équivalentes : aussi a-t-il coutume 
de prouver l'inspiration par la divinité et il aime à 
prouver la divinité de l'Écriture par la divinité du chris- 
tianisme. Le titre du quatrième livre du Periarchon est : 
riepl toO ôeoJTveûfftou tt,c 8e:occ rpa^ij; et le but déclaré 
de l'auteur est de montrer que l'Écriture est divine 
(itïpi tô)V ypaf&v â>{ Osi'œv... ù( nspt Oei'iov ypap.p.à'ctov), 
Periarch. rv, 1, t. xi, col. 341-344; la conclusion est 
qu'en démontrant la divinité de Jésus on a démontré 
que les Écritures qui le prophétisent sont inspirées,. 
lbid., iv, 6, t. xi, col. 352, et Origène a bien confiance, 
d'avoir ainsi prouvé sa thèse (Meià ■zb eîpy)X£vai itepi. 
tou 6eo7tv£u<7tou; elvat Tctç Ostaç Tpacpâç). Ibid., IV, S r 
t. xi, col. 356. Du reste l'équation divinité = inspiration 
se trouve énoncée ailleurs. Cf. In Num., hom. xxvi, 3,. 
t. xn, col. 774, etc. En résumé, d'après Origène, l'Écri- 
ture est inspirée parce qu'elle est la parole de Dieu et. 
l'œuvre 4 e Dieu. Peut-être la meilleure définition des 
Livres sacrés est-elle qu'ils sont divins en tant qu'écrits 
par la grâce céleste (u>ç oùpotWw j(àpen âvaysypap.[isva, 
Periarch., iv, 6, t. xi, col. 352) ou qu'à la différence- 
des ouvrages humains ils sont le produit d'une motion 
spéciale de Dieu (flei'wv xa\ éx 9eo<popcaç àTiYiyyeXjiiviov,. 
Contra Cels., m, 81, t. xi, col. 1028). — Quant au mode 
de l'inspiration, la question n'est pas traitée ex professa 
et il est difficile de tirer un système des indications 
répandues çà et là. C'est Dieu le Père qui est la source 
première de l'inspiration comme de tout le reste, mais 
c'est le Fils en tant que médiateur universel et c'est 
proprement le Saint-Esprit en tant que l'inspiration,, 
œuvre de sainteté et de salut, entre dans sa sphère spé- 
ciale. On reconnaît là le subordinatianisme au moins ap- 
parent d'Origène. La formule la plus caractéristique est 
celle-ci : Les Livres sacrés ne sont pas des ouvrages hu- 
mains, ils ont été écrits par (iï,) inspiration de l'Esprit- 
Saint, par (en grec datif) la volonté du Père universel,. 
par (8ii) Jésus-Christ : Mt) àvOpuljiwv eîvai<Tuyypâ[j.(iata 
Taç îepàç pi'ëXouç, àXX' i\ ir.mvoiai toû âyt'o'j IIveônaToc, 
(îou).fj}i.aTi tou IlaTpîx; rùv oXwv, 8ià 'It)<toû XptaroO -raû- 
ta; ôvayeypâçOat. Periarch., iv, 9, t. xi, col. 360. En 
vertu de cette théorie, l'Esprit-Saint parle directement, 
dans l'Écriture bien qu'elle soit aussi à un autre point 
de vue la parole et l'œuvre du Père et du Fils. Cf. Frag- 
ment. inAct., hom. iv, t. xiv, col. 832. — Origène sup- 
pose toujours que le sujet de l'inspiration est saint et 
c'est une conséquence de ses idées sur l'habitation du 
Saint-Esprit. L'hagiographe est rempli du Saint-Esprit 
et voilà ce qui constitue principalement son inspiration, 
laquelle est surtout, au gré d'Origène, une illumination, 
de l'intelligence. Contra Cels., 1, 48, t. xi, col. 749.Mais 
le catéchiste alexandrin s'élève partout avec vigueur 
contre la théorie qui assimile les prophètes aux devins, 
et leur attribue la fureur sacrée (jiavta) dont ces der- 
niers étaient possédés. Il ne repousse pas avec moins 
de force l'extase prophétique des monlanistes. Tout 
mouvement désordonné du corps et tout état anormal 
de l'âme, indignes du Dieu inspirateur, manifestent la 
présence des esprits mauvais. 

//. les trois SENS DE l'écriture. — L'exposition la, 
plus complète du triple sens scripturaire se lit dans le 
Periarchon, iv, 11-22, t. xi, col. 364-392, dans l'homé- 
lie v, 1 et 5, sur le Lévitique, t. xn, col. 447 et 455, et. 
dans l'homélie xi, 1-2, sur les Nombres, t. xn, col. 641- 
645. « L'homme se compose d'un corps, d'une âme et 
d'un esprit : de même l'Écriture octroyée par Dieu pour 
le salut des hommes : "Q<rjiep & ov8p<nno; <Tuvécr/)XEv ex 
(TiinaToc xal «C'JX'i» xa ' nvrjjjiaTo;, tov avrbv tpéirov xoù. 



£':• 



1875 



ORIGÈNE 



1876 



■f| o'(xovo|iïi6s!(îa iirô toG @eo0 et; Mpûitmi cuKïipiav 
Tpaipri. » T. xi, col. 365. Triplicem in divinis Scrip- 
turis intelligentiss inveniri smpe diximus modum, hi- 
storicum, moralem et myslicum : unde et corpus inesse 
ei, et animant , ac spiritum intelleximus. In Levit., 
homil. v, 5, t. xn, col. 456. Dans ce dernier passage 
le triple sens biblique est figuré par les trois instru- 
ments qui servaient â cuire la viande des sacrifices : 
le four, le gril et la poêle. Ailleurs nous trouvons d'au- 
tres symboles, par exemple les trois étages de l'arche, 
In Gen., hom. H, 6, les trois pains prêtés par l'ami. 
Luc, xi, 5, etc. Il est notoire que celte terminologie a 
été inspirée à Origène par la trichotomie de Platon. On 
ne peut guère douter que la gradation des sens scrip- 
turaires ne réponde à la gradation du composé humain : 
corps, âme et esprit. Cependant, chose curieuse, l'ordre 
«st différent dans plusieurs homélies traduites parRufin 
et le sens moral qui est Yâme de l'Écriture occupe le 
troisième rang, le plus élevé. In Gen., hom. n, 5, t. xii, 
col. 173 (expositio historica, mystica, moralis); 
hom. xi, 3, t. xn, col. 224 (secundum litteram, secun- 
dum spiritum, et si moralem locum contigero); 
hom. xvn, 9, t. xn, col. 262 (secundum historiam, 
secundum mysticum inlellectum, etiam moralem ser- 
monem). — Origène n'a jamais dit bien nettement ce 
-qu'il entend par le corps, l'âme et l'esprit de l'Écriture. 
La définition la plus claire se trouve, à notre avis, dans 
un passage tiré de l'homélie v sur le Lévitique et con- 
servé en grec par les auteurs de la Philocalie, t. Xii, 
■col. 421 (rapporté par erreur à l'homélie n; la traduc- 
tion de Ruiin se lit col. 447) : « Puisque l'Écriture se 
compose, pour ainsi dire, d'un corps visible, d'une âme 
intelligible et d'un esprit qui contient les figures et 
l'ombre des choses célestes, invoquons Celui qui a 
■donné à l'Écriture le corps, l'âme et l'esprit, le corps 
pour ceux qui nous ont précédés, l'âme pour nous, l'es- 
prit pour ceux qui, au siècle futur, doivent hériter de 
la vie éternelle » (<r&[i.a |j,àv toïç rcpô rinwv, ^^XV &l 
■Jlfdîv, 5T/eO[).a 8è toîc èv ™ [iéXXovti a'tfiivi xXripovonif)(jouot 
Ç(t>r|V aïtuvcûv). 

1° Le sens corporel. — Origène le "désigne par divers 
synonymes : xaxà xo YpàiA^a, xatà tô pïjxiv, xatà Xiijtv, 
xaià ioTopfxv, x«Ta ty)V o-àpxa, xaxà tïjv avuôvyîiv, etc. 
C'est le corps, la chair et la lettre de l'Ecriture, le sens 
grammatical, le sens historique, le sens sensible. Rufm 
traduit : corpus, litlera, historia, caro litlerx, histo- 
rialis consequentia, secundum litteram, expositio 
corporea, etc., sans qu'on distingue entre ces divers 
termes aucune nuance de signification. Mais ce qu'il 
importe de noter c'est que le sens corporel d'Origènene 
répond nullement à notre sens littéral. Ce n'est notre 
sens littéral que lorsque celui-ci est exprimé sans figu- 
res, par des mots qui conservent leur signification 
propre. Origène affirme souvent qu'il y a des endroits 
<lans l'Écriture où le sens corporel n'existe pas; s'il se 
servait de notre terminologie son assertion serait non 
seulement absurde mais totalement inintelligible. Les 
exemples nombreux qu'il allègue expliquent sa pensée. 
Ce sont les anthropomorphismes qu'il faut prendre 
pour des métaphores, les récits qui, entendus à la lettre, 
exprimeraient quelque chose d'indigne du Dieu révéla- 
teur et où il faut par conséquent chercher une allégo- 
rie, enfin les préceptes impossibles à observer ou dé- 
raisonnables dès qu'on les interprète au sens obvie. 
Nous dirions, en langage moderne, que dans tous ces 
cas le sens littéral est figuré. Origène parle autrement 
en voulant dire la même chose. Cf. Periarchon, iv, 12- 
19, t. xi, col. 365-385. 

2° Le sens psychique. — Ce sens intermédiaire, ré- 
pondant à Yâme de la trichotomie platonicienne, a fort 
peu de relief. Un exemple de ce sens psychique ou 
moral nous est fourni par saint Paul, I Cor., îx, 9, 
appliquant aux ouvriers évangéliques le précepte de la 



Loi : * Tu ne muselleras pas le bœuf qui dépique sur 
l'aire. » Periarchon, iv, 12, t. xi, col. 368. Le but de ce 
sens est ainsi défini dans l'homélie xvn, 9, sur la Ge- 
nèse, t. xn, col. 262 : Vt Scripturarum studiosi, non 
solum quidin aliis, vel db aliis gestum sit,sed etiam 
ipsi intra se quid gerere debeani doceantur. En géné- 
ral ce qui est capable d'édifier le commun des lecteurs 
ou des auditeurs appartient à ce sens moral; et voilà 
peut-être pourquoi dans les homélies, dont l'objet prin- 
cipal est l'édification des fidèles, le sens moral occupe 
souvent la troisième place, la première en dignité. Mais, 
dans la pratique, Origène néglige presque toujours le 
sens intermédiaire et sa trichotomie se réduit à deux 
termes : la lettre et l'esprit. C'est d'ailleurs plus con- 
forme à la psychologie chrétienne et à la tradition juive. 
Les thérapeutes, suivant Eusèbe, H. E., n, 17, t. xx, 
col. 184, comparaient la législation mosaïque à un ani- 
mal, dont le corps répondrait à la lettre et l'âme à l'es- 
prit de l'Ecriture (<7i5[i.a [iàv e'xe" tàç p'ità? XéÇetc, 
J/UXV Se tov êva7coxe£u.evov Taîç Xé?e<itv âdpaTov voûv). 

3° Le sens pneumatique ou spirituel. — Ce sens, 
qui comprend le plus souvent le sens psychique lui- 
même, est désigné par une foule de synonymes, entre 
lesquels il est difficile de découvrir une différence : 
àvaywY^' «XX^yopis, tephioia, nveu[iaTixTi èxSoxrj, sensus 
mysticus, allegoricus, spiritalis intelligentia, etc. Voir 
Redepenning, Origenes, t. I, p. 365. Un grand défaut 
de la terminologie d'Origène c'est qu'il range dans la 
catégorie du sens spirituel les notions les plus diverses : 
1. Le sens métaphorique, ou plus généralement, le sens 
figuré, est un sens spirituel, tandis que le sens propre 
rentre dans le corps ou la lettre de l'Écriture. — 2. Le 
sens typique est aussi un sens spirituel; et à cela il n'y 
a rien à dire. — 3. Le sens conséquent et même le sens 
accommodatice sont également attribués au sens spi- 
rituel, et ici le langage est complètement abusif et n'a 
pour excuse que l'usage ordinaire des Pères de l'Église. 
Il est évident que la signification matérielle des nîbts, 
indépendamment de l'intention de l'hagiographe ou du 
Saint-Esprit, n'est pas un sens de l'Écriture; et il faut 
en dire autant du sens que l'interprète ou le lecteur 
peut extraire, par voie d'analogie ou de conséquence, de 
la parole inspirée. — Origène rapporte toujours à saint 
Paul sa théorie du sens spirituel et cite à maintes re- 
prises les textes suivants.: Rom., xi, 4 (application ac- 
commodatice); I Cor., x, 4 (breuvage spirituel); x, 11 
(significations typiques); Gai., IV, 21 (interprétation 
allégorique); Col., n, 12 (la Loi, ombre des réalités à 
venir); Heb., vm, 5 (l'Ancien Testament est, par rapport 
au Nouveau, tOtioç, eïxwv et axii). Nous avons vu plus 
haut que I Cor., ix, 9 (sens conséquent), était donné 
comme exemple du sens psychique. On voit par là que 
le sens spirituel embrasse à la fois l'accommodation, 
l'allégorie, la métaphore et le type proprement dit. 

///. règles d'interprétation. — 1° Règles générales. 
Elles peuvent se réduire à trois. — A) Expliquer l'Écri- 
ture d'une manière digne de Dieu, auteur de l'Écriture. 
— Cette règle est souvent formulée. In 1er., hom. xn, 
1, t. XIII, col. 377 : "O 7ipo;Tois<7eTai i npoçr/rr,; Xé^eiv 
ùitb OeoO, ôcpeîXsi aÇtov elvai toO ©eo-j. Periarchon, IV, 
9, t. xi, col. 361 : 'AÇîroc xf,; Tpa^f^. In Numer., 
hom. xxvi, 3, t. xn, col. 774 : Conveniens videtur hsec 
secundum dignitatem, immo potius secundum maje- 
statem loquentis intelligi. La raison en est bien simple. 
L'Écriture n'est pas l'œuvre des hommes mais de Dieu : 
il faut donc qu'elle reflète la vérité, l'unité, la plénitude 
et aussi la sainteté de son auteur. Par conséquent, 
l'interprète ne doit rien admettre de faux, rien de con- 
tradictoire, rien d'opposé à la sagesse, à la justice et 
aux autres perfections de Dieu. Deux passages remar- 
quables conservés dans la Philocalie, chap. vi, t. xm, 
col. 832, et chap. v, t. xiv, col. 192, mettent bien en 
relief l'harmonie divine des Livres Sacrés. Mais c'est le 



1877 



ORIGENE 



1878 



caractère de plénitude qui frappe le plus Origène. Il en 
■déduit la nécessité du sens spirituel, sans lequel les 
Écritures seraient indignes de Dieu et ne paraîtraient 
point toujours au-dessus des conceptions humaines. 
En vertu de cette plénitude il n'y a pas dans la Bible 
un iota ni un seul trait vide de sens. Philoc, i, t. xiv, 
■col. 1310 : tir,8s[it'av xepacav /.evTjv cotpîaç ©eoû. Cf. In 
■1er., hom. xxxix, t. xnr, col. 544; InPs., r, 4, t. xii, 

Col. 1081 : OîOTIVE'JCTTOV (il^pl TOÛ TUX^ VTO î Ypâli[iO<TO{. 

Voir encore In Num., hom. xxvu, 1, t. xti, col. 782 : 
Non possunius dicere quod aliguid in eis sit otiosum 
■aut super fluum. 

B) Abandonner la lettre ou le sens corporel de l'Écri- 
ture toutes les fois qu'il en résulterait quelque chose 
d'impossible, d'absurde ou d'indigne de Dieu. — Cette 
règle n'est pas moins incontestable que la précédente 
dont elle peut êtr<> regardée comme un corollaire. La 
seule question qui se pose est de savoir ce qu'on 
■entend par absurde, impossible et indigne de Dieu. 
On pourra examiner en détail les nombreux exemples 
où il faut abandonner, suivant Origène, le corps ou la 
lettre de l'Écriture pour recourir à la métaphore, à 
l'hyperbole, à l'allégorie ou à d'autres figures. Periar- 
•chon, iv, 12-17, t. xi, col. 365-375. En général les rai- 
sons données sont satisfaisantes. C'est le cas spéciale- 
ment pour les anthropomorphismes qu'il faut entendre 
au sens figuré et pour certaines prescriptions qu'on 
ne doit point prendre à la lettre, comme le précepte 
•de s'arracher l'œil qui scandalise, de tendre la joue 
gauche à qui vient de frapper la droite. Mais quel- 
quefois elles sont faibles et peu décisives ou même 
•dénuées de valeur, parce qu'elles ne se fondent que 
■sur une prétendue impossibilité. Ainsi la permission 
de manger du tragélaphe ou du griffon ne peut pas, 
•dit-il, se prendre à la lettre parce que le premier 
animal est fabuleux et que le second n'a jamais été 
•capturé. La comparaison du texte original ferait éva- 
nouir cette difficulté. Il arrive aussi, quoique très 
rarement, qu'Origène désespérant de résoudre une 
antilogie se rejette sur le sens spirituel comme sur 
Je moyen unique de sauvegarder la vérité de l'Écri- 
ture. L'exemple le plus caractéristique et le plus connu 
■de cette exégèse hardie est le début du tome x du 
-Commentaire sur saint Jean. L'étude de ce texte fameux 
■exigerait des développements qui ne peuvent trouver 
place ici. Voir notre Origène, appendice H, p. 186-187. 
Assez souvent l'exégète alexandrin recourt encore au 
sens spirituel, pour rendre un récit ou un précepte 
dignes de Dieu. 

C) Avoir toujours présent, comme principe directeur, 
l'enseignement de l'Église. — Cette obligation est ex- 
pressément formulée dans le Periarchon, îv, 9, t. xi, 
<col. 360 : è^o[i.£votç toû xavdvoç ttj; 'Ivjaou Xptorou xocrà 
BiaSo^v Tàiv àiroffToXwv oùpavtou 'ExxXv^aç. Le fils 
sincère de l'Église ne doit point prêter foi aux con- 
-clusions que les hérétiques tirent de l'Écriture, In 
Matth., ser. 46, t. xm, col. 1667 : Sed nos illis credere 
non debemus, nec exire a prima et ecclesiastica tra- 
<litione, nec aliter credere nisi quemadmodum per 
successionem Ecclesiee Dei tradiderunt nobis. Voilà 
pourquoi Origène fait si souvent appel à la prédica- _ 
tion ecclésiastique (/^pyyiia lxxX7)<jia<rrcx<)v), à l'ensei- 
gnement ecclésiastique (â ixxXï]<naTrixbc X6-fo;), à la 
règle de foi ecclésiastique (6 êxxXï]o-ia<mxô; xavwv), 
et voilà pourquoi il propose ses interprétations parti- 
culières avec tant de modestie, de réserve et de circon- 
spection. Cf. Selectain Ps., n, 1, t. xii, col. 1351. 

2» Règles de l'allégorie. — « L'allégorisme est moins 
un système qu'une tendance. C'est la tendance à sub- 
stituer au sens propre une métaphore ou un symbole, à 
superposer au sens naturel une accommodation arbi- 
traire tirée de quelque analogie lointaine, au sens litté- 
ral un prétendu sens spirituel que ni la tradition ni 



l'Écriture n'autorisent. Le milieu dans lequel vivait 
Origène devait fatalement l'entraîner dans l'allégo- 
risme, où le poussait déjà son goût instinctif, nourri 
par sas lectures philosophiques. Pourtant il est juste de 
remarquer qu'il ne se réclame ni de Philon ni dîaucun 
écrivain profane; c'est aux auteurs sacrés et surtout à 
saint Paul qu'il rapporte, avec ses idées sur le sens 
spirituel, son exégèse allégorique. » Origène, 1907, 
p. 133. L'explication allégorique n'est pas laissée non 
plus à l'arbitraire de l'exégète. 

A) La première règle à suivre est Vanalogie bibligue. 

— Nous voyons dans l'Écriture qu'il y a une Jérusalem 
terrestre et une Jérusalem céleste, un Israël selon la 
chair et un Israël selon l'esprit. Il faut en conclure 
que les ennemis du peuple juif représentent les enne- 
mis du Sauveur, en général, que l'Église est préfigurée 
par la Synagogue. Si, peu satisfaits du sens char- 
nel, nous attribuons un sens mystique aux prophé- 
ties concernant la Judée, Jérusalem, Israël, Juda et 
Jacob, nous devrons, pour être logiques, entendre aussi 
au sens spirituel celles qui ont pour objet l'Egypte et 
les Égyptiens, Babylone et les Babyloniens, Tyr et les 
Tyriens, Sidon et les Sidoniens. et ainsi des autres 
peuples. Car si les Israélites ont ce caractère figura- 
tif, leurs ennemis l'auront également. Periarchon, îv, 
20-22, t. xr, col. 385-392. Le principe est parfaitement 
juste mais l'application peut être arbitraire et le sera 
nécessairement dès qu'on n'aura pour se guider aucun 
indice tiré de la Bible, ou lorsqu'on prendra pour des 
indices des accidents sans portée ou sans significa- 
tion, comme la répétition d'un mot, l'emploi d'une 
expression peu usitée, l'omission d'un détail jugé né- 
cessaire. 

B) La seconde règle à suivre est l'analogie naturelle- 

— Ici Origène — et après lui les Pères qui ont marché 
sur ses traces, surtout les Pères latins — est principa- 
lement redevable à Philon et à Aristobule, dont il loue 
volontiers la méthode allégorique, Contra Cels., IV, 51, 
t. xi, col. 1112. C'est à Philon qu'est emprunté le sym- 
bolisme des noms, des nombres et des choses, bien que 
le développement, chez Origène, soit souvent indépen- 
dant et original. Le nombre deux est l'emblème du 
dualisme, de la division et du mal ; cinq représente le» 
sens, la chair opposée à l'esprit; dix est le nombre 
parfait du Décalogue et des fruits du Saint-Esprit. Les 
étymologies sont encore une source inépuisable d'allé- 
gories, grâce à une assez curieuse théorie sur la signi- 
fication des noms. Fragm. ire Gen., t. m, col. 116. 
Mais c'est dans les mœurs et la nature des êtres que 
réside le principal fonds d'applications mystiques. On 
en trouvera un exemple caractéristique dans l'homélie 
sur ce texte de Jérémie : « La perdrix pousse des cris; 
elle rassemble autour d'elle des petits qui ne sont pas 
les siens. » Hom., xvm, 1, t. xm, col. 453. Tout ce 
morceau a été traduit par saint Ambroise, Epist., xxxu, 
t. xvi, col. 1069-1071, qui imite largement la méthode 
allégorique du catéchiste d'Alexandrie, comme font 
aussi saint Augustin et saint Grégoire le Grand, sans 
parler des orateurs sacrés ou auteurs ascétiques plus 
rapprochés de nous. 

III. Canon d'Origène. —1» Ancien Testament. — Les 
mots « canon » et « canonique », au sens qui nous 
occupe ici, semblent étrangers à la terminologie d'Ori- 
gène et ne se trouvent que dans les traductions latines 
de ses œuvres. Un livre canonique se distingue des 
autres par le fait d'être « inspiré », (kôîmutrroc, d'ap- 
partenir au Testament (ai èv 8ia6^xr) fUgXoi, ou en un 
seul mot, ai èv6iâ6»)xot ftiêXoi). Les Livres Sacrés ont 
pour critérium d'être reçus comme tels par les Églises, 
d'être xosvà xs\ 8s8i;[AEu[/iva, In Matth., x, 18, t. xm, 
col. 831, d'être 6(ioXoyov(i£va, In Matth. , xiv, 21, t. xm, 
col. 1240; c'est l'opposé du livre apocryphe, In Matth., 
ser. 118, t. xm, col. 1769. Dans sou commenlaire sur 



1879 



ORIGÈNE 



1880> 



le Psaume i, Origène donnait une liste des écrits de 
l'Ancien Testament d'après les idées judéo-palesti- 
niennes et la théorie rabbinique des vingt-deux lettres 
de l'alphabet hébreu, égales en nombre aux vingt-deux 
Livres Sacrés. Cette liste nous a été conservée par 
Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 580 : cinq livres du 
Pentateuque, Josué, Juges avec Ruth, Samuel, Rois, Pa- 
ralipoménes,Ezras comprenant les deux livres d'Esdras, 
Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique, Isaïe, Jéré- 
mie avec les Lamentations et l'Épitre, Daniel, Ezéchiel, 
Job, Esther. « En dehors de ces livres sont les Macha- 
bées, intitulés en hébreu Sapgï)6 Sapêavè "EX. » La cita- 
tion d'Eusèbe s'arrête là. Le nombre des livres énumé- 
rés n'est en réalité que de 21, les douze petits prophètes 
étant omis par inadvertance. La place de quelques-uns 
est remarquable : Daniel vient avant Ezéchiel parmi les 
prophètes et ces derniers coupent en deux la série des 
hagiographes. Mais il ne faut pas croire que ce catalogue, 
où se reflète la tradition judaïque, exprime la vraie 
pensée d'Origène relativement au canon. Il s'en tient 
pour sa part au canon alexandrin. Il cite comme 
Écriture le deuxième livre des Machabées, In Joa., 
xiii, 57, t. xiv, col. 509; Periarchon, H, I, 5, t. xi, 
col. 186, ainsi que Baruch, In Exod., homil. vin, 2, 
t. xii, col. 342, et l'Ecclésiastique, In Joa., xxxu, 14, 
t. XIV, col. 805. Dans sa lettre à Jules Africain, il défend 
expressément les parties deutéro-canoniques d'Esther 
et de Daniel et reconnaît que les églises se servent de 
Tobie : ce qui est pour lui une autorité décisive, malgré 
l'opposition des Juifs, t. xi, col. 80. Cf. Comment, in 
Boni., vin, 12, t. xiv, col. 1198; De orat., 11, t. xi, 
col. 448. Il fait également usage de Judith, t. xm, 
col. 573, et l'appelle même Écriture, InJer., hom. xix, 
7, t. xm, col. 516. Enfin il emploie fréquemment le 
livre de la Sagesse tout en émettant parfois quelques 
doutes sur sa canonicité. Cf. In Joa., xxvm, 13, t. xiv, 
col. 712; Periarchon, iv, 33, t. xi, col. 407. 

2° Nouveau Testament. — Pour l'inspiration et la 
canonicité, Origène met souvent le Nouveau Testament 
à côté de l'Ancien et au-dessus quant à ia dignité. Sanday, 
Inspiration, Londres, 1896, p. 65, a prouvé par de 
nombreux exemples, contre Redepenning, Jùlicher et 
autres, qu'il n'est pas le premier à se servir de ce 
terme de « Nouveau Testament » mais qu'il est le premier 
à l'appeler « sacré » (îspâ) bien que son maître Clément 
ait l'équivalent OeoTivEua-toç, Strom., vu, 16, t. IX, 
col. 544, et Théophile d'Antioche le synonyme âyio. 
Ad Autol., il, 22, t. vi, col. 1088. Origène, In Jos., 
hom. vu, 1, t. xii, coU 857, énumére tous les Livres 
du Nouveau Testament, sans omission ni addition, à 
propos des trompettes de Jéricho : Sacerdotali tuba 
primus in Evahgelio suo Matthgsus increpuit. Mar- 
cus quoque, Lucas et Joannes, suis singulis tubis 
sacerdotalibus cecinerunt. Petrus etiam duabus Epi- 
stolarum suarum personat tubis. Jacobus quoque 
et Judas. Addit nihilominus adhuc et Joannes tuba 
canere per Epistolas suas et Apocalypsim, et Lucas 
Apostolorum Acla desa'ibens. Novissime autem Me 
(Paulus)... in quatuordedm Epistolarum suarum 
fulminans tubis, etc. Dans un passage rapporté par 
Eusèbe, H. E., vi, 25, et tiré du Prologue au tome v 
des commentaires sur saint Jean, Origène enlève quel- 
ques doutes sur la i/ a Pétri (Miav iitiazolrp ojioXoyou- 
l*év7)v xaTaXéXotuEv. "E<ttm 8s xori Sevripav à|X9i6àXXeTai 
yâp) et sur la 2 e et la 3 e de saint Jean (KaTcxXéXoHre Si 
xat èj[(TtoXï)v îiâvv oXiftov uti'/wv * ëdTW Sk xai SsuTÉpav 
xai TpiT»)v • Itià où irivTE? çairi yv^si'ouc etvat), t. XIV, 
col. 188-189. Mais son but en cet endroit étant de mon- 
trer que les Apôtres ont très peu écrit, il devait réduire 
le plus possible le nombre des livres non contestés. Du 
reste, In Levit., hom. iv, 4, t. xn, col. 437, il cite' la 
i/ a Pétri sous le nom de Pierre, sans aucune hésitation ; 
il cite de même l'Épitre de Jacques, In Joa., xix, 6, et 



celle de Jude, In Uatth., x, 17; xni, 30. On connaît 
son opinion sur l'Épitre aux Hébreux :'élle est de Paul 
pour le fond, mais un autre l'a rédigée. La tradition 
nomme soit Luc, soit Clément de Rome : Dieu seul sait 
ce qui en est, t. xiv, col. 1309 d'après Eusèbe, H. E. r 
vi, 25. Cf. Episl. ad Afric, 9, t. xiv, col. 68). Mais- 
assez souvent Origène la cite sans réserve sous le nom 
de Paul. Il n'a jamais révoqué en doute l'origine 
johannique de l'Apocalypse. Il n'hésite pas non plus- 
sur l'ordre chronologique des Évangélistes : Matthieu, 
Marc, Luc, Jean. Cf. Comment, in Matth., t. xin, 
col. 829 (passage conservé par Eusèbe, H. E,, vi, 25); 
Comment, in Joa., vu, 16, t. xiv, col. 256. Saint Jean le 
dernier en date est le premier en dignité, il forme les 
prémices (à^ap^r,) de l'Évangile, t. xiv, col. 32. Le 
Nouveau Testament d'Origène est donc exactement 1& 
nôtre. 

3° Apocryphes. — Dans son prologue au Commen- 
taire du Cantique des cantiques, Origène se prononce 
fortement contre les apocryphes, quelque autorité que 
semble leur conférer l'usage qu'en ont pu faire les 
Apôtres : lllud tamen palam est, mulla vel ab aposto- 
lis vel ab evangelistis exempla esse prolata et Novo 
Teslamento inserta quœ in his scripturis, quas cano- 
nicas habemus, nunquam legimus, in apocryphis ta- 
men inveniuntur et evidenter ex ipsis ostendunlur 
assumpta. Sed ne sic quidem locus apocryphis dandus 
est: non enim transeundi sunt termini quos slatuerunt 
patres nostri. Les Apôtres savaient discerner le vrai 
du faux et nous ne le pouvons plus. — Pour l'An- 
cien Testament les apocryphes suivants sont cités 
ou mentionnés : 1. Livre d'Enoch; Contra Cels., v,. 
54-55, t. xi, col, 126S (èv tocîç 'ExxXyi<7i<xic où Tiivy 
çÉpetai w? 6eï:0; Periarchon, I, ni, 3, t. xr, col, 148; 
iv, 35, t. xi, col. 409; In Num., hom. xxvm, 2, t. xii, 
col. 802 (sed quia libelli ipsi non videntur apud 
Hebrseos in auctoritate haberi...); In Joa., vi, 25, xiv, 
col. 273 (eî r» tpîXov ■itxpoi.Siytaftai oô; âyiov t'o piêXiov). 

— 2. Ascension ou Assomption de Moïse, Periar- 
chon, III, il, 1, t. xi, col. 303 (citée dans l'Épitre de 
Jude); In Jos., hom. Il, 1, t. xii, col. 834 (licet in 
canone non habealur). — 3. Ascension à" Isaïe : In 
Matth., x, 18, t. xm, col; 881 (apocryphe). — 4. Prière 
de Joseph : InJoan., n, 25, t. xiv, col. 168 (apocryphe). 

— Histoire apocryphe d'Élie; In Joan., vi, 7, t. xiv, 
col. 224; In Matlh., ser. 117, t. xm, col. 1769. — 
6. Apocryphe de Jérénxie : Ibid. (videat ne alicubi in 
secretis Jeremise hoc prophetetur), à propos des trente 
deniers prédits par Zacharie, xi, 13, et non pas le 
Jérémie canonique comme semble le dire saint Mat- 
thieu, xxvn, 9. 

Pour le Nouveau Testament nous trouvons mention- 
nés les livres extra-canoniques suivants. — 1. Le Pas- 
teur d'Hermas est souvent cité avec éloge et presque 
égalé aux écrits inspirés. Periarchon, I, m, 3, t. xi, 
col. 148; rv, 11, t. xi, col. 365 (év t<3 {itiô tivwv xata- 
<ppovou[i.Évci> fkëXiw t<ô llotpévt); In Matth., xiv, 21, 
t. Mil, col. 1240; In Rom., x, 31, t. xiv, col. 1282 (quse. 
scriptura valde mihi utilis videlur et ut puto divinitus 
inspirata); In Joa., i, 18, t. xiv, col. 53. — 2. Clément 
Romain, Periarchon, II, m, 6, t. xi, col. 194. — 3. Ép. 
de Barnabe, Contra Cels., l, 63, t. xi, col. 777 (y^pst- 
tai 6ï) èv T7) Bapviëa xaôoXix7J êthotoXtj). — 3. Évangiles 
apocryphes. Dans la première homélie sur saint Luc, 
t. xm, col. 18Q3 (fragment grec, col. 1801), Origène a 
le mot célèbre : Ecclesia quatuor habet Evangelia, 
hsereses plurima, IïoXXoi (ièv o3v iT:e)(etp7)(T«v xaï xaxà 
Maôiav xa\ aXXa TcXetova' zà Se TÉrrapa |xâva Tipoxpt'xEi 
•?! ©îb-j 'ExxXrjo-i'a. Parmi ces Évangiles, il cite en par- 
ticulier l'Évangile selon les Égyptiens, l'Évangile des 
Douze, les Évangiles selon Thomas, selon Basilide et 
selon Matthias. Seul, l'Évangile des Hébreux est traité 
avec plus d'honneur. In Joa., n, 6, t. xiv, col. 131. — 



1881 



ORIGÈNE 



1882 



4. La Doctrine de Pierre est expressément rejetée 
comme non canonique. Periarchon, préface, 8, t. XI, 
col. 119-120. — 5. Les Actes de Paul sont cités aussi, 
mais non comme écrit canonique. Periarchon, I, II, 
"3, t. xi, col. 132; In Joa., xx, 12, t. xiv, col. 600. 

IV. Bibliographie. — /. sources a consulter. — 
Huet, Origeniana (en tête de l'édition d'Origène), Rouen, 
1668. Ce savant ouvrage, réimprimé dans les éditions de 
Delarue, t. iv, de Lommatzsch, t. xxii-xxiv, de Migne, 
t. xvn, reste l'étude la plus importante sur la vie, la 
doctrine et les œuvres d'Origène. — Westcott, article 
Origenes dans le Dictionary of Christian Biography, 
t. iv, Londres, 1887, p. 96-142; Dale, Origenistic Con- 
troversies, ibid., p. 142-146. Ces deux études, surtout 
celle de Westcott, sont très consciencieuses. — Har- 
nack, Geschichte der altchrist. Litteratur, Ueberlief. 
und Bestand, Leipzig, 1893, p. 332-405 (liste des ma- 
nuscrits d'Origène par Preuschen), Chronologie, t. n, 
Leipzig, 1904, p. 26-54. — Bardenhewer, Geschichte 
der altkirchl. Literatur, t. h, Fribourg-en-Brisgau, 
1903, p. 68-158. — Chevalier, Répertoire des sources 
histor. du moyen âge, Bio-bibliographie, 2 e édit., 
fasc. vu, Paris, 1906, p. 3428-3432 (indication d'un 
grand nombre d'articles de revue). — Ehrhard, Die 
ultchrist. Litteratur und ihre Erforschung von 1884- 
1900, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 320-351 (examen 
critique des travaux plus récents). 

//. NOMBRE ET CATALOGUE DES ÉCRITS D'ORIGÈNE. 

— Saint Épiphane, Contra hseres., lxiv, 63, nous ap- 
prend que la renommée attribuait à Origène la compo- 
sition de 6000 livres (fiiêloi) et ce chiffre a été souvent 
répété depuis ou changé en 5000. Rufin en prend 
occasion pour se moquer de saint Épiphane. Saint Jé- 
rôme, Contra Rufin., m, 23, dans sa réplique, atteste 
■que la liste des écrits d'Origène dressée par saint Pam- 
phile ne comprenait pas même 2 000 numéros, Ibid., n, 
22, mais cette liste n'était sans doute pas complète. 
Eusèbe l'avait insérée au troisième livre de sa vie de 
saint Pamphile (H. E., VI, xxxn, 3); elle a péri avec 
l'ouvrage qui la contenait. Saint Jérôme, de son côté, 
dans une lettre à sainte Paule, énumérait les œuvres 
d'Origène en regard de celles de Varron, pour montrer 
que le catéchiste d'Alexandrie avait plus écrit que l'au- 
teur profane réputé le plus fécond. Rufln, Apol. adv. 
Hieron., il, 20, t. xxi, col. 599-600, ou Epist. ad Pau- 
iam, xxxm, t. xxn, col. 446-449, en cite quelques pas- 
sages. Heureusement la partie la plus intéressante de 
cette lettre, retrouvée dans un manuscrit d'Arras du 
XII e siècle (n" 854), a été publiée par Philipps, 
F. Ritschl, Redepenning, Pitra, Harnack. On a décou- 
vert depuis trois nouveaux manuscrits à peu près du 
même âge que le précédent (Paris, Biblioth. nation., 
lat. 1628 et 1629; Bruxelles, Biblioth. royale, n» 11065). 
Rlostermann a donné une édition critique du fragment 
d'après les quatre manuscrits (tiré à part d'un article 
paru dans les Sitzungsberichte der... Akad. der Wiss. 
zu Berlin, 1897, p. 855-870), Harnack le réimprime 
d'après Klostermann, dans Die Chronol. der altchristl. 
Litteratur, t. Il, p. 37-48. Cette liste fourmille d'erreurs, 
les quatre manuscrits dérivant d'un même archétype 
incorrect et probablement incomplet. Cependant comme 
elle est notre unique autorité pour un certain nombre 
d'ouvrages, nous croyons indispensable de la reproduire 
ici en respectant scrupuleusement le texte et la syn- 
taxe, mais en rétablissant l'orthographe usuelle. Nous 
l'appellerons en abrégé Cat. Les fragments transcrits 
par liufin nous permettent de la compléter et de la 
corriger en quelques endroits {op. cit., t. xxi, 599) : 
« Scripsit in Genesim libros tredecim; mysticarum 
homiliarum libros duos; in Exodo excerpta; in Levi. 
tico excerpta. » Et post multa: « Item, inquit, Mono- 
biblia;Hepl âp^ûv libros duos ; de Resurrectione libros 
duos et alios de Resurrectione dialogos duos. » 



Voici maintenant la liste en question, avec les rares 
variantes des quatre manuscrits : 

Quorsum Varronis et Chalcenteri mentio facta sit 
quseritis; videlicet ut ad nostrum Adamantium no- 
stntmque Chalcenterwm veniamus : qui tanto in~San- 
ctaruni Scripturarum commentariis sudore laboravit, 
ut juste adamantit notnen acceperit. Vultis nosse 
quanta ingenii sui reliquerit monimenta? Sequens 
titulus ostendet : 

Scripsit in Genesi libros XIV ; mysticarum [ainsi 
lit Rufln, mais les manuscrits du Catalogue ont : loca- 
rum et localium] homiliarum, lib. 11; In Exodum 
excerpta; in Leriticum excerpta; Stromatum, lib. X; 
in Isaiam lib. XXX VI; item in Isaiam excerpta; in 
Osée de Ephraim lib. 1; in Osée commentarium ; in Joël 
lib. II; in Amos lib. VI ; in Jonam lib. I; in Michseam 
lib. III; in Nahum lib. Il; in Habacuc lib. 111; in 
Sophoniam lib. 11; in Aggseum lib. 1; in principio 
Zachariee lib. II; in Malachiam lib. II; in Ezechiel 
lib. XXIX; excerpta in Psalmos a primo usque ad 
quintum decimum. 

Rursum : in Psalmo primo lib. 1; in 2° lib. I ; in 
3° lib. I ; in 4" lib. 1; in 5° Ijtb. 1 ; in 6" lib. I; in 
7" lib. 1 ; in 8" lib. 1; in 9° lib. 1; in 10" lib. I ; in 
11" lib. 1; in 12" lib. 1; in 13" lib. 1; in 14" lib. 1; 
in 15" lib*. 1; in 16" lib. I; in 20" lib. I; in 24° lib. 1; 
in 29" lib. I; in 38" lib. I; in 40" lib. I; in 43» lib. 11; 
in 44° lib. 111 ; in 45° lib. I; in 46" lib. I; in 50° 
lib. II; in 51° lib. I; in 52" lib. I; in 53" lib. 1; in 
57" lib. 1; in 58" lib. 1; in 59" lib. I; in 62° lib. 1; 
in 63" lib. I ; in 64° lib. I; in 65" lib. 1 ; in 68° lib. I ; 
in 70" lib. I; in 71° lib. 1; in principio 72' lib. 1; in 
103" lib. 11; in Proverbia lib. III; in Ecclesiasten 
excerpta; in Canticum canticorum lib. X et alios 
tomos il quos superscripsit [peut-être : insuper scrip- 
sit] in adolescentia ; in Lamentaliones Jeremim to- 
mos V. 

Rursum : Periarchon lib. IV; de Resurrectione 
lib, II et alios de Resurrectione dialogos II ; de Pro- 
verbiorum quibusdam quseslionibus lib. 1; dialogum 
adversus,, Candidum Valentinianum; de Martyrio 
librum. 

De Nqvo Testamento : In Matthxum lib. XXV ; in 
Joannem lib. XXXII; in partes quasdam Joannis 
excerptorum lib. 1; in Lucam lib. XV; in epistolam 
Pauli apostoli ad Romanos lib. XV; in epistolam ad 
Galatas lib. XV; in epistolam ad Ephesios lib. III; 
in epistolam ad Philippenses lib. I; in epistolam ad 
Colossenses lib. II ; in epistola ad Thessalonicenses i" 
lib. 111; in epistola ad Thessalonicenses 2°- lib. I ; in 
epistola ad Titum lib. 1; in epislola ad Philemonem 
lib. I. 

Rcrsus homiliarum in Vetcs Testamentum ; In Ge- 
nesi homilise xvn ; in Exodo hom. vni;in Levitieo 
hom. xi; in Numéris hom. xxvm; in Deuteronomio 
hom. xlll ; in Jesu Nave hom. xxvi; in libro Judicum 
hom. ix; de Pascha hom. vin; in primo Regum 
libro hom.ir; in Job. hom. xxn; in Parœmias hom. vu; 
in Ecclesiasten hom. vin; in Cantico canticorum 
hom. u ; in Isaiam hom. xxxn; in Jeremiam hom. xiv; 
in Ezechiel hom. xn. 

De Psalmis : In Psalmo 3° hom. i; in 4° hom. i ; 
in 8" hom. i; in 12° hom. i; in 13° hom. I ; in 15" 
hom. n; in 16" hom. î; in 18° hom. i ; in 12" hom. r; 
in 23° hom. i; in 24" hom. i , in 25° hom. i; in 26° 
hom. I; in 27° hom. 1 , in 36" hom. r; in 37° hom. Il; 
in 38° hom. Il; in 39° hom. n; in 49" hom. i; in 51° 
hom. l;in52" hom. il; in 54° hom. I;in67° hom. vu, 
in 71° hom. Il; in 72° hom. m; in 73" hom. m; in 74° 
hom. i; in 75° hom. i; in 76° hom. M; in 77° hom. IX ; 
in 19° hom. ir;in 80° hom. Il; in 81° hom. n; in 82° 
hom. m; in 83" hom. I; in 84° hom. n; in 85" hom. i; 
in 87° hom. i; in 108" hom. i; in 110° hom. i; in 



1883 



ORIGÈNE 



1884 



118° hom. m; in 120° hom, i; in 121° honi. u; in 
122° hom. u; in 123" hom. Il ; in 124° hom. Il; in 
■ 125" hom. i; in 127" hom.l; in 128" hom. I; in 129" 
hom. i; in 131" hom. i; in 132» hom. Il; in 133" 
hom. il; in 134" hom. u; in 135» hom. iv; in 137" 
hom. n; in 138° hom. iv; in 139° hom. u;in 144" 
hom. ni; in 145" hom. i; in 146° hom. i; in 147° 
hom. i; in 149° hom. i. Excerpta in totum Psallerium. 

HoMiLiyE in Novum Testàmentum : Ka-cà Ma69afo-j 
Evangelium hom. xxv ; xarà Aouxâv hom. xxxix, in 
Actus apostolorum hom. xvn; in epistola ad Corin- 
thios secundo, hom. XI ; in epistola ad Thessalonicenses 
hom. u; in epistola ad Galatas hom. tu; in epistola 
ad Titum hom. i; in epistola ad Hebrxos hom. xvm; 
de Pace hom. l; exhortatoria ad Pioniam [Paris lat. 
1628 : Proniam]; de jejunio; de monogamis et triga- 
mis hom. H; in Tharso hom. u; Origenis, Firmiani 
[Arras 849 : Frumani. Klostermann conjecture Afri- 
cani; ce serait plutôt : Firmiliani] et Gregorii; item 
excerpta Origenis et diversarum ad eum epistolarum 
lib. II ; epistola esifodorum [peut-être : synodorum] su- 
per causa Origenis in libro II»; epistolarum ejus ad di- 
versos lib. IX; aliarum epistolarum lib. II; item epis- 
tola pro apologia operum suorum lib. II. — Videtisne 
et Grsecos pariter et Latinos unius làbore superatos? 

m. liste des êcrii'S d'origène. — i. [Commentaires 
suivis, TÔfiot, volumina. — A) Sur la Genèse (quatre 
premiers chapitres) treize livres. Eusèbe, U. E., vi, 24, 
dit douze livres, le Cat. a xiv etRufin, xm. Saint Jérôme, 
Epist. ad Damas., xxxvi, 9, mentionne le XIII e livre. 
— B) Sur les Psaumes au moins quarante-six livres, 
d'après le Cat., sa voir: un livre sur chacun des Psaumes 
suivants i, n, m, IV, v, vl, vu, vin, ix, x, xi, xil, xm, 

XIV, XV, XVI, XX, XXIV, XXIX, XXXVIII, XL, XLV, XLVI, LI, LU, 
LUI, LVII, LVIH, LIX, LXII, LXIII, LXIV, LXV, LXVI1I, LXX, 

lxxi, lxxii, deux livres sur les Psaumes xliii, l, cm, 
trois livres sur le Psaume XLiv. Mais cette liste est sans 
doute incomplète. Saint Jérôme, Epist -ad Marcel., Tixxiv, 
1, t. xxn, col. 448, dit que saint Pamphile n'a pas re- 
trouvé le commentaire sur le Psaume cxxvi, mais sans 
être bien sûr que ce commentaire ait été composé et 
Eusèbe affirme, H. E., vi, 24, t. xx, col. 577, que les 
commentaires sur les vingt-cinq premiers Psaumes 
ont été composés à Alexandrie. — C) Sur les Proverbes 
trois livres. En outre, d'après le Cat.: De Proverbio- 
rum quibusdam qusestionibus lib. 1. — D) Sur le 
Cantique des cantiques dix livres, sans compter deux 
autres livres composés dans sa jeunesse, d'après le Cat. 
La Philocalie, chap. vu, ne mentionne qu'un seul petit 
tome composé èv -cy \eôtt,ti. — E) Sur les Prophètes 
au moins quatre-vingt-cinq livres, savoir : trente sur 
Isaïe, (jusqu'à Is., xxx, 6), le chiffre du Cat. est certaine- 
ment fautif, car Eusèbe, H. E., vi, 32, t. xx, col. 592, et 
saint Jérôme, Prol. comment, in Is., t. xxiv, col. 21, ne 
comptent que trente livres; sur les Lamentations de 
Jérémie cinq livres; sur Ézéchiel. vinq-cinq livres, 
d'après Eusèbe, H. E., vi, 32, et les notes du codex 
Marchalianus : le chiffre du Cat. est donc fautif; sur 
les petits Prophètes vingt-cinq livres. C'est le chiffre 
du Cat. et d'Eusèbe ; mais celui-ci en remarquant qu'il 
n'a retrouvé que vingt-cinq livres fait entendre qu'il 
yen avait primitivement davantage. De fait saint Jérôme, 
Prol. comment, in Malachiam, t. xxv, col. 1543, men- 
tionne trois livres d'Origène sur Malachie. Il y avait en 
outre un petit traité sur Osée, dont saint Jérôme, Prol. 
comment, in Osée, t. xxv, col. 819, parle ainsi : Ori- 
genes parvum de hoc propheta scripsit libellum, cui 
hune titulum imposuit icepi toû jk5ç (àvofiocsSrç iv tû 
'Qavjè 'E^pai'ix. — F) Sur les Évangiles soixante-deux 
livres au moins, savoir : vingt-cinq sur Matthieu (c'est 
le chiffre concordant du Cat., d'Eusèbe et de saint Jé- 
rôme, bien que les manuscrits de ce dernier portent 
trente-six ou vingt-six dans le Prol. hom. Orig. in Lu- 



cam, t. xxv, eol. 219), cinq sur Luc (c'est le chiffre de 
saint Jérôme, loc. cit., mais le Cat. porte quinze); 
trente-deux sur Jean (S. Jérôme, loc. cit., d'accord avec 
le Cat.). Le chiffre de 22 fourni par Eusèbe, B. E., vi T 
24, est évidemment fautif, puisque le 32 e livre sub- 
siste encore. Comme le commentaire ne va que jusqu'à 
Joa., xm, 33, et qu'Origène, In Matth., ser. cxxxiii, 
t. xm, col. 1781, parle d'une explication donnée, dans 
le commentaire sur saint Jean, au sujet des deux vo- 
leurs crucifiés avec Jésus-Christ, il est possible que le 
commentaire comprît plus de trente-deux livres, 
peut-être trente-neuf. Cependant les extraits des Chaînes 
ne vont pas au delà de Joa., xm, 33. — G) Sur saint 
Paul au moins trente-trois livres, savoir : quinze sur 
l'épître aux Romains; cinq sur l'Épître aux Galates (le 
nombre xv du Cat. est fautif ainsi qu'il appert du 
codex de l'Athos, découvert par von der Goltz) ; trois sur 
l'Épi tre auxÉphésiens; trois sur l'Épître aux Colossiens 
(nombre établi par le manuscrit de l'Athos contre le 
chiffre 2 du Cat.); trois sur I Thess. ; un sur chacune 
des Épitres aux Philippiens, à Tite, à Philémon et 
II Thess. Aucun commentaire sur l'Épître aux Hébreux 
n'est mentionné et les fragments cités dans les Chaînes 
peuvent provenir des homélies. 

2. Homélies, à[xO. : .ai, homiliie ou tractatus. — A) Sur 
la Genèse, dix-sept. On n'en mentionne quelquefois que 
seize, parce que la dernière : De benediclionibus pa- 
triarcharum, est comptée à part. Le Cat. signale encore 
deux homélies sur la Genèse, qualifiées de locarum ou 
de localium dans les manuscrits et de mysticarum 
dans Ruiîn, Apol., n, 20. — B) Sur l'Exode, treize; 
le chiffre vin du Cal. est certainement erroné, car 
nous possédons encore les treize hom., traduites par 
Rufin. — C) Sur Je Lévitique, seize; le chiffre xi du Cat. 
est fautif pour la même raison. — D) Sur les Nombres, 
vingt-huit. — E) Sur le Deutéronome, treize; Cassio- 
dore en connaissait en latin mi ou vin, ce qui doit être 
une erreur de copiste pour xm; quoiqu'elles n'aient 
pas été traduites par Rufin, leur existence est prouvée 
par les extraits des Chaînes. — F) Sur Josué, vingt- 
six. — G) Sur les Juges, neuf. — H) Sur le premier 
livre des Rois, quatre. — 1) Sur Job, vingt-deux. — 
J) Sur les Proverbes, sept. — K) Sur le Cantique des 
cantiques, deux. — L) Sur Isaïe, trente-deux; saint Jé- 
rôme, Prol. comment, in Is. r n'en connaissait que vingt- 
cinq ou, d'après un manuscrit, vingt-six. — M) Sur Isaïe, 
quarante-cinq; le Cat. dit par erreur xim, qui doit être 
pour xlv ou xlvi; nous en possédons encore vingt en 
grec et la xxxix 8 , est citée deux fois dans la Philocalie, 
chap. I et x. — N) Sur Ézéchiel, au moins quatorze; 
c'est le nombre des homélies traduites par saint Jérôme, 
de sorte que le chiffre xn du Cat. est évidemment fautif. 
— 0) Sur les Psaumes, cent vingt homélies au moins : 
une sur chacun des Psaumes suivants : m, iv, vm, xn, 
xvi, xvm, xxn, xxiii, xxiv, xxv, xxvr, xxvii, xlvih, li, 

LIV, LXX1V, LXXV, LXXXl, LXXXIII, LXXXV, LXXXVII, CVIII, CX, 
CXX, CXXV, CXXVII, CXXVIII, CXXIX, CXXXI, CXLV, CXLVI, 

CXLVH, cxlviii; deux sur chacun des Psaumes suivants : 
xxxvn, xxxviii, xxxix, lu, lxxi, lxxx, lxxxiv, cxxi, 

CXXII, CXXIII, CXXIV, CXXXII, CXXXIII, CXXX1V, CXXXVII, 

cxxxix; trois sur les Psaumes xv, lxxii, lxxiii, lxxvi, 
lxxxii, cxvm, cxliv; quatre sur les Psaumes lxxviii, 
cxxxv, cxxxvm; cinq sur le Psaume xxxvl, sept sur le 
Psaume lxvii, neuf sur le Psaume lxxvii. — P) Sur 
les Évangiles, soixante-quatre homélies au moins : 
vingt-cinq sur Matthieu, trente-neuf sur Luc (toutes, 
sauf six, ont pour thème les six premiers chapitres et 
il est possible que saint Jérôme qui les a traduites ait 
fait un choix). — R) Sur les Actes, dix-sept homélies. — 
S) Sur saint Paul le Cat. mentionne trente-neuf ho- 
mélies : onze sur II Cor., deux sur Thess., sept sur 
Gai., une sur Tite, dix-huit sur Heb. — Il est singulier 
que le Cat. ne signale sur I Cor. ni commentaire ni 



1885 



ORIGÈNE 



1886 



homélie, puisque saint Jérôme met Origène au nombre 
de eeux qui ont expliqué longuement cette épitre, 
Epist. ad Pammach., xlix, 3, et qu'on retrouve en- 
core dans les Chaînes de fréquentes explications de 
I Cor. — î") Enfin le Cat. mentionne huit homélies 
De Pascha, une hom. De pace, deux hom. In Tharso, 
et de plus Exhortatoria ad Pioniam, De jejunio et 
tnonogamis et trigamis hom. u. On n'a sur ces ouvrages 
aucun autre renseignement et l'on ne sait pas davan- 
tage ce que Rufin entend par Monobïblia. 

3. Scolies, a-^ôXia, avjiiEtâxietç, excerpta, commaticum 
interpretationis genus. — Nous connaissons par le 
Cat. les excerpta sur l'Exode, sur le Lévitique, sur les 
quinze premiers Psaumes, sur l'Ecclésiaste, sur quel- 
ques parties de saint Jean, sur tout le Psautier. Ces 
derniers ne sont sans doute pas autre chose que l'ou- 
vrage appelé ailleurs enchiridion, le manuel annoté des 
Psaumes dont Origène faisait usage. SaintJérôme signale 
encore des excerpta sur saint Matthieu et sur l'épître 
aux Galates (Comment, in Matth. Prolog.; Comment, 
in Gai. Prolog.), Rufin, des excerpta sur les Nombres 
(Homil. in Nimier., Prolog.), et le manuscrit de l'Athos 
découvert par von der Goltz des ayàlia. sur la Genèse. 

4. Ouvrages divers. — A) De principiis, nepi àp^wv, 
en quatre livres. — B) Stromates en dix livres. — 
6") De resurrectione, en deux livres et de plus deux 
dialogues sur la résurrection. — D) Contra Celsum, en 
huit livres. — E) De martyrio, adressé à son ami 
Ambroise. — F) De oratione. — G) Un dialogue contre 
le vulentinien Candide. 

5. Lettres. — Il n'en reste plus que deux en entier, 
l'une adressée à Jules Africain, l'autre à saint Grégoire 
le Thaumaturge. Mais on a des fragments de quelques 
autres: A) Sur Ambroise, dans Suidas, édit. Bernhardy, 
t. u, col. 1279. — B) Apologie adressée à ses accusa- 
teurs, Eusèbe, H. E., vi, 19. — C) A ses amis d'Alexan- 
drie, S. Jérôme, Adv. Rufin., n, 18, et Rufin, De adult. 
libror. Origenis. — D) A Firmilien, d'après Victor de 
Capoue, dans Pitra, Spicil. Solesm., t. î, p. 268. — 
E) Ad Gobarum de undecima (?). lbid., p. 267. — F) A 
certains prêtres, dans Galland, Biblioth. Patr., t. xiv, 
appendice, p. 10. — D'autres lettres sont simplement 
mentionnées. — A) A son père pour l'exhorter au mar- 
tyre, Eusèbe, H. E., vi, 2. — B) Réponse à l'empereur 
Philippe, lbid., vi, 36. — C) A Severa, femme de Phi- 
lippe, lbid. — D) Au pape saint Fabien. S. Jérôme, 
Epist. ,lxxxiv,10. — E) A divers évêques, Eusèbe, H.E., 
\i, 36. — F) A Bérylle de Bostra. S. Jérôme, De vir. 
illustr., 60. Saint Pamphile avait réuni plus de cent 
lettres d'Origène, Eusèbe, H- E.,vi, 36, et le Cat. compte 
14 ou 16 livres de lettres écrites par Origène ou le con- 
cernant. 

6. Ouvrages apocryphes ou faussement attribués à 
Origène. — 1. Le traité De recta in Deum fi.de contre 
les Marcionites, traduit par Rufin et déjà cité dans la 
Philocalie, chap. xxiv, sous le nom d'Origène. — 2. De 
visione TeTpaitôSoiv (S. Jérôme, Adv. Rufin., î, 13). 

— 3. Comment, in Job (Paris, Bibl. nat., grec. 454). — 
4. Comment, in Job, en latin (Paris, Bibl. nat., lat. 
14464). — 5. Comment. inMarc. (Paris, Bibl. nat., grec. 
939). — 6. Scholia in orationem dominicam et can- 
tica, Paris, 1601. — 7. Planctus Origenis, existe en-dé 
nombreux manuscrits et a été publié, traduit en fran- 
çais, par René Benoist, Paris, 1563. — 8. De sihgula- 
ritale clericorum. — 9. Quù dives salveturàe Clément 
d'Alexandrie. — 10. Les Philosophumena de saint Hip- 
polyte. — 11. Le Ilepî -roy itôvroç de saint Hippolyte. — 

12. Le petit Labyrinthe, Eusèbe, Hist. eccl., v, 28. — 

13. L'exposition du Symbole, Pitra, Analecta sacra, 
t. m, p. 584. — 14. h'Épitaphe d'Origène composée 
par lui-même, reproduite en de nombreux manuscrits. 

— iô. Les vingt Tractatus Origenis de libris SS. Scrip- 
turarum, publiés par Ma' Batiflbl, Paris, 1900. Voir dans 



Ehrhard, Die altchristl. Lilter., etc. Fribourg-en- 
Brisgau, 1900, p. 328-332, les conjectures à ce sujet. — 
16. Plusieurs prétendues Homélies d'Origène contenues 
dans les lectionnaires latins du moyen âge et publiées 
dans VHomiliarius Doctorum, Bâle, 1511-1513, ainsi 
que par Combefis, Biblioth. Patrum conciohatoria,' 
Paris, 1662. Les plus célèbres et les plus évidemment 
inaulhentiques sont l'homélie sur la Madeleine : Maria 
stabat; et l'homélie sur le prologue de S. Jean: Vox 
spiritualis aquilse. 

IV. OUVRAOES PARVENUS JUSQU'A NOUS ET PRINCh 

faux manuscrits. — 1. Texte grec. — A) Philocalie, 
recueil de morceaux choisis d'Origène par saint Basile et 
saint Grégoire de Nazianze, comprenant des extraits du 
Periarchon, du Contra Celsum, des Commentaires sur 
la Genèse, l'Exode, les Psaumes, le Cantique des can- 
tiques, Ezéchiel, Osée, Matthieu, Jean, l'Épitre aux Ro- 
mains, des Homélies sur le Lévitique, Josué, Jérémie, 
les Actes, plus la lettre à saint Grégoire le Thaumaturge 
et un fragment d'origine inconnue. On en connaît un 
assez grand nombre de manuscrits dont les plus anciens 
et les meilleurs sont : Patmos 270, x" siècle; Venise, 
Marcienne, 47, XI e s.; Paris, «Bibl. nat., suppl. grec 
615, XIII e s. — B) Contra Celsum. Subsiste en entier; 
mais tous les manuscrits connus (24) dérivent d'un 
même archétype qui ne remonte pas au delà du 
xiii c siècle (Vatican, grec 386). — C) Comment, sur 
S. Matthieu. On en possède en grec huit livres, X à 
XVII. Le plus ancien des manuscrits, d'ailleurs peu 
nombreux, date du xm e siècle (Munich, grec 191). — 

D) Comment, sur S. Jean. U n'en reste que les neuf 
livres suivants I, II, VI, X, XIII, XIX, XX, XXVIII, 
XXXII. L'archétype de tous les manuscrits est le Mo- 
nacensis 191, ci-dessus nommé. — E) Homélies sur 
Jérémie, au nombre de vingt, retrouvées dans un codex 
de l'Escurial (Cl, in, 19) du xi e ou du xn« siècle. Les 
homélies xvm et xix, mutilées l'une à la fin l'autre au 
commencement, semblaient n'en faire qu'une, de sorte 
qu'avant Klostermann on n'en comptait que dix-neuf. 
— F) Exhortation au martyre conservée dans un ma- 
nuscrit de Venise du xiv e siècle et dans un manuscrit 
de Paris (Bibl. nat., grec 616) de la même époque, sur 
lequel fut copié le codex de Bàle A. m, 9. — G) De 
oratione. Ce petit traité n'existe complet — à part 
quelques lacunes — que dans un manuscrit de Cam- 
bridge. — H) Homélie sur la Pythonisse dont l'arché- 
type paraît être le Monacensis 331 du X e siècle. — 
1) Lettre à Jules Africain, conservée en de nombreux 
manuscrits. — /) Lettre à S. Grégoire le Thauma- 
turge, insérée dans la Philocalie. — K) Les chaînes — 
riche mine encore trop peu exploitée — nous rendent, 
à l'état fragmentaire il est vrai, un grand nombre 
d'œuvres perdues d'Origène. 11 en sera question ci-des- 
sous, à propos des éditions. 

2. Traductions latines. — A) Periarchon traduit par 
Rufin. Il ne reste de la traduction de saint Jérôme que 
les extraits insérés par lui dans sa lettre à Avit, t. xxii, 
col. 1059-1072. — B) Cent dix-huit homélies traduites par 
Rufin (dix-sept sur la Genèse, treize sur l'Exode, seize sur 
le Lévitique, vingt-huit sur les Nombres, vingt-six sur 
Josué, neuf sur les Juges, neuf sur les Psaumes). — 
C) Soixante dix-huit homélies traduites par saint Jé- 
rôme (deux sur le Cantique des cantiques, neuf sur Isaïe, 
quatorze sur Jérémie — dont douze existent dans le 
texte original — quatorze sur Ezéchiel, trente-neuf sur 
S. Luc). — D) Une homélie sur le I er livre des Rois 
(De Elcana et Samuel) traduite par un anonyme. — 

E) La traduction par Rufin des trois premiers livres du 
Commentaire sur le Cantique des cantiques, avec le 
commencement du quatrième. — F) La traduction for- 
tement abrégée et remaniée du Commentaire sur YÉpître 
aux Romains. Des quinze livres primitifs Rufin a 
fait dix livres plus courts. — G) Une traduction anonyme 



1887 



ORIGENE 



1888 



du Comm entaire sur saint Matthieu, de xrv, 13, à xxvn, 3. 

v. éditions. — Si l'on ne tient pas compte d'un re- 
cueil d'homélies publié sans lieu ni date, le premier 
ouvrage imprimé d'Origène est une traduction latine du 
Contra Celsum parPersona, Rome, 1481 (Venise, 1514). 
Puis vint la traduction par Rufln des homélies sur 
l'heptateuque, Venise, 1503 et 1512, du Commentaire, 
sur l'Épitre aux Romains, "Venise, 1506 et 1512. (Ces 
deux ouvrages furent publiés sous le nom de saint 
Jérôme qu'ils portent dans certains manuscrits.) Peu 
après parurent à Venise les homélies traduites par 
saint Jérôme (1513), le Periarchon (1514) et divers autres 
ouvrages encore inédits (1516). Les éditions des œuvres 
latines complètes, telles qu'on pouvait se les procurer 
alors, sont celles de Merlin, Paris, 1512 (1519, 1522, 1530, 
Venise, 1516), d'Érasme, Bâle, 1536 et 1545 (1571 avec 
additions par Grynseus), de Génébrard, Paris, 1574 (1604 
et 1619). — Quant au texte grec, ce fut aussi le Contra 
Celsum qui fut publié tout d'abord par Hœschel, Augs- 
bourg, 1605, ensuite la Philocalie par Tarin, Paris, 
1618-1619 (1624), l'Homélie sur la Pythonisse par Léon 
Allatius, Lyon, 1629, les Homélies surJérémiepar Cor- 
dter, Anvers, 1648. G. Spencer réédita le Contra Cel- 
sum et la Philocalie à Cambridge, 1658 (grec -latin avec 
notes) et 1677. La première édition générale fut celle de 
Huet, Rouen, 1668 (3 vol., avec longue introduction 
biographique, théologique et critique, Origeniana), 
réimprimée à Paris, 1679, à Cologne, 1685. Beaucoup 
plus complète est celle de Charles Delarue, 1 er et 2 e vol., 
Paris, 1733; 3 e vol., Paris, 1740 (après la mort de l'édi- 
teur); 4 e vol., Paris, 1759 (par les soins de Charles Vin- 
cent Delarue, neveu du précédenl). Depuis Huet, le 
traité De oratione avait paru à Oxford, 1686 (Amster- 
dam, 1694), V Exhortatio ad Martyrium avait été pu- 
bliée à Bâle par Wetstein, 1694, et Montfaucon avait 
donné une bonne édition des restes des Hexaples (Pa- 
ris, 1715), après celles de Flaminius Nobilius (Rome, 
1587) et de Drusius (Arnheim, 1622). Toutes les éditions 
postérieures des œuvres d'Origène, celles d'Oberthur 
(Wurzbourg, 1780, 1794), de Lomroatzsch (Berlin, 1831- 
1838, en 25 vol.), de Migne (Paris, 1857), n'ont été que 
des reproductions plus ou moins correctes des éditions 
précédentes, en particulier du texte de Delarue. Il en est 
de même de l'édition du Periarchon par Redepenning 
(traduction de Rufîn, fragments grecs et notes), Leipzig, 
1836. — Il a paru depuis quelques éditions partielles : 
A. E. Brooke, Commentaire sur S. Jean, 2 vol., Cam- 
bridge, [896; A. Jahn, Des h. Eustathius Seurtheilung 
des Origenes, Leipzig, 1886 (dans Texte und Unters., 
t. il, avec le texte de YHomélie sur la Pythonisse 
d'après le manuscrit de Munich, grec 331). 

La nouvelle édition d'Origène, qui fait partie de la 
Patrologie grecque de Berlin, utilise toutes les res- 
sources dont on dispose en ce moment et sera pour 
longtemps l'édition type. Ont déjà paru les volumes 
suivants : t. i et n (Exhortation au Martyre, Contra 
Celsum, De oratione), Leipzig, 1899, par P. Kœtschau ; 
t. m (Homélies sur Jérémie, sur la Pythonisse d'En- 
dor, et fragments sur les Lamentations, Samuel et 
les Rois), Leipzig, 1901, par E. Klostermann ; t. iv (Com- 
mentaires sur S. Jean, fragments compris), Leipzig, 
1903, par E. Preuschen. Chaque volume s'ouvre par 
une étude des manuscrits et contient trois tables : 
index des citations et allusions, des noms propres, de 
tous les mots intéressants au point de vue théologique, 
philologique, etc. 

Il reste encore à étudier les innombrables fragments 
des chaînes bibliques, publiés en grande partie mais 
d'une manière insuffisante par Galland, Biblioth. vet. 
Patrum, t. XIV (supplément), par Mai, Nova Patrum 
Biblioth., t. vu, et par Cramer, Catense in Evangelia, 
Catenm in Epistolas, Oxford, 1840-1844. Une bonne 
édition des scolies sur les Proverbes a été donnée par 



Tischendorf, dans Notitia edit.cod. Sinaitici, Leipzig, 
1860, p. 74-122. Les textes relatifs à l'Épitre aux Éphé- 
siens ont été très bien réédités par Gregg, Journal af 
theol. Studies, t. m, 1902, p. 398-420, 554-576. 

vi. traductions. — Nous avons parlé des versions 
latines de Rufin et de saint Jérôme et d'un traducteur ano- 
nyme du Comment, sur S. Matthieu. Le Contra Celsum 
fut traduit en latin par Persona, Rome, 1481, par Gele- 
nius, Augsbourg, 1605; le Comment, sur S. Jean par 
Ferrari du Mont-Cassin et Perionius; le Comment, sur 
S. Matthieu par Huet, Rouen, 1668; le De oratione 
par Morel, Paris, 1601, par Wetstein, Bâle, 1694, par 
Reading, Londres, 1728; la Philocalie par Génébrard, 
Paris, 1574, par Tarin, Paris, 1618. — L'édition latine 
de Caillau en 7 in-8», Paris, 1829, contient les princi- 
paux ouvrages d'Origène mais avec des coupures. 

Il a paru en français une traduction du Contra Celsum 
par E. Bouhereau, ministre protestant, Amsterdam, 1700, 
par l'abbé de Gourcy, Paris, 1785-1786 (dans la collec- 
tion Anciens apologistes, 1. 1 et n), par l'abbé de Genoude 
(Les Pères de l'Église, traduits en français, t. vm). On 
la trouve dans Migne, Démonstrations évangél., t. i, 
Paris, 1843. — La collection Ante-Nicene Christian 
Library, Edimbourg, contient, t. x, 1869, et t. xxm, 
1872, la traduction anglaise par Crombie du Periar- 
chon, de la lettre de Jules Africain et de la réponse 
d'Origène et du Contra Celsum; lé volume supplémen- 
taire, 1897, renferme la traduction par Menzies des Com- 
ment, sur S. Matth. et sur S. Jean. 

yii. ouvrages sur origène. — La bibliographie com- 
plète de ce qui s'est écrit sur Origène remplirait un 
volume. Nous laisserons de côté les ouvrages généraux, 
tels que patrologies, histoires de l'Église, histoires des 
dogmes, histoires des hérésies, etc., ainsi que la plu- 
part des articles de revue. On trouvera l'indication d'un 
certain nombre d'articles dans Chevalier, Bio-bibliogra- 
phie, 2" édit., fasc. vu, 1906, p. 3428-3432. jPour l'époque 
des Pères nous renvoyons à notre livre Origène, appen- 
dice m, p. 188-213; Origène et la tradition catholique 
jusqu'à la fin du VF siècle. 

1. Biographie et théologie mêlées. — Lenain de Til- 
lemont, Mémoires pour servir à l'histoire ecclés., t. m; 
Redepenning, Origenes, eine Darstellung seines Lebens 
und seiner Lehre, 2 vol., Bonn, 1841-1846; Freppel, 
Origène (cours d'éloquence professé à la Sorbonne en 
1866 et 1867), 2 vol., Paris, 1868; 2= édit., 1875; Bôhrin- 
ger, Klemens und Origenes, Zurich, 1869; W. Fair- 
weather, Origen and greek patristic Theology (dans 
The World's Epoch-Makers), Edimbourg, 1901. 

2. Origène théologien et exégète. — G. Lumper, >Hi- 
storia theologico-critica SS. Patrum, Augsbourg, 1792- 
1793 (t. ix et x de la collection); Schnitzer, Origenes 
ûber dieGrundlehrender Glaubenswissenschaft, Stutt- 
gart, 1835; G. Thomasius, Origenes, ein Beitrag zur 
Dogmengeschichte des 3 Jahrhunderts, Nuremberg, 
1837; P. Fischer, Commentatio de Origenis Theologia 
et Cosmologia, Halle, 1845; E. Joly, Étude sur Origène, 
Dijon, 1860; Ernesti, Commentatio de Origène, inter- 
pretationis... grammaticse auctore, Leyde, 1776; C. 
R. Hagenbach, Observationes hutorico-hermeneuticse 
circa Origenis methodum interpretandi Scriptur., 
Bâle, 1823; J. J. Bochinger, De Origenis allegorica 
...interpretatione (dissert.), Strasbourg, 1829-1830; 
Contestin, Origène exégète, dans la Revue des sciences 
eccl., 1866-1867; Klostermann, Die Ueberlieferung der 
Jeremiahomilien des Origenes, dans Texte und Vnter- 
such. N. F., t. i, fasc. 3, Leipzig, 1897; Zôllig, Die 
lnspirationslehre des Origenes, Fribourg-en-B., 1902; 
F. Prat, Origène, le théologien et l'exégète, Paris, 1907. 

3. Points particuliers. — <S. Parker, Origenian hy- 
pothesis concerninff the préexistence of soûls, etc., 
Londres, 1667; Hœfling, Origenis doctrina de sacrificiis 
christianorum, etc., Erlangen, 1841; C. Ramers, Des 



1889 



ORIGÈNE — ORIOL 



1890 



Origenes Lehre von der Auferstehung des Fleisches, 
Trêves, 1851 , Mœller, Gregorii Nyss. doctrina de ho- 
minis natura cum Origeniana comparata, Halle, 1854; 
F. Harrer, Die Trinitâtslehre des Origenes, Stadtamhof, 
1858; U. Fermaud, Opinion d'Origène sur l'origine du 
péché (dissert.), Strasbourg, 1859; Fournier, Idées d'Ori- 
gène sur la Rédemption (dissert.), Strasbourg, 1861 ; 
Rambouillet, Origine et l'infaillibilité, Paris, 1870; 
Dartigue, Théodicée d'Origène (dissert.), Genève, 1873; 
Lang, Die LeibMchMe.it der Vernunftwesen bei Ori- 
genes, Leipzig, 1892; G. Anrich, Clemens und Orige- 
nes als Begrïmder der Lehre vomFegfeuer, Tubingue, 
1902 (dans Theol. Abhandl. f. H. J. Holtzmann). 

4. Origénisme et controverses origénistes. — J.H.Hor- 
bius, Historia Origeniana sive de ultima origine et 
progressione hwreseos, Francfort, ;1670; Doucin, His- 
toire des mouvements... arrivés au sujet d'Origène et 
de ses doctrines, Paris, 1700; Anonyme, Examen de 
l'origénisme, etc., Paris,1733; (Rust,) A letter of reso- 
lution concerning Origen, etc., Londres, 1661; P. Hal- 
loix, Origenes defensus, etc., Liège, 1648; Gaupp, Vin- 
dicise Orig., Iéna, 1827; B. Eberhard, Die Betheiligung 
des Epiphanius am Streite ïtber Origenes, Trêves, 
1859;L. Vincenzi, In S. Greg. Nyss. et Origenis scripta 
et doctrinam, etc., 5 vol., Rome, 1864-1869; Diekamp, 
Die origenist. Streitigkeitenim sechsten Jahrhundert, 
Munster, 1899. 

5. Origène philosophe. — Gaudentius, De dogmatum 
Origenis cum philos. Platonis comparatione, Florence, 
1639; Huber, Philosophie der Kirchenvâter, Munich, 
1859; Laforêt, Philosophie des Pères : Origène, dans 
la Revue cath. de Louvain, 1870; J. Denis, La philoso- 
phie d'Origène, Paris, 1884. Cf. Journal des savants, 
1884, et Mémoires de l'Acad. des sciences mor., 1887; 
Bigg, The Christian Platonists of Alexandria,Oxfovà, 
1886; G. Capitaine, De Origenis ethica, Munster, 1898. 

6. Origène controversiste. — Mosheim, Origenes... 
■wider den Weltweisen Celsus, Hambourg, 1745; 
F. Cunningham, A dissertation on the books of Origen 
against Celsus, 1812; Lagrange, Étude sur la contro- 
verse entre Celse et Origène, Paris, 1856; A. Kind, Der 
Kampf des Origenes gegen Celsus (dissert.), Iéna, 1875; 
J. Patrick, The Apology of Origen in reply to Celsus, 
Londres, 1892. De plus les ouvrages de Fenger, Phi- 
lippi, Jachmann, Keim, Aube, Pélagaud, Heine et Muth 
sur Celse et son Discours véritable. 

7. Origène professeur et orateur. — Werther, De 
schola Origenis sacra (dissert.), Wittemberg, 1744; 
Weickmann, De schola Origenis sacra et Gregorio 
Thaumaturgo (dissert.), Wittemberg, 1744; Karsten, 
De Origène oratore sacro (dissert.), Groningue, 1824. 

8. Origène critique. Voir Hexaples. F. Prat. 

' ORIOL Pierre, que tous les écrivains du moyen âge 
ont appelé Aureolus, naquit à Verberie, dans le diocèse 
de Senlis, au xiii e siècle, entra dans l'ordre des Frères 
Mineurs, et suivit à Paris les leçons du Docteur subtil. 
Sbaraglia, s'appuyant sur Barthélémy de Pise, prétend 
que Pierre Oriol était né dans la région pyrénéenne et 
appartenait à la province d'Aquitaine. Il serait peu utile 
de discuter ici ce point d'histoire. Ses succès lui méri- 
tèrent le bonnet de docteur avant qu'il eût été élevé à 
la prêtrise. 11 enseigna, lui aussi, à l'Université de Pa- 
ris, et y fut appelé le Docteur éloquent, Doctor facun- 
dus. Jean XXII le promut à l'archevêché d'Aix en 1321 ; 
il eut à peine le temps d'occuper ce siège, car il mourut 
l'année suivante, après une vie de vertus non moins 
éclatantes que ses talents. Quelques biographes assurent 
qu'il avait été élevé au cardinalat; d'autres le contestent 
de la façon la plus absolue. 11 a laissé beaucoup d'ou- 
vrages, parmi lesquels nous avons à distinguer : Bre- 
viarium Bibliorum. C'est un commentaire abrégé de 
la Sainte Écriture, dont les copies ont été répandues 

DICT. DE LA BIBLE. 



dans quantité de bibliothèques. Il fut imprimé pour la 
première fois sans lieu, sans date et sans nom d'impri- 
meur, en un vol. in-folio, sous le titre de Compendium 
litteralis sensus Bibliorum, que Sbaraglia dit avoir vu 
dans la bibliothèque des Frères Mineurs de Florence. 
D'autres éditions suivirent : Venise, Lazare Soard, 1507, 
in-4°, sur le titre de laquelle l'auteur est qualifié de 
cardinal; de nouveau, Venise, 1508, in-4°; Paris, 1508, 
in-8°; Strasbourg, Jean Schotte, 1514, in-4°; Paris, 1565, 
in-4°; Venise, 1571, in-4» ; Paris, 1585, in-8°; Rouen, 
1596 et 1649; Paris, 1610 et 1613; Louvain, 1647. 

(P. Apollinaire). 

La Bibliothèque nationale de Paris possède l'édition 
donnée par Nouvellet : Pétri Aureoli franciscani doctis- 
simi sanctxque Romanœ Ecclesix Cardinalis dignis- 
simi commentaria vere aurea et compendiosa in 
universam Sacram Scripturam Cl. Steph. Novelletius 
Thallorinus, S. Theol. D. libellum hune vere aureum, 
diu desideratum in lucem emitti curavit, mille mendis 
deturpatum repurgavit, tabulisque analyticis singula 
capita methodice illustravit. Rothomagi, ApudJacobum 
Besongue. M.DC.XLIX. (coté A 6648). L'éditeur, comme 
il l'annonce dans le titre, a placé en tête de chaque 
chapitre un tableau synoptique mettant sous les yeux 
toutes les divisions et subdivisions qu'Oriol développe 
dans l'analyse de chacun des livres de l'Écriture. — La 
bibliothèque du séminaire de Saint-Sulpice a une autre 
édition : Breviarium Bibliorum sive compendium 
sensus litteralis totius S. Scripturse, auctore R do P. 
F. Petro Aureolo, ordinis Minorum, Archiepiscopo 
Aquensi, S. R. E. Cardinali. Editio quarta. PerFF. Mi- 
nores Lovanienses. Lovanii, Typis Pétri van der Heyden 
prope Fratres Minores, 1647 (coté A 1256). L'auteur de 
la préface ne connaît que 3 éditions antérieures à la 
sienne, la l'« de Paris, 1508, la 2 e de Nouvellet, 1583, la 
3 e de Jacobus Wimphelingus, dédiée à Jean Eck, qu'il 
n'a pas vue. Cette édition ne reproduit pas les tableaux 
synoptiques de Nouvellet, mais elle a ajouté l'indication 
numérique des versets qu'Oriol n'avait pu indiquer. Cet 
ouvrage d'Oriol, sorte de manuel biblique analytique, 
est historiquement important. 

Mentionnons un autre ouvrage d'Oriol, à cause des 
renseignements qu'on peut en tirer pour sa biographie 
jusqu'à présent assez obscure : Commentariorum in 
prirnum librum Sententiarum pars prima, auctore 
Petro Aureolo Verberio, ordinis Minorum, archiepiscopo 
Aquensi, S. R. E. Cardinali. Ad Clementem VIII Pont. 
Opt. Max., in-f°, Rome, 1596. Ce premier volume a 
été édité par le cardinal Constantin Sarnanus, de l'ordre 
des Mineurs de S. François, comme l'indique sa Dédi- 
cace à Clément VIII; mais il n'a pas mis une vie de 
l'auteur dans son édition, comme le dit la Nouvelle Bio- 
graphie générale, t. m, 1861, col. 772; Sarnano dit 
seulement dans sa Dédicace que Pierre Aureolus a été 
frère mineur et cardinal, et que, en qualité de cardinal, 
il avait dédié ses écrits théologiques, dont il fait un 
grand éloge, au pape Jean XXII, alors régnant. Ce pre- 
mier volume est imprimé par la Typographie vaticane. 
Le second l'est par la typographie d'Aloysio Zannetti, 
aux frais de la Societas Bibliopolarum D. l'homse 
Aquinatis de Urbe, sous ce titre : Pétri Aureoli Ver- 
berii ordinis Minorum, Archiepiscopi Aquensu,S. R. 
E. Cardinalis, Commentariorum in secundum librum 
Sententiarum tomus secundus. In-f», Rome, 1605. 
Il est dédié par la Société des libraires de Saint-Thomas 
d'Aquin au cardinal d'Albano Asculano,Fr. Hieronymus 
Bernerius, leur protecteur, qui favorisa spécialement 
la publication des œuvres théologiques des cardinaux. 
A la fin de ce volume sont placés, avec un titre particu- 
lier et une pagination spéciale, Quodlibeta sexdecim 
Pétri Aureoli Verberii, ordinis Minorum, archiepis- 
copi Aquensis, S. R. E. Cardinalis. Même imprimeur 
et même date. La Société des libraires dédie les Quod- 

IV. - 60 



1891 



ORIOL — ORION 



1892 



libeta à Claude Aquaviva, général de la Compagnie de 
Jésus, et dit qu'on avait attribué à Jean Capreolus les 
écrits du cardinal Pierre Auréolus, édita post mortem 
ejusvolumina, ...quse diutius apudJoannemCapreolum 
diversata, tandem propria Mis attrïbuta quasi domo, 
sua hodie in Regia magnificentius invisuntur. Biblio- 
thèque nationale, D. 33 (ancien 87). 

Voir Wadding, Annales Minorum, Rome, 1733, t. vi, 
p. 245; Biographie toulousaine, 2 in-12, Paris, 1823, 
t. i, p. 405; elle prétend à tort qu'Oriol est né à Tou- 
louse; B. Gams, Séries Episcoporum, 1873, p. 482. Cf. 
Fr. Stratonik, Ueber den àusseren Lebensgang und die 
Sch.ri.fien des Petrus Aureoli, dans Der Katholik, 1882, 
t. lxii, p. 315-327, 415-426, 479-500. 

F. VlGOUROUX. 

ORION (hébreu : kesîl; Septante : 'Ûpiwv; Vulgate : 
Orion), nom d'une constellation. Cette constellation 



de l'horizon et se voit durant une plus grande partie de 
l'année. L'auteur de Job, ix, 9, dit que Dieu a créé 'aS, 
voir Ourse (Grande), kesîl et kîmdh, voir Pléiades. 
Amos, v, 8, répète la même idée. Isaïe, xiii, 10, emploie 
le mot au pluriel pour désigner les constellations en 
général. Le mot kesîl, qui paraît avoir donné son nom 
au mois assyrien kisilivu, « casleu, » désigne certaine- 
ment Orion, ainsi que l'ont entendu les versions. Le 
Syriaque l'appelle gaboro et le Targum niflâ" ou nefilâh, 
« le géant. » C'est en effet sous la ligure d'un géant 
armé d'un glaive qu'on représente cette constellation. 
Comme Orion est voisin de la constellation du Grand 
Chien, qui marche â sa suite, et que Sirius, l'une des 
plus brillantes étoiles du ciel, fait partie de cette cons- 
tellation, les Égyptiens représentaient Orion ou Sâhou 
debout dans la barque sur laquelle il navigue à travers 
le firmament ; il est entouré de ses huit étoiles princi- 








494. — Orion et la vache Sothis séparés par l'Épervier. Zodiaque de Denderah. 
D'après Dûmichen, Resultate, pi. xxxvi. 



forme un grand parallélogramme dont deux angles op- 
posés sont marqués par une étoile de première gran- 
deur; vers le centre, trois belles étoiles sur une même 
ligne sont appelées le Baudrier ou les trois Rois (fig. 495) 



495. -- Constellation d'Orion. 

Outre les deux étoiles de première grandeur, la cons- 
tellation en renferme quatre de deuxième, deux de troi- 
sième, etc. Elle est située au-dessous de la constellation 
du Taureau, en regardant vers le sud. Sous notre lati- 
tude, elle reste au-dessous de l'horizon de mai à oc- 
tobre; en Palestine, elle est de 17° plus élevée au-dessus 



pales, et, de la main, s'adresse à Sothis ou la Vache, 
qui est assise dans sa barque et avec Sirius ou Sopdltenlre 
les cornes (fig. 494) Abulwalid et d'autres commentateurs 
juifs ont pensé que le pluriel kesilîm, dans Isaïe, xin, 
10, désigne Canopus, étoile de première grandeur située 
dans la constellation Argo ou le Vaisseau. Cf. Gesenius, 
Thésaurus, p. 701. Cette constellation se trouve entre 
le Grand Chien et l'Hydre, et est plus souvent visible 
dans l'hémisphère austral que dans le nôtre. D'après 
une antique légende, encore bien connue dans le Hau- 
ran, Gedi, l'étoile polaire, aurait tué N'as, la Grande 
Ourse, dont le cadavre serait porté sur une litière fu- 
nèbre et suivi de ses fils et filles. Suhël, Canopus, au 
lieu de venir au secours de N'as, se serait contenté de 
jeter au-dessus de l'horizon un regard tremblant. De 
là son nom de kesîl, en hébreu « stupide », et en arabe 
« paresseux ». Voir Ourse (Grande). Cf.'Frz. Delitzsch, 
Dos Buch lob, Leipzig, 1876, p. 501, 502. Il est peu pro- 
bable cependant que, sous le nom de kesîl, Canopus 
ait occupé une telle place dans la pensée des Hébreux, 
à l'exclusion d'Orion, plus habituellement visible et 
d'aspect bien plus imposant. Il n'y a donc pas lieu de 
s'écarter de la traduction des anciennes versions. Dans 
la légende orientale, kesîl, le fou, par conséquent 
l'impie, ne serait autre que Nemrod, qui aurait fondé 
Babylone et ensuite aurait été transporté parmi les 



Ï893 



ORION 



ORNAN 



1894 



étoiles, afin de continuer à chasser dans les champs du 
ciel. Cf. Chronicon pascale, t. xcn, col. 145; Cedrenus 
Hist. coinpend., t. cxxi, col. 53. Mais il y serait en- 
chaîné, d'où la parole de l'auteur de Job, xxxvm, 31 : 

Est-ce toi qui serres les liens des Pléiades, 
Ou pourrais-tu relâcher les chaînes d'Orion ? 

Il n'est pas nécessaire de donner à ces chaînes une 
signilication aussi concrète. Elles marquent simple- 
ment l'effet de la puissance divine qui retient toujours 
à la même place les étoiles qui composent les constel- 
lations. H. Lesètre. 

ORME (hébreu : tidhâr, Is., xu, 19; lx, 13; Septante : 
}.eijxï|, Is., xu, 19, etneOxri, Is., lx, 13; Vulgate : ulmus, 
Is., xli, 19, et pinus, Is., lx, 13), arbre touffu. 

I. Description. — Les ormes forment une petite 
tribu très distincte dans la vaste famille des Urticées. 




496. — Ulmus campestris. 

Ce sont des arbres faciles à reconnaître aux feuilles 
simples, en séries distiques, comme les rameaux qui 
naissent à leur aisselle, avec un limbe irrégulièrement 
denté en scie, inéquilatéral à la base, et pourvu de sti- 
pules caduques. Les fleurs naissent avant les feuilles 
en fascicules latéraux presque sessiles : leur calice 
campanule à 4 ou 5 dents porte 5 à 8 étamines insérées 
à la base interne de la coupe, et protège au centre l'ovaire 
terminé en 2 becs par le prolongement des stigmates. 
A la maturité, qui suit de très près la floraison, le fruit 
sec et uniloculaire développe de chaque côté une aile 
membraneuse qui le transforme en une samare arrondie 
ou elliptique dans son pourtour et échancrée au som- 
met. L'espèce principale, et la seule qui croisse en Syrie, 
est Ulmus campestris (fig. 496) dont l'écorce crevassée- 
subéreuse s'hypertrophie souvent sur les rameaux, en 
même temps que la taille générale diminue, dans la va- 
riété qui a été appelée V. suberosa. Au contraire la 
variété U. montana est un grand arbre à feuilles élar- 
gies, mais que l'on a pris, à tort aussi, pour une espèce 
séparée. F. Hv. 

-II. Exégèse. — Letîdhàr n'est mentionné qu'en deux 
passages de l'Écriture. Dans le premier, Is., xli, 19, le 
prophète annonce qu'à l'heure de la délivrance de son 



peuple, Dieu fera jaillir des sources sur le sol aride et 
que le désert se couvrira de frais ombrages. 

Je mettrai dans le désert le cèdre, 
L'acacia, le myrte et le chalef, ^ 

Je placerai dans les steppes le cyprès, 
Le tidhâr et le buis tout ensemble. 

Plus loin, lx, 13, parlant de la gloire de la nouvelle 
Jérusalem, il dit : 

La gloire du Liban viendra chez toi, 

Le cyprès, le tidhâr, et le buis tout ensemble. 

Pour embellir le lieu de mon sanctuaire. 

Le second texte unit ensemble avec le tidhâr le cy- 
près et le buis comme dans le premier. Pour découvrir 
ce bel arbre, une des gloires du Liban, il faut d'abord 
interroger les versions. Les Septante traduisent fidhâr 
par nedxïj dans Is., LX,13; quant à xli, 19, il est difficile 
de reconnaître le terme correspondant à tidhâr, parce 
qu'ils ont réduit à une seule les deux phrases parallèles 
du texte hébreu, et n'ont conservé que cinq noms d'ar- 
bres sur sept. Plus probablement il faut prendre le der- 
nier nom de leur traduction qui est actuellement \eûv.-r\, 
« peuplier, » mis par faute de copiste, pour tcwxyi comme 
dans Is., lx, 13. Les Septante auraient donc vu dans le 
tidhâr une espèce de pin. La Vulgate traduit une fois par 
orme dans Is., xli, 19, et elle aussi une fois par pin dans 
Is., lx, 13. Théodotion ne fait que transcrire le nom et 
met ftad8âp; Symmaque rend le mot hébreu par titeWoiv, 
c'est-à-dire TcreXIav, « orme. » La paraphrase chaldéenne 
a murneyân qui signifie orme selon les uns, frêne 
selon d'autres. Il en est sans doute pour ce mot chai, 
déen murneyân, ce qui est arrivé pour le mot arabe -\>y>, 

derdar, qui en Orient, dans la Palestine, signifie orme, 
tandis que dans l'Afrique occidentale il s'entend du 
frêne. Ibn-El-Beithar, Traité des simples, dans Notices 
et extraits des manuscrits de la Bibliothèque natio- 
nale, in-8°, 1881, t. xxv, l re partie, p. 83; dardar rap- 
pelle le Dadoro syriaque, nom de l'orme. I. Lôw, 
Aramâische Pflanzennamen, in-8», Leipzig, 1881, p. 70. 
La traduction de tidhâr par orme semble donc plus pro- 
bable. L'orme est un arbre qui croît en Palestine, en 
particulier sur le Liban ; c'est un des plus beaux arbres 
et qui donne largement de l'ombrage. Il remplit donc 
les exigences des textes du Prophète. 

E. Levesque. 
ORNAN (hébreu : 'Oman, Septante : 'Opvâ), Jébu- 
sien, propriétaire de l'aire qui fut acquise par David et 
sur laquelle fut bâti le temple de Jérusalem. I Par., 
xxi, 15, 18,20-25, 28; II Par., in, 1. Voir Aire d'Ornajs, 
t. ii, col. 328-329. Dans II Reg., xxiv, 16-23, où le texte 
hébreu, II Sam., xxiv, 16-24, porte ruTiN, f. 16, 20, 
21, 22, 23, 24; et n'iiK, f. 18, la Vulgate a écrit le nom 
Areuna. Josèphe, Ant. jud., XII, xm, 4, l'appelle 
'Opouvaç, et il dit, Tbid., ni, 3, que ce Jébuséen était 
un homme riche à qui David avait laissé la vie sauve 
lors de la prise de Jébus, « à cause de sa bienveillance 
envers les Hébreux. » La Vulgate, II Reg., xxiv, 23, en 
fait un roi et plusieurs commentateurs ont cru que 
c'était l'ancien roi de Jébus (voir Kaulen, dans Wetzer 
et Welte, Kirchenlexicon, 2 e édit., t. ix, 1895, col. 1084), 
mais cette assimilation paraît fondée sur une fausse 
interprétation du texte hébreu que l'on doit traduire : 
« Areuna (Oman) dit à David : Que mon seigneur le roi 
prenne (l'aire), etc. Tout cela, ô roi, Areuna le donne 
au roi; » et non, comme l'a fait la Vulgate, interrompant 
le discours du Jébuséen avant ces derniers mots : « Le 
roi Areuna donna tout au roi. » Le mot roi, devant le 
nom d'Areuna, ne se lit ni dans les Septante ni dans le 
syriaque, et divers interprètes croient qu'il a été ajouté 
dans le texte hébreu par une méprise de copiste. 

F. Vigouroux- 



1895 



ORNEMENT — ORONAÏM 



1896 



ORNEMENT (tifârâh, fiféréf, hâdâr, hâdârâh, 
'âdî, $îf; Septante : x6<j[ioç, êôija, <i>paiÔTï);, wpaïunii?; 
Vulgate : ornamentum, ornatus), ce qui sert à embellir 
une personne ou une chose. — 1°I1 faut ranger parmi 
les ornements dont parle la Sainte Écriture les vêtements 
sacrés d'Aaron et des prêtres, Exod., xxvm, 2, 40; 
I Esd.,' ni, 10; Ps. xxix (xxvm), 2; xcvi (xcv), 6, 9; 
ceux que le peuple met aux jours de fête, Ps. ex (Cix), 
3; Is., lu, 1, et qu'il quitte aux jours de deuil, Exod., 
xxxiii, 5,6; le brillant costume du héros, Ps. xlv (xliv), 
4; la parure de la jeune fille, Jer., h, 32; Bar., vi, 8, 
de la femme qui veut plaire, Judith, x, 3; Esfh., v, 1; 
xv, 4; Prov., vu, 10; Jer.. iv, 30, et de l'épouse,, Apoc, 
xxi, 2, 19; les différents objets de toilette qui servent à 
orner une personne, anneaux, Is., m, 18; boucles 
d'oreilles, Gen., xxiv, 47; Ose., n, 13; colliers, Jud., v, 
30; Is., lxi, 10; Jer., iv, 3; bracelets, Ezech., xvi, 11, 
13; bijoux d'or et d'argent, Ezech., xvi, 17, etc., toutes 
choses dont une femme chrétienne doit user avec mo- 
destie. I Tim., il, 9 ; I Pet., m, 5. — 2» Les monuments 
comportent aussi des ornements. Le Temple en avait 
beaucoup, Is., lx, 13; I Mach., iv, 57; II Mach., ix, 
16; Luc, xxi, 5, et Antiochus se permit d'enlever ceux 
qui en décoraient la façade. I Mach., I, 23. Les temples 
des faux dieux en possédaient également, II Par., xxiv, 
7; Bar., vi, 10, et les idoles avaient les leurs. II Mach., 
n, 2. Les Perses et les Lydiens qui servaient dans les 
armées de Tyr ornaient la ville en y suspendant leurs 
casques et leurs boucliers. Ezech., xxvn, 10. Les Juifs 
aimaient à orner les tombeaux des anciens justes, 
Malth., xxm, 29, et l'on ornait les maisons, Mattb., xn, 
44; Luc, xi, 25, quelquefois d'après certains principes 
artistiques. II Mach., n, 3. Orner une table, Eccli., 
xxix, 33; Ezech., xxiii, 41, ou des lampes, Matth., xxv, 
7, c'est les préparer pour le repas ou pour l'éclairage. 
— 3° Dans un sens métaphorique, Jérusalem, dépouil- 
lée de tout ornement à son origine, a été parée des 
dons de Dieu. Ezech., xvi, 7, 11. Un jour, les étrangers 
qui afflueront en elle seront son ornement. Is., xlix, 
18. Un peuple nombreux est l'ornement du roi. Prov., 
xiv, 28. L'instruction est un ornement pour l'homme 
sensé. Eccli., xxi, 24. Le méchant au contraire cherche 
son ornement et sa parure dans la violence et l'orgueil. 
Ps. lxxiii (lxxii), 6. La force est l'ornement du jeune 
homme, et les cheveux blancs celui du vieillard. Prov., 
xx, 29. Orner la science, Prov., xv, 2, c'est la rendre 
aimable par la sagesse de ses propos, et orner la doc- 
trine de Jésus-Christ, Tit., n, 10, c'est lui faire honneur 
par sa conduite. Job, xxvi, 13, dit que l'esprit de Dieu, 
c'est-à-dire sa sagesse et sa puissance, a orné les cieux. 
Les versions parlent du ciel et de la terre et de « tout 
leur ornement », Gen., Il, 1, en hébreu : kôl sebâ'âm, 
« toute leur armée. » H. Lesêtre. 

ORNITHOGALE. Voir t. H, col. 849-850. 

ORONAÏM (hébreu : Hôrônaim, « les deux ca- 
vernes; » Septante, Is., xv, 5: 'Apovicénî Aleccandrinus : 
'A8(oviei[i; Jer., xLvm (xxxi); 'Qpuvϔnj variantes : 
'Opuvatu, 'Apuvain), ville de Moab. 

Oronaïm est particulièrement visée parmi les localités 
sur lesquelles doit s'appesantir la colère du Seigneur, 
quand il châtiera Moab à cause de son idolâtrie et de ses 
autres crimes. « Par la montée de Luith, on s'avancera 
en pleurant; par le chemin d'Oronaïm, ils feront en- 
tendre des cris déchirants, » dit Isaïe, xv, 5. Reprenant 
la même prophétie et la développant, Jérémie répète à 
trois reprises, le nom de cette localité, xlviii, 3, 5 et 34 : 
« Voix de clameur depuis Oronaïm, dévastation et 
grande défaite... Par la montée de Luith, on s'est avancé 
en pleurant et sur la descente d'Oronaïm, les ennemis 
ont entendu les clameurs de la destruction... Ils ont 
élevé la voix de Ségor à Oronaïm. » — Dans l'inscrip- 



tion de sa stèle de victoire élevée à Dibon, le roi de 
Moab, Mésa, après avoir raconté la campagne contre les 
Israélites établis dans les villes bâties sur le bord de la 
vallée de l'Arnon, fait mention d'une expédition spé- 
ciale contre Oronaïm, écrit I}orônên ou H.orônîn, p'"ffl, 
dont les lacunes laissent malheureusement le récit in- 
complet : « Et Horônên, ou habitait... Et Chamos me dit : 
Descends, combats contre IJorônên. Et je suis descendu 
et Chamos l'a [rendu] en même temps. » Lignes 31-33; 
cf. col. 1015. — Dans Josèphe, Ant. jud., XIV, i, 4, 
Oronaïm est recensée entre Ésébon, Médaba, Lemba 
d'une part, et Telithon (variantes : Thona Athoné) et 
Zoara d'autre part, parmi les villes de la Moabitide, 
conquises par Alexandre Jannée sur les Arabes, 
qu'Hyrcan s'engage ensuite de rendre à Arétas, s'il veut 
l'aider à occuper le trône. Ant. jud., xm, xv, 4, et loc. 
cit. — Dans le document intitulé : Notifia dignitatum 
Romani imperii, on trouve incrit, après Ziza et Aréopo- 
lis, de la province d'Arabie, .un poste militaire occupé 
par des cavaliers indigènes et désigné du nom de Spe- 
luncse, « les cavernes » équivalent de IJôrônim, pluriel 
de flôrônaïm. Oronaïm est le duel. Reland, Palsestina, 
Utrecht, 1714, p. 231. 

F. de Saulcy est convaincu de l'identité de lieu. Dic- 
tionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte', 
Paris, 1877, p. 246. Selon cet écrivain, Eusèbe et saint 
Jérôme désigneraient la même localité, quand au mot 
Arnon, ils parlent d' « un endroit de cette vallée, presque 
à pic, assez horrible, et dangereux que montrent les 
habitants du pays, où était établie une garnison et appe- 
lée Arnona i>. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, 
Berlin, 1862, p. 62, 63. 

Aroniim ou Oronaïm est pour ces auteurs ecclésias- 
tiques le nom d'un chemin, o8oç, vise nomen, mais rien 
n'indique qu'ils le voient dans la descente méridionale 
de l'Arnon, Cf. loc. cit., p. 66, 67. L'identité du poste 
des « Cavernes ». avec l'Oronaïm biblique ne peut être 
établie non plus dans un pays ou les grottes sont nom- 
breuses, sur cette simple coïncidence de signification des 
noms, bien qu'il semble que ce soit dans la même ré- 
gion qu'il faille chercher l'une et l'autre. — C. R. Con- 
der croit pouvoir reconnaître le nom d'Oronaïm dans 
celui de Youàdi Ghoueir. C'est un ravin aboutissant 
à l'angle nord-est de la mer Morte, passant entre le Khir- 
bet Soueiméh et la source du même nom. Il fait suite au 
seil el-Iféry qui descend du plateau de Mâdaba et court 
à la base méridionale du mont Nébo. Un des affluents 
de la rive droite du torrent (seil), venant du Nébo, porte 
le nom de tal'at el-fleisah (ou Tleitdh) et serait la 
montée de Luith, non loin de laquelle devrait être la 
descente d'Oronaïm, mentionnée en même temps par 
le prophète. Voir Luith, col. 414-415. Une ancienne 
voie venant de la montagne de la rive gauche de ce tor- 
rent et aboutissant au Ghoueir, pourrait être la des- 
cente d'Oronaïm. Heth and Moab, Londres, 1889, p. 143; 
Armstrong, Wilson et Conder, Names and Places in 
the Old Testament, ibid., 1887, p. 87. — La transfor- 
mation du h (n) hébreu en la gutturale (y) ou le 
gh (è) arabe n'est sans doute pas rare dans les noms 

géographiques de la Palestine, et ghoueir ou ghôr ne 
sont pas plus sans analogie de son et même de significa- 
tion avec hôr, racine d'Oronaïm; dans le cas présent 
toutefois, le nom ghoueir n'est, semble-t-il, que le di- 
minutif de ghôr, donné fréquemment par les Arabes 
aux territoires peu étendus, susceptibles de culture, 
qui bordent le rivage de la mer Morte. Voir Moab, 
col. 1149. Si Oronaïm appartenait à la région s'élendant 
au nord de l'Arnon, ne devrait-elle pas être recensée 
parmi les villes conquises ( sur Séhon et attribuées en- 
suite aux Gadites et aux Rubénites? Num., xxxm, 33- 
38; Jos., xm, 16-20. Le récit de Mésa où Oronaïm est 
nommée n'entraîne pas sa situation parmi les villes 
conquises en cette région : l'entreprise concernant cette 



1897 



ORONAÏM — ORTEIL 



1898 



■ville parait, même dans ce récit, distinct de la conquête 
des autres. La lacune de l'inscription laisse ignorer 
entre les mains de qui était alors Oronaïm. Faut-il 
supposer les Iduméens ou les Arabes ? Ceux-ci habi- 
taient au sud de Moab, il faudrait dans ce cas chercher 
Oronaïm dans le voisinage de Ségor ou Soar avec 
laquelle elle est nommée par les prophètes, et qui for- 
mait la limite méridionale de la Moabitide. L'inscrip- 
tion de la stèle de Dibon ne paraît avoir d'autre 
but que de célébrer les succès de son auteur sur le roi 
d'Israël, il semble qu'Oronaïm fut reprise sur celui-ci. 
Dans ce cas, et si cette ville doit être cherchée au sud 
de l'Arnon, elle ne pouvait être éloignée de cette ville 
qui avait formé auparavant la frontière entre Moab et 
Israël, et il paraît bien que « le chemin, la descente 
d'Oronaïm », n'est pas différente du chemin escarpé, 
suivant la rampe méridionale de la vallée. La ville qui 
lui donna son nom devait être bâtie soit sur là rampe 
elle-même dans laquelle étaient creusées des cavernes 
remarquables, soit sur le bord de la vallée. Quoi qu'il 
en soit, aucun nom n'a encore été retrouvé pour auto- 
riser une identification certaine ou probable et permettre 
de donner une solution à ces diverses difficultés. 

L. HErDET. 
ORORI (hébreu .ha-Hârdrî; Septante : ô 'ApwSiTr,?; 
certains manuscrits portent : 6 'ApwptVrçç), patrie de 
Semma, un des braves de David, d'après la traduction 
de la Vulgate. II Reg., xxm, 33. L'orthographe véritable 
de ce mot est douteuse. Voir Arari, t. i, col. 882; 
Élica, t. H, col. 1670; Harodi, t. m, col. 435; Semma. 

OROSIO (Alphonse de), théologien espagnol, né en 
1500 à Oropesa dans le diocèse d'Avila, mort en odeur 
de sainteté le 19 septembre 1591. De l'ordre de saint 
Augustin, il fut le prédicateur des empereurs Charles- 
Quint et Philippe II. Nous avons de cet auteur : Com- 
mentaria qusedam in cantica canlicorum et doctorum 
dictis congesta : accessere annotationes xliv in eadem 
cantica Deiparse Virginis festivitatibus accommodâtes, 
in-4°, Bruges, 1581 ; Annotationes in canlicum Beatse 
Virginis Magnificat, in-4°, Bruges, 1581. — Voir N. An- 
tonio, Bibliotheca Hispana nova, t. I (1783), p. 29. 

B. Heurtebize. 

ORPHA (hébreu : 'Orpdh, peut-être, par métathèse, 
le même mot que 'ofràh, «gazelle; » Septante : 'Opcpâ), 
femme moabite qui épousa Chélion, iils d'Élimélech 
et de Noémi, et fut ainsi la belle-sœur de Ruth. Quand 
Noémi, ayant perdu son mari et ses deux fils, retourne 
du pays de Moab à Bethléhem de Juda, d'où elle était 
venue, Ruth refusa de quitter sa belle-mère, mais Orpha 
resta dans sa patrie. Ruth, i, 3-14. . 

ORPHELIN (hébreu : ydtôm; Septante : ôp9av6ç; 
Vulgate : orphanus, pupillus), l'enfant qui n'a plus ni 
père ni mère, et parfois celui auquel manque seule- 
ment son père, Job, xxiv, 9; Lam., v, 2, par conséquent 
son protecteur le plus autorisé et le plus fort. 

1° Son infortune. — Quand un enfant avait le mal- 
heur de perdre à la fois son père et sa mère, il trouvait 
sans doute un abri et une protection auprès de ses 
autres parents. Mais ces derniers avaient déjà à prendre 
soin de leurs propres enfants, et, l'adoption juridique 
n'existant pas chez les Hébreux, voir t. i, col. 229, c'est 
uniquement par charité qu'ils s'occupaient de l'orphe- 
lin. La manière dont les auteurs sacrés interviennent 
en faveur de celui-ci prouve que son sort était loin 
d'être toujours enviable. L'orphelin de parents pauvres 
ne vivait que grâce à la bienveillance des autres pa- 
rents ou des voisins. L'orphelin dont les parents pos- 
sédaient quelques biens en héritait. Voir Héritage, 
t. m, col. 611. Mais il était par lui-même incapable de 
les utiliser et de les défendre. Chez les nomades, Job, 
vi, 27, se compare lui-même à un orphelin sur lequel 



on jette le filet comme sur une proie. Éliphaz lui re- 
proche, par simple supposition, d'avoir renvoyé les or- 
phelins les bras brisés, c'est-à-dire de les avoir dure- 
ment maltraités et ensuite abandonnés à. leur triste 
sort. Job, xxil, 9. Lui-même parle des hommes violents 
et injustes, qui poussent devant eux l'âne de l'orphelin, 
après le lui avoir pris, et qui vont jusqu'à arracher 
l'orphelin à la mamelle. Job, xxiv, 3, 9. En Israël; il y 
avait des méchants qui faisaient périr l'orphelin. Ps. 
xciv (xem), 6. Au temps d'Isaïe, on foulait aux pieds 
ses droits, Is., i, 21, et les juges, qui auraient dû les 
défendre, faisaient au contraire leur butin des biens de 
l'orphelin. Is., x, 2. Jérémie, v, 28; vu, 6, reproche 
également à ses contemporains l'oppression des orphe- 
lins. Ézéchiel, xxil, 7, parle dans le même sens. Même 
après la captivité, il faut encore que Malachie, m, 5, 
revienne sur ce sujet. — Aussi, pour maudire un traître, 
souhaite-t-on que ses enfants soient orphelins et que 
nul n'ait pitié d'eux. Ps. cix (cvui), 9, 12. Dieu même 
déclare qu'il n'aura pas compassion des orphelins de 
son peuple prévaricateur. Is., ix, 17. De fait, ce peuple 
en est réduit à l'abandon comme un orphelin. Lam., v, 3. 

2» La protection divine. — Dieu maintient le droit 
de l'orphelin et de la veuve, ces deux faiblesses habi- 
tuellement associées dans la Sainte Écriture, Deut., 
x, 18, et il maudit ceux qui violentée droit. Deut., 
xxvn, 19. Dieu est le père de l'orphelin, Ps. lxviii 
(lxvii), 6; il le fait vivre, Jer., xlix, 11; il est son sou- 
lien, Ps. xi (x), 14; cxlvi (cxlv), 9; il écoute sa suppli- 
cation, Eccli., xxxv, 17, a compassion de lui, Ose., xiv, 
4, ne veut pas qu'on le maltraite, Jer., xxu, 3; Zach., 
vu, 10, lui rend justice, Ps. xi (x), 18, et ordonne aux 
juges de faire de même. Ps. lxxxu (lxxxi), 3. Les 
vaines idoles ne peuvent rien pour l'orphelin. Bar., vi, 
37. Saint Jacques, I, 27, dit que, pour a,voir une reli- 
gion pure et sans tache aux yeux de Dieu, il faut prendre 
soin des orphelins. — Avant de mourir, Noire-Seigneur 
assure à ses Apôtres qu'il ne les laissera pas orphelins. 
Joa., xiv, 18. 

3» Les prescriptions de la loi. — La loi naturelle 
commande à tout homme d'avoir égard au malheur de 
l'orphelin. Job fut particulièrement fidèle à l'observa- 
tion de ce devoir : il venait en aide à l'orphelin dénué 
de tout secours, lui donnait de son pain et se gardait 
bien de lever la main contre lui. Job, xxix, 12; xxxi, 
17, 21. — La loi mosaïque précisa les obligations de 
l'hébreu à l'égard de l'orphelin. Elle défendit d'abord 
de le contrister, sous peine, pour ceux qui se rendraient 
coupables en cet égard, d'être châtiés par Dieu et de 
devenir eux-mêmes orphelins et malheureux. Exod., 
xxu, 22, 24. Il y avait à se préoccuper de l'entretien 
des orphelins pauvres. La loi prescrivit de leur donner 
part au produit des dîmes, Deut., xvi, 29; xxvi, 12, 13, 
de les associer aux réjouissances et aux festins qui 
avaient lieu à l'occasion des grandes fêtes religieuses, 
Deut., xvi, 11, 14, de leur laisser de quoi glaner et gra- 
piller, et de ne pas violer leurs droits. Deut., xxiv, 17-21. 
Les livres sapientiaux renouvellent la recommandation de 
ne pas entrer dans le champ de l'orphelin, c'est-à-dire 
de respecter sa propriété, Prov., xxm, 10, et d'être un 
père pour lui. Eccli., iv, 10. — A l'époque des Macha- 
bées, on destinait aux veuves et aux orphelins une part 
du butin. II Mach., vin, 28, 30. Les sommes qui leur 
appartenaient étaient gardées dans le trésor même du 
Temple, II Mach., m, 10, ce qui les mettait à l'abri de 
toutes les rapacités. H. Lesêtre. 

ORTEIL (hébreu : bôhén régél, « pouce du pied; » 
Septante : axpov to-j mo86; ; Vulgate : pollex pedis), 
gros doigt du pied. Dans le rite de la consécration sa- 
cerdotale d'Aaron et de ses fils, Dieu ordonna de leur 
mettre du sang d'un bélier offert en sacrifice sous le 
lobe de l'oreille droite, sur le pouce de la main droite 



1899 



ORTEIL — ORTIE 



1900 



et sur l'orteil du pied droit. Exod., xxix, 20; Lev., vm, 
23-34. La même cérémonie avait lieu pour la purifica- 
tion des lépreux. Lev., xiv, 14, 25, en y joignant une 
onction d'huile. Lev., xiv, 17, 28. 

ORTHOSIADE (grec :'Op8<omi<;). Port situé au nord 
de la Phénicie sur la frontière même de cette région. 
Tryphon assiégé par Antiochus Sidète dans Dora s'en- 
fuit sur un vaisseau à Orthosiade. I Mach., xv, 37. Pline, 
H. N., v, 17, place Orthosiade au nord de Tripoli de 
Phénicie et au sud du fleuve Éleuthère, près duquel 
la met Strabon, xvi, n, 12. La table de Peutinger 
compte 13 milles romains entre Orthosiade et Antaradus 
au nord et 20 milles d'Orthosiade à Tripoli au sud. On 
n'a pas encore pu identifier cette ville, quoiqu'on ait 
trouvé sur les bords de l'Éleuthère des monnaies frap- 
pées à Orthosiade (Qg. 497). Elles sont, du règne d'An- 




497. — Monnaie d'Orthosiade. 

ANT . KAI . TI . MA. . AAP . ANTwNElNOC CED. Buste d'Antonin le 
Pieux à droite, tète laurée, la poitrine couverte du paludarnen- 
tum. Grenetis. — S). OPeojCŒwN. Astarté, debout, la tète tou- 
rellée, le pied gauche sur une proue de navire. De la main 
droite elle s'appuie sur un long style cruciforme et de la 
main gauche elle maintient sur son genou le bord de sa robe. 
A droite une colonne surmontée d'une Victoire. Dans l'exergue 
le buste d'un fleuve. 

tonin le pieux et portent au revers la déesse phénicienne 
Astarté marchant sur un fleuve. Josèphe, Antiq. jud., 
X, vil, 2, raconte que Tryphon s'enfuit à Apamée, et un 
fragment de Charax, Mûller, Fragm. Hist. Grec, t. m, 
p. 644, fragm. 14, dit qu'il se rendit à Ptolémaïde. Il 
est très possible que Tryphon se soit enfui d'abord à 
Orthosiade, puis de là à Ptolémaïde et enfin à Apamée, 
où il fut tué. E. Beurlier. 

ORTIE (Hébreu, qimmos et qîmos; pluriel, qimme- 
ionirn; Septante : ^po-wO^o-eTai, Prov., xxiv, 31; omis 
dansls., xxxiv, 13; ôOieflpoç, Ose., ix, 6; Vulgate : urtica 
dans ces trois passages et dans Is., lv, 13), herbe piquante. 

I. Description. — Le genre Urtica, type de la famille 
des Urticées, comprend des herbes à feuilles opposées, 
toutes couvertes de poils à piqûre brûlante : la base de 
ces poils, en effet, est une glande sécrétant une liqueur 
corrosive qui s'insinue dans les blessures faites à la 
peau des animaux et y provoque une inflammation très 
douloureuse. Les fleurs petites et unisexuées sont 
groupées en grand nombre à l'aisselle des feuilles supé- 
rieures : les mâles avec 4 étamines à filets élastiques 
insérés en face et à la base des sépales, dans les fleurs 
femelles le fruit se développe en achaine comprimé à 
l'intérieur du calice accrescent. 

L'Urtica dioica L est une herbe vivace pourvue de lon- 
gues racines traçantes. Les autres sont des espèces an- 
nuelles et monoïques : U. urens L (fig. 498) très fréquente 
dans les cultures s'est répandue dans le monde entier, 
autour des habitations, car c'est une des plantes qui 
s'attache le plus aux traces de l'homme : V. pilulifera L 
(fig. 499) plus spéciale à la région méditerranéenne 
se reconnaît aisément aux " glomérules arrondis que 
forment ses fructifications. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le qîmoS se rencontre dans trois 
textes bibliques. Décrivant le champ du paresseux, Prov. , 



xxiv, 30-31, l'écrivain sacré le montre envahi par les 
mauvaises herbes. 

Les gimmesonim y croissaient partout 
Et les bugranes en couvraient la surface. 




'. — Urtica urens. 



Dans la peinture du jugement divin sur Édom, Isaïe, 
xxxiv, 13, annonce que : 

Les épines pousseront dans ses palais 

Le qimoS et le chardon dans ses forteresses. 




499. — Urtica pilulifera. 

Dans le jugement d'Israël, Ose., IX, 6, fait une pré- 
diction semblable : 

Leurs objets les plus précieux en argent seront l'héritage du qimoi 
Et le chardon envahira leurs tentes. 



1901 



ORTIE 



OS 



+902 



Les Septante ne peuvent être d'aucun secours pour 
découvrir la nature de cette herbe. Dans Prov., xxiv, 
31, ils rendent par des verbes les deux noms de plante; 
dans Osée, ix, 6, ils emploient le terme général 5Xe8poç, 
ruine; dans Isaïe ils comprennent sous la formule 
axavOiva ?u"X« les trois termes hébreux, sirim, « épines, » 
qimoS et hoah, «] chardon. » Au contraire la Vulgate 
traduit constamment par urtica, « ortie. i> Il est vrai 
qu'elle le met à tort dans un autre endroit, Is., lv, 13, 
pour rendre le mot sirpad. Les anciens commentateurs 
sont en général d'accord pour voir dans le qimos, 
l'ortie, 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 
1748, t. il* p, 207, et c'est à bon droit. Le qimos est 
présenté comme une des mauvaises herbes qui poussent 
dans les ruines et sont le signe d'une terre abandonnée. 
Is., xxxiv, 13; Ose., ix, 6; Prov., xxiv, 31. D'autre part 
ce n'esf pas un terme général pour indiquer les ronces 
et les épines ou les mauvaises herbes, mais une plante 
particulière, placée en parallèle avec le hoah ou chardon. 
Is., xxxiv, 13; Ose., ix, 6. Cette mauvaise herbe et herbe 
qui pique, selon l'étymologie du nom, parait donc bien 
être l'ortie, que désignent la Vulgate et le? anciens 
interprètes. L'ortie est très commune en Palestine dans 
les endroits abandonnés; une des plus répandues dans 
la vallée du Jourdain, dans les ruines de Tell-Hum et 
de Bethsan est YVrtica pilulifera, qui atteint jusqu'à six 
pieds de haut et produit des piqûres très irritantes. 
H. B. Tristram, The natural history of the Bible, 
8« édit., in-12, Londres, 1889, p. 474. 

E. Levesque. 

ORTÛN Job, théologien anglais non conformiste, 
né à Shrewsburg en 1717, mort en 1783. On a publié de 
lui : A short and plain Exposition of the Old Testa- 
ment : with devolional and practical reflections, 
6 in-8", Londres, 1788-1791. — Voir W. Orme, Biblioth. 
biblica, p. 333. B. Heurtebize. 

ORYX (hébreu : fe'ô, tô; Septante : opvil; Vulgate : 
oryx), une des espèces du genre antilope. Voir Anti- 
lope, t. î, col. 669. — L'oryx est un grand quadrupède 
(fig. 500) qui a de lm20 à l m 50 de haut. Bien qu'assez 
gros, il se meut avec rapidité, bondit et saute comme 
Pibex. Il est d'une couleur analogue à celle du sable 
blanc, avec de larges taches brunes ou fauves à la face, 
aux flancs et à l'arrière. L'oryx est surtout remarquable 
par ses cornes, qui ont près d'un mètre de long et 
quelquefois plus, et sont largement recourbées en 
arrière. Ces cornes constituent pour l'animal une arme 
formidable. Au premier abord, il semblerait que leur 
forme dût les rendre impuissantes. Il n'eu est rien. 
Quand l'oryx blessé et poursuivi veut se défendre, il 
incline la tête jusqu'à ce que s*on museau touche le sol, 
met ainsi la pointe de ses cornes en avant et tient 
l'adversaire à distance. D'autres fois, il ne se contente 
pas de la défensive, mais se porte en avant avec une 
étonnante rapidité et fait fuir l'ennemi ou le frappe. 
Par un coup subit et bien dirigé, il peut transpercer un 
chasseur. Le lion lui-même se tient sur ses gardes en 
face de ces formidables cornes; il n'est pas sans exemple 
que des lions aient été traversés et tués par les cornes 
de l'oryx. Celles-ci, d'autre part, sont plus nuisibles 
qu'utiles à l'animal, quand il est pris au piège; elles ne 
servent qu'à l'embarrasser de plus en plus dans le ré- 
seau des filets et à le réduire à l'impuissance. Ces 
cornes sont souvent en vente dans les bazars de Damas. 
L'oryx ou Antilope leucoryx est un habitant des déserts. 
On le trouve encore sur les confins de la Palestine. Il 
fréquente le nord de l'Afrique, le Sahara, l'Arabie, le 
désert de Mésopotamie et la Perse. Dans le sud de 
l'Afrique, on ne rencontre que l'Oryx gazella, à cornes 
droites. — La Sainte Écriture parle deux fois du tëô, 
d'abord pour le ranger parmi les animaux dont on peut 
manger la chair, Deut., xiv, 5, et ensuite dans Isaïe, li, 



20, qui l'appelle tô', et compare Jérusalem maudite d 
Dieu à l'animal pris dans le filet. Les anciennes ver- 
sions ne sont pas d'accord pour traduire ces mots. 
D'après les Septante : opul, la Vulgate : oryx, et le 
Syriaque, il s'agit de l'antilope oryx. Le Grec^Venète : 
àYptiSëouç, et la version chaldaïque : tûrbâlâ', y voient 
un bœuf sauvage ou bubale. Il est à noter que, dans le 
passage d'Isaïe, les Septante traduisent par treurtiov 
ï|(iieçp9ov, « bette moitié cuite, » la bette étant une 
plante herbacée au genre de laquelle appartient la bet- 
terave. Cette traduction est tout à fait | fantaisiste. 
D'après la place qu'il occupe dans l'énumération du 
Deutéronome, l'animal en question appartient certaine- 
ment soit au genre bœuf, soit au genre antilope. Ce ne 
peut être ni l'aurochs, re'êm, voir Aurochs, t. i, 




500. — Antilope leucoryx. 

col. 1260, ni le bison, voir t. i, col. 1799, ni le bubale, 
yahmûr, voir t. i, col. 1956, ni le buffle, voir t. i, 
col. 1963. On admet généralement aujourd'hui l'identi- 
fication du te'ô et de l'antilope oryx. Cf. BocharL, 
Hierozoicon, Leipzig, 1796, t. m, p. 28; Tristram, Na- 
tural History of the Bible, Londres, 1889, p. 56-58; 
Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 119-121. 

H. Lesètre. 

OS (hébreu : 'ésém, de 'âsani, « être solide, » et, 
dans les textes poétiques, géréni ; chaldéen : gérém; 
Septante : àaxéov; A : ulgate : os), pièce solide faisant 
partie de la charpente du corps chez les vertébrés. 
L'assemblage de toutes les pièces de cette nature forme 
le squelette. Les os sont composés d'un tissu solidifié, 
plus ou moins compact suivant la fonction de chacun 
d'eux. Les plus allongés ont à l'intérieur un canal 
rempli de substance médullaire. Voir Moelle, col. 1187. 

Les os humains donnent à l'analyse 53,04 de phos- 
phate de chaux, et 11,30 de carbonate de chaux. Aussi 
Amos, ii, 1, peut-il dire que les os du roi d'Edom ont 
été brûlés et ont donné de la chaux. Les os, du vivant 
même du vertébré, peuvent être brisés à la suite de 
coups violents ou de faux mouvements. Une affection 
tuberculeuse, la carie, les atteint quelquefois et les 
rend friables. Comme les os constituent la partie la 
plus résistante du corps humain, ce sont eux qui 
restent les derniers et même peuvent être conservés 



1903 



OS — OSAÏAS 



1904 



presque indéfiniment, quand tous les autres tissus ont 
été décomposés par le travail de dissolution qui suit la 
mort. 

1° Au sens propre. — 1. Dieu a tissé le corps de 
l'homme d'os et de nerfs. Job, x, 11. Mais on ignore 
comment les os de l'enfant se forment dans le sein de 
la mère. Eccle., xi, 5. Dieu seul le sait. Ps. Cxxxix 
(cxxxvm), 15. Un esprit pur n'a ni os ni chair. Luc, 
xxiv, 39. Les os de l'hippopotame sont comme des 
tubes d'airain. Job, xl, 13. Quand les accusateurs de 
Daniel furent jetés dans la fosse, les lions leur brisèrent 
les os. Dan., vi, 24. Dans les grandes épreuves, le corps 
s'amaigrit tellement que la peau semble adhérer aux 
os mêmes. Job, xix, 20; Ps. en (ci), 6; Lam., iv, 8. Le 
Messie devait être si cruellement torturé qu'il aurait pu 
compter tous ses os. Ps. xxii (xxi), 18. — 9. La loi dé- 
fendait expressément de briser aucun des os de l'agneau 
pascal. Exod., xii, 46; Num., îx, 12. Saint Jean, xix, 
36, signale le respect de cette défense à l'occasion du 
supplice de Jésus-Christ, le véritable agneau pascal. 
— 3. Joseph mourant recommanda instamment aux 
Israélites d'emporter avec eux ses ossements dans la 
Terre promise. Ses intentions furent scrupuleusement 
exécutées. Exod., xiii, 19; Jos., xxiv, 32; Eccli., xlix 
18; Heb., xi, 22. Les habitants de Jabès, I Reg., xxxi, 
13; I Par., x, 12, et ensuite David, II Reg., xxi, 12-14, 
inhumèrent honorablement les ossements de Saûl et 
de ses fils. Le prophète de Béthel, contemporain de Jé- 
roboam, commanda à ses fils de placer ses os, quand 
il serait mort, près des os du prophète de Juda qu'il 
avait trompé et qui avait été tué par un lion. III Reg., 
xiii, 31. Un mort jeté dans le sépulcre d'Elisée ressuscita 
au contact des os de ce prophète. IV Reg., xiii, 21. 
Dans une de ses visions, Ézéchiel, xxxvn, 1-11, décrit 
comment, à la fin des temps, les os des morts repren- 
dront vie sur l'ordre de Dieu et se retrouveront à leur 
place dans les corps ressuscites. — 4. Au lieu d'être 
inhumés, les os des adorateurs des idoles, rois, princes, 
prêtres, prophètes et simples Israélites, seront exposés 
sur le sol et engraisseront la terre. Jer., vm, 1-3; Bar., 
il, 24. — 5. D'après la Loi, Num., xix, 16, les ossements 
humains étaient une cause d'impureté pour ceux qui 
les touchaient. Afin de souiller et de déshonorer l'autel 
schismatique élevé par Jéroboam à Béthel, des osse- 
ments humains y furent brûlés. III Reg., xiii, 2; 
IV Reg., zxiii, 18. Josias employa le même moyen pour 
rendre abominables les lieux où avait été pratiqué le 
culte des idoles. IV Reg., xxm, 14-20; II Par., xxxiv, 
5; Ezech., vi, 5. Sous le procurateur Coponius, pen- 
dant les fêtes de la Pàque, des Samaritains s'introdui- 
sirent dans le Temple au milieu de la nuit et répan- 
dirent partout des ossements humains, ce qui obligea à 
faire sortir du Temple tous ceux qui s'y rassemblaient 
alors en grand nombre. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, 
il, 2. Notre- Seigneur compare les scribes et les phari- 
siens, pleins d'iniquité au fond du cœur, à des sépulcres 
remplis d'ossements, c'est-à-dire de choses impures. 
Matth., xxm, 27. 

2° Au sens figuré. — 1. Adam appelle sa femme l'os 
de ses os, Gen., n, 23, c'est-à-dire un être tiré du plus 
intime de sa substance et étroitement uni avec lui. 
Être l'os de quelqu'un, c'est en conséquence lui être 
uni par des liens étroits de parenté ou d'affection. 
Gen., xxix, 14; Jud., ix, 2; II Reg., v, 1; xix, 12, 13; 
IPar., xi, 1; Eph., v, 30. — 2. Comme les os consti- 
tuent la partie solide et résistante du corps humain, 
briser les os, c'est réduire à l'impuissance. Dieu brise 
les os des ennemis d'Israël, Num., xxiv, 8, et les dis- 
perse, Ps. lui (lu), 6, tandis qu'il garde les os des justes 
pour qu'aucun ne soit brisé. Ps. xxxiv (xxxiii), 21. La ma- 
ladie, comme un lion, a brisé les os d'Ezéchias. Is., 
xxxviii, 13. Nabuchodonosor a brisé les os d'Israël, 
Jer., l, 17, et les persécuteurs brisent les os de leurs 



victimes. Ps. xliii (xlii),11; Lam., m, 4. Les magistrats 
infidèles arrachent la chair des os du peuple et brisent 
ces os. Mich., m, 2, 3. Le coup de la mauvaise langue 
brise les os, Eccli., xxvm, 21; par contre, une langue 
douce brise aussi les os, c'est-à-dire triomphe de toutes 
les résistances. Prov., xxv, 15; cf. xvi, 24. — 3. Les 
os sont encore considérés, surtout dans les textes 
poétiques, comme le siège des sensations et des senti- 
ments causés par les choses extérieures. Satan demande 
à toucher les os et la chair de Job, c'est-à-dire à le- 
faire souffrir dans tout son être physique et moral. 
Job, il, 5. Sous l'empire de la douleur, les os sont mis 
à nu, c'est-à-dire exposés à toutes les atteintes, Job, 
xxxiii, 21; ils sont desséchés, Ps. xxii (xxi), 15; xxxi 
(xxx), 11; Prov., xvn, 22, et comme dévorés par un feu 
intérieur. Job, xxx, 30; Ps. xxxii (xxxi), 3; en (ci), 4 r 
6; Jer., xx, 9; Lam., i, 13. Pour donner une idée des 
calamités du siège de Jérusalem, Ézéchiel, xxiv, 4, 5, 
10, représente la ville sous la figure d'une chaudière 
dans laquelle le feu consume de la chair et des os. La 
frayeur agite et fait trembler les os. Job, iv, 14; Ps. vi, 
3; Jer., xxm, 9. Les os du malheureux appellent le tré- 
pas. Job, vu, 15. Les ossements du persécuté sont 
comme semés au bord du sche'ôl, Ps. cxli (cxl), 7, 
parce que la mort le menace sans cesse. Une femme 
sans honneur, Prov., xir, 4, l'envie, Prov., xiv, 30, la 
crainte, Hab., m, 16, sont comme la carie dans les os; 
elles démoralisent et ôtent toute énergie. — 4. Les os 
sont parfois pris pour la conscience. Le serviteur de 
Dieu confesse qu'il n'y a rien de sauf dans ses os à 
cause de ses péchés. Ps. xxxvm (xxxvii), 4. Les iniqui- 
tés des méchants sont sur leurs os, Job, xx, 11; Ezech., 
xxxii, 27, c'est-à-dire remplissent leur âme. Aussi la 
malédiction pénètre comme l'huile dans leurs os. 
Ps. Cix (cvin), 18. Voir Huile, t. ni, col. 776. — 5. Les 
os sont encore pris comme le siège de la vigueur, de 
la joie, etc. Les méchants ont souvent la moelle des os 
remplie de sève, Job, xxi, 24, ce qui signifie qu'ils 
prospèrent. Une bonne nouvelle engraisse les os, Prov., 
xv, 30; une femme intelligente met la vigueur dans les 
os de son mari, Eccli., xxvr, 16, et Dieu donnera la 
vigueur aux os de son peuple, à l'époque messianique. 
Is., lviii, 11. Alors, les os des Israélites reprendront 
vigueur comme l'herbe, Is., lxvi, 14, et un jour les os 
des saints refleuriront dans leur tombeau. Eccli., xlvi, 
14. Les os que Dieu a brisés par le châtiment se réjoui- 
ront au jour du retour en grâce, Ps. lu (li), 10, et ils 
diront dans leur reconnaissance : « Jéhovah, qui est 
semblable à toi ? » Ps. xxxv (xxxiv), 10. — 6. Baruch,. 
VI, 42, représente les femmes de Babylone offrant à 
leurs divinités et brûlant en leur honneur toc Tcitupa,. 
ce que la Vulgate traduit par ossa olivarum, « os, » 
c'est-à-dire noyaux « d'olives ». Le traducteur parait 
avoir lu itituptSec, « petites olives. » Le ntnipov est le 
son, la partie la plus grossière du blé moulu. Baruch 
désigne sans doute ici les offrandes que les Babylo- 
niennes faisaient à ;la déesse Istar, la Vénus assy- 
rienne; d'après son texte, elles brûlaient du son devant 
son image en guise de parfums. Cf. Hérodote, i, 199; 
Strabon, xvi, 1 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 640. En. 
somme, il n'est pas question d'os ni de noyaux en cet 
endroit. H. Lesêtre. 

OSAIAS (hébreu : Bôsa'eydh, « (celui) que sauvfr 
Yâh ou Jéhovah »), nom de deux ou trois Israélites. 

1. OSAIAS (Septante : 'Qsoua), un des princes du. 
peuple, qui marcha après les princes de Juda, lors- 
qu'ils se dirigèrent vers la porte du Fumier, lors de 
la procession par laquelle on célébra la dédicace des 
murs de Jérusalem relevés par Néhémie. II Esd.» 
xii, 32. 



1905 



OSA.ÏAS 



OSEE 



1906 



2 et 3. OSAlAS (Septante : Maaua-aç). Ce nom se 
lit deux fois dans Jérémie, xlh, 1, et xliii, 2, la pre- 
mière fois comme celui du père de Jézonias et la se- 
conde, comme celui du père d'Azarias. Il est probable 
qu'il désigne les deux fois le mêm& personnage. Les 
Septante appellent son fils 'AÇapîaç dans les deux pas- 
sages. Voir Azarias 29, t. i, col. 1302, et Jézonias 1, 
t. in, col . 1537. 

OSÉE (hébreu : yiirin, Hôséa' ; [Jéhovah] sauve, dé- 
livre; c'est à tort que quelques bébraïsants ont regardé 
ce mot comme un impératif hiphil, qui signifierait : 
Sauve! Septante : 'Q<tï]I, et c'est de là que vient la 
forme latine Osée), première forme du nom de Josué 
qui introduisit les Hébreux dans la Terre Promise, et 
nom de quatre autres israélites. 

1. OSÉE, forme primitive du nom de Josué, qu'on 
lit Num., xni, 9 (hébreu, 8); Septante : AùotJ, et 
Deut., xxxn, 44, dans le texte hébreu (Septante : 'Itj- 
troûç; Vulgate : Josue). Moïse, Num., xm, 17 (hébreu, 
16), lorsqu'il l'envoya avec les autres explorateurs en 
Palestine, « appela Osée, HôSê'a, fils de Nuri, Josué, 
YehôsuV, » par l'addition expresse du nom divin au 
radical de son nom. Voir Josué, t. m, col. 1684. 

2. OSÉE (hébreu : HôSêa' ; Septante : 'Qaï]é; Vul- 
gate : Osée), le dernier roi d'Israël (730-722). Osée était 
fils d'un certain Éla, d'ailleurs inconnu. Lorsque le roi 
d'Assyrie, Théglafhphalasar III, se fut emparé d'une 
grande partie du royaume d'Israël et eut transporté sur 
les rives -de l'Euphrate les anciens habitants du pays 
qu'il venait de conquérir, Osée ourdit une conspiration 
contre le roi de Samarie, Phacée, le mit à mort et régna 
à sa place. Ceci suppose qu'Osée occupait dans le 
royaume une situation en vue, qui lui permettait de 
rallier à sa cause d'assez nombreux partisans. IV Reg. , xv, 
29, 30. Il ; flt le mal, comme ses prédécesseurs, sans 
pourtant aller aussi loin qu'eux. IV Reg., xvn, 2. En 
Assyrie, Salmanasâr V avait succédé à Théglafhphalasar. 
Soit pour affirmer sa suzeraineté au commencement de 
son règne, soit pour réprimer une tentative d'indé- 
pendance de la part d'Osée, le nouveau monarque assy- 
rien fit une première campagne contre le roi d'Israël et 
l'assujettit à lui payer le tribut. IV Reg., xvn, 3. Salma- 
nasâr régna de 727 à 722. Ce serait donc seulement la 
troisième année de son règne qu'Osée aurait été rappelé 
à l'ordre par le roi d'Assyrie. Cependant une inscription 
de Théglafhphalasar suppose que déjà le roi d'Israël 
avait eu affaire à ce dernier. Il y est dit : : « La terre de 
la maison d'Omri..., ses principaux habitants, leurs 
biens, je transportai en Assyrie. Phacée, leur roi, ils 
frappèrent; je mis à sa place Osée, A-u-H; je reçus 
d'eux dix talents d'or, mille talents d'argent... » Cf. 
Schrader, Die Keilinschriften unddas A. T., Giessen, 
1872, p. 145, 150; Vigouroux, La Bible et les décou- 
vertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 523. La Bible ne 
dit rien de cette intervention de Théglathphalasar pour 
confirmer la royauté d'Osée et l'assujettir au tribut; 
d'autre part, nous ne possédons pas d'inscriptions his- 
toriques de Salmanasâr. Ce n'est que par IV Reg., 
xvn, 3-5, que nous connaissons ses deux campagnes 
contre Israël. Le tribut qu'il avait imposé aux Israélites 
leur paraissait d'autant plus lourd que le royaume de 
Samarie était plus restreint, à la suite des campagnes 
précédentes, et ne comprenait plus guère que les tribus 
centrales d'Ephraïm et de Manassé. Trop faibles pour 
assurer leur délivrance par eux-mêmes, les sujets d'Osée 
tournèrent les yeux du côté de l'Egypte, le seul pays 
que n'eût pas encore entamé la puissance assyrienne. 
Osée envoya donc des messagers à Sua, roi éthiopien, 
qui devint roi de toute l'Egypte en 725, sous le nom 
de Schabak. Voir Sua. Celui-ci n'était sans doute pas 



en mesure d'entrer de suite en campagne ; aussi Osée 
ne se proposait-il de secouer le joug qu'au moment op- 
portun. Mais Salmanasâr ne lui laissa pas le temps de 
profiter de son alliance. Il apparut soudain en Samarie, 
se saisit d'Osée et le fit jeter dans une prison, gn Assy- 
rie où il le relégua. IV Reg., xvn, 4. Il commença en- 
suite, contre la ville même de Samarie, un siège qui 
devait durer trois ans. A partir de sa capture, Osée ne 
reparut plus; les inscriptions ne font de lui aucune 
mention. Le dernier roi d'Israël s'éteignit ainsi, en exil, 
dans la misère et l'oubli. H. Lesêtre. 

3. OSÉE (Septante : 'Q<ri)), fils d'Ozaziu, chef de la 
tribu d'Ephraïm sous le règne de David. I Par., xxvn, 
20. 

4. OSÉE (Septante : 'Qa^i), un des chefs (ra'sîm) 
du peuple, qui signèrent l'alliance avec Dieu du temps 
de Néhémie. II Esd., x, 23. 

5. OSÉE, le premier des petits prophètes, entre Ézé- 
chiel et Joël dans la Bible hébraïque, entre l'Ecclésias- 
tique et Amos dans l'édition sixtine des Septante, entre 
Daniel et Joël dans la Vulgate latine. 

I. Origine et pairie d'Osée. — Le prophète nous 
apprend lui-même, i, 1, qu'il était fils de B"'éri (>nt«); 
mais on ne sait absolument rien de ce personnage, 
identifié à tort par quelques anciens rabbins (luchasin, 
fol. 12 a), sans autre motif que la ressemblance du 
nom,k Be'érah (msa), prince de la tribu de Ruben, qui 
fut emmené captif en Assyrie par Théglathphalasar. Cf. 
I Par., v, 6. Il faut regarder comme plus arbitraire 
encore une autre opinion rabbinique citée par Nicolas 
de Lyre, In Ose., i, 1, d'après laquelle Beéri aurait été 
lui-même prophète, en vertu du principe suivant : fla- 
bent... Hebrsei pro régula quod, cum in principio alv- 
cujus prophétie patris nomen exprimitur, prophetam 
fuisse intelligitur. Divers écrivains juifs vont même 
jusqu'à attribuer à Beéri l'oracle Is., vin, 19-20. 

Suivant une ancienne tradition, qui n'est cependant 
pas certaine, Osée aurait appartenu à la tribu d'Issachar. 
Saint Jérôme, }. c, le fait naître à Bethsamès, ville de 
cette tribu, Jos., xix, 22; mais saint Isidore de Séville, De 
vita et obitu sanct., xli, 3, t. lxxxiii, col. 144, lui donne 
pour berceau une autre localité demeurée inconnue, 
qu'il nomme Bélémoth (Balamon, ou Belamon, d'après 
une variante de Pseudo-Dorothée, De prophetis,c. i). 
Voir Patr. gr., t. xcil, col. 364. Voir aussi S. Éphrem, 
Opéra syr., t. h, p. 234, et Pseudo-Épiphane, De vitis 
prophet., 11, t. xliii, col. 406. 

Du moins, une étude attentive du livre rend à peu 
près indubitable le sentiment, très général aujourd'hui, 
d'après lequel le prophète Osée aurait été citoyen du 
royaume des dix tribus, dont faisait d'ailleurs partie la 
tribu d'Issachar. — En effet, 1" comme l'ont remarqué 
plusieurs habiles hébraïsants (voir en particulier Kônig, 
Einleitnng in das Alt. Test., Bonn, 1893, p. 311 ; F. Keil, 
Lehrbuch der hist.-krit. Einleitung, 2« édit., p. 276; 
A. Scholtz, Commentar zu Hoseas, p. xxvm), son style 
a parfois une saveur araméenne, qui rappelle le langage- 
de la Palestine septentrionale. C'est ainsi qu'il emploie- 
le \p, sin, ou le d, samech, au lieu du sf, schin, cf. 
Ose., h, 8; vin, 4; ix, 12, et aussi Jud., xii, 6; le mode 
causatif fiphil, au lieu de V hiphil ordinaire, Ose.,xi, 3 : 
tirgalti; l'aspiration très douce n, à la place du n, 
Ose., xm, 15; des formes rares ou anormales, cotnme- 
nni>, v, 13, nsn, vi, 9, noatf, vm, 16, tfisp, rx, 6,osp 
xii,' 14, nm xm, 1, >nn, xiri, 14, etc. — 2» La ma- 
nière dont Osée mentionne les localités du royaume 
schismatique du nord montre que la topographie de 
cette région lui était particulièrement familière. En fait,, 
la plupart de celles qu'il a l'occasion de citer apparte- 



1907 



OSEE 



1908 



liaient à ce royaume : à l'est, Mispâh, v, 1 (d'après 
l'hébreu ; Vulgate, speculationi), et Galaad, vi, 8; xn, 11 ; 
à l'ouest, Jezrahel, i, 4, 5, 11; n, 22, Rama, v, 8; rx, 9; 
S, 9, Béthel, sous le nom ironique de Bethaven, IV, 15; 
v, 8; x, 5, etc.; Galgala, iv, 15; ix, 15; xu, 11, Sichem, 
Vi, 9, Samarie, vu, 1; vin, 5-6; x, 5, le Thabor, v, 1, 
le Liban, xrv, 6, 7, 8, etc. — 3° Ses allusions historiques 
sont aussi celles d'un homme parfaitement au courant 
de l'histoire contemporaine du royaume du nord. Il en 
connaît à fond l'état politique, moral et religieux : il 
parle des intrigues de la cour, des agissements égoïstes 
des grands et des prêtres, des défauts caractéristiques 
du peuple, à la manière d'un témoin, qui a contemplé 
de ses propres yeux tout ce qu'il décrit (voir ce qui 
sera dit plus bas du message d'Osée et de l'authenticité 
de son livre). Notez en particulier ce trait, VI, 10 : 
« Dans la maison d'Israël, j'ai vu une chose horrible. » 
Pour lui, le royaume d'Éphraïm est, ainsi qu'il le 

nomme environ quatre fois, « le pays » (nnn) par anto- 

■•• T T 

nomase, Ose., iv, 3, ou « le royaume de la maison 
d'Israël », I, 4. C'est presque uniquement ce royaume 
qui est l'objet de ses reproches, de ses espérances ou 
de ses profondes inquiétudes. Au contraire, il ne fait 
aucune mention directe ni de Jérusalem, ni du temple ; 
celles de ses allusions, d'ailleurs assez nombreuses, qui 
concernent le royaume de Juda (cf. i, 7, 11; m, 5; iv, 
15; v, 5, 10, 12-14; vi, 4, 11 ; vm, 14; x, 11; xi, 12; xu, 
2) ne sont présentées qu'incidemment, de sorte que 
l'on sent, en les lisant, que cette contrée n'était pas la 
sienne, bien qu'il la regardât comme le vrai centre de 
la théocratie. Au reste, elles sont en général brèves et 
rapides. En somme, tout le long du livre nous voyons 
que l'Israël des dix tribus était à la fois la patrie chère 
au prophète et la sphère de sa propre activité. C'est 
donc à tort que Jahn, Einleitung, t. n, p. 413, et Mau- 
rer, Comment, theolog., t. n, pars 1, p. 291 sq., font 
de lui un citoyen du royaume de Juda (voir la réfutation 
détaillée de celte hypothèse dans Hengstenberg, Chris- 
tologie des AU. Test., t. i, p. 183 sq., et dans Simson, 
Comment., p. 3 sq.); à tort aussi que Umbreit, Com- 
ment, uber die kleinen Prophet., p. 5, et Ewald, Die 
Prophet. des Alten Blindes, t. i, p. 118 sq., supposent 
qu'Osée, persécuté par ses compatriotes, aurait quitté 
son pays et se serait réfugié sur le territoire de Juda, 
où il aurait écrit ses oracles. 

II. ÉPOQUE DU prophète Osée. — Si c'est lui qui 
ouvre, dans la Bible hébraïque, comme dans les Sep- 
tante et dans la Vulgate, la liste des petits prophètes, 
cela ne veut pas dire qu'il soit le plus ancien de tous; 
on lui a sans doute attribué le premier rang, parce que 
son livre a plus d'étendue que les autres. Amos, auquel 
il fait plusieurs emprunts, ainsi qu'on l'admet commu- 
nément (cf. Ose., iv, 3, et Am., vm, 8; Ose., iv, 15, et 
Ara,, v, 5; Ose., v, 5; vi,10, et Am., vm, 8; Ose., viii,14, 
et Am., h, 5; Ose.,x, 4, et Am., vi, 13), devint prophète 
à une date antérieure et acheva plus tôt son ministère, 
quoiqu'ils aient été contemporains pendant quelque 
temps. Cf. Am., i, 1. Les premières lignes de la pro- 
phétie d'Osée, i, 1, nous font connaître d'une manière 
générale la période durant laquelle il exerça sa mission : 
ce fut « dans les jours d'Ozias, de Joatham, d'Achaz, 
d'Ézéchias, rois de Juda, et dans les jours de Jéroboam, 
fils de Joas, roi d'Israël ». Or, celte période, d'après la 
chronologie antérieure à la découverte des monuments 
assyriens, correspondait aux dates suivantes : dans le 
royaume de Juda, Ozias ou Azarias, 810-759 avant J.-C. 
(Oppert, Salomon et ses successeurs, p. 99 : 809-758); 
Joatham, 759-544 (Oppert, 758-743); Achaz, 744-728 (Op- 
perl, 743-727); Ézéchias,' 728-699 (Oppert, 727-698); 
dans Israël, Jéroboam, c'est-à-dire Jéroboam II, troi- 
sième successeur de Jéhu, 825-784. Mais, évidemment, 
le. titre du livre ne signifie pas qu'Osée a prophétisé 



depuis la première année de Jéroboam II, en 825, jus- 
qu'à la dernière année d'Ézéchias, en 699 : des mots 
« encore un peu de temps et je visiterai le sang de Jez- 
rahel sur la maison de Jéhu », Ose., i, 4, on conclut à 
bon droit qu'Osée'inaugura son ministère vers la fin du 
règne de Jéroboam II, qui fut Pavant-dernier prince de 
la dynastie fondée par Jéhu, et qu'il l'acheva au com- 
mencement du règne d'Ézéchias; ce qui fait une durée 
d'environ soixante années. Pendant ce temps, notre 
prophète vit passer les rois éphémères qui se succédèrent 
sur le trône d'Israël peu après la mort de Jéroboam, 
au milieu d'une effroyable anarchie. Cf. IV Reg., xv, 
8-31. Zacharie, fils et successeur de Jéroboam II, fut 
assassiné, après six mois de règne, par un usurpateur 
nommé Sellum, qui tomba lui-même, un mois plus 
tard, sous les coups de Manahem. Celui-ci se maintint 
sur le trône pendant dix ans, et eut pour successeur 
son fils Phacéia, qui ne régna que deux ans et qui pé- 
rit assassiné par Phacée.Le dernier roi d'Israël fut Osée, 
homonyme de notre prophète, qui fut vaincu par le roi 
d'Assyrie Sargon, en 722. Cf. IV Reg., xvn, 1-6. C'en 
fut fait alors du royaume d'Israël, et il est possible que 
le prophète Osée ait été témoin de sa ruine, qu'il avait 
depuis longtemps annoncée. 

De nos jours, il est vrai, on a réduit et rapproché de 
nous, dans des proportions notables, en s'appuyant sur 
la chronologie des monuments assyriens, la période 
qui correspond aux règnes mentionnés dans le titre de 
notre petit livre. Ainsi, pour nous en tenir à deux sa- 
vants catholiques qui se sont particulièrement occupés 
de cette question, MM. Al. Schsefer, Die biblische Chro- 
nologie, Munster, 1879, p. 140, et B. Neteler, Zusam- 
menhang der alttestamenll. Zeitrechnung mit der 
Profangeschichte, 2 e fascic, 1885, p. 9, Ozias aurait 
régné de 789 à 757 (Schsefer), ou de 787 à 736 (Neteler) ; 
Joatham, de 757 à 741, ou de 736 à 721 ; Achaz, de 741 à 
726, ou de 721 à 706; Ézéchias, de 726 à 685, ou de 706 à 
679; Jéroboam II, de 790 à 750 (Neteler). Voir aussi 
Chronologie biblique, t. n, col. 731. Mais, dans le cas 
même où cette transformation chronologique serait 
certaine, il resterait vrai qu'Osée a vécu et prophétisé 
durant une partie considérable du vm e siècle avant 
J.-C. Personne ne songe à contester son ancienneté. 

Ce qu'on a mis en doute depuis quelque temps, c'est 
l'exactitude et l'authenticité du titre du livre, en ce qui 
concerne les rois de Juda : d'un côté, parce que ces 
monarques étaient étrangers au royaume d'Israël ; d'un 
autre côté, parce que le règne de Jéroboam II, seul 
prince mentionné parmi les rois d'Israël, ne couvre 
pas, il s'en faut de beaucoup, la période qui correspond 
au gouvernement d'Ozias, de Joatham, d'Achaz et d'Ézé- 
chias. D'où l'on a conclu, tantôt que la note chronolo- 
gique placée en tête de l'écrit d'Osée est partiellement 
inexacte, tantôt (et ce cas est fréquent dans les plus 
récents commentaires de l'école dite critique) qu'elle a 
été amplifiée après coup par un scribe qui vivait pen- 
dant ou après la captivité babylonienne, et qui était 
désireux de montrer qu'Osée avait été contemporain 
d'Isaïe et de Michée. Comp. Ose., i, 1, avec Is., 1, 1, et 
Mich., i, 1. Le titre primitif aurait donc simplement 
consisté dans les mots :?« Parole du Seigneur qui fut 
(adressée) à Osée, fils de Beéri, aux jours de Jéroboam, 
fils de Joas, roi de Juda. » Mais rien n'est plus arbi- 
traire que de tels procédés, et « on peut affirmer qu'il n'a 
encore été produit aucun argument concluant, capable 
de mettre en doute l'exactitude historique » du titre. 
Reynolds, dans EUicott's Old Testament Commen- 
tary, t. IV, p. 411. Sans doute, il est surprenant, à 
première vue, que Jéroboam II soit seul nommé parmi 
les rois d'Israël sous lesquels Osée prophétisa, surtout 
si l'on se rappelle que celui-ci a spécialement écrit pour 
le royaume du nord; mais ce fait s'explique par la rapi- 
dité avec laquelle, pour la plupart, les successeurs de 



4909 



OSEE 



1910 



Jéroboam passèrent sur le trône. Ils furent d'ailleurs 
presque tous des usurpateurs violents et criminels. Voir 
Hsevernick, Einleitung in das Alte Testament, t. Il, 
2, p. 278. Il est probable que Jéroboam lui-même n'est 
mentionné qu'à la façon d'une date : pour Osée, qui 
insiste sur ce fait que la maison de David était seule 
en possession légitime de la royauté, cf. Ose., m, 5, ce 
prince aussi était un usurpateur, et la vraie liste royale 
était celle des monarques de Juda. Hengstenberg, Chris- 
tologie des Alten Teslam., t. in, p. 3; Krabbe, Quse- 
stiones de Hoseœ vaticin., p. 18; F. Keil, Einleitung in 
das Alte Testament, p. 276-277; en sens contraire, 
Driver, An lntrod. to the Literature of the Old Tes- 
tament, p. 283; Wildeboer, Die Litteratur des Alt. 
Test., p. 117; W. Nowack, Der Prophet Hosea, p. x sq. 

On ajoute, pour prouver que la donnée chronologique 
Ose., i, 1, est inexacte, que le prophète parle de Galaad 
comme d'une province qui faisait encore partie du 
royaume d'Israël, cf. Ose., v, 1; vi, 8; xn, 11, tandis 
que, d'après I Par., v, 26, Phul ou Théglathphalasar III 
en avait d'assez bonne heure déporté les habibants en 
Assyrie. On fait aussi valoir Vargumentum e silentio, 
si aisé, mais si faible d'ordinaire : Osée ne signale pas 
l'alliance conclue contre Juda entre les rois Phacée 
d'Israël et Rasin de Syrie, IV Reg., xvi, 5-6; Is., vu, 1, 
non plus que la ruine de Samarie; d'où l'on déduit 
qu'il n'a pas prophétisé si tardivement que l'indique le 
titre. On voit combien tout cela est peu concluant. Au 
surplus, le livre lui-même réfute en partie ces raisonne- 
ments, puisque sa seconde partie, chap. m-xiv, ne se 
rapporte plus au règne de Jéroboam II, mais à ceux de 
ses successeurs : le titre signifierait donc peu de chose, 
s'il fallait regarder comme une interpolation tout ce 
qui y concerne les rois de Juda. 

III. Histoire personnelle d'Osée. — Nous n'en 
savons que ce que le prophète nous apprend lui-même 
dans les trois premiers chapitres de son livre, car il 
n'est parlé de lui dans aucun autre écrit biblique. Cette 
histoire se ramène à quelques faits domestiques d'une 
nature très intime, à un très cuisant chagrin de famille, 
dans lequel Osée, divinement éclairé, vit l'image des 
relations qui existaient alors entre le royaume d'Israël 
et le Seigneur. Sur l'ordre de Dieu, il épousa une 
femme aux mœurs légères, Gomer, fille de Diblaïm 
(Vulgate, « Deblaïm »), qui ne tarda pas à le tromper. 
Ose., i, 2. Elle eut successivement trois enfants, aux- 
quels, sous l'inspiration du ciel, Osée donna des noms 
symboliques : un fils, lzre"êl (Vulgate, « Jezrahel »); 
une fille, Lô'-ruhâmâh, pas aimée, et un second fils, 
Lo'-'ammi, pas.mon peuple. Ose., i, 4, 6, 9. Ces noms 
n'exprimaient que trop bien la tension des rapports qui 
existaient entre Jéhovah et les Israélites du nord. Un 
ordre analogue fut adressé plus tard au prophète, d'après 
le chap. m : il devait prendre une femme perdue de 
mœurs et lui imposer une vie de réclusion, pour la 
faire rentrer en elle-même et l'amener à se convertir. 
Cette tragédie domestique est exposée simplement, no- 
blement, sans que l'écrivain sacré songe un seul ins- 
tant à mettre en relief ses souffrances personnelles. Il 
insiste, en revanche, cf. i, 4-11; h, 1-24; m, 3-5, sur 
le sens de cette double action symbolique : Israël, *et[e 
épouse mystique du Seigneur, ne cesse pas de lui être 
infidèle; Dieu le châtiera sévèrement; puis, pressé par 
un amour qui n'a jamais défailli malgré les ingratitudes 
de son peuple, il lui pardonnera, dès que le coupable 
témoignera qu'il se repent de sa triste conduite. 

Ce mariage d'Osée a donné naissance à toutes sortes 
d'opinions, qu'on trouvera résumées dans Marck, Dia- 
tribe de uxore fomicationum, Leyde, 1696, dans 
H. Kurtz, Die Ehe des Propheten Hosea, Dorpat, 1859, 
et dans A. Rohling, Die Ehe des Proph. Hosea (Theol. 
Quartalschrift de Tubingue, 1867, p. 555-602). Voir aussi 
Hengstenberg, Christologie des Alt. Test., t. m, p. 1-136; 



Schmoller, Die Propheten Hosea, Joël und Amos, 
p. 16-22; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la cri- 
tique rationaliste, 5 e édit., t. v, p. 229-231; les com- 
mentaires de A. Scholz, Nowack et Knabenbauer. Les 
deux questions principales que soulève ce passage, sont 
certainement les suivantes : 1° Les faits racontés fu- 
rent-ils réels, objectifs? ou bien ne devons- nous y voir 
qu'une simple allégorie, ou qu'un phénomène interne, 
qui se serait seulement passé dans l'âme du prophète? 
2° Les récits des chapitres î et m. sont-ils relatifs à deux 
mariages distincts, ou à un seul et même mariage? Ces 
deux points ont de tout temps partagé les interprètes, 
qui ont émis, sans distinction d'écoles, des avis divers à 
leur sujet. 

Pour ce qui est du premier problème, la paraphrase 
chaldaïque, quelques rabbins, saint Jérôme (qui, du 
reste, adopte aussi à l'occasion le sentiment contraire), 
et d'assez nombreux commentateurs plus ou moins ré- 
cents se déclarent partisans de l'interprétation figurée 
(parmi les plus connus nous pouvons citer Maimonide, 
Kimchi,Calvin, Hitzig,MM.Keil,Reuss, Kœnîg,Wùnsche). 
Ils allèguent les raisons suivante^: — - a) Si les faits avaient 
eu lieu d'une manière concrète, littérale, Dieu aurait 
placé Osée dans une situation choquante, pour ne pas 
dire scandaleuse, et le scandale aurait été encore plus 
grand dans l'hypothèse d'un double mariage. — 6) Les 
incidents que raconte le chap. i sr exigent un intervalle 
de plusieurs années; le peuple n'aurait donc été que 
fort peu frappé de leur signification symbolique. — c) Les 
prophètes, dit-on, reçurent plus d'une fois de Dieu 
l'ordre d'accomplir des actes qui, par leur nature 
même, étaient d'une exécution difficile (on cite comme 
exemple Ezech., iv, 4-8), et qui, pour ce motif, ne 
s'accomplissaient pas à la lettre, mais surtout d'une 
façon idéale. Les chap. i et m ne contiendraient donc 
qu'une sorte de mâéal ou parabole. 

Il est aisé de réfuter ces arguments. — a) Si les actes 
commandés au prophète avaient été contraires à la mo- 
rale, Dieu ne les lui aurait pas même suggérés en vision, 
et ils n'auraient pas pu servir de base à une allégorie. 
En fait, l'ordre donné à Osée, loyalement expliqué, ne 
contenait en lui-même rien qui fût indigne de Dieu ou 
de son représentant. — 6) Pour que la narration orale 
des faits par Osée fût capable d'impressionner la foule, 
il fallait qu'ils correspondissent à la réalité historique, 
et on ne conçoit pas que le prophète se soit mis en 
scène comme un homme soumis à la plus rude épreuve 
domestique, si la conduite de sa femme avait toujours 
été honorable. — c) Les prophètes recevaient parfois 
de Dieu l'ordre d'accomplir des actions symboliques 
très réelles, quoique très difficiles en elles-mêmes. Cf. 
Jer., xm, 1-7; Ezech., îv, 9-17, etc. 

Les raisons pour lesquelles d'autres commentateurs 
très nombreux (dans l'antiquité, saint Irénée, saint 
Éphrem, Théodoret de Cyr, saint Cyrille d'Alex., saint 
Augustin et plusieurs autres Pères ; dans les temps mo- 
dernes, Estius, Cornélius a Lapide, etc.; de nos jours, 
les PP. Cornely et Knabenbauer, MM. Vigouroux, 
A. Scholz, Pusey, Ewald, Kuenen, Wellhausen, No- 
wack, Marti, etc., et, en somme, la plupart des interprètes 
les plus récents) admettent la réalité du mariage d'Osée 
sont surtout les suivantes : — 1° Rien, dans la narration de 
l'écrivain sacré, n'indique qu'il parle en termes allégo- 
riques, et qu'Use borne à exposer un phénomène interne, 
subjectif; au contraire, il donne à son récit une forme 
tout objective, appuyant sur le caractère extraordinaire 
de l'ordre qu'il reçoit, citant le nom de la femme et celui 
de son père, cf. I, 2-3 ; on a essayé vainement de don- 
ner à ces noms une signification symbolique, l'ordre 
irrégulier des naissances (un fils, I, 3; une fille, i, 6, et 
de nouveau un fils, I, 8), etc. D'ordinaire, les auteurs 
inspirés fournissent à leurs lecteurs quelque moyen 
pour reconnaître qu'il s'agit seulement de visions ou 



1911 



OSEE 



1912 



d'allégories. — 2» Plus la chose commandée à Osée était 
étrange et difficile, plus elle était capable de faire im- 
pression sur la masse des Israélites et de secouer leur 
torpeur religieuse, en leur manifestant la grièveté de 
leurs crimes, et en leur montrant avec la plus grande 
clarté, d'une part, ce qu'ils avaient à redouter de l'amour 
offensé du Seigneur, s'ils persévéraient dans leurs infi- 
délités, et, d'autre part, ce qu'ils pouvaient espérer de 
l'affection divine, si tendre et si profonde, s'ils s'amen- 
daient courageusement. Or, avertir son peuple d'une 
manière retentissante, tel était précisément le but que 
Dieu se proposait en ordonnant à ses prophètes d'accom- 
plir certaines actions symboliques. Cf. Is., xx, 2-4; 
Jer., xiii, 1-11; xix, 1-11; xxvn, 2-11; Ez., iv, 1-13; v, 
14, etc. Voir aussi saint Irénée, Adv. hser., IV, xx, 12, 
t. vu, col. 1042. — 3° Les dénominations allégoriques 
des trois enfants de Gomer ne prouvent pas qu'il faille 
prendre au figuré tout l'ensemble de la narration. Ces 
enfants ne jouent qu'un rôle secondaire par eux-mêmes; 
Osée et Gomer sont les deux personnages principaux, 
et les noms des enfants devaient seulement présager 
les sentiments réservés à Israël coupable. Isaïe aussi 
donna à ses deux fils des appellations symboliques, et 
personne n'a jamais contesté leur existence. Cf. Is., ■vu, 
3; vin, 4. Cette solution littérale du problème nous 
paraît être de beaucoup la meilleure et la plus naturelle. 
Comme on l'a remarqué, « les difficultés inhérentes à 
l'interprétation allégorique sont bien plus grandes que 
celles qui s'attachent à l'explication littérale, s Cheyne, 
Bosea with Notes, p. 17. 

On a discuté sur ce point spécial : Est-ce avant ou 
après son mariage que Gomer se livra à l'inconduite ? 
Quelques commentateurs (entre autres, saint Augustin) 
adoptent de préférence le premier de ces sentiments et 
supposent que la femme d'Osée, de mœurs très légères 
avant de lui être unie, serait ensuite demeurée chaste. 
Mais si, de prime abord, cette opinion parait rendre 
plus acceptable l'acte commandé à Osée, elle accroît en 
réalité les difficultés d'interprétation, car elle fait dis- 
paraître en grande partie le symbolisme. En effet, c'est 
en tant qu'elle fut une épouse infidèle que Gomer re- 
présente la conduite d'Israël envers Jéhovah; or, dans 
tout son livre, Osée parle avant tout des crimes du peu- 
ple théocratique postérieurs à l'alliance du Sinaï. L'ex- 
pression énergique « une femme de prostitutions », 
anm mtfn, semble exiger aussi cette interprétation ; car 

elle est expliquée, Ose., i, 2, par les mots qui suivent, 
D>raT nb>, « des enfants de prostitutions, » et. ces mots 

désignent des enfaûts qui n'existaient pas encore. Si 
Gomer avait été une courtisane vulgaire au moment où 
Dieu commanda à Osée de l'épouser, elle serait sans 
doute appelée simplement niT, le nom ordinaire en pa- 
reil cas. Divers interprètes ont supposé à tort que le 
titre « une femme de prostitutions » désignerait au mo- 
ral une femme livrée à l'idôlatrie. . 

Le second problème, qui ne demande pas des dévelop- 
pements aussi considérables., est celui-ci : S'agit-il, 
dans les chapitres i et m, de deux femmes distinctes, et 
par conséquent de deux mariages successifs, ou d'une 
seule femme et d'un seul mariage? Ici encore, les com- 
mentateurs se sont partagés en deux camps opposés, et 
cette question, de même que la précédente, ne sera ja- 
mais élucidée d'une manière entièrement satisfaisante. 
Ceux qui sont partisans d'un double mariage supposent' 
que le second fut contracté, soit après la mort de Gomer, 
soit auparavant, et dans ce dernier cas, Osée aurait 
épousé une femme de second rang, comme la loi le 
permettait. Voir Kaulen, Einleitung, p. 343; Knaben- 
bauer, Comment, in Proph. minore», t. i, p. 48. Mais, 
d'après le sentiment le plus probable et le plus commun 
de nos jours, la femme du chap. î et celle du chap. m 
sont identiques. Il paraît peu vraisemblable que Dieu, 



à deux reprises, ait enjoint à Osée de se marier dans 
des circonstances si extraordinaires. De plus, le symbo- 
lisme, pour être parfait, exige qu'il soit question de la 
même femme; car rien n'indique que Gomer fût morte, 
et, si Osée l'avait répudiée en vue d'une autre union, ces 
secondes noces auraient signifié que Jéhovah allait se 
choisir un nouveau peuple à la place d'Israël. D'ail- 
leurs, la description très brève, mais caractéristique, 
de la femme que le prophète est invité à aimer malgré 
tout, m, 1, ne convient que trop à Gomer. Cf. i, 2. La 
forme de l'ordre divin est à noter. Le Seigneur ne dit 
pas, la seconde fois : « Va encore, et prends une 
femme...; » mais : « Va encore, et aime...; » par consé- 
quent : « Reprends-la, malgré son indignité, et sois-lui 
attaché quand même. » Le récit nous renvoie donc à i, 
2. On peut supposer, avec de nombreux exégètes con- 
temporains, que Gomer, mettant le comble à son incon- 
duite, aurait quitté le foyer d'Osée, pour être encore 
plus libre; puis, qu'abandonnée par ceux qu'elle avait 
follement suivis, elle se trouva dans une profonde 
misère matérielle; Osée la reprit, mais la tint à l'écart 
pour la faire réfléchir et la ramener à de meilleurs 
sentiments. 

Telles sont les principales difficultés auxquelles a 
donné lieu le mariage de notre prophète. Heureuse- 
ment,quelque opinion que l'on adopte à leur sujet, l'in- 
terprétation du livre demeure au fond la même, bien 
qu'elle ait une forme beaucoup plus saisissante dans 
l'hypothèse d'un mariage réel et unique. Quoi qu'il en 
soit, l'image d'Israël représenté sous la forme d'une 
femme infidèle à son mari n'apparaît pas seulement 
dans le livre d'Osée : on la rencontre dès le Penta- 
teuque, cf. Exod., xxxiv, 16; Lev., xyii, 7 ; xx, 5; Num., 
xiv, 33, etc., puis dans plusieurs autres prophètes, cf. 
Is., il, 1-3; liv, 1-6; Jer., n, 2; Ezech., xvi, 1-63, etc. 
Saint Jean-Baptiste et Jésus-Christ ont aussi employé 
une image analogue, cf. Joa., m, 29; Matth., xxn, 1; 
xxv, 1 sq.; Marc, il, 19-20; de même saint Paul, cf. 
II Cor., xi, 2; Eph., v, 25-27, et saint Jean, Apoc, xix, 
7-8; xxi, 1. Mais nulle part, si ce n'est dans le Can- 
tique, cette idée n'est développée en traits aussi vifs 
et détaillés que dans le livre d'Osée. 

On a conjecturé naguère, Duhm, Théologie der Pro- 
phetçn, Bonn, 1875, p. 130-131, que le prophète Osée 
appartenait à la famille sacerdotale. Les raisons allé- 
guées (entre autres : la connaissance parfaite de l'his- 
toire ancienne d'Israël; l'emploi d'expressions litur- 
giques, telles que « la loi de Dieu », iv, 6, et vm, 12, 
« impur » légalement, v, 3, 'et vi, 10, « abominations, » 
îx, 10; la mention relativement, fréquente des prêtres 
légitimes; la cessation des sacrifices légaux regardée 
comme un grand châtiment pour Israël, m, 4; ix, 3 sq.) 
sont trop générales pour rendre certaine l'hypothèse 
en question. Maint laïque instruit pouvait connaître 
l'histoire et parler des choses liturgiques aussi bien que 
beaucoup de prêtres. Du moins, il est évident que, si 
l'auteur du livre n'appartenait pas aux classes supé- 
rieures, il était doué d'une intelligence peu commune, 
et qu'il se rendait parfaitement compte de ce qui se 
passait autour de lui. Comme Amos et Jérémie, il pa- 
raît avoir été un objet de haine et de persécution pour 
ses compatriotes, irrités de ses reproches sévères et de 
ses terribles menaces. Cf. Ose., ix, 7-8. 

On ne sait rien d'authentique sur sa mort. Suivant 
une tradition juive, elle aurait eu lieu à Babylone, et de 
là, selon son désir formel, son corps aurait été trans- 
porté à dos de chameau dans la Galilée supérieure, à 
Safed, où serait son tombeau. Voir Robinson, Palâstina 
und die sildlich angrenzenden Lànder, t. m, p. 597. 
Pseudo-Épiphanè et pseudo-Dorothée, l. c., le font mou- 
rir tranquillement dans son pays. D'après Burckardt, 
Reisen in Syrien, t. il, p. 696 sq., les Arabes 
croient posséder le tombeau d'Osée sur l'emplacement 



1913 



OSEE 



1914 



de l'antique Ramoth-Galaad, à l'est du Jourdain. Voir 
aussi Bœdeker, Palâstina und Syrien, 1875, p. 351. 
Une autre légende arabe place le lieu de sa sépulture à 
Almenia, dans l'Afrique septentrionale. Sur ces rensei- 
gnements contradictoires, voir J. Friderici, De Hosea et 
vaticiniis ejus, Leipzig, 1715; Carpzow, lntroductio ad 
libros canon. Vet. Testam., t. m, p, 268 sq. ; A. Scholz, 
Comment., p. xxv-xxvi. 

IV. Thème du livre d'Osée. — On l'a vu par ce 
qui précède, c'est le royaume d'Israël qui est l'objectif 
immédiat, principal, presque unique même de cet écrit. 
Le message d'Osée est double : il consiste à exposer, 
d'un côté, le crime que les Israélites ont commis en 
brisant l'alliance théocratique, et de l'autre, l'amour de 
Jéhovah, qui demeure fidèle quand même, et qui, 
lorsque son épouse mystique, actuellement si coupable, 
aura été convertie par les châtiments nécessaires, se 
manifestera de nouveau avec éclat. Durant la longue 
période de l'activité prophétique d'Osée, la condition 
religieuse et morale des dix tribus schismatiques du 
nord nécessita constamment les mêmes reproches; 
c'est pour cela qu'on entend, à travers l'écrit tout 
entier, l'accent uniforme soit du blâme, soit de. l'exhor- 
tation, au sujet de l'idolâtrie, de l'injustice, des agisse- 
ments anti-théocratiques, comme aussi l'accent de la 
menace. Le peuple israélite a rompu en pratique le 
contrat passé avec le Seigneur; celui-ci punira les cou- 
pables, s'ils ne reviennent à de meilleurs sentiments : 
voilà le thème perpétuel des oracles d'Osée. 

Les lamentations sur l'idolâtrie et sur l'immoralité 
d'Israël remplissent, à elles seules, une grande partie 
du livre. Le prophète revient souvent sur le culte idolâ- 
trique, qui consistait tout à la fois dans les pratiques 
grossières, sensuelles des nations chananéennes, et dans 
l'adoration du veau d'or, installé à Béthel par Jéro- 
boam I". Cf. Ose., iv, 12-14, 15, 17; v, 1-3; vm, 4-6, 11; 
ix, 1, 10, 15; x, 1,5, 8, 15; xi, 2; xn, 11; xm, 1 sq. Il 
dépeint aussi sous des couleurs très vives, non seule- 
ment la profonde corruption des masses, mais aussi 
celle de toutes les classes dirigeantes : l'égoïsme des 
prêtres, l'ambition des grands, la faiblesse et la mollesse 
des rois, les luttes perpétuelles entre les factions op- 
posées. Tout cela est mis tour à tour sous nos yeux 
avec une grande fidélité de pinceau. Cf. Ose., iv, 1-3, 
18; v, 1, 3; vu, 16; vm, 6, 8-10; ix, 15; x, 3; xm, 
10, etc. 

L'infidélité d'Israël se maniiestait également par ses 
relations politiques, dont notre prophète trace aussi un 
tableau très exact. Comme nous l'apprenons IV Reg., 
xv, 19-20, le roi Manahem acheta au prix de 1 000 ta- 
lents d'argent (8500000 fr.) la faveur de n'être point at- 
taqué par le roi d'Assyrie Théglathphalasar III, et les 
annales du grand conquérant assyrien citent en effet « Ma- 
nahem de Samarie » parmi les princes qui lui payaient 
le tribut. Nous savons que cette politique fut suivie de 
même par le dernier roi d'Israël, Osée, qui, d'après les 
mêmes annales, n'obtint son élévation au trône que 
grâce au concours de l'Assyrie. Plus tard, sous la pres- 
sion d'une partie des grands de son royaume, il se 
tourna vers l'Egypte; mais ce double jeu le conduisit 
directement à la ruine. Cf. IV Reg., xvn, 1-6; F. Vigou- 
roux, La Bible et les découvertes modernes,6° édit., t. ni, 
p. 532-540. D'ailleurs, envisagée en elle-même;' une 
politique qui consistait à se mettre sous la dépendance 
des empires païens du voisinage était en opposition fla- 
grante avec les principes théocratiques, suivant lesquels 
Jéhovah était seul le vrai roi et protecteur du pays. Cf. 
Ose., vu, 8, 11; xi, 1 a; xiv, 1-3, etc. Le résultat d'une 
telle conduite était donc aisé à prévoir : le Seigneur 
cessera de regarder le royaume d'Israël comme faisant 
partie de son peuple, et il le « chassera de sa maison ». 
Ose., ix, 15. 

gré le caractère menaçant du livre d'Osée, les pro- 



messes en sont aussi un élément très important. Elles 
apparaissent très nettes, et relativement fréquentes, à 
côté des plaintes et des objurgations sévères. Cf. il, 1, 
14-24; m, 5; v, 15; vi, 1-3; xi, 8-11; xrv, 2-10, etc. 
Il faut signaler, entre toutes, celles qui se rapportent 
au Messie et à son règne glorieux. Bien qu'Osée ne pré- 
dise qu'un seul fait de la vie du Christ, et cela d'une 
manière typique, indirecte (cf. Ose., xi, 1", et Matth., 
n, 15; voir L.-Cl. Fillion, L'Évangile selon S. Matth., . 
Paris, 1878, p. 59, et Knabenbauer, dans ses notes sur 
ces deux passages), il annonce du moins très claire- 
ment que le Messie naîtra de David, Ose., ni, 5, et il trace 
un brillant tableau de l'âge d'or qui sera inauguré par 
lui. Ose., ii, 1, 16-24; m, 5; xiv, 2-9. 

On a fait observer, surtout à notre époque (voir en 
particulier Davidson, dans The Expositor, 1879, 
p. 258 sq.; T. K. Cheyne, Hosea with Notes, p. 27-30), 
que « les menaces terribles et les consolantes pro- 
messes du prophète Osée s'appuient sur une base iden- 
tique, qu'il a la gloire d'avoir mise très spécialement 
en relief : à savoir, l'amour de Jéhovah pour son 
peuple ; l'amour outragé, saintement jaloux, qui s'irrite 
et se venge; l'amour malgré tout, qui pardonne et qui 
sauve ». Cf. m, 1; ix, 10; xi, li>, 8-11; xrv, 5, 9, etc. 
C'est là ce qu'on a très justement appelé « la note do- 
minante de la plaidoirie d'Osée ». A ce même point de 
vue, on a aussi nommé Osée « le prophète des peines 
tragiques de l'amour ». Si on le compare avec Amos, 
son contemporain, on voit que celui-ci regarde surtout 
Jéhovah comme le roi et le juge d'Israël, tandis 
qu'Osée contemple surtout en Dieu l'époux et le père 
de son peuple. En ce sens, notre prophète a contribué 
de la façon la plus noble au développement de l'idée 
religieuse; mais on ne doit pas oublier que déjà le 
Deuléronome avait clairement présenté cette belle et 
grande pensée du divin amour. Cf. Deut., 14, x-15; xxn, 
6, 10-11, etc. 

Nous devons noter encore l'insistance avec laquelle 
Osée relève les obligations avant tout morales que 
l'alliance théocratique imposait à Israël. Ce dernier 
s'imaginait bien à tort, comme le dit un texte célèbre, 
Ose., VI, 6; cf. v, 6, et vm, 13, qu'il réussirait à s'atti- 
rer le pardon et la bienveillance de Jéhovah par un 
culte purement exlérieur, en lui immolant des trou- 
peaux entiers de victimes. Non; c'est par la miséricorde 
qu'on se rend le Seigneur propice î'est par la con- 
naissance pratique de Dieu qu'on mérite ses bienfaits. 

On a aussi établi, pour mieux comprendre le carac- 
tère spécial d'Osée, un rapprochement intéressant entre 
lui et Jérémie. L'un et l'autre ils virent approcher, 
celui-ci pour Juda, celui-là pour Israël, la catastrophe 
inévitable, et ils eurent la douloureuse mission de 
l'annoncer, d'en justifier le décret. Osée fut donc comme 
« le Jérémie du royaume du Nord ». Voir Stanley, Lec- 
tures on the History of tke Jewiih Church, édit. de 
1885, t. n, p. 317. Le prophète d'Anathoth fait d'ailleurs 
de fréquentes allusions au livre d'Osée. Cf. Ose., I, 
2, et Jer., m, 6, 8; Ose., i, 11, et Jer., m, 18; Ose., n, 24, 
et Jer., m, 19; Ose., m, 5, et Jer., xxx, 9; Ose., iv, 2, et 
Jer., vu, 9; Ose., vm, 13; tx, 9, et Jer., xrv, 10, etc. Voir 
Kueper, Jeremias Saerorum Librorum interpres et 
vindex, p. 67-70. 

Un autre fait intéressant à signaler, c'est qu'il existe 
des coïncidences assez remarquables, non seulement de 
pensées, mais aussi d'expressions, entre notre prophète 
et le Pentateuque, et l'intérêt est encore plus avivé, si 
l'on se souvient qu'Osée lui-même, vm, 12, atteste que 
la loi avait été mise par écrit et que les prêtres en 
étaient les interprètes. Cf. iv, 6. On a composé sur ce 
point des listes considérables. Voir Curtis, The Levi- 
tical Priest, 1877, p. 176-178; A. Scholz, Comment, 
zum Bûche des Proph. Bosea, p. xxxi-xxxii; Sharpe, 
Hosea, 1884, p. 72-84, et aussi Hengstenberg, Authentie 



OSÉE 



d9i6 



des Pentateuchs, t, i, p. 48-83; L. Reinke, Beitrage 
zur Erklârung des Altes Testam., t. vm, p. 158 sq. 
Qu'il suffise de noter les passages suivants : Ose., i, 2, et 
Deut., xxxi, 16; Ose., i, 9, et Lev., xxvi, 12; Ose., i, 10, 
et Gen., xxn, 17; Ose., n, 2, et Ex., i, 10; Ose., n, 5, et 
Deut., xxviii, 48; Ose., n, 17, et Ex., xxnr, 3; Ose.,n, 20, 
et Gen., îx, 2; Ose., m, 1&, et Deut., vu, 8; Ose., nr,3, et 
Deut., xx, 15; Ose., iv, 4, et Deut., xvn, 12; Ose., iv, 10, 
et Deut., xxvi, 17; Ose., v, 14, et Deut., xxxn, 39; Ose., 
"VI, 3 b , et Num., xxiv, 17; Ose., vm, 3, et Lev., xxvi, 17; 
Ose., ix, 4, et Deut., xxvi, 14; Ose.,' ix, 10, et Deut., 
xxxii, 10; Ose., xi, 1, et Deut., xxvm, 66; Ose., xn, 13, 
et Deut., xviii, 15, etc. Si tout n'est pas frappant dans 
ces rapprochements, leur ensemble ne saurait manquer 
de faire impression ; aussi divers critiques rationalistes 
ont-ils cité loyalement le fait. A une époque où l'on 
recule si hardiment la composition du Pentateuque jus- 
qu'à une date tardive, il n'était pas superflu d'attirer 
l'attention sur ce point. 

V. Plan et division du livre. — Il est évident que 
nous ne possédons, dans les quelques pages qui nous 
restent d'Osée, qu'un résumé très concis de son ensei- 
gnement prophétique; mais ce résumé nous révèle fort 
bien ce qu'était sa parole. Toutefois, on reconnaît 
presque à l'unanimité que, précisément à cause de leur 
grande concision, il est assez difficile de diviser et sur- 
tout de subdiviser ses oracles en diverses portions logi- 
ques. On peut cependant fixer quelques points de re- 
père, quelques idées mères qui les jalonnent pour ainsi 
dire. 

Osée, en rédigeant son livre, très probablement vers 
la fin de son ministère, l'a divisé en deux parties, dont 
chacune exprime des pensées analogues, mais sous une 
forme extérieure différente. Il est incontestable, en 
effet, que d'un côté les chap. i-iii, de l'autre les chap. rv- 
xiv, composent un tout complet et ont en quelque sorte 
leur vie à part. 

l°ûans la première partie, i, I-iii, 5, qu'on peut appe- 
ler, à cause de sa nature même, le livre des symboles, 
le prophète raconte et explique deux actions figuratives, 
l'une dans les chap. i et n, l'autre au chap. m, em- 
pruntées à sa propre vie domestique, qui prédisent aux 
Israélites du Nord les malheurs que leur attireront 
leurs infidélités envers le Seigneur, s'ils ne se conver- 
tissent promptement, mais qui leur promettent en 
même temps une restauration idéale, dans le cas con- 
traire. Ces trois chapitres présentent un intérêt très 
spécial, à cause de l'élément personnel qui y abonde. 
On peut les regarder comme une sorte d'introduction 
au livre entier, car ils en contiennent le principe et 
l'essence même. Voici la subdivision de cette première 
partie : — 1° Première action symbolique, empruntée à 
la vie d'Osée, i, 1-n, 1 ; — 2" Petit discours, qui expose 
en propres termes ce que le paragraphe précédent a 
décrit au figuré, n, 2-23; — 3" Deuxième action symbo- 
lique : tentative pour ramener à de meilleurs senti- 
ments l'épouse infidèle, m, 1-5. 

2» La seconde partie, iv, 1-xiv, 10, renferme deux dis- 
cours prophétiques, dans lesquels Osée blâme verte- 
ment les crimes de ses concitoyens et annonce aux 
coupables les représailles vengeresses du Seigneur : 
c'est le livre des discours, qui se termine, comme le 
précédent, par de glorieuses promesses d'avenir. Le 
premier discours va de iv, 1, à xi, 11; le second, de xi, 
12, à xiv, 10. Les commentateurs ne sont pas tous d'ac- 
cord au sujet de cette subdivision, car le second livre 
d'Osée forme une série continue, sans points d'arrêt 
bien marqués, et les mêmes pensées sont reproduites 
un peu partout: nous la croyons néanmoins préfé- 
rable à toutes les autres qui ont été proposées. Kaulen, 
par exemple, Einleitung, p. 343-344, compte dans la 
seconde partie d'Osée jusqu'à neuf petits discours, qui 
correspondent aux chapitres iï, v-vi, vu, vin, ix, s, xi, 



xii, xiii-xiv; Ewald, Die Proph. des Alten Blindes, t. i, 
p. 138 sq., partage les chapitres iv-xiv en trois sec- 
tions : l'accusation, vi, 1-vr, 11»; le châtiment, vi, ll 1 '- 
ix, 9; un retour rétrospectif sur l'histoire ancienne 
d'Israël, avec l'exhortation et la promesse, ix, 10-xiv, 13. 
Voir aussi Cornely, Introductio, t. H, pars 2, p. 529 sq. ; 
B. Nefeler, Gliederung des Bûches der zwôlf Pro- 
pheten, p. 13 sq. On peut partager comme il suit le 
premier discours : 1° Tableau de la corruption déso- 
lante qui règne dans Israël, sans exception de classes, 
iv, 1-vn, 16; 2" nécessité et annonce d'un châtiment 
sévère, vm, 1-si, l a ; 3° promesses de salut, xi, l b -ll. 
— Le second se subdivise de la même manière : 1° L'ac- 
cusation, xi, 12-xu, 14; 2" prédiction des vengeances di- 
vines, mu, 1-xiv, 1 ; 3° glorieuses promesses pour l'ave- 
nir, xiv, 2-10. — On le voit, le fond des pensées et le 
sens général sont bien essentiellement les mêmes dans 
les deux discours. Chacun d'eux se compose de varia- 
tions sur ce triple élément, qui s'y trouve plus ou moins 
développé : la constatation des fautes et les reproches, 
les menaces, les promesses. 

Les indications qui précèdent ont montré qu'il existe 
une unité et un ordre très réels dans le livre d'Osée. 
Lowth, De sacra Hebrxorum poesi, édit. d'Oxford, 
p. 280, a donc beaucoup exagéré, lorsqu'il regarde ce 
livre comme formant sparsa qusedam Sibyllse folia > 
sans aucune connexion logique. D'après ce principe, 
Eichhorn comptait seize fragments; von der Hardt, jus- 
qu'à 29; Dathe, 27, etc. 

La plupart des interprètes reconnaissent que les 
deux parties du livre ne décrivent pas la même époque. 
La première, qui suppose que la dynastie de Jéhu 
existait encore, cf. i, 6, représente les événements qui 
doivent avoir eu lieu avant 743, année vers laquelle, 
d'après les calculs basés sur la chronologie assyrienne, 
fut assassiné Zacharie, le dernier représentant de cette 
race. La seconde partie expose ce qui se passa sous les 
rois usurpateurs qui se succédèrent rapidement après 
la mort de Zacharie. La première remonte donc cer- 
tainement au règne de Jéroboam II, et c'est pour cela 
qu'elle nous montre le pays comme jouissant encore 
d'une grande prospérité matérielle. Cf. n, 5, 11-12. 
Mais on ne saurait déterminer avec précision les dates 
auxquelles correspondent les divers chapitres qui 
suivent. Les tentatives qu'on a faites parfois pour les 
fixer n'ont pas abouti à des résultats sérieux. 

VI. Osée envisagé comme écrivain. — Le plus an- 
cien jugement que nous possédions sur lui à ce point 
de vue est celui de saint Jérôme, qui disait de lui, 
Prmf. in duodecim Prophetas, t. xxxvm, col. 1015 : 
Commaticus est (c'est-à-dire, aux phrases courtes et 
brisées), et quasi per sententias loquens. Rien n'est 
plus exact. En effet, dans l'émotion que lui cause la 
vue des iniquités d'Israël et des châtiments qu'elles 
attireront infailliblement sur ce peuple ingrat, Osée 
s'exprime d'ordinaire en des propositions brèves et 
saccadées. Très souvent les phrases ne sont reliées 
entre elles par aucune particule copulative. Cf. iv, 7, 
18; v, 3% 6 b , 10; vi,10; vu, 12, 16; ix, 6, 9, 15; x, 1, 2>>, 
6, ll b ; xiv, 4, etc. Les images se précipitent d'une 
manière abrupte, s'accumulent, se heurtent même, cf. v, 
9 sq.; vi, 1 sq.; vu, 8 sq.; x, 11 sq.; xm, 3, 7 sq., 
de sorte qu'on a pu comparer le langage de notre 
prophète à un torrent impétueux. D'autre part, son 
style est habituellement très condensé, plein de vi- 
gueur, de pensées. Il y 'a dans son âme un "conflit 
perpétuel entre son amour pour ses compatriotes et 
la colère qu'il ressent, comme ministre du Seigneur, 
en voyant leur dépravation morale. Cette lutte est une 
source de beautés littéraires très réelles. Osée flotte 
sans cesse entré la crainte et l'espérance, entre les 
accusations et les consolations, l'indignation et l'amour 
qui bouillonnent à la fois dans son cœur. Cet inces- 



4917 



OSÉE 



19îê 



sant va-et-vient des pensées, ce brusque passage d'une , 
figure à une autre, joints à sa grande concision dans I 
l'expression, le rendent parfois énigmatique, souvent 
difficile à interpréter. Il est, en tant qu'écrivain, un 
homme d'émotion plutôt que de logique et il contraste, 
sous ce rapport, avec son contemporain Amos, dont on 
aime à le rapprocher, el qui est le prophète de l'argu- 
mentation bien agencée. Sa tendresse égale par instants 
celle d'une mère; sa tristesse est çà et là si poignante, 
qu'il pleure et gémit plutôt qu'il ne parle. On ne peut 
lire sans être soi-même vivement ému certains pas- 
sages tragiques ou dramatiques, tels que vi, 4; vu, 13; 
îx, 10, 14; xi, 2-4, 8 sq. 

Les traits qui suivent peuvent être cités comme carac- 
térisant le style d'Osée d'une manière plus spéciale. — 
1° Si les nombreuses images qu'il emploie sont souvent 
très suggestives (par exemple : Jéhovah, en tant que 
Dieu terrible et vengeur, est comparé à un lion, v, 14, 
à une panthère et à un ours, xm, 7-8, à la teigne qui 
dévore les vêtements, v, 12, et, en tant que Dieu de 
bonté, à la pluie bienfaisante, vi, 3, et à la rosée, xiv, 
6), il est rare qu'elles soient développées. Le prophète 
se contente fréquemment de les indiquer en quelques 
mots rapides. Cf. îv, 16; v, 14; vi, 3 b et 4 b ; vn, 4, 6, 
7, 11, 16; viir, 7; ix, 10; x, 7; xm, 3; xiv, 6, 7, 8. 
Quelques-unes de ces images sont peut-être extraordi- 
naires et hardies ; mais beaucoup d'entre elles sont 
vraiment belles, originales et appropriées à l'idée qu'elles 
ont pour but de mettre en relief (par exemple, le bon- 
heur futur du peuple théocratique représenté par le lis 
qui croît si abondamment dans la Palestine du Nord, 
parles solides racines du cèdre, xiv, 6, et par le pin 
toujours vert du Liban, xiv, 9). — 2° Osée a volontiers 
recours aux paronomases expressives. C'est ainsi qu'il 
joue sur les mots Jezrahel, i, 4, 11 ; n, 22-23, Éphraïm, 
IX, 16 ; XIV, 9, Bethaven, nom ironique donné à Béthel, 
iv, 15; x, 5. Voir aussi, dans le texte hébreu, vm, 7; 
ix, 15; x, 5 ; xi, 5, xn, ll b , etc. Il aime les inversions, cf. 
vu, 8, 9; xi, 12; xn, 8, etc., les ellipses, ix, 4; xm, 
9, etc., les antithèses, iv, 10, 16, etc. — 3° Il emploie un 
nombre assez considérable d'expressions particulières, 
plus ou moins rares. On peut citer entre autres : 
o'sibnj, n, 4; mbaj, n, 12; nri'bn, n, 15; yrh, m, 2; 

nm», v, 13; napy, vi, 8; npnT, vu, 9 ; noatf, vm, 6 ; 

v:: t-..- t :t • t - 

omn, vin, 13 ; nsratira, ix, 8 ; nrn, xm, 1 ; ni3<Nbn, 

-n- t " : - •• : : - 

xm, 5; nnl, xm, 14; vnVnn, xiv, 1, etc. Voir F. Keil, 

T ' T 

Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in die 
kanon^und apokr, Schriften des Alt. Testam., 1859, 
p. 277 ; W. Harper, A critical and exeget. Commen- 
tary on Amos and Hosea, Edimbourg, 1905, p. clxxu, 
clxxiii. — 4° Son vocabulaire est riche, varié ; aussi, 
quoiqu'il revienne constamment sur les mêmes thèmes, 
il trouve toujours des mots nouveaux pour exprimer sa 
pensée ; il ne se répète presque jamais. — 5» Parmi ses 
constructions favorites, on peut citer l'usage fréquent de 
7>n, surtout avec la signification de. «sans » (cf. m, 4; iv 
1; v, 14; vu, 7, 11; xm, 4), de îray, (cf. iv, 16; v, 7; vu, 
2; vm, 13; x, 2), etc. 

Le texte primitif d'Osée ne nous est malheureusement 
parvenu que sous une forme assez imparfaite, pomme 
l'admettent la plupart des hébraïsants. Des passages 
assez nombreux ont été visiblement altérés par les 
copistes ; quelques-uns, sans doute, d'une manière irré- 
médiable : entre autres, iv, 4, 18 ; v, 2 ; 7, 11 ; vi, 7 ; 
vu, 4; vm, 10 b , 13 ; ix, 8, 13, etc. La seconde partie du 
livre a souffert plus que la première, parce qu'elle est 
en général plus difficile à comprendre. Néanmoins, 
quoi qu'on ait dit en sens contraire, le texte massoré- 
tique est encore de beaucoup supérieur à celui des 
Septante, <r dont les leçons ne méritent qu'exception- 
nellement la préférence. » Von Orelli, Das Buch Eze- 



chiel und die zwôlf kleinen Proph., p. 201. Pour la 
critique du texte hébreu, voir Strack, Hosea et Joël 
prophétie ad fidem codicis Babylonici Petropolitani, 
Saint-Pétersbourg, 1875; Tœttermann, Varianten %um 
Proph. Hosea, Helsingfors, 1878 ; Bser, Liber duode- 
cim Prophet., Leipzig, 1878, p. 59 sq. ; Oort,dans le 
Theol. Tijdsehrift, 1890, p. 365 sq., 480 sq.; Patter- 
son, dans Hebraica, t. va, p. 190 sq.; Harper, l. c, 
p. clxxiii sq. Les conjectures faites par les critiques 
pour améliorer le texte sont très souvent dénuées de 
bases solides. 

VII. Authenticité et canonicité du livre d'Osée; 
son intégrité. — 1» L'authenticité est si bien démon- 
trée par les preuves extrinsèques accoutumées, qu'elle 
est admise à peu près unanimement aujourd'hui, 
même par l'école rationaliste la plus avancée. En effet, 
indépendamment des témoignages de la Synagogue 
(voir J. Fûrst, der Kanon des Alt. Testam., nach den 
Ueberlieferungen in Talmud, Leipzig, 1868, p. 28-29 ; 
L. Wogue, Histoire de la Bible et de l'exégèse biblique, 
Paris, 1881, p. 36 sq.) et de l'Église chrétienne 
(voir F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, n. 34-36), 
qui lui ont toujours accordé une place dans le canon 
des Saints Livres, des descriptions si vivantes, si carac- 
téristiques que celles qu'on trouve dans cet écrit, ne 
peuvent dater que du temps auquel elles se rapportent ; 
elles sont le fruit immmédiat des douloureuses circons- 
tances qu'elles exposent en termes émus et dramatiques. 
Un témoin oculaire était seul capable de tenir un pareil 
langage. En outre, les allusions fréquentes qui sont 
faites à l'histoire contemporaine nous conduisent à la 
même conclusion, car elles supposent récents et connus 
de tous, les événements qu'elles signalent. Or, on ne voit 
guère à quel écrivain on pourrait attribuer tout cela, 
sinon à celui qu'une tradition constante et le livre lui- 
même, cf. Ose., i, 1; m, 1, désignent très clairement 
comme Fauteur. On le comprend sans peine, le ré- 
sumé de ce qui avait été prêché pendant une période 
de cinquante ans (au moins) put difficilement être en- 
trepris par un autre que le prédicateur lui-même, sur- 
tout, comme c'est ici le cas, lorsque ce résumé porte le 
sceau d'un caractère si individuel. 

2" L'emploi que plusieurs écrivains sacrés, postérieurs 
à Osée, ont fait de son livre est aussi un garant de son 
ancienneté, de son authenticité, en même temps que de 
sa canonicité. Nous avons vu plus haut (col. 1914) que 
Jérémie lui a fait plusieurs emprunts. Il est permis de 
conjecturer, d'après des ressemblances assez frappantes, 
qu'Isaïel'a également connu. Cf. Ose., i, 3, et Is., vm, 
3; Ose., n, 17, et Is., n, 14; Ose.,iv, 9, et Is., xxiv,2, etc.; 
voir A. Stolz, Commentai', p. xxx, Le Nouveau Testa- 
ment le cite jusqu'à neuf fois ; ce qui est beaucoup pour 
des pages si courtes. Cf. Matth., n, 15, et Ose., xi, 1; 
Matth., ix, 13, et Ose., vi, 6; Matth., xn, 7, et Ose., vi, 6; 
Luc, xxlli, 30, et Ose., x, 8; Rom., ix, 25-26, et Ose., m 
24; ICor., xv, 55, et Ose., xm, 14; Heb., xm,15, et Ose., 
xiv, 3; I Pet., n, 10, et Ose., ir, 24; Apoc, vi, 16, et Ose., 
x, 8. 

3° M. Nowack écrivait en 1880, dans son premier com- 
mentaire sur le prophète Osée, p. 27 : « L'intégrité du 
livre est aujourd'hui partout admise ; la tentative isolée 
de Redslob, qui prétend que le passage Ose., vu, 4-10, a 
été plusieurs fois interpolé, doit être abandonnée comme 
tout à fait avortée. » Voir Redslob, Die lntegritàt der 
Stelle Hosea ir, 4-10, Hambourg, 1842. Et pourtant, 
M. Nowack lui-même, moins de vingt ans plus tard 
(1897), affirme dans son commentaire abrégé des petits 
Prophètes, p. 11, que les chapitres iv-xiv n'ont pas été 
arrangés par Osée lui-même, bien qu'ils soient de lai 
pour l'ensemble, et qu'ils contiennent des fragments 
rapportés, sans liaison avec le contexte (entre autres, 
vi, 5 ; vu, 3, 8 ; IX, 7, 10, 15 ; xn, 11-13). Il en serait de 
même, dans la première partie du livre (chap. i-in). 



1919 



OSÉE 



1920 



des passages I, 7 ; h, 1-3, 6, 8-9, 16-18, 20-25, ainsi que 
des mots « et David son roi », ni, 4. M. Nowack regarde 
aussi comme des additions postérieures les versets ou 
partie de versets énumérés ci-après, sans compter mainte 
expression isolée : iv, 6*, 11, 14 (la fin du verset), 15 a ; v, 
3*; vi, 11 ; vu, 4; vm, 1'; ix, 9 (en partie, du moins); 
X, 3, 4, 5; xi, 3M1; xii, i>>, 4»>-7, 13-14; xiv, 10, etc. 
C'est bien aller « jusqu'à l'extrême », comme l'a re- 
proché à bon droit au hardi critique A. B. Davidson, 
dans le Dictionary of the Bible, de Hastings, t. n, p. 425). 
MM. Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte Israels, 
p. 417, et Skizzen und Vorarbeiten, t. v, 1892, p. 97; 
Stade, Geschichte des Volkes Israels, t. i, p. 577; 
Cornill, Einleitung in das Alte Testant., p. 173, et 
dans la Zeitschrift fur alttestam. Wissenschaft,i$&l, 
p. 287-289; Schwelly, ibid., 1890, p. 227, et Oort, 
Theolog. Tijdschrift, 1890, p. 345 sq., 480 sq., 
l'avaient précédé dans cette voie, pour des motifs pure- 
ment intrinsèques. MM. Marti et Harper, les plus 
récents commentateurs d'Osée, l'y ont suivi très large- 
ment. M. Marti, Dodekapropheton, v» partie, p. 2-10, 
distingue le livre original d'Osée, composé de la partie 
de beaucoup la plus considérable de l'écrit, et les élé- 
ments secondaires, ajoutés par une autre main ou 
même par plusieurs autres, M. Harper, Amos and 
Hosea, 1905, p. çlix et clx, établit une distinction ana- 
logue, et, de part et d'autre, les passages éliminés ne 
sont pas moins nombreux que ceux que signale M. No- 
wack. Mais c'est un savant juif, le D r Gratz, qui s'est 
avancé le plus loin sous ce rapport, Geschichte der 
Juden,t. n,I re partie,1875,p.93 sq., p.214sq.,p.439sq., 
puisque, d'après lui, la seconde partie du livre, chap. rv- 
xiv, aurait été tout entière faussement attribuée à Osée. 
Cela revient presque à nier l'authenticité du livre, puis- 
que la majeure partie est enlevée au prophète dont elle 
porte le nom. 

Ces critiques ont prétendu agir avec quelque méthode 
en faisant leurs suppressions multiples. Ils ont rejeté 
d'abord comme apocryphes tous les passages qui se 
rapportent au royaume de Juda et à la maison de 
David : par conséquent, Ose., i, 7 ; n, 2 ; iv, 15 ; v, 5, 10, 
12-14 ; vi, 4, 11 ; vm, 14 ; x, 11 ; xn, 1, 3. On a ensuite 
supprimé ceux qui décrivent les bénédictions tempo- 
relles dont jouira le nouvel Israël après sa restauration : 
notamment H, 15-25 ; ni, 1-5 ; v, 15-vi, 3, 5 h ; xi, 10-11 ; 
xiv, 2-10. Tout cela pour des motifs entièrement subjec- 
tifs, qu'il suffit presque d'exposer pour en démontrer 
l'inanité. D'après Cornill, l. c, « l'image qu'Osée se 
fait de l'avenir ne sa.it rien d'un roi messianique issu 
de la race de David ; il ne connaît que Jéhovah et Israël, 
sans aucune autre personne intermédiaire, y Stade, 
Geschichte des Volkes Israels, t. i, p. 557, tient à peu 
près le même langage. Selon lui, l'idée qu'Osée se fai- 
sait de l'avenir différait, sur les points essentiels, de la 
manière de voir qui devint plus tard typique, grâce à 
Isaïe et à la conception qu'il s'était faite de la royauté; 
on a donc cherché après coup à insérer cette concep- 
tion dans les endroits où elle manquait. On nous ap- 
prend dans le détail comment cela eut lieu. Pendant ou 
même après la captivité de Babylone, un citoyen du 
royaume de Juda, lisant le livre d'Osée, le trouva trè 
conforme à ses propres idées sur la théocratie ; mais un 
point était incomplet : Israël ne pouvait revivre qu'à la 
condition de se réunir à Juda, ou plutôt de se soumettre 
d'une manière absolue à la royauté de Juda, et c'est 
uniquement à Jérusalem, au centre de la théocratie, 
que le Seigneur consentirait désormais à accepter des 
sacrifices. De là les interpolations indiquées. 

Cette façon de raisonner a paru très justement con- 
testable, subjective et arbitraire à de nombreux par- 
tisans de la critique biblique plus ou moins avancés. 
"Voir Kœnig, Einleitung in das Alte Testam., p. 309- 
310; A. B. Davidson, dans le Dictionary of the Bible 



de Hastings, t. n, p. 425, et surtout Kuenen, Histor.- 
kril. Einleitung, 2 e édit., t. Il, § 67, n. 9, qui en ont 
démontré la grande faiblesse. Le mot « arbitraire ■» 
suffît pour la caractériser pleinement. Ceux qui atta- 
quent si gravement l'intégrité du livre d'Osée com- 
mencent par dire : Il contient telles et telles idées; 
mais ces idées n'ont été émises pour la première fois 
qu'à une époque postérieure, par Isaïe ou d'autres ; d'où 
il suit que les passages qui les expriment ont été ajou- 
tés après coup. Chose facile à affirmer, mais que nos 
critiques sont incapables de démontrer, puisque le livre 
d'Osée est là, avec toutes les garanties extrinsèques et 
intrinsèques d'authenticité pour le détail comme pour 
l'ensemble, et que les passages relatifs soit à Juda, soit 
au glorieux rétablissement d'Israël, s'harmonisent fort 
bien avec le reste de l'écrit. Comme le dit M. Kœnig, 
Einleitung in das Alte Testament, p. 309-310, le pré- 
tendu citoyen de Juda par lequel on fait compléter le 
livre à l'avantage de ses propres compatriotes n'aurait- 
il pas supprimé les prophéties d'Osée qui sont mena- 
çantes pour eux, ou du moins ne les aurait-il pas 
transformées en oracles favorables? D'ailleurs, par elles- 
mêmes, les allusions au royaume de Juda dans le livre 
d'Osée ne doivent pas plus exciter nos soupçons que 
celles qu'Isaïe fait, de son côté, au royaume d'Israël. Il 
est vrai que,çàet ]à, Juda est mentionné par Osée d'une 
manière assez abrupte, qui surprend (par exemple, v, 
10); mais on doit avoir égard au genre brisé et saccadé 
du prophète. En outre, en maint endroit qu'on vou- 
drait éliminer, les raisons particulières apportées pour 
la suppression ne démontrent absolument rien (voir le 
commentaire du P. Knabenbauer, passim); ou bien, 
d'autres passages, regardés comme authentiques, sup- 
posent et confirment ceux que l'on accuse d'avoir été 
interpolés. L'authenticité de n, 6-7, est confirmée par v, 
6, 15, et vi, 1 sq. ; celle de n, 20, par v, 1, etc. 

Quant aux raisons alléguées par Gratz, elles 
reviennent seulement à dire : 1° que les chap. i-m sont 
remplis de symbolismes, tandis que les chap. iv-xiv 
n'en contiennent presque pas ; 2" que, dans la première 
partie, la diction est beaucoup plus calme, tandis qu'elle 
est très ardente et brisée dans la seconde. Mais ces 
dissemblances, nous l'avons vu, étaient dans la nature 
même des choses, et M. Graetz a simplement montré 
que les deux parties du livre d'Osée diffèrent l'une de 
l'autre : ce que personne ne conteste. Voir Kuenen, 
(. c, n. 11-14. On peut donc conclure avec Davidson 
lui-même, An Introduction to Old Testament, t. m, 
p. 236, « qu'Osée ait disposé les prophéties (du livre 
qci porte son nom) telles qu'elles sont à présent, on ne 
saurait en douter. » 

VIII. Auteurs a consulter. — 1» Pour les questions 
préliminaires, voir Ch. Bruston, Histoire critique de 
la littérature prophétique des Hébreux depuis les ori- 
gines jusqu'à la mort d'Isaïe, Paris, 1881, p. 82 sq.; 
"Stanley, Lectures on Jewish Church, édit. de 1885, 
Londres, t. n, p. 317 sq.; *W. R. Smith, The Pro- 
p/iets of Israël, 2 e édit., 1875, lect. iv, 2; *Lœwe, Bei- 
trâge zum Verstândniss des Proph. Hoseas, 1863; 
* Duhm, Theologieder Propheten, Bonn, 1875, p. 126 sq. ; 
*B. Kueper, Das Prophetenthum des Alten Bundes, 
Leipzig, 1870, p. 183 sq. ; *von Orelli, Die altestamen- 
tliche Weissagung, 1882, p. 254 sq. ; *W. Nowack, 
Die Zukunftshoffnung Israels in der assyr. Zeil, dans 
les Theolog. Abhandlungen, 1902, p. 33-59; O. Pro- 
cksch, Geschichtebetrachtung bei den vorexil. Pro- 
pheten, 1902, p. 14-28, 118-134; *J. Meinhold, Studien 
zur ismelit. Religionsgeschichte, t. I, 1™ partie : Elias, 
Amos, Hosea, Jesaja, 1903; *P. Kleinert, Die Profe- 
ten Israels in sociale^ Beziehung, Leipzig, 1905, 
p. 38-47. — 2° Pour l'explication détaillée, on peut 
consulter les auteurs suivants : A) Commentateurs ca- 
tholiques. Dans l'antiquité, saint Èphrem, Opéra sy- 



1921 



osée — osmis 



1922 



riaca, t. n, p; 234-315, Théodoret de Cyr, t. lxxxi, 
col. 1545 et suiv., saint Cyrille d'Alexandrie, t. lxxi, 
•col. 1 et suiv., saint Jérôme, t. xxv, col. 815 et suiv. ; 
■au moyen-âge, Théophylacte, t. cxxvi, col. 563 et suiv.; 
dans les temps modernes, Ribera, Sanchez, Cornélius a 
Lapide, Calmet, qui ont expliqué tous les petits pro- 
phètes; dans la première moitié du XIX e siècle, P. F. 
.Ackermann, Prophètes minores perpétua annotatione 
illustrati, Vienne (Autriche), 1830, et J. Scholz, Die 
•zwôlf klein. Propheten, Francfort, 1833. De nos jours, 
P. Schegg, die klein. Propheten ùbersetzt und erklârt, 
Ratisbonne, 1854; 2» édit., 1862, t. i; Ant. Scholz, Com- 
mentar zum Bûche des Proph. Hoseas, Wurtzbourg, 
1884; Trochon, Les petits Prophètes, Paris, 1883; 
J. Knabenbauer, Commentar. in Prophetas minores, 
Paris, 1886, t. I; L.-Cl. Fillion, La sainte Bible com- 
mentée, t. vi, p. 339-387, Paris, 1897. — B) Les prin- 
cipaux commentateurs protestants et rationalistes du 
prophète Osée depuis la fin du xvn 8 siècle sont les sui- 
vants : E. Pocock, Commentary on Hosea, 1685; H. von 
der Hardt, Hoseas cum Targ. et commentar. Rab- 
bin., 1703, 2 e édit., 1775; Rosenmûller, Scholia in 
Vet. Testamen., t. vu, 1™ partie, 1812, 2= édit., 1827; 
H. Ewald, Die Propheten des Alt. Testam. erklssrt, 
Stuttgart, 1840, 2» édit., 1867, t. i, p. 171-247; F. Hitzig, 
Die zwôlf klein. Propheten, Leipzig, 1838; 4 e édit. pu- 
bliée par Steiner, en 1881 ; Umbreit, Practischer Com- 
mentar vber die kl. Propheten, Hambourg, 1844; H. 
Simson, Der Prophet Hosea erklârt und ùbersetzt, 
1851; Pusey, The Minor Prophets with a Commentary 
explanatory and practical, Londres, 1860;A. Wîinsche, 
Der Prophet Hosea ùbersetzt und erklârt mit Benut- 
zung der Targumim und der jûdischen Ausleger, 
Leipzig, 1868;. F. Keil, Die zwôlf kleinen Propheten, 
Leipzig, 1866; von Schmoller, Die Propheten Hosea 
Joël und Amos, Bielefeld, 1872; A. Elzas, The Minor 
Prophets, Londres, 1873, t. i, p. 12-92; W. Nowack, 
• Der Prophet Hosea erklârt, Berlin, 1880; K. A. B. Tœt- 
termann, Die Weissagungen Hoseas bis zur erstem 
assyrisch. Déportation (Ose., i, 1-vi, 3), Wûrzbourg, 
1882; E. Huxtable, dans le Speaker's Commentary, 
X. vi, Londres, 1882, p. 388-491 ; T. K. Cheyne, Hosea 
with Notes and Introduction, Cambridge, 1884; J. Sharp, 
Notes and Dissertations on Hosea, 1884; von Orelli, 
Dos Buch Ezechiel und die zwôlf kl. Propheten, Nord- 
lingue, 1888; La Bible annotée par une société de 
théologiens et de'pasteurs, Paris, s. d. : Les Prophètes, 
t. m; J. T. de Visser, Hosea de man des Geestes, 
Utrecht, 1886; Reynolds et Whitehouse, dans Ellicolt, 
An Old Testam. Commentary, t. v, p. 411-434; Hosea 
translaled from the Hebrew, with Notes explanatory 
and critical, Londres, 1892; J. Wellhausen, Die kl. 
Propheten ùbersetzt mit Noten, 2 e édit., 1893, p. 12-26, 
95-131 ; J . P. Valeton Junior, Amos en Hosea, Nimègue, 
1894 (une traduction allemande a été donnée en 1898, 
par P. R. Echternacht) ; W. Nowack, Die kl. Prophe- 
ten ùbersetzt und erklârt, Gœttingue, 1897; J. Marti, 
Dodekapropheton erklârt, l re partie, Tubingue, 1903; 
W. R. Harper, A critical and exegetical Commentary 
on Amos and Hosea, Edimbourg, 1905. 

L. Fillion. 
1i OSIANDER, André, théologien protestant, né à 
Guntzhausen, près de Nuremberg, le 18 décembre 1498, 
mort à Kœnigsberg le 17 octobre 1552. A 22 ans il com- 
mença à professer l'hébreu qu'il avait appris au couvent 
-des! Augustins de cette ville. Dès l'an 1522, il se mit à 
prêcher les principes de la Réforme : aussi en 1529 fut-jl 
député au colloque de Marbourg et plus tard il prit une 
part très active aux conférences où furent discutés les 
articles de la confession d'Augsbourg. Après la publica- 
tion de l'Intérim en 1548, il quitta Nuremberg et il 
était sur le point de se rendre en Angleterre lorsqu'on 
lui offrit une chaire de théologie à l'université de Jiœnigs- 

DICT. DE LA BIBLE. 



berg, qui venait de se fonder. Il se sépara des luthériens 
par ses doctrines sur la justification et son enseigne- 
ment fut déféré au synode de Wittemberg. Parmi les 
écrits d'Osiander nous avons : Harmonise evangelicse 
libri quatuor, in quibus Evangelica historia ex TV evan- 
gelistis ita in unum est contexta, ut nullius verbum 
ullum omissum, nihil alienumimmixtum, nullius ordo 
turbatus, nihil non suo loco positum, in-f», Bâle, 1537; 
in-8°, Anvers, 1540; Bibiia sacra qum, prrnter antiques 
latines versionis necessariam emendationem, et diffi- 
ciliorium locorum succinctam explicationem, multas 
insuper utilissimas observationes coniinet, in-f°, Tu- 
bingue, 1600. — Voir Walch, Biblioth. theologica, t. iv, 
p. 858; C. H. Wilken, A. Osiander' s Leben,Lehren und 
Schriften, in-4°, 1844. B. Heurtebize. 

2. OSIANDER Jean Adam, exégète luthérien allemand, 
né à Vaihingen, dans le Wurtemberg, le 3 décembre 
1626, mort à Tubingue le 26 octobre 1697. Il fut en 1680 
chancelier de l'Université de cette dernière ville. Parmi 
ses ouvrages, on remarque Commentarius in Penta- 
teuchum, 5 in-f°, Tubingue, 1676-1678, qui jouit long- 
temps d'une grande réputation; In Josuam, in-f°, 
Tubingue, 1681; In Judices, in-f°, Tubingue, 1682; In 
librum Ruth, in-f°, Tubingue, 1682; In primum et 
secundum librum Samuelis, in-f°, Stuttgart, 1687; 
Primitim evangelicse seu dispositiones in Evangelia 
dominicalia et festivalia, 14 parties in-4», Tubingue, 
1665-1691 ; Disputationes academicse in prsecipua et 
maxime controversa Novi Testamenti loca, in-8°, 1680. 

3. OSIANDER Lucas, surnommé l'ancien, fils d'An- 
dré Osiander, controversiste et exégète luthérien alle- 
mand, né à Nuremberg le 16 décembre 1534, mort à 
Stuttgart„le 7 septembre 1604. Il devint en 1596 surin- 
tendant général des églises de Wurtemberg, mais ses 
attaques contre les Juifs l'obligèrent à renoncer à sa 
charge en 1598. Parmi ses publications, nous mention- 
nerons seulement Bibiia latina ad fontes hebraici tex- 
tus emendata, cum brevi et perspicua expositione 
illustrata, 7 in-4», Tubingue, 1573-1586; 13» édid., 1635. 
David Forster en a donné une traduction allemande. 
Stuttgart, 1609, laquelle a eu aussi plusieurs éditions. 

OSIER. Voir Saule. 

OSIRIS, un des dieux du Panthéon égyptien (fig. 501). 
Quelques critiques croient trouver son nom dans un 
texte d'Isaïe, x, 4, en le ponctuant, il est vrai, différem- 
ment dé la tradition massorétique. Dans le jugement 
porté par le Seigneur contre Éphraïm, le prophète 
demande aux Israélites ce qu'ils feront au jour de la 
catastrophe, en qui ils chercheront du secours et où ils 
déposeront leurs trésors. Il ajoute : 

Il ne reste qu'à se courber parmi les captifs 
Ou à tomber parmi les tués. 

C'est bien le sens du premier vers, tel qu'il est 
ponctué dans le texte massorétique, Bilti kara' (afyaf 
'assîr, -i»én nnn 713 >nb3. Bien qu'il y ait brusque chan- 
gement de personnes en passant du verset 3 au ver- 
set 4 (la 3 e personne du singulier au lieu de la 2 e du 
pluriel, comme le met du reste la Vulgate), et qu'on 
donne au mot ta/.iaf, « sous, à la place de, » le sens de 
« parmi, » la traduction de ce verset donnée plus haut 
peut se défendre et s'harmonise assez bien avec le con- 
texte. Cependant ces difficultés ont amené plusieurs 
critiques à supposer une autre lecture du texte. Le pre- 
mier qui l'a proposée est Paul de Lagarde, Symmicta, 
1870, in-8", p. 105, qui cite un certain nombre d'adhé- 
sions à son hypothèse, Mittheilungen, in-8", Gœt- 
tingue, 1884, t. i, p. 210. Th. Cheyne, dans Polychrome ■ 
Bible, Isaïah, English translation, p. fO, 137, défend 

IV. - 61 



1923 



osmis 



OSORIO 



1924 



cette opinion. D'après ces critiques, il faudrait ainsi 
couper et ponctuer les mots du texte : nn nma »nba 
TDN, Bèlti kara'af, haf 'osir, c'est-à-dire : Bellis est 
tombée, Osiris est brisé. Inutile aux Israélites de se 
fier dans les divinités des Phéniciens, elles ne leur 
seront d'aucune utilité; car elles ne se sauveront pas 
elles-mêmes de la ruine. Il n'est pas étrange de trouver 
ici Osiris associée à Beltis. Beltis ou Baaltis est une 
déesse phénicienne, spécialement honorée à Gebal ou 
Byblos, dont le culte a beaucoup emprunté à celui de 
l'Isis égyptienne, comme la légende d'Osiris a pénétré 
le mythe de Baal ou d'Adonis. Gh. Vellay, Le culte et 




501. 



■ Statuette d'Osiris. Musée du Louvre. 



les fêtes d'Adonis Thammouz dans l'Orient antique 
{Annales du musée Guimet, t. xvi), in-8°, Paris, 1904, 
p. 9, 52, 65, 167, 172. On sait d'ailleurs que l'influence 
égyptienne s'est fait sentir le long des côtes phéni- 
ciennes : la légende faisait aborder à Byblos le corps 
d'Osiris. Les inscriptions araméennes donnent aussi 
bien iDNiba, milkosiris que byrcbn, Milkbaal Corpus 
Inscript. Semit, 123; M. J. Lagrange, Études sur les 
religions sémitiques, in-6, Paris, 1903, p. 103. Des Israé- 
lites, habitant près de la Phénicie, auraient mis leur 
confiance dans Isis et Osiris, hpnorés dans ces régions, 
et Isaïe, x, 4, leur reprocherait la vanité de leurs espé- 
rances. Cf. Amos, v, 25. 

Comme Baal est le dieu solaire des Araméens, Osi- 
ris est aussi pour les Égyptiens le dieu soleil, mais 
dans sa révolution nocturne, tandis qu'il se nomme Ra 
lorsqu'il parcourt les douze heures du jour. Set, le dieu 
des ténèbres et de la nuit, veut tuer le dieu soleil, 



mais c'est en vain, celui-ci reparaît le lendemain sous 
la forme d'Horus, ou soleil levant. Comme pour Osiris, 
l'existence de chaque homme était comparée à celle du 
soleil : sa naissance «st comme le lever du soleil à 
l'Orient, sa mort, comme la disparition du soleil à 
l'Occident. Par la mort, chaque Égyptien devenait un 
Osiris et descendait dans la nuit du tombeau et du 
royaume inférieur jusqu'au jour où il devra renaître à 
une autre vie comme Hor-Osiris. 

Ce mythe solaire, qui joue un si grand rôle dans la 
religion égyptienne a été humanisé dans la légende 
suivante : Osiris et Set étaient frères. Ce dernier, 
jaloux d'Osiris, l'avait assassiné, avait coupé son corps 
en morceaux qu'il renferma dans un coffre et jeta à la 
mer. Après de multiples recherches, Isis avait retrouvé 
le corps de son mari et frère, par ses larmes et ses 
baisers elle avait ranimé son cadavre au point qu'elle 
avait pu en avoir un fils Horus, qui n'est qu'Osiris 
réincarné. Cette légende était reçue en Phénicie, puisque, 
comme on l'a vu, les Phéniciens faisaient aborder à By- 
blos le corps d'Osiris. Tout ceci peut servir à autoriser 
la lecture et la traduction nouvelle de ce passage d'Isaïe, 
sans que cependant, tout bien considéré, elles parais- 
sent devoir l'emporter sur le sens communément reçu. 

E. Levesque. 

OSMA DELGADO (Rodrigue d'), théologien espa- 
gnol, né à Badajoz le 21 juillet 1533, mort dans cette 
même ville en 1607. Prêtre et chanoine, cet auteur très 
versé dans la théologie et les langues orientales a laissé 
de nombreux écrits parmi lesquels : De auctorilate 
S. Scriptural librilll, in-4», Valladolid, 1594; Opéra ad 
sanctorum IV Evangeliorum cognitionem spectantia, 
scilicet IV Evangeliorum recens recognita translatio, 
cui e regione vêtus et vulgata editio respondet. Prsece- 
dit chronographia ab O. C. ad excidium Hierosoly- 
mitanum : Topographia locorum ad sacras Literas 
pertinentium ; de consensu et ordine Evangelistarum 
liber. Sequuntur IV Evangélicse Historiée coagmen- 
tatse libri; paraphrasis Evangélicse Historias libri IV, 
2 in-f°, Madrid, 1601 ; Expositio sive paraphrasis in sa- 
cros cl Psalmos et in Cantica Canticorum cum anno- 
tationibus et scholiis, in-4°, Madrid, 1601. — Voir 
N. Antonio, Biblioth. Hispana nova, t. Il, p. 265. 

B. Heurtebize. 

OSORIO Jérôme, théologien catholique portugais, 
né à Lisbonne en 1506, mort à Tavilla, le 20 août 1580. 
Il appartenait à une famille illustre, qui prit grand soin 
de son éducation : à treize ans, on l'envoya à Sala- 
manque pour y étudier le latin et le grec ; à dix-neuf ans, 
il vint à Paris, où il étudia la philosophie; mais il y 
demeura peu, et passa de là à Bologne, où il suivit avec 
autant d'intérêt que de profit les leçons d'hébreu et 
d'Écriture sainte. Revenu en Portugal, il fut chargé par 
le roi Jean III d'un cours d'exégèse biblique : aussi 
savant qu'éloquent, il expliqua avec grand succès le 
prophète Isaïe et l'épître de Saint-Paul aux Romains. 
Ordonné prêtre peu de temps après, il fut, grâce à la 
protection de l'infant Louis de Portugal, nommé curé 
de Tavara; mais bientôt le cardinal Henri, frère du roi 
Jean et évêque d'Evora, le fit archidiacre de ce diocèse. 
Enfin Catherine d'Autriche, veuve du roi Jean et régente 
du royaume pendant la minorité de Sébastien son petit- 
fils, le fit nommer évêque de Silves. Il chercha vaine- 
ment à détourner le roi Sébastien de l'expédition 
d'Afrique qu'il méditait. Il fit à Rome un court séjour, 
pendant lequel il fut traité avec la plus grande faveur 
par le pape Grégoire XIII, qui estimait singulièrement 
son savoir et sa vertu. De retour dans sa patrie, il 
employa l'autorité morale qu'il avait sur les populations 
à les empêcher, de se mêler aux troubles qui agitèrent 
le pays après la mort du roi. Dès lors, il demeura dans 
son diocèse jusqu'à sa mort. Ses œuvres complètes ont 
été publiées par son neveu, appelé comme lui Jérôme 



1925 



OSORIO — OTHONIEL 



1926 



Osorio, sous ce titre : Opéra omnia Hier. Osorii nepo- 
tis diligentia in unum collecta, 4 petits in-f», Rome, 
1552. Une autre édition a paru à Rome, également en 
4 in-f», en 1592, sous un titre un peu différent. Il s'y 
trouve plusieurs commentaires des livres de la Bible : 
dans le tome n : In Epistolarn B. Pauli ad Romanon! 
dans le tome m : Paraphrasis in Job libri 111; Para- 
phrasis in Psalmos; Commentaria in Parabolas Salo- 
tnonis; Paraphrasis in Salomonis Sapientiam ; dans 
le tome iv : Paraphrasis in Isaiam libri V (imprimé 
séparément à Bologne, 1577, in-4°, et à Cologne, 1584, 
in-8°) ; Commenlarius in Oseam prophetam ; Commen- 
tarius in Zachariam ; In Evangelium Joannis oratio- 
nes xxi. — Voir Nicéron, Mémoires pour servir à l'his- 
toire des hommes illustres, in-16, Paris, t. xi, 1730, 
p. 202, et t. xx, 1732, p. 30. C'est par erreur qu'André 
Schott, Hispanix bibliotheca, p. 532, attribue plusieurs 
de ces ouvrages à Jérôme Osorio le neveu. 

A. Régnier. 
OSTERVALD Jean Frédéric, théologien protestant 
suisse, né à Neuchâtel en 1663, mort dans cette ville le 
14 avril 1747. Il avait étudié à Zurich, à Saumur, à Or- 
léans, à Paris et à Genève. Il exerça les fonctions de 
pasteur dans sa ville natale. Il est surtout connu par 
son édition de la traduction française de la Bible, de 
Genève, revisée par lui et publiée pour la première 
fois, 2 in-f°, à Amsterdam, en 1724 : La Sainte Bible 
avec les nouveaux arguments et les nouvelles réflexions. 
Elle a eu de très nombreuses éditions et a été en vogue 
chez les protestants français. Voir Françaises (Versions) 
de la Bible, t. n, col. 2264-2265. Cf. Particularitez 
concernant la vie et la mort de M. J. F. Ostervald, 
dans Unparlheiische Kirchenhistorie Alten und Neuen 
Testaments, Iéna, 1754, t. ni, p. 1095 etsuiv. 

OTAGE (hébreu : 6e» fa'ârûbâh; grec : fi[i»)pov; 
Vulgate : obses), personne que l'on remet aux mains 
des étrangers ou des ennemis, en garantie de l'exécu- 
tion d'une promesse. — Joas, roi d'Israël, ayant vaincu 
et pris Amasias, roi de Juda, entra à Jérusalem et s'em- 
para des trésors du Temple et du palais royal. Puis il 
rendit à Amasias sa liberté et son royaume; mais, en 
gage de sa soumission et pour couper court à toute 
idée de revanche, il emmena avec lui à Samarie des 
otages choisis sans doute parmi les familles les plus 
considérables du royaume de Juda. II Reg., xiv, 14; 
Par., xxv, 24. Voir Amasias, t. i, col. 445. Les Septante 
traduisent benë ta'ârûbdh, « fils de caution, » par uioi 
tùv <ru|X|xî?ewv, « Bis des mélanges, » en rattachant le 
mot hébreu au verbe chaldéen 'ârab, « mêler. » La 
Vulgate rend l'hébreu par obsides dans le livre des Rois, 
et trop servilement par filios obsidum, « fils d'otages, » 
dans le livre des Paralipomènes. En dehors de ce cas, 
il n'est pas question d'otages dans l'histoire d'Israël 
avant la captivité. Les Assyriens et les Chaldéens, au 
lieu d'emmener des otages, faisaient des déportations 
en masse et envoyaient des populations entières d'un 
pays dans un autre. Voir Captivité, t. n, col. 227, 229. 
— A l'époque des Machabées, il est fait mention de plu- 
sieurs otages. Antiochus Épiphane fut otage à Rome. 
I Mach., i, 11. Voir t. i, col. 693. Antiochus le Grand 
avait été obligé, après sa défaite par les Romains, de 
leur livrer des otages. I Mach., vm, 7. Voir t. i, 691. 
Bacchide, général syrien du temps de Jonathas Macha- 
bée, devint maître de toute la Palestine, prit en otages 
les fils des principaux du pays et les retint prisonniers 
dans la citadelle de Jérusalem. I Mach., ix, 53. Vaincu 
à son tour, Bacchides sut faire la paix avec Jonathas. 
Pour obtenir le concours de ce dernier contre Alexandre 
Balas, son compétiteur, Démétrius Soter, roi de Syrie, 
offrit différents avantages à Jonathas, et, entre autres 
choses, lui fit remettre les otages détenus dans la cita- 
delle. Jonathas les rendit à leurs parents. I Mach., x, 



6, 9. A son tour celui-ci, après avoir reçu la ville de 
Gaza à composition, prit les fils des chefs comme otages 
et les envoya à Jérusalem. I Mach., xi, 62. Enfin, quand 
Simon eut pris le commandement à la place de son 
frère, le général syrien, Tryphon, lui demanda, en vue 
de la paix et de la délivrance de Jonathas, de lui en- 
voyer comme otages deux des fils de ce dernier. Simon y 
consentit à contre-cœur, se doutant bien qu'on agissait 
de mauvaise foi. Le perfide Syrien garda en effet les 
enfants et ensuite tua Jonathas. I Mach., xm, 15-23. 

H. Lesêtke. 
OTHÉI (hébreu: 'Utaï, « qui porte secours; » Sep- 
tante : rWO;); fils d'Ammiud, de la tribu de Juda, de la 
famille de Phares. C'est le premier nommé des enfants 
de Juda qui habitèrent Jérusalem après le retour de la 
captivité de Babylone. I Par., ix, 4. Beaucoup de com- 
mentateurs le confondent avec Athaïas (hébreu : 'H-fâyâh), 
parce qu'il est nommé le premier parmi les descen- 
dants de Juda (et de Phares, selon le texte hébreu, 
qui s'établirent à Jérusalem après la captivité, II Esd., 
xi, 4, mais quoique les consonnes du nom soient à peu 
près les mêmes, la généalogie des deux personnages 
est différente, excepté pour leur ancêtre commun Juda (et 
Phares). Un autre Israélite qui s'appelle aussi 'Ufaïdans 
le texte hébreu, I Esd., vm, 14, est appelé Uthaï dans 
la Vulgate, qui s'est ici plus rapprochée de la ponctua- 
tion hébraïque que pour Othéi. Voir Uthaï. 

OTHIR (hébreu: Mâfir ; Septante: 'QOvipi), le trei- 
zième des fils d'Héman, de la tribu de Lévi. I Par., xxv, 
4. Il fut le chef de la vingt et unième division des 
chanteurs, composée de douze de ses fils et de ses 
frères, du temps de [David. I Par., xxv, 28. Voir HÉ- 
man 3, t. m, col. 587. 

OTHNI (hébreu : 'Otni ; Septante : 'Oôvt), l'aîné des 
six fils de Séméi, qui sont appelés « des hommes vail- 
lants ». Ils étaient de la tribu de Lévi, de la branche 
de Coré, et furent chargés de la garde des portes de la 
maison de Dieu. I Par., xxvi, 7, 12. 

OTHOLIA (hébreu: 'Âfalyâh; Septante: ToBoXfo), 
de la tribu de Benjamin, des « fils de Jéroham », un 
des chefs de famille qui résidèrent à Jérusalem. I Par., 
vm, 27. — Le texte hébreu donne le même nom à deux 
autres personnages, la fille d'Âchab et le père d'un 
des captifs qui revinrent de Babylone. La Vulgate 
les appelle Athalie et Athalia. Voir ces noms, t. i, 
col. 1207. 

OTHONIEL {'ofnî'êl, « lion de Dieu; » Septante : 
ToôovfriX, le y grec remplaçant ici le r hébreu, comme 
dans Tâ?a pour 'azzâh, Sriyâip pour sô l ar, etc.; Vul- 
gate : Othoniel et une fois Gothoniel, I Par., xxvn, 15), 
le premier des Juges d'Israël après Josué. — Othoniel 
était fils de Cénez, frère de Caleb. Ce dernier avait 
reçu pour son lot un territoire situé dans la tribu de 
Juda. Dans ce territoire se trouvait la ville de Ca- 
riath-Sépher, encore occupée par une population cha- 
nanéenne. Voir Cariath-Sépher, t. n, col. 278. Caleb 
promit de donner en mariage sa fille Axa à qui s'empa- 
rerait de la ville. Othoniel accomplit cet exploit et prit 
pour femme Axa. Celle-ci avait reçu de son père un 
domaine qui lui parut trop aride. Elle excita Othoniel 
à demander à Caleb un champ mieux arrosé; mais en fin 
de compte, elle se décida à intervenir elle-même et 
obtint adroitement ce qu'elle souhaitait. Jos., xv, 13-19; 
Jud., i, 12-15. Voir Axa, t. i, col. 1294. La Vulgate fait 
d'Othoniel un jeune frère de Caleb, qui lui-même, 
d'autre part, Num., xxxii, 12, est appelé fils deJéphoné 
et Cénézéen, c'est-à-dire descendant de Cénez. Voir 
Cénézéen, t. il, col. 421. Cénez serait ainsi un ancêtre 
commun à Caleb et à Othoniel, et ce dernier ne serait 



1927 



OTHONIEL 



OUBLI 



4928 



fils de Cénez el jeune frère de Caleb que dans un sens 
large, par conséquent cousin de Caleb et d'Axa et, par 
son âge, plus rapproche de celle-ci que de son père. 
Les Septante voient en Gênez un frère de Caleb, ro8ovtr|X 
uiô{ Kevèî; àêeXipoO XiXeê, ce qui supposerait deux Cénez, 
l'un ancêtre patronymique et l'autre, frère de Caleb et 
père d'Othoniel; ce dernier serait alors le propre neveu 
de Caleb et le cousin germain d'Axa. Le texte hébreu se 
prête à l'un et à l'autre sens; il ne peut par conséquent 
servira élucider la difficulté. Cf. F. de Hummelauer, In 
libr. Judicum et Ruth, Paris, 1888, p. 45. Quelle que 
soit la solution adoptée, il est certain qu'Othoniel était 
cousin d'Axa ; il pouvait même être cousin germain 
sans que la Loi mît opposition à son mariage. — 
Après la mort de Josué, les Israélites de la génération 
qui n'avait pas vu les merveilles de l'entrée en Cha- 
naan et de la conquête du pays, oublièrent Jéhovah 
et se mirent à adorer les Baals et les Astartés des 
Chananéens qui les entouraient. Mal leur en prit, car, 
pour leur châtiment, Jéhovah les laissa opprimer par 
les peuples dont ils partageaient l'idolâtrie. Jud., h, 10- 
m, 6. Durant la vie d'Othoniel, assez peu d'années par 
conséquent après la mort de Josué et de Caleb, un roi 
de Mésopotamie, Chusan-Rasathaïm, descendit jusqu'en 
Palestine, battit les Israélites et leur imposa un tribut. 
Cf. Josèphe, Ant. jud-, V, iii, 2. Ce roi n'est encore 
connu que par la Bible; les documents cunéiformes 
n'ont rien révélé à son sujet. Cf. Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 96. La 
sujétion des Israélites dura huit ans, au bout desquels 
ils se tournèrent vers Jéhovah, comme vers leur Dieu 
unique, et lui demandèrent secours. L'esprit de Jého- 
vah vint alors sur Othoniel, qui jugea Israël et marcha 
à la guerre, ce qui signifie que, sur l'inspiration de Dieu, 
l'ancien conquérant de Cariath-Sépher prit le comman- 
dement des guerriers Israélites et commença la campagne 
contre les oppresseurs. Josèphe, loc. cit., suppose 
qu'Othoniel mit à mort la garnison laisée par Chusan- 
Rasathaïm et qu'à l'aide des partisans nombreux qui se 
rangèrent sous ses ordres à la suite de ce premier exploit, 
il put faire face au roi mésopotamien, accouru pour 
maintenir sa suzeraineté, le battît et le força à regagner 
l'Euphrate. L'auteur sacré ne dit rien ni sur le genre 
d'oppression que Chusan-Rasathaïm exerçait contre 
Israël, ni sur la manière dont Othoniel entreprit et mena 
sa campagne victorieuse. En somme, les Israélites 
furent délivrés du joug étranger; la tranquillité régna 
ensuite dans leur pays pendant quarante ans et Otho- 
niel mourut. Jud., m, 7-11. Ces événements se passèrent 
vers 1409-1400 avant Jésus-Christ, c'est-à-dire à une 
époque où les rois d'Assyrie, n'ayant rien à craindre 
des rois de Babylonie avec lesquels ils avaient fait 
alliance, pouvaient impunément pousser leurs pointes 
dans les pays du sud-ouest. Voir Assyrie, t. î, 
col. 1165. H. Lesètbe. 

OTTOBONIANUS (CODEX). - I. Le manuscrit 
cursif du Vatican coté Ottoboni grec 298 doit sa célé- 
brité au fait qu'il est le seul témoin grec du Comma 
Joanneum (I Joa., v, 7); car le Ravianus de (Berlin, 
copié au xvi 8 ou au xvn° siècle sur la Polyglotte d'Al- 
cala, le Neapolitinus {Bibliot. Kaz. II, Aa, 7), où le 
verset est ajouté en marge d'une main du xvn c siècle, 
et le Montforlianus de Dublin (Trinity Coll., G. 97), 
fabriqué au xvr siècle pour relever le défi d'Erasme, 
ne comptent pas et n'auraient jamais dû compter. C'est 
un petit in-12 (0,171 X 0,421) du xv« siècle, ayant 
263 feuillets a deux, colonnes de 27 lignes et contenant 
les Actes, les Épîtres catholiques et celles de saint Paul. 
Gregory et Scrivener le -désignent par les numéros 
162 a " 200p m1 , von Soden par le sigle « 460. — Il est 
grec-latin ou plutôt latin-grec, le latin ayant été écrit 
d'abord à gauche de chaque page et le grec ajouté après 



coup et trop souvent accommodé au latin. On s'en fera 
une idée par ces deux exemples du f° 120 recto : 



Ignoratis fres qa qcqe 
baplizati sum. + Côse 
pulti en sum eu illo p 

+ î i îhûï 

morte ipsius 

baptizati 

sumus 

(note marginale) 



'A-yvosîTE kSeXipoi ûti Saot 

eoaTrria-ôïjfxev. + çvve 
TàçT|[iev oîiv aÙTâ) 8tà toû 

+ eiç yy tv etç 
tov IjàvaTov aÛTou 

iëxizri 

o8lf)|J.EV. 

(note marginale) 



Et quelques lignes plus bas avec renvoi à la marge 
inférieure : 

ïïlt nô Iviamus peêc U jj.t|xéti SovXe-jeiv T^aq t§ 



Si ë morlui sum cù XPo 

U q enî mortuus e justiûeat 5 
a peccato. 



[âjj.«p U 
Et 8È à-rreftàvoiiEv tuv yw 

Un pareil codex n'a pour le grec aucune valeur cri- 
tique et il ne méritait pas l'honneur que lui fit le car- 
dinal Wiseman en reproduisant en fac-similé le passage 
qui contient le verset des trois témoins célestes, f° 105 
verso : 

ritas. Quia très sunt 
qui testimoniû dàt in 
cœlo. pat. vbu et sp ses 



et hii très unù sût. Et 
très sût qui testimoniû 
dant ï tra. sps. aqua et 

sanguis. Si testimoniû 



Tjta. "O-ct rpeiî eîstv 
ot [iap-rypoOvcEç âîro toj 
ovvoO •7tTip , X<5foç xai rcv« 
[âftov 

xai ol tpEÏç tl( tô l'v sia-t xocl 
Tpsîç EÎaiv oi [j.apTupo0vT&c 
aizb TTjç vr ( ç*TO 7CV3 to xiSwp 
[x«\ 
to at[ia. Et -ct]v (jtotp-cuptav 



On savait déjà que les codex bilingues sont très sujets 
à caution; tantôt c'est le latin qui est modifié d'après le 
grec, tantôt le grec d'après le latin. L'Ottobonianus 258 
nous offre de nombreux exemples du premier phéno- 
mène ; car le grec avait été écrit tout d'abord à l'inté- 
rieur des pages, attendant le latin qui a été naturelle- 
ment calqué sur le grec. En voici un exemple caracté- 
ristique : 

Kai to irva êarcv xo [xocpTv- Et sps e qui testificatur 

[poûv 
Sti to irva èortv r\ àXiîOEta - qm sps e veritas. Qm très 

[oit TpEt; 
eï<7tv ol fj.qpT^poùvTst • to sut qui testimoniû dât. sps 

[itVCt TO 

GSdjp xai tô alfia - xoù oi aqua et sanguis. et hii 
[TpEt; s!? [très unû 

h elaiv'ei Trjv [locpîupt'av sût. Si testimoniû 

Au Xiv s. — car VOttob. 258 (Gregory-Scrivener : 
i6i* a , i98<-"> 1 69^" c , von Soden a 400) est de la fin du 
XIV e s. — presque tous les textes latins avaient le Comma 
Joanneum et la variante singulière quoniam Spiritus 
est veritas ne peut guère dériver que du grec. 

F. Pbat. 

OUBLI (hébreu : neSîyàh, de ndsâh, « oublier^; » 
Septante, une fois : ÈitiXr)iT[j.ov'r 1 , Eccli., xi, 27 (29); 
S. Pierre, II, i, 9, une fois : Xt,6ï); Vulgate : oblivio) 
manque de mémoire sur un point donné. 

1" Au sens littéral. — La Loi dispose que celui qui a 
oublié une gerbe dans son champ doit la laisser pour 
les malheureux. Deut., xxiv, 19. Le chef des échansons 
oublia Joseph dans sa prison. Gen., XL, 23. Les Apôtres 
oublièrent de se munir de pain avant de traverser le lac. 
Matth., xvi, 5; Marc, vin, 14. La mort fait qu'on est 
bien vite oublié. Eccle., u, 16; vin, 10; rx, 5; Sap., n, 



1929 



OUBLI 



OURAGAN 



1930 



4. Il ne faut pas s'éloigner des puissants si l'on ne veut 
pas en être oublié. Eccli., xm, 13. Moïse donna aux 
Israélites un cantique que la postérité ne devait pas 
oublier, Deut., xxxi, 21, et Jérémie remit aux déportés 
un exemplaire de la Loi pour qu'ils ne l'oubliassent pas. 
II Mach., n, 2. 

2° Au sens figuré. — 1. On oublie certaines choses en 
ce sens qu'on n'en tient plus compte. Les années de 
disette devaient, faire oublier les années d'abondance, 
Gen., xli, 30, de même qu'au jour du bonheur on oublie 
le malheur, et réciproquement. Eccli., xi, 29. Cf. Job, XI,, 
16. Dieu fera venir sur son peuple coupable une honte 
qu'il n'oubliera pas. Jer., xxin, 40; mais un jour, Israël 
régénéré oubliera la honte de sa jeunesse, Is., uv, 4, et 
les angoisses d'autrefois. Is., lxv, 16. Joseph donna à 
son premier-né le nom de Manassé, parce qu'il lui fai- 
sait oublier sa peine. Gen., xli, 51. — 2. L'oubli est 
quelquefois l'insouciance. Le fidèle Israélite veut que 
sa droite oublie de se mouvoir si lui-même oublie Jéru- 
salem. Ps. cxxxvn (cxxxvi), 5. L'affligé se sent mis en 
oubli, loin des cœurs, comme un mort. Ps. xxxi (xxx), 
13. Job, xix, 14, se plaint aussi que ses proches l'ou- 
blient. Il est recommandé de donner du vin à celui qui 
va périr, afin qu'il oublie sa misère. Prov., xxxi, 7. L'en- 
fant ne doit pas oublier les douleurs de sa mère, Ec- 
cli., vu, 29, ni l'emprunteur celui qui a répondu pour 
lui. Eccli., xxix, 20. Dans la prospérité, il ne faut pas 
oublier son ami, Eccli,, xxxvn, 6, ni sa fin dernière 
pendant le cours de la vie. Eccli., xxxvm, 22. Une jeune 
fille n'oublie pas sa parure. Jer., n, 32. La nation israé- 
lite a été oubliée de ses amants, Jer., xxx, 14, et elle- 
même a oublié les crimes de ses pères. Jer., xlix, 9. 
Saint Paul oublie ce qui est derrière lui, pour se donner 
tout entier au présent et à l'avenir. Phil., m, 13. L'impie 
dit : « Dieu a oublié, » il ne se soucie pas des actes de 
l'homme. Ps. ix, 11. Pourtant, même un passereau n'est 
pas en oubli devant Dieu. Luc, xn, 6. Certains chrétiens 
oubliaient l'exhortation de Dieu à la patience. Heb., xn, 

5. Dieu n'oublie pas leurs œuvres, Heb., vi, 10; cf. Ec- 
cli., m, 15; qu'eux-mêmes n'oublient ni l'hospitalité ni 
la bienfaisance. Heb., xm, 2, 16. — 3. L'oubli peut en- 
core marquer le renoncement inspiré soit par le devoir, 
comme quand l'épouse est invitée à oublier son peuple 
et la maison de son père, Ps. xlv (xliv), 11, soit par la 
grande affliction, comme quand l'homme durement 
éprouvé oublie de manger son pain, Ps. en (ci), 5, ou 
quand l'Israélite, après la ruine de Jérusalem, oublie 
le bonheur. Lam., m, 17. — 4. L'oubli est aussi l'aban- 
don. Jéhovah a fait oublier les solennités dans Sion. 
Lam., il, 6. Judith, xvi, 23, livre le conopée d'Holoferne 
en anathème « d'oubli >>, d'après la Vulgate. Le êe'ôl est 
la terre de l'oubli, Ps. lxxxviii (lxxxvii),13, et le sein 
maternel oublie le pécheur qui y est descendu. Job, xxiv, 
20. La cité de Tyr sera oubliée durant soixante-dix ans. 
Is., xxiii, 15; cf. Sap., xvn, 3. — 5. L'oubli est même 
prêté aux animaux et aux êtres insensibles. L'autruche 
oublie ses œufs sous les pieds de ceux qui passent dans 
le désert. Job, xxxix, 17. Le pied des vivants oublie le 
chemin que suivent les mineurs, c'est-à-dire ne le suit 
pas. Job, xxvjn, 4. Le feu et l'eau ont oublié leur vertu 
naturelle pendant les plaies d'Egypte. Sap., xvij 23; 
xix, 19. ( '" 

3° L'oubli de Dieu par l'homme. — 1. JDieû a tout 
fait pour n'être pas oublié de son peuple, Sap., xvi, 11; 
Ps. ux (lviii), 12; et pourtant cet oubli coupable est 
fréquemment reproché à Israël. Ps. lxxviii (lxxvii), 7, 
11 ; evi (cv), 13, 21 ; Deut., xxxn, 18; Jud., m, 7; I Reg., 
xii, 9; Is., xvii, 10; li, 13; lxv, 11 ; Jer., m, 21; xm, 
25; xvui, 15; xxm, 27; Bar., iv, 8; Ezech., xxu, 12; 
xxm, 35; Ose., u, 13; iv, 6; vm, 14; xm, 6; I Mach., i, 
51, etc. — 2. Nombreuses sont les exhortations à ne pas 
oublier Dieu, Deut., iv, 9, 23, 31 ; vi, 13; viit, 11, 19; 
xxv, 19; Ps. cm (en), 2; Prov., m, 1, rv, 5, etc., et les 



menaces contre ceux qui l'oublient. Job, vin, 13; Ps. ix. 
18; l (xlix), 22. Il est prescrit de ne pas faire boire le 
roi, de peur qu'il n'oublie la loi de Dieu. Prov., xxxi, 
5. Le méchant oublie cette loi. Ps. exix (cxvin), 139; le 
juste ne l'oublie pas^ Ps. exix (cxvm), 16, 6^83, 93, 
109, 141, 153, 176, et il s'étonne parfois d'êlre éprouvé 
sans avoir oublié Dieu. Ps. xliv (xlhi), 18, 21. Israël, 
qui avait oublié son bercail, reviendra à Dieu pour une 
alliance qui ne sera jamais oubliée. Jer., L, 5, 6. — 3 
Saint Jacques, i, 25, compare celui qui écoute la parole 
et l'oublie à celui qui se regarde dans un miroir et ou- 
blie ce qu'il y a vu. Le mauvais chrétien oublie de quelle 
manière il a été purifié. II Pet., i, 9. 

4° L'oubli de l'homme par Dieu. — En principe, 
Dieu ne peut oublier sa créature que par un abandon 
volontaire; il a pour elle des sentiments de bonté et de 
compassion. Dans sa miséricorde et sa justice, il n'ou- 
blie ni le cri du pauvre ni la clameur de l'ennemi. 
Ps. lxxiv (lxxiii), 19, 23. Le juste se demande parfois 
si Dieu ne l'a pas oublié. Ps. xm (xii), 1 ; xlii (xli), 10; 
xliv (xliii), 24; lxxvii (lxxvi), 10; Lam., v, 20. Dieu 
n'oubliera pas toujours les mauvaises actions de son 
peuple. Am., vm, 7. Il oubliera même Israël devenu 
infidèle, Jer., xxm, 39, il l'abandonnera. Mais cet oubli 
ne sera pas définitif. Le malheureux ne sera pas tou- 
jours oublié et son cri sera entendu. Ps. ix, 13, 19. 
Jéhovah n'oubliera pas les affligés, Ps. x, 12, et surtout 
il n'oubliera pas Israël. Is., xliv, 21. 

Sion dit : « Jéhovah m'a abandonnée, 

Le Seigneur m'a oubliée ! » 

Une femme oubliera-t-elle son nourrisson, 

Sans pitié pour le fruit de ses entrailles? 

Quand les mères oublieraient, 

Moi, je ne t'oublierai point! Is-, xlix, 15. 

H. Lesêtre. 
OUEST, point cardinal. Voir Occident. 

OURAGAN (hébreu : sôfdh, sa'ârâh, Sa'âvâh, 
sô'dh : Septante : xaTai-fî? <ju<7{tek7u,6î; Vulgate : teni- 
pestas, turbo), violente agitation atmosphérique pro- 
duite par un vent furieux. Dans les immenses espaces, 
comme les grands déserts d'Afrique et d'Asie, des mou- 
vements de l'air sont excités par l'élévation de la tem- 
pérature et les variations de la hauteur barométrique. 
Les courants qui se forment alors, ne rencontrant aucun 
obstacle sur un sol sans relief, s'accélèrent jusqu'à at- 
teindre une vitesse qui peut aller à 2 700 mètres par 
minute, soulèvent et ravagent tout sur leur passage. 
Quand un vent violent souffle ainsi sur mer ou sur une 
nappe d'eau assez étendue, il y cause une tempête. Voir 
Tempête. Sur terre, dans les pays chauds, ce vent vio- 
lent s'appelle sirocco, khamsin, simoun, selon les 
contrées, ou la direction qu'il suit, et devient très fu- 
neste à la végétation et parfois aux êtres vivants. 

I. Les ouragans dans la Bible. — 1° La neuvième 
plaie d'Egypte consista dans un formidable ouragan qui 
dura trois jours et couvrit le pays occupé par les Égyp- 
tiens de ténèbres si épaisses qu'on aurait pu les palper, 
si bien que les malheureux ne se voyaient pas les uns 
les autres et durent rester immobilisés à leur place. 
L'auteur de la Sagesse, xvn, 2-20, décrit cette plaie 
avec plus de détail. Il montre les Égyptiens « enchaînés 
tout à coup par les ténèbres, prisonniers d'une longue 
nuit, enfermés sous leur toit et étendus sur leur couche, 
retenus là comme dans une prison sans chaîne de fer ». 
Il parle du laboureur, du berger, de l'ouvrier, surpris 
dehors par le fléau et enchaînés par les mêmes ténèbres 
pendant que les serpents et les autres animaux, eux 
aussi frappés de terreur, font entendre leur voix ef- 
frayante. En même temps, les malheureux Égyptiens 
aperçoivent comme des fantômes et des spectres lugu- 
bres, des lueurs et des flammes qui les épouvantent, 
sans que rien puisse éclairer la sombre nuit dans la- 



1931 



OURAGAN 



OURS 



1932 



quelle ils sont plongés. — Cette description convient 
très bien au terrible phénomène dont l'écrivain sacré a 
dû être témoin lui-même, celui du simoun africain, 
vent du sud-ouest qui souffle du désert de Libye sur 
l'Egypte, et parfois soulève des montagnes de sable dans 
lesquelles sont ensevelies des caravanes entières. Les 
Arabes l'appellent khamsin, c'est-à-dire « cinquante ». 
parce que ce vent souffle pendant une période de cin- 
quante jours, entre mars et mai, mais durant des inter- 
valles de deux, trois ou quatre jours, suivis d'un calme 
plus ou moins long. «. Il s'annonce par une chaleur 
d'une nature particulière, que connaissent très bien les 
indigènes et qui commence à les remplir d'effroi. Bien- 
tôt un point imperceptible tache au loin l'horizon; il 
grandit à vue d'oeil, et, comme un immense voile qui 
se déploie, il envahit le ciel tout entier. L'air, d'abord 
tranquille, s'agite, la tempête se déchaîne, quelquefois 
des tourbillons se forment et ces cyclones terrestres 
emportent tout dans leurs cercles gigantesques. Plus 
souvent, l'ennemi approche sans perturbation sensible 
de l'air : on dirait une armée d'esprits qui s'avance 
silencieusement et ne manifeste sa présence que par ses 
dévastations. Le ciel tout d'un coup se rembrunit, l'es- 
pace est rempli de poussière, le disque solaire devient 
rouge comme le sang, puis livide; tout le firmament 
pâlit et se colore de teintes violacées et bleuâtres. D'épais 
nuages de sable fin, rouges comme la flamme d'une 
fournaise, enveloppent toute l'atmosphère et l'embrasent 
comme un immense incendie. Ils brûlent tout sur leur 
passage; ils aspirent la sève des arbres, ils boivent l'eau 
renfermée dans les outres. Lorsque le thermomètre 
marque de 20 à 25 degrés, le khamsin élève aussitôt la 
température à 40 et 50 degrés. Peu à peu les ténèbres 
deviennent plus épaisses; bientôt tout est sombre, plus 
sombre que nos plus noires journées d'hiver, obscurcies 
par les plus épais brouillards; on ne peut rien distin- 
guer à quelques pas devant soi, on ne peut sortir, on 
ne peut marcher. Même jusqu'au fond des maisons, 
impossible d'échapper à cette poussière imperceptible 
qui pénètre partout, dans les appartements les mieux 
fermés, dans les vases les mieux couverts. Elle se dépose 
sur le visage comme un masque enflammé, elle s'insinue 
dans les narines et dans la bouche; chargée de molé- 
cules sulfureuses, elle produit dans tout l'organisme 
une irritation violente, et, atteignant jusqu'aux poumons 
qu'elle brûle, elle peut en arrêter le mouvement et oc- 
casionner la mort. La respiration est courte et pénible, 
la peau se dessèche et se crispe, la transpiration s'arrête, 
le sang afflue à la tête et à la poitrine, on est plongé 
dans une prostration profonde, on se sent impuissant 
et désarmé contre un si terrible ennemi. Le cbameau 
se jette à terre et enfonce le nez dans le sable, les ani- 
maux se cachent, les hommes s'enveloppent la tête d'un 
pan de leur manteau, ils abandonnent leurs huttes ou 
leurs tentes, ils descendent dans les souterrains, dans 
les puits et dans les tombeaux, où ils sont comme « en- 
chaînés par les ténèbres ». Sap., xvn, 2... On est réel- 
lement plongé dans une atmosphère ou une mer de 
sable brûlant, de sorte que les ténèbres qui vous enve- 
loppent sont véritablement des ténèbres palpables. 
Exod., x, 21. » Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, 6« édit., t. n, p. 343-345. A la neuvième plaie 
d'Egypte, le fléau fut d'autant plus terrible que Dieu 
lui-même le déchaînait pour vaincre l'obstination du 
pharaon. A en croire Hérodote, m, 26, Cambyses aurait 
envoyé de Thèbes, en Egypte, une armée de cinquante 
mille hommes, pour réduire les habitants de l'oasis 
d'Ammon, à sept journées de marche au nord-ouest, à 
travers les sables. A mi-chemin, le vent du sud, le 
khamsin, s'éleva et ensevelit toute l'armée sous les sables 
amoncelés par la violence de l'ouragan. Cette catastrophe 
n'est pas incroyable, étant donnée la puissance destruc- 
tive du khamsin et l'inertie par laquelle il paralyse tout 



d'abord ses victimes. Des caravanes ont souvent péri, 
entièrement ou partiellement, au milieu d'ouragans dé- 
chaînés dans les déserts de sable. — 4° Des effets ana- 
logues sont produits par le simoun dans le grand désert 
d'Arabie, qui occupe la plus grande partie de la pres- 
qu'île Arabique, de l'Euphrate à l'océan Indien. Les 
caravanes de la Mecque ont beaucoup à en souffrir. Cf. 
Didot, Univers pittoresque, Egypte moderne, 3» part., 
p. 96-98. Asarhaddon, plus heureux que Cambyse, put 
faire traverser de l'est à l'ouest le désert d'Arabie par 
son armée pour aller soumettre les chefs arabes du pays 
de Bâzou. Cf. Arabie, t. i, col. 866; Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris, t. m, 
1899, p. 359. La Sainte Écriture mentionne l'action de 
ce simoun dans le Hauran, Job, i, 19, aux environs de 
Babylone, Is., XXI, 1, et en Palestine, sur laquelle il 
souffle de l'est. Ose., XIII, 15. La Palestine, en effet, si- 
tuée entre les deux grands déserts d'Afrique et d'Asie, 
subit le contre-coup atténué des ouragans qui s'y déve- 
loppent. « Le simoun est un vent semblable au khamsin, 
mais propre au désert d'Arabie : il visite la Syrie et la 
Palestine et souffle pendant tout le temps chaud, et non 
à une époque exactement déterminée, comme le kham- 
sin. » Ebeling, Dos Ausland, 12 mars 1878, p. 636. Voir 
Vent. 

II. Comparaisons tirées des ouragans. — 1° Osée, 
Vin, "7, pour prédire à Israël le châtiment qui va lui 
arriver par sa faute, dit que « ceux qui ont semé le vent 
récolteront la tempête ». Cependant, après la tempête, 
Dieu ramène le calme, Tob., m, 22, en faisant succéder 
la consolation à l'épreuve. — 2° Le jour de Jéhovah, 
c'est-à-dire le moment de sa vengeance contre Babylone, 
va venir avec la rapidité et la violence de l'ouragan dé- 
vastateur. Is., xm, 6. Pour exercer son jugement ri- 
goureux contre les nations, Jéhovah accourra « sur son 
char semblable à l'ouragan ». Is., lxvi, 15. C'est aussi 
du sein du tourbillon, c'est-à-dire dans l'attitude de la 
puissance à laquelle rien ne résiste, que Dieu répond à 
Job pour le rappeler à l'humble soumission. Job, xxxvm, 
1; XL, 1. — 3" Le tourbillon qui passe est l'image du 
méchant et du peu de durée de sa fortune. Prov., x, 25. 
Le malheur fond parfois sur l'homme comme l'ouragan 
et l'enveloppe comme le tourbillon. Prov., i, 27. L'ou- 
ragan, par sa soudaineté et sa fureur, est encore le sym- 
bole des armées ennemies, Ezech., xxxvm, 9; Dan.,xi, 
40; Hab., m, 14, et des chars qui les amènent. Is., v, 
28; Jer., iv, 13. Les caractères de l'ouragan conviennent 
bien à ces armées des anciens qui apparaissaient sou- 
dain sans déclaration de guerre, sans que rien avertît 
de leur approche, et qui s'appliquaient précisément à 
surprendre leur proie à l'improviste. 

H. Lesêtre. 

OURS (hébreu : dob ou dôb ; chaldéen : dob; Sep- 
tante : apxToc ; Vulgate : ursus), mammifère Carnivore, 
type de la famille des ursidés. 

1° Histoire naturelle. — 1. L'ours est d'assez grande 
taille, mais ses formes sont trapues, ses membres épais, 
sa tête forte, avec un museau pointu, ses yeux petits et 
vifs, ses oreilles courtes et mobiles, ses pieds terminés 
par cinq doigts pourvus d'ongles puissants, son pelage 
composé de poils longs et d'une seule couleur. Sa dé- 
marche est lourde et lente, d'où son nom de dob en 
hébreu et de dub en arabe, venant du verbe dâbab, 
« marcher lentement. » L'ours peut se tenir droit sur 
les pattes de derrière et il grimpe aux arbres avec agi- 
lité. Bien que Carnivore, il n'est point sanguinaire, se 
nourrit surtout de graines et de fruits et ne mange de 
chair que quand il a grand faim. Il est intelligent et 
facilement apprivoisable. L'ours met bas d'un à cinq 
petits, en prend grand soin et les défend avec grand 
courage. — 2. L'ours de Syrie, ursus syriàcus (fig. 502), 
est le même que l'ours brun d'Europe, ursus arclos, 
dont il ne diffère que par la couleur plus claire de son 



4933 



OURS — OURSE (GRANDE-) 



4934 



pelage. Il se nourrit également de graines et de fruits, 
et, très friand de lentilles, cause de grands dommages 
aux récoltes au bas des pentes de l'Hermon, ce qui ne 
l'empêche pas à l'occasion de rendre visite aux brebis et 
aux chèvres des villages. On rencontre fréquemment 
ses traces sur la neige de l'Hermon et du Liban; en 
dehors de là, on ne l'aperçoit plus guère en hiver que 
dans les ravins qui avoisinent le lac de Tibériade. Lor- 
tet, La Syrie 'd'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 559, 649, 




-Jtil-f.r 



502. — Ursus syriacus. 



signale sa présence en grand nombre dans les rochers 
de l'Hermon, dans les forêts d'Afka et dans les gorges 
de l'Adonis, et remarque qu'il est grand amateur de 
miel, mais peu redoutable pour les hommes. Cf. Tris- 
tram, The naturàl History of the Bible, Londres, 1889, 
p. 46-69. — 3. Autrefois il y avait beaucoup plus d'ours 
qu'aujourd'hui en Palestine, comme le donnent à penser 
les allusions, relativement fréquentes, de la Bible. Les 
Syriens les chassaient dans le Liban et les amenaient 
en tribut aux Égyptiens (fig. 503). Aux portes de Ninive, 




503. — Ours et éléphant amenés en tribut. Peinture du tombeau 

de Rekhmara. 

D'après Wilkinson, Manners and customs, t. i, pi. H. 

il y avait des ours gardés en cage, avec des chiens et des 
sangliers, pour l'amusement de la populace. CJjTMSs- 
pero, Histoire ancienne des peuples de VOrietit clas- 
sique, Paris, t. m, 1899, p. 351. 

2° Les ours dans la Bible. — David, quand il était 
berger, poursuivait l'ours, lui arrachait la brebis qu'il 
avait saisie, le prenait par la mâchoire et le tuait. I Reg., 
xvii, 34, 36, 37. Cf. Eccli., xlvii, 3. Il n'y a pas lieu de 
s'étonner de cette vigueur, puisqu'il pouvait traiter le 
lion de la même manière. — Le cas des deux ours qui 
sortent de la forêt voisine de Béthel et déchirent qua- 
rante-deux enfants, insulteurs d'Elisée, est extraordi- 
naire, IV Reg., ii, 24. C'est sans doute par l'ordre de 



Dieu que les deux animaux font preuve d'une férocité 
qui ne leur était pas habituelle. Il en eût été de même 
des ours que Dieu aurait pu envoyer contre les Égyp- 
tiens. Sap., xi, 18. — Il n'y a sérieusement à craindre 
que l'ours sâkkûl, « privé de ses petits, » II Reg., xvn, 
8; Prov., xvn, 12; Ose., xm, 8, ou l'ours affamévProv., 
xxviii, 15, qui se tient aux aguets pour saisir une proie, 
Lam., lu, 10, et qui est alors à redouter comme le lion- 
Am., v, 19. — Au temps du Messie, on verra la vache 
et l'ours dans le même pâturage. Is., xi, 7. — Israël 
repentant doit faire entendre des gémissements comme 
les grondements de l'ours. Is., lix, 11. — L'ours appa- 
raît dans une vision de Daniel, vu, 5, et, dans une 
autre de saint Jean, il y a une bête pourvue de pieds 
d'ours. Apoc, xm, 2. — Il est dit de la méchante 
femme qu'elle a le visage sombre comme celui d'un 
ours. Eccli., xxv, 24. Les Septante ont « comme un 
sac ». Mais le texte hébreu donne raison à la Vulgate. 

H. Lesètre. 
OURSE (GRANDE-), nom d'une constellation. — Au 
livre de Job, IX, 9, on lit que Dieu a créé 'as, kesîl, voir 
Orion, col. 1891, et kîmâh, voir Pléiades. Les Septante 
traduisent par les « Pléiades, Vesper et Arcturus », et la 
Vulgate par «Arcturus, Orion et les Hyades». Dans un 
autre passage, Job, xxxviii, 32,on litencore : « Conduis-tu 
'ayiS avec ses petits ? » Les Septante et la Vulgate tra- 
duisent 'dyîS, par "Esirspo;, Vesper, « l'étoile du soir. » 



504. — Constellation de la Grande-Ourse. 

Les deux formes 'ds et 'ayis ont la même signification ; 
le néo-hébreu yûta, Berachoth, 58.6, donne même à 
croire que la seconde forme est primitive. Le mot hébreu 
se rattacherait à l'arabe n'as, « litière » à porter les 
morts, et, à ce titre, désignerait la Grande-Ourse et la 
Petite-Ourse. On sait que les deux constellations (flg. 504), 
se composent chacune de quatre étoiles disposées en 
rectangle à peu près régulier. Elles représentent, aux 
yeux des Arabes, une litière funèbre. De l'un des 
angles de chaque rectangle partent trois autres étoiles 
qui paraissent former cortège à la litière, et que l'au- 
teur de Job, xxxviii, 32, appelle les benêt, les « filles » 
de 'ayis. Cf. Niebuhr, Beschreibung von Arabien, 
Copenhague, 1772, p. 114, 115 ; Wetzstein, dans Frz. 
Delitzsch, Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 501 ; Gese- 
nius, Thésaurus, p. 895; Hommel, dans Zeitschrift der 
deutsch. morgenlând. Gesellschaft, t. xlv, p. 594, etc. 
A la suite des Septante, Job, ix, 9, et du Targum, zagtâ, 
Job, xxxviii, 32, quelques auteurs regardent 'ayis comme 
le nom des Pléiades. Cf. Hoffmann, dans la Zeitzschrïft 
fur die alttest. Wissenschaft, t. m, p. 108, 279; etc. Mais 
la Grande-Ourse est une constellation trop importante 
pour qu'il n'en soit fait nulle mention dans la Bible, et 
c'est à la Grande, bien plutôt qu'à la Petite, que fait 
allusion l'auteur de Job. Parmi les étoiles qui la com- 
posent, il y en a quatre de deuxième grandeur, et elle 
ne disparait jamais de l'horizon, tandis que la constel- 
lation des Pléiades est beaucoup moins importante et 
qu'en été, dans notre hémisphère, elle demeure sous 
l'horizon. Le nom de « filles » convient aussi bien mieux 
aux étoiles qui semblent suivre la Grande-Ourse, tandis 
que les Pléiades forment un groupe compact. Voir 
Hyades, t. m, fig. 162, col. 789. Enfin le nom de 'aS, 
donné aux quatre étoiles majeures de la Grande-Ourse 
par les Arabes et les Juifs du golfe Persique, au rap- 



1935 



OURSE (GRANDE-) — OUTRE 



1936 



port de Niebuhr, Beschreibung von Arabien, p. 114, 
est une indication qui suppose une tradition ancienne 
sur la valeur des termes hébreux 'as et 'ayîs. Dans Job, 
ix, 9, la Vulgate traduit 'as par Arcturus, qui est une 
étoile de première grandeur, faisant partie de la cons- 
tellation du Bouvier, voisine de la Grande-Ourse; cette 
étoile se trouve d'ailleurs sur le prolongement des trois 
étoiles qui se détachent du rectangle de la Grande-Ourse, 
d'où son nom d"ApxTo£ipo<;, « queue de l'Ourse. » Voir 
Arcturus, t. 1, col, 937. Dans l'autre passage de Job, 
xxxviii, 32, les versions traduisent 'ayU par « étoile du 
soir », c'est-à-dire la planète Vénus, à laquelle on ne 
peut attribuer des « fdles ». Dans le langage populaire, 
les deux Ourses se nomment le Grand-Chariot et le 
Petit-Chariot, appellation qui se justifie par la forme 
des constellations, comme celle de « litière », adoptée 
par les Arabes. Pour les Égyptiens, la Grande-Ourse 
représentait la cuisse postérieure du bœuf, masypit, et 
c'est Sous cette forme qu'ils la figuraient, posée sur le 
bord septentrional de l'horizon (flg. 505). Elle est en- 



**f-."jftT' 



aS\fr 



- -È- $&r- - .-agi- ___*i__i : _ 



Vt £' A '< ■..' .J-\ 



a. 



~é — H-- ' V 



505. — La Grande-Ourse figurée chez les Égyptiens. 
D'après Dumichen, Résultats, t. il, pi. 39. 

chaînée à l'hippopotame, qu'on identifie avec la constel- 
lation du Dragon et d'autres étoiles environnantes. Biot, 
Sur les restes de l'ancienne Uranographie égyptienne, 
p. 51, dans le Journal des savants, 1854, a confirmé 
l'identité de la Cuisse égyptienne et de la Grande-Ourse 
précédemment découverte par Lepsius, Einleitung zvr 
Chronologie der Aegypter, Leipzig, 1848, p. 184. Aujour- 
d'hui encore les Bédouins des Pyramides appellent 
er-Rigl, « la cuisse, » la constellation que les anciens 
Égyptiens appelaient du même nom. Cf. Brugsch, Die 
Aegyptologie, Leipzig, 1891, p. 343. H. Lesétre. 

OUTRAGE (hébreu : herpâh, kelimmâh, qâlôn; Sep- 
tante : âtip-to, àvei8!ff(i(5«, û6pt; ; Vulgate : contumelia 
ignominia, injuria, opprobrium), insulte qui dépasse 
les bornes, en paroles ou en actes. — 1° Dans l'Ancien 
Testament, la Sainte Écriture signale les outrages infli- 
gés à Dina, fille de Jacob, par Sichem, Gen., xxxiv, 2- 
5: à Joseph par la femme de Putiphar, Gen., xxxix, 12- 
20; à Job par sa femme, Job, i, 9, ses amis, Job, iv, 2- 
11 ; xi, 2-12, etc., et ses ennemis, Job, Xvi, 11 ; à David 
par Nabal, I Reg., xxv, 10, 11, et Séméi, II Reg., xvi, 
5-12 ; à Urie par David, II Reg., xi, 3-13; à Thamar par 
Amnon, II Reg., xm, 10-17 ; aux habitants de Jérusalem 
par l'échanson assyrien, II Reg., xvm, 19-35; à Jérémie 
par ses ennemis, Jer., xi, 19-21 ; xx, 1-3 ; xxvi, 7-11 ; 
xxxviii, 4-6 ; aux Israélites par leurs voisins hostiles 
ou jaloux, Ps. lxxix (lxxviii), 12; Jer., li, 51 ; Ezech., 
xxxv, 12; aux justes par les méchants. Prov., xxii, 10; 
Sap., h, 10-20; Ps. lxix (lxviii), 10; Lam., m, 30. Le 
juif Razis, renommé pour sa grande bienfaisance, se 
tua de la manière la plus tragique plutôt que de subir 
les outrages dont le menaçait Nicanor. III Mach., xiv, 
7-46. — 2° Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur 
est l'objet de nombreux outrages, de la part des gens de 
Nazareth, Luc, iv, 28-29 ; de ses propres parents, 
Marc, m, 21 ; des Samaritains, Luc, ix, 53 ; des phari- 
siens, Matth., xn, 24; Marc, m, 22; Luc, xi, 15; cf. 



Luc, xr, 45; des Juifs et des scribes de Jérusalem, Joa. r 
v, 16; vu, 30; vm, 48, 59; x, 20, 39; Marc, xi, 18; 
Luc, xix, 47 ; Matth., xxi, 40 ; Marc, xn, 12; Luc, xx, 
19, et, pendant sa passion, de la part de ceux qui l'ar- 
rêtent au jardin de Gethsémani, Matth., xxvi, 50-55 > 
Marc, xiv, 46. 48; Luc, xxii, 52; Joa., xvm, 12; du 
valet de Caïphe, Joa., xvm, 22; des valets des grands- 
prêtres, Matth., xxvi, 67, 68; Marc, xiv s 65; Luc, xxir, 
63, 65; des Juifs devant Pilate, Luc, xxm, 2, 5; Joa., 
xvm, 30; d'Hérode, Luc, xxm, 11 ; des Juifs lui préfé- 
rant Barabbas, Matth., xxvn, 21-23 ; Marc, xx, 13, 14 ; 
Luc, xxm, 18, 21-23; Joa., xvm, 40; des soldats de 
Pilate, Matth., xxvn, 26-29; Marc, xv, 16-19; Joa., xix, 
1-3 ; des Juifs et des larrons à la croix, Matth., xxvn, 
39-44; Marc, xv, 29-32; Luc, xxm, 35-39, et, même 
après sa mort, des membres du sanhédrin. Matth., 
xxvn, 63. Notre-Seigneur lui-même avait parlé des ou- 
trages infligés aux serviteurs du père de famille par lea 
invités aux noces, Matth., xxii, 6; Marc, xn, 4, et par 
les vignerons homicides. Luc, xx, 11. Il avait aussi 
annoncé à ses Apôtres les outrages qu'ils auraient à 
subir à cause de lui. Matth., xxiv, 9; Marc, xm, 9; 
Luc, xxi, 12-17 ; Joa., xvi, 2. Les Apôtres les endurèrent 
avec joie. Act., v, 41. Saint Paul en eut sa large part. 
Act., xiv, 5; II Cor., xn, 10; I Thess., h, 2. Tous les 
chrétiens y sont exposés. Heb., x, 33. 

H. Lesêtre. 
OUTRE (hébreu : 'ôb, hêmét, n'ôd, nêbél; Septante ; 
àaxôç, et deux fois véëeX, reproduction phonétique du 




506. — Femme battant le beurre dans une outre. 
D'après H. S. Osborae, Palestine past and présent, p. 441. 

mot hébreu; Vulgate : uter), récipient fait avec une 
peau de bête. — L'outre est destinée à contenir diffé- 
rents liquides, et même de l'air. 1» L'eau. Telle est 
l'outre dont Abraham pourvut Agar, quand il la chassa 
au désert. Gen., xxi, 14, 15, 19. Les Gabaonites, pour 
se présenter à Josué, se munirent de vieilles outres, 
afin de simuler un long voyage. Jos., ix, 4, 13. Voir 
t. il, fig. 341, col. 963, un enfant assyrien buvant à une 
outre qu'on lui tend. Au figuré, Job, xxxviii, .37, com- 
pare les nuages à des outres qui versent la pluie. Les 
Psalmistes disent que Dieu rassemble les eaux de la 



1937 



OUTRE 



1938 



mer comme dans une outre, Ps. xxxm (xxxn), 7, et 
qu'à la mer Rouge il retint les eaux dressées comme 
en une outre. Ps. lxxviii (lxxvii), 13. Cette comparai- 
son traduit d'une manière populaire la loi par laquelle 
Dieu a assigné leur domaine aux eaux supérieures du 
firmament et aux eaux inférieures de la mer. Gen., i, 
7; Prov., -vin, 27-29. — 2° Le lait. Pour donner à boire 
à Sisara, Jahel ouvre l'outre du lait et la lui présente. 
Jud., iv, 19. Cf. v, 25. On conserve encore aujourd'hui 
en Palestine le lait aigri dans des outres et l'on s'en sert 
aussi pour battre le beurre (flg. 506). — 3° Le vin. Il 
est plusieurs fois parlé d'outrés servant à contenir et 
à transporter le vin. I Reg., i, 24; x, 3; xvi, 20; xxv, 
18; II Reg., xvi, 1; Jer., xm, 12. Les anciens exposaient 
à la fumée les outres remplies de vin, afin de faire 
vieillir ce dernier et de le rendre plus doux. Voir Fumée, 
t. il, col. 2413. Un psalmiste, en butte aux vexations de 
ses persécuteurs, se compare à l'outre de vin exposée ■ 
à la fumée qui se dégageait dans la maison hébraïque, 
dépourvue de cheminée. Ps. cxix (cxviii), 83. Cf. Fr. De- 
litzscb, Die Psalnien, Leipzig, 1874, t. n, p. 248. Dans 
Job, xxxil, 19, Éliu, pressé de parler après les trois in- 
terlocuteurs qui l'ont précédé, dit que son cœur « est 




507. — Femme vidant une outre. 
D'après Rich, Dict. des antiq. rom. et grecques, p. 692. 

comme un vin renfermé, comme une outre remplie de 
vin nouveau qui va éclater »; littéralement « comme 
des outres nouvelles », mais par synecdoque, car c'est 
le vin qui est nouveau et non les outres, autrement 
elles résisteraient à la pression. Le vin nouveau fer- 
mente et dégage des gaz qu'une peau imperméable ne 
laisse pas échapper. Il faut donc qu'à un moment 
donné l'outre éclate, si son orifice reste lié. Notre-Sei- 
gneur emprunte la comparaison d'Éliu et observe qu'on 
ne met pas le vin nouveau dans de vieilles outres, inca- 
pables de résister à la pression intérieure, mais dans 
des outres neuves, assez résistantes pour garder le vin. 
Matth., ix, 17; Marc, H, 22; Luc, xxxvn, 38. Même chez 
les Grecs et les Romains, on se servait habituellement 
d'outrés pour transporter le vin, et, dans les plus an- 
ciens temps, pour L le verser directement dans les 
coupes, comme le montre une peinture de Pompéi 
(fig. 507). — i» L'air. La Sainte Écriture ne parler 33 
d'outrés gonflées d'air. Mais les Israélites, pendant la 
captivité, virent souvent les outres gonflées servir de 
moyen de transport sur l'eau. Les monuments mon- 
trent des Assyriens gonflant eux-mêmes leurs outres 
à la bouche, se mettant à cheval dessus pour tra- 
verser les cours d'eau, voir Nage, fig. 397, col. 1459; 
cf. 5. Jérôme, Vit. Malchi mon., 8, t. xxin, col. 57, 
ou en formant le fond de radeaux destinés à porter des 
pierres à bâtir (flg. 396, col. 1459). Une inscription de 
Salmanasar II raconte que ce monarque passa l'Euphrate 
débordé sur des radeaux d'outrés gonflées. Cf. "Vigouroux, 



La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, 
-t.- m, p. 459. Les Assyriens employaient d'ailleurs aussi 
les outres au transport des liquides (flg. 508). — 5° Les 
anciens faisaient des outres avec des peaux de chèvre, 
de porc, de bœuf, etc., dont on lutait soigneusement 
les coutures^ avec de la poix. Cf. Pline, H. A'./^xxviii, 
72; Ovide, Am., m, 12, 29; César, Bell, civ., I, 48. Le& 
riverains du Tigre et de l'Euphrate se servent encore 
d'asphalte et de bitume pour imperméabiliser les outres 
utilisées par la batellerie. Ces minéraux abondent dans 
les collines miocènes qui bordent es deux fleuves, et 




508. — Assyrien portant une outre pleine. 
D'après Botta, Monument de Ninive, t. i, pi. 38. 

déjà on les voit employés par Noé pour rendre sor» 
arche étanche, Gen., vi, 14, et par Samas-napistim. 
pour luter les parois de son bateau. Cf. Yigouroux, La 
Bible el les déc. tnod., t. i, p. 313, lig. 66-67; Revue de& 
questions scientifiques, Rruxelles, oct. 1902, p. 580. 
L'industrie de la fabrication des outres prospère encore- 
aujourd'hui en Palestine, spécialement à Hébron, où 
« plusieurs grands ateliers fabriquent des outres en 
cuir destinées aux caravanes. Ces récipients sont faits 
avec des dépouilles entières de bouc et de chèvre que 
l'on a retournées jusque sur la nuque; les ouvertures 
laissées par la queue et les jambes sont ensuite cousues 
avec soin. Ces peaux, d'abord bourrées pendant un cer- 
tain temps avec des copeaux et des débris de bois de 



1939 



OUTRE — OZENSARA 



1940 



chêne, sont remplies de nouveau avec de Vécorce du 
quercus Palsestina, qui est très chargée en tannin, 
jusqu'à ce que les poils restent solidement fixés et que 
le cuir soit suffisament tanné. Lorsqu'elles ont subi 
toutes les préparations nécessaires pour les rendre 
souples et incorruptilbes, elles se vendent de 2 fr. 40 
à 6 fr. 40 la pièce. Ces outres sont recherchées dans 
toutes les contrées arides du Sinaï, de Pétra et de 
l'Arabie. » Lortet, La Sxjrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, 
p. 329. En Egypte, on n'a pas cessé de se servir des 
outres pour le transport de l'eau, soit de celle qu'on 
vend, soit de celle avec laquelle on arrose. 

H. Lesêtbe. 
OUVRIER (grec : èpfâtï];; Vulgate : operarius, opi- 
fex), celui qui travaille à un métier. Voir Artisans, t. i, 
col. 1044. — Le mot est quelquefois employé pour dési- 
gner ceux qui travaillent à une œuvre morale ou immo- 
rale. Devant Judas Machabée reculent et tremblent les 
ouvriers d'iniquité, c'est-à-dire les Juifs impies qui 
adoptaient et propageaient les mœurs païennes. I Mach., 
m, 6. Notre-Seigneur appelle du même nom ceux qui 
seront un jour condamnés par le Juge suprême. Luc, 
xiii, 27. Saint Paul donne le nom d'ouvriers astucieux 
et mauvais aux prédicateurs judaïsants qui le pour- 
suivent partout. II Cor., xi, 13; Phil., m, 2. — Il re- 
commande à Timothée d'être un ouvrier qui n'ait pas à 
rougir, II Tim., n, 15, et remarque d'ailleurs que l'ou- 
vrier, c'est-à-dire le prédicateur de l'Évangile, mérite 
son salaire. I Tim., v, 18. H. Lesêtre. 

OZA (hébreu: 'Uzzdh, « force »), nom de quatre 
Israélites. 

1. OZA (Septante : 'OÇoc), lévite, fils d'Abinadab, dans 
la maison duquel l'arche demeura pendant vingt ans, 
sur la colline ((iabaa) de Cariathiarim, lorsqu'elle eut 
été renvoyée par les Philistins. I Reg., vu, 2. Abinadab 
avait trois fils, dont l'aîné s'appelait Éléazar, et les deux 
autres Oza et Ahio. Éléazar avait été chargé de la garde 
de l'arche pendant le séjour qu'elle fit dans la maison 
de son père. I Reg., vu, 1. Quand David eut résolu de 
la faire transporter à Jérusalem, elle fut placée sur un 
char neuf, et Oza et Ahio conduisirent le char. Ahio 
précédait l'arche ; Oza se tenait sans doute à son côté. 
David et ses musiciens lui faisaient cortège en jouant 
de leurs instruments. Arrivé à l'aire de Nachon (ou 
Chidon; voir ces mots), le char pencha, glissant sans 
doute sur le sol, c Oza étendit la main vers l'arche de 
Dieu et la saisit, parce que "les bœufs s'emportaient. La 
colère de Jéhovah s'enflamma contre Oza et Dieu le 
frappa sur place à cause de sa faute, et il mourut là à 
côté de l'arche de Dieu... Et ce lieu a été appelé jusqu'à 
ce jour Pérès 'Uzzah (brèche d'Oza). » II Reg., ,vi, 6- 
8. Josèphe, Ant. jud., VII, iv, 2, dit qu'Oza fut frappé, 
parce qu'il avait porté les mains sur l'arche n'étant pas 
prêtre. Cf. Num., iv, 15. Il avait sans doute manqué de 
respect envers elle, comme autrefois les Bethsamites. 
I Reg., vi, 19. Le texte original dit, selon la traduction 
la plus probable, qu'il fut frappé « à cause de sa faute », 
'al has-sâl (Vulgate : super tèmeritate). D'après Théo- 
doret, Quxst. in H Reg., interr. xix, t. lxxx, col. 611, 
la faute consista en ce que l'arche était portée sur un 
char et non sur les épaules des prêtres, comme le pres- 
crivait la loi. Exod., xxv, 14. Cf. Arche d'alliance, iv, 
t. i, col. 919. Plus tard, le roi David eut soin de ne pas 
commettre la même illégalité dans la seconde transla- 
tion. I Par., xv, 11-15. Quand Oza fut frappé, sa mort 
produisit une telle émotion que le roi renonça à son 
projet et fit déposer l'arche dans la maison d'Obédédom. 
Voir Obédéoom, col. 1719. II Reg., vi, t. i, 3-8; I Par., 
xiii, 7-11. 

Quelques commentateurs ont cru qu'Oza n'était pas 
de la tribu de Lévi, mais leur opinion n'est pas admis- 



sible. On n'en peut guère douter : c'est parce que son 
père Abinadab était lévite que l'arche fut déposée 
dans sa maison à Cariathiarim et ce n'est que parce 
que son fils Éléazar était lévite qu'il pût être « con- 
sacré » (hébreu : qidsû; Vulgate : sanctificaverant) 
pour garder l'arche. I Reg., vu, 1. Si Abinadab est le 
même qu'Amminadab. I Par,, xv, 10, un des chefs des 
lévites qui furent chargés du transport de l'arche, de la 
maison d'Obédédom à Jérusalem, le père d'Oza et ses 
fils descendaient d'Oziel et étaient par conséquent des 
Caathites. Cette identification peut se confirmer par les 
Septante qui écrivent, non Abinadab, mais 'A(juva8âë, 
I Reg., vu, 1, et par Josèphe qui écrit aussi 'A[ifuvà- 
Saêoç, Ant. jud., VI, I, 4, et dit qu'il était lévite. On 
comprend alors facilement pourquoi David chargea 
Amminadab de présider au transport de l'arche de la 
maison d'Obédédom à Jérusalem ; ce lévite était de la 
famille de Caath, dont une des fonctions consistait à 
porter l'arche, Num., iv, 15, cf. 5, et, s'il est le même 
qu'Abinadab, il était juste et naturel qu'ayant gardé 
l'arche pendant vingt ans dans sa maison, il l'accompa- 
gnât dans sa nouvelle demeure. 

2. OZA (Septante : 'OZi), probablement le nom de l'an- 
cien propriétaire d'un jardin mentionné IV Reg., xxi, 
18, 26, et dans lequel furent ensevelis les rois de Juda 
Manassé et Amon, son fils. On peut conclure qu'il était 
situé à Jérusalem du fait qu'il est appelé « le jardin de 
la maison » du roi Manassé. IV Reg., xxi, 18; II Par., 
xxxm, 20. Ce n'était pas le lieu ordinaire de la sépul- 
ture des rois )de Juda et c'est peut-être Manassé qui 
l'avait acheté à Oza. Nous ignorons où se trouvait le 
palais de Manassé. 

3. OZA (Septante: 'O^a), lévite, fils de Séméi, de la 
famille de Mérari. I Par., VI, 29 (hébreu, 14). 

4. OZA (Septante : 'AÇri), de la tribu de Benjamin, fils 
de Géra. I Par., vin, 7. Voir Géra 2, t. m, col. 197. 

OZAN (hébreu : 'Azzdn ; Septante : 'OÇâv), de la 
tribu d'Issachar, père de Phaltiel. Phaltiel reçut de 
Moïse, au nom de Dieu, la mission de représenter la 
tribu d'Issachar dans le partage de la Terre Promise. 
Num , xxxiv, 26. 

OZAZIU (Hébreu : 'Azazydhû, « fortifié par Jého- 
vah »), nom de trois Israélites dans le texte hébreu. La 
Vulgate écrit le nom du troisième Azarias. II Par., 
xxxi, 13. Voir Azarias 22, t. i, col. 1301. 

1. OZAZIU (Septante : 'OÇi'aç), lévite, qui jouait de 
la harpe (kinnôr) dans les cérémonies sacrées, du temps 
de David. I Par., xv, 21. 

2. OZAZIU (Septante : 'OÇe'ou). père d'Osée. Son fils 
fut placé à la tête de la tribu d'Ëphraïm, sous le règne 
de David et de Salomon. I Par., xxvu, 20. 

OZENSARA (hébreu : 'Uzzên-Sé'ërdh, « l'oreille » 
ou « l'ongle de' Sara », localité fondée, ainsi que les 
deux Béthoron, par Sara, fille de Béria, fils d'Éphraïm. 
I Par., vu, 24. La traduction des Septante xoi ulot 'OÇiv 
Sîiipâ, montre qu'ils ont lu mNtf ]w >:ai, au lieu de 

mNtf ]WtW-i, que porte le texte massorétique. La plu- 
part des versions rendent le passage des manières les 
plus diverses. Le contexte justifie plutôt les massorètes 
et ne permet pas de douter qu'il s'agit d'une localité. 

Quelques palestinologues ontcru reconnaître ledouble 
nom d' Uzzên-Sé'ërâh, dans ceux de deux villages voi- 
sins du district de Naplouse, l'ancienne Sichem : 
Beit-Êden, situé à quatre kilomètres et demi à 



1941 



OZENSARA 



OZIAS 



1942 



l'ouest-nord-ouest de cette ville, et Serra à trois kilo- 
mètres et demi, au sud-ouest du dernier. Cf. Rich. von 
Riess, Bibel-Atlas, Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 29. 
Les noms ne sont pas, il est vrai, sans similitude; mais 
ces localités distantes d'environ cinquante kilomètres 
de Béthoron ne sauraient avoir appartenu au territoire 
qui forma l'apanage de la fille de Béria, et où il semble 
qu'il faille chercher la localité bâtie par elle, dans le 
voisinage des deux autres. A quatre kilomètres à l'ouest 
légèrement sud de Beit'Our et-tafctâ, Béthoron-le-bas, 
situé lui-même à trois kilomètres au nord-ouest de 
Beit'Our el-fôqâ, Béthoron-le-haut, on trouve, répon- 
dant parfaitement à cette condition, une localité connue 
sous le nom de Beit-Sirû, dont la seconde partie du 
composé est évidemment identique à Sé"ërâh, légère- 
ment déformé par la prononciation arabe. Les palesti- 
nologues voient aujourd'hui en cet endroit l'Ozensara 
de la Bible. Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names 



de Beit-Sirâ, toute musulmane, est d'environ 200 âmes. 
Voir V. Guérin, Description à la Judée, t. i, p. 138; 
The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ni, p. 16. 

L. Heidet. 
OZI (hébreu, 'Uzzî, probablement abréviation de 
'Vzzîyâh ou 'Uzzî'êl, <s Jéhovah ou Dieu est ma force, » 
voir Oziel), nom, en hébreu, de six Israélites. Dans la 
Vulgate, quatre d'entre eux sont appelés Ozi et les deux 
autres Azzi. Voir Azzi 1 et Azzi 2, t. i, col. 1314. La 
Vulgate a un cinquième Ozi qui est nommé en hébreu 
' Vzaï. 

1. OZI (Septante : 'OÇQ, descendant d'Aaron et 
d'Éléazar, fils de Bocci et le sixième des grands-prêtres 
juifs. I Par., vi, 5, 6, 51. Il fut un des ancêtres d'Esdras. 
I Esd., vu, 4. Nous ne savons rien de son pontificat. 
Voir Grand-Prêtre, t. m, col. 304; Bocci 2, t. i, 
col. 1823. 




509. — Beit-Sirâ. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



and Places in the Old Testament, Londres, 1887, 
p. 178. 

Beit-Sirâ (fig. 509) est bâtie sur une colline en forme 
de mamelon s'élévant de quarante mètres environ au- 
dessus de la belle vallée d'Aïalon qu'elle commande au 
nord, comme la commande au sud le village de Yâlô 
l'antique Aîalon, située en face à six kilomètres. La col- 
line est rocheuse ainsi que toutes les montagnes qui 
l'entourent en hémicycle. Dans les interstices des ro- 
chers garnis de terre végétale, croissent d'assez nom- 
breux oliviers et des plantations étendues de cactus. Des 
grottes sépulcrales et des citernes entièrement creusées 
dans le roc, attestent l'antiquité de la localité. 

Un ouély à coupole est dédié à nébi-Sird. On peut se 
demander si le souvenir du <.\ prophète » Sira qui passe 
pour le fondateur du village, ne serait point celui de la 
fille d'Ephraïm altéré? Le village actuel se compose 
d'une trentaine de masures toutes construites en pierre 
et à voûtes. Dans les murs, on voit d'assez beaux 
blocs régulièrement taillés ayant appartenu à d'an- 
ciennes constructions. Dans le village, on remarque les 
vestiges de la voie romaine montant de Nicopolis, l'an- 
cienne Emmaûs, à Jérusalem par les deux Béthoron. 
Elle fut construite elle-même à la place du chemin an- 
tique suivant la descente de Béthoron par où les Cha- 
nanéens coalisés, vaincus par Josué à la bataille de 
Gabaon, s'enfuyaient quand ils furent atteints par la 
pluie de pierres qui acheva leur défaite. La population 



2. OZI (Septante : 'OîO, fils aîné de Thola et petit- 
fils d'Issachar. il eut un fils appelé Izrahia. I Par., vu, 
2,3. 

3. OZI (Septante : 'OçQ, fils de Bêla et l'un des prin- 
cipaux et des plus vaillants de la tribu de Benjamin. 
I Par., vu, 7. Les cinq chefs des familles benjamites 
énumérés dans ce f. 7 ne sont pas des fils proprement 
dits, mais des descendants de Bêla. Voir Benjamin 1, 
t. i, col. 1589. 

4. OZI (Septante : 'O;0> Als de Mochori et père 
d'Éla, de la tribu de Benjamin. Ses descendants s'éta- 
blirent à Jérusalem après le retour de la captivité de 
Babvlone. I Par., ix, 8. • 

5. OZI (hébreu : 'Vzaï, « fort »; Septante : EiÇa'î; 
Sinaiticus : Ejei), père de Phalel. Ce dernier vivait du 
temps de Néhémie et travailla à la reconstruction des 
murs de Jérusalem. II Esd., m, 25. 

OZIA (hébreu : ÇUzzîâ', probablement pour 'Vzziydh, 
c< Jéhovah est ma force; » Septante : 'OÇiâ), un des gib- 
bôrim de David. Il était Astarothite, c'est-à-dire origi- 
naire d'Astaroth. I Par., xi, 44. 

OZIAS, nom de six Israélites dans la Vulgate. Le 
nom est écrit en hébreu, tantôt sous la forme complète 



d943 



OZIAS 



1944 



'Uzziyâhu, tantôt sous la forme apocopée 'Uzziydh, 
« Jéhovah est ma force. » — Le nom hébreu est trans- 
crit dans la Vulgate par Aziam, II Esd., xi, 4; par Ozia- 

I Par., xi, 44. 

1. OZIAS (hébreu : 'uzziyyàh et 'uzzîyydhû, « Jého- 
vah est force; » Septante. : 'Ottac), roi de Juda (809-757 
ou 811-760, suivant les systèmes chronologiques). Dans 
IV Reg., xv, 1-7, ce roi porte le nom d'Azarias, 'Azaryàh 
ou ' Azaryâhù , « Jéhovah aide». Comme il est assez 
peu probable qu'un roi de Juda ait eu deux noms à la 
fois, Gesenius, Thésaurus, p. 1011, pense qu'il y a eu 
erreur des copistes, à cause de la similitude des deux 
noms rw et nnu, le second ne différant que par l'addi- 
tion d'un "i. Le nom d'Azarias ne se lit que dans IV Reg., 
xiv, 21; xv, 1-27; I Par., ni, 12, tandis que celui d'Ozias 
est employé plus fréquemment et par des écrivains pos- 
térieurs, ce qui tendrait à montrer qu'il avait prévalu 
comme étant le véritable. IV Reg., xv, 30-34; II Par., 
xxvi, 1-23; xxvn, 2; Is., i, 1 ; vi, 1; Ose., 1,1; Am., i, 1; 
Zach., xw, 5; Matth., i, 8, 9. — 1° Quand Amasias, à la 
suite d'un règne d'abord glorieux, puis déshonoré, eut 
péri victime d'un complot, voir Amasias, t. i, col. 443- 
446, le peuple de Juda fut unanime à prendre pour roi 
son fils Ozias, âgé seulement de seize ans. Le jeune roi 
n'avait donc connu, du règne paternel, que les années 
malheureuses, et il avait été témoin de la prise de Jéru- 
salem par Joas, roi d'Israël. IV Reg., xiv, 13; II Par., 
xxv, 23. Sa mère Jéchélia, de Jérusalem, lui expliqua 
sans doute la relation providentielle qui existait entre 
cette catastrophe el la chute d'Amasias dans l'idolâtrie. 

II Par., xxv, 14-16. D'autre part, Ozias était conseillé 
par un prophète du nom de Zacharie, qui eut, tant qu'il 
vécut, une heureuse influence sur le prince. Voir Za- 
charie. Docile aux leçons qui lui étaient données, 
Ozias ne succomba jamais à l'idolâtrie, durant son long 
règne de cinquante-deux ans. Il suivit fidèlement les 
préceptes divins, comme son père l'avait fait durant ses 
premières années. Seulement, soit indifférence, soit 
impuissance, il ne détruisit pas les hauts Jieux qui ser- 
vaient au peuple de rendez-vous idolâtriques où l'on 
offrait des sacrifices et où l'on brûlait des parfums. 
IV Reg., xv, 4. Le même reproche est d'ailleurs adressé 
à d'autres rois dont plusieurs ont été bons toute leur 
vie. Voir Hauts-lieux, t. m, col. 456. Il est à croire 
que, s'il l'avait pu, Ozias se serait rendu sur ce point 
aux avis que le prophète Zacharie ne dut pas manquer 
de lui faire entendre. Contrairement à ce qu'avait fait 
son père, le nouveau roi n'allia jamais au culte de Jého- 
vah celui des idoles. C'est pourquoi Dieu le fit prospé- 
rer, aussi longtemps du moins qu'il ne tomba pas dans 
une faute grave d'un autre genre. II Par., xxvi, 4, 5, 

2° Ozias déploya une grande activité militaire. Dans 
une première campagne, dont on ne peut fixer la date 
exacte, mais qui n'eut probablement lieu que quand le 
jeune roi fut en. âge de faire la guerre, il poussa jusqu'à 
Élath, à la pointe septentrionale du golfe Élanitique. 
Voir la carte, t. i, col. 1099. Cette ville iduméenne, jadis 
utilisée par Salomon comme port pour sa flotte, III Reg., 
IX, 26, avait été réoccupée par les Iduméens sous le roi 
Joram. IV Reg., vin, 20-22. Voir Élath, t. n, col. 1645. 
Ozias la reprit, la rebâtit et la garda sous sa puissance. 
II Par., xxvi, 2. L'entreprise 'dénotait une certaine vi- 
gueur, car il y avait 270 kilomètres de désert à traverser 
pour aller 4e Jérusalem à la ville en question. Le roi 
était sans doute dans l'intention de se créer une flotte 
nouvelle et de reprendre les voyages d'Ophir. Rien 
n'indique qu'il ait pu donner suite à ce .projet. Jadis le 
prophète Abdias, 17-19, avait prédit que Juda rentrerait 
en possession de la montagne d'Ésaû. Ozias se tourna 
ensuite contre les Philistins. Il démantela les villes de 
Geth, deJabnia et d'Azot, et il construisit de nouvelles 
villes dans le pays philistin, afin de dominer plus sûre- 



ment la contrée. Au sud oe la Palestine, il réduisit les 
Arabes de Gurbaal. En territoire iduméen, il soumit les 
Maonites. Voir Maonites, t. IV, col. 704. À l'est du 
Jourdain, les Ammonites, autrefois vaincus par Josa- 
phal, II Par., xx, 2-23, payèrent tribut à Ozias. Le roi 
de Juda affermissait ainsi sa domination sur tous les 
pays d'alentour. A cette même époque, Jéroboam II, qui 
régnait en Israël (824-783 ou 783-743), tenait ferme en 
face du royaume de Syrie et étendait aussi ses con- 
quêtes, voir Jéroboam II, t. ni, col. 1303, de sorte que 
la nation entière jouissait d'une grande sécurité. Pen- 
dant ce temps, les rois d'Assyrie tournaient l'effort de 
leurs armes contre l'Arménie et les pays du nord. Voir 
Assyrie, t. i, col. 1166. Rien ne faisait donc obstacle à 
la prospérité matérielle d'Israël et de Juda. Entre les 
deux rois, le texte sacré ne signale d'ailleurs ni hostilité 
ni entente. Néanmoins, en roi prévoyant, Ozias eut 
soin de mettre sa capitale hors d'atteinte. Sous le règne 
de son père Amasiàs, Joas, roi d'Israël, s'était rendu 
maître de Jérusalem et avait abattu quatre cents cou- 
dées des murailles, de la porte d'Éphraïm à la porte de 
l'Angle. Il Par., xxv, 23. Ozias s'empressa naturelle- 
ment de réparer le dommage. Cette partie de la pre- 
mière enceinte était la plus exposée, car elle s'étendait 
sur le côté nord de la ville, qui n'est point défendu, 
comme les trois autres, par de profondes vallées. Voir 
Jérusalem, t. m, col. 1358. Des tours furent bâties sur 
la porte de l'Angle, sur la porte de la Vallée et sur 
l'angle lui-même. Voir le plan, t. m, col. 1355. Cet angle 
était probablement celui que la muraille de la ville for- 
mait avec la muraille du Temple. Cf. Séjourné, Les 
murs de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1895, 
p. 43. Josèphe, Ant. Jud., IX, x, 3, est plus explicite 
au sujet de ces constructions. D'après lui, Ozias rebâtit 
toutes les parties des murs qui tombaient en ruines par 
vétusté et grâce à l'incurie des rois précédents, ainsi 
que ce qui avait été démoli sous Amasias. Il éleva aussi 
beaucoup de tours de cent cinquante coudées de haut. 
Ces indications sont probablement exagérées. Le roi 
mit tout son soin à tenir son armée sur un bon pied de 
guerre. Cette armée, divisée en sections, avait ses offi- 
ciers au nombre de 2600, et comptait un effectif de 
307 500 guerriers, dont la force imposante tenait les 
ennemis en respect. Les armes ne manquaient pas à ces 
soldats : boucliers, lances, casques, cuirasses, arcs et 
frondes, tout était préparé pour la guerre. De plus, sur 
les tours de l'enceinte de Jérusalem et sur les angles des 
murs, Ozias fit installer des machines pour lancer des 
traits et de grosses pierres. Ces machines n'étaient pas 
imitées de celles qui pouvaient se trouver chez les 
étrangers; leur construction était l'œuvre d'un habile 
inventeur du pays. Voir Machines de guerre, t. iv, 
col. 505. On ne peut dire à quel modèle appartenaient 
ces catapultes et ces balistes. Elles ne paraissent pas 
avoir fait grande impression sur les envoyés de Senna- 
chérib, quand, sous le roi Ezéchias, ceux-ci se présen- 
tèrent au pied des murs de Jérusalem pour sommer les 
habitants de se rendre. II Par., xxxn, 18. Elles pou- 
vaient cependant rassurer contre des envahisseurs moins 
puissamment outillés, comme par exemple, les Israé- 
lites. Grâce à cet armement et à cette activité militaire, 
le roi de Juda se fit respecter de ses voisins, affermi, 
sa puissance et étendit au loin sa renommée. II Par., 
xxvi, 2, 6-9, 11-15. 

3° Le roi Ozias fut aussi un grand agriculteur et un 
grand éleveur de troupeaux. Au sud de la capitale, dans 
Je désert de Juda, il creusa beaucoup de citernes pour les 
troupeaux qu'il possédait en grand nombre, et il bâtit des 
tours pour permettre aux gardiens de se défendre contre 
les pillards. IJ se rappelait sans doute ce qu'un de ses 
prédécesseurs, Joram, avait eu à souffrir des brigands 
philistins et arabes. II Par., xxi, 16, 17. Il prit les 
mêmes précautions défensives dans la plaine de Se- 



1945 



OZIAS 



OZIAU 



1946 



phéla, le long de la mec, en pays philistin, sur les pla- 
teaux, dans les montagnes et au Carmel de Juda, voi- 
sin de l'Idumée. Dans ces diverses régions, des labou- 
reurs et des vignerons travaillaient pour son compte. 
II Par., xxvi, 10. Ozias renouvelait ainsi les traditions 
de David, qui avait eu dans tout le pays ses vignerons 
■et ses cultivateurs. I Par., xxvn, 25-31. Les autres rois, 
ses prédécesseurs, avaient sans nul doute continué à 
faire exploiter leurs propriétés. Mais, par incurie ou 
par impuissance, il n'avaient pas toujours su les proté- 
ger suffisamment. De l'élevage et de la culture, le roi de 
Juda tirait donc d'abondants revenus, dont il parait avoir 
fait un judicieux usage. 

4° Par malheur, sur la fin de son règne, Ozias usurpa 
les fonctions sacrées et oubliant ce qui était arrivé 
au roi Saiil, I Reg., xm, 9-14, il pénétra dans le sanc- 
tuaire du Temple et y brûla des parfums sur l'autel. 
Le grand-prélre Azarias, accompagné de quatre-vingts 
prêtres, accourut pour faire au roi ses remontrances et 
l'adjurer de sortir du sanctuaire, en lui faisant sentir 
que sa transgression ne tournerait pas à son honneur. 
Le prince, qui avait l'encensoir à la main, fut saisi de 
colère. Mais aussitôt, dans le sanctuaire même, il fut 
.atteint de la lèpre. L'horrible mal apparut sur son front. 
Les prêtres, habitués par état à reconnaître les signes 
de cette maladie, s'en aperçurent immédiatement et 
repoussèrent le roi dehors. Lui-même se sentit frappé 
de Dieu et se hâta de quitter le Temple. La lèpre se 
montre tout d'abord sous forme de taches. Voir Lèpre, 
t. IV, col. 176. Il est à croire que, dans le cas présent, 
elle se manifesta instantanément à l'état tuberculeux, 
de manière à bien marquer l'intervention divine, attirer 
sur-le-champ l'attention des prêtres et à convaincre le 
roi lui-même sans autre examen. Le châtiment était 
effroyable. Ozias, qui jusqu'à ce jour avait vécu en roi, 
et qui, par suite de ses goûts militaires et agricoles, de- 
vait se donner beaucoup de mouvement à travers son 
royaume, se vit subitement obligé, conformément à la 
Loi, Lev., xm, 44-46; Num., v, 2-4; xn, 14, 15, à se sé- 
parer de la société des humains, à ne plus entrer dans 
le Temple et à se réfugier dans une maison isolée. 
II Par., xxvi, 16-21. Josèphe, Ant. jud., IX, x, 4, qui 
dramatise beaucoup le récit des Paralipomènes, dit 
qu'Ozias vécut dans une maison située hors de la ville, 
mourut consumé de remords et de chagrin et fut inhu- 
mé seul dans ses jardins. Il est présumable que la de- 
meure qui servit de refuge à Ozias se trouvait dans une 
propriété royale, peut-être dans les jardins royaux voi- 
sins de Siloé. IV Reg., xxv, 4. On ne peut admettre ce- 
pendant que le roi ait été inhumé dans ses jardins, 
comme le dit Josèphe. D'après le texte sacré, II Par., 
xxvi, 23, Ozias fut inhumé près des rois ses ancêtres. 
Seulement, comme il était lépreux, on déposa son corps' 
non dans le sépulcre même, mais dans le champ qui 
entourait le monument. Le prince s'était montré fidèle 
à Dieu durant la plus grande partie de son règne; on 
peut donc légitimement penser que le châtiment dont 
sa faute fut suivie le fit rentrer en lui-même et compta, 
aux yeux de Dieu, comme une expiation salutaire. Jo- 
sèphe prétend encore qu'au moment où le roi fut frappé 
dans le Temple, il y eut un grand tremblement de 
terre et que, près de Jérusalem, en un lieu appelé 
Érogé (En-Rogel), une partie de montagne s'écroula et 
obstrua le chemin et les jardins royaux. On ne sait si 
l'historien se fonde ici sur une tradition certaine ou s'il 
amplifie, comme il fait quelquefois. Amos, i, 1, parle 
d'un tremblement de terre qui eut lieu au temps 
d'Ozias, roi de Juda, et de Jéroboam, roi d'Israël. Za- 
charie, xiv, 5, fait aussi mention du même phénomène 
et ajoute qu'il mit tout le monde en fuite à Jérusalem. 
Mais il est impossible de déterminer la date de ce cata- 
clysme, Ozias et Jéroboam ayant régné en même temps 
soit de 809 à 783, soit de 783 à 757. Quand le roi Ozias 



devint incapable d'administrer, son fils Joatham prit le 
commandement de la maison royale et gouverna le 
pays. II Par., xxvi, 21. Or Joatham avait vingt-cinq ans 
quand son père mourut. II Par., xxvn, 1. 11 ne pouvait 
guère avoir moins de quinze ans quand il le suppléa 
dans la fonction royale. Ozias, qui régna en tout cin- 
quante-deux ans, ne dut pas être à l'écart plus d'une 
dizaine d'années; peut-être même son épreuve fut-elle 
beaucoup moins longue. Rien, en tous cas, ne l'empê- 
chait de Conseiller son fils pour la bonne administra- 
tion des affaires. — Isaïe, i, 1; vi, 1, était contemporain 
d'Ozias; mais il n'inaugura son ministère que l'année 
de la mort de ce roi. Osée, I, 1, prophétise également 
sous le même règne, mais seulement vers la fin, puis- 
qu'il rendit encore des oracles sous les trois rois sui- 
vants. Amos, i, 1, se fit entendre aussi sous Ozias, deux 
ans avant le tremblement de terre. Voir Amos 1, t. i, 
col. 511. H. Lesêtre. 

2. OZIAS (Hébreu : 'Uzzyâh; Septante : 'OÇ:a), fils 
d'Uriel et père du lévite Saûl, de la branche de Caath. 
I Par., vi, 24 (hébreu, 9). Comme nous trouvons plus 
loin f. 36-37 (hébreu, 21-22) une tiutre généalogie dans 
laquelle, au lieu des quatre noms Thahath, Urie], 
Ozias, Saûl, nous lisons des noms différents, on a sup- 
posé que Ozias est le même qu'Azarias et que c'est une 
double orthographe du même nom, comme pour le'ro- 
Ozias= Azarias, mais comme les autres noms sont diffé, 
rents, on peut admettre qu'il y a deux généalogies diffé- 
rentes partant de Thahath, dont l'une descend de 
lui par Uriel, f. 24, et l'autre, par son autre fils So- 
phonie, f. 36, qui fut un des ancêtres du chef de 
chœur Héman. 

3. OZIAS (hébreu : 'Uzzîyâhû; Septante : 'OÇÎouj, 
père de Jonathan. Ce dernier, du temps de David, fut 
chargé de la garde des biens que possédait le roi hors 
de Jérusalem. I Par., xxvn, 25. Voir Jonathan 5, 
t. ni, col. 1615. 

4. OZIAS (hébreu : 'Vzzîydh; Septante : 'Oî(a), un 
des prêtres des « fils d'Harim », qui avait épousé une 
femme étrangère et qui dut, la répudier du temps 
d'Esdras. I Esd., x, 21. 

5. OZIAS (Septante : 'Oî;îa«), fils de Micha, de la tribu 
de Siméon. Il gouvernait la ville de Béthulie du temps 
de Judith. Il fit bon accueil à Achior l'Ammonite (voir 
AchIor 2, t. i, col. 143), Judith, vi, 11-18; mais sur les 
instances de ses compatriotes assiégés par Nabuchodo- 
nosûr, il promit de rendre la ville au général assyrien, 
si elle n'était pas secourue dans l'espace de cinq jours. 
Judith la délivra avant ce terme. Judith, vn-xiu, et il fit 
annoncer la nouvelle dans tout Israël. Judith, xv, 5. 
Voir Judith 2, t. m, col. 1822. 

6. OZIAS (Septante : 'O'iriX), un des ancêtres de 
Judith, de la tribu de Ruben. Judith, vm, 1. 

OZIAU (hébreu Ya'âzîyâhû, « fortifié par Jéhovah ; » 
Septante : 'OÇi'a), lévite, fils de Mérari. La Vulgate lui 
donne un fils qu'elle appelle Benno, mais le mot hébreu 
benô dont elle fait un nom propre parait bien être un 
nom commun, benô, « son fils. » Le texte original est 
d'ailleurs défectueux dans sa forme actuelle, voir Benno, 
t. i, col. 1600, et on ne peut rétablir la leçon véritable. 
I Par., xxiv, 26-27, semble donner Oziaû comme un 
troisième fils de Mérari, mais Exod., vi, 19; Num., m, 
33; I Par., xxm, 21, ne mentionnent que deux fils de 
Mérari. La répétition de « fils de Mérari », au il. 26 et 
au f. 27, de I Par., xxiv, ne peut s'expliquer que par 
une altération du texte. Il n'y a rien qui corresponde 
au mot benô dans les Septante. 



1947 



OZIEL — OZRIEL 



1948 



OZIEL (hébreu : 'UzzVêl, « Dieu est ma force »), 
nom de six Israélites dans le texte hébreu; de cinq, 
dans la Vulgate, qui appelle le sixième Eziel. II Esd., 
m, 8. 

1. OZIEL (Septante : 'OÇe^X), lévite, le quatrième 
fils de Caath, Exod., vi, 18; Num., m, 19; I Par., vi, 2.. 
18; xxiii, 12, et père de Misaël, d'Élisaphan et de Séthri, 
Exod., vi, 22; Lev., x, 4; Num., m, 30. Aaron était son 
neveu. Lev., x, 4. Ses descendants furent appelés de 
son nom Oziélites. Num., m, 27; I Par., xxvi, 23. Ils 
eurent pour chef du temps de Moïse Élisaphan, Num., m, 
30, et Aminadab du temps de David. I Par., xv, 10. Sur 
les fonctions sacrées des Oziélites, voir Caathites, t. n, 
col. 3; Oziélites. 

2. OZIEL (Septante : 'OÇc^),), fils de Jési, de la tribu 
de Siméon, qui, avec ses trois frères aînés, conduisit 
cinq cents hommes de sa tribu à la montagne de Séir, 
c'est-à-dire en Idumée,du temps du roi Ézéchias. Là, ils 
battirent les restes des Amalécites, qui avaient survécu 
aux défaites de leurs ancêtres sous le règne de Saûl, 
I Reg., XIV, 48, et de David, II Reg., vin, 12, et s'étaient 
réfugiés en Idumée. Les Siméonites prirent possession 
de leur pays et s'y établirent. I Par., iv, 42-43. 

3>. OZIEL (Septante : 'OÇni).), le troisième des cinq 
fils de Bêla, de la tribu de Benjamin, qui furent tous 
remarquables par leur force et leur vaillance et chefs 
de famille dans leur tribu. I Par., vu, 7. 

4. OZIEL (Septante : 'OÇi^).), lévite, nommé le troi- 
sième parmi les quatorze fils d'Héman, qui furent éta- 
blis par David comme musiciens du sanctuaire. 
I Par., xxv, 4. Oziel e_st énuméré parmi ceux qui jouaient 
du nébel. I Par., xv, 20. Il paraît être le même qu'Aza- 
réel, qui fut le chef de la douzième classe de musiciens. 
I Par., xxv, 18. Le nom d'Azaréel ne diffère en hébreu 
de celui d'Oziel que par le changement de Yiod en resch, 
t et -i, et comme les fils d'Héman devinrent chefs des 
diverses classes de musiciens, il est naturel de recon- 
naître Oziel dans Azaréel. 



5. OZIEL (Septante : 'OÇctjX), lévite, descendant d'Idi- 
thun, qui travailla, avec les prêtres et d'autres lévites, 
à purifier le Temple, sous le règne d'Ézéchias, des pro- 
fanations du roi Achaz. II Par., xxix, 14. 

OZIÉLITE, OZIHÉLITE (hébreu : hâ-Âzî'êlî; Sep- 
tante : 6? i( ioî ô 'OÇiijX; Vulgate : Ozielitse, Num., m, 27; 
Ozihelitse, I Par., xxvi, 23), descendants d'Oziel. Dans 
le désert du Sinaï, ils furent chargés avec les autres 
Caathites, tous placés sous la direction d'Élisaphan, 
fils d'Oziel, de camper du côté méridional du Taber- 
nacle et de garder l'arche, la table, lé chandelier, les 
autels, les vases du sanctuaires et le voile. Num., m, 
27-31. Quand David fit transporter l'arche à Jérusalem, 
les Oziélites étaient au nombre de cent douze et 
avaient pour chef Aminadab. 1 Par., xv, 10. Ils furent 
chargés de la garde d'une partie des trésors du sanc- 
tuaire, quand David organisa en détail le service lévi- 
tique. I Par., xxvi, 23, "Voir Oziel 1. 

OZNE (hébreu: 'Oznî; Septante: 'AÇevc), le quatrième 
des sept fils de Gad, d'où est issue la famille des Ozni- 
tes. Num., xxvi, 16. Son nom est écrit Ésébon dans, la 
Genèse, xlvi, 16, par suite d'une altération de forme 
orthographique qui se remarque aussi, dans les deux 
chapitres cités, pour d'autres noms : Jamuel et Sohar, 
Gen., xlvi, 10, = Namuel et Zaré, Num., xxvi, 12-13 
Séphion et Arodi, Gen., xlvi, 16, = Séphon et Arod, 
Num., xxvi, 15, 17; Ophim, Gen., xlvi, 21,= Hupham 
Num., xxvi, 39, etc. 

OZNITES (hébreu : hâ-Oznî; Septante : S^o; 6 
'AÇevf; Vulgate : Oznitae), descendants d'Ozni, une des 
familles de la tribu de Gad. Num., xxvi, 16. 

OZRIEL (hébreu: 'Azrî'êl, « Dieu est mon secours; » 
Septante : 'OÇirj),), père de Jérimoth. Ce dernier fut à 
la tête de la tribu de Nephthali du temps de David. 
I Par., xxvn, 19. — Dans le texte hébreu, deux autrese 
Israélites portent aussi le nom de 'Azrî'êl. La Vulgate 
les appelle Ezriel, I Par., v, 24, et Jer., xxxvi. 26. Voir 
Ezriel 1 et 2, t. il, col. 2164. 



P, dix-septième lettre de l'alphabet hébreu. Voir 
PÉ, Phé. 

PACRADOUNI Arsène, religieux mékithariste de 
Venise, né à Constantinople en 1790, mort au couvent de 
Saint-Lazare le 24 décembre 1866. Un des plus illustres 
polyglottes de son Ordre et le premier arméniste du 
xix c siècle, il a publié un grand nombre de traductions 
fort estimées du grec, du latin, du français et de l'ita- 
lien en arménien littéraire. — Parmi ses travaux rela- 
tifs à la Bible, nous citerons 1» la version classique 
découverte par lui dans un manuscrit arménien, de 
l'Ecclésiastique ou la Sagesse de Jésus fils de Sirach 
avec la Lettre de Jérémie aux Juifs captifs en Babylonie, 
petit vol. in-16 de 173 pages, Venise, 1833 et 1878. Il y 
manque les chapitres vm, xxxvi, xxxvn, ainsi que les 
ch. xliii-li de la fin, 2» Une édition complète de la 
Bible, Venise, 1860, in-folio de 1224 pages à deux co- 
lonnes, illustrée de belles gravures; cette édition, soi- 
gneusement confrontée avec les Septante, corrige bien 
des inexactitudes qui s'étaient glissées dans la version 
de la Bible arménienne. J. Miskgian. 

PADDAN ARÂM, mu ]ts, littéralement « plaine 
d'Aram ou de Syrie », Mésopotamie. Voir Mésopotamie, 
col. 1022. 

PAGANISME, PAÏENS. Les païens sont désignés 
dans l'Écriture sous le nom tle gentils. Voir Gentils, 
t. m, col. 189. 

PAGNINO SANTES, en latin Sanctes ou Xantes 
Pagninus, célèbre hébraïsant, de l'ordre de Saint Domi- 
nique, né à Lucques, vers 1470, mort à Lyon le 24 août 
1541, ou, selon d'autres, le 21 août 1536. Il entra dès 
l'âge de 16 ans chez les Dominicains de Fiésole, où il 
eut pour maître Savonarole. Léon X ayant fondé à Rome 
une école de langues orientales y appela Pagnino comme 
professeur. Après la mort de ce pape (1521), il accompagna 
le cardinal légat à Avignon et résida ensuite jusqu'à sa 
mort à Lyon, où il fonda un hôpital et combattit avec 
ardeur le protestantisme. Il est surtout connu par sa 
traduction latine littérale du texte hébreu et du texte 
grec original de l'Ancien et du Nouveau Testament, à 
laquelle il travailla pendant trente ans. Son but fut de 
rendre le texte original mot à mot et aussi exactement 
que possible. Son œuvre parut sous le titre de Veleris 
et Novi Testamenti nova translatiez, in-4°, Lyon, 1528. 
Elle eut un très grand succès. C'est la première Bible 
dans laquelle ont été numérotés tous les versets chapitre 
par chapitre, et sa numérotation est celle que nous avons 
encore aujourd'hui pour les livres protocanoniques de 
l'Ancien Testament. Quant à sa traduction elle-même, 
on l'a Jouée et dépréciée à l'excès. Elle a des défauts, 
mais ils ne doivent pas faire méconnaître ses mérites, et 
elle a rendu de grands services pour la diffusion de 
l'étude de l'hébreu. On l'a souvent réimprimée avec 



plus ou moins de modifications: On peut distinguer 
trois classes d'édition. — 1° Michel Servet fit paraître à 
Lyon en 1542 une nouvelle édition avec des corrections 
attribuées à Pagnino lui-même. — 2" Robert Estienne 
donna à Paris, 1557 et 1577 une autre édition, qui a été 
souvent reproduite; la traduction de l'Ancien Testament 
y a été corrigée, surtout d'après les notes de François 
Vatable, et la traduction du Nouveau Testament a été 
remplacée par celle de Bèze. — 3° La troisième est 
formée par les éditions de Plantin, à Anvers, qui ont 
été éditées et rendues plus littérales encore par Arias 
Montano : Biblia latina Pagnini ab Aria Montano re- 
cognita, Anvers, 1572. Voir Arias Montano, 1. i, col. 953. 
— On a aussi de Pagnino Thésaurus linguse sanctse seu 
Lexicon hebraicum, in-f>, Lyon, 1529; in-4°, Paris, 
1548; in-f°, Genève, 1614 (édition défectueuse donnée 
par J. Mercier et A. Cavalleri). Ce Thésaurus est un 
ouvrage estimé. Voir W. Gesenius, Hebràïsches Hand- 
wôrterbuch, in-8°, Leipzig, 1823, Vorrede, p. xix. 
Pagnino s*est surtout servi pour cet ouvrage, comme 
pour ses autres travaux de Kimchi et des rabbins. On 
a publié un Thesauri Pagnini Epitome, in-8°, Anvers, 
1616. Il a été souvent réimprimé. — Isagoges seu Intro- 
ductions ad Sacras Litteras liber unus, in-4», Lyon, 
1628; in-f°, Lyon, 1536. — Catena argentea in Pentateu- 
chu-m, 6in-f», Lyon, 1536, etc. — Voir Péricaud, Notice 
sur Sardes Pagnino, Lyon, 1850. F, VigourOUX. 

PAILLE (hébreu : galgal, « ce qui roule, » mâs, 
mapâl, « ce qui tombe, » qa$, tébén; chaldéen : 'ûr; 
Septante : âyvpov, v.a'Xi]).^, ^op-râafia, x v °ûÇj xàpcpoi;; 
Vulgate : palea, festuca), tige végétale qui supporte 
l'épi des céréales. 

I. Usages. — 1° La paille sert de litière aux animaux. 
Gen., xxiv, 25; Jud., xix, 19; III Reg., iv, 28. — 
2° Elle constitue aussi leur nourriture. Aux temps 
messianiques, le lion mangera la paille comme le bœuf, 
Is., xi, 7; lxv, 25, ce qui signifie que les hommes les 
plus opposés par le caractère et les mœurs s'uniront 
ensemble sous la loi du Sauveur. La paille ne peut servir 
de nourriture à l'homme, car il n'y a rien de commun 
entre elle et le froment. Jer., xxm, 28. Aussi Amos, 
vm, 6, reproche-t-il à bon droit aux riches avares de 
vendre aux pauvres mapâl, « ce qui tombe » du fro- 
ment quand on le passe au crible, la balle, qui peut 
tout au plus nourrir les animaux. D'après la Vulgate, 
Isaïe, xxv, 10, dit que Moab sera écrasé comme la paille 
sous un chariot. Le texte hébreu doit plutôt se traduire : 
& Moab sera foulé sur place comme la paille dans la 
mare à fumier. » Voir Fumier, t. n, col. 2415. Il s'agi- 
rait donc ici de paille triturée et hachée moins pour la 
nourriture des animaux que pour servir d'engrais, ou 
plus probablement pour être rejetée comme inutile. — 
3° En Egypte, on mêlait la paille à l'argile dont on fa- 
briquait les briques, afin de leur donner plus de con- 
sistance avant de les faire sécher au soleil. Exod., v, 
7-18. Voir Brique, 1. 1, col. 1931. 



1951 



PAILLE _ PAIN 



1952 



II. Comparaisons. — 1° A cause de sa légèreté, la 
paille, surtout quand elle est desséchée, est aisément 
emportée par le vent. Elle représente souvent, dans la 
Sainte Écriture, les ennemis ou les méchants qui 
sont emportés par le tourbillon de la justice de Dieu. 
Job, xxi, 18; Ps. xxxv (xxxiv), 5; lxxxih (lxxxii), 14; 
Is., xvn, 13; xl, 24; xli, 2, 15; Dan., n, 35. Job, xm, 
25, se plaint que Dieu le poursuit comme le vent pour- 
chasse une feuille desséchée. — 2» La paille est rapi- 
dement consumée par le feu; ainsi les impies seront 
consumés par le feu de la colère divine; Is., v, 24; 
xlvii,14; ainsi périront dans le feu inextinguible ceux 
dont les actes sont mauvais. Matth., m, 12; Luc, m, 
17. — 3" La paille emportée par le vent figure la rapi- 
dité du jour qui passe. Soph., n, 2. Son inconsistance 
•donne l'idée d'une chose très faible. Job, xli, 18. 
Cependant, quand elle est projetée dans un organe 
aussi délicat que l'œil, la paille peut l'empêcher de 
remarquer les objets même les plus considérables. 
C'est ainsi que Notre-Seigneur reproche à certains de 
ne pas s'apercevoir de la poutre qui est dans leur œil 
et de remarquer très bien le fétu de paille, xap<po;, 
qui se trouve dans l'oeil du prochain, comparaison hy- 
perbolique signifiant que souvent on est aussi perspi- 
cace sur les petits défauts des autres qu'aveugle sur 
les siens propres, si grands qu'ils soient. Matth., vu, 
3-5; Luc, vi, 41-42. H. Lesêtbe. 

PAIN (hébreu: léhém : Septante : Sproç; Vulgate : 
parais), nourriture faite de farine pétrie à l'eau (fig. 510) 




510. — Diverses formes du pain en Egypte. 
D'après Ermann, Aegyptisches Leben, 1. 1, p. 269. 

et cuite à une température de 200° à 250°. Le mot 
hébreu vient du verbe lâham, « manger; » le W.tèm 
désigne donc tout d'abord la nourriture en général; 
c'est le sens qu'a conservé le chaldéen lehém, Dan., v, 
1; de là vient que, dans plusieurs passages, Gen., xxrv, 
33; xxxi, 54; xxxvn, 25; Exod., n, 20; etc, les versions 
traduisent par « pain » le mot qui doit être pris dans 
le sens de « nourriture » en général. Mais comme le 
pain était la nourriture la plus commune, le mot léfyém 
désigne plus habituellement le pain en hébreu, en phé- 
nicien et en araméen, alors qu'en arabe il est devenu le 
nom de la viande. Le hôrî est un pain en usage chez les 
Égyptiens, Gen., XL, 16, -/ovgpt'rrii;, « de gruau; » cf. 
Eduyoth, ni, 10. Le maççdh, « doux, » est le pain non 
fermenté. Voir Azyme, t. i, col. 1311. « Cuire le pain i> 
se dit 'ûg. Ezech., iv, 12. 

I. Le pain matériel. — 1° Son origine. — Différentes 
céréales, le blé, l'épautre, l'orge, le seigle, etc., four- 
nissent des grains qui, réduits en farine au moyen des 
meules, peuvent servir à faire du pain. Voir Fahine, 
t. m, col. 2179. Or ces céréales, le pain, par conséquent, 
sont le produit de la terre, Job, xxvm, 5; Ps. civ (cm), 
14, et de la pluie qui la féconde. Is., lv, 10. A la suite 
de son péché, l'homme fut condamné à manger son 
pain à la sueur de son front, Gen., m, 19, c'est-à-dire 



à ne tirer sa nourriture de la terre qu'au prix d'un 
travail pénible. Néanmoins le pain est assuré à celui 
qui cultive la terre, Prov., xn, 11 ; xxvm, 19, et travaille 
diligemment, Prov., xx, 13; xxxi, 14, 27. Le Seigneur 
promit même à son peuple fidèle de bénir son pain 
pour qu'il en eût à satiété, Exod., xxm, 25; Lev., xxvi, 
5; Deut., vin, 9, d'envoyer ses ondées sur le grain pour 
qu'il fournît un pain délicieux et abondant, Is., xxx, 
23, et que la terre de Palestine fût un pays de pain et 
de vignes. Is., xxxvi, 17. Par contre, le pain devait 
manquer à l'Israélite infidèle. Lev., xxvi, 26. Le terri- 
toire d'Aser était, en Palestine, celui qui fournissait le 
meilleur pain. Gen., xlix, 20. Voir Aser, 1. 1, col. 1088. 
L'Egypte produisait le pain abondamment. Exod., XVI, 3. 
2" Sa fabrication. — 1. En Egypte, le pain se fabri- 
quait d'une manière assez sommaire et peu hygiénique. 
La femme commençait par broyer le grain. Voir Meule, 
et la figure 273, col. 1050. « La farine, ramenée à plu- 
sieurs reprises sur le mortier rustique, est lourde, 
inégale, mélangée de son et de grains entiers qui ont 




511. — Égyptienne pétrissant du pain. 
Statuette en calcaire du musée du Caire. 

échappé au pilon, souillée de poussière et d'éclats de 
pierre. Elle la pétrit avec un peu d'eau (fig. 511), y in- 
corpore en guise de levain un morceau de pâte rassise 
de la veille, et en façonne des galettes rondes, épaisses 
comme le pouce, larges d'environ dix centimètres, 
qu'elle étale sur un caillou plat et qu'elle recouvre de 
cendre chaude. Le pain, mal levé, souvent mal cuit, ' 
emprunte au combustible animal, sous lequel il est 
resté enterré, un fumet particulier et un goût sûr au- 
quel les étrangers ne s'accoutument pas sans peine. 
Les impuretés qu'il contient triomphent à la longue de 
la denture la plus solide : on le broie plus qu'on ne 
le mâche, et il n'est pas rare de rencontrer des vieil- 
lards dont les dents se sont usées graduellement jusqu'au 
ras des gencives... L'effet a été observé directement sur 
les momies des plus hauts personnages. » Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient, t. I, p. 320. 
Parfois les hommes préparaient la pâte. Les peintures 
les montrent pétrissant la pâte deux à deux tantôt avec 
leurs mains et tantôt avec leurs pieds. Cf. Hérodote, n, 36 
(fig. 512). Voir aussi t. i, fig. 590, col. 1891. Pour le 
service du pharaon, on fabriquait un pain particulière- 
ment blanc, appelé horl, terme probablement égyptien 
qui ne se lit que Gen., XL, 16, et que les versions tra- 



1953 



PAIN 



1954 



duisent par -/mSphr\i, « pain de gruau, » et farina. On 
rattache hori à hdvar, « être blanc. » La Mischna, 
Eduyoth, in, 10, l'emploie dans le sens de « pain ». 
Dans les sépultures égyptiennes, on a trouvé du pain 
bien conservé, tantôt levé, tantôt sans levain. Il ren- 
ferme à peu près les mêmes éléments que notre pain 
moderne, 10 p. 100 de gluten et 65 p. 100 d'amidon, 
avec des traces de nitre mêlé au sel qu'on employait 
alors en ce pays. Cf. Lindet, sur la composition chi- 
mique du pain ancien, dans Comptes rendus de V Aca- 
démie des sciences, 27 oct. 1903. — 2. Chez les Hébreux, 
la fabrication du pain n'était pas plus compliquée. Le 
soin de préparer le pain incombait aux femmes. Gen., 



cendies. Saint Paul fait allusion à cette prescription de 
la Loi quand il écrit : « Si les prémices sont saintes, 
la masse l'est aussi. » Rom., xi, 16. Cf. Iken, Antiqui- 
tates hebraicœ, Brème, 1741, p. 553. — 4. Pourfaire 
cuire la pâte, on employait différents procédés. On 
pouvait se servir du four, quand on possédait une ins- 
tallation suffisante, voir Four, t, m, col. 2335, comme 
on le faisait à Pompéi où l'on a retrouvé une fournée 
de pains encore en place dans le four (fig. 513). Cf. H. 
Thédenat, Pompéi, Paris, 1906, t. n, p. 122. Ordinai- 
rement on cuisait le pain sous la cendre, Gen., xvni, 6, 
sur la braise, Is., xliv, 15, 19; Joa., xxi, 9, ou sur des 
pierres chauffées. III Reg., xix, 6. Ces procédés de cuisson. 




512. — Boulangers égyptiens. Tombeau de Ramsès III à Thèbes. D'après Wilkinson, Manners and Customs, t. n, fig. 301. 
1 et 2. Égyptiens^pétrissant le pain avec leurs pieds. — 3 et 4. On apporte la pâte à un boulanger qui la roule. — 6 et 7. Elle est 
préparée de diverses façons en pain et en pâtisseries, d, e, f, g, h, i, k, l, n, q, r, et cuite sur une sorte de poêle, m. — 
Une scène d'un genre différent est représentée 9 et 10 : des lentilles, placées dans des corbeilles, p, p, sont cuites dans un 
pot, o, sur le feu par le n° 9 avec le bois qu'apporte le n" 10. — Le n" 8 prépare le four. — 11 et 12 font des pâtisseries avec de 
la pâte mélangée de graines aromatiques. — 15 et 16 pétrissent avec les mains. — 17 à 20 portent les pains au .four, y, qui est 
allumé par x. 



xviii, 6; Lev., xxvi, 26; I Reg., vin, 13; xxvm, 24; II 
Reg., xiii, 8; Jer., vu, 18; xliv, 19; Matth., xm, 33. 
Cf. Challa, n, 7. Plus tard, il y eut, au moius à Jéru- 
salem, des boulangers qui faisaient le pain pour le 
compte des autres. Jer., xxxvn, 20. Voir Boulanger, 
t. n, col. 1892. On délayait la pâte avec de l'eau et sou- 
vent on la faisait cuire immédiatement sans y ajouter de 
levain. On la faisait lever lorsqu'on avait le temps et 
qu'on tenait à conserver le pain. Voir Levain, col. 197. 
— 3. Quand la pâte était préparée, on en prélevait une 
petite quantité qui devait être offerte en prémices à 
Jéhovah et mangée par les prêtres. Num., xv, 18-21. 
Ce prélèvement s'appelait halldh, « gâteau. » Il fait 
l'objet du traité Challa de la Mischna. Les docteurs 
réglèrent que le prélèvement serait de 1/24 pour les 
particuliers et de 1/48 pour les boulangers. Depuis 
qu'ils n'ont plus de prêtres, les Juifs brûlent cette 
partie réservée ou la gardent pour la jeter dans les in- 

DICT. DE LA BIBLE. 



se retrouvent chez les Arabes. Cf. de la Roque, Voyage 
en Palestine, Amsterdam, 1718, p. 192-195. Les Bédouins 
« font brûler des broussailles, mettent la galette de pâte 
sur la braise, la recouvrent de cendres chaudes et la 
retournent fréquemment, à l'aide d'un bâton vert, pour 
égaliser la cuisson ». Cela nous rappelle une malédiction 
du prophète Osée, vu, 8 : <i Éphraïm est devenu comme 
un pain cuit sous la cendre qui n'a pas été retourné. » 
Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. 265. En divers endroits 
on n'avait pour tout combustible que les excréments 
desséchés des animaux, ce qui communiquait au pain 
un goût peu agréable. Sur l'ordre donné à Ézéchiel, iv, 
9-17, de cuire son pain de cette manière, voir Excré- 
ments, t. n, col. 2135. — 5. «Le pain oriental ne res- 
semble guère au nôtre. Il n'a ni mie, ni croule; ce 
n'est qu'une peau simple ou double, jamais plus épaisse 
que le petit doigt de la main. Chaud, il est bon; sec, 
il est sans saveur et se dissout mal. Aussi. dans la 



IV. 



62 



4955 



PAIN 



1956 



famille orientale fait-on le pain tous les jours... Ces 
pains ne se coupent pas, ils se déchirent ou se rompent, 
comme fit notre divin Sauveur à la dernière Cène. Le 
couteau de table est inconnu... La forme la plus com- 
mune du pain en Palestine et en Syrie est celle d'une 
galette ronde de 20 centimètres de diamètre, pesant 
Î30 à 150 grammes. Trois de ces pains suffisent pour 
un repas. Cf. Luc, xi, 5. Les pains, surtout quand ils 
sont encore chauds et gonflés, ressemblent aux gros 
galets plats de la grève et du torrent; ils ont la même 
couleur que beaucoup de pierres jaunâtres de Jérusa- 
lem. N'y a-t-il pas une allusion à cette ressemblance 
dans ces paroles du Sauveur : En est-il un parmi vous 
qui donnerait une pierre à son enfant quand il lui de- 
mande du pain? Malth., vu, 9. s Jullien, ibid., p. 264. 
On signale également une certaine ressemblance de 
forme et de couleur entre les pains palestiniens et les 
pierres du désert de la Quarantaine, auxquelles Satan 
fait allusion dans sa tentation. Matth., iv, 3; Luc, iv, 
3. Cf. Fillion, Évang. selon S. Matthieu, Paris, 1878, 
p. 82. — 6. Les pains anciens aûectaient une forme 
ronde ou ovale. Il est plusieurs fois question de kikhar 
léhém, (drond de pain » ou pain rond. Exod., xxix, 23; 



viande, des raisins, des aliments divers, II Reg., vi, 
19, trempé dans une espèce de bouillie, Dan., xiv, 32, 
ou dans la sauce. Joa., xm, 26. On en donnait à des 
animaux domestiques, II Reg., xn, 3, ou on leur aban- 
donnait les miettes. Matth., xv, 27; Marc, vu, 28. 
Mais l'avare se refuse le pain à lui-même. Eccli., xiv, 
10. 

4» La privation et l'acquisition du pain. — 1. La 
privation du pain est volontaire dans le jeûne, Exod., 
xxxiv, 28; Deut., ix, 9, 18, et dans le deuil. I Esd., x, 
6. Elle est la suite forcée de la famine. Gen., xlvu, 13; 
Ps.cv (civ), 16;Jer., xxxvm,9; Am.,iv, 6; Luc,xv,17. 
Alors le peuple et les petits enfants demandent en vain 
du pain. Lam., 1, 11; IV, 4; v, 6. Quand on veut mau- 
dire quelqu'un, on lui souhaite de manquer de pain. 
II Reg., m, 29. Les rejetons des méchants en sont pri- 
vés. Job, xxvii, 14. Rien de misérable comme l'orgueil- 
leux sans pain. Prov., xii, 9; Eccli., x, 30. Au contraire, 
on ne voit pas les justes sans pain, Ps. xxxvn (xxxvi), 
25; le pain leur est assuré, Is., xxxm, 16, en dépit de 
quelques exceptions. Eccle., IX, 11. — 2. Pour se pro- 
curer du pain, on donne de l'argent, Gen., xli, 54-57; 
xlii, 2, 25; XLHI, 2, 12, 21 ; Is., lv, 2, on se loue soi- 




513. — Pains trouvés à Porapéi. D'après Thédenat, Pornpéi, t. n, p. 122. 



I Reg., n, 36; Prov., vi, 26. On faisait des pains de 
différentes autres formes et parfois avec mélange 
d'huile. Voir Gâteau, t. m, col. 114. Ces pains n'avaient 
qu'un volume très médiocre. David pouvait porter dix 
pains avec d'autres provisions. I Reg., xvn, 17. Un en- 
fant en transportait cinq facilement pendant une longue 
course. Joa., vi, 9. Un pain n'était donc guère coûteux. 
Un « morceau de pain » passait pour la chose la plus 
insignifiante. Prov., vi, 26; xxvin, 21; Ezech., xm, 19. 
La dureté du mauvais riche est mise en relief par ce 
trait, qu'il ne songeait même pas à accorder au pauvre 
Lazare, qui les désirait, les miettes qui tombaient de 
sa table. Luc, xvi, 21. 

3» Son utilisation. — 1. Le pain est l'élément le plus 
habituel et le plus indispensable de la nourriture chez 
les Hébreux. Eccli., xxix, 28 (21); xxxix, 31 (24). Il 
donne la force à l'homme, Ps. civ (cm), 15; il est 
comme le bâton qui le soutient. Ezech., v, 16; xiv, 13. 

II fait partie de tous les repas mentionnés par les au- 
leurs sacrés. Gen., xxv, 34; xxvn, 17; xxvm, 20; Jud., 
vi, 19; I Reg., x, 3; III Reg., xvn, 6; xvm, 4; IV Reg., 
vi, 22; Joa., xxi, 9, etc. Quand on quitte sa maison 
pour quelque temps, on emporte des provisions de 
pain. Jud., xix, 19; Judith, x, 5; Matth., xiv, 17; xv, 
34; xvi, 5, etc. Avant de renvoyer Agar au désert, Abra- 
ham lui donne du pain et une outre d'eau. Gen., xxi, 
14. Quand les Gabaonites veulent faire croire à Josué 
qu'ils viennent de très loin, ils portent avec eux du 
pain desséché et en miettes. Jos., ix, 5, 12. — 2. Le 
pain est assuré à chacun par le père de famille, le mari 
ou le maître. La concubine reçoit le pain de ses amants. 
Ose., n, 5. Il faut un temps de grande misère pour 
qu'une femme demande - un mari en stipulant qu'elle 
vivra de son propre pain. Is., iv, 1. Souvent on mangeait 
le pain sec; d'autres fois, on le mangeait avec' de la 



même, I Reg., n, 5, on risque même sa vie. Lam., v, 6. 
Comme d'ordinaire on ne garde pas de provisions de 
pain chez soi, Is., m, 7, dans les besoins imprévus, on 
en emprunte à un voisin. Luc, xi, 5. En certaines cir- 
constances, d'importantes demandes de pain furent 
adressées à ceux qui pouvaient en fournir. Les Israélites 
au désert demandèrent du pain aux Ammonites et aux 
Moabites; ceux-ci refusèrent et, en souvenir de cette 
dureté, il fut défendu aux Israélites de contracter aucune 
union avec eux. Deut., xxm, 3, 4; IIEsd.,xni,2. Le pain 
fut encore refusera Gédéonpar les gens de Soccolh, Jud., 
vin, 6; à David par Nabal, dont la femme, Abigaïl, se 
montra heureusement plus généreuse. I Reg., xxv, 11. 
— 3. Souvent, au contraire, des pains sont oiïerts en 
présent, par Melchisédech aux compagnons d'Abraham, 
Gen., xiv, 18; par Joseph à Jacob, Gen., xlv, 23; par 
Isaï à Saûl, I Reg., xvi, 20, et à ses propres fils, I Reg., 
xvn, 17; par Siba à David, II Reg., xvi, 1; par Jéroboam 
à Ahias, III Reg., xiv, 3, etc. — 4. Il est considéré 
comme odieux de refuser du pain à qui en manque, 
Job, xxii, 7, et d'établir des impôts pour rendre plus 
difficile au peuple l'acquisition du pain. II Esd., v, 15. 
Mais c'est faire œuvre excellente que donner du pain 
aux malheureux. Ps. cxxxu (cxxxi), 15; Prov., xxn, 9; 
Eccle., xi, 1; Is., lvih, 7; Ezech., xvin, 7; Tob., iv, 
17; Matth., xxv, 35. — 5. Notre-Seigneur nous com- 
mande de demander au Père céleste notre pain éiccoO- 
<jtov, Matth., vi, 11; Luc, xi, 3, c'est-à-dire, d'après la 
Vulgate « quotidien », dans S. Luc, et « supersubstan- 
tiel », dans S. Matthieu. Les Pères l'expliquent par l^rj- 
[j,Epov, « d'aujourd'hui, » S. Grégoire de Nysse, De orat. 
dom., or. iv, t. xliy, col. 1168; S. Basile, Reg. brev., 252, 
,t. xxxi, col. 1252^; S. Cyrille d'Alexandrie, In Luc, xi, 3, 
t. lxxii, col. 693, etc.; ou bien par nécessaire eiç tt,v 
oùiTi'av, «pour notre subsistance, » S. Cyrille de Jérusa- 



1957 



PAIN 



1958 



lem, Catech. tnyst., v, 15, t. xxxm, col. 1120, etc.; ou 
encore èmoûo-iov, pour « bientôt », pour l'avenir pro- 
chain, d'après d'autres, et même « pour demain », 
d'après la version copte et l'Évangile selon les Hé- 
breux, etc. Le sens le plus généralement adopté est 
celui de « pain quotidien ». Cf. Knabenbauer, Evang. 
sec. Matlh., Paris, 1892, t. i, p. 261-264. La demande de 
pain quotidien s'explique par l'usage oriental de cuire 
le pain chaque jour. « C'est donc un bon pain, un pain 
frais que nous demandons au Seigneur. » Jullien, 
L'Egypte, p. 265. — Pourtant, Dieu veut rappeler à 
l'homme « qu'il ne vit pas seulement de pain mais de 
toute parole qui sort de la bouche de Dieu >j,'Deut., vin, 
3, c'est-à-dire de tout aliment que produit la volonté de 
Dieu exprimée par sa parole, tel que fût autrefois la 
manne. Notre-Seigneur oppose cette sentence à Satan 
qui le tente au désert, pour lui faire entendre qu'il n'a 
pas besoin de changer les pierres en pain afin d'avoir 
de la nourriture, mais que Dieu peut le sustenter de 
toute autre manière, comme il arriva en effet par le 
ministère des anges. Matth., iv, 3, 11. 

IL Le pain dans la. liturgie. — 1» Pains dans les 
sacrifices. — Sur le pain offert par Melchisédech, voir 
Melchisédech, col. 940. On offrait des pains levés dans 
les sacrifices pacifiques, Lev., vil, 13, et deux pains 
levés à la fête de la Pentecôte. Lev., xxm, 17. Les prêtres 
seuls pouvaient manger les pains offerts au Seigneur. 
Lev., xxi, 22. — 2° Pains de proposition. — La plus 
importante offrande était celle des pains de proposition, 
lél.iém hap-pânim, « pains de la face, » mis en face du 
Seigneur, cfpxoe èvwmoi. — 1. Sur une table de bois 
d'acacia (fig. 514) revêtue d'or pur et placée devant l'Arche 
d'alliance, on devait placer des pains qui demeuraient 
sans cesse en présence du Seigneur. Exod., xxv, 23-30. 
Ces pains étaient faits de fleur de farine, et au nombre 
de douze, chacun d'eux ayant le volume de deux dixièmes 
d'éphi, soit d'environ sept litres et demi. Chaque jour de 
sabbat on les renouvelait, on les plaçait sur la table en 
deux piles de six, et les prêtres seuls pouvaient manger 
ceux qu'on avait retirés. Lev., xxiv,5-9. Le rite des pains 
de proposition se perpétua jusqu'à la ruine du Temple. 
1 Mach., îv, 51; II Mach., i, 8; x, 3; Heb., ix, 2. Pen- 
dant qu'il fuyait devant Saùl, David se présenta à Nobé, 
devant le grand-prêtre Achimélech, et lui demanda cinq 
pains pour lui et ses gens. Achimélech n'avait sous la 
main que les pains de proposition qu'on venait d'ôter de 
la présence du Seigneur. S'étant assuré que David et ses 
hommes ne se trouvaient pas dans quelque cas d'im- 
pureté légale, il n'hésita pas à leur donner les pains 
consacrés. I Reg., xxi, 1-6. Notre-Seigneur rappela ce 
fait aux pharisiens, pour leur faire comprendre que 
certaines prescriptions rituelles doivent céder le pas 
aux nécessités d'ordre naturel. Matth., xn, 4; Marc, 
. n, 26; Luc, vi, 4. — 2. Voici les règles particulières 
que suivaient les Juifs au sujet des pains de proposi- 
tion. Ces pains se faisaient aux frais du trésor du 
Temple, II Esd., x, 33, sous la conduite d'un préposé 
à cette fabrication, par les prêtres de semaine, dans 
une salle affectée à cet usage. Middoth, i, 6; Tarnid, 
m, 3. Les pains avaient dix palmes de long et cinq de 
large. Menachoth, xi, 4. Les deux extrémités de chaque 
pain devaient être rabattues de manière à former 'une 
élévation d'environ sept doigts. L'épaisseur de chaque 
pain était d'un doigt. Le levain ne, pouvait jamais entrer 
dans sa composition. Les pains étaient disposés sur la 
table de façon que l'air circulât entre eux et qu'ils ne 
pussent s'écraser mutuellement. On employait dans ce 
but un système de tringles d'or, qu'on enlevait la veille 
du sabbat et qu'on remettait le lendemain, de peur de 
rompre le repos sabbatique par cet arrangement. 
Siphra, fol. 263, 1. A raison de cette disposition en 
deux rangées, les pains sont quelquefois appelés ma'âré- 
héf léftém, « rangées des pains, » II Par., xm, 11, et 



le même nom est attribué à la table. II Par., xxix, 18. 
Avec les pains, on plaçait sur la table, entre les deux 
rangées ou au-dessus d'elles, deux vases d'or remplis 
d'encens. Siphra, fol. 263, 1. Voir Encens, t. H, col. 1773. 
Le jour du sabbat, on changeait les pains. Quatre prê- 
tres enlevaient les anciens pains, ainsi que l'encens 
qu'on brûlait le jour même avec un peu de sel sur l'autel 
des parfums; quatre autres apportaient les pains nou- 
veaux avec l'encens et les plaçaient sur la table. Puis 
les anciens pains étaient partagés entre les prêtres qui 
prenaient le service et ceux qui le quittaient. Comme 
ces pains devaient être mangés dans le lieu saint, les 
prêtres sortants devaient consommer leur part dans le 
sanctuaire même avant le milieu de la nuit qui suivait 
le sabbat. Menachoth, xi, 7. Cf. Reland, Antiquitates 
sacrée, Utrecht, 1741, p. 24, 53, 91, 113. — 3. Le rite 




514. — Table d'offrandes égyptienne portant des paina disposés 
symétriquement au-dessus de vases de vin. Stèle de Tell el- 
Amarna. — D'après M. de Vogué, Le Temple de Jérusalem 
in-f", Paris, 1864, fig. 16, p. 33. 

des pains de proposition avait une signification symbo- 
lique. Le pain, qui est ordinairement le symbole de la 
vie, représente ici une vie supérieure, parce qu'il est le 
pain de la face de Dieu, venant de lui et destiné à 
ceux qui ont contracté alliance avec lui. Les douze 
pains marquent la vie destinée aux douze tribus. Ils 
sont accompagnés d'encens, symbole de la louange 
adressée à Dieu et de la gloire qu'il tire de tous ses 
bienfaits. Cf. Bâhr, Symbolik des Mosaischen Cultus, 
Heidelberg, 1837, t. i, p. 425-433. 

III. Le pain miraculeux. — 1" Comme, au désert, 
les Hébreux n'ont plus de pain et regrettent celui qu'ils 
mangeaient à satiété en Egypte, Exod., xvi, 3; Num., 
xxi, 5, le Seigneur promet de leur faire pleuvoir du 
pain du haut du ciel. Ce pain n'est pas comme celui 
qu'on prépare ordinairement, c'est la manne. Exod., 
xvi, 4; Ps. lxxviii (lxxvii), 24, 25; cv (civ), 40; Sap., 
xvi, 20; Joa., vi, 31, 32. Voir Manne, col. 656. — 
2» Élie multiplie la farine de la veuve de Sarepta, pour 
qu'elle ait du pain pendant longtemps. I Reg., xvii, 16. 
Lui-même, au torrent de Carith, est nourri par le pain 
que lui apportent les corbeaux matin et soir, I Reg., 
xvii, 6, et plus tard il mange le pain que l'ange de 
Jéhovah lui a préparé. I Reg., xix, 6. Elisée multiplie 
vingt pains d'orge de manière à rassasier cent personnes 
et au delà. IV Reg., iv, 42-44. — 3» Notre-Seigneur 



1959 



PAIN — PAIX 



1960 



multiplie deux fois les pains. Une première fois, il 
nourrit avec cinq pains cinq mille hommes, sans comp- 
ter les femmes et les enfants. Matth., xrv, 17-21; Marc, 
vi, 38-44; Luc, iv, 13, 14, Joa., vi, 9, 10. Une autre 
fois, avec sept pains, il nourrit quatre mille hommes, 
non compris les femmes et les enfants. Matth., xv, 34- 
38; Marc, vin, 5-9. 

IV. Le pain eucharistique. — 1° Notre-Seigneur se 
présente aux Juifs comme étant lui-même le « pain de 
vie descendu du ciel », qu'il faut manger pour ne 
point mourir, et le pain qu'il promet de donner, c'est sa 
chair. Joa., vi, 41, 48-51. — 2» A la dernière Cène, il 
se donne lui-même en nourriture, mais en laissant à 
son corps les apparences du pain. Matth., xxvi, 26; 
Marc, xiv, 22; Luc, xxii, 19; 1 Cor., xi, 23, 24. — 
3° Saint Paul dit que le pain que rompent les fidèles 
est la communion au corps du Christ et que ce pain 
unique est un symbole d'union entre les fidèles. I Cor., 
x, 16, 17. Il ajoute que manger ce pain sans discerner 
le corps du Seigneur, c'est se rendre coupable envers 
ce corps lui-même. I Cor., xi, 27-29. — 4° La « fraction 
du pain » désigne ordinairement le sacrifice eucharis- 
tique chez les auteurs sacrés et les premiers écrivains 
ecclésiastiques. Luc, xxiv, 35 ; Act., n, 42, 46; xx, 7,11; 
xxvn, 35; I Cor., x, 16. Cf. Didaché, xiv, 1; S. Ignace, 
Ad Éphes., xx, 15, t. v, col. 661 ; Batiffol, Études 
d'histoire et de théologie positives, 2» sér., Paris, 
1905, p. 34-39. Voir Fraction du pain, t. ni, col. 2345. 

V. Le pain au sens figuré. — 1° Le pain figure 
d'abord la nourriture de l'âme. C'est ce pain qu'offre la 
sagesse, Prov., ix, 5, le pain de l'intelligence. Eccli., 
xv, 3. Notre-Seigneur ne veut pas donner le pain des 
enfants aux chiens, c'esl-à-dire sa doctrine et ses 
bienfaits aux païens. Matth., xv, 26; Marc, vu, 27. Il 
s'appelle lui-même « pain de vie », en tant qu'objet et 
auteur de la foi. Joa., vi, 35. — 2° On donne aussi le 
noni de pain à ce dont une âme méchante se repaît, 
l'impiété, Prov., iv, 17; le mensonge, Prov., xx, 17; 
xxm, 3; la volupté, Eccli., xxm, 24 (17). Le peuple est 
comme un pain que dévorent les méchants. Ps. xiv 
(xui), 4; lui (lu), 5. — 3° Pour signifier qu'on est en 
butte aux épreuves, on dit qu'on mange le pain des 
larmes, Ps. xlii (xli), 4; lxxx (lxxix), 6; un pain de 
cendre, Ps. en (ci), 10; le pain de la douleur, Ps. 
cxxvn (cxxvi), 2 : le pain du deuil, Jer., xvi, 7; Ose., 
ix, 4; le pain de l'affliction et de l'angoisse, c'est-à-dire 
en quantité insuffisante. III Reg., xxn, 27; Ezech., xu, 
18, 19. — 4° Manger son pain quelque part, c'est s'y 
arrêter pour y séjourner. III Reg., xm, 8; Am., vu, 12. 
Manger le pain de quelqu'un, c'est être son ami. Ps. 
xu (xl), 10; Joa., xm, 18. Cf. Matth., xxvi, 23; Marc, 
xiv, 20; Luc, xxn, 21; Joa., xm, 26. Ne pouvoir manger 
son pain, c'est être accablé par les occupations, au 
point de ne pas disposer d'un instant. Marc, m, 20. 

— La « pose du coude sur le pain.» paraît désigner 
l'avarice. Eccli., xu, 24 (19), — Dans Jérémie, xi, 19, 
les mots nashîtâh 'es belahmô sont traduits par les ver- 
sions : « Jetons du bois dans son pain, » du bois em- 
poisonné, comme traduit le chaldéen. Mais c'est 
naMîtâh qui signifie « mettons », jetons, tandis que 
na&hîtâh vient de sàhat, « faire périr. » Aussi beaucoup 
traduisent-ils l'hébreu : « Faisons périr l'arbre (le bois) 
avec son fruit (ce qui se mange, léhérn), » expression 
proverbiale qui s'harmonise mieux que la première 
avec le contexte, et exprime d'ailleurs la même idée 
de destruction. H. Lesêtre. 

PAITRE (FAIRE) (hébreu : râ'àh; Septante : ëoa- 
xeci, êdcxw; Vulgate : pasco), faire brouter l'herbe à un 
troupeau, le nourrir. Voir Berger, n, 2», t. i, col. 1616. 

— Notre-Seigneur confia à saint Pierre le soin de faire 
paître ses agneaux et ses brebis. Voir Pasteur et 
Pierre 1. 



PAIX (hébreu : Sâlôm; berâkdh (deux fois IV Reg. r 
xvm, 31; Is., xxxvi, 16); chaldéen : selôm; Septante r 
etpTJvvj; Vulgate : pcuc), absence de tout ce qui peut gra- 
vement troubler l'homme, soit à l'extérieur, soit à l'in- 
térieur. 

I. Dans les relations de peuple à peuple. — 1° La 
paix est la sécurité dont jouit un peuple quand il n'a 
rien à craindre de ses voisins. La Loi prescrivait aux 
Israélites d'offrir la paix à une ville ennemie avant de 
l'attaquer. Deut., xx, 10. Elle était promise aux Israé- 
lites, à la condition qu'ils seraient fidèles à Pieu. Ley. T 
xxvi, 6. Aussi était-ce à Jéhovah que l'on attribuait le- 
bienfait de la paix. Num., vi, 26; III Reg., n, 33; 

II Par., xiv, 6; xx, 30; Ps. xxix (xxvni), 11; Is., xxvi, 
12;.Agg., n, 10. — 2° La paix fut souvent troublée par 
la guerre dans le cours de l'histoire d'Israël. Ordinaire- 
ment, suivant la coutume des anciens peuples, la paix 
était rompue à l'improviste, sans que celui qu'on atta- 
quait pût s'en douter. En voyant accourir Jéhu et ses 
guerriers, le roi Joram lui fit demander par trois fois : 
« Est-ce la paix? » IV Reg., ix, 17, 19, 22. Celui qui 
voulait éviter la guerre faisait des propositions de paix. 
Deut., il, 26; Luc, xiv, 32; Act., xu, 20. On concluait 
la paix pour faire cesser la guerre ou l'empêcher. Jos., 
ix, 15; x, 1, 4; IV Reg., xvnr, 31; Is., xxxvi, 16; 

I Mach., vi, 49; ix, 70, etc. Car il y avait temps pour 
la guerre et temps pour la paix, Eccle., m, 8, et il 
était indigne de verser le sang en temps de paix. 

III Reg., n, 5. Des messagers apportaient la bonne 
nouvelle de la paix. Jud., xxi, 13. — 3° La paix est plu- 
sieurs fois signalée comme régnant chez un peuple ou 
entre deux peuples, Jud., iv, 17; I Reg., vu, 14; 

II Reg., xvn, 3; III Reg., v, 12; IV Reg., xx, 19, et elle 
fait l'objet de tous les vœux. I Par., xu, 18; Ps. cxxn 
(cxxi), 6, 7, 8; cxxv (cxxiv), 5; cxxvm (cxxvn), 6, etc. 
Les faux prophètes l'annoncent en vain. Jer., vi, 14; 
vin, 11; xiv, 13; xxm, 17; Ezech., xjn, 10, 16. 

II. Dans les relations sociales. — 1° La paix est 
chère à tous les mortels. Esth., xm, 2. Dans l'Écriture 
elle signifie l'ensemble de tous les biens. Comme dans 
l'antiquité on n'avait jamais une sécurité complète et 
qu'on était à tout moment exposé à devenir la victime 
de ses ennemis, souhaiter la paix à quelqu'un, c'était 
lui souhaiter la jouissance de tous les biens. Pour 
saluer quelqu'un, on lui disait : ëâloni lekd, « paix à 
toi, » le mot èâlôm signifiant à la fois « santé » et 
« paix ». Gen., xliii, 23; Jud., vi, 23; xix, 20; Tob-, 
xu, 17; Dan., x, 19, etc. Notre-Seigneur emploie lui- 
même cette forme de salutation vis-à-vis de ses Apôtres. 
Luc, xxiv, 36; Joa., xx, 21, 26. En arabe, la formule 
devient salâm 'aleik, « salut sur toi, » ou salâm 'alei- 
koum, « salut sur vous, » d'où le mot salamalec pour 
désigner les longues et démonstratives salutations à la 
manière des Orientaux. On laisse « partir en paix » les 
amis qui s'en vont, Exod., iv, 18; Jud., xvm, 6; I Reg., 
i, 17; xx, 13, 22, 42; xxix, 7; II Reg., xv, 9; IV Reg., 
v, 19; Judith, vm, 34, et on leur souhaite d'aller en 
paix à leur destination. II Par., xvm, 16, 26; Act., xv, 
33; xvi, 36; III Joa., 14. Notre-Seigneur aime à dire : 
« Va en paix! » à ceux qu'il a guéris. Marc, v, 34; 
Luc, vu, 50; vm, 48. Il veut que ses disciples disent,, 
en entrant dans une maison : « Paix à cette maison ! » 
Si elle est habitée par un homme de paix, la paix se 
reposera sur lui ; sinon, elle reviendra au disciple. 
Luc, x, 5, 6; Matth., X, 13. — 2° Les pacifiques, ceux 
qui aiment la paix et la font régner autour d'eux, sont 
particulièrement loués par la Sainte Écriture. Gen.,. 
xxxi v, 21; xlii, 11-33; I Reg., xvi, 4, 5. Ils ont les pro- 
messes de la prospérité, Ps. xxxvii (xxxvi), 37, et de 
la joie. Prov., xu, 20. .Notre-Seigneur dit qu'ils seront 
appelés les fils de Dieu, Matth., v, 9, qui est le Dieu de 
paix, II Cor., xm, 11, ce qui suppose qu'ils seront 
traités en conséquence ici-bas et dans l'autre vie. 



1961 



PAIX — PALACIOS 



1962 



Cf. Ps. xxxvn (xxxvi), 11. — 3° Il est recommandé de 
rechercher la paix, Ps. xxxrv (xxxm), 15, de maintenir 
la paix entre les frères, c'est-à-dire entre les disciples 
du Sauveur, Marc, ix, 49, et avec tous les hommes. 
Rom., xil, 18; xiv, 19; Eph., iv, 3; I Thess., v, 13; 
II Thess., h, 22; Heb., xn, 14; I Pet., m, 11; II Pet., 
m, 14. Saint Paul souhaite la paix aux frères. Eph., vi, 
23. — Les méchants, au contraire, parlent de paix et ont 
la malice au cœur. Ps. xxvm (xxvn), 3; Mich., m, 5. 
— 4° Le juste se couche en paix. Ps. iv, 9. Il va en paix 
à ses pères, c'est-à-dire il a une mort tranquille. Gen., 
xv, 15; IV Reg., xxn, 20; Tob., m, 6; xiv, 4; Eccli., 
xliv, 14; Luc, il, 29. L'Église, dans sa liturgie, souhaite 
souvent la paix aux âmes de ses fidèles défunts, et fait 
répéter fréquemment la prière : Requiescani in pace. 

III. La paix divine. — 1° Dieu est le Dieu de paix. 
Jud., vi, 24; I Thés., v, 23; II Thés., m, 16; Heb.,.xm, 
20. Il dirige les pas des hommes dans la paix. Luc, i, 
"Ï9. Il accorde à Israël son alliance de paix. Num., xxv, 
12. Il la donne à qui il veut, Job, xxxiv, 29, surtout à 
ceux qui aiment sa loi, Ps. cxix (cxvm), 165; Bar., m, 
13-14, qui pratiquent la justice, Is., xxxn, 17; Jacob., 
m, 18, et se conduisent par les inspirations de la sagesse 
divine. Jacob., m, 17. La paix coule pour eux comme 
un fleuve, Is., xliii, 18; lxvi, 12, et les suit dans l'autre 
vie. Sap., m, 3. — 2" En conséquence, il n'y a pas de 
paix pour les impies, Deut., xxix, 19; Is., xlviii, 22; 
lvii, 21, pour ceux qui sont éloignés de Dieu, Job, ix, 
4; Is., xxvn, 5, pour les idolâtres qui donnent à leurs 
maux le nom de paix. Sap., xiv, 22. Aussi, même au 

sein de la paix extérieure, le méchant a peur, parce 
qu'il n'est pas en paix avec Dieu. Job, xv, 21. 

IV. La paix èvangëlique. — Avant la rédemption, la 
paix divine n'est que partielle, parce que le fond du 
•dissentiment entre Dieu et l'homme subsiste toujours. 
Une paix complète, profonde, intime, est promise pour 
l'époque messianique. Alors la justice et la paix s'em- 
hrasseront. Ps. lxxxv (lxxiv), 9, 11. Les montagnes 
produiront la paix, comme une eau bienfaisante qui 
vient du ciel. Ps. lxxii (lxxi),' 3. Le Messie sera ap- 
pelé « Prince de la paix ». Is., ix, 6. Il justifiera ce 
nom en prenant sur lui le châtiment qui permet à 
l'homme de rentrer en paix avec Dieu. Is., Lin, 5. — 
■2° En venant au monde, le Sauveur fait annoncer la 
paix aux hommes de bonne volonté. Luc, il, 14; Gai., 
vi, 16. Cf. Luc, xix, 38. Il leur apporte la paix, non 
pas la paix extérieure avec les parents qui méconnais- 
sent la rédemption, Matth., x, 34; Luc, xn, 51, ni la 
paix telle que le monde l'entend et la donne, Joa., xiv, 
27, mais sa paix à lui, celle dont il est l'auteur et la 
substance même, Joa., xiv, 27; xvi, 33; Eph., n, 14-17, 
celle que Jérusalem coupable n'a pas voulu reconnaître 
au moment propice, Luc, xix, 42, alors qu'elle eût dû 
justifier son nom de « paix de la justice ». Bar., v, 4. 
Cf. Heb., vu, 2. — 3° Les Apôtres prêchent cette paix 
en Jésus-Christ qui réconcilie avec Dieu. Act., vu, 26; 
x, 36. Les auteurs sacrés saluent sur les montagnes 
les pieds de ceux qui viennent annoncer cette paix. 
Is., lu, 7; Nah., i, 4; Rom., x, 15. C'est la paix de 
Dieu par excellence, et les Apôtres ne se lassent pas de 
l'appeler sur les fidèles. Rom., i, 7; v, 1; xv, 33/j xvi, 
20; I Cor., i, 3; xiv, 33; II Cor., i, 2; xm, 11; Gai., i, 
3, etc.; I Pet., i, 2; II Pet., i, 2; II Joa., 3; Jud., 2; 
Apoc, i, 4. Elle est le fruit du Saint-Esprit, Rom., vin, 
45; xiv, 17; xv, 13; Gai., v, 22, et dépasse tout sentiment, 
à cause de son caractère surnaturel. Phil., iv, 7. Aussi 
.est-ce à bon droit que la prédication apostolique est 
appelée « évangile de paix ». Eph., vi, 15. — Sur les 
sacrifices pacifiques, voir Sacrifice. 

H. Lesètbe. 
PAL (hébreu : 'es, « bois; » Septante : ÇiiXov; Vul- 
gate : lignum, patibulum), poteau fixé en terre pour 
y attacher des suppliciés. — Ce poteau servait pour les 



pendaisons. Num., xxv, 4; II Reg., xxi, 6, 9. On y 
attachait les cadavres de ceux qui avaient été lapidés, 
mais il était défendu de les y laisser après le coucher 
du soleil. Deut., xxi, 22, 23. Voir Lapidation, col. 90; 
Pendaison, Potence. — Le pal prepremenfclit était 
un poteau aiguisé à sa partie supérieure et sur la pointe 
duquel on fixait le corps de celui qu'on voulait faire 
périr. Ce supplice cruel n'était point en usage chez 
les Hébreux; mais il était fréquent chez les Assyriens, 
dont les monuments le représentent assez souvent 
(Bg. 515). Voir aussi fig. 4, col. 16, la représentation 
du siège de Lachis par l'armée de Sennachérib. Au bas, 
au milieu de la figure, on voit trois Juifs empalés. .Cf. 
Botta, Monuments deNlnive, pi. 55; Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient, t. m, p. 203, 357. Le 
roi de Perse, Darius, dans son décret en faveur de la 




515. — Ennemis empalés par les Assyriens devant une site as- 
siégée par Théglathphalasar m. Ntairoud. — D'après Layard, 
Nineveh and Us Remains, t849, t. il, p. 369. 

reconstruction du Temple, ordonne que, si quelqu'un 
entrave l'exécution de ses ordres, ou prenne une poutre 
dans sa maison, et zeqîf ifmehê' 'âlohi, « qu'élevé il soit 
fixé dessus, » (ipOwn^vo; TrXrj-friasTai in' aùtoû, erigatur 
et configatur in eo. I Esd., VI, 11. Les versions tradui- 
sent comme si ce supplice était celui de l'empalement. 
Dans le texte chaldéen, le verbe tncjâ' signifie s frap- 
per, clouer, attacher ». Le supplice en question pouvait 
donc être tout aussi bien la pendaison ou le crucifiement. 

H. Lesêtre. 

1. PALACIOS (Michel de), théologien espagnol de la 
seconde moitié du xvi e siècle, né à Grenade, mort à 
Ciudad-Rodrigo. Il professa la théologie à Salamanque. 
Chanoine de Léon etde Ciudad-Rodrigo, il enseigna l'Écri- 
ture Sainte dans cette dernière ville où il mourut et fut 
enseveli dans le monastère des ermites de Saint-Augus- 
tin. Parmi ses écrits nous mentionnerons : Dilvcida-, 
tionum et declamationum tropologicarum in Esaiam 
prophetam libri XV, 3 in-f°, Salamanque, 1572; In 
Joannis Apostoli Evangelium et inEpistolas canonicas, 
2 in-f°, Salamanque, 1581 ; Enarrationes in Epistolam 
B. Pauli ad Hebrseos ad sensuni litteralem, histori- 
cum et mysticum, in-f°, 1590, Salamanque ; Explana- 
tiones in duodecim prophetas minores secundum 
omnes Sacrée Scripturœ sensus, in-f°, Salamanque, 1593. 
Voir N. Antonio, Biblioth. hispana nova, t. H, p. 143. 

B. Heurtebize. 

2. PALACIOS (Paul de), frère du précédent, théologien 
espagnol, né à Grenade, mort en 1587 à Villaverde. Il fut 
professeur d'Écriture Sainte à l'Université de Coïmbre 
et chanoine théologal d'Évora. Il mourut à Villaverde, 



1963 



PALACIOS — PALAIS 



1964 



dont le roi Henri de Portugal lui avait donné le prieuré. 
On a de cet auteur : Enarrationum in sacrosanctum 
Jesu Christi Evangelium secundum Mattkxum t. 11 : 
quorum prior selectiores interpretationes plusquani 
viginti Patrum gui super Mattheeum scripserunt, 
posterior nova auctoris conlinet commentarid, in-f°, 
Coïmbre, 1564; ira Ecclesiasticum contmentaria,m-! , 
Villaverde, 1581; In XII prophetas minores commen- 
taria, in-f°, Villaverde, 1835. Voir N.Antonio, Biblioth. 
hispana nova, t. il, p. 162. B. Heurtebize. 



hèhal; Septante : ë<xpe«, oïxoç toû ëauiXÉtoç, ôx - Jp(V a 
toO ëamXéwç; Vulgate : palatium, castrum, domus ré- 
gis ou regia, mdes régis), édifice spacieux et riche, 
servant habituellement d'habitation royale. 

I. Palais égyptiens. — Les anciens palais royaux 
d'Egypte étaient de vraies cités. Un mur en brique leur 
formait une enceinte assez forte pour résister aux 
attaques du dehors. Une seule porte, étroite et haute, y 
donnait entrée ; de là, un long couloir entre deux murs 
menait dans une vaste cour encombrée par les habi- 




516. — Palais d'Aï, en Egypte. Tell el-Amarna, D'après Prisse d'Avesne, Histoire de l'art égyptien, 2 in-f û , Paris, 1878. 



PALAIRET Élie, théologien protestant, né à Rotter- 
dam, en 1713, mort en 1765. Après avoir desservi 
plusieurs églises dans les Pays-Bas et dans les Flandres, 
il passa en Angleterre où il devint le vicaire de l'évêque 
de Bangor. Parmi les écrits de cet auteur, on remarque : 
Observatioriesphilologico-criticseinsacrosNoviFœderis 
libros quorum plurima loca ex auctoribus potissimum 
grsecis exponuntur, illustrantur, vindicanlur, in-8°, 
Leyde, 1752; Spécimen of phiïological and critical 
observations on the New Testament, in-8°, Londres, 
1755. Voir Walch, Biblioth. theologica, t. tv, p. 330; 
W. Orme, Biblioth. biblica, p. 336. 

B. Heurtebize. 

PALAIS (hébreu : bêf ham-nxelék, hëkâl, bitân, 
bîrdh, 'almânôt, 'appédên, 'armôn; chaldéen : baït, 



tations. Celle du roi était pourvue de galeries, du haut 
desquelles le pharaon assistait aux évolutions de sa 
garde. A l'intérieur, on avait ménagé de grandes salles 
servant aux conseils, aux jugements et aux banquets. 
Les portes qui y donnaient accès et les colonnes qui 
les supportaient étaient richement décorées. Les appar- 
tements privés, soigneusement séparés des salles offi- 
cielles, communiquaient avec la demeure de la reine 
et le harem des épouses secondaires. Les enfants 
royaux habitaient un quartier particulier dans l'enceinte 
du palais; les services administratifs étaient rélégués 
en dehors. Le bois et la brique entraient presque ex- 
clusivement dans ces constructions, assez peu durables; 
d'ailleurs, un pharaon n'aimait guère habiter là où 
son prédécesseur avait vécu et était mort. 11 allait cons- 



1965 



PALAIS, 



1966 



truire ailleurs un palais qui devait être aussi éphémère 
que ceux qu'il remplaçait. On voyait partout, aux en- 
virons de Memphis, les restes des anciennes construc- 
tions royales. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, 
p. 276-277. A son arrivée en Egypte, Abraham vit un 
palais de ce genre. Gen., xn, 15. Celui que plus tard 
Joseph habita avait certainement le même aspect. 
Gen., xxiv, 1. On a trouvé à Tell el-Amarna le plan 
d'un palais de grand seigneur, celui d'Aï, gendre du 
pharaon Khouniaton, et plus tard lui-même roi d'Egypte. 



centre était bordée de chambres; les deux autres com- 
muniquaient à droite et à gauche avec deux cours plus 
petites, d'où partaient les escaliers qui montent à la 
terrasse. Ce bâtiment central était ce que les textes 
appellent Yâkhonouti, la demeure intime du roi et des 
grands seigneurs, où la famille et les amis les plus 
proches avaient seuls le droit de pénétrer. Le nombre 
des étages, la disposition de la façade différaient selon 
le caprice du propriétaire. Le plus souvent la façade 
était unie; parfois elle était divisée en trois corps, et 




517. — Vue perspective du palais d'Aï. 
Restauration de Ch. Chipiez, d'après Perret et Chipiez, Histoire de l'art, t. i, fig. 260, p. 467. 



« Un bassin oblong s'étend devant la porte ; il est bordé 
d'un quai en pente douce muni de deux escaliers. Le 
corps de bâtiment est un rectangle plus large sur la 
façade que sur les parois latérales (flg. 516); Une 
grande porte s'ouvre au milieu et donne accès dans une 
cour plantée d'arbres et bordée de magasins remplis de 
provisions : deux petites cours placées symétriquement 
dans les angles les plus éloignés servent de cage aux 
escaliers qui mènent sur la terrasse. Ce premier édifice 
sert comme d'enveloppe au logis du maître. Les deux 
façades sont ornées d'un portique de huit colonnes, 
interrompu au milieu par la baie du pylône. La porte 
franchie, on débouchait dans une sorte de long couloir 
central, coupé par deux murs percés de portes, de 
manière à former trois cours d'enfilade. Celle du 



le corps du milieu était en saillie... Les façades sont 
décorées assez souvent de ces longues colonnettes en 
bois peint qui ne portent rien et servent seulement à 
égayer l'aspect un peu sévère de l'édifice (fig. 517). » 
Maspero, L'archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 17, 
18. En Egypte, la splendeur architecturale était réservée 
pour les temples des dieux. Sur les palais égyptiens, 
voir G. Perrot, Histoire de l'art, t. i, p. 458-476. 

II. Palais Israélites. — 1° Rois de Juda. — Saûl 
n'avait qu'une simple maison, à Gabaa. I Reg., xv, Si- 
David, à Jérusalem, en occupait une qui avait une ter- 
rasse et pouvait abriter un certain nombre de serviteurs. 
II Reg., xi, 2, 9. Salomon fut le premier prince israélite 
qui se fit construire un palais proprement dit. II Par., 
il, 12. Ce palais se composait de trois édifices, corres- 



4967 



PALAIS 



1968 



•pondant exactement à ceux des palais égyptiens. II y 
avait d'abord la maison du Bois-Liban, qui comprenait 
'la salle du trône, le tribunal royal et un arsenal. Voir 
'Maison du Bois-Liban, t. rv, col. 594-597. De cette mai- 
son, un portique conduisait dans une seconde cour, où 
s'élevait la maison d'habitation de Salomon. Enfin, au 
delà, était celle de la reine, fille du pharaon d'Egypte. 
Tous ces édifices avaient été construits en bonnes et 
belles pierres, sciées sur toutes leurs faces. Celles des 
•fondations avaient huit et dix coudées de large. Le 
cèdre fournissait le matériel nécessaire pour compléter 
la construction. La grande cour dans laquelle s'élevaient 
les divers édifices était entourée d'un mur à trois ran- 
gées de pierres de taille et de poutres de cèdre formant 
un portique comme celui du Temple. III Reg., vu, 1- 
12. La décoration intérieure des édifices comportait des 
incrustations d'ivoire, Ps. xlv (xltv), 9, et tout le luxe 
résultant de la richesse du roi et de l'habileté artistique 
■des entrepreneurs phéniciens. Il est probable que, 
comme dans les palais égyptiens, les portiques entou- 
rant la cour abritaient les communs et les magasins de 
provisions. Des parterres, des bosquets et des bassins 
devaient occuper une partie des espaces vides; L'en- 
semble empruntait quelque chose de plus pittoresque 
à l'emplacement du palais sur les pentes d'Ophel. Salo- 
mon soigna ces constructions, car il mit environ treize 
ans à les terminer. III Reg., vu, 1. Le palais communi- 
quait avec le Temple. IV Reg., xi, 16. Le trésor royal y 
était enfermé. IV Reg., xn, 18; xx, 13; Is., xxxix, 2. 
Mais les rois de Jérusalem n'avaient pas, comme ceux 
d'Egypte, la facilité de transporter leur résidence 
ailleurs que dans la demeure de leurs pères. Les suc- 
cesseurs de Salomon habitèrent donc le palais construit 
par lui; mais vingt fois ils le remanièrent ou le recons- 
truisirent avec des modifications notables, jusqu'à sa 
ruine définitive. Cf. Babelon, Manuel d'archéologie 
orientale, Paris, 1888, p. 245, 246. Isaïe, xxxm, 14, 
avait prédit cette ruine et annoncé que les animaux 
sauvages établiraient leurs repaires sur l'emplacement 
du palais d'Ophel. Cf. Prov., xxx, 28. Amos, n, 5, 
prophétise aussi l'incendie du palais de Jérusalem. 
Mais Jérémie, xxx, 18, dit que les palais de Jacob 
seront rétablis, et l'auteur du Psaume xlviii (xlvii), 4, 
14, proclame que Dieu protège les palais de Sion. — 
Jérémie mentionne, xxxvi, 22, un palais d'hiver où 
habitait Sédécias. Cf. Amos, m, 15. 

2° Rois d'Israël. — Les rois d'Israël avaient aussi leurs 
palais. Il en existait un à Thersa. Zambri, après avoir 
tué Ela, régna pendant sept jours à Thersa, et, assiégé 
par Amri et tout le peuple d'Israël, se retira dans la cita- 
delle de la maison du roi, mit le feu au palais et périt 
dans les flammes. III Reg., xvi, 18. Achab possédait 
un palais à Jezraël. III Reg., xxr, 1 ; IV Reg., ix, 30- 
34. Il y en avait un autre à Samarie, IV Reg., vu, 11; 
Phacée y frappa à mort Phacéia, dans la tour de la 
maison du roi. IV Reg., xv, 25. 

3° Après le retour de la captivité. — Il est fait alors 
mention de la forteresse voisine du Temple. II Esd., 
Il, 8. Cette forteresse, appelée d'abord pdtptç, devint 
ensuite PAntonia, à la fois palais et citadelle. Voir 
Antonia, t. I, col. 712. Il existait à cette époque une 
haute 1our, en avant de la maison du roi, l'ancien 
palais de Salomon, sur Ophel. II Esd., m, 25. — 
A Arâq-el-Émir, à l'est du Jourdain, à peu près à la hau- 
teur de Jéricho, on voit encore sur une colline les 
restes d'un ancien palais, dont Josèphe, Ant. jud., 
XII, iv, 4, donne la description, et dans lequel vécut 
plusieurs années Hyrcan, fils de ce Joseph, fermier des 
impôts, qui domina la Judée de 190 à 176. Il est pro- 
bable qu'Hyrcan se contenta d'embellir ce lieu, et qu'il 
profita des substructious et des constructions exécutées 
anciennement, sans doute par les Ammonites, qui 
avaient longtemps possédé cette région. Cf. Revue 



biblique, 1893, p. 138-140; 1894, p. 617, et le plan 
d'Arâq-el-Émir, d'après de Saulcy, dans Chauvet et 
Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 521. — Les 
princes Asmonéens eurent à Jérusalem un palais voisin 
du Xystus et communiquant directement avec le 
Temple. Plus tard, Agrippa II bâtit à la place un ma- 
gnifique édifice qui dominait toute la ville et permettait 
de voir ce qui se passait dans le Temple. Les 
prêtres élevèrent une haute muraille pour obstruer la 
vue, et, grâce à Poppée, obtinrent l'approbation de 
Néron. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, vm, 11; Bell, jud., 
II, XVI, 3. — Hérode se bâtit à Jérusalem un palais 
royal, le long de l'enceinte occidentale de la ville, au 
sud des tours Hippicus et Phasaël. Voir la carte, t. m, 
•col. 1355. Les deux principaux édifices reçurent les 
noms de Cesarium et d'Agrippium. Josèphe prétend que 
la magnificence de ce palais surpassait celle du Temple. 
Cf. Bell, jud., I, xxi, 1. Le monument connu sous le 
nom de Tour de David, voir t. m, fig. 259, col. 1374, 
est tout ce qui en reste. Dans la suite, les procurateurs 
romains habitèrent ce palais. Cf. Josèphe, Bell, jud., 
II, xiv, 8; xv, 5; Philon, Leg. ad Caj., 38, édit. Mangey, 
t. H, p. 589. D'après plusieurs auteurs, c'est dans ce 
palais, qui était en même temps une forteresse pouvant 
contenir beaucoup de troupes, que Pilate aurait eu son 
prétoire et que le Sauveur aurait été amené pendant sa 
passion. Cf. Schûrer, Geschichte des jud. Volkes im Zeit. 
J. C, Leipzig, 1. 1, 1901, p. 458. Voir Prétoire. Hérode 
éleva d'autres palais à Césarée, dont il avait fait un port 
de mer et la capitale civile de la Judée, voir Césarée, t. n, 
col. 457, 458, à Hérodion, au sud de Jérusalem, à 
Machéronte et à Massada. Cf. Josèphe, Bell, jud., 
I, xxi, 10; VII, vi, 2. ■+ Josèphe mentionne encore les 
palais du grand-prêtre Ananias, d'Agrippa et de Béré- 
nice, qui furent incendiés pendant les émeutes de Jéru- 
salem, à l'époque du siège, cf. Bell, jud., II, xvii, 6, 
celui de la reine Hélène d'Adiabène, devenue prosélyte, 
cf. Bell, jud., V, vi, 1; VI, VI, 3, et celui de Grapté, 
parente d'Izates, roi du même pays. Cf. Bell, jud., IV, 
îx, 11. Hélène était venue s'établir à Jérusalem vers 48 
après J.-C. — Au début de sa passion, le Sauveur eut 
à comparaître devant Anne et devant Caïphe. Joa., 
xviii, 13, 24. La tradition place le palais de Caïphe sur 
le mont Sion, non loin du cénacle. Mais on ignore si 
les grands-prêtres habitaient le même palais ou des 
palais contigus, bien que certains croient trouver la 
demeure d'Anne à 175 mètres de celle de Caïphe. 
Cf. Azibert, La nuit de la Passion, dans la Revue bi- 
blique, 1892, p. 282, 283; Le Camus, Notre voyage aux 
pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 471-473; Jérusalem, 
t. m, col. 1341. 

III. Palais syriens, philistins, etc. — Les voisins 
des Israélites avaient aussi, dans leurs villes principales, 
des habitations royales plus ou moins luxueuses, mais 
dont il ne reste rien et sur lesquelles on manque de 
renseignements. Amos, i, 4, 7, 10, 12, 14; n, 2, 
annonce la destruction par le feu des palais de Damas, 
chez les Syriens, voir t. H, col. 1213; de Gaza, chez 
les Philistins, voir t. m, col. 118; de Tyr, chez les 
Phéniciens; de Bosra, chez les Iduméens, voir t. i, 
col. 1859; de Rabbah, chez les Ammonites ; de Carioth, 
chez les Moabites, voir t. n, col. 283. 

IV. Palais assyriens. — 1» Par leur masse, leur 
étendue et leur décoration, les palais assyriens et baby- 
loniens ont été les plus importants de l'ancien monde. 
Ils étaient invariablement bâtis au sommet d'une butte 
artificielle en briques sèches. A Lagasch, le palais de 
Goudéa repose sur un soubassement qui domine la 
plaine] de douze mètres et n'est accessible que par un 
escalier raide et étroit,' facile à défendre ou à couper. 
Il a une forme rectangulaire, sans que pourtant les 
côtés suivent une ligne exactement droite. Les cons- 
tructions étaient en briques, formant des murs massifs 



~W ï i 




1971 



PALAIS 



1972 



contrebutés par, des, .pilastres saillants. Les portes 
d'entrée, rares et basses, donnaient accès à l'intérieur 
où l'habitation du souverain s'élevait au milieu des 
constructions secondaires, destinées aux différents ser- 
vices royaux. Tout était combiné pour la défense 
plutôt que pour l'agrément de la vie . Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, t. i, p. 710-718. Au IX e siècle, 
Assurnasirpal se construisit un palais à Kalakh, sur le 
Tigre, au sud de Ninive. Suivant l'usage assyrien, il 
érigea à l'un des angles une ziggurât ou tour à étages 
en l'honneur de son dieu protecteur, Ninip, dieu de 
la guerre. Cette tour avait de 60 à 70 mètres de haut. 




619. — Propylées de Xerxès. 
D'après M. Dieulafoy, L'art antique de la Perse, t. h, pi. xn. 

« Le palais se déployait vers le sud, le dos au fleuve, 
la façade à la ville, long de 120 mètres, large de 100 : 
au centre, une cour énorme, flanquée de sept ou huit 
belles salles destinées aux fonctions solennelles, puis, 
entre elles et la cour, un nombre considérable de 
pièces variables par les dimensions, assignées à l'habi- 
tation ou aux services de la maison royale, le tout en 
grosses briques sèches cachées sous un parement de 
pierres. Trois portails flanqués de taureaux ailés à 
tête humaine prêtaient accès à la plus vaste, celle où 
le souverain donnait audience à ses sujets, ou aux 
légats de l'étranger. Le cadre des portes et les parois 
de certaines d'entre elles étaient égayés de briques 
émaillées; des bandes de bas-reliefs peints se dévelop- 
paient dans la plupart, qui retracent les épisodes de la 
vie du roi. » Maspero, Histoire ancienne, t. m, p. 46, 
47; Layard, Nineveh and £abylon,p. 149-170; Nineveh 
and Us Remains, t. i, p. 381-390; t. n, p. 4-14. A Dour- 
Sarroukln, ou Khorsabad, Sargon II bâtit une ville dont 
l'enceinte mesurait 1760 mètres sur 1685. Les murailles 
de l'enceinte ont 14^50 de haut, sont flanquées de 
tours crénelées qui font saillie de 4 mètres et sont 



percées de huit portes, chacune entre deux tours. Au 
nord-est de la ville s'élevait le palais royal (fig. 518), 
avec double escalier pour les piétons et rampes d'accès 
pour les cavaliers et les chars. C'est aux portes de ce 
palais que se trouvaient les taureaux ailés reproduits 
t. n, fig. 246, col. 667-670. Le roi avait employé à la 
décoration tous les matériaux précieux qui constituaient 
le butin de ses campagnes. L'intérieur se divisait en 
deux parties distinctes, celle où se déroulaient les récep- 
tions et les cérémonies publiques, et la demeure 
royale proprement dite, comprenant une vingtaine de 
chambres et des salons pour l'usage du souverain, le 
harem des reines et des princesses et la demeure des 
enfants parvenus à l'adolescence. Tout autour s'étendait 
un parc dans lequel le roi pouvait chasser des animaux 
sauvages et même des lions. Cf. Place, Ninive et l'As- 
syrie, t. i, p. 47-105, 116-127. Une viggurât ou tour à 
sept étages, en l'honneur des sept dieux planétaires, 
montait à 43 mètres de hauteur. Cf. Place, Ninive et 
l'Assyrie, t. i, p. 137-148; Maspero, Histoire ancienne, 
t. m, p. 261-270; Id., Lectures historiques, Paris, 1890, 
p. 204-225; Perrot, Histoire de l'art, t. n, p. 422-448. 
Le successeur de Sargon, Sennachérib, voulut aussi 
avoir son palais a lui, et il l'éleva à Ninive même. Il 
y mit en œuvre une telle profusion de matériaux et un 
tel luxe de décoration qu'il l'appela lui-même le 
« palais sans second ». Voir l'essai de reconstitution de 
ce palais fig. 441, col. 1631. Sur le palais de Babylone, 
voir t. i, col. 1355, et fig. 407, 408, col. 1355, 1357. 

2° Les prophètes mentionnent les palais de Ninive et 
de Babylone. Isaïe, xm, 22, prédit qu'un jour les cha- 
cals hurleront dans les palais déserts de Babylone. 11 
annonce à Ézéchias que.le temps viendra où ses descen- 
dants serviront d'eunuques dans le palais (hêkâl, assy- 
rien : êhallu) du roi de Babylone. Is., xxxix, 7. Daniel 
et ses compagnons furent élevés dans un de ces palais. 
Dan., i, 4. Le prophète interpréta dans le palais de Na- 
buchodonosor le songe de ce prince. Dan., iv, 1, 26. 
Nahum, ri, 6, prophétise l'effondrement du palais de 
Ninive. Cf. Soph., n, 13-15. 

V. Palais mèdës et perses. — 1° Cyrus possédait un 
palais à Pasargades, édifice rectangulaire et assez mes- 
quin, avec des porches à quatre colonnes sur deux de 
ses faces, une pièce à chaque angle, et au centre une 
salle hypostyle, divisée en quatre nefs par des colonnes 
supportant le toit. Des bas-reliefs et des inscriptions en 
décoraient les parois. Cf. Perrot-Chipiez, Histoire de 
l'art dans l'antiquité, t. v, p. 665-670. Ce palais est 
probablement celui qui est mentionné I Esd., vi, 4. 

2° Darius édifia le sien â Persépolis. On y accédait par 
une rampe double, dont le mur latéral était historié de 
curieux bas-reliefs. On rencontrait immédiatement les 
chambres de réception, dont plusieurs étaientantérieures 
à Darius, spécialement celle que précédaient les gigan- 
tesques propylées de Xerxès h*, avec leurs taureaux 
ailés (fig. 519). Venaient ensuite Yapadana, salle d'hon- 
neur pour les cérémonies habituelles, et la salle aux 
cent Colonnes, pour les occasions les plus solennelles. 

3° Artaxerxès I er préféra s'établir à Suse, où ses 
devanciers avaient fréquemment séjourné, même après 
la construction du palais de Persépolis. Celui de Suse 
était en même temps une forteresse, comme on le voit 
par le plan, t. n, fig. 607, col. 1974. Artaxerxès y bâtit 
un apadana de 100 mètres sur 50 de côté (fig. 520). La 
caractéristique de cette architecture était la haute et 
grêle colonne, dont le chapiteau se termine par deux 
avant-corps de taureaux entre lesquels repose l'extré- 
mité de la poutre qui soutient la toiture (fig. 521). Cf. 
Marcel Dieulafoy, L'acropole de Suse, Paris, 1891 ; 
Perrot et Chipiez, Histoire de l'art, t. v, p. 695-750; 
Babelon, Manuel d'archéologie orientale, p. 157-171; 
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6« édit., t. iv, p. 626-634. 



1973 



PALAIS — PALATINUS (CODEX) 



1974 



4» Une des visions de Daniel, vm, 2, a pour théâtre 
Ja forteresse de Suse. Néhémie était à Suse, dans le 
palais, quand Artaxerxès lui permit d'aller relever les 
murs de Jérusalem. II Esd., i, 1; h, 6. En cet endroit, 



dide tombeau. Le prophète donne ensuite quelques 
détails sur les fonctions du successeur Éliacim. Il porte 
une tunique et une écharpe qui marquent sa dignité. 
Il a sur son épaule la clef de la maison de David et est 




520. — Apadana de Suae, restauré. D'après M. Dieulafoy, L'acropole de Suse, pi. x\. 



les traducteurs grecs n'ont pas saisi le sens de bîrâh, 
« palais, forteresse, » en assyrien, birtu, en grec, 6âpic, 
castrum, et ont rendu l'hébreu par Eouuâv 'Aéipdt. 
Enfin, c'est ce même palais de Suse qui vit se dérouler 
les événements racontés dans le livre d'Esther. Voir 
Assuérus, 1. 1, col. 1141; Esther, t. h, col. 1973. L'apa- 
dana d'Artaxerxès n'était pas encore construit à cette 
époque. Ce nom, qui devient 'apadnd' en araméen, est 
employé par Daniel, xt, 45, sous la forme 'appédén, 
cour désigner le palais que le roi du nord, Antiochus 
Épiphane, doit ériger en Judée, près de la montagne 
sainte. 

VI. Intendants des palais. — L'administration de 
ces vastes palais réclamait un homme habile. 11 est 
plusieurs fois parlé dans la Sainte Écriture de l'inten- 
dant du palais, âSèr 'al hab-bait, « celui qui est préposé 
à la maison, » et une fois, Esth., I, 8, rab baîf, « le 
préfet de la maison. » Les versions l'appellent 6 4n£ toû 
ofxou ou tïj; oixîa;, « le préposé à la maison, >) oî'xovo- 
(io;, prxpositus, prssfectus, dispensator. Joseph avait 
un intendant dans son palais égyptien. Gen., xliv, 1. 
Ahisar était préfet du palais de Salomon, III Reg., iv, 
6, Arsa, préfet de la maison royale d'Éla, à Thersa, et le 
roi buvait et s'enivrait chez lui quand Zambri vint le 
tuer. III Reg., xvi, 9. Le préfet du palais d'Achab, à 
Samarie, se mit aux ordres de Jéhu après la mort de 
son maître. IV Reg., x, 5. Quand le roi Ozias fut frappé 
de la lèpre et dut vivre à part, son fils Joathan devint 
préfet du palais et gouverna à la place de son père. 
IV Reg., xv, 5. La charge d'intendant du palais consti- 
tuait donc une situation assez importante pour qu'on 
pût l'attribuer à un fils de roi. Éliacim fut intendant 
du palais d'Ézéchias. IV Reg., xix, 2; Is., xxxvi, 3. En 
même temps que lui est nommé Sobna, le secrétaire. 
Or Éliacim avait succédé à un autre intendant portant 
le même nom de Sobna. Is., xxn, 20. Ce dernier avait 
dû être destitué et Isaïe, xxu, 15-25, a toute tïne pro- 
phétie contre lui. Il est peu probable qu'il soit devenu 
ensuite secrétaire du roi et que celui-ci l'ait envoyé en 
mission auprès d'Isaïe en compagnie d'Éliacim. 
IV Reg. , xix, 2. Il s'agit donc vraisemblablement de 
deux personnages différents. Isaïe accuse l'intendant 
Sobna d'être l'opprobre de la maison de son maître et 
de se montrer dur et injuste pour les habitants de 
Jérusalem et de Juda. Il était sans doute également 
rapace, car il possédait des chars magnifiques et se fai- 
sait alors tailler dans le roc et bien en vue un splen- 



seul à pouvoir ouvrir ou fermer. Il dispose de tout dans 
la maison et de tous les ustensiles « depuis la coupe 
jusqu'aux jarres ». Is., xxu, 21-24. — Enfin, dans le 




521. — Chapiteau susien restauré. Musée du Louvre. 

palais de Suse, plusieurs intendants surveillaient l'or- 
donnance des fêles. Esth., i, 8. H. Lesêtke. 

PALATINUS (CODEX). C'est un des principaux 
manuscrits oncîaux de l'ancienne version latine des 



1975 



PALATINUS (CODEX) — PALESTINE 



1976 



Évangiles, datant du v« siècle, désigné en critique 
par la lettre e, et conservé depuis 1806 à la Bibliothèque 
impériale de Vienne sous la cote lat. H85. Un feuillet 
se trouve à Dublin (Trinity Collège, N. 4, 18). Le codex 
était d'abord à Trente d'où il fut envoyé à Rome en 1762 
pour l'édition de Bianchini. Celui-ci en fit prendre une 
copie qui fut déposée à la Vallicellianaety estcotéeU.66. 
— Le Palatinus renferme les parties suivantes des 
Évangiles : Matth., xn, 49-xxiv, 49 (mais xm, 13-23, 
appartient au feuillet de Dublin et xiv, 11-21, n'existe 
plus que dans la copie de Rome); Matth., xxvin, 2-20: 
Joa., i, 1-xviii, 12; xvm, 25-xxi, 25; Luc, i, 1-vtn, 30; 
vm, 48-xi, 4; xi, 24-xxiv, 53; Marc, i, 20-iv, 8; iv, 19- 
vi, 9; xn, 37-40; xm, 2-3, 24-27, 33-36. — La partie 
conservée à Vienne fut éditée par Tischendorf, Evan- 
gelium Palatinum, Leipzig, 1847 ; le feuillet de Dublin, 
par Abbott à la suite de son The Codex rescriplus Du- 
blinensis, Z, Londres, 1880, enfin le fragment que la 
copie de Rome présente en plus des manuscrits pré- 
cédents par Linke, Neue Bruchstùcke des Evangelium 
Palatinum, dans les Sitzungsber. der Akad. der Wis- 
senschaften tu Mûnchen, 1893, fasc. n, p. 281-287. Le 
tout a été réédité par J. Belsheim, Evangelium Pala- 
tinum etc., Christiania, 1896, 'avec une préface donnant 
l'historique du célèbre codex. D'après Hort, The New 
Testament in Greek, introduction, Londres, 1896, p. 81, 
le Palatinus, ainsi que le Bobiensis, si éprouvé par 
l'incendie de la Bibliothèque de Turin, offre un texte 
africain en substance, souvent absolument identique 
aux citations de saint Cyprien là où elles différent du 
texte européen. F. Prat. 

PALESTINE, partie méridionale de la Syrie, qui 
correspond à l'ancien pays de Cbanaan, à ce que nous 
appelons la Terre-Sainte. La connaissance de cette 
contrée est de première nécessité pour comprendre 
la Bible. Chacune de ses divisions, de ses villes, fleuves, 
montagnes, etc., a son article spécial dans le corps du 
Dictionnaire. Nous n'avons à donner ici qu'une étude 
d'ensemble sur son état actuel et son état ancien, au 
double point de vue géographique et historique. 

I. Noms. — Le pays que nous étudions a porté, au 
cours des âges, dans la Bible et chez les peuples anciens, 
des noms différents, tirés de ses habitants, principale- 
ment des Hébreux, et des événements religieux dont il 
fut le théâtre. 

1° Palestine. — Ce nom, dans son extension actuelle, 
c'est-à-dire en tant qu'il désigne la contrée tout entière, 
n'est pas biblique, bien qu'il ait ses racines dans la 
Bible. La Vulgate connaît les Paleestini, Gen., xxi, 33, 
34; xxvi, lj 8, 14; Exod., xxm, 31; Ezech., xvi, 27, 57 ; 
xxv, 15, 16, ou Palsesthini. I Par., x, 1; Jer., xlvji, 1, 
4; Joël, m, 4; Am., vi, 2; ix, 7. Les manuscrits et 
même les éditions imprimées offrent une certaine va- 
riété d'orthographe; la première est la meilleure. Cf. 
Vercellone, Variée lectiones Vulgatse latines, Rome, 
1860, t. i, p. 74. Mais ce mot traduit l'hébreu ntntfbs, 

PeliStim, « les Philistins, » que les Septante rendent 
par $u>[o-Tt£!(i, Gen., xxi, 33, 34; xxvi, 1, 8, 14, etc., et 
par àXXôçyXot. I Par., x, 1; Jer., xlvii, 1, 4, etc. Il ne 
s'applique donc qu'au peuple qui habitait la région 
sud-ouest de la Palestine actuelle, le mât Palastu, 
Pilistu, Pilista des inscriptions assyriennes. Cf. Frd. 
Delitzsch, Wo lag das Paradiesf Leipzig, 1881, p. 288; 
E. Schrader, Die Keilinschriften und das A Ite Testa- 
ment, Giessen, 1883, p. 102. C'est dans ce sens res- 
treint que Josèphe lui-même, Ant. jud., I, vi, 2; II, xv, 
3; XIII, v, 10, emploie les dénominations de IlaXatcrti'- 
voi, IlaXaiffrivï]. Dans quelques endroits cependant, 
Ant jud., VIII, x, 3; Cont.Ap., I, 22, il parle, d'après 
Hérodote, de la riaXacoTs'vr) Supi'a, des « Syriens qui 
sont dans la Palestine », Eyptot oî èv tt] noXaturcvr), 
expressions qui étendent le territoire jusqu'à la Phé- 



nicie. Hérodote, en effet, ir, 104; m, 5, 91; vu, 89, dis- 
tingue les Phéniciens des Syriens qui sont èv x-fj 11a- 
Xaiari'vT] ou appelés IlaXaioTivoi; tout ce qui va de leur 
district jusqu'à l'Egypte se nomme, d'après lui, Pales- 
tine. Les écrivains grecs firent d'abord de DTaXottcrrivï) 
un adjectif déterminant Eupe'a, pour distinguer « la 
Syrie Palestine » ou méridionale, y compris la Judée, 
de la Phénicie et de la Cœlé-Syrie. L'expression t, 
IlaXaurrCvir) Supc'a devint ainsi, principalement depuis 
Hérodote, d'un usage commun. On la rencontre dans 
Philon, De nobilitate, 6, édit. Mangey, t. n, p. 443. 
Elle passa dans dans la langue officielle des Romains, 
à partir d'Antonin le Pieux, comme le prouve un di- 
plôme militaire de l'armée de Judée (139 après J.-C), 
d'après lequel la province ainsi appelée autrefois est 
nommée Syria Palœslina. Cf. Héron de Villefosse, 
Diplôme militaire de l'armée de Judée, dans la Revue 
biblique, Paris, 1897, p. 598-604. Elle se trouve aussi 
fréquemment sur les monnaies de Flavia Neapolis. Cf. 
F. de Saulcy, Numismatique de la Terre-Sainte, Paris, 
1874, p, 248. Cependant le nom de IlaXsao-rîvri, Palsis- 
lina, était également connu comme substantif, ainsi 
qu'on le voit dans les auteurs classiques et sur les mon- 
naies, chez les Pères et les écrivains ecclésiastiques. 
Vers le iv e siècle, il s'étendait même au delà des limites 
de l'ancien pays de Chanaan. Eusèbe et saint Jérôme, 
Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 84, 88, 91, 125, 
214, 219, 228, placent dans la Palestine des villes telles 
que Ailath, Pétra, Pella, Hippus. A partir du v e siècle, 
on mentionne la Paleestina prima, comprenant la Ju- 
dée et la Samarie; la Palxstina secunda, c'est-à-dire 
une partie de la Galilée, les contrées voisines du lac de 
Tibériade et du haut Jourdain, à l'ouest et à l'est; la 
Palxstina tertia ou salutaris, avec l'Idumée, depuis 
Bersabée jusqu'au golfe Élanitique, et l'ancien pays de 
Moab. On trouve trois fois le nom de « Palestine », 
'jiDDbs, dans les Midraschim; mais, d'après A. Neu- 
bauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 2, il 
se rapporte plutôt au pays des Philistins. Disons enfin 
que, pour les Arabes, le djund ou district militaire de 
Filasfin, ( ^>l-i«JLs, correspondait à la Palestine pre- 
mière, avec une partie'de la Palestine troisième jusqu'au 
désert de Tih. Cf. Guy Le Strange, Palestine under Ihe 
Moslems, Londres, 1890, p. 25-29. C'est ainsi que le nom 
de Palestine, appliqué d'abord à une petite portion du 
pays, placée entre l'Egypte et la Phénicie, et plus con- 
nue des étrangers qui venaient de l'Occident, s'est 
ensuite étendu au pays tout entier, comme celui 
d'Afrique, qui ne désignait primitivement pour les 
Romains que la contrée libyenne, voisine de l'Italie, a 
fini par s'étendre à l'immense continent. 

2» Terre de Chanaan; Chanaan. — Le plus ancien 
nom biblique de la Palestine est celui de iras, Kena'an; 
'érés Kena'an; Septante : y{] Xavaâv; Vulgate : terra 
Chanaan, Gen., xi, 31 ;xni,12; xvi,3;xvi[,8, etc.; regio 
Chanaan, Lev., xvm, 3, ou simplement Kena'an,« Cha- 
naan. » Jos., xxn, 9, 32; Jud., iv, 2, 23, 24; v, 19; Ps. cv 
(hébreu, cvi), 38, etc. On trouve aussi 'érés hak-Ke- 
na'ânî, « la terre du Chananéen; » Septante : y-n n>i 
XavavaiMv, « la terre des Chananéens. » Exod., m, 17; 
xm, 5. 11; Deut., i, 7, etc. Ce même nom apparaît, au 
xiv siècle avant notre ère, dans les lettres de Tell 
el-Amarna, sous les formes de Kinal.ihi et Kinahni (na). 
Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amama, 
Berlin, 1896, p. 26, 28, 118, 210, 276, 282, 391. La 
première suppose une forme primitive 733, Kâna'. 
Voir Chanaan, t. n, col. 531. Dans les inscriptions 

égyptiennes, le pays est appelé "jt. V V ] 

p-Ka-n'-na, transcription exacte de l'hébreu, renfer- 
mant l'aspiration qui se trouve dans le corps du mot, et 
précédée de l'article, « le Chanaan. » Cf. H. Brugsch, 
Geographische Inschriften altâgyptischer Denkmàler, 



1977 



PALESTINE 



1978 



Leipzig, 1857, t. i, p. 59, 261; pi. vm, n. 319; W. Max 
Mùller, Asien und Europa nach altâgyptùchen Denk- 
mâlern, Leipzig, 1893, p. 205. La « terre de Chanaan » 
n'indique dans l'Écriture que le pays situé à l'ouest du 
Jourdain. Cf. Reland, Palxstina, Utrecht, 1714, t. i, 
p. 3-8. 

3° Terre des Amorrhéens. — On trouve dans certains 
passages de la Bible, Jos., xxiv, 8; Am., n, 10, l'expres- 
sion : 'érés hd-Émôrî; Septante : yf) 'AiioppaW/, 
k terre des Amorrhéens, » du nom d'un ancien peuple 
qui occupa le pays avant l'arrivée des Israélites. Voir 
Amorrhéens 1, t. i, col. 504. Les Lettres A'El-Amarna 
désignent de même le territoire palestino-phénicien 
par le terme mât Amurri. Cf. H. Winckler, Die Thon- 
tafeln von Tell el-Amarna, p. 98, 120, 132, 152, etc. 
Depuis la découverte de ces tablettes, on s'est demandé 
s'il ne faudrait pas remplacer par Amuru, Amurru, la 
lecture Akharru (« ce qui est par derrière, » l'ouest), 
nom par lequel les Assyriens auraient désigné l'ensem- 
ble des marches méditerranéennes. Quelques-uns se 
prononcent, avec plus ou moins d'assurance, pour 
l'affirmative. Cf. A. Delattre, Aziru, dans les Procee- 
dings de la Society of Biblical Archeology, Londres, 
1890-1891, t. xiii, p. 233-234; Morris Jastrow, On Pales- 
tine and Assyria in the days of Joshua, dans la Zeit- 
schrift fur Assyriologie, Berlin, t. vu, 1892, p. 2, note 2. 
D'autres pensent qu'il faut conserver l'ancienne lecture. 
Cf. Halévy, Notes géographiques, § 34, dans la Revue 
sémitique, t. n, p. 185. D'autres croient que la valeur 
Amurru des anciennes époques a été remplacée par 
Akharru dans les textes cunéiformes de date plus basse. 
Cf. Sayce, CorrespondencebetweenPaleslineandEgypt, 
dans les Records of the Past, 2 e sér., t. v, p. 95, note 4; 
p. 98, note 2. Enfin F. Hommel, Die altisraelitische 
Oberlieferung in inschriftlicher Beleuchtung , Mùn- 
chen, 1897, p. 172, prétend que Martu, qui est dans 
les anciens documents babyloniens le nom de la Pales- 
tine (y compris la Cœlé-Syrie), est une abréviation 
à'Amartu, c'est-à-dire Amar avec la terminaison fémi- 
nine des noms dans les idiomes chananéens; Martu 
signifierait donc en réalité « le pays des Amorrhéens ». 
— Les monuments égyptiens mentionnent aussi « le 
pays des Amorrhéens », Amaura, Amor; mais ils 
désigent plutôt par ces mots la contrée située au nord 
de la Palestine. Cf. W. Max Mùller, Asien und Europa, 
p. 177, 218-219, 229-231. 

On trouve de même, Jos., I, 4 : « la terre des Hé- 
théens, » hébreu : 'érés ha-Hi[çïm, pour l'ensemble du 
territoire promis aux Israélites « depuis le désert et le 
Liban jusqu'au grand fleuve de l'Euphrate, et jusqu'à 
la grande mer (la Méditerranée) ». Mais les Septante 
n'ont pas cette indication, qui semble, du reste, avoir 
été faussement ajoutée au texte; elle n'existe pas, en 
effet, dans le passage du Deutéronome, xi, 24, auquel 
ce texte est emprunté. Elle n'est, en outre, justifiée par 
aucun témoignage historique. Il y a bien eu dans le 
sud de la Palestine quelques tribus héthéennes, 
Gen., xxiii, 3, 5, 7, etc., dont le nom est joint à celui 
des autres peuplades qui habitaient le pays dans la for- 
mule plusieurs fois répétée : « la terre du Chanânéen, 
de l'Héthéen, de l'Amorrhéen, etc. » Exod., m, 17; 
xiii, 5, etc. Mais le territoire proprement dit des Hé- 
théens était au nord de Chanaan. Voir HéthéeîjIs, t. m, 
col. 670. 

4° Terre des Hébreux. — Joseph appelle le pays 
d'où il a été enlevé 'érés hâ-lbrim ; Septante : yfj 
'Espaîwv, « la terre des Hébreux. » Gen., XL, 15. On 
suppose qu'il entend par là, non pas la région chana- 
néenne tout entière, qui ne fut conquise que plus tard 
par ceux de sa race, mais cette portion méridionale 
où avaient séjourné Abraham, Isaac et Jacob. Il est 
possible aussi que cette expression soit mise dans sa 
bouche par l'auteur de la Genèse. 



5° Terre d'Israël (hébreu : 'érés lird'èl, I Reg., xm, 
19, etc.; 'admat lsrâ'êl, Ezech., vu, 2, etc.; Septante : 
Yîj 'IdpaïjX). — Ce nom se trouve parfois appliqué à 
l'ensemble de la Palestine. Cf. I Reg., xiii, 19; Ezech., 
xn, 19, etc. Mais d'autres fois il n'indique que le 
royaume du nord. II Par., xxx, 25; Ezech., xxvb, 17. 
C'est une des expressions dont les Talmuds se servent 
le plus fréquemment pour désigner toute la région pa- 
lestinienne. Cf. A. Neubauer, La géographie du Tal- 
mud, Paris, 1868, p. 1. On la rencontre également 
dans le Nouveau Testament. Matth., n, 20, 21. Le nom 
d'Israël ayant continué de représenter tous les descen- 
dants de Jacob, il était naturel qu'il se rapportât aussi 
à leur pays. 

6° Judée. — Comme le nom de Juifs devint, après 
la captivité, l'appellation courante des Israélites en 
général, le nom de Judée, tout en désignant d'une ma- 
nière habituelle une province spéciale (voir Judée, 
t. in, col. 1814), fut cependant parfois appliqué à la 
Palestine. C'est, du moins, dans ce sens que certains 
exégètes prennent 'IouSoua. Luc, xxm, 5; Act., x, 37; 
xxvi, 20. Il est sûr que Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 1; 
XII, iv, 11, etc., donne au mot^cette même extension. 
Strabon, xvi, 749, place également « la Judée » immé- 
diatement au sud de la Phénicie et de la Cœlé-Syrie. 

7° Terre du Seigneur (hébreu : 'érés Yehôvâh; Sep- 
tante : yvj toû Kupi'ou). — La Palestine est ainsi appelée 
Ose., ix, 3, non pas seulement comme l'univers est dit 
appartenir à Dieu, Ps. xxm (hébreu, xxiv), 1, mais en 
ce sens que le Seigneur y a établi sa demeure spéciale, 
et que les Hébreux en sont seulement les usufruitiers, 
les colons. Lev., xxv, 23. Parfois même elle est simple- 
ment appelée La Terre, la terre par excellence. Ruth, 
i, 1; Jer., xn, 11. Il en est ainsi dans les Talmuds, où 
les autres pays du monde sont réunis sous la dénomi- 
nation générale de « hors de la Terre », ynso nnn. Cf. 
A. Neubauer, La géographie du Talmud, p. 1. C'est 
également en raison de son rapport avec Dieu qu'elle 
est nommée dans l'Épître aux Hébreux, xi, 9, -fîj -niç 
l7raYfeX[«ç, la terre de la promesse, et dans les 
Nombres, xxxn, 11 : « la terre que j'ai jurée » ou la 
terre du Serment, en souvenir de la promesse solen- 
nelle faite par le Seigneur à Abraham en plusieurs 
circonstances. Gen., xm, 15; xvii, 8, etc. 

go Terre Sainte (hébreu : 'admaf hag-gâdéS; Sep- 
tante : t] yvî r| âyia). — Tel est le nom que nous rencon- 
trons dans Zacharie, n, 16 (Vulgate, 12), et qui carac- 
térise si bien, aux yeux des Juifs et des Chrétiens, le 
pays des merveilles divines. Nous le retrouvons Sap., 
xn, 3; II Mach., i, 7, et dans Philon, Légat, ad Caium, 
édit. Mangey, Londres, 1742, t. h, p. 586. Mais il devint 
d'un usage constant au sein du christianisme dès le 
second siècle. Cf. Justin, Dial. cum Tryphone, 113, 
t. VI, col. 735. C'est celui qu'on emploie encore le 
plus fréquemment de nos jours, et à juste titre; si, 
en effet, la Palestine fut, sous l'Ancien Testament, une 
terre privilégiée, ne l'est-elle pas bien plus depuis que 
le Fils de Dieu l'a foulée de ses pieds et arrosée de 
son sang? « Autrefois, écrivait sainte Paule à Marcella, 
les Juifs vénéraient le saint des saints, parce qu'il ren- 
fermait les chérubins, le propitiatoire et l'arche d'al- 
liance... Le sépulcre du Seigneur ne te paraît-il pas 
plus vénérable? Chaque fois que nous y entrons, nous 
voyons le Sauveur couché dans son linceul, et, pour 
peu que nous nous y arrêtions, nous voyons l'ange de 
nouveau s'asseoir à ses pieds. » Cf. S. Jérôme, Epist. 
xlvi, t. xxn, col. 486. — Sur ces différents noms, on 
peut voir Reland, Palxstina, t. i, p. 3-47. 

Signalons enfin certains noms que les peuples voi- 
sins ont donnés à la Palestine, en dehors de ceux que 
nous avons déjà indiqués. Au début de la conquête 

égyptienne, cette partie de la Syrie s'appelait !"**' 



1979 



PALESTINE 



1980 



Ha-ru. C'est du moins l'avis de Max Mûller, Asien und 
Europa, p. 148-156, qui restreint l'extension de ce mot 
au pays de Chanaan, tandis que H. Brugsch, Geogra- 
phische InschriftenaltâgyptischerDenkmôler, Leipzig, 
1857, t. i, p. 59-60, l'applique à la Syrie tout entière. 
L'identification de ce nom avec celui des ïfôrîm de la 
Bible, Gen., xiv, 6; xxxvi, 20-30, etc., a été proposée 
par plusieurs auteurs, mais elle est combattue par 
Max Mûller, op. cit., p. 155-156. G. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris, 
1895-1899, t. il, p. 121, place le Harû au sud, dans le 
massif du Séir. — Pour les Assyriens, la Palestine fai- 
sait partie du mât Akharri, « pays de l'Ouest, » c'est- 
à-dire de la côte méditerranéenne, mais ils connurent 
aussi ses deux grandes divisions, le royaume de Juda, 
mât Yaudu, et le royaume d'Israël, qu'ils appelaient 
mât Bît-Hwnri, « le pays de la maison d'Omri, » ou 
mât Ifutnrî, « le pays d'Omri. » Voir Amri 1, t. i, 
col. 524. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das 
Alte Testament, p. 90, 188. 

II. Géographie physique. — A prendre strictement 
les noms qui viennent d'être examinés, nous n'aurions 
à étudier que l'étroite bande de terre, comprise entre le 
Jourdain et la mer Morte à l'est, et la Méditerranée à 
l'ouest. Celui de Palestine a la plus grande extension; 
mais, s'il englobe des pays qu'on peut appeler bibliques, 
il dépasse les limites de la contrée où s'est proprement 
concentrée la vie du peuple hébreu. Aucun donc ne 
désigne parfaitement dans toute son étendue le terri- 
toire où ont si longtemps vécu les tribus d'Israël. Si 
• la région cisjordane a pour elle les noms les plus glo- 
rieux, les souvenirs les plus chers au cœur du juif et 
du chrétien, la transjordane n'en a pas moins sa part 
dans l'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament. 
Notre étude, pour être complète, doit donc porter sur 
la double bande de terrain qui avoisine le Jourdain et 
la mer Morte à l'ouest et à l'est, et qui constitue 
vraiment le pays biblique, dans les limites que nous 
allons déterminer. 

1. SITUATION, LIMITES ET ÉTENDUE. — Ce pays 

appartient à la Syrie, dont il forme l'extrémité méri- 
dionale. Dans son ensemble et ses lignes générales, il 
se trouve placé entre le Liban et l' Anti-Liban au nord, 
le plateau du Hamad ou steppe syrien à l'est, la pénin- 
sule sinaïtique au sud, et la Méditerranée à l'ouest. Si 
nous voulons préciser ses contours, nous n'arriverons 
évidemment pas à la rigueur de nos frontières euro- 
péennes; l'état actuel de nos connaissances nous per- 
met cependant une délimitation assez exacte. Cette 
délimitation n'est autre que celle des tribus israélites. 
Voir les cartes des tribus. Or, au nord, Aser et Nephthali 
ont une frontière que la nature elle-même semble avoir 
établie, c'est le fossé profond du Nahr el-Qasimiyéh; 
aucune de leurs villes ne franchit cette barrière, que 
l'on peut prolonger par une ligne idéale vers l'est, 
jusqu'au pied du grand Hermon. Voir Aser 3, t. i, 
col. 1084, et Nephthali 2, t. iv, col. 1593, avec les 
cartes. En poursuivant cette ligne dans la même direc- 
tion, on ferme, du côté du septentrion, le territoire de 
Manassé oriental. A l'est, cette dernière tribu, qui con- 
tenait les régions de Basan et d'Argob, Deut., m, 12; 
Jos., xn, 4; xiii, 11, 30; xvn, 5, suivait les bords exté- 
rieurs du Ledjah, puis venait s'appuyer au Djebel Hau- 
rân, où deux points extrêmes marquaient sa limite : 
Chanath, aujourd'hui El-Qanaûât, et Salécha, Salhhad, 
plus au sud. Num., xxxn, 42; Jos., xn, 4; xiii, 11. De 
là, la frontière, revenant vers l'ouest, descend ensuite 
vers le sud avec le Derb el-Hadj ou « Route des Pèle- 
rins », qui en dessine le tracé et clôt de ce côté les 
tribus de Gad et de Ruben. On arrive ainsi au torrent 
d'Àrnon, owadi Modjib, qui -forme la limite méridio- 
nale de la région transjordane. Voir Manassé 7, 
col. 644; Gad 4, t. m, col. 27, et Ruben. La frontière 



sud de ïa cisjordane se confond avec celle de la tribu 
de Juda : partant de l'extrémité méridionale de la mer 
Morte, elle constitue un arc de cercle qui, après avoir 
atteint Cadès ( l iin Qedîs), rejoint vers l'ouest le 
« Torrent d'Egypte », ouadi el-Arisch, et se termine à 
l'embouchure de celui-ci dans la Méditerranée. Cf. Jos., 
xv, 1-4. Voir Juda 6, t. m, col. 1756, et la carte. L'en- 
semble de ce tracé correspond, au nord, au sud et à 
l'ouest, avec celui de la terre de Chanaan, tel que nous 
le trouvons Num., xxxiv, 1-12, et Ezech., XL vu, 15-20. 
La partie septentrionale seule présente des difficultés. 
S'il fallait en croire certains auteurs, on devrait repor- 
ter cette ligne frontière cent soixante-dix ou cent 
quatre-vingts kilomètres plus au nord; on aurait ainsi 
une limite « idéale » qui n'aurait jamais été atteinte. 
Nous croyons qu'il est beaucoup plus naturel de ne pas 
quitter le terrain sur lequel nous avons dressé nos 
jalons. Quels que soient les embarras du texte et des 
identifications, l'on a réussi à faire rentrer dans un 
tracé normal cette ligne de démarcation. Voir Chanaan 2, 
t. ii, col. 533. Cf. J. van Kasteren, La frontière septen- 
trionale de la Terre Promise, dans la Revue biblique, 
1895, p. 23-36. L'Écriture, en plusieurs endroits, Gen., 
xv, 18; Exod., xxn, 31; Jos., i, 4, étend les limites de 
la Terre Promise jusqu'à l'Euphrate. Ce développement 
du pays israélite au nord-est, aussi bien qu'au sud, ne 
fut que passager, sous David et Salomon; nous n'avons 
pas à en tenir compte ici. 

Le pays que nous venons de délimiter ainsi se trouve 
donc compris entre 30° 30' et 30° 18' de latitude nord, 
31». 30' et 34° 20' de longitude est. La Palestine cisjor- 
dane est une zone qui va en s'élargissant du nord au 
sud. D'une largeur de 37 kilomètres au début, elle 
arrive à €5 kilomètres au parallèle de Qaisariyéh ou 
Césarée (32° 30'), à 78kilomètres à celui de JafTa (32» 3'), 
à 94 kilomètres à celui de Ghazzéh ou Gaza (31° 30), 
et elle finit par atteindre au 31° près de 150 kilomètres 
sur une bande de latitude très étroite. La longueur de 
la frontière occidentale est ainsi de 260 kilomètres. La 
région transjordane, large de 90 kilomètres environ 
entre le lac de Tibériade et le Djebel Haurdn, se res- 
serre à 50 et 40 kilomètres le long du Jourdain et de la 
mer Morte jusqu'à l'Arnon. Sa longueur est de 200 ki- 
lomètres. Les ingénieurs anglais ont calculé la superficie 
de la cisjordane, depuis le Nahr el-Qasimiyéh jusqu'à 
Bir es-Seba ou Bersabée, c'est-à-dire sur une longueur 
de 228 kilomètres, et l'ont estimée à 15643 kilomètres 
carrés; celle de la transjordane équivaut à 9 481 kilo- 
mètres. L'ensemble du pays, à part la pointe méridionale 
de Bersabée à Cadès, comprend donc 25124 kilomètres 
carrés, à peu près l'équivalent de quatre départements 
français. ^ 

il. configuration générale. — Le trait caractéris- 
tique de la Palestine, c'est cette énorme et longue 
fissure qui la coupe dans toute sa longueur, du nord 
au sud, et la sépare en deux comme un vaste fossé. De 
son point de départ, qui est à 563 mètres au-dessus de 
la Méditerranée, elle descend jusqu'à une profondeur 
de 392 mètres au-dessous, s'enfonçant pour ainsi dire 
en terre par un phénomène géologique unique au 
monde. Voir Arabah, t. i, col. 820. Un fleuve, le Jour- 
dain, qui a ses sources dans les flancs de l'Hermon, y 
a creusé son lit sinueux et y promène son cours rapide, 
formant d'abord le petit lac Hûléh, à peu près au niveau 
de la mer, puis, plus bas, le lac de Tibériade, à 
208 mètres au-dessous, déversant enfin ses eaux dans 
l'immense cuve de la mer Msrte, dont le niveau est à 
392 mètres, dont le fond atteint près de 400 mètres et 
se trouve ainsi à près de 800 mètres au-dessous de la 
Méditerranée. Voir Jourdain, t. m, col. 1704. De cette 
vallée, assez étroite par endroits et qui va s'élargissant 
vers le sud, monte de chaque côté, à l'ouest et à l'est, 
un double rang de hauteurs, dont les points les plus 



\ IRËR MEQ1TERRANÊE 






,/ 



d'- 



-$<& 






* "Aà^ 



■£ 






:Oj.Muéiléh N 



'*> Ain- Cad 1.1 
i^. ^CAOÈS BARflÉ 






fft, Vhounon 

3 -X\.£ 

ç. 5 c^* "Dj.Màqrah .«3 N A ^ 

S A if |A B "; I E „. 

^ Désert de'Phara n .^4?- 



tf 



E 



Badiet .- et ---Tih 
Désert de l'Égarement 



R 



'lyr© 






O 



q AknhaJi 
ÉLATH 



<S> 






*t 



<r> o 



•*^ 



tA 



Echelle 



6 (,'*/. 



MER ROUGE 




Râs el-Abiad % RasUmmQabr 

Kli . LskajidepûnéA 



Râs en-Naqùrah Ain elMuschéirilfih 



et 

- Ai'/i li-Haouilerâh 
HASÉROTH ° 
Froueis ffc ï&turig sj 
ÇIBRÔT-HATTAÂVÀH «§^ 

.Oj.Movça' ^ / 

MTSINAÏ .£$ / 



Tell Bêlât 
* 616 



Nahv Sémiriyéh 



EI-Kahry • 



S*. Jean dAcre® 

fAKKA) 



Moi/M 



G AlrL 1.1. 



^ t l-HalnXUiv 

§• 0. Schàvb 



couvent Khaïfà 
150 ' © « 



% • Basset el o './ 
Y Kurdanéh "%> 



H 



°fe 



*, 



f? 



v.p\ e\-^ a ^7abu\o*>Afcum 



Se/fîiriyèii 



Athlit 



Aïnes-Sa'adâi » '^ "■ ^> 

^: s. v 



<> & \ïèsBG" w SU *°^ 3*16. "«■ iuo O * 

V^ e4 * Dj.Tur'ân QupÛn* Mf* 'làl>ariyéh „.,, ^ ' ^ 

^,„,w„ ! fiatt,n ^ .(TIBER.ADE) * 3 ^ tf . ^ 



>" 



^ 






* 



Tanlûrali 



N> 



.Nahr «c -^t'i^a 



♦ 



^* 



& 



& 



■EiLedjthùn 



7J <> 'Ain d-Maïléh 



Zer'ùl° 'XnBjsiûd 



— rui 

(JEZRAEL) 



N 



(CÉSAR'ÈEr 



N 



Mu- kkander IUu . h 



c 
o 

c 
cv 



[ "518 



.^ 



158 ,i • - %f<>\ 
$>® (ENGANNIIYI & 



A 



^relF âléq 



V* 



•V 



^ 



03 

basset 
elEùéq 



TelLlh'^îii > rjn 

<■ ■ •-■.- ! Raslbliq M ff-, 

''/"r / - Merdjel- l 6i ^ a 

M - A Gh^Rts'M Ei .; 

Frmqwiyëh^ a j) leb( L :■ RâsOjadir 

'.-724. , i 709 re 



^ 



Jafl 









i & oSébastwé/i 
>0. (SAMARIE)^ 

Dj.Eslâmiyéli(Hébal) 

" '-■■ 938* -'«Jat* 

. ,~. Naplouse©'K! l ^&ïi s *?r "■'' .795 

■ Jb-nDa&éh',-à"3jub 

■ r tjj. et : Tûr 668 ^ 



338Ï.inJat^ f •■nj.ei-Kebir . J'V'"~" ^ 
[ybter •> ioc ..' ? 218 



Koboh. 

sel-Ain 



(Garizim) x?* 

805, ^ 
Schsikh Selmân o 



Mjemaùi 
J o 5 



SI7 



0. KflbaJi 
°- 'Rasel-Xn 



ta © 



o 



^.te. 



\> 






BéruJdn ° 66 ^ 



-riZinat oss ».' i 



4fc 



SahrKLbûv 



O Yebniii 
«5, (JAMNIA) 



Ei'Ramleli 

© 



Dejj' AmmaP 
530° ' - 
oJfk'lùv - 1 .. * 
28Z- - Ç ""' Beitïn 881 

I (BETHELp 

' EVBirëho* ' 
893 



"710 °782 



Beit'lfr ei-Foga. 



MntJFjdiîd 






^ 






S ^ 



'OP 



SarcuCL 



oAscaJon 



^> 



"JlFuy/titliiz 
0. eL-jSwschcin 

TeIÂe.s-Sa/!Jjp/t 
212I ^ 



AÏAL0N 203 ^S^-ojmd&LKSS -, 

U D É^-'Ei 

ÇataePEab, mma . SMU8 -to^^ 
IBMagel) 



Kh Ztuiû a 

o 

BeU-Ifetiif 



0. rfilssy 



£/-MuiM 

('rhazzéli©^ 

(GA2A)\ 



«^ 



<> 



».,.i-h;-' 



287 
i ^«i -JJ/ibrin 



ScitAûua, 

kS6° 



^^^BETHLEHEM) 

&5 ^"^ n:. 

uraJ J> 759 Qarnel-Haajar 
¥ ' WvJcqiHa.- ¥tS- ! e 

THECUÉ 

, °850 Ep-Ruéikbéh 

Bat Au- 

'AihSiraé, 



'Aït'ibib' 



<K 



'Ai'ifèsdiqaléh v 

/>«Va toeM;«f#fHÉBR0N) 
■ — i(;fl.p?â(VJU- ■ 



? 



8Î7" 



■y^ 



r '?m^ 



■mul 



Tell Abu Hareireh 



T 31 " 

EsSemiUL 



0622 

m.Attir 



Bîrt'.s-Sebpl ' 



("b'eRSAbTejo 2M v ^ 






m 



v 



xV> 






Oj.et-Tulùl 



tih.el-MM 

369 



i^ 






.^ 



^ 



^ 



Khulosnh 

o 
215 



KrAii/iéi/'i'A 



32S 



D J-etTùr 



<&■ 



Kurmib 



>563 



Muzéiqah 



Dj. Hadireh 



. 32» 




Dj.Maderah 




°Sùupïl 
'Ain el-ïïaramifélt' 



TellAsÙF 
mil * . 



Rudim el-Kuppât 
J WZ" 



Zahrete1 : ArVimëh iymSADA 



9- e^Holhi-uruh. [ 
Zîu^ii-iOl- 



■s* 






<&. 




^ 


5 




CD 






^i 




_ __ j_ .... 





1981 



PALESTINE 



1982 



' -.«*, 



élevés ne diffèrent pas sensiblement. La ligne orientale 
s'élève plus brusquement; elle forme comme une mu- 
raille à pic le long de la mer Morte. La ligne occiden- 
tale a des pentes plus douces. Il est facile de voir que 
les deux chaînes ont été violemment séparées par la 
brisure qui a constitué l'Arabah. Chacune d'elles, fen- 
dillée par les torrents, laisse écouler les eaux par une 
multitude de rivières ou ruisseaux qui se rattachent au 
Jourdain et à la nier Morte, avec une direction presque 
régulière. A l'ouest, un autre versant descend vers la 
Méditerranée, et tombe dans la plaine côtière, qui 
s'élargit à mesure qu'elle se prolonge vers le sud. A. 
l'extrémité nord-est, le pays biblique est fermé par un 
massif de montagnes volcaniques, dont l'axe se dirige 
à peu près du sud au nord; c'est le Djebel Haurân. 
Là prennent naissance de nombreux ouadis, qui s'en 
vont, à travers la plaine En-Nuqra, grossir le Schéri'at 
el-Menâdiréh, affluent du Jourdain. Tel est l'aspect 
général de la Palestine; c'est, dans son ensemble, une 
région montagneuse, coupée par quelques plaines plus 
ou moins étendues, arrosée par des torrents le plus 
souvent temporaires, par un fleuve dont le cours offre 
plus de singularité qu'il n'apporte de fécondité à la 
terre. Nous aurons à montrer plus tard l'importance 
de sa situation au point de vue historique. Celte vue à 
vol d'oiseau ne suffit pas pour en avoir une connais- 
sance exacte; sans entrer dans les détails que comporte 
chacune des parties, nous devons donner une description 
sommaire des deux contrées qui avoisinent le Jourdain. 

ni. description. — 1. Palestine cisjordane. — 
A) Orographie. — Le système montagneux de la Pales- 
tine cisjordane peut être considéré comme un prolon- 
gement du Liban, coupé seulement au premier tiers de 
sa longueur par la grande plaine d'Esdrelon. Descen- 
dant en ligne droite, parallèlement au Jourdain, il 
plonge ses racines jusqu'à l'extrémité méridionale de 
la contrée. Avec le Carmel, il pousse une pointe, dans 
la direction du nord-ouest, jusque sur le bord de la 
Méditerranée. Il comprend, sans compter le négéb, 
trois massifs, qui ont sans doute physiquement leurs 
caractères particuliers, mais sont surtout distincts his- 
toriquement. 

Le massif galiléen s'étend depuis le Nahr el-Qasi- 
miyéh jusqu'à la plaine d'Esdrelon. On y distingue 
deux groupes, de niveau et d'aspect différents, qui ont 
servi de base à la division du territoire en Haute et 
Basse Galilée. Le premier est formé par les montagnes 
qui dominent au nord la . vallée de Medjdel Kerum, 
située à 250 mètres au-dessus de la mer. C'est un 
enchevêtrement de hauteurs, au milieu duquel s'élève 
une arête principale de trois sommets, le Djebel Add- 
thïr (1025 mètres), le Djebel Djarmuk (1198 mètres) et 
le Djebel Zàbud (1114 mètres). D'autres sont épars, 
comme le Djebel Hunin (900 mètres), le Djebel Djam- 
léh (800 mètres), le Ras Umm Qabr (715 mètres), le Tell 
Bêlât (616 mètres), les monts de Safed (838 mètres), etc. 
Les contreforts occidentaux se profilent parfois jusque 
sur le bord de la Méditerranée. C'est ainsi qu'au 
Râs el-Abiad et au Rds en-Naqûrah, la plaine cô- 
tière est fermée par une ligne de roches qui vont de 
3C0 à 400 mètres d'élévation. Des sentiers raides, par- 
fois taillés en escaliers, courent le long de ces chaînons, 
dont les francs abrupts sont boisés, portant des ter. 
rasses successives soutenues par de gros murs. Le 
second groupe, celui de la Basse-Galilée, est beaucoup 
moins élevé; ses plus grandes hauteurs atteignent à 
peine 600 mètres. Les principaux sommets sont : le 
Djebel el-Kummanéh (570 mètres), le Djebel Tur'àn 
(541 mètres) et le Djebel et-Tûr ou Thabor (562 mètres). 
Cette dernière montagne, aux flancs réguliers, est un 
cône tronqué, qui commande la plaine d'Esdrelon. Vers 
l'est, au milieu des terrasses qui descendent vers le lac 
de Tibériade, se distinguent les Qurûn Hattin ou 



;c Cornes de Hattin », colline rocheuse, de forme arron- 
die, dont l'altitude est de 346 mètres, et que deux 
éminences terminent au nord-ouest et au sud-est. Voir 
t. i, fig. 367, col. 1529. Au sud-est, le Djebel Dahy 
(515 mètres) relie le massif galiléen, dont il est un fort 
avancé, au système central. 

Le système central est formé par les monts de Sama- 
rie. Séparé du précédent 'par la plaine d'Esdrelon, il 
ne fait qu'un physiquement avec celui de Judée. Il 
porte au nord-est comme une sorte de corne, décrivant 
un arc de cercle irrégulier dont la convexité est tournée 
vers la vallée du Jourdain; c'est le Djebel Fuqû'a, le 
Gelboé biblique. I Reg., xxvm, 4; xxxi, 1, 8, etc. Cette 
petite chaîne a environ 13 à 14 kilomètres de longueur, 
sur 5 à 8 kilomètres de largeur, avec 516 mètres de 
hauteur, en réalité trois à quatre cents mètres au-dessus 
de la plaine, mais six à sept cents au-dessus de la val- 
lée du Ghôr. Escarpée au nord, elle a, vers l'est, des 
pentes extrêmement raides, tandis qu'à l'ouest elle 
s'abaisse doucement. Voir Gelboé, t. m, col. 155. De 
la pointe sud-ouest du Djebel Fuqû'a, le massif se di- 
rige vers le nord-ouest par des mamelons dont le plus 
élevé, Scheikh lskander, atteint 518 mètres. Il aboutit, 
toujours dans la même direction, au Djebel Mâr Elias, 
ou Carmel, qui est la chaîne la plus régulière de la 
Palestine, s'étendant sur une longueur de 20 à 25 kilo- 
mètres. Isolée au sud-est par Vouadi Malih, elle 
s'abaisse vers la mer en promontoire escarpé, qui 
forme le môle de la partie méridionale de la baie de 
Sainl-Jean-d'Acre. Elle a 552 mètres de hauteur au sud 
A'Esfiyéh, 514 mètres à El-Muhraqah, et 150 mètres 
seulement là où est le couvent. Abrupte du côté de la 
plaine d'Esdrelon, elle descend plus doucement du côté 
de l'ouest, en collines boisées d'un charmant aspect, 
entremêlées de pâturages, de parties cultivées et coupées 
de vallées sinueuses. Elle est recouverte presque partout 
d'une terre végétale abondante et riche. Voir Carmel 
3, t. il, col. 291. De l'extrémité méridionale du Gelboé 
part une arête qui se dirige vers le sud-sud-ouest, avec 
le Rds Ibzîq (733 mètres), le Rds el-'Aqra (680 mètres), 
le Djebel Eslâmiyéh (938 mètres), et le Djebel et-Tûr 
(868 mètres), comme sommets principaux. Ces deux der- 
niers, à peu près au centre de la chaîne montagneuse 
de la Palestine, se font vis-à-vis, dominant, l'un au 
nord, l'autre au sud, la belle vallée où s'étend Naplouse. 
Le Djebel Eslâmiyéh est VRêbàl biblique. Plus élevé 
de 70 mètres que l'autre, il est, en général, beaucoup 
plus dénudé, bien qu'il ait, jusqu'à une certaine hauteur, 
une bordure de jardins. Les rochers hérissent ses pentes 
abruptes, autrefois cultivées par étages. Le sommet forme 
un plateau assez étendu, d'où la vue embrasse un magni- 
fique horizon. Le Djebel et-Tûr est le Garizim; il do- 
mine de sa partie septentrionale la ville de Naplouse, 
borde à l'est la plaine d'el-Makhnah, et projette assez 
loin ses racines vers le sud. Il se termine en un petit 
plateau qui s'abaisse par une pente douce à l'ouest. Du 
point culminant, le regard peut atteindre les cimes nei- 
geuses du Grand-Hermon, les flots bleus de la Médi- 
terranée et les hauteurs qui resserrent le Jourdain. Les 
deux montagnes ne sont guère élevées de plus de 300 à 
360 mètres au-dessus de la vallée qui les sépare. Voir 
Hébal 2, t. m, col. 461; Garizim, t. m, col. 106. Des 
chaînons latéraux se rattachent à cette arête principale. 
Du côté de l'est, ils s'abaissent, avec leurs ramifications, 
vers le Jourdain, dont ils rétrécissent beaucoup la val- 
lée. Signalons, parmi les sommets, le Râs Djâdir 
(709 mètres), le Djebel Tammùn (579 mètres), le Djebel 
el-Kébir (795 mètres); puis viennent dans une ligne 
inférieure le Râs Vmm Zôqah (256 mètres), le Zahrel 
Bomsah (218 mètres), le Rds el Umm-Kharrûbéh 
(210 mètres), enfin le Djebel $artabéh (379 mètres), 
avec ses deux cimes ou cornes, qurnéin, de hauteur 
inégale. Du côté occidental, un chaînon part du Djebel 



1983' 



PALESTINE 



1984 



Esldmiyéh, formant la paroi septentrionale de l'ouadi 
Scha'ir, et a son point culminant à Scheikh Beyâzîd 
(724 mètres), au nord-est de Sebastiyéh, l'ancienne 
Samarie. Au sud du Garizim, jusqu'à Vouadi Deir Bal- 
lût, que l'on regarde comme une ligne de démarcation 
entre la Samarie et la Judée, l'enchevêtrement des mon- 
tagnes continue avec des hauteurs de 805 mètres, à 
Scheikh Selmân; 517 mètres à Djémaîn; 668 mètres à 
Berukîn. De ces terrasses supérieures descendent assez 
régulièrement à l'ouest les terrasses successives, cou- 
pées de petits chaînons et de vallées, qui forment la 
transition entre la côte et les hauts sommets. 

Le massif judéen n'est séparé du précédent que par 
une ligne fictive; il a cependant son caractère particu- 



immédiatement de hauteurs comme le mont Scopus 
au nord (831 mètres) et la montagne des Oliviers à l'est 
(818 mètres). Dans les contreforts orientaux, nous trou- 
vons encore des sommets de 729 mètresj comme le 
Djebel en-Nedjméh; mais, à la limite de la vallée du 
Jourdain le Djébél Qaranfal n'est plus qu'à 98 mètres, 
le Djebel Ektéif à 287 mètres. A l'ouest, nous rencon- 
trons un premier étage de 500 à 600 mètres; Tibnéh 
(590 mètres), Deir Ammar (530 mètres), Beit 'Ur el- 
Fôqa (617 mètres) ; puis un second de 200 à 300 mètres ; 
Na'lin (262 mètres), Beit Nûba (203 mètres), etc. Au- 
dessous de Jérusalem, la crête se maintient au même 
■niveau qu'au-dessus, avec Beit-Djala (820 mètres), 
Beit-Lahm ou Bethléhem (777 mètres), le Djebel Furêi- 







523. — Liftah. D'après une photographie. 



lier. Il présente le spécimen le plus complet du « pays 
haut » palestinien. Sa ligne de faite court presque 
directement du nord au sud, avec une légère déviation 
cependant vers le sud-sud-ouest, se rapprochant beau- 
coup plus du Jourdain et de la mer Morte que de la 
Méditerranée. Aussi le versant est-il escarpé à l'est, 
tandis qu'il s'incline doucement vers l'ouest. Les points 
les plus élevés sont au nord et au sud. Nous pouvons 
distinguer un premier groupe de hauteurs jusqu'à 
l'ouadi es-Surar, qui découpe profondément le terrain 
à l'ouest de Jérusalem. Au-dessous de Tell Asûr, qui 
va jusqu'à 1 011 mètres, le niveau supérieur du plateau 
est de sep! cents à près de neuf cents mètres. C'est une 
série de collines proéminentes, de tertres arrondis, aux 
flancs desquels s'étagent des vergers et des vignes, et 
dont un village couronne le sommet: Beitin (881 mètres), 
El-Biréh (893 mètres), Er-Râm (792 mètres), Nébi- 
Samuil (895 mètres), Tell el-FM (839 mètres), El-Djib 
(710 mètres). Ce sont là comme les forts avancés de 
Jérusalem, assise elle-même sur une éminence dont le 
point culminant est à 775 (ou .790) mètres, et entourée 



dis (759 mètres). Mais bientôt commence le massif hé- 
bronien, dont plusieurs points dépassent 900 mètres : 
Khirbet Teqû'a (850 mètres), Halhûl (997 mètres), El- 
Khaltl ou Hébron (927 mètres), Yutta (837 mètres), El- 
Kurmul (819 mètres), Es-Semû'a (734 mètres). En 
descendant vers le sud, il s'abaisse à 622 mètres, Khir- 
bet 'Attir, pour rejoindre progressivement les grandes 
vallées, Bir es-Séba' ou Bersabée (240 mètres), Khirbet 
el-Milh (369 mètres). Les contreforts à l'est, assez 
rapprochés de la mer Morte, atteignent encore une 
hauteur moyenne de plus de 400 mètres : Qarn el- 
Hadjar (445 mètres), Er-Ruéihbéh (447 mètres), Rudjm 
el-Kurrât (422 mètres), KhaSm Sufr es-Sânï (427 mè- 
tres), Zahret el-Arâ'iméh (439 mètres). A l'ouesl nous 
retrouvons la même altitude à Sara'a (412 mètres), 
Beit Nettif (462 mètres); Beit 'Aûuâ (456 mètres); 
puis le terrain descend à 212 mètres à Tell es-Safiyéh, 
à 287 mètres à Beit Djibrîn. Voir fig. 524, l'aspect acci- 
denté et dénudé des environs de Jérusalem. 

Le massif du Négéb, beaucoup moins connu, est un 
enchevêtrement de chaînons, séparés par de nombreuses 



1985 



PALESTINE 



1986 



et larges vallées. Il s'incline dans la direction du sud- 
ouest; longeant à l'est l'Arabah, qu'il domine parfois de 
hauteurs assez considérables. Tandis que Khalasah 
{215 mètres) est à peu près au niveau de Bir es-Séba', 
Er-Ruhéibék est à 325 mètres, et l'on atteint, vers 
Kurnub. 494 mètres, plus loin à l'est 563 mètres. Citons 
seulement, parmi les principaux chaînons, en allant du 
nord au sud : Djebel et-Tulûl, Dj. Scheqa'ïb, Dj. Umm 
Rudjum, Dj. et-Jûr, Dj. El-Muzéiqah, Dj. Hadiréh, 
Dj. Maderak et enfin le Djebel Mdqrah, au pied duquel 
est 'Aïn Qedis, et à l'ouest le Djebel Muéiléh. 

Sans tenir compte de ce dernier prolongement, la 
Palestine a, comme on le voit, ses points les plus éle- 



Sahel el-Ahma, plateau jonché de laves. Les monts de 
Samarie commencent par une succession de terrasses ' 
qui se relèvent à mesure qu'on avance vers le sud. Au 
sud-ouest de Djenîn, le Sahel 'Arrabéh, à une altitude 
de 200 à 240 mètres, est une vallée assez bien cultivée, 
qui se relie au sud-est au Merdj el-Gharaq, dont le 
sol est fertile, mais devient un marais en hiver. Au- 
dessous du Garizim, s'étend la belle plaine A'El-Makh- 
nah, qui forme à son extrémité septentrionale un large 
amphithéâtre, à environ 500 mètres d'altitude. Mais le 
pays est ensuite moins ouvert, on entre dans la région 
des hauts plateaux; les grandes vallées deviennent 
rares; on trouve encore cependant au sud de Jérusa- 




524. 



■ Aspect des montagnes de Judée. Sur la route de Jérusalem à Jéricho. D'après une photographie. 



vés au nord, avec les monts de la Haute Galilée, et au 
sud, avec le massif hébronien. Ils encadrent ainsi le 
centre même du pays. Voir fig. 525 et 526. 

B) Plaines et vallées. — Le système montagneux que 
nous venons de décrire est coupé par de nombreuses 
vallées, plus ou moins étendues. Nous indiquerons les 
principales, avant déparier des grandes plaines. A l'est 
de Akka ou Saint-Jean d'Acre, se trouve la vallée de 
Medjdel Kerûm, qui, comme nous l'avons vu, forme 
une frontière toute naturelle entre la haute et la basse 
Galilée. Bordée au nord par d'âpres montagnes, ,plûs 
élevées que celles qui la limitent au sud, elle s'étend 
d'ouest en est; sa longueur est de plusieurs heures de 
marche. D'une très grande fertilité, elle est en partie 
couverte de vieux oliviers plusieurs fois séculaires, ou 
cultivée en blé, en doura, en coton et en sésame. Plus 
au sud est la plaine dite autrefois d'Asochis ou de Za- 
bulon, Sahel el-Baftauf, marécageuse à l'est, mais très 
fertile, longue de 14 à 15 kilomètres, et large de près 
de 4 kilomètres. Située à 120-150 mètres au-dessus de 
la mer, elle est dominée par des monts de 400 et même 
plus de 500 mètres. Au sud-est, parmi les gradins qui 
descendent vers le lac de Tibériade, on rencontre le 

DICT. DE Là BIBLE. 



lem et à l'est de Bethléhem certaines plaines qui portent 
simplement le nom arabe A'El-Buqéïa. 

Les principales dépressions que nous avons signalées 
se trouvent, en somme, entre les deux massifs qui en- 
cadrent la Palestine, au nord et au sud. Mais celle qui 
constitue un des traits caractéristiques de la cisjordane, 
c'est la plaine d'Esdrelon, appelée aujourd'hui Merdj 
ibn 'Amîr, « Prairie du fils d'Amlr. » Elle forme un 
triangle irrégulier dont la base est, au sud-ouest, la 
chaîne du Carmel et les monts de Samarie; ce côté a 
environ 35 kilomètres. Le côté oriental, de Djenîn au 
Thabor, a à peu près 25 kilomètres; la ligne septentrio- 
nale en compte autant jusqu'à la gorge par laquelle le 
Cison s'engouffre dans la plaine de Saint-Jean-d'Acre. 
Bordée à l'est par le Djebel Dâhy et le Djebel Fuqû'a, 
elle se prolonge de ce côté en plusieurs vallées laté- 
rales : l'une, comprise entre le Thabor et le Djebel Dâhy 
l'autre entre celte dernière montagne et le Djebel 
Fuqû'a, une troisième formant cul-de-sac au sud-est. 
Son altitude moyenne est de 80 mètres; mais, vers le 
Jourdain, le sol s'affaisse rapidement. Le torrent de 
Cison, qui la traverse d'un bout à l'autre, en transforme 
quelques coins en marais. L'aspect général est celui 

IV. - 63 



1987 



PALESTINE 



1988 



d'une campagne unie, parsemée de quelques tertres. Le 
terrain noirâtre est formé d'une argile fine, qui se dé- 
trempe facilement sous l'action des pluies; d'une 
grande fertilité, il offre tantôt d'interminables champs 
de blé, tantôt de vastes espaces recouverts de grandes 
herbes. Voir Esdrelon, t. n, col. 1945. 

La plaine côtière commence au nord par celle qui 
avoisine la ville de Tyr. Large en moyenne de deux 
kilomètres, elle est bientôt fermée par les rochers qui 
forment le Ras el-Abiad ou « Cap Blanc » et le Bas 
en-Naqûrah. La route qui passe à ce dernier endroit a 
été bien nommée autrefois Scala Tyriorum, « l'Échelle 
des Tyriens; » ce n'est, en effet, qu'une suite de 
marches taillées dans le roc. A partir de ce point, la 
plaine s'élargit à 6 -kilomètres, parfois un peu plus, et, 
sur une longueur d'environ 8 lieues, descend vers le 
Carmel, où elle rencontre une nouvelle barrière. Cette 
plaine de Saint-Jean d'Acre, dans laquelle débouche, au 
sud-est, celle d'Esdrelon, est ainsi resserrée entre les 
montagnes et la mer; elle est fertile et bien cultivée, 
avec d'immenses champs de blé, de tabac et de coton. 
Le sol est tantôt argileux, tantôt formé par un terrain 
noirâtre semblable à celui du Delta égyptien; près du 
rivage cependant, il est souvent inculte et sablonneux. 
La plaine côtière reprend au-dessous de la pointe du 
Cai-mel avec une largeur d'à peine 200 mètres; puis 
elle s'élargit bientôt : à Athlît, elle a plus de 3 kilo- 
mètres et elle se continue ainsi par T<*n(ûrah jusqu'à 
l'embouchure du JVaAr ez-Zerqa, où elle est barrée par 
un petit éperon bas du Carmel, El-Khaschm. Là com- 
mence, à proprement parler, la plaine de Saron, Is., 
xxxv, 2, large de 13 kilomètres à Qaisariyéh, et d'une 
vingtaine autour de Jaffa. Sa pente, coupée de quelques 
buttes, remonte doucement vers la montagne jusqu'à 
une altitude de 60 mètres. Elle est, par endroits, bien 
cultivée; ce ne sont, en dehors des jardins qui en- 
tourent les villes et les villages, que champs de blé, de 
courges et de concombres. On sait comment Jaffa est 
entourée, dans un rayon de plusieurs kilomètres, d'une 
ceinture verdoyante, qui en fait une admirable oasis, 
un vrai jardin des Hespérides. Le sol est recouvert, à 
la surface, d'une légère couche de sable fin, qui cache 
un humus excellent et très profond. Cette arène rou- 
geâtre est extrêmement fertile quand l'eau du ciel vient 
la féconder. Au-dessous de Jaffa, la plaine continue 
sous le nom de Sépfiélah, hébreu : haS-Sefêlâh, « le 
pays bas, » le lowland. Parsemée de légers mamelons, 
elle est comme le prolongement du Delta égyptien, à 
part les canaux:; on y voit les mêmes villages, cachés 
dans un fourré d'arbres, avec des maisons bâties en 
pisé ou en briques simplement séchées au soleil. C'est 
cette région qui faisait tout à la fois la richesse et l'or- 
gueil des Philistins. 

Au sud, se trouvent encore de grandes plaines, comme 
le Sahel Umm Butéîn et le Sahel Far l a. Bir es-Séba' 
occupe le coin occidental de là première, large surface 
ondulée, semblable au bassin desséché d'un ancien lac, 
et coupée en différents sens par de nombreux ouadis. 
Le terrain serait fertile, s'il était bien arrosé; au prin- 
temps seulement, on aperçoit de nombreux troupeaux 
de chèvres et de moutons, des bandes de chameaux qui 
viennent pâturer dans ces steppes une maigre végéta- 
tion. Nous sommes ici à la même altitude que dans les 
premières plaines du massif samaritain, 200 à 240 mètres 
et plus loin, à Khirbet el-Milh, au sud du Sahel el- 
Far'a, à 369 mètres. Les collines qui bordent ces vallées 
vers le nord dessinent les limites qui séparent les po- 
pulations sédentaires des nomades ou Bédouins. 

La vallée du Jourdain, dont nous avons déjà indiqué 
le trait saillant, commence au nord par \eMerdj 'Ayûn, 
ou « plaine des sources », qui doit son nom à des 
sources formant des ruisseaux bordés çà et là de saules, 
de peupliers et de mûriers. Vient ensuite la dépression 



qui porte le nom de ai-dh él-Hûléh, et qui s'étend de- 
puis Tell el-Qadi jusque vers le Djisr Benât Ya'gûb. 
Elle n'est guère qu'un immense marais, et elle se creuse 
au sud pour former le lac Hûléh. Cependant entre 
celui-ci et les montagnes occidentales, un terrain assez, 
vaste est propre à la culture ; des champs de blé et des 
pâturages sont séparés par de grands espaces laissés en 
friche, couverts de roseaux et de carex. Au-dessous, la 
vallée se rétrécit tellement qu'elle n'est plus qu'un étroit 
canal qui livre passage aux eaux du Jourdain jusqu'au 
lac de Tibériade. Au bord septentrional de celui-ci se 
trouve la plaine A'El-Bafihah, et, sur le bord occiden- 
tal, celle à'El-Ghûéir, « le petit Ghôr, » autrefois appelée 
de Gennésar, large de 3 kilomètres, et longue de plus 
d'une lieue. Voir Génésareth (Terre de), t. m, col. 174. 
Au sud du lac, la vallée devient large de près de6 kilo- 
mètres et prend le nom à'El-Ghôr, « terre basse, cre- 
vasse, » qu'elle garde jusqu'à la mer Morte. Après s'être 
rétrécie avant d'arriver à Béisân, elle s'otivre aux envi- 
rons de cette ville jusqu'à 13 kilomètres; mais, en avan- 
çant vers le midi, elle se rétrécit de nouveau et est 
réduite à 3 kilomètres. En se rapprochant de la mer 
Morte, elle s'élargit et finit par atteindre de 19 à 23 kilo- 
mètres. Elle se développe ainsi comme une plaine 
extrêmement allongée, déprimée vers son centre, où 
serpente le lit tortueux du Jourdain. Le fleuve, en effet, 
l'a creusée au point d'y créer des étages successifs. Au 
delà du fourré verdoyant qui le borde des deux côtés 
d'une manière presque ininterrompue, règne une bande 
de terre généralement étroite et naturellement très fer- 
tile, composée d'un terrain limoneux, que baignent les 
grandes crues et qu'enserre une chaîne plus ou moins 
élevée de mamelons blanchâtres. Ces mamelons, cou- 
verts d'arbustes salifères, sont coupés, de distance en 
distance, par les lits de nombreux ouadis, qui descendent 
des montagnes latérales. Au delà de cette ligne, la vallée 
se relève graduellement jusqu'à ce qu'elle atteigne le 
pied des deux chaînes parallèles, entre lesquelles elle 
s'étend. Il résulte de cette configuration que, à l'excep- 
tion d'une bande assez étroite de terre fécondée par 
les eaux du fleuve, elle ne peut être arrosée dans sa 
partie supérieure que par des irrigations, au moyen de 
canaux et de rigoles dérivant des sources qui jaillissent 
du sein des montagnes. Avec ces sources, elle est encore 
très fertile là où elle est cultivée. On moissonne déjà en 
avril dans la plaine de Béisân et dans celle de Jéricho. 
Mais, dans la partie méridionale, en amont de l'em- 
bouchure du Jourdain, c'est la stérilité la plus com- 
plète par suite des matières salines mêlées au sol. 

C) Hydrographie. — La constitution du pays, telle 
que nous venons de la décrire, nous montre bien, avec 
les deux versants, qu'il n'y a que deux bassins, celui 
de la Méditerranée et celui du Jourdain. 

1. Fleuves et rivières. — Le mot arabe ouadi désigne 
en même temps la vallée et le cours d'eau qui la tra- 
verse. Disons tout de suite que la plupart de ces rivières 
ne sont que temporaires, c'est-à-dire coulent seulement 
à l'époque des pluies; 

a) Bassin de la Méditerranée. — Le faite des mon- 
tagnes de la Haute Galilée donne aux eaux qui en des- 
cendent non seulement une direction orientale et occi- 
dentale, mais encore septentrionale; plusieurs ouadis 
viennent se déverser dans le Nahr el-Qasimiyéh, qui . 
lui-même débouche dans la Méditerranée. Sur le versant 
de l'ouest, on rencontre, du nord au sud, les ouadis 
el-Humraniyéh, el-Ezziyéh, el-Qurn, le nahr Mef- 
schukh et le nahr Sémiriyéh. Au sortir de Saint-Jean 
d'Acre, on franchit le Nahr Na'amàn, l'ancien Belus, 
qui prend sa source à quelques kilomètres, dans un 
marais environné d'une épaisse ceinture de roseaux, 
appelé par Pline, H. N., xxxvi, 26, palus Cendevia. 
L'été, le marais est presque à sec et le fleuve sans eau ; 
mais après les pluies de l'hiver et du printemps, le pre- 



R5- 

B§1 



a- 



« 




1S91 



PALESTINE 



1992 



mier se transforme en lac et le second en un torrent 
difficile à passer. Le Nahr Na'amân est alimenté par 
quelques branches qui descendent des monts de la Basse 
Galilée, les ouadis Scha'ib, el-Halazun et 'Abilin. Plus 
bas, au fond de la baie, est l'embouchure du Nahr el- 
Muqatta', le fameux torrent de Gison, qui est le produi 
du drainage des eaux de la grande plaine d'Esdrelon et 
des montagnes environnantes. Formé de deux branches 
principales, dont l'une part du sud-est et l'autre du 
nord-est, il est encore entretenu par des sources assez 
abondantes. Avant d'arriver à la mer, il reçoit les eaux 
i"Aïn es-Sa'âdéh et de Vouadi el-Malek. A sec dans sa 
partie supérieure, excepté pendant l'hiver et après de 
de grandes averses, il ne devient permanent que six à 
sept kilomètres au-dessus de son embouchure. Voir 
Gison (Torrent de), t. n, col. 781 . — Au-dessous du Gar- 
mel, les ouadis qui découpent les montagnes samari- 
taines s'allongent peu à peu, suivant que la ligne de 
faîte s'éloigne de la mer. Leurs nombreuses ramifica- 
tions forment plusieurs fleuves. Auprès de fanfûrah 
est le nahr ed-Difléh, qui serpente en de nombreux 
replis à travers la plaine. Puis viennent : le Nahr ez- 
Zerqa, le flumen Crocodilon de Pline, H. N., v, 17, et 
au sud de Qaisariyéh, le nahr el Akhddr ou el-Mefdjir, 
qui, non loin de son embouchure, forme un étang dont 
les rives sont couvertes de joncs et de roseaux ; plus 
bas encore le nahr Ishanderùnéh. En descendant vers 
JafTa, l'on rencontre le Nahr el-Fâléq, c'est-à-dire « la 
rivière de la fente ou de la coupure » ; ce nom lui vient 
d'une coupure artificielle pratiquée à travers une col- 
line rocheuse, qui lui barrait autrefois toute issue vers 
la mer, ainsi qu'au vaste étang, Basset el-Fâléq, dans 
lequel ses eaux se perdaient. Les historiens des croi- 
sades l'appellent Rochetailie, « roche taillée. » Il est 
bordé et même rempli d'une forêt de roseaux de diverses 
espèces; aussi est-il nommé par un historien arabe, 
Bobaeddin, Nahr el-Kassab, <i rivière des Roseaux. » 
C'est pour cela également que plusieurs auteurs l'iden- 
tifient avec le nahal Qândh, Vulgate : vallis arundi- 
nelx, « vallée des roseaux, » qui formait la limite entre 
la tribu d'Éphraïm, au sud, et de celle de Manassé, au 
nord. Jos., xvr, 8; xvii, 9. Voir Cana 1, t.'ir, col. 105. 
Plus bas est le nahr el-Audjéh, dont les nombreux 
affluents, avec leurs ramifications, prennent naissance 
au centre des montagnes, et drainent une assez grande 
étendue de terrain; citons, parmi les principaux, les 
ouadis Qanah, Rabah, Deir Ballit, et Nusrah. — Les 
montagnes de Judée sont, elles aussi, coupées par une 
multitude de torrents temporaires, qui finissent par 
s'unir dans de grands ouadis, comme ceux appelés es- 
Surâr, es-i>amt, el-Burschein, el-Ghuéit, el-Hésy. 
Tous ces cours d'eau se déversent dans la Méditerranée, 
de Jaffa à Gaza, par trois canaux seulement. Le pre- 
mier est le nahr Rûbîn, dont les rives sont bordées de 
divers arbustes et notamment de lentisques et d'agnus- 
castus. Le second est le nahr Sukréir, et le troisième 
Youadi el-Hésy. Les pentes méridionales de ce massif 
s'égouttent par des ouadis qui s'en vont dans la direc- 
tion de l'ouest, du sud-ouest et du nord-ouest en former 
de plus considérables, comme Vouadi esch-Scherl'a et 
Vouadi es-Seba'. Ces deux branches s'unissent pour 
constituer Vouadi Ghazzéh, qui se jette dans la mer au- 
dessous de Gaza; très large à son embouchure, il arrête 
quelquefois les caravanes à la saison des grandes pluies. 
La seconde branche a une énorme étendue; elle ploDge 
ses ramifications jusqu'à la ligne de faite qui, assez 
rapprochée de la mer Morte, s'incline, dans le Négeb, 
vers le sud-ouest. De ces hauteurs partent, en différentes 
directions, de nombreux torrents qui se rejoignent et 
finissent par trouver un même écoulement. Enfin des 
montagnes qui sont à l'ouest de 'Aïn Qedis descen- 
dent des ouadis dont la réunion se fait en grande 
partie dans Vouadi el-Abiâd, lequel se jette à son tour 



dans Vouadi el-'Arîsch. Ce dernier forme la frontière 
naturelle entre la Palestine et l'Egypte; c'est le Sîhôr 
ou « le Torrent d'Egypte » de la Bible. Jos., xtit, 3; xv, 
4. Le mot Hfrôr veut dire « noir, trouble », expression 
qui convient.parfaitement à ce fleuve, lorsqu'il recueille, 
à l'époque des grandes pluies, dans son lit extrêmement 
large, les eaux de ses .divers affluents, et qu'il se pré- 
cipite vers la mer, agité et d'un aspect sale et limoneux. 
A ce moment, il est quelquefois très difficile de le tra- 
verser; il ronge ses rives et entraîne souvent des arbres 
déracinés. En d'autres saisons, il ne renferme pas une 
goutte d'eau. 

&) Bassin du Jourdain et de la mer Morte. — La 
ligne de faîte du massif montagneux de la Palestine est, 
comme nous l'avons dit, plus rapprochée de la vallée 
du Jourdain que de la Méditerranée; la pente est aussi 
plus raide. Nous trouverons donc de ce côté des tor- 
rents en général plus courts et plus rapides, avec moins 
de ramifications. Les premiers ouadis, au nord, des- 
cendent vers les branches du Jourdain, puis, plus bas, 
viennent aboutir au lac Hùléh. Parmi ces derniers ci- 
tons les ouadis 'Arûs, Hendâdj et Uaqqds. Le lac de 
Tibériade reçoit, de son côté, une foule de petits cours 
d'eau, que lui envoient les hauteurs de Safed au nord, 
et les montagnes de l'ouest : les ouadis eVAmud, er- 
Rabadiyéh, el Hamâm. Au sortir de ce lac, le Jourdain 
reçoit Vouadi Fedjâs, dont le cours, après une direction 
sud-est, fait un brusque détour vers l'est; puis viennent 
Vouadi el-Biréh etVouadi el-Eschschéh. Dans la plaine 
de Beïsân, merveilleusement arrosée, coulent : le nahr 
Djalûd, qui prend naissance sur les pentes septen- 
trionales du Djebel Fuqû'a et les pentes méridionales 
du Djebel Ddhy, puis descend dans une belle et large 
vallée et passe au nord de la ville pour rejoindre le 
fleuve; plus bas, Vouadi el-Hunira. Au-dessous de 
Vouadi el-Mâlih, dont le cours est en zigzag, la mon- 
tagne qui serre de près le Jourdain se fendille de 
courtes rigoles. Les torrents tombent ensuite des monts 
samaritains dans Ja direction du sud-est; ce sont les 
ouadis el-Buqéi'a et el-Far'a ; ce dernier, dans la partie 
inférieure de son cours, prend le nom d'ouadt Djuze- 
léh, sa source est abondante et intarissable, ses,' bords 
sont couverts de superbes touffes de lauriers-roses et 
de roseaux gigantesques. En avançant vers Jéricho, dans 
la plaine, sont les ouadis el flumr, Fasdîl, el-Melldhah, 
el-Audjéh. Enfin, au sud de Jéricho, Vouadi el-Kelt ou 
el-Qelt débouche d'une vallée profondément creusée 
entre des rochers à pic, et aboutit au Jourdain à un 
kilomètre au-dessous de Qasr el-Yehûd. — Dans la mer 
Morte se déversent un certain nombre de torrents qui 
ajoutent leurs eaux à celles du Jourdain. Au sud de 
Rds Feschkhah tombe le Cédron, ouadi en-Nâr, qui a 
son origine vers le nord-ouest de Jérusalem, passe à 
l'est de la ville en creusant son lit de plus en plus, puis 
prend la direction du sud-est et vient, entre deux mu- 
railles de rochers abrupts presque verticaux, se jeter 
dans le grand lac. Voir Cédron (Torrent de), t. n, 
col. 380. Viennent ensuite les ouadis ed-Déradjéh, 
Aréiâjéh, el-Khabera, el-Suféisif, Nimréh, Hathrurah 
et Zuéirah. Enfin le versant oriental des montagnes du 
Négeb dirige ses cours d'eau vers la baie méridionale 
de la mer Morte, par deux canaux principaux, Vouadi 
Fiqréh et Vouadi Djéib. 

c) Le Jourdain. — Le vrai, pour ne pas dire le seul 
fleuve de la Palestine, c'est le Jourdain, que les Arabes 
appellent Scherî'at eUKebiréh, a le grand abreuvoir. » 
Il a trois sources principales : celle A'Hasbeya, près du 
village du même nom, sur le flanc occidental de l'Her- 
mon; celle de Tell el-Qadi, petite éminence de forme 
quandrangulaire.au pied de la même montagne, à deux 
ou trois kilomètres de l'angle sud-ouest; celle de Ba- 
nias, à 40 minutes environ de la précédente. Les trois 
rivières, dont la première est appelée Nahr Hasbani, 



1993 



PALESTINE 



1994 



la seconde Nahr el-Leddan, et la troisième Nahr Ba- 
nias, se réunissent à 12 kilomètres avant d'arriver au 
lac Hûléh. Le cours du fleuve, contourné à travers la 
plaine marécageuse qui avoisine ce lac, continue en 
ligne droite, au sortir delà nappe d'eau, sur un espace 
de 16 kilomètres, jusqu'au lac de Tibériade. Sa pente 
est rapide, puisque de deux mètres au-dessus de la 
Méditerranée il tombe à 208 au-dessous. Sa course se 
ralentit et devient sinueuse lorsqu'il entre dans la pe- 
tite plaine à.'el-Batihah, au nord du Bahr Tabariyéh. 
Sortant du lac à son extrémité sud-ouest, il se dirige 
d'abord vers l'ouest, puis vers le sud, et coule, avec de 
nombreuses sinuosités, jusqu'à la mer Morte. La dis- 
tance ainsi parcourue est directementde 104 kilomètres, 
mais ses méandres triplent bien la longueur de son 
cours. Ses eaux agitées et toujours plus ou moins limo- 
neuses courent dans la plaine que les Arabes ont ap- 
pelée ez-Zôr, « la coupure, » et qui paraît avoir été 
formée par les déplacements du lit du fleuve, rongeant 
à droite et à gauche les lianes du Ghôr. Un double et 
épais rideau d'arbres, tamaris, peupliers blancs, saules, 
térébinthes, etc., les encadre. Les rapides sont nom- 
breux; on n'en compte pas moins de 27 dangereux, sans 
parler des brisants et des écueils très multipliés. D'où 
viennent les innombrables méandres du Jourdain dans 
sa moitié inférieure? C'est que là son inclinaison, assez 
forte pour lui donner de la rapidité, est très faible rela- 
tivement à celle de la moitié supérieure. Ce fait ressort 
des chiffres suivants : 

mètres. 

Source d'Hasbeya . . 563 au-dessus de la Méditerranée. 

Source de Banias . . 369 — — 

Lac Houléh .2 — — 

Lac de Tibériade . . 208 au-dessous de la Méditerranée. 

Mer Morte 392 . — — 

En prenant le lac de Tibériade comme terme de la 
première moitié du cours, on a entre la source la plus 
éloignée et ce lac, pour une distance de 85 kilomètres, 
une chute de 771 mètres, c'est-à-dire m 00907 par mètre, 
tandis que du lac à la mer Morte, la chute n'est que 
de 184 mètres pour une distance de 104 kilomètres, 
soit m 00176 par mètre. Il faut remarquer aussi que la 
pente n'est pas absolument régulière, mais qu'elle est 
coupée de distance en distance par des brisants qui 
modèrent en certains endroits la rapidité du cours. 
Le Jourdain unit ainsi le régime de rivière à celui 
de torrent. Large de 25 mètres au Pont des filles de 
Jacob, Djisr benât Ya'qùb, au-dessous du lac Hûléh, il 
atteint de 37 à 38 mètres au sud de Qarn Sartabéh et 
75 mètres à son embouchure. On estime à 6500000 tonnes 
la quantité d'eau qu'il déverse journellement dans la 
mer Morte, au moins à certaines époques de l'année. 
Voir Jourdain, t. m, col. 1704. 

2. Lacs. — Le Jourdain forme trois lacs, dont deux 
lui servent de régulateurs, et le troisième de déversoir. 
Le premier est le Bahr el-Bûléh ou lac de Mérom. En 
forme de poire ou de triangle, il a de 5 à 6 kilomètres 
de long, et, en moyenne, autant de large, pendant la 
période des basses eaux; sa profondeur va de 3 à 
5 mètres. Il est entouré d'épais fourrés de roseaux et 
de papyrus. Voir Mérom (Eaux de), col. 1004. — Le second 
est le Bahr Tabariyéh ou lac de Tibériade. Sa forfile^est 
celle d'un ovale irrégulier; sa plus grande longueur 
est de 21 kilomètres, sa plus grande largeur de 10 kilo- 
mètres ; sa profondeur varie de 20 à 45 mètres dans la 
direction du sud au nord; M. Lortet, La Syrie d'au- 
jourd'hui, in-4°, Paris, 1884, p. 505, dit cependant 
qu'elle est en moyenne de 50 à 70 mètres, et que vers 
le milieu du grand bassin du nord, en face de l'em- 
bouchure du Jourdain, il y a des gouffres qui descen- 
dent à 250 mètres. Voir Tibériade (Lac de). — Le troi- 
sième est le Bahr- el-Lût, « mer de Lot, » ou mer 
Morte. De forme allongée, il va directement du nord au 



sud, avec une légère inclinaison de la pointe septen- 
trionale vers le nord-est. Il est divisé dans sa longueur 
en deux parties inégales par une presqu'île appelée El- 
Lîsân, « la Langue. » La portion septentrionale est 
longue de 45 kilomètres ; celle du sud constitue un petit 
bassin ovale d'une disposition particulière. Dans son 
ensemble, le lac à une longueur de 75 kilomètres; sa 
plus grande largeur est de 16 kilomètres. Sa profon- 
deur varie beaucoup; le point le plus enfoncé est à 
399 mètres. Cependant, au sud de la Lisàn, le fond, 
même au centre, n'est guère que de 4 métrés. L'eau a 
une densité considérable. Voir Morte (Mer), col. 1289. 
3. Sources. — La Palestine fait à presque tous les 
voyageurs l'impression d'un pays aride et désolé; telle 
était déjà celle qu'éprouvait saint Jérôme, In Amos, iv, 
17, t. xxv, col. 1029. Les pèlerins qui visitent la Terre- " 
Sainte sont obligés de régler leurs étapes, non d'après 
leurs convenances, mais d'après les rares fontaines 
qu'ils pourront rencontrer sur leur route. Les sources 
cependant sont encore assez nombreuses, surtout au 
pied des collines et dans certaines vallées. Mais les 
petites tarissent facilement pendant l'été, puis le déboi- 
sement et l'état d'abandon dans lequel est tombée la 
région ont influé sur le régime des eaux. Malgré cela, 
il y a encore des coins bien arrosés. Beaucoup de ces 
sources sont la vie de certaines localités et un indice 
de leur antiquité. D'autres donnent naissance ou un , 
tribut plus ou moins large à plusieurs des fleuves que 
nous avons mentionnés. Signalons les principales. — 
1. Dans la plaine maritime. Au sud de Tyr, après le Bâ% 
el-Abiad, on en trouve une, non loin du rivage, près 
de Khirbet Iskanderûnéh, puis plus bas, au-dessous de 
Râs en-Naqûrah, V'Aïn el-Muschéiriféh arrose de frais 
jardins. En descendant vers S. Jean d'Acre, on ren- 
contre à El-Kabry deux fontaines abondantes, dont 
l'une alimente l'aqueduc qui, tantôt souterrain, tantôt 
à fleur du sol, tantôt porté sur des arcades, fournit 
d'eau la ville de 'Akkà; une troisième même, peu éloi- 
gnée, féconde le territoire, dont la fertilité est prover- 
biale. Au sud-est de la cité maritime, au Basset el- 
Kurdanéh, sont les sources du Nahr Na'mân, qui, 
dès leur origine, forment un cours d'eau considérable. 
Plusieurs autres, à la base du Carmel, portent leur 
appoint au Nahr el-Muqalta' ou Cison, et les pentes 
occidentales de la montagne en possèdent quelques- 
unes qui contribuent à la beauté du pays. Certains 
groupes se trouvent le long de l'ouadi el-Mdléh et dans 
les environs de Nahr Iskanderûnéh. Au nord-est de 
Jaffa, le Bas el-Aïn est un marais formé par des 
sources dont les eaux s'en vont dans le Nahr eUAudjéh, 
et la ville elle-même a la gracieuse fontaine A Abu 
Nabbût. La plaine de Séphélah a moins de sources 
apparentes, mais l'eau est à quelques mètres seule- 
ment de profondeur. — 2. Dans la montagne. La Galilée 
est la région la mieux arrosée, en raison de sa proxi- 
mité du Liban, qui emmagasine les neiges de l'hiver et 
disperse autour de lui les trésors cachés en son sein. 
Aussi les sources sont-elles nombreuses. Elles sont 
éparses sur tout le terrain; on les rencontre sur les 
hauteurs de Tibnîn, au-dessous et au nord du vieux 
château, à'El-Djisch, de Safed, de Meirôn, de Qadés, 
comme sur celles de la basse Galilée, près de Seffuriyéh, 
à Nazareth, à Kefr Kenna, etc. La plaine d'Esdrelon, 
par sa nature même, en est largement fournie; elle 
en possède à la base des collines galiléennes et des 
monts samaritains. Le groupe le plus remarquable, de 
ce dernier côté, est celui qui existe aux environs et 
au-dessus i'El-Ledjdjùn et dont les eaux contribuent à 
entretenir le Cison. A Djenin, une bells source jaillit en 
véritable torrent, se divise en petits ruisselets, et ré- 
pand la fraîcheur dans les jardins et les champs, rap- 
pelant ainsi le nom de l'antique cité biblique, '£'«- 
Gannîm, « la source des jardins. » Voir Ekgakkim 2, 



1995 



PALESTINE 



1996 



t. H, col. 1802. Plus haut, deux autres sont sur la pente 
septentrionale du Djebel Fuqû'a : la première, 'Aïn el 
Maïtéh, a la source morte, » ainsi appelée par \ep 
Arabes depuis qu'à la suite d'un éboulement elle sem- 
blait avoir disparu, coule au pied de la colline où se 
trouve Zér'in, l'ancienne Jezraël, vers le nord-est. La 
seconde, 'Aïn Djalûd, est à une demi-heure plus loin, 
vers le sud-est. Toutes deux sont assez abondantes pour 
créer le Nahr Djalûd, qui descend vers le Jourdain. 
La dernière est la plus importante et correspond bien 
à la fontaine de Harad, près de laquelle campa Gédéon. 
Jud., vu, 1. Voir Harad, t. m, col. 421. Sur les flancs 
de la montagne opposée, c'est-à-dire le Djebel Dâhy, 
on en voit autour d'El-Fûléh, de Sôlâm, de Naïn et 
A'Endôr. Dans les montagnes de Samarie, elles parais- 
sent à Tell-Dothân, à Djeba', à Fendaqumiyéh, et dans 
les environs; V'Aïn el-Far'a jaillit de terre en formant 
immédiatement un ruisseau très abondant, dont une 
partie s'en va dans l'ouadi du même nom, qui descend 
vers le Jourdain. Mais c'est Naplouse et le territoire 
avoisinant qui sont le plus remarquables sous ce rap- 
port. On compte unç quinzaine de fontaines dans l'in- 
térieur de la ville ; d'autres coulent en dehors et arro- 
sent de magnifiques jardins. A l'est, au pied du Gari- 
zim, on rencontre 1' 'Aïn Dafnéh, puis V'Aïn Baldfah; 
plus loin, au pied de l'Hébal, V'Aïn 'Askar; enfin, à 
l'entrée de la vallée qui se dirige vers l'antique Sichem, 
le Puits de Jacob, Bîr Ya'qûb, ou le Puits de la Sama- 
ritaine. Joa., iv, 6. A l'ouest, le pays n'est pas moins 
favorisé. En descendant vers Jérusalem, signalons V'Aïn 
Séilûn, près de l'antique Silo, et les deux sources de 
Sindjil; plus bas, V'Aïn el-Haramiyéh, aux eaux 
fraîches et entourées de verdure, les sources qui avoi- 
sinent Béitin, l'ancienne Bélhel; la fontaine d'El- 
Biréh, etc. Dans un rayon qui va de ce dernier point 
au nord jusque vers Khirbet Téqu'a, l'ancienne Thécué, 
au sud, et Yâlô, l'ancienne Aïalon, à l'ouest, les envi- 
rons de Jérusalem, quoique pierreux et dénudés, comp- 
tent encore un certain nombre de sources : à El-Djib, 
Qariet el-Énab, Bittir, 'Aïn Karim, 'Aïn Lifta, Aïn 
el-Haùd, à environ 1600 mètres et au-dessous de Bétha- 
nie, etc. La ville sainte n'a que deux sources d'eau po- 
table : la première est celle qu'on appelle 'Aïn Umm 
ed-Deredj ou encore 'A in Sitli Mariam ou « Fontaine 
de la Vierge », l'antique Fontaine de Gihon, située sur 
le flanc oriental de la colline d'Ophel. Voir Gihon, 
t. m, col. 239. La seconde est le Bir Éyûb ou « Puits 
de Job », l'ancienne 'En-Rogel, III Reg., I, 9, situé au 
confluent des deux vallées du Cédron et de Hinnom ; 
encore est-ce un puits plutôt qu'une source proprement 
dite. Il faut aller au sud de Bethléhem pour trouver 
l'eau vive qui, au moyen d'aqueducs, alimentait Jérusa- 
lem ; elle venait de Râs el-'Aïn ou 'Aïn Saléh, de Y Aïn 
Moghâret plus loin vers Hébron, et de V'Aïn Arûb plus 
loin encore dans la même direction. Les belles eaux de 
VAïn 'Urtds se rendaient jadis, par un canal dont les 
restes sont visibles en plusieurs endroits, jusqu'au Djebel 
Fttreidis, l'antique Hérodium. Voir Aqueduc, t. i, 
col. 797. A mesure qu'on avance vers le sud, le nombre 
des sources diminue. A deux heures au nordd'Hébron, 
dans les environs de Beit-Sûr et de Halhûl, il y en a 
plusieurs, en particulier Y'AïnDirûéh, qu'une ancienne 
tradition regarde comme la fontaine de saint Philippe. 
Act., vin, 26-39. Voir Bethsur 1, t. i, col. 1746. A une 
heure à l'ouest de la même ville, sur le chemin de 
Dura, est V'Aïn Nunkùr ou Unqûr, qui descend d'un 
petit plateau dans une riante et fertile vallée. El-Kha- 
lil en possède quelques-unes dans son voisinage immé- 
diat, entre autres 'Aïn Qeschqaléh au nord, et 'Aïn el- 
Djedîd à l'ouest. Plus bas, vers le sud-ouest, Vouadi 
ed-Dilbéh offre une provision d'eau assez rare, surtout 
dans cette partie de la Palestine; il y a là trois groupes 
de sources qui pourraient bien représenter « les sources 



supérieures et inférieures » ajoutées par Caleb au pa- 
trimoine de sa fille. Jos., xv, 19. Voir Dabir 2, t. n, 
col. 1197. Fait plus singulier encore, sur les confins 
du désert, la région A" Aïn Qedîs est arrosée par quatre 
sources dans un rayon d'une petite journée, 'Aïn Muêï- 
léh, 'Aïn Keséiméh, 'Aïn Qodeirat et 'Aïn Qedîs. — 
La vallée du Jourdain surtout est admirablement pourvue 
par endroits. Sans parler des origines du fleuve, qui 
présentent ce qu'on peut rêver de plus frais, il y a, depuis 
le Merdj 'Ayûn jusqu'au lac Hûléh, une succession de 
sources qui surgissent du pied des montagnes occiden- 
tales : 'Aïn Talhah, 'Aïn edh-Dhaheb, 'Aïn Harb, 
'Aïn el-Beldtah, 'Aïn el-Mellâhah, etc. Sur les bords 
du lac de Tibériade, on trouve 'Aïn et-fabaghah, 'Aïn 
et-Tîn, 'Aïn el-Medaûuarah, 'Aïn el-Fûliyéh. Elles se 
multiplient aux environs et au sud de Béisdn; il y a, 
en particulier à deux heures et demie au sud de cette 
ville, à El-Fâtûr, Ed-Deir, El-Beda, un groupe remar- 
quable, qui fait placer en cet endroit l'Ennon (AlviAv, 
araméen : 'Enâvân, « lessources ») où baptisait saint Jean. 
Joa., m, 23. Voir Ennon, t. il, col. 1809. Elles reparais- 
sent lorsque la plaine, un instant rétrécie, reprend de 
la largeur, au nord et au sud de Qam §artabe'h; un 
peu au-dessus de Khirbet el-Fasâîl, l'ancienne Pha- 
saélis, une source jaillit du sein des rochers, se par- 
tage en deux ruisseaux et fertilise ce coin de la vallée. 
Quelques minutes au-dessous de l'endroit où Vouadi 
Nua'iméh débouche des collines occidentales, sont 
deux sources très abondantes : la première, appelée 
'Aïn en-Nua'iméh, sourd de terre avec une grande 
force et forme immédiatement un ruisseau, qui coule 
dans l'ouadi du même nom; à quinze pas au sud, jaillit 
la seconde, 'Aïn ed-Dùkoa Dûq, dont le nom rappelle 
celui de Doch. I Mach., xvi, 15. Voir Doch, t. n, 
col. 1454. A une petite distance au nord-ouest du village 
actuel de Jéricho, au pied d'un monticule qui se rattache 
au Djebel Qarantal, on voit V'Aïn es-Sul{ân, dont 
l'eau claire coule en abondance dans un vieux bassin 
de pierres de taille. Jadis elle alimentait plusieurs 
aqueducs, qui partaient de là pour répandre au loin 
dans la vallée la fertilité et la vie. On l'appelle encore 
Fontaine d'Elisée. Voir Elisée (Fontaine d'), t. n, 
col. 1696. Plus bas dans la plaine est V'Aïn Radjlah, 
qui jaillit au milieu d'un petit bassin de forme circu- 
laire, qu'environne un fourré de broussailles et d'arbres 
nains; le ruisseau qu'elle forme était autrefois canalisé 
et fertilisait le sol où elle se perd maintenant. Voir 
Bethhagla, t. i, col. 1685. Sur le bord occidental de la 
mer Morte, se trouvent plusieurs sources : V'Aïn el- 
Feschkhah, dont l'eau est claire, mais un peu chaude, 
saumâtre et sulfureuse, V'Aïn el-Ghuéir, VA ïn et-Terâ- 
i>éh. Mais la plus remarquable est \" Aïn Djedi,V ancienne 
Engaddi, Jos., xv, 62, etc., qui naît sous un rocher 
presque plat et peu épais, el dont les eaux, très pures, 
ont une température de vingt-sept degrés. Voir Engaddi ; 
t. il, col. 1796. On en rencontre également plus bas, 
autour de la Sebkhah, et sur les bords de Vouadi el- 
Djeib. Plusieurs de celles qui avoisinent la mer Morte 
sont chaudes, comme celle d'El-Rammàm, au sud de 
Tibériade. Voir Émath 3, t. n, col. 1720. 

D) Le littoral méditerranéen. — Cet ensemble de 
géographie physique ne serait pas complet si nous 
n'examinions le littoral méditerranéen, qui a bien son 
caractère à part. Du Nahr el-Qasimiyéh au Carmel, il 
est dentelé, avec des pointes peu proéminentes, mais 
assez saillantes pour former deux parties opposées. Au 
nord et au sud des promontoires Rds el-Abiad et Râs 
en-Naqùrah, deux de ces pointes avancées ont servi 
d'assiette à deux villes célèbres, Tyr et Saint-Jean- 
d'Acre. La première, Jjâtie d'abord sur un rocher 
séparé du continent, est depuis Alexandre réunie à la 
terre ferme par un isthme artificiel, qui en fait une 
presqu'île. Voir Tyr. La seconde s'élève sur une langue 



1997 



PALESTINE 



1998 



de terre qui s'avance du nord au sud dans la Méditer- 
ranée, en forme de triangle. La baie qui l'avoisine et 
porte son nom est le trait caractéristique du rivage 
dont nous parlons. Arrondie à ses deux extrémités, 
mais beaucoup plus large au sud, où elle s'appuie sur 
le Carmel, cette échancrure produit l'aspect d'un refuge 
providentiellement ménagé aux vaisseaux. Cependant 
la rade d"Akka, très peu abritée, est extrêmement dan- 
gereuse en hiver et au printemps; lorsque souffle le 
vent d'ouest,, bien souvent les navires à voiles ne peu- 
vent s'éloigner à temps et sont jetés à la côte par la 
tempête. Celle de Khaïfa est plus sûre, bien que le 
port actuel soit également peu profond. Voir Accho, 
t. i, col. 108. Au-dessous du Carmel, la côte n'offre plus 
qu'une ligne presque absolument unie, avec quelques 
petites baies et criques ensablées; c'est une barrière 
uniforme et nue, composée de dunes de sable, contre 
laquelle la mer dépose un long ruban d'écume. A Athlit, 
un petit promontoire rocheux s'avance dans la mer, 
assez semblable à celui de Tyr, portant un pauvre vil- 
lage construit au milieu des ruines. C'était jadis une 
île, au moins d'après une opinion très vraisemblable, 
car, à l'orient, la colline s'abaisse beaucoup, et les 
baies qu'elle divise pouvaient autrefois se rejoindre; 
nous aurions ici, comme en plusieurs endroits, un 
exemple de l'exhaussement par l'accumulation du sable. 
Plus bas, en avant de fantûrah, l'ancienne Dor, 
Jos., xi, 2; xii, 23, etc., s'arrondit une anse peu pro- 
fonde, protégée, du côté du large, contre les vents 
d'ouest, par trois ou quatre Ilots, qui brisent la vio- 
lence des vagues, et défendue au nord par une pointe 
rocheuse. Le port antique de JDora est au nord et à une 
faible distance de cette anse. Voir Dor, t. Il, col. 1487. 
Tout le monde sait les merveilles qu'Hérode avait 
accumulées autour de l'anse naturelle formée par les 
terres rocheuses qui supportaient la tour de Straton. 
Aujourd'hui le vieux port de Césarée, Qaisariyéh, est 
entièrement ruiné, et le bassin lui-même ne laisse voir 
sous la transparence des eaux, quand elles sont calmes, 
qu'une foule de débris. Voir Césarée du bord de la. 
MER,t. il, col. 456. Le port de Jaffa, petit, peu profond, est 
formé par une ligne de brisants qui laissent une passe 
excessivement étroite. La mer s'engouffre par cette 
ouverture entre deux murs parallèles de récifs, contre 
lesquels on court risque de se briser, quand la houle 
est tant soit peu forte, ce qui arrive souvent. La rade, 
en effet, est largement ouverte à tous les vents, qui 
soufflent avec violence sur cette côte basse et sans 
golfes. Voir Joppé, t. m, col. 1631. En avançant vers le 
sud, nous ne trouvons plus que des apparences de 
port. Un peu au-dessous du Na.hr Rubîn, se développe 
une petite baie entourée de rochers formant une sorte 
de jetée naturelle. Cette anse constituait autrefois l'éta- 
blissement maritime de Jamnia, représentée aujourd'hui 
par Yebnéh, à une certaine distance de la côte. Voir 
.Jamnia, t. m, col. 1115. Plus bas, quatre kilomètres à 
l'ouest d'Esdûd, l'ancienne Azot des Philistins, Jos. , xm, 
3, on aperçoit les ruines d'une petite ville et d'une 
forteresse commandant une rade solitaire. Cet endroit 
porte le nom de Minet Esdûd, et répond à « l'Azot mari- 
time », 'Aç&xoç TzapiX'.o; de certains auteurs. Voir 
Azot 1, t. i, col. 1307. Ascalon avait aussi son port, 
protégé par deux môles et ouvert du côté de l'ouest; 
c'était plutôt une rade, et encore assez peu sûre. Voir 
Ascalon, t. i, col. 1060. Enfin, vers le nord-nord-ouest 
de Ghazzéh, dans un endroit appelé El-Minéh, le litto- 
ral décrit une petite courbe, une anse peu prononcée, 
qui voit cependant encore aujourd'hui aborder quelques 
barques. On ne remarque aucune apparence de digue 
dans cette rade, qui d'ailleurs devait offrir, elle aussi, 
peu de sécurité, étant ouverte à tous les vents, excepté 
à ceux de l'est et du nord-est. C'est là que se trouvait 
sans doute le comptoir maritime de Gaza. Voir Gaza, 



t. m, col. 118. Cette configuration de la côte méditer- 
ranéenne a eu dans l'histoire ses conséquences, que 
nous étudierons plus loin. Pour sa formation, voir 
Méditerranée (Mer), col. 927. 

2. Région transjordane. — A) Orographie. — Le 
pays qui s'étend à l'est du Jourdain et de la mer jMorte 
n'est qu'un immense plateau parsemé d'éminences 
isolées, où s'élève sur un seul point un massif de mon- 
tagnes volcaniques, le Djebel Haurân. Mais ce plateau, 
vu de la Palestine cisjordane, a l'aspect d'une véritable 
chaîne. Cette disposition physique est très sensible 
surtout lorsque, du fond de la vallée du Ghôr, on gravit 
les pentes abruptes qui l'encaissent à l'est. Après avoir, 
par exemple, traversé le Jourdain en face de Jéricho, il 
faut franchir les deux gradins de la montée avant d'at- 
teindre le niveau supérieur où se montrent les grandes 
plaines, c'est-à-dire que de 300 à 250 mètres au-dessous 
de la Méditerranée on arrive à une hauteur de 800 à 
900 mètres au-dessus (Voir fig. 527). Si l'on passe le 
fleuve au Djisr el-Mudjdmï, au sud du lac de Tibériade, 
on va successivement de 150 ou 130 mètres au-dessous 
de la Méditerranée à 364 mètres au-dessus (Umni Qeis 
ou Mqéis), 460 mètres (Abil), 490 mètres (Ep-Turra), 
550 mètres (Der'ât) et 982 mètres ('Aère, au pied du 
Djebel Haurân). (Voir fig. 528). La bande du plateau 
qui s'étend de l'Hermon au nord à l'Arnon au sud, du 
Jourdain et de la mer Morte à l'ouest au Derb el Hadj 
ou « Route des Pèlerins » à l'est, est divisée en trois 
parties par deux fossés profonds, le Sclierî'at el-Menâ- 
diréh et le Nahr ez-Zerqa. La première porte le nom 
de Djôlân; c'est l'ancienne Gaulanitide, La région 
septentrionale, qui a une altitude moyenne de 700 à 
800 mètres, est caractérisée par une chaîne volcanique 
d'un aspect singulier. Cette chaîne se compose de plu- 
sieurs groupes, de monts isolés, cratères de volcans 
éteints. L'un se trouve à l'est, près du Nahr er-Ruqqâd ; 
il commence au sud avec le Quléïah (711 mètres), se 
continue avec le Tell e.l-Fàras (948 mètres) et se ter- 
mine au nord avec leHàmi Qursuh (1198 mètres), dont 
la lave atteint El-Qunéitrah. L'autre, qui est comme 
le prolongement de celui-ci, va dans la direction du 
nord-ouest et s'élève à 1294 mètres au Tell esch-Schei- 
khah. Un troisième, qui rejoint le second au nord, 
court parallèlement au premier et comprend Tell el- 
Ahmar (1238 mètres), Tell Abu en-Neda (1257 mètres) 
et Tell Abu Yusef (1029 mètres). On peut y rattacher 
le Tell Abu el-Khanzir (1164 mètres), qui s'écarte un 
peu à l'ouest. Mais, pour se faire une idée exacte de 
ces hauteurs, il ne faut pas perdre de vue le niveau du 
plateau, qu'elles ne dépassent guère en somme que de 
quelques centaines de mètres. Cette partie septentrio- 
nale du Djolân est une contrée âpre et sauvage, cou- 
verte de masses de lave, de rochers basaltiques, au mi- 
lieu desquels cependant les troupeaux des Bédouins 
trouvent, au printemps, d'excellents pâturages. Au sud, 
le terrain plus uni et mieux cultivé, descend graduelle- 
ment vers le Sehérî'at el-Menâdiréh ;Ysiitïtude moyenne 
va de 491, 476 mètres à 350 et 330 mètres environ. — La 
seconde partie du plateau oriental s'appelle Y'Adjlûn, 
fermé au nord-est par un rebord, le Djebel Ez-Zumléh 
(607 mètres). En descendant vers le sud, la bande de 
terre reprend peu à peu un niveau supérieur : 528 mètres 
à Trbid, 614 mètres à Tibnéh, 863 mètres à 'Aïn Djen- 
néh. Les hauteurs s'accentuent avec le Djebel Kafkafa 
(988 mètres), Turrat el-Affûr (930 mètres) et le Djebel 
Bakârt (1085 mètres). — La troisième est le Belqâ, dont 
l'altitude moyenne est de 700 à 800 mètres. Ce chiffre 
est même dépassé dans la région septentrionale, où 
l'ensemble du pays est plus élevé : Es-Salt (835 mètres), 
Khirbet Sâr (972 mètres), El- 1 Al (934 mètres), Hesbàn 
(900 mètres). Les sommets sont également plus hauts 
Djebel Oscha' (1096 mètres), Râs el-Merqeb (957 mètres): 
Hâs el-Muschéirféh (1013 mètres), Djebel Zabûd 



1999 



PALESTINE 



2000 



(1140 mètres), d'autres points Vont à 1035, 1052, 
1086 mètres. Au sud, le niveau général se maintient à 
7 ou 800 mètres : Mâdeba (785 mètres) , Ma'in (872 mètres), 
Djebel Djelûl (823 mètres); le Djebel Néba au mont 
Nébo, d'où la vue s'étend si loin vers l'ouest, n'est lui- 
même qu'une hutte de rebord se dressant à 806 mètres. 
Du côté de l'ouest, les rochers, fendus par les torrents, 
tombent à pic dans la mer Morte, le long de laquelle 
ils forment une énorme muraille. 

Le Djebel Baurân, appelé encore Djebel ed-Drûz, 
est un massif long de 80 kilomètres environ sur 45 kilo- 
mètres dans sa plus grande largeur, et dont l'axe se 
dirige à peu près du nord au sud. Assez escarpé du 
côté de l'est, il descend plus doucement du côté de 
l'ouest. La partie méridionale est en général moins éle- 



sillonné d'innombrables crevasses plus ou moins pro- 
fondes, qui se coupent dans toutes les directions et 
forment un inextricable labyrinthe de ravins et de pré- 
cipices. VoirAEGOB 2, t. i, col. 950. 

B) Plaines et vallées. — A l'ouest du Ledjah et du 
Djebel Haurân s'étend la grande plaine appelée En- 
Nuqra, ondulée et coupée par de nombreux ouadis. Le 
sol, composé de lave, de dolérite granulée et de scories 
rouge-brun ou vert-noirâtre, est en général d'une 
grande fertilité. Il produit un froment de beaucoup su- 
périeur à celui des autres contrées; l'orge y est égale- 
ment cultivée. Malgré les nombreux cours d'eau qui 
l'arrosent, il renferme peu de plantations et pas de 
forêts; quelques vergers, vignes et. jardins seulement 
sont entretenus autour des villages. Voir Auran, t. i w 



1200 

I0D0 
800 
6 DO 
MH 
200 

-ZOO 




Jéricho 
r250 



Niveau 4e Tajfer Méditerranée 



Coupe a 



Aère ssz 



_ Jourdniiv 
Djrsr elMudjâmi^ jj mm g e is 



J&74-60 




Coupe b 



527-528. — Coupes du terrain dans la région transjordane. — 527. Coupe a. Du Jourdain à Amman et à la route des Pèlerins. 

— 528. Coupe b. Du Jourdain au Djebel Haurân. 



vée que celle du nord. L'ensemble est une chaîne vol- 
canique, qui rappelle celle des Puys d'Auvergne. Elle 
se compose d'un assez grand nombre de cônes, dont la 
hauteur va de 1200 à près de 1800 mètres. Ceux du nord, 
Tell Schihan, Tell Gharârat esch-Schemâliyek, Tell 
Djémal, Tell Gharârat el-Qibliyéh, alignés sur une 
longueur de dix kilomètres, paraissent avoir vomi la 
vaste nappe basaltique qui compose le Ledjah. En des- 
cendant vers le sud, nous trouvons sur une même ligne 
les cônes suivants : Abu Tuméis (1551 mètres), Abu 
Tâséh (1736 mètres), Djuélîl (1782 mètres), Djeina 
(1839 mètres), Djefnéh (1737 mètres), es-$uféh (1475mè- 
tres). Un autre groupe se rencontre au nord-est : Tell el- 
'Alia, Tell el-HabU (1130 mètres), Tell el-Hisch (1231 mè- 
tres), etc. Signalons enfin, à l'est, le Tell Scha'f (1657 mè- 
tres), et à l'ouest, le Djebel el-Quleib (1716 mètres), le 
seul sommet ombragé de quelques arbres à la cime. 

Au Djebel Haurân se rattache la région singulière 
qui l'avoisine au nord-ouest et qu'on nomme Ledjah, 
« refuge. » C'est l'ancienne Trachonitide. Luc, ni, 1. 
Ce grand plateau, dont la surface générale est élevée 
de huit à dix mètres au-dessus des plaines environnantes, 
n'est qu'une immense coulée de lave vomie par la mon- 
tagne volcanique. De forme ovale irrégulière, il est 



col. 1253; Basan, t. i, col. 1486. — La vallée du Jour- 
dain garde à l'est les mêmes caractères qu'à l'ouest. Un 
peu plus large cependant au-dessus du lac Hûle'h, elle 
s'ouvre aussi davantage au nord-est du lac de Tibériade 
avec la plaine A'El-Bafîhah, et au sud, dans la partie 
où serpente le Scherî'at el-Menâdîréh. Beaucoup plus 
étroite, au contraire, en face et au-dessous de Béisân, 
elle regagne ensuite du terrain, garde une largeur uni- 
forme jusqu'à ce qu'elle s'agrandisse avec le Ghôr es- 
Çeisbân. Enfin, à une petite distance de l'embouchure 
du Zerqâ Ma'in est le petit plateau de Çàrah, incliné 
vers la mer Morte, entouré de hautes collines de pierre 
volcanique, rangées en hémicycle, et dont le fond de 
lave est en partie recouvert d'une terre noire. — Les 
vallées dont est semé le haut plateau du Djôldn, de 
YAdjlûn et du Belqa', n'ont rien qui les distingue; plu- 
sieurs seront signalées en même temps que les rivières. 
C) Hydrographie. — 1" Rivières. — La région trans- 
jordane est également coupée par de nombreux ouadis, 
qui appartiennent tous au bassin du Jourdain et de la 
mer Morte. -— Le Djôldn est particulièrement sillonné de 
torrents qui descendent de la ligne de faite formée par 
les tells dont nous avons parlé. Le lac Hûléh reçoit 
Vouadi Bedàrûs et Vouadi Dabûra. Au nord-est du lac 



2001 



PALESTINE 



2002 



de Tibériade, à travers la plaine A'El-Bâfihah, qu'ils 
inondent en hiver, quatre canaux, les ouadis es-Saffah, 
ed Dâliyéh, es-Senâm, et Djoramâyeh, déversent les 
eaux que leur envoient une foule d'embranchements 
dans la direction du sud-ouest et du sud. Sur la côte 
orientale, on rencontre Youadi esch-Schugéiyif, puis 
Youadi es-Semak, qui coule au fond d'une large et 
importante vallée, et, plus bas, Youadi Fîq, appelé 
Enghïb à son embouchure. Mais la rivière la plus im- 
portante du Djôldn est le Nahr er-Ruqqâd, qui le con- 
tourne dans toute son étendue du côté de l'est. Parti des 
dernières pentes de l'Hermon, à une altitude de plus 
de 1000 mètres, il reçoit bientôt lés eaux de Y' Ain el- 
Beidâ. Son lit, d'abord peu profond, n'est plus assez 
large au moment de la fonte des neiges et des grandes 
pluies; il se creuse profondément au-dessous de Djisr 
er-Ruqqâd, où il est formé comme par deux murailles 
perpendiculaires. La vallée s'élargit ensuite, et la ri- 
vière coule assez rapidement jusqu'à ce qu'elle s'unisse 
au Schéri'at el-M enddiréh ; en été cependant, ses eaux 
s'évaporent avant d'arriver là. Le Nahr er-Ruqqâd, 
dont le cours inférieur est bordé de lauriers-roses et 
d'autres arbustes, reçoit à l'est Youadi Seisûn. — Le 
Schéri'at el-Menâdiréh, ou ;< abreuvoir des Menâdireh », 
est ainsi appelé du nom d'une tribu qui campe sur ses 
rives; c'est l'ancien Hiéromax ou Yarmûk, la plus 
grande rivière de la Transjordarie et le plus puissant 
affluent du Jourdain. Il joue à l'est le même rôle que 
le Cison à l'ouest, c'est-à-dire qu'il est le produit du 
drainage des eaux de la grande plaine du Haurân. Son 
rayon est beaucoup plus étendu, car ses ramifications les 
plus extrêmes partent du Djebel Haurân et viennent 
se rattacher à lui dans la direction de l'ouest; d'autres 
descendent du nord; d'autres viennent du sud ou du 
sud-est. Avant de recevoir ses principaux tributaires, 
il porte le nom A'El-Ehréir. Ceux-ci sont le Nahr el- 
'Alldn, qui descend du nord, du plateau du Djedûr, 
Yçuadi Zeizûni, qui vient de l'est, et Youadi esch- 
Schelaléh, du côté du sud. Après sa jonction avec lo 
Nahr er-Ruqqâd, il court rapidement vers le sud-ouest, 
débouche dans le Ghôr, et se jette dans le Jourdain, 
dont il égale presque la grandeur à cet endroit. L'eau 
du Schéri'at el-Menâdiréh est seulement un peu plus 
claire que celle du Jourdain et plus fraîche. — Les tor- 
rents de Y'Adjlûn sont courts, n'étant que les fossés 
par où s'égoutte l'extrémité occidentale du plateau 
syrien. Signalons, en avançant vers le sud, Youadi el- 
'Arab, Youadi el-'Amûd, Youadi Siklab, Youadi Abu 
Sa'id, Youadi Fahl, et Youadi Yâbis. Ce dernier, que 
plusieurs regardent comme le torrent de Carith, 
lll Reg., xvii, 3, coule, bordé de platanes et de lau- 
riers-roses, dans une vallée profonde et peu large, 
fermée à droite et à gauche, sur une grande partie de 
son étendue, par des rochers perpendiculaires, dont 
les flancs recèlent de nombreuses grottes. Les canaux 
qui en dérivent arrosent en maints endroits des ver- 
gers d'arbres fruitiers. Voir Carith (Torrent de), 
t. n, col. 285. Plus bas, l'on rencontre Youadi Madha- 
bia, Youadi Adjlûn et Youadi Radjib. Vient ensuite 
le Nahr ez-Zerqa, ou « la rivière bleue », l'ancien 
Jaboc, Gen., xxxn, 22; Jos., XII, 2, etc., le plus puis- 
sant affluent du Jourdain après le Schéri'at el-Menâ- 
diréh. Cette rivière commence un peu à l'ouest de 
'Amman, se dirige au nord-est jusqu'au QaVat ez- 
Zerqa, où elle reçoit les eaux abondantes de Y'Aîn ez- 
Zerqa, fléchit ensuite au nord-ouest jusqu'à sa jonc- 
tion avec Youadi Djérasch, décrit ses sinuosités d'est 
en ouest jusqu'à sa sortie des montagnes, incline enfin 
au sud-ouest pour aller, à travers le Ghôr, se jeter dans 
le Jourdain. Outre Youadi Djérasch, elle reçoit encore 
sur son parcours plusieurs courants permanents, et, 
en hiver, de nombreux torrents; pendant cette saison, 
elle devient même souvent infranchissable. Voir Jaboc, 



t. m, col. 1056. — La partie supérieure du Belqa est 
coupée par des torrents qui contournent ses hauteurs : 
Youadi Sidr, Youadi el-Abyad, Youadi er-Retem, 
Youadi Abu Tara. Plus important est Youadi Nimrin, 
qui prend naissance près du Sait, au coeur des mon- 
tagnes du Galaad méridional, à une source aboridante. 
11 porte le nom d'ouadi Scha'ib avant d'entrer sur le 
territoire de Tell-Nimrin. Cette rivière, sur un par- 
cours de six à sept kilomètres, arrose de nombreux 
vergers plantés sur ses rives; en approchant du Ghôr, 
son courant, plus rapide, n'arrose plus qu'une double 
haie de lauriers-roses. Voir NemRim (Eaux de), col, 1581. 
Plus bas est Youadi Kefrein, qui a pour affluents 
Youadi es-Sir et Youadi Hesbdn. Sur la côte orientale 
de la mer Morte, la seule rivière un peu considérable 
avant l'Arnon est le Zerqâ Ma'in, ainsi appelé de 
Ma'în, l'ancienne Baalméon, au-dessous de laquelle 
il prend sa source. Ses ramifications s'étendent très 
loin vers le nord-est. Enfin Youadi Modjib ou l'Arnon 
ferme au sud le territoire que nous étudions. Son 
bassin occupe la plus grande partie de la région moa- 
bite. Son principal affluent est Youadi Bleidân, qui, 
descendant du nord-est, l'égale presque en longueur et 
en importance. Du côté de l'est, il reçoit YEnkéiléh, 
formé lui-même du Ledjûm et du Balû'a, et, du côté 
du sud, le seil es-Sa'idéh. La vallée du Modjib, qui 
ressemble à une faille énorme, creusée par quelque 
tremblement de terre, a, au-dessous (YAra'ir, une 
largeur de quatre à cinq kilomètres d'une crête à 
l'autre, et sa profondeur, du côté sud, est d'environ 
650 mètres. Au fond, sur un lit de cailloux, coule le 
ruisseau, dont le cours est marqué par une bordure 
d'arbres et d'arbrisseaux. Après avoir traversé comme 
un corridor sinueux, creusé dans la montagne, l'eau 
vient s'épancher dans la mer Morte au milieu d'une 
jungle d'arbustes divers. Voir Arnqn, t. I, col. 1020. 

2° Lacs. — La région transjordane ne possède qu'un 
seul lac important, le Birket er-Rân ou er-Rdm, géné- 
ralement regardé comme étant le lac Phiala de Joséphe, 
Bell, jud., III, x, 7. Il est situé au sud-est de Banias. 
De forme elliptique (fig. 529), il est assez profondément 
encaissé entre des berges inclinées, qui peuvent avoir 
une soixantaine de mètres d'altitude au-dessus du ni- 
veau de feau; le rivage sud-ouest est presque à pic; 
l'autre côté est au contraire argileux et peu élevé. 
Entourée de roches basaltiques et de laves, la cuvette 
dont il remplit le fond a dû être formée par un ancien 
cratère. La circonférence de ce bassin est de deux kilo- 
mètres. Malgré la présence de plusieurs sources dans 
le voisinage, il ne doit probablement son origine qu'à 
l'accumulation des eaux pluviales. Une ceinture verte 
de joncs et de carex s'étend à quelques mètres du bord, 
tandis que la partie centrale de la nappe, libre de vé- 
gétation, paraît remplie d'une eau profonde. Cette eau, 
quelquefois d'un beau bleu foncé, est le plus souvent, 
surtout en hiver et au printemps, absolument trouble 
et boueuse. Elle ne renferme pas de poissons, mais est 
peuplée par des myriades de grenouilles et de sangsues. 
On croyait autrefois qu'il y avait une communication 
souterraine entre ce lac et la source de Banias. Cf. Jo- 
séphe, Bell, jud., III, x, 7. Il y a longtemps que cette 
hypothèse est rejetée; la tradition du reste, n'existe pas 
parmi les habitants actuels de la contrée. Nous ne 
parlons pas des petits lacs ou marais comme ceux 
qu'on rencontre, par exemple, auprès de Dilly, Tell 
el-Asch'ari., Elr Adjami, El-Mzeirib. 

3° Sources. — A l'est du Jourdain, les sources sont, 
comme à l'ouest, inégalement réparties. Le Djôldn, 
comme la Galilée, doit à son voisinage des grandes 
montagnes syriennes les nombreuses sources qu'il pos- 
sède. Dans son pourtour oriental, en suivant le cours 
du Nahr er-Ruqqâd, nous en trouvons plusieurs qui 
contribuent à alimenter la rivière. Outre la fontaine 



2003 



PALESTINE 



2004 



initiale, 'Aïn el-Beida, citons 'Aïn el-'Asal, 'Aîn 
Kôdana, 'Aïn er-Rafîd, 'Aïn el-Basâléh; plus bas, sur 
les bords de l'ouadi Hétal, tout un groupe qui 
s'échappe à travers des buissons de lauriers-roses; 
plus bas encore 'Aïn el-'Arâis, 'Aïn es-Fedjdjéh, etc. 
Dans l'intérieur du plateau : 'Ayûn ez-Zuân, au milieu 
d'une belle et fertile vallée; 'Ayûn Yûsef, trois belles 
sources au pied du- Tell Abu Yûsef, dont les eaux s'en 
vont dans l'ouadi ed-Delhamiyéh ; d'autres, 'Ayûn 
Mukhladi, forment un ruisseau qui descend vers le 
lac Hûlch; 'Ayûn el-Fahm, à l'entrée de l'ouadi Djo- 
ramdyéh; plusieurs existent sur les bords de l'ouadi 
es-Semak et de ses affluents, etc. A l'extrémité occi- 
dentale, en se rapprochant du Jourdain : 'Aïn Fît, au 
nord; plus bas, non loin du lac Hûléh, 'Aïn et-Tineh, 
'Aïn ed-Durdâra. Mais c'est principalement le territoire 
nord-est du lac de Tibériade qui est bien arrosé, grâce 
aux sources 'Aïn Musmâr, 'Aïn 'Aqel, 'Aïn Umm el- 
Ledjdjah, qui se répandent à travers la plaine. Quatre 
autres jaillissent, non loin du rivage, au-dessous de 



pour rencontrer des sources. Là, dans certains endroits, 
elles jaillissent nombreuses et abondantes. Beaucoup, 
par leurs eaux réunies, donnent naissance à des ruis- 
seaux ou des rivières assez considérables, eu égard 
surtout à l'inclinaison de leur lit et à la brièveté de 
leur parcours. On en rencontre dans le voisinage du 
Sait, <X"Ammân, de l'ouadi Na'aur, de l'ouadi Hes- 
hân, etc. Les plus célèbres sont celles qui jaillissent 
du pied du mont Nébo et portent le nom de 'Ayûn 
Mûsd; « Fontaines de Moïse. » Elles forment, en deux 
groupes principaux, une oasis de fraîcheur et de ver- 
dure dans une contrée aride. Voir Asédoth, t. i, 
col. 1076. Dans le Ghôr es-Seisbân, on trouve 'Aïn el- 
Kharrdr, qui sourd à un kilomètre du Jourdain, cf. 
Bethabara, t. i, col. 1650, et, plus bas, 'Aïn 'Arûs, 
environnée de roseaux, puis 'Aïn Suéiméh, dont les 
eaux sont chaudes. Voir Bethjésimoth, t. i, col. 1686. 
Les sources thermales les plus connues sont celles de 
l'ouadi Zerqâ Ma'în. Au nombre d'une dizaine, et dis- 
posées sur une longueur de quatre kilomètres environ 




529. —Le lac Phiala. 



Kefr Hârib. Dans la plaine en Nugra, on en signale 
aux environs de Nauâ, Tell el-Asch'ari, El-'Adjami, 
Mzeirib, Der'àt, Zeizûn, entre Sahem el-Djôldn et 
Beit-Akkar. Sur la frontière méridionale du Ledjah, 
sur le bord de l'ouadi Qanauât, une prairie est arrosée 
par V'Aïn Keratéh. Le Djebel Haurân en renferme 
aussi quelques-unes : trois au sud-est de Qanauât, 
'Aïn Musa au pied du Quleib, et plusieurs autres qui 
donnent à un village situé au nord de Salkhad, son 
nom de 'Iyûn, s sources. » On en trouve également à 
Bosra. Sur le cours inférieur du Scherî'at el-Menâdi- 
réh, au coude très prononcé qu'il fait avant de tomber 
dans la plaine du Jourdain, l'endroit appelé El-Ham- 
méh est remarquable par ses sources thermales. Ces 
eaux sulfureuses, dont la température est d'environ 
55 degrés centigrades, sont très renommées chez les 
Arabes, comme elles l'étaient chez les Romains. Les 
trois réservoirs principaux se nomment Birket el- 
Bjerab, Hammet es-Selîm, Hammet er-Rîh; l'eau 
potable est fournie par V'Aïn es-Sakhnéh ou 'Aïn 
Sa'dd el-Fdr. h'Adjlûn, quoique moins bien arrosé que 
le Djoldn, renferme cependant un certain nombre de 
sources, aux environs de Mqeis, puis non loin des rives 
de l'ouadi el-Iiammâm, sur les bords de l'ouadi 
Zerqa, etc. Le plateau du Belqa, comme au temps de 
Séhon et de Moïse, n'est pas riche en sources et en eau 
courante; les habitants ont toujours dû, pour les 
divers usages de la vie, recourir au système des citernes 
et des piscines, en dehors des rares puits qu'ils creu- 
saient. Il faut descendre dans les ravins et les vallées 



elles sortent du fond d'un ravin abrupt, presque ina- 
bordable, sur la rive droite du Zerqâ; leur tempéra- 
ture est de 65 à 70 degrés centigrades. Voir Callirrhoé, 
t. n, col. 69. Non loin sont celles de Sàrah, dont le 
nombre ne peut être facilement déterminé; leurs eaux 
vont de 40 à 60 degrés et paraissent mêlées de subs- 
tances minérales. Voir Moab, col. 1152. 

3. Cisjordane et Transjordane. — Les deux régions 
que nous venons de décrire ont des traits physiques 
communs qu'il nous est maintenant facile de détermi- 
ner. Il suffit de remarquer les cotes indiquées pour 
voir que le plateau oriental et le sommet du plateau 
occidental se maintiennent dans leur ensemble à peu 
près au même niveau. Le premier cependant est un 
peu plus élevé, au moins dans les crêtes dont il est 
parsemé. Ainsi dans le Djôlân, trois tells dépassent de 
40, 70 et près de 100 mètres le plus haut point de la 
Galilée. Dans l'A djlûn et le Belqa, le Djebel Kafkafâ, 
le Dj. Hakart et le Dj. Oscha' sont de 50 et environ 
150 mètres au-dessus du mont Hébal, qui domine Na- 
plouse. Cependant le Djôlân a sa partie haute et sa 
partie basse comme la Galilée : au-dessous de la région 
des tells, il descend vers le Scherî'at el-Menâdiréh: 
Fîq, par exemple, se trouve à la même hauteur que 
Kimrîn; mais él-Ramméh tombe à 176 mètres. Dans 
le Haurân, El-Mzeirib, Et-Turra, Der'dt se rapprochent 
du niveau des hautes collines qui avoisinent Nazareth. 
Au sud du Yarmuk, le terrain remonte peu à peu, et 
certains endroifs, comme Beit er-Rds, Irbid, l'ibnéh, 
dépassent même les points les plus élevés du Djebel 



2005 



PALESTINE 



2006 



Dahy et du Djebel fuqû'a. Djérasch est au-dessus de 
Naplouse. Es-Salt, 'Amman, Khirbet Sdr, El-Al, 
Hesbdn, Mâdeba, restent, en la surpassant le plus 
souvent, dans l'altitude des sommets qui vont de Beitîn 
à Bethléhem. Cependant la partie du plateau de Moab 
qui correspond au massif hébronien n'égale pas celui- 
ci en hauteur; mais, tandis que ce dernier s'abaisse 
graduellement au sud, vers Bir es-Seba' et Khirbet 
el-Milh, le premier remonte vers Kérak et plus loin. 
Si la ligne montagneuse qui ferme la vallée du Jour- 
dain et la mer Morte à l'est est plus abrupte que celle 
■de l'ouest, les deux pentes cependant sont fendues par 
des torrents assez courts. On trouve à l'est et à l'ouest, 
tendant vers le Ghôr, de profondes crevasses, comme 
les ouadis ScherVat el-Menâdiréh, ez-Zerqa, Modjib, 
■el-Kelt et en-Nâr. Enfin des deux côtés nous avons 
rencontré des sources thermales. D'où viennent ces 
caractères communs? Quelle est l'origine de cette 
double région? C'est ce que la géologie nous apprendra. 

Les principaux ouvrages à consulter, au sujet de la 
■description physique, sont : Pour la Palestine cisjor- 
•dane : The Survey of Western Palestine, Memoirs of 
the topography, orography, hydrography and archseo- 
logy, 3 vol. in-4°, Londres, 1881-1883, avec la liste 
des noms, Arabie and english Name Lists, in-4°, 
Londres, 1881; E. H. Palmer, Thè Désert of the 
Exodus, 2 in-8°, Cambridge, 1871, t. n, p. 349-428. 
Pour la Transjordane : The Survey of Eastern Pales- 
tine, in-4°, Londres, 1889; G. Schumacher, Der Dscho- 
lan, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina- 
Vereins, Leipzig, t. ix, 1886, p. 169-368; traduction 
anglaise, The Jaulân, in-8°, Londres, 1888; Across the 
Jordan, in-8°, Londres, 1886; Ergebnisse meiner 
Reise durch Haurân, Adschlûn und Belqa, dans la 
Zeitschrift der Deut. Pal. Ver., t. xvi, 1893, p. 72-83; 
153-170; J. G. Wetzstein, Reisebericht ûber Hauran 
und die Trachonen, in-8», Berlin, 1860; L. Oliphant, 
The Land of Gilead, in-8°, Edimbourg et Londres, 
1880; H. B. Tristram, The Land of Moab, 2« édit., in-8», 
Londres, 1874. Pour les deux régions : E. Robinson, 
Physical Geography of the Holy Land, in-8», Londres, 
1865; F. Buhl, Géographie des atten Palâstina, in-8°, 
Leipzig, 1896, p. 9-51. Nous n'indiquons que les 
ouvrages les plus essentiels, en quelque sorte les plus 
techniques; ceux que nous aurons à signaler plus tard 
renferment souvent les mêmes détails géographiques, 
mais épars au milieu de récits de voyage, de questions 
historiques et de discussions archéologiques. Pour les 
monographies concernant, en particulier, le Jourdain, 
le lac de Tibériade et la mer Morte, voir, au point de 
vue bibliographique, les articles relatifs à ces noms. 

iv. géologie. — i.Les terrains. — .4) Roches pri- 
mitives. — La Palestine proprement dite n'offre qu'un 
petit spécimen des roches primitives, qui constituent 
le massif sinaïtique, les bords du golfe d'Akabah et une 
partie de la chaîne montagneuse située à l'est de 
l'Arabah. Dans toutes ces régions, la roche fondamen- 
tale des massifs cristallins est le granité; celui des 
montagnes de l'Idumée appartient généralement à cette 
variété qu'on appelle granité oriental, le marmor 
syenites des anciens. Il est recouvert par des schistes 
cristallins qui débutent par un gneiss à petits grauïs^et 
composé de feldspath gris, de quartz et de mica noir 
ou bronzé. Ces formations ont été traversées, depuis 
leur dépôt, par des roches éruptives, telles que les 
granités pegmatites, porphyres quartzifères, diorites, 
porphyrites. La série de ces schistes anciens se termine 
généralement par des couches de conglomérats polygé- 
niques, c'est-à-dire de cailloux parfois anguleux, le plus 
souvent roulés, de granité, de porphyre, de diorite, de 
gneiss, de schistes cristallins, de pétrosilex, etc. Le der- 
nier prolongement de ces massifs cristallins et schisteux 
qui, du Sinaï, s'en vont en montant du côté de la 



Palestine, se trouve au bord sud-est de la mer Morte. 
On a rencontré dans l'ouadi Safiyéh, tout autour de 
dykes de porphyrite, un conglomérat composé de gra- 
nités à grains fins, de porphyre quartzifère rouge, de 
porphyre pétrosiliceux d'un brun rougeâtre avec cris- 
taux blanchâtres de feldspath, de diorite et d'une roche 
épidotifère. Tout près, le base du Djebel Schomrah 
ou Schomar est formée des mêmes éléments. Voir 
flg. 530, d'après E. Hull, Memoir on the Geology 
and Geography of Arabia Petrsea, Palestine, in-4«. 
Londres, 1889, p. 38. 

J5) Carboniférien à cénomanien. — 1° Le grès du 
désert. — Au granité et aux schistes cristallins est par- 
fois superposée une formaîion assez difficile à déter- 
miner, qu'on appelle le grès du désert. Au Sinaï, 
M. Bauermann a recueilli dans ce grés le Lepidoden- 
dron Mosaicum avec des Sigillaires, et comme, par- 
dessus, il existe des bancs calcaires à Productus avec 
les genres Rhodocrinus et Poteriocrinus, dont la faune, 




Légende 

.Felstone pourpre et par- 

â.... Hornblende cristalline. 

C.TuPet conglomérat traversés 

par des dykes 

O....Felstone pourpre. _, 

.Cendres et tuf,avec masses spheroï- 
■dales. 



f* Felstone et porphyre. - 



g Conglomérat volcanique avec cailloux 
roulés de granité, porphyre et ffneiss 
rouge ^_ 



530. — Coupe d'anciennes roches volcaniques sur les flancs 
du Djebel Schomrah. D'après Hull, Geology, p. 38. 

retrouvée au désert égyptien, appartient vraisemblable- 
ment au sommet du carboniférien, on croit rationnel 
d'attribuer au Moscovien ou Westphalien la formation 
dont nous parlons. On l'a retrouvée dans les mêmes 
parages que les précédentes, au Khirbet Lebrusch, sur 
les bords.de Youadi el-Hessi. Là, la roche, d'une épais- 
seur de 45 à 60 mètres, est composée d'un calcaire dur, 
gris foncé et brun, avec fossiles, qui repose sur le grès 
du désert et est surmonté par des couches de grès de 
Nubie, couronnées elles-mêmes par le calcaire crétacé. 
2° Le grès de Nubie. — Cette assise, qui doit son 
nom à l'importance de son développement en Nubie, 
est remarquable par la variété de sa coloration, due à 
la présence d'oxydes de fer, de manganèse, parfois 
même de carbonate de cuivre. Sa puissance aux 'envi- 
rons de Pétra et les merveilleuses teintes jaune, 
orange, rouge et pourpre qu'elle y présente pourraient, 
à défaut de l'épithète reçue, rattacher sa dénomination 
à ce point célèbre. C'est, en somme, le premier étage 
bien représenté en Palestine, comme on peut le cons- 
tater sur la carte. Voir flg. 531. Il forme, avec les mas- 
sifs cristallins, la chaîne de l'Idumée, puis il se pro- 
longe directement au nord tout le long de la côte 
orientale de la mer Morte ekmême plus haut. Suivons- 
en les affleurements, en reprenant la direction du nord 
au sud. Le grès de Nubie commence à être visible à 
l'entrée de Youadi Zerqa, puis il se développe du côté 
de Youadi Nimrin et de Youadi Hesbdn, au pied des 
montagnes du Belqa. Il constitue en grande partie la 
base des falaises orientales de la mer Morte, où il se 



2007 



PALESTINE 



2008 



présente en couches presque horizontales ou faible- 
ment ondulées. Voir fig. 532 et la carte géologique. Il 
apparaît d'abord près de Vouadi Ghûéir, avec une cou- 
leur rouge et une légère inclinaison vers le sud. Plus 
loin, on aperçoit des grès blanchâtres superposés à des 
psammites rougeâtres; .puis, jusqu'à Vouadi Zerqa 
Ma'in, le banc continue sans interruption avec une 



minces d'argile; viennent ensuite des grès rouges, puis 
des grès blancs couverts par des éboulis de basalte. La 
plaine de Sârah, où, comme nous l'avons vu, jaillissent 
des sources chaudes, est formée par des dépôts d'in- 
crustation qui recouvrent les grès; mais ceux-ci repa- 
raissent plus loin et constituent les falaises, en repre- 
nant leur horizontalité première, jusqu'à Vouadi Modjîb . 



Anti- Liban 

Dj.esch ScheîMi 

| SourcediLlblvKisboiU/ 
563 




JNiveaudelaMsr 
[Niveau de la K-Morte 



el ' Bel qâ 



Arâq el-Emir 
Wf 



ElXldVt 



MER MORTE 

O^ewia/Maïn- 



M'Nebo80G 



el - Képak 

8W 



Débouché de 
l'O.Bjeib 
-360 



O^-Sûftyëh, 




Niveau de la Mer 
iNiveaudelaftittorie 



Dj.Haroun.i3Z8 ai^ 

Dobtel-Bogïa-36 \ Um ' 



'Ain, ttuumrek. -\Z 9 



MER ROUGE 

Ahahahs \ 




beau de ta Mer 
Niveau de laM.Morts 



SçwcesûsnBales. ï/épôtsâeSomixsimn} 65 Md^tiépôtshchstpes. 



||| p jimull 

Terrains terù'ares. 

(moyens et sopéneursj. 



en 

Calcaires crétacés. 



foanites égyptiens, 
avec £hms aeworite. 



EH3 . 

'estalj.Bartmn. lasaltes,Do^htes, 
SbjBositss. 



Tàrphyres^Idsphatiqnes. 



532. — Profil du bassin de la mer Morte dans toute sa longueur et vue des montagnes qui le bordent à l'est, depuis l' Anti-Liban 
jusqu'à la mer Rouge. — D'après le duc de Luynes, Voyage d'exploration à la mer Morte, Atlas, pi. i. 



épaisseur qui va sans cesse en augmentant et doit 
atteindre plus de cent mètres. Les ouadis de la région 
ont tous leurs entrées taillées dans ces rochers qui, à 
certains endroits, présentent, de bas en haut, une 
succession de grès rouge, «de grès verdâtre, de grès 
rougé et de psammites verdâtres. Du Zerqa Ma'in jus- 
qu'à la plaine de §ârah, ces grès perdent leur horizon- 
talité et plongent vers le sud; à la base de la falaise, on 
trouve des grès blancs, auxquels succèdent des- alter- 
nances de grès et de psammites bigarrés de rouge et 
de vert et séparés en petites couches par des lits très 



Ce dernier coule dans une entaille étroite, profonde 
et tortueuse, au milieu de ces roches auxquelles la 
dégradation atmosphérique a donné ces formes bizarres 
et pittoresques. Voir Arnon, t. I, col. 1020. De ce point 
à la Lisân, les grès inclinent légèrement vers le sud, 
disparaissent même aux approches de la presqu'île, 
mais se relèvent ensuite peu à peu et forment le pied 
des escarpements qui bordent le Ghôr méridional au 
débouché des ouadis ëafiyéh et Djeib. De là ils vont 
rejoindre le massif du Djebel Haroun. 
C) Crétacé à êocène. — 1° Calcaire crétacé. — La 



2009 



PALESTINE 



2010 



formation du grès de Nubie révèle la submersion de 
vastes espaces sous les eaux d'estuaires ou de bassins 
restreints; celle des terrains que nous allons décrire 
indique un développement graduel, en étendue et en 
profondeur, de l'aire maritime, recouvrant tout à l'ex- 
ception des plus hauts points des anciennes roches cris- 
tallines. La période à laquelle nous sommes arrivés est 
celle qu'on appelle néocrétacique. Le sédiment qui la 
caractérise est la craie, roche blanche friable, composée 
de menus débris d'organismes calcaires, globigérines, 
polypiers, échinodermes, bryozoaires, etc., devenus plus 
ou moins méconnaissables par l'action dissolvante qu'a 
exercée la circulation prolongée des eaux dans cette 
masse poreuse. Les principales divisions de cette série 
sont : le cénomanien, le turonien et le sénonien, dont 
nous signalerons les types en plusieurs endroits de la' 
Palestine. Mais il suffit de jeter un coup d'oeil sur la 
carte pour voir comment le système crétacique forme 
le double plateau de la Cisjordane et de la Transjordane. 
a) Cisjordane. — Et d'abord les couches de marnes 
et de calcaires crayeux blanchâtres, avec ou sans silex, 
dominent dans toute la Galilée. Le Râs el-Abiad ou 
« cap Blanc » tire son nom de la couleur de ces roches, 
qui constituent la chaîne de collines qu'il termine. On 
a recueilli là une grande huître, probablement YOstrea 
vesicularis, une Janire, Janira tricostata, un Hemias- 
ter, des baguettes fort allongées de Cidaris et un Pec- 
len. Les mêmes couches se retrouvent aux environs de 
Nazareth, qui est adossée à des collines de craie blanche 
très tendre et sans silex, au Carmel, où elles renfer- 
ment des silex à certains niveaux. Au point où cette 
dernière chaîne se rattache aux montagnes de Samarie, 
le terrain prend un grand développement. A Djenîn, 
ces calcaires friables contiennent de nombreux nodules 
de silex. Aux alentours de Sébastiyeh et de Naplouse, 
comme en d'autres points du massif samaritain, les 
marnes blanches sont recouvertes par des calcaires gris 
compacts avec nummulites. Les silex se développent 
de plus en plus vers le sud et forment des bancs assez 
épais. Dans la Judée, le grès de Nubie supporte une 
puissante assise de calcaires gris, de marnes et de do- 
lomies, avec des fossiles en partie identiques à ceux qui, 
en Algérie et en Europe, caractérisent le cénomanien : 
les oursins, Heterodiadema lybicum, Holectypus Lar- 
teli, Hemiaster batnensis, etc., les huîtres, Exogyra 
Mamieti, flabellata et olisiponensis ; les ammonites, 
Acanthoceras rotomagense et harpacc; à la partie su- 
rieure sont des calcaires à rudistes et nérinées. C'est 
dans ces couches que sont creusées les grottes natu- 
relles du pays, qu'on a taillé les chambres sépulcrales, 
et qu'en certains endroits les ermites ont établi leurs 
demeures souterraines; c'est de là qu'on a extrait la 
pierre à bâtir de Jérusalem. A l'horizon des rudistes 
et des nérinées succèdent des couches qui, par leur 
riche faune, représentent bien l'étage sénonien. Elles 
. dominent comme enveloppe du terrain, au moins sur 
les pentes qui s'abaissent vers la mer Morte. La partie 
inférieure se compose de marnes crayeuses tendres, d'un 
blanc jaunâtre, qui alternent avec des bancs de calcaire 
de même couleur, ou, comme dans le désert de Juda, 
des bancs dolomitiques gris. Dans la partie supérieure 
de puissants lits de silex se trouvent souvent ejitre les 
marnes crayeuses blanches. Ces bancs de marne ren- 
ferment en certains points une extraordinaire richesse 
de restes organiques, particulièrement des fossiles des 
genres Leda, Nucula, Dentalium, Baculites, etc., et de 
poissons. La présence de tels débris dans cet horizon a 
son importance, parce qu'elle peut être en relation de 
causalité avec les substances bitumineuses qu'on ren- 
contre en Palestine, spécialement sur la côte occiden- 
tale de la mer Morte. Là, en effet, dans les parties infé- 
tieures et moyennes du sénonien, existent des calcaires 
brumineux noirs, plus on moins riches en bitume. La 



plus connue de ces roches est celle que les Arabes appel- 
lent hadjar Mûsa, « pierre de Moïse, » et que les chré- 
tiens de Bethléhem travaillent sous le nom de pierre de 
la mer Morte. Au milieu des marnes crayeuses blan- 
ches qui apparaissent, par exemple, dans les environs 
de Zûéirah elfôqâ, on voit des bancs de gypse com- 
pacte, terreux, coloré en jaune très clair ou en brun et 
parsemé en certains endroits de quelques veinules d'un 
vert très vif et très beau. Entre le cénomanien et le 
sénonien, le turonien., autant qu'on peut le distinguer 
des précédents, donne, aux environs de Jérusalem, la 
pierre qu'on appelle le mizzi supérieur ou mizzi helu, 
c'est-à-dire « doux, tendre ». C'est un calcaire à rudistes, 
principalement Sphmrulites syriacus, mais plus encore 
à nérinèeSj comme Nerinea Requieniana d'Orbigny, 
N. cf. Fleuriausa d'Orb. et Trochactœon (Actseonella) 
ISalomonis Fraas, etc. Voici, en effet, comment, au point 
de vue géologique, on range les couches du terrain cré- 
tacique sur lesquelles est bâtie la ville sainte, et qui 
s'étendent aux alentours. 
Au cénomanien appartiennent : 

I. Le mizzilou mezzéh) inférieur, ou la zone de Y Am- 
monites {Acanthoceras) Palœstinensis n. sp. (= A. New- 
boldi). 

II. Le mélékéh ou marbre à rudistes. 
Au turonien : 

III. Le mizzi supérieur ou calcaire à nérinées. 
Au sénonien : 

IV. Le ka'kûléh inférieur ou la zone de V Ammonites 
{Schlœnbachia)olivetin. sp. (= S. quinquenodosaHeàt). 

V. Le ka'kûléh supérieur ou calcaire crayeux tendre 
avec Leda perdita Conr., Haculites et débris de pois- 
sons. 

VI. Bancs de silex alternant avec calcaires bitumi- 
neux, gypse et marne. 

Lenâri ou la croûte calcaire superficielle appartient 
à une époque plus récente. Pour cette étude du terrain 
de Jérusalem, cf. Max Blanckenhorn, Géologie der nâ- 
heren Umgebung von Jérusalem, dans la Zeitschrift 
des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xxvni, 
1905, p. 75-120, avec carte. Les dérangements qui ont 
affecté le massif judéen permettent de suivre en plus 
d'un endroit les couches crétacées dont nous venons de 
parler. Ainsi, avec M. Blanckenhorn, Entstehung und 
Geschichte des Todten Meeres, dans la Zeitschrift des 
Deutschen PalàstinarVereins, t. xix, 1896, pi. in, éta- 
blissons une coupe allant en droite ligne du rivage de 
la Méditerranée, près d'Esdùd, jusqu'à la mer Morte, 
en passant par Bethléhem. Voir Morte (Mer), col. 1289, 
fig. 360. Nous verrons, à la hauteur de Meghullis, 
177 mètres, le sénonien sortir de dessous les. dépôts 
marins récents, puis disparaître à Khirbet Zanû'a, 
412 mètres, pour faire place au cénomanien. Au point 
culminant du plateau, El-Khadr, 860 mètres, le séno- 
nien redevient visible, puis, à partir de Bethléhem, l'on 
suit ses couches peu épaisses, disposées en échelons, jus- 
qu'à une altitude voisine de celle du niveau méditerra- 
néen. Alors, au-dessous, réapparaît le cénomanien, au 
pied duquel se montrent des dépôts plus récents. Il est 
facile de faire les mêmes constatations en examinant le 
cours du Cédron, ouadi en-Ndr, depuis Jérusalem jus- 
qu'à son embouchure dans la mer Morte, et en allant 
d'Hébron à la pointe sud-ouest du même lac, par Zûéi- 
rah et-tahta. Voir plus loin fig. 537. Le [cénomanien 
longe ainsi le pied des falaises occidentales de la 
mer Morte d'un bout à l'autre; il se prolonge au nord 
jusqu'au delà du Djebel Qarantal, et, au sud, il 
contourne le bas de la montagne jusqu'au-dessous de 
Kurnub. Le sénonien occupe ensuite une large bande 
qui rencontre le cénomanien à Jérusalem, Bethléhem, 
khirbet Tequ'a, Hébron, etc. Cf. Blanckenhorn, Zeit- 
schrift des Deut. Pal. Ver., t. xix, pi. 2, carte géolo- 
gique de la mer Morte et de ses environs. 



2011 



PALESTINE 



2012 



b) Transjordane. — Le Djolân et le Haurân sont 
des terrains volcaniques dont nous aurons à nous 
occuper plus tard. Nous n'avons donc à étudier que 
VAdjlûn et le Belqa; nous y rencontrerons, pour la 
série crétacique, les mêmes éléments qu'à l'ouest du 
Jourdain. Voir fig. 532 et la carte. Ainsi, entre Sûfet Djé- 
rasch, on marche sur des marnes d'un blanc jaunâtre 
qui renferment, en grande abondance, des Hemiaster 
Orbignianus, associés à YOstreaflabellata, à une Janire, 
à un Cardium très voisin du Cardium sulciferum, etc 
On trouve encore l' Ostrea flabellata au nord de Sûf, 
dans un calcaire compacte et rosé qui contient également 
un Pecten de grande taille et, près de ce même point, on 
voit affleurer des calcaires à plicatules, Plicatula Rey- 
nesi. Dans les carrières qui ont fourni les gigantesques 
matériaux d'Arâq el-Emîr, apparaissent des couches 
d'un beau calcaire blanc cristallin superposé à des 
assises de calcaire compact à nérinées et à exogyres. 
En montant vers El 'Al et Hesbdn, qui sont à 
900 mètres d'altitude, on traverse des alternances de 
calcaires et de marnes en lits minces, blanchâtres, très 
faiblement ondulées et contenant à leur partie supé- 



Srcttee.ru/icie/le 



0^-Musa- 



M!Nebo 
Sentiermenant 
au MÏNebe 

£wttes artificielles 1 * 

Source tiède ' 




533. — Coupe des marnes et calcaires crétacés dans le ravin 
d'Aïn-Mouça, au pied du Nébo. D'après de Luynes, Voyage 
d'exploration à la mer Morte, Atlas, pî. y, fig. 2. 

a Calcaires en bancs minces avec lits de silex. — b Marnes à 
exogyres. — c Marnes jaunes en lits très minces. — d Cal- 
caire gris jaunâtre à Ostrea flabellata, Cyphosoma Dela- 
marrei. — e Calcaire gris compact avec nombreux débris de 
rudistes. — f Calcaire compact gris à turritelles, natices gas- 
téropodes de grande taille, Pecten, Holectypus eaxisus; 
Janird tricostata, Coq. — g Calcaire subcristallin, blanc un 
peu magnésien. — h Calcaire dolomitique avec nombreuses em- 
preintes d'Ammonites. — i Marnes grises et jaunes à Ostrea 
flabellata, Luynesi, Mermeti; Mermeti, var. sulcata, Holec- 
typus serialis, Hemiaster Fourneli, Heterodiadema Lybi- 
cum. — j Calcaire compact avec Cardium Pauli, Combei. 
— k Marries blanches. — l Calcaire à Ostrea Mermeti, var. 
major. — m Grès blanc moucheté de brun et grès blanc veiné 
de rouge. 

rieure de nombreux lits de silex. Un des sites les plus 
pittoresques de la contrée, 'Ayûn Mûsa, au pied du 
mont Nébo, est en même temps plein d'intérêt au point 
de vue géologique pour la superposition et la disposi- 
tion des assises crétacées qu'on y remarque et leur 
richesse en fossiles. Voir fig. 533. 

Le Zerka Ma'în coule également sur des lits alternés 
de marnes et de calcaires assez fossilifères et dont 
la succession est particulièrement aisée à étudier. 
Cf.L.Lartet, Géologie, dans l'ouvrage du duc de Luynes, 
Voyage d'exploration à la mer Morte, Paris, s. d., 
t. m, p. 64-65, et Atlas, pi. vi, fig. 9. On peut voir dans 
le même volume les 'coupes de Ycuadi Héidân, de 
Youadi Modjib (cf. Arkon, t. i, col. 1020), du Djebel 
Schihân, de Youadi Modjib à Ke'rak et de Kérak à la 



mer Morte, p. 68-74; Atlas, pi. v, fig. 4, 5, 6; pi. vi, 
fig. 8. Comme dans la Cisjordane, la partie supérieure 
de ces terrains appartient au sénonien. On voit ainsi , 
à l'est de la mer Morte, au-dessus du grès de Nubie, 
une puissante assise de cénomanien, qui affleure comme 
une bande irrégulière, projetant ses ramifications le 
long des principaux ouadis et couronnée ailleurs par 
des couches sénoniennes beaucoup moins épaisses. 
Cf. Blanckenhorn, Zeitschrift des Peut. Pal. Ver., 
t. xix, carte géologique de la mer Morte et de ses envi- 
rons, pi. h, m, iv. 

2° Calcaire nummulitique. — Dans plusieurs en- 
droits de la Palestine, les calcaires crétacés sont recou- 
verts par des calcaires à nummulites. Ainsi, en 
Samarie, entre Sébastiyéh et Naplouse, on a trouvé la 
Nummulites Guettardi d'Archiac répandue en abon- 
dance dans des calcaires blanchâtres assez tendres. A 
Naplouse, les blocs accumulés au pied du mont Gari- 
zim en sont pétris; ce calcaire est gris clair, dur, com- 
pact, à cassure esquilleuse, cireuse et translucide sur 
les bords; les nummulites font saillie sur les surfaces 
de la roche exposées depuis longtemps aux agents 
atmosphériques. On a également rapporté des environs 
de Jérusalem la Nummulites variolaria. Cf. O. Fraas, 
Ans dem Orient, Stuttgart, 1867, p. 82. Voir cependant 



(r! L esclv$cha'i'ali 



TdlMuJhreireh. 
Val/tm ; . j^ 




ërés calcaire dePhilistia 



ê coquillages 



534. — Coupe prise à Tell Abou Haréiréh à travers le grès cal- 
caire de Philistie et les couches plus récentes de graviers à 
coquillages. D'après Hull, Geology, p. 61. 

Blanckenhorn dans la Zeitschrift des Deutschen Palàs- 
tina-Vereins, t. xxvilt, 1905, p. 96 sq. On rencontre la 
même formation dans les environs de Tell el-Milh et 
dans le massif auquel appartient 'Ain Qedis. Elle forme, 
en outre, depuis le Carmel jusqu'au-dessous de Bersabée, 
une bordure dont la limite est difficile à déterminer. 

3° Grès calcaire de Philistie. — A la base des 
collines qui forment le plateau central de la Palestine, 
et principalement dans l'ancien pays des Philistins, on 
a reconnu une formation particulière, à laquelle on 
a donné le nom de grès calcaire de Philistie. Cette 
couche se compose, en général, de grains de quartz 
cimentés par du carbonate de chaux taché de jaune, en 
raison de la présence d'oxyde de fer. La roche, parfois 
plutôt massive, est généralement poreuse, disposée en 
lits distincts, et de caractère uniforme. Elle est recou- 
verte immédiatement par une couche de gravier à 
coquillages, d'époque plus récente, comme on l'a cons- 
taté à Tell A bu Haréiréh, près de Youadi esch-Scheri'ah . 
Voir fig. 534. Le grès de Philistie se rencontre ainsi 
jusqu'aux environs de Ramléh, puis on le retrouve au- 
près et au-dessus de Jaffa, au-dessous de Qaisariyéh, 
et entre le Carmel et la mer. E. Hull, Memoir on the 
Geology and Geography of Arabia Petrxa, Pales- 
tine, Londres, 1889, p. 63-66, le rapporte, au moins par 
conjecture, à l'éocène supérieur. Mais Blanckenhorn, 
dans la Zeitschrift des Deut. Pal. Ver., t. xix, p. 19, 
note 2, rejette cette hypothèse et attribue au diluvium 
les dépôts de la plaine côtière. 

D) Pliocène à postrpliocène et récent. — 1° Dépôts 
marins. — Il y a, sur les bords de la Méditerranée, une 
formation marine qui correspond à une véritable plage 
soulevée et, à certains endroits, se poursuit assez loin 



2013 



PALESTINE 



2014 



dans l'intérieur de la plaine. Elle s'élève à un niveau 
de 60 à 67 mètres au-dessus de la mer ; mais elle est 
en grande partie couverte par des collines de sable 
qui forment un trait remarquable du pays depuis les 
bords de l'Egypte jusqu'à la base du mont Carniel. 
Les graviers que nous venons de signaler à Tell Abu 
Haréiréh en donnent une idée. Leurs lits s'étendent 
des deux côtés de l'ouadi esch-Scheri'ah en couches 
horizontales. On y trouve la succession suivante : 
terre glaise, grès calcaire tendre en couches minces, 
lit de coquillages, principalement en empreintes, grès 
calcaire tendre avec petits cailloux et petites huîtres, 
lit de la rivière — grès calcaire dur. Les coquillages 
mentionnés appartiennent aux genres : Turritella, 
Dentalium, Artemis (1), Pecten, Cardium, etc. Sur 
les collines de sable rougeàtre qui dominent Jaffa et 
servent de sol aux jardins, on a recueilli de nombreuses 



ainsi qu'on voit sur le flanc occidental du Samrat el- 
Fedân des couches horizontales de marne blanche, de 
sable et d'argile, renfermant un grand nombre de co- 
quilles, dont plusieurs sont identiques avec celles qui 
vivent actuellement dans les eaux douces de la-Pales- 
fine. Ainsi se forma le gite de sel et de gypse connu 
sous le nom de Djebel Usdum. On trouve également, 
sur le bord occidental de la mer Morte, à la hauteur 
de 80 ou 100 mètres, une terrasse de cailloutis avec 
gros blocs, dont on peut suivre les traces depuis le sud 
jusque vers le Djebel Qarantal. On a recueilli, sur les 
bords du lac de Tibériade, des coquilles lacustres appar- 
tenant à la faune actuelle de la Judée. Enfin s'est for- 
mée une basse terrasse, consistant en dépôts marneux 
et arénacés, bien caractérisée dans la presqu'île de la 
Lisân et dans la basse vallée du Jourdain. Voir Morte 
(Mer), Formation géologique, col. 1303-1306. C'est, en 



Jilc£aM. SZS 



Dj.Qarantat 100 

! Aqueduc -150 







Alluvtons 



Dépôts delà M Morte 



Sènonien 



Cênomsnien 



Grès de Nubie 



Carboniferien 



535. — Coupe des anciens dépôts de la mer Morte à travers la vallée la vallée du Jourdain, près de Jéricho. 
D'après M. Blanckenhorn, dans la Zeitschrift des Deutsch. Palest. Vereins, 1896, pi. 4, profil 4. 



coquilles identiques à celles qu'on rencontre sur le 
rivage actuel de la Méditerranée, notamment : Pectun- 
culus violacés cens, Lamk., Purpura hetnastotna, 
Lamk. ; Murex brandaris, Linn.; Columbella rustica, 
Lamk., etc. Cette formation s'étend jusqu'à Ramléh; 
entre Jaffa et Qaisariyéh, elle se prolonge souvent 
jusqu'à la limite du calcaire nummulitique; elle se re- 
trouve dans la plaine d'Esdrelon, dans celles de Saint- 
Jean-d'Acre et de Tyr. 

2° Anciens dépôts de la mer Morte. — On sait que, 
à une certaine époque, les eaux de la mer Morte rem- 
plissaient la longue vallée dont elle occupe aujourd'hui 
le fond, s'étendant ainsi depuis le lac de Tibériade 
jusque vers le milieu de l'Arabah. Les traces qu'elles 
ont laissées sur les côtés de cette vallée montrent que 
leur niveau le plus élevé alla jusqu'à 425 métrés au- 
dessus du niveau actuel, c'est-à-dire 30 mètres au-dessus 
de la Méditerranée. Malgré cela, elles ne communiquè- 
rent jamais avec l'Océan. L'absence, dans FArabah, de 
toute formation marine, postérieure aux terrains qui 
l'entourent, prouve que, depuis leur soulèvement, leur 
émersion et la naissance de la dépression au fond de 
laquelle se trouvent le Jourdain et la mer Morte, il n'y 
a pas eu communication entre ce bassin et la mer Rouge. 
Le lac primitif a donc laissé des dépôts qui permettent 
de suivre les principales phases de son histoire. C'est 



effet, au milieu* de ces dépôts que le fleuve a creusé son 
lit, et l'on peut y distinguer plusieurs étages successifs, 
voir fig. 535. Ainsi, aux environs de Jéricho, le plus haut 
étage va de 191 à 182 mètres, le second de 158 à 
76 mètres, le troisième de 60 à 39 m., et la plaine allu- 
viale, exposée à l'inondation, dé 27 à 6 mètres. Tous ces 
étages, qui sont formés de lits de graviers, de boue et 
de marne, inclinent vers les bords du Jourdain, de 
sorte que la surface supérieure de chacun d'eux varie 
de hauteur à différents points, comme il arrive dans le 
cas de lits lacustres successifs. 

E) Terrains volcaniques. — Les roches volcaniques 
sont très répandues à l'est de la grande fissure qui 
s'étend du golfe d'Akabah au Liban; celles qu'on trouve 
à l'ouest ne constituent que des accidents de moindre 
importance. De ce dernier côté, c'est surtout en Galilée 
qu'on les rencontre. Le point le plus méridional où 
l'on ait observé des basaltes est près de Zer'în, dans la 
plaine d'Esdrelon, dont le sol gras est parsemé de dé- 
bris basaltiques, particulièrement abondants à El- 
Fûléh. Des découvertes récentes ont même prouvé 
l'existence d'une énorme coulée de lave dans la partie 
septentrionale et dans le centre de cette plaine. Cf. 
Schumacher, The Lava Sireams of the Plain of Es- 
drselon, dans le Palestine Exploration Fund, Quar- 
terly Statement, 1900, p. 357; voir aussi 1899, p. 312. 



2015 



PALESTINE 



2016 



Des coulées basaltiques existent aussi sur les flancs oc- 
cidentaux et septentrionaux du Djebel Dahy, et, plus 
loin, aux environs de Nazareth. Une autre, qui semble 
partir de Qurun Hattin, vient atteindre les bords du 
lac près de Tibériade ; le basalte qui la constitue ren- 
ferme les éléments suivants : silice, alumine, fer oxydé, 
carbonate de chaux, magnésie et alcalis. Mais le plus 
important massif volcanique est celui de Safed, que 
Russegger regarde comme le centre des éruptions de 
la contrée. Existe-t-il des coulées de lave à l'occident 
de la mer Morte? C'est un point qui a été discuté entre 
MM. Hôrmann et Blanckenhorn, dans les Mittlwilun- 
gen de la Zeitschrifl des Deut. Palâstina-Vereins, 
t. xxi, 1898, p. 87-88. La question est de savoir d'où 
provient réellement le morceau de lave trouvé dans ces 
parages. Cf. F. Zirkel, Das Lavastùck des Pfarrers Hôr- 
mann in Brixen, dans les Mittheilungen, 1899, p. 61-62. 
— Ce ne sont là cependant que de faibles échos des phé- 
nomènes volcaniques qui ont couvert de lave le Djôlan 
et le Haurân, dans la Transjordane. Voir fig. 532 et la 
carte. Toute la rive orientale du lac de Tibériade est 
couverte de débris basaltiques, et plusieurs coulées des- 
cendent presque sous les eaux, comme aux débouchés des 
ouadis Sik et Semait. Ces coulées sont répandues sur 
tout le Djôlan; elles viennent se terminer brusquement 
au pied de l'Hermon, qui est comme le cap avancé contre 
lequel se sont brisés les flots vomis par les cratères. 
Les scories et les blocs de laves, parfois entassés les 
uns sur les autres, donnent un caractère étrange à cette 
région et y rendent la marche très pénible. Le^basalte 
est généralement assez compact, d'une couleur , noi- 
râtre tirant sur le bleu et parsemé de nombreux^cris- 
taux de péridot d'un jaune clair. — C'est encore dans 
le Haurân que les phénomènes volcaniques ont atteint 
leur plus grand développement. On ne voit dans cette 
contrée, comme nous l'avons dit plus haut, que cônes 
et cratères et d'immenses coulées volcaniques recou- 
vertes, en partie, d'un terreau gras que perce à chaque 
instant le basalte. Le basalte qui constitue le tell Abu Tu- 
méis, en particulier, est remarquable par ses propriétés 
magnétiques. Il diffère d'ailleurs d'aspect avec celui 
de la Moabitide et celui'du Djôlan; plus compact, il est 
d'un gris bleuâtre, taché de zones violacées et chargé 
de nombreux grains de péridot; chaque morceau forme 
une sorte d'aimant naturel, ce qui est dû sans doute à 
une forte proportion de fer oxydulé titanifère répandue 
dans sa masse. Le Ledjah n'est qu'une vaste nappe 
basaltique vomie par les cônes du Haurân. Le sol rou- 
geâtre de la plaine En-Nuqrah est composé de scories 
de laves et de cendres répandues par les volcans et 
désagrégées par les agents atmosphériques. Les ruines 
des anciennes villes renferment de nombreux blocs de 
basalte, qui ont été utilisés pour l'architecture; on en a 
fait des autels votifs, des sarcophages, de linteaux de 
porte, des colonnes. Il faut descendre ensuite sur les 
bords de la mer Morte pour retrouver les roches vol- 
caniques, qui se montrent sur plusieurs points du pla- 
teau oriental. A l'extrémité septentrionale du lac, près 
du débouché de Vouadi Ghuéir, une coulée de lave 
s'avance vers les eaux, sous lesquelles elle disparait; 
elle est formée de basalte noirâtre, un peu scoriacé, 
dont les vacuoles sont tapissées de carbonate de chaux 
et dans lequel on distingue, à la loupe, des cristaux de 
pyroxène. Sur le flanc septentrional du Djebel Atlarus 
se trouvent des amas considérables de scories et brèches 
basaltiques qui paraissent recouvrir la tête d'une cou- 
lée moderne; celle-ci descend d'abord vers le lit du 
Zerqa Ma'în, le traverse, passe sur sa rive droite, qu'elle 
longe pendant un certain temps, puis revient sur la 
rive gauche et se dirige vers la mer Morte en passant 
près des sources chaudes de Callirrhoé. Dans le lit de 
Vouadi Modjib sont de nombreux cailloux de basalte, 
probablement charriés par ce cours d'eau des régions 



où il prend sa source. Ce basalte est d'un gris assez 
clair, présentant quelques grandes vacuoles tapissées 
d'aragonite, à pâte très feldspathique sur laquelle se 
détachent de nombreux grains de péridot. 

F) Terrains récents. — Ces terrains doivent leur 
formation à des dépôts marins, iluviatiles, lacustres, 
fontinaux et atmosphériques. 

1° Dépôts marins. — L'étude du littoral méditerranéen 
nous a montré, sur la côte palestinienne, des phéno- 
mènes d'exhaussement qui sont dus à l'action delà mer 
et des agents atmosphériques. La plage exhaussée des 
anciennes villes de Tyr et de Sidon provient des dépôts 
qui datent de l'époque historique. Du Cartnel à la fron- 
tière égyptienne, comme sur toutes les côtes plates, la 
mer a rejeté et rejette encore, sous la forme d'un cor- 
don littoral, les graviers, sables et limons que peut char- 
rier le courant qui longe le rivage. D'autre part, les 
vents s'emparent des sables légers arrachés, par la dé- 
sagrégation, au grès et au calcaire et les chassent sans 
cesse dans la direction de leurs courants dominants. 
De là ces couches légères qui ont fini par combler les 
vieux ports, ces collines sablonneuses qui longent la 
Méditerranée ; de là ce linceul qui, comme en Egypte, 
est en train de recouvrir les antiques cités de la côte. 
Un autre phénomène plus curieux est celui que pré- 
sentent ces lignes de rochers qui courent parallèle- 
ment au rivage et constituent tantôt des brise-lames, 
tantôt des écueils dangereux, comme à Jaffa. Ces 
rochers, qui se trouvent à quelques centaines de mètres 
du rivage, et le plus souvent à fleur d'eau, sont des 
grès calcaréo-siliceux, de formation moderne, remplis 
de pétoncles (Pectunculus violacescens, Lamk). Ils sont 
ainsi produits par l'agglutination du sable et d'un grand 
nombre de coquillages, au moyen d'un ciment siliceux 
déposé par les eaux de la mer. Une action chimique 
particulière leur donne une extrême dureté. 

2» Dépôts jtuviatiles. — Les seules alluvions fluviatiles 
un peu considérables sont celles du Jourdain. Ce fleuve, 
nous l'avons vu, a creusé son lit au milieu des dépôts 
de la -mer Morte, mais il l'a en partie comblé par un 
limon dont la couleur jaune et la fertilité font contraste 
avec les bandes stériles et blanchâtres des marnes 
gypseuses qui l'encadrent. A son embouchure dans le 
lac Âsphaltite, il accumule des déjections, qui ont la 
forme d'une surface conique et finiront par produire un 
delta, dont la naissance se fait déjà sentir sous les 
eaux, h'ouadi Zerqa Ma'in et Vouadi Modjib forment 
eux-mêmes de petits deltas en miniature, sur lesquels 
poussent de nombreux arbrisseaux. 

3» Dépôts lacustres. — Les dépôts lacustres les plus 
intéressants sont ceux qui sont formés de nos jours 
sous les eaux de la mer Morte. Ils ressemblent beau- 
coup à ceux que nous avons déjà signalés sous le nom 
de marnes de la Lisdn. Ils constituent principalement 
la grande plage appelée Sebkhah, située au sud et par- 
fois encore, c'est-à-dire dans les crues exceptionnelles, 
envahie par les eaux, qui y déposent des argiles sali- 
fères. Ce sont des alluvions de celte nature qu'on re- 
trouve sur les bords du lac, un peu partout, en particu- 
lier autour de la presqu'île de la Lisân, dont les petites 
falaises sont formées de dépôts plus anciens. Du fond 
même de la mer Morte la sonde rapporte des échan- 
tillons d'une argile bleuâtre renfermant de petits cris- 
taux cubiques de sel et d'autres lenticulaires de gypse. 
Dans la partie méridionale, où la profondeur est très 
faible, on ne retire qu'une vase salée. 

if Dépôts fontinaux. —Les sources thermal? s laissent 
le plus souvent sur leurs bords des dépôts qui ne man- 
quent pas d'intérêt pour le géologue. Celles de Ham- 
mam, près de Tibériade, qui sortent d'un calcaire bi- 
tumineux brunj semblable à celui de la mer Morte, dé- 
gagent de l'hydrogène sulfuré et ont'un dépôt jaunâtre 
de soufre, mêlé à des carbonates de chaux et de magné- 



2017 



PALESTINE 



2018 



sie. Celles de Callirrhoé donnent leur haute tempéra- 
ture aux eaux de Vouadi Zerqa Ma'în, à l'embouchure 
duquel on voit, sur la hauteur, quelques dépôts d'in- 
crustation cimentant une brèche à éléments basaltiques. 
Le sol de la petite plaine de IjSârah est presque entiè- 
rement constitué par des calcaires incrustants, reposant 
sur le grès de Nubie. Il en est de même à l'occident du 
lac, à 'Ain Feschkhah, 'Aïn Djidi, etc. 

5° Dépôts atmosphériques. — Nous avons signalé 
tout à l'heure la contribution que l'atmosphère apporte, 
comme l'eau, à la formation des nouveaux terrains. — 
Sur cette géodynamique externe, cf. A. de Lapparent, 
Traité de géologie, Paris, 1906, p. 136-318. 

2. Formation de la Palestine. — La géologie a fait 
de la Terre un livre ouvert, où dans chaque couche du 
sol nous lisons une page de l'histoire de notre globe. 
Le chapitre qui concerne la Palestine a des lacunes et 
des incertitudes. Cependant la description des terrains, 
que nous venons de donner avec toute l'exactitude 
possible, nous permet de Suivre les différentes phases 
par lesquelles a passé le pays biblique, au moins depuis 
une certaine époque. 

A) i" période d'érnersion. — Les origines, en effet, 
sont assez obscures. Avant le carbonifère moyen, on ne 
connaît en Palestine, à part quelques lambeaux de ro- 
ches cristallines, aucun terrain d'âge déterminable, 
permettant d'établir l'état de la région aux premières 
périodes de l'ère primaire. La Méditerranée primitive, 
la Thétbys de M. Suess, devait passer au nord pour 
aller rejoindre la région himalayenne et le Pacifique. 
On trouve, en particulier dans l'Anti-Taurus, une série 
marine continue, allant de l'ordovicien au carbonifère 
inférieur inclusivement. Plus au sud, c'est-à-dire en 
Palestine, au Sinaï, en Arabie et en Egypte, le premier 
point de repère est fourni par. la puissante série des 
grès de Nubie, recouvrant immédiatement les granités 
et les schistes cristallins. L'assise de base, dite grès du 
désert, contient au Sinaï le Lepidodendron mosaïeum 
et des sigillaires, indice d'un premier épisode à ten- 
dance continentale, datant de l'époque westphalienne 
(carbonifère moyen). Au-dessus, une invasion marine, 
d'époque ouralienne (carbonifère supérieur), est indi- 
quée au sud-est de la mer Morte par une puissante 
assise de dolomies et de calcaires avec Productus et 
Crinoïdes, que l'on retrouve dans l'ouadi Arabah et au 
Sinaï. Les fossiles ont certaines affinités avec ceux du 
dinantien ; mais leur caractère général est ouralien, et 
même certains d'entre eux sont identiques à ceux du 
permien inférieur d'Australie. Ces ressemblances avec 
l'Australie et aussi le Salt-Range de l'Inde montrent les 
relations de la Théthys carbonifère, la mer à fusilines, 
avec la région indo-pacifique. Au-dessus, en Palestine, 
le grès de Nubie reprend et le régime continental qu'il 
indique dure, sans qu'on ait pu établir de subdivision, 
jusqu'au cénomanien exclusivement. On y trouve du 
bois fossile, en particulier Araucarioxylon, qui, pour 
certains géologues, appartient aux assises de base, c'est- 
à-dire permiennes. Pendant celte longue période stable, 
la mer, faisant communiquer la Méditerranée actuelle 
avec l'Himalaya et le Pacifique, passe au nord de la 
Syrie. A partir de l'époque toarcienne, un grand fait 
géologique, la séparation du massif formé par l'Afrique, 
la Palestine et l'Arabie d'avec celui formé par l'Inde 
péninsulaire et Madagascar, se produit sans contre- 
coup apparent sur la contrée qui nous occupe. Au 
mont Hermon, à partir de l'époque callovienne, une 
série continue jusqu'au crétacé supérieur nous montre 
la présence de la mer avec des faciès qui rappellent 
successivement ses relations avec l'Inde et l'Europe 
occidentale. 

B) L'invasion marine cénomanienne ; sa durée jus- 
qu'au tertiaire. — La mer n'atteint la Palestine qu'à 
époque cénomanienne, et, depuis lors jusqu'au sommet 

DICT. DE LA BIBLE. 



du crétacé, la limite du grès de Nubie, marquant le 
rivage, recule vers le sud, jusqu'à atteindre, à l'époque 
maestrichienne, la latitude d'Assouan. Nous avons vu 
comment sont représentés en Palestine les étages céno- 
manien, turonien et sénonien. Ce sont les pages les 
plus développées de l'histoire géologique du pays. Les 
étages de passage du crétacé à l'éocène, c'est-à-dire du 
danien au landénien, n'ont pas laissé de traces connues 
en Palestine, mais ce qu'on en connaît en Egypte 
indique une transition progressive du secondaire au 
tertiaire, et aussi la persistance des relations avec la 
faune indienne. 

C) 2« période d'érnersion. — a) De l'oligocène au 
pliocène. — Du lutétien au bartonien, la mer devait 
baigner encore le Liban 
et la Mésopotamie, ainsi 
que l'Egypte, et les fos- 
siles indiquent des rela- 
tions avec l'Algérie . Mais 
dès la base de l'oligo- 
cène, la Théthys devait 
subir un assèchement 
qui allait supprimer les 
communications par le 
nord de l'Inde entre la 
Méditerranée européen- 
ne et le Pacifique. Au 
nord du Fayoum appa- 
raît déjà le régime con- 
tinental avec de curieux 
mammifères intermé- 
diaires entre les Dino- 
therium et les Dinoce- 
ras, ou précurseurs des 
rhinocéros et des mas- 
todontes. A l'époque 
miocène, la mer n'oc- 
cupe plus qu'un golfe 
s'avançant dans la ré- 
gion de Suez jusqu'au 
27 e degré de latitude au 
maximum. La mer Bou- 
ge n'existe pas, et, sur 
le continent formé par 
la Syrie, la Palestine, 
l'Arabie et l'Afrique, s'é- 
tablit, grâce sans doute 
aux premiers plisse- 
ments nord-sud, un 
immense réseau fluvial 
comprenant les grands 
lacs africains avec le 
bassin du Nil, et dont le bassin du Jourdain avec 
l'ouadi Arabah forme l'extrémité septentrionale. Cet 
état dura jusqu'au pliocène inclusivement, la mer 
Rouge étant de formation récente, et la faune du bassin 
du Jourdain lui doit le caractère africain, en tout cas 
nullement méditerranéen, qu'elle garde encore. La fin 
de l'histoire de la région jusqu'à nos jours est, en effet, 
celle de deux séries de fractures ou de plissements 
pouvant se rompre à la clef ou se briser en failles, les 
unes se propageant du sud au nord, prolongeant la 
ligne de faîte de l'Afrique au niveau du Tanganyka, les 
autres nord-ouest sud-est, coupant les premières et don 
nant passage tantôt à la Méditerranée, tantôt à l'océan 
indien, jusqu'à former la mer Rouge actuelle. Les deux 
côtes de la presqu'ile du Sinaï offrent un exemple frap- 
pant de l'intersection-de ces deux directions. Ce qu'on 
appelle le Fossé syrien (voir fig. 535) : côte de Kosséir, 
golfe d'Akabah, ouadi Arabah, bassin de la mer Morte 
et du Jourdain, partie du bassin de l'Oronte venant 
buter au nord contre les plis du Taurus, est un exem- 
ple de la première et demande un examen spécial. 




535. — Carte schématique du Fossé 
syrien. D'après Suess, La face de 
la terre, t. 1, p. 472. 



IV. 



64 



2019 



PALESTINE 



2020 



b) Formation de la grande dépression palestinienne. 
— L'énorme dépression qui constitue le trait caracté- 
ristique de la Palestine se rattache donc à un phéno- 
mène géologique qui a ébranlé une immense étendue 
de terrain. Mais, pour nous en tenir à la ligne spéciale 
qui nous occupe, voici comment s'explique sa forma- 
tion. Nous avons montré, dans la géographie physique, 
comment le plateau de la Cisjordane et celui de la 
Transjordane se maintiennent dans leur ensemble au 
même niveau. D'autre part, nous venons de constater 



prouvent qu'il y a eu dans l'unique plateau primitif une 
dislocation, postérieure au dépôt des couches crétacées 
et faite suivant une ligne droite du nord au sud. Si ce 
n'est pas le résultat de l'effondrement d'une clef de 
voûte, c'est du moins quelque chose de fort analogue. 
Il y a donc ici plus qu'une faille. En effet, dit Ed. Suess, 
La face de la terre (Bas Antlitz der Erdé), traduction 
faite sous la direction de E. de Margerie, Paris, 1905, 
t. i, p. 477 : « Une faille simple peut former à la sur- 
face du sol un gradin, mais non une vallée; ce gradin 



Jérusalem 750,730 

i O.Sifli-!<iri(Ufc 

i MVdu Scandale 
ÂhwDissvi 



Hdbmtâr sa 




Nivsaa de la Mer Méditerranée 



lex-ZifsK \tti.%m>anisss 




Dépôts lie la Mer Morte 



Sénonjen. 



Cènomsnien 



536. — Coupe : \' de Jérusalem à la mer Morte; 2° d'Hébron à la pointe S.-O. de la mer Morte 
D'après Blanckenhorn, dans la Zeitschrift des Deut. Pal. Ver., 1896, pi. 3. 



que les couches supérieures du terrain sont les mêmes 
des deux côtés. Seulement, tandis qu'à l'est elles sont 
horizontales, à l'ouest elles sont bombées, inclinant du 
côté de la Méditerranée et descendant, par une série 
de cassures ou de plis brusques, du côté du Jourdain 
et de la mer Morte. En outre, du côté oriental, appa- 
raissent, sous ces couches crétacées, des roches an- 
ciennes invisibles à l'occident. On a remarqué enfin 
que la ligne de dépression est beaucoup plus accentuée 
à l'est qu'à l'ouest; d'un côté, elle plonge presque per- 
pendiculairement dés le début; de l'autre, elle s'inflé- 
chit davantage. C'est aussi sur la rive orientale que les 
montagnes sont le plus rapprochées de la mer Morte et 
présentent un escarpement plus raide. Voir Morte 
(Mer), Profondeur, col. 1295 et fig. c58. Tous ces faits 



peut être évidé en vallée par l'érosion, mais alors cette 
vallée aura une pente déterminée par l'écoulement des 
eaux, et son niveau ne descendra jamais au-dessous de 
de celui de la mer. Une vallée dont le fond descend à 
800 mètres au-dessous de là mer, pour remonter un 
peu plus loin à 230 mètres d'altitude, puis redescendre 
encore sous le niveau de la mer, ne peut être ni le 
produit d'une faille unique, ni celui d'une faille 
accompagnée d'érosion. Il faut que des bandes de ter- 
rain se soient affaissées suivant des cassures parallèles, 
sur une grande longueur et à une profondeur inégale. 
On retrouve ici ces variations dans l'amplitude du rejet 
que révèlent les failles des hauts plateaux de l'Utah et 
les grandes cassures des Alpes méridionales. C'est ainsi 
seulement que de larges dépressions, comme l'ouadi 



2021 



PALESTINE 



2022 



Arabah et l'ouadi Akabah, ont pu se former, et l'inégal 
affaissement des diverses parties peut s'expliquer par 
la compression qu'elles ont subie. » 

c) Relief montagneux. — La dislocation dont nous 
venons de parler a eu naturellement sa répercussion sur 
le système montagneux. C'est à elle que sont dus en 
particulier les plissements de la chaîne occidentale. 
Tandis qu'à l'est l'effondrement s'est produit suivant 
une seule grande ligne, il s'est formé à l'ouest plusieurs 
fentes parallèles, de telle sorte que la région s'est affaissée 
non pas en bloc, mais par gradins successifs. C'est ce 
qu'il est facile de constater principalement lorsqu'on 
va de Jérusalem à la mer Morte en longeant l'ouadi en- 




légende 

Traits indiquant la direc- , w 
Mon des principales chaînes 
de montagnes 



Principales lignes de par- 

■'* ~tage des eaux autour de la 

Mer Morte __ 



, Lignes de brisures ou diels- 
•cations . 



Plissements.. 



Lignas prêsuwe'es ds par. 
■turbatlons _ 



*l» Inclinaison des dislocation 
Inclinaison des couches.. 



537. — Ligne de structure des montagnes palestiniennes. 

D'après Blanckenhorn, dans la Zeitschrift des Deut. Pal. Ver., 

1896, pi. 1. 

Nâr, ou d'Hébron à la pointe sud-ouest du même lac. 
Voir flg. 536. On voit que le terrain, tout en s'inclinant 
vers ce dernier point, descend comme par échelons; 
il y a eu en plusieurs endroits des cassures qui ont 
maintenu aux couches une direction presque horizon- 
tale. Le même affaissement s'est répété vers la Méditer- 
ranée; mais ici toute trace de lèvre opposée a disparu . 
Qu'on jette les yeux sur une carte et qu'on examine les 
principales lignes qui constituent le relief montagneux 
de la Palestine cisjordane (voir fig. 537), et l'on verra 
comment, dans la Judée surtout, elles se suivent paral- 
lèlement sur le versant oriental, avec inclinaison plus 
ou moins prononcée du nord-est au sud-ouest. Elles 
constituent ainsi comme trois marches qui descendent 
vers la mer Morte. A chacune de ces lignes correspond 
une ligne de brisure ou de plissement, avec affaissement 
du même côté. On peut suivre également celles qui 
marquent la dislocation du côté du Carmel et de la 



plaine d'Esdrelon, comme du côté de la vallée du Jour- 
dain en Samarie et en Galilée. 

d) Du pliocène à nos jours. — Transformations du 
sol palestinien; érosions, alluvions. — Antérieurement 
à cette dislocation qui ébaucha le relief définitif de la 
Palestine, le pays avait déjà commencé de subir cer- 
taines transformations. Lorsque, au moment de la pé- 
riode miocène, la mer quitta, au moins en partie, le 
continent palestinien pour ne plus le reconquérir, 
celui-ci se présentait sous la forme d'un haut plateau, 
couvert par des couches horizontales du calcaire à num- 
mulites. Mais, sous l'action des grandes pluies de cette 
phase continentale, l'aspect dn plateau se modifia. 
L'érosion fit disparaître en grande partie le calcaire 
nummulitique. De même, une grande partie delà craie 
à silex fut enlevée par l'action chimique des eaux, ne 
laissant subsister que les silex qui s'y trouvaient conte- 
nus. Pendant ce temps, le pli anticlinal delà montagne 
commençait sans doute à se dessiner ; puis, la tension 
imprimée au flanc oriental du pli s'étant trouvée trop forte, 
des fracturess'y ouvrirent, laissant sortir des laves basal- 
tiques qui ont recouvert le plateau à l'est de la mer Morte, 
où des lambeaux de ces coulées ont seuls été conservés. 
Pendant le pliocène, survint l'effondrement du Ghôr et de 
V Arabah. L'histoire de la Palestine peut ensuite se di- 
viser en plusieurs phases, à l'époque quaternaire, pen- 
dant la période pluviale ou pluvio-glaciaire. Tandis 
qu'à l'orient les hauts plateaux du Belqa et du Haurdn 
avaient déjà leur physionomie presque définitive, à 
l'occident la Méditerranée couvrait encore, sur une 
hauteur considérable, la plaine côtière, dite aujourd'hui 
de Saron et de Séphélah, avec une bonne partie du 
Négeb. En construisant, en effet, le chemin de fer de 
Jaffa à Jérusalem, on a trouvé dans une tranchée près 
de Ramléh, à une cinquantaine de mètres d'altitude, 
une couche de gravier épaisse de 1 à 4 mètres, et de 
même nature que les dépôts côtiers. Cf. Zeitschrift des 
Deutschen Palâstina-Vereins, t. xtv, 1891, p. 135. La 
mer Morte s'étendait aussi depuis le lac de Tibériade 
au nord jusq'au seuil de l'Arabah, un peu plus bas que 
la latitude de Pétra, formant un long bassin d'un 
niveau supérieur même à celui de la Méditerranée. On 
comprend, en effet, que les pluies abondantes de l'époque, 
trouvant un déversoir naturel dans la grande dépression 
palestinienne, en aient fait un immense lac. Survint 
ensuite une phase sèche, pendant laquelle le niveau de 
la mer intérieure baissa de 300 mètres, et la concentra- 
tion des eaux produisit le gite de sel et de gypse connu 
sous le nom de Djebel Vsdum. Voir Morte (Mer), 
col. 1305. Une recrudescence des pluies fit remonter le 
lac de 80 ou 100 mètres, hauteur à laquelle se cons- 
truisit une importante terrasse de cailloutis avec gros 
blocs. Sous l'action violente des eaux, de nombreux 
torrents se creusèrent dans la chaîne occidentale; de 
même à l'orient furent créés par l'érosion de profonds 
ravins, par lesquels les flots entraînaient les débris 
arrachés au plateau. A cette période tourmentée succéda 
une époque d'activité volcanique, pendant laquelle 
auraient eu lieu les épanchements de lave qu'on trouve 
dans la vallée du Schéri'at el-Ménâdiréh, près des 
sources thermales d'El-Hamméh, et ceux de l'ouadi 
Zerqa Ma'in. La température générale s'abaissant de 
nouveau, le relief continental acheva de se façonner par 
érosion et par alluvion. La plus importante des for- 
mations alluviales de cette période est la basse terrasse 
si bien caractérisée contre le pied oriental de la Lisân 
et près de Masada, comme dans toute la vallée du 
Jourdain. A ce moment aussi, on croit qu'il a dû se 
produire un redoublement d'activité dans les sources 
thermales de la contrée. Les flots de la Méditerranée 
s'étant retirés vers l'ouest, le littoral se trouva à peu 
près à la limite générale qu'il possède aujourd'hui. 
Cependant, sous le choc des masses liquides, le rivage 



2023 



PALESTINE 



2024 



se modifia, certaines parties se creusant plus ou moins 
profondément selon le degré de résistance ou l'état de 
fendillement des roches; ces modifications, du reste, 
nous l'avons vu, ont continué pendant les âges histo- 
riques. Bans l'intérieur des terres, s'achevèrent les 
grands phénomènes d'érosion. Avec le concours des 
agents atmosphériques, les sédiments et les roches 
perdirent tout ce qui pouvait leur être enlevé, les tor- 
rents et les ravins creusèrent leur lit définitif, et sou- 
vent leurs bords largement rongés montrent que leur 
écoulement fut autrefois ce qu'il n'a jamais été depuis. 
Non seulement les eaux corrodèrent la surface du sol, 
mais celles qui ne trouvèrent pas de voie ouverte à l'ex- 
térieur s'infiltrèrent à l'intérieur à travers les fissures 
ou les roches plus friables, creusant ainsi des canaux, 
de petits lacs et des cavernes jusqu'à ce que leur action 
constante ou quelque mouvement du sol leur ait permis 
de s'échapper. Ainsi ont été formées ces nombreuses 
grottes dont est percé le sol palestinien, souvent énormes 
et aux formes capricieuses. L'époque historique est 
inaugurée en Palestine par un événement qui a laissé 
une très vive impression dans les traditions contempo- 
raines, dont la Bible estl'écho; nous voulons parler de la 
catastrophe qui détruisit les villes de la Pentapole. C'est 
alors que s'affaissa le terrain qui constitue aujourd'hui la 
partie méridionale de la mer Morte. Voir Morte (Mer), 
col. 1306. Depuis ce cataclysme, la Palestine a été fré- 
quemment secouée par les tremblements de terre, mais 
aucun phénomène géologique n'y a apporté de change- 
ment notable. Les conditions physiques et biologiques 
que nous allons décrire sont, malgré quelques modifi- 
cations superficielles, celles qui saluèrent la première 
apparition de l'homme dans ces contrées. 

Voir, au point de vue géologique : Pour les notions 
générales, A. de Lapparent, Traité de géologie, 5 e édit., 
Paris, 1906, 3 in-8»; Ed. Suess, La face de la terre 
(Das Antlitz der Erde), trad. sous la direction de E. de 
Margerie, 3 in-8", Paris, 1905. — Pour l'histoire des 
recherches géologiques faites en Palestine jusque vers 
1880 : L. Lartet, Géologie, t. m du Voyage d'explora- 
tion à la mer Morte du duc de Luynes, in-4°, Paris, 
s. d., p. 9-22; Huddleston, The geology of Palestine, 
dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly State- 
ment, Londres, 1883, p. 166-170. — Pour la géologie 
proprementjdite : E. Robinson, Physical geography of 
the holy Land, in-8», Londres, 1865, p. 284-299; 
O. Fraas, Aus dem Orient, in-8°, Stuttgart, 1867; 
L. Lartet, Géologie, tout le volume que nous venons 
d'indiquer, ouvrage des plus importants, mais à com- 
pléter par les étuçtes plus récentes; Id,, Essai sur la 
géologie de la Palestine et des contrées avoisinantes, 
telles que l'Egypte et l'Arabie, dans les Annales des 
sciences géologiques, t. I, 1869, reproduit dans la Bi- 
bliothèque des Hautes Etudes; seconde partie, consa- 
crée à la paléontologie, imprimée en 1872 dans le t. m 
des Annales des sciences géologiques et également re- 
produite dans la Bibliothèque des Hautes Etudes; 
Ed. Hall, Mernoir on the geology and geography of 
Arabia Petrxa,Palestine andadjoining districts, in-4», 
Londres, 1889, publié par le comité du Palestine Explo- 
ration Fund, et résumant les notes éparses, sur ce 
sujet, dans le Quarterly Stalement; Id., Mount Seir, 
in-8°, Londres, 1889; M. Blanckenhorn, Syrien in seiner 
geologischen Vergangenheit, dans la Zeitschrift des 
Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. xv, 1892, 
p. 40-62; Enlstehung und Geschichte des Todten 
Meeres, ibid., t. xix, 1896, p. 1-59, avec 4 planches; 
Noch einmal Sodom und Gomorrha, ibid.,t. xxi,1898, 
p. 65-83; Géologie der nàheren Unigebung von Jéru- 
salem, ibid., t. xxviii, 1905, p. 75-120, avec carte et 
planche; F. Nœtling, Geologische Skizze der Umgebung 
von el-Hammi, ibid., t. x, 1887, p. 59-88, avec planche. 
— ' Pour la minéralogie, analyse des eaux, etc. : 



R. Sachsse, Beitrâge zur chemischen Kenhtnis derMi- 
neralien, Gesteine und Gewàchse Palàstinas, ibid., 
t. xx, 1897, p. 1-33; M. Blanckenhorn, Die Mineral- 
schàtze Palâstina's, dans les Mittheilungen und Nach- 
richten de la même revue, 1902, p. 65-70. 

v. climat et fertilité. — 1. Climat. — La météo- 
rologie de la Palestine n'a guère été étudiée scientifi- 
quement que de nos jours. Une étude scientifique sous 
ce rapport, en effet, réclame des instruments de pré- 
cision, des observations exactes et régulières, faites 
non seulement sur un point particulier du territoire, 
mais en différentes stations, surtout si la situation, 
l'altitude ou d'autres conditions doivent, en certaines 
parties du pays, déterminer des différences climaté- 
riques. Or les instruments ont longtemps fait défaut, 
et les observations ' n'ont eu ni la méthode rigoureuse 
ni l'étendue suffisante. Sans doute les voyageurs ont 
bien constaté des changements atmosphériques plus ou 
moins sensibles correspondant au relief du sol lui- 
même, ceux que l'on remarque, par exemple, en pas- 
sant de la plaine à la montagne, en descendant de la 
montagne dans le Ghôr. Longtemps aussi les études se 
sont bornées au climat de Jérusalem ou à des expé- 
riences de quelques années faites à Nazareth et à Gaza. On 
peut voir, en particulier, dans le Palestine Exploration 
Fund, Quarterly Statement, 1883, p. 8-40, le rapport de 
Th. Chaplin, exposant le résultat d'observations faites 
dans la ville sainte pendant un espace de 22 ans, de 
1860 à 1882; reproduit dans la Zeitschrift des deut- 
schen Palàstina-Vereins, 1891, p. 93-112. La même 
revue a publié et continue de publier les résultats 
obtenus depuis. Mais, pour établir des points de com- 
paraison et en arriver à un jugement d'ensemble sur 
la Palestine, il fallait augmenter le nombre des stations 
météorologiques. C'est ce qui a été fait, grâce surtout 
aux soins de 1' « Association allemande pour l'explora- 
tion de la Palestine », Deutscher Palâslina-Verein. 
On trouve maintenant des stations plus ou moins com- 
plètes : le long de la côte, à Gaza, Sarona près de 
Jaffa, Khaïfa et au Carmel; — dans la montagne, à 
Bethléhem, Aïn Karim, Jérusalem, Naplouse, Nazareth, 
Safed; — dans la vallée du Jourdain, à Jéricho et à 
Tibériade; — à l'est du fleuve, au Sait. Cf. M. Blanc- 
kenhorn, Die meteorologischen Beobachtungs-Stalio- 
nen des deutschen Palàstina-Vereins in Palâstina 
im Jahre 1904, dans les Mittheilungen und Nachrich- 
len des deut. Pal. Ver., 1904, p. 20-32; voir aussi 1906, 
p. 71-78. Sans entrer dans les minutieux détails que 
comporte cette étude climatologique, nous nous borne- 
rons à des données générales sur la température, les 
vents, la pluie sous ses différentes formes, et les sai- 
sons. 

1» Température. — Par sa situation géographique, 
la Palestine appartient, au point de vue du climat, à la 
zone subtropicale; au solstice d'été le soleil n'est 
qu'à 10" sud du zénith. La température varie naturel- 
lement selon les différentes régions; la région voisine 
de la mer est plus chaude que celle de la montagne, 
moins chaude que celle du Ghôr. Les observations 
n'ont malheureusement pas été faites en même temps 
sur tous les points; nous manquons donc des éléments 
d'appréciation nécessaires pour établir un tableau com- 
paratif général. Les indications suivantes suffiront 
cependant pour donner une idée des rapports thermo- 
métriques qui existent entre les quatre régions de la 
Palestine. Prenons d'abord sur la côte les trois stations 
de Khaïfa, de Wilhelma (colonie située dans la plaine 
à l'est de Jaffa) et de Gaza. Les observations faites 
pour l'année 1904 nous offrent, pour les deux premiers 
mois, les plus froids ayec décembre, et les trois mois 
les plus chauds^ les résultats ci-joints. La température 
moyenne est prise à deux heures de l'après-midi; nous 
traduisons toujours en degrés centigrades. 



2025 



PALESTINE 



2026 





JiKVUR. 


FÉVRIER. 


m*. 


mmi. 


100T. 


Khaïfa ... 
Wilhelma. . . 


14,7 
144 
14,9 


18,8 
17,7 
16,9 


28,4 
27,8 
26,9 


31,0 
29,9 
29,4 


31,3 
30,4 
28,9 



Comparons maintenant les températures maxima et 
minima de ces trois points avec celle de Jérusalem 
pour les mêmes mois : 





JlSVIF.n. 


FÉVRIER. 


JOIJ. 


. JUILLET. 


10W. 




Max. 
20 


Min. 
3 


Max. 
25 


Min. 
6 


Max. 
32 


Min. 
17,5 


Max. 
34,5 


Min. 
23,5 


Max. 
38,5 


Min. 
19,6 


Khaïfa . . 


Wilhelma. 


20,5 


6 


25 


8 


31 


20 


36 


22,5 


34 


22,2 


Gaza . . . 


21,5 


5 


23 


8,5 


29 


19 


34,5 


21,2 


31 


22 


Jérusalem. 


10 


4 


14 


7 


27 


16 


29 


18 


29,7 


18,6 



Cf. M. Blancltenhorn, Wetterberichte aus Palàslina, 
dans les Mittheilungen de la Zeitschrïft des Deut. Pal. 
Vereins, 1904, p. 59-62; 1905, p. 29-32, où l'on trouve 
les tableaux complets; A. Datzi, Meteorological obser- 
vations taken in Jérusalem, dans le Palestine Explora- 
tion Fund, Quart. St., avril 1905, p. 151. Ces chiffres, 
qui naturellement varient selon les années sans s'écarter 
beaucoup d'une certaine moyenne, marquent bien les 
deux zones de la plaine et de la montagne. Dans la 
première, le voisinage de la mer atténue les extrêmes 
de la température. Dans la seconde, la moyenne, repré- 
sentée par celle de Jérusalem, est de 16"6 ou 17°2, 
par 8°5, moyenne de janvier, et 24"5, moyenne de 
juillet, mais avec des extrêmes qui descendent parfois 
de quelques degrés au-dessous du point de glace, quoique 
la gelée et la neige ne durent pas longtemps. Le climat 
du haut plateau est en somme tempéré; il n'en est pas 
de même de celui du Ghôr, où les rayons du soleil se 
concentrent dans une vallée que deux murailles de 
montagnes mettent à l'abri. des vents de l'ouest et de 
l'est. Les températures extrêmes peuvent aller de 0° 
à + 50°. La plus ordinaire, en hiver, est de + 15° 
à + 22°. La moyenne de l'année est d'environ 25". On 
y a vu, aux premiers jours de mai, le thermomètre 
à 43» à l'ombre; près d'Aïn-Djidi, au commencement 
de juillet, un soir après le coucher du soleil, on a con- 
staté 35°. Cf. Survey of West. Pal., Memoirs, t. m, 
p. 386. La moisson s'y fait beaucoup plus tôt que dans 
le reste de la Syrie, à la fin d'avril ou au commence- 
ment de mai. La chaleur diminue vers le nord. L'hiver 
est souvent froid sur les bords du lac de Tibériade; 
mais pendant la première moitié du mois de mai 1884, 
le thermomètre accusait une température moyenne 
de 25" à midi, de 22° avant et après. Cf. A. Frei, Beo- 
bachtungen vom See Genezareth, dans la Zeitschrift des 
deut. Pal. Vereins, t. ix, 1886, p. 100. Près du lac 
Hûléh, la différence entre la température du jour et 
celle de la nuit est souvent très sensible; ainsi le 
20 avril 1889, la chaleur diurne monta à 42° pour des- 
cendre, pendant la nuit, à + 26°. Cf. G. Schumacher, 
Von Tiberias zum Hûle-See, dans la Zeitschrift des 
deut. Palàstina-Vereins, t. xiu, 1890, p. 75. Le plateau 
à l'est du Jourdain est également sujet à de forles va- 
riations; les écarts y sont même plus brusques qu'à 
l'ouest, la mer étant trop loin pour régulariser la tem- 
pérature. La nuit, le thermomètre descend souvent au- 
dessous du point de glace, et le lendemain il monte à 
près de 27°. Les extrêmes vont de — 3° à + 35°. 
Cependant le climat le plus ordinaire de l'hiver est 
j e ^. 8o à + 16°, au moins dans la partie la plus mé- 



ridionale. La neige persiste souvent plusieurs jours. 
On voit, d'après ce que nous venons de dire, que la 
Palestine a un climat de contraste, par zones méri- 
diennes alternantes. Pour la comparaison avec les autres 
pays, on peut voir les cartes d'isothermes jjans A. 
Angot, Traité élémentaire de météorologie, in-8°, 
Paris, 1899, p. 56, 62, 64. 

2° Vents. — Les différences de température à la sur- 
face du globe et dans l'atmosphère sont, on le sait, la 
cause première des vents. Or en Palestine, plus qu'en 
d'autres pays, le vent exerce une influence immédiate 
sur la santé et le bien-être des habitants, comme sur 
la fertilité du sol. Celui du nord apporte le froid, celui 
du sud la chaleur, celui de l'est la sécheresse, celui de 
l'ouest l'humidité; ceux qui viennent des points inter- 
médiaires participent en proportion à ces différentes 
qualités. Pendant les mois d'été, ce sont les vents du 
nord et du nord-ouest qui dominent; n'amenant jamais 
de pluie, ils sont rafraîchissants, modérément secs, ne 
sont accompagnés d'aucun nuage, si ce n'est parfois de 
quelques cirrus ou cumulus. Ceux du nord, pendant ' 
l'hiver, sont d'un froid vif, secs ou humides selon 
qu'ils soufflent du nord-est ou du nord-ouest; quand 
ils arrivent de cette dernière direction, ils entraînent 
souvent des masses de cumulus, dont les apparences 
sont vraiment belles sur le bleu profond du ciel. 
Cependant, frais et vifs, ils sont redoutés, même en 
été, spécialement des habitants de la plaine maritime, 
en raison des maux de gorge, fièvres et dysenteries 
qu'ils produisent. Lorsque, durant l'été, il y a peu de 
vent pendant plusieurs jours, la chaleur devient très 
grande et l!air presque aussi sec, aussi dépourvu d'ozone 
que dans le sirocco, même si le petit souffle vient du 
nord. Ordinairement ce défaut est corrigé par une 
forte brise qui s'élève de l'ouest, se fait sentir vers 9 ou 
10 heures du matin à Jaffa et le long de la côte, mais 
n'atteint habituellement Jérusalem et la montagne que 
vers 2 ou 3 heures de l'après-midi, quelquefois plus tard. 
Elle baisse après le coucher du soleil, mais pour re- 
prendre ensuite et continuer une grande partie de la 
nuit, rafraîchissant, avec l'abondance d'humidité dont 
elle est chargée, le pays brûlé par la chaleur du jour. 11 
est facile de comprendre tout ce qu'elle a de bienfaisant ; 
lorsqu'elle ne souffle pas, ou qu'elle souffle très dou- 
cement, ou ne se relève pas après le calme qui suit le 
coucher du soleil, les nuits sont chaudes, déprimantes, 
sans rosée, et les matinées sans fraîcheur. Ce vent de 
mer constitue une des principales différences entre le 
climat de la montagne et celui de la plaine côtière ; il 
arrive ainsi que, dans les grandes chaleurs, Jérusalem, 
sous le vent d'est, est d'un séjour presque insuppor- 
table, alors que Jaffa jouit d'une fraîcheur relative. 
Lorsqu'il rencontre un courant d'air chaud, sec et 
lourd venant de l'est, la lutte entre les deux est inté- 
ressante à étudier. Parfois il se produit des tourbillons, 
des nuages et des colonnes de poussière, et il faut au 
premier plus d'une heure pour triompher du second. 
D'autres fois, l'arrivée ou la prédominance du vent 
d'ouest a lieu sans trouble et ne se manifeste que par 
ses effets. D'après les observations faites à Jérusalem, 
ce vent, quoique plus fréquent en juillet et août, est 
plus également réparti que les autres sur les différents 
mois. 

Les vents de l'est sont communs en automne, en 
hiver, au printemps et au mois de mai; ils sont rares 
' en été. Sur une moyenne de seize ans, on a calculé 
qu'ils ont soufflé, de juin à septembre inclusivement, 
trois jours par mois, et, d'octobre à mai inclusivement, 
onze jours par mois. Mais il n'est pas extraordinaire, 
pendant les chaleurs, qu'un vent d'est s'élève durant 
trois ou quatre heures au milieu du jour, et que le soir 
il cède la place à un vent d'ouest, qui continue jusqu'à 
10 ou 11 heures du lendemain. En hiver, il est accùm- 



2027 



PALESTINE 



2028 



pagné de la clarté du 'ciel bleu, avec quelques cir- 
rus; il est sec, stimulant, et, s'il n'est pas trop fort, 
vraiment agréable; dans les mois chauds au contraire, 
sa sécheresse brûlante, la brunie et la poussière qu'il 
entraîne, le rendent désagréable et énervant. C'est au 
vent du sud-est qu'on applique le nom de sirocco- Le 
ciel peut alors être sans nuage ou avec quelques cirrus 
et stratus; la température est élevée, l'air privé d'ozone 
et extrêmement sec. Il peut y avoir du calme, mais 
quelquefois le vent s'élève et tourne entre est, sud-est 
et sud. Plus il tend vers le sud, plus le ciel s'assombrit 
et l'atmosphère devient pénible; plus il tend vers l'est, 
plus le ciel s'éclaircit et l'air se rafraîchit. Aux plus 
mauvais jours, le sirocco produit de véritables troubles 
dans l'organisme humain, maux de gorge, maux de 
tête avec sentiment de pression autour des tempes, 
lassitude morale et physique, oppression, accélération 
du pouls, fièvre, etc. Son action se fait également sen- 
- tir sur la végétation qu'il dessèche, sur le jeune blé 
qu'il flétrit. Peu violent d'ordinaire, il engendre quel- 
quefois des tourbillons de vent et de fine poussière; 
l'air chaud semble sortir d'un four, des nuages de sable 
volent dans toutes les directions. Ce sont les vents de 
l'ouest et du sud-ouest qui, en hiver, amènent la pluie, 
dont nous montrerons tout à l'heure l'importance. 
A ces détails que nous empruntons au rapport de 
Th. Chaplin, Pal. Eœplor. Fund, Quart. St., 1883, 
p. 14-16, il faudrait ajouter une étude comparative de 
la force et de la direction des vents, comme aussi des 
variations barométriques sur les différents points de 
la Palestine. Les données sont encore insuffisantes; on 
en trouvera certains éléments, en ce qui concerne Gaza, 
Wilhelma, Khaïfa, Jérusalem, pour l'année 1904, dans 
les Mittheihtngen de la Zeitschrifl des Deut. Pal. Ver., 
1804, p. 59-62, 78-80; 1905, p. -29-32, 45-48, et le Pal. 
Expl. Fund, Quart. St., 1905, p. 151. Il nous suffit 
d'indiquer, d'après Th. Chaplin, Pal. Expl. Fund, 
Quart. St., 1883, p. 39, table xv, le nombre de jours 
d'une année pendant lesquels a prédominé chacun 
des vents dans une moyenne de seize ans : N. 36 j., 
N.-E. 33, E. 40, S.-E. 29, S. 12, S.-O. 46, O; 55, 
N.-O. 114. On voit que ce sont les vents d'ouest qui 
dominent, et que ceux du sud ont la moindre action. 
Les vents du nord-ouest se font surtout sentir pen- 
dant tes mois les plus chauds, de mai à septembre. 
Ceux du sud-ouest et de l'ouest correspondent aux 
périodes piuvieuses; c'est ainsi que sur 506 de ces 
périodes, de 1860 à 1882, ie vent sud-ouest compte pour 
238 et l'ouest pour 156. Cf. Pal. Expl. Fund, 1883, 
p. 29, table rv: 

3° Pluie. — Les agents atmosphériques que nous ve- 
nons d'étudier, température, pression de l'air, vents, 
contribuent à la formation de la pluie, qui a une in- 
fluence capitale sur fa richesse du pays. Cherchons 
d abord à nous rendre compte, d'après tes observations 
récentes, des différences qui existent, sous ce rapport, 
entre les diverses régions de la Palestine. Le tableau 
suivant nous le fera saisir, en nous présentant la 
moyenne annuelle de la quantité d'eau tombée dans les 
principaies stations. Les hauteurs données en miifi- 
mètres comprennent toute f'eau tombée, sous quelque 
forme que ce soit, ce que les Allemands appellent 
Niederschlag, « précipitation. » 



COTE. 


MONTAGNE. 


TiUÉE tC JOCRWIS. 


mm 

Gaza . . 447,4 
Jaffa . . 558,7 
Sarona . 516,8 
Khaïfa . 603,8 
Carmel . 611,3 


mm 
Bethléhem. . 592,8 
Jérusalem II . 547;2 
Jérusalem I . 661,8 
•rphelinat syrien . 579,4 
Nazareth. . . 709,3 


mm 
Tibériade . 432,9 



Viennent donc en premier lieu avec les plus gros 
chiffres deux points de la montagne : le plus septen- 
trional, Nazareth, et Jérusalem I (station située à l'in- 
térieur de la ville, au sud-ouest, à l'altitude de 
762 mètres). Viennent ensuite les deux stations de la 
côte le plus au nord : Carmel (à l'altitude de 297 mètres) 
et Khaïfa ; puis, dans la montagne : Bethléhem, l'or- 
phelinat syrien (en dehors de la ville, au nord-ouest, à 
l'altitude de 810 mètres) et Jérusalem II (en dehors de 
la ville, au sud-ouest, à l'altitude de 750 mètres). Cette 
dernière est surpassée par Jaffa, mais, sur la même côte, 
Sarona et Gaza ont des quantités bien inférieures. Enfin 
Tibériade occupe le dernier rang, de sorte que, entre 
les deux chiffres extrêmes, il y a une différence de 
276™ m 4, et pourtant Nazareth et Tibériade sont bien 
rapprochées l'une de l'autre. Si l'on veut établir une 
proportion qui marque nettement les différences entre 
les diverses stations, il suffît de supposer que Tibériade 
égaie 1. et l'on aura : 



CO TE. 



Gaza. . 
Sarona. 
Jaffa. . 
Khaïfa. 
Carmel. 



mm 
1,03 
1,19 
1,29 
1,39 
1,41 



MONTAGNE. 



Jérusalem II 
Orphelinat sjrien 
Bethléhem . 
Jérusalem I. 
Nazareth . ■ 



mm 
1,26 
1,34 
1,37 
1,53 
1,64 



VILLE! M JOURMIS. 



Tibériade. 



On est sans doute étonné de constater des chiffres si 
différents pour les trois stations de Jérusalem, distantes 
seulement de 1 et 2 kiiomètres 1/2. Si la disposition et 
la nature des instruments n'y sont pour rien, il faut 
chercher l'explication de ce fait dans les conditions 
locales, orographiques ou autres. Quoi qu'il en soit de 
ce détail, nous avons dans l'ensemble le phénomène 
des pluies diles de relief, c'est-à-dire causées par l'in- 
fluence des reliefs du sol. Quand un courant d'air hu- 
mide vient heurter une chaîne de montagnes, il est 
forcé, de s'élever; de là production d'un mouvement 
ascendant focal, d'une détente dej'air et par suite d'un 
refroidissement qui, amène la pluie. Le plus souvent, 
lorsque la chaîne n'est pas très haute, cette ascension 
locale ne suffit pas à elle seule pour provoquer la chute 
de la pluie, mais elle agit comme un facteur important 
pour augmenter la quantité d'éau qui tombe sur le flanc 
de la montagne exposé au vent. Après avoir traversé la 
chaîne de hauteurs, l'air, débarrassé d'une certaine 
quantité d'eau, devient plus sec, et, par suite, derrière 
le maximum de pluie doit se trouver un minimum. C'est 
ainsi, par exemple, que derrière le maximum des mon- 
tagnes d'Auvergne se trouve le minimum de la vallée de 
l'Allier. Les pluies de relief produisent donc, non pas 
tant une augmentation de fa quantité totafe de pluie qui 
tombe sur l'ensemble de la région, qu'une irrégularité 
dans la distribution de cette pluie. Cf. A. Angot, Traité 
élémentaire demétéorologie, p. 224, 226. C'est pour cela 
qu'en Palestine, d'une façon générale, le maximum de 
précipitation se trouve dans la chaîne montagneuse, 
et le minimum dans le Ghôr; entre les deux se place 
le pays côtier, dont la partie septentrionale cependant, 
en raison sans doute de la montagne du Carmel, dépasse 
en quantité certains points de fa ligne de faîte. Nous 
remarquerons aussi une décroissance sensible du nord 
au sud (à part les deux stations voisines de Jérusalem) ; 
elle existe dans la vallée du Jourdain comme dans les 
autres régions, d'après quelques observations faites 
pendant l'hiver 1905-1906. Cf. Mittheilungen de la Zeit- 
schrift des Deut. Pal. Ver., 1907, p. 5-6. 

La pluie se répartit dans les différents mois de 
l'année, et dans les diverses stations, de la manière 
suivante. Juillet en est complètement exempt; on peut 



2029 



PALESTINE 



2030 



en dire autant de juin et août, les quantités relevées 
étant insignifiantes. Septembre ne compte que quelques 
millimètres, et encore pas dans toutes les stations. La 
saison pluvieuse va donc, en somme, d'octobre à mai. 
Partout la quantité d'eau augmente de mois en mois 
jusqu'à janvier, puis diminue de même jusqu'à la pé- 
riode de sécheresse. Janvier est le mois le plus plu- 
vieux; viennent ensuite décembre et février. Il est à 
remarquer qu'en octobre et novembre la région mon- 
tagneuse a relativement moins de pluie que la côte 
méditerranéenne et Tibériade; c'est le contraire au 
printemps, mars, avril et mai. La moyenne des jours 
de pluie pour chaque station donne la proportion sui- 
vante : Gaza, 26,8; Tibériade, 49,6; Jérusalem n, 50,1; 
Orphelinat syrien, 50,7 ; Khaïfa, 53,9; Jérusalem i, 56,1 ; 
Sarona et Carmel, 58,5, Bethléhem, 63; Nazareth, 65,1. 
En comparant avec les tableaux précédents, l'on verra 
que la quantité d'eau n'est pas tout à fait proportion- 
nelle au nombre des jours. Voir, pour les détails de 
cette étude, H. Hilderscheid, Die Niederschlagsver- 
hàltnisse Palâstinas in alter und neuer Zeit, dans la 
Zeitschrift des Deut. Pal.-Ver., t. xxv, 1902, p. 5-82, 
avec 40 tableaux et 4 graphiques. 

Quels rapports y a-t-il entre la chute de la pluie et 
la direction des vents? Nous ne pouvons nous appuyer 
ici que sur les expériences faites à Jérusalem, de 1860 
à 1882. Tous les vents, dans la saison, peuvent amener 
de l'eau, mais les pluies abondantes viennent presque 
invariablement d'un des vents de l'ouest. Ainsi, pen- 
dant les 506 périodes pluvieuses des 22 ans, le vent a 
soufflé du nord 8 fois, du N.-E., 14, de l'E. 12, du 
S.-E., 10, du S. 19, du S.-O. 238, de l'O. 156 et du 
N.-O. 49. C'est donc la Méditerranée qui est la princi- 
pale source de pluie pour la Palestine. Cf. Pal. Expl. 
Fund, Quart. St., 1883, p. 10, table iv. Les pays qui 
avoisinent celle-ci à l'est et au sud, c'est-à-dire le 
désert de Syrie et celui du Sinaï, sont à moins de 
250 millimètres comme hauteur moyenne de pluie. — 
Voir ce que nous ajoutons plus loin à propos des 
-Saison*. 

4° Neige. — Le plus souvent la neige ne tombe qu'en 
petite quantité et elle fond bientôt, mais on en voit 
parfois de vraies tempêtes, et elle peut alors rester dans 
le creux des collines pendant deux ou trois semaines. 
Dans la Transjordane, elle recouvre le plateau tout 
«ntier environ deux années sur trois, et elle se main- 
tient quelquefois au delà d'une semaine, surtout dans 
les points dont l'altitude est plus considérable. Les 
derniers jours de décembre, les mois de janvier et de 
février, et la première partie de mars sont les périodes 
neigeuses. Le 13 mars 1893, nous avons vu nous-même 
tomber de la neige et de la grêle à Jérusalem. 

5° Rosée. — Dans le beau temps de l'hiver, la rosée 
se forme en Palestine sous l'influence des mêmes causes 
qu'en Europe. Mais, dans les mois d'été, lorsque tout 
le pays est aride et que l'eau manque pour Pévapora- 
tion, les rosées abondantes sont entièrement apportées 
par les vents d'ouest. Si la brise de mer ne s'élève pas 
vers le soir, ou si elle est très légère, il n'y a pas de 
rosée. Les fortes rosées d'été diffèrent de celle qui se 
produit ordinairement, en ce sens qu'elles 'sont en 
grande partie précipitées dans l'air sous forme de 
brouillard avant de se déposer sur la lerre.'Xies soirs 
d'été, on voit ordinairement quelques nuages se lever 
à l'ouest, aussitôt après le coucher du soleil ; plus tard 
leur nombre augmente, et ils volent assez bas, souvent 
avec une certaine vitesse. Vers minuit, ils se dévelop- 
pent et s'abaissent encore, effleurant le sommet des 
collines, où ils déposent une bonne partie de leur 
humidité. Mais il faut pour cela que le vent d'ouest 
continue à souffler pendant la nuit; s'il vient à tomber 
ou à tourner du coté de l'est, le résultat de l'évapora- 
tion disparaît. La rosée est le plus abondante au prin- 



temps, en septembre et en octobre, excepté durant le 
sirocco, où il n'y en a pas. Après une nuit où elle a été 
très forte, le ciel est, au point du jour, obscurci par 
un épais brouillard; le sol, les plantes, les pierres et 
en particulier les tentes sont humides comme si la 
pluie avait tombé. Au lever du soleil, le brouillard 
commence à s'éclaircir, et il se forme de larges masses 
de nuages floconneux entre lesquelles brille çà et là le 
ciel bleu. Elles deviennent plus petites et plus denses 
lorsque la chaleur augmente, produisant de beaux 
cumulus, qui disparaissent à leur tour. Fréquem- 
ment le ciel est entièrement pur vers neuf heures du 
matin. 

6° Saisons. — D'après ce que nous venons de dire, 
la Palestine ne connaît guère que deux saisons, celle 
des pluies et celle de la sécheresse. La saison pluvieuse 
se divise elle-même en trois périodes. La première est 
celle de la pluie hâtive ou automnale, qui humecte la 
terre, la dispose à recevoir la semence et prépare le 
labour. La seconde est celle des abondantes pluies 
d'hiver, qui saturent le sol, remplissent les bassins et 
les citernes et alimentent les sources. La troisième est 
celle de la pluie tardive ou printanière, qui favorise le 
développement des épis, rend le froment et l'orge 
capables de supporter les premières chaleurs de l'été, 
et sans laquelle la moisson est compromise. Durant 
cette saison, l'eau tombe un ou plusieurs jours, suivis 
d'un ou plusieurs jours de beau temps, qui, en hiver 
et au début du printemps, comptent parmi les plus 
délicieux que puisse offrir le climat de Palestine. L'in- 
suffisance de la pluie entraîne invariablement celle de 
la moisson; mais il ne s'ensuit pas que la surabondance 
de l'une amène la surabondance de l'autre. Les condi- 
tions les plus favorables pour une bonne récolte sont 
une généreuse pluie d'hiver, tombant en plusieurs 
jours, avec des intervalles non prolongés de beau temps, 
et une large provision d'eau printanière. L'époque de 
la moisson varie; dans les contrées basses, celle du 
froment a lieu en mai; dans les parties hautes, durant 
la première quinzaine de juin. Fréquemment l'orge se 
moissonne déjà en avril. La saison la plus agréable est 
le printemps, qui dure du milieu de mars au milieu de 
mai. L'anière-saison, en novembre, ne manque pas de 
charme, mais la nature est alors presque complètement 
morte. Le mois de décembre est orageux, ceux de jan- 
vier et février sont froids et pluvieux. La sécheresse 
commence avec les vents d'été. Cf. Pal. Expl. Fund, 
Quart. St., 1883, p. 9, 11. — Pour les rapports de ces 
différents éléments, vents, pluie, neige, etc. avec la 
Bible, voir les articles spéciaux qui leur sont consacrés 
dans le Dictionnaire, et H. Hilderscheid, Die 2Vie- 
derschlagsverhàltnisse Palâstinas, dans la Zeitschrift 
des Deut. Pal. Ver., 1902, p. 82-97. 

7° Orages et tremblements de terre. — Les orages 
n'ont pas lieu, comme dans nos pays, pendant les 
grandes chaleurs de l'été, mais en hiver, c'est-à-dire 
durant la saison des pluies. L'Ancien Testament, 
I Reg., xn, 17, les présente comme un phénomène 
extraordinaire au temps de la moisson. On en signale 
cependant dans les premiers jours de mai. Cf. E. Robin- 
son, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, 
t. i, p. 430. Lynch, Narrative of tfie United States' 
expédition to the Dead Sea, Londres, 1849, p. 352, 
décrit ainsi celui dont il fut témoin, à la même époque 
de l'année, dans une vallée sauvage au sud-est de la 
mer Morte : « Une nuée sombre et menaçante enveloppa 
soudain les sommets de la montagne; les éclairs bril- 
laient à travers sans interruption, pendant que le fracas 
du tonnerre était répercuté d'un côté à l'autre de l'épou- 
vantable abîme. Entre ses éclats, nous entendîmes tout 
à coup le bruit d'un mugissement continu; c'était le 
torrent formé par le nuage pluvieux qui se précipitait 
en longue ligne d'écume en bas de la pente escarpée, 



2031 



PALESTINE 



2032 



entraînant d'énormes fragments de roches qui, en 
s'entre-choquant, résonnaient comme le tonnerre. Dans 
un endroit où le torrent faisait ses sauts les plus fu- 
rieux, un palmier, courbé par le vent, agitait étrange- 
ment ses branches; on aurait dit le génie du lieu pleu- 
rant la dévastation de sa retraite favorite. » Cette 
description représente bien, avec le fracas des orages, 
la chute des torrents dans les ravins de la montagne. 
Voir Tonnerre. 

A ces perturbations atmosphériques nous pouvons 
joindre les perturbations telluriques assez fréquentes 
dans la Palestine, qui, nous l'avons vu, est en partie 
volcanique. L'histoire a consigné un grand nombre de 
tremblements de terre qui ont atteint la Syrie et la 
région palestinienne. Pour nous borner à cette dernière 
contrée, signalons celui de l'an 31 av. J.-C, qui se fit 
sentir en Cœlé-Syrie, dans la vallée du Jourdain, dans 
la Judée; ceux de 1201, 1204, 1212, 1339, 1402, 1546, 
1666, 1759 après J.-C, qui ébranlèrent Alep, le lac de 
Tibériade, Safed, Damas, la Cœlé-Syrie, Saint Jean 
d'Acre. Un des plus terribles fut celui de 1837, qui 
détruisit une partie de la ville de Safed et ensevelit 
sous les débris de leurs demeures près de six mille 
habitants; il étendit son action jusqu'à Tibériade, Jé- 
richo et la mer Morte. De 1860 à 1882, Jérusalem en a 
ressenti douze : 22 avril et 24 septembre 1863, 24 mars 
1864, 24 janvier, 19 février et 7 octobre 1868, 24 juin 
1870, 29 juin 1873, 3 mars 1874, 15 février et 14 mars 
1877, 31 décembre 1879. Il est à remarquer que, sur ce 
nombre, neuf ont eu lieu pendant la saison des pluies, 
c'est-à-dire : un en octobre, un en décembre, un en 
janvier, deux en février, trois en mars et un en avril; 
quatre pendant la neige, presque tous par un vent 
d'ouest. On en a également signalé plusieurs en ces der- 
nières années : le 29 juin 1896, Jérusalem, Khaïfa, Ti- 
bériade, Safed; le 5 janvier 1900, Jérusalem, Khaïfa, 
Nazareth; le 29-30 mars et le 19 décembre 1903, Gaza, 
Jaffa, Sarona, Latrûn, Jérusalem, Jéricho, Naplouse, 
Carmel, Nazareth. — Cf. Th. Chaplin, Observations on 
the climate of Jérusalem, dans le Pal. Expl. Fund, 
Quart. St., 1883, p. 11, 32, table vin; M. Blanckenhorn, 
Ueber die letzten Erdbeben in Palàstina und die Erfor- 
schung etwaiger kïmftiger, dans la Zeitschrift des deut. 
Pal Ver., t. xxvm, 1905, p. 206-221; G. Arvanitakis, 
Essai d'une statistique des tremblements de terre en 
Palestine et en Syrie (communication à l'Institut égyp- 
tien au Caire, séance du 2 mars 1903). 

3. Fertilité. — La Palestine est décrite dans la Bible 
comme un pays d'une extrême fertilité, comme « une 
terre bonne, riche en ruisseaux, en fontaines, en sources 
d'eaux qui jaillissent dans la plaine et la montagne; 
une terre qui produit le blé, l'orge, la vigne, le figuier, 
le grenadier, l'huile et le miel ». Deut., vin, 7, 8. Et 
cependant le voyageur qui la parcourt de nos jours a 
l'impression d'une contrée dénudée, pierreuse,desséchée, 
dont la désolation actuelle, comparée à son antique 
richesse, semblerait presque un signe de malédiction. 
Disons tout de suite qu'on juge trop souvent le pays 
entier d'après certaines régions plus fréquemment 
visitées, comme la Judée, et d'après l'aspect qu'il pré- 
sente dans certaines saisons, où, faute de pluie, la na- 
ture commence à mourir ou est déjà morte. Alors les 
plaines sont partout arides, les montagnes ne présentent 
aux rayons du soleil qui les brûle que les flancs nus et 
noircis de leurs roches calcaires. A part quelques vigno- 
bles et les bouquets d'arbres qui entourent les villages, 
rien, pas un brin d'herbe verte ne réjouit la vue. 
Mais viennent les pluies, et la campagne revêt sa plus 
brillante parure; vallées et plateaux se couvrent d'une 
verdure émaillée de lys, de jacinthes, de tulipes, d'ané- 
mones, de renoncules et de mille autres fleurs; lorsque 
la moisson se dessine et grandit, il y a encore de jolis 
coins en Palestine. Pour avoir une idée de l'ancienne 



fertilité, il suffit de voir des plaines comme celles d'Es- 
drelon et du Haurân, certaines parties de la plaine cô- 
tière, des jardins comme ceux de Jaffa (fig. 538), même 
certaines vallées de la montagne. Partout où la main de 
l'homme remue le vieux sol, elle le ramène à sa première 
vigueur. Nous ne nions pas pour cela les changements 
qui se sont produits et que l'on constate actuellement 
dans l'antique terre d'Israël. Si elle a gardé foncière- 
ment sa richesse, il n'en est pas moins vrai qu'elle est 
loin d'avoir aujourd'hui l'éclat d'autrefois et qu'elle n'a 
que trop l'air d'un pays désolé. 

Quelles sont les causes de cette décadence? Les uns 
l'attribuent à un changement de climat, et principale- 
ment à la diminution des pluies, amenée par le déboi- 
sement du pays, d'où, par voie de conséquence, l'appau- 
vrissement de l'humus. Cf. E. Hull, Meinoir on the 
Geology and Geograpky of Arabia Petrsea, Pales- 
tine, p. 123-127; O. Fraas, Aus dem Orient, p. 196 sq. 
D'autres pensent que rien n'a changé essentiellement 
dans la Palestine, sinon les conditions politiques et 
économiques, qui ont diminué la maitf-d'œuvre et 
favorisé l'abandon de la culture. Cf. C. R. Conder, 
Tent Work in Palestine, Londres, 1889, p. 364-374; 
Ankel, Grundxûge der Landesnatur des Westjor- 
danlandes, Frankfurt-a.-M., 1887, p. 117. Voyons ce 
qu'il en est réellement, en comparant l'état ancien et 
l'état actuel du pays. Ne convient-il point d'abord de 
ramener à ses justes proportions l'enthousiasme des 
Hébreux pour la Terre après laquelle ils avaient si 
longtemps soupiré? Au sortir du désert, dans lequel 
ils avaient enduré bien des privations, elle devait, en 
effet, leur paraître un jardin de délices. Mais, à côté 
des endroits fertiles, champs, vallées, pâturages, n'y 
avait-il pas, comme aujourd'hui, « une terre aride, sté- 
rile et sans eau, » Ps. lxii (lxiii), 2, en un mot 
le « désert » ? La région désolée où David mena sa vie 
errante, le désert de Juda, était-il bien différent de la 
contrée actuelle, c'est-à-dire le versant oriental de la 
montagne judéenne, en face de la mer Morte? Nous ne 
le croyons pas. Le Négéb n'était-il pas « lé [pays] des- 
séché » ? Sans doute le « désert » n'était pas ce que le 
terme français représente ordinairement à notre ima- 
gination, une sorte de Sahara, et le « steppe j> ou la 
« lande » auxquels' il répond plutôt ont pu perdre 
encore, depuis les temps anciens, de leur maigre végé- 
tation. Voir Désert, t. H, col. 1387. Mais ce n'est là 
qu'une question de degrés. Sans doute aussi le Négéb, 
à en juger d'après les ruines qu'on y rencontre, eut 
autrefois des centres importants, avec des champs cul- 
tivés et des vignes dont les terrasses se remarquent 
encore sur les pentes des montagnes. Mais l'état actuel 
provient de l'abandon dans lequel a été laissé le dis- 
trict, qui ne fut jamais, du reste, qu'un pays de transi- 
tion entre les solitudes sinaïtiques et les riches contrées 
de Chanaan. Voir Négeb, col. 1557. Cette dernière 
cause, l'abandon, peut s'appliquer aux changements 
survenus dans les différentes parties du territoire. 

Est-il nécessaire de recourir au déboisement pour 
résoudre la question? Nous ne nions pas l'influence 
des arbres et des forêts sur l'humidité favorable à la 
fécondité de la terre. Sans parler de la vapeur d'eau 
qui se dégage de leurs masses, il est certain que la 
pluie, en tombant d'abord sur la voûte de feuillage, 
descend moins précipitamment sur le sol, et le pénètre 
doucement, au lieu de le raviner, comme lorsqu'elle le 
frappe directement par les grandes averses. Ensuite, 
les feuilles dont l'automne jonche la terre, mouillées 
par les pluies de l'hiver et du printemps, forment, en 
se décomposant, une nouvelle couche d'humus ou en- 
graissent les couches anciennes. Mais les forêts étaient- 
elles donc si nombreuses autrefois en Palestine? Tout 
ce que nous pouvons dire, c'est que la Bible en cite 
très peu; à part les forêts de chênes de Basan, Is., h, 



2033 



PALESTINE 



2034 



13; Ezech., xxvn, 6, etc., elle mentionne celle d'Éphraïm 
probablement à l'est du Jourdain, Il Reg., xvm, 6, 8. 
17, puis celle de Haret, sur le territoire de Juda, I Reg. 
xxu, 5, celle du désert de Ziph, I Reg., xxm, 15-19, 
une autre qui se trouvait entre Béthel et Jéricho 
IV Reg., h, 24, et la forêt du midi. Ezech., xx, 46, 47. 
D'ailleurs le mot ya'ar en hébreu n'a pas toute 
l'étendue de notre terme « forêt »; il correspond plus 
souvent à notre « bois ». Voir Forêt, t. n, col. 2307. Il 
est donc juste ici encore de ne rien exagérer; tout en 
reconnaissant, d'un côté, que la main de l'homme a 



d'eau que Jérusalem, qui est pourtant à une altitude 
supérieure, et l'on explique ce fait par la situation des 
deux villes, la première étant dans un pays boisé, la 
seconde au contraire dans un pays absolument dénudé. 
Cf. L. Anderlind, Der Einfluss der Gebirgswaldwpgen 
im nôrdlichen Palàstina auf die Vermehrung der 
wâsserigen Niederschlàge daselbst, dans la Zeitschrift 
dos deutschen Palâstina-Vereins, t. vm, 1885, p. 101- 
116. La raison peut être valable; il est possible que 
la pluie printanière fût plus abondante autrefois, 
beaucoup de nuages légers qui venaient de l'ouest 




538. — Jardins de Jaffa. D'après une photographie. 



détruit sans replanter, et que la dent des animaux a 
arrêté l'essor des pousses naturelles, on peut croire, de 
l'autre, que la Palestine, au moins depuis les Hébreux, 
n'a jamais été un pays très boisé. Si la dénudation a eu 
de pernicieux effets, elle ne saurait être l'unique cause 
de la désolation actuelle. 

La pluie, d'ailleurs, était-elle plus abondante autrefois 
qu'aujourd'hui? Il serait difficile de l'affirmer. /D'après 
la Bible et le Talmud, les saisons paraissent bien les 
mêmes; le manque d'eau se faisait sentir alors comme 
maintenant. Il suffit de voir l'immense quantité de ci- 
ternes, de réservoirs que les anciens habitants ont 
creusés, pour comprendre avec quel soin jaloux ils 
emmagasinaient, comme ceux d'aujourd'hui, l'eau que 
leur envoyait le ciel. On peut se rappeler aussi com- 
ment les tribus pastorales se disputaient les puits. Le 
régime des vents n'a pas changé. Il est vrai, comme 
nous l'avons vu plus haut, que Nazareth reçoit plus 



étant arrêtés par les bois et arrosant le pays haut. 
Mais ici encore il y a une question de dégrés et non- 
pas un changement essentiel dans le climat. 

Sans donc méconnaître complètement l'influence de- 
ces causes, il faut en chercher d'autres, et elles se 
trouvent dans l'état d'abandon auquel le pays est livré 
depuis longtemps, état qui lui-même a ses causes. Que 
sont devenus les aqueducs qui jadis, en différents 
endroits, portaient l'eau et la fertilité? Leurs débris, 
marquent encore le chemin qu'ils suivaient, comme 
certains squelettes d'animaux marquent la route du. 
désert. Les canaux destinés à régulariser les cours 
d'eau ont été détruits et sont souvent remplacés par^ 
des marais malsains. Les murs qui, sur le flanc des 
collines, retenaient les terrasses, sont en partie dé- 
molis. C'est ainsi que les environs de Jéricho qui, du 
temps d'Hérode, étaient une sorte de Seïov -/ûptov, ou 
« domaine des dieux », pour employer l'expression de> 



2035 



PALESTINE 



2036 



Josèphe, ont perdu leur antique splendeur, et l'on en 
peut dire autant d'une foule d'autres lieux. Mais si la 
Palestine était autrefois beaucoup mieux cultivée, si les 
limites de la culture s'étendaient bien au delà de celles 
d'aujourd'hui, jusqu'en plein désert, si la contrée mé- 
ridionale, pierreuse actuellement, était couverte de 
terrasses comme celles de la Ligurie et de la Provence, 
n'est-ce pas que le pays était quatre ou cinq fois plus 
peuplé que maintenant, avec des villages et des villes 
llorissantes dans des régions presque désertes de nos 
jours? Et puis, au lieu de l'incurie gouvernementale 
qui règne depuis longtemps en cette malheureuse ré- 
gion, qu'on se rappelle le soin avec lequel les anciens 
cherchaient à y développer l'industrie et la prospérité. 
Les exactions d'aujourd'hui, jointes peut-être à l'indo- 
lence naturelle des habitants, n'ont pu que contribuer 
à l'appauvrissement d'une terre naturellement fertile. 
Concluons donc que le vieux sol biblique, malgré sa 
déchéance, n'a rien ou presque rien perdu de son fonds 
de richesse, et que, sous l'effort d'une industrieuse 
activité, il récompenserait encore abondamment le tra- 
vail de l'homme. C'est ce qu'ont bien compris les nom- 
breuses colonies étrangères qui sont venues lui rede- 
mander le lait et le miel d'autrefois. 

Outre les ouvrages que nous avons cités au cours de 
cette étude sur le climat et la fertilité de la Palestine, 
on peut voir encore : J. Glaisher, On the fall of rain 
at Jérusalem in the 3H years from i86i to 1892, dans 
le Palestine Exploration Fund, Quart, St., 1894, 
p. 39-44; Zumoffen, La météorologie de la Palestine et 
de la Syrie, dans le Bulletin de [la Société de géo- 
graphie, Paris, 1899, t. xx, p. 344 sq. et 462 sq.; G. 
Arvanitakis, Sur un argument d'Arago, à propos d'un 
calcul pour déterminer la « température moyenne de 
la Palestine », et Essai sur le climat de Jérusalem, 
deux communications faites à l'Institut égyptien au 
Caire, le 2 mars et le 29 décembre 1903, tirages à part 
■de 6 et 64 pages; C. R. Gonder, The fertility of an- 
cient Palestine, dans le Pal, Expl. Fund, Quart. St., 
1876, p. 120-132. 

VI. FLORE. — La végétation palestinienne est natu- 
rellement en rapport avec les conditions climatériques 
que nous venons de décrire. La lumière éclatante du 
soleil contribue elle-même à embellir à nos yeux les 
arbres et les plantes, dont les teintes variées se déta- 
chent d'une manière plus tranchée grâce à la pureté 
de l'atmosphère. D'autre part, ce qui détermine le ré- 
gime de la vie végétale dans ce domaine méditerranéen, 
ce n'est pas seulement la température plus élevée, c'est 
la marche des saisons différente de celle du nord de 
l'Europe. Tandis que, dans le nord, les phases de la vé- 
gétation coïncident avec la période plus chaude de 
l'année, dans le midi les plantes se développent au 
printemps, demeurent stationnaires tant qu'elles sont 
privées d'humidité, et se ravivent de nouveau sous l'ac- 
.tion des pluies d'automne. Enfin l'action de la chaleur 
sur les végétaux se manifeste moins par l'augmentation 
de la température estivale que par la diminution du 
froid hivernal. Après avoir étudié les origines du pays 
biblique au point de vue géologique, les analogies de 
ses premiers êtres vivants avec ceux des autres contrées 
de même formation, nous avons à examiner les carac- 
tères de la vie actuelle et leurs rapprochements avec 
îa flore d'abord et ensuite la faune des autres pays. Il 
ne s'agit pour nous que d'un coup d'oeil général, sans 
envisager spécialement la flore biblique. La nomencla- 
ture des Arbres mentionnés dans la Bible a été donnée 
1. 1, col. 889-894, et celles des Herbacées (Plantes), t. m, 
col. 596-599; en outre chaque nom a son article parti- 
culier. Les notions suivantes auront cependant leur 
utilité pour l'ensemble de la botanique sacrée. 

1. Géographie botanique. — La flore de la Syrie et 
de ,1a Palestine diffère peu de celle de l'Asie-Mineure, 



qui est une des plus riches et des plus variées du 
globe; elle en forme la limite sud-est. Celle-ci appar- 
tient elle-même au domaine méditerranéen, qui com- 
prend la Grèce, l'Italie, le sud de la France, l'Espagne, 
le nord de l'Afrique, sans parler des îles. Cependant, 
si la flore de Palestine est en grande partie méditer- 
ranéenne, elle se rattache aussi à celle d'autres pays, 
de la Perse sur la frontière orientale, de l'Arabie et de 
l'Egypte sur la frontière méridionale, de l'Arabie et de 
l'Inde dans la vallée du Jourdain et les environs de la 
mer Morte. Sur les 3000 espèces de plantes phanéro- 
games qu'elle renferme, 250 lui sont particulières, bien 
qu'étroitement apparentées à d'autres espèces ou variétés, 
161 appartiennent à la région éthiopienne, 27 à la ré- 
gion indienne, sans en compter un grand nombre qui 
sont communes à l'Ethiopie et à l'Inde. Cf. H. B. Tris- 
tram, The fauna and flora of Palestine, dans le Sur- 
vey of Western Palestine, Londres, 1884, p. vi. On 
peut, en somme, croyons-nous, établir trois grandes 
divisions du règne végétal en Palestine. 

1° Tout le littoral, c'est-à-dire côtes, vallées et petites 
collines, appartient à la flore méditerranéenne. La 
végétation a les mêmes caractères qu'en Espagne, en 
Algérie et en Sicile, mais toutefois avec des modifi- 
cations qui sont plus considérables à mesure qu'on 
avance vers le sud, du côté de l'Egypte. Elle se distingue 
par la prédominance des beaux arbres toujours verts, 
à feuilles persistantes, tels que l'olivier, le chêne vert 
ou yeuse, Quercus ilex, le chêne kermès, Qûèrcus 
coccifera, le pin pignon, Pinus pinea, les lauriers, 
Laurus nobilis, les tamaris, Tamarix syriaca, T. tetra- 
gyna, les lentisques, Pistachia lentiscus, et les téré- 
binthes, Pistachia palsestina ou P. terebinthus. On 
peut ajouter d'autres espèces plus humbles, mais non 
moins caractéristiques, comme les cistes, Cistus villo- 
sus, particulièrement abondant au Carmel, C. creticus, 
la forme la plus commune sur les collines du sud, 

C. salviifolius ; les lavandes, Lavandula stœchas, L. co- 
ronopifolia; le myrte, Myrtus communis, etc. Citons 
encore les plantes suivantes : clématites, Clematis cir- 
rhosa, C. flammula, C. vitalba; anémones, Anémone 
coronaria; renoncules, Ranunculus calthœ-folius ; dau- 
phinelles, Delphinium rigidum, propre à la Palestine, 

D. peregrinum; papavéracées, Glaucium cornicula- 
tum, G. luteuni; fumariacées, Ceratocapnos palses- 
tina, propre à la Palestine, Fumaria judaica; cruci- 
fères, Matthiola tricuspidata, M. crassifolia, propre 
à la Palestine; scilles, Scilla autumnalis, Se. hyacin- 
thoides, etc. 

Nous rattachons à cette première région une partie de 
la chaîne montagneuse, dont la flore peut être dite de 
basse montagne. Cette flore est caractérisée par divers 
chênes, dont plusieurs à feuilles caduques : Quercus in- 
fectoria, dans la région du nord; Quercus Calliprinos, 
mont Thabor; Qu. pseudococcifera, Carmel, Galilée; 
Qu. palsestina, Hébron, trois variétés du Quercus coc- 
cifera; Quercus cerris; Quercus lthaburensis, variété 
du Qu. aegilops, Carmel, Thabor, toutes les collines de 
Galilée et de Samarie. Ajoutons les frênes, Fraxinus 
oxyphilla, F. parvifolia,[i»ns les montagnes du nord; 
les cyprès, Çupressus sempervirens, et, sur le bord 
des eaux, les peupliers, Populus alba, P. nigra; les 
platanes, Platanus orientalis. On trouve également près 
d'Hébron, sur les hauteurs du désert de Juda, comme 
sur la côte, le pin d'Alep, Pinus halepensis. 

2° Le sud de la Palestine ou le Négéb et le désert de 
Juda, c'est-à-dire le flanc oriental des monts judéens, 
appartiennent plutôt, pour une bonne partie, à la flore 
désertique. Le pays se distingue par une grande va- 
riété, mais aussi par la< sécheresse et les épines de ses 
arbustes, ainsi- que par le nombre beaucoup moins 
grand des arbres. Les traits caractéristiques de cette 
flore sont une quantité de petits buissons gris et épi- 



2037 



PALESTINE 



2038 



lieux, Poterium, de genêts, Rétama rsetam, de labiées 
grises aromatiques, Eremostachys, de plantes du prin- 
temps brillantes, mais petites et qui durent peu ; une 
quantité de chardons qui prédominent en été, lorsque 
la verdure a disparu. Les montagnes n'ont plus que 
des groupes clairsemés d'arbres, de chênes au feuil- 
lage épineux, d'arbousiers, etc. ; on voit çà et là des 
genévriers, des buissons nains à épines. Au milieu des 
rochers l'on rencontre des sauges, Salvia graveolens, 
S. controversa, des borraginées, Heliotropium persi- 
cum, Anchusa hispida, Echium sericeum, etc. Parmi 
les plantes désertiques, appartenant au Sahara ou au 
nord de l'Afrique, signalons : des crucifères, Eremo- 
bium lineare, Farsetia segyptiaca, Russonia uncata; 
des résédacées, Resedtx propinqua, var. Eremophila, 
R. arabica, Oligomeris subulata; des cistinées, He- 
dianthemum Kahiricum; des paronychiées, Robbairea 
proslata, Polycarpssa fragilis; des géraniacées, Ero- 
lium hirlum, Monsonia nivea; de nombreuses astra- 
gales, Astragalus tenuirugis, A. hispidulus, A. pere- 
grinus, etc. 

3° La vallée du Jourdain et les bords de la mer 
Morte ont, en raison du climat, une végétation à part, 
qui se rapproche le plus de la flore tropicale. On y 
rencontre bon nombre de plantes qui sont complète- 
ment étrangères à la contrée occidentale de la Pales- 
tine. La plus commune est le Zizyphus Spina-Christi, 
le nabk des Arabes, couvert d'épines aiguës comme de 
fines aiguilles, formant des buissons impénétrables, et 
propre au Sahara, à la Nubie, à l'Abyssinie, à l'Arabie 
tropicale, au nord-ouest de l'Inde. Presque aussi ré- 
pandue est celle qu'on appelle Balanites segyptiaca, 
dont le fruit donne l'huile nommée zuk par les Arabes. 
On trouve en abondance : l'Ochradenus baccatus, arbuste 
touffu, presque sans feuilles, avec de petites baies 
blanches; différentes sortes d'acacia, Acacia nilotica, 
A. tortilis, et V Acacia seyal, le « bois de setim » de 
la Bible ; le câprier, Capparis spinosa, qui forme des 
groupes remarquables dans le creux aride des rochers ; 
le Mimosa unguis-cati, qui est pourvu d'épines très 
longues et qui se couvre au printemps des fleurs les 
plus élégantes et les plus odorantes; VAlhagi Mauro- 
rum; la pomme de Sodome ou Solanum Sodomseum, 
dont le fruit, de la grosseur d'une pomme d'api, laisse 
échapper, lorsqu'on l'écrase, une quantité innombrable 
de fines graines. Aïn-Djidi, l'ancienne Engaddi, offre 
encore de beaux groupes d'une asclépiadée appelée Calo- 
tropis procera, qui peut atteindre les dimensions d'un 
figuier de moyenne grandeur. Voir fig. 223-225, t. m, 
col. 1287-1289. Sur les hauteurs désertes qui avoisinent 
la mer Morte, du côté d' 'Aïn Djidi, se trouve la célèbre 
crucifère appelée à tort rose dejéricho, Anastatica hiero- 
chuntina, qui, une fois desséchée, se contracte en une 
boule que le vent roule dans les sables ; mais, si l'on 
trempe l'extrémité de la racine dans un peu d'eau, grâce 
à un système vasculaire très développé, la plante absorbe 
le liquide et s'épanouit bientôt en une cupule des plus 
gracieuses, même après un grand nombre d'années d'une 
dessiccation complète. Voir t. m, fig. 227, 228, col. 1291, 
1293. C'est encore dans les environs de la mer Morte 
qu'on rencontre la Salvadora persica, regardée 
comme étant le sénevé de la parabole évangélique. Au 
sud-ouest, dans le petit ouadi Zuéiréh, on a recueilli 
plus de 160 espèces de plantes, et sur ce nombre 135 sont 
africaines. On a remarqué ce contraste singulier dans la 
répartition de certaines plantes : parmi les légumineu- 
ses, on ne compte pas moins de 50 espèces de Trifolium 
et 74 espèces d' Astragalus connues en Palestine; or, 
un seul Trifolium, le T. stenophyllum se trouve dans 
le sud, et pas un dans la vallée du Jourdain, tous étant 
européens ou ayant des affinités européennes; des As- 
tragales, au contraire, 3 seulement ;ont des affinités 
palaearctiques, les autres se rattachent à l'Inde ou ap- 



partiennent exclusivement à la région orientale ou 
éthiopienne. Cependant les Astragales ne sont pas con- 
finées dans la vallée du Jourdain; il n'y en a pas 
moins de 35 espèces qui sont limitées à la montagne et 
aux régions sub-alpines du Liban et de l'Anti-Liban. 
La masse du reste appartient à la vallée du Jourdain et 
au désert méridional. Cf. H. B. Tristram, The Fauna 
and Flora of Palestine, p. xv. Parmi les plantes tropi- 
cales de la contrée, nous pouvons citer encore : Abuti- 
lon fruticosum, A. niuticum, Zygophyllurti cocci- 
neum, Indigofera argentea, Boerhaavia plumbaginea, 
Coriyza dioscoridis, Trichodesma africana, et, près 
d'Engaddi, la haute et curieuse Moringa aptera, etc. 
Enfin le papyrus, Papyrus antiquorum, le Babir des 
Arabes, forme d'épais fourrés sur les bords du lac de 
Tibériade et du lac Houléh. Ce dernier marque la 
limite orientale de l'aire de dispersion de cette remar- 
quable cypéracée africaine. Les espèces que nous ve- 
nons de mentionner constituent un ensemble qui rap- 
pelle la végétation de l'Abyssinie ou de la Nubie et 
donnent un grand intérêt au Ghôr, comme à l'oasis 
tropicale la plus rapprochée de l'Europe. — Les bords 
du Jourdain sont, comme on le sait, un véritable fourré 
d'arbres et d'arbustes : de tamaris, Tamarix jordanis ; 
de peupliers, Populus euphratica, arbres gigantesques 
et dont les fins rameaux sont chargés de graines 
blanches et soyeuses; à.' Agnus-castus ; A'Arundo donax 
élevés; d'Eleagnus; de saules aux troncs noueux, etc. 
Dans les petites dunes du cours inférieur, en appro- 
chant de la mer Morte, fleurissent des myriades d'une 
jolie statice à fleurs jaunes, Statice Thouiniî. 

La flore de la région transjordane rentre dans la 
triple division que nous venons d'exposer, La végétation 
méditerranéenne y est représentée par les espèces sui- 
vantes : CUtus villosus et C. salviifolius; montagnes de 
Moab et de Galaad; Rhus coriaria, Djebel Oscha' et 
Djebel ed-Drûz; Pistachia terebinthus, var. palsestina, 
Moab, Galaad, Djebel ed- Drûz; Punica granatum, 
Galaad; Myrtus commwnis, Galaad; Arbutus Andrachne, 
var. serratula, monts de Moab et de Galaad ; Oleea Eu- 
ropœa, Moab; Vitex agnus-castus, Dj. ed- Drûz; Cel- 
tis australis, Galaad; Ficus carica, Moab et Galaad; 
Quercus coccifera, Moab, Galaad, Kaurân, avec les 
espèces forestières, Qu. cerris, Dj. Qulelb, et Qu. segi- 
lops, Moab, Galaad; Pinus Halepensis, Moab, Galaad; 
Asparagus acutifolius ; Smilax aspera, Moab; Adian- ' 
tum capillus-Veneris, fougère qu'on trouve dans les 
endroits humides, et, en particulier, dans une grotte à 
'Ayûn Mûsa. — Comme représentants de la flore déser- 
tique, nous signalerons : Tamarix mannifera, Callir- 
rboé; le Rétama ralara, sur les basses montagnes qui 
bordent le Ghôr; l'Acacia tortilis, Callirrhoé; Pallenis 
spinosa, Moab; Salicornia frûcticosa; Atraphaxis 
spinosa, montée du Ghôr vers 'Ayûn Mûsa; Etnex spi- 
nosus, sur les flancs du Ghôr; Phœnix dactylifera, 
dans les vallées aux environs de la mer Morte ; Stipa 
capillata, Haurân. — La flore tropicale existe à l'est 
comme à l'ouest du Jourdain et de la mer Morte. Cf. 
Palestine Exploration Fund, Quart. Statement, 1888, 
p. 211-237. 

Après ce coup d'œil géographique, il nous suffit d'in- 
diquer quelles sont les familles les plus abondantes en 
Palestine. Ce sont : 1° les Légumineuses, 358 espèces 
parmi lesquelles les genres Trifolium, Trigonella, Me- 
dicago, Lotus, Vicia et Orobus croissent dans les ter- 
rains plus riches, et les Astragales dans les terrains 
plus secs et plus dénudés. — 2° Les Composées (340) ; 
aucune famille ne frappe davantage l'observateur par 
l'abondance des charbons, centaurées et autres plantes 
printanières, qui fourmillent dans les plaines fertiles 
comme sur les collines pierreuses et dominent souvent 
de leur hauteur toute autre végétation herbacée. Les 
principaux genres sont Centawea, Echinops, Onopo'r- 



2039 



PALESTINE 



2040 



dum, Cirsium, Cynara et Carduus. — 3° Les Labiées 
(175) sont caractérisées par le parfum qu'elles répandent 
pour la plupart et dont elles embaument les collines 
de Galilée et de Samarie, odeur de marjolaine, de thym, 
de lavande, de menthe, de calament, de sauge, de roma- 
rin. — 4° Les Crucifères (195) croissent généralement 
dans les lieux déserts, stériles, dans les montagnes; 
parmi les plus remarquables est une très haute mou- 
tarde, qui ne diffère guère de la commune Sinapis mi- 
gra, excepté en grandeur, etl'Anastatica hierochuntica. 
— 5° Les Umbellifères (141) abondent en fenouils et 
Bupleurum ; elles forment pour une bonne partie les 
hautes rangées d'herbes qui se trouvent sur le bord 
des taillis et dans les creux humides. — 6° Les Silénées 
(86) se distinguent par une multitude d'oeillets, Silène 
et Saponaria. — 7° Les Borraginées (92) sont pour la 
plupart des plantes annuelles, à l'exception des Echium, 
Anchusa et Onosma, qui comptent parmi les plus belles 
de la contrée. — 8" Les Scrophulariacées (91) offrent 
comme genres principaux Scrophularia, Veronica, 
Linaria et Verbascum. — 9° Les Graminées, quoique 
d'espèces très nombreuses (158), présentent rarement le 
gazon des contrées humides et froides. VArundo do- 
nax, le Saccharum œgyptiacum et YErianthus Ra- 
vennx sont remarquables par leur taille et les plumes 
soyeuses de leurs fleurs. — 10° Enfin les Liliacées (113) 
ont une variété et une beauté qui n'est peut-être sur- 
passée nulle part, spécialement dans les genres bulbeux, 
lis, tulipes, fritillaires, scilles, gagées, etc. Les fougères 
sont extrêmement rares, à cause de la sécheresse du 
climat, et la plupart des espèces appartiennent à la 
flore du Liban. 

2. Plantes cultivées. — A ces plantes naturelles que 
Dieu a semées en Palestiue selon le sol qui leur était 
propice, il faut ajouter celles que l'homme a cultivées, 
développées, améliorées et même introduites de pays 
étrangers. Il importe de distinguer, sous ce rapport, 
celles que le terrain a toujours produites et celles que 
l'industrie humaine a apportées d'ailleurs. La division 
s'applique aux arbres fruitiers, aux céréales, aux plantes 
potagères. 

A) Arbres fruitiers. — 1" Indigènes. — En premier 
lieu vient l'olivier, Olea europœa, arabe : schadjarat 
ez-zeitûn, dont les fruits sont une des principales prc 
ductions de la Syrie. Viennent ensuite: le figuier, Ficus 
carica, ar. : schadjarat et-ttn, dont le fruit se mange 
frais ou après avoir été pressé et séché ; l'amandier, 
Amygdalus communis, ar. : loi; le grenadier, Punica 
granatum, ar. : rumrndn, dont les fruits cependant ne 
valent pas ceux^ d'Egypte ou de Bagdad; le genévrier, 
Junipcrus phxnicea; le pistachier, Pislacia vera, ar. : 
fustûq; le caroubier, Ceratonia siliqua, ar. : kharrûb, 
dont les gousses servent de nourriture aux pauvres et 
dont les feuilles persistantes répandent une ombre 
agréable; le sycomore, Ficus sycomorum, ar. : djum- 
meiz, au tronc robuste, aux longues branches horizon- 
tales, et dont les fruits, semblables à de petites figues 
de couleur verte et insipides, sont apportés en quantités 
considérables aux marchés de Gaza et d'Ascalon; le 
pommier, Malus communis, ar. : schadjarat et tuffah, 
et le poirier, Pirus communis, ar. : schadjarat et- indjâs, 
quoique moins répandus. On trouve des cognassiers, 
Cydonia vulgaris, ar. : es- safardje, en Galilée, en 
particulier près de Nazareth, et en Judée, près d' Hébron. 
Les noyers, Juglans regia, ar. : djôz, étaient, au 
temps de Josèphe, Bell, jud., III, x, 8, abondamment 
cultivés dans la plaine de Génésareth ; ils se rencontrent 
aujourd'hui surtout dans la région du Liban. L'abricotier, 
Armeniaca vulgaris, ar. : Mischmisch, donne des 
fruits excellents en Syrie; séchés au soleil, ils sont 
l'objet d'un commerce- très important à Damas ; mais 
l'arbre est beaucoup moins répandu en Palestine, on 
lé trouve surtout sur la côte et en différents endroits 



de la montagne. Le pêcher, Persica vulgaris, ar. : 
durrâq, est également moins commun qu'en Syrie. Le 
palmier, Phœnix dactylifera, ar. : nakhl, ne prospère 
que dans la région sud du littoral ; il croît à l'état sau- 
vage, sans fruits, dans les gorges situées à l'est de la 
mer Morte, et çà et là dans l'intérieur du' pays. Enfin 
la vigne a encore une culture florissante en plusieurs 
endroits; elle donne d'excellentes et magnifiques 
grappes, avec lesquelles on fabrique un vin agréable ou 
une espèce de sirop cuit, dibs, ou l'on prépare des 
raisins secs. Cette culture s'est beaucoup développée 
depuis un certain temps, grâce aux colonies qui sont 
venues s'établir en Palestine. 

2° Introduits. — Le bananier, Musa paradisiaca, 
ar. : môz, est un arbre importé de l'Inde. Cultivé à la 
fin du xvi e siècle sur les bords du lac de Tibériade, il 
n'existe plus que sur la côte. Le mûrier, Morus alba, 
ar. : schadjarat et-tût, qui semble originaire de Chine, 
n'a été cultivé en Palestine qu'à une époque tardive 
après l'ère chrétienne; il en est souvent fait mention 
au temps des croisades. On voit également le mûrier 
noir, Morus nigra. Le cédratier, Citrus medica, qu'on 
dit originaire de Perse et de Médie, était certainement 
très commun en Palestine un siècle avant notre ère, 
puisqu'à la fête des Tabernacles, sous Alexandre Jannée, 
les Juifs avaient tous à la main des cédrats. Josèphe, 
Ant. jud., III, x, i. Le citronnier, Citrus limonum, 
ar. : leimûn, qu'on peut à peine séparer spécifiquement 
du précédent, ne paraît avoir été, comme lui, connu 
des Hébreux que vers l'époque de la captivité de 
Babylone. Le cactus, Opuntia vulgaris, fut introduit de 
l'Amérique centrale en Europe vers le commencement 
du xvi« siècle; il abonde en Palestine, où il atteint de 
grandes proportions et forme autour des jardins et des 
champs des haies impénétrables ; le fruit est d'un goût 
sucré mais fade, quoique assez apprécié des Arabes. 
Enfin un autre arbre transplanté d'Extrême-Orient, 
c'est l'oranger, qui fait la gloire des jardins de 
Jaffa. 

B) Céréales. — Les Hébreux, en arrivant dans la 
Terre Promise, y trouvèrent les principales céréales, 
importées par l'homme de son berceau d'origine, mais 
dont la vraie patrie est encore ignorée, comme le blé, 
l'épeautre, l'orge et le millet. Le blé, Triticum sativum, 
hébreu : hilldh, a dans la plaine d'Esdrelon un grain 
long et mince, tandis que celui du Haurân, plus estimé, 
est court et gros. L'épeautre, Triticum Spelta, héb. : 
kussémêf, est une plante très voisine du vrai blé, pro- 
bablement une simple race artificielle obtenue par la 
culture à une époque qu'il est impossible de préciser. 
L'orge, Hordeum vulgare, héb. : ée'ôrâh, sert aux 
pauvres à faire du pain; mais on l'emploie principale- 
ment comme nourriture pour les animaux. Le millet, 
Panicum miliaceum, hébreu : dôhân, est une herbe 
originaire de l'Inde, mais cultivée dans toutes les 
régions chaudes et tempérées du globe. Le maïs, Zea 
maïs, est d'origine américaine. 

C) Plantes potagères. — I« Indigènes. — Les princi- 
pales sont : les pois, Pisum sativum; les fèves, Faba 
vulgaris, héb. : pôl; ar. : fûl; les lentilles, Lens escu- 
lenta, héb. : 'âdâsim; ar. : 'adas; l'ail, Allium sati- 
vum, héb. : &ûm; ar. : tûm; l'espèce la plus commune 
en Palestine est celle que nous appelons échalotte, 
Allium Ascalonicum, parce qu'ellefut apportée d'Ascalon 
en Europe par les croisés; l'oignon; Allium Cepa, 
héb. : besdlîm, ar. : basal;le poireau, Allium Pomim, 
héb. : hâsir ; ar. : kurrdth. Citons encore parmi les 
espèces indigènes que les jardins recueillirent de 
de très bonne heure : l'hysope, la laitue, le pavot, le 
safran, le cumin, le carvi, la coriandre, la rue, la colo- 
case. 

2» Introduites. — A ces plantes furent ajoutés les 
concombres, les pastèques, les melons, introduits des 



2041 



PALESTINE 



2042 



régions tropicales. Aujourd'hui les plaines de Saron et 
de Séphélah sont riches en ce genre de culture. 

Quelques arbres ont disparu de la flore palestinienne, 
entre autres le baumier de Galaad, Balsamodendron 
opobalsamum, qui était autrefois cultivé à Jéricho et à 
Engaddi. Cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, vi, 6; IX, i, 2; 
XIV, IV, 1. Enfin c'est à l'état de simples matières com- 
merciales que les Hébreux connurent la cannelle, le 
nard, l'encens, la myrrhe et la gomme, le bois d'ébène, 
de santal et d'aloès, car on ne peut supposer que les 
plantes qui leur donnent naissance aient jamais pu 
croître sur la terre de Palestine. 

Voir, sur la flore méditerranéenne en particulier, A. 
Grisebach, La végétation du globe, trad. par P. de 
Tchihatchef, 2 in-8», Paris, 1875, t. i, p. 339-556; sur la 
flore actuelle de Palestine : H. B. Tristram, The Fauna 
and Flora of Palestine, in-4°, dans le Survey of Wes- 
tern Palestine, Londres, 1884, ouvrage capital, qui 
peut être complété par C. et W. Barbey, Herborisa- 
tions au Levant, avec 11 planches et carte, in-4», Lau- 
sanne, 1882 (cf. H. B. Tristram, Addenda to the Flora 
of Palestine, dans le Palestine Exploration Fund, 
Quart. St., 1885, p. 6-10; P. Ascherson, Barbey's Her- 
borisations au Levant und Dr. Otto Kersten's bota- 
nische Sammlungen aus Palàstina, dans la Zeitschrift 
des Beutschen Palâstina-Vereins, t. VI, 1883, p. 219- 
229); H. Chichester Hart, A naturalisas joumey to 
Sinaï, Petra and south Palestine, dans le Pal. Expl. 
Fund. Quart. St., 1885, p. 231-286; G. E. Post, Narra- 
tive of a scientific expédition in the Transjordanic 
région in the spring of 1886, dans le Pal. Expl. Fund, 
Quart. St., 1888, p. 175-237 ; Flora of Syria, Palestine 
and Sinaï... and front the Mediterranean sea to the 
Syrian désert, Beirut, s. d. (cf. H. Christ, Zur Flora 
der biblischen Lànder, dans la Zeitschrift des Beut. 
Pal.-Ver., t. xxm, 1900, p. 79-82; L. Anderlind, Acker- 
bau und Thierzucht in Syrien, insbesondere in Palàs- 
tina, dans la Zeitschrift des Beut. Pal. Ver., t. îx, 
1886, p. 1-73; Bie Fruchtbàume in Syrien, insbeson- 
dere in Palâslina, ibid., t. xi, 1888, p. 69-104; Bie 
Bebe in Syrien, insbesoudere Palàstina, ibid., t. xi, 
1888, p. 160-177). Pour la flore biblique, voir à l'article 
Botanique sacrée, t. î, col. 1867-1869, la Bibliographie, 
à laquelle on peut ajouter : L. Fonck, Streifzùge durch 
die biblische Flora, Fribourg-en-Brisgau, 1900 (cf. H. 
Christ, Zur Flora der biblischen Landes, dans la Zeit- 
schrift des Beut. Pal.-Ver., t. xxm, 1900, p. 82-90). — 
Pour les plantes bibliques dans leurs rapports avec 
l'agriculture, l'art et la religion, et dans leur compa- 
raison avec celles qui étaient connues chez les Egyp- 
tiens et les Sémites, voir Ch. Joret, Les plantes dans 
l'antiquité et au moyen âge, 1'" partie, Les plantes 
dans l'Orient classique, in-8°, Paris, 1897. 

vu. faune. — Les conditions de climat ou d'immi- 
gration ont également influé sur la répartition de la 
vie animale au sein de la Palestine. Mais, avant 
d'exposer ce côté de la question, nous jetterons un 
coup d'oeil sur les principaux animaux que ce pays 
renferme actuellement. Pour la nomenclature des ani- 
maux mentionnés dans la Bible, voir t. i, col. 604- 
611. 

1. Les animaux. — A) Mammifères. — 1« ; Ani- 
maux domestiques. — Aujourd'hui, comme dans l'an- 
tiquité, les troupeaux de moutons et de chèvres, ce que 
les Hébreux appelaient le menu bétail, sô'n, constituent 
une partie importante de la richesse des particuliers. 
Le Belqd, à l'est du Jourdain, est aussi, comme autre- 
fois, la contrée la plus favorable à l'élevage des brebis. 
Cependant le désert et les parties montagneuses du 
pays tout entier offrent à ce précieux animal une nour- 
riture suffisante. La race la plus répandue est celle 
qu'on nomme Ovis laticaudata ou à grosse queue, 
distinguée ainsi de l'espèce commune, Ovis aries. Ce 



qui la caractérise, en effet, c'est l'énorme développe- 
ment de graisse qui s'amasse autour des vertèbres cau- 
dales. Voir Bbebis 1, t. i, col. 1911. Le lait de brebis est 
également très estimé et à juste titre. La chèvre com- 
mune, Capra hircus, est représentée par deux variétés, 
dont la principale est celle de la Capra membricafve,- 
connaissable à ses fortes cornes, à sa taille plus grande 
et surtout à ses oreilles pendantes qui ont un pied de 
longueur. Dans le nord, au voisinage de l'Hermon, on 
rencontre la Capra angorensis, aux oreilles et aux 
cornes plus courtes, au poil plus long et plus soyeux, 
mais aux formes plus massives. La couleur prédomi- 
nante dans les deux est le noir. Voir Chèvre, t. n, 
col. 692. — Le bœuf de Palestine, Bos tam-us (le bd- 
qâr hébreu est un nom collectif désignant le gros bé- 
tail), est généralement de petite taille, à jambes courtes 
et assez frêles. La plus belle race se trouve dans la 
plaine côtière, où l'animal est employé aux divers tra- 
vaux d'agriculture; il est plus rare dans la région mon- 
tagneuse, sauf dans quelques plaines. La Galilée entre- 
tient également une belle race de bœufs arméniens, et 
ceux de Galaad et de Moab font la principale richesse 
des Arabes. Voir Bœuf, t. i, col. 1826. Dans la partie 
septentrionale de la vallée du Jourdain, spécialement 
dans la région marécageuse du lac Ilûléh, on rencontre 
le buffle, Bos bubalus, qui a la taille plus haute et les 
proportions plus massives que le bœuf ordinaire, avec 
un front plus bas et un mufle plus large. Originaire de 
l'Inde, il n'a pénétré dans l'Asie occidentale qu'à une 
époque assez tardive. Voir Buffle, t. i, col. 1963. 

Chez les Hébreux, la principale monture, pour les 
riches comme pour les pauvres, était l'âne, héb. : 
hamôr ; aujourd'hui il ne sert plus guère qu'aux 
pauvres, ou bien il est employé comme bête de 
somme. L'âne domestique appartient à deux variétés : 
le grand âne du désert syrien, généralement de robe 
blanche, et qui se rapproche de l'âne du Caire, et l'âne 
vulgaire, supérieur à nos espèces d'Europe, plus haut 
et plus fort, moins beau cependant, moins vif et moins 
patient que celui d'Egypte. Voir Ane, t. i, col. 566. Le 
cheval, héb. : sus, ne fut, on le sait, introduit qu'assez 
tard chez les Israélites ; il est surtout réservé à la selle 
par les Arabes. Les plus beaux chevaux "sont ceux des 
Bédouins, 'Anézéh. Voir Cheval, t. il, col. 674. Le mulet, 
héb. : péréd, est actuellement d'un usage ordinaire en 
Palestine; il sert souvent de monture ou de bête de 
charge. Dédaigné des Arabes, il est utilisé parla popu- 
lation sédentaire pour son endurance et l'aisance avec 
laquelle il marche à travers les sentiers les plus acci- 
dentés. Voir Mulet, col. 1336. Le chameau, héb. : 
gàmâl, est tout à la fois bête de somme, de monture, 
de labour, parfois même de boucherie. Celui qu'on 
emploie aujourd'hui en Palestine est le chameau à une 
bosse ou Camelus dromadarius. Il constitue la grande 
source de richesse des Bédouins, qui en ont des trou- 
peaux. Voir Chameau, t. n, col. 519. 

2" Animaux sauvages. — a) Carnivores. — En 
Orient, le chien et le chat tiennent le milieu entre les 
animaux domestiques et les animaux sauvages. Le 
chien, héb. : kéléb, ne diffère pas aujourd'hui de celui 
d'autrefois ; c'est la même race qui sert aux bergers et 
qui erre dans les villes et les campagnes. Mais, chose 
singulière, les Hébreux et les habitants de la Syrie ne 
lui ont jamais accordé la place que lui ont donnée 
presque tous les autres peuples. On en rencontre dans 
les villes et les villages des bandes errantes, qui 
vivent à l'état de nature, sans avoir de maîtres particu- 
liers. Dans les rues, ces animaux se chargent du ser- 
vice sanitaire en dévorant rapidement les débris de 
toute sorte qu'on y jette. Voir Chien, t. n, col. 697. Il 
n'existe pas de nom hébreu pour désigner le chat. Si 
le chat domestique est aujourd'hui plus commun 
qu'autrefois en Palestine, il n'y est presque jamais 



2043 



PALESTINE 



2044 



complètement apprivoisé. Voir Chat, t. n, col. 625. 
L'animal qui se rapproche le plus du chien est le cha- 
cal, hêb. : sû'âl, dont le pelage gris-jaune, foncé en 
dessus et blanchâtre en dessous, lui a fait donner le 
nom de Canis aureits. Il a de tout temps abondé dans 
la Palestine. Il tient le milieu entre le loup et le renard. 
Voir Chacal, t. H, col. 474. Ce dernier est représenté 
par deux espèces : le Vulpes niloiica ou renard égyp- 
tien, commun dans le sud et le centre de la Palestine, 
extrêmement abondant en Judée et à l'est du Jourdain, 
et dont les habitudes, tout à fait distinctes de celles 
du chacal, de diffèrent, pas de celles de notre renard; 
le Vulpes flavescens, qui habite les districts boisés de 
la Galilée et le nord de la contrée. Le loup commun, 
Canis lupus, se rencontre encore assez souvent dans 
les plaines maritimes, dans les ravins de Galilée et 
surtout du territoire montagneux de Benjamin, quel- 
quefois aussi dans les forêts de Easan et de Galaad. On 
trouve également dans le sud le loup d'Egypte, Canis 
lupaster, plus petit de taille, au museau plus aigu, aux 
membres plus grêles, au poil d'un jaune doré, d'un 
système musculaire peu développé, qui ne lui permet 
guère de s'attaquer aux gros animaux. Voir Loup, 
col. 372. 

Le lion, héb. : 'ârî, 'aryêh, lâbî', avait autrefois de 
nombreux repaires en Palestine, surtout dans les épais 
fourrés de la vallée du Jourdain, mais il en a disparu 
depuis longtemps. Voir Lion, col. 267. Le léopard, 
héb. : nâtnêi; le Felis pardus, existe encore dans les 
environs de Ja mer Morte, dans les anciens pays de 
Galaad et de Basan; bien qu'il soit rare en Galilée, on 
peut cependant constater ses traces sur le Thabor et 
le Carmel. Au même genre appartiennent : le guépard, 
Felis jubaia, ou tigre des chasseurs, qui est rare, mais 
se voit quelquefois sur les collines boisées de Galilée 
et dans le voisinage du Thabor, et est plus commun à 
l'est du Jourdain; le lynx caracal, Felis caraca, très 
rare en Palestine. Voir Léopard, col. 172. La panthère, 
Pardalis, a beaucoup de ressemblance avec le léopard, 
mais s'en distingue par une taille en général moins 
grande, des taches plus larges et moins rapprochées 
et quelques détails anatomiques. On rencontre aussi 
plusieurs espèces de chats sauvages : le Felis chaus, 
qui deux fois plus grand que le chat domestique, res- 
semble plutôt au lynx, et se tient spécialement dans les 
fourrés des bords du Jourdain; le Felis maniculata, 
rare à l'ouest du fleuve, mais commun à l'est. Vhyène, 
héb. : sabua', est, en Palestine, la carnassier qui existe 
en plus grand nombre après le chacal. Ces animaux, 
qui vont jusqu'à déterrer les cadavres humains pour 
s'en repaître, établissent principalement leurs de- 
meures dans les anciennes cavernes sépulcrales, dont 
le pays est rempli. Voir Hyène, t. jii, col. 790. L'ours, 
héb. : dôb, VUrsus syriacus, est devenu très rare en 
Palestine, mais se rencontre encore fréquemment sur 
l'Hermon et dans les parties boisées du Liban; il existe 
également à l'est du Jourdain. Le.pays renferme d'autres 
petits carnassiers, comme la belette, Mustela vulgaris, 
le putois, Mustela putorius, l'ichneumon, herpestes 
ichneumon. Voir Belette, t. i, col. 1560; Ichneumon, 
t. m, col. 803. 

b) Pachydermes. — Le sanglier, héb. : hâiîr, le Sus 
scrofa, est répandu dans tout le pays, principalement 
dans les endroits marécageux et couverts de fourrés. 
L'âne sauvage, Asinus onager, héb. : 'ârôd, et Asinus 
hemippus, héb. : perd', s'aventure parfois dans le 
Hauran, au dire des Arabes. A cet ordre appartient un 
animal dont l'identification présente quelque difficulté, 
c'est le sâfân hébreu, qu'on assimile généralement 
aujourd'hui au daman, VHyrax syriacus. Il ressemble 
extérieurement au lapin et à la marmotte, et se ren- 
contre fréquemment en Palestine, surtout dans les 
gorges du Cédron, dans les plaines d'Acre et de Phéni- 



cie, au nord de la Galilée et dans le Liban. Voir Chœro- 

GRYLLE, t. II, COl. 712. 

c) Ruminants. — Le cerf, héb. : 'ayyâl, le Cervus 
elaphus, abondait autrefois en Palestine, mais il y est 
devenu rare, à cause de l'aridité du sol. Voir Cerf, t. n, 
col. 445. Le chevreuil, ou Cervus capreolus. s'y voit 
également très peu; la Palestine forme, du reste, la 
limite sud-est de la région où il vit. Voir Chevreuil, 
t. il, col. 697. C'est à peine si l'on aperçoit quelques 
daims, Cervus dama, dans les parties boisées du nord 
entre le Ihabor et le Liban. Voir Daim, t. n, col. 1207, 
Le genre antilope est beaucoup mieux représenté, en 
particulier par la gazelle, Gazella dorcas, héb. : sebl, 
qui se montre quelquefois dans le sud, par centaines. 
A l'est du Jourdain, on trouve communément la Gazella 
arabica, plus belle que la gazelle ordinaire. Voir 
Gazelle, t. m, col. 125. Le bubale, Antilope bubalis, 
probablement le yahmûr hébreu, existe encore sur, la 
frontière orientale de Galaad et de Moab. Voir Bubale, 
t. i, col. 1956. h' Antilope addax, héb. : dîêôn, approche 
des frontières sud et est de la Palestine. Enfin l'Anti- 
lope leucoryx, le te'ô hébreu, commun dans le nord de 
l'Arabie, se trouve dans le Belqâ et le Haurân. Le bou- 
quetin, Capra beden, ou Ibex Sinaîtica, héb. : yd'êl, 
vit non seulement dans les ravins de Moab, mais dans 
le désert de Juda, aux environs de la mer Morte; c'est 
un superbe animal, d'une merveilleuse agilité. Voir 
Bouquetin, t. i, col. 1893. 

d) Rongeurs. — La famille des léporidés est repré- 
sentée par les espèces suivantes : le Lepus syriacus, 
héb. : 'arnébéf, commun dans les parties boisées et 
cultivées "de la Palestine, le long de la côte et dans la 
plaine d'Esdrelon; semblable à celui de nos pays, 
excepté la tête qui est plus large et les oreilles qui 
sont plus courtes ; le Lepus sinaiticus, plus petit que 
le précédent, avec une tête plus longue et plus étroite, 
et le poil de couleur plus claire; se voit du côté de 
Jéricho et de la mer Morte ; le Lepus œgyptius, qui 
habite le désert de l'Egypte touchant la Palestine, la 
région méridionale de la Judée et la vallée du Jourdain; 
le Lepus isabellinus, ou lièvre nubien, très rare; le 
Lepus Judœœ, qui fréquente le sud de la Palestine et 
la vallée du Jourdain. Voir Lièvre, col. 250. Le lapin 
est excessivement rare, et le silence de la Bible au sujet 
de cet animal prouve qu'il en était de même autrefois. 
A cette famille se joint celle des hystricidés, avec le 
porc-épïc, Hystrix cristata, héb. : qippbd, commun 
dans les rochers et les vallons des montagnes, spéciale- 
ment abondant dans les gorges qui aboutissent à la 
vallée du Jourdain. 

Les muridés sont nombreux : Acomys cahirhinus, 
confiné aux environs de la mer Morte; Âcomys dinii- 
diatus ; Acomys russatus, trouvé seulement .jusqu'ici 
près de Masada, vers la pointe méridionale de la mer 
Morte; Mus alexandrinus, dans les villes de la côte; 
Mus sylvaticus, dans les plaines; Mus prsetextus, dans 
la plaine de Génésareth, la vallée du Jourdain et le voi- 
sinage de la mer Morte; Mus musculus, dans toutes les 
villes; Cricetus phœus, le hamster, très commun aux 
approches des terrains cultivés. Signalons encore plu- 
sieurs espèces de gerbilles, Gerbillus taeniurus, G. me- 
lanurus, G. pygargus, puis le Psammomys obesus, 
espèce de gros rat à queue courte, à grosse tête, ressem- 
blant à une petite marmotte, extrêmement abondant 
dans les endroits sablonneux autour de la mer Morte, 
dans les plaines et sur le plateau de la Judée méridio- 
nale. Nombreux aussi sont les campagnols, surtout 
l'espèce commune, Arvicola arvalis. Voir Campagnol, 
t. il, col. 103. Le rat-taupe, Spalax typhlus, est très 
répandu à travers la contrée, où notre taupe, Talpa eu- 
ropxa, n'existe pas. Là gerboise, Dipus œgyptius, se 
trouve fréquemment dans les contrées désertiques ; 
Dipus hirtipes, dans les déserts à l'est du Jourdain 



2045 



PALESTINE 



2046 



Voir Gerboise, t. m, col, 209. L'écureuil syrien, Sciu- 
rus syriacus, se voit très souvent dans les bois au sud 
de l'Hermon ; le loir, Myoxus glis, habite dans la val- 
lée du Jourdain, principalement aux «nvirons de Jéri- 
cho; le Myoxus nitela préfère les champs cultivés et 
les plants d'oliviers. 

e) Insectivores et Chéiroptères. — Parmi les insecti- 
vores, citons la musaraigne, Sorex araneus,el le héris- 
son, Erinaceus brachydactylas, commun dans le sud 
de la Palestine, Erinacens europœus, dans le nord. Enfin 
les cavernes de la région sont remplies de chauves-souris , 
dont les espèces sont nombreuses : Cynonycleris segyp- 
liaca ; Rhinolophus ferrum-equinum', la plus commune 
en Palestine; Rh. blasii, euryale, tridens ; Plecolus au- 
ritus, Vesperugo Kuhlii, Taphozous nudiventris, Rhi- 
nopoma microphyllum, etc. Voir Chauve-souris, t. u, 
col. 641. 

B) Oiseaux. — Les espèces d'oiseaux sont nombreuses 
en Palestine; on en compte près de 350. Nous signale- 
rons les principales. 

a) Passereaux. — Famille des turdidés. — La grive 
ordinaire ou chanteuse, Turdus musicus, n'est pas 
rare sur le plateau. Le merle commun, Turdus merula, 
est répandu dans tout le pays. Les traquets comprennent 
une dizaine d'espèces : Saxicola œnanithe, S. aurita, 
S. melanoleuca, S. deserti, S. finschii, originaire de 
Palestine, <S. leucomela, etc. Plusieurs rouge-queue, 
Ruticilla phœnicurus, R. titys, etc. Le rouge-gorge, 
Erithacus rubicula, se rencontre partout en hiver,mais 
ne reste guère après la fin de février. L' Erithacus gut' 
turalis est un oiseau remarquable, mais rare même 
dans les pays qu'il habite, c'est-à-dire la côte abyssi- 
nienne, l'Asie-Mineure, la Palestine et la Perse. Le 
rossignol, Erithacus luscinia, établit son nid principa- 
lement dans les fourrés d'arbres des bords du Jour- 
dain; mais on le trouve aussi sur le Thabor et dans 
différents ouadis boisés. — Famille des sylviidés. — 
Nombreuses espèces de fauvettes : la grisette, Sylvia 
cinerea, très abondante partout et demeurant toute 
l'année; la babillarde, S. curruca, en été seulement; 
la fauvette à tête noire, S. atricapilla, un des oiseaux 
les plus communs en Palestine; la fauvette des jardins, 
S. hortensis, au printemps, etc. Plusieurs Phyllosco- 
pus, superciliosus, rufus, trochilus, sibilatrix, bo- 
neïlii, etc. — Motacillidés : hochequeues et bergeron- 
nettes, Motacilla alba, abondante partout en hiver; 
M. sulphurea, M. flava, M. cinereo-capilla ; plusieurs 
pipits, Anthus pratensis, A. trivialis, A. campestris, 
— Le Pyçnonotus xanthopygus, le Bulbul de Pales- 
tine, est un des oiseaux les plus caractéristiques des 
régions chaudes du pays. — Laniidés ou pies-grièches : 
Lanius aucheri, L. minor, L. collurio, L. auriculatus, 
L. nubicus. — Hirundine'es. L'hirondelle commune, 
Hirundo rustica, abonde en Palestine de mars à no- 
vembre; l'hirondelle orientale, Hirundo cahirica, de- 
meure pendant l'hiver dans les parties plus chaudes, 
la côte et la vallée du Jourdain. On trouve encore l'hi- 
rondelle rousse, hirundo rufula, celle des rochers. 
Cotyle rupestris, celle des marais, Cotyle palustris, etc. 
Le martinet noir, Cypselus apus, arrive en Palestine 
au commencement d'avril et s'y rencontre en très 
grand nombre; le Cotyle af finis ne se trouve qùènans 
la vallée du Jourdain, où il habite toute l'année. Voir 
Hirondelle, t. ni, col. 719. — Nectariniidés : pour le 
naturaliste, l'espèce peut-être la plus intéressante des 
oiseaux de Palestine est le Cynnyris ose*; il appartient 
à une famille vraiment tropicale, puis il est, autant 
qu'on peut savoir, absolument particulier à la Terre- 
Sainte, où encore il est confiné dans des limites res- 
treintes. — Fringillidés. Le chardonneret, Carduelis 
elegans, se trouve partout et en tout temps de l'année. 
Le serin, Serinus hortulanus, n'est qu'un hôte de 
l'hiver dans les endroits boisés et les petits vallons 



près de la mer. Le Serinus canonicus est une des 
formes particulièrement intéressantes de la Palestine, 
bien qu'appartenant au Liban et à l'Anti-Liban.Le moi- 
neau domestique, Passer domesticus, est aussi abon- 
dant et effronté que chez nous; on le rencontré aussi 
en bandes dans le désert de Bersabée en hiver. Le Pas- 
ser hispaniolensis est principalement confiné dans la 
vallée du Jourdain. Le Passer moabiticus de Tristram, 
très joli, n'a été rencontré qu'en quelques endroits aux 
environs de la mer Morte. Le pinson, Fringilla cœlebs, 
apparaît par bandes, en hiver, dans les plaines mari- 
times et sur le plateau méridional. La linotte, l.inota 
cannabina, erre dans les contrées basses pendant 
l'hiver, et, en été, s'en va dans la région montagneuse. 
Plusieurs espèces de bruants : l'Euspiza melanoce- 
phala ou roi des ortolans, d'un beau jaune-serin avec 
les ailes fauves et la tête noire; YEmberiza miliaria, 
E. hortulana, E. striolata, E. cia, E. cxsia. — Parmi 
les slurnidés signalons surtout V Amydrus Trislrami, 
oiseau très singulier, de la grosseur et de la forme 
d'une grive, que la plupart des voyageurs nomment à 
tort merle de Mar-Saba. II a le corps d'un bleu noirâtre 
très éclatant, les ailes jaunes couleur de rouille, le bec 
long, arqué et très aigu; il habite les escarpements de 
la vallée du Cédron, des bords de la mer Morte, les ro- 
chers du Sinaï et de Petra. — Corvidés. Nombreux 
corbeaux : le choucas, Corvus monedula; C. agricola; 
C. cornix ; Corvus af finis, ne se trouve qu'aux environs 
de la mer Morte, dans les rochers les plus sauvages ; 
Corvus corax, commun partout; C. umbrinus, com- 
mun à Jérusalem et dans la vallée du Jourdain. Voir 
Corbeau, t. n, col. 958; Corneille 2, t. n, col. 1013.— 
Alaudidés. L'alouette huppée, Alauda cristata, un des 
oiseaux les plus communs dans les plaines et vallées 
de la côte, du centre et du nord; Alauda isabellina, 
A. arvensis, etc. — Caprimulgidés . L'engoulevent, 
Caprimulgus europssus, visite la Palestine au prin- 
temps et à l'été. A noter surtout le Caprimulgus tama- 
ricis, découvert par Tristram aux deux extrémités nord 
et sud de la mer Morte. — Alcédinidés. Le martin- 
pêcheur, Ceryle rudis, est l'espèce la plus commune 
partout où il y a de l'eau fraîche ou salée. Parmi les 
oiseaux de même ordre, signalons seulement : le rol- 
lier, Coracias garrula;\e guêpier, Merops apiaster; 
la huppe, Upupa epops. 

Parmi les grimpeurs, nous citerons seulement : le 
Picus syriacus, la seule espèce de pic trouvée en Pa- 
lestine, dans quelques districts boisés; cet oiseau ne _ 
descend jamais dans la vallée du Jourdain; le coucou, 
Cuculus canorus. 

b) Rapaces. — i. Nocturnes. — Pour les oiseaux du 
genre Chouétt, Striges, voir Chouette, t. m, col. 716; 
Chat-huant, t. n, col. 627; Chevêche, t. h, col. 683; 
Duc, t. il, col. 1508; Effraie, t. n, col. 1598; Hibou, 
t. ni, col. 702. 

2. Diurnes. — Les principaux représentants de cet 
ordre sont : le gypaète barbu, Gypaetus barbalus ou 
vautour des agneaux,fig. 90, t. m, col. 372, dont les de- 
meures favorites sont les gorges qui ouvrent sur la mer 
Morte et la vallée du Jourdain, spécialement les ravins 
de PArnon et de Callirrhoé; le griffon, Gyps fulvus, 
qu'on voit dans l'ouadi Qelt, près de Jéricho, dans les 
ravins du nahr ez-Zerqa, à l'est du Jourdain, et dans 
les ouadis Hamdm et Leimûn, qui ouvrent sur la 
plaine de Génésareth; le vautour d'Egypte, Neophron 
percnopterus, qui se nourrit de cadavres et d'immon- 
dices; le busard, Buleo vulgaris, abondant sur la côte, 
dans les plaines et dans le Liban en hiver, voir Busard, 
t. i, col. 1974; l'aigle, Aquila chryssetus, A. heliaca, 
A. elanga, etc., voir Aigle 1, t. i, col. 298; le milan, 
Milvus ictinus, M. migrans, M. segyptius, voir Milan, 
col. 1084; plusieurs espèces de faucons, Falco peregri- 
nus, F. lanarius, F. subbuteo, etc., voir Faucon, t. n, 



2047 



PALESTINE 



2048 



col. 2181; l'épervier, Accipiter nisus, voir Épervier, 
t. ii, col. 1829. 

c) Êchassiers. — Le héron est commun en Palestine ; 
le héron ordinaire, Ardea cinerea, se rencontre par- 
tout, spécialement aux environs du lac Houléh, du Jour- 
dain, du lac de Tibériade, du Cison et sur la côte. 
11 Ardea purpurea habite les mêmes contrées, mais en 
moins grand nombre. A signaler encore Y Ardea alba, 
VA. garzetta, l'A. bubulcus, l'A. ralloïdes, l'A. minuta. 
"Voir Héron, t. m, col. 654. Le butor, Botaurus stel- 
laris, vit dans les marais du lac Houléh et probablement 
dans d'autres endroits semblables. Voir Butor, t. i, 
col. 1979. La cigogne blanche, Ciconia alba, est com- 
mune à certaine époque de l'année; la cigogne noire, 
Ciconia nigra, plus sauvage, habite les lieux déserts, 
comme les bas-fonds de la mer Morte. Voir Cigo- 
gne, t. ii, col. 756. La grue, Crus communis, passe 
l'hiver dans les plaines du sud. L'outarde, Otis 
tarda, vit encore dans la plaine de Saron. Plusieurs 
espèces de bécassines : Gallinago major, G. cselestis, 
G. gallinula. 

d) Palmipèdes. — Le cormoran, Phalacrocorax 
carbo, est abondant sur la côte maritime, fréquente le 
Cison, le Jourdain et le lac de Génésarefh. Le cormo- 
ran de, la petite espèce, Phalacrocorax pygmseus, se 
trouve aussi sur le Cison et le Léontès. Voir Cor- 
moran, t. h, col. 1006. Le pélican, Pelecanus onocro- 
talus, se voit fréquemment sur le lac de Tibériade; le 
Pelecanus crispus se tient généralement sur le lac 
Houléh. L'hiver amène en Palestine l'oie sauvage, Anser 
cinereus, A. segetum, A. brenta; le cygne, Cygmts 
olor, de passage; le canard sauvage, Anas boschas. 
L'Anas angustirostris réside toute l'année dans les 
marais du lac Hûléh. On peut citer encore : le flamant, 
Phœnicopterus roseus; le grèbe huppé, Podiceps cri- 
status, etc. 

Pour le genre colombe, voir Colombe, t. n, col. 846. 

e) Gallinacés. — Les gallinacés comprennent : la 
perdrix rouge, Caccabis chukar, le gibier par excel- 
lence de la Palestine, d'après Tristram; une autre ra- 
vissante petite perdrix, Ammoperdix Heyii, grosse à 
peu près deux fois comme une caille, d'un gris jau- 
nâtre, couleur du sol, et qui remplace la précédente 
dans le bassin de la mer Morte et les ravins de la 
vallée du Jourdain; la caille, Coturnisc communis, qui 
en mars revient par myriades. 

C) Reptiles. — Les reptiles sont nombreux en Pales- 
tine, le terrain et le climat de la contrée étant particu- 
lièrement favorables à cette classe d'animaux. Les 
rochers calcaires et les collines crayeuses leur offrent 
abri et sécurité; la chaleur tropieale et l'atmosphère 
sèche de la vallée du Jourdain favorisent leur repro- 
duction; les dunes de sable et le désert de Judée voient 
courir une multitude de lézards. i° Ophidiens. — Parmi 
les Colubridés, nous citerons : l'Ablabes coronella, 
couleuvre commune dans les différentes parties de la 
région; l'Ablabes modestus, trouvé à travers la Galilée 
et dans le Liban ; le Coluber quadrilineatus, dans le 
nord de la Palestine; Zamenis ventrimaculatus, aux 
environs de la mer Morte ; Zamenis viridiflavus, abonde 
dans les broussailles un peu partout, dans le Ghôr et 
sur les collines; Zamenis dahlii, se trouve, non sur 
les collines, mais dans les herbes et les buissons, dans 
les lieux humides ; Tropidonotus tessellatus, qui atteint 
une taille considérable, vit parmi les chardons et les 
herbages, généralement dans les lieux marécageux. 
Parmi les Vipéridiés : Vipera euphratica, une des plus 
venimeuses, trouvée en Galilée et près de Jéricho , Da- 
boia xanthina, serpent venimeux, trouvé dans la plaine 
d'Acre et près de Tibériade, particulier à l'Inde; Ce 
rastes hasselquistii, bien connu en Egypte et dans le 
désert de Libye, se rencontre aussi dans le désert de la 
Judée méridionale, voir Céraste, t. n, col. 432; Echis 



arenicola, dans le sable au nord et à l'ouest de la mer 
Morte, espèce africaine. Pour le Naja haje, ou cobra 
des Égyptiens, qu'on trouve dans le sud de la Palestine, 
voir Aspic, t. i, col. 1124. — 2» Sauriens. — Les Lacer- 
tiens sont représentés par de nombreuses espèces de 
lézards : Lacerta viridis, fig. 56, t. m, col. 224, très 
abondant partout : Lacerta judaica, du Liban à Jérusa- 
lem, mais seulement sur le plateau; Lacerta Uevis; 
Zootoca muralis, commun dans le nord de la Palestine; 
Acanthodactylus savignii, trouvé en différentes locali- 
tés sur la côte; Ophiops elegans, très commun partout, 
excepté dans la vallée du Jourdain; Monitor niloticus, 
qui habite le sud de la mer Morte et du désert judéen. 
Voir Lézard, col. 223. Plusieurs espèces de Scincoïdiens ; 
Eivprepes fellowsii, partout; Euprepes savignii,sur la 
côte; Eumeces pavimentatus, trouvé près de la mer 
Morte, sur la côte et à Jérusalem, etc. Parmi les Gec- 
kotiens : Ptyodaetylus hasselquistii, le gecko, très abon- 
dant partout, voir Gecko, t. m, col. 143; Hemidactylus 
verruculatus, partout ; Stenodactylus guttatus, dans 
le Ghôr, au nord de la mer Morte; Gymnodactylus 
geckoïdes, trouvé au mont Carmel. Le caméléon, Cha- 
melos vulgaris, est très commun dans toute la contrée, 
spécialement dans le Ghôr. Voir Caméléon, t. H, 
col. 90. — 3° Crocodiliens. —Le crocodile existe encore 
en Palestine, dans le Nahr ez-Zerqa, le flumen croco- 
dilon de Pline, H. N., v, 17, qui se jette dans la Mé- 
diterranée au nord de Qaïsariyéh. M. Lortet, La Syrie 
d'aujourd'hui, p. 174, pense que le crocodile de Syrie 
est d'une autre espèce que celui d'Egypte. Voir Croco- 
dile, t. il, col. 1120. — 4° Chéloniens. — La Testudo 
ibera, est une tortue commune en Palestine. On trouve 
également de nombreuses tortues d'eau, Emys caspica, 
E. sigris, E. europsea. 

D) Amphibiens. — Le crapaud vert, Bufo viridis, 
pullule en Palestine, dans tous les lieux humides. Voir 
Crapaud, t. n, col. 1101. La grenouille ordinaire, Rana 
escidehta, foisonne également dans le pays. Voir Gre- 
nouille, t. m, col. 347. 

E) Poissons. — Les poissons sont extrêmement com- 
muns et variés dans les lacs et cours d'eau; même les 
petites sources en renferment souvent plusieurs espèces. 
i" Acanthoptérygiens. — Le Blennius varus est abon- 
dant dans le lac de Tibériade, spécialement à l'embou- 
chure des cours d'eau thermale qui s'y déversent. Le 
Blennius lupulus se trouve dans le même lac, dans le 
Cison et les petits ruisseaux de la baie de Saint-Jean 
d'Acre. Le mulet doré, Mugil auratus, est très commun 
dans toutes les rivières de la côte syrienne. Mais, parmi 
les poissons qui abondent dans la mer de Galilée, les 
plus caractéristiques et les plus nombreux sont les 
Chromis; on n'en compte pas moins de huit espèces. 
La plupart incubent leurs œufs gros et verdâtres et 
élèvent leurs petits dans l'intérieur de la bouche. On 
trouve souvent, dans la gueule d'un poisson long de 
vingt centimètres à peine plus de deux cents petits 
d'une couleur argentée, qui tombent sur le sable comme 
des gouttelettes de mercure. Une de ces espèces, le 
Chromis paterfamilias, Lortet, a une gueule énorme, 
comparée aux dimensions de son corps, et au printemps 
les joues du mâle sont toujours gonflées par les œufs 
ou le fretin, qu'il transporte ainsi partout avec lui. Ces 
poissons sont très bons à manger. Cf. Lortet, La Syrie 
d'aujourd'hui, p. 507. Les espèces sont : Chromis nilo- 
ticus, une des plus répandues dans tout le bassin du 
Jourdain; Chromis tiberiadis; Chr. andrese; Chr. 
simonis; Chr. flavii-josephi; Chr. microstomus ; Chr. 
magdalenœ; Hemichromis sacer. — 2° Physostomes. — 
Le Clarias macracanthus est un poisson remarquable, 
très abondant dans les fonds bourbeux ou dans les 
fourrés de papyrus du lac de Tibériade et du lac Houléh; 
il a été décrit par Josèphe, Bell, jud., III, x, 8, sous 
le nom de Coracinus du Nil. 



2049 



PALESTINE 



2050 



Le Cyprinodon dispar est un petit poisson que l'on 
trouve par myriades dans les petites sources thermales 
■et salines qui bordent la mer Morte. On rencontre le 
Cyprinodon cypris dans le Jourdain, dans l'Ain Fesch- 
khah, le Jaboc, etc. Le Discognathus lamta est très 
abondant dans le Jaboc, l'Arnon et les affluents du 
Jourdain du côté de l'est; il existe également dans le 
lac de Tibériade. On signale également plusieurs 
«spèces de Capoeta : C. damascina, C. syriaca, C. 
socialis, C. amir, C. sauvagei- Le Barbus canis est 
un des plus abondants parmi les nombreuses espèces 
que renferment le lac de Génésareth et le Jourdain. 

F) Mollusques. — « Cette partie de la faune pales- 
tinienne offre la même variété que les autres branches. 
Elle présente cependant moins d'exceptions au carac- 
tère général du bassin méditerranéen et moins de 
traces de mélange des formes africaines et indiennes. 
Les types du nord, spécialement du genre Clausilia, 
sont fréquents dans le Liban et son prolongement gali- 
léen. Les mollusques des plaines maritimes et de la 
côte n'ont pas de traits distincts de ceux de la Basse 
Egypte et de l'Asie Mineure. Les coquillages de la 
région centrale sont rares et généralement peu inté- 
ressants, tandis que, sur les bords de la vallée du Jour- 
dain et dans le désert méridional, on rencontre des 
groupes très distincts d'Hélix et de Bulimus, d'espèces 
particulières ou communes en quelques cas au désert 
d'Arabie. Les mollusques fluvialiles sont d'un type 
beaucoup plus tropical que ceux de terre; ils offrent 
peu d'espèces semblables à celles de l'est de l'Europe. 
La plupart d'entre elles sont identiques ou semblables 
à celles du Nil et de l'Euphrate; quelques-unes du 
genre Melanopsis et seize au moins du genre Vnio 
sont particulières au Jourdain et à ses affluents. Il 
semble probable que les habitants des eaux ont été 
plus capables de supporter le froid de l'époque gla- 
ciaire que les mollusques terrestres, et des restes 
post-tertiaires trouvés près de la mer Morte, il est 
permis de conclure que les espèces actuelles viennent 
d'une période antérieure à l'époque glaciaire, tandis 
que les formes plus septentrionales introduites à cette 
époque ont maintenu leur existence dans les contrées 
plus froides du nord de la Palestine à l'exclusion des 
espèces méridionales, qui n'ont pas réussi à se rétablir. 
Le beau groupe Ackatina, qui demande un degré 
d'humidité qu'on ne trouve pas généralement en Pa- 
lestine, n'est représenté que par quelques espèces insi- 

. gnifiantes et presque microscopiques. » H. B. Tristram, 
The Fauna and Flora of Palestine, p. 178-179. 

G) Insectes. — Voir Insectes, t. ni, col. 884. 

. 2. Aire géographique de la Faune. — Comme la 
flore, la faune de Palestine a des affinités géogra- 
phiques qu'il est très intéressant d'étudier. La Pales- 
tine forme une province méridionale extrême de la 
région palsearctique, qui comprend l'Europe, l'Afrique 
au nord de l'Atlas, l'Asie occidentale (mais non l'Ara- 
bie, qui est éthiopienne), le reste de l'Asie au nord de 
l'Himalaya, la Chine septentrionale et le Japon. L'ana- 
lyse des différentes classes d'animaux montre que si 
la grande majorité des espèces appartient à la région 
palsearctique, il y a dans chaque classe un groupe 
d'exceptions et de formes particulières qui ne peuvent 
être rapportées à cette région, et dont la présence ne 
peut convenablement s'expliquer que par l'histoire géo- 
logique du pays. Exceptions et formes particulières 
sont presque toutes confinées dans la vallée du Jour- 
dain et le bassin de la mer Morte. Ainsi, sur les 
113 espèces des mammifères, 55 sont palaearctiques, 
34 éthiopiennes, 16 indiennes, et 13 propres à la Pales- 
tine. La faune éthiopienne entre donc presque pour un 
tiers dans celle des mammifères palestiniens; elle com- 
prend en particulier 4 espèces d'antilopes, 2 de 
lièvres, et 8 de petits rongeurs des genres Aco- 

DICT. DE LA BIBLE. 



mys, Gerbilhis et Psammomys, qui sont strictement 
désertiques et ont ainsi pu traverser les déserts de 
sable de l'Afrique et de l'Arabie pour venir s'établir 
sur leur frontière septentrionale. Les Félidés ont pu 
arriver par l'Egypte ou la vallée de l'Euphrate. Comrne 
sur les 16 espèces indiennes, 9 sont également 
éthiopiennes, la faune de l'Inde tient en somme peu 
de place. Des 13 formes particulières, 3, Vrsus 
syriacus, Lepus syriacus et Sciurus syriacus sont 
de simples modifications de types palaearctiques; 6, 
Lepus sinaiticus, Gerbillus txniurus,- Psammomys 
myosurus, Acomys russatus, Mus prsetextus, Gazella 
arabica, sont de caractère éthiopien et s'étendent pro- 
bablement plus loin en Arabie et dans l'est de l'Afrique. 
Eliomys melanurus et Dipus hirtipes semblent bien 
propres à la Palestine. L'Hyrax syriacus fait partie 
d'un genre strictement éthiopien. 

La faune des oiseaux est exlraordinairement riche 
pour une aire si peu étendue. Sur les 348 espèces 
qu'elle comprend, 271 sont palaearctiques, 40 éthio- 
piennes, 7 indiennes et 30 particulières. Les espèces 
palaearctiques appartiennent presque toutes à la côte et 
au plateau qui avôisine le Jourdain à l'ouest et à l'est. 
Les types éthiopiens et indiens sont presque exclusive- 
ment renfermés dans le bassin de la mer Morte, qui, à 
l'exception de quelques émigrants d'hiver, offre très peu 
d'espèces palsearctiques. Les plus remarquables de la 
faune éthiopienne sont : Cypselus af finis, Merops virv- 
dis, Cotyle obsoleta, Corvus af finis, Saxicola nionacha. 
Dix autres sont des formes désertiques, probablement 
communes à l'Arabie, et atteignant là leur limite septen- 
trionale, comme Calandrella deserti, Cerlhilauda alau- 
dipes, Pleroclas exuslus, Honbara undulata, La plus 
intéressante des espèces indiennes, non éthiopiennes, est 
le Ketupa ceylonensis. Des 30 espèces classées comme 
particulières à la Palestine, 13 sont de simples modifi- 
cations des types palfearctiques, plusieurs autres 
sont étroitement apparentées aux formes désertiques ou 
orientales et se trouvent dans le bassin de la mer 
Morte. — Les reptiles et amphibiens comptent 92 espèces, 
surlesquelles 49 sont palaearctiques, 27 éthiopiennes, 
4 indiennes, 11 particulières. La faune herpétologique 
présente moins d'anomalies que les autres, les reptiles 
étant plus localisés et stationnaires. — La faune 
ichthyologique, quoique restreinte comme nombre 
d'espèces, est de beaucoup la plus distincte dans ses- 
caractères. Elle comprend 43 espèces, dont 8 seule- 
ment appartiennent à la faune ordinaire des rivières 
méditerranéennes. Dans le système du Jourdain, une 
seule, le Blennius lupulus, se rattache à la faune de 
la Méditerranée. Deux autres, le Chromis niloticus etle 
Clarias rnacracanthus, sont du Nil. Seize appartenant 
aux familles Chromidés, Cyprinodontidés et Cyprinidès 
sont propres au Jourdain, à ses affluents et à ses lacs. 
Voir Poissons. 

En résumé, la flore et la faune du bassin de la mer 
Morte nous révèlent un fait intéressant, à savoir que 
ce coin de terre isolé et restreint renferme une série 
de formes vivantes qui diffèrent absolument de celles 
de la région environnante et ont une étroite affinité 
avec le domaine éthiopien, en même temps que des 
traces de mélange indien. Comment expliquer ce fait? 
En présence de l'identité de beaucoup de ces espèces 
végétales et animales avec celles qui vivent sur le con- 
tinent africain, il serait peu raisonnable d'admettre 
une création spéciale ou une origine indépendante. 
D'autre part, l'hypothèse d'une migration a contre elle 
l'isolement dans lequel la Palestine se trouve mise par 
le désert qui l'enveloppe au sud et à l'est et qui forme 
une barrière pire que la mer ou tes montagnes. Il faut 
donc en venir à cette conclusion que les espèces dont 
nous parlons sont arrivées là avant que la contrée 
avoisinante ne présentât les obstacles actuels à leur 

IV. - 65 



2051 



PALESTINE 



2052 



transport, ce qui aous ramène à l'histoire géologique 
du pajs. Nous remontons ainsi jusqu'à l'époque où la 
chaleur du climat permettait à la flore et à la faune 
éthiopiennes, plus anciennes comme types que la flore 
et la faune palaearctiques, d'étendre leur domaine plus 
loin. Pendant la période glaciaire, seules subsistèrent 
les formes qui trouvèrent dans la vallée du Jourdain 
les éléments nécessaires à la lutte pour la vie, et elles 
ont constitué jusqu'à présent un groupe tropical isolé. 
Voir Géologie, col. 2018. 

Pour la bibliographie de la faune biblique, voir 
Animaux, t. i, col. 603. Nous ajouterons : H. B. Tris- 
tram, The Fauna and Flora of Palestine, dans le 
Survey of Western Palestine, Londres, 1884, p. 1- 
204; O. Bôttger, Die Reptilien und Amphibien von 
Syrien, Palâstina und Cypern, in-8», Francfort-s.-le-M., 
1880; Lortet et A. Locard, Études zoologiques sur la 
faune du lac de Tibériade, t. ni des Archives du 
Muséum d'histoire naturelle de Lyon, p. 99-293, 
avecl7 planches, Lyon, 1883; L. Anderlind, Ackerbau 
und Thierzucht in Syrien, insbesondere in Palâstina, 
dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, 
t. ix, 1886, p. 55-73; voir Tibériade (Lac de). 

yui. population. — C'est ainsi que Dieu forma et 
orna la terre qui devait être le théâtre de ses mer- 
veilles. Le peuple qu'il appela à en être le témoin et 
l'objet y fut transplanté, et, après en avoir été violem- 
ment arraché, il semble vouloir aujourd'hui y prendre 
de nouvelles racines. Il fut le seul à donner à ce pays 
une certaine unité, et cela seulement sous la royauté 
israélite et les Machabées. En dehors de ces époques, 
le sol palestinien n'a connu qu'un amalgame de races 
distinctes, dont la cohésion est venue d'une main 
étrangère. La même variété existe encore aujourd'hui, 
plus étrange peut-être qu'autrefois. Turcs, Arabes, 
Juifs, Syriens, Européens y vivent côte à côte, divisés 
par le sang, les coutumes, la religion, sans l'union de 
patrie, de drapeau, n'ayant guère d'autres liens que la 
langue, c'est-à-dire l'arabe généralement usité, et la 
puissance ottomane qui les gouverne. Nous n'avons 
point à décrire ces éléments divers; nous nous borne- 
rons aux deux qui constituent, inégalement d'ailleurs, 
le fond ethnique de la population : les Syro-arabes ou 
fellâhîn et les Bédouins ou nomades. La population 
syro-arabe, qui n'a d'arabe que son dialecte et peut- 
être une légère infusion de sang avant l'hégire, descend 
des anciennes races qui ont successivement occupé 
la contrée : Chananéens, Israélites, Philistins, Moabites, 
Araméeng, Grecs et Romains. Tous ces éléments s'étaient 
fondus ensemble lorsque les Arabes, déjà influents 
avant l'hégire, devinrent les maîtres du pays. Le fellah 
est méprisé par le Bédouin, surtout à cause de sa pré- 
tendue servilité, celui-ci n'estimant que la liberté dont 
il jouit, et les mariages sont rares entre les deux par- 
ties de la population. Celui-là n'en est pas moins d'une 
race frugale, intelligente, digne d'un sort plus heurenx 
si elle était suffisamment protégée et aidée. Les Arabes 
nomades habitent surtout à l'est du Jourdain. Pour leur 
origine, leurs coutumes, etc., voir Arabes, t. i, col. 828. 
Les Juifs qui occupent aujourd'hui la Terre-Sainte au 
nombre de près de cent mille, sont venus des difléren- 
tes parties du monde. Ce n'est donc pas chez eux qu'il 
faut aller pour voir revivre plus ou moins les usages de 
la vie ordinaire de leurs ancêtres, mais chez les fellâhîn 
et les Bédouins. Il y a dans les habitudes de ceux-ci 
une foule de traits qui illustrent singulièrement les- 
récits bibliques, et qu'on trouve indiqués dans le Dic- 
tionnaire à propos des sujets qui concernent la vie 
civile, sociale et religieuse. Il nous suffit de donner ici 
quelques indications bibliographiques : E. Pierotti, La 
Palestine actuelle dans ses rapports avec la Palestine 
ancienne, in-8», Paris, 1865; Thomson, The Land and 
the Book, Londres, 1860; H. J. van Lennep, Bible 



Lands, their modem cmtonis and manners, 2 in-8°, 
Londres, 1875; C. R. Conder, Tent Wwk in Palestine, 
in-8», Londres, 1889, p. 298-363; E. Le Camus, Notre 
voyage aux pays bibliques, 3 in-12, Paris, lb90; Mrs. 
Finn, The Fellaheen of Palestine, dans le Palestine 
Exploration Fund, Quart. St., 1879, p. 33-48, 72-87; 
Ph. Baldensperger, Peasartt Folklore of Palestine, 
ibid., 1893, p. 203-219; Birth, marriage and death 
among the Fellahin of Palestine, ibid., 1894, p. 127- 
144; S. Bergheim, Land tenure in Palestine, ibid., 
1894. p. 191-199; P. J. Baldensperger, Morals of the 
Fellahin, ibid., 1897, p. 123-134; J. Zeller, The Be- 
dawin, ibid., 1901, p. 185-203; Ph. G. Baldensperger, 
The immovable East, ibid., 1903, p. 65-77, 162-170, 
336-344, 1904, p. 49-57, 128-137, 258-264, 360-367; 1905, 
p. 33-38, 116-126, 199-205; 1906, p. 13-23, 97-102, 190- 
197; 1907, p. 10-21; F. A. Klein, Mittheilungen ûber 
Leben, Sitten und Gebràuche der Fellachen in Palâs- 
tina, dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina- 
Vereins, t. m, 1880, p. 100-115; t. IV, 1881, p. 57-84; 
t. vi, 1883, p. 81-101 ; traduit et reproduit dans le Pal. 
Expl. Fund, Quart. St., 1881, p. 111-118, 297-304; 1883, 
p. 40-48 ; Lydia Einsler, Arabische Sprichwôrter, dans 
la Zeitschr. des deut. Pal. Ver., t. xix, 1896, p. 65-101 ; 
L. Bauer, Arabische Sprichwôrter, ibid., t. xxi, 1898, 
p. 129-148; Enno Littmann, Eine amtliche Liste der 
Beduinenstàmme des Ostjot'danlandes, ibid., t. xxiv, 
1901, p. 26-31; L. Bauer, Kleidung und Schmuck der 
Araber Palâstinas, ibid., p. 32-38; A. Jaussen, Cou- 
tumes arabes aux environs de Mddaba, dans la Revue 
biblique, t. x, 1901, p. 592-608; Les tribus arabes à 
l'est du Jourdain, ibid., t. xi, 1902, p. 87-93, 419425 ; 
Coutumes arabes, ibid., ]t. xn, 1903, p. 93-99, 244-266; 
L'immolation chez les nomades à l'est de la mer Morte, 
ibid., 1906, p. 91-114. 

La population palestinienne n'a ni industrie, ni com- 
merce qu'il soit utile de mentionner. Les transactions 
sont devenues et deviendront plus faciles par les lignes 
de ohemin de fer de Jaffa à Jérusalem, de Khaiîa à 
Damas, de Damas à travers la Transjordane. Mais le 
pays reste encore trop fermé du côté de la mer. Nous 
avons montré plus haut ce qu'est aujourd'hui le litto- 
ral méditerranéen. Il eut cependant un rôle important 
dans l'histoire. Les moindres saillies dont la nature 
l'a orné furent utilisées, et des villes comme Sidon, Tyr, 
Saint-Jean-d'Acre, Césarée, Jaffa, devinrent de magni- 
fiques centres d'activité en même temps que des portes 
ouvertes à cette partie du continent asiatique sur le 
continent européen. Les Hébreux, il est vrai, n'étaient 
pas destinés à être un peuple marin, et la mer n'a pas 
été pour eux, comme pour d'autres peuples, un moyen 
d'expansion, ni une source de richesses. Il y eut néan- 
moins des temps où la côte palestinienne, avec ses petits 
ports, présentait animation et vie. Au moyen âge encore, 
ces ports étaient assez bien aménagés et entretenus pour 
l'époque. Mais actuellement ils ne sont plus suffisante 
aux vaisseaux de fort tonnage. Il faudrait donc, de ce 
côté, remanier et agrandir, comme il faudrait, du côté de 
l'agriculture, refaire et perfectionner, ponr apporter aux 
habitants une prospérité qu'ils ne connaissent pas. Pour 
les routes qui sillonnent la Palestine, voir Galilée, 
Judée, et les articles concernant les tribus d'Israël. 

Nous terminerons en disant que les trois grandes 
religions qui ont pris naissance au sein des peuples 
sémites et dont la Palestine peut être regardée comme 
le berceau, c'est-à-dire le judaïsme, le christianisme et 
l'islamisme y sont représentées. Et, à côté de la joie que 
procure au pèlerin la Terre du Christ avec ses impéris- 
sables souvenirs, c'est une grande tristesse de la voir 
livrée aux divisions ded'erreur, du schisme et de l'hé- 
résie. - A. Legekdre. 

V. Géographie historique de la Palestine. — Lors- 
que Abraham arriva dans la Palestine, elle était habitée: 



2053 



PALESTINE — PALIMPSESTES BIBLIQUES 



2054 



1° par les Chananéens proprement dits ; 2» les Héthéens; 
3° les Amorrhéens; 4° les Phërézéens; 5° les Hevéens; 
6° les Jébuséens; 7° les Gergésiens. Sur ces diverses 
tribus et les pays qu'elles habitaient voir les articles 
" qui leur sont consacrés et cf. Chananéens 1, t. h, 
col. 539. — Quand Josué lit la conquête de la Palestine, 
la plupart des villes avaient à leur tête un petit roi 
indépendant. Le successeur de Moïse partagea entre les 
diverses tribus d'Israël le pays conquis. Pour la géogra- 
phie des douze tribus, voir les articles et les cartes re- 
latifs à chacune d'elles. — La distinction des douze 
tribus se conserve jusqu'à la prise de Jérusalem par 
Titus, mais après avoir été à peu prés indépendantes 
les unes des autres sous les Juges, elles reconnurent une 
autorité unique sous le règne de Saùl, de David et de 
Salomon. L'nnité fut brisée dès le règne de Roboam, fils 
de Salomon, et la Palestine partagée en deux royaumes, 
celui du nord ou d'Israël et celui du sud ou de Juda. 
Cet état de choses dura jusqu'à la prise de Samarie par 
les Assyriens (721 avant J.-C.) voir Juda (Royaume de) 
et Israël (Royaume d'), t. m, col. 1771 et 1000. A la 
suite de la ruine du royaume d'Israël par Sargon, roi 
de Ninive, ce prince déporta dans la Palestine centrale 
pour la repeupler divers peuples qu'il avait vaincus en 
Babylonieet en Syrie et qui devinrent les Samaritains. 
IV Reg., iv, 24. A partir de cette époque et jusqu'au 
temps de Noire-Seigneur et des Apôtres, la Palestine 
forme trois parties distinctes à l'ouest du Jourdain : la 
Judée au sud, voir Judée, t. m, col. 1814; la Samarie 
au centre, Voir Samarie 2; la Galilée au nord, voir 
Galilée, t. m, col. 87. Le territoire à l'est du Jourdain, 
au temps de Notre-Seigneur, s'appelait la Pérée, voir 
Pérée. Sur la. géographie de la Palestine au temps des 
Machabées et des Hérodes et sous la domination ro- 
maine, voir Machabées, t. iv, col. 481; Hèrode 5, t. m, 
col. 650; Abila et Abilène, t. i, col. 50-52; Batanée 
(Basan), t. i, col. 1486-1490; Iturée, t. m, col. 1040; 
, Trachonjtide ; Procurateurs romains. 

PALESTRE (grec : mxlattnpa, latin : palmstra), 
école de gymnastique. Antiochus Épiphane voulant 
introduire les coutumes helléniques en Judée, fonda 
dans la citadelle de Jérusalem un gymnase et une pa- 
lestre. Les prêtres, violant la loi, montraient peu de 
zèle pour le temple et prenaient part dans la Paleslre 
aux exercices proscrits. Il Mach. iv, 14. Le mot pa- 
lestre désignait plus particulièrement la partie du 
Gymnase où se faisaient les concours divers et où sié- 
geaient les juges des divers combats. Voir Gymnase, 
t. m, col. 369; Athlètes, t. i, col. 1222. 

E. Beurlier. 

PALEY William, théologien anglican, né à Peter- 
borough en 1743, mort à Bishop-Wearmouth le 25 mai 
1805. Il termina son éducation à l'université de Cam- 
bridge et devint un répétiteur de Christ Collège. Il 
embrassa l'état ecclésiastique, et en 1794 il obtint un 
canonicat à la cathédrale de Saint-Paul. Bientôt après 
il renonçait à plusieurs bénéfices pour se relirer dans 
la petite paroisse de Bishop-Wearmouth où il mourut. 
Parmi les ouvrages de cet auteur nous ne citerons que : 
Horie Paulinse, or the Truth of the Scripture kistpry 
of St. Paul evinced, in-4°, Londres, 1789 ; ouvrage tra- 
duit en français, in-8», Nîmes, 1809. Le R. Edmond Pa- 
ley a écrit la vie de son père, W. Paley, et l'a placée en 
tête de ses oeuvres qu'il publia à Londres en 1848, 4 in- 
8». Voir W. Orme, Biblioth. biblica, p. 337. 

B. Heurtebize. 

PALIMPSESTES BIBLIQUES, Bien que d'après 
l'étymologie (7râ>iv, « de nouveau, » et iiiia, « gratter, effa- 
cer en grattant ») le mot palimpseste ait dû s'appliquer 
d'abord aux parchemins qu'on grattait au canif ou qu'on 
frottait à la pierre ponce dans le but de les récrire, il 
se disait aussi des tablettes de cire dont on égalisait de 



nouveau la surface pour effacer l'ancienne écriture et- 
des papyrus qu'on pouvait faire resservir en les sou- 
mettant à un lavage, quand l'encre était encore fraîche 
ou peu caustique. Catulle, xxu, 4; Cicéron à Trébatius, 
Epist. ad. famil,, vu, 18. Plutarque, le premierjiuteur 
grec connu qui emploie ce mot, dit que Platon com- 
parait Denys le Tyran à un palimpseste (wo-irep fScêXc'ov 
îra>i(ji'{<ïi(rTov, telle est l'orthographe de Plularque) sur 
lequel il est malaisé d'écrire parce que les anciens 
traits sont difficiles à effacer (SuaéxTrXuTOç). Le papyrus 
gratté n'était guère utilisable; au contraire, ce qui fit 
préférer d'abord le parchemin, pour les brouillons, 
c'était la facilité d'effacer et de remplacer ce qu'on 
venait d'écrire. 

A partir du vn e siècle, date de l'occupation de l'Egypte 
par les Arabes, le papyrus devenant di plus en plus 
rare et le parchemin ne suffisant plus à la consomma- 
tion, on se mit à récrire les anciens manuscrits. La 
préparation des palimpsestes fut un art très cultivé 
pendant le moyen âge. Voici une recette donnée 
par Mone, De libris palimpsestis, Carlsruhe, 1855, 
p. 38, d'après un manuscrit de Munich du XI e siècle 
lat. 18628) : Quicumque in semel scripto parga- 
nieno necessilate cogente iterato scribere velit,accipiat 
lac imponatque pergamenum per unins noctis spa- 
tium. Quod pos'tquam inde sustulerit, farre aspersum, 
ne ubi siecari incipït in rugas contrahatur, sub pres- 
sura castiget quoad exsiccetur. Quod ubi fecerit, pu- 
mice cretaque expolitum priorem aïbedinis suœ nito- 
rem recipiet. Ce fut principalement dans les cloîtrés, 
où la pénurie du parchemin se faisait surtout sentir et 
où la transcription de nouveaux livres était indispen- 
sable, que cet art fut cultivé. On a beaucoup crié contre 
le vandalisme des moines qui auraient détruit sciemment 
les chefs-d'œuvre de l'antiquité classique pour copier 
des ouvrages médiocres de liturgie ou de patrologie. 
Mais ces déclamations ne soutiennent pas un examen 
impartial des faits. D'abord il y a proportionnellement 
autant d'écrits profanes recouvrant un texte biblique 
que d'écrits bibliques recouvrant un texte profane; 
ensuite les manuscrits qu'on sacrifiait existaient alors 
en plusieurs exemplaires et l'on ne pouvait pas soup- 
çonner qu'ils deviendraient un jour l'unique exemplaire 
d'un auteur; enfin on ne se servait guère que de 
manuscrits frustes, incomplets, ou hors d'usage, dont il 
était impossible de prévoir quelle serait la valeur aux 
yeux de la postérité. C'est ainsi que le fameux codex de 
Wolfenbùttel (Weissenburg, 64), dont deux cent douze 
feuillets sur trois cent trente sont palimpsestes, n'a pas 
absorbé, selon Knittel, Vlphilm versio Gothica, p. 118, 
moins de dix-sept débris d'ouvrages et les cent quarante- 
huit feuillets palimpsestes du Vaticanus,lat. 2061, sont 
empruntés à six anciens manuscrits. Un des palimp- 
sestes les plus précieux, celui qui fut découvert en 1892, 
à Sainte-Catherine du Sinaï, par M"" Lewis, se compose 
de cent quatre-vingt-deux feuillets, tous récrits. Dans 
ce nombre cent quarante-deux feuillets sont empruntés 
à un ancien codex syriaque des Évangiles, quatre à un 
manuscrit grec- du rv a siècle, douze à un autre manus- 
crit grec du vm e siècle dont le texte n'a pas été iden- . 
tifie, et le reste à un recueil syriaque d'apocryphes 
(Actes de Thomas et Dormition de Marie). — La pé- 
nurie du parchemin dura jusqu'au xi e ou XII e siècle, 
époque de là diffusion du papier de chiffons et de coton. 
Lorsqu'un parchemin a été gratté au canif, la pre- 
mière écriture est d'ordinaire irrémédiablement perdue; 
mais lorsqu'il a été simplement frotté à la pierre ponce 
ou traité par un procédé moins radical, il est encore 
possible de la déchiffrer, surtout à l'aide de quelque 
réactif chimique. A vrai dire, la chimie a été souvent 
appliquée trop indiscrètement. En Italie, on a surtout 
employé la noix de galle qui brunit le manuscrit et le 
noircit même à la longue jusqu'à le rendre illisible et 



2055 



PALIMPSESTES BIBLIQUES 

PRINCIPAUX MANUSCRITS BIBLIQUES PALIMPSESTES 



2056 



SITE ACTUEL. 



CONTENU. 



EDITEURS. 



VERSION DES SEPTANTE ET D'AQUILA 



'Ephrsemi rescriptus. 
Petropolitanus. . . 
Lipsiensia fragm. . 
Dublinenaia fragm. 
Tischendorf. fragm. 
Cryptoferratensis. . 
Fragments d'Aquila. 
Nouv. frag. d'Aquila. 



Ephraemi rescriptus . 

Petropolitanus . . . 

Guelferbytanus A . 
Guelferbytanus B . 

Nitriensis 

Neapolitanus 

Dublinensïs . . . . 
Porphyrianus . . . 
Patiriensis 



Bernensia fragm: . 
Palimps. de Fleury. 

Bobiensis 

Guelferbytanus. . . 
Wirceburgensis . . 
Pal. de Freising. . 



c 


V* 


H 


VI» 


K 


vu* 





vnr 


Z 


v à ix" 


r 


VIIIMX" 


» 


VI 1 


» 


VI - 



Paris, Bibl. nat.,'grec 9. 

Saint-Pétersbourg. 

Leipzig, Univ., Tîsch. IL 

Dublin, Trinity, K.3.4. 

Grottaferrata, E. J3. VII. 



Fragm. des livres sap. et duN. T. 

Livre des Nombres (fragm.). 

Heptateuque (fragm.). 

Isaïe (fragm.). 

Rois, Prophètes (fragm.). 

Prophètes (fragm.). 

IReg., XX, 9-17; UReg., Xxm, 12-27. 

Pa. xc-cm (fragm.). 



C 83 


V 


T ( s. 1.23. 
J [ 15.16 




v«-vr 


P t33 


VI* 


Q 




R s 22 


VI' 


VV t 58 


VIU'-IX* 


Z s 26 


VI" 


P «.'A 


IX" 


3 «1 


v-vr 



NOUVEAU TESTAMENT GREC 

Paris, Bibl. nat., grec 9. 

Saint-Pétersbourg. 

Wolfenbûttel, Weiss., 64. 

Id. 

Brit., Mus. addit. 17211. 

Naples, Bibl. nat., II. C. 15. 

Dublin, Trinity, K. S. 4. 

S. Pétersb. , Bibl. imp., 225. 

Vatican, grec 2061 . 



518 versets des quatre Évang. 

247 versets de Luc et Jean, 

Environ 516 versets de Luc. 

Synoptiques (fragm.). 

295 versets de Matthieu. 

Actes, Épîtres, Apoc. (fragm.). 

Actes, Cafh., Paul (fragm.). 



ANCIENNE VERSION LATINE 



gue 



Pal. de l'Escurial. 
Pal. de Léon. . . 



'Pal. du Sinaï. . . 
Pal. du Caire. . . 
Carolinus Codex. 
Ambrosiani Cod. . 



v 
vr-vir 
v-vr 

VI' 



VII* 
VII" 



Berne, n. 611. 

Paris, Bibl. nat., lat. 6400G 

Vienne, Bibl. imp., lat. 16. 

Wolfenbûttel, Weiss., 64. 

Wurzbourg. 

Munich, lat. 6225. 



Escurial, R. II, 18. 



Marc (fragm. des chap. i, n et m), 

Actes, Cathol. Apoc. (fragm.). 

Actes, Cathol. (fragm.). 

Romains, ITim. (fragm). 

Pentat. Prophètes (fragm.). 

Pentateuque (fragm.). 



Nombres, Juges (fragm.). 
Fragm. de l'A. et du N. T. 



TEXTES DIVERS 



Syriaque. 
Syriaque. 
Gothiqne. 
Gothique. 



Sinaï, Syriaque, 30. 

Univers, de Cambridge. 

Wolfenbûttel, Weiss., 64. 

Ambrosienne, Milan. 



Évangiles. 

Fragm. divers de l'A. et du N. T. 

Romains (40 versets) 

Divers fragments. 



Tischendorf 1 . 
Tischendorf 9 . 
Tischendorf 3 . 

Abbott ». 
Tischendorf 3 . 
Cozza-Luzzi ". 

Burkitt 7 . 

Taylor 8 . ' 



Tischendorf. 

Tischendorf . 

Knittel, Tischendorf 10 . 
Knittel, Tischendorf l0 . 

Tischendorf". 

Tischendorf' 2 . 
Abbott". 

Tischendorf". 

Encore inédit. 



Hagen 15 . 
Berger". 
White". 
Knittel, Tischendorf 18 , 
Ranke ">. 
Ziegler -°. 



Ewald et Lœwe »' . 
Inédit (?) 



Bensly, Harris, Burkitt 2! . 

Lewis et Gibson * 3 . 

Knittel «. 



1 Le Codex Ephrsemi, qui contient soixante-quatre feuillets palimpsestes pour l'Ancien Testament et cent quarante-cinq 
pour le Nouveau, a été édité par Tischendorf, Codex Ephrœmi rescriptus. 

1 Monumenta sacra médita, t. i, Leipzig, 1855. La partie palimpseste comprend quatre-vingt-huit feuillets. 
3 Mon. sacra ined., t. I, Leipzig, 1855. Vingt-deux feuillets palimpsestes. 

* Par palimpsestorum Dublinensium, Dublin, 1880. Huit feuillets. 
» Mon. sacra ined., 1. 1 et n, pour les fragments des Rois. 

9 Sacrorum bibliorum vetustissima fragmenta, Rome, 1867. 

7 Fragments ofthe Booki.of Kings according to the translation of Aquila, Cambridge, 1877. 

8 Hebrew-Greek Cairo Genizah Palimpsests, Cambridge, 1900. 

• Monum. sacra ined., t. I, Leipzig, 1855. 

10 Knittel, Ulphilœ versio Gothica, etc., 1762 (pour les deux); Tischendorf, Monum. sacra ined., t. m, Leipzig, 1860 
(pour Q), et t. VI, Leipzig, 1869 (pour P). P a quarante-quatre feuillets, Q en a treize. 

11 Monum. sacra ined., t. il, Leipzig, 1857. Quarante-huit feuillets palimpsestes. 

12 Monum. sacra ined., t. m, Leipzig, 1860. Quatorze feuillets palimpsestes. 

13 Codex rescriptus Dublinensis, Dublin, 1880. Barrett l'avait déjà publié en fac-similé dès 1801 et Hansell dans ses Texts 
of the oldest existing manuscripts of the N. T., Oxford, 1864, avait imprimé les fragments déchiffrés depuis. La partie 
palimpseste comprend trente-deux feuillets sans compter les huit feuillets d'Isaïe. 

14 Monum. sacra ined. (t. v, pour les Épîtres catholiques et celles de Paul, t. vi pour les Actes et l'Apocalypse). 

15 Ein Italafragment aus einem Berner Palimpsest, dans Zeitschrift fur wissenschaftl. Theol., t. xxvn (1884), p. 470. 
Cf. Old-Latin biblical Texts, n. n, Oxford, 1886, p. ccxltx-cclvi et 89-94. 

<° Le Palimpseste de Fleury, Paris, 1889. CS.Journal of theol. Studies, Oxford, t. vu (1906), p. 454. 

17 Portions of the Acls of the Apostles, etc., dans Old-latin biblical Texts, n. iv, Oxford, 1897. 

18 Knittel, Ulphilse versio Gothica, etc. ; Tischendorf, Anecdota sacra et profana, p. 155-158. 

10 Par palimpsestorum Wirceburgensium, etc., Vienne, 1871. 

t0 Bruchstucke einer vorhieron. Uebersetzung, Munich, 1883. Trente-neuf feuillets palimpsestes. 

11 Exempta scripturse visigothiœ, Heidelberg, 1873, p. 3-5, pi. iv et v. 

" The Four Gospels in Syriac transcribed from the Sinaitic Palimpsest, Cambridge, 1894, avec une préface par M-* Lewis. 
** Palestinian Syriac Texts from palimpsest fragments in the Taylor-Schechter collection, Londres, 1900. 
21 Pour les deux derniers articles, voir Scrivener, Introduction, 4> édit., 1894, t. n, p. 146-148. 



20S7 



PALIMPSESTES BIBLIQUES — PALME 



2058 



qui en outre corrode le parchemin. Il esl facile de le 
constater sur les codex de l'Ambrosienne et du Vatican 
traités ainsi par Mai'. Le Patiriensis, par exemple, a 
été fort maltraité. "Voir Patiriensis (Codex). En 
France, la teinture de Gioberti a été préférée comme 
moins corrosive, mais elle colore en bleu les manus- 
crits. Témoin le Codex rescriptus Ephriemi. L'hydro- 
sulfate d'ammoniaque, tout aussi efficace, est peut-être 
moins nuisible, à condition de ne point l'appliquer sur 
un autre réactif et de laver ensuite les feuillets ainsi 
traités. Il y a d'autres procédés qu'on trouvera dans 
Chassant, Paléographie des chartes et manuscrits, 
7» édit., 1876, p. 68, dans Wattenbach, Das Schrift- 
wesen im Mittelalter, 3 e édit., Leipzig, 1896, p. 315, 
dans Pertz, Archiv., t. v, p. 512, etc. Mais on constate 
que les moyens préconisés comme les plus inoffensifs 
manifestent avec le temps des inconvénients de plusieurs 
sortes. Il est donc prudent, après avoir traité un manus- 
crit par un [procédé quelconque, de le photographier 
dès que l'ancienne écriture est visible. Il serait même 
préférable de ne pas employer les réactifs au cas où la 
photographie, sous un joui 1 favorable, ou un simple 
nettoyage des feuillets à la potasse, pourraient assurer 
la lecture. — Certains manuscrits, par exemple le 
Cryptoferratensis, sont doublement palimpsestes, c'est- 
à-dire que l'écriture primitive a été remplacée par une 
autre et celle-ci à son tour par un texte plus récent. 
Mais alors les traits se confondent et il est difficile de 
rien tirer des écritures précédentes. 

Une liste des principaux manuscrits bibliques en 
montrera toute l'importance. On y verra des textes de 
premier ordre, tels que le Codex Èphrsemi, le Nitrien- 
sis, les Évangiles syriaques du Sinaï, les fragments 
d'Aquila. Ceux qui sont marqués d'un astérisque ont un 
article à part dans ce Dictionnaire. Dans la deuxième 
colonne des manuscrits grecs du Nouveau Testament le 
second sigle est celui qu'emploie von Soden. 

F. Prat. 

PALIURE (hébreu : Sâmîr ; Septante : x^puoç, 
X<5pToc, Si-pftxjïiç, ij},7)v; Vulgate : vêpres, spina, spinee), 
arbrisseau aux tiges très rameuses et épineuses. 

I. Description. — Le Paliurus aculeatus (fig. 539) 
est épineux comme plusieurs autres espèces de la 
famille des Rhamnées répandues dans la région 
méditerranéenne. A cet égard il ressemble aux juju- 
biers sauvages, notamment au Zizyphus Spina-Christi, 
pour les deux stipules acérées que présente à sa base 
chacune des feuilles, l'une allongée et droite, l'autre 
plus courte et très recourbée. Il en diffère surtout par 
son fruit qui ne devient pas charnu à la maturité, mais 
développe une aile circulaire ondulée-crénelée imitant 
le rebord d'un chapeau. Les tiges très rameuses à 
branches étalées, avec des feuilles alternes-distiques 
et coriaces, atteignent jusqu'à 3 ou 4 mètres de hauteur, 
formant des buissons impénétrables. F. Hy. 

II. Exégèse. — La plante appelée Sâmîr ne se ren- 
contre que dans Isaïe. Elle y est nommée huit fois et 
ordinairement jointe à une autre plante Sayif dont le 
nom aussi ne se présente que dans ce prophète. On les 
trouve formant une locution Sâmîr vâsayït, équiva- 
lente à celle que nous employons fréquemment : « les 
ronces et les épines. » Is., v, 6; vu, 23, 24, 25y,ix, 17; 
x, 17; xxvil, 4. Elles viennent dans les descriptions 
comme un symbole de ruine et de désolation. Une fois 
le Sâmir est joint à une autre espèce d'épines appelée 
qôs. Is., xxxn, 13. Faut-il ne voir dans cette expression 
qu'un terme général pour désigner les épines? Il 
semble bien, par la diversité de leurs traductions ou 
par les termes généraux qu'ils emploient, que les Sep- 
tante et la Vulgate n'ont vu dans sâmîr aucune espèce 
déterminée. Cependant comme dans notre locution 
« les ronces et les épines » le premier nom désigne un 
genre particulier d'épines, les Rubus, sâmîr pourrait 



signifier une espèce ou un genre spécial d'épines, 
comme les Rhamnées très abondantes en Palestine. 
H. B. Tristram, The Fauna and Flora of Palestine, 

in-4°, Londres, 1884, p. 263. En arabe y-»*o, samûr, qui 

rappelle de très près le Sâmîr hébreu, désigne une 
espèce particulière d'épines de la famille des Rham- 
nées, le Paliurus aculeatus. Quelquefois les Arabes 
appellent aussi samûr, le Rhamnus oleoïdes, le ner- 
prun, H. B. Tristram, The natural History of the Bible, 
in-12, Londres, 1889, p. 428. 0. Celsius, Hierobotanicon, 
in-8°, Amsterdam, 1748, t. n, p. 188, se range au sen- 
timent d'Abulfeda, d'après lequel le samûr est une 
plante épineuse du genre des Sidr, non de l'espèce 
qui porte le fruit Nabaq et qui est le jujubier, mais de 
l'espèce qui ne porte pas de fruit et qui est le Paliurus 
aculeatus, J. Kitto, Cyclopsedia, in-S^, Edimbourg, 
1856, t. m, p. 814. Le sâmîr peut donc être vraisem- 




539. — Paliurus aculeatus. Rameau, fleurs et fruit. 

blablement identifié à cette dernière plante. Quelques 
auteurs ont pensé que les épines de la couronne du 
Christ étaient tirées du Paliurus aculeatus. Il est pos- 
sible que des épines de diverses espèces de Rhamnées 
aient été employées; mais celles qui ont pu être étudiées 
appartiennent au jujubier Zizyphus Spina-Christi, 
t. m, col. 1863. — La Vulgate traduit par le mot 
Paliurus deux mots hébreux désignant des épines 
d'espèces différentes : dans Mich., vu, 4, pour rendre 
le mot hêdéq, qui est plutôt la Morelle, cf. t. iv, 
col. 1281 ; et dans Isaïe, xxxiv,'13, pour rendre hôafj., 
qui est le chardon. Cf. t. n, col. 588. 

E. Levesqde. 

1. PALME, rameau de palmier. Voir Palmier. 

2. PALME, mesure de longueur. On distingue le 
grand palme et le petit palme. — 1° Le grand palme, 
appelé aussi empan, porte en hébreu le nom de zérét 
(Septante : o-7ri9a|x^ ; Vulgate : palmus), est la moitié 
de la coudée, c'est-à-dire 0">262. Exod., xxvm, 16; 
xxxix, 9; I Sam. (I Reg.), xvn, 4; Is., xl, 12; Ezech., 
xlii, 13. Zérét désigne la distance comprise entre le 
petit doigt et le pouce étendus. Voir Mesure, h, 2°, Em- 
pan, col. 1042. — 2° Le petit palme, en hébreu, téfafy 
{tôfak, dans Ézéchiel) est le tiers du zérét ou ro 0875, 
égalant la largeur de la main ou quatre doigts. Exod*, 
xxv, 25; xxxvn, 12; III Reg., vu, 26; II Par., iv, 5,- 



2059 



PALME 



PALMIER 



2060 



Ps. xxxix (xxxvm), 6; Ezech., xl, 5, 43; xliii, 13; 
ef. Jer., lu, 21. Lé Psalmiste emploie métaphorique- 
ment le mot téfah pour un temps très court (Vulgate : 
mensurabiles). Saint Jérôme a toujours traduit zéréf 
par palmus et il a rendu quatre fois téfah ou tôfah par 
le même terme, sans tenir compte de la différence réelle 
des deux mots, II Par., rv, 5; Ezech., xl, 5, 43; xliii, 
13; dans trois autres passages, afin qu'on ne confondît 
point le grand palme ou spithama, qui a douze doigts, 
Vilruve, ni, 1, avec le petit, il a traduit téfah par 
« quatre doigts », Exod., xxv, 25; xxvil, 12, et par très 
uncise, équivalant à quatre doigts, III Reg., vil, 26; 
enfin, dans Ézéchiel, xliii, 13, où il est dit que la cou- 
dée dont on se sert pour mesurer l'autel a un tôfah de 
plus que la coudée ordinaire, et que le rebord du con- 
tour de l'autel a un zérét, il a traduit les deux noms de 
mesure, malgré leur diversité, également par palmus. 

PALMERSTON Thomas, exclusivement connu de 
son temps sous le nom de Thomas Hibernicus, né à 
Kildare, dans le comté de Leicester, entra dans l'ordre 
des Frères Mineurs et fut envoyé par ses supérieurs à 
Paris, où il devint docteur en l'Université. De là il se 
retira en Italie pour y mener une vie obscure, car il 
était homme de grande piété et humilité, au point que, 
dit-on, il se coupa le pouce de la main gauche afin qu'on 
ne pût pas l'ordonner prêtre. On le croit mort en l'an 
1270. II laissait Flores Bibliorum, sive loci communes 
omnium fere materiarum e novo et veteri Testamento 
excerptx. Cet ouvrage, au dire de Sbaraglia, parlant 
surtout d'après d'autres bibliographes, fut imprimé à 
Paris en 1556, in-16; de nouveau à Paris en 1662; à 
Lyon en 1678, et encore en 1679. Ce n'est pas ici le lieu 
d'entrer en discussion avec Ëchard, qui a prétendu que 
Thomas Hibernicus n'était point Frère Prêcheur, 
comme plusieurs l'avaient dit, ni Frère Mineur comme 
le disaient les Franciscains. 

P. Apollinaire. 

PALMES (VILLE DES) ou plutôt des PALMIERS 
(hébreu : 'Ir hat-Tamarîm ; Septante : 7fS>,s« twv çoivi- 
iwv; Vulgate : civitas palmarum), nom donné à Jéri- 
cho. Jud., i, 16; m, 13. Voir Jéricho, t. m, col. 1282. 

PALMIER (Hébreu : tâmdr; Septante : cpo(vi£; 
Vulgate : palma), terme générique qui ne s'applique 
dans les textes bibliques qu'au palmier-dattier. 

I. Description. — De tous ces arbres que pour leur 
élégance Linné appelait les princes du règne végétal, 
la seule espèce qui croisse en Palestine est le Dattier 
ou Phœnix dactylifera, fig. 540. Son stipe élancé atteint 
jusqu'à 20 mètres de hauteur sans se ramifier, mais 
porte à son sommet une couronne de 40 à 50 feuilles 
très amples, découpées suivant le mode penné. Leur 
rachis épais et comprimé porte sur toute sa longueur 
des folioles lancéolées-linéaires, acuminées, pliées Ion- 
gitudinalement et apprimées avant leur complet déve- 
loppement : c'est à cet état qu'on- les cueille sous le 
nom de palmes. Les fleurs sont portées en très grand 
nombre sur des panicules ou régimes à branches 
flexueuses, protégées par une spathe dans l'aisselle des 
feuilles. Ces fleurs sont dioïques, et pour favoriser la 
pollinisation les Arabes qui cultivent le Dattier ont 
coutume de détacher les régimes de fleurs mâles pour 
aller les secouer sur les régimes des fleurs femelles au 
moment de l'anthèse. La fécondation peut transformer 
en autant de baies les 3 carpelles libres de chaque fleur, 
mais 1 ou 2 avortent le plus souvent. Ces fruits cylin- 
dracés ont la grosseur du doigt, d'où vient leur nom : 
la chair ferme plus ou moins sucrée suivant le degré 
de maturation entoure l'albumen corné qui simule un 
noyau. L'arbre, à la condition de trouver à ses racines 
des eaux souterraines, peut supporter le climat le plus 
désertique. F. Hy. 



Exégèse. — 1» Noms. — Le mot hébreu tdmâr ne 
souffre aucune difficulté d'identification : les versions 
sont unanimes à voir dans ce nom le palmier-dattier. Les 
langues chaldéenne et syriaque qui ont conservé le mot 
ternar avec la même signification, emploient plus volon- 
tiers le synonyme dégel, diqla', qui rappelle le grec 
SixTuXoç, l'espagnol dactiles, l'italien dattili, le français 
datte. L'arabe qui désigne par nakhl notre palmier, a 
conservé la racine tamr pour la datte. Le nom hébreu 
fait allusion au port élancé de l'arbre; le nom araméen 



-'*% 








640. — Phœnix dactylifera. 

1" Rameau de fleurs mâles et fleur mâle ouverte. 

2' Rameau de fleurs femelles et fleur femelle. 

dêqél paraît tiré du fruit; le nom latin palma rappelle 
la forme recourbée des feuilles. Quant au grec «poîvtlil 
pourrait bien n'être que la transcription grecque du nom 

égyptien du palmier I 5 . I, Bounnou. — Le mot 

hébreu fômér, qui ne se distingue du précédent que 
par l'es voyelles, désignerait selon les uns le palmier^ 
mais selon d'autres une colonne, un pilier. De même 
en Egypte Ben, « palmier », désigne avec un détermi- 
natif spécial une colonne en forme de palmier, c'est-à- 
dire avec un chapiteau en imitant les feuilles. Dûmichen, 
Tempel-Inscriften, 87. 1. C'est en ce sens particulier 
qu'il faudrait entendre fomér dans Jer., x, 5, et même 
dans Jud., iv, 5. M. J. Lagrange, Le livre des Juges, in-8°, 
Paris, 1903, p. 67. — fimorah et (immôrâh s'entendent 



2061 



PALMIER 



2062 



des palmiers sculptés, c'est-à-dire des ligures de pal- 
mier aux formes conventionnelles, ou bien des pal- 
mettes, motif connu de l'architecture égyptienne et 
phénicienne. I Reg., VI, 29, 32, 35, 36; Ezéch., XL, 16, 
22, 26, 31, 34; su, 18, 19, 20, 25, 26. - Les feuilles du 
palmier 'âlê femârîm, II Esd., vin, 15, s'appellent 
proprement kappof (emârîm, Lev., xxm, 40, 42, du 
mot kaf, paume de la main, à cause de leur forme 
recourbée, formant une sorte de dôme, ou simplement 
kippdh, Is., IX, 14 s fronde de palmier. — Baïv, I Mach., 
xiii, 37 (Vulgate : bahem, bahen, baen), de l'égyptien 
haï, désigne proprement la nervure médiane des frondes 
du palmier-dattier, et dans l'usage « un rameau de pal- 
mier », t. i, col. 1383. — Sansînnîm, Cant., vu, 9, est 




541. — Régimes du Phœnix dactylifera. Dattes. Noyau. 

rendu dans Symmaque par ëafot, donc avec le sens de 
rameau de palmier, et c'est ainsi que l'entendent plu- 
sieurs auteurs. Ern. Fr. G. Rosenmûller, Scholia in 
Vêtus Testanwntum, Canticum, in-8, Leipzig, 1830, 
p. 40V; mais d'autres préfèrent y voir la grappe ou ré- 
gime de dattes, et c'est la même signification qu'ils 
donnent au mot assyrien, sisinnu, Fr. Delitzsch, Assy- 
risches Handwôrîerbuch, in-8, Leipzig, p. 507. — Les 
taltallim, Cant.,v, 11 (cf. l'assyrien taltallu, Delitzsch, 
Handwôrterbuch, p. 708, et rarabe_^ii», thaï') sont l'en- 
veloppe ou gaine des régimes de dattes, qui en s'ouvrant 
forment une sorte de chevelure (fig. 541) ; ou bien ces 
filaments qui restent adhérents au tronc du dattier, à la 
base des feuilles quand celles-ci sont tombées, et que les 

Égyptiens appelaient sou non bounnou i « | à, 

cheveux de dattier. 

2" Le palmier dans la Palestine et les pays bibliques. 
— Le palmier, maintenant fort peu répandu en Pales- 
tine, y était autrefois très commun. Il est énuméré 



parmi les arbres dont la destruction par les saute- 
relles est une calamité pour le pays. Joël., i, 12. Il 
dominait sur le littoral de Canaan, à ce point que les 
Grecs auraient désigné par son nom la côte nord-ouest, 
$o!vtE, Phénicie, comme s'ils avaient voulu l'appeler 
« le pays des Palmiers » du nom de ce qui les avait 
frappés surtout en abordant. C'est le nom que le pays 
porte dans Act., xi, 19; xv, 3. Les témoignages des an- 
ciens s'accordent tous sur cette caractéristique de la 
Palestine. Théophraste, 'Hist. Plant., Il, 8, affirme que 
les palmiers sont très abondants en Judée. Pour Pline, 
Hist. 'Nat., XIII, vi, la Judée est célèbre surtout par 
ses palmiers. Strabon xvil, 15, 51; Pausanias IX, xix, 
5; Tacite Hist. v, 6; Aulu Gelle, Noct. Attic. vu, 16, et 
nombre d'auteurs classiques portent le même témoi- 
gnage. Aussi voyons-nous le palmier ou la palme 
représentés sur les médailles et les monnaies juives au 
temps des Machabées et ensuite sous les procurateurs 
(fig. 542). Lorsque Simon Machabée en 138 reçut le droit 
de battre monnaie, il fit graver sur le revers un palmier 
portant des dattes et de chaque côté une corbeille rem- 
plie de fruits avec ces mots : « Affranchissement de 
Sion. » Voir t. m, fig. 261, col. 1389. On peut voir dans 
Saulcy, Numismatique juive, pi. i, 6; pi. vin, il, plu- 
sieurs autres types du temps des Machabées ou des pro- 
curateurs. Quand Vespasien eut pris Jérusalem, il fit re- 
présenter sur ses médailles la Judée captive sous la figure 
d'une femme en pleurs assise sous un palmier avec ces 




542. — Monnaie d'Auguste, frappée sous Coponius, premier pro- 
curateur de la Judée. — KAICAPOC. Un épi de blé. — i$. Un 
dattier en fruit. A droite et à gauche la date L — A@. 

mots Judeeacapta. Voir t. m, fig. 263, col. 1394. Cepen- 
dant le choix du palmier sur cette dernière pièce, pourrait, 
suivant quelques auteurs, avoir une autre signification. 
D'après eux, le palmier ayant été adopté par les anciens 
comme symbole de victoire, aurait été souvent employé 
par les graveurs pour indiquer la conquête d'une pro- 
vince. Ainsi s'explique une médaille frappée en l'hon- 
neur de Trajan. Ant. Rich, Dict. des antiq. romaines, 
in-12, Paris, 1861, p. 453. Ce qui aurait fait prendre le 
palmier comme symbole de la victoire, selon Aulu 
Gelle, m, 6, serait sa grande élasticité et force qui le 
fait résister sans se rompre. Quoi qu'il en soit de ce fait 
particulier, il résulte des témoignages précédents que 
le Palmier était autrefois répandu partout en Palestine. 
Cependant quelques localités en produisaient en plus 
grande abondance. Jéricho surtout était renommée pour 
cette raison et appelée la « cité des palmiers ». Deut., 
xxxiv, 3; Jud., i, 16; m, 13; II Par., xxvm, 15. Dans 
la plaine au milieu de laquelle elle est bâtie, se trouvait 
dit Strabon, xvi, H, 41, 6 cpoivixwv, la palmeraie, ou sorte 
de verger de cent stades de long, arrosé d'eau courante 
et planté principalement de palmiers, mélangés à des 
arbres fruitiers de diverses espèces, et fournissant une 
abondante récolte. Là seulement et en Babylonie, l'on 
recueillait l'espèce célèbre de dattes appelées caryotes. 
Au temps de josèphe, c'était encore la localité la plus 
fertile en palmiers. Bel. jud., I, vi, 6; IV, vin, 2; Ant. 
jud., XV, iv, 2. Cette renommée de Jéricho est attestée 
également par [Pline, H. N., V, xv; XIII, ix; Jus- 
tin, xxxvi, 2; Tacite, i).ist., v, 6; Horace, Ep., n, 2, 184; 
Galien, De aliment, facult., 11; les talmudistes dans 
le Baba Bathra, et le Bereschit Rabba, d'après Celsius, 
Hierobotanicon, il, p. 484. On trouve les mêmes témoi- 
gnages dans les relations de pèlerinage en Terre Sainte 



2063 



PALMIER 



2064 



à diverses époques ; et au XVII e siècle, E. Roger dans la 
Terre Sainte ou la Description topographique des saints 
lieux et de la terre de Promission, in-4°, Paris, 1664, 
p. 175, mentionne encore la présence de nombreux pal- 
miers à Jéricho. Mais depuis ils ont presque totalement 
disparu : il ne reste plus que quelques pieds, tristes ves- 
tiges d'une antique fertilité. H. B. Tristram The natural 
History of the Bible, 8 e édit., in-12, Londres, 1889, p. 382. 
Pour la même raison qu'à Jéricho, la vallée encais- 
sée du Jourdain où se déploie la végétation des tropiques 
et les environs de la mer Morte, ont été autrefois fer- 
tiles en palmiers. On citait en particulier quelques 
localités, comme Engaddi, dont l'ancien nom Asason- 
tamar, Hâsason-tâmâr, « coupe des palmiers », est 
significatif. Gen., xiv, 7; II Par., xx, 2, t. H, col. 1796. 
Cf. Josèphe, Ant. jud., IX, i, 2; Pline, H. N., Y, 
"Vil; Solinus, 38; S. Jérôme, Qusest. in Gen., xiv, 7, 
t. xxin, col. 960. II n'en reste plus de trace aujourd'hui. 
A cet endroit se rapporte vraisemblablement le texte de 
l'Ecclésiastique, xxiv, 14 (Yulgate, 18), dans l'éloge de 
la Sagesse, d'après quelques manuscrits : 

Je me suis élevée comme le palmier d'Engaddi. 

La Vulgate porte Cadès en cet endroit. Le grec actuel 
d'après le texte sinaïtique et l'alexandrin a èv alyialoï:;. 
« sur les rivages. » La lecture Ev-faSSoiç ou evyaSSt de 
certains manuscrits doit être la vraie leçon : elle met 
dans ce verset de l'Ecclésiastique Engaddi en parallèle 
avec Jéricho, deux stations des environs de la mer 
Morte. In goo\, du syriaque, et ain giadin de l'arabe 
rappellent Engaddi. D'ailleurs Josèphe nous dit 
Ant. jud., IX, i, 2, que le plus beau palmier croît à 
Engaddi; pour Pline, H. iV., v, 17 (73), Engaddi est cé- 
lèbre par sa fertilité et ses bois de palmiers. 

Au temps de Nehémie, les habitants de Jérusalem 
pouvaient se procurer facilement des palmes sur le 
mont des Oliviers pour célébrer la fête des Tabernacles. 
II Esd., vin, 15. Le nom de Béthanie (»:>rw, 'ëhina', 

datte), « maison ou lieu des dattes, » indique la pré- 
sence de nombreux palmiers. Il y en avait donc sur les 
versants du mont des Oliviers. Sur la route de Béthanie 
et de Bethphagé à Jérusalem, les foules qui accompa- 
gnèrent Jésus, purent facilement trouver des rameaux 
de palmier pour les porter à la main en acclamant le 
Messie. Joa., xn, 13. 

En remontant vers la Samarie, entre Rama et Béthel, 
nous rencontrons Baaltamar, Jug. xx, 33, dont le nom 
« Baal du palmier » ou mieux « possesseur de pal- 
miers », c'est-à-dire lieu de palmiers (cf. (jï]60a[j.âp d'Eu- 
sèbe), est significatif. Près de là, si ce n'est à cet endroit 
même, d'après quelques auteurs, Slanley, Sinaï and 
Palestine, in-8°, Londres, 1858,5 e édit., p. 146, s'élevait 
le palmier ou le bouquet de palmiers sous lequel De- 
bora jugeait Israël. Jud., îv, 5. Certains exégètes, comme 
nous l'avons indiqué plus haut, traduisent ici tomér par 
colonne en forme de palmier, pilier. 

Dans la Samarie on trouve encore des palmiers à 
Djenin (Engannim), à Naplouse (Sichem) à Beisan 
(Betsan), d'après Tristram, loc. cit., p. 388. La Galilée, 
selon Josèphe Bel. jud., III, m, 3, et en particulier les 
bords du lac de Génésaréth, Bell, jud-, III, m, 8, pro- 
duisaient le palmier avec abondance. 

En dehors de la Palestine, la sainte Écriture signale 
le palmier en plusieurs pays. C'est d'abord à .clim dans 
la presqu'île du Sinaï. Après être sortis d'Egypte les 
Israélites s'arrêtent à Elim, Exod., xv, 27;Num., xxxm, 
9, où ils trouvent douze fontaines et soixante-dix pal- 
miers. Le lieu est appelé Elim, « les grands arbres, » 
sans doute à cause de ces palmiers qui sont l'arbre par 
excellence du désert. On trouve encore en cet endroit 
des palmiers sauvages .qu'entretient un ruisseau qui au 
printemps se subdivise et forme plusieurs étangs. En 
4855, des voyageurs ont encore trouvé dans ce lieu plus de 



80 palmiers. Slanley, Sinai and Palestine, p. 20; F. Vi- 
gouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit, 
t. H, p. 456. La Bible ne fait allusion que dans une 
comparaison du prophète Isaïe, XIX, 15, au palmier 
d'Egypte. On sait que c'est l'arbre par excellence de 
la vallée du Nil. s Où qu'on tourne les yeux, les pal- 
miers sont partout en Egypte, isolés, assemblés par 
deux ou trois à l'entrée des ravins, autour des vil- 
lages, le long des berges, éloignés en files régulières 
comme des rangées de colonnes, plantés symétrique- 
ment en forêts claires, ils forment le fond toujours le 
même sur lequel les autres arbres se groupent en pro- 
portions diverses pour varier le paysage. » G. Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique, 




543. — Palmiers en bas-reliefs sur une des portes des parvis d'Is- 
raël. — D'après Perrot et Chipiez, Histoire de l'art, t. iv, pi. 4. 

t. i, Les Origines, p. 28. Cf. Description de l'Egypte, 
t. xx, Flore d'Egypte, p. 435-448. Le palmier-dattier 
revient fréquemment dans les textes égyptiens. On 
l'employait à l'ornementation du jardin. Voir Rosellini, 
Monumenti, t. o, pi. 40. 69., Cf. t. m, fig. 204, col. 1129. 
Le prophète met en opposition deux productions caracté- 
ristiques de l'Egypte, la palme qui se balance gracieuse- 
ment sur la tige élancée du palmier, et l'humble roseau, 
pour désigner les puissants et les faihles. 

Rien ne profitera à l'Egypte 
De ce que pourra faire la tête ou la queue, 
La palme ou le roseau. 

Au lieu du chêne qu'en nos régions on met d'ordinaire 
en opposition avec le roseau, en Egypte on choisit natu- . 
Tellement le palmier qui est le plus grand, le plus hel 
arbre du pays; le tronc s'élance d'un seul jet jusqu'à 
12 ou 15 mètres; peu d'arbres'ont le port aussi élégant. 



2065 



PALMIER 



2066 



Si au lieu de descendre vers le Nil, nous remon- 
tons vers l'Euphrate, nous rencontrons encore le pal- 
mier. « D'après les antiquités égyptiennes et assyriennes, 
ainsi que les traditions et les ouvrages les plus anciens, 
le dattier existait en abondance dans la région qui 



feuilles de palmier disposées symétriquement, qu'on 
appelle palme tte. Sur les mûrs du temple Salomon fit 
sculpter des chérubins, des tinimorol (Septante : çoïvi- 
v.aç; Vulgate : palmas, des figures de palmier) et des 
fleurs épanouies (lotus ou rosaces). III Reg., vr, 26. De 




544. — Palmette entre deux taureaux affrontés. — D'après Layard, Monuments of Nineveh, 1. 1, pi. 43. 



s'étend de l'Kupbrate au Nil. » Alph. de Candolle, Ori- 
gine des plantes cultivées, in-8», Paris, 1886, 3 e édit., 
p. 241. Le nom d'une ville, bâtie par Salomon entre 
Damas et l'Euphrate, fadmôr, II Par., vrn, ou d'après 
III Reg., IX, 18, Twnâr, indique un iieu riche en pal- 
miers, A ce nom Tadmor, palmier, les Grecs et les Ro- 



même sur les deux battants de la porte en bois d'olivier 
sauvage qui formait l'entrée du Saint et aussi à l'entrée 
du Saint des Saints, il fit sculpter des chérubins, des 
Hnwwrot, et des fleurs épanouies, et il fit revêtir de 
plaques d'or les chérubins et les timmorof, « figures 
de palmier. » III Reg., vi, 31-35. Au 11= livre des Para- 



ajwsyaisiis 




545. — Palmiers eu pied de chaque côté de la porte d'un palais assyrien. D'après Place, Ninive et l'Assyrie, pi. 24. 



mains ont donné un équivalent, Palmyre, « la cité des 
palmiers. i> 

3° Ornement d'architecture. — Le palmier entrait 
comme motif de décoration dans l'ornementation du 
temple de Salomon et dans celui d'Ézéchiel. Mais l'ex- 
pression employée par le texte sacré n'est plus tâmâr, 
qui signifie le palmier, mais timôrah un ornement 
rappelant le palmier, soit un palmier sculpté aux formes 
en partie conventionnelles, soit une composition de 



lipomènes m, 5-7, le texte moins détaillé fait allusion 
aux chérubins et aux timmôrim (pluriel masculin au 
lieu du féminin) et à la place des fleurs épanouies 
mentionne des chaînettes ou guirlandes. Dans la 
description du temple d'Ézéchiel les dispositions de 
l'ornementation sont expliquées avec plus de détail 
et de précision. Ainsi aux portes qui donnaient accès 
dans le parvis d'Israël, sur les pilastres se voyaient 
sculptés des {immôrim (Septante: çot'vsxeç; Vulgate : 



2057 



PALMIER 



2068 



pictura palmarum). Ezech., xl, \6, 22, 26, 31, 34, 
37. Dans le temple même étaient sculptés sur les murs 
des chérubins et des (immorîm, « figures de palmier » 
disposées de façon à ce qu'une « figure de palmier » 
était placée entre deux chérubins, xn, 18-20. Que 
faut-il entendre par fimmôrâh (pluriel (ininiôrîm, ou 
fimmôrôt)'! Était-ce un palmier figurant en pied avec 
sa tige droite et régulière, sa tête formée de feuilles 




546. — Colonne de Philse ornée de feuilles et defruitsde dattier. 
D'après Lepsius, Denkmdler, Abth. I, Bl. 117. 

disposées symétriquement en éventail, et laissant tom- 
ber de chaque côté du sommet de la lige deux régimes 
de dattes, en un mot un palmier non pas au naturel, 
mais selon un type conventionnel, tel que le montre la 
restitution du temple de Jérusalem par Ch. Chipiez, 
dans G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l'art, t. iv, 
Judée, planche, iv, fig. 544? Des deux côtés de la porte 
méridionale, sur les piliers se dressent deux palmiers 
appliqués en bas-relief contre le mur (fig. 543). Ou bien 
faut-il entendre par (imorah la palmette qu'on rencontre 
fréquemment dans les motifs de décoration en Chaldée 
et en Assyrie? On peut voir dans Layard, Monuments, 
1 K série, pi. 43, la palmette s'étalant en large éventail 
entre deux animaux (fig. 544). Qu'au lieu de chèvres ou 
de taureaux affrontés, on suppose des kerubim et on aura 
la disposition indiquée par Ézéchiel. La planche 44, 



Layard, loc. cit., nous offre même une combinaison d'un 
animal, de la palmette et de la rosace (ou fleur épa- 
nouie), disposition peut-être différente de celle que fit 
exécuter Salomon, III Reg., vi, 29, 31-35, mais qui 
comprend les trois mêmes éléments : un animal (dans 
Layard un cerf, dans le temple un kerub), une pal- 
mette et une fleur épanouie. 

La palmette conventionnelle figurait également dans 
les décorations phéniciennes. Histoire de l'art, t. m, 
p. 131 et 133, fig. 76 et 81. On la rencontre sur des ca- 
chets trouvés à Jérusalem, par exemple sur le sceau 
d'Hananyahou, Hist. de l'art, t. IV, p. 439, fig. 226. Voir 
t. m, col. 310, fig. 67. Qu'était donc la (imorâh'? figure 
de palmier en pied, ou simple palmette? Il est difficile 
de se prononcer avec certitude. Le palmier en pied 
semble mieux convenir pour la décoration des portes, et 
d'après Place, Ninive et l'Assyrie, pi. 24, le palmier 
en pied était représenté des deux côtés de la porte 
d'entrée (fig. 545), comme aux portes du temple de 
Jérusalem. D'autre part la palmette avec des kerubs 
affrontés pour la décoration des murailles du temple 




547. — Egyptiens portant des palmes dans une cérémonie de 
funérailles. — D'après Wilkinson, Manners and customs, 
t. m, pi. LIX. 

trouverait des termes de comparaison dans les décora- 
tions assyriennes qui ont eu une grande influence sur 
l'art phénicien. Et l'on sait que les artistes employés 
par Salomon étaient dé Phénicie. 

En Egypte nous ne voyons pas les figures de palmier 
ou la palmette employées dans la décoration comme en 
Assyrie. Mais le palmier, si abondant dans le pays, a 
fourni un autre motif de décoration ; il a eu son in- 
fluence sur le style des colonnes. La colonne imite 
souvent la forme du palmier. Cf. Dùmichen, Tempelin- 
scltriften, t. i, p. 107, où il est question de fûts de co- 
lonne en forme de dattiers. « Les colonnes sont en forme 
de dattiers et de papyrus avec des chapiteaux en forme 
de lotus, » est-il dit du temple d'Edfou. Brugseh, Dict., 
p. 354. V. Loret, Étude sur quelques arbres égyptiens, 
dans le Recueil de travaux relatifs à l'archéologie 
égyptienne, 1870, t. h, p. 26. Le motif des chapiteaux 
a été souvent emprunté au bouquet de palme qui cou- 
ronne la haute tige du palmier. Lepsius, Denkmàler, 
Abth. i, Bl. 117. Dans cette colonne de Soleb (XVlIIe dy- 
nastie), la forme végétale est librement imitée. Voir t. H, 
col. 857, fig. 322. « Dans les temples ptolémaïques l'imi- 
tation a été bien plus littérale. A Esnéh, le chapiteau 
est composé de branches de palmier, groupées par 
étages autour du chapiteau et copiées feuille à feuille. 
Quelquefois même, comme à Philse, des grappes de 
dattes sont mêlées au feuillage du palmier (fig. 546). » 
Hist. de l'art, t. i, p. 558. C'est sans doute dans ce 
sens qu'il faut entendre Hérodote, h, 169, lorsqu'il nous 
dit qu-'au temple de Sais les colonnes imitaient le pal- 



2069 



PALMIER — PALMYRE 



2070 



mier. Si tômér a le sens de colonne, de pilier, dans 
Jud., iv, 5, comme le pensent quelques exégètes, c'est 
sans doute une colonne du type égyptien. A cette époque 
la Palestine avait plutôt subi l'influence égyptienne. 

4° Usages. — « Le dattier, Strabon, xvi, 14, fournit 
à tous les besoins de la population de la Chaldée. On 
en tire une sorte de pain, du vin, du vinaigre, du miel, 
des gâteaux et toute espèce de tissus. Les forgerons font 
usage de ses noyaux en guise de charbon ; ces mêmes 
noyaux concassés et macérés servent de nourriture aux 
bœufs et aux moutons qu'on engraisse. On dit qu'il y 
a une chanson perse qui énumère 360 usages différents 
du dattier. » Cf. Théophraste, [Hist. plant., n, 2; Pline, 
H. N., xm, 4; Fr. Lenormant, Hist. anc. de l'Orient, 
1885, t. iv, p. 7; Vigouroux,'Z/a Bible et les- découvertes 
modernes, 6 e édit., t. i, p. 440. Il devait en être de 
même en Egypte où le palmier est si abondant. 11 est 
curieux de constater que la datte ne paraît pas dans la 
Bible comme un fruit recherché pour la- nourriture. 
Serait-ce, comme le croit A. de Candolle, Origine des 
plantes cultivées, p. 241, que les dattes ne mûrissaient 
guère en Palestine? Cependant dans toute la région 
chaude du Jourdain, la température était très favorable. 
11 semble donc probable que chez les Hébreux comme 
en Chaldée ou en Egypte, les dattes devaient servir à 
la nourriture des habitants. Elles devaient être mangées 
soit fraîches, soit pressées en petits gâteaux. On tirait du 
palmier une espèce de vin très connu en Orient. Saint 
Jean Chrysostome et Théodoret croient que le sêkâr 
ou boisson interdite aux prêtres par le Lévitique, x, 9, 
était le vin de palmier. Mais le Sêkâr n'est pas exclusi- 
vement du vin de palmier; c'est une boisson fermentée 
qui peut être fabriquée avec de l'orge ou d'autres cé- 
réales, avec divers fruits sucrés aussi bien qu'avec des 
dattes, t. ;i, col. 1842. Cf. S. Jérôme, Epist. LU, 11, ad 
Nepotianum, t. xxn, col. 536. 

Le vin de dattes était connu dans tout l'Orient. Pour 
le fabriquer, dit Pline, H. N., XIV, xix, 3, « on jette 
un muid de dattes appelées chydées, qu'on prend mû- 
res, sur trois congés (9 m 72) d'eau; on fait macérer 
et on presse. » Strabon, XVI, i, 14. Au lieu de laisser 
fermenter le jus de dattes, on peut en faire un sirop, 
qu'on appelle miel de dattes. Josèphe, Bell, jud., IV, 
vin, 3, donne le nom de miel à cette liqueur ou sirop 
exprimé des palmiers de Jéricho et il affirme que ce 
miellé cède à peine en douceur à celui des abeilles. Ce 
miel de palme serait compris, d'après plusieurs exé- 
gètes, sous la dénomination générale de debaS, miel 
dans plusieurs textes bibliques. Ainsi Deut., VIII, 8; 
II Par., xxxi, 5. Dans ce dernier passage on voit les 
enfants d'Israël offrir, en abondance les prémices du 
blé, du vin nouveau, de l'huile, du miel et de tous les 
produits des champs. Comme on doute que le miel des 
abeilles fût soumis à l^mpôt des prémices, on a pensé 
qu'il s'agissait peut-être ici du miel de dattes. Les Arabes 
d'ailleurs appellent ce sirop de ce nom, dibs. 

Les branches du palmier étaient employées par les 
Israélites pour les tentes de feuillage de la fête des Ta- 
bernacles. Lev., xxiii, 40, 42; II Esd., vin, 15. 

5. Symboles et comparaisons. — La palme est re- 
gardée chez les anciens comme un symbole de réjouis- 
sance et de triomphe. Simon Machabée fit son eatrjée 
dans la citadelle de Jérusalem conquise sur les Syriens, 
au milieu des chants de louanges accompagnés des ci- 
thares, des cymbales et des harpes et avec des rameaux 
de palmiers à la main, « parce qu'un grand ennemi 
d'Israël était brisé. » I Mach., xm, 51. Quand on purifia 
le temple sous Judas Machabée, II Mach., x, 7, on fît une 
fête semblable à celle des tabernacles. « Portant des 
rameaux verts et des palmes, les Juifs chantèrent des 
hymnes à la gloire de Celui qui les avait heureusement 
amenés à purifier son temple. » Reconnu par Démétrius, 
roi de Syrie, victorieux de ses adversaires, Simon lui 



envoya une palme à'or comme symbole de la victoire 
et x une allusion délicate à son surnom de Nicator. 

I Mach., xm, 37. Cf. Bahem, t. i, col. 1383. Alcime avait 
offert une semblable palme d'or au roi Démétrius I er . 

II Mach., xm, 4. Une foule de Juifs venus à Jérusalem 
pour la fête de Pâques, voulant acclamer Jésus comme 
le Messie et le roi d'Israël, allèrent au devant de lui 
avec des rameaux de palmiers, Joa., xn, 13. Les élus 
que saint Jean contemple dans son Apocalypse, vu, 9, 
portent des palmes à la main en symbole de leur vic- 
toire. Cf. IV Esd., h, 45-46. Chez les Égyptiens, on en 
portait aussi aux funérailles (fig. 547). 

La tige droite, élancée du palmier, terminée par un 
gracieux bouquet de rameaux élégamment recourbés, 
oifre un spectacle agréable aux regards et devait natu- 
rellement être prise comme terme de comparaison.' 
Ainsi la taille de l'Épouse du Cantique vu, 8, est com- 
parée au palmier. Dans l'éloge de la Sagesse, le fils de 
Sirach la compare au palmier qui se dresse à Engaddi 
(grec : sur les rivages, V 'ulgate : à Cadès). Eccli.,xxrv, 18. 
En comparant le juste au palmier, Ps. xcn (Vulgate, xci), 
13, le psalmiste l'oppose aux méchants qui croissent 
comme l'herbe pour un moment, tandis que le palmier 
toujours vert passait pour un des arbres les plus dura- 
bles. O. Celsius, Hierobotanicon, part. Il, p. 534-538. Le 
palmier produit de sa racine de nombreux rejetons qui 
se dressent et forment bientôt un bouquet d'arbres. 
Pline, H. N., XM, vm. Ainsi les prêtres et les en- 
fants d'Aaron entouraient le grand-prêtre Simon, fils 
d'Onias, comme des palmiers. Eccli., L, 14. Dans 
Job, xxix, 18, la Vulgate traduit par palmier le mot 
hébreu ftol : « Je multiplierai mes jours comme le pal- 
mier, » tandis que le texte hébreu est habituellement 
traduit : « J'aurai des jours nombreux comme le sable. » 
La Vulgate suit évidemment la traduction des Sep- 
tante : wtntep ctt&£-/oç çoîvixoç, « comme une tige de 
palmier ». Quelques exégètes pensent que le mot axi- 
;,ex°? es t une glose d'un commentateur qui se serait 
glissée dans le texte et qu'il y avait primitivement ûoitsp 
çobuvoç, « comme le phénix ». Ce serait une compa- 
raison tirée de cet oiseau fabuleux qu'on disait vivre 
des milliers d'années et renaître de ses cendres. S. Bo- 
chart, Hierozoïcon, part. II, 1. VI, c. v, i.n-fol., Leip- 
zig, t. ni, p. 805. Vivre comme le phénix était un pro- 
verbe grec pour exprimer la longévité de celui-ci. La 
petite Massore remarque que blnsi, vekafiôl, revient 
deux fois dans la Bible en deux sens très différents. Or 
dans Gen., xxn, 17, ffôl signifie évidemment sable, donc 
ici, Job, xxix, 18, il n'aurait pas ce sens d'après la tra- 
dition juive, mais celui de phénix. — Voir Im. Lôw, 
Aramâische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, 
p. 109-125; O. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amster- 
dam, 1748, t. n, p. 444-579; Fr. Wônig, Die Pflanzen 
im alten Aegypten, in-8», Leipzig, 1886; p. 304-314. 

E. Levesqtje. 

PALMYRE (Hébreu : Tadmor; Septante : &tS\i.6p, 
©oe8jj.<5p; Vulgate : Palmyra, Palmira), ville de Syrie 
(fig. 548) située « dans le désert ». I (III) Reg-, ix, 18; 
II Par., vm, 4. Dans le texte des Rois, le chetïb porte 
pâmâr, mot qui veut dire palme; Septante : 6£p}i.à6 ou 
8«|j.{itip; le kerî lit Tadmor. C'est la ville des palmiers, 
en hébreu tâmâr. Josèphe,^4nt. jud., VIII, VI, 1. On 
dit qu'elle portait le nom de Tadmor chez les Syriens 
et de Palmyre chez les Grecs. Le nom de Tammor ou 
Tadmor se retrouve souvent dans les inscriptions ara- 
méennes et grecques découvertes dans les ruines de 
cette cité. De Vogué, Syrie centrale, in-f°, Paris, 1865- 
1877, Inscriptions sémitiques, p. 1-88. 

Palmyre fut construite ou rebâtie et agrandie par 
Salomon au moment de la conquête qu'il fit de la terre 
d'Émath et en même temps que les autres « villes des 
magasins », 'ârê ham-miskenôt, c'est-à-dire les entre- 
pôts très importants qu'il établit dans cette région. 



2071 



PALMYRE — PAMPHYLIE 



2072 



I (III) Reg. ix, 18; II Par. vm, 4. Voir Émath 1, t. h, 
col. 1715. La situation de cette ville en faisait un point 
commercial très important, car elle reliait la Palestine 
avec la région de l'Euphrate. — Après le règne de 
Salomon il n'est plus question de Palmyre dans la 




548. — Monnaie de Palmyre. Buste de Tyché, de face, entre 
deux bustes impériaux radiés. — 1$. riAAMrPA. Victoire debout, 
à gauche, tenant une balance au-dessus du bétyle. 

Bible. Pline, H. N., v, 88, la décrit comme une cité 
opulente, riche par son climat et ses eaux, entourée 
d'un désert de sable. C'est une oasis fertile. Les ruines 
gigantesques qui y couvrent le sol sont du temps 
d'Hadrien, notamment les colonnes du temple de Baal 
ou du Soleil, qui étaient au nombre de 390. Palmyre 



entre Rome et les Parthes, puis elle fut battue par 
Aurélien en 273 et emmenée captive à Rome. Presque 
toute la population de Palmyre fut alors détruite, Vo- 
piscus, Aurelian., xxvi. 

Bibliographie. — R. Wood, Les ruines de Palmyre, 
autrement dite Tadmor, in-4°, Paris, 1819; L, de La- 
borde, Voyage de la Syrie, in-f°, Paris, 1837, pi. vm et 
ix, et p. 10-22; Cassas, Voyage pittoresque de la Syrie, 
in-f», Paris, an VI, pi. (26 [101-180 sur l'exemplaire de 
la Bibliothèque nationale OMO]); von Sallet, Die Fûrsten 
von Palmyra, in-S°, Berlin, 1866; W. Wright, Pal- 
myra and Zenobia, in-8°, Londres, 1895; F. Vigoùroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., p. 359- 
360; Heeren, De la politique et du commerce des 
peuples de l'Antiquité, trad. Suckau, in-8<>, Paris, 
1830-1838, t. v, p. 308-332; Lucien Double, Les Césars 
de Palmyre, in-12, Paris, 1877; Th. Mommsen et 
J. Marquardt, Manuel des antiquités romaines, trad. 
franc., t. ix, Organisation de V Empire romain, t. n, 
in-8°, Paris, 1892, p. 360, 363, 378; Th. Mommsen, 
Histoire romaine, trad. franc., Paris, 1888, p. 269-295; 
B. Moritz, Zur antiken Topographie der Palmyrene, 




549. — Ruines de Palmyre. D'après L. de Laborde, Voyage de la Syrie, frontispice. 



reçut sous l'empire romain une constitution grecque. 
Les inscriptions mentionnent le conseil et le peuple 
de la ville. W. Waddington, Inscriptions grecques et 
latines de Syrie, in-4°, Paris, 1870, n. 2585, 2578, 2627. 
En 129, elle reçut la visite d'Hadrien et le nom 
d"A8piavT| nâ)i[UJpa. Ce fut la période la plus brillante 
de son histoire. Au temps des guerres contre les Par- 
thes, Palmyre devint un important poste militaire. 
Après la défaite de Valérien par Sapor, Odenathe fonda 
une dynastie indépendante et le Sénat romain lui con- 
féra le titre d'Auguste! A sa mort, sa veuve Zéaobie lui 
succéda en 267 et maintint d'abord son indépendance 



in-4", Berlin, 1889; American Journal of Archseology, 
1890, p. 534; Revue biblique, 1893, p. 627. 

E, Beurlier. 
PAMPHYLIE- Province d'Asie Mineure. La Pam- 
phylie est mentionnée dans I Mach., xv, 23, parmi les 
contrées auxquelles fut envoyée la lettre du consul 
Lucius en faveur des Juifs. — Des Juifs de Pampbylie 
étaient présents à Jérusalem le jour de la Pentecôte et 
assistèrent au discours de saint Pierre. Act., n, 10. 
Saint Paul et Barnabe, en revenant de Paphos, abordè- 
rent en Pamphylie. Act., xm, 13. Ils revinrent dans ce 
pays à leur retour d'Anlioche de Pisidie, annoncèrent 



j 
I 



2073 



PAMPHYLIE — PANETIÈRE 



2074 



la parole de Dieu à Pergé et descendirent à Attalie d'où 
ils firent voile vers Antioche de Syrie. Act., xiv, 23-24. 
Dans son voyage à Borne, saint Paul passa le long des 
cotes de Pamphylie, Act., xxvn, 5. 

La Pamphylie(fig. 550) est située sur la côte sud de l'Asie 
Mineure entre la Lycie à l'ouest, la Pisidie au nord et 
la Cilicie trachée ou Isaurie à l'est. Le Taurus entoure 
la Pamphylie de hauteurs et s'approche très près de 
la mer aux deux extrémités. Entre la Lycie et la Pam- 
phylie, la route qui gravit les flancs de Taurus porte le 
nom de Climax ou échelle. Il reste à peine entre la 
rnonfagne et la mer un étroit passage souvent recou- 
vert par les flots; Alexandre y fit passer son armée. 
Strabon, XIV, m, 9. C. Lankoronski, Les villes de la 
Pamphylie et de la Pisidie, t. i, p 5, 21; t; II, p. 127- 
130. Le climat de la Pamphylie est anémiant. La fièvre 
dans les plaines y est à l'état endémique et très dan- 
gereuse surtout pour les étrangers. Les hauteurs du 
Taurus empêchent les vents du nord de rafraîchir et 
d'assainir le pays. C'est peut-être là que saint Paul 




550. r— Carte de Pamphylie. 

contracta la maladie à laquelle il fait allusion, Gai., iv, 
13. W. Ramsay, The Church in the Roman Empire. 
3« édit., Londres, 1894, p. 61-64; Lankoronski, Les 
villes de la Pamphilie, t. i, p^ 1-7. 

La Pamphylie fut colonisée de bonne heure par les 
Grecs de toutes tribus, de là son nom. Ils y dominèrent 
l'élément indigène. Attalie y fut fondée par les rois de 
Pergame au second siècle avant J.-C. Voir Attalie, t. i, 
col. 1227. Au premier siècle, la ville la plus importante 
était Sidé. Pergé était le centre de la population indigène. 
La Pamphylie fut envahie pour la première fois par 
les Romains en 190 avant J.-C. Polybe,xn, 18; Tite Live, 
xxxvm, 15. En 103 avant J.-C, elle fut jointe à la pro- 
vince de Cilicie. En 13 avant J.-C, on trouve un gou- 
verneur de Pamphylie, mais probablement c'était une 
annexe à une autre province. Dion Cass., lui, 26, 
Claude organisa en 43 après J.-C. une province de Lycie- 
Pamphylie. Dion Cass., lx, 17. Sous Néron ou Galba, 
la Pamphylie était réunie à la Galatie. Tacite, Hist., n, 
9. En 74, Vespasien créa véritablement la province de 
Lycie-Pamphylie et la plaça sous l'administration impé- 
riale; Hadrien la rendit au Sénat. Dion Cass., LXUt, 14. 
La Pamphylie conserva sa nationalité distincte, elle eut 
son organisation religieuse, ©éjiiç IlajipuXiaxTJ, présidée 
par un IlafjLçuXidcpxïiS' Corpus inscript, grsec., n. 4352- 
4355; Waddington, Inscriptions d'Asie Mineure ( Voyage 
archéologique, t. m), n. 1224. Les ports de Pamphylie 
servaient de marché aux pirates de lTsaurie. Les prin- 
cipales villes étaient Sidé, Pergé, Aspendus et Attalie. 
. Bibliographie. — C. Lankoronski, Niemann et Pe- 
tersen, Les villes de Pamphylie et de Pisidie, 2 in^f», 
Paris, 1890-1892; W. Ramsay, The Church in the Ro- 



man empire, in-8", Londres, 1893, p. 16, 61, 108, 110, 138, 
149; Th. Mommsen et J. Marquardt, Manuel des anti- 
quités romaines, t.ix,Organisation de l'Empire romain, 
t. n, Paris, 1892, p. 303-310; Th. Mommsen, Histoire 
romaine, trad. franc., t. x, Paris, 1888, p. 94, 107-109. 

E. Beuruer. _ 

PANETIER (GRAND) (hébreu : sar hâ-'ofim; 
Septante : àp^KUToitoiô?; Vulgate : pistorum magister), 
fonctionnaire de la cour du pharaon d'Egypte. Le texte 
sacré le qualifie d'eunuque, Gen., xl, 1, 2; toutefois ce 
terme peut se prendre, à la rigueur, dans un sens large. 
Voir Eunuque, t. il, col. 2044. Le grand panetier n'était 
pas un artisan, mais un grand dignitaire. Voir Boulan- 
ger, t. i, col. 1892. C'est lui qui surveillait la prépara- 
tion de tous les aliments faits avec la farine, pains, bis- 
cuits, soufflés, pelotes, galettes, etc., spécialités confiées 
à autant de personnages organisés' hiérarchiquement. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 
Paris, 1895, t. I, p. 280. Le grand panetier commandait 
à tout ce monde et avait la responsabilité du service. 
C'est lui qui en personne portait dans des corbeilles, 
placées sur sa tête, le pain blanc et les pâtisseries au 
pharaon. Gen., xl, 16, 17. Un papyrus de la XIX" dy- 
nastie lui donne le nom de djadja. Sa charge était con- 
sidérable, puisqu'il est dit qu'il avait 114064 pains en 
magasin. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, 6 e édit., t. u, p. 87. 11 fournissait évidemment 
non seulement le pharaon, mais encore toute sa cour 
fort nombreuse. Un grand panetier, contemporain de 
Joseph, irrita le prince contre lui' et fut ,"mis dans la 
prison dont Putiphar avait la garde. Le grand échanson 
partageait son sort. Dans un songe, le grand panetier 
s'imagina porter sur sa tête trois corbeilles de pain 
blanc et de pâtisseries, et les oiseaux venaient les 
manger. Joseph, son compagnon de prison, interpréta 
ce songe. 11 annonça au grand panetier que, dans trois 
jours, le pharaon lui enlèverait la tête, le ferait pendre 
et que les oiseaux viendraient dévorer sa chair. C'est en 
effet ce qui arriva. Gen., xl, 1-5, 16-22. Voir Pendaison. 

H. Lesêtre. 

PANETIERE (grec : rcTJpa, cravpîc, xôcptvoç; Vulgate : 
pera, sporta, cophinus), récipient destiné à porter le 
pain et la nourriture en 
voyage. — La sporta et le 
cophinus étaient ordinaire- 
ment en osier ou en tissu 
végétal. On y mettait le 
pain et les quelques ali- 
ments nécessaires quand 
on voyageait. On les voit 
figurer aux deux multipli- 
cations des pains. Matth., 
xiv, 20; xv, 37; xvi, 9; 
Marc, vi, 43; vm, 8, 19, 
20; Luc, ix, 17; Joa., vi, 
13. Voir Corbeille, t. n, 
col. 963. Un Israélite ne 
circulait pas dans le pays 
sans emporter avec lui sa 
kefîfâh ou panetière à pro- 
visions. Cf. Schabbath, 
f. 31, 1. C'est ce qui ex- 
plique comment il fut si 
aisé de trouver un certain 
nombre de ces récipients 
au moment de la multipli- 
cation des pains. La pera 
était une besace ou saco- 
che de cuir, soutenue -à 
l'épaule par une courroie, et dans laquelle les voyageurs 
etles mendiants mettaient leurs provisions. La figure 551 
représente un paysan avec sa besace et son bâton. 
Notre-Seigneur veut que ses Apôtres et ses disciples, 




551. — Paysan avec son bâton 
et sa besace. D'après ÏUch, 
Dictionnaire des antiquités 
romaines, p. 472. 



2075 



PANETIÈRE — PAON 



2076 



quand ils vont prêcher l'Évangile, n'aient avec eux ni 
bâton ni besace, Matth.,x, 10; Marc, vi, 8; Luc, ix, 3; 
x, 4, parce que l'ouvrier est digne de son salaire et qu'il 
doit recevoir les aliments nécessaires dans les maisons 
qu'il évangélise. H. Lesètre. 

PANIER, ustensile d'osier ou de matière analogue, 
tressé de manière à contenir de menus objets, grains, 






£i.f£r=:j 



iMÊSmiT^'" 




552. — Paniers employés aujourd'hui en Orient. 

gerbes, provisions, etc, et à rendre facile leur transport 
(flg. 552). Le nom du panier ne diffère pas de celui de 
la corbeille. Voir Corbeille, t. h, col. 962. En Egypte, 
l'argile à briques était transportée dans des espèces de 




553. — Anciens paniers égyptiens à couvercle. 

paniers. Voir t. i, figure en couleurs, col. 1932. Des 
paniers figurent aussi dans les scènes de la moisson. 
Voir t. iv, flg. 304, 305, col. 1216, 1217. D'anciens pa- 
niers égyptiens sont pourvus de couvercles mobiles 




554. — Paniers égyptiens à anse. 

(fig. 553) ou d'anses (fig. 554). Leur forme est tantôt 
arrondie, tantôt rectangulaire. — La aapyâw-r] ou sporta 
dans laquelle saint Paul fut descendu dn haut des 
murs de Damas, 11 Cor., xi, 33, était un panier tressé 
en bois ou en paille et ordinairement muni de deux 
anses (fig. 555). On l'employait à différents usages. 
Cf. Columelle, vin, 7, 1 ; Pline, H, N., xxi, 49. On com- 
prend que saint Paul ait pu être aisément descendu 
debout au bas du mur, les pieds posés sur le fond de la 
«porto et les mains se 'tenant à la corde attachée aux 
anses. Pour réduire les brigands réfugiés dans les 



grottes d'Arbèle, auxquelles on ne pouvait accéder du 
dehors que par une paroi verticale, voir Arbèle, t. i, 
col. 886, Hérode avait jadis employé un moyen ana- 
logue. Du sommet du rocher, il avait fait descendre 
des soldats dans des paniers ou coffres à provisions, 
Xâpvaxeç, jusqu'aux ouvertures des grottes, et ceux-ci 




555. — Sporta. D'après une statue du musée de Naples 
représentant un jeune pêcheur. 

avaient pu, par ce moyen, massacrer les brigands et 
incendier les refuges dans lesquels se tenaient leurs 
familles. Cf. Josèphe, Bell, jud., I, xvr, 4. 

H. Lesètre. 
PANTHÈRE, carnassier de la famille des félidés, 
analogue au léopard. C'est, d'après certains commen- 
tateurs, cet animal carnassier qui est désigné par le mot 
hébreu nâmêr. Voir LÉOPA.RD, col. 172. Cet animal dif- 
fère du léopard par sa taille moins grande et son pe- 
lage plus foncé, quelquefois entièrement noir. 11 grimpe 
aux arbres pour y poursuivre sa proie. Sa queue a vingt- 
huit vertèbres tandis que celle du léopard n'en a que 
vingt-deux. La panthère se trouve surtout dans les ré- 
gions les plus chaudes de l'Asie et dans l'archipel in- 
dien. Les écrivains sacrés n'ont pas eu à en parler. 
Mais comme son nom a été longtemps regardé comme 
synonyme de léopard, bien des auteurs ont attribué ce 
nom à des animaux qui n'étaient autres que des léopards. 
Cf. F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 
1853, t. n, p. 148, etc. H. Lesètre. 

PAON (hébreu : {ukkîyîm ou ^ûft/cîj/îm; Septante, 
dans quelques manuscrits seulement rTawveç; Vulgate : 
pavi), oiseau de l'ordre des gallinacés, remarquable 
surtout par l'aigrette qu'il porte sur sa tête et par sa 
queue magnifique (fig. 556). Celle-ci se compose de dix- 
huit longues plumes, peintes des plus riches couleurs 
et constellées de sortes d'yeux éclatants. Ces plumes 
peuvent se dresser en forme d'éventail et produire alors 
un merveilleux effet. Le plumage, déjà très vif chez le 
paon domestique, l'est encore davantage quand l'animal 
vit à l'état sauvage. La femelle est dépourvue de cette 
parure. D'ailleurs le mâle lui-même perd ses belles 
plumes, au moins en partie, ,à l'époque de la mue, vers 
la fin de juillet. Les pattes de l'oiseau sont difformes 
et son cri disgracieux. Les paons se nourrissent de 
graines de toutes sortes. — 11 n'est question de paons 
que dans l'histoire du règne de Salomon. III Reg., x, 
22; II Par., IX, 21. A l'exemple des autres monarques 
orientaux, ce prince était curieux d'objets et d'animaux 
étrangers. Ses marins lui rapportèrent d'Ophir des 
tukkîyim. Ce mot, qui n'appartient pas à la langue 
hébraïque, n'est que la reproduction du mot tôgai ou 
tôghai, qui est le nom du paon en malabare. Voir 
Ophir, col. 1830. Les auteurs indiens font grand éloge 
du paon, à cause de la variété et de la vivacité de ses 
couleurs. Au v« siècle avant notre ère, on importa l'oiseau 
d'Asie à Athènes, où il excita grande admiration. Une 
paire de paons se vendait plus de neuf cents francs. 
Quand Alexandre le Gtand vint dans l'Inde, il défendit 
de tuer les paons. On consacrait cet animal aux dieux, 
spécialement à Junon; on le regardait comme sacré 



2077 



PAON — PAPILLON 



2078 



chez les Libyens. Il était également en grand honneur 
à Babylone. Cf. Élien, De animal., v, 21; xi, 33; Vi- 
gouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., 
t. m, p. 383, 384, 398-402; Tristram, The natural his~ 
tory of the Bible, Londres, 1889, p. 223. Les premiers 
chrétiens regardaient le paon comme le symbole de 
l'immortalité, à cause de la renaissance de ses plumes 
chaque année et, à ce titre, ils l'ont plusieurs fois 







556. — Ije paon. 

représenté. Cf. Martigny, Dict. des Antiq. chrétiennes, 
Paris, 1877, p. 569; Cré, Une découverte eucharistique, 
dans la Revue biblique, 1893, p. 631; 1894, p. 277-291. 

H. Lesêtre. 
PAPHLAGONIENS. Le mot Paplilagoniens ne se 
rencontre pas dans la Bible. Cependant dans Gen., x, 
3, se trouve le mot Riphath que Josèphe, Ant. jud., i, 
61, d'après l'ancienne traduction juive, traduit par 
Paplilagoniens. La Paphlagonie est en effet placée entre 
les pays appelés Askenaz ou la Phrygie septentrio- 
nale et Thogarmath ou l'Arménie occidentale. Fr. Lenor- 
mant, Les origines de l'histoire, in-12, Paris, 1882, 
t, il, p. 295. Cf. Bochart, Geographia sacra, Caen, 
1846, t. m, p. 165. E. Beurlier. 

PAPHOS (grec : Ilœpo:), capitale de l'Ile de Cypre 
(fig. 557). Dans sa première mission saint Paul, accom- 
pagné de saint Barnabe et de Jean Marc, fit voile vers 
Cypre. A Paphos ils trouvèrent un magicien nommé Bar- 
jésus et surnommé Élymas, c'est-à-dire le sage, qui ré- 
sidait auprès du proconsul Sergius Paulus. Ce dernier 
fit appeler auprès de lui Paul et Barnabe afin d'entendre 
la parole de Dieu, malgré les efforts de Barjésus pour 
l'endétournpr. Paul le frappa d'un aveuglement tempo- 
raire et le proconsul^ touché de ce prodige se convertit 
à la foi. De Paphos les Apôtres firent voile vers Pergé en 
Pamphylie. Act., xm, 6-16. Voir Sergius Paulus. 

La cité où se trouvait la résidence du proconsul, 
était la nouvelle Paphos, capitale de la province romaine, 
dont les ruines sont à Balîo. Elles comprennent un 
petit théâtre, un amphithéâtre, les restes d'un temple, 
de la muraille et du port. E. Pottier, Bulletin de cor- 
respondance hellénique, t. iv (1880), p. 497. La vieille 
Paphos abandonnée en faveur de la nouvelle se trou- 
vait à Konklio sur la rive droite de la rivière ûiorizo, 
le Bocarus des anciens, à environ 15 kil. oucst-sud- 
ouest de Balîo. La vieille Paphos devait sa célébrité 
au temple d'Astarthé, déesse phénicienne que les Grecs 
avaient identifiée à Aphrodite ou Vénus. Les prêtres 
qui desservaient le temple descendaient de Cingras, qui 
malgré son nom grec était d'origine phénicienne. Ils 



restèrent en fonctions jusqu'à la conquête romaine. 
Titus visita le temple de la vieille Paphos, y remarqua 
les richesses accumulées et en particulier l'image de 
la déesse, représentée sous la forme d'une pierre co- 
nique. Tacite, Hist., ii, 3. Une série de monnaies cy- 
priotes datées des empereurs et d'Auguste à Macrin"re- 
présentent le temple de Paphos et la déesse sous la 
forme d'une pierre pu bétyle. Voir Bétyle, t. i, 
col. 1765, M. di Cesnola a publié un plan du temple, 
d'après les fouilles qu'il a faites. Cesnola, Cyprus, its 
ancient cities, tombs and temples, in-8», Londres, 1877, 
p. 210-213; G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l'art 
dans l'antiquité, t. m, in-4», Paris, 1885, p. 264-275, 
fig. 299-203. De nouvelles fouilles ont été faites en 1888, 




557. — Monnaie de Paphos. 
ArTOK. KAIS. A. EEIIT. SEOrHPOS. Tête laurée de l'empereur 
Septime-Sévère.— Ri. KOINON K.rnPlQN. Temple d'Aphrodite- 
Astarthé à Paphos. Au fond, au milieu, le cippe de la déesse et, 
à droite et à gauche, une étoile. De chaque côté, un candélabre. 
Au haut, le croissant et une étoile. Sur le toit plat du temple, 
à droite et à gauche, une colombe, l'oiseau consacré à Astarthé. 

aux frais du Cyprus Exploration Fund. Voir Journal of 
Hellenic Studies, t. ix (1888), p. 158-271. Le temple à 
l'époque romaine comprenait une cour, entourée de cham- 
bres et de portiques, dans lesquelles on entrait par un 
portail. Au sud se trouvent les restes d'un temple plus 
ancien. Sous la domination romaine, chaque année à 
l'époque de la fête, une longue procession se rendait 
au temple, venant de la nouvelle Paphos et des autres 
villes de l'Ile. — Voir J. T. Hutchinson et Cl. D. Cob- 
ham, A Handbook of Cyprus, in-16, Londres, 1905, p. 11. 

E. Beurlier. 
PAPIER (grec : xâp-njç ; Vulgate : charta), papyrus, 
matière servant de papier à écrire et formée avec le 
tissu intérieur du roseau de ce nom. Saint Jean, dans 
sa seconde Épître, t. 12, dit qu'il aurait encore beau- 
coup de choses à écrire à celle à qui il s'adresse, mais 
qu'il ne veut pas le faire ôià ^àpTou, per chartam, ce 
que les versions françaises traduisent : « avec du papier. » 
Le mot xâpiT); désigne le papyrus, par opposition au 
parchemin. Il ne peut signifier ce que nous appelons 
aujourd'hui le papier, fait avec des chiffons ou autres 
matériaux divers, qui était inconnu des anciens. A l'épo- 
que de saint Jean, on se servait surtout du parchemin 
pour écrire les livres, en Asie Mineure, en Grèce et en 
Italie, mais on employait de préférence le papyrus d'E- 
gypte pour écrire les lettres missives. Pline, H. N., xm, 
21-22. Voir Papyrus, col. 2079; Parchemin, col. 2158. 

PAPILLON, insecte à métamorphoses, de l'ordre 
des lépidoptères. Voir Insectes, t. m, col. 885. Les 
papillons sont des lépidoptères diurnes, et la Sainte Écri- 
ture ne parle que d'un lépidoptère nocturne, la teigne. 
Voir Teigne. Les papillons sont d'ailleurs relativement 
rares en Palestine, à cause de la sécheresse du climat 
et [ie l'absence de bois. Ils appartiennent à 280 es- 
pèces, analogues à celles du sud-est de l'Europe, sauf 
dans la région de la mer Morte, où quelques-unes se 
rapprochent des espèces nubiennes ou abyssiniennes. 
Cf. Tristram, The natural Bistory of the Bible, Londres, 
1889, p. 326. H. Lesèire. 



J^»v« 



2079 



PAPYRUS 



2080 



PAPYRUS (hébreu : gomé' ; Septante : itiitupo;, 

pîSXsvoç, gxoç; Vulgate : scirpus, papyrus, juncus), 
espèce de roseau d'Egypte, 

I. Description. — La famille dès Cypéracées qui n'a 
plus aujourd'hui qu'un intérêt médiocre pour ses chaumes 
rudes donnant un mauvais fourrage, a pendant plu- 
sieurs siècles fourni à l'humanité une des plantes les 
plus utiles, le Papyrus, dont on tirait les éléments du 
papier. C'est une herbe robuste dont l'épais rhizome 
rampe dans la vase des marais, et produit des tiges 
dépassant 2 mètres de haut. Leur base qui atteint le 
diamètre du bras est entourée de gaines foliaires à 
limbe nul ou brièvement lancéolé; le sommet triquêtre 
se termine par une ombelle florifère globuleuse, très 
ample, un peu penchée, formée de nombreux rayons 
qui dépassent les bractées de l'involucre. 

Parlatore distinguait dans l'ancien Cyperus Papyrus 
de Linné (fig. 558) deux races : celle d'Egypte autrefois 
abondante dans la basse région du Nil, mais qui n'existe 
plus aujourd'hui qu'en Abyssinie, aurait les rayons de 
l'ombelle tous dressés et étages autour des plus longs 
occupant le centre; celle de Syrie, transportée en 
Sicile, différerait de la précédente par les rayons exté- 
rieurs de plus en plus divergents jusqu'à devenir réflé- 
chis tout en dehors vers la base. Mais ces caractères 
différenciels paraissent manquer de fixité. 

Le papyrus se trouve encore à l'état spontané, en 
diverses localités de la Palestine, dans les marécages 
du lac Houléh, sur les bords du lac de Tibériade, et 
dans la région littorale près de Jaffa. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le mot hébreu gomé' désigne une 
plante qui croît dans l'eau, dans les marécages, Job, vor, 
11; Is., xxxv, 7; se rencontre spécialement en Egypte 
et en Ethiopie, sur le Nil, Exod., n, 3; Is., xvm, 2, et 
sert à fabriquer des corbeilles, des nacelles. Exod., il, 
3; Is., xvm, 2. Cette plante dont le nom se présente 
quatre fois dans la Bible est le papyrus. Les Septante 
traduisent par maitupoc dans Job, vin, 11, ou par l'équi- 
valent fléëXcvoç, dans Is., xvm, 2 (cf. Théophraste, 
Hérodote, Homère, où (Mg),o; est le nom du papyrus) ; 
dans [s., xxxv, 7, les traducteurs grecs en mettant ÊXoç 
traduisent moins exactement, mais ils voient encore 



Nil, lorsque débordées elles demeurent stagnantes en des 
creux dont la profondeur n'excède pas deux coudées. » 
C'est la plante du pays, selon Strabon, XVII, 15 ; pour 
Ovide le Nil est le fleuve papyrifer. Metam., xv, 753. On 




558. — Cyperus Papyrus. Plante et fleur et rhizome. 

peut dire, du reste, que l'antiquité classique fait du pa- 
pyrus une plante égyptienne. Il était tellement répandu, 
surtout dans le Delta, que pour désigner cetle région 
ou la basse Egypte on employait dans l'écriture hiéro- 
glyphique le papyrus jf . Aujourd'hui cette plante a dis- 
paru de l'Egypte, comme l'avait annoncé Isaïe, xix, 



















III If Jr/ 

■JpL 


VU 




H\ III y 


«r 


^/TtSÊÊÈèsÈ AWm) J J Mm, 

W ÊlmiÊk 


iT*V> Il 




np^y 


gK> 












j- 



559. — Récolte du papyrus en Egypte. Musée Guimet. 



une cypéracée. Dans Exod., n, ils ont omis de rendre 
le mot gomé'. La Vulgate traduit aussi par papyrus, 
dans Is., xvm, 2, par le nom d'une cypéracée, scirpus, 
employé quelquefois pour désigner vulgairement le 
papyrus dans Exod., n, 3, et Job, vin, 11, et par le 
terme général et populaire de «jonc » dans Is., xxxv, 7. 
Le nom hébreu s'est conservé sous la forme gemé dans 
la Mischna, avec le même sens. Dans la version arabe 
on emploie dans Exod., n, 3, le mot berdi qui est bien 
le nom du papyrus Im. Lôw, Aramâische Pflanzenna- 
men, in-8°, Leipzig, 1881, p. 55. 

Le papyrus est la plante par excellence de l'antique 
Egypte. « Le papyrus, dit Pline, H. N., xm, 22, naît dans 
les marécages de l'Egypte ou dans les eaux dormantes du 



6-7, tandis qu'on la trouve sur les bords du Jourdain et 
du lac de Tibériade et surtout au lac Mérom, t. iv, 
col. 1007, c'est-à-dire dans la région chaude de la Pa^ 
lestine. Pour expliquer sa disparition de la vallée du 
Nil, on peut sans doute supposer un refroidissement 
du climat. Mais en outre, il faut remarquer que sous 
la domination romaine l'administration fiscale mono- 
polisa cette culture/ et comme il fut interdit, en dehors 
de certains cantons déterminés, de cultiver cette pré- 
cieuse plante, les agents du fisc la firent arracher de 
tous les endroits où elle poussait, spontanément, si bien 
que la culture ayant cessé dans les quartiers réservés, 
vers le IX e siècle, devant l'invention du papier de coton 
par les Arabes, le papyrus disparut complètement de 



2081 



PAPYRUS 



2082 



l'Egypte. Au contraire il se trouve encore en abondance 
dans la Nubie, l'Abysgfnie, l'Ethiopie, où il croît spon- 
tanément. Peut-être les Égyptiens l'avaient-ils tiré de 
ces régions du Haut Nil pour le répandre dans tout leur 
pays jusqu'au Delta. Chose étonnante, d'une plante si 
commune, et qui figure si souvent dans les inscriptions, 
on n'a pas encore trouvé le nom d'une façon certaine. 
C'est qu'on se contentait de représenter dans les hié- 
roglyphes le papyrus lui-même, sans accompagner ce 
signe idéographique des éléments phonétiques qui 
permettent de déterminer la prononciation. « Pourtant, 
dit V. Loret, La flore pharaonique, 2« édit., Paris, 
1892, p. 29, le signe du papyrus, qui est très employé 
pour symboliser le Delta, avait par lui-même la valeur 
de la syllabe ffa, d'où l'on peut conclure que Ha fut 
le nom ou l'un des noms du papyrus. » Il se nomme- 
rait donc t\ •&., ha. D'autre part quelques autres 
noms paraissent bien s'appliquer aussi au papyrus ou 
à des parties de cette plante. Ainsi s=s V * — "X. » tu fr 
qui rappelle le nom copte du papyrus -xocmj, djoouf, 
est un des noms égyptiens de cette plante. On peut le 
rapprocher du mot hébreu sûf, qui est le nom général 
et vulgaire des joncs, et désignerait aussi en particulier 
le jonc du Nil, le papyrus, t. m, col. 1627. T, ouadj, est 

encore la tige de papyrus surmontée de son élégant 
panicule en ombelle, comme aussi la colonne au cha- 
piteau en forme de papyrus et ouadjit, I H jf, c'est 

la région du papyrus, la Basse Egypte. Le papyrus est 
fréquemment figuré sur les monuments égyptiens. 
Dans les représentations de scènes de chasse aux oiseaux 
aquatiques, on voit les chasseurs montés sur des bateaux 
plats les poursuivre au milieu d'épais fourrés de ces 
plantes. Lepsius, Denkmâler, t. n, pi. 106, à Saoufet- 



t. r, pi. vin; Rosellini, Monumenti civili, pi. xxxvi, 3. 
Tout était utilisé dans le papyrus et pour les usages 
les plus divers. Dans un pays où il y avait peu de bois 
les racines servaient de combustible. Pline, H. N., xm, 
22. La partie inférieure de la tige fournissait une, 
nourriture assez sucrée ; on la mâchait crue pour en 
absorber le jus ou on la faisait cuire. Diodore de Sicile, 
i, 80; Hérodote, n,92; Théophraste, w, 9; Pline, H.N., 
xm, 22. Avec les fibres on fabriquait des cordages, 




560 A. — Schéma d'une section de la tige du Cyperus Papyrus : 
a) faisceaux libéro-ligneux, b) parenchyme lacuneux. 

Hérodote, vil, 34, des nattes, des tapis, des toiles à 
voiles, des sandales. Odyss., xxi, 392 ; Hérodote ,vn, 25, 
26; Pline, H. N., xm, 22. Cf. t. n, col. 636. Les musées 
conservent de nombreux spécimens de ces sandales, ou 
de ces autres objets. Les tiges longues, lisses et flexi- 
bles, étaient employées à. la fabrication de paniers, de 
cages, de corbeilles, de barques légères. Lorsque la 
mère de Moïse voulut sauver son enfant, elle le déposa 
dans une corbeille ou coffre de papyrus, fêbaf gomé', 
enduit de bitume et de poix et le plaça parmi les ro- 
seaux des bords du Nil. Exod., n, 3. II est à remar- 
quer que le mot employé dans cette circonstance têbàh 
est un nom d'origine égyptienne (cf. deb-, coffre, arche, 




560 B. — Coupe transversale de la tige : a) cuticule, b) épiderme, c) îlots de sclérenchyme, d) faisceau libéro-ligneux, e) paren- 
chyme de plus en plus lacuneux à mesure que l'on s'avance vers le centre de la tige, f) lacunes. 

560 G. — Coupe longitudinale de la tige : a) cuticule, b) épiderme, c) parenchyme, d) cellules scléreuses entourant le faisceau libéro- 
ligneux, e) tubes criblés (liber), f) vaisseau réticulé, g) vaisseau annelé, h) fibres scléreuses du bas du faisceau, i) parenchyme 
de plus en plus lacuneux à mesure que l'on s'avance vers le centre,- j) lacunes. N.-B. Le trait de d à h délimite le faisceau 
libéro-ligneux, dont le détail des éléments qui le composent est donné par les lettres d, e, f, g, h. Dessin de M. E. Bonard, 
préparateur de botanique au Muséum cfhistôire naturelle. (Grossi environ 300 fois). 



el-Meijitin (VI e dynastie). Figure-t-on. des pièces d'eau, 
dans les parcs ou jardins égyptiens, on y trouve des 
touffes de papyrus. On peut voir la villa de l'officier 
d'Amenhotep II, Champollion, Monuments de l'Egypte 
et de la Nubie, pi. 261, ou les jardins d'Apoui, Mé- 
moires publiés par les membres de la Mission fran- 
çaise au Caire, t. v, in-4°, 1894, pi. 1. Les peintures des 
tombeaux les plus anciens comme celui de Ptah-Hotep 
de la V' dynastie, nous représentent la récolte du papy- 
rus (fig. 559). On voit les ouvriers aux vêtements re- 
troussés descendre dans l'eau, arracher ou couper les 
tiges, puis les serrer en gerbes et les transporter sur 
leur dos. Mariette, Mastabas, 314; Dûmichen, Resultate, 

DICT. DE LA BIBLE. 



que les Septante se sont contentés de transcrire, 0:'ëtv). 
Les longues et plus fortes tiges des papyrus servaient 
aussi à la construction de barques légères. Théophraste, 
iv, 9; Pline, H. N., vi, 24; vu, 57. Dans sa prophétie 
sur l'Ethiopie, Isaïe, xvm, 2, fait allusion à ces na- 
celles de papyrus. Bien qu'il emploie un autre mot, 
'ébdh au lieu de gômë (sans doute un nom vulgaire 
de roseau ou de jonc au- lieu du nom précis), Job, îx, 
26, parle évidemment des mêmes barques de papyrus. 
Les peintures des tombeaux de l'Ancien et du Moyen 
Empire figurent fréquemment la construction de ces 
barques. Ici des Égyptiens descendent dans l'eau pour 
arracher ou couper des tiges de papyrus; là les tiges 

IV. — 66 



2083 



PAPYRU8 — PAPYRUS BIBLIQUES 



2084 



sont réunies comme en faisceau pour former une na- 
celle pointue et recourbée à ses deux extrémités. Avec 
les fibres de la plante on fait des cordes dont on se sert 
pour l'avant, l'arrière et le milieu de la coque; les tiges 
entrelacées étaient enduites de bitume. Lepsius, Denk- 
tnâler, t. m, pi. 22; Wilkinson, Manners, t. n, p. 20. 
Mais le principal usage du papyrus était la fabrication du 
papier. Pline, H. N., XHI, 33,a décrit en détail le pro- 
cédé qu'on employait à l'époque romaine, comme aussi 
les différentes qualités de ce papier. Mais son texte 
peu précis a été diversement interprété. On a souvent 
prétendu jusque dans ces derniers temps que le papier 
était fabriqué avec les fines membranes concentriques 
semblables à la pelure d'oignon, qu'on aurait détachées 
au-dessous de l'écorce du Cyperus papyrus. Une obser- 
vation plus attentive de la plante et l'étude au micros- 
cope des anciens papyrus ont montré qu'on employait 
la partie intérieure de la tige. Ce fut le résultat des 
analyses faites par Schenk, professeur de botanique à 
l'Université de Leipzig, à la demande de G. Ebers, 
Papyros Ebers, Leipzig, in-f", 1875, t. i,p.3.A la même 
conclusion aboutissent les observations qu'a très obli- 
geamment faites à notre prière M. H. Lecomte, professeur 
au Muséum d'histoire naturelle. Il n'est pas impossible 
cependant qu'on se soit également servi de la partie 
interne de la gaine des feuilles qui entoure la tige à la 
basé : ce qui expliquerait l'erreur que nous signalions 
plus haut. Mais en faisant de la partie intérieure de la 
tige la matière ordinaire du papier, il faut se garder de 
n'y voir qu'une substance molle et parencbymateuse, 
comme la moelle du sureau ou du jonc. Si on appelle 
vulgairement moelle cette partie intérieure du Cyperus 
papyrus, c'est par abus : car il n'y a pas de moelle pro- 
prement dite. Cette partie intérieure est composée, 
entre autres éléments, d'un parenchyme lacuneux qui 
entoure des faisceaux libéro-ligneux comme le montrent 
le schéma d'une section de la tige (fig. 560 A) et plus 
clairement par le détail un fragment grossi 300 fois 
d'une coupe transversale (fig. 560 B) et un fragment 
d'une coupe longitudinale (fig. 560 C). Ce sont ces 
libres, très visibles dans les papyrus conservés, qui 
donnent au papier sa consistance. Elles sont plus 
abondantes et plus serrées à mesure qu'on approche de 
l'écorce, mais on les rencontre, plus clairsemées sans 
doute, jusqu'au centre de la plante. Lorsqu'on a retran- 
ché de la tige triangulaire du papyrus, par une section 
faite sur ses trois faces, non seulement l'écorce, mais 
encore la partie- voisine composée de sclérenchyme et 
de fibres trop denses, il reste un prisme de substance 
mélangée qu'on sectionne avec un rasoir en tranches 
longitudinales. Ces bandes disposées parallèlement 
sur une lable humectée d'eau du Nil, sont recouvertes 
d'autres bandes placées transversalement, à peu près 
comme la chaîne et la trame d'un tissu, d'où le mot 
texere appliqué par Pline, H. N., x, 10, 13, à celte 
opération; puis ces bandes superposées sont battues, 
polies, encollées, de façon à donner le papyrus dont nous 
voyons tant de spécimens dans nos musées. Voir pour la 
fabrication du papier, col. 2085. Les tranches ou bandes 
de la tige qui servaient à fabriquer le papier se nom- 
maient I ^1, , atei; et le papier lui-même s'appelait 

1 ""W ^3 ft* 5 ^, djamâ. Dureau de la Malle, Sur le 

papyrus et la fabrication du papier, dans Mémoires 
de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, t. xix, 
part, i, 1858, p. 140-183; V. Lorél, L'Egypte au temps 
des Pharaons, in-12, Paris, 1889, p. 107-109. On fabri- 
quait ainsi, le papier dès les temps les plus anciens, 
puisqu'on a des papyrus datant de la V e dynastie. Sur 
l'ancienneté et l'importance de la préparation de ce 
dapier, voir Lepsius, Chronol. der allen Aegypter, 
in-8», Berlin, 1840, p. 32-39. 



Les Juifs comme les Phéniciens et les autres peuples 
de l'Asie, Syriens, Assyriens, Babyloniens en rapport si 
fréquents avec les Égyptiens, surtout à l'époque de la 
XVIII e dynastie, n'ont pu ignorer le parti qu'ils tiraient 
du papier de papyrus et apprirent à s'en servir. Quand 
il se répandit dans le monde grec, il fut l'occasion d'un 
essor extraordinaire de la littérature de ce pays. Egger, 
De l'influence du papyrus égyptien sur le développe- 
ment de la littérature grecque. Les colons grecs qui 
vivaient dans le Delta s'en servirent de bonne heure; 
mais le premier document qui en constaté l'usage offi- 
ciel dans la Grèce propre est du v« siècle. D. Mallet, 
Les premiers établissements des Grecs en Egypte, dans 
Mémoires de la mission archéologique française au 
Caire, t. xn, in-4 , 1893, p. 300. On se servit en 
France de ce papier jusqu'au X e siècle. 

C'est à ce papier de papyrus que fait allusion saint 
Jean dans sa II e Épître, 12. Il emploie le mot x^P^iî 
xapàcrai», inscrire) dont les Latins ont fait charta, carta, 
d'où dérivent notre mot charte et carte. Voir Papier, 
col. 2078. C'est par ce mot %âpT-i\<i ou -/ipnov que les 
Septante rendent le mot hébreu Megillàh, rouleau, 
volume, dans Jérémie, xun (hébreu et Vulgate, xxxvi), 
2, 4, 6, 14, 21, 23 etc. Il est plus probable qu'il s'agit ici 
d'un rouleau de parchemin ; le roi Joakim n'eût pas 
eu besoin du canif du scribe pour le déchirer, si le 
volume eût été un papyrus. Cf. Ch. Joret, Les plantes 
dans l'antiquité, l re partie, Dans l'Orient classique, 
in-8°, Paris, 1897, p. 160-161, 199-201 ; V. Loret, La 
flore pharaonique, 2 e édit. , in-8", Paris, 1892, p. 28-24; 
Description de l'Egypte, t. rv, p. 68 sq.; O. Celsius, 
Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. n, p. 137- 
152; Fr. Wônig, Die Pflanzen im Allen Aegypten, in-8°, 
Leipzig, 1886; p. 74-135. E. Levesque. 

PAPYRUS BIBLIQUES. La papyrologie est une 
science toute jeune, comptant à peine quelques dizaines 
d'années, mais elle possède déjà une bibliographie très 
considérable et elle a pris tant d'importance, par les 
services qu'elle a rendus et par ceux qu'elle promet de 
rendre encore, qu'il n'est plus permis au bibliste de la 
négliger. Après un exposé historique sommaire, nous 
donnerons une .liste aussi complète que posssible des 
papyrus bibliques récemment découverts et nous 
indiquerons les principaux résultats dé l'étude des papy- 
rus pour la connaissance du grec biblique et pour l'exé- 
gèse du Nouveau Testament. 

I. Historique. — 1° Extension géographique et 
chronologique du papyrus. — L'Egypte a connu l'usage 
du papyrus dès la plus haute antiquité. Nous possédons 
encore des papyrus qui datent du quatrième millénaire 
avant J.-C. Hors d'Egypte la diffusion en fut tardive. 
Hérodote, v, 58, nous apprend que les Ioniens de son 
temps appelaient SicpSéoui les rouleaux de papyrus parce 
qu'autrefois ils se servaient pour écrire de peaux pré- 
parées. Au v« siècle, le papyrus était encore rare et cher 
à Athènes. Cependant, à partir de cette époque, il devint 
d'un usage général dans tout le monde grec, puis dans 
l'empire romain. Le parchemin inventé par le roi de 
Pergame, Eumène (m« siècle avant J.-C), ne lui fit pas 
d'abord une sérieuse concurrence. La Palestine seule 
fut longtemps fermée au papyrus, car la tradition voulait 
que les livres sacrés fussent exclusivement écrits sur 
des rouleaux de cuir. Il est douteux que le papyrus, 
comme matière à écrire, soit mentionné dans l'Ancien 
Testament. Le mot itiitopoç des Septante, Job, vm, 
11; XL, '16 (21); Is., XIX, 6, désigne la plante et répond 
à trois termes hébreux différents. Les mots y_y.pvr\ç et 
Xaptiov, qui signifient proprement le papyrus préparé 
pour écrire, reviennent plusieurs fois dans un chapitre 
de Jérémie, ïxxvi (xhij), où ils traduisent l'hébreu 
megillàh, mais les archéologues et les exégètes ne sont 
pas d'accord sur la matière de ce rouleau . Dans le Nou- 



2085 



PAPYRUS BIBLIQUES 



2086 



veau Testament, le papyrus,(xâpTï]ç )est mentionné une 
seule fois, II Joa., 12, par son nom ; mais il est probable 
que les livres (fJiéXo; et fJi6Xsov), dont il est fait si sou- 
vent mention, étaient en papyrus. La chose est tout à 
fait certaine pour les livres brûlés à Éphèse, Act., xix, 
19i à la suite de la prédication de saint Paul et pour 
les livres (ta fiiëXîa) que l'Apôtre, II Tim., IV, 13, 
réclame en même temps que les parchemins laissés 
chez Carpus. — L'usage du papyrus persista dans tout 
le monde gréco-romain jusqu'à la conquête de l'Egypte 
par les Arabes (640). Dès lors ,il devint de plus en plus 
rare et fut remplacé par le parchemin qu'on lui substi- 
tuait partiellement depuis deux ou trois siècles. Cepen- 
dant la chancellerie pontificale continua à se servir du 
papyrus, et cet exemple fut suivi par quelques munici- 
palités italiennes. Voir H. Marucchi, Monumentapapyr. 
Latina BibKoth. Vaticanss, Rome, 1895, Préface. D'après 
M. Marucchi, le plus ancien diplôme sur parchemin de 
la chancellerie romaine serait une bulle de Benoît VJII 
datée de 1022. — Dès son apparition, le papier, moins 
cher et plus commode, fit au papyrus une concurrence qui 
aboutit à la disparition rapide de ce dernier. Cf. J. Kara- 
bacek, Das arabische Papier, Vienne, 1887. D'après ce 
savant, le dernier papyrus daté de la collection de l'ar- 
chiduc Renier est de 935 et le premier papier daté n'est 
antérieur que d'une vingtaine d'années, op. cit., p. 10-14. 

2" Fabrication du papyrus. Dimensions du rouleau. 
— Le papier de papyrus provient, comme il a été dit, 
col. 2079, de la partie intérieure de la tige du Cyperus 
papyrus. L'écorce et la partie encore trop fibreuse qui 
la touche, une fois enlevées, on coupait au rasoir la 
partie interne en tranches plus ou moins minces, se- 
lon la qualité de papyrus qu'on voulait obtenir, et l'on 
rangeait ces tranches côte à côte sur une table humec- 
tée d'eau du Nil. On les recouvrait d'une seconde série 
de tranches pareilles, mais posées transversalement. 
C'est ce qui donne au papyrus cet aspect quadrillé 
ou réticulé que tout le monde a pu observer- On sou- 
mettait le tout à une pression prolongée et on le bat- 
tait au maillet de bois pour abattre les aspérités et 
augmenter la cohésion. Quand la feuille était sèche, on 
achevait de la polir au moyen d'une dent ou d'un co- 
quillage et on l'encollait pour empêcher l'absorption de 
l'encre. Ces feuilles se vendaient séparément et servaient 
pour les lettres, les comptes, les contrats ou les opus- 
cules de peu d'étendue. En général les feuilles (creXc'Sec, 
paginx, plagulx, schedm) étaient collées les unes aux 
autres (xoXXâv, StaxoXXSv, glutinare, adglutinare, con- 
glulinare) de manière à former un rouleau (scapus). 

Pline, H. N., XIII, xxni,12, dit qu'un rouleau ne con- 
tenait pas plus de vingt feuilles. IL parle sans doute des 
rouleaux ordinaires que les fabricants tenaient toujours 
à la disposition des auteurs et des éditeurs et auxquels 
les écrivains de l'antiquité font souvent allusion quand 
ils parlent du modus voluminis ; par exemple Quin- 
tilien, . Instit., v et ix, fin; Augustin, De civit. Dei, 
lin du livre IV, 24, t. xli, col. 140, etc. Saint Jérôme se 
plaint souvent d'être gêné par les faibles dimensions 
du rouleau (voluminis angustia) ; l'on trouve chez un 
grand nombre d'auteurs aneiensdes plaintes semblables. 
Ils sont obligés de finir soit parce que le rouleau est 
achevé (Varron, De ling. lat., v, fin : neque, si Amplius 
velimus, volumen patietur) soit parce que leur composi- 
tion suffit à remplir un rouleau de dimensions moyennes. 
Sextus Empir., Ilpb; Soyu., I, fin : (jiérpov ayTapxeç; Athé- 
née, iv et vi, fin : ixavôv [jûjxoc. Cf. Cicéron, De invent., 
i et il fin; Origène, In Joa., xxxn, 19, fin, t. xiv, 
col. 829; Contra Cels., vi, 81; vu, 70 fin, t. xi, col. 1421, 
1520, etc. Effectivement, on connaît des rouleaux égyp- 
tiens où le nombre 20 est marqué après chaque ving- 
tième feuille. Ce serait peut-être la longueur type et pour 
ainsi dira de l'unité de mesure. Du reste il était toujours 
loisible à l'écrivain de coller lui-même de nouvelles 



feuilles et d'allonger ainsi son rouleau. Les Égyptiens 
donnaient des dimensions beaucoup plus considérables 
aux rouleaux destinés à être déposés dans les tombeaux. 
Ainsi le papyrus Harris mesure près de 44 mètres. 

C'est à Pline que nous devons les renseignementsjur 
la fabrication du papyrus dans l'antiquité. Sa descrip- 
tion, H. N., XIII, xxi-xxvi, n. 11-12, qui abonde en 
obscurités de détail, a été éditée à part et soigneuse- 
ment étudiée par K. Dziatzko, Untersuchungen ûber 
ausgewàhlte Kapitel des anliken Suchtvesens, Leipzig, 
1900, iv : Die Zubereitung der Char ta, p. 49-103. Du 
temps de Pline, on distinguait neuf sortes de charta 
qui suivaient cette progression décroissante : Claudia, 
ainsi nommée de l'empereur Claude; Augusta, du 
nom d'Auguste, très Une et transparente, employée de 
préférence pour les lettres ; Liviana, du nom de Livie, 
femme d'Auguste; hieratica, qui anciennement était la 
plus estimée; Amphithealrica, du lieu de fabrication; 
Fanniana, du nom du fabricant; Saitica et Leneotica, 
du nom des localités où on les fabriquait; empwetica, 
trop grossière pour l'usage littéraire et servant aux 
emballages. On ne peut identifier avec certitude à ces 
diverses espèces les papyrus existants. Mais les procédés 
de fabrication sont décrits par Pline avec assez de clarté 
pour permettre aux amateurs de fabriquer eux-mêmes 
des feuilles de papyrus qui ont pu servir. Du reste, 
la tradition s'en est conservée en Sicile où l'on confec- 
tionne encore aujourd'hui du papyrus. 

3' Découvertes modernes. — Les rouleaux de papyrus 
carbonisé découverts à Herculanum en 1752 y avaient 
été ensevelis par les éruptions du Vésuve de l'an 79 de 
notre ère. Le déchiffrement, très lent et très difficile, 
fut une déception. C'est sur la bibliothèque d'un philo- 
sophe épicurien qu'on avait mis la main. En 1778, une 
cinquantaine de rouleaux grecs furent trouvés dans le 
Fayoum : un seul fut acheté par un amateur qui le 
porta en Europe où il fit partie du Musée Borgia ; les 
autres furent réduits en cendres. Ce n'est qu'à partir 
de 1820 que les papyrus commencèrent à affluer dans 
les musées de Paris, de Londres, de Leyde, de Turin, de 
Rome et de Dresde; mais on les y traita d'abord comme 
des curiosités, sans se mettre autrement en peine de les 
publier. L'année 1877 marque une nouvelle phase dans 
l'histoire des découvertes : une énorme quantité de 
papyrus découverts à Arsinoé, dans le Fayoum, enrichit 
la collection de l'archiduc Renier, à Vienne. Depuis, les 
musées publics, les sociétés savantes et les particuliers 
ont redoublé d'efforts pour recouvrer les trésors litté- 
raires enfermés dans les tombeaux égyptiens ou ense- 
velis sous les décombres des villes en ruine. Les explo- 
rateurs se sont mis en campagne et les trouvailles se 
sont succédé d'année en année, aussi nombreuses 
qu'imprévues. — Depuis 1882 les fouilles ont été exécutées 
avec plus de méthode et d'esprit scientifique par la 
société anglaise Egypt Exploration Fund et l'on 
connaît désormais exactement — ce qui était jadis sou- 
vent impossible — la provenance des diverses pièces dé- 
couvertes. La société publie annuellement un Archseolo- 
gicalReport, indispensable pour l'historique des fouilles. 
Voir encore Grenfell, Hunt et Hogarth, Fayûm Towns 
and their Papyri (résultat des fouilles de 1895-1896 et 
de 1898-1899), Londres, 1900. 

4° Logia de Be/mesa. — Une des découvertes les 
plus sensationnelles fut la trouvaille de Behnesa, l'an- 
tique Oxyrhynchus, située sur la limite du désert de 
Libye, à 180 kilomètres environ au sud du Caire. Les 
premiers Logia furent retirés du sable qui les recou- 
vrait le 12 janvier 1897. Voir Egypt Exploration Fund, 
Archxological Report, 1896-1897, p. 6. Ils furent publiés 
la même année par Grenfell et Hunt, AOl'IA IHSOT, 
Sayings of our Lord, et l'année suivante dans The 
Oxyrhynchus Papyri, t. I, et étudiés presque simulta- 
nément par Barnack, Ueber die jûngst entdeckten 



2087 



PAPYRUS BIBLIQUES 
TABLEAU DES PRINCIPAUX PAPYRUS BIBLIQUES 



2088 



10 

n 

12 
13 
14 
15 
16 
17 
18 



19 

20 
21 
22 
23 
24 
25 
26 
27 
28 



29 
30 
31 
32 
33 
34 



35 
36 



37 
38 
39 
40 
41 
42 
43 
44 
45 



CONTENU. 



COLLECTION OU LIEU ACTUEL. 



ANCIEN TESTAMENT GREC 



Gen., i, 1-5, d'après Sept, et Aquila 

Genèse, fragments 

Gen.. xiv, 17 

Exod., XIX, 1-2, 5-6 

Deut., xxxii, 3-6, 8-10 

II Sam., xv, 36-xvi, 1 

Job, i, 21-22; il, 3 

Ps. v, 6-12 

Psaumes, fragments ..... ... 

Psaumes, fragments 

Psaumes, fragments 

Psaumes, fragments 

Psaumes, fragments 

Prov., x, 18-29 

Cantic, I, 6-9 

Is., xxxviii, 3-5, 13-16 

Ezéch., v, 12-VJ. G. . , 

Zach., iv-xiv; Mal. I-iv 



IV s. 
III' s. 
m* s. 
VI' s. 
VI' s. 
IV s. 
VII* s. 
V'-VI' s. 

vir a. 
ur-iv s. 

VII' s. 
V* s. 
VII" s. 
VI' s. 
Vfl«-vjir s 
m" s. 
IV" s. 
VII' s. 



Coll. Amherst, Pap. III c. 

Pap. d'Oxyrhynchus n" 656. 

Musée Brit. Pap. CCXII. 

Coll. Amherst, Pap. GXCI. 

Id. Pap. CXCII. 

Strasbourg, Pap. 9il. 

Coll. Amherst, Pap. IV. 

Id. Pap. V. 

Musée Brit., Pap. XXXVII. 

Id., Pap.CCXXX. 

Musée de Berlin. 

Coll. Amherst, Pap. VII. 

Id., Pap. VI. 

Id., Pap. CXCIII. 

Oxford, Bodl. Gr. Bibl., Ms. g. i (P). 

Vienne, arch. Renier, Guide n" 536. 

Oxford, Bodl. Gr. Bibl., Ms. d. 4 (P). 

Univ. de Heidelberg. 



NOUVEAU TESTAMENT 



Matth., 1, 1-9, 12, 14-20. . 
Luc, fragments divers . . 
Luc, vu, 36-43 ; X, 38-42 . 

Jean, fragments 

I Jean, IV, 11-12, 14-17. . 

Rom., I, 1-7 

I Cor., fragments . . . . 

I Cor., fragments 

Hebr.. 1,1 

Hebr., (un tiers environ) . 



Premiers Logia . . . 
Nouveaux Logia . . . 
Ascension d'Isaïe. . . 
Apocalypse de Baruch 
Fragment d'Évangile. 
Fragment d'Évangile. 



Psautier copte. . . 
Sapientiaux coptes . 



Evangile de Nicodême. 
Fragment d'Évangile. . 
Evangile de Marie. . . 

Acta Pétri 

Acta Pauli 

Actes des apôtres . . . 
Le Christ et Abgar . . 

Papyrus Bruce 

Apocalypses 



APOCRYPHES COPTES 

Turin, Pap. 2 (Peyron). 

Strasbourg. 

Musée de Berlin, P. 8502. 

iv-v s. Id.,Ibid. 

vu" s. Univers. d'Heidelberg. 

Saint-Pétersbourg. 

Leyde, Musée d'antiquités. 

Oxford. 

Berlin et Paris. 



ÉDITEURS. 



Grenfell et Hunt '. 
Grenfell et Hunt -■ 

3, 

Grenfell et Hunt l . 

Id. ». 

Plasperg 4 . 

Grenfell et Hunt '. 

Id. '. 

Tischendorf 5 . 

Keoyon 8 . 

Blas '. 

Grenfell et Hunt '. 

Id. '. 

Id. : 

Grenfell ». 

Id. ». 

Grenfell ». 

Deissmann 10 . 



IIIMV s. 


Pap. d'Oxyrhynchus n' S. 


Grenfell et Hunt 2 . 


V'-VI' s. 


Paris, Biblioth. nation. 


Scheil «'. 


VI • 


Vienne, arch. Renier, Guide n" 539. 


9 


nr s. 


Pap. d'Oxyrhynchus n° 208. 


Grenfell et Hunt 2 . 


v* s. 


Id. w 402. 


Id. 2 . 


IV s. 


Id. n" 209. 


Id. '. 


V e s. 


S. Pétersbourg, Bibl. Imp., cclviii 


13 ': 


V* s. 


Sinaï, Sainte-Catherine. 


Rendel Harris 13 . 


III*-IV" s. 


Coll. Amherst, Pap. III b 


Grenfell et Hunt '. 


IV s. 

1ES APOCRVPt 


Pap. d'Oxyrhynchus n" 657. 

[ES ET EXTRA-CANONIQUES 


Id. s . 


III' S. 


Oxford, Bodl. Ms. Gr. th. e. 7 (P). 


Id. ». 


III' S. 


Pap. d'Oxyrhynchus n° 654. 


Id. 2 . 


V'-VI' S. 


Coll. Amherst, Pap. I. 


Id. '. 


V s. 


Pap. d'Oxyrhynchus n' 403. 


Id. 2 . 


III" s. 


Id. n" 655. • 


Id. «. 


III' s. 


Vienne, Coll. arch. Renier. 


Bickell et Savi ,i . 


VERSIONS C 


OPTES DE LA BIBLE 




VII' S. 


Musée Brit., Ms. Or. 5000, copte 940. 


Budge 15 . 


VII' S. 


Id., Ms. Or. 5984, copte 951. 


Crum". 



Rossi >'. 

Jaçoby ,8 . 

Scbmidt 19 . 

Id. •». 

Id. ». 

Von Lcmm «». 

Pleyte et Boeser !1 . 

Amélineau, Schmidt sî . 

Stéindorff î3 . 



4 B. P. Grenfell et A, S. Hunt, The Amherst Papyri, etc. 1" partie : The Ascension of Isaiah and other theologicat 
fragments, Londres, 1900. L'Ascension d'Isaïe existait en éthiopien et avait été publiée par Laurence (1819) et par Dillmann 
(1877). On avait encore les six derniers chapitres en latin et en slayon. Le nouveau papyrus grec, en forme de codex, se com- 
pose de trois doubles feuillets et demi, soit quatorze pages et contient environ le sixième de l'ouvrage entier, chap. n, 4-iv, 4. — 
L'hymne chrétienne, publiée dans le même recueil, comprend vingt-cinq lignes rythmées divisées en trois parties commençant 
chacune par la même lettre. — La 2' partie : Classical fragments and documents of the Ptolemqic, .Roman and Byzantine 
période, Londres, 1901 contient aussi des textes bibliques." — La .3* partie éditée par Newberry, Londres, 1899, se rapporte aux 
papyrus égyptiens et n'intéresse pas la Bible. — La collection de Lord Amherst of Hackney, dont presque toutes les pièces 
furent acquises en Egypte après 1897 est maintenant une des plus riches collections privées. Les fragments de Psaumes contenus 
dans le Pap. VH sont : Ps. lviii (lix), 7-13 ; 17-18 ; ux (lx), 1-3 ; Le Pap. VI contient : Ps. cvm (cix), 1, 12-13 ; cxvm (cxix), 
115-122, 127-135; cxxxv (cxxxvi), 19-26; cxxxvl (cxxxvii) 1, 6-8; cxxxvn (cxxxvm), 1-3 ; cxxxvm (cxxxix), 21-24; cxxxrx 
(cxi.), 1-6, 10-14 ; cxl (cxli), 1-4. _ 

* Grenfell et Hunt, The Oxyrhynchus Papyri, 4 vol., Londres, 1898-1904. Le tome i contient les premiers Logia (p. 1-3) 
et les fragments de Matthieu (p. 4-6). Le tome il contient les fragments de Jean, i, 23-31, 33-41 ; xx, 11-17, 19-25 (p. 1-8), et le 



2089 



PAPYRUS BIBLIQUES 



2090 



fragment de l'Épître aux Romains. Le tome m contient un fragment de la première Épitre de Jean (p. 2-3) et le fragment de 
l'Apocalypse de Baruch (p. 3-7); le tome iv contient les nouveaux Logia (p. 1-22), les fragments de la Genèse, xiv, 21-23; xv, 
5-9 ; xix, 32-xx, 11 ; xxi v, 28-47 ; xxvn, 33-33 ; 40-41 (quelques mots) ; les longs fragments de l'Épître aux Hébreux, n, 14- V, 5 ; 
X, 8-xi, 13; XI, 28-xn, 17. 

3 Greek Papyri in the Brit. Muséum, Catalogue with texts, 2 vol., 1893-1898. 

4 Dans Archiv fur Papyrusforschung und venvxndte Gebiete, t. il, fasc. 2 (1903), p- 227-227. 

5 Dans Monumenta sacra ineditu, nova coll., Leipzig, 1. 1 (1855), p. 217-278. 

* Dans Facsimiles ofBiblical Manuscripts in the Brit. Muséum, Londres, 1900, pi. I. 

I Dans Zeitschrift fur segyptische Sprache, t. xix (1881), p. 22-23. C'est une simple notice. 
8 Grenfell, An Alexandrian... a"d other Greek Papyri chiefly Ptolemaic, Oxford, 1816. 

8 Fùhrer durch die Amstellung, Vienne, 1894. En dehors du Guide et des Mittheilungen signalés plus bas la collection 
Régnier est éditée sous le titre général de Corpus Papyrorum Baineri par Wessely pour les textes grecs, par Krall pour les 
textes coptes, par Karabaeek pour les textes arabes. 

10 Deissmann, Die Septuaginta-Papyri und andere altchristl. Texte der -Heidelberger Papyrus-Sammlung, avec 
soixante photographies) Heideïberg, 1905. Cette Université a acquis en 1897 un riche fonds de papyrus grecs, coptes, arabes, 
hébreux, syriaques, latins, perses, égyptiens (collection Reinhardt) et plus tard encore d'autres collections. Le papyrus des Sep- 
tante, cédé par Th. Graf en 1900, a la forme de codex et comprend vingt-sept feuillets simples, soit cinquante-six pages. 

" Dans la Bévue biblique, t. î (1892), p. 113-115. Les fragments de Luc contenus dans le célèbre papyrus de Philon sont : 
i, 74-80; v, 3-8 ; v, 30-vi, 4. Sur ce même papyrus de Philon on lit quelques mots de Matthieu. Cf. Scheil, Mémoires... de la Mis- 
sion archéol. française au Caire, t. ix (1893). 

** Ces fragments (ICor., i, n-20; vi, 13-15, 16-18; vu, 3-4, 10-14) sont désignés en critique par la lettre Q. Cf. Gregory, 
Textkritik des N. T., Leipzig, 1900, p. 119. 

13 R. Harris, Biblical Fragments from Mount Sinaï, »• 14. Ces fragments comprennent I, 25-27 ; n, 6-8 ; m, 8-10, 20. 

*> Bickell, dans Zeitschrift fur kath. Theol., t. ix (1885), p. 498-504; t. x (1886), p. 208-209; Mittheilungen aus der Samm- 
lung der Pap. Rainer, t. î, p. 53-61; t. il, p. 41-42; t. v, p. 78-82. — Savi, Le fragment évangélique du Fayoum, Revue 
Ublique. t. I (1892), p. 321-344. 

15 Budge, The earliest known Coptic Psalter, Londres, 1898. C'est un Psautier complet en dialecte sahidique. 

10 Crum, Catalogue ofthe Coptic Mss. in the Brit. Muséum, Londres, 1905, p. 395-398. Le Catalogue mentionne d'autres 
fragments bibliques sur papyrus, par exemple le n. 24 (18 feuillets d'un Psautier). 

" Rossi, Trascrizione diun çodtee Copto etc., Turin, 1883. C'est la première partie de l'Évangile de Nicodéme, correspon- 
dant aux Gesta Pilati de Tischendorf, Evangelia apocrypha, 2' édit., Leipzig, 1876. 

48 Jacoby, Ein neues Evangelienfragment, Strasbourg, 1900. 

" Schmidt, dans Sitzungsber. der Preuss. Akaàem. Wissensch., 1896, p. 839-847. C'est une simple notice de l'Évangile 
de Marie contenu dans un codex de soixante-cinq feuillets qui renferme aussi un ouvrage gaostique : Eoaia 'I-^ùH Xçiut»3, et la 
riçaçiî IHtçou. Le dernier ouvrage a été depuis publié par Schmidt, Die alten Petrus-Akten nebst einem neuentdeckten Frag- 
ment, Leipzig, 1903, dans Texte und Vnters. N. F., t. ix. Le même savant a aussi publié Acta Pauli aus der Heidelberger 
koptischen Papyrushandschrift, Leipzig, 1904 (avec un volume de pbototypies). 

,0 Von Lemm, dans Bulletin de l'Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg, nouvelle série, t. x, n. 4. 

21 Pleyte et Boeser, Manuscrits coptes du Musée d'antiquités à Leide, 1897, P. 441. 

II Amélineau, dans Notices et extraits des man. de la Biblioth. nation., Paris, t. XXI (1891), p. 176-215 ; Schmidt, Gnos- 
tische Schriften in koptischen Sprache aus dem Codex Brucianus, Leipzig, 1892 (Texte und Untersuch., t. vin). 

" Steindorif, Die Apokalypse des Elias... und Bruchstùcke der Sophonias-Apokalypse, Leipzig, 1899 (avec deuxphoto- 
typies), dans Texte und Unters. N. F., t. II. 



Sprùche Jesu, Fribourg-en-B., 1897, et par Ma' Batiffol, 
Bévue biblique, t. vi, 1897, p. 501-515. Les travaux pa- 
rus depuis sont innombrables. Il est certain que ces 
Logia ne sont pas ceux dont parle Papias; ils ne sont 
pas non plus un fragment d'un évangile quelconque, 
car il n'y a entre eux aucune suite. Ce sont des ex- 
traits; et comme ils ne proviennent pas de nos Évan- 
giles canoniques il faut en conclure qu'ils sont tirés 
de quelque évangile apocryphe. M. Harnack pensait à 
l'évangile des Égyptiens; Ms r Batiffol songe plutôt à 
l'évangile des Hébreux; M. Zahn a proposé depuis 
l'évangile des Ébionites. — Les nouveaux Logia ont 
moins fait parler d'eux, parce que toutes les lignes en 
sont incomplètes et que dès lors toute restitution est 
plus ou moins conjecturale. Voir Grenfell et Hunt, 
New sayings of- Jésus, etc., Londres, 1904; Batiffol, 
Nouveaux fragments évangéliques de Behnesa, dans 
la Bévue biblique, 1904, p. 481-493. Comme essais de 
restitution, voir Swete, The new Oxyrhynchus sayings, 
dans Expository Times, 1904, p. 488-495, et Hilgenfeld, 
dans Zeitschrift fur wissensch. Théologie, 1906. ' 

II. Les papyrus et la critique biblique.'— 1. Les 
nouveaux onciaux bibliques. — Le nombre des textes 
de la Bible en écriture onciale, c'est-à-dire antérieurs 
au IX e siècle, est relativement si restreint que toute 
nouvelle addition à la liste des onciaux est d'une im- 
portance considérable pour la critique textuelle. Nous 
possédons maintenant des papyrus bibliques, très courts 
il est vrai, pour la plupart, qui datent du m* siècle, 
tandis que nos plus anciens manuscrits sur parchemin 
ne sont que du IV e . Il ne faut point exagérer la valeur 
de ces trouvailles, mais on constatera, en parcourant la 



liste ci-jointe, que plusieurs numéros ne manquent pas 
d'intérêt. Nous avons fait entrer dans notre liste les 
apocryphes grecs et coptes, mais nous en avons exclu 
tous les fragments qui consistent seulement en quel- 
ques mots sans suite et ceux dont on ne sait encore à 
peu près rien, par exemple un fragment de saint Matthieu 
qui se lit sur le papyrus de Philon, au Louvre, quelques 
menus fragments d'Évangiles signalés dans la collec- 
tion de l'archiduc Renier, un fragment de II Thess., 
I, 1-n, 2, qui se trouverait au musée de Berlin P 5013. 
— Bes listes analogues ont été compilées par F. Mayence, 
Noie papyrologique, dans la Bévue d'histoire ecclés., 
Louvain, 1903, p. 231-240; Aug. Bludau, Papyrusfrag- 
mente des neutestam. Textes, dans la Biblische Zeit- 
schrift, t. iv, 1906, p. 25-33; Ad. Deissmann, dans Ency- 
clopsedia biblica, t. m, article Papyri; F. G. Kenyon, 
Dictionary of Ihe Bible de Hastings, Extra volume, 
p. 354-354. Voir le tableau ci-dessus, col. 2087. 

III. Les papyrus et l'exégèse. — 1. Données histo- 
riques et archéologiques. — La découverte des papyrus 
a profité à l'exégèse plus encore qu'à la critique, par 
les nombreuses données historiques, archéologiques 
et linguistiques qu'elle nous fournit. Nous avons sous 
les yeux des documents d'une authenticité certaine 
qui nous reportent au siècle apostolique et nous ini- 
tient aux mœurs, aux usages, aux traditions, à la vie 
entière des populations grecques contemporaines des 
Apôtres. Plusieurs faits ont sur l'exégèse du Nouveau 
Testament une répercussion directe. L'énorme quan- 
tité de papyrus magiques trouvés en Egypte nous aide 
à comprendre que saint Paul ait pu faire brûler à la 
fois pour cinquante mille drachmes de ces sortes d'écrits 



2091 



PAPYRUS BIBLIQUES 



2092 



dans une ville aussi célèbre par ses Ephesise litteras. 
Acl., xix, jl9. Le double nom de Paul, Act., xn, 9 : 
EaûXoî 6 xac EfaùXoç, cesse d'être un problème quand 
Bous voyonsjbeaucoup de ses contemporains porter 
deux noms, l'un indigène, l'autre grec ou romain, unis 
par la formule invariable 6 xai et ayant souvent entre 
eux une certaine ressemblance .- SaTaëoùç à xal Sàvj- 
poç, etc. L'exemple suivant montre bien le profit que 
l'exégèse peut retirer de l'étude des papyrus. Saint 
Paul, I Cor., vhi-x, eut à résoudre plusieurs cas de 
conscience relatifs aux idolothytes ou viandes consa- 
crées aux idoles. Il permet aux néophytes d'accepter 
les invitations des parents païens malgré la crainte 
trop fondée qu'on ne serve des victimes offertes aux 
dieux. Il veut cependant qu'on s'abstienne de toucher 
à ces viandes dès que quelqu'un aura expressément 
signalé leur consécration aux fausses divinités. Enfin 
il interdit absolument de prendre part aux banquets 
sacrés qui accompagnaient l'immolation des victimes. 
Les trois invitations à dîner suivantes, dont on possède 
maintenant l'original, sont le meilleur commentaire de 
ces prescriptions de l'Apôtre. Nous les transcrivons 
d'après Grenfel] et Hunt, The Oxyrhynchus Papyri, 
Londres, t. i (1898) et t. m (1903). 

N» ex. m» siècle. 

'Epwrà <te Xaiprjtiwv Semvr,- 
<rai et; xXEivrçv toû xupi'ou Eapâ- 
Tt'.So? èv zip Sapansiw atfpcov, 
■lÎTcç èmiv te, àitô (îpaç 6. 

N° cxi. m» siècle. 

'Epwrâ ère 'Hpoaç Sei7iVT|<jai 
tli yâtiouj téxvmv rtitr^ 
êv tjj oixi'a atfptov, vjtiç èuriv 
Tti\xttxr : , àiio «p«ï 6. 

N° 523. II e siècle. 

'Eptotâ ue 'Avti6vk)(:) IlToXE|J.(aco\j) 8st7tVT)ff(ai) 
7rap'a*jT(j) eïç xXecvt|v toO xupt'ou 
XxpaniSo; iv toï; KXa'-i8([Ou) 2«paitî(o(voç) 
\r\ cÇ~ <ZTib wpaç 0. 

Traduction. N° ex : Chérémon t'invite à dinér à la 
table du Seigneur Sérapis, au Sérapéum, demain, 
quinzième du mois, à neuf heures. 

N° CXI : Aérais t'invite aux noces de ses enfants 
dans sa maison, demain, cinquième du mois, à neuf 
heures. 

N° 523 : Antoine, fils de Ptolémée, t'invite à dîner 
avec lui à la table du Seigneur Sérapis, dans la maison 
de Sérapion, le seize courant, à neuf heures. 

Il est évident que, selon les principes de Paul, un 
chrétien aurait dû décliner la première invitation, 
puisqu'il s'agissait de dîner à la table (xXeîvyj, c'est 
l'orthographe des papyrus pour y.Xi'vr)) du Seigneur 
Sérapis et cela dans le temple même du Dieu, au Séra- 
péum. I Cor., x, 21 : « Vous ne pouvez pas boire le 
calice du Seigneur et le calice (itotTJpiov) des démons; 
vous ne pouvez pas prendre part à la table du Seigneur 
et à la table (TpcmeÇa synonyme de xXivt,) des démons.» 
Comparer toute la théorie de la communion, ibid., 14- 
20. Un autre obstacle à l'acceptation était le lieu où 
devait se faire le banquet sacré : Eaparatov, Paul dit 
eîScoXetov. I Cor., vin, 10. — L'invitation d'Héraïs au 
contraire pouvait être acceptée par un chrétien malgré 
la crainte assez fondée qu'on ne servît au festin nup- 
tial des victimes immolées aux idoles si Héraïs était 
païenne, comme son nom le ferait supposer. Cependant 
le chrétien devait s'abstenir d'un plat formellement 
signalé comme provenant d'un sacrifice. Cf. I Cor., x, 
27-29. — Enfin la troisième invitation aurait dû être 
repoussée, car bien que le festin eût lieu dans une 



maison privée, c'était un banquet idolâtrique, le ban- 
quet de Sérapis. Cf. I Cor., x, 7; 21-22. 

2. Données linguistiques et philologiques. — Il y a 
dix ans on se faisait encore du grec biblique une 
idée qu'il faut abandonner aujourd'hui par suite des 
récentes découvertes. M. Moulton dans son excellent 
ouvrage, Grammar of New Testament Greek, t. i, 
Prolegomena, Edimbourg, 1906, p. 1-2, raconté assez 
plaisamment l'histoire de sa propre conversion. Il 
avait composé en 1895 une grammaire élémentaire où 
il définissait le grec du Nouveau Testament : « Hebraic 
Greek, colloquial Greek, and late Greek. » Maintenant 
il supprime le premier membre « Hebraic Greek » et 
le remplace par « common Greek ». Ce fait, ajoute-t-il, 
« n'est pas une révolution purement théorique. Il 
touche à l'exégèse en une infinité de points. Il exige 
qu'on modifie les grammaires les plus récentes et qu'on 
revoie à nouveau les meilleurs commentaires. » Voici 
en peu de mots quelles sont les causes de ce revire- 
ment. On sait qu'aux environs de l'ère chrétienne 
tous les écrivains se servaient d'une langue uniforme, 
qui diffère notablement du grec des Apôtres. Les diffé- 
rences consistent en vocables spéciaux, qu'on s'était 
habitué à nommer mots bibliques, et en tournures ou 
locutions qu'on qualifiait de sémilismes. Les décou- 
vertes de ces derniers temps ont montré que les au- 
teurs classiques employaient la langue littéraire, idiome 
artificiel et conventionnel qui n'était point parlé, tandis 
que les Apôtres faisaient usage du grec vulgaire, dé- 
daigné des littérateurs. Autant qu'on peut le constater 
et sans qu'on puisse bien rendre compte de ce phéno- 
mène, la langue vulgaire était la même dans tous les 
pays; seulement elle était plus ou moins correcte selon 
le degré de culture de ceux qui l'employaient. 

A) Mots bibliques. — Le nombre des mots prétendus 
bibliques diminue de jour en jour grâce aux ostraca, 
aux inscriptions et surtout aux papyrus. Kenyon, dans 
le Dictionary of the Bible de Hastings, Extra vol., 
1904, p. 355, donne de ces vocables retrouvés une liste 
trop longue, parce qu'elle comprend des mots et des 
locutions déjà constatés dans la Bible. A. Deissmann, 
Encyclopeedia biblica, article Papyri, t. m, col. 3562, 
réduit sa liste à vingt-deux mots : àyctTiV), àxaTâyvio<jToç, 
àviiXï^jCTTiDp, eXaitiv, evavci, Ivwîuov, eûipea-roç, eùiXoctoç, 
Upàreijtù, xaQapt'Çdi, xupiaxoç, XetToupytxdç, Xoysta, vEÔçpv- 

TOÇ, ÔÇEtXr], 7l£pt5£ÏtOV, àltO TlÉpytTt, 7rpO<TEUJ(7Î, TtUppàx^Ç, 

<KTO|x£rpiov, cptXûTTpwTEÛto, çpevaTtàTV"^. Mais cette liste 
elle-même demande à être soigneusement vérifiée. Le 
mot àyauT), qui vient des Septante et que Philon emploie 
une fois, Quod Deus immutabilis, 14, n'a pas été retrouvé 
chez les auteurs profanes ; on croyait l'avoir lu dans un 
papyrus, mais la lecture a été reconnue fausse. Cf. Deiss- 
mann, Bïbelstudien, Marbourg, 1895, p. 80; Neue Bi- 
belstudien, 1897, p. 26-37. Le mot à-nxiâ-f/tùatoç était- 
déjà connu par II Mach., IV, 47, et comme xaTayvwo- 
to; est fréquent, sa rareté est purement accidentelle. 
On pourrait en dire autant de àvriXriuTtrap, car àvrt- 
Xïî(j.iJm(; n'est pas rare. 'EXatuW, olivetum, très régulière- 
ment formé, était le nom propre du Mont des Oliviers 
et Josèphe le mentionne à plusieurs reprises. "Evavu 
et evmjtkjv sont en effet adoptés par les Septante comme 
traduction littérale de 'jsb, >:'73, mais l'adjectif Ivûmo; 

est classique et le composé cwrÉvavTi se lit dans Polybe. 
C'est hasard que EÔipEtrroç n'eût pas encore été trouvé 
en dehors de la Bible, puisque Xénophon et Épictète 
emploient l'adverbe eùapèVucoç. 'iEpaxeûto est dans les 
écrivains contemporains des apôtres et y.aôapiÇw dans 
Josèphe. Ne6çuto< est attribué à Aristophane par le 
lexicographe Pollux et ôçeiXïi à Xénophon par YEtymo- 
logium magnum. Si la< locution àno Tzéovai, avant les 
découvertes des papyrus, était particulière à saint Paul, 
on connaissait le simple Tzépvm et les composés ixirepuoi 
et npoizipvai. Quant à diToixÉtpiov, il n'est pas sûr que 



2093 



PAPYRUS BIBLIQUES — PAQUE 



2094 



les papyrus en offrent des exemples : peut-être, au lieu 
du pluriel neutre, faut-il lire orro(ji.STpîa dont témoigne 
Diodore de Sicile. Ces remarques étaient nécessaires 
pour mettre au point les nouvelles découvertes lexico- 
logiques et pour montrer qu'elles ne révolutionnent pas 
l'étude de la langue sacrée, comme le prétendent 
quelques chercheurs un peu trop enthousiastes. 

B) Sémitismes. — Jusqu'à ces derniers temps, on 
qualifiait de sémitismes toutes les locutions et tournures 
qu'on ne rencontrait pas chez les écrivains classiques. 
Or on a constaté maintenant que beaucoup de ces locu- 
tions et de ces tournures étaient d'un usage courant 
dans la langue vulgaire. La langue vulgaire elle-même, 
par un phénomène encore inexpliqué, semble avoir 
été uniforme dans les divers pays, et il est impossible 
d'y discerner des dialectes bien marqués. Elle devait 
présenter des différences de prononciation ; mais on n'y 
relève pas de différences dialectales proprement dites. 
Un autre fait avéré, c'est que la langue grecque moderne 
dérive en droite ligne de cet antique idiome vulgaire. 
Au lieu de considérer le grec du Nouveau Testament 
comme une langue à part ou de le rapprocher du grec 
artificiel des écrivains contemporains, Philon, Josèphe, 
Arrien, Plutarque,etc, on le compare aujourd'hui plus 
volontiers à la langue vulgaire d'alors, telle que nous la 
connaissons par les papyrus, par les inscriptions et 
aussi par le grec moderne. Cette comparaison a éliminé 
un bon nombre de prétendus sémitismes. Je dis sémi- 
tismes pour comprendre sous un mot général les 
hébraïsmes et les aramaïsmes. Par exemple, la tendance 
à substituer au datif simple une préposition était alors 
universelle, surtout dans la langue vulgaire et ne doit 
pas être attribuée à une influence sémitique. La répéti- 
tion du mot avec sens distributif (Matth., vi, 7 : 8vo Sio, 
Marc, VI, 39 : cn)[j,m5c7ia n\i jiitôota) qu'on regardait comme 
un sémitisme, se trouve parfois dans les classiques, est 
fréquente dans les papyrus et commune dans le grec 
moderne. Il en est de même du pronom personnel pléo- 
nastique après un relatif. Marc, i, 7; vu, 25; Luc, m, 16. 
On trouvera un grand nombre d'exemples semblables 
dans Moulton, A grammar of JV. T. Greek, t. I, Prole- 
goniena, Edimbourg, 1906; 2 e édition augmentée, 1907. 
Cet auteur a très bien vu le danger d'une réaction exa- 
gérée qui porterait les philologues modernes à nier les 
sémitismes les plus évidents. Il veut qu'on distingue 
soigneusement entre les citations et les réminiscences 
inconscientes ou voulues ainsi qu'entre les morceaux 
provenant directement ou indirectement de sources 
araméennes, où l'on doit s'attendre à rencontrer des 
sémitismes, et les passages composés librement par des 
écrivains sacrés. Ici les sémitismes seront très rares et 
consisteront surtout dans un emploi beaucoup trop fré- 
quent de locutions grecques qui correspondent par 
hasard à des idiotismes sémitiques, par exemple i8oû. 

Sur l'utilité des papyrus pour l'exégèse du Nouveau 
Testament, on lira avec intérêt cinq récents articles de 
JJeissmann, The New Testament in the light of rscently 
discovered texts of the Grssco-Roman World, dans The 
Expository Times, octobre, novembre et décembre 
1906, février et avril 1907. 

IV. Bibliographie. — N. Hohlwein, La Papyrologie 
grecque, bibliographie raisonnée (ouvrages pnbjiés avant 
le l« r janvier 1905), Louvain, 1905. Cette liste qui comprend 
819 numéros, signale un grand nombre d'articles de 
revues. On y trouvera aussi l'indication des collections 
que nous n'avons pas mentionnées parce qu'elles n'ont 
rien qui intéresse directement la Bible, par exemple : 
Griechische Vrkunden ans den kônigl. Museen zu 
Berlin, en cours de publication depuis 1895; J. P. Ma- 
haffy, On the Flinders Pétrie Papyri, Dublin, 1893; 
Tetubnis Papyri, 1. 1, Londres, 1902; Grenfell et Hunt, 
New classical Fragments and other Greek and Latin 
Papyri, Oxford, 1891. The Hibeh Papyri, t. i, des 



mêmes, a paru depuis, Londres 1906. — Pour l'étude des 
papyrus : F. G. Kenyon, The Palœography of Greek 
Papyri, Oxford, 1899 (c'est l'ouvrage classique sur la 
matière); Erman et Krebs, Aus denpapyrus der kônigl, 
Museen (zu Berlin), Berlin, 1899 (notions de paléo- 
graphie, d'archéologie, etc. sur les papyrus égyptiens, 
grecs, coptes, arabes, et autres à propos des collections 
de Berlin) ; O. Grademvitz, Einfùhrung in die Papy- 
ruskunde, l c *fasc, Erklàrung ausgewâhlter Vrkunden, 
Leipzig, 1900 (trop spécial et d'un intérêt trop restreint). 
— Revues et bulletins : U. Wilcken, qui avait montré 
la nécessité de fonder une revue spéciale de papyrologie 
(Die griechischen Papyrusurkunden, 1897), en publie 
une depuis 1900, à Leipzig, sous ce titre : Archiv fur 
Papyrusforschung und verwandte Gebiete. En 1901 a 
paru aussi à Leipzig le premier volume d'un recueil.ana- 
logue, Studien zur Palâographie und Papyruskunde, 
publié par G. Wessely. La publication la plus pratique 
pour s'orienter dans la bibliographie des papyrus et se 
tenir au courant des découvertes nous semble être le 
Bulletin papyrologique publié de temps en temps par 
S. de Ricci dans la Revue des études grecques (depuis 
1901). L'auteur donne dans son premier Bulletin, 1901, 
p. 164-170, un aperçu rapide mais suffisant des travaux 
antérieurs à cette date avec renvoi aux recueils spéciaux 
d'après lesquels est compilé son résumé. 

F. Prat. 

PAQUE, la principale fête des Juifs. 

I. Ses noms. — Le premier nom donné à la Pàque 
se présente sous la forme suivante : pesa!} hû' la-Yeho- 
vâh, Ttà^a tari xupt'w, ce que la Vulgate explique ainsi : 
Est enim Phase (id est iransilus) Domini, « car c'est 
la Pàque (c'est-à-dire le passage) du Seigneur. » Exod., 
xn, 11. Le mot pésah vient du radical pâsalf, « passer ». 
En judéo-araméen, il prend la forme pashâ', d'où le 
grec Tcâff/ix. Le texte emploie le verbe pâsah pour dé- 
signer le passage du Seigneur au delà des maisons des 
Hébreux, au moment de la dixième plaie, Exod., xn, 
13, 23, tandis que le verbe 'âbar désigne le passage du 
Seigneur par la terre d'Egypte pour y exercer sa ven- 
geance. Exod., xn, 13. Ce que la fête commémorait 
directement, c'était donc le passage qui épargnait les 
Hébreux, et non le pas?age qui châtiait les Égyptiens. 
Dans l'Épitre aux Hébreitx, xi, 28, il est dit que Moïse 
célébra la Pàque et fit l'aspersion du sang « afin que 
l'exterminateur des premiers-nés ne touchât pas à ceux 
des Israélites. » On a voulu faire venir pésah de l'as- 
syrien pasâfyu, « apaiser la divinité ». Cf. Zimmern, 
Beitràge zur Kenntniss der babylonischen Religion, 
Leipzig, 1901, p. 92. Cette étymologie est inaccceptable. 
Le texte sacré rattache manifestement à la Pàque l'idée 
de « passage », et non pas celle d'apaisement de la di- 
vinité, qui n'est qu'accessoire dans le rite pascal. Sub- 
sidiairement, l'idée s'étendit au passage de l'Egypte au 
désert, de la servitude à la liberté. Dans le Pentateuque, 
Josué, les Rois et les Paralipomènes, la Vulgate rend 
pésah par Phase, dans Esdras, Ézéchiel et tout le Nou- 
veau Testament, par Pascha. Le mot a désigné, dès le 
principe, non seulement le passage du Seigneur, mais - 
aussi tantôt la fête qui perpétuait le souvenir de ce pas- 
sage, Exod., xxxiv, 25; Num., ix, 2; II Par.,xxxv,- 1; 
Matth., xxvi, 2; Joa., vi, 4, etc., tantôt l'agneau qu'on 
y mangeait. Exod., xn, 21'; Deut., xvi, 2; I Esd., VI, 20; 
Matth., xxvi, 17; Joa., xvin, 28, etc. — 2» La nature 
des aliments permis pendant la Pàque lui a fait encore 
attribuer le nom de hag ham-niassôt, « fête des azymes ». 
Exod., xxni, 15; Deut., xvi, 16, etc. Voir Azyme, t. i, 
col. 1313. Elle est appelée par saint Luc, xxn, 1, et 
par Josèphe, Bell, jud., II, i, 3, éopxri tùv àÇùnwv, « fête 
des azymes »; par saint Marc, xiv, 1, et par saint 
Matthieu, xxvi, 17, tô àÇujjia, « les azymes »; dans les 
Actes, xu, 3, aî -»)[i£pai tûv àÇû[i<ov, « les jours des 
azymes ». 



2095 



PAQUE 



2096 



II. Son institution. — 1° La Pâque fut instituée et 
prescrite par le Seigneur en Egypte, entre la neuvième 
et la dixième plaie. Les Hébreux reçurent l'ordre de 
prendre un agneau ou. Un chevreau par famille ou par 
maison, le dixième jour du mois, de l'immoler le 
quatorzième jour entre les deux soirs, de teindre de 
son sang les montants et le linteau de la porte, de le 
manger cette nuit-là rôti au feu, avec des pains sans 
levain et des herbes amères, les reins ceints, les san- 
dales aux pieds, le bâton en main et à la hâte, et enfin 
de brûler tout ce qui en resterait. Exod., xn, 2-11. 
Ces prescriptions concernaient la première Pâque, à 
célébrer pendant la nuit même durant laquelle devaient 
être exterminés les premiers-nés des Égyptiens, et à la 
suite de laquelle ceux-ci allaient presser les Hébreux 
de partir. Exod., xn, 29-33. Ainsi s'expliquent les pains 
azymes, parce qu'on n'avait pas le temps de faire lever 
la pâte, l'attitude à prendre en mangeant l'agneau et la 
hâte avec laquelle on procédait, parce que le départ 
était imminent. Le sang de l'agneau mis sur les mon- 
tants et le linteau des portes devait servir de signe pour 
que le Seigneur « passât par-dessus » les maisons des 
Hébreux, sans que la plaie meurtrière les frappât. 
Exod., xir, 13. Ce rite se retrouve dans le rituel babylo- 
nien, avec une signification analogue. Dans un sacri- 
fice offert par le roi pour que ses fautes soient effacées 
aux yeux de Samas, le magicien devait sacrifier un agneau 
à Ja porte du palais et ensuite teindre de son sangles 
montants de cette porte. Cf. Fr. Martin, Textes religieux 
assyriens et babyloniens, l re série, Paris, 1903, p. 257. 

2° A l'occasion de ce récit, le Pentateuque insère la 
législation qui devra par la suite régler la célébration 
de la Pâque. Voici les différents articles de cette légis- 
lation : 1. La fête de la Pâque sera célébrée à perpé- 
tuité. Exod., xn, 14, 17, 24-27, 41 — 2. Elle aura lieu 
le premier mois de l'année, le mois d'abib, appelé de- 
puis mois de nisan. Exod., xxxiv, 18. — 3. La victime 
pascale doit être immolée le quatorzième jour, « entre 
les deux soirs, » Exod., xn, 6; Lev., xxin, 5; Num., 
ix, 3, 5, 11, ou « le soir, au coucher du soleil ». Deut., 
xvr, 6; Jos-, v, 10. — 4. La fête de la Pâque dure sept 
jours. Exod., xn, 15. — 5. Durant tout ce temps, on 
ne peut manger que des pains azymes et l'on ne doit 
pas conserver de levain à la maison. Exod., xn, 15, 18- 
20; xxxiv, 18, 25; Lev., xxm, 6; Num., xxvm, 17; 
Deut., xvi, 3, 4. — 6. On ne doit briser aucun des os de 
l'agneau pascal. Exod., xn, 46. — 7. On n'en peut rien 
emporter hors de la maison. Exod., xn, 46. — 8. Il 
faut qu'il soit consommé tout entier avant le matin ou 
que ce qui en reste soit brûlé. Exod., xn, 10; xxxiv, 
25. — 9. La victime pascale ne peut être immolée et 
mangée que dans le lieu choisi par le Seigneur. Deut., 
XVI, 5-7. — 10. Ceux-là seuls ont le droit d'y prendre 
part, qui sont circoncis et en état de pureté. Exod., 
xn, 44, 45, 48, 49; Num., ix, 6, 7. — 11. Il y a assem- 
blée du peuple le premier et le septième jour de la fête. 
Exod., xn, 16; Lev,, xxiii, 7, 8; Num., xxvm, 18, 25. — 

12. Ces r deux jours, aucun travail n'est permis, sauf 
pour la préparation des aliments. Exod., xn, 16; Lev., 
xxm, 7; Num., xxvm, 18; Deut., xvi, 8. — 13. Pendant 
les sept jours, des holocaustes spéciaux doivent être 
offerts. Lev., xxm, 8; Num., xxvm, 19-25. — 14. Le 
lendemain du sabbat pascal, le prêtre offre les prémices 
de la moisson. Lev., xxm, 10-14. — 15. Ceux qui, pour 
cause d'impureté légale, n'ont pu célébrer la Pâque au 
jour marqué, la célébreront le quatorzième jour du 
second mois. Num., ix, 10-12. — 16. La peine du re- 
tranchement ou excommunication est prononcée contre 
quiconque mange du pain levé l'un des sept jours 
de la Pâque. Exod., xn, 15. — 17. La même peine 
frappe celui qui ne célèbre pas la Pâque. Num., ix, 

13. — 18. Enfin, pour que le rite pascal fût compris, 
les Hébreux devaient dire à leurs enfants : « C'est un 



sacrifice de Pâque en l'honneur de Jéhovah, qui a 
passé par-dessus les maisons des enfants d'Israël en 
Egypte, lorsqu'il frappa l'Egypte et sauva nos maisons. » 
Exod., xn, 27. 

III. La célébration de la Pâqhe dans l'Ancien 
Testament. — 1° La première Pâque fut célébrée en 
Egypte même. Cette célébration présenta quelques 
particularités qui ne se retrouvent pas dans les Pâques 
suivantes : la mise â part de l'agneau dès le dixième 
jour, l'aspersion du linteau et des montants des portes 
avec l'hysope teint de sang, la manducation de l'agneau 
en lieu profane, à la hâte, sans hymne, par tous les 
Hébreux sans exception, purs ou non. Exod., xn, 21- 
28. — 2° Une seconde Pâque fut célébrée un an après, 
au Sinaï, conformément aux prescriptions édictées 
précédemment. A cette occasion fut portée la loi con- 
cernant ceux que rendaient impurs le contact d'un ca- 
davre. Num., ix, 1-14. La prescription de l'Exode, xn, 
25 : « Lorsque vous serez entrés dans le pays que 
Jéhovah vous donnera, selon sa promesse, vous obser- 
verez ce rite sacré, » ne signifie pas que la Pâque ne 
devait ensuite être célébrée qu'en Palestine. La célébra- 
tion au Sinaï prouve le contraire, et les divers règle- 
ments formulés au désert au sujet de la Pâque, Exod., 
xxxiv, 18; Lev., xxm, 4-8; Num., xxvm, 16-25; Deut., 
xvi, 1-8, ne comportent aucune restriction. — 3° A 
l'entrée de la Terre Promise, Josué circoncit les Israé- 
lites et, à Galgala, on célébra la Pâque, sans que rien, 
dans le récit, fasse soupçonner que l'interruption de 
la circoncision, pendant le séjour au désert, se soit 
étendue à la célébration des fêtes pascales. Jos., v, 10- 
12. — Il est probable que le voyage accompli chaque 
année par Elcana et ses femmes, Anne et Phénenna, 
pour adorer Jéhovah à Silo et lui offrir des sacrifices, 
se rapporte à la célébration de la Pâque. I Reg., i, 3, 7. 
— 4° Plus de sept cents ans après Josué, le roi Ézéchias 
fit célébrer une Pâque très solennelle à Jérusalem. Dans 
l'intervalle, la fête avait continué régulièrement chaque 
année, sans nul doute. Mais, à certaines époques, bien 
des négligences s'étaient produites et beaucoup d'Israé- 
lites se dispensaient trop facilement de l'obligation qui 
s'imposait à eux de se rendre annuellement à Jérusa- 
lem. Sous les rois impies, l'abstention était devenue 
plus générale. Du ' royaume schismatique, on venait 
beaucoup moins au Temple; dans Juda même, on se 
négligeait d'autant plus que des rois comme Joram, 
Athalie, Joas, Achaz, décourageaient plus'efficacement la 
piété des Israélites fidèles. Ézéchias envoya dans tout 
son royaume et dans les tribus d'Éphraïm et de Manassé 
des messagers pour inviter à la Pâque. Mais les prêtres 
eux-mêmes ne furent pas prêts pour le premier mois. 
Un grand nombre d'entre eux ne se trouvaient pas dans 
les conditions requises de pureté légale. On remit donc 
la fête au second mois, comme la Loi en laissait la 
faculté. Num., ix, 10-12. L'invitation d'Ézéchias fut 
mal accueillie dans l'ancien royaume d'Israël. Quelques 
hommes d'Aser, de Manassé et de Zabulon vinrent 
seuls à Jérusalem. Ceux de Juda s'y portèrent en grand 
nombre. Beaucoup mangèrent la Pâque sans avoir été 
purifiés, tant était grande encore l'ignorance des an- 
ciennes prescriptions du Seigneur. Ézéchias pria pour 
que Jéhovah accordât son pardon à ces violateurs plus 
ou moins inconscients de la loi. L'enthousiasme fut si 
grand et le nombre des pèlerins si considérable qu'on 
se décida à prolonger la fête de sept autres jours. Les 
réjouissances furent telles qu'on n'avait rien vu de pa- 
reil depuis Salomon. Cette Pâque devint le signal d'une 
réaction vigoureuse contre l'idolâtrie. II Par., xxx, 1- 
27. — 5° Environ cent ans plus tard, la Pâque fut 
encore célébrée avec une solennité exceptionnelle sous 
Josias, à l'occasion dû renouvellement de l'alliance. 
Pendant les cinquante cinq ans de son règne, en effet, 
le fils d'Ézéchias, Manassé, avait multiplié les efforts 



2097 



PAQUE 



2098 



pour faire tomber dans l'oubli la loi de Moïse. Le texte 
des Rois fait la remarque suivante, au sujet de ce qui 
fut fait sous Josias : « Aucune Pâque pareille à celle- 
ci n'avait été célébrée depuis le temps des Juges qui 
jugèrent Israël, et pendant tous les jours des rois 
d'Israël et des rois de Juda. » IV Reg., xxm, 21, 22; 
II Par-, xxxv, 16-19. Le texte hébreu dit littéralement : 
« Car ne fut point faite cette Pàque depuis le temps des Ju- 
ges-., comme, la dix-huitème année du roi Josias, fut faite 
cette Pâque à Jéhovah à Jérusalem, » ce qui revient à 
dire que jamais on n'avait célébré de Pâque pareille. 
Ce texte n'exclut donc en aucune manière les Pâques du 
temps passé. Celle-ci sortit de l'ordinaire non par sa 
solennité, qui n'avait peut-être pas égalé celle des 
Pâques de Salomon, II Par., vin, 13, et d'Ézéchias, 
mais par l'exactitude avec laquelle on avait suivi toutes 
les prescriptions de la Loi. On a vu, en effet, qu'à la 
Pâque d'Ézéchias, certaines de ces prescriptions avaient 
été transgressées. — 6° Pendant la captivité, il ne 
pouvait être question de la célébration solennelle de la 
Pâque à Jérusalem. Néanmoins l'interruption n'était 
que momentanée. Dans la description du nouveau 
culte de Jéhovah, Ézéchiel, xlv, 21-24, mentionne la 
Pâque avec ses rites accoutumés. — 7° Après la capti- 
vité, la fête de la Pâque fut rétablie et célébrée à la fois 
par ceux qui étaient revenus et par tous les Israélites 
qui, restés en Palestine, ne s'étaient pas souillés au 
contact des idolâtres. I Esd., vi, 19-22. — 8» A la suite de la 
profanation du Temple sous Antiochus Épiphane, Judas 
Machabée, vainqueur des Syriens, rétablit le culte et 
célébra la fête de la Dédicace. I Mach., iv, 54-59. Plus 
tard, Jonathas, devenu grand-prêtre, célébra celle des 
Tabernacles. I Mach,, x, 21. Ces faits ne permettent 
pas de douter qu'à partir du rétablissement du culte, 
les solennités pascales n'aient été célébrées à Jérusa- 
lem conformément à la Loi. 

IV. Usages juifs relatifs à la Paque. — i. époque 
DE LA PAQUE. — 1» Les Juifs distinguaient entre la 
Pâque proprement dite, appelée par Josèphe, Ant. 
jud., II, xiv, 6 : àïcEpëadîa, « passage », par Philon, 
édit. Richter, 1828, i, 174; n, 292 : 8ia6aTripia, «tra- 
versée, s et par saint Grégoire de Nazianze, Epist, cxx, 
t. xxxvn, col. 213 : èoptrj Siagccnjpioi;, « fête de la tra- 
versée », et la fêle des azymes, qui durait sept jours. 
Cf. Josèphe, Ant. jud., III, x, 5. Quand ils rapprochent 
le grec izàax* du verbe nàcysiii, « souffrir, » pour iden- 
tifier la Pâque et la Passion du Sauveur, Tertullien, 
Adv. Jud., 10, t. h, col. 630, et bon nombre d'autres, re- 
marque saint Jérôme, In Matth., IV, 26, t. xxvi, col. 190, 
ne s'appuient que sur la similitude phonétique de deux 
mots très différents d'origine et de sens. Saint Augus- 
tin, In Joa., lv, l,t. xxxv, col. 1784, dit plus correcte- 
ment que Pascha ne vient pas du grec TtàuxEiv, mais 
d'un mot hébreu qui signifie « passage ». 

2° Dans la suite des temps, les Juifs distinguèrent la 
première Pâque, celle du mois de nisan, et la seconde 
ou petite Pâque, celle du mois suivant ou de iyar. Cf. 
Challa, I, 11; Midr. Megillath Esth., 132, 2. Pour les 
Caraïtes, les choses devaient se passer identiquement 
de même à ces deux Pâques; d'autres laissaient de côté 
quelques détails à la seconde Pâque, la suppression 
préalable de tout levain, l'hymne, la défense d'eflrporter 
ailleurs une partie de l'agneau pascal et les sacrifices 
appelés hagîgâh. 

3° La Pâque était une fête à date fixée par le Sei- 
gneur; elle avait donc le pas sur le sabbat, comme d'ail- 
leurs la circoncision et le sacrifice perpétuel. Si le 14 
nisan tombait le jour du sabbat, on ne laissait pas d'im- 
moler les agneaux ce jour-là et de faire toutes les céré- 
monies préparatoires à la solennité. Cf. Mechilta, 5, 1 ; 
Gem. Pesachim, 33, 1; 66, 1. 

//. rites particuliers. — Le traité Pesachim de la 
Mischna s'occupe de tout ce qui concerne la fête de la 



Pâque. Il détermine l'application des règles formulées 
dans le Pentateuque. 

1° La perpétuité. — A certaines époques de l'histoire, 
la célébration de la Pâque fut négligée par un grand 
nombre d'Israélites. Plusieurs fois, elle fut interrom- 
pue pendant un temps plus ou moins long, quandjle 
lieu choisi par le Seigneur, le Temple, fut interdit au 
culte divin, comme sous plusieurs des rois impies et 
plus tard sous Antiochus Épiphane, et, à plus forte 
raison, quand il fut détruit, comme pendant la capti- 
vité de Babylone. Sous le procurateur Coponius, qui 
gouverna la Judée après Archélaûs, la solennité pascale 
dut être interrompue par la faute de Samaritains qui 
s'introduisirent de nuit dans le Temple, dès l'ouverture 
des portes, et semèrent de tous côtés des ossements 
humains dont la présence souillait le lieu saint. 
Josèphe, Ant. jud., XVIII, n, 2. Sous le procurateur 
Cumanus (48 après J.-C), I e quatrième jour de la Pâque, 
un des soldats qui veillaient à maintenir l'ordre sous 
les portiques du Temple se permit une indécence qui 
révolta à bon droit les Juifs. Redoutant une émeute, le 
procurateur fit prendre les armes à la garnison de l'An- 
tonia. Il en résulta une panique telle parmi les Juifs, 
qu'en voulant s'échapper du Temple, ils s'écrasèrent 
mutuellement en grand nombre, d'où interruption des 
fêtes et deuil général dans la ville. Josèphe, Ant. jud., 
XX, v, 3; Bell, jud., II, xii, 1. Depuis la destruction du 
Temple, en 70, les Juifs ne peuvent plus immoler 
l'agneau pascal dans les conditions prescriies. Ils n'ont 
gardé des anciens rites que ce qui est compatible avec 
leur situation actuelle. Cf. Pesachim, x, 3. 

2° La date. — La Pâque continua toujours à être 
célébrée après le 14 nisan, aux premières heures du 15, 
selon la façon juive de compter. Sa date dépendait de 
la fixation de la néoménie du premier mois de l'année. 
Voir Néoménie, t. iv, col. 1590. De plus, il fallait tenir 
compte de différentes circonstances qui motivaient 
Tintercalation d'un treizième mois entre le dernier de 
l'année ou adar et le premier de l'année suivante. 
Cette intercalation avait lieu quand le 16 nisan tombait 
avant l'équinoxe du printemps, quand la végétation 
n'était pas assez avancée pour qu'on pût faire l'offrande 
des épis nouveaux, quand des pluies prolongées n'avaient 
pas permis la réfection des routes et des fours. Rien 
n'était réglé à l'avance au sujet de cette intercalation 
et souvent le sanhédrin attendait jusqu'en adar pour 
prendre une décision. Voir Année, t. i, col. 642-643. 

3° Le 14 nisan. — Dès la nuit qui commençait le 
14 nisan, le père de famille inspectait toute sa maison, 
le flambeau à la main, afin de recueillir tout ce qui 
pouvait s'y trouver de vieux levain, et il le brûlait vers 
midi. A partir de ce moment, on ne pouvait plus manger 
de pain levé sous peine de verges. Dès la matinée, les 
femmes préparaient les pains sans levain et des gâteaux 
semblables, sans sel et sans huile. Les premiers-nés 
passaient toute cette journée dans le jeûne; les autres 
faisaient vers dix heures du matin leur dernier repas 
avec du pain levé. — On immolait l'agneau pascal 
« entre les deux soirs ». Exod., xn, 6. Cette expression 
est" nécessairement synonyme de celle qu'on trouve 
dans le Deutéronome, xvi, 6 : « le soir, au coucher du 
soleil, » et elle ne peut se rapporter à deux jours diffé- 
rents. Les Caraïtes et les Samaritains entendaient par 
là le temps qui s'écoule entre la disparition du soleil 
sous l'horizon et la pleine obscurité. Pour les phari- 
siens, c'était le temps qui s'écoule entre le moment où 
le soleil commence à baisser et sa disparition effective, 
c'est-à-dire, à l'équinoxe, de trois heures à six heures. 
C'est ce dernier sens qu'adoptent Josèphe, Bell, jud., 
VI, ix, 3, et les talmudistes. Pesachim, 5, 3. On avait 
ainsi plus de latitude pour l'immolation des victimes, 
tandis que, dans l'opinion des Caraïtes, on n'eût guère 
disposé que d'une heure un quart, temps qui ne pou- 



2099 



PAQUE 



2100 



vait suffire que quand la Pàque n'était pas très fré- 
quentée. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1065. 

4° L'agneau pascal. — 1. D'après la Loi, l'agneau ou 
le chevreau devait être mâle, d'un an accompli et sans 
tache, c'esl-à-dire sans aucun des défauts spécialement 
signalés par la Loi. Lev., xxn, 22. Pour préserver 
l'agneau de toute souillure, les Juifs le séparaient du 
troupeau et l'attachaient à leur lit. Cf. Kelim, Xix, 2. 
La séparation ne se faisait pas obligatoirement le 
dixième jour du mois, comme en Egypte, mais souvent 
deux ou trois jours après. Cf. Pesachim, rx, 5. — 
2. L'immolation avait lieu après le sacrifice du soir, et 
avant qn'on brûlât l'encens et qu'on allumât les lampes. 
Cf. Gem. Pesachim, 58, 1. Pendant cette opération, 
les prêtres sonnaient de la trompette et les lévites 
chantaient les Psaumes cxm-cxviii (cxn-cxvn). Les 
Israélites porteurs d'agneaux étaient introduits dans le 
parvis du Temple en trois groupes successifs, derrière 
chacun desquels on fermait les portes. Cf. Eduyoth, v, 
6; Gem. Berachoth, 19, 1. Les agneaux n'étaient pas 
nécessairement égorgés par les ministres sacrés, 
prêtres ou lévites. II Par., xxx, 17; xxxv, 11. Le pre- 
mier de ces deux textes suppose que les lévites immo- 
laient les victimes pascales « pour tous ceux qui 
n'étaient pas purs, d II suit de là que chaque Israélite 
égorgeait d'ordinaire son agneau. C'est d'ailleurs ce 
qui se pratiquait certainement dans les derniers 
temps. Cf. Pesachim, v, 6; Philon, Vit. Mos., m, 29; 
De Decalog., 30 ; De septenar., 18, édit. Mangey, t. n, 
p. 169, 206, 292. Il ne s'agissait pas de victimes à 
offrir sur l'autel; l'intervention du prêtre n'était donc 
pas requise pour leur immolation. Il suffisait que l'Is- 
raélite fût en état de pureté légale pour avoir le droit d'y 
procéder. Des prêtres, disposés par séries, recueillaient 
le sang des agneaux dans des vases qu'ils se passaient 
de main en main jusqu'à celui qui versait le contenu à 
la base de l'autel. Cf. Pesachim, v, 6. — 3. Pour écor- 
cher les victimes ordinaires, on les suspendait à des 
traverses de cèdre que soutenaient huit colonnes de 
pierre élevées dans le parvis des prêtres. Cet appareil 
n'aurait pas suffi pour écorcher rapidement le grand 
nombre des agneaux présentés à la Pàque. On se ser- 
vait donc, pour les suspendre pendant l'écorchement, 
de bâtons que des hommes appuyaient sur leurs 
épaules. Après avoir ouvert le ventre de l'agneau, on 
lui enlevait la graisse, les reins et tout ce qui devait 
être brûlé sur l'autel. Puis le corps, enveloppé dans sa 
peau, était remis à celui qui l'avait apporté. Cf. Pesa- 
chim, v, 6, 10; Gem. Pesachim, 64, 2; 65, 2. Le 
nombre des agneaux présentés au Temple était énorme. 
Josèphe, Bell, jud., VI, ix, 3, parle de 256500, et 
VEchah Rabbath, fol. 59, 1, 2; 62, 1, porte ce nombre 
à 600 000 sous le roi Agrippa. En faisant la part de 
l'exagération, même dans l'estimation fournie par l'his- 
torien juif, et en supposant seulement 30000 agneaux 
pour chacun des trois groupes successivement admis 
dans le parvis du Temple, on a peine à se représenter 
la manière dont on procédait pratiquement. Les prêtres 
ne pouvaient s'acquitter de leur tâche qu'à force de 
dextérité, de célérité et d'ordre parfait. Les Juifs pré- 
tendent pourtant que l'immolation s'exécutait avec une 
telle rapidité par le grand nombre des opérateurs que 
jamais les lévites ne purent répéter une troisième fois 
les Psaumes dont le chant leur incombait. Cf. Pesa- 
chim, v, 7. L'assertion ne laisse pas que d'étonner. 
Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1893, t. 
Il, p. 416. — 4. Rapporté à la maison, l'agneau devait 
être rôti; on ne pouvait le cuire d'une autre manière. 
Cf. Gem. Nedarim, 49, 1. On le traversait longitudina- 
lement par une tige en bois de grenadier. Saint Justin, 
Dial. cum Tryphone, 40, t. vi, col. 561, parle d'une 
autre tige qui le traversait d'une épaule à l'autre, de 
sorte que, par leur disposition, ces deux tiges présen- 



taient la figure d'une croix. Né à Flavia Néapolis, l'an- 
cienne Sichem, le saint martyr connaissait très bien ce 
qu'il avait vu pratiquer et ce que pratiquent encore les 
Samaritains, qui continuent à manger chez eux l'agneau 
pascal. L'usage qu'il mentionne ne devait pas être étran- 
ger aux Juifs ; autrement il n'en eût pas fait état dans 
un dialogue avec un savant de cette nation. Pour rôtir 
l'agneau pascal, on employait des fours de brique, munis 
d'une ouverture inférieure pour mettre le feu et retirer 
les cendres, et d'une ouverture supérieure par laquelle 
on entrait l'agneau, probablement suspendu au-dessus 
d'un feu de charbons ardents. Afin que les entrailles 
qui, elles aussi, devaient être mangées, Exod., xn, 9, 
fussent également rôties, et non bouillies, on les retirait 
pour les suspendre dans le four à côté du corps. 

5° Le festin pascal. — Régulièrement, tant que le 
Temple subsista, l'agneau pascal ne pouvait être im- 
molé qu'au Temple et mangé que dans la Ville sainte. 
Les Juifs de la dispersion célébraient cependant, là où 
ils se trouvaient, des festins communs, et en particulier 
celui de la Pâque. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 8; 
Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, 
t. in, 1898, p. 96. A Jérusalem, les Israélites venus d'ail- 
leurs, trouvaientauprès des habitants unaccueil fraternel. 
On mettait gratuitement à leur disposition les chambres 
dont ils avaient besoin pour manger la Pâque. Cf. Babyl. 
Yoma, 12, 1. En retour de l'hospitalité reçue, ils lais- 
saient la peau de l'agneau et les ustensiles de terre 
dont ils s'étaient servis. Mais la multitude des pèlerins 
était telle qu'il n'était guère possible à tous de trouver 
asile en même temps dans une ville dont les habitants, 
au dire de Josèphe, Cont. Apion., I, 22, s'élevaient, au 
nombre de 120000 du temps d'Alexandre le Grand. 
Aussi, au moment de la Pâque, les rues, les places et 
les environs immédiats étaient encombrés de tentes. 
Beaucoup, sans doute, célébraient le festin pascal là 
même où ils passaient la nuit. Il fallait être au moins 
dix pour manger l'agneau pascal ; le nombre des con- 
vives pouvait aller jusqu'à vingt. Cf. Josèphe, Bell. 
jud., VI, ix, 3. Les femmes avaient droit de prendre 
part au festin; mais les hommes seuls y étaient obligés. 
Cf. Pesachim, x, 1. Étaient exclus cependant ceux qui 
avaient contracté une impureté par contact d'un mort, 
les lépreux, ceux qui étaient affligés d'un flux et 
ceux qui se trouvaient impurs au moment de l'immola- 
tion de l'agneau ou de l'effusion de son sang au pied 
de l'autel. Leur Pâque était remise au mois suivant. 
Cf. Josèphe, Bell, jud., VI, ix, 3; Tosaphta Pesachim, 8; 
Gem. J crus ■ Pesachim,9 . Les convives ne setenaientplus 
debout, comme à la Pâque égyptienne. Les Juifs des 
derniers temps, adoptant les modes nouvelles, s'éten- 
daient sur des divans, « à la manière des rois et avec 
l'aisance qui convient à des hommes libres. >; Cf. Pesa- 
chim, x, 1. Les femmes se contentaient d'être assises. 
Voir Lit, t. rv, col. 291. Chaque convive devait manger 
du pain azyme, ne fût-ce qu'une quantité égale au vo- 
lume d'une olive. Cf. Challa, i, 2. Le repas ne pouvait 
se prolonger au delà de minuit. On brûlait alors ce qui 
restait de l'agneau pascal. Cf. Gem. Berachoth, 9, 1, 
Si cependant la Pâque se célébrait un jour de sabbat, 
on remettait cette combustion au lendemain. Cf. Pesa- 
chim, x, 7. — Sur le rituel suivi pour la célébration 
du festin pascal, voir Cène, t. n, col. 413-416; Herbes 
amères, t. m, col. 600-602. 

V. Les sacrifices prescrits pour la pâque. — 
L'immolation de l'agneau pascal n'était pas un sacrifice 
ordinaire, bien qu'elle soit appelée zébah, dvala, Exod., 
xii, 27; xxxiv, 25, et qu'il soit question de « sacrifier 
la Pâque », Tzâcrya. 6ueiv. Marc, xiv, 2. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., VI, iv, 8. ^.a plupart des rites suivis dans 
les autres sacrifices, les offrandes, les libations, etc., 
faisaient défaut dans l'immolation de l'agneau pascal. 
Mais des sacrifices proprement dits devaient être offerts 



2101 



PAQUE 



2102 



pendant les sept jours de la Pàque. Chacun de ces 
jours, on offrait en holocauste deux jeunes taureaux, 
un bélier et sept agneaux d'un an, avec des oblations 
de fleur de farine pétrie à l'huile. On y ajoutait un 
bouc, en sacrifice d'expiation. Ces sacrifices n'empê- 
chaient pas les holocaustes perpétuels prescrits deux 
fois le jour. Num., xxvm, 9-25. Quand on présentait 
la gerbe nouvelle, on offrait en plus un agneau d'un 
an en holocausle, avec une oblation de fleur de farine 
et une libation de vin. Lev., xxm, 12, 13. Enfin; 
chaque Israélite venu à la fête offrait des sacrifices par- 
ticuliers, conformément à la Loi. Deut., xvi, 17. Le 
premier et le septième jour, où le travail était interdit, 
il y avait assemblée. Lev., xxm, 3, 7, 8; Num., xxym, 
18, 25. Voir Assemblée, t. i, col. 1129. Afin qu'on put 
assister à ces assemblées et paraître au Temple le der- 
nier jour de la fête, qui était très solennel, on ne per- 
mettait pas aux Israélites de s'éloigner de la ville sainte, 
sinon momentanément, durant ces sept jours. Toute- 
fois l'obligation n'était pas rigoureuse; les docteurs 
toléraient qu'on partît le troisième jour, s'il y avait né- 
cessité. Voir Pèlerinages. 

VI. L'OFFRANDE DES PRÉMICES DE LA MOISSON. — 

1» D'après la Loi, les prémices de la moisson devaient 
être offertes le « lendemain du sabbat ». Lev., xxm, 11. 
Les Caraïtes entendaient par ce sabbat celui qui tom- 
bait au cours des fêtes de la Pâque. Mais les Septante 
traduisent l'hébreu par -rij sTcaûpeov ttj; npra-rm;, « le 
lendemain du premier » jour des azymes, et Josèphe, 
Ant. jud., III, x, 5, dit positivement que cette offrande 
se faisait « le second jour des azymes, soit le seizième 
dii mois. » Il suit de là que les Juifs d'après la capti- 
vité avaient fixé cette offrande au second jour des 
azymes, en prêtant le nom de sabbat au 15 nisan, dans 
lequel le gros travail était interdit. Cette interprétation, 
contraire à la lettre du texte, prévalut parmi eux. Ce 
jour-là, on présentait au prêtre une gerbe d'épis de la 
moisson nouvelle, et il la balançait, c'est-à-dire l'offrait 
à Jéhovah en l'agitant de diverses façons, afin d'attirer 
la faveur divine. Avant que cette offrande fût faite, on 
ne pouvait manger ni pain, ni épis frais ou grillés 
provenant de la moisson nouvelle. Lev.,xxin, 10-14. — 
Les Arabes ne manquaient pas, au printemps, de faire 
l'offrande des prémices, avec cette idée qu'avant de se 
servir des biens il importe de réserver la part de la divi- 
nité. Cf. Lagrange, Études sur les religions primitives, 
Paris, 1905, p. 255. On a prétendu que la Pâque des 
Hébreux dérivait des fêtes pastorales que beaucoup 
d'anciens peuples célébraient au printemps, comme les 
fêtes en l'honneur de Déméter, chez les Grecs, de 
Cérès, chez les Romains, etc. Mais le caractère histori- 
que de la fête pascale a trop d'importance dans les textes 
sacrés pour qu'on puisse le reléguer au second plan. 
Le caractère agricole n'apparaît au contraire que 
comme adventice et secondaire. 

2° Voici comment les Juifs procédaient pour faire l'of- 
frande des prémices. Au moment où s'achevait la der- 
nière heure du 15 nisan, des délégués du sanhédrin sor- 
taient de la ville avec une corbeille et une faucille, tra- 
versaent le Cédron et se rendaient dans un champ voisin, 
dont la moisson d'orge avait été achetée aux frais du 
trésor du Temple. Cf. Sckekalim, îv, 1. On choisissait 
l'orge, parce que sa maturité devançait celle des autres 
céréales. Au commencement de la nuit du 16 nisan, l'un 
des délégués posait par trois fois différentes questions 
auxquelles on répondait : « Le soleil est-il couché? — Oui. 
— Avec cette faucille? — Oui. — Avec cette corbeille? — 
Oui. — Faut-il couper? — Oui. » Et si le 16 nisan était 
un jour de sabbat : « Même ce jour de sabbat? — Oui.» 
Cf. Menachoth, x, 1, 3. Alors on coupait la gerbe et on 
l'apportait dans la corbeille jusqu'au parvis des prêtres. 
Là on la passait par le feu, on vannait le grain dans un 
endroit du parvis exposé au vent, on le broyait sous la 



meule, on le tamisait treize fois; jusqu'à ce qu'on eût 
obtenu un dixième d'éphi, soit de deux à quatre litres de 
fleur de farine. Le matin, après les sacrifices publics, on 
prenait une poignée de cette farine, on y aj outait de l'huile 
et de l'encens et on la brûlait sur l'autel. Le reste était 
distribué pour être mangé par les prêtres. Cf. Mertachoih, 
vi, 6; x, 3. Avant cette offrande solennelle, il était in- 
terdit de mettre la faux dans les récoltes de froment, 
d'orge, d'épeautre et de seigle. Cf. Challa, î, 1. La Loi 
interdisait seulement dé manger du grain nouveau, 
mais non de le récolter. Lev., xxm, 14. Aussi les doc- 
teurs ne reprenaient-ils pas les habitants de Jéricho, 
qui récoltaient quelquefois avant la Pâque, dans leur 
chaude vallée du Jourdain où les moissons mûrissaient 
plus tôt qu'ailleurs et où il y avait intérêt à ne pas les 
laisser sur pied. Cf. Pesachim, IV, 8. Après la destruc- 
tion du Temple, on décida qu'on ne mangerait pas de 
grain nouveau avant que le 16 nisan ne fût passé. 
Cf. Siphra, f. 247, 2. 

VII. Symbolisme de la fête pascale. — 1» La Pâque 
était pour les Israélites la fête par excellence. Elle 
avait la plus haute signification à toutes sortes de points 
de vue, historique, religieux, social, familial et agri- 
cole. Tout d'abord, elle rappelait annuellement le grand 
fait qui avait constitué les Israélites à l'état de nation , 
le passage de Dieu en Egypte pour les délivrer de la 
servitude par des miracles éclatants, puis la sortie de 
ce pays d'oppression, la traversée de la mer Rouge et 
la conquête de l'indépendance pendant le séjour au 
désert. La manducation de l'agneau pascal commémo- 
rait tous ces faits de la manière la plus expressive. 
Cet agneau ressemblait à celui qu'avait prescrit Moïse; 
on l'immolait, on le rôtissait, on le mangeait de la 
même façon que les ancêtres. Les pains azymes, seuls 
permis pendant la fête, faisaient revivre le souvenir de 
ces jours où les anciens Hébreux, pressés de partir par 
les Égyptiens, emportaient dans leurs manteaux les cor- 
beilles contenant la pâte qui n'avait pas eu le temps de 
lever. Exod., xu, 34. Les herbes amères figuraient les 
peines souffertes en Egypte, et le charoseth (voir t. ir, 
col. 414) l'argile de ces briques que les Hébreux pré- 
paraient et employaient avec tant de fatigue, quand ils 
étaient aux travaux forcés pour le compte du pharaon. 
Les hymnes qu'on récitait donnaient encore plus de vie 
à tous ces souvenirs. Rien de ce glorieux passé ne pou- 
vait être oublié quand, chaque année, le chef de la fa- 
mille en racontait les événements aux plus jeunes et 
leur faisait entendre que la Pâque célébrée en ce jour 
avait pour but de rappeler l'antique intervention de 
Jéhovah en leur faveur. Aussi l'on comprend qu'en 
certaines circonstances critiques, quand on voulait ré- 
veiller dans le peuple le souvenir de ses origines et 
l'idée des obligations que ce passé lui imposait, on 
célébrait des Pâques solennelles, comme à l'époque 
d'Ézéchias et de Josias. La célébration de la Pâque, 
spéciale au peuple juif, lui rappelait donc ce que Dieu 
avait fait pour le constituer à l'état de nation indépen- 
dante, et, comme la circoncision qui le consacrait à 
Jéhovah, elle lui remettait continuellement en mémoire 
ce qu'il devait à l'auteur de sa vie nationale. Quand les 
Juifs eurent perdu leur indépendance, ces souvenirs du 
passé suscitèrent et entretinrent dans leurs cœurs de 
vives espérances en vue d'un avenir meilleur. De là 
leur attente d'un Messie qui renouvellerait en leur fa- 
veur les merveilles accomplies en Egypte par Jéhovah. 
Ce Messie vint et délivra son peuple nouveau, non pas 
en déchaînant de terribles plaies sur les oppresseurs, 
comme avait fait Moïse, mais en se faisant immoler 
comme l'agneau pascal. I Cor., v, 7. 

2° La Pâque avait un caractère essentiellement reli- 
gieux. Elle appelait toute la nation au Temple de Jého- 
vah, le Dieu national et le Dieu unique, qu'on Venait 
adorer, remercier, supplier. On ne pouvait prendre 



2103 



PAQUE 



2104 



part à la fête qu'après s'être purifié de toute souillure, 
ce qui obligeait chaque année les Israélites à régler 
leurs comptes avec la Loi. L'agneau était immolé au 
Temple et Dieu en prenait sa part, avec le sang répandu 
au pied de l'autel et les parties de la victime qu'on 
brûlait dessus. Le festin pascal évoquait toutes sortes 
de pensées religieuses, par les hymnes qu'on y enten- 
dait et les prières qu'on y adressait au Seigneur. Le 
peuple venait plus particulièrement prier au Temple, 
le premier et le septième jour, qui étaient des jours 
d'assemblée. Des sacrifices publics, holocaustes et 
sacrifices pour le péché, spéciaux à la fête des azymes, 
étaient offerts chaque jour, et chaque Israélite pouvait 
de son côté en faire offrir pour son propre compte. 
Tous avaient ainsi l'occasion d'adresser au Seigneur, selon 
les règles prescrites par la Loi, leurs adorations, leurs 
actions de grâces, leurs supplications et l'expression 
de leur repentir. En réalité, la P-âque était la grande 
fête religieuse des Juifs, celle dont on s'abstenait le 
moins facilement, à cause de l'importance qui s'y atta- 
chait. 

3° De tout le pays de Palestine, de l'étranger, autant 
qu'il leur était possible, les Juifs accouraient à Jérusa- 
lem pour la Pâque. C'était un rendez-vous national. La 
fête évoquait le souvenir des origines de la nation. On 
se retrouvait au centre religieux et politique, Jérusalem 
et le Temple. Ceux qui vivaient éloignés les uns des 
autres se rencontraient ainsi périodiquement et resser- 
raient par un contact fraternel les liens de leur unité 
nationale. Tous se sentaient chez eux dans la ville 
sainte; les habitants de Jérusalem comprenaient par- 
faitement l'obligation qui s'imposait à eux d'accueillir 
aimablement leurs frères du dehors. On peut dire qu'en 
ces jours de la Pâque, c'était la nation entière qui 
venait se retremper à Jérusalem, accuser et fortifier à 
la fois son unité, dans une solennité merveilleusement 
apte à l'entretenir. 

4° On arrivait à Jérusalem par familles. Le festin 
pascal était essentiellement familial. Il réunissait les 
membres d'une ou de deux familles, suivant leur 
nombre. Exod., xn, 3, 4. Ceux-ci priaient ensemble, et 
dans la même chambre ou sous la même tente, se 
partageaient le même agneau. 

5» La Pâque était aussi une fête agricole. On y offrait 
solennellement les prémices de la moisson, dans des 
conditions qui mettaient en relief l'intervention de la 
bonté divine en faveur de l'homme. C'est au Seigneur 
qu'on devait le grain qui nourrit l'homme, c'est à lui 
le premier qu'on l'offrait à titre d'hommage et de recon- 
naissance; on n'y touchait pas avant qu'il n'en eût 
reçu sa part, et les moissons ne commençaient que 
quand on avait ainsi satisfait au devpir qui incombe, à 
la créature vis-à-vis du Créateur. Cette offrande rappe- 
lait à tous les Israélites que les biens de la terre sont 
un don de la munificence de Dieu, que c'est de lui 
qu'on doit les attendre, et que c'est lui qu'il faut remer- 
cier quand ils germent du sol en abondance. 

6° La Pâque juive n'était pas seulement destinée à 
symboliser, à faire revivre et à sanctifier pour les 
Israélites les choses du passé et du présent. Elle figu- 
rait en même temps les choses de l'avenir, particu- 
lièrement les sublimes réalités de la Loi nouvelle. 
L'agneau pascal représentait à l'avance, par des traits 
remarquables, le véritable Agneau de Dieu, le Sauveur 
destiné à « enlever les péchés du monde », Joa., i, 29, 
qui, « semblable à l'agneau qu'on mène à la tuerie, » 
Is., lui, 7, s'est laissé crucifier, qui a versé son sang 
pour la rémission des péchés, Matth., xxvi, 28, comme 
l'agneau d'Egypte avait versé le sien pour marquer les 
portes des Hébreux, et dont aucun des os n'a été brisé 
à la croix. Joa., xix, 36. L'agneau pascal servant de 
nourriture figurait encore le Sauveur nourrissant les 
hommes de sa propre chair : Agnus Paschse deputatur, 



comme le rappelle saint Thomas dans le Lauda Sion- 
Voir Agneau de Dieu, t. i, col. 271. Les herbes amères 
et le tharoseth sont aussi l'image des peines et des 
travaux dont la nourriture eucharistique ne dispense 
pas le chrétien. Celui-ci, mais dans une mesure plus 
parfaite que l'Israélite, ne peut prendre part à son 
festin pascal que s'il est en état de pureté. L'interdic- 
tion du travail le premier et le septième jour de la fête 
montrait que dans la vie présente il faut savoir, à cer- 
tains moments, mettre de côté tous les intérêts humains 
pour ne penser qu'à Dieu. La même leçon s'impose au 
chrétien. Les assemblées pascales, les sacrifices offerts, 
les cérémonies du Temple n'étaient qu'une image loin- 
taine de ce qui se passe dans l'Eglise. Les Hébreux 
célébraient leur délivrance d'autrefois; le chrétien 
fête le souvenir et la réalité toujours vivante de la 
grande et définitive délivrance, celle de la rédemption. 
L'Église résume ces similitudes dans son vieil hymne 
pascal (texte primitif) : 

Ad cœnara agni providi Proteeti Paschse vespere 

Et stolis albis candidi, A dévastante angelo, 

Post transitum maris rubri Erepti de durissimo 

Chrîsto canairms prificipi. Pharaonis imperio. 

[est, 

Cujus corpus sanctissimum Jam Pascha nostrura Christus 

In ara crucis torridum, Qui immolatus agnus est, 

Cruore ejus roseo Sinceritatis azyma 

Gustando vivimus Deo. Caro ejus oblataest. 

Cf. Daniel, Thésaurus hymnologicus, Halle, 1841, t. i, 
p. 88. — Enfin l'offrande des prémices de la moisson 
figurait celle des prémices de la moisson des âmes que 
l'Église présente à Dieu le samedi-saint au baptême des 
catéchumènes. C'est pourquoi, ce jour-là, t'Église 
appelle le Sauveur satorem ionorum seminum. Orat. 
post prophet. rui. 

VIII. La Pâque dans le Nouveau Testament. — 1° Il 
en est question pour la première fois à l'occasion du 
voyage de l'enfant Jésus et de ses parents à Jérusalem. 
Marie et Joseph s'y rendaient chaque année. A douze 
ans, le divin Enfant atteignait l'âge auquel, suivant la 
recommandation des docteurs, devait être commencée 
son initiation à la pratique de la Loi. Il fit donc le pè- 
lerinage, sans doute pour la première fois, bien que 
l'Évangéliste ne l'indique pas positivement. La foule 
des pèlerins était si nombreuse que l'Enfant put échap- 
per à la garde de ses parents sans que ceux-ci s'en 
aperçussent immédiatement. Luc, u, 41-44. Voir 
Caravane, t. n, col. 249, 250; Pèlerinages. 

2° Saint Jean mentionne trois Pâques au cours de la 
vie publique de Notre-Seigneur, une première à laquelle 
il assista, Joa., Il, 13, une seconde à laquelle il n'alla 
pas, Joa., VI, 4, et la troisième avec laquelle coïncida 
sa Passion. Joa., xi, 55. Beaucoup pensent que la fête 
des Juifs dont parle saint Jean, v, 1, était aussi une 
Pâque à laquelle le Sauveur alla prendre part. 

3° Dans le récit des derniers jours de Notre-Seigneur, 
bon nombre de détails se rapportent à la Pâque, telle 
qu'on la célébrait alors à Jérusalem. — 1. A l'approche 
de cette fête, beaucoup d'Israélites de Palestine montaient 
à la ville sainte pour se purifier. Joa., xi, 55. On pro- 
fitait de l'obligation qui s'imposait à tous de venir à 
Jérusalem, afin d'y faire célébrer différents sacrifices 
pour le délit, pour l'action de grâces, pour l'acquittement 
d'un vœu, pour diverses purifications, Lev., v, 15; xiv, 
12; xix, 21; Num., vi, 10, etc. Aussi, pendant les jours 
qui précédaient la solennité, l'affluence était déjà 
énorme à Jérusalem. Peut-être est-ce en partie pour 
cette raison que Notre-Seigneur s'éloigna de Jérusalem 
pendant ces jours, Joa., xi, 54, et ensuite quitta la ville 
chaque soir et se retira à Béthanie. Matth., xxi, 17; 
Marc, xi, 19; Luc, xxi, 37. Pour la même cause, les 
princes des prêtres craignirent qu'il n'y eût du tumulte 
parmi le peuple si on arrêtait Jésus le jour de la fête. 



2105 



PAQUE — PARABOLE 



2106 



Mutth., xxvi, 5; Marc, xiv, 2. — 2. Le jeudi soir, 
Notre-Seigneur mangea vraiment la Pâque avec- ses 
Apôtres, dans une saile mise à sa disposition par un 
homme de ia ville. Matth., xxvi, 17-19: Marc, xvi, 12- 
17; Luc, xxil, 7-14 Pour un motif que l'on ignore, 
les Juifs, cette année-là, ne faisaient la Pâque que le 
lendemain. Sur le jour où Noire-Seigneur a fait la 
Pâque, voir Cène, t. h, col. 408-412. On ne sait pas si 
Pierre et Jean immolèrent dans le Temple l'agneau qui 
devait être mangé. Sans doute, on pouvait présenter 
chaque jour des victimes pacifiques que l'on traitait à 
Peu près comme l'agneau de la Pâque, Lev., m, 3-5, 
9-11, 14-16; mais la poitrine et une épaule devaient 
rester aux prêtres. Lev., vu, 34. L'agneau préparé par 
les Apôtres était donc probablement ou incomplet, ou 
immolé en dehors du Temple, à moins que, pour une 
Taison qui nous échappe, l'agneau ait pu être immolé 
rituellement dans les conditions que suppose l'Évan- 
gile. — 3. Arrivés au prétoire de Pilate, les princes des 
prêtres et les Juifs ne voulurent pas entrer, « pour ne 
pas se souiller, afin de manger la Pâque. t> Joa., xvm, 
28. Saint Pierre même regardait comme une souillure 
le contact avec les païens. Act., x, 28, C'était l'enseigne- 
ment des docteurs. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, vin, 
3; Cont. Apion., i, 34; h, 10, 14, 36; Justin, xxxvi, 2, 
15; Tacite, Hist., v, 5. Pilate se plia à leur manière de 
Voir, conformément aux principes de la politique ro- 
maine, toujours tolérante à l'égard des usages natio- 
naux. Légalement, la souillure redoutée ne durait que 
jusqu'au soir, après purification, et n'empêchait pas de 
manger la Pâque à partir du coucher du soleil. Voir 
Impureté légale, t. m, col. 858. Mais, comme on l'a vu 
plus haut, les docteurs interdisaient la Pâque à qui- 
conque était impur au moment de l'immolation des 
agneaux. Il faut donc supposer que les Juifs craignaient 
de n'avoir pas le temps de se purifier avant trois heures 
de l'après-midi. — 4. Le jour de la Pâque, le procura- 
teur avait l'habitude de délivrer aux Juifs un prisonnier 
à leur choix. Matth., xxvn,15; Marc, xv, 6; Luc.,xxin, 
17. Pilate n'attend pas qu'on le lui rappelle et lui-même 
prend les devants. Joa., xvm, 39. Les Évangélistes sont 
seuls à parler de cet usage. Son existence ne peut étonne r. 
C'est quand ils ôtèrent aux Juifs le droit de vie et de mort, 
Joa., xvm, 31, que les Romains durent, en compensation, 
leur accorder ce privilège. Les Juifs étaient satisfaits que 
leur fête de la délivrance fût marquée par la libération 
d'un prisonnier. De leur côté, les Romains voyaient 
peut-être dans la Pâque juive quelque chose d'analogue 
à leurs Lectistemia, fêtes populaires en l'honneur des 
dieux, dans lesquelles on tenait table ouverte et l'on 
exerçait l'hospitalité la plus large. Cf. Tite Live, v, 3; 
xxil, 10; XL, 59; J. C. Hottinger, De ritu climitlendi 
reutn in festo Paschatis, dans le Thésaurus de Hase 
et Iken, Leyde, 1732, t. H, p. 353-364. — 5. Le jour de 
la mort de Notre-Seigneur est considéré par tous, amis 
et ennemis, comme la veille d'un sabbat plus solennel 
que les autres. Joa., xix, 31. Avec ce sabbat, en effet, 
coïncidait pour les Juifs la fête même de la Pâque. 
Aussi, avant le soir, où il allait commencer, les dis- 
ciples se hâtent de descendre le corps du Sauveur de 
la croix et de l'ensevelir sommairement. Puis, à partir 
de six heures, ils se tiennent en repos. Matth,fTtxvii, 
57-60; Marc, xv, 42-46. Luc, xxin, 50-54; J/w., xix, 
38-42. Il est possible qu'en droit la Pâque de cette 
année-là ait dû être célébrée le jour même où Notre- 
Seigneurmangea l'agneau pascal, c'est-à-dire le vendredi, 
commençant le jeudi à six heures du soir. Mais per- 
sonne, même parmi les disciples, ne parait s'en être 
douté. Il est certain, au contraire, que le vendredi fut 
traité par tous comme une simple veille de fête, n'in- 
terdisant ni les travaux ordinaires, ni les jugements, 
ni les exécutions. Après le sabbat, le soir du samedi, 
dès six heures, les saintes femmes achètent ce qui 



est nécessaire pour parfaire la sépulture du Sauveur, 
reprenant ainsi le travail permis dans l'après-midi du 
vendredi et incompatible à la fois avec la première 
journée des azymes et avec le sabbat. Marc, xvi, 1; 
Luc, xxiv, 1. — 6. Après avoir mis à mort Jacques, 
frère de Jean, Hérode Agrippa emprisonna saint Pierre 1 , 
se réservant de le produire devant le peuple et de le 
condamner publiquement, mais seulement après les 
jours des azymes. Act., xm, 3. Le roi voulait ainsi af- 
ficher son respect pour les jours saints, en évitant d'y 
prononcer une condamnation, et cependant profiter de 
la grande aftluence qui restait encore à Jérusalem, afin 
de prendre une mesure destinée à plaire aux Juifs. — 
7. Saint Paul écrit : « Notre Pâque, le Christ, a été 
immolé. » I Cor., v, 7. Le Christ a remplacé l'agneau 
pascal, qui n'était que figuratif. Il a été immolé le ven- 
dredi, à trois heures, au moment même où commençait 
l'immolation des agneaux dans le Temple. Poursuivant 
son allusion, l'Apôtre recommande aux Corinthiens de 
« célébrer la fête, non avec du vieux levain ni du levain 
de malice et de perversité, mais avec les azymes de la 
pureté et de la vérité. » I Cor., v,8. — Cf. Reland, An- 
tiquitates \ sacrse, Utrecht, 1741, p. 191-193, 228-237; 
lken, Antiquitates hebraicm, Brème, 1741, p. 132-134, 
308-316; Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Hei- 
delberg, 1839, t. n, p. 627-644. 

IX. La Pàque chrétienne. — Dès l'origine, les chré- 
tiens eurent à cœur de célébrer le souvenir de ce que 
Notre-Seigneur avait accompli pour le salut du monde, 
l'institution eucharistique, la mort sur la croix et la 
résurrection. Mais on ne s'entendit pas tout d'abord 
sur la manière de procéder. Dans la plus grande partie 
de l'Église, on adopta comme fête principale, corres- 
pondant à la Pâque juive, le jour anniversaire de la 
résurrection, qu'on fixa irrévocablement à un dimanche 
parce que l'événement avait eu lieu en effet ce jour de 
la semaine. Dans la province d'Asie, au contraire, on 
continuait, en s'appuyant sur saint Jean, à célébrer 
comme fête l'anniversaire de la mort du Christ le 14 
nisan, qui tombait un jour quelconque de la semaine 
et ne coïncidait presque jamais avec la Pâque du reste 
de l'Église. De là, deux- Pâques assez différentes quant 
à leur objet, la Pâque de la croix, rata^ct orauptoaijiov, et 
la Pâque de la résurrection, itâa^a iyaarà<n[iov. A An- 
tioehe, on acceptait les déterminations des Juifs pour le 
14 nisan, tout en célébrant la Pàque le dimanche suivant. 
A Alexandrie et à Rome, on calculait la date indépendam- 
ment des Juifs et l'on ne fixait jamais la fête avant l'équi- 
noxe. Ce fut l'usage qui prévalut. Mais il resta encore 
d'autres divergences. A Alexandrie, la fête pouvait être 
fixée du quinzième au vingt et unième jour du mois lu- 
naire; à Rome, du quatorzième au vingtième, de sorte 
que la Pâque chrétienne coïncidait avec la Pâque juive, 
quand le 14 nisan tombait un dimanche. Au IV e siècle, 
l'usage romain fut modifié et les limites de la fête por- 
tées du 16 au 22. C'est le concile de Nicée, en 325, qui 
prescrivit définitivement de célébrer la Pâque chrétienne 
le dimanche qui suit la. pleine lune d'après l'équinoxe. 
Il chargea l'évêque d'Alexandrie de faire les calculs 
préalables et celui de Rome de les notifier à toute 
l'Église. Cf. Duchesne, La question de la Pâque au 
concile de Nicée, dans la Revue des questions histari~ 
ques, 1880; t. xxvm, p. 5-42; Hefele, Histoire des con- 
ciles, trad. Delarc, Paris, 1869, t. I, p. 291-324; Du- 
chesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903, p. 234- 
240; H. Kellner, Heortologie, Fribourg-en-B., 1901, 
p. 26-36. H. Lesêtre. 

PARABOLE (hébreu : mâsâl; Septante : irapaSoÀ.Vî, 
Ttapoijita; Vulgate : parabola,proverbium, simililudo, 
comparatio), petit récit dont les divers traits repré- 
sentent, par comparaison, des réalités d'un ordre supé- 
rieur. 



2107 



PARABOLE 



2108 



I. Signification du mot. — 1° Le verbe hébreu mâsâl, 
analogue à l'assyrien maSdlu, à l'arabe masal, à l'ara- 
méen màtal, au syriaque matai et à l'éthiopien masal, 
signifie « être semblable » et « comparer ». Le substantif 
dérivé a donc la signification de « comparaison, simi- 
litude ». Il se rencontre parfois avec divers synonymes 
indiquant les nuances qu'il comporte : kîdâh, « énigme». 
Ezéch., xvn, 2; nielîsafy, «satire », Hab., u,6 ;Mr, «can- 
tique », Eccli., xlvii, 17; dibré kâkamîm, « paroles 
des sages », Prov., i, 6; èeninâh, « raillerie », Deut., 
xxvm, 37; hérpâh, « outrage », etqelâlâh, « malédic- 
tion », Jer., xxiv, 9; 'ôl, « signe », Ezech., xiv, 8, 

, et nehî, « lamentation ». Mich., n, 4. Le mâsâl serait 
par conséquent un discours un peu énigma tique, dont le 
sens obvie en cache un autre, et qui sert à formuler un 
enseignement élevé, parfois à railler ou à célébrer, à 
maudire ou à plaindre. — 2° Le grec itapaëoXiri vient de 
napaêâXXw, « jeter auprès, comparer ». Il est employé 
dans les auteurs classiques avec le sens de « compa- 
raison » et de « ressemblance ». Ilapociita ahabituellement 
le sens de « proverbe ». Saint Jean emploie toujours 
ce mot, à'I'exclusion du précédent, pour désigner ce 
que les autres Évangélistes appellent « paraboles. » — 
3" Les termes latins identifient la parabole avec la simi- 
litude et la comparaison. Il est curieux de remarquer 
que parabola, en passant par paravla et paraula, a 
donné en français le mot « parole », cf. A. Darmesteter, 
Cours de grammaire historique, Paris, t. I, p. 102, ce 
qui prouve que, pour nos pères, les paraboles qu'ils 
entendaient expliquer constamment sont devenues les 
« paroles » par excellence. Cf. Littré, Dict. de la langue 
franc., t. m, p. 963. — 4» La parabole est donc comme 
un composé de corps et d'âme. Le corps, c'est le récit 
lui-même dans son sens obvie et naturel, récit qui se 
tient par lui-même et ne renferme que des éléments 
appartenant aux réalités ordinaires. L'âme est une suite 
d'idées parallèles aux premières, se déroulant dans le 
même ordre, mais dans un plan supérieur, de sorte 
qu'il faut être averti et apporter de l'attention pour les 
saisir. La parabole ne doit donc pas être confondue 
aveg h fable, dans laquelle les êtres ne se comportent 
pas toujours conformément à leur nature et dont le 
sens instructif ne dépasse pas le niveau des observations 
ou des leçons utiles à la vie ordinaire. Voir Apologue, 
t. i, col. 778. La parabole est également distincte du 
proverbe. Ce dernier peut parfois contenir en germe une 
parabole : 

Comme des pommes d'or sur des ciselures d'argent, 
Ainsi est une parole dite à propos. Prov., xxv, 11. 
Vin nouveau, .nouvel ami, 
Qu'il vieillisse, tu te boiras avec plaisir. Eccli., IX, 10. 

Mais la plupart du temps, il exprime une vérité sans 
faire appel à aucune similitude proprement dite : 

On équipe le cheval pour le jour du combat, 

Mais de Jéhovan dépend la victoire. Prov.. xxi, 31. 

Il y a une réprimande qui n'est, pas à propos, 

Tel, qui se tait, fait preuve de prudence. Eccli., xx, 1. 

La parabole n'est pas non plus le mythe, dans lequel 
le fond et la forme se confondent de telle sorte qu'il 
faut un long travail pour les distinguer, ou plutôt pour 
substituer peu a peu un sens acceptable à une vieille 
légende reconnue absurde. Enfin, la parabole ne se 
confond pas absolument avec l'allégorie. Celle-ci n'est 
qu'une métaphore continuée et développée, voir Allé- 
gorie, t, i, col. 36S, tandis que la parabole est plutôt 
une comparaison qui se déroule dans toute la suite 
d'une action. De plus, l'allégorie à besoin d'une expli- 
cation venant du dehors; la parabole au contraire la 
.renferme en elle-même et se soutient indépendamment 
de l'idée supérieure qu-'elle suppose. 

II. Raisons d'être de la parabole. — 1» Le langage 
imagé a toujours été dans le goût des Orientaux, qui 



aiment à mettre dans leurs paroles le mouvement, la 
couleur et la vie. Or, rien de plus vivant qu'une parabole 
bien faite. C'est toute une action, quelquefois un petit 
drame, qui se déroule devant l'auditeur, avec des péri- 
péties qui piquent sa curiosité et tiennent son attention 
en haleine. Quoi de plus frappant, à ce point de vue, 
que les paraboles du fils prodigue, du bon Samari- 
tain, etc.? — 2° La parabole constitue une forme concrète 
d'enseignement qui aide puissamment à retenir la leçon. 
Il y a là un récit simple, mais attachant, qui s'échappe 
difficilement de la mémoire et ne laisse pas lui-même 
échapper l'idée supérieure qu'il renferme; le contenant 
ne perd jamais son contenu, et lui-même se. retrouve 
toujours. Aussi, d'après la remarque de saint Jérôme, 
In Matlh,, xviii, 23, t. xxvi, col. 137, « les Syriens et 
surtout les Palestiniens ont coutume de joindre des 
paraboles à tous leurs discours, afin que les auditeurs', 
qui ne pourraient retenir sur une simple recomman- 
dation, retiennent au moyen de la similitude et des 
exemples. » Sénèque, Epist. ad Lucil., lix, 6, avait 
précédemment fait ressortir l'utilité des paraboles, en 
disant qu' « elles sont des soutiens pour notre faiblesse, 
afin que le disciple et l'auditeur pénètrent dans l'idée 
qu'on leur présente ». — 3» Plus encore que la mémoire, 
le jugement s'exerce à l'occasion delà parabole. Celle-ci 
en effet a toujours quelque chose d'énigmatique qu'il 
faut élucider. Mais ce n'est pas une énigme proprement 
dite. Voir Énigme, t. n, col. 1807. L'auteur de la para- 
bole en fournit la clef; l'auditeur peut donc savoir à 
quelle idée il doit s'élever, mais c'est à lui ensuite de 
comprendre et d'appliquer les détails de la parabole. 
Notre-Seigneur prend soin généralement de donner la 
clef de ses paraboles, à moins que les circonstances ne 
la fournissent d'elles-mêmes. Beaucoup de ses para- 
boles commencent par ces mots : « Le royaume des 
cieux est semblable à...» La clef de la parabole du bon 
Samaritain est dans cette question : « Qui est mon pro- 
chain?» Luc, x, 30; celle de la parabole des conviés au 
festin dans l'exclamation : <s Heureux qui aura part an 
banquet dans le royaume de Dieu! » Luc, xiv, 15; 
celle de la parabole du fils prodigue dans la pensée de 
la joie causée au ciel par la conversion du pécheur. Luc, 
xv, y. 10, etc. — 4° Malgré les analogies qui permettent 
d'établir une comparaison entre un récit parabolique et 
une idée d'ordre supérieur, la similitude n'est jamais 
telle qu'on puisse et qu'on doive la chercher dans tous 
les détails. Il se trouvera donc dans une parabole des 
traits qui sont là pour l'ornement du discours, ou 
qui n'ont pas d'équivalents dans l'autre ordre d'idées. 
Aussi faut-il se garder d'explications serviles et de 
conclusions fondées sur de simples analogies. — 5" En 
réalité, dans la Sainte Écriture, la parabole se com- 
pose de trois éléments distincts : une description ayant 
son indépendance et son intelligibilité propre, une 
vérité supérieure d'ordre surnaturel, et la superposition 
des deux premiers éléments, de telle sorte que ce qui 
est dit du premier se rappporte aussi au second. Il en 
est de la parabole comme d'un vêtement qui prend la 
forme du corps, le couvre et le révèle tout à la fois, en 
demeure distinct cependant et ne peut être confondu 
avec lni, malgré ce que l'un et l'autre ont de commun 
ou de semblable. On doit tenir compte de ces divers 
éléments pour interpréter la parabole. D'ailleurs, la 
relation entre les deux premiers n'est pas tellement 
nécessaire et exclusive qu'on n'en puisse imaginer 
d'autres. Ainsi Notre-Seigneur entend par la semence 
la parole de Dieu. Matth., xm, 19. S'il n'avait pas 
daigné expliquer lui-même sa parabole et en donner la 
clef, on aurait pu entendre la semence de beaucoup 
d'autres choses, de la; grâce, par exemple, de l'Eucha- 
ristie, etc. La -perle de grand prix, à laquelle est com- 
paré le royaume de Dieu, Matth., xm, 46, pourrait aussi 
figurer divers biens surnaturels. Il suit de là que le 



2109 



PARABOLE 



2110 



sens de la parabole résulte moins de la possibilité 
d'adapter le texte à tel ou tel sujet que de l'intention 
de celui qui la propose, et que le sens des termes em- 
ployés ne doit pas être pressé au delà d'une certaine 
limite, de façon que le contenu ne soit pas comme 
gêné et déformé par le contenant. 

III. Paraboles de l'Ancien Testament. — 1» Le nom 
de mâsâl, « parabole, » y est souvent pris dans un sens 
large, qui ne suppose pas une parabole proprement 
dite. Ainsi ce nom est attribué aux oracles de Balaam, 
Num., xxiii, 7, 18; xxix,3, 15, 20; aux discours de Job, 
xxvil, 1; xxix, 1 ; à des sentences variées, Ps. lxxvih 
(lxxvii), 2; Prov., i, 1, 6; xxv, 1 ; Xxvi, 7; Eccli., XX, 
22; xxxviii, 38; xxxix, 2, 3; Ezech., xvm, 2; Hab., n, 
6; à des propos sarcastiques, II Par., vu, 20; Ps. lxix 
(lxviii), 12; Jer., xxiv, 9, ou à des chants divers. 
Ps. xlix (xlviii), 5; Is., xiv, 4; Mich., n, 4. — 2° Il est 
dit de Salomon qu'il composa trois mille mesâlim ou 
paraboles, III Beg., iv, 32, et dans l'Ecclésiaste, xn, 9, 
il est rapporté qu'il en rédigea un grand nombre. Il est 
évident qu'il ne s'agit pas ici de paraboles proprement 
dites, mais surtout de sentences ou de proverbes d'un 
tour ingénieux, comme ceux qu'on lit sous son nom, 
Prov., xxv, 1, sans pourtant exclure absolument les 
vraies paraboles, dont plusieurs sont au moins esquis- 
sées. Prov., xxv, 14, 23; xxvi, 2, 11, 17, etc. Cf. Eccli., 
xlvii, 17, 18. — 3° On range parfois au nombre des pa- 
raboles l'apologue de Nathan à David, II Reg., xn, 1-4, 
celui de la femme de Thécua, II Reg., xiv, 4-7, les pa- 
roles du prophète à Achab. III Reg., xx, 39-41. Ce sont 
là plutôt de simples apologues. Voir t. i, col. 779. A 
plus forte raison faut-il refuser le litre de paraboles à 
la fable de Joatham, Jud., ix, 9-15, et à celle de Joas, 
roi d'Israël. IV Reg., xiv, 9. Dans Isaïe, v, 1-7, le can- 
tique de la vigne a bien les allures d'une parabole, 
suivie de son explication, non sans quelque ressem- 
blance avec la parabole évangélique des vignerons ho- 
micides. Matth., xxi, 33-41. L'exemple du laboureur, 
Is., xxvm, 24-29, constitue aussi une sorte de parabole. 
D'autres sont seulement indiquées. Is., xxix, 8, 15,16; 
xxx, 13, 14, etc. — 4° Des paraboles plus caractérisées 
et portant d'ailleurs ce nom, qui n'est pas attribué aux 
morceaux précédents, se lisent dans Ezéchiel. C'est 
d'abord la parabole des aigles et du cèdre, appliquée 
au roi Sédécias, Ezech., xvn, 3-21; mais cette parabole 
tient en même temps de l'apologue et de l'allégorie. La 
parabole de la forêt ravagée par l'incendie fait dire du 
prophète : « Est-ce qu'il ne parle pas en paraboles? » 
Ezech., xxi, 1-5 (xx, 45-49). La parabole de la chau- 
dière ressemble à un apologue en action. Ezech., xxiv, 
3-5. Le roi d'Egypte est interpellé sous la figure d'un 
grand crocodile. Ezech., xxxn, 3-12, ce qui rentre plu- 
tôt dans l'allégorie. Les visions de Zacharie, i, 8-vi,15, 
ne peuvent guère être mises au rang des paraboles; 
elles aussi tiennent beaucoup plus de l'allégorie. — 
5° Les livres apocryphes juifs renferment bon nombre 
de morceaux qualifiés de paraboles. Le Livre d'Hênoch, 
xxxviii, xlv, lviii, donne ce nom à des descriptions du 
genre allégorique. Elles forment la deuxième partie du 
livre, appelée « Livre des paraboles ». Cf. Fr. Martin, 
Le livre d'Hênoch, Paris, 1906, p. xvn, 79-162. Dans le 
quatrième livre d'Esdras, îv, 47; vin, 2; x, 4% etc., 
plusieurs visions portent le nom de « similitudes », 
mais ne sont pas des paraboles proprement dites. On 
y trouve un apologue qui rappelle celui de Joatham, 
IV Esd., îv, 13-17; l'allégorie de [la femme représen- 
tant Jérusalem désolée, puis glorieuse, allégorie qui a 
la forme d'une parabole, x, 7-49, et la vision de l'aigle, 
xt, 1-46. Une courte parabole bien caractérisée figure 
le chemin étroit qui conduit à la vie immortelle : à la 
mer large et profonde, on ne peut accéder que par un 
passage étroit comme un fleuve. La parabole est répétée 
sous cette autre forme, presque évangélique : « Une 



ville est bâtie et placée au milieu de la campagne; tous 
les biens y affluent. Son entrée est étroite et au-dessus 
d'un précipice, avec le feu à droite et l'eau profonde à 
gauche. Il n'y a qu'un seul sentier placé entre les deux, 
entre le feu et l'eau, et le sentier ne peut laisser passer 
qu'un seul homme. Si quelqu'un reçoit la ville jn 
héritage, et s'il ne passe jamais par le chemin périlleux, 
comment entrera-t-il en possession de l'héritage? » 
IV Esd., vu, 3-9. Sur les paraboles rabbiniques, cf. 
P. Fiebig, Altjûdische Gleichnisse und die Gleichnisse 
Jesu, Tubingue, 1904. — Enfin, dans le livre, chrétien 
du Pasteur, datant probablement de la fin du premier 
siècle et s'inspirant de l'enseignement évangélique, 
Hermas intitule sa troisième partie « similitudes » et 
présente un certain nombre de paraboles : la vigne 
s'appuie sur l'orme, de même le riche est soutenu par 
la prière du pauvre; l'hiver, on ne distingue pas lesarbres 
verts de ceux qui sont desséchés, de même qu'en ce 
monde on ne distingue pas les justes des méchants, 
mais en été on distingue les arbres vivants de ceux 
qui ne le sont pas, de même que dans le siècle futur 
les justes ont un sort différent de celui des mé- 
chants, etc. Cf. Hermas, Pasteur, m, 1-10, t. n, col. 952- 
1012. 

IV. Paraboles du Nouveau Testament. — 1° Leur 
unique auteur. — Les paraboles du Nouveau-Testament 
ont toutes pour auteur le Sauveur lui-même. En dehors 
de l'Évangile, le mot « parabole » ne se lit que deux 
fois, dans l'Épîlre aux Hébreux, ix, 9; xi, 19, avec le 
sens de « figure », parce que la figure est une sorte de 
parabole en action. Les Apôtres, malgré l'exemple 
donné par le divin Maître, n'ont pas eu l'idée de com- 
poser des paraboles ; ils se sont contentés de reproduire 
celles qu'ils avaient entendues, se reconnaissant im- 
puissants à exploiter ce genre d'enseignement après 
celui en qui ils l'avaient admiré. De fait, les paraboles 
du Sauveur suffisaient parfaitement aux nécessités de 
la prédication évangélique. Pour composer ces récits 
paraboliques, si simples en apparence, si clairs, si vi- 
vants, dans lesquels chaque mot porte et qui repro- 
duisent si fidèlement les choses telles qu'elles se passent 
dans la nature, il fallait une aptitude merveilleuse. 
Aucun homme n'a jamais abordé ce genre d'enseigne- 
ment d'une manière aussi parfaite, et cette remarque 
est d'autant plus significative que souvent Notre-Sei- 
gneur improvise sur-le-champ une parabole pour ré- 
pondre à une question posée dans le cours d'une dis- 
cussion. Tel est le cas de plusieurs des paraboles 
rapportées par saint Luc. A la question : « Qui est mon 
prochain? » le Sauveur répond par la parabole du bon 
Samaritain, d'une harmonie si admirable et dont les 
termes sont si merveilleusement choisis qu'on y croi- 
rait voir le résultat d'une lopgue réflexion. Luc, x, 
29-37. A l'allusion au banquet céleste, il réplique im- 
médiatement par la parabole des invités aux noces. 
Luc, xiv, 15-24. Aux murmures des pharisiens sur sa 
condescendance envers les pécheurs, il oppose les pa- 
raboles de la brebis perdue, de la drachme et du fils 
prodigue. Luc, xv, 1-32. Celle du pharisien et du pu- 
blicain est une leçon donnée à des orgueilleux qui se 
trouvent devant lui. Luc, xvm, 9-14. La parabole des 
mines répond à l'idée de ceux qui comptaient sur l'ap- 
parition immédiate du royaume de Dieu. Luc, xix, 
11-27. L'occasion historique des autres paraboles n'est 
indiquée que d'une manière générale et on doit 
admettre que celles qui sont groupées par les synop- 
tiques, Matth., xiii, 1-53; Marc, iv, 1-34; Luc, vm, 
4-21, ont été prononcées en des circonstances diverses. 
D'ailleurs', à la suite de la première parabole adressée 
à la foule, on voit les disciples se rassembler à part 
autour du Sauveur et lui en demander l'explication, 
Matth., xiii, 10; Marc, iv, 10; Luc, vin, 9, ce qui sup- 
pose une interruption et un changement d'auditoire 



2U1 



PARABOLE 



2112 



pour les paraboles suivantes. Beaucoup de paraboles 
sont dues à la seule initiative de leur auteur; elles 
constituent des chefs-d'œuvre d'exposition doctrinale et 
d'adaptation au sujet traité. On comprend qu'un pareil 
enseignement ait ravi les foules et créé au Sauveur un 
rang à part parmi les docteurs d'Israël, anciens et con- 
temporains. Cf. "Wiseman, Mélanges religieux, trad. 
Bernhardt, Paris, 1858, p. 26, 27. 

2° Double but des paraboles évangéliques. — 1. Le 
Sauveur se proposait tout d'abord, au moyen des para- 
boles, da transmettre sa doctrine à ses disciples, sinon 
dans sa totalité, du moins dans plusieurs de ses points 
principaux. Il leur enseigna d'abord ce que devait être 
le royaume de Dieu, en enveloppant cet enseignement 
dans des paraboles faciles à retenir, à l'intelligence 
desquelles il prit d'ailleurs soin de les initier, qu'il 
proportionnait à leur capacité présente, et qu'ils com- 
prirent certainement mieux plus tard. Voir Royaume 
de Dieu. « Il les enseignait ainsi par diverses para- 
boles, selon qu'ils étaient capables de l'entendre. Une 
leur parlait point sans paraboles; mais, en particulier, 
il expliquait tout à ses disciples. » Marc, rv, 33, 34. Les 
paraboles qui ont trait aux conditions de la vie chré- 
tienne étaient plus faciles à saisir. Cet enseignement 
n'en gardait pas moins quelque chose de mystérieux. 
Quand, à son dernier jour, le Sauveur dit aux apôtres : 
« Je vous ai dit ces choses en paraboles. L'heure vient 
où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je 
vous parlerai ouvertement de mon Père, » Joa., xvi, 
25, ils ne purent s'empêcher de faire cette remarque, 
qui constatait l'impuissance où ils avaient été de bien 
comprendre ce genre d'enseignement : « Voilà que 
vous parlez ouvertement et sans vous servir d'aucune 
parabole. » Joa., xvi, 29. Pourtant il était fort bien 
approprié à la situation morale dans laquelle se trou- 
vaient les disciples. Ce qu'ils pouvaient entendre de la 
parabole, dans sa forme concrète et saisissante, leur 
suffisait pour la retenir; plus tard, éclairés par les 
événements et surtout par l'Esprit de Dieu, leur intelli- 
gence pénétra mieux ce que conservait leur mémoire. 
On peut remarquer, du reste, que « Notre-Seigneur 
lui-même partagea son enseignement en deux parties. 
Tant qu'il s'occupa de l'Église, de ses devoirs et de ses 
vicissitudes, en d'autres termes tant qu'il ne traita que 
de ce qui devait être extérieur et un jour historique, 
mais qui, au moment où il parlait, n'existait encore 
qu'en prophéties, il se servit de ce qui constitue l'élé- 
ment prophétique du Nouveau-Testament, c'est-à-dire 
de l'enseignement sous forme de paraboles. Mais lors- 
qu'il vint à parler de ce qu'il était déjà, de lui-même, 
de son existence antérieure à celle d'Abraham, de son 
égalité avec le Père, de sa propre divinité, il repoussa 
toute espèce de parabole et s'exprima en termes clairs 
et précis ». Wiseman, Mélanges religieux, p. 65, 66.— 
2. Vis-à-vis de la foule incrédule, les paraboles de 
Notre-Seigneur tendaient à un autre but, qui est ainsi 
indiqué : « A Vous, il est donné de connaître les mys- 
tères du royaume des cieux, mais à eux, il ne leur est 
pas donné... Je leur parle en paraboles, parce qu'en 
voyant ils ne voient pas, en entendant ils n'entendent 
pas et ne comprennent pas (dans S. Marc et S. Luc : 
afin qu'en voyant ils ne voient pas, en entendant ils 
n'entendent pas et ne comprennent pas), pour que 
s'accomplisse en eux la prophétie d'Isaïe : Vous enten- 
drez de vos oreilles et ne comprendrez pas, vous verrez 
de vos yeux et ne verrez pas. Le cœur de ce peuple 
s'est endurci, ses oreilles se sont alourdies pour en- 
tendre et ils ont fermé leurs yeux, afin qu'ils ne voient 
pas de leurs yeux, n'entendent pas de leurs oreilles, ne 
comprennent pas dans leur coeur, de sorte qu'ils se 
convertissent et que je les guérisse. » .Matth., xih, 11- 
15; Marc, rv, n, 12; Luc, vin, 10. Ce texte est compris 
de deux manières. Beaucoup de modernes n'admettent 



pas que Notre-Seigneur parle en paraboles uniquement 
pour n'être pas compris de la foule et, au contraire, 
pour l'aveugler. « L'intention prêtée au Sauveur contre- 
dit évidemment le choix du sujet traité et la forme 
simple et familière qu'il emploie. Il a voulu avant tout 
se mettre à la portée de ses auditeurs qui, bien que 
matériels,- sont avides de l'entendre. L'allusion à la 
mission d'Isaïe, loin de contredire notre interprétation, 
semble au contraire la confirmer. Yahvéh ordonne à 
son prophète de tenter un dernier effort, qui doit être 
décisif, pour ramener le peuple de son égarement. Si 
cette démarche suprême, qu'accompagnent des menaces 
sévères, est sans succès, alors l'aveuglement viendra de 
lui-même. Il en est ainsi dans notre cas. Si la foule ne 
comprend pas le mystère de Jésus, proposé sous la 
forme claire et limpide de la parabole, il faut désespé- 
rer d'elle; elle est donc endurcie, aveuglée et partant 
réprouvée. Dans l'intention de Jésus, l'enseignement 
parabolique est donc un acte d'amour et de divine con- 
descendance, et non pas un acte de réprobation. » Rose, 
Études sur les Évangiles, Paris, 1902, p. 111. Ce qui 
empêche les foules de comprendre la prédication du 
royaume de Dieu, ce sont les idées fausses que les doc- 
teurs juifs ont popularisées au sujet de ce royaume. 
C'est pourquoi, au lieu d'en parler directement, le Sau- 
veur va le décrire en paraboles qui heurteront moins 
les idées reçues, envelopperont délicatement des révé- 
lations auxquelles s'ouvriraient difficilement des esprits 
pleins de faux préjugés,' et en prépareront l'acceptation 
grâce à l'harmonie qu'on pourra constater entre les 
choses naturelles et les surnaturelles. Si, malgré ces 
précautions, la foule persiste à ne pas comprendre, son 
aveuglement aura été, non pas voulu, mais seulement 
redouté et prévu par le divin Maître. Cette prévision ne 
l'empêchera pourtant pas de se servir de paraboles jus- 
qu'à la fin de son ministère. D'ailleurs, « les paraboles 
n'étaient pas sans aucune utilité pour les foules. Si 
celles-ci ne saisissaient pas leur sens plus profond, elles 
pouvaient cependant en tirer des leçons profitables 
pour la conduite; ainsi ce qui est dit de la semence 
jetée en terre, convient par une application facile et 
obvie à tout ce qui est exhortation, règle de vie ou 
doctrine. Les paraboles qui disent formellement à quoi 
le royaume des cieux est semblable offrent plus facile- 
ment encore l'occasion de tirer un profit; cette manière 
de parler excite et invite à chercher, à concevoir le 
désir du royaume, à reconnaître son prix et sa dignité; 
des autres résulte naturellement un encouragement à 
faire le bien et à éviter le mal. Le langage parabolique 
est donc de telle nature que chacun en reçoit profit et 
science, selon sa disposition d'esprit, sa foi dans le 
Christ et sa connaissance des choses divines, s Knaben- 
bauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. I, p. 519. — 
D'autres au contraire pensent que le texte d'Isaïe, vi, 
9, 10, et sa citation dans saint Matthieu, marquent non 
seulement une prévision certaine, mais aussi un effet 
voulu par Dieu. Il faut reconnaître que, pour les Pères, 
ce texte implique l'idée d'un châtiment véritable : en 
n'accomplissant pas la loi ancienne, les Juifs se sont 
rendus indignes de la loi nouvelle. «c On donnera à 
celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui 
qui n'a. pas, on ôtera même ce qu'il a, » Matth., xni,12, 
dit le Sauveur lui-même avant de citer Isaïe. L'ensei- 
gnement en paraboles aurait donc le caractère de châ- 
timent, pour les Juifs incrédules. Cf. S. Jean Chrysos- 
tome, In Matth., homil, xlv, t. lviii, col. 471 ; Opus 
imperf. i» Matth-, homil. xxxi, t. lvi, col. 796 ; Théo- 
phylacte, In Matth., etc., t. cxxin, col. 280, 529, 800J; 
Euthymius, In Matth., t. cxxix, col. 400: S. Augustin, 
In Matth., qusest. xiv, t. xxxv, col. 1372; Vén. Bède, 
In Matth., t. xcii, col. 66, etc. Dans sa prophétie, 
Isaïe, VI, 10, reçoit l'ordre de boucher les yeux du 
peuple, pén îr'éh, [iïjitoTS î'Scixrt, ne videat, « pour 



2113 



PARABOLE 



2114 



qu'il ne voie pas ». Le texte suppose donc un effet voulu 
et produit. Saint Marc et saint Luc transcrivent : "va 
[j.7] ftiwtnv ou pXentôffiv, ut non videant, tandis que saint 
Matthieu atténue : Su où p).énov<;tv, quia non vident, 
« parce qu'ils ne voient pas », sans doute par égard 
pour les Juifs auxquels il s'adresse; mais sa transcrip- 
tion est moins conforme au texte hébreu. Cf. L. Fonck, 
Die Parabeln des Herrn, Inspruck, 1904, p. 2i-3ô. Il 
faut observer cependant que « très souvent dans le 
Nouveau Testament îva est employé de telle sorte qu'il 
perd sa signification propre pour se rapprocher du mot 
ôti. » Beelen, Grammat. grœcilalis N. T., Louvain, 
4857, p. 481. Cependant saint Jérôme, In Is., m, 7, 
t. xxtv, col. 100, prend le texte d'Isaïe d'après l'hébreu ; 
pour le justifier, il le compare à d'autres textes ana- 
logues, Exod., x, 27; Ps. lxix (lxviii), 24; Act., xxvm, 
25, 26, et, d'après Rom., xi, 25, explique que les Juifs 
ont dû être aveuglés pour rendre possible le salut du 
inonde; car, reconnaissant le Messie, ils ne l'auraient 
pas crucifié. — Il est possible de concilier les deux ma- 
nières de voir, en atténuant ce qui peut paraître trop 
dur dans la seconde. Le Sauveur, sans nul doute, veut 
dérober ses mystères à la connaissance d'hommes mal 
disposés pour les entendre. Cf. Fouard, La vie de 
N.-S. J.-C, Paris, 1880, t. i, p. 392-394. Toutefois sa 
manière de procéder, qui laisse aux Juifs le moyen de 
se convertir en tirant un certain profit de ses para- 
boles, ne constitue encore qu'un commencement de 
châtiment. « Ce n'est ni par une volonté première de 
Dieu, comme on pourrait le croire d'après le texte 
d'Isaïe, ni par sa volonté dernière, mais par un décret 
intermédiaire, un jugement de sa providence, que tout 
cela arrive... Si Jésus inaugure un nouveau mode d'en- 
seignement, c'est qu'on n'a pas voulu comprendre ses 
discours plus clairs. Il retire la lumière : c'est un châ- 
timent qui commence, mais qui n'est ni complet ni 
définitif. Les Juifs pourraient, en s'appliquant encore, 
percer Pécorce des paraboles et inviter la bonté divine 
â revenir à eux dans toute la manifestation de sa vérité. 
S'ils ne le font pas, c'est que leurs cœurs de chair sont 
absolument voués à la mort ». Le Camus, La vie de 
N.-S. J.-C, Paris, 1901, t. n, p. 57. —On peut se deman- 
der s'il est nécessaire d'étendre en rigueur à toutes les 
paraboles évangéliques ce qui est dit à propos des pre- 
mières paraboles sur le royaume des cieux. Toutes, 
sans doute, gardent quelque chose dé mystérieux; 
toutes aussi offrent un sens accessible à tous les audi- 
teurs. Mais il est clair que celles qui portent sur les 
conditions actuelles du royaume sont plus faciles à sai- 
sir que celles qui en tracent l'histoire à venir. A ce 
point de vue, certaines paraboles, celles du pharisien 
et du publicain, Luc, xvui, 9-14, du riche insensé, 
Luc, xn, 16-21, du bon Samaritain, Luc, x, 30-37, du 
serviteur impitoyable, Matth., xviii, 23-35, de la brebis 
perdue, Matth., xvm, 12-14, etc., semblent être à la 
portée de tous. Néanmoins, il ne faudrait pas s'y trom- 
per. Il n'en est pour ainsi dire aucune dont une appli- 
cation individuelle et immédiate épuise tout le sens. 
Les destinées et les conditions du royaume des cieux y 
apparaissent toujours à un plan supérieur. Ainsi la pa- 
rabole du fils prodigue, Luc, xv, 11-32, met dans une 
lumière éclatante la notion de la miséricorde divine à 
l'égard de chaque âme; mais n'y a-t-il pas dé plus à 
reconnaître dans ce prodigue le gentil qui s'est éloigné 
de Dieu et revient à lui, dans cet aîné si jaloux, le Juif 
resté officiellement au service du Seigneur? La para- 
bole du bon Samaritain est une merveilleuse leçon 
d'amour du prochain; mais en même temps n'établit- 
elle pas un contraste entre l'impuissance du sacerdoce 
lévitique et l'efficacité du sacerdoce de Jésus-Christ? La 
parabole des dix vierges, Matth., xxv, 1-13, prêche élo- 
quemment la vigilance spirituelle; mais ne classe-t-elle 
_pas les âmes en deux catégories fort distinctes au point 

DICT. DE LA BIBLE. 



de vue du salut, celles qui ont leur provision de foi et 
de charité et celles qui ne l'ont pas? Le but visé par 
Notre- Seigneur en commençant ses paraboles peut donc 
s'appliquer à toutes, plus ou moins complètement, sui- 
vant le sujet traité. 

3° Classification des paraboles. — 1. Les paraboles 
évangéliques, envisagées au point de vue de leur con- 
tenu, peuvent se diviser en trois classes : les paraboles 
qui se rapportent au royaume dès cieux, à son exis- 
tence, son développement, son action; les paraboles 
qui se rapportent aux sujets du royaume des cieux et 
à leurs devoirs; enfin les paraboles qui se rapportent 
au chef du royaume des cieux et à ses relations avec 
ses sujets. Voir Jésus-Christ, t. m, col. 1494-1497. 
Toutes ces paraboles sont l'œuvre du Sauveur lui- 
même. D'après Jùlicher, Die Gleichnissreden Jesu, Fri- 
bourg-en-Br., 1899, suivi par Loisy, Études évangé- 
liques, Paris, 1902, p. 1-121, le Sauveur se serait servi 
de fables toutes simples pour aider ses humbles audi- 
teurs à saisir sa pensée religieuse. Par la suite, les 
derniers rédacteurs de l'Évangile ont dû mêler à ces 
fables, d'ailleurs assez maladroitement, d'autres paroles 
de Jésus-Christ et des réflexions inspirées à la première 
génération chrétienne, habituée à traiter les textes 
d'après la méthode allégorique. C'est ainsi que les 
paraboles seraient devenues la révélation prophétique 
du royaume de Dieu. Cette théorie permet de tout bou- 
leverser dans les paraboles, sous prétexte de les rame- 
ner à leur état primitif; elle autorise à regarder comme 
provenant d'une source commune, exploitée par deux 
rédacteurs différents, les paraboles des mines et des 
talents, à déclarer que la première est le produit d'une 
« fantaisie de l'évangéliste », cf. Jùlicher, t. n, p. 485, 
à soutenir que la parabole des vignerons homicides, 
rapportée par les trois synoptiques, est un développe- 
ment théologique dû à des rédacteurs postérieurs, t. il, 
p. 405, et ainsi de suite pour la plupart des paraboles. 
Les hypothèses de Jùlicher ont été bien appréciées et 
refutées par un auteur protestant, C. A. Bugge, Die 
Hauptparabeln Jesu, Giessen, 1903. Elles reposent sur 
des conceptions arbitraires et aboutissent à des affir- 
mations gratuites. Il est toujours possible de prendre 
un texte ancien, comme celui des Evangiles, de le dis- 
séquer phrase par phrase, d'attribuer tel passage à un 
auteur, tel passage à un autre, et à réduire le canevas 
primitif à quelques mots. Mais un pareil travail ne 
prouve absolument rien; on peut l'exécuter sur tout 
texte, quel qu'il soit. Ses conclusions se heurtent ici à 
la parfaite harmonie des paraholes et à l'impossibilité 
où serait une collaboration lente et multiple d'aboutir 
à un résultat semblable. D'ailleurs pour beaucoup de 
paraboles, il nous reste le récit conforme de deux ou 
trois évangélistes, et nulle trace ne se rencontre des 
ébauches primitives qui auraient dû nécessairement 
précéder le travail définitif. C'est donc bien i'œuvre du 
Sauveur que nous ont transmise les synoptiques, et, 
dans cette œuvre, il a entendu parler du royaume de 
Dieu. — 2. Au point de vue du nombre des paraboles, 
les auteurs ne sont pas d'accord. Les uns n'en comp- 
tent guère que vingt-cinq, en n'admettant à ce titre 
que celles qui se présentent avec un certain dévelop- 
pement; d'autres vont à plus de cent, en traitant 
comme paraboles de simples comparaisons, et même 
des proverbes, comme « médecin, guéris-toi toi-même. » 
Le P. Fonck, Die Parabeln, p. xi-xii, en compte 
soixante-douze, qui se répartissent ainsi dans les trois 
classes indiquées plus haut : I'" classe, 4, la semence, 
Matth,, xni, 3-9, 18-23; Marc, iv, 3-9, 13-21 ; Luc, vm, 
5-8, 11-15; — 2, le grain qui pousse, Marc, iv, 26-29; 

— 3, l'ivraie, Matth., xm, 24-30, 36-43; — 4, le sénevé, 
Matth., xm, 31, 32; Marc, iv, 30-33; Luc, xm, 18, 19; 

— 5, le levain, Matth. j xm, 33; Luc., xiii, 20, 21; — 
6, le trésor caché, Matth., xm, 44; — 7, la perle^. 

IV. - C7 



2115 



PARABOLE 



2116 



Matth., xiii, 45, 46; — 8, la senne, Matth., xm, 47-50; 

— 9, la moisson, Matth., ix, 37, 38; Luc, x, 2; — 10, 
le temps de la joie, Matth., ix, 14, 15; Marc, n, 18-20; 
Luc, v, 33-35; — 11, le vieux manteau, Matth., ix, 16; 
Marc, 11, 21; Luc, v, 36; — 12, le vin nouveau, Matth., 
ix, 17, Marc, a, 22; Luc, v, 37, 38; — 13, le vin vieux, 
Luc, v, 39; — 14, les enfants qui jouent, Matth., xi, 
16-19; Luc, vu, 31-35; — 15, la souillure de l'homme, 
Matth., xv, 10, 11, 15-20; Marc, vu, 14-23; - 16, la 
plantation, Matth., xv, 13; — 17, les deux aveugles, 
Matth., xv, 14; Luc, vi f 39; — 18, le pain des enfants, 
Matth., xv, 26-27; Marc, vil, 27-28; - 19, 20, 21, les 
deux royaumes du Christ et de Satan, Matth., xu, 25- 
30, 43-45; Marc, ni, 23-27; Luc, xr, 17-26; - 22, les 
ouvriers à la vigne, Matth., XX, 1-16; — 23, les deux 
ffls, Matth., xxi, 28-32; — 24, les méchants vignerons, 
Matth., xxi, 33-46; Marc, xu, 1-12; Luc, xx, 9-19; — 
25, le festin royal, Matth., xxii, l-i4; — 26, les invités 
au festin, Luc, xiv, 16-24; — 27, le figuier, Matth., 
xxiv, 32, 33; Marc, xm, 28, 29; Luc, xxi, 29-31; — 
28, les aigles, Matth., xxiv, 28; Luc, xvn, 37; — 
II» classe, 29, le figuier stérile, Luc, xm, 6-9; — 30, le 
bon et le mauvais arbre, Matth., vu, 16-20; xu, 33-35; 
Luc, vi, 43-45; — 31, le pharisien et le publicain, Luc, 
xviii, 9-14; — 32, la place au festin, Luc, xrv, 7-11; 

— 33, l'invitation aux pauvres, Luc, xiv, 12-14; — 34, le 
_riche insensé, Luc, xu, 16-21 ; — 35, les serviteurs vi- 
gilants, Marc, xm, 33457; Luc, xu, 25-38; — 36, le 
serviteur qui veille, Matth., xxiv, 43, 44; Luc, xu, 39, 
40; — 37, l'intendant, Matth., xxiv, 45-51; Luc, xu, 
41-48; — 38, les dix vierges, Matth., xxv, 1-13; — 39, 
la porte fermée, Luc, xm, 25-30; — 40, les cinq ta- 
lents, Matth., xxv, 14-30; — 41, les dix mines, Luc, 
xix, 11-27; — 42, les serviteurs inutiles, Luc, xvn, 7- 
,10; — 43, le bon Samaritain, Luc, x, 30-37; — 44, 

l'économe infidèle, Luc, xvi, 1-9; — 45, le mauvais 
riche, Luc, xvi, 19-31; — 46, les deux maîtres, Matth., 
vi, 24; Luc, xvi, 13; — 47, le serviteur impitoyable, 
Matth., xviii, 23-35; — 48, la paille et la poutre, Matth., 
vu, 3-5; Luc, vi, 41-42; — 49, les choses saintes aux 
chiens, les perles aux pourceaux, Matth., vil, 6; — 50, 
l'enfant qui demande à manger, Matth., vu, 9-11; Luc, 
xi, 11-13; — 51, l'ami qui emprunte, Luc, xi, 5-8; — 
'52, le juge inique, Luc, xviii, 1-8; — 53, les deux dé- 
biteurs, Luc, vu, 41-43; — 54, le sel de la terre, 
Matth,, v, 13; Marc, ix, 50; Luc, xrv, 34, 35; — 55, 
56, la ville sur la hauteur, la lumière sur le chande- 
lier, Matth., v, 14-16; Marc, iv, 21 ; Luc, vm, 16; xi, 
33; — 57, 58, la tour à bâtir, la guerre à entreprendre, 
Luc, xiv, 28-33; — 59, 60, 61, le disciple, le serviteur, 
le maître, Matth., x, 24, 25; Luc, vi, 40; Joa., xm, 16; 
xv, 20; — 62, le père de famille prudent, Matth., xm, 
52; — 63, la maison sur le roc ou sur le sable, Matth., 
vn,24-27; Luc, vi, 47-49; — 111° classe, 64, la lumière 
du monde, Joa., m, 19-21; vin, 12; ix, 5; xu, 35, 36, 46; 

— 65, le grain de froment, Joa., xu, 24, 25; — 66, la 
branche de vigne, Joa., xv, 1-8; — 67, le fils du roi et 
le tribut, Matth., xvn, 23-26; — 68, le médecin, Matth., 
ix, 12, 13; Marc, h, 17; Luc, v, 31, 32; - 69, le bon 
pasteur, Joa., x, 1-16; — 70, la brebis perdue, Matth., 
xviii, 12-14; Luc, xv, 3-7; — 71, la drachme perdue, 
Luc, xv, 8-10; — 72, le fils prodigue, Luc, xv, 11-32. 

— On voit que, dans cette nomenclature, sont entrés 
plusieurs morceaux dont quelques-uns pourraient être 
regardés plutôt comme des allégories, tandis que d'au- 
tres sont des paraboles indiquées en quelques mots ou 

Jt peine esquissées. On trouvera au t. m, col. 1494, 1495, 
l'indication des vingt-huit paraboles proprement dites, 
à l'exclusion de tout ce qui peut être considéré, dans 
la nomenclature: précédente, comme une simple com- 
paraison, un proverbe ou une ébauche parabolique. 
.Plusieurs paraboles ont entre elles une assez grande 
ressemblance, par exemple, 25 et 26, 35 et 36, 40 et 



41, ou bien la même parabole est rapportée par les 
évangélisles à des périodes différentes de la vie pu- 
blique du Sauveur. Ceci ne doit pas étonner en bonne 
critique. Il serait impossible de prouver que le divin 
Maître s'est astreint à ne jamais répéter le même 
enseignement sous deux formes différentes, ou à ne 
point redire devant un auditoire nouveau une para- 
bole déjà utilisée ailleurs. Rien au contraire de plus 
naturel que ces variantes et ces répétitions. — 3. Les 
sujets des paraboles sont empruntés tantôt à l'agri- 
culture, à la vie pastorale," à la pêche, 1-4, 8, 9, 16, 22, 
24, 27, 29, 30, 54, 65, 66, 69, 70, tantôt à la vie domes- 
tique, 5, 11-15, 18, 35-37, 42, 44, 46, 50, 62, 72, tantôt 
à la vie sociale, 10, 17, 19-21, 25, 26, 31-34, 38-41, 43, 
45, 47, 51-53, 59-61, 67, tantôt à différents usages ou à 
certaines situations, 5-7, 11-13, 28, 48, 49, 55-58, 63, 
64, 68, 71. Tous les sujets ainsi exploités par le divin 
Maître étaient populaires, accessibles à l'intelligence 
des foules, et maintenant encore d'une signification 
facile à saisir par ceux qu'on a mis au courant des 
usages du pays et de l'époque. — 4. Il y a enfin à re- 
marquer la répartition des paraboles dans les évan- 
giles synoptiques. « Saint Matthieu, qui écrivait pour 
les Juifs et dont le but principal était de leur montrer 
comment le christianisme devait se substituer à leur 
religion, a, pour ainsi dire, exclusivement rapporté 
les paraboles qui tendent à prouver l'objet qu'il se 
propose. Toutes celles qu'il consigne dans son Évan- 
gile ont rapport au décret qui rejette les Juifs pour 
faire place au christianisme. » "Wiseman, Mélanges 
religieux, p. 39. Saint Marc n'a qu'une parabole en 
propre, Marc, iv, 26-29; les seize autres qu'il rapporte 
lui sont communes avec saint Matthieu (1, 4, 10-12, 15, 
18-21, 24, 27, 54-56, 68). Saint Luc « ne s'attaque pas 
aux Juifs, il ne s'efforce pas de déraciner leur pré- 
jugés, ni de prouver à ceux d'entre eux qu'il parvient 
à convertir que le temps de leur religion et de leur 
nationalité est passé. Il écrit pour les Grecs et pour 
les néophytes du peuple hellène, c'est-à-dire pour des 
gens avec lesquels il n'était pas difficile de s'entendre 
sur ce dernier point. Aussi son objet est-il de mettre 
sous leurs yeux la supériorité de la morale de Jésus- 
Christ et de leur faire sentir la beauté de sa religion, 
en leur démontrant l'influencé qu'elle exerce sur le 
caractère et la nature de l'homme. » Wiseman, Mé- 
langes religieux, p. 43. Saint Luc a trente et une para- 
boles en commun avec saint Matthieu (1, 4, 5, 9-12 v 
14, 17, 19-21, 24, 27, 28, 30, 35-37, 46, 48, 50, 54-56, 59- 
61, 63, 68, 70); il en a dix-neuf qui lui sont propres 
(13, 26, 29, 31-34, 39, 41-45, 51-53, 57, 58, 71, 72). Ces 
paraboles sont choisies à dessein par saint Luc pour 
mettre en relief la miséricorde de Jésus-Christ envers 
les pécheurs et ainsi attirer à lui les Gréco-Romains 
auxquels il s'adresse. 

4° Interprétation des paraboles. — 1. Notre-Seigneur 
a daigné interpréter lui-même ses paraboles, Marc, iv, 
34, et les Évangélistes nous ont conservé deux spéci- 
mens de son interprétation. La première parabole 
expliquée est celle de la semence. Matth., xln, 18-23; 
Marc, iv, 13-20; Luc, vm, 11-15. On voit que le Sau- 
veur attachait une signification non seulement à l'en- 
semble, mais encore à certains détails qu'on aurait pu 
être tenté de négliger. Ainsi les oiseaux du ciel qui 
mangent la semence tombée sur le chemin représen- 
tent Satan qui enlève la bonne parole semée dans les 
cœurs. Le soleil qui dessèche la semence tombée sur- 
le sol pierreux représente les épreuves et les persécu- 
tions qui empêchent la bonne parole de fructifier dans 
les âmes qui ne savent pas résister à la tentation. Les 
épines qui étouffent la semence quand elle grandit sont s 
les richesses et les plaisirs de la vie, qui ne permettent 
pas à la parole de Dieu de porter son fruit. Le Sau- 
veur n'applique ses comparaisons que sur un point 



2117 



PARABOLE 



PARACLET 



2118 



principal; en. les étendant à des points secondaires, 
on arriverait à des conséquences inacceptables. Les 
oiseaux du ciel mangent la semence et en profitent, 
Satan ne tire aueune espèce de profit de la parole de 
Dieu enlevée à l'âme. Le soleil n'est le type des persé- 
cutions que par son ardeur desséchante. Les épines ne 
peuvent signifier les richesses et les plaisirs que quand 
elles sont assez touffues pour arrêter le développement 
de la semence. — La seconde parabole expliquée est 
celle de l'ivraie. Matth., xm, 36-43* Le semeur est le 
Fils de l'homme, le champ est le monde, la bonne 
semence, ce sont les fils du royaume, l'ivraie, ce sont 
les méchants, l'ennemi qui sème l'ivraie, c'est le diable, 
la moisson est la fin des temps, les moissonneurs sont 
les anges, la récolte de l'ivraie et sa mise au feu,' c'est 
la condamnation des méchants au châtiment éternel. 
Ici chaque terme de la comparaison a sa portée. Ces 
deux leçons données par le divin Maître permettent de 
fixer certaines règles pour l'interprétation des para- 
boles. On ne s'assure pas le droit de négliger ces leçons 
en affirmant, sans aucune preuve, que ces interpréta- 
tions des paraboles sont l'œuvre postérieure d'écrivains 
qui ont plus ou moins bien compris les paroles du 
Christ. Cf. Jfllicher, Die Gleichnissreden Jesu, t. i, 
p. 49, 56, 73, etc. — 2. Il faut admettre tout d'abord que 
les comparaisons qui servent de paraboles représentent 
des réalités de l'ordre naturel, réalités effectuées ou 
possibles. Par conséquent chaque parabole a nécessai- 
rement un sens littéral qui sert de point d'appui au 
sens parabolique. « Le sens parabolique est contenu 
dans le sens littéral. » S. Thomas, Sum. theol-, I, q. i, 
a. 10, ad 3« ln . Voir Littéral (Sens), t. îv, col. 296. C'est 
ce qui fait dire à saint Jérôme, In Eccles., xn, t. xxin, 
col. 1113, en parlant des paraboles, « qu'on cherche en 
elles un sens divin plus profond, de même qu'on cherche 
l'or dans la terre, l'amande dans la noix, le fruit dans 
l'enveloppe hérissée de la châtaigne. » Il importe donc 
tout d'abord de bien saisir le sens littéral de la para- 
bole. Certaines d'entre elles empruntent leur thème à 
des choses ou à des usages connus de tous; telles sont 
les paraboles de la semence, de l'ivraie, du trésor 
caché, etc. D'autres ne se comprennent que si certains 
termes sont expliqués; telles sont celles de la drachme 
perdue, des mines, des talents, etc. D'autres enfin ne 
peuvent être bien saisies dans leur sens littéral que si 
certains usages particuliers des Juifs sont exposés au 
préalable; telles sont les paraboles du temps de la joie, 
Matth., ix, 14, 15, du festin royal, du pharisien et du 
publicain, des dix vierges, etc. Par ignorance de ces 
usages, on peut quelquefois fausser le sens d'un des 
traits de la parabole. Ainsi, il faut connaître les règles 
des Juifs sur l'impureté légale pour ne pas se tromper 
dans l'intelligence de la parabole de la souillure. 
Matth., xv, 10. Dans la parabole du mauvais riche, on 
regarde souvent comme une marque de sympathie le 
geste des chiens qui viennent lécher les plaies de Lazare. 
Luc, xvi, 21. En Orient, où le chien est en abomination, 
voir Chien, t. h, col. 702, ce trait accentue au contraire 
la détresse du pauvre, incapable de se défendre contre 
les chiens, etc. — 3. Le sens littéral une fois fixé, le 
sens parabolique doit être cherché, à l'aide déjà, clef 
qui est fournie soit par la parabole elle-même, soit 
par le contexte. « On ne trouve aucune parabole qui 
ne soit ou expliquée par le Christ lui-même, comme 
celle du semeur sur la diffusion de la parole, ou éclairée 
par le rédacteur de l'Évangile, comme celle du juge 
orgueilleux et de la veuve qui donne l'exemple de la 
prière persévérante, ou présentant d'elle-même sa signi- 
fication, comme celle du figuier dont on proroge l'espé- 
rance, à l'image de la stérilité judaïque. » Tertullien, 
De resur. carn., t. h, col. 888. Cf. S. Jérôme, Epist., xxi, 
ad Dam., 2, t. xxn, col. 380. Lorsque ces indications 
sont insuffisantes, ce qui du reste n'arrive" presque 



jamais, la tradition sert de guide dans l'interprétation. 
Saint Irénée, Cont. hxres., II, xxvii, 1-3, t. vu, col. 802- 
804, reproche aux gnostiques d'interpréter les paraboles 
à leur façon et d'en tirer toutes sortes de sens arbi- 
traires et condamnables. — 4. Deux excès sont à éviter 
dans l'interprétation des paraboles. Le premier consiste 
à vouloir assigner une signification spirituelle à tous 
les détails du récit. Saint Augustin, De civ. Dei, XVI, 
h, 3, t. xli, col. 479, dit à propos des fils de Noé : 
« Il ne faut pas croire que tout ce qui est raconté est 
figuratif; mais c'est à cause des traits figuratifs que 
sont rapportés ceux qui ne le sont pas. Le soc est seul 
à fendre la terre, mais, pour qu'il puisse le faire, les 
autres parties de la charrue sont indispensables. » Ces 
observations peuvent être étendues à l'explication des 
paraboles. Les Pères s'élèvent contre ces interprétations 
trop minutieuses auxquelles on était porté de leur 
temps. Cf. S. Jean Chrysostome, In Matth., Hom. XL vu, 
1; lxiv, 3, t. lvhi, col. 482, 613, etc. Un excès opposé, 
plus commun chez les modernes, consiste à laisser de 
côté certains traits qui n'ont pu être introduits dans la 
parabole sans une intention précise du Sauveur; ainsi 
n'aurait-on guère le droit de négliger le denier payé à 
à tous les ouvriers de la vigne, la robe nuptiale fournie 
aux invités du festin, l'huile de la lampe des dix vierges, 
l'huile et le vin du bon Samaritain, etc. Ici encore, la 
tradition indique la route à suivre. .— 5. Bien qu'une 
parabole ne puisse pas, à proprement parler, servir à 
la démonstration dogmatique, il n'en est pas moins vrai 
qu'une lumière réciproque se dégage de l'Église et des 
choses de l'Église sur les paraboles et des paraboles 
sur l'Église, son développement et ses pratiques. Ce 
point de vue important a été bien mis en lumière par 
Wiseman, Mélanges religieux, p. 35-48. — 6. En ré- 
sumé, les règles pour l'interprétation des paraboles 
pourraient se réduire aux trois suivantes : a) Fixer, 
d'après le texte et le contexte, le sens littéral et le sens 
parabolique. — b) Déterminer le but de la parabole et 
mettre en lumière la vérité principale qui commande 
tout le développement. — c) Expliquer les détails d'après 
celte vérité principale, et, par conséquent, tenir compte 
de tout ce qui contribue à illustrer cette vérité, en 
traitant le reste de simple ornement littéraire, dépourvu 
de signification figurée. 

V. Bibliographie. — Sur les paraboles, outre les 
ouvrages cités, t. m, col. 1497, voir Pseudo-Athanasius, 
Qussstiones in N. T., t. xxvni, col. 711-730; Bugge, Die 
Hauptparabeln Jesu, Giessen, 1903; Evers, Die Gleich- 
nisse Jesu, Berlin, 1902; Fullerton, Chrit's foreview of 
tins âge, Londres, 1903; Grépin, Entretiens sur les 
paraboles évangéliques, Paris, 1900; Pichenot, Les pa- 
raboles évangéliques, Paris, 1901 ; Planus, Pages 
d'Évangiles, Paris, 1902; Ricketts, The parables from 
the Gospels, New- York, 1903; Weinel, Die Bilder- 
sprache Jesu, Giessen, 1900; Witzmann, Zur Frage 
nach der unterrichtlichen Behandlung.der Gleichnisse 
Jesu, Iéna, 1903; Ch. Lacouture, Paraboles évangéli- 
ques, Paris, 1906, et surtout L. Fonck, Die Parabeln des 
Herm im Evangelium, 2 e édit., Inspruck, 1904. 

H. Lesêthe. 

PARACLET (Grec : 7tapâxXr)Toç; Vulgate : para- 
cletus, advocatus), nom donné à Notre-Seigneur et au 
Saint-Esprit. — Le mot vient du verbe ■rcocpaxaXIw,. « ap- 
peler auprès de soi » celui dont on attend secours, con- 
seil, consolation, etc. Le mxpâxXiri'coç estdonc celui qu'on 
a appelé près de soi et qui, suivant les cas, est une aide, 
un protecteur, un conseiller, un intercesseur, un con- 
solateur, subvenant «n un mot aux diverses nécessités 
de celui qui l'a invoqué. Saint Jean, dans sa première 
Epître, H, 1, dit que quand nous avons péché, il y a un 
paraclet, advocatus, « quelqu'un qu'on a appelé », Jé- 
sus-Christ, qui, auprès du Père, est la victime de pro- 
pitiation pour nos péchés. Le Sauveur remplît ici 



2119 



PARACLET — PARADIS TERRESTRE 



2120 



l'office de paraclet en intercédant pour nous et en s'iri- 
terposant de manière à nous défendre efficacement 
contre la justice du Père. — Dans l'Évangile, le Saint- 
Esprit est nommé un « autre paraclet » que le Père 
accordera sur la prière du Fils. Joa., xrv, 16. Il y a donc 
un premier paraclet qui a précédé le Saint-Esprit au- 
près des hommes, et ce paraclet, c'est Jésus-Christ. Le 
second paraclet a pour fonction d'enseigner toute vérité, 
Joa., xiv, 26, de rendre témoignage de Jésus-Christ, 
Joa., XV, 26, de remplacer le Sauveur auprès des Apôtres 
et de convaincre le monde de ses torls envers ce der- 
nier. Joa., xvi, 7-11. Le titre de paraclet, attribué au 
Saint-Esprit, équivaut donc à ceux d'inspirateur, de 
conseiller, de témoin et de soutien. On traduit souvent 
paracletns par « consolateur », parce que la venue du 
Saint-Esprit est subordonnée à la disparition du Sau- 
veur, et que cette disparition a mis la tristesse au cœur 
des Apôtres. Joa., xvi, 6. Mais l'idée de consolateur, 
tout en étant comprise dans celle de paraclet, restreint 
trop le sens de ce terme. En traduisant Kapk-tCk-rpoç par 
advocatus, « celui qui est appelé » pour conseiller et 
défendre, la Vulgate a bien rendu le mot grec. 

H. Lesêtre. 
i . PARADIS. Ce mot nous vient, par le latin et le grec, 
du perse; c'est le zend, pairidaêza, devenu en hébreu 
pardès, que nous lisons trois fois dans l'Ancien Testa- 
ment : Cant., iv, 13; Eccle., il, 5 (au pluriel : pardêsîm); 
II Esd., il, 8. Il signifie proprement verger, parc, 
jardin arrosé et planté d'arbres. Il était passé dans la 
langue grecque sous la forme uapâSEtToç. Xénophon 
Anab.,i, 2, 7; m, 4,14; Cyrop., i,3, 14; vm, 1,138; Hell., 
iv, 1, 5; Œcon., iv, 13, 14; Diodore de Sicile, xvr, 41; 
xviir, 36; Plutarque. Artax., 25; Théophraste, Eist. 
plant., y, 8, 1, Lucien; Ver. Eist., il, 23; Élien, Var. 
Eist., I, 33; Pollux, Onomast., îx, 3, etc. Les Septante 
se sont servis de mxpâSEieroç, non seulement pour tra- 
duire le mot pardès dans les trois passages de l'Ancien 
Testament où il est employé, mais aussi pour traduire 
le terme hébreu gàn, gandh, « jardin », Gen., Il, 10, 
etc.; m, 1, etc.; xm, 10; Nom., xxiv, 6; (Eccli., xxiv, 
31 [Vulgate, 41], où le mot employé en hébreu ne nous 
est pas connu): Is., i, 30; Ézech., xxvm, 13; xxxi, 8 
(deux, fois)., 9, etc. Cf. Josèphe, Ant. jud., VII, xiv, 4; 
VIII, vu, 3; IX, x, 4; X, m, 2; Bell, jud., VI, i, 1, etc. 
Saint Jérôme, dans plusieurs de ces passages, et en par- 
liculier dans les chapitres il et m de la Genèse, a tra- 
duit gân par paradisus à l'exemple dès Septante, et de 
là est venu 1° le nom de « paradis terrestre » que nous 
donnons au jardin de l'Éden où Dieu avait placé Adam 
et Eve. Voir Paradis terrestke. — 2° Le sens de parc, 
bien arrosé et planté d'arbres, s'est conservé dans la 
Vulgate. Cant., iv, 13. — 3° Dans le Nouveau Testament, 
une signification nouvelle est donnée à paradis; il s'em- 
ploie en grec et en latin pour désigner le séjour de 
Dieu et des élus, c'est-à-dire le ciel, qui est le véritable 
séjour de délices dont l'Éden n'était que la figure im- 
parfaite. Luc, xxin, 43; II Cor., xii, 4; cf. Apoc, h, 
7. Voir Ciel, t. h, col. 751. — D'après certains commen- 
tateurs, S. Jérôme, In Amos, ix, t. xxv, col. 1087; 
S. Ambroise, Liber de paradiso, m, 191, t. xrv, col. 
282, le mot paradisus a le sens de ciel dans l'Ecclésias- 
tique, xliv, 16, où il est dit : « Hénoch plut à Dieu et 
il a été transporté dans le paradis. » D'autres commen- 
tateurs, comme saint Thomas, III», q. xlix, a. 5, ad 2"™, 
entendent ici par paradis le paradis terrestre, mais 
le texte hébreu dit que Hénoch « alla avec Jéhovah ». 

-Cf. Josèphe, Ant. jud., I, M, 4; âvs/tàpTiire itpôç z6 Beïov. 

, Ni le mot « paradis » ni «c avec le Seigneur » ou Jého- 
vah ne se trouve. dans le grec, aussi les Pères grecs 
n'ont-ils point déterminé le lieu où fut transporté 
Hénoch. S. Jean Chrysostome. Hom. xxi in Gen., 4, 
t. lui, col. 180-181; Théodoret, Quxst. in Gen., interr. 
45, t. lxxx, col. 145. La traduction latine a précisé le 



sens et a donné au mot paradisus la signification de 
séjour des élus qui lui est attribué dans le Nouveau 
Testament. Dans Le livre d'Hénoch, les élus avant le 
jugement séjournent dans le paradis et là sont les pre- 
miers pères et les justes des anciens temps. Voir Ad. 
Lods, Le livre d'Hénoch, Paris, 1892, p. 98. 

F. Vigoùroux. 
2. PARADIS TERRESTRE, jardin que Dieu donna 
comme séjour à Adam et à Eve au moment de leur créa- 
tion. Gen., H, 8, 15, 22. 

I. Nom. — Le texte original appelle ce jardin .pj, 
'Êdén. Les Septante ont conservé ce mot comme nom 
propre. 'EBsn, dans trois passages, Gen., n, 8, 10; iv, 
16; partout ailleurs (excepté Is., li, 3, où nous lisons 
7tap«8ei<Tov ; Vulgate, delicias), ils le traduisent par 
irpuçri, « délices ». Saint Jérôme, qui n'a jamais employé 
le nom d'Éden dans le ch. u de la Genèse, l'a toujours 
rendu par voluptas, locus voluptalis, de.licise, excepté 
Gen., iv, 16, qui est le seul passage de notre version 
latine où le jardin habité par nos premiers parents soit 
appelé Éden. Notre dénomination de « paradis terrestre » 
provient de ce fait que les Septante ayant rendu le mot 
hébreu ■ gdn, « jardin », par uotpâSeienK, la Vulgate l'a 
traduit à son tour par paradisus, et « paradis » est ainsi 
devenu comme le nom propre du lieu où fut créé le 
premier homme, à défaut du terme Éden que le latin n'a 
pas conservé. 

Le nom d'Eden, d'après plusieurs assyriologues, est 
d'origine babylonienne. La plaine de Babylone s'appe- 
lait en sumérien Édin et lorsque les Sémites s'établirent 
dans le pays, ils en tirent Édinu. Le nom équivalent en 
assyrien est zeru, qui correspond à l'arabe zor, par le- 
quel on désigne encore aujourd'hui la dépression de ter- 
rain comprise entre le Tigre et l'Euphràte. — Le terme 
« Éden » se trouve en arabe comme en hébreu, et le 
Kamous l'explique par « délices, agrément ». C'est aussi 
le sens que lui ont attribué les lexicographes hébreux, 
qui l'ont rapproché du grec YiSov-ij. Gesenius, Thésaurus, 
p. 995. Il est employé au pluriel dans cette acception 
de délices. Ts. xxxvi (xxxv), 9 (Vulgate : torrente vo- 
luptatis potabis eos); II Sam., i, 24; Jer., li, 34. Cf. 
S. Jérôme, De nom. hebr., t. xxm, col. 778: Eden, vo- 
luptas sive delirise; vel ornatus. Voir aussi Hebr. qusest. 
in Gen., n, 8, t. xxm, col. 940. 

II. Site du paradis terrestre. — La Genèse décrit 
l'Éden et sa situation dans les termes suivants, Gen., n, 
8 : « Jéhovah Élohim planta un jardin à Éden, à l'orient, 
et ily plaça l'homme qu'il avait formé... 10. Et un fleuve 
sortait d'Éden pour arroser le jardin et de là il se par- 
tageait en quatre bras. 11. Le nom du premier est Phi- 
son; c'est celui qui entoure tout le pays de Hévilath où 
se trouve l'or. 12. L'or de ce pays est excellent; on y 
trouve aussi le bdellium et la pierre d'onyx. 13. Et le 
nom du second fleuve est Géhon; c'est celui qui entoure 
tout le pays de Chus. 14. Le nom du troisième est 
Hiddéqel (le Tigre); c'est celui qui coule à l'orient de 
l'Assyrie. Le quatrième fleuve est l'Euphràte. » La des- 
cription, on le voit, est circonstanciée et précise, et on 
doit la prendre dans un sens littéral, comme on l'a fait 
généralement. 

Origène, il est vrai, admettant que la Bible ne devait 
pas toujours s'entendre dans le sens littéral, mais s'ex- 
pliquer souvent d'une manière allégorique, applique en 
particulier ce principe à l'histoire du paradis terrestre. 
« Qui pourrait être assez insensé, dit-il, De princ., lv, 
16, t. xi, col. 577, pour penser que Dieu, à la façon 
d'un agriculteur, a planté le jardin d'Éden à l'est et y 
a placé l'arbre de vie, visible aux yeux et aux sens, de 
sorte que celui qui aurait goûté à son fruit avec des 
dents corporelles, reçût ainsi la vie? » Origène suivait 
en cela Philon dans ses explications allégoriques et les 
imitateurs ne lui ont pas manqué, ni autrefois ni aujour- 
d'hui. Voir Parodies, dans Ersch et Grûber, Allge- 



2121 



PARADIS TERRESTRE 



2122. 



meine Encyclopâdie, sect. m, part. XI, 1838, p. 304. 
Mais la description du paradis terrestre est tellement 
concrète qu'on -ne peut Pallégoriser qu'en faisant vio- 
lence au texte. S. Augustin, De Gen. ad Mit., vin, 1, 
t. xxxiv, col. 371. 

« Le récit biblique, dit M. Frd. Delitzsch, Wo lag das 
Parodies? p. 44, ne porte aucune marque de fable, il 
n'a rien de surabondant, il n'est pas enveloppé dans 
une demi-obscurité; on ne peut pas non plus hésiter 
sur le sen3 et l'on n'est pas obligé, par défaut dé 
clarté, de lire entre les lignes. Pour le narrateur, le 
jardin d'Éden avec ses quatre fleuves, le Phison, le 
Géhon, le Tigre et l'Euphrate, est une réalité manifeste 
et bien connue ; il n'est nullement obscur sur la signi- 
fication des noms du Phison et du Géhon : non seule- 
ment il connaît exactement cette signification, aussi 
exactement que celle du Tigre et de l'Euphrate, mais 
il veut aussi instruire ses lecteurs à ce sujet; c'est 
pourquoi il donne des explications et des éclaircisse- 
ments que ses lecteurs peuvent contrôler. » 

La localisation du Paradis terrestre offre néanmoins 
de graves difficultés, et quoiqu'on ait essayé depuis des 
siècles de résoudre le problème et publié sur ce sujet 
des études sans nombre, on n'a pas encore réussi à dé- 
terminer le site de l'Éden avec certitude. On l'a placé 
dans la Mésopotamie, l'Arménie, l'Arabie, l'Inde, en 
Chine, à Ceylan, dans les îles Canaries, au Pérou et 
dans diverses parties de l'Amérique, en Europe même. 
Un astronome allemand, M. Kohi, l'a mis au pôle Nord, 
comme l'avait déjà fait W. F. Warren, Paradise found, 
in-8°, Londres, 1885. Il est inutile d'énumérer tous les 
systèmes, dont la plupart ne méritent pas qu'on s'y arrête. 
Ce qui importe, c'est de fixer quelques points, acceptés 
par le plus grand nombre des critiques et propres à nous 
guider dans cette discussion épineuse. Premièrement 
l'Éden, d'après le texte sacré, était situé à l'est de la Pa- 
lestine, mi(]-qédém, f. 8. La Vulgate a traduit ce mot 
par « au commencement », cf. S. Jérôme, Hebr. qusest. 
in Gen., n, 8, t. xxm, col. 960, mais cette expression 
dans la Genèse s'applique toujours à l'espace et non pas 
au temps. Gesenius, Thésaurus, p. 1193-1194. Cf. Huet, 
Traité du Paradis terrestre, m, 4, 2 e 1 édit., in-12, Ams- 
terdam, s. d., p. 43. Il faut donc l'entendre ici dans son 
sens géographique. On est d'accord aujourd'hui là-des- 
sus, quoiqu'un petit nombre prétendent, avec peu de 
vraisemblance, que l'expression muj-qédém désigne ici 
l'orient de la Babylonie et non l'orient de la Terre Sainte. 

Secondement, le pays d'Éden était arrosé par quatre 
fleuves. On admet assez communément que le Tigre et 
l'Euphrate désignent les deux grands fleuves de Méso- 
potamie connus sous ce nom, mais là où l'on cesse de 
s'entendre, c'est lorsqu'on cherche à identifier le Phi- 
son et le Géhon, Hévilath et la terre de Chus qu'ils 
arrosent. Or, c'est de cette identification que dépend la 
solution du problème et c'est par la diversité des ré- 
ponses données sur ce point que se distinguent princi- 
palement les systèmes. On peut les ramener à quatre : 
celui des anciens écrivains ecclésiastiques, qui voyaient, 
dans le Phison et le Géhon, le Gange et le Nil ; celui des 
modernes qui placent l'Éden dans l'Inde, sur le plateau 
de Pamir, celui qui le place en Arménie et celui qui le 
place en Babylonie. ^ 

I. SYSTÈME DES ANCIENS ÉCRIVAINS ECCLÉSIASTIQUES. 

— Les anciens, dont les connaissances géographiques 
étaient très imparfaites, n'ont pas généralement donné 
au paradis terrestre un site bien déterminé. Ils ont 
voulu être plus précis sur les quatre fleuves, mais ils 
n'ont pas été heureux dans l'identification du Phison et 
du Géhon. Ils ne se sont pas trompés sur l'Euphrate 
et le Tigre, qui leur étaient bien connus. Pour les 
deux autres fleuves, les Juifs et Josèphe les ont induits 
en erreur. Josèphe, Ant. jud., I, i, 3, comme ses co- 
religionnaires, croyait que la terre d'Hévilath était l'Inde 



et le Phison, le Gange; Chus, l'Ethiopie, et le Géhon, 
le Nil. Il ne voyait aucune difficulté à faire sortir le 
Gange et le Nil de la source de l'Éden, en même temps 
que l'Euphrate et le Tigre, parce qu'il confondait cette 
source avec l'Océan, qui, d'après l'opinion des anciens, 
entourait la terre, èv x-JxX™ yr,v TClpippeiov, Ant. jud A , I, 
i, 3, et donnait naissance à tous les fleuves. Les pre- 
miers écrivains ecclésiastiques partagèrent ces idées 
erronées. Ils admirent que le Phison était le Gange. 
Eusèbe, Onomastica sacra, édit. P. de Lagarde, 1887, 
p. 259; S. Épiphane, Ancor., 58, t. xlih, col. 120; 
S. Ambroise, De Parad., m, 14, t. xiv, col. 280; S.Jé- 
rôme, Heb. qusest. in Gen., Il, 11, t. xxm, col. 941; 
S. Augustin, De Gen. ad litt., II, x, 13, t. xxxiv, 
col. 203; S. Éphrem, Opéra syr., t. i, p. 23 (il voit en 
même temps dans le Phison le Gange et le Danube), etc. 
Qua-nl au Géhon, on a fait remonter l'opinion qui le 
confond avec le Nil à un passage des Septante, qui ont 
traduit l'hébreu Sîhôr, nom qui désigne -le Nil, par 
rv,5>v, dans Jérémie, n, 18. Quoi qu'il en soit de la tra- 
duction grecque, rien dans le texte hébreu du prophète 
n'autorise l'identification du Sîhôr avec le Géhon. Mais 
cette interprétation a été acceptée par Josèphe, Ant. 
jud., I, I, 3, et adoptée par les anciens écrivains ecclé- : 
siastiques. Eusèbe, Onomast. sac, édit. P. de Lagarde, 
1887, p. 251; S. Jérôme, Dasitu et nom., au mot Geon, 
t. xxm, col. 898; S. Augustin, De Gen. ad litt., II, x, 
13, t. xxxiv, col. 203. Il est à croire que la raison qui a . 
surtout porté les Pères à confondre aveuglément le 
Géhon avec le Nil, c'est que la traduction grecque et 
la- traduction latine de Gen., n, 13, portent que ce 
fleuve arrose l'Ethiopie et qu'ignorant que le Chus hé- 
breu de ce passage n'est pas l'Ethiopie d'Afrique, ils en 
ont conclu que le Géhon ne pouvait être que le Nil. 
Ces erreurs n'ont pas besoin aujourd'hui d'être réfutées. 
Cf. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies? p. 11^32. 

//. L'ÉDEN DANS L'INDE SUR LE PLATEAU DE PAM1H. — 

Quelque extraordinaire que puisse paraître l'identifica- 
tion faite par les anciens du Phison avec le Gange, elle 
a été cependant renouvelée de nos jour par des savants 
qui ont voulu placer dans l'Inde l'origine de l'espèce 
humaine. Ils ont cru découvrir dans les livres hindous 
l'explication véritable du récit de la Genèse et ils ont 
ainsi reporté l'Éden à l'orient de la Babylonie. Voici de 
quelle manière. J.-B.-F. Ohry, qui a écrit sur ce sujet 
un livre, Bu berceau de l'espèce humaine selon les 
Indiens, les Perses et les Hébreux, in-8°, Paris, 1858, 
p. 100, expose son système : « L'auteur sacré fait d'Éden 
une haute région, placée entre deux autres, Havilah et 
Kouch, qu'arrosent les fleuves qui en font le tour; 
ensuite il place au centre d'Éden le jardin, Gàn, du 
même nom, baigné par un fleuve unique; enfin il dirige 
vers les quatre points de l'horizon les quatre canaux 
dérivés de la source commune. Cette manière de voir... 
suppose que la contrée d'Éden reste identique à celle 
de V Airyanem-Vaêdjo, telle que les Médo-Perses l'en- 
tendaient, c'est-à-dire que, tout en partant des sources 
de l'Oxus, du Kameh et du Tarim, où l'avaient placé 
les Baclro-Mèdes, cette région se prolonge au sud-ouest. 
Le jardin de délices est... le district du lac Sir-i-Kaoul, 
au centre du petit plateau de Pamir, où trois des quatre 
fleuves ont leurs sources. Je suppose d'ailleurs qu'on y 
ramenait aussi celles du quatrième à l'aide de l'expé-. 
dient des conduits souterrains. » 

Obry n'identifie pas le Phison avec le Gange, mais. 
Ewald l'a fait, Geschichte des Vùlkes Israels, 2 e édit., « 
t. i, p. 376-377. Benfey, article Indien, dans Ersch et 
Gruber, Allgemeine Encyklopàdie, n« sect., t. xvii, 
p. 13-14; Renan, Histoire générale des langues sémi- 
tiques, 1863, t. i, p. 476-478; De l'origine du langage, 
4« édit., 1864, p. 229-230, prennent le Phison et le Géhon 
pour l'Indus et l'Oxus. De même François Lenormant, 
Origines de l'histoire, t. n, part, i, 1882, p. 141. Cf. aussi 



2123 



PARADIS TERRESTRE 



2i24 



Viçwâ-Mitra, Les Chamites, in-8», Paris, 1892, p. 687- 
725. Ces identifications sont inconciliables avec le récit 
génésiaque. Singulier paradis terrestre que celui de 
Pamir! Les rares voyageurs qui l'ont visité nous le 
représentent comme.un des endroits du monde les plus 
inhabitables à cause de sa température. G. Bonvalot, 
Du Caucase aux Indes à travers le Pamir, in-4°, Paris, 
1889, p. 291-355. — Sur le Pamir et ses glaciers, voir 
R. Pumpelly, Explorations in Turkestan, in-8°, Washing- 
ton, 1905, p. 123-155. 

in. l'Éden en Arménie. — Un grand nombre de 
commentateurs ont placé le Paradis terrestre en Armé- 
nie, dans les riches vallées de cette région. qui est encore 
aujourd'hui Tune des plus fertiles du monde. « Cette opi- 
nion sur la situation du Paradis terrestre, dit H. Brugsch. 
Reise (1er A. preussischen Gesandtschaft nach Persien, 
2 in-8», Leipzig, 1862-1863, t. i, p. 146, trouve un grand 
appui dans la tradition populaire de l'Arménie, d'après 
laquelle l'oasis d'Ordubâd, au-dessous de Djulfa, sur la 
rive gauche de l'Aras, marque le site du paradis édé- 
nique. » Les quatre fleuves mentionnés par .la Genèse 
arrosent cette riche contrée. 

1° L'Euphrate, que la Genèse désigne simplement par 
son nom, comme étant suffisamment connu des lec- 
teurs, tandis que les trois autres fleuves édéniques, y 
compris le Tigre, sont déterminés par l'indication des 
contrées qu'ils baignent, l'Euphrate prend sa source en 
Arménie. Voir Euphbate, t. n, col. 2046. — 2° Le Tigre 
naît à une heure environ de l'Euphrate, au nord de 
Ûiarbékir. Voir Tigre. Le Phison et le Géhon sont le 
Phase et J'Araxe. — 3" Le Phase, cf. Xénophon, Anab., 
iv, 6, prend sa source au pied du mont Ararat, non 
loin des sources de l'Euphrate et du Tigre. VoirGalmet, 
Comment, litl. Genèse, 1715, p. 61 ; E. F. C. Rosenmuller, 
Scholia in Gen., 1821, p. 101. La terre d'Hévilath, que 
baigne le Phase, est la Colchide, le pays des métaux 
précieux, où les Argonautes allèrent chercher la toison 
d'or. Calmet, Gen., p. 63. Strabon, XI, h, 19, dit que 
les fleuves et les torrents de cette contrée roulent des 
paillettes d'or. Cf. Pline, H. N., xxxm, 3. Pour lebdel- 
lium qu'on trouvait dans le pays d'Havilath, voir Bdel- 
lium, 1. 1, col. 1527, et pour l'onyx, voir ce mot, col. 1823. 
— 4° Le Géhon est l'Araxe des auteurs classiques; son 
nom arabe actuel Djeichoun-er-has et son nom persan 
Djûn rappellent encore le nom hébreu de Géhon. 
Ebers, Aegypten und die Bûcher Moses, t. i, p. 29. 
Voir Calmet, Genèse, p. 66. Le Géhon sort du voisinage 
de la source occidentale de l'Euphrate et se jette dans 
la mer Caspienne. La terre de Chus, qu'arrose le Géhon, 
ne désigne pas l'Ethiopie africaine, qu'habitèrent plus 
tard les Couschites, mais la région asiatique où vivaient 
d'abord les descendants de Chus. Voir Ethiopie, t. n, 
col. 2007, 2009, c'est-à-dire le pays des Kossiens, Cassio- 
tis, regio Cossœorum. Cf. Diodore de Sicile, xix, 3; 
Ptolémée, vi, 3, 3; Polybe, v, 44; Strabon, XI, m, 6. 
Ge sont les KaÙi des textes cunéiformes. Voir Eb. Schra- 
der, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 176. 

On peut objecter contre le système qui vient d'être 
exposé qu'il n'explique pas cette partie de la description 
dû Paradis donnée parla Genèse, il, 10, d'après laquelle 
« un fleuve sortait de l'Édên... et se divisait en quatre 
bras (rà'Sîm, littéralement : têtes). » Ces mois signi- 
fient naturellement que le Tigre, l'Euphrate, le Phison 
et le Géhon avaient une source commune et unique. Or, 
le Phase et l'Araxe n'ont pas la même source que le Tigre 
et que l'Euphrate. A cette objection on n'a répondu que 
par une hypothèse contestable, à savoir que des révolu- 
tions diverses ont pu modifier notablement la topogra- 
phie des lieux où était situé le Paradis terrestre. Quoi 
qu'il en soit, la Genèse, en plaçant l'Éden aux sources 
de l'Euphrate et du Tigre, nous indique naturellement 
HArménie comme site du Paradis terrestre. 

iy. L'ÉDEN EN babylonjb. — Une opinion qui a re- 



cruté dans ces dernières années de nombreux partisans 
est celle qui place en Babylonie le paradis terrestre. 
Elle n'est pas tout à fait nouvelle et remonte à Calvin. 
Il est le premier qui ait placé l'Éden en Babylonie, sans 
en préciser le site (fig. 561). Il identifie le Phison et le; 
Géhon avec le Tigre et l'Euphrate : ces deux fleuves 
portent deux noms différents au-dessus et au-dessous de 
leur confluent au Schatt-el-Arab. Duo sunt amnes qui 
in unum coeunt, deindeabeunt in diversas partes, lia 
flumen unum est in confluenie ; duo autem in supe- 
rioribus alveis sunt capita, et duo versus mare post- 
quam intrsus longius dividi incipiunt. Commentarius 
in Gen., n, 14, Opéra (édit. du Corpus Reformatorum, 
t. Li), t. xxill, 1882, col. 43. Sur ce dernier point, Cal- 
vin ne prend pas garde que son opinion est inconci- 
liable avec le texte biblique et il ne se préoccupe pas 
de savoir si la double embouchure de l'Euphrate et du 




5INV5TERSICV5 ~^ : 



561. — Carte de l'Eden. 
D'après Calvin, dans son Comm. in Gen., p. 42. 

Tigre dans le golfe Persique est ancienne. En réalité, 
elle ne l'est pas. Voir Frd. Delitzsch, Wo lag das Pa- 
radies? p. 39-40. 

Mais quoi qu'il en soit des quatre fleuves, Huet accepta 
pour le fond l'opinion de Calvin, dans son Traité de 
la situation du Paradis terrestre, 2 e édit., Amsterdam, 
s. d., p. 16-18, de même que Joseph Scaliger, les 
théologiens de Louvain et beaucoup d'autres. Les dé- 
couvertes assyriologiques faites depuis un demi-siècle 
ont fourni des arguments nouveaux en faveur de ce sys- 
tème. On pouvait même espérer qu'elles trancheraient 
définitivement la question. Elles ont prouvé que les 
Chaldéo-Assyriens avaient des traditions semblables à: 
celles des Hébreux sur les origines de l'humanité, sur 
la création, sur le déluge. 11 y avait donc lieu de penser 
qu'on découvrirait aussi dans les documents cunéiformes 
quelque tablette décrivant leséjour'du premier homme. 
Cet espoir ne s'est pas jusqu'à présent pleinement réa- 
lisé. Cependant on a retrouvé quelques traces du pre- 
mier homme de l'Éden assyrien, et, de plus, les monu- 
ments reproduisent souvent l'image de l'arbre sacré qui 
avait été .placé dans le paradis. 

Une tablette de Tell el-Amarna, conservée aujourd'hui 
à Berlin, raconte la légende d'un certain Adapa, où l'on 
remarque plusieurs traits qui ne sont pas sans analogie 
avec l'histoire d'Adam. D'abord le nom d' Adapa a quelque 
ressemblance avec celui d'Adam, voir H. Sayce, Bigher 
Criticism, p. 94, et il est aussi le premier homme. Il, 



2125 



PARADIS TERRESTRE 



2126 



est fils du dieu Éa. Son père lui a donné la sagesse, 
mais non l'immortalité. Il habite le pays. d'Éridou, où 
il prend soin du sanctuaire du dieu. Un jour il se que- 
relle avec le vent du sud et lui brise les ailes. Anou, 
dieu du ciel, le cite alors à son tribunal. Avant qu'Adapa 
se rende à la citation, Éa lui recommande entré autres 
choses de ne point manger le pain de mort qui lui sera 
offert et de ne pas boire l'eau de mort qui lui sera 
apportée. En réalité, Anou lui fait présenter un pain 
de vie et une eau de vie, de sorte qu'Adapa, parce qu'il 
suit fidèlement les avis que lui a donnés son père, 
perd l'occasion dé devenir immortel. Il se revêt néan- 
moins du vêtement qu'il reçoit en présent du dieu Anou. 
Adapa und der Sûdwind, dans la Keilinschriftliche 
Bibliothek, t. vi, 1900, p. 92-101. On ne peut méconnaître 
quelques points de contact entre l'histoire d'Adam et 
celle d'Adapa, malgré des différences notables. Le trait 



509. — M. Sayce, The Higher Crilicismand tlie Verdict 
of the Monuments, in-12, Londres, 1894, p. 101, a une 
opinion un peu différente. Il place le Paradis terrestre 
dans le voisinage dIÉridou, la ville sacrée d'Éa, aujour- 
d'hui Abou-Sharein. Éridou est actuellement au mi- 
lieu des terres, mais elle était autrefois près de l'em- 
bouchure de l'Euphrate sur le bord de la mer etJensén, 
Kosmologie der Babylonier, p. 213, cite une inscrip- 
tion relative à une localité où « la boucbe des fleuves » 
(de l'Ruphrate et du Tigre) est mentionnée à propos 
d'Éridou. 

Dans le voisinage d'Éridou était un jardin, lieu sacré 
où croissait l'arbre de la vie, un palmier dont les ra- 
cines de lapis-lazuli étaient plantées dans l'abîme cos- 
mique ; sa position marquait le centre du monde ; son 
feuillage formait la couche de la déesse Bahou et le 
dieu Thammouz habitait dans le sanctuaire placé à 




562. — Arbre sacré assyro-chaldéen. D'après Layard, Monuments of Nineveh, 1, pi. 25. 



principal à retenir ici c'est que le premier homme, 
d'après la légende babylonienne, habite Éridou. On peut 
donc se démander si Éden et Éridou ne désignent pas 
la même contrée et rechercher où était situé Éridou. 
C'est ce qu'ont fait divers assyriologues, en particulier 
Frd. Delitzseh qui a étudié la question ex professo. 
Dans son livre intitulé Wo lag dos Paradies? p. 45-83, 
il soutient que l'Eden était situé auprès de Babylone et 
au sud de cette ville, à l'endroit appelé Kar-Dounias 
ou Clan Dounias, « jardin du dieu Dounias », remarquable 
par sa fertilité et par l'abondance de ses eaux. Henri 
Rawlinson avait le premier développé cette identification, 
Report of the forlieth Meeting of the British Asso- 
ciation for the advancement of science, Liverpool, 
p. 173. Kar Dounias est surtout arrosé par l'Euphrate, 
dont le niveau est là plus élevé que celui dji Tigre, 
mais il jouit aussi des eaux de ce dernier fleuve. Le 
Phison et le Géhon sont, d'après Delitzseh, deux canaux, 
dérivés de l'Euphrate en dessous de Babylone. Le pre- 
mier est le Pallacopas à l'ouest; le pays d'Hévilath qu'il 
arrose est la partie du désert de Syrie qui 'confine à la 
Babylonie et où l'on trouvait autrefois de l'or. Le se- 
cond, c'est-à-dire le Géhon, est le canal Arahtu, qui 
baigne les ruines de la ville antique d'Érech. Cousch 
désigne les Couschites de la Susiane. Pour la critique 
de l'opinion de Frd. Delitzseh, voir P. Jensen, Die Kos- 
mologie der Babylonier, in-8°, Strasbourg, 1890, p. 507- 



l'ombre de ses branches et dans lequel aucun mortel 
n'était jamais entré. Cuneiform Inscriptions of Western, 
Asia, t. ïv, pi. 15, verso, lig. 62-64. Cf. Sayce, dans Has- 
tings, Dictionary of the Bible, t. i, p. 643; Id., Higher 
Criticism, p. 101. Cet arbre sacré est souvent repré- 
senté sur les monuments assyro-chaldéens (fig. 562), et 
l'on ne peut s'empêcher d'y reconnaître l'arbre du Pa- 
radis terrestre de la Genèse, Eb. Schrader, Semitismus 
und Babylonismus, dans les Jahrbùcher fur protestan- 
tische Théologie, 1875, p. 124-125, quoiqu'il soit figuré 
sous des formes différentes (fig. 563). Voir E. Bonavia, 
The Flora of the Assyrian Monuments, "Westminster, 
1894, p. 45-57. Sur les idées assyro-chaldéennes rela- 
tives à l'arbre de vie, voir Wûnsche, Die Sagen vom 
Lebensbaum und Lebenswasser, in-8\ Leipzig, 1905. 
M. Sayce explique ce que dit la Genèse, de la rivière 
édénique qui se partageait en quatre fleuves de la ma- 
nière suivante. L'Éden-Éridou était sur les bords du 
golfe Persique. Deux mille ans avant notre ère, les Ba- 
byloniens considéraient le golfe Persique comme une 
rivière, qu'ils appelaient nar marratum, « la rivière 
amère », c'està-dire la rivière ou l'eau salée. A cette 
époque, non seulement l'Euphrate et le Tigre, mais 
aussi d'autres cours d'eau, se déversaient dans le golfe. 
Comme là marée faisait remonter assez haut l'eau salée 
dans le lit des rivières, on put donner à l'embouchure 
de ces rivières le nom de sources et ainsi le Tigre, l'Eu- 



2127 PARADIS TERRESTRE — PARÀLIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 2128 



phrate. le Phison et le Géhon n'étaient que des bran- 
ches du golfe Persique. Les noms du Phison et du 
Géhon n'ont pas été retrouvés dans les inscriptions 
assyriennes, mais on peut avec plusieurs assyriologues 
voir des canaux dans ces deux fleuves. Sayce, Higher 
Vriticism, p. 95-100. 

D'après M. Fr. Hommel, Vier neue arabische Land- 
schaftsnamen im alten Testament, avec un Nachtrag 
ùber die vier Paradiesesflùsse in allbabylonischer und 
allàrabischêr Ueberlieferung , dans ses Aufsâtze und 
Abhandlungen, in-8", Munich 1902, p. 326-343, les Ba- 
byloniens connaissaient aussi quatre fleuves paradi- 
siaques, comme les Hébreux. Il les identifie d'ailleurs 
à sa manière. Mais on n'a rien découvert dans la litté- 
rature assyrienne qui rappelle le nom du Phison et du 
Géhon. 

L'explication des quatre fleuves est le point vulné- 




563; — Aulre arbre sacré assyrien. Musée du Louvre. 
A côté de l'arbre est le roi Sagron tenant trois grenades. 

rable du système. Malheureusement, comme l'observe 
J. Obry, Du berceau de l'espèce humaine, p. 12, au 
lieu de quatre fleuves qui sortent d'Éden, cette hypo- 
thèse en donne deux qui y entrent. Et elle ne découvre 
pas les deux autres. 

Au milieu du Paradis terrestre se trouvait l'arbre de 
la vie et de la science du bien et du mal. Voir t. i, 
col. 895-897. Sur la chute de nos premiers parents, 
voir Eve, t. il, col. 2119, et Péché originel, t. v, col. 12. 

III. Traditions sur le paradis terrestre. — Les 
traditions sémitiques et aryennes ont conservé le sou- 
venir du paradis terrestre. — 1° Nous l'avons déjà vu 
pour la Babylonie, col. 2120, où, si l'on ne retrouve pas 
tous les éléments du récit de la Genèse, on en trouve 
du moins un grand nombre, et même un cylindre re- 
présentant la tentation (fig. 564). — 2» Il en est de même 
pour les Arabes et les musulmans, qui, du reste, ont 
emprunté heaucoup à la Bible. Ils placent générale- 
ment l'Éden en Asie, soit dans les environs de Damas 
en Syrie, ou en Chaldée, ou en Perse ou dans l'Ile de 
Serandib, c'est-à-dire à Ceylan. Voir d'Herbelot, Biblio- 



thèque orientale, in-f», Paris, 1697, article Germai, 
p. 378, cf. p. 773, 816, etc. — 3» D'après les traditions 
aryennes, l'homme a vu le jour sur une des grandes 
montagnes de l'Asie centrale, à côté des sources des 
grands fleuves. Les Iraniens plaçaient le berceau de 
l'espèce humaine au nord, sur l'Albordj, pôle et centre 
du monde, qui s'élève jusqu'au ciel et où prend 
naissance la source céleste Ardvi-Çoura, appelée le pa- 
lais des ruisseaux, qui entretient l'arbre de vie Baoma 
et d'où s'épanchent quatre fleuves. Les livres zends 
nous montrent en Yima le représentant de l'âge d'or, 
d'une époque idéale où la vie était en tous pointa 
jouissance et plaisirs. R. Roth, Die Sage von Dschern- 
schid, dans la Zeilschrift der deulschen morgenlândis- 
chen Gesellschaft, t. iv, 1850, p. 420; Westergaard, 
Beitrag zur altiranischen Mythologie, dans A. Weber, 
Indische Studien, t. m, Berlin, 1855, p. 410; Spiegel, 
Eranische Aller thumshunde, t. I, 1871, p. 439, 528- 
529; Fr. Windischmann, Zoroastrische Studien, in-8", 
Berlin, 1863, p. 19, 165. — 4» Les Grecs et les Latins 
plaçaient l'âge d'or aux commencements de l'humanité. 
Hésiode, Opéra et dies, 109-120, édit. Didot, p. 33, nous- 
le dépeint sous les plus riantes couleurs et l'appelle 
Xpuireov yévoç. Cf. Platon, Cratyl., xvi, édit. Didot, 
p. 293. Dicéarque, dans un passage conservé par Por- 
phyre, De abstin., iv, 1, 2, lui donne le même nom et 
le décrit dans des termes analogues. Historicorum 




564. 



.fc^ gStr- 



- Sceau cylindre assyro-chaldéen rappelant la .tentation 
de nos premiers parents par le serpent. 



Grxcorum fragm., édit. Didot, t. n, p. 233. Cf. la descrip- 
tion de Yaurea setas d'Ovide, dans ses Métamorpho- 
ses, i, 89-112, édit. Teubner, 1873, t. n, p. 3-4; Lucien, 
Salum., 7, édit. Didot, p. 719; Tacite, Ann., m, 26, 
édit. Lemaire, t. i, p. 518; Macrobe, Somn. Scip., H r 
10, édit. Teubner, 1893, p. 617. 

Voir Had. Reland, Dissertatio de situ Paradisi ter- 
restres, dans ses Disserlationuni miscellanearum Pars 
prima, in-12, Utrecht, 1706, p. 3-55; Bertheau, Beschrei- 
bung der Loge des Pafadieses, 1848; Frd. Delitzsch, 
U'o lag das Parodies? in-8°, Leipzig, 1881; W. F. War- 
ren, Paradise found, the Cradle of the human Race at 
the North Pôle, in-12, Londres, 1886; A. Jp.remias, Das 
Paradies des erst-geschaffenen Menschen in Eridu, 
dans Bôlle und Paradies bei den Babylonien (Der 
alte Orient), Hett 3, in-4», Leipzig, 1900, p. 26-30; J. B. 
Winer, Biblisches Beahvôrterbuch, t. i, p. 284. 

F. Vigouroux. 

PARÀLIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES). 
— I. Place et unité. — Ces deux livres sont placés dans 
la Bible hébraïque actuelle à la suite des livres d'Esdras 
et de Néhémie, et dans les Bibles grecque et latine 
après les livres des Rois. Saint Mêliton, dans Eusèbe, 
H. E., iv, 26, t. xx, col. 396-397, et Origène, In Ps. i, 
t. xii, col. 1084, reproduisant le canon juif des Livres 
Saints, mettent cependant les Paralipomènes immédia- 
tement après les Rois. Saint Épiphane, De ponderibus 
et mensuris, n. 4, 23, t. xliii, col. 244, 277, les nomme 
même avant ces livres. Saint Jérôme", Prologus galeatus, 
t. xxviii, col. 554, les place avant Esdras, Néhémie et 
Ksthér. Ailleurs toutefois, Episl., lui, ad Paulin., 7, 



2129 



PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2130- 



t. xxn, col. 548, il met Esther avant les Paralipomènes. 
Si donc ces livres occupent la dernière place dans la 
Bible hébraïque actuelle parmi les ketoubim, ce n'est 
que depuis l'époque du Talmud. Ce placement se justifie 
difficilement, puisqu'il rompt l'ordre chronologique des 
événements racontés, les Paralipomènes s'arrêtanl au 
moment où commence le récit d'Esdras. Laisse-t-il sup- 
poser, comme le pense M. L. Gautier, Introduction à 
l'Ancien Testament, Lausanne, 1906, t. n, p. 307-308, 
que les Paralipomènes, d'abord mis hors du canon hé- 
braïque parce qu'ils faisaient double emploi avec les 
Rois, auraient été remis plus lard dans ce canon, mais 
en dehors de leur ordre primitif? On peut penser plutôt 
qu'ils ont été considérés comme un résumé de l'histoire 
sainte, racontée dans toute la Bible hébraïque, et placés 
pour cette raison à la fin de cette Bible. 

Primitivement, ces deux livres ne formaient réelle- 
ment qu'un seul ouvrage. Les anciens ne les comptaient 
que comme un seul livre. Josèphe,, Cont. Apion., i, 8; 
Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 581 ; 
S. Jérôme, Prologus gàleatus, t. xxviu, col. 554. Une 
note inassorétique désigne I Par., xxvn, 5, comme le 
milieu du livre, considéré encore comme un ouvrage 
unique. On attribue généralement aux premiers tra- 
ducteurs grecs le partage en deux livres, qui a passé 
dans la Vuîgate latine. La longueur de l'ouvrage a oc- 
casionné sa division, S. Jérôme, In libr. Par. prse- 
falio, t. xxix, col. 402, et la coupure a été faite ration- 
nellement : le I er livre se termine avec le règne de Da- 
vid et le II G commence à l'avènement de Salomon. Cette 
division n'a été introduite dans la Bible hébraïque qu'en 
1517 par Daniel Bomberg. Les critiques modernes pen- 
sent même qu'originairement les Paralipomènes ne 
formaient avec les livres d'Esdras et de Néhémie qu'un 
ouvrage unique, dont les parties étaient disposées sui- 
vant l'ordre naturel de la chronologie. Voir EsdRas 
(Premier livre d'), t. h, col. 1934-1935. 

II. Noms. — 1° Nom hébreu. — Ces livres portent en 
hébreu le titre de Dibrê hayyâmîm, Vcrba dierum, 
selon la traduction de saint Jérôme. Mais ce titre serait 
mieux traduit par Res gestes dierum, « gestes, actes de 
chaque jour, journal. » Il est identique au début du 
titre des sources citées fréquemment dans les Rois. 
Saint Jérôme, Prologus galeatus, t. xxvm, col. 554, l'a 
expliqué plus clairement par Chronicon lolius divin» 
historiée, toute l'histoire sainte réduite en annales. C'est 
pourquoi les protestants allemands désignent ordinai- 
rement ce livre sous le nom de « la Chronique », et les 
protestants anglais et français par celui de « les Chro- 
niques ». Les critiques modernes adoptent encore le 
titre de « livres des Annales ». 

2° Nom grec. — Les premiers traducteurs grecs ont 
donné aux deux livres qu'ils ont séparés le nom de 
n«paX£i7td|jiev«, qui a été latinisé en Paralipomena dans 
l'Italique et la Vulgate, et d'où vient le nom de Parali- 
pomènes, généralement employé par les catholiques. 
Bâcher, ûer Name der Bûcher der Chronik in der 
Septuaginla, dans Zeilschrijt der altteslament. Wis- 
senschaft, 1895, p. 305-308, a conclu du rapprochement 
des titres du codex Alexandrinus, de la Peschito et de 
la version éthiopienne, que le titre complet était vrai- 
semblablement : IIapa}.siTO[i.Eva tftv fjamXéwv-^iSaat- 
),Ei(iv ?) 'Io-jSâ, « le livre des Chroniques dés rois de 
Juda. » Le nom grec du livre a été interprété de deux 
manières différentes : 1. Beaucoup de Pères l'ont com- 
pris dans le sens de « choses omises » ou de « supplé- 
ments », parce que le livre comblait les lacunes des 
livres des Rois. Théodoret, In I Par.; In lib. Reg., 
praef., t. lxxx, col. 801, 529; Procope de Gaza, In lib. 
1 Reg., proœm.; In 1 Par., procem., t. lxxxvii, col. 1080- 
1081, 1201; Synopsis Script, sac., attribuée à S. Atha- 
nase, xj, 19, t. xxvm, col. 328; Synopsis Script, sac, 
attribuée à S. Chrysostome, t. lvi, col. 357. Cette in- 



terprétation, résultant vraisemblablement de la place 
des Paralipomènes dans les Septante, immédiatement 
après les Rois, ne rend pas compte, quoi qu'en ait dit 
Théodoret, de tout le contenu du livre ; elle n'a non plus 
aucun rapport avec le titre hébreu. Saint Jérôme, Epist. 
lui, ad Paulin., 7, t. xxn, col. 548, l'a précisée en 
reconnaissant dans les Paralipomènes un Instrument 
veteris epilome, résumant les livres antérieurs et com- 
plétant les livres des Rois. Cf. S. Isidore de Séville, In 
lib. V. et N. T. proœmia, 29, t. lxxxiii, col. 162; 
Etym., vi, 2, n. 12, t. lxxxii, col. 231. Les anciens ont 
donc considéré les Paralipomènes surtout comme un 
ouvrage complémentaire, complétant les livres des Rois. 
2. Mais des critiques modernes, à la suite de Movers, 
voient dans le titre grec 7tapa).eiTtô[n,sva l'équivalent du 
latin transmissa. Ainsi compris, ce titre rendrait bien; 
le caractère de l'ouvrage, qui est un recueil de fragments' 
d'anciens écrits, de documents conservés en dehors des' 
livres canoniques, et il serait une bonne interprétation 
du titre hébreu. 

III. Analyse. — Le livre des Paralipomènes est, de 
tous les livres de l'Ancien Testament, celui qui embrasse 
la période la plus longue : il commence par Adam et 
il finit par l'édit de Cyrus (538). Il est donc parallèle à 
toute la série des livres historiques de l'Ancien Testa- 
ment, au Pentateuque et aux prophètes antérieurs. Il s 
nécessairement avec eux de nombreux points de contact. 
Si on considère à la fois la nature du contenu et la mé- 
thode suivie, on divise les Paralipomènes en deux par- 
ties principales : la première ne contient que des gé- 
néalogies des temps primitifs et des tribus d'Israël, 
I Par., i-ix; les talmudistes lui avaient donné des titres 
spéciaux, J. Fûrst, Der Kanon des A. T. nach den Ueber- 
lieferungen in Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868, 
p. 118; la seconde raconte l'histoire du peuple de Dieu 
dans le seul royaume de Juda depuis David jusqu'à 
l'édit de Cyrus. I Par., x-II Par., xxxvi. En n'envisa- 
geant que le contenu seul, on a partagé le livre en trois 
ou quatre sections : la première, comprenant toujours 
les généalogies du début, I Par., i-ix, la seconde, le règne- 
de David, 1 Par., x-xxix, la troisième, l'histoire des 
autres rois de Juda, (I Par., i-xxxvi, ou si on met à 
part le règne de Salomon, II Par., i-ix, on obtient une 
4° section pour les rois suivants à partir du schisme des 
dix tribus. II Par., x-xxxvi. La première division en; 
deux parties nous paraît plus logique. 

J re partie. Livre des généalogies. I Par., i-ix. — On 
peut le subdiviser en trois sections : i re section, généa- 
logie des patriarches d'Adam à Jacob, i, 1-54. — Elle est 
extraite de la Genèse; elle laisse de côté la postérité de 
Caïn et ne s'occupe que des descendants de Seth. A 
partir de Noé, elle indique cependant, en outre de la 
ligne directe, les branches latérales, telles que celles 
de Japheth et de Cham, 5-16, d'Ismaël et des fils de Cé- 
thura, 29-34 a, et d'Ésaû, 35-54. — h» section, généalogie 
des douze fils de Jacob, n, 1-vin, 40. -r Titre, n, 1, 2.' 
L'ordre du titre n'est pas suivi : 1° pour la généalogie 
des tribus, les descendants de Juda sont énumérés les 
premiers, il, 3-iv, 23, vraisemblablement parce que de 
celte tribu est issue la dynastie de David. 11 y a sur eux 
de nombreux détails : 1. les descendants immédiats de 
Juda, il, 3-9; 2. la postérité des fils d'Hesron : Ram. 10- 
17, Caleb, 18-21, Segub, 22-23, Hesron par Abia, 24,. 
Jerameel, 25-41, autres descendants de Caleb, 42-50 a, 
fils de Hur, 50 6-55; 3. généalogie des fils de David, m, 
1-9, suivie de la liste des rois de Juda, descendants de 
David selon l'ordre de primogéniture, 10-14, avec indi- 
cation des fils de Josias, 15, de Joakim, 16, de Jécho- 
nias, 17, 18, de Phadaia et de Zorobabel, 19-24; 4. nou- 
veau tableau généalogique de la tribu de Juda, îv, 1-23,. 
qui complète le c. n. 2° Généalogie de Siméon, dont la 
tribu vivait au milieu de Juda, IV, 24-27, avec des détails 
topographiques sur les divers habitants de la tribu, 28- 



2131 



PARÂLIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2132 



37, et sur ses migrations â Gador et à Séir sous le règne 
d'Ézéchias, 38-43. 3» Généalogie des tribus transjorda- 
niques : Ruben, v, 1-10, Gad, 11-17, avec des détails 
historiques, 18-22, et demi-tribu de Manassé, 23-25, avec 
mention de l'invasion de Théglathphalasar, 26. 4° Gé- 
néalogie de Lévi jusqu'à la captivité, vi, 1-53, et indi- 
cation des villes lévitiques, 54-81. 5" Généalogie des 
autres tribus dans cet ordre : Issachar, vu, 1-5, Benja- 
min, 6-12, Nephthali, 13, Manassé, 14-19, Éphraïm, 20- 
29, Aser, 3040. Zabulon et Dan sont omis, à moins que 
le verset 126 ne soit un reste de la généalogie de ce 
■dernier. En appendice, il y a une longue généalogie de 
quelques familles de la tribu de Benjamin, vin, 1-40, en 
particulier, généalogie de Saûl, 29-40. — m e section. Énu- 
mération des premiers habitants de Jérusalem après le 
retour de l'exil, ix, 1-34, cf. II Esd., xi, 3-24, avec répé- 
tition de la généalogie de Saûl, 35-44. On explique di- 
versement cette répétition. Les uns pensent qu'elle a 
été faite pour préparer le récit de la mort de ce roi. 
Les autres estiment que la liste, ix, 1-34, a été emprun- 
tée à II Esd., xi, 3-24, et placée soit avant soit après la 
■généalogie de Saûl, ijui, par suite, a été répétée dans 
las manuscrits. 

11 e partie. Histoire du peuple deDieudans le royaume 
de Juda, de David à l'édit de Cyrus. I Par., x-UPar., 
xxxvi. — Cette partie narrative du livre comprend trois 
sections. — v section. Règne de David. I Par., x-xxix. 
— 1" Introduction : récit de la défaite et de la mort de 
Saûl, x; 2° élection de David à Hébron et conquête de 
Jérusalem, xi, 1-9; 3° listes des vaillants guerriers de 
David, 10-46, cf. II Reg., xxm, 8-39, et de ses plus an- 
ciens partisans, provenant de différentes tribus, xn, 1- 
22; contingent des tribus israélites venu à Hébron pour 
l'élection de David, 23-40; 4" transport de l'arche chez 
Obédédon, xm, 1-14; construction du palais du roi, 
XIV, 1-2; enfants de David nés à Jérusalem, 3-7; guerres 
contre les Philistins, 8-17; translation de l'arche à Jéru- 
salem, xv, l-xvi, ! 3; organisation du culte, xvi, 4-43; 
5° projet de construire un temple au Seigneur, aban- 
donné par un ordre de Dieu, transmis par le prophète 
Nathan, xvii, 1-27; 6° guerres de David : contre les Phi- 
listins et les 'Moabites, xvm, 1-2; contre Adarézer, roi 
de Soba, et son allié, le roi de Damas, 3-11; contre les 
Iduméens, 12-13; organisation de la maison du roi, 14- 
17; première campagne contre les Ammonites et les 
Syriens, leurs alliés, xix, 1-19; seconde campagne contre 
les Ammonites, xx, 1-3; autres guerres contre les Phi- 
• lislins, 4-7; 7" dénombrement du peuple, peste qui en 
est le châtiment, érection d'un autel sur l'aire d'Oman, 
xxi, 1-30; 8° préparatifs pour la construction du temple, 
xxn, 1-19; 9° statistique détaillée des familles sacerdo- 
tales et lévitiques au temps de David, xxm-xxvi : dé- 
nombrement des lévites; leurs fonctions, xxni, 1-32; 
répartition des prêtres, fils d'Aaron, en 24 classes, xxiv, 
1-19; autres lévites, 20-31; organisation des chantres et 
des musiciens, xxv, 1-31; liste des portiers, xxvi, 1-19; 
des gardiens des trésors du sanctuaire, 20-28, et autres 
surveillants, 29-32; 10° organisation militaire et civile : 
listes des chefs de l'armée, xxvn, 1-15, des princes des 
tribus, 16-24, des administrateurs des biens et des pos- 
sessions de David, 25-31, et des conseillers du roi, 32- 
34; 11» discours de David aux chefs de l'armée et aux 
princes des tribus, et avis â Salomon au sujet du temple 
à bâtir, xxvm, 1-10; le roi donne à son fils le plan du 
temple et les ressources nécessaires pour confectionner 
les objets du culte, 11-19, avec des avis, 20-21 ; discours 
à l'assemblée entière sur les préparatifs du temple, 
xxix, 1-5; dons des chefs de l'armée et des princes du 
peuple, 6-9; David en remercie le Seigneur et ordonne 
au peuple de l'en remercier, 10-20; après les sacrifices 
offerts, Salomon reçoit l'onction royale, 21-25; résumé 
du règne de David, mort du roi, 26-28; sources du ré- 
cit de son règne, 29, 30. -- iv section. Règne de Salo- 



mon. II Par., MX. — 1" Sacrifice solennel offert par 
Salomon à Gabaon ; apparition divine; le roi demande la 
sagesse et l'intelligence, et Dieu lui accorde par surcroît 
les richesses et la gloire, i, 1-13; la puissance et les 
richesses de Salomon sont décrites, 14-17; 2° construc- 
tion^ dédicace du Temple : préparatifs, recensement 
des porteurs et des tailleurs de pierre, H, 1, 2; ambas- 
sade à Hiram pour demander un ouvrier habile et des 
matériaux, et réponse du roi de Tyr, 3-16; dénombre- 
ment des étrangers soumis aux corvées, 17, 18; cons- 
truction du Temple : emplacement, m, 1; début des 
travaux, 2; dimensions et description de l'édifice, 347; 
vases et ustensiles sacrés et portes dorées, IV, 1-v, 1; 
solennité de la dédicace, v, 2-vn, 10; Dieu annonce à 
Salomon ses faveurs, vu, 11-22; 3» fin du règne de 
Salomon : 20 ans après la dédicace du Temple, le roi 
bâtit les villes données par Hiram, vin, 1, 2; s'empare 
d'Emath Soba, réédifie Palmyre et d'autres places, 3-6 ; 
les descendants des Chananéens paient tribut et font les 
corvées, tandis que les Israélites ne fournissent que 
des généraux et des chefs, 7-10; palais construit pour 
la fille de Pharaon, 11; organisation du culte et du ser- 
vice des lévites, 12-16; flotte à Asiongaber, 17, 18; visite 
de la reine de Saba, îx, 1-12; richesses et magnificences 
de Salomon, 13-28; sources de son histoire, 29; durée 
de son règne; mort du roi et avènement de Roboam, 
30, 31. .— m e section. Les rois de Juda. II Par., x-xxxvi. 
— 1° Histoire du schisme à Sichem, x, 1-19; le Seigneur 
interdit aux Judéens d'attaquer les Israélites, xi, 1-4. 
2° Règne de Roboam : l re période de fidélité : le roi 
bâtit des villes fortes, 5-12; les prêtres et les lévites 
d'Israël passent en Juda et les Israélites fidèles viennent 
pendant trois ans sacrifier au temple de Jérusalem, 13- 
17; femmes et enfants de Roboam, 18-23; 2 e période 
d'infidélité, trois ans après le schisme, xn, 1; la 
5 e année du règne, invasion de Sésac, roi d'Egypte, qui 
pille Jérusalem, 2-12; résumé et jugement du règne, 
13-14,' sources de son histoire, 15; mort de Roboam et 
avènement d'Abia, 16. 3° Règne d'Abia : date, débuts et 
guerre contre Jéroboam, xm, 1-20; femmes et enfants 
d'Abia, source de son histoire, 21, 22; sa mort, xiv, la. 
4° Règne d'Asa : réforme religieuse, xiv, 16-5; forteresses 
et armée, 6-8; expédition de Zara qui fut battu, 9-15; 
prédiction d'Azarias, xv, 1-7; extension de la réforme 
religieuse, 8; renouvellement de l'alliance, 9-15; Maacha, 
mère du roi, déposée; piété d'Asa et paix de son règne, 
pendant35ans, 16-19; la 36 c année, attaqué par Baasa,Asa 
s 'allie avec Benadad et bat les Israélites, xvi, 1-6; reproches 
du prophète Hanani, qu'Asa fait mettre aux fers, 7-10; 
sources de cette histoire, 11 ; maladie et mort du roi, 
12-14. 5» Régne de Josaphat : le roi fortifie son royaume, 
est béni de Dieu, xvn, 1-5; réforme religieuse, 6-9; 
terreur des peuples voisins; les Philistins paient tribut, 
10, 11 ; Josaphat élève des forteresses et augmente son 
armée, dont les chefs sont recensés, 12-19; alliance 
avec Achab,*roi d'Israël, xvm, 1-3; après consultation 
contradictoire du Seigneur, 4-27, les alliés marchent 
contre Ramoth-Galaad; Josaphat échappe au danger, 
mais Achab est grièvement blessé et meurt, 28-34; re- 
proches adressés à Josaphat par le prophète Jéhu, xix, 
1-3; le roi s'efforce de ramener son peuple à Dieu et 
réorganise la justice, 4-11; guerre des Moabites et des 
Ammonites contre Juda; le roi ordonne un jeûne uni- 
versel, xx, 1-3; grande assemblée à Jérusalem ; Josaphat 
prie le Seigneur, 4-13 ; heureuse prédiction de Jahaziel, 
14-17; le roi, le peuple et les lévites en louent Dieu, 
18-19; confiance du roi, 20-21; les ennemis s'entre- 
tuent, 22-24; butin enlevé et action de grâces, 25-28; 
paix du royaume, 29-30; résumé du règne, 31-33; 
source de son histoire, 34 ; alliance avec Ochozias; 
construction d'une flotte, qui fut brisée, 35-37; mort de 
Josaphat, xxi, l'a. 6° Règne de Joram : conduite du roi 
â l'égard de ses frères, 164; résumé du règne, 5-7; 



2133 



PARA.LIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2434 



révolte de l'Idumée et de Lobna, 8-10; apostasie de 
Joram, 11.; lettre du prophète Élie contenant des me- 
naces qui se réalisent, 12-15; invasion des Philistins 
et des Arabes, 16, 17 ; maladie et mort du roi, 18, 19 ; 
résumé du règne, 28. 7» Règne d'Ochozias : avènement 
du roi, jugement sur son règne, xxn, 1-4; guerre avec 
Joram contre Hazaël; Joram blessé et visité par Ocho- 
zias, 5-7 a; Jéhu, l'adversaire de la maison d'Achab, 
tue Ochozias et ses neveux, 76-9. 8° Usurpation d'Atha- 
lie; seul Joas est sauvé par Josabeth, 10-12; chute 
d'Athalie et avènement de Joas, xxm, 1-21. 9° Règne de 
Joas : 1" période, pieux débuts du vivant de Joiada, 
qui fit épouser au roi deux femmes, xxiv, 1-3; restaura- 
tion du Temple, 4-14; mort de Joiada, 15-16; 2« période, 
infidélité du peuple et du roi, malgré les reproches des 
prophètes et en particulier de Zacharie, qui fut tué, 17- 
22; invasion des Syriens, qui vengent ce meurtre, 23, 
24; Joas est tué, 25, 26; source de son histoire, 27. 
10° Règne d'Amasias : durée et caractère, xxv, 1, 2; le 
roi tue les meurtriers de son père, mais pas leurs fils, 
3-4; il dénombre ses soldats et prend à sa solde des 
Israélites, que, sur l'avertissement d'un prophète, il 
congédie, 5-10; guerre Contre les Iduméens, 11-13; 
apostasie du roi, reproches d'un prophète, 14-16; pro- 
jet.non accepté de faire alliance avec Joas dTsraëi ; guerre 
entre Amasias et Joas, victoire des Israélites, 17-24; fin 
du règne d'Amasias, 25; source de son histoire, 26; 
mort du roi, 27-28. 11° Règne d'Osias : avènement, 
construction d'Ailath, xxvi, 1, 2; résumé du règne, 3-5; 
guerre contre les Philistins et les Arabes, 6, 7; les 
Ammonites paient tribut, 8; tours élevées à Jérusalem, 
9; richesses agricoles, 10; armée, 11-14; fortifications, 
15; apostasie du roi qui met la main à l'encensoir mal- 
gré l'opposition des prêtres, lèpre du roi, 16-21 ; source 
de l'histoire de ce règne, 22; mort du roi, 23. 12° Règne 
de Joatham : résumé, xxvn.l, 2; fortiûcations et guerre 
contre les Ammonites, 3-5; puissance du pieux roi, 6; 
source de son histoire, 7; durée du règne et mort du 
roi, 8, 9. 13° Règne d'Achaz : résumé du règne impie, 
xxvni, 1-4; le Seigneur livre Achaz aux rois de Syrie 
et d'Israël, 5-8; reproches du prophète Obed aux 
Israélites qui ramenaient des Judéens captifs, 9-11; 
opposition de quelques chefs aux soldats qui abandonnent 
le butin et renvoient les captifs, 12-15; Achaz demande 
alliance aux Assyriens, 16; invasion des Iduméens, des 
Philistins, 17-19, et de Théglathphalasar, 20-21 ; Achaz 
offre des sacrifices aux dieux de Damas, ferme le Temple 
et élève des autels à Jérusalem et en Juda, 22-25; source 
de son histoire, 26, sa mort, 27. 14° Règne d'Ézéchias : 
résumé, xxix, 1-2 ; le roi ouvre et restaure le Temple 
et réorganise le service des prêtres et des lévites, 3-19; 
il reprend le culte, dont il achève la réorganisation, 20- 
36; célébration extraordinaire de la Pâque, xxx, 1-27; 
idoles renversées en Juda, xxxi, 1; réinstallation des 
prêtres et des lévites dans leurs offices et leurs revenus, 
2-19; jugement sur le règne, 20, 21; invasion de Senna- 
chérib, xxxu, 1-23: maladie, prière et guérison du roi, 
24; son orgueil, dont il se repent ; son repentir éloigne 
le châtiment, 25, 26; richesses et travaux, 27-30; ambas- 
sade du roi de Babylone simplement mentionnée, 31 ; 
source de cette histoire, 32; mort du roi, 33. 15° Règne 
de Mariasse : résumé, xxxm, 1, 2; impiété du roL/3;10; 
il est emmené captif à Babylone par le roi des Assy- 
riens, 11 ; sa pénitence et son retour à Jérusalem, 12, 
13; il fortifie cette ville, détruit les idoles et rétablit le 
culte, 14-17; sources de son histoire, 18, 19; mort du 
roi, 20. 16" Règne d'Amon : résumé, 21-23; le roi est 
tué par ses serviteurs, 24; avènement de Josias, 25. 
17° Règne de Josias : résumé, xxxiv, 1, 2; la 12 e année 
de son règne, ce pieux roi détruit les idoles en Juda et 
en Israël, 3-7; à la 18 e au cours des opérations faites 
au Temple, 8-13, on découvre le livre de la loi de Moïse, 
14>21;la prophétesse Olda est consultée, 22-28; lecture 



de la loi et renouvellement de l'alliance, 29-32; le culte 
continue, 33; célébration de la Pàque, xxxv, 1-19; in- 
vasion de Néchao, que Josias veut arrêter, 20-22; blessé 
à Mageddo, Josias meurt; on le pleure, 23-25; source 
de son histoire, 26, 27, 18° Récit sommaire des règnes 
des derniers rois de Juda : avènement de Joachaz, 
xxxvi, 1; résumé de son règne, 2-3; Éliakim est mis-' 
sur le trône par le roi d'Egypte, 4; résumé de son 
règne, 5; il est emmené en captivité par Nabuchodo- 
nosor, 6, 7; source de son histoire, 8; durée et carac- 
tère du règne de Joachin, 9 ; captivité du roi et insti- 
tution de Sédécias, 10; durée et caractère du règne de 
ce dernier, 11, 12; révolte et apostasie du peuple, 13-16; 
sa punition par la captivité de Babylone, 17-21 ; édit de 
retour porté par Cyrus, 22, 23. 

IV. Caractères du livre. — /. en lui-même. — 
L'analyse du livre aide à saisir les procédés historiques 
et littéraires de l'auteur. Au premier aspect, ce livre 
apparaît comme une compilation de documents généa- 
logiques, statistiques et historiques. Le plan n'est pas 
uniforme et la première partie diffère de la seconde par 
la marche suivie et la nature du contenu. 

1° Plusieurs généalogies ne sont pas données d'une 
seule pièce ; on y revient à deux ou trois reprises diffé- 
rentes. Les trois généalogies de Caleb, I Par., il, 18-20, 
24, 42-55, et les deux de la tribu de Juda, I Par., n, 
3-55; îv, 1-23, et de Saùl, I Par., vm, 29-40; IX, 35-44, 
sont les exemples les plus frappants. Tandis que les 
exégètes catholiques y reconnaissent des suppléments, 
les critiques rationalistes y voient des doublets diver- 
gents et contradictoires. Ces tableaux complémentaires 
ont pu être reproduits à dessein par le chroniste bout 
à bout, parce qu'ils provenaient de documents différents 
qu'il voulait simplement transcrire. Mais il est probable 
que, dans cette hypothèse, il les aurait systématique- 
ment ordonnés, comme il l'a fait pour les documents 
de la seconde partie de son livre. Aussi peut-on légiti- 
mement penser que quelques-uns de ces morceaux jux- 
taposés sont des additions postérieures, des compléments 
surajoutés à une trame primitive. D'autre part, ces listes 
sont disproportionnées dans leur étendue. Plusieurs 
ne dépassent pas le règne de David, mais d'autres 
s'étendent beaucoup plus loin et vont parfois jusqu'à 
l'époque de la captivité. Ainsi la liste des rois de Juda, 
m, 10-16. Celle des lévites, vi, 1-53, va jusqu'à Salomon, 
La liste des premiers habitants de Jérusalem après le 
retour, ix, 1-34, dépasse même cette date. On s'est de- 
mandé si tout ce qui, dans ces généalogies, va au delà du 
temps de David n'était pas le fait d'additions à l'œuvre 
du chroniste. Mais celte supposition dépend de l'opinion, 
qui n'est pas démontrée, selon laquelle les neuf premiers 
chapitres servent de simple introduction historique au 
règne de David. En outre, on attribue ainsi au chroniste 
l'idée rigoureuse de ne pas dépasser dans cette intro- 
duction le temps auquel elle conduit. Enfin, ces listes 
ne sont pas uniformes. Quelques-unes ne sont que des 
séries de noms, sans lien généalogique; la plupart sont 
de vraies généalogies. Leur distribution n'est pas or- 
donnée de la même façon, et leur ordre est composite. 
Elles ne se bornent pas aux données généalogiques; 
elles sont complétées parfois par des renseignements 
topographiques et historiques, par exemple pour la tribu 
de Siméon,iv, 28-43, et pour les tribus transjordaniques, 
v, 18-22, 26, et par la mention des villes lévitiques, VI, 
54-81. Tout cela est l'indice d'une compilation de do- 
cuments plutôt que celui d'un résumé de l'histoire 
ancienne sous forme de généalogies. Voir F. de Hum- 
melauer, Numeri, Paris, 1899, p, 173-205. Au sen- 
timent de l'abbé de-Broglie, ces généalogies étaient 
considérées par les Israélites revenant de la captivité 
comme la preuve de véritables droits. Les généalogies 
bibliques, dans Congrès scientifique international des 
catholiques, Paris, 1889, t i, p. 113. 



2135 



PARALIPOMÉNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2136 



£o L'hisloire commence seulement au c. x avec le règne 
de David. La narration a de l'ampleur et fournit de 
nombreux détails sur certains règnes, notamment sur 
ceux de David, de Salomon,d'Asa, de Josaphat et d'Ézé- 
«hias, rois pieux. Les règnes des rois impies sont ordi- 
nairement racontés plus brièvement. On constate dans 
ces récits des procédés identiques d'exposition. Souvent, 
la mention de l'avènement du successeur suit dans la 
même phrase la mort de son prédécesseur. Le récit des 
règnes débute, ou par des renseignements généraux sur 
la durée du règne, les femmes et les fils du roi, ou par 
un résumé qui caractérise et juge favorablement ou 
défavorablement les actes du roi, sa fidélité à Dieu ou 
son infidélité. Parfois, ce jugement se trouve à la fin 
du règne, avant ou après l'indication des sources con- 
sultées, transcrites ou résumées. L'histoire de quelques 
règnes est faite par périodes tranchées, soit par des 
dates, soit par la différence des relations du roi avec la 
religion et le culte. Ainsi des règnes de Roboam et de 
Joas. Enfin, les récits sont coupas par des documents 
de statistique, des listes, des dénombrements, etc. 

I Par:, xi, 10-46; xxm-xxvn; II Par., n, 2, 17, 18. Ces 
documents semblent bien être des pièces étrangères, 
insérées par l'historien dans la trame de son récit. S'il 
en est ainsi, leur insertion confirme le caractère de 
compilation que présente l'œuvre entière. 

I). COMPARATIVEMENT AUX LIVRES HISTORIQUES AN- 
TÉRIEURS. — 1° Le livre des généalogies. I Par., i-ix. — 

II a avec les livres qui vont du Pentateuque aux deux 
livres de Samuel de nombreux poinlsde contact. Voici 
ces rapprochements : I Par.,i, 1-4, Gen., v;i, 5-23, Gen., 
x, 2-29; i, 24-27, Gen., xi, 10 et suiv.; i, 29-31, Gen., xxv, 
13-15; i,32, 33, Gen., xxv, 2-4; i, 35-54, Gen., xxxvi, 
10-43; h, 1, 2, Gen.,xxxv, 23-26; ii, 3-5, Gen., xxxvm, 
3-30; Gen., xlvi, 12; Num., xxvi, 19-22; n, 6-8, Jos., 
vu, 1; I (III) Beg., îv, 31; n, 9-12, Rulh, iv, 19-22; n, 
13-17, I Sam., xvi, 6-9; II Sam., ir, 18, xvn, 25; m, 1-9, 
II Sam., m, 2-5; v, 14-16; m, 1016, I et II Reg.; iv, 
24, Gen., xlvi, 10; Exod., vi, 15; Num., xxvi, 12, 13; 
iv, 28-33, Jos., xix, 2-9; v, 3-8, Gen., xlvi, 9; Exod., vi, 
14; Num., xxvi, 5, 6; Jos., xiu, 16, 17; vi, 1-3, Gen., 
xlvi, 11 ; Exod., vi, 16, 18, 20, 23; xxviii, 1 ; Num., m, 
2; vi, 16-19, 22, Exod., vi, 16-19, 24; vi, 26-28, 33-35, 

I Sam., i, 1; vin, 2; vi, 54-81, Jos., xxi, 10-39; vu, 1-5, 
Gen., xlvi, 13; Num., xxvi, 23, 24; vu, 6-12, Gen., xlvi, 
21; Num., xxvi, 38-40; vu, 126/ Gen., xlvi, 23; Num., 
xxvi, 42; vu, 13, Gen., xlvi, 24; Num., xxvi, 48, 49; 
vu, 14-19, Num., xxvi, 29; xxvu, 1; vu, 20-29, Num., 
xxvi, 34-38; vu, 30-40, Gen., xlvi, 17; Num., xxvi, 44- 

.47; vin, 1-28, Gen., xlvi, 21; Num., xxvi, 38-40; vm, 
29-40, ix, 3544, I Sam., ix, 1; xiv, 49-51; II Sam., n, 8; 
iv, 4; ix, 12. Les renseignements généalogiques de ce 
livre ne sont pas toutefois empruntés de toutes pièces 
aux livres canoniques antérieurs; ils sont complétés 
par d'autres données puisées ailleurs, et il y a des mor- 
ceaux étendus qui dérivent d'autres sources. Voir t. ni, 
col. 160-161. Cf. abbé de Broglie, Les généalogies bi- 
bliques, Paris, 1889, t. i, p. 149-151. 

2" L'histoire des rois de Jvda. — Elle présente avec 
la même histoire, telle qu'elle est racontée dans les 
livres de Samuel et des Rois, à la fois bien des points 
de contact et de nombreuses dillérences. — A) Rappro- 
chements. — a) Règne de David. — I Par., x, 1-12, 1 Sam., 
xxxi; xi, 1-9, Il Sam., v, 1-3, 6-10; xi, 10-41, II Sam., 
xxm, 8-39; xui, 1-5, II Sam., vi, 1 ; xm, 6-14, II Sam., 
vi, 2-11; xiv, 1-16, II Sam., v, 11-25; xv, 25-xvi, 3, 

II Sam., vi, 12-19; xvi, 43, II Sam., vi, 19, 20; xvn, 
xviii, II Sam., -vn, vni;xix, II Sam., x;xx, 1-3,11 Sam., 
xi, 1; xii, 26, 30, 31; xx, 4-8, II Sam., xxi, 18-22; xxi, 
1-5, II Sam., xxiv, 1-9; xxi, 8-27, II Sam.,xxiv, 10-26; 
xxix, 23, 27, I Reg., n, 11, 12. — b) Règne de Salo- 
mon. — II Par., i, 3,1 Reg., m, 4; i, 6-13,1 Reg., m, 4- 
13, 51; iv, 1; i, 14-17, I Rag., x, 26-29; H, 2, IReg., v, 



15, 16; h, 3-16, 1 Reg., v, 2-9; n, 18, I Reg., v, 15, 16; 
III, 1-13, I Reg., vi, 1-3, 5-35; m, 15-17, I Reg., vu, 15- 
21; iv, 2-5, I Reg., vu, 23-26; iv, 6-v, 1, I Reg., vu, 38- 
51; v, 2-11, IReg., vin, 1-10; v, 13-vi, 39, I Reg., vm, 
10-50; vu, 4, 5, 7-12, I Reg., vm, 62-ix, 3; vu, 16-22, 
I Reg., ix, 3-9; vm, 1, I Reg., ix, 10; vm, 4-11, 1 Reg., 
ix, 17-24; vm, 12-16, I Reg., ix, 25; vm, 17, 18, 1 Reg., 
ix, 26-28; ix, 1-24; I Reg., x, 1-25; ix, 25-26, 1 Reg., ny 
26; x, 26, iv, 21 ; ix, 27, 28, 1 Reg., x, 27, 28; ix, 30,31, 
I Reg., xi, 42-43. — c) Les rois de Juda. — II Par., x, 
I Reg., xii, 1-19; xi, 1-4, I Reg., xu, 21-24; xu, 2, 9, 

I Reg., xiv, 25; xu, 9-11, 13, I Règ., xiv, 26-28, 21; 
xu, 15, I Reg., xiv, 30; xv, 6; xu, 16, I Reg., xiv, 31; 
xiii, 1, 2, I Reg., xv, 1, 2, 7; xm, 23, IReg., xv, 8; xiv, 
1-4, I Reg., xv, 11, 12; xv, 16-18, I Reg., xv, 13-15; 
xvi, 1-6, I Reg., xv, 17-22; xvi, 2-14, I Reg., xv, 23-24; 
xvn, 1, I Reg., xv, 24; xvm, I Reg., xxu, 1-35; xx, 31- 
33, I Reg., xxu, 41-44; xx, 35-37, 1 Reg., xxu, 49, 50; 
xxi, 1, I Reg., xxu, 51; xxi, 5-10, II Reg., vm, 17-22; 
xxi, 20, II Reg., vm, 17, 24; xxu, 1-6, II Reg., vm, 24- 
29; xxu, 7-9, II Reg., îx, 21; x, 13, 14, ix, 27, 28; xxu, 
10-xxiv, 14, II Reg., xi, 1-xn, 14; xxiv, 23-27, II Reg., 
xu, 17, 18, 20, 21; xxv, 1-4, II Reg., xiv, 2, 3, 5, 6; 
xxv, 11, II Reg., xiv, 7; xxv, 17-24, II Reg., xiv, 8-14;- 
xxv, 25, 27, 28, II Reg., xiv, 17,19, 20; xxvi,l-4;IIReg., 
xiv, 21, 22; xv, 2, 3; xxvi, 20, 21, 23, II Reg., xv, 5, 7; 
xxvu, 1-3,8,9, II Reg., xv, 33-35,38;xxvm,l-5,II Reg., 
xvi, 2-5; xxvm, 16, 21, 24, 27, II Reg., xvi, 7, 8, 17,20; 
xxix, 1,2, II Reg., xvm, 2, 3; xxxn, 1, II Reg., xvm, 
13; xxxn, 9-21, II Reg., xvm, 17-xix, 37; xxxu, 24, 

II Reg., xx, 1-11; xxxn, 30, II Reg., xx, 20; xxxn, 31, 
II Reg., xx, 12-19; xxxm, 1-10, IIReg.,xxi, l-10;xxxui, 
20-25, II Reg., xxi, 18-24; xxxiv, 1, 2, II Règ., xxn, 1, 
2; xxxiv, 3-7,11 Reg., xxin, 4-20; xxxiv,8-12, Il Reg., 
xxu, 3-7; xxxiv, 15-32, II Reg., xxn, 8-xxm, 3; xxxv, 
1, 6, 18, 19, II Reg., xxm, 21-23; xxxv, 20-24, II Reg., 
xxm, 29, 30; xxxvi, 1-4, II Reg., xxm, 30, 31; xxiv, 1, 
6; xxxvi, 9, 10, II Reg., xxiv, 8, 9, 13, 15, 17; xxxvi, 
11-13, II Reg., xxiv, 18-20; xxxvi, 17-21, IIReg., 
xxv, 1, 8-17, 22. 

jB) Différences. — Elles consistent en omissions, 
en modifications et en additions. — a) Omissions. — 
Du règne de Saùl, il n'est rapporté que la fin et 
encore omet-on le' détail du cadavre du roi suspendu 
aux murs de Bethsan. I Sam., xxxi, 10. Dans l'his- 
toire de David, il n'est rien dit du règne de ce prince 
à Hébron, II Sam., i-iv; des reproches de Michol à 
David, parce qu'il avait dansé devant l'arche, et de 
la réponse du roi, II Sam., vi, 20-23; de la con- 
duite de David à l'égard de Miphiboseth et de Siba, 
II Sam., ix; de l'adultère de David et du meurtre 
d'Urie, II Sam., xi, 2-xii, 25; de l'attentat d'Ammon 
sur Thamar, de son meurtre par Absalom, de la fuite, 
du retour, de la révolte et de la mort de ce dernier, ni 
de la révolte de Siba, II Sam., xin-xx; de l'abandon 
des fils de Saùl aux Gabaonites, II Sam., xxi, 1-14; 
d'une guerre de David contre les Philistins, ibid., 15-17; 
du cantique d'actions de grâce et des dernières paroles 
de David, II Sam.,xxii-xxm; de l'usurpation d'Adonias 
et du sacre de Salomon, I Reg., i; des recommanda- 
tions suprêmes de David à Salomon. I Reg., n, 1-9. Si 
quelques-uns des faits omis sont défavorables à la mé- 
moire du roi, d'autres sont à son honneur. Le silence 
sur tout ce qui ne serait pas honorable pour son héros 
n'est donc pas la seule explication de ces omissions. 
De même, dans l'histoire de Salomon, le chroniste omet 
la déposition et le bannissement d'Abiathar, ainsi que 
l'exécution de Joab et de Séméi, I Reg., n, 26-46; le 
mariage du roi avec la fille du pharaon, I Reg., m, 1; 
le jugement rendu dans l'affaire des deux mères,IReg., 
m, 16-28; les officiers de Salomon, l'étendue de son 
royaume, la paix de son règne, le nombre de ses che- 
vaux et chariots, I Reg., iv; la construction du palais 



2137 



PARALIPOMÈNES (LES DEUX- LIVRES DES) 



2138 



royal, I Reg., vn, 1-12; la description des ornements et 
des ustensiles du Temple, I Reg., vu, 13-39; la prière 
du roi à la dédicace du Temple, I Reg., vin, 53. 56-61; 
ses femmes, son idolâtrie, la prophétie qui lui annonce 
le schisme des dix tribus, I Reg., xi, 1-13. Ici encore, 
les omissions ne s'expliquent pas toutes par le désir de 
ne pas ternir la réputation du sage roi, puisque le juge- 
ment qui l'a rendu si célèbre est passé sous silence. A 
partir du schisme des dix: tribus, il n'est parlé du 
royaume d'Israël qu'au sujet des guerres et des alliances 
des rois de Juda avec ceux de ce royaume. L'histoire 
des rois de Juda elle-même présente des lacunes. Ainsi 
sont omis la prise de Geth par Hazaël durant la guerre 
contre les Syriens sous le règne de Joas el le tribut 
payé aux vainqueurs, II Reg., xu, 17, 18; les coups 
portés aux Israélites par les Assyriens et la destruc- 
tion du royaume de Damas. II Reg., xvi, 5-18. Enfin, à 
partir de Manassé, le nom de la mère des sept derniers 
rois de Juda, quoiqu'il se trouve dans le II e livre des 
Rois, n'est pas reproduit, bien que le chroniste ait cité 
les noms des mères des rois précédents. Ajoutez-y de 
nombreux détails des récits parallèles des Rois; ils ont 
disparu par suite de la manière dont les faits sont pré- 
sentés, ou bien les récits sont abrégés et ne mentionnent 
que les circonstances principales. 

b) Modifications. — Elles sont plus ou moins notables 
selon les cas. Indiquons-en quelques-unes. Le récit de 
la prise de Jérusalem par David, IPar., xi, 4-9; II Sam., v, 
6-10; dans la liste des guerriers de David, I Par., xi, 10-47; 
cf. II Sam . , xxiii, 8-39, le titre est adapté à la place assi- 
gnée, les noms propres et les chiffres différent; le récit 
du transfert de l'arche, I Par., xm, 1-14-, est plus déve- 
loppé que celui de II Sam., vi, 1-11; ce qui concerne 
les guerres de David et les fonctionnaires royaux, 

I Par-, xviii, diverge en partie du récit, II Sam., vin. 
Le récit du dénombrement du peuple, I Par., xxi, com- 
paré avec II Sam., xxiv, présente d'intéressantes va- 
riantes : Satan est substitué à Dieu comme ayant incité 
David à faire le dénombrement; les chiffres ne coïn- 
cident pas; selon le chroniste, Lévi et Benjamin n'ont 
pas été recensés; la durée de la famine n'est pas la 
même; la description du fléau et de sa cessation n'est 
pas identique en plusieurs détails. L'architecture et 
l'aménagement du Temple sont décrits, II Par., nr, 3- 
17, d'une façon plus concise que dans I Reg., VI, 2-vii, 
22. Dans le transfert de l'arche, ce sont les lévites, 

II Par., v, 4, qui la portent, au lieu des prêtres. I Reg., 
vm, 3. Le chroniste distingue trois périodes dans le 
règne de Roboam; il fournit des dates précises pour 
les faits principaux du règne d'Asa. Les prêtres et les 
lévites jouent le rôle capital dans le complot qui amena 
la chute d'Alhalie. Pour le règne d'Èzéchias, l'invasion 
de Sennachérib, la maladie du roi et l'ambassade de 
Mérodach-Baladan sont très abrégées. Les événements 
du règne de Josias sont groupés autrement que dans le 
livre des Rois et classés chronologiquement. Les der- 
niers règnes n'ont donné lieu qu'à une narration som- 
maire, beaucoup plus brève que celle des Rois et diver- 
gente en plusieurs points. 

c) Additions. — Les plus considérables sont les sui- 
vantes : la liste des premiers partisans de David et des 
personnages qui l'élurent roi à Hébron, I Par.,fxH; les 
préparatifs faits par David pour la construction du 
Temple, I Par., xxh; les listes des prêtres et des lévites 
à cette époque avec l'indication de leurs fonctions, 
I Par., xxiii-xxvi; les officiers de l'armée de David et 
les chefs des tribus, I Par., xxvil, 1-24; les dernières 

. dispositions prises par David au sujet de la construc- 
tion du Temple; les suprêmes avis de ce roi à Salomon 
et à l'assemblée générale du peuple, I Par.,xxvm-xxix; 
les forteresses élevées par Roboam ; la venue des prêtres 
d'Israël en Juda; les femmes et les enfants du roi, 

-II Par., xi, 5-23; les détails de la guerre d'Abia avec 



Jéroboam; les femmes et les enfants du roi, II Par., xm, 
2-22 ; la victoire d'Asa sur Zara, roi d'Ethiopie, II Par. , xi v, 
8-14; la prophétie d'Azarias qui décide Asa à réprimer 
l'idolâtrie en Juda, II Par., xv, 1-15; le mauvais accueil 
fait par le même roi au prophète Hanani, II Par., xvi, 
7-10; l'âge d'Asa au moment de sa mort, II Par., xvi^ 
13-14; les efforts de Josaphat pour mettre son royaume 
en sécurité, pour en extirper l'idolâtrie et faire instruire 
son peuple, II Par., xvn; les reproches adressés à ce 
roi par le prophète Jéhu au sujet de son alliance avec 
Achab, roi d'Israël, et les avertissements de Josaphat 
aux juges et aux lévites, II Par., xix; l'invasion des 
Moabites, des Ammonites et des Syriens, qui s'entre- 
tuent, II Par., xx, 7-30; Joram fait périr ses frères, 
II Par., xxi, 2-4; l'idolâtrie de ce roi, sa punition an- 
noncée par une lettre du prophète Élie, II Par., xxi, 11- 
19; l'infidélité de Jôas après la mort du grand-prêtre 
Joiada, et les reproches deZacharie, qui est mis à mort, 
II Par., xxiv, 15-22; Amasias dénombre ses soldats et 
lève en Israël des mercenaires, qu'il renvoie sur l'ordre 
d'un prophète, II Par., xxv, 5-10; il introduit dans son 
royaume le culte idolâtrique des Iduméens et il en est 
blâmé par un prophète, II Par., xxv, 14-16,20; victoires, 
constructions et armée d'Osias, II Par., xxvi, 6-15; 
guerre de Joatham contre les Ammonites, II Par.,xxvn, 
5, 6; la Pâque est célébrée d'une façon extraordinaire 
par Ézéchias, II Par., xxx; ce roi réorganise le culte et 
prend des mesures pour l'entretien des prêtres et des 
lévites, II Par., xxxi, 2-21 ; Manassé est emmené captif 
à Babylone, se repent et est rétabli sur son trône, 
II Par., xxxin, 11-13; il fortifie Jérusalem et met des 
chefs dans toutes lesplaces fortesdeJuda.il Par., xxxin, 
14. Cf. F. "Vigouroux, Manuel biblique, n. 512, 12« édit., 
Paris, 1906, t. n, p. 152-157. — Ces caractères du livre 
vont nous servir à déterminer le but de l'auteur. 

V. But de l'auteur. — 1» On ne peut guère, avec les 
anciens exégètes, attribuer au chroniste comme lin uni- 
que et principale de compléter les livres historiques 
antérieurs et de combler leurs lacunes. Les Paralipo- 
mènes, en effet, s'ils contiennent un certain nombre 
d'additions, renferment beaucoup de faits, qu'ils ont en 
commun avec les livres de Samuel et des Rois. S'ils 
ne font pas suite à ces livres, ils leur sont parallèles et 
ils témoignent par leur contenu et leurs tendances un 
autre souci que celui de les compléter et de les conti- 
nuer. Leurs omissions, leurs modifications et leurs ad- 
ditions relativement aux livres de Samuel et des Rois 
convergent vers un autre but, quoiqu'elles dépendent 
de ces livres et soient faites par comparaison avec leurs 
récits. — 2» C'est en raison même de cette dépendance 
qu'on peut indiquer le but précis de l'auteur des Para- 
lipomènes. Etant donné le caractère dépendant de sa 
narration, il en résulte qu'il n'a pas voulu écrire l'his- 
toire complète de son peuple, mais qu'il s'est proposé 
plutôt de la récrire d'après les sources antérieures et 
selon des intentions spéciales. La Chronique est donc 
un ouvrage à part, quoique dérivé et secondaire, des- 
tiné à présenter l'histoire de Juda d'un point de vue 
déterminé. Son auteur, en effet, est dominé, en la ré- 
digeant, par une série de préoccupations et de préfé- 
rences : — 1. Il appartient au royaume de Juda auquel il 
s'intéresse exclusivement, puisqu'il ne parle du royaume 
d'Israël qu'autant que ses rois sont en relations d'alliance 
ou de guerre avec ceux de Juda. — 2. Il est un adepte 
fervent de la dynastie davidique. Si les généalogies ne 
préparent pas, comme on l'a dit, Mùhling, Uber die 
Généalogies der Chronik, I, i-ix, und deren Verhâlt- 
niss mm Zmeck dièses Bûches, dans Theologische Quar- 
talschrift, 1884, p.' 403-450, l'histoire du règne de 
David, la partie historique commence avec ce prince. Le 
règne de Saûl n'est pas relaté, sinon la mort de ce roi 
qui justifie l'élection de David, pas plus que les règnes 
des rois d'Israël, L'histoire des deux premiers princes. 



2139 



PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2140 



de cette dynastie, David et Salomon, est longuement 
racontée. On a prétendu même qu'elle avait été inten- 
tionnellement émondée et que c'est par attachement à 
la royauté de Juda que le chroniste avait passé sous 
silence les actes blâmables des rois légitimes, les péchés 
de David et les infidélités de Salomon. Mais, outre que, 
comme nous l'avons déjà remarqué, on constate l'omis- 
sion d'actes recommandables de ces deux chefs de la 
dynastie, les infidélités et l'idolâtrie de plusieurs de 
leurs descendants sont relatées; parfois même, elles 
sont plus fortement accentuées que dans les récits pa~ 
rallèles des Rois et elles sont toujours sévèrement 
jugées. Ce n'est donc pas par légitimisme, par royalisme 
convaincu, que le chroniste omet de rapporter les fautes 
de David et de Salomon; c'est plutôt parce que ces 
faits, comme les autres pareillement omis, ne rentraient 
pas dans ses vues. — 3. Il envisage continuellement 
Jérusalem, la ville sainte, avec son culte et son temple, 
plutôt que la capitale du royaume. C'est pour cela qu'il 
ne raconte pas en détail le règne de David à Hébron, 
tandis qu'il s'intéresse à tout ce qui se passe à Jérusa- 
lem, à ce qui y concerne la religion. Aussi raconte-t-il 
longuement les transferts de l'arche, le projet que Da- 
vid avait formé d'élever à Dieu un temple dans sa capi- 
tale, les préparatifs qu'il fit pour l'œuvre réservée à son 
fils, les matériaux rassemblés, les sommes d'argent 
ramassées, la construction et la dédicace du temple 
sous Salomon, l'organisation du culte, la célébration 
des fêtes solennelles et les réformes religieuses sous 
Josaphat, Ézéchias et Josias. — 4. Il fait encore une men- 
tion spéciale du sacerdoce aaronique, des lévites et en 
particulier des chantres et des musiciens. Tandis que les 
livres de Samuel et des Rois, faisant l'histoire d'Israël 
et de ses rois, en parlent très peu, le chroniste en parle 
avec complaisance, comme s'il était l'un d'eux. Il les 
fait intervenir dans les fêtes et les réformes; il relate 
leur organisation, leur service et leurs revenus, leurs 
droits et leurs fonctions. La plupart des additions, que 
nous avons constatées dans son œuvre, les concernent 
et ont trait aux institutions sacerdotales et lévitiques. 
Aussi parle-t-on couramment du « lévitisme » du chro- 
niste. — 5. Enfin, le chroniste a constamment envisagé 
l'histoire de Juda dans ses rapports avec la religion 
monothéiste, révélée par Dieu à son peuple, et dans les 
sanctions divines, attachées à la fidélité ou à l'infidélité 
de Juda. Les règnes sont jugés favorablement ou défa- 
vorablement, selon que les rois ont été monothéistes 
ou idolâtres, et conformément aux promesses divines, 
les princes fidèles à Dieu ont été bénis et récompensés, 
et les princes infidèles et coupables punis et châtiés. 
Manassé repentant est sorti de captivité et est remonté 
sur le trône. 

Cela étant, on est généralement d'accord aujourd'hui 
à reconnaître que le but du chroniste a été d'écrire 
l'histoire religieuse de Juda ou plutôt celle du culte 
judaïque. Kuenen appelait son çeuvre la chronique du 
Temple; Reuss, la chronique ecclésiastique de Jérusa- 
lem ; Wildeboer y voit l'histoire sainte de Juda. Le P. de 
Hummelauer, Commenlarius in Paralipomenon, Paris, 
1905, t. i, p. 203-205, pense que le chroniste ne voulait 
rapporter que l'histoire du sanctuaire de Jérusalem. 
Écrivant aprè,s le retour des Juifs captifs à Jérusalem, 
il a voulu inspirer à ses contemporains le respect du 
culte récemment restauré et promouvoir chez les prêtres, 
les lévites et les fidèles, son obvervation exacte et pré- 
cise. C'est pourquoi il relate avec détails son organisa- 
tion sous les pieux rois David et Salomon, ses splen- 
deurs et, après des éclipses regrettables, sa restauration 
sous Josaphat, Ézéchias et Josias. De son temps, le 
nombre des rapatriés était peu considérable, peu de 
lévites étaient revenus de Babylone, le Temple réédifié 
était moins spacieux et moins riche que l'ancien. Le 
chroniste veut encourager, sinon à rebâtir ce Temple, 



du moins à l'honorer et y pratiquer avec religion les 
cérémonies et les fêtes rétablies comme dans l'ancien 
Juda. Il propose pour cela les beaux exemples dupasse, 
ceux des rois pieux, et il montre qu'ils ont été récom- 
pensés de leur piété, tandis que les rois impies ont été 
châtiés. D'ailleurs, l'observation des 'prescriptions du 
culte était la marque visible de l'obéissance des Juifs 
au Dieu de l'alliance et des promesses. La communauté 
postexilienne devait s'instruire aux leçons du passé et 
observer la loi et le culte, si elle voulait persévérer 
dans l'alliance contractée par ses ancêtres et avoir part 
aux bénédictions, promises à la fidélité, et écarter d'elle 
les malédictions, prédites à l'infidélité. Le chroniste 
remettait donc sous les yeux de ses contemporains les 
exemples de l'histoire dans le dessein de favoriser 
l'observation de la loi et la pratique du culte ; secondai- 
rement, il se proposait encore, semble-t-il, d'honorer 
les lévites, leur ministère, leurs fonctions, peu appré- 
ciées, et d'encourager le petit nombre des lévites rapa- 
triés à la pratique régulière de leur service. Il reven- 
dique aussi leurs droits, contestés peut-être. 

Le P. de Hummelauer y ajoute comme but accessoire 
le soin de recueillir dans son œuvre, ne pereant, des 
documents, n'ayant qu'un rapport éloigné avec ce but. 
Ainsi, selon lui, op. cit., t. i, p. 47-49, le livre des gé- 
néalogies, placé en tête de l'histoire religieuse de Juda, 
n'a pour but ni de préparer cette histoire, ni de résu- 
mer sous forme de tableaux généalogiques l'histoire de 
la tribu de Juda, à laquelle appartenait David, ni de 
fournir des renseignements chronologiques sur les 
principales familles juives rapatriées. Le chroniste, en 
le plaçant en tête de son œuvre propre, a voulu seule- 
ment préserver de la ruine et transmettre à )a posté- 
rité des documents intéressants pour l'histoire et peu 
connus. De même, les documents statistiques, repro- 
duits dans l'histoire des rois de Juda, sans avoir avec elle 
un lien étroit et nécessaire, ont été insérés dans sa 
trame pour être conservés plus sûrement. Ces catalogues 
de guerriers, de lévites, ces listes de fonctions à remplir 
sont peut-être d'auteurs différents. Quelle que soit leur 
origine, le chroniste les a cités intégralement aux en- 
droits où son récit faisait allusion à leur contenu, pour 
qu'ils ne soient pas perdus, p. 207-211. 

VI. Date. — Le livre des Paralipomènes a certaine- 
ment été écrit après la fin de la captivité des Juifs à 
Babylone. Une partie de l'édit de Cyrus, autorisant les 
captifs à rentrer dans leur patrie, est citée à la fin du 
livre. II Par., xxxvi, 22, 23. Bien que le récit s'arrête 
antérieurement à l'application de cet édit, sa rédaction 
est cependant postérieure aux derniers événements 
racontés. En effet, la généalogie de la race de David est 
continuée, I Par., m, 19-24, au delà de Zorobabel, le 
contemporain de la restauration de 538. Les sommes" 
destinées à la réédification du Temple sont estimées en 
dariques, monnaie perse. I Par., xxix (héb.). Le point 
de vue de l'auteur, nous l'avons déjà dit, est postérieur 
au retour de l'exil, et la langue elle-même trahit l'époque 
qui a suivi la restauration. 

Si les critiques sont d'accord pour la fixation géné- 
rale de cette date, ils sont d'avis différents lorsqu'il 
s'agit d'en préciser la limite extrême. Les critiques 
conservateurs et la majorité des exégètes catholiques 
ne dépassent pas la domination perse et s'arrêtent à 
l'époque même d'Esdras. Le but indiqué plus haut cor- 
respond à cette date. La mention des dariqnes est plus 
naturelle à l'époque perse que sous les Séleucides. Le 
nom de bîrâh donné au Temple, I Par., xxrx, 1, 19, 
suppose un écrivain antérieur à Néhémie. Celui-ci ayant, 
en effet, construit à Jérusalem, sur le modèle des fop- 
teresses des villes perses, une bîrâh, distincte du Temple, 
on n'aurait pu après lui, sans créer de confusion et d'équi- 
voque, désigner par ce terme la maison de Dieu. Enfin, 
si Esdras est l'auteur des Paralipomènes, la composi- 



2141 



PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2142 



tion du livre a eu Heu à la date indiquée. Mais d'autres 
Critiques descendent jusqu'à la fin de l'époque persane, 
ou au commencement de la domination macédonienne, 
ou même à l'âge des Séleucides. La généalogie de la 
race de David est poussée dans le texte hébreu jusqu'à 
la sixième génération des descendants de Zorobabel. En 
comptant trente ans pour chaque génération, ce calcul 
conduit jusqu'au milieu du IV e siècle. Dans le texte grec, 
cette généalogie va même jusqu'à la onzième généra- 
tion, c'est-à-dire vers l'an 200 avant Jésus-Christ.' Le 
livre qui la contient n'est donc pas antérieur à 350, si 
même il n'est pas postérieur à la chute de l'empire 
perse. Si le texte continue la généalogie de Zorobabel, 
I Par., m, 21-24, ce qui est controversé, celle-ci dépasse 
certainement l'époque d'Esdras. Mais elle a pu être con- 
tinuée par une main étrangère et la comparaison du 
texte hébreu et du texte grec fournit la preuve évidente 
de cette continuation, au moins dans le g,vec. Des noms 
' ont donc été ajoutés à cette liste. Si le fait est certain 
pour la recension grecque, il est possible, sinon pro- 
bable, même pour la recension hébraïque. Le texte 
est, d'ailleurs, en mauvais état et rempli d'obscurités au 
point qu'on s'est demandé si les dernières familles men- 
tionnées se rattachaient à Zorobabel ou n'étaient pas 
des familles contemporaines. Cette généalogie dans son 
état actuel n'est donc pas un motif suffisant de retarder 
la composition du livre. La mention des dariques a été 
présentée comme un indice d'une rédaction tardive, 
l'emploi de cette monnaie perse ayant continué au com- 
mencement de la domination grecque. Une autre confir- 
mation de la composition tardive est tirée de l'ensemble 
de l'œuvre. On y remarque partout non seulement l'esprit 
du judaïsme postexilique et l'influence prépondérante de 
la législation sacerdotale; mais, en outre, les institutions 
d'Esdras y paraissent anciennes, ayant un caractère 
stable et définitif. Enfin, si les Chroniques n'ont formé 
primitivement qu'un écrit avec les livres actuels d'Esdras 
et de Néhémie, voir t. IV, col. 1577, leur rédaction est pos- 
térieure aux Mémoires de ces hommes, Mémoires qui 
font partie de la compilation. Dans ces conditions, les 
Paralipomènes ne seraient pas antérieurs au IV e siècle. 
A cause de la généalogie de Zorobabel, ils n'auraient 
pas été écrits plus tôt que vers 350 (Driver). Aux yeux 
de la plupart des critiques, rien n'empêche qu'ils ne 
l'aient été après 300 (Ewald, Bertheau, Schrader, Dill- 
mann, Bail,' Œttli), vers 250 (Kuenen, Cornill, Wilde- 
boer), vers 200, sinon plus tard (Nôldeke). 

VIL Auteur. — 1° Une opinion assez répandue regarde 
Esdras comme l'auteur des Paralipomènes. Elle s'appuie 
sur le sentiment des rabbins qui, dans le Baba Bathra, 
disaient qu'Esdras a écrit son livre et les généalogies des 
Paralipomènes jusqu'à lui. Comme les généalogies n'ont 
jamais été à part du livre entier, Esdras a donc composé 
le tout. Saint Isidore de Séville, De offic. eccl., i, 12, 
n. 2, t. lxxxiii, col. 747, déclarait que les sages de la 
synagogue ont rédigé les Paralipomènes. Or, on pense 
qu'il s'agit des membres de la Grande Synagogue, dont 
Esdras était le président. Au moyen âge, si Hugues de 
Saint-Cher, In Par., prol., Opéra, Cologne, 1521, t. I, 
p. 310, ignoré le nom de l'auteur du livre, Nicolas de Lyre, 
se fondant sur la tradition juive, n'hésite pas à proclamer 
Esdras auteur de ce livre. In Par., arg.Tostat, lit- Par., 
Opéra, t. vu, p. 81, confirma celte affirmation par des 
arguments internes. A partir de Sixte de Sienne, Biblio- 
theca sancla, t. i, p. 12, ce fut l'opinion commune parmi 
les catholiques. Quelques protestants s'y sont ralliés. Ce 
que nous avons dit plus haut du but, de la date et des 
caractères des Paralipomènes peut servir à confirmer 
l'attribution du livre à Esdras, puisque tout cela se 
rapporte à son temps- La citation de l'édit.de Cyrus, faite 
en partie II Par., xxxvi, 22, 23, et intégralement IEsd., 
I, trahirait aussi la même main. La façon brusque et 
abrupte dont elle se termine dans le premier cas ne 



s'explique complètement que dans l'hypothèse suivant 
laquelle le même historien se proposait de reproduire 
tout le texte dans un autre ouvrage qui ferait suite au 
précédent. Enfin, on constate dans les deux livres, les 
Paralipomènes et le I e ' livre d'Esdras, le même goût pour 
les généalogies, les catalogues et pour tout ce qui tient 
au culte sacerdotal et à la tribu de Lévi, dont les fonc- 
tions sont exprimées en termes presque identiques. La 
ressemblance du style prouve encore l'unité d'auteur. 
On remarque dans les deux ouvrages les mêmes mots, 
les mêmes constructions grammaticales, l'emploi de 
nombreuses prépositions, certaines locutions particu- 
lières, ayant une signification propre, telles que kam- 
mispat, « selon la loi de Moïse », I Par., xxiii, 31; 
II Par., xxx, 16; xxxv, 13; I Esd., m, 4; IIEsd., vm r 
18, et de nombreux chaldaïsmes. 

2° Mais les critiques récents, qui regardent les Para- 
lipomènes comme une compilation de divers documents- 
et qui pensent que primitivement ces deux livres, réu- 
nis à ceux d'Esdras et de Néhémie, formaient un seul 
ouvrage, n'attribuent plus à Esdras le travail de compi- 
lation. L'auteur inconnu, insérant dans sa Chronique 
les Mémoires d'Esdras et de Néhémie, n'est pas un con- 
temporain de ces deux héros, ni un témoin et un colla- 
borateur de leur réforme religieuse. Il appartient à une 
époque plus récente, assez lointaine pour parler déjà 
des « jours de Néhémie ». Voir col. 1576. Les ressem- 
blances de fond et de style entre les Paralipomènes et 
le I Br livré d'Esdras s'expliquent fort bien dans cette 
hypothèse et restent des indices de l'unité d'auteur. 
Quant à la double reproduction de l'édit de Cyrus, elle 
est due à la coupure faite par les premiers copistes qui 
ont opéré la séparation des écrits. Le nom du rédacteur 
ne nous a pas été transmis; mais puisqu'il a écrit une 
Chronique de Juda, on le nomme couramment le chro- 
niste. Sa sollicitude spéciale pour les lévites et les 
chantres du Temple a fait supposer à plusieurs qu'il 
était lui-même un lévite et un chantre de Jérusalem. 

L'abbé Paulin Martin, Introduction à la critique géné- 
rale de l'Ancien Testament (lith.), Paris, 1887-1888, t. n, 
p. 153-168, reconnaissait volontiers ce caractère compo- 
site et unique de l'œuvre primitive au moins pour les 
Paralipomètes et le I 6r livre d'Esdras. Il pensait que la 
Chronique isolée, au moins le midrach dont elle dérive, 
sauf des interpolations postérieures, aurait été composée 
vers 530, peu après la publication de l'édit de Cyrus. 
Esdras l'aurait jointe à son livre, et le tout aurait été 
complété par Néhémie. Le P. de Hummelauer distingue 
le livre des généalogies, I Par., i-ix, de la Chronique. 
Le premier a été formé par un benjamite, après la fin 
de la captivité, comme collection des généalogies dres- 
sées avant l'exil : c'est le livre des généalogies des douze 
tribus. I Par., i-vm. Il a été continué, c. ix, en vue de 
dresser la généalogie du peuple élu, mais n'a pas été 
achevé. Ce n'est peut-être pas le chroniste qui l'a joint 
à son œuvre propre, qui est l'histoire du sanctuaire de 
Jérusalem. 

VIII. Style. — Le langage du chroniste est des plus 
caractéristiques. Le vocabulaire et la syntaxe présentent 
de nombreuses expressions ou formules qui sont tout à 
fait spéciales et ne se rencontrent pas dans les autres 
livres de l'Ancien Testament ou ne se lisent isolées que 
dans les écrits bibliques les plus récents. Ces mots spé- 
ciaux et ces particularités de syntaxe sont fréquents 
dans les Paralipomènes et sont réellement des expres- 
sions personnelles du chroniste. Driver, Einleitung in 
die Litteratur des alten Testaments, trad. RothsteiD, 
Berlin, 1896, p. 572-576, a dressé la liste des 46 plus im- 
portantes. Cf. Clair, Xes Paralipomènes, Paris, 1883, 
p. 53-55. Le style du chroniste se caractérise encore 
par l'emploi d'archaïsmes. Par exemple, la liaison des 
phrases par -ratN, des expressions rares, des mots et des 
constructions poétiques. Il comporte aussi des mots 



2143 



PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2144 



hébreux nouveaux. Ces particularités sont dues au style 
personnel de l'auteur plutôt qu'elles ne conviennent à 
l'époque à laquelle il appartenait. 

IX. Sources. — 1» Livres antérieurs et canoniques 
de l'Ancien Testament. — Il est hors de conteste que 
l'auteur du livre des généalogies n'ait extrait ses ta- 
bleaux généalogiques, I Par., i, 1-n, 2, de la Genèse, 
puisque ces extraits ou résumés sont dans le même 
ordre que les récits de la Genèse. Il a fait anssi des 
emprunts à l'Exode, aux Nombres et au livre de Josué. 
II ne dépend en rien du Lévitique ni du Deutéronome. 
On ne constate non plus aucun point de conlact entre 
son livre et les Juges, de telle sorte qu'il se pourrait, 
■quoique cela soit peu vraisemblable, qu'il ne connais- 
sait pas ces derniers. Les livres de Samuel et des Rois 
étaient certainement sous les yeux du chroniste lors- 
qu'il écrivait. Il les a largement utilisés, en faisant un 
choix, parfois surprenant, de leurs matériaux qu'il ap- 
propriait à son but. On a constaté dans 45 passages 
environ l'accord verbal et réel avec cette source. Voir 
le tableau dressé par Cornill, Einleiiuvg in das A. T., 
3 e et 4 e éd., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 121- 
122, et par F. de Hummelauer, Comment, in Parali- 
pomenon, t. i, p. 205-206. On a nié le fait, à cause des 
divergences que présentent les récits communs, et l'on 
a supposé que les passages à peu près identiques s'ex- 
pliquaient suffisamment par la communauté des sources 
consultées. Mais les Paralipoménes ne ressemblent pas 
aux livres de Samuel et des Rois sous le rapport du 
contenu seulement; ils s'en rapprochent aussi au point 
de vue du groupement des faits et de l'ordre suivi. Le 
chroniste reproduit aussi certaines particularités qui 
n'ont leur raison d'être que dans ces livres. Enfin, il 
copie souvent des phrases entières de ces sources. Un 
tel accord ne s'explique pas suffisamment par la com- 
munauté des sources consultées de part et d'autre, à 
moins de prétendre que ces sources ressemblaient par- 
faitement aux livres de Samuel et des Rois. Si le chro- 
niste n'a pas connu la dernière rédaction de ceux-ci, il 
était du moins au courant de leur contenu et sous une 
forme très rapprochée du texte définitif. Driver estime 
même, à rencontre de Noldeke, que la plupart des ju- 
gements sur les rois de Juda ont été formulés par le 
rédacteur du livre des Rois. Il en résulte que le chro- 
niste, qui les reproduit, a consulté ce livre lui-même 
et pas ses sources. 

2° Autres sources écrites. — Le chroniste cite les 
litres des sources qu'il a consultées pour écrire l'his- 
toire de la plupart des rois de Juda. Ainsi, dans l'his- 
toire de David, il signale les Annales de ce roi, I Par., 
xxvii, 24, les paroles de Samuel le voyant, celles de 
JHathan le prophète et celles de Gad le voyant. I Par., 
xxtx, 29. L'histoire de Salomon est racontée d'après les 
paroles du prophète Nathan, la prophétie d'Ahia de 
Silo et la vision d'Addo le voyant concernant Jéro- 
boam, fils de Nabat. II Par., ix, 29. Le règne de Ro- 
boam est narré d'après les paroles de Séméias le pro- 
phète et d'Addo le voyant, II Par., xh, 15; celui d'Abia, 
d'après le midrasch du prophète Addo, II Par., xm, 22; 
celui d'Asa, d'après le livre des rois de Juda et d'Israël, 
II Par., xvi, 11 ; celui de Josaphat, d'après les paroles 
de Jéhu, fils de Hanani, qui sont insérées dans le livre 
des rois d'Israël, II Par., xx, 34; celui de Joas, d'après 
le midrasch du livre des Rois, II Par., xxiv, 27; celui 
4'Amasias, d'après le livre des rois de Juda et d'Israël, 
Il Par., xxv, 26; celui d'Osias, d'après un écrit d'Isaïe, 
II Par., xxvi, 22; celui de Joatham, d'après le livre des 
rois d'Israël et de Juda, II Par., xxvn, 7; celui d'Achaz, 
d'après le livre des rois de Juda et d'Israël, II Par., 
xxvm, 26; celui d'Ézéchias, d'après la vision du pro- 
phète Isaïe et le livpe des rois de Juda et d'Israël, II 
Par., xxxii, 32; celui de Manassé, d'après les paroles 
-des voyants, qui sont contenues dans les annales des 



rois d'Israël, et d'après les paroles d'IIozaï, II Par., 
xxxiii, 18, 19; celui de Josias, d'après le livre des rois 
de Juda et d'Israël, II Par., xxxv, 26-27; de même que 
celui de Joakim. II Par., xxxvi, 8. Les sources ne 
sont pas indiquées pour les règnesde Joram, d'Ochozias, 
d'Athalie et des trois derniers rois, Joachaz, Jéchonias 
et Sédécias. Le livre des rois d'Israël et de Juda est 
encore mentionné, I Par., ix, 1, comme contenant 
toute l'histoire d'Israël. 

Les documents cités sont de deux sortes : les uns 
sont historiques, les autres prophétiques. Quelques- 
uns des premiers sont caractérisés par le nom de mi- 
drasch. Différentes questions se sont posées à leur 
sujet. D'abord, toutes ces sources sont-elles distinctes? 
On reconnaît généralement aujourd'hui que le livre des 
rois de Juda et d'Israël, le livre des rois d'Israël et de 
Juda et les Actes ou Annales des rois d'Israël ne sont 
qu'une seule, et unique histoire des rois de Juda et 
d'Israël, citée sous trois titres différents. Bien que les 
références soient exclusivement faites à propos des rois 
de Juda et bien que le titre complet « livre des rois de 
Juda et d'Israël » soit cité même après la chute du 
royaume d'Israël, pour les règnes de Josias et de Joa- 
kim, il est très vraisemblable que cette source unique 
contenait l'histoire des rois des deux. royaumes. Le nom 
d'Israël seul pouvait convenir à la collectivité. Lé chro- 
niste ne s'occupant que de Juda n'a fait aucun emprunt 
à l'histoire d'Israël. Les Annales du roi David men- 
tionnées I Par., xx vu, 24, faisaient peut-être partie 
aussi du livre des rois d'Israël et de Juda, ou formaient 
un ouvrage indépendant. Quoi qu'il en soit, le livre des 
rois d'Israël n'était pas, de l'avis général, identique aux 
Annales citées comme source dans le livre canonique 
des Rois, nonobstant la ressemblance des titres. Ges 
Annales, en effet, semblent avoir formé deux ouvrages 
distincts, racontant séparément l'histoire des deux 
royaumes, tandis que le livre des rois d'Israël et de 
Juda parait être un ouvrage unique sur les deux 
royaumes. 

Quant aux écrits attribués aux prophètes, on les a 
considérés de diverses manières. Movers voyait dans 
les debarim de Samuel, de Nathan et de Gad les deux 
livres dits de Samuel. Ce sentiment ne peut se sou- 
tenir, puisque le chroniste tire de ces sources des ren- 
seignements qui ne se retrouvent pas dans ces deux 
livres. Pour d'autres, par exemple Driver, les paroles, 
visions et écrits des prophètes semblent cités par le 
chroniste comme des œuvres distinctes. Ce seraient 
alors des monographies, rédigées par les prophètes dont 
elles portent le nom. Voir col. 1482. Mais on ignore si elles 
étaientdes prophéties proprement dites,qui, comme celles 
d'Isaïe, xxxvn-xxxix, contenaient le récit de divers évé- 
nements des règnes, ou des récits historiques stricte- 
ment dits. Cependant les critiques modernes pensent 
généralement que les sources, attribuées à des pro- 
phètes, étaient, elles aussi, diverses parties du même 
ouvrage sur les rois. Toutes, en effet, à l'exception de 
trois, sont citées au sujet des règnes de David, Salomon, 
Roboam, Abia, Josaphat, Osias, Ézéchias et Manassé, 
pour lesquels le chroniste ne renvoie pas au livre des 
rois. Les renseignements, empruntés aux écrits prophé- 
tiques, complètent donc ce livre. N'est-ce pas un in- 
dice qu'il n'y a pas double emploi et que toutes ces 
sources ne sont qu'un même livre cité sous des titres 
différents? Les trois exceptions ne font pas difficulté. 
Deux, en effet, les « paroles de Jéhu » et la « vision 
d'Isaïe », sont rapportées comme étant dans le livre des 
Rois. II Par., xx, 34; xxxii, 32. Dans le second cas ce- 
pendant, quelques manuscrits des Septante ont la con- 
jonction xai entre les mots « prophète » et « dans »; 
cette leçon, si elle était authentique, désignerait deux 
ouvrages distincts. Dans le troisième cas, au sujet de 
Manassé, II Par., xxxm, 18, le texte laisse entendre, 



2145 



PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2146: 



quoique moins clairement, que les paroles des voyants 
(ou. d'Hozaï) faisaient partie du livre des rois. Cette 
identification toutefois n'est qu'une hypothèse, qui se- 
rait renversée s'il était démoutré qu'un des écrits pro- 
phétiques cités, tel que, par exemple, le midrasch du 
prophète Addo, II Par., xin, 22, était un ouvrage dis- 
tinct. L'identité admise, on peut conjecturer que le 
livre des Rois était divisé en sections, dont la plupart 
étaient attribuées à un prophète contemporain des faits 
rapportés. 

Quant au Midras séfer ham-meldkîm, cité II Par., 
xxiv, 27, on ne peut affirmer avec certitude qu'il était 
identique au livre des rois de Juda et d'Israël ni qu'il 
formait une œuvre indépendante, dérivée du premier 
qu'il développait sous forme de midrasch. Dans la pre- 
mière opinion, qui est' celle de Berthëau, Hâverniek, 
Keil, Nôldeke, Kuenen et Wildeboer, le chroniste n'au- 
rait eu qu'une source unique, portant le titre de mi- 
drasch ou, au moins, en ayant le caractère. Elle aurait 
été une rédaction plus développée des livres de Samuel 
et des Rois, faite en vue de l'édification. Dans la se- 
conde, qui est celle de Strack et de Driver, il y aurait 
eu, à côté du livre des rois de Juda et d'Israël, repo- 
sant sur les mêmes documents que les livres cano- 
niques des Rois, un midrasch, qui aurait été l'histoire 
des mêmes rois envisagée au point de vue religieux. 
Cf. Budde, Bemerkungen zum Midrasch des Bûches 
der Kônige, dans la Zeitschrift fiir die alttest. Wissen- 
schaft, 1892, p. 37 sq. 

Quoi qu'il en soit, tout en dépendant des livres ca- 
noniques de Samuel et des Rois, les Paralipomènes 
ont eu pour source principale le livre des rois d'Israël 
et de Juda, qui dérive lui-même des mêmes documents. 
Driver a résumé ces conclusions dans le schéma sui- 
vant : 

1. Livre des chroniques des rois d'Israël. 

2. Livre des chroniques des rois .de Juda. 

.1. 



Livre canonique des Rois. 



Livredesroisd'IsraëletdeJuda. 
_l 



Livre canonique des Paralipomènes. 

Cependant, il n'est pas démontré absolument que le 
chroniste ait consulté directement le livre canonique 
des Rois, et il se pourrait qu'il n'en dépende que mé- 
diatement, par le moyen du livre des rois d'Israël et 
de Juda. Cette dernière source étant perdue, on ne 
peut trancher la question. Seule, l'intluence, directe ou 
indirecte, du livre canonique des Rois sur les Parali- 
pomènes est certaine. 

3° Sources traditionnelles, écrites ou non. — En dehors 
des sources précédentes, le chroniste a consulté encore 
d'autres sources, soit des souvenirs traditionnels, soit 
des documents écrits. Ainsi, selon Driver, dans le livre 
des généalogies, les renseignements fournis I Par., îv, 
22, 23, 39-43; v, 10, 19-22, viennent de cette origine. 
Ces listes étaient peut-être déjà rédigées, étant donné 
l'intérêt que les exilés portaient aux listes anciennes. De 
I Par., IX, 1, ce critique conclut que le livre des rois 
de Juda et d'Israël contenait des généalogies et des 
statistiques, reproduites ou utilisées par le chroniste. 

Le P. de Hummelauer, op. cit., p. 207-211, a ébauché 
une théorie différente des sources du chroniste. Celui- 
ci, voulant écrire l'histoire suivie du sanctuaire de 
Jérusalem, depuis le règne de David jusqu'à la captivité, 
combine et relie les récits, relatifs à son sujet et em- 
pruntés au livre des Rois, avec quelques narrations spé- 
ciales concernant le Temple. Peut-être toutes les addi- 
tions et modifications qu'il fait à sa source principale 
ne sont-elles pas tirées de documenta particuliers, et 
quelques-unes pourraient, sans détriment pour la vérité 
historique, avoir la forme du midrasch et n'être que des 
développements édifiants des récits des Rois. En outre, 

DICT. DE LA BirLE. 



le chroniste complète son récit par des narrations rela- 
tives aux lévites et tirées d'un autre document. Enfin, 
il y insère, ne pereant, des documents statistiques qui 
n'ont pas un rapport étroit avec son but propre et qui 
auraient pu être omis sans qne la trame de son histoire 
en fût brisée. Le P. de Hummelauer range encore dan* J 
cette dernière catégorie le Psaume chanté à la solennité 
de la translation de l'arche. I Par., xvi, 8-36. Ces sources 
se distinguent par leur caractère propre. Les narrations 
sur le Temple, qui sont très ressemblantes, formaient 
probablement un écrit unique, composé dans le même 
style diffus et ample, et contenant un récit non stric- 
tement historique, mais plus libre, présentant, sous la 
forme d'une véritable histoire, quelque liberté épique. 
Celles qui concernent les lévites ont un autre caractère 
et proviennent d'un auteur différent qui se complaît 
dans les noms de personnes et de lieux. Elles se rap- 
prochent donc des documents statistiques qui, eux, 
quoique semblables par la forme extérieure, peuvent 
être distincts d'origine. 

X. Autorité historique ou crédibilité. — Suivant 
l'expression de Cornill, la question de la valeur histo- 
rique des récits des Paralipomènes est la question capi- 
tale. Pour les faits racontés à la fois dans ce livre ou 
dans les autres livres canoniques antérieurs, il n'y a 
pas de grave difficulté. Les termes étant souvent iden- 
tiques eu à peu près, on en conclut que l'auteur des 
Paralipomènes a emprunté à ces livres les récits qui 
allaient à son but. Leur valeur historique est donc la 
même que "celle de là source utilisée. Mais la difficulté 
naît au sujet des récits propres au chroniste, à propos 
de ses particularités et des nombreuses additions qu'il 
a faites au livre des Rois et qui concernent en majeure 
partie le Temple et les lévites. 

D'anciens critiques déclaraient catégoriquement que 
toutes les particularités du chroniste étaient de son 
invention, qu'il avait imaginé même les titres des 
ouvrages auxquels il se réfère, qu'il n'avait pas eu 
d'autres sources que les livres canoniques antérieurs,, 
et qu'il ne les avait pas compris, les remaniant, les 
embellissant et les altérant volontairement. Ces critiques 
rejetaient donc en bloc comme dénués de toute crédi- 
bilité tous les renseignements propres au chroniste. 
Telles étaient les conclusions de de Welte, Historisch- 
kritische Untersuchung ûber die Bâcher der Chronik, 
dans Beitràge zur Einleitung indas A. T., Halle, 1806, 
t. î, p. 3-132; Einleitung, 7 e édit., Berlin, 1852, p. 237- 
259; deGramberg, Die Chroniknach ihvem geschichtli- 
chen Charakter und ihrer Glaubw iirdigkeit geprùft, 
Halle, 1823; de Graf, Die geschichtliche Bûcher des A. 
T., Leipzig, 1866, p. 114-247; et en partie de Reuss, Ge- 
schichte des A. T., p. 517. Wellhausen, Prolegomena 
zur Geschichte Israels, 2" édit., Berlin, 1883, p. 177- 
239, a accumulé les objections contre les récits du chro- 
niste. Il lui a reproché ses omissions, le silence qu'il 
garde sur les faits défavorables à David et à Salomon, 
l'altération de ses sources, la couleur qu'il donne à 
certains faits, dans lesquels interviennent les prêtres, 
les lévites, les chantres et les musiciens du Temple. 
Selon lui, le chroniste juge le passé d'après le code 
sacerdotal, qui est d'origine récente, idéalise les événe- 
ments en conformité avec cette loi et façonne un ancien 
peuple d'Israël à l'image de la communauté juive des 
temps modernes. Il lui reproche d'exagérer les fails et 
de grossir les chiffres d'une façon démesurée, notam- 
ment dans les affaires militaires. L'armée de David, 
I Par., xu, 23-40; xxi, 5, atteint des proportions colos- 
sales. Les prisonniers cle guerre et les victimes immo- 
lées aux jours de bataille sont parfois augmentés d'une 
façon invraisemblable. Au sujet de la construction du 
Temple, IPar.,xxn, xxix, les proportions de l'édifice 
sont réduites, tandis que les préparatifs de la construc 
tion sont exagérés. D'autres faits sont transformés et 

IV. - 68 



2U7_ 



PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2148 



surnaluralisés et beaucoup sont coritrouvés. Le chro- 
niste ne mérite donc aucune confiance. 

Ces conclusions sévères ne sont plus guère adoptées 
dans leur rigueur par les critiques plus récents, qui les 
atténuent notablement. Les anciens critiques, en effet, 
méconnaissaient à tort l'existence , de certains docu- 
ments, listes et recueils, accessibles au chroniste et uti- 
lisés par lui. Ils attribuaient à cet auteur une faculté 
d'invention que rien dans son œuvre n'autorise à 
admettre si riche et si productive. Il apparaît plutôt 
comme un compilateur, de documents. Le soin avec 
lequel il indique les sources consultées par lui est une 
garantie de son exactitude et de la diligence avec 
laquelle il a recueilli tous les renseignements propres 
à lui faire connaître la vérité. Il a donc travaillé d'après 
des documents antérieurs qu'il reproduit parfois tex- 
tuellement, et il est impossible d'attribuer tous ses ré- 
cits propres à des fictions ou à des falsifications volon- 
taires. D'ailleurs, la manière dont il utilise les sources 
est mise en évidence par la comparaison de ses récits 
avec les récits parallèles du livre des Rois. L'accord 
est cottiplefpour les points essentiels, et les variantes 
ne sont, pour le fond, que des détails mieux précisés et 
plus développés, et pour la forme, des différences d'ex- 
pression et de style, qui s'expliquent par le but paré- 
nétique et didactique de l'historien. 11 faut en conclure 
que le chroniste a mis le même soin à utiliser les autres 
sources dont il cite les titres et qui ne nous sont pas 
parvenues, bien que nous ne puissions pas faire le con- 
trôle. Par comparaison avec ce qu'il a fait du livre des 
Rois, nous pouvons affirmer que, s'il les a modifiés 
pour les rendre conformes à son but, il n'a pas changé 
la vérité objective des faits; il a seulement donné à son 
récit une empreinte subjective et personnelle qui lui 
est particulière, et le distingue de l'exposition plus 
objective du livre des Rois. 

Ces conclusions ont été soutenues et la véracité du 
chroniste défendue contre les attaques des anciens 
rationalistes par des écrivains protestants et catholiques. 
Voir Dahler, De librorum Paralipomenon auctoritate 
atque fide historica, Strasbourg, 1819; un anonyme 
catholique, dans Theologische Quartalschrift, 1831, 
p. 201-261; Movers, Krilische UntersucKungen ùber 
die biblische Chronik, Bonn, 1834; Keil, Apologeti- 
sc/ier Versuch ùber die Bûcher der Chronik, Berlin, 
1833; Einleitung, 3 e édit., p. 461-476; Dillmann, Chro- 
nik, dans Realencyklopâdie fur Théologie, de Her- 
zog, 1854, t. il, p. 693; Welte, Einleitung, t. H, p. 161- 
231; E. Nagl, Die nachdavidische Kônigsgeschichle 
Israels ethnogruphisch und geographisch Beleuchtet, 
Vienne, 1905. 

Enfin, des faits qui sont relatés dans les Paralipomènes 
et dont l'authenticité était mise en suspicion par les 
critiques modernes, ont été heureusement confirmés 
par les découvertes récentes. Sur la prise de Jérusalem 
par Sésac, II Par.,xii, 2-9, et sur l'invasion des Moabites 
en Palestine, II Par., XX, voir F. Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, & édit., Paris, 1896, t. m, 
p. 416-422, 464-474. D'autres faits ont été rendus très 
vraisemblables par la connaissance plus approfondie 
que nous avons des choses de l'Assyrie. Sur la captivité 
de Manassé à Babylone, voir F. Vigouroux, Les Livres 
Saints et la critique rationaliste, Paris, 1890, t. iv, 
p. 62-67. Cette confirmation inattendue peut donner 
l'espoir que de nouvelles découvertes justifieront encore 
sur d'autres points contestés l'exactitude du chroniste. 
. Cependant, les critiques plus récents cherchent à tenir 
un juste milieu entre ces deux positions opposées. Ils 
ne peuvent considérer tous les récits propres du chro- 
niste comme sûrs et authentiques, puisque, prétendent-ils, 
quelques-uns sont en désaccord formel avec le livre 
des Rois. Ils ne nient pas que le chroniste ait utilisé 
des sources antérieures autres que ce livre canonique ; 



ils discutent seulement la Valeur historique dé ces 
sources, ou la manière dont le chroniste les a employées. 
Sans dénier la part de la tradition qu'on ne doit pas 
négliger, surtout à propos des coutumes religieuses, ils 
se tiennent sur la réserve relativement à ce que le chro- 
niste rapporte de l'organisation de la tribu sacerdotale 
et à quelques points particuliers. On ne peut rejeter en 
bloc les additions du chroniste et chacune d'elles doit 
être examinée séparément et pour elle-même. Quant aux 
modifications, abstraction faite de celles qui sont dues 
aux copistes et qui sont assez nombreuses, au moins 
dans les généalogies, et de celles qui proviennent de 
la diversité des sources, il en reste auxquelles l'esprit 
de tendance ne paraît pas étranger, par exemple celle 
qui rattache Samuel à la tribu de Lévi. A cette cause ils 
rapportent aussi le grossissement des chiffres, le classe- 
ment chronologique des événements de quelques règnes , 
par exemple ceux d'Asa et de Josias, l'influence des idées 
théologiques de l'époque postérieure au retour de la 
captivité, l'importance donnée aux lévites dans les 
solennités antérieures à l'exil, le patriotisme et le roya- 
lisme du chroniste, et sa croyance stricte à la doctrine 
de la rétribution ici-bas. Le chroniste aurait donc vu 
parfois l'histoire ancienne à travers un prisme, et il au- 
rait décrit le passé avec les couleurs de son temps. 
En tout cela, sa bonne foi serait hors de cause. Quoi 
qu'on pense de ses procédés et de son système, son 
honnêteté est incontestable. Il n'a pas cru ni voulu 
tromper ses lecteurs ou fausser l'histoire. Il s'est borné 
à raconter l'histoire telle qu'elle aurait dû se passer, si 
les institutions contemporaines avaient déjà existé. Il a 
transporté en arrière le présent, sur lequel il nous ren- 
seigne très fidèlement. Cf. A. Kuenen, Histoire critique 
des livres de l'A. T., trad. franc., Paris, 1866, t. i, 
p. 482-495; Cornill, Enleitung in dos A. T., p. 122-125; 
L. Gautier, Introduction à l'Ancien Testament, t. ir, 
p. 370-378. Sa méthode n'est pas strictement historique. 
Il met dans la bouche de ses personnages des discours 
qu'ils n'ont pas tenus; il juge leurs actes d'après son 
propre point de vue. Il reproduit fidèlement les idées 
théocratiques de son temps. Il laisse hors de son cadré 
tout ce qui est étranger. On se tromperait en pensant 
qu'il a cru par son silence cacher les faits défavorables 
à David et à Salomon; ils étaient connus de ses con- 
temporains. Son silence s'explique plutôt par les cir- 
constances de son époque : il fortifie la foi de son 
temps en traçant une image idéale du passé. Ses con- 
temporains envisageaient l'histoire comme lui. Personne 
ne doutait alors que les choses se soient passées telles 
qu'il les décrit. Dans l'ensemble donc, il reproduit les 
idées traditionnelles, mais développées sous une forme 
littéraire spéciale et en vue de l'enseignement et de 
l'édification. Driver, Einleitung in die Litteratur des 
alten Testaments, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 569- 
571; Strack, Einleitung in das A. T., 6 e édit., Munich, 
1906, p. 163-164. 

Le P. de Hummelauer, op. cit., t. i, p. 5, se propose 
d'examiner plus tard si les récits des Paralipomènes 
sont strictement historiques, ou s'ils exposent l'histoire 
sous une forme plus libre que celle que suivent les his- 
toriens modernes. Il admet déjà, p. 210, que les diffé- 
rences entre les Paralipomènes et le livre des Rois 
peuvent provenir non pas de sources spéciales, mais de 
la manière dont le chroniste utilise le livre des Rois, en 
en faisant, sous l'inspiration divine, une paraphrase ou 
un midrasch qui, tout en développant le récit primitif, 
ne le fait pas par des développements étrangers à la vé- 
rité historique. D'ailleurs, il a volontairement modifié 
le texte des Rois en remplaçant des termes obscurs et 
vieillis par des expressions plus claires et plus mo- 
dernes, en omettant ou changeant à dessein quelques 
faits, en employant des euphémismes. 11 voulait édifier 
ses lecteurs; il ne se proposait pas d'écrire une histoire 



2149 



PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 



2150 



complète. Il suivait les sources qu'il consultait et il ne 
forgeait pas les faits qu'il rapportait. Bref, inspiré de 
Dieu, il ne pouvait s'écarter de la vérité qu'il avait en 
vue conformément au genre de son récit. 

En d'autres termes, les particularités qu'on reproche 
tant à l'auteur des Paralipomènes s'expliquent ou par 
les sources qu'il a utilisées ou par son but didactique 
et parénétique. 11 n'avait pas en vue d'écrire une his- 
toire critique, conforme à toutes les règles d'un art qui 
n'existait peut-être pas encore, au moins tel que le 
conçoivent les modernes, 11 voulait parfois peut-être 
reproduire seulement les documents qu'il avait sous 
les yeux; mais en les reproduisant, il pensait qu'ils 
étaient vrais et Dieu qui l'inspirait garantissait ainsi 
la vérité des faits tirés des sources consultées. Cf. 
C. Pesch, De inspiratione sacrée Scripturm, Fribourg- 
en-Brisgau, 1906, p. 526, 539-540. Il écrivait l'histoire 
pour édifier ses lecteurs. L'histoire édifiante est-elle 
nécessairement fausse? Elle ne le serait que si elle 
façonnait à dessein ses récits; elle ne l'est pas, si elle 
omet ce qui ne va pas à son but, si elle fait ressortir les 
circonstances des événements et si elle les décrit com- 
plaisamment pour atteindre mieux sa fin propre. Telle 
est la manière d'agir du chroniste. Ces considérations 
générales suffisent à justifier sa véracité dans la plupart 
des cas. Pour les objections particulières, ce n'est pas 
le lieu de les résoudre. Notons seulement que celles 
qui concernent le culte au Temple et le service des 
prêtres et des lévites reposent sur l'hypothèse de l'ori- 
gine récente et non mosaïque du code sacerdotal. Elles 
tombent par le seul fait que cette hypothèse n'est pas 
vérifiée. Quant aux chiffres grossis ou enflés, on peut 
en expliquer quelques-uns par des fautes de copistes, 
et rien n'est plus facile que l'altération des nombres 
dans des copies successives. D'ailleurs, il n'est pas vrai 
que, comparativement à ceux du livre des Rois, ils soient 
toujours invraisemblables dans les Paralipomènes. 
Quelques-uns reproduits dans ce livre sont, au con- 
traire, pljis raisonnables et plus conformes à la vérité. 
Voir F. "Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 
1906, t. H, p. 143-150. Pour la solution d'autres objec- 
tions, voir P. Martin, Introduction à la critique géné- 
rale de l'A. T. (lith.), Paris, 1887-1888, t. n, p. 29-153; 
R. Cornely, Introduclio specialis in historicos V. T. 
libros, part. I, Paris, 1881, p. 335-347; F. "Vigouroux, 
Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 
1890, p. 68-74. Voir aussi col. 1602-1683. 

XL État du texte. — 1° Hébreu. — Ce texte ne nous 
est pas parvenu dans sa teneur primitive. On y constate 
de nombreux passages altérés, surtout dans le livre des 
généalogies. Ces tableaux, si peu ordonnés et si peu 
systématiques, ont eu d'abord à souffrir des gloses com- 
plémentaires. De plus, les copistes les ont fort mal- 
traités. Le texte, en effet, des neuf premiers chapitres 
des Paralipomènes est actuellement dans un état défec- 
tueux. Et cela se comprend aisément; les erreurs de 
copie se produisent facilement dans la transcription 
des noms propres de personnes et de lieux. Aussi, par 
la comparaison avec les autres livres de la Bible, on 
constate de nombreuses altérations de ces noms dans 
les listes de Paralipomènes. Cf. Friedlànder, Die Ver- 
ânderlichkeit der Namen in den StanimKsten der 
Bûcher der Chronik, Berlin, 1903. Dans la suite du 
livre, le texte est moins remanié et présente moins de 
fautes, au point de vue critique, que celui de beaucoup 
d'autres livres bibliques, et en particulier du livre des 
Rois. Il y a des fautes visibles à Fœil : I Par., xiv, 13; 
xx, 3; xxiv, 6; II Par., ix, 4; xvin, 29; xix, 8; xx,25; 
xxviii, 16; xxxii, 4. L'âge de 42 ans, donné à Ochozias, 
II Par., xxn, 2, est manifestement le résultat d'une 
erreur de copie, car un fils p'est pas plus âgé que son 
père, et le passage correspondant, II Reg., vin, 26, 
Indique 22 ans. Voir aussi I Par., ix, 5; cf. II Esd., xi, 



5; I Par., vi, 28; cf. I Sam., vm, 2. D'autres fautes pro- 
viennent de la différence d'écriture. Plusieurs des chif- 
fres trop "élevés s'expliquent par des erreurs de trans- 
cription. F. Kaulen, Einleitung in die heïlige Schrift 
A. und N. T., 2= édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, 
p. 204-205. u 

2» Grec et latin. — Saint Jérôme constatait déjà de 
son temps leur mauvais état : Libère vobis loquor, ita 
et in greecis et latinis codicibus hic nominum liber vi- 
tiosus est, ut non tam hebrsea quam barbara qusedam^ 
et sarmatica nomina congesta arbiirandum sit. Nec 
hoc Septuagintainterpretibus...,sedscriplorum culpse 
adscribendum'dum deimmendatis inemendata scripr 
titant et ssepe tria nomina, subtractis e medio sylla? 
bis, in unum vocabulum cogunt, vel e regione unum 
nomen propter latitudinem suam in duo vel tria vo- 
cabula dividunt. In librum Par. preefatio, t. xxix, 
col. 402. Le nombre des fautes de copiste a certaine- 
ment grandi depuis l'époque de saint Jérôme, au moins 
dans les manuscrits des Paralipomènes. Les éditions 
critiques ont réduit le nombre de celles qu'elles in-, 
diquent parmi les variantes. Cf. Howorth, The true LXX 
version of Chronicles-Ezra-Nehemiah, dans Academy, 
1893. 

XII. Commentaires. — Ils ne sont pas nombreux. 
Leur petit nombre provient vraisemblablement du peu 
d'intérêt qu'on portait à des livres considérés comme 
de simples suppléments des autres livres canoniques. 

— 1° Des Pères. — Grecs : Théodoret, Qusestiones in 
libros Paralipomenon, t. lxxx, col. 801-858; Procope 
de Gaza, In libros Paralipomenon (extraits du précé- 
dent), t. lxxxvii, col. 1201-1220, — Latins : pseudo-Jé- 
rôme, Qusestiones hebraicœ in Paralipomenon, t. xxm, 
col. 1365-1402 (d'après Martianay, ibid., col. 1329-1330, 
leur auteur est du vn e ou du vm" siècle); Raban Maur, 
Comment, in Par. (c'est le premier commentaire dé- 
veloppé du livre, d'après les Pères), t. cix, col. 279-540; 
Walafrid Strabon en a extrait sa Glossa ordinaria, 
t. cxui, col. 629-692. — 2° Du moyen âge. — Hugues 
de Saint-Cher, dans Opéra, Cologne, 1521, t. î, p. 310- 
344, et Nicolas de Lyre ont commenté les Paralipo- 
mènes comme les autres livres de la Bible dans leurs 
Poslillse; Denys le chartreux, Enarratio in libros Par., 
dans Opéra, Montreuil, 1897, t. iv, p. 105-275; A. Tostat, 
Comment, in Par., dans Opéra, Venise, 1728, t. xvi, 
xvii. — 3° Dans les temps modernes . — 1. Catholiques. 

— Serarius, Comment, posthuma in l. Reg. et Par., 
Lyon, 1613; Mayence, 1617; C. Sanchez, Comment, in 
l. Reg. et Par., Anvers, 1624; J. Bonfrère, Comment, 
in l. Reg. et Par., Paris, 1643; J. B. le Brun et N. le 
Tourneux, Concordia librorum Reg. et Par., Paris, 
1691; Calmet, Commentaire littéral, 2 e édit., Paris, 
1724, t. m, p. 1-246; trad. lat. dans le Cursus comple- 
tus Scripturse sacrée de Migne, t. xi, col. 831-1460; 
Duguet et d'Asfeld, Explication des Rois et des Para- 
lipomènes, Paris, 1738; L. Mauschberger, Comment, 
in l. Par., Esdrœ, Tobiie, Judith, Esther, Olmulz, 
1758; B. Neteler, Die Bûcher der Chronik, Munster, 
1872,1899; Clair, Les Paralipomènes, Paris, 1880; F. 
de Hummelauer, Commentantes in Paralipomenon, 
Paris, 1905, t. i. — 2. Protestants du xix e siècle. — 
E. Bertheau, Die Rucher der Chronik erklârt,Leipyig, 
1854, 1874; C. F. Keil, Nachexilische Geschichtsb Ci- 
cher ; Chronik, Esra, Nehemia und Esther, Leipzig, 
1870; trad. anglaise par Harper, dans Cook, The Holy 
Bible, Londres, 1873, t. m, p. 155-384; G. Rawlinson, 
Chronicles, dans The Speaker's Commentary, Londres, 
1873, t. m, p. 155-384; O. Zôckler, Die Bûcher der 
Chronik, Bielefeld, 1874; Bail, dans Comment, for en- 
glish readers d'Ellicott, 1883; S. Œttli, Die Bûcher der 
Chronik, Esra und Nehemia, Munich, 1889; H. Ben- 
nett, The Books of Chronicles, 1894; W. E. Barnes, 
The Book of Chronicles, Cambridge, 1899; J. Benzin- 



2151 PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) — PARALYTIQUE 2152 



ger, Die Bûcher der Chronik, Fribo urg-en-Brisgau , 1901 ; 
R. Kittel, Die Bûcher der Chronik, Gœttingue, 1902. 

XIII. Bibliographie. — J. Danko, Bi&toria revela~ 
tionis divinse V. T., Vienne, 1862, p. -355-459; F. Kau- 
]en, Einleitung in die heilig. Schrift. A. und N. T., 
2» édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 201-207; F. Vi- 
goureux, Manuel biblique, 12« édit., Paris, 1906, t. n, 
p. 138-157; P. Marlin, Introduction à la critique gé- 
nérale de l'A. T. (lith.), Paris, 1887-1888, t.n, p. 8-167; 
R. Cornely, Introductio specialis in historicos V. T. 
libros, part. I, Paris, 1887, p. 311-350; Pelt, Histoire 
de l'A. T., 3« édit., Paris, 1902, t. H, p. 293-296; 
A. Kuenen, Histoire critique des livres de l'A. T., 
trad. franc., Paris, 1866, t. i, p. 442-495; Th. Nôldeke, 
Histoire littéraire de VA. T., trad. franc., Paris, 1873, 
p. 79-92; Cornill, Einleitung in das A- T., 3 e et 4 e édit., 
Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 119-128; Driver, 
Einleitung in die Litteratur des alten Testaments, 
trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 553-576; G. Wildeboer, 
Die Literatur des A. T., 2« édit., Goettingue, 1905, 
p. 404-409, 412-420; H. L. Strack, Einleitung in das 
A. T., 6<> édit., Munich, 1906, p. 161-164; L. Gautier, 
Introduction à l'A. T., Lausanne, 1906, t. n, p. 306- 
380; J. Hastings, A Diclionary of the Bible, art.Chro- 
nicles, Londres, 1898, 1. 1, p. 389-397. 

E. Mangenot. 

PARALLÉLISME, caractère particulier de la poésie 
hébraïque, consistant dans la correspondance des pen- 
sées et souvent même des mots. Voir Hébraïque (Lan- 
gue), iv, 1°, t. m, col. 489. 

PARALYSIE, maladie qui atteint les muscles et 
diminue ou supprime la faculté de les sentir ou de les 
contracter, dans telle ou telle partie du corps. La sup- 
pression de la sensation s'appelle anesthésie; elle est 
également partielle ou générale, accidentelle ou congé- 
nitale. Son nom grec, xapàXutriç, indique le relâche- 
ment cha système musculaire, Ce relâchement est sou- 
vent chronique, et la paralysie devient inguérissable 
quand elle tient à une lésion matérielle du système 
nerveux. — 1° La Sainte Écriture mentionne quelques 
cas de paralysie. A Béthel, quand Jéroboam étendit la 
main pour faire saisir le prophète qui lui annonçait le 
triste avenir réservé à son entreprise schismatique, sa 
main se dessécha et il ne put la ramener à soi. Son 
bras venait d'être frappé de paralysie. Cependant, à la 
prière du prophète, il en recouvra l'usage. III Reg., 
xin, 4-6. — 2° Un cas semblable se rencontre au temps 
de Notre-Seigneur. Un jour de sabbat, on lui présenta 
dans une synagogue un homme qui avait la main des- 
séchée, ïripi, arida, c'est-à-dire décharnée et, par 
suite de l'oblitération de la contractilité dans les muscles, 
incapable de se mouvoir et de servir. Le divin 
Maître commanda à cet homme d'étendre la main; 
celui-ci obéit, bien qu'il se sût naturellement incapable 
de le faire, et aussitôt il fut guéri d'un mal incurable 
en lui-même. Matth., xn, 10, 13; Marc, m, 1, 5; Luc, 
vi, 6, 10. A la piscine de Bethesda, se trouvaient en 
grand nombre, au milieu des autres malades ou infirmes, 
des Zr,pol, aridi, qui avaient un ou plusieurs membres 
sans vie, atrophiés et paralysés. Joa., v, 3. — 3" La 
maladie dont mourut Alcime est ainsi décrite : « Alcime 
fut frappé et ses entreprises furent arrêtées; sa bouche 
se ferma; atteint de paralysie, il ne put plus prononcer 
une seule parole, ni donner aucun ordre au sujet des 
affaires de sa maison. Et Alcime mourut en ce temps-là 
dans de grandes tortures. » I Mach., IX, 55, 56. Josèphe, 
Ant. jud.î XII, x, 6, dit qu' Alcime, frappé d'un mal 
soudain, tomba à terre privé de la parole et mourut 
après de longs jours de tourments. Il est probable que 
le mal auquel Alcime succomba n'est pas la simple 
paralysie. Sous le nom de 7capàiu(ri«, les anciens com- 
prenaient différents maux, la paralysie, l'apoplexie et 



le tétanos. On croit que ce dernier fut celui qui frappa 
Alcime. Le trismus'ou convulsion des muscles de la 
mâchoire inférieure lui ôta l'usage de la parole ; la con- 
traction s'étendit peu à peu aux autres muscles, les 
mouvements de la respiration et de la déglutition 
furent paralysés et le malheureux mourut dans les dou- 
leurs qui accompagnent le tétanos et aboutissent presque 
toujours à un dénouement fatal. — Cf. Gillet, Les Ma- 
chabêes, Paris, 1880, p. 136; J. Daniel, De paralyticis, 
dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. n, 
p. 181-182. Dans le Nouveau Testament sont cités plu- 
sieurs autres cas de paralysie. Voir Paralytique. 

H. Lesêtre. 
PARALYTIQUE (grec : irapaXutix6ç; Vulgate : 
paralyticus), infirme atteint de paralysie. — Un jour 
que Notre-Seigneur enseignait dans une maison de 
Capharnaùm, on lui apporta un paralytique à guérir. 
Mais, comme l'intérieur de la maison était inaccessible, 




565. — Le paralytique guéri par Notre-Seigneur. Fragment de- 
sarcophage. — D'après Martigny, Dictionnaire des antiquités 
chrétiennes, 3' édit. , 1889, p. 558. — Jésus est debout, la main., 
étendue pour bénir. A côté de lui est un personnage tenant des- 
volumes dans la main, probablement un scribe. Le paralytiqu& 
guéri est représenté plus petit que Notre-Seigneur, pour mar- 
quer son infériorité. 

à cause de la foule, ceux qui portaient le paralytique- 
sur un grabat montèrent à la terrasse de la maison,, 
en ôtèrent plusieurs tuiles, de manière à pratiquer une- 
ouverture suffisante, et firent descendre devant le 
divin Maître le grabat Sur lequel était étendu le mal- 
heureux infirme. Voir Maison, t. îv, col. 589. Notre- 
Seigneur commença par lui remettre ses péchés, puis 
lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et retourne chez 
toi. » L'infirme se leva aussitôt, prit son grabat et s'en 
alla devant la multitude (fig. 565). Matth., ix, 1-8; 
Marc, h, 1-12; Luc, v, 17-26. Voir t. m, fig. 62, 
col. 289. Une autre fois, le Sauveur fut sollicité à Ca- 
pharnaùm par un centurion dont l'esclave était atteint 
de paralysie. Il promit d'aller le guérir, mais, sur les 
humbles instances de l'officier, il se contenta d'opérer 
la guérison à distance. Matfh., vm, 5-13; Luc, vu, 
1-10. Ces miracles attiraient autour de Notre-Seigneur 
des malades de toutes sortes, entre autres des paraly- 
tiques, et il les guérissait. Matth., IV, 24. L'infirme que 
le Sauveur guérit à la piscine de Bethesda était proba- 
blement aussi un paralytique. On le conclut des détails 
que fournit le texte sacré : cet homme traînait son in- 



2153 



PARALYTIQUE — PARAPET 



2154 



firmité depuis trente-huit ans, et, quand il essayait de 
se mouvoir pour se jeter dans la piscine après l'agita- 
tion de l'eau, il était toujours devancé par quelqu'un de 
plus agile. Ces traits se rapportent à la paralysie. Le 
Sauveur le guérit et lui commanda d'emporter son 
grabat, pour prouver ainsi à tous qu'il était à la fois 
capable de marcher sans soutien et même de porter 
un fardeau. Joa., v, 5-9. —A Samarie, l'apôtre saint 
Philippe guérit beaucoup de paralytiques. Act., vm, 8. 
A Lydda, saint Pierre guérit de même un paralytique, 
Énée, couché sur un lit depuis huit ans. Act., ix, 33, 31. 

H. Lesètre. 
PARANYMPHE, du grec ic«fiâw(iptoc, celui qui est 
auprès de l'époux, wgiffo;, qui fait les honneurs de la 
noce. L'écriture n'emploie pas le mot uapàvjucf>io.ç, 
mais elle mentionne celui qui chez les Hébreux rem- 
plissait des fonctions équivalentes à celles du para- 
nymphe chez les Grecs, à ç&o; toO vu[a??ov, amicus 
sponsi. Joa., m, 29. Voir Ami 2, 6», t. i, col. 470. — Les 
trois synoptiques parlent des uioî tov vju.ç(5vo;, qu'il 
ne faut pas confondre avec « l'ami de l'époux ». La 
Yulgate a traduit ces mots par filii sponsi, Matth., ix, 
15; Marc, h, 19; Luc, v, 34, mais ils auraient dû l'être 
par filii thalami, car vufiçwv signifie la chambre nup- 
tiale. Cette locution, d'origine hébraïque, désigne les 
amis et les compagnons de l'époux qui conduisaient la 
fiancée dans la maison de l'époux. 



hauteur d'appui. Le Deutéronome, sxn, 18, porte cette 





566. — Maison antique égyptienne, dont le toit est entouré d'un 
parapet. Thèbes. — D'après Wilkinson, Marinera of the an- 
cicnt Egyptians, 2' édit., fig. 132, t. i, p. 362. 

prescription : « Quand tu bâtiras une maison neuve, 




567. — Vue d'une ville phénicienne antique, avec ses toits plats et ses parapets. Koyoundjik. 
D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. n, pi. 40. 



PARAPET (hébreu : ma'âqéh; Septante : areçâviri; 
Vulgate : murus tecti), balustrade ou garde-fou, mur à 



tu feras un parapet autour de ton toit, afin de ne pas 
mettre du sang sur ta maison, si quelqu'un vient à 



2155 



PARAPET -- PARASOL 



2156 



tomber de là. » Connue les toits des maisons orientales 
sont plats et servent de terrasse, il est nécessaire de 
prendre cette précaution, pour éviter les accidents, et 
on l'a prise dans tous les temps (fig. 566). Voir aussi 
fig. 180, 189, col. 590, 591; fig. 70, t. m, col. 345. Au- 
trefois comme aujourd'hui le parapet des toits en ter- 
rasse était tantôt plein, tantôt à jour, ordinairement 
uni, quelquefois dentelé ou crénelé(fig.567).Cf.fig.441, 
col. 1631. 

PARASCÉVÉ, mot grec, xapaoxeuïi (Vulgate : pa- 
rasceve), qui signifie « préparation. » Dans le Nouveau 
Testament, ce mot désigne le jour qui précédait le sab- 
bat; il était ainsi appelé parce que les Juifs préparaient 
ce jour-là ce qui était nécessaire pour la célébration 
du sabbat. Matth., xxvn, 62; Marc, xv, 42; Luc, xxm, 
54; Joa., xix, 14, 31, 42. Cf. Josèphe,yl»U. jud., XVI, 
VI, 2. Saint Marc, vv, i%, l'explique par «pooiëSaTov, 
« veille du sabbat, » cf. Judith, vm, 6, et l'on admet 
sans difficulté qu'il désigne le vendredi dans les quatre 
Évangélistes ; excepté Joa., xix, 14, où, d'après quelques- 
uns, il serait question de la veille de la Pâque, mais 
même dans ce passage, il doit s'entendre du vendredi, 
comme Joa., xix, 31, 42. Voir Patrizi, De Evangeliis, 
1. III, dissert, l, n» 30; Fillion, Évangile selon saint 
Jean, 1887, p. 347. Cf. Paque, col. 2090. 

PARASCHAH (ntfns, pârdsâh; pluriel, parsîyôt) 
section légale du Pentateuque, marquant la partie des 
livres de Moïse qui doit être lue à la synagogue les 
jours de sabbat. Le mot pdrdSâh signifie « distinction, 
section ». Les Juifs ayant pour règle de lire tous les 
ans le Pentateuque entier dans leurs synagogues l'ont 
partagé en 54 sections ou parHyôf, dont le commence- 
ment est indiqué dans les Bibles hébraïques par les 
lettres sss, abréviation de parsîyôt, ou bien par ddd, 
abréviation de sêdër ou sidrd'. On les désigne par le 
mot initial, ou au moins par l'un des premiers mots. 
Ainsi la première pârdsâh s'appelle Berê'sît, Gen., i, 1 ; 
la seconde Nôah. Gen., vi, 9. Elles sont à peu près 
d'égale longueur. On les lit à la suite les unes des autres 
du commencement à la fin. Leur nombre est de 54, 
parce que certaines années juives comptaient 54 sab- 
bats. Quand il y a moins de 54 sabbats, on réunit en 
une deux parsîyôt plus courtes pour que la lecture du 
Pentateuque soit faite .intégralement dans le cours de 
l'année. La première pârdsâh se lit le premier sabbat 
avant la fête des Tabernacles, le jour même où on lit 
la dernière. Dans quelques synagogues, on ne lisait le 
Pentateuque entier que tous les trois ans. — Les Actes, 
xv, 21, font allusion à la coutume de lire une section 
du Pentateuque tous les sabbats. Josèphe, Cont. Apion., 
n, 17, mentionne aussi cet usage comme une coutume 
particulière aux Juifs. Notre-Seigneur dans l'Évangile, 
en citant un passage de l'Exode, m, 6, indique dans 
quelle section il se trouve, dans celle èiA Trjç êà-rou, 
Marc, xn, 26 (super rubum) ; Luc, xx, 37 (secus rubum), 
c'est-à-dire dans la pdrdSâh où est racontée l'histoire 
du buisson ardent. Cf. Rom., xi, 2. — Les sections des 
livres prophétiques, telles qu'on les lit dans les syna- 
gogues, portent un nom particulier, hapktarotk. Voir 
Haphtapah, t. m, col. 421. On les lit à la suite des 
parsîyôt. Voir le tableau des lectures des parMyôt et des 
haftarôf pour les jours de sabbat et les jours de fête 
dans J. M. Klintock et J. Strong, Cyclopsedia of bi- 
blical Literature, t. iv, 1891, p. 66-67. 

PARASITE, celui qui s'impose à quelqu'un pour 
vivre à ses dépens. — Au Psaume xxxv (xxxiv), 16, il 
est parlé de la'âgê mâ'ôg, « railleurs de gâteau, » qui se 
moquent du juste. Le mâ'ôg et une sorte de galette 
ronde. Voir Gâteau, t. m, col. 114. Les railleurs de 
gâteau sont ceux qui fréquentent la table des autres et 



paient de leurs gais et malicieux propos la pitance 
qu'on leur accorde. Les Talmudistes appellent aussi 
leSôn 'ûgâh, « langue de gâteau, » celle du parasite 
qui achète les bons morceaux au prix de ses plaisan- 
teries ou de ses adulations. Cf. Rosenmûller, Psalmi, 
Leipzig, 1822, t, n, p. 882. L'expression hébraïque 
n'est pas rendue dans les versions, Septante et Vulgate i 
« Ils m'ont éprouvé et m'ont raillé de leurs railleries. » . 
— Notre-Seigneur stigmatise les scribes « qui dévorent 
les maisons des veuves et font pour l'apparence de 
longues prières, » Marc, xn, 40; Luc, xx, 47, para- 
sites qui n'emploient pas la raillerie et la malice, 
comme les précédents, mais les semblants de la piété 
pour vivre aux dépens des autres et s'enrichir à leurs 
frais. Cette tradition se continua parmi les faux doc- 
teurs que saint Paul montre « s'insinuant dans les fa- 
milles pour captiver des femmelettes chargées de 
péchés, » I Tim.,.111, 6, « bouleversant des familles en- 
tières et enseignant, pour tin vil intérêt, ce qu'on ne 
doit pas enseigner. » Tit., i, 11. — Le divin Maître 
tient à ce que ses disciples évitent tout ce qui pourrait 
les faire confondre avec des parasites. « Demeurez dans 
la même maison, mangeant et buvant ce qui s'y trou- 
vera; car l'ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas 
d'une maison dans une autre. » Luc, x, 7. 

H. Lesêtre. 
PARASOL, appareil pour préserver quelqu'un des 
rayons du soleil. — Les Grecs connaissaient le crxtâSeiov, 
cf. Aristophane, Eq., 1348; Av., 1508, 1550, et les La- 
tins Vumbella ou umbracûlum (fig. 568), cf. Martial, 
xiv, 23, 28; Ovide, Fast., il, 311. Le parasol est assez, 




568. — Umbracûlum. D'après un vase peint. W. Smith, Die- 
Honary of Greek and Roman antiquities, 3" édit., t. n, 
1891, p. 976. 

souvent représenté sur les anciens monuments. Il est 
ordinairement tenu au-dessus de la tête de person- 
nages voyageant en char (fig. 569), assyriens, voir 
t. n, fig. 195, col. 570, cypriotes, voir t. n, fig. 194, 
col. 567, éthiopiens, voir t. il, fig. 619, col. 2009, etc. 
— Quelques textes sacrés font peut-être allusion indi- 
recte à cet. appareil. Ainsi Isaïe, xxv, 4, dit que le Sei- 
gneur est une forteresse pour le pauvre et « un ombrage 
contre l'ardeur du soleil; » mais cet ombrage est 
plutôt dû à l'interposition d'un nuage comme le donne 
à penser la suite du texte. Le Seigneur est de nouveau 
présenté ailleurs comme « un ombrage contre les feux 



2157 



PARASOL — PARCHEMIN 



2158: 



du midi », Eccli., xxxiv, 19; mais là encore cet om- 
brage peut avoir différentes causes. Au psaume cxl 
(cxxxix), 8, l'auteur sacré dit à Dieu : « Tu ombrages 
(sakkôtâh, ê7r£<rxia<ra«, obumbrasti) ma tête au jour de 
la guerre. » Il s!agit ici d'un ombrage mobile, qui 
couvre le guerrier pendant les péripéties de la lutte et 



est beaucoup plus probable que, dans ce passage, l'al- 
lusion est exclusivement biblique. Cf. Exod., XL, 35; 
Num., ix, 22. - H. Lesêtre. 

PARBAR, mot qui se lit deux fois (avec l'article 
hap-parbâr), dans le texte hébreu. I Par., xxvi, 18. les 




569. — Assurbanipal sur son char avec son parasol. 



par conséquent se meut avec lui. Ce texte fait penser 
naturellement aux rois assyriens, debout sur leur char 
de guerre, tandis qu'un esclave tient le parasol au-des- 
sus de leur tête. L'allusion n'est pourtant pas certaine. 
S'il était démontré que le parasol constituait un insigne 
de dignité royale en Orient, peut-être pourrait-on encore 
y chercher une allusion dans les paroles de l'ange à 
Marie : « La puissance du Très-Haut t'ombragera, 
Êm<Txtâ<ree <roi, obumbrabil tibi. » Luc, I, 35. Mais il 



Septante l'ont traduit par SiaSexouivouç et la Vulgate 
par cellules. Beaucoup de commentateurs croient que 
le mot Parbâr est identique au mot Parvarîm qui se 
Ut II (IV) Reg., xxm, 11 (Vulgate : Pharurim). Voir 
Pharcrim. 

PARCHEMIN- — 1° Nom, origine, fabrication. — • 
En dehors de l'Egypte où, dés la plus haute antiquité, 
le papyrus fut employé concurremment avec le cuir, 



2159- 



PARCHEMIN 



2160 



les peaux d'animaux tannées ou préparées d'une autre 
manière furent la matière généralement usitée pour 
l'écriture jusqu'au V e siècle avant Jésus-Christ. Hérodote 
nous apprend, v, 58, que les Ioniens appelaient peaux 
(SiçOspai) les rouleaux de papyrus parce qu'autrefois ils 
écrivaient sur des peaux de chèvre ou de mouton, 
comme le faisaient encore de son temps la plupart des 
barbares. Ctésias, dans Diodorede Sicile, u, 32, dit que 
les livres sacrés des Persans remplissaient douze cents 
peaux de bœuf. D'après Strabon, XV, 1, citant Nicolas 
de Damas, la lettre que les Indiens adressèrent à 
Auguste était sur peau. Les Juifs ne semblent avoir 
jamais employé le papyrus au moins pour les saints 
livres; mais les autres peuples l'adoptèrent successive- 
ment à partir du V e siècle avant Jésus-Christ et l'Egypte 
l'exporta en quantités de plus en plus considérables. S'il 
faut en croire Pline, H. N., xm, 11 [xxi]. qui cite 
Varron, un Ptolémée jaloux de la bibliothèque formée 
par Eumène, roi de Pergame, aurait interdit 1 exporta- 
tion du papyrus et l'invention du parchemin aurait été 
la suite de celte interdiction. Une note anonyme publiée 
par Boissonade, Anecdota grseca, t. i, Paris, 1829, 
p. 420, raconte la chose d'une autre manière à peine 
plus vraisemblable. Ptolémée, sur l'avis d'Aristarque, 
s'étant concilié l'amitié des Romains par un présent de 
papyrus, Craies, jaloux d'Aristarque, eonseilla au roi de 
Pergame Attale, d'envoyer à Home des parchemins dont 
on venait de découvrir la fabrication. Quoi qu'il faille 
penserde ces légendes, la tradition qui fixe à Pergame, 
sous l'un des Altales, l'invention du parchemin, ou 
plutôt un mode de préparation des peaux non tannées 
qui les rendît plus commodes pour l'écriture, n'est pas 
contestable. Le passage de S. Jérôme est classique, 
Epist. ad Chromât., t. xxn, col. 339 : Chartam de* 
fuisse non puto, Mgypto minislrante commercia, 
et si alicubi Ptolemœus maria clausisset, tamen rex 
Attalus membranas a Pergamo miserai, ut penuria 
chartœ pellibus pensaretur : unde et Pergamenarum 
nomen. Nous pouvons conclure de ce passage, qui en- 
registre la tradition ordinaire relativement à l'invention 
du parchemin, qu'on se servait généralement de papy- 
rus pour les lettres et exceptionnellement de parche- 
min à défaut de papyrus. — Le parchemin rappelle par 
son nom son lieu d'origine : ■Kiç-fa.^'i-^ (sous-entendu 
SifOlpa ou ôsppts = la peau de Pergame), en latin per- 
gamena (sous-entendu char la— le papyrus de Pergame). 
Ce nom, si commun au moyen âge se rencontre pour la 
première fois dans l'édit de Dioelétien, De pretio re- 
rum venalium de l'an 301, puis dans le passage de 
saint Jérôme transcrit ci-dessus. Le parchemin s'appe- 
lait aussi u.s[jLëpav«, en latin, membrana, pour mem- 
branaculis, du latin membrum, « membre. /> Le par- 
chemin diffère du cuir en ce qu'il n'est pas tanné mais 
seulement raclé. On faisait macérer la peau dans le lait 
de chaux pour l'amollir: en grattait ensuite au canif 
pour enlever le poil et on achevait de polir à la pierre 
ponce. Une fois sec et à égalité d'épaisseur, le parche- 
min est moins souple que le cuir, mais on pouvait lui 
donner le degré de finesse qu'où désirait. Au moyen 
âge on l'enduisait quelquefois de blanc d'oeuf, peut-être 
pour le rendre plus brillant; Planude, au xvi e siècle, 
blâme cette pratique, parce qu'alors l'encre ne mord 
pas et que l'humidité détruit rapidement le travail du 
scribe. 

2° Usage et diffusion progressive du parchemin. — 
Le parchemin a sur le papyrus cinq avantages. 1. Il est 
beaucoup plus résistant et susceptible d'une durée pres- 
que indéfinie, tandis que le papyrus passait pour très 
vieux à deux cents ans, d'après Pline, à trois cents ans, 
d'après Galien. — 2. Il s'écrit des deux côtés, bien que 
te" côté du poil soit inférieur en finesse. Au contraire, 
les papyrus opisthographes sont assez rares, parce que 
l'écrilùre était moins aisée sur les fibres longitudinales 



et qu'un rouleau écrit à l'extérieur est d'un usage peu 
commode. — 3. Le parchemin peut être gratté et récrit 
partiellement, ou même remis entièrement à neuf. Le 
papyrus se prête difficilement aux grattages. — 4. Sur 
lé parchemin l'écriture étant beaucoup plus serrée, on 
peut faire tenir beaucoup plus de matières sous un 
moindre volume. — 5. Enfin, le parchemin, qui prend 
si naturellement la forme de codex, supprime l'incom- 
modité des longs rouleaux. — Malgré tous ces avan- 
tages on lui préféra longtemps le papyrus, non seule- 
ment en Egypte mais dans tous les pays du monde 
civilisé. Le parchemin remplaça d'abord les tablettes; 
aussi Martial l'appelle-t-il pugillares membranei. On 
s'en servait donc surtout pour les brouillons. Pétrone 
dépeint l'infatigable poète Eumolpus toujours prêt à 
composer, armé d'une grande pièce de parchemin. Les 
allusions des auteurs classiques s'expliquent presque 
toutes par cet usage. Horace, Sat., II, m, 1-2; Àrs 
poet., 388-389; Perse, ni, 10, etc. Quintilien, Instit., X, 
m, 31, conseille le parchemin au lieu des tablettes aux 
personnes dont la vue est fatiguée, parce que l'écriture 
y ressort mieux. Le parchemin servait aussi pour des- 
siner à cause de la plus grande facilité des corrections 
et des retouches. On en fabriquait ces gaines où étaient 
enfermés les rouleaux de papyrus et ces étiquettes 
qu'on suspendait à l'extérieur du rouleau pour indi- 
quer le sujet et le numéro d'ordre du livre. L'emploi du 
parchemin ne fut qu'exceptionnel pour les ouvrages 
littéraires avant le IV e siècle de notre ère. On l'utilisait 
pour les livres qu'où voulait emporter en voyage, 
Martial I, n, 3; xrv, 184, 186, 188, 190, 192, ou qu'on 
tenait à posséder sous un très petit format. Cicéron, 
dans Pline, H. N., vir, 85, parle d'une Iliade sur par- 
chemin qui serait entrée dans une coquille de noix. 
Plus tard on trouva le parchemin commode pour les 
ouvrages considérables et sans divisions uniformes : 
dictionnaires, commentaires, écrits de jurisprudence. 
C'est au quatrième siècle que l'usage du parchemin se 
généralisa. Les chrétiens furent les premiers à l'adopter 
à raison de l'avantage qu'il y avait à réunir l'ensemble 
de la Bible dans le même recueil. Eusèbe raconte, non 
sans complaisance, Vita Const., iv, 36-37, t. xx, 
col. 1185, comment. il fit confectionner les cinquante 
grands codex en parchemin contenant la Bible entière 
(alluma Iv StçSipaiç) que l'empereur Constantin lui 
avait demandés. Avant les récentes découvertes de pa- 
pyrus, tous les onciaux bibliques, soit en grec, soit 
en latin, et la plupart des minuscules étaient sur par- 
chemin. A partir du vil» siècle, date de la disparition 
progressive du papyrus et jusqu'au XI e où le papier de 
chiffons commença à le remplacer, le parchemin étant 
désormais la seule matière employée pour écrire devint 
de plus en plus rare et la pénurie en fut encore accrue 
par la mode des livres énormes qui régna surtout du 
ix e au xi e siècle. 

3° La forme de codex donnée au parchemin. — Le 
mot codex — on disait anciennement caudex — est 
ainsi défini par Sénèque, De brevit. vitse, xm, 4 : « Plu- 
rium tabellarum contextus caudex apud antiquos voca- 
tur; unde publicae tabula; codices dicuntur. » Les ta- 
blettes, soit enduites de cire (ceratte) soit blanchies à la 
céruse (cerussatœ) , étaient réunies en deux, trois ou plu- 
sieurs plaques et prenaient le nom de diptyques, trip- 
tyques,polyptyques. Une charnière les reliait soit toutes 
ensemble, soit deux à deux. Pliées, elles ressemblaient 
à nos livres, comme on peut le voir au forum de Rome 
sur les bas-reliefs où Trajan est représenté faisant brûler 
les registres des impôts arriérés. — Nous avons ditpfus 
haut que le parchemin avait d'abord remplacé les ta- 
blettes pour les comptes, les brouillons, les souvenirs 
de famille; il était donc naturel qu'il prit la forme des 
tablettes. D'ailleurs il est trop raide pour la disposition 
en rouleau qui convenait mieux au papyrus et au cuir. 



2161 



PARCHEMIN — PARESSE 



2162. 



Les énormes rouleaux dés synagogues sur lesquels sont 
écrits les cinq livres de Moïse ou les Prophètes, sont 
en cuir. Ce serait pourtant une erreur de supposer, 
comme on l'a fait souvent, qu'il y a nne connexion né- 
cessaire entre le papyrus et le rouleau d'une part, entre 
le parchemin et le codex de l'autre; car un grand 
nombre de papyrus bibliques récemment découverts — 
le plus grand nombre peut-être — avait la forme de 
codex. 

4° Le parchemin et la Bible. — Les Hébreux écri- 
vaient régulièrement sur des peaux préparées à cet 
effet. Mais oh ne saurait dire le plus souvent s'il s'agit 
de peaux tannées (cuir) ou de peaux non tannées (par- 
chemin). Le terme hébraïque -fn signifie aussi bien la 
peau au naturel que la peau préparée, quel que soit le 
procédé de préparation. Le terme talmudique rnnsi 
transcription du grec SiçOépa) est également très géné- 
ral. Les rabbins distinguent trois espèces de peaux à 
écrire, mais il est impossible de savoir au juste ce qu'ils 
entendent par chacune de ces trois espèces. Cf. Blau, 
Studien zuni althebr. Buchwesen, Strasbourg, 1902, 
p. 22-33. Les rouleaux de la Thora sont ordinairement 
en cuir; les megillof et les philactères sont au con- 
traire en parchemin, ainsi que les Bibles hébraïques en 
forme de codex. — Le parchemin n'est nommé qu'une 
fois dans l'Écriture. II Tim., iv, 13. Saint Paul écrit à 
son disciple de lui rapporter les livres et surtout les 
parchemins (toc; u,6u,§pdtva;), qu'il .a laissés chez Carpus 
à Troade. On ignore ce qu'ils contenaient. Les suppo- 
sitions qu'on a faites, que c'était son diplôme de citoyen 
romain (Farrar), etc., ne sont que de pures conjectures. 

5» Bibliographie. — Birt, Das antike Buchwesen, 
Berlin, 1882; Th. Zahn, Geschichte des neutestam. 
Kanons, Erlangen, t. i, 1888, p. 60-79 : Codex und 
Rolle; Waltenbach, Das Schriflwesen im Mitlelalter, 
3 e édit., Leipzig, 1896; K. Dziatzko, Vntersuchùngen 
ùber ausgewàhlte Kapitel des antikeii Buchwesens, 
Leipzig, 1900 ; l'article Buch, du même dans l'encyclo- 
pédie de Pauly-Wissowa, l'article Membrana de Lafaye 
dans le dictionnaire de Daremberg et Saglio. — Sur la 
matière des livres hébreux en particulier : Steglich, 
Schrift- und Bucherwesen der Hebràer, Leipzig, 1876; 
L. Blau, Studien zuni althebràischen Buchwesen, 
Strasbourg, 1902. Les archéologies bibliques n'ont 
presque rien sur ce sujet. F. Prat. 

PARENTÉ, relation de famille résultant des nais- 
sances ou des alliances. — Les relations de parenté 
s'expriment en hébreu par les termes suivants : Père, 
'âb, icizrtf, pater. Voir Père. — Mère, 'êm, u,r,Tï]p, 
mater. Voir Mère, col. 993. Par rapport à l'enfant, le 
père et la mère sont appelés yave?;, parentes. Luc, H, 
43. — Fils, bèn, uîoç, filius. Il est nommé « fils du 
père », Gen., xlix, 8, ou « fils de la mère », Gen., xxvii, 
29, suivant que la descendance est à chercher, dans un 
cas donné, du côté paternel ou' du côté maternel. Voir 
Fils, t. H, col. 2252. — Fille, bat, DvyâTYjp, filia. Voir 
Fille, t. n, col. 2251. — Grand-père et arrière-grand- 
père, 'âb, « père » ou « père du père », upditamcoç, 
Exod., 6, raimc<j;, Eccli., prol., avus. — Grand'mère, 
êm, III Reg., xv, 10, |iï|ipv;, avia. II Tim., i, 5. — 
Frère, 'ah, âfieXpô;, f rater. Voir Frère, t. n, ceV.v2402. 
' — Sœur, 'âhô(, àit\yr\, soror, Gen., XX, 12,/îi du côté 
du père ou du côté de la mère. » Lev., xvm, 9. Voir 
Sœur. — Oncle, 'âfii 'êm, « frère de la mère, » «SeXçdî 
*% [irirpo;, avunculus, Gen., xxvm, 2; xxix, 10; dôd, 
à5eXçdç toû Ttarpoç, palruus. Lev., x, 4; xxv, 49. — 
Tante, 'âhôt 'âb ou 'êm, àSeXçri itxrpoç ou [tr^po;, soror 
patris ou matris, « seeur dn père ou de la mère, » Lev., 
xviir, 12, 13; dôdâh, la tante, sœur du père, Exod., vi, 
20, mots que les versions traduisent par. « fille de 
l'oncle », palruelis. Le même nom de dôdâh, 'o-uyyevt)ç, 
affiriitate conjungitur, est donné à la femme de l'oncle 



paternel, amita, et à celle de l'oncle maternel, mater- 
tera. Lev., xvm, 14; xx, 19, 20. — Cousin, bên dôd, 
« fils de l'oncle, » âve^iô;, filius patrui, patruelis 
consobrinus. Num., xxvi, 11; Tob., vu, 2; xi, 20; Col., 
iv, 10. Voir Cousin, t. n, col. 1092. — Cousine, 6a? 
'âfyî 'êm, « fille du frère de la mère, » Ouyàiirip âSeXçoû 
Tij; (MQTpôç, consobrina. Gen., xxix, 10. — Mari,_gé6eV, 
àviîp, maritus, vir. Voir Mari, t. iv, col. 758. — Epouse, 
be'ûlâh, -J-JV7), uxor. Voir Mariage, t. iv, col. 759. — 
Beau-père, hâm, hâtâri, nev6Epôç, socer. Gen., xxxvm, 
13, 25; Exod., m, 1; iv, 18; I Mach., xi, 2; Joa., xvm, 
13. — Belle-mère, hâmô(, l,iotené(, nevOepoc, socrus. 
Deut., xxvii, 23; Ruth, î, 14; Matth., vin, 14; Luc, IV, 
38. — Gendre, l.iâfân, ya|iëpé;, gêner. Voir Gendre, 
t. m, col. 159. — Bru, kalldh, v'j\i<y{\, nurus. Gen., 
xxxvm, 11, 24; Lev., xvm, 15; xx, 12; Matth., x, 35; 
Luc, xn, 53. — Beau-frère, yâbâm, à8zï.fôç to-j àvêpôç, 
frater viri. Deut,. xxv, 5. — Belle-sœur, -j-w^ t°3 «SeX- 
cpov, uxor fratris. Deut., xxv, 7. — Neveu, bên, « fils », 
Gen., xxix, 5, bén 'al}, ui6; toû à&XçoO, filius fratris, 
« fils du frère. » Gen., xn, 5. — D'autres relations 
familiales sont indiquées par les expressions baf bên, 
6uf<mjp uioû, filia filii, et baf bat, 6uYcVnr|p 8'jyaTpô;, 
neptis, la petite-fille, par le fils ou par la fille, Lev., 
xvm, 10; benê bdnim, tixva téxvmv, nepotes, les petits- 
fils, Exod., xxxiv, 7; Prov., xm, 22; xvil, 6; goâlîm, 
propinqui, les proches, III Reg., xvi, 11; môlcdéf, 
-fevei, generatio, la parenté, Gen., xxxi, 3; uvy^eveï;, 
cognati, les parents, Luc, n, 44; etc. Voir Famille, 
t. il, col. 2169. En outre, les mots qui désignent le 
père, la mère, le fils, la fille, le frère, la soeur et le 
beau-père ont une très large extension et sont parfois 
attribués à des parents assez éloignés. 11 en est du reste 
ainsi dans toutes les langues anciennes; les termes en 
usage ne suffisent pas à caractériser tous les développe- 
ments de la parenté; beaucoup d'entre eux demeurent 
imprécis. D'autre part, la prédilection dés Orientaux 
pour l'hyperbole les porte à accentuer les liens réels 
qui unissent les hommes entre eux, et à traiter de 
pères, de frères ou de fils ceux qui n'ont avec eux que 
des relations d'amitié ou d'affaires. Cf. M. Mûller, 
Essais de mythologie comparée, trad. Perrot, Paris, 
1874, p. 38, 39. — Sur les obligations ou les interdic- 
tions qui résultent dé la parenté quant au mariage, 
voir Lévirat, t. iv, col. 213; Mariage, col. 760. 

H. Lesètre. 
PARESSE (hébreu : 'aslàh, 'aslût, 'âsal(ayim, 
« paresse des deux (mains), complète » Eccle., x, 18; 
Septante : oxvjjpîa; Vulgate : pigredo, pigrilia, oisiveté 
volontaire de celui qui devrait travailler. Le paresseux 
est appelé 'asêl, ôxvVipci;, àepyo;, ipyô;, piger; remiyyàh, 
Tanetvd;, remisstts; vwGpo; segnis; nirpîm, erj^oXa errai', 
vacatis otio. Exod., v, 8, 17. — 1° La paresse est stigmatisée 
dans les Livres sapienliaux par des traits pittoresques. 

Quand tes mains sont paresseuses, la charpente s'affaisse, 
Quand les mains sont lâches, la maison ruisselle. 

Eccle., x, 18. Le paresseux n'a pas le courage de 
réparer sa maison ; alors les pièces qui soutiennent la 
construction cèdent de toutes parts, les murs de pisé 
sont délayés par la pluie et s'effondrent, ou, à travers 
les tuiles disjointes de la terrasse, l'eau des averses 
ruisselle à l'intérieur. Voir Maison, t. îv, col. 589. Le 
paresseux ne laboure pas, sous prétexte qu'il fait mau- 
vais temps, et à la moisson il ne récolte rien. Prov., 
xx, 4. Pour ne pas se rendre au travail, il invoque un 
danger imaginaire, un lion dehors, une mort certaine 
qui l'attend. Prov., xxii, 13; xxvi, 13. Aussi son champ 
est couvert d'épines, sa vigne encombrée dff ronces et 
le mur qui l'entoure écroulé. Prov., xxiv, 30, 31. Il se 
retourne dans son lit comme une porte sur ses gonds, 
sans en sortir. Prov., xxvi, 14; c'est pour lui un labeur 
de porter la main du plat jusqu'à sa bouche, Prov., 



2163 



PARESSE — PARFUM 



2164 



xix, 24; xxvi, 15; il trouve des obstacles partout, et son 
chemin est comme une haie d'épines, à travers laquelle 
il ne peut passer. Prov., xv, 19. Aussi ne faut-il pas 
lui parler de grosse besogne. Eccli., xxxvh, 14. Avec 
cela, il se croit plus sage que sept conseillers prudents. 
Prov., xxvi, 16. Il a des velléités de travail, mais sa 
main n'a pas le courage de se mettre à l'œuvre, Prov., 
xxi, 25, et il ne réalise pas ses désirs. Prov., xm, 4. 
La conséquence de la paresse est inévitable : 

Un peu de sommeil, un peu d'assoupissement, 
Les mains croisées pour dormir un peu ! 
Et la pauvreté te surprendra comme un rôdeur, 
L'indigence comme un homme en armes. 

Prov., xxiv, 33, 34; vi, 9-11; x, 4; cf. xvm, 8; xix, 15. 
Nuisible à lui-même, le paresseux est désagréable aux_ 
autres comme le vinaigre aux dents et la fumée aux 
jeux, Prov., x, 26, comme une pierre souillée d'ordure 
et une boule de fiente, qui oblige celui qui les a touchées 
à se secouer la main. Eccli., xxn, 1, 2. Aussi le renvoie- 
t-on à la fourmi, pour qu'il prenne auprès de ce 
petit animal des leçons d'activité. Prov., vi, 6. Voir 
Fourmi, t. n, col. 2342. — 2» Quand les Israélites, acca- 
blés par les corvées en Egypte, demandèrent un allége- 
ment, le pharaon les accusa d'être des paresseux : 
nirpiin 'a((ém nirpîm, « paresseux, vous, paresseux ! » 
Exod., v, 8, 17. La femme forte « ne mange pas le pain 
de l'oisiveté. » Prov., xxxi, 27. Le serviteur qui a enfoui 
les talents au lieu de les faire valoir est traité de mé- 
chant et de paresseux. Malth., xxv, 26. Saint Paul rap- 
pelle à Tite, i, 12, que les Cretois sont des « ventres 
paresseux, » c'est-à-dire des hommes de bonne chère 
et de nonchalance. Voir Cretois, t. h, col. 1116. Il 
est recommandé aux chrétiens de n'être pas paresseux 
en bonnes œuvres, Heb., vi, 12, et de relever les 
mains languissantes et les genoux défaillants, c'est-à- 
dire de réveiller les activités endormies. Heb., xn, 12. 

H. Lesêïre. 

PARFUM (hébreu : mérqdfiâh, mirqabqt, roqati 
7nqqifiim, (atnritq, sèmên, « l'huile parfumée ; » Sep- 
tante : Ouu,!ap.a, j)o\jo'[io<, ap<j>u.a, u.-jpov; Vulgate :aroma, 
unguentum, odoramentum), substance provenant d'or- 
dinaire de certains végétaux et exhalant uije odeur sub- 
tile, agréable, forte, pénétrante, à des degrés divers, 
selon la puissance ou la préparation de la matière pre- 
mière. — Les parfums peuvent être simples ou composés, 
suivant qu'on les laisse isolés ou qu'on les mélange. On 
les prépare soit pour être brûlés, comme l'encens, soit 
pour imprégner l'huile qui sert aux onctions, voir 
Onction, col. 1805, soit pour se dégager à l'air libre 
et ainsi embaumer un lieu, un meuble, etc. Sur les 
différents végétaux qui entrent dans la composition des 
parfums, voir Aloès, t. i, col. 400; Astragale, t. i, 
col. 1188; Baume, t. i, col. 1517; Casse aromatique, 
t. ii, col. 335; Cinnamome, t. il, col. 770; Encens, t. n, 
col. 1768; Galbanum, t. m, col. 20; Ladanum, t. iv, 
col. 29; Myrrhe, t. iv, col. 1363; Nard, t. iv, col. 1478; 
Safran; Styrax. On employait le nard recueilli par 
un coquillage, l'onyx. Voir Onyx, t. iv, col. 1822. 

I. Les parfums chez les anciens. — 1° Les anciens 
orientaux, comme ceux d'aujourd'hui, ont toujours eu 
une grande prédilection pour les parfums. « Le Créa- 
teur, qui place d'ordinaire le secours à côté du besoin, 
le remède à côté du mal, n'a-t-il pas mis sur le sol de 
l'Orient la plupart des végétaux qui produisent des 
parfums pour combattre la putréfaction, les odeurs 
malsaines, les insectes incommodes, que la chaleur et 
les autres conditions y développent avec tant de facilité? 
Aussi les parfums sont-ils pour l'indigène une des né- 
cessités de la vie. Toutes les grandes villes, le Caire, 
Damas, etc., ont leur "bazar aux parfums. » Jùllien, 
L'Egypte, Lille, 1891, p. 255. Dès les plus anciens temps, 
on en faisait grand commerce. Les Ismaélites auxquels 



Joseph fut vendu par ses frères transportaient de Galaad 
en Egypte une cargaison d'astragale, de baume et de 
ladanum. Gen., xxxvh, 25. Les Égyptiens faisaient une 
très forle consommation de parfums pour le culte de 
leurs dieux et— l'embaumement de leurs morts. La 
plus grande partie leur venait de l'Arabie et de la Pa- 
lestine orientale. Cf. Vigoureux, La Bible et les décou- 
vertes modernes, 6 e édit., t. n, p. 10-19. Plus tard, les 
marchands de Saba et de Rééma apportaient à Tyr les 
meilleurs aromates pour les échanger avec des objets 
manufacturés. Ezech., xxvn, 22. Cf. Apec, xvitl, 13. 
— 2° Le goût des parfums se répandit à Jérusalem par- 
ticulièrement â l'époque de Salomon. La reine de 
Saba en offrit au roi une quantité telle qu'on n'en vit 
jamais d'aussi grande dans le pays. III Beg., x, 2, 10; 
II Par., ix, 1, 9. A partir de ce moment, on lui en 
apportait annuellement, sous forme de tribut volon- 
taire, soit de la Palestine, soit de l'étranger. 111 Reg., x, 
25; II Par., ix, 24. Ces parfums étaient gardés dans le 
trésor royal. Parmi les objets de prix qu'Ézéchias mon- 
tra avec tant de complaisance aux envoyés du roi de 
Babylone, se trouvaient les aromates et l'huile de prix, 
au même titre que l'or, l'argent et les armes. IV Reg., 
xx, 13; Is., xxxix, 2. — 3° Dans l'éloge de l'Épouse du 
Cantique, il est constamment fait mention de parfums 
et d'aromates, symboles de ses charmes et de ses 
qualités. Cant., i, 3; m, 6; iv, 10, 16; v, 1, 13; vin, 
14. On parfumait d'aromates l'huile et le vin, même à 
grands frais, Prov., xxi, 17, et l'on trouvait que ces prépa- 
tions réjouissaient le cœur. Prov., xxvn, 9. — 4° L'in- 
troduction des coutumes grecques et romaines en Pa- 
lestine contribua encore à vulgariser le goût et l'usage 
des parfums dans la toilette et les divers soins du corps. 
« Les parfums étaient généralement fabriqués avec des 
substances que Rome recevait de l'Egypte, de l'Arabie, 
de l'Inde... Le jonc odorant fournit un des parfums les 
plus communs et les moins estimés; il ne coûtait 
guère que 12 à 13 francs la livre. Outce les odeurs que 
l'on tirait directement des plantes, il existait beaucoup 
de parfums composés. Les plus recherchés étaient le 
megalium, le telinum, de Télûs, le malobathrum, de 
Sidon, le nardum, surtout celui de Perse, Vopobalsa- 
mutn, etc. Le cinnamome Coûtait au moins 246 francs 
la livre... Les parfums étaient renfermés dans des 
flacons d'albâtre (alabastra) ou dans des vases d'onyx; 
on les conservait dans l'huile et on les colorait en 
rouge avec du cinabre ou de l'orseille. Les bains étaient 
souvent parfumés; les chambres et les lits étaient 
arrosés de parfums. Au moment des représentations 
scéniques, le théâtre était également parfumé avec du 
safran, de la cannelle, du cinnamome. On ajoutait 
même des parfums aux vins les plus estimés. On allait 
jusqu'à en mettre dans l'huile des lampes. » Bouyer, 
Études médicales sur l'ancienne Rome, Paris, p. 110, 
111. Plusieurs de ces traits se retrouvent dans la Sainte 
Écriture. 

II. Usage des parfums. — 1° Liturgie. — 1. Au dé- 
sert, les Hébreux durent apporter à Moïse des aromates 
pour la confection du parfum liturgique. Exod., xxv, 
6. Moïse composa d'abord une huile parfumée pour 
faire les onctions sacrées : elle comprenait 500 sicles 
de myrrhe vierge, 250 de cinname odorante, 250 de 
canne odorante, 500 de casse et un hin d'huile d'olive. 
Exod., xxx, 23-24. Avec d'autres aromates, il composa 
un second parfum destiné à être brûlé sur un autel 
spécial : ce parfum comprenait des aromates, styrax, 
onyx odorant, galbanum, et autant d'encens très pur, 
auquel on ajoutait un peu de sel. Ce parfum, considéré 
comme très saint, ne pouvait être imité pour l'usage 
privé sous peine de retranchement (sorte d'excommu- 
nication); cf. Jïxod., xxx, 34-38; xxxi, 11; xxxv, 15, 
28; xxxvn, 29; xxxix, 38; Lev., xvi, 13; Il Par., n, 4. 
Il rappelle le kyphi ou parfum sacré des Égyptiens. 



2165 



PARFUM 



216$ 



VoirManéthon, dans Historié, grsee. fragm., édit. Didot, 
n. 84, p. 616; V. Loret, Le Kyphi, parfum sacré des 
Egyptiens, dans le Journal asiat., juillet-août 1887, 
p. 26-132. Il convenait que les Hébreux offrissent au vrai 
Dieu au moins les mêmes hommages extérieurs que les 
Egyptiens à leurs fausses divinités. Or ceux-ci étaient 
prodigues de parfums vis-à-vis de leurs idoles. Les monu- 
ments représentent très fréquemment l'offrande de par- 
fums faite aux dieux par les rois, t. n, fig. 566, col. 1778, 
et par les particuliers (fig. 570). Pour son compte, 
d'après le grand papyrus Harris, dans les Records of 
the past, t. vr, p. 45, 46, Ramsès III présenta au temple 
de ses dieux 62 amphores d'encens blanc, 308093 
mesures d'encens/ 93 amphores et 1100 hins de baume 
doux, 778 amphores d'encens à brûler, 31 amphores 



pureté et l'incorruptibilité. Gf. Bâhr, Symbolik des 
tnosaïschen Cultus, Heidelberg, 1837, t. i, p. 458-470. 
Dans l'Apocalypse, v, 8, les parfums qui remplissent 
les coupes d'or figurent les prières des saints. — 3. Dans 
la suite, les Israélites ne s'en tinrent pas aux prescrip- 
tions si simples de Moïse. Ils ajoutèrent sept autres 
composants aux quatre premiers : la myrrhe, la casse,, 
le nard, le crocus, le costus, le roseau aromatique et 
le cinnamome. De fait, Isaïe, xmr, 23, et Jérémie, vr, 
20, mentionnent le roseau aromatique avec l'encens 
parmi les parfums offerts au Seigneur. L'auteur de 
l'Ecclésiastique, xxiv, 15, semble associer aux quatre 
éléments du parfum mosaïque la cannelle, le baume et 
la myrrhe. Cf. Gem. Kerithoth, 78, 1; Gem. Jer. Yoma, 
41, 4. D'autres y introduisirent encore une substance 





L! t&J" *i— _ ---- ^— "*»■* - ft-""" --ï-"C5fi-— _»-"'T:s3ï --6----^ 

I _ e -- r ■■ ^ - _ r - _ r - l "g_-= = _.«"=. "es*- ï- * 









570. 



Panneau en fcois doré représentant deux adorateurs d'Osiris et de la déesse Vérité à qui ils offrent des parfums. 

Musée du Louvre. 



de baume rouge, etc. On faisait en effet une grande 
consommation de parfums dans les sacrifices et dans 
les fêtes (fig. 571). Dans la liturgie hébraïque, les par- 
fums étaient employés avec moins de prodigalité, sans 
doute, mais avec plus de méthode et de régularité. — 
2. Il n'y a pas lieu de s'arrêter à l'idée grossière que 
ces parfums aient été destinés à corriger la mauvaise 
odeur de tant de victimes sacrifiées et consumées dans 




571. — Prêtre offrant de l'encens au son de la musique à ta fête 
de l'inondation du Nil. Musée de Leyde. — D'après Wîlkinson, 
Manners, 2" édit., t. m, fig. 600, p. 399. Z""^'" 

le sanctuaire. Les sacrifices avaient lieu en plein air 
et toutes les précautions étaient prises pour maintenir 
en parfait état de propreté le lieu où ils s'offraient. Les 
parfums sacrés représentaient symboliquement la pré- 
sence de Dieu et son esprit, qui renferment toutes 
choses comme l'air qu'on respire, et son nom, iden- 
tique à sa personne. Cant., r,'3. Les éléments compo- 
sant le parfum sacré étaient au nombre de quatre, comme 
les côtés de l'autel et du sanctuaire et les lettres du 
nom de Jéhovah. Le sel qu'on y ajoutait marquait la 



appelée ambre du Jourdain, une herbe qui avait la 
propriété de faire monter la fumée perpendiculairement, 
et du sel de Sodome, qui, paraît-il, desséchait mieux 
les parfums. Tous ces éléments devaient, d'après la loi, 
Exod., xxx, 36, être réduits en poudre. On se servait 
pour cela d'un mortier d'airain, On préparait le par- 
fum dans le parvis, et l'on en confectionnait pour toute 
l'année 368 livres. On recommençait l'opération quand 
la moitié du parfum était brûlée. Les docteurs n'avaient 
d'ailleurs pas manqué de détermiuer dans quelle pro- 
portion exacte chaque parfum devait figurer dans l'en- 
semble. Sur 368 livres, il y avait cependant 280 livres 
des éléments indiqués par Moïse; ils y entraient chacun 
pour un quart. Cf. Gem. Schebuoth, 10, 2; Gem. Keri- 
thoth, f. 28, 1; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 
1741, p. 22, 23. — 4. Chaque jour, matin et soir, le 
parfum était brûlé sur l'autel destiné à cet usage. 
Voir Autel, t. i, col. 1271. L'offrande du parfum avait 
lieu, le matin, après que l'agneau du sacrifice perpétuel» 
avait été immolé et avant qu'il fût placé sur l'autel des 
holocaustes, le soir, après qu'il avait été mis sur l'autel 
et avant la libation. Cf. Yoma, m, 5; Philon, De vicli- 
mis, 3, édit. Mangey, t. n, p. 239. Le prêtre auquel 
était dévolue la charge de présenter le parfum prenait 
une coupe, kaf, d'or, munie d'un couvercle, et dans 
laquelle se trouvait une coupe plus petite eontenant le 
parfum. Un autre prêtre recueillait des charbons ardents 
sur l'autel des sacrifices avec des pincettes d'argent et 
Jes plaçait dans un chaudron en or. Tous deux s'avan- 
çaient alors jusqu'au fond du Temple. Celui qui portait 
les charbons les versait sur l'autel des parfums, se 
prosternait pour adorer et ensuite se retirait. L'autre 
alors tirait la petite coupe de la grande, tendait cette der- 
nière à un troisième prêtre, et répandait le parfum 
sur les charbons. Puis, il se prosternait pour adorer et 
se retirait. Cf. Tamid, v, 4, 5; vi, 3; vu, 2; Yoma, iv, 
4. Pendant que cette cérémonie s'accomplissait, les 
prêtres se tenaient dans l'attitude de la prière, et un 



■2167 



PARFUM — PARISIENSIS (CODEX) 



2168 



-signal était donné au peuple qui remplissait les parvis 
pour qu'il unit sa prière à celle des ministres sacrés. 
Cf. Iken, Antiguitates hebraicee, Brème, 1741, p. 286, 
^87; Schùrer, Geschichte des jûdi&chen Volkes tm 
Zeit. J. C, Leipzig, t. H, 1898. p. 296, 297. D'après le 
récit de saint Luc, i, 9, 10, 21, on voit que le prêtre 
■chargé d'offrir le parfum â « l'heure de l'encens » était 
désigné par le sort parmi ceux dont la série était de 
service ce jour-là. Il entrait dans le sanctuaire pour 
■remplir cet office, et, pendant ce temps, toute la multi- 
•tude du peuple se tenait en prière. La cérémonie durait 
quelques instants ; aussi s'étonna-t-o'n que Zacharie 
.restât plus longtemps qu'on ne faisait d'ordinaire. 

2° Toilette. — 1. A partir de Salomon, les parfums 
furent très employés dans la toilette des riches, surtout 
sous forme d'huile parfumée. Prov., xxi, 17; IV Reg., 
jlx, 13. Amos, VI, 6, constate que les riches se parfu- 
maient d'huiles exquises. Judith, xvi, 10, oignait son 
-visage d'huile parfumée. A la cour de Suse, Esther 
suivait le traitement prescrit aux femmes du harem 
royal, six mois avec de l'huile de myrrhe, six mois avec 
•■des aromates et d'autres parfums. Esth., h, 12. — 
2. Ceux qui menaient joyeuse vie se couvraient de par- 
fums. Sap., il, 7. Les prostituées d'alors, comme celles 
-de tous les temps, abusaient des parfums violents. Is., 
ivn, 9; Ezech., xxm, 41. La séductrice ne manquait 
pas de parfumer sa couche de myrrhe, d'aloès et de 
-cinnamome. Prov., vu, 17. On leur rappelait que 
bonne réputation vaut mieux que bon parfum. Eccle., 
vu, 1. — 3. A l'époque évangélique, les onctions d'huile 
•parfumée étaient très usuelles. Voir Onction, col. 1805. 
Dans la maison du pharisien, la pécheresse apporta un 
vase de parfum et en oignit les pieds du divin Maître. 
Celui-ci remarqua que son hôte avait manqué à l'un 
des devoirs de l'hospitalité en ne répandant pas l'huile 
parfumée sur sa tête. Luc, vu, 37, 38, 46. A Béthanie, 
4e Sauveur reçut sur la tête une nouvelle onction de 
nard très précieux, valant plus de trois cents deniers et 
il loua Marie-Madeleine d'avoir rempli vis-à-vis de lui 
ce pieux devoir. Matth., xxvi, 7, 10; Marc, xiv, 3, 5, 6; 
-Joa., xii, 2, 5, 7. 

3° Sépulture. — Le corps de Jacob fut enseveli avec 
-des parfums, à la manière égyptienne. Gen,, l, 2, 3. Il 
-en fut de même pour le corps de Joseph. Gen., L, 26. 
Voir Embaumement, t. n, col. 1724. — 2. Les parfums et 
les aromates servirent également à la sépulture du roi 
Asa, H Par., XVI, 14, et, sans nul doute, à la sépulture 
des autres rois. Voir t. n, col. 1728. — 3. L'Évangile 
-parle des premiers soins donnés au corps de Notre- 
Seigneur après sa mort. On y employa les aromates, 
"la myrrhe, l'aloès et d'autres parfums. Marc, xvi, 1; 
Luc, xxiil, 56; xxiv, 1; Joa., xix, 40. Voir t. H, col. 
1729. Saint Jean, xix, 39, parle d'un mélange de 100 
livres de myrrhe et d'aloès. Josèphe, Ant. jud., 
XVII, vm, 3, raconte qu'aux funérailles d'Hérode cinq 
■cents esclaves portaient des aromates, ce qui suppose 
une quantité bien plus considérable que pour Noire- 
Seigneur. IL Lesêtre. 

PARFUMEUR (héhreu : roqéafr,raqqâh; Septante : 
luipe+ôç; Vulgate : unguentarius), celui qui prépare les 
-parfums. — Des lévites étaient spécialement dési- 
gnés pour la préparation et la garde du parfum litur- 
rgique. Le texte sacré parle de 1' « art du parfumeur », 
Exod., xxx, 35, parce qu'il fallait de l'habileté pour 
-préparer les substances aromatiques et faire le mélange 
convenable. A l'époque royale, il y avait des lévites 
«hargés de veiller sur l'encens et les aromates, et des 
41s de prêtres ayant la fonction de composer des par- 
fums aromatiques. I Par., IX, 29, 30. Après la captivité, 
on trouve un Ananie, appartenant à la corporation des 
parfumeurs. II Esd., m, 8. Dans les derniers temps, 
-d'après Schekalim, v, 1, la famille Abtinas, dont une 



des chambres du Temple portait le nom, était spécia- 
lement chargée de préparer le parfum liturgique. Cf. 
Yorna, l, 5; Tamid, i. 1; Middoth, i, 1, Les membres 
de cette famille se transmettaient les. secrets techniques 
de cette prépafàtion et étaient réputés pour leur, habi- 
leté à trouver l'herbe qui faisait monter droit la fumée. 
Le traitement de l'onyx odorant réclamait aussi une 
attention particulière, pour le débarrasser des impuretés 
qu'avait pu lui faire contracter son origine animale. — ■ 
D'autres parfumeurs travaillaient pour les usages pro- 
fanes. Déjà Samuel avertit les Israélites que, s'ils veu- 
lent un roi, celui-ci prendra leurs filles pour parfu- 
meuses, cuisinières et boulangères. I Reg., vm, 13. 
On n'a pas de renseignements sur la manière dont les 
anciens préparaient leurs parfums. D'ailleurs les par- 
fumeurs cachaient avec soin les recettes qu'ils se trans- 
mettaient et dont ils tiraient profit. On rencontre dans 
Job, xli, 22, une allusion à cetle préparation. L'auteur 
dit, en parlant du crocodile : 

Il fait bouillonner t'abîme comme une chaudière, 
Il fait de la mer un vase de parfums. 

Sans doute, le. saurien a une odeur de musc assez 
prononcée ; mais le parallélisme indique que l'auteur a 
surtout en vue le bouillonnement des eaux. Par l'effet 
des mouvements agiles du crocodile, les eaux bouillon- 
nent comme, dans une chaudière, le liquide qu'on veut 
saturer de l'odeur des parfums par- une ébullition pro- 
longée. « Une mouche morte infecte et corrompt l'huile 
du parfumeur. » Eccle., x,l. Aussi celui-ci veillait-il sur 
ses préparations pour les préserver de toute altération. 

H. Lesêtre. 
PARIS François, théologien français, mort à Paris, 
le 17 octobre 1718. Il était curé de Saint-Lambert près 
de Port-Royal-des-Champs quand il donna sa démission 
pour devenir vicaire de Saint-Étienne-du-Mont, à Paris. 
Parmi ses écrits on remarque : Les Psaumes en forme 
de prières, paraphrase, in-12, Paris, 1690 : cet ouvrage 
qui eut plus de dix éditions fut fait avec la collabora- 
tion de Vincent Loger, curé de Chevreuse; L'Évangile 
expliqué selon les Pères, les auteurs ecclésiastiques et 
la concorde des quatre Avangé listes, 4 in-8», Paris, 
1693-1698. Voir Quérard, La France littéraire, t. vi, 
1834, p. 596; Hurter, Nomenclator Uterarius, t. n, 
1893, col. 931. B. Heurtebize. 

PARISIENSIS (CODEX). Parmi les nombreux 
manuscrits bibliques qui ont porté le nom de Pari- 
siensis, il en est deux qui sont encore généralement 
désignés de la sorte. 

I. Le premier est un fragment de Psautier grec on- 
cial du ix 8 ou X e siècle, conservé à la Bibliothèque 
nationale, grec 20. Il comprend quarante feuillets et 
renferme Ps. xci, 14-cxxxvi, 1, avec deux lacunes 
(Ps. ex, 7-cxii, 10 et cxvn, 16-cxxvi, 4). Lagarde le dé- 
signe par la lettre W, Holmes-Parsons par le numéro 43. 

II. Le second, appelé aussi Regius, est un manuscrit 
oncial du vm e siècle (Biblioth. nation, grec 63). II 
compte 257 feuillets de fort parchemin, est écrit sur deux 
colonnes de vingt-cinq lignes et renferme les quatre 
Évangiles sauf Matth., iv, 22-v, 14; xxvm, 17-20; Marc, 
x, 16-30; xv, 2-20; Joa., xxi, 15-25. Il est désigné en 
critique par la lettre L; von Soden lui aitribue le sym- 
bole c 56. — Bien qu'il soit écrit négligemment, avec de 
nombreuses fautes d'orthographe, d'accentuation et de 
ponctuation, que la calligraphie manque d'élégance (le * 
surtout est proportionnellement énorme), que ses orne- 
ments soient d'assez mauvais goût, L est un des codex les 
plus célèbres des Évangiles parce qu'il a des rapports 
très frappants avec les grands onciaux. M. von Soden 
qui vient de l'étudier avec soin, Die Schriften des neuen 
Testaments in ihrer àltesten erreichbaren Textgestalt, 
t. i, 2 e partie, Berlin, 1905, p. 958-966, le range avec 



2169 



PARISIENSIS (CODEX) — PAROS (MARBRE DE) 



2170 



8 i (Vaticattus), 8 S [Sinaiticus), 8 3 (codex Ephrsemi), 
8 6 (W), S 48 (Paris, Bibl. nat. grec U), e 26 (Z), s 76 
(A) et quelques autres moins connus dans la grande 
famille de textes qu'il désigne par le symbole H. Il 
prouve que le scribe, comme s'il ne comprenait pas le 
grec, copiait machinalement, confondant et oubliant 
des lettres, omettant des mots, etc. — On sait que le 
Vaticanus n'a pas la finale de Marc, xvi, 9-16, et s'ar- 
rête brusquement à è^oêojvTo yâp, mais en laissant vidé 
une colonne entière. Le Parisiensis s"arrête au même 
point, mais au sommet de la colonne suivante, il ajoute 
prima manu, car les corrections- de ce codex sont de 
la main du scribe lui-même, ces notes intéressantes : 
çep£T£ jcoy xat Tavra +... «àv-ra Sa Ta itap»iTfs).}Jieva xoîç 
icspt tov itEtpov ouvtojxuc ÈÇriYYtXav + [ista 8à taûxa xat 
coitoç ô iç àico ôvaToXriç xai â/pt Suoeuç l^aTrEUTiXsv 
Bi'avroiv to ïépov xat àfôapxov xTipu-fiia + t/jç aîùvtou 
c«)Tï)pia; +... Eurr)V 8e xai TaÛTa tfepojjiEva (lera to êço- 
6ouvto v a P "*"••• Avacrràî Se Ttpwt irpuTï) (ra6éaTou + et 
le reste jusqu'à la fin du chapitre. Ce spécimen peut 
donner une idée de l'accentuation irrégulière de L et 
de sa prédilection pour l'esprit rude. L a étécollationné 
par Wetslein et Griesbach et publié par Tischendorf, 
Monumenta sacra inedita, Leipzig, 1846. 

F. Prat. 

PARJURE (Septante : èmopxia ; Vulgate : perju- 
rium), péché qui consiste à jurer en vain ou à jurer 
faussement, nisba' las-Séker, « jurer pour le men- 
songe. » Lev., v, 4. Celui qui commet ce péché s'appelle 
ÈTctopxoe, perjurus, « parjure. » 

I. La loi. — 1» Le Décalogue défend de prendre le 
nom de Jéhovah en vain, Exod., xx, 7, par conséquent 
de se servir de ce nom sacré pour donner de l'autorité 
à des affirmations futiles, et à plus forte raison à des 
assertions fausses ou à des promesses mensongères. 
Nbtre-Seigneur rappelle lui-même ce commandement. 
Matth., v, 33. Il est également interdit de nommer les 
dieux étrangers, Exod., xxm, 14, et conséquent ment de 
jurer par eux. La défense est rappelée, Lev., xix, 12, 
de ne point jurer par le nom de Dieu en mentant. — 
2° La loi ordonne encore que celui qui a fait un serment 
à la légère et qui s'en aperçoit ensuite, avoue son péché 
et offre en sacrifice d'expiation une brebis et une chèvre. 
Lev., v, 4-6. 

IL Les infractions. — 1° Chez les Israélites, Saûl 
donne le mauvais exemple, en jurant de respecter la 
vie de David et en cherchant ensuite à le tuer. I Reg., 
xix, 6. Aux approches de la captivité surtout, les pro- 
phètes se plaignent des abus. On jure faussement. 
.1er., v, 2; vu, 9. On jure par ce qui n'est pas Dieu, 
Jer., v, 7; par Baal, Jer.", xii, 16; parle péché de Sa- 
marie, le dieu de Dan, la voie de Bersabée, Ain., vin, 
14; par Melchom. Soph., I, 5. D'autres prodiguent les 
serments à tous propos, s'exposant ainsi à l'impiété et 
effrayant ceux qui les entendent. Eccli., xxm, 11; 
xxvii, 15. Dieu châtiera ces fautes, Mal., 111, 5, dont 
s'abftient le juste. Ps. xxiv (xxm), 4. — 2" Au temps 
de Notre-Seigneur, les scribes et les pharisiens avaient 
mis en usage des formules de jurement très arbitraires 
et attentatoires à l'honneur de Dieu. Matth., xxm, 16- 
22. Voir Jurement, t. m, col. 1871. — 3° Chez les 
gentils, la religion du serment n'existait ponr^ainsi 
dire pas. Les auteurs sacrés les accusent de" cohimettre 
le parjure. Sap.,xiv, 15, 30; II Mach., xv, 10; I Tim., 1, 
10. On voit se rendre coupables de parjure le roi Antio- 
chus Eupator, I Mach., vi, 62; Alcime, juif traître à sa 
religion, I Mach., vu, 15-18; le roi Démétrius, I Mach., 
XI, 53; le général Tryphon, I Mach., xm, 15-19; Andro- 
nique, lieutenant d'Antiochus Épiphane, II Mach., IV, 
34; les habitants de Joppé, II Mach., xm, 3, 4, etc. 

H. Lesêtre. 

PARKER Samuel, théologien anglican, né en 1630, 
mort en 1730. Il était fils de l'évêque d'Oxford, Samuel 



Parker, et étudia la théologie. Des raisons politiques- 
l'empêchèrent d'entrer dans les ordres. Il publia : 
Bibliàtheca Biblica : being a commentary upon ail the 
books of the old and new Testament, gathered oui of 
the genuine tvritings of Fathers and ecclesiastical his- 
torians and acts of Councils doivn to the year of ouv 
Lord 451. Comprehending the proper, allegorial 01- 
mystic and moral import of the texl as delivered in 
the writings and monuments aforesaid. To which are 
added introduetory discourses on the authors and 
authenticity of the books, the tinie of their being- 
wrillen, etc., 6 in-4°, Oxford, 1720-1725. Cet ouvrage 
est demeuré incomplet : Samuel Parker n'a traité que 
du Pentateuque. Voir W. Orme, Biblioth. Biblica, 
p. 338. B. Heurtebize. 

PARMÉNAS (grec : Ilapiievâç, nom qui, d'après- 
plusieurs lexicographes, est une contraction de nap- 
|isvïSï]ç, « constant »), le sixième des sept premiers 
diacres que les Apôtres choisirent à Jérusalem pour 
prendre soin des veuves des Juifs hellénistes. Parme- 
nas porte un nom grec, comme les six autres diacres- 
Act., vi, 5. Voir Diacre, t. 11, col. 1402. On ne saitrien- 
de certain sur sa vie. D'après le Pseudo-Hippolyte, De 
LXX Apost., 12, t. x, col. 956, il fut un des soixante- 
douze disciples et devint évèque de Soles. D'après le 
Pseudo-Dorothée, De septuaginta dise, 11, t. xcii, 
col. 1061, « il mourut sous les yeux des Apôtres, en> 
exerçant les fonctions de son diaconat. » Le martyro- 
loge romain lui fait souffrir le martyre à Philippes en 
Macédoine sous l'empereur Trajan et marque sa fête 
au 23 janvier. Voir Acta Sanctorum, januarii t. 111,- 
édit. Palmé, p. 66. 

PAROLE (hébreu : dâbâr, Septante : prijua, lôyoi ;. 
Vulgate : verbum, sermo). 1» Le mot hébreu dâbâr 
signifie souvent « chose », res, et aussi « commande- 
ment, ordre », exprime par la parole. La Vulgate, 
comme les Septante, ont traduit dans de nombreux 
passages dâbâr par « parole », quoiqu'il eût en hébreu, 
le sens de «chose ». Gen., xvm, 14 : jit| à8uvaTC<ï uapà 
©ta) pîina, traduisent les Septante. La Vulgate a rendu- 
exactement : Numquid Deo quidquam est difficile f 
mais ailleurs elle a fréquemment conservé l'hébraïsme : 
Non erit impossibile apud Deum omne verbum. 
Luc, 1, 37. Voir Exod., 11, 14; ix, 5; I Reg., m, 11, etc~ 
— 2° Les Livres Saints représentent aussi la parole de 
Dieu comme animée et agissante, Ps. evr, 20; Sap., 
xvm, 15; créant le monde, Gen., 1, 3, etc.; Ps. cxlviii, 5; 
Sap., ix, 1; Ps. xxxii, 6; conservant ses fidèles, Sap., 
xvi, 26, etc. — Pour le Verbe, seconde personne de là- 
Sainte Trinité, voir Logos, col. 327-328. 

PAROS (MARBRE DE), marbre blanc fort estimé 
ainsi nommé parce qu'on le tirait de l'île de Paros, à- 
l'ouest de Naxos, une des Cyclades, dans l'Archipel. On 
l'extrayait du mont Marpèse, au sud de l'île. — La Vul- 
gate dit, I Par., xxix, 2, que David avait préparé en 
abondance du marbre de Paros, marinor Parium, pour- 
la construction du temple de Jérusalem. Elle dit égale- 
ment, Esth., I, 6, que le palais d'Assuérus (Xerxès) à 
Suse était pavé d'émeraude et de marbre de Paros, 
pavimentum smaragdino et pario stralum lapide*- 
Dans les deux passages, les Seplante ont aussi Xt'9ov- 
itâpiov et irapïvov XiOov. Le texte original ne parle nulle 
part du marbre de Paros; aux endroits cités, il nomme 
les pierres qui ont été rendues de la sorte par les ver- 
sions 'abnê sais, ses. Les traducteurs grecs, et saint 
Jérôme à leur suite, ont cru avec raison que l'expres- 
sion hébraïque désignait des pierres blanches, parce- 
qne la racine de ïaii et SêS signifie « être blanc et 
latent », cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, ni, 2; et Cant., 
v, 15, et comme le. marbre de Paros était célèbre par- 



2171 



PAROS (MARBRE DE) — PARTHES 



2172 



l'éclat de sa blancheur, ils ont employé l'expression im- 
propre de « pierre ou marbre de Paros » pour donner 
a leurs lecteurs l'idée de ce qu'était la pierre de iaiS ou 
de SêS. Le Targum explique aussi ces mots par le mot 
N'nano ou marbre, et l'on admet communément que 
c'est en effet la véritable signification du mot. Voir 
Ma.rbre, col. 714. 

PAROUS1E (grec : itapouaîa; Vulgate : adventus). 
Ce mot signifie littéralement « présence », par opposi- 
tion à absence, II Cor., x, 10; Phil., i, 26; n, 12, mais 
il se dit particulièrement dans le Nouveau Testament 
de la venue ou du dernier avènement du Christ dans 
sa gloire. Matth., xxiv, 3, 27, 37, 39; I Cor., xv, 23; 
I Thess., n, 19; m, 13; iv, 15 (14) ; v, 23; II Thess., 11,1, 8; 
Jac, v, 7, 8; II Pet., i, 16; m, 4; I Joa., n, 28. Sur le 
dernier avènement de Notre- Seigneur, voir Fin du 
monde, t. n, col. 2268-2278. 

PARRICIDE, crime de celui qui meta mort son père 
ou sa mère. — La loi mosaïque condamne à la peine de 
mort celui qui frappe son père ou sa mère. Exod., XXI, 
15. Mais elle ne prévoit pas le parricide, tant ce crime 



Jer., x, 16; u, 19; Zach., n, 12; Esth., xm, 16; Eccli., 
xvn, 15; xxiv, 16; II Mach., i, 26. — 2» La consécration 
de quelqu'un à Dieu. Jéhovah est la part des lévites et 
ils n'ont pas d'autre héritage sur la terre. Deut., x, 9; 
xii, 12; xiv, 27, 29; Eccli., xlv, 29. Les âmes fidèles 
prennent Dieu pour leur part, c'est-à-dire font profes- 
sion d'être totalement à lui. Ps. xvi (xv), 5; lxxiii 
(lxxii), 26; cxlii (cxli), 6; Lam., m, 24. — 3» La des- 
tinée, le lot particulier de chacun'. Job, xxxi, 2, se 
demande quelle part Dieu lui réserve. La part de 
l'homme c'est de jouir de son travail, Eccle., n, 10, de 
prendre plaisir à ses œuvres, Eccle;, m, 21, d'user des 
biens de la vie, Eccle., v, 17, et quelquefois d'en abuser. 
Sap., n, 9. Aux pieds de Jésus, Marie-Madeleine a choisi 
la bonne part. Luc, x, 42. Les astres du ciel ne sont 
.pas faits pour être adorés, puisque Dieu a voulu qu'ils 
fussent la part de tous les peuples, c'est-à-dire que ce 
soient des simples créatures faites pour l'utilité de tous. 
Deut., iv, 19. — 4° Le châtiment, c'est-à-dire le sort 
malheureux qui attend les méchants. Job, xx, 29; xxvii, 
13; Ps. xi, 6 (x, 7); l (xlix), 18; lxiii (lxii), 11; Is., 
xvn, 14; lvii, 6; Eccli., xm, 12; Matth., xxiv, 51; 
Luc, xii, 46; Apoc, xxi, 2. — 5° Le commerce avec 




572. — Guerriers parthes. Arc de triomphe de Septime Sévère. D'apiès Duruy, Hist. des Romains, t. VI, p. 71. 



paraissait improbable. Cette raison empêcha aussi Solon 
de le mentionner dans ses lois. Cf. Cicéron, Pro Roscio, 
25. De fait, la Sainte Écriture ne cite aucun cas de par- 
ricide. — Notre-Seigneur dit cependant que, par suite 
des haines suscitées contre sa doctrine, les enfants 
s'élèveront contre leurs parents et les feront mourir. 
Matth., x, 21; Marc, xm, 12. Ainsi les passions reli- 
gieuses étoufferont même la voix du sang pour faire 
disparaître les disciples du Sauveur. — Saint Paul 
explique que laLoi n'a pas été portée pour les justes, 
.mais pour les injustes, au nombre desquels il range les 
itaTpoAwai et les |Aï]Tpo>.wat. I Tim., i, 9. La Vulgate 
traduit ces mots par parricidse, matricidse, parricides, 
matricides. Chez les classiques, les deux mots grecs ont 
la forme irarpaXotaç, [«iTpaWaç, qui deviennent en at- 
tique 7iaTpa).<iaç, p.ï)Tpa),waç, composés avec le verbe 
àXoiâtû ou àXoâw, « battre, maltraiter, » de même que les 
deux mots latins sont composés avec le verbe cœdere, 
qui a exactement le même sens, La Loi ne parlait pas 
de ceux qui tuent leur père ou leur mère, mais seule- 
ment de ceux qui les maltraitent; saint Paul ne veut 
donc pas étendre au delà la signification des mots qu'il 
emploie, bien que souvent ces expressions comportent 
l'idée d'homicide. H. Lesêtre. 

PART (hébreu : héléq, chaldéen : hâlâq; Septante : 
x),fipoc, [lepcç, pipoç; Vulgate : pars), ce qui revient à 
chacun. Le mot héléq, comme les mots similaires de 
l'hébreu et des autres langues, désigne d'abord la por- 
tion d'un tout qui a été divisé ou qui peut l'être. 
Gen., xiv, 24; Deut., x.viii, 8, etc. 11 est encore employé 
pour indiquer : 1» La propriété particulière de Dieu. 
La ( part de Jéhovah, c'est son peuple. Deut., xxxn, 9; 



quelqu'un, les rapports d'amitié et d'entente que l'on 
peut avoir avec lui. Les tribus transjordaniques se 
bâtirent un autel afin qu'un jour les autres Israélites 
ne pussent leur dire : « Vjus n'avez point de part à 
Jéhovah, » vous ne faites point partie du peuple qu'il a 
pris sous sa tutelle, Jos., xxii, 25. « Nous n'avons pas 
de part avec David, » était un cri poussé par ceux qui 
se séparaient du roi. II Reg., xx, 1; III Beg., xii, 16. 
Il n'y a point de part du riche au pauvre, Eccli., xm, 
22, du fidèle à l'infidèle, II Cor., vi, 15, c'est-à-dire 
point de commerce entre eux, à tort ou à raison. 
Notre-Seigneur dit à Pierre, qui refusait de se laisser 
laver les pieds : « Tu n'auras pas part avec moi. » Joa., 
xm, 8. — La part de Nabuchodonosor, pendant sa 
folie, était avec les bêtes des champs. Dan., IV, 12, 20. 

H. Lesêtre. 
PARTHES (grec : IlàpOoi; Vulgate : Parthï). Dans le 
récit de la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, les 
Parthes sont mentionnés à côté. des Mèdes parmi les 
peuples qui furent témoins du miracle de la multipli- 
cation des langues, Act. n, 9. Les Parthes dont il s'agit 
dans ce passage étaient des Juifs qui s'étaient fixés en 
Parthie. Sous le nom de Parthie on désignait la région 
montagneuse située au sud de la mer Caspienne, à 
l'est de la Médie. Les principales montagnes sont le 
Labus ou Labutas, le Parachoatras et le Masdor. .De 
nombreux petits torrents arrosent le pays. Strabon,XI, 
ix, 2, et Arrien, fragtn. I, les .regardent comme d'origine 
scythe; Moïse de Chorène, Hist. Artnen. n, 65, le fait 
descendre d'Abraham par Cétura. On ne sait rien d'eux 
avant Darius fils d'Ktystarpe, qui les rangea dans la sei-~ 
zième satrapie de son royaume. Hérodote, m, 93. Ils res- 
tèrent fidèles aux Perses contre Alexandre Arrien, Anab., 



2173 



PARTHES — PASSEREAU 



2174 



m, 8. Après la mort du roi de Macédoine, ils firent partie 
du royaumeVles Séleucides, Arsace fonda une dynastie 
nationale, les Arsacides, qui comptèrent trente et un rois, 
depuis 248 av. J.-C, jusqu'en 226 après J.-C. Au temps 
des Apôtres le pays était gouverné par Arsace XIX. — 
^rtaban III monte sur le trône en l'an 16. Les Parthes 
{%. 572) vainquirent souvent les Romains depuis Crassus 
jusqu'à Trajan. Strabon, XI, ix. — Voir H. Kiepert, 
Manuel de Géographie ancienne, trad. franc., in-8», 
Paris, 1887, p. 39-40; Th. Mommsen, Histoire ro- 
maine, trad. Cagnat et Toutain, in-8°, Paris, 1888, t. x, 
p. 153-162, 167, 170, 176-178, 190, 19i, 246-252. 

E. Beuklier. 
PARURE, ce qui sert à orner une personne. Voir 
Bijou, t. h, col. 1794; Ornement, col. 1895. 

PARVAÏM (hébreu: Parvâim ; Septante: <J>apoutn; 
Aleccandrinus : «papoua'iji), nom de lieu, d'après les uns, 
d'où provenait l'or dont se servit Salomon pour orner 
le Temple; adjectif marquant l'excellence de cet or et 
non son origine, d'après les autres. La Vulgate a tra- 
duit par aurum probatissimum , « or très fin. » 
II Par., m, 7 (hébreu, 6). L'opinion la plus probable 
est que Parvaïm est un nom de pays. Quel est ce pays? 
On y a vu (Castell) la ville de Barbatia ou. Parbatia, 
sur le Tigre, Pline, H. N., vi, 32; un double Pérou, à 
cause de la forme duelle du mot hébreu, c'est-à-dire 
le Pérou et Mexico (Arias Montanus, Vatable), le Chry- 
sorrhoas ou fleuve d'or en Syrie, l'Ile de Taprobane ou 
de Ceylan, l'Arabie, l'Inde, etc. Voir D. Schenkel, Bibel- 
Lexicon, t. iv, 1872, p. 383. A. Sprenger, Die alte 
Géographie Arabiens, 1875, p. 55, compare Parvaïm 
avec Farwa dans l'Arabie méridionale, et Ed. Glaser, 
Skizze der Geschichte und Géographie Arabiens, t. il, 
1890, p. 347, avec Sak el-Farvaïn, dans le Yémamah au 
nord-est de l'Arabie. Ce qui parait le plus vraisem- 
blable, c'est que Parvaïm n'est pas autre qu'Ophir, 
<l'où Salomon avait tiré une grande quantité d'or. Voir 
Ophir 2, col. 1829. 

PARVARIM, partie du temple de Jérusalem. II 
(IV) Reg., xxm, 11. La Vulgate écrit ce mot Pharurim. 
Voir Pharurim. 

PARVIS ou cours du temple de Jérusalem. Voir 
Temple. 

PAS (Ange del), religieux franciscain, né à Perpi- 
gnan, en 1540, mort à Rome le 23 août 1596. Théolo- 
gien très versé dans l'histoire ecclésiastique et la théo- 
logie scolastique, il fut tenu en haute estime par 
les papes Grégoire XIII, Sixte-Quint, Grégoire XIV et 
Clément VIII. Ce savant religieux laissa de nombreux 
ouvrages; parmi ceux qui ont été publiés on remarque : 
In Marci Evangelium commentaria, m-t», Rome, 1623; 
In Lucse Evangelium commentaria, in-f°, Rome, 1625. 
Les commentaires sur saint Matthieu et sur saint Jean 
sont demeurés inédits. Voir Wading, Scriptores Ord. 
Minorum, in-f°, Rome, 1650, p. 23; N. Antonio, 
Biblolh. Hispana nova, t. i, p. 91. 

B. Heurtebize 

PASQUAL Raymond, religieux dominicain^ espa- 
gnol, mort à Barcelone, en 1593. Maître en Rhéologie, 
il composa des Commentaria in Êpislolam B. Pauli 
Apostoli ad llomanos, in-f», Barcelone, 1597. Voir 
Echard, Scriptores Ord. Priedicatorum, t. n, p. 310; 
N. Antonio, Biblioth. Hispana nova, t. n, p. 257. 

B. Heurtebize 

PASSAGE DE SAINTE MARIE, livre apocryphe 
appelé en latin De transitu Virginh Marise, faussement 
attribué à Méliton. Voir Marie 1, col. 801; Méliton, 
col. 947; Assomption, t. i, col. 1137; Apocryphes, t.i, 
col. 769. 



PASSEREAU (hébreu : sippôr; Septante :.ôpviSiov 
uTpoufliov; Vulgate : passer), nom générique compre- 
nant les oiseaux que leurs caractères particuliers ne 
rangent pas dans quelque autre classe. Voir Oiseau, 
col. 1765. 

I. Leurs caractères généraux. — Les passereaux 
ne comprennent guère que dés oiseaux de petite et de 
moyenne taille. Ils ont quatre doigts dirigés trois en 
avant et un en arrière. Tous les oiseaux chanteurs et la 
plupart des migrateurs rentrent dans cette classe. On 
les divise surtout d'après la conformation de leur bec. 
— 1° Les dentirostres ont le bec échancré près de la 
pointe et se nourrissent généralement d'insectes. Tels 
sonts les merles, les sylviadés : traquet, roitelet, fau- 
vette, rossignol, bergeronnelle, etc. — 2° Les fissirostres 
ont le bec largement fendu. Tels sont l'engoulevent 
(t. n, col. 1804), l'hirondelle (t. m, col. 719) et le mar- 
tinet (t. m, col. 720). — 3° Les coniroslres ont le bec, 
conique et sans échancrure. Tels sont l'alouette, la 
mésange, le moineau, l'étourneau, le bruant, le corbeau 
(t. il; col. 958), etc. — 4° Les ténuirostres ont le bée 
long, étroit et souvent flexible. A cette classe appartient 




573. — Passer moabiticus. 

la huppe (t. m, col. 779). — 5° Les syndactyles ont le 
doigt externe presque aussi long que celui du milieu. 
Le marlin-pêeheur fait partie de cette classe. — On 
ajoute quelquefois à ces divisions celle des zygodactyles 
ou grimpeurs, qui ont les doigts accouplés, deux 
devant et deux derrière. Tels sont le pic, le coucou 
(t. il, col. 1059), etc. 

II. Les passereaux de Palestine. — Les passereaux 
sont généralement moins nombreux en Palestine que 
dans d'autres contrées à écarts plus considérables de 
température. On en compte pourtant 144 espèces, non 
compris les corbeaux. Les passereaux palestiniens n'ont 
rien dans le plumage qui les dislingue d'avec ceux des 
autres pays. Cependantils ne possèdent pas les brillantes 
couleurs quirendent si remarquables leurs congénèresdes 
régions tropicales; ceux qu'on rencontre dans les déserts 
revêtent même des nuances plus sombres que ceux de 
nos pays. Le moineau se trouve dans toute la Palestine, 
représenté par différentes espèces, le passer cisalpina, 
le passer moabiticus (fig. 573), le passer salicarius 
ou salicicola, espèce très voisine du moineau commun 
d'Europe, qui encombre de ses nids lenabqoa zizyphus 
spina-Christi de la vallée du Jourdain. « Ce passereau, 
ne trouvant point ici de tuiles sous lesquelles il puisse 
s'abriter, construit une retraite grossière, absolument 
sphérique, formée de tiges d'herbes entrelacées; un 
trou placé latéralement permet aux habitants de péné- 
trer dans l'intérieur de la demeure, matelassée avec 
de la laine et du coton. Cette ouverture ne peut être 
atteinte que difficilement par les serpents qui cherchent 
à dévorer les œufs. Ces nids sont toujours placés sur 
les nabq, et jamais sur d'autres essences. Ainsi, au 



2175 



PASSEREAU — PASSION 



2176 



Thabor, où les arbres de toute espèce sont nombreux, 
les moineaux n'occupent, comme à Ain-Djedy (Engaddi), 
que les zizyphus épineux. 11 est facile d'expliquer la 
cause de cette préférence, qui résulte d'un choix par- ., 
faitement raisonné. Les oiseaux de proie sont abondants 
en Syrie et font une guerre acharnée aux petites 
espèces : les moineaux, partout très intelligents, ont 
bien vite compris que les épines serrées et aiguës des 
zizyphus les préservent sûrement du bec et des serres 
des pillards aériens. Aussi dès qu'un vautour, un éper- 
vier ou un milan pavait,. tous les oisillons se réfugient- 
ils au plus vite dans des buissons de nabq, entre les 
branches desquels ils passent à cause de leur petite 
taille, tandis que l'oiseau de proie ne peut absolument 
pas y pénétrer. Du sein de cette forteresse inexpu- 
gnable, les pierrots gouailleurs se mettent à bavarder 
paisiblement ou à narguer avec insolence leurs enne- 
mis impuissants. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, 
Paris, 1884, p. 482-485. Quantité d'autres petits oiseaux 
se mettent à l'abri dans le même arbre: Le rollier, cora- 
cias garrula, bel oiseau bleu et vert, et le guêpier, 
merops apiaster, sont très communs en Palestine. Il y 
a deux ou trois sortes de mésanges, des merles de 
différentes espèces, des litornes, des rouge-gorge, qui 
apparaissent en grand nombre pendant l'hiver, des 
bergeronnettes, des roitelets, des fauvettes à tête noire 
et de plusieurs autres espèces, des tariers et des tra- 
quets, abondants dans les hauts plateaux de Judée, des 
étourneaux, des pinsons, des linottes, des chardonne- 
rets, etc. Le lanier ou oiseau-boucher, lanius, est re- 
présenté par six espèces. L'alouette abonde, surtout 
dans les plaines du sud; on en compte une quinzaine 
d'espèces. L'alouette huppée, galerila cristala, re- 
cherche le voisinage de l'homme et accompagne Volon- 
tiers les caravanes en voltigeant et en s'arrêtant sur 
leur passage et en les égayant de son chant. Parmi les 
bruants, on signale Yemberiza cœsia, Yemberiza ortu- 
lana et Veuspizia melanocephala ou roi des ortolans. 
Le mâle de cette dernière espèce a la taille du pinson, 
est richement coloré en jaune, avec des ailes fauves et 
la tête noire, et, perché sur la plus haute branche d'un 
buisson, fait entendre un chant agréable, pendant que 
la femelle, moins gracieusement emplumée, reste dans 
le buisson, silencieuse ou occupée à couver. Les mar- 
tins-pêcheurs, toujours très sauvages, fréquentent les 
bords de la mer Morte et du Jourdain. Ils pèchent des 
petits poissons dans des lagunes formées par les eaux 
douces. L'un d'eux, l'alcyon smyrnensis, rase la surface 
du fleuve avec une vitesse extrême ou perche sur des 
branches voisines de l'eau, plonge tout d'un coup, ra- 
pide comme une flèche, et rapporte chaque fois un pois- 
son. Un superbe colibri, nectarinia osese, a été décou- 
vert dans le bassin de la mer Morte. « Ce petit oiseau, 
long de quelques centimètres à peine, est orné à la 
gorge de plumes d'un bleu-vert métallique aux reflets 
les plus brillants, et de taches orange aux épaules. Il 
est d'une vivacité extrême et il vole avec une telle légè- 
reté, qu'on a de la peine à l'apercevoir lorsqu'il butine 
d'une fleur à l'autre. Ce n'est que l'orsqu'il introduit 
son long bec recourbé dans les corolles chargées de 
miel, qu'on peut l'examiner facilement. Il fait alors 
vibrer ses ailes d'une manière particulière, et il reste 
ainsi parfaitement immobile, suspendu dans les airs, 
pendant quelques secondes; mais, au inoindre mouve- 
ment qui l'effraie, il disparaît avec la vitesse d'une 
balle. Cette charmante créature n'est point propre à la 
vallée du Jourdain, ainsi qu'on l'a publié; c'est un oi- 
seau migrateur qui vient probablement de loin; en 
hiver, il s'avance fréquemment au nord-ouest, jusque 
dans les jardins de Beyrouth et dans d'autres localités 
de la Phénicie. » Lortet', La Syrie d'aujourd'hui, p. 463. 
Parmi les grives, la grive bleue, petrocincla cyanea, 
hien connue dass le sùfd de l'Europe et en Palestine, 



évite la société même des oiseaux de son espèce et vit 
solitaire; on en voit rarement deux ensemble. Elle 
perche au sommet d'une construction ou d'une éminence 
quelconque et de là fait entendre de temps en temps 
une note plaintive et monotone. Les bulbuls, jœus xan- ■ 
thopygius, sont les rossignols de Syrie. Par leur chant, 
ils rivalisent avec nos rossignols, bien qu'ils forment 
une espèce très distincte. La vallée du Jourdain est 
fréquentée par des oiseaux qui rappellent de plus près 
cqux de l'Inde et de l'Abyssinie. Tels sont, outre le 
colibri et le bulbul, le babillard des buissons, cratero- 
pus chalybeus, et l'amydrus tristamii, aux ailes de 
couleur orange. Cf. Tristram, The natural history of 
the Bible, Londres, 1889, p. 201-204. 

III. Les passereaux dans la Bible. — Il est souvent 
parlé d'eux sous le nom'général d'oiseaux. Les oiseaux 
employés pour la purification du lépreux ne sont pas 
désignés spécifiquement et sont probablement des pas- 
sereaux. Lev., xiv, 4-53. Il est parlé de la demeure du 
passereau, Ps. lxxxiv (lxxxiij), 4, dans les cèdres du 
Liban. Ps. civ (cm), 7; Ezech., xvn, 23. Voir Nid, 
col. 1620. Les passereaux sont menacés par les filets 
de l'oiseleur, Am., m, 5; Prov., vu, 23, mais ils y 
échappent souvent. Ps. cxxiv (cxxm), 7; Prov., xxvi, 
2. Le passereau qui passe la nuit solitaire sur le toit, 
Ps. ca (ci), 8, pourrait être la grive bleue. Les passe- 
reaux sont craintifs; comme eux, le persécuté doit fuir 
vers la montagne, Ps. xi (x), .2; comme eux aussi, les 
Israélites reviendront tout tremblants de l'exil. Ose., XI, 
11. Le vieillard se lève au chant de l'oiseau. Eccle., xu, 

4. Les passereaux chanteurs font résonner leur voix 
dès l'aube du jour. — Au temps de Notre-Seigneur, 
deux passereaux valaient un as, soit six centimes, 
Matth., x, 29, et cinq passereaux un dipondius, soit 
douze centimes. Luc, xu, 6. Il n'y a pas de contradic- 
tion entre les deux estimations. Cela revient à dire que, 
conformément à une méthode de vente encore en 
usage aujourd'hui, on avait deux passereaux pour un 
as et cinq pour deux as." Ces passereaux, de si peu de 
valeur, sont cependant l'objet des attentions de la Pro- 
vidence. Notre-Seigneur fait remarquer qu'un homme 
vaut beaucoup plus que bien des passereaux et que, par 
conséquent, il peut et doit compter sur le secours de la 
Providence. Matth., x, 31; Luc, xu, 7. 

H. Lesêtre. 

1. PASSION de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voir 
Jésus-Christ, t. m, col. 1473-1477. 

2. PASSION (Grec : itàOoç, ■Kxbr^m, èxi8u[i.to(, ifiovf,; 
Vulgate : passio, concupiscentia, libido), penchant na- 
turel vers le mal, spécialement vers les péchés de la 
chair. — La Sainte Écriture parle, à l'occasion, des dif- 
férentes passions de l'homme, amour, haine, désir, 
crainte, joie, tristesse, colère, etc. Mais les mots ci- 
dessus visent surtout la passion mauvaise, qui en- 
traîne plus ou moins violemment à un certain genre de 
fautes. — 1° Les deux vieillards de Babylone succom- 
bèrent à leur passion à la vue de Susanne. Dan., xm, 
8, 11, 14, 20, 56. Des idolâtres insensés allaient jusqu'à 
se prendre de passion pour une statue peinte. Sap., xv, 

5. Les âmes simples sont perverties par le vertige de la 
passion. Sap., îv, 12. Dieu a humilié et puni les sages 
du paganisme, qui ne l'ont pas reconnu dans ses œuvres, 
en les abandonnant aux passions ignominieuses. Rom.,i, 
26. La concupiscence dont parle saint Paul, Rom., vu, 
7-11, n'est pas celle qui porte aux actes contraires à la 
loi naturelle, mais seulement celle qui suscite une op- 
position contre les préceptes de la loi positive, particu- 
lièrement de la loi mosaïque. Cf. Rom., vu, 5. Mais 
saint Jacques, I, 14, quand il dit que chacun est tenté 
et entraîné par sa propre convoitise, entend par là les 
passions mauvaises qui sont au cœur de l'homme, et 
qui engendrent le péché, les guerres et les luttes, parce 



-2177 



PASSION — PASTEUR 



2178 



qu'on veut leur donner satisfaction. Jacob., IV, 1, 3. 
Saint Pierre poursuit les faux docteurs et les sceptiques 
qui s'abandonnent aux impures convoitises de la chair. 
II Pet., n, 10; m, 3. Saint Jean déclare que dans le 
inonde tout est concupiscence de la chair, concupiscence 
des yeux et orgueil de la vie. I Joa., n, 16, 17. La con- 
cupiscence de la chair n'est autre chose que la passion 
<jui entraîne l'homme vers les satisfactions charnelles. 
— 2° Il y a obligation derésister aux passions mauvaises 
en écartant les occasions, Eccli., ix, 9, en ne s'aban- 
donnant pas soi-même, Eccli., xvm, 30, et en implo- 
rant le secours de Dieu. Eccli., xxm, 6. Saint Paul re- 
commande aux chrétiens de ne pas obéir aux convoitises 
•du péché, Rom., vi, 12, et de faire mourir les membres 
■de l'homme terrestre, c'est-à-dire toutes les convoitises 
mauvaises. Col., m, 5. Ceux qui sont à Jésus-Christ cru- 
cifient leur chair avec ses passions et ses convoitises, 
■Gai., v, 24, et la grâce les soustrait à la corruption qui 
résulte de ces passions. II Pet-, i, 4. 

H. Lesêtre. 
PASTÈQUE. Voir Melon, col. 951. 

PASTEUR (hébreu : rô'éh; Septante : ito ; {at,v ; Vul- 
gate : pastor), celui qui remplit vis-à-vis des âmes le 
rôle du berger vis-à-vis des brebis. Voir Berger, t. i, 
•col. 1614. — Métaphoriquement, ceux qui gouvernent 
les peuples sont appelés bergers ou pasteurs. Dans un 
sens plus relevé, le même nom est attribué par la 
Sainte Écriture à ceux qui prennent soin des âmes, 
pour les instruire et les diriger vers le bien. — 1° A ce 
titre, Dieu est le pasteur par excellence. Gen., xlix, 24. 
ïl promet d'envoyer un jour aux hommes son « servi- 
teur David, l'unique Pasteur qui les fera paître, » c'est- 
à-dire le Messie. Ezech., xxxiv, 23. Quand ce Messie 
vint, il trouva son peuple comme des brebis sans pas- 
teur, Matth., ix, 36; Marc, vi, 34, c'est-à-dire sans véri- 
tables guides spirituels, puisque les gouvernants de 
toute nature ne manquaient pas alors- au peuple d'Is- 
raël. Il se présenta comme le bon Pasteur (fig. 574), 
opposé au voleUr et au mercenaire, celui qui connaît 
ses brebis et que ses brebis connaissent, qui donne sa 
vie pour elles, qui les défend contre le loup, qui s'en 
va à la recherche des égarées, qui leur donne la vie 
éternelle et que nul ne pourra ravir de sa main ni de 
la main de son Père. Joa., x, 8, 11-16, 27-29. Tous ces 
traits révèlent l'action que le Sauveur entend exercer 
sur les âmes, non par la contrainte et la violence, mais 
par la douceur et la persuasion, comme il convient à 
l'égard d'âmes comparées à des brebis. Au moment de 
sa Passion, Notre-Seigneur s'applique à lui-même le 
mot du prophète : « Je frapperai le Pasteur, et les bre- 
bis du troupeau seront dispersées. » Matth., xxvi, 31 ; 
Marc, xiv, 27. Saint Pierre félicite les nouveaux con- 
vertis d'être revenus à celui qui est le Pasteur et 
l'Évêque de leurs âmes, I Pet., Il, 25, et qu'il appelle 
le « Prince des pasteurs ». I Pet, v, 4. Dans PÉpître 
aux Hébreux, xm, 20, il est dit que Dieu a ramené 
d"entre les morts « le grand Pasteur des brebis, Notre- 
Seigneur Jésus. » Le nom de pasteur est pris dans ce 
sens spirituel, en parlant du Messie, par le prophète 
Ézéchiel, et Notre-Seigneur en a autorisé l'usage en se 
l'appliquant à lui-même. Les premiers chrétiens aimè- 
rent à le représenter souvent sous cet emblème dans 
les catacombes (fig. 574). — 2° Dès l'Ancien Testament, 
le mot est employé dans un sens analogue en parlant 
de ceux qui exercent une action spirituelle sur les 
autres. L'Ecclésiaste, xn, 11, compare à des clous 
plantés « les paroles des sages, données par un seul 
pasteur,. » c'est-à-dire sous l'inspiration d'un maître au- 
torisé. Isaïe, lvi, 10, 11, stigmatise les mauvais pasteurs 
d'Israël, « sans intelligence, chiens muets qui ne savent 
pas aboyer, qui ne savent pas comprendre, » c'est-à- 
dire qui ne sont pas assez instruits pour enseigner la 

DICT. DE LA BIBLE. 



vérité, ni assez désintéressés pour combattre le mal. 
Jérémie, il, 8, transmet les reproches du Seigneur aux 
« dépositaires de la loi qui ne l'ont pas connu, aux 
pasteurs qui lui ont été infidèles. » Lui-même, il n'a 
pas « refusé d'être pasteur » à la suite du Seigneur. 
Jer., xvil, 16. Il annonce que « le vent emportera les 
pasteurs infidèles, » Jer., xxn, 22, mais qu'un jour Dieu 
« donnera des pasteurs selon son cœur, qui, avec in- 
telligence et sagesse, paîtront » son peuple. Jer., m, 
15. Enfin, Ézéchiel, xxxiv, 2-10, a une longue invective 
contre les mauvais pasteurs d'Israël, qui ont laissé les 
brebis à l'abandon et au pillage pour ne songer qu'à se 
paître eux-mêmes. — Dans le Nouveau Testament, 
Notre-Seigneur fait de saint Pierre le pasteur principal 
de son Église, en lui commandant de « paître ses 
agneaux, paître ses brebis. » Joa., XXI, 15-17. Saint 
Paul remarque que Jésus-Christ a constitué dans son 




574. — Le bon Pasteur. Catacombe de Saint-Calixte. 

Église les uns apôtres, « d'autres pasteurs et docteurs, 
en vue du perfectionnement des saints, pour l'œuvre 
du ministère. » Eph., iv, 11. Il compare les ministres 
de l'Église à ceux « qui font paître le troupeau. » I Cor., 
IX, 7. Enfin saint Pierre recommande aux prêtres de 
< paître le troupeau de Dieu qui leur a été confié, non 
en dominateurs, mais en modèles du troupeau. » I Pet., 
v, 2. H. Lesêtre. 

2. PASTEUR d'Hermas. Ce livre, qui a pour titre en 
grec not(^v, est l'œuvre d'Hermas (voir t. m, col. 612), 
frère du pape saint Pie I er qui occupa la chaire de saint 
Pierre de l'an 141 à l'an 156. Voir Canon de Mura- 
tori, t. n, col. 171. Jusqu'en 1856, les savants n'ont 
connu le Pasteur que par une version latine. On pos- 
sède maintenant de bonnes éditions du texte grec ori- 
ginal qui a été retrouvé. Voir O. de Gebhart et A. Har- 
nack, Patrum apostolicorum Opéra, t. m, Hermse 
Pastor grsece, Leipzig, 1877; F. X. Funk, Patres apos- 
tolici, 2« édit., Tubingue, 1901, t. I, p. 454-639. Le livre 
se divise en deux parties ; la première renferme quatre 
u. visions s; la seconde douze « commandements », 
mandata, et neuf « similitudes s, similitudines. C'est 
surtout une exhortation à la pénitence. Il porte le titre 
de Pasteur, parce que l'ange de la pénitence qui lui ap- 
paraît dans la cinquième vision et lui transmet les com- 
mandements se présente sous la forme d'un berger. 

IV. — 69 



2179 



PASTEUR 



PATIENCE 



2180 



Le Pasteur jouit dans la primitive Église dune grande 
autorité. Saint Irénée, Adv. hier., iv, 30, 2, X. xii, 
col. 217; Tertullien, De orat., xvi, t. i, col. 1172; Ori- 
gène, E comment, in Osée, t. xm, col. 828, le nomment 
TpaipTi, Scriptura divina. On le lisait encore publique- 
ment dans les églises au IV e siècle. Eusèbe, H. E., m, 
3, t. xx, col. 217. C'est à cause de cet usage qu'on le 
trouve à la suite du Codex Sinaiticus de l'Ancien et du 
Nouveau Testament. Mais il n'a jamais été mis au rang 
des livres canoniques. Origène, De princ., iv, 11, t. xi, 
col. 565, remarque qu'il n'est pas estimé de tous; Ter- 
tullien, dans ses écrits montanistes, que toutes les 
églises le rangent parmi les livres apocryphes ou non 
canoniques, De pudicit., 10, t. n, col. 1000; de même 
saint Athanase, De Nie. décret., 18, t. xxv, col. 456; 
Eusèbe, h. E., m, 25, t. xx, col. 269; le canon du pape 
Gélase, voir Apocryphes, t. i, col. 768. Cf. S. Jérôme, 
In Rabac, i, 14, t. xxv, col. 1286-1 287 ;De vir. ïll., x, 
t. n, col. 625. — Sur les citations ou allusions scripturai- 
res du Pasteur, voir O. de Gebhart, Patr. apost. Opéra, 
t. ni, p. 272-274; Funk, Patres apostolici, t. i, p. 649- 
652; sur l'auteur et son orthodoxie, Funk, Patres apos- 
tolici, Prolegomena, 2 e édit., Tubingue, 1891, p. cxxn- 
cli; Id., Eermas, dans Wetzer und Welte, Kirchen- 
leœicon, t. v, 1888, col. 1839-1844; Rambouillet, 
L'orthodoxie du livredu Pasteur d'Hermas, Paris, 1880; 
E. Bardenhewer, Les Pères de l'Église, trad. Godet et 
Verschaffel, t. i, Paris, 1898, p. 84-98. 

PASTOPHORES, mot grec, ira<rtoq><Sptov, qui se lit 
plusieurs fois dans la traduction des Septante. I Par., ix, 
26, etc. ; Jér., xxxv, 4; Ezech., xl, 17. On ne le ren- 
contre qu'une fois dans la Vulgate latine, I Mach., iv, 
38 : Les soldats de Judas Machabée « montèrent à la 
montagne de Sion et ils virent les lieux saints déserts, 
et l'autel préparé et les portes brûlées ...et pastophoria 
diruta » (grec : TtaoToçopia xa6Y]pr)fjiiva). Les pasto- 
phoria désignent les chambres dans lesquelles on con- 
servait les trésors et les meubles du Temple et où 
habitaient les prêtres et les lévites. Voir S. Jérôme, In 
Ezech., xl, 17, t. xxv, col. 382. J. Frd. Schleusner, No- 
vus thésaurus philologicus, t. IV, 1821, p. 253. 

PASTORALES (ÉPITRES). On appelle de ce 
nom les deux Épîtres que saint Paul adressa à Timothée 
et celle qu'il adressa à Tite, parce que l'Apôtre y trace 
à ses deux disciples les devoirs d'un pasteur des âmes. 
Voir Timothée (ÉpItres i et ii à) et Tite (ÊpItre à). 

PATARE (grec : xà ndtrapa), ville de Lycie à envi- 
ron 60 stades ou 9 kil. au sud-ouest de l'embouchure 




575. — AVT. KAI. ANT.... CEB. Busteradié et drapé d'Hélioga- 
bale, à droite. — i$";IIATAPES!N. L'empereur lauré, drapé dans 
la toge, debout, à gauche, tenant le volumen et un rameau de 
laurier. A ses pieds, un aigle sur un globe. 

du Xanthe, en face de l'île de Rhodes (flg. 575). Dans 
sa troisième mission, saint Paul venant de Rhodes 
aborda à Patare où il trouva un navire qui faisait route 
vers la Phénicie. Il s'y embarqua aussitôt pour aller à 
Tyr. Act., xxi, 1-3. Patare servait de port à la. ville de 
Xanthe, Appien, Bell, civ., iv, 81. C'était une escale 
sur la route entre les ports d'Italie, de l'Egypte et du 
Levant. De là l'importance et la richesse de la ville. 



Tite Live, xxxvn, 15, l'appelle Caput gentis. Elle por- 
tait le titre de métropole, Corp. insc. grmcar., n. 4280, 
4281, 4283. Patare célébrait le culte d'Apollon qui y ren- 
dait des oracles. Conybeare et Howson, The Life and 
Epistles of St. Paul, in-8», Londres, 1891, p. 560. Un. 
banc de sable bouche maintenant l'entrée du Xanthe. 
Il reste quelques ruines sur l'ancien emplacement de 
Patare qui n'est plus qu'un désert. Le village turc porte 




576. — Plan de Patare. 
D'après la carte de l'Amirauté anglaise. 

le nom de Djelemish. Journal of Hellenic studies, 1889,. 
p. 46-85; Ch. Fellows, An account of discoreries in 
Lycia, in-4», Londres, 1841, p. 222; Spratt et Forbes, 
Travels in Lycia, in-8°, Londres, 1847, t. i, p. 30; t. n r 
p. 189; O. Benndorf und G. Niemann, Reisen in Ly- 
kien und Karien, in-f», Vienne, 1884; 1. 1, p. 114-117, t. n, 
p. 118, pi. xxxii-xxxiv; G. Hill, Catalogue of the Greek 
coins of Lycia, 1897, p. 25-27. E. Beurlier. 

PATIENCE (hébreu : 'orék 'appayîm, 'orék rûah; 
Septante : fjLaxpoâu|iîa, tjtco[xov^ ; Vulgate : patientia, 
sufferentia), disposition à attendre plus ou moins long- 
temps, même dans des conditions pénibles, que le mal 
soit écarté ou puni et que le bien désiré arrive. La- 
patience est opposée à la colère, qui s'exprime par la- 
dilatation des narines et la rapidité de la respiration. 
L'impatient est appelé qesar 'appayim ou rûah, « court 
de narines » ou de a souffle ». Prov., xiv, 17, 29. La 
patience est au contraire 'orék 'appayîm ou rûah, 
« longueur de narines » ou de « souffle ». Elle consiste 
tantôt à laisser faire, tantôt à attendre et tantôt à souf- 
frir un temps plus ou moins long. 

1° Patience divine. — 1. Dieu est patient, parce 
qu'il a pitié de ses créatures même infidèles et veut 
leur laisser le temps du repentir, Exod., xxiv, 6; Num., 
xiv, 18; Judith, vin, 14; Ps. lxxxvi (lxxxv), 15;, 
cxlv (cxliv), 8; Sap., xv, 1; Eccli., v, 4; Joël, n, 13; 
Jon., iv, 2; Nah., i, 3; II Mach., VI, 14; Rom., n, 4; ix r 
22; I Pet., m, 20; II Pet., m, 9, et aussi parce qu'il a 
l'éternité devant lui. Eccli., xvm, 9. Il est le Dieu de 
patience. Rom., xv, 5. — 2. Néanmoins sa patience n'a 
qu'un temps, et le moment arrive toujours où sa justice 
atteint les coupables. Eccli., xxxv, 22; Luc, xvm, 7. — 
3. La patience de Dieu t feit quelquefois l'étonnement 
des justes. Hab., i, 13. Voir Mal, t. iv, col. 601-604. 

2° Patience humaine. — 1. La patience, est recom- 
mandée au serviteur de Dieu, Bar., iv, 25; Eccli., n> 



2181 



PATIENCE — PATIRIENSIS (CODEX) 



2182 



4, au chrétien, Rom., xh, 12; Eph., iv, 2; Col., m, 12; 

I Thés., v, 14; II Thés., i, 4; m, 5; Tit., n, 2; Jacob., 
v, 7, 8; I Pet., h, 20; II Pet., i, 6, et au ministre de 
l'Église, I Tim., vi, 11 ; II Tim., n, 24; rv, 2. — 2. L'exem- 
ple de la patience a été donné par Job, Job, xvll, 15; 
Jacob., v, 11; les prophètes, Jacob., v, 10;Tobie, Tob., 
n, 12; les justes en général, Sap., n, 19; Apoc, xm, 
10; xiv. 12; saint Paul, II Cor., vi, 4; xh, 12; Col., i, 
11; II Tim., m, 10; saint Jean, Apoc, i, 9; les évêques 
d'Éphèse, Apoc, n, 2, 3, de Thyatire, Apoc., n, 19, et 
de Philadelphie. Apoc, m, 10. A un point de vue pure- 
ment naturel, les Romains ont fait prospérer leur em- 
pire par la patience, fj.axpo8oji(a, l'esprit de suite et la 
persévérance dans leurs entreprises. I Mach., vm, 3. 
— 3. Pratiquer la patience, c'est faire preuve d'intelli- 
gence, Prov., xiv, 29; xix, 11; apaiser les disputes, 
Prov., xv, 18; xxv, 15, et accomplir une œuvre meilleure 
que celle de la force. Prov., xvi, 32; Eccle., vu, 9. — 
4. La patience chrétienne est l'effet de l'Esprit de Dieu, 
Gai., v, 22, et se produit a l'occasion de l'épreuve. Ja- 
cob., i, 3. Elle porte d'heureux fruits, Luc, vm, 15; 
Rom., v, 3, 4; xv, 4, est la compagne de l'espérance, 
Rom., vin, 25, et de la charité, I Cor., xm, 4, et permet 
à l'homme d'être le maître de sa vie, Luc, xxi, 10, pour 
la mettre au service de Dieu et la faire aboutir à l'éter- 
nité bienheureuse. H. Lesètre. 

PATIRIENSIS (CODEX).- 1. Description. - Le 
Patiriensis est un codex oncial palimpseste du v» siècle. 

II comprend 21 feuillets de parchemin à trois colonnes 
de 40 ou 41 lignes. Il est désigné par la lettre hébraïque a ; 
par le symbole a 1 dans le système de notation de M. von 
Soden. Il fait partie d'un recueil d'homélies de saint 
Grégoire de Nazianze écrites au x e siècle. Les 316 feuil- 
lets de ce codex ne comptent pas moins de 147 feuillets 
palimpsestes empruntés à 6 manuscrits différents : 
1. Notre Patiriensis, 21 feuillets : 198, 199, 221, 222, 229, 
230, 293-303, 305-308. - 2. Un lectionnaire des Évan- 
giles du vi«-vn« s., 39 feuillets : 254-292. — 3. Un autre 
lectionnaire des Évangiles du vm e -ix e s., 7 feuillets : 
164, 169, 174, 175, 209, 214, 227. - 4. Un homiliaire du 
IX e s., 56 feuillets. — 5. Un recueil d'homélies du vi e s., 
7 feuillets. — 6. Un Strabon du VI e s., 18 feuillets. C'est 
le même manuscrit que le fameux Slrabon palimpseste 
de Grottaferrata. — Le contenu de 3 ne peut se déter- 
miner qu'approximativement parce que le commence- 
ment et la fin des pages sont parfois illisibles. Act., 
xxvi, 4-xxvn, 10 (f° 221); xxvm, 2-31 (f<> 302) ; Jac, rv-, 
14-1 Pet., i, 12 (f° 222); II Pet., n, 2-ni, 15 (f° 301); 

I Joa., iv, 6, fin de l'Épître avec II et III Joa. (f° 308 et 
307) ; Rom., xm, 4-xv, 9 (f° 305) ;. I Cor., iv, 4 (?) - vi, 16 
(f° 297); xii, 23-xiv, 21 (f° 306); xiv, 21-xv, 2 (f° 198); 

II Cor., iv, 7-vi, 8 (f° 303) ; vu, 15-x, 6 (f° 199) ; Eph., v, 5, 
fin de l'Épître et jusqu'à Phil., Il, 9 (f« 300 et 230) ; Col., i, 
20, fin de l'Épître et jusqu'à I Thess., I, 6 (f° 229 et 293); 

I Tim., v, 5, fin de l'Épître et jusqu'à II Tim., n, 25 (f° 298 
et 295); Tit., m, 13, fin de l'Épître avec Philem. (f°294); 
Heb., xi, 32-xni, 4 (f°299). Aucune des notices publiées 
jusqu'ici (Batiffol, Gregory, von Soden) ne signale le 
contenu du feuillet 296 lequel est extrêmement difficile 
à lire sous son épaisse couche de colle et de papier de 
soie, sans parler des dégâts produits par l'acide gallique. 

II renferme les premiers chapitres de I Cor., et doit 
être continué par le feuillet 297. Par contre, toutes les 
listes assignent au feuillet 198 le contenu suivant : 
I Cor., xv, 3-xvi, 1. Mais ce feuillet, l'un des plus 
lisibles, débute par toci oti ev (I Cor., xiv, 21) et finit 
par tiv[ Xoyw euyjyye (I Cor., xv, 2). Il fait donc suite au 
feuillet 306, qui finit par un mot coupé en deux : ev to> 
vojaw ytypanz (I Cor., xiv, 21). — Ajoutons' quelques 
particularités qui aideront à reconnaître les parties du 
même manuscrit qu'on pourrait découvrir en d'autres 
bibliothèques. Le cadre de l'écriture est d'environ m 215, 



la largeur de la colonne de m 053, l'espace entre deux 
colonnes de m 018. Le nombre de lettres par colonne 
est de 12 à 15. Quoiqu'il soit assez difficile de retrou- 
ver la disposition primitive des cahiers, parce que les 
feuillets doubles ont été souvent coupés en deux et 
collés ensuite à d'autres demi-feuillets hétérogènes, 
nous avons la certitude que les cahiers étaient des 
quinquenniones et comptaient chacun vingt pages. En 
effet, les feuillets 305 et 306 qui sont le même feuillet 
double occupaisnt les extrémités d'un cahier, et le texte 
intermédiaire manquant suffit à remplir quatre feuil- 
lets doubles. Ofi arrive à une conclusion identique en 
observant que les feuillets 221 et 222, 308 et 307 sont 
respectivement le même feuillet double et en calculant 
la longueur du texte qui les sépare. Cette composition 
des cahiers est, avec la disposition de l'écriture sur 
trois colonnes, un nouveau trait qui rapproche le Pa- 
tiriensis du Vaticanus. 

2. Historique. — Le Patiriensis portait le n° 37 dans 
l'ancienne bibliothèque de Sainte Marie du Patir, abbaye 
basilienne de Rossano. Il fut d'abord inscrit à la Vati- 
cane sous la cote Basiliano 100. C'est aujourd'hui le 
n°2061 du fonds grec Vatican. Montfaucon qui le men- 
tionne dans son Diarium, p. 214, et dans sa Bibliotheca, 
t. i, p. 195, avait reconnu dans l'écriture palimpseste 
des versets du Nouveau Testament. Mai, qui le signale 
à plusieurs reprises dans ses notes manuscrites, avait 
déchiffré des passages de saint Paul et constaté la res- 
semblance de l'onciale avec celle du célèbre Vaticanus. 
Mais c'est Ms r Batiffol qui a le premier déterminé le 
nombre des feuillets palimpsestes et la teneur exacte 
des textes bibliques. Il en parle ainsi dans L'abbaye de 
Rossano, contribution à l'histoire de la Vaticane, Paris, 
1891, p. 72 : « Mai lava les feuillets palimpsestes à la 
noix de galle pour faire revivre l'écriture ancienne, 
mais malheureusement il ne prit pas copie du texte 
qu'il avait fait revivre... et, second malheur, craignant 
que les feuillets une fois traités à la noix de galle ne 
tombassent en miettes, il fit coller une feuille de papier 
pelure sur un des côtés de chacun des feuillets. Re- 
trouver le texte à travers cette feuille que la colle 
a rendue opaque à peu près partout, est neuf fois sur 
dix impossible. Il faudra que l'éditeur qui tentera l'en- 
treprise, après avoir photographié et rentoilé\es feuil- 
lets libres, détache adroitement le papier pelure : mais 
cette manipulation m'était interdite. » Cette description 
n'est plus tout à fait exacte. Le manuscrit a été restauré 
d'après les procédés merveilleux en usage actuellement 
à la Bibliothèque Vaticane. Il est débarrassé en partie 
de sa colle, de son papier pelure; mais il est impossible 
de le guérir entièrement des funestes effets de la noix 
de galle. L'acide a rongé le parchemin et produit des 
trous en bien des endroits. Néanmoins on peut le dé- 
chiffrer avec de la patience. Il serait à désirer qu'il 
trouvât le plus tôt possible un éditeur. 

3. Paléographie, état primitif, valeur critique. — 
«L'écriture est une onciale très pure, la hauteur moyenne 
deslettres est de3mill.,5 environ... Le Y, quand il n'est 
pas diphtongue, est trémassé; le P final est accompagné 
d'une apostrophe (rAP'); l'I muet est omis; je ne relève 
ni accents, ni esprits; la ponctuation consiste en un 
point haut simple. A la ponctuation forte, le scribe 
laisse en blanc le reste de la ligne, va à la ligne d'après 
et pose une initiale, sauf cependant un petit nombre 
de cas... Ces initiales ont une hauteur moyenne de 
4mill.,5; elles sont donc plus grandes de peu que les 
lettres courantes; mais aucun ornement ne les distin- 
gue, et elles empiètent sur la marge seulement des 
deux tiers de leur largeur... Dans les marges, il n'y a 
pas trace de sections euthaliennes, ce qui est une bonne 
marque d'ancienneté, mais seulement par endroits, 
l'indication de péricopes faites en vue de la lecture litur- 
gique... » Batiffol, oj>. cit., p. 73. Quoique la disposition 



2183 



PATIRIENSIS (CODEX) — PATRIE 



2184 



du texte en trois colonnes donne au Patiriensis une 
ressemblance générale avec le Vaticanus, c'est avec 
1" Alexandrinus qu'il faut plutôt le comparer, surtout 
à raison des initiales en vedette. — Au point de vue cri- 
tique le Patiriensis n'a encore été étudié que par 
Sanday, dans la Revue biblique, t. iv, 1905, p. 207-213. 
L'auteur conclut, p. 215 : Ipsum codieem crediderim 
ex Oriente adlatum (lectiones enim greeco-latinee pritis 
per exemplar sevo remolum, orientales posterius in- 
vectm vîdentur) codd. nACRP non multo dissimilem, a 
librario scriptum artis suœ satis perilo, sed vulgari- 
bus scribendi vitiis obnoxio. Mais peut-être la base sur 
laquelle ce jugement se fonde n'est-elle pas suffisam- 



jourd'hui le nom de ment Élie, a environ 350 mètres de 
haut. Patmos (flg. 578) est divisée en deux parties égales, 
unies par un isthme sur la partie orientale duquel sont 
le port et la ville. Elle était autrefois couverte de pal- 
miers et portait encore au moyen âge le nom de Palmosa. 
Maintenant on n'y trouve plus que quelques oliviers. 
Elle est très aride et se prête difficilement à la culture. 
— Voir E. Ross, Reisen auf den griechischen Insein 
des Aegctîschen Meeres, in-8», Stuttgart et Tubingue, 
1841, t. il, p. 123-139; V. Guérin, Description de Vile 
de Patmos, in-12, Paris, 1856; H. F. Tozer, The Islands 
of the Aegca, in-8», Londres, 1825, p. 178-195. 

E. Bedruer. 




577. — Vue de Patmos. D'après une photographie. 



ment large. Une photogravure d'une des pages les plus 
lisibles accompagne l'article de la Revue biblique. — 
Gregory, Prolegomena, etc., Leipzig, 1894, p. 447-448; 
Textkritik des N. T., t. i, 1900, p. 104 ; Von Soden, 
Die Schriften des N. T., etc., l re partie, Berlin, 1902, 
p. 215-216, n'ajoutent rien aux renseignements donnés 
par Ma r Batiffol, L'abbaye de Rossano, Paris, 1891, ex- 
cursus G, p. 71-74. F. Phat. 

PATMOS (Grec : ndafioc), petite île de la mer Egée 
au sud de Samos et à l'ouest de Milet (flg. 577). C'était 
l'une des Sporades. Pline, H. N., rv, 23; Strabon, X, v, 
13. L'apôtre saint Jean y fut exilé. Apoc., i, 9. C'est là 
qu'il écrivit l'Apocalypse. Voir Apocalypse, t; i, col. 746; 
Jean (Saint), t. m, col. 1105. Il y resta, d'après la tradi- 
tion, depuis l'an 14 de Domitien jusqu'à l'avènement 
de Nerva, qui rendit la liberté à tous les exilés. Pat- 
mos est située 37» 20: de latitude nord et 26» 35' de 
longitude est. L'île a environ 15 kil. de long et 9 de 
large à son extrémité nord. Elle est surtout formée de 
collines volcaniques, dont la plus élevée, qui porte au- 



PATRIARCHE (grec : mxTptip-/']ç; Vulgate : patri- 
archa), chef de famille. — Le nom de patriarche n'est 
emplojé que par la Vulgate dans l'Ancien Testament. 
Elle appelle ainsi des chefs de famille, ro'èê 'âbôt, 
« têtes » ou « chefs des pères », ap^oviE; ncttpi&v, 
I Par., vin, 28, et les pères des anciennes familles 
nombreuses dont parle la Genèse. Tob., vi, 20. — Dans 
le Nouveau Testament, le nom de patriarche est attri- 
bué à David, Act., n, 29, aux douze fils de Jacob, Act., 
vu, 8, 9, et à Abraham. Heb., vu, 4. — L'usage courant 
réserve ce nom à d'illustres personnages, chefs de fa- 
mille dans les temps primitifs, Noé, Abraham, lsaac, 
Jacob et ses douze fils, etc. H. Lesêtre. 

2. PATRIARCHES (LIVRES APOCRYPHES SUR LES). 

Voir Apocryphes (Livres), t. i, col. 771 ; Testament des 

DOUZE PATRIARCHES. 

PATRIE (hébreu : 'ères ; Septante : y»), naTpt'îj 
Vulgate : terra, patria), le pays où l'on est né, où l'on 
a eu ses ancêtres ou dans lequel on a été élevé. — 



2185 



PATRIE — PATROBAS 



2186 



1° Abraham reçut l'ordre de quitter sa patrie, la Chal- 
dée. Gen., xn,°l; Act., vu, 3. Jacob, Gen., xxx, 25, et 
Noémi, Ruth, i, 7, voulurent retourner dans leur pa- 
trie. La Palestine est le pays des Israélites, celui qu'ils 
auront à défendre contre les envahisseurs. Num., x, 9. 
Esther, n, 10, 20, dut s'abstenir de faire connaître au 
roi de Perse sa patrie, c'est-à-dire sa nationalité. — 
Dans le Nouveau Testament, la ville de Nazareth est 
appelée la patrie de Notre-Seigneur, parce qu'il y avait 
habité depuis son enfance et qu'on supposait qu'il y 
était né de Joseph et de Marie. Matth., xm, 54, 57; 
Marc, vi, 1, 4; Luc., iv, 23, 24; Joa., iv, 44. Le pro- 




578. — Carte de l'île de Patmos. D'après V. Guérin. 

verbe : « Nul n'est prophète dans sa patrie, » constate 
la jalousie locale qui fait que des hommes ne veulent 
pas reconnaître la supériorité de celui qu'ils ont vu 
vivre au milieu d'eux dans la simplicité. — 2° Dans 
les textes précédents, la patrie apparaît surtout comme 
le pays d'origine ou de séjour habituel. Au second livre 
des Machabées, l'idée de patrie se rapproche davantage 
de celle que nous concevons aujourd'hui. La patrie, 
c'est le pays des ancêtres, avec ses traditions, ^es lois, 
ses coutumes, sa religion, sa langue, ses villes et ses 
monuments. II Mach., vi, i, 6; vu, 2, 8, 21, 24, 27, 37; 
xii, 37 ; xv, 29. Simon est le délateur de sa patrie, rv, 
1 ; Jason, le bourreau de sa patrie, dont il a banni un 
grand nombre de concitoyens, v, 8, 9; Ménélas, traître 
envers sa patrie, v, 15, n'a aucun souci de son salut, 
XIII, 3. Par contre, Judas Machabée exhorte ses frères 
à combattre et à mourir pour les lois, le Temple, la 
ville et la patrie, vin, 21; xm, 15; il fait prier Dieu 
pour ceux qui vont être privés de leur patrie, xm, 11, 
et il se bat vaillamment avec les siens pour l'indépen- 
dance et le salut de la patrie, xiv, 18. — 3» L'amour 



de la patrie, sous forme d'amour pour la nation à la- 
quelle il appartenait, se manifesta avec éclat en Notre- 
Seigneur, quand il pleura sur Jérusalem, à la pensée 
des maux qui châtieraient un jour son ingratitude, Luc, 
xix, 41-44, et quand, -pendant sa passion, il invita les 
femmes de Jérusalem à pleurer sur le sort qui les 
attendait. Luc, xxill, 28-31. Bien que Sauveur du 
monde entier, il déclarait n'avoir été envoyé personnel- 
lement qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël et 
donnait à ses compatriotes le nom d'enfants, par oppo- 
sition aux étrangers idolâtres. Matth., xv, 24-26. — 
Saint Pierre, dans ses premiers discours, s'adresse aux 
« enfants d'Israël » avec une prédilection marquée. 
Act., H, 22, 39; m, 17-21. — Saint Paul aimait tendre- 
ment ceux de sa nation; il eût désiré être sacrifié et 
maudit pour eux. Rom., rx, 2-5. Malgré tout les torts 
que les Juifs avaient eus à son égard, il ne songeait 
nullement à accuser sa nation. Act., xxvni, 19. — C'est 
surtout sous le nom de « nation » qu'il est question de 
la patrie israélite. Luc, vu, 5; Joa., xvm, 35; Act., x, 
22. Les grands-prêtres et les membres du sanhédrin 
font du faux patriotisme, quand ils parlent de sacrifier 
Notre-Seigneur pour empêcher les Romains de détruire 
la ville et la nation, Joa., xi, 48, 50, et quand ils pré- 
tendent qu'ils l'ont trouvé bouleversant la nation. Luc, 
xxiii, 2. — 4» L'Épitre aux Hébreux, vi, 13-16, en par- 
lant des anciens patriarches, dit qu'ils se considéraient 
comme étrangers sur la terre et qu'ils cherchaient une 
patrie, non celle d'où ils étaient sortis, mais « une 
patrie meilleure, une patrie céleste. » Cf. Heb., xm, 14. 
La patrie ainsi cherchée a été d'abord la patrie spiri- 
tuelle, le « royaume des cieux », que devait un jour 
établir le Messie attendu, puis la patrie définitive du 
ciel, le royaume du « Père qui est dans les cieux ». 
Matth., vi 9. H. Lesètre. 

PATRIZ! François- Xavier, exégète italien, né à Rome 
le 19 juin 1797, mort dans cette ville le 23 avril 1881. Il 
entra dans la Compagnie de Jésus le 12 novembre 1814, 
et enseigna l'Écriture Sainte à Louvain et au Collège 
romain. Nombreux sont les travaux qu'il nous a laissés 
sur l'Écriture Sainte. C'est d'abord un ouvrage préli- 
minaire, Institutio de interpretatione Bibliorurn, édité 
en 1844-1852, in-8°, puis réimprimé en 1862 et 1876. 
L'auteur en résuma la I re partie à l'usage des élèves, 
in-8°. — Viennent ensuite deux traités sur l'Ancien 
Testament : Deconsensu utriusque libri Machabseorum, 
in-4", 1856; Cento salnii tradotti... e commentati, 
in-4 ^ 1875. Ce dernier ouvrage a été traduit en fran- 
çais par le P. Nicolas Bouchot, in-4°, 1890. — Ses écrits 
sur le Nouveau Testament sont : 1» De Evangeliis 
libri très, in-4», 1852-53. Dans cet ouvrage l'auteur 
combat les erreurs répandues par les rationalistes 
modernes et détruit les principales objections soulevées 
contre les Saintes Écritures. 2° In Joannem commenta- 
rium, in-8», 1858.-3° In Marcum commentarium cum 
duabus appendicibus , in-8°, 1862. Le premier appendice 
a pour objet la thèse précédemment soutenue de l'exis- 
tence de deux Marc. 4» In Aclus Apostolorum com- 
mentarium, in-4», 1867. 5° Diverses dissertations sur 
des points spéciaux : De interpretatione oraculorum ad 
Chrishim pertinentium, 1853; De immaculata Marisa 
origine, 1853; De prima angeli ad Josephum Mariez 
sponsum legatione, 1876; Délie parole di S. Paolo 
« in qao omnes peccaverunt, » 1876. 

P. Bliard. 

PATROBAS (grec : Uaigôêaç, probablement con- 
traction de TtaTpoëto;, « vie du père »), chrétien de Rome 
à qui saint Paul envoie ses salutations. Rom., xvi, 14. 
D'après le Pseudo-Hippolyte qui l'appelle izazfi&ov'koçy 
De septuag. apost., 37, t. x, col. 956, il était du nombre 
des soixante-douze disciples et fut évêque de Pouzzoles. 
Le Martyrologe romain dit qu'il souffrît le martyre avec 



2187 



PATROBAS — PAUL (SAINT) 



2188 



saint Philologue et place sa fête au 4 novembre. Voir 
Acla ISanctorum, novembris t. H, part. 1, 1894, p. 222. 
Un affranchi de Néron qui fut mis à mort par ordre de 
Galba, Tacite, Hisl., i, 49; h, 95; Suétone, Galba, 20; 
Martial, Ep., H, 32, 3, portait le même nom. On trouve 
aussi ce nom dans les inscriptions. 

PATROCLE (grec : Uâzpo*\oi), père du général 
syrien Nicanor qui fut l'un des principaux, adversaires 
de Judas Machabée. II Mach., vin, 9. Le nom de 
Patrocle était commun parmi les Grecs. 

PATURAGE (hébreu : dobér km; « agneau, » et 
par extension ce pâturage »; migrai et nahâlol, l'endroit 
« où l'on mène » le bétail; tnidbâr, mir'éh; nd'âh, 
nâvéh et navâh, l'endroit « où demeure » le bétail; 
Septante : vopî, pô(TXT)(j.a; àoopiunaTa, TtepiuTcôpca et 
7cepix<opa> les « alentours » des villes, la campagne; 
Vulgate : pascua, pascuum , suburbana, les « alentours » 
des villes), terre sur laquelle le bétail trouve sa nourri- 
ture. 

I. Au sens propre. — 1° La Palestine renferme des 
plaines fertiles dans lesquelles les troupeaux trouvaient 
autrefois d'abondants pâturages. Abraham et Lot, qui y 
faisaient paître leur nombreux bétail, furent obligés de 
s'en aller l'un à droite et l'autre à gauche, pour éviter 
les querelles entre leurs bergers. Gen., xm, 5-12. Quand 
une sécheresse prolongée désola le pays de Chanaan, 
Jacob conduisit ses troupeaux en Egypte, dans les 
pâturages de la terre de Gessen. Gen., xlvii, 4. — C'est 
seulement quand Dieu répand la pluie et la fécondité 
sur la terre, que les pâturages peuvent se couvrir de 
troupeaux. Ps. lxv (lxiv), 13, 14. Cette bénédiction est 
habituellement accordée au juste. Job, v, 24. — Les 
animaux sauvages cherchent des pâturages dans la 
montagne. Job, xxxix, 8. Les pâturages du désert sont 
parfois desséchés, Jer., XXin, 10, et dévorés par le feu, 
Joël, 1, 18, 19; mais ensuite ils reverdissent. Jo., n, 22. 
— David était dans les pâturages quand Saùl l'envoya 
chercher, I Reg., xvi, 19, et quand le Seigneur le prit 
pour le faire roi. II Reg., vu, 8; I Par., xvn, 7. Les 
bergers de Bethléhem veillaient la nuit dans leurs pâtu- 
rages de la montagne, quand les anges leur annon- 
cèrent la naissance du Sauveur. Luc, ir, 8. — Comme 
les lévites ne possédaient que des villes isolées et 
cependant avaient des troupeaux, Moïse avait réglé que 
des pâturages leur seraient attribués autour de ces 
villes. Num., xxxv, 3. — Ephraïm avait été établi dans 
un beau pâturage, c'est-à-dire sur un sol très fertile. 
Ose., ix, 13. — 2° L'existence d'un pâturage devenait une 
malédiction, quand ce pâturage remplaçait les habita- 
tionsdes hommes. Ainsi la Syrie etle pays d'Israël doivent 
être changés en pâturages. Is., vu, 25. Le même sort est 
prédit à la côte maritime habitée par les Philistins, 
Soph., il, 6, et à la ville ammonite de Rabbath. Ezech., 
xxv, 5. — 3» Les auteurs sacrés mentionnent spéciale- 
ment les pâturages d'Achor, Is., lxv, 10, voir t. i, col. 
147, de Cédar, Is., xlii, 11, de Gador, I Par., iv, 39, 40, 
voir t. ni, col. 34, des environs d'Hébron, Jos., xxi, 
11, et de Saron. IPar., v, 16. — Le mot 'dbêl, « verdure, 
prairie, » entre dans la composition d'un [certain 
nombre de noms propres et peut désigner des endroits 
propres au pacage. Voir Abel, t. 1, col 30. 

II. Au sens figuré. — 1° Le Seigneur aimant à se dire 
le pasteur de son peuple, voir Pasteur, col.' 2178, 
l'idée de pâturage se présente naturellement pour dési- 
gner le séjour de ce peuple. Les Israélites sont pour le 
Seigneuries brebis de son pâturage. Ps. lxxv (lxxiv), 
1; lxxix (lxxviii), 13; xcv (xciv), 7; c (xcix), 3; Jer., 
xxni, 1. Ce peuple avait été placé par le Seigneur dans 
un bon pâturage, sur une terre féconde, où il était 
comblé de biens et de grâces; mais il s'y est enor- 
gueilli et révolté contre son pasteur. Ose., xm, 7. — 



2° Alors le Seigneur justement irrité a sifflé les 
mouches d'Egypte pour qu'elles vinssent ravager son 
pâturage. Is., vit, 19. Jérusalem est devenue un pâtu- 
rage brûlé et dévasté, Is., xxxii, 14; Jer., ix, 10; ses 
princes ont été comme des cerfs sans pâturage.Lam., 
1, 6. Les pâturages des nations n'en seront pas moins 
ruinés à leur tour. Am., I, 2; Jer., xxv, 36, 37;. xlix, 
20. — 3° Mais, son châtiment subi, le peuple de Dieu 
sera ramené dans son pâturage. Is, v,7; xxx, 23; xlix, 
9; Jer - ., xxlll, 3; l, 19; Mich., n, 12. A Jérusalem, ré- 
duite à l'état de désert, il y aura encore des pâturages. 
Jer., xxxiii, 12. Le prophète Ézéchiel, xxxiv, 12-15, 
développe cette image : 

Ainsi, je ferai la revue de mes brebis... 

Je les ramènerai sur leur propre sol, 

Je les ferai paître sur les montagnes d'Israël, 

Dans les vallées et dans tous les lieux habités du pays. 

Je les ferai paître dans de bons pâturages, 

Et leur pacage sera sur les hautes montagnes d'Israël ; 

Là elles reposeront dans un bon bercail, 

Et paîtront dans un gras pâturage 

Sur la montagne d'Israël : 

C'est moi qui paîtrai mes brebis. 

— 3° L'âme juste était traitée par Dieu de la même 
manière : 

Jéhovah est mon pasteur, je ne manquerai de rien, 
Il me fait reposer dans de verts pâturages. 
Ps. xxni (xxn), 2. 

Notre-Seigneur promet aussi à l'âme fidèle, qui entre 
dans le bercail par la vraie porte, qu'elle y trouvera 
des pâturages, c'est-à-dire toutes les grâces de la vie 
spirituelle. Joa., x, 9. H. Lesêtre. 

PAUL (SAINT) (en grec IItxy>,o;, Vulgate : Pau- 
lus), l'Apôtre des Gentils, « l'Apôtre » par excellence. 

I. Depuis sa naissance jusqu'à sa conversion. — 
i. naissance. — Par ses origines comme par son édu- 




579. — Saint Pierre et saint Paul. Médaillon de bronze 
(milieu du il" siècle). Musée chrétien du Vatican, 

cation, Paul appartenait au plus pur judaïsme. Il a 
énuméré lui-même, à plusieurs reprises (Act., xxm, 
6; II Cor., xi, 22; Philip., m, 5), avec une certaine 
fierté, ce qu'il appelle ses avantages selon la chair : 
circoncis le huitième jour, il est de la famille d'Abraham ; 
de la race d'Israël; de la tribu de Benjamin, la plus 
fidèle, avec celle de Juda, à maintenir la tradition reli- 
gieuse des prophètes; il suit le parti des Pharisiens, 
où il s'est distingué longtemps par son fanatisme. Les 



2189 



PAUL (SAINT) 



2190 



parents de Paul, bien qu'établis à Tarse, en Cilicie, 
étaient « hébreux » et peut-être originaires de Giscala, 
aujourd'hui El-Djisch, en Galilée. Ainsi s'expliquerait, 
■en partie, la méprise de saint Jérôme qui les fait émi- 
grer en Cilicie, après la naissance de Paul, à la suite 
-de la ruine de cette cité par les Romains : Paulus..., 
■de tribu Benjamin et oppido Judeese Giscalis fuit, 
■guo [a Romanis capto, cum parentibus sttis Tarsum 
Ciliciss"commigravit. De vif. ill., 5, t. xxm, col. 615; 
Ad Philem., 23, t. xxvi, col. 617. Parmi les modernes, 
Krenkel est à peu près le seul qui adhère à une tradi- 
tion entachée d'un anachronisme si évident, Beitràge 
zur Aufhellung d. Geschichte u. d. Briefe d. Apost. 
P., § i. En effet, Giscala ne fut prise qu'en 67, après les 
.autres places fortes de Galilée, Josèphe, Bell, jud., V, 
% 5, près de soixante ans après la naissance de l'Apôtre, 
peut-être même l'année de sa mort. Paul reçut, au jour 
•de sa circoncision, le nom de Saul (grec, SaûXo;, Act., 
IX, 1 ; xin), le demandé, le désiré, nom connu ayant été 
porté par le premier roi d'Israël. Dans les Actes, xm, 
'9, le nom de Saul se change subitement en celui de 
Paul (flaOXoç, Paulus) au moment où commence le récit 
•de la conversion du proconsul de Chypre, Sergius Pau- 
lus. Serait-ce un hommage rendu à l'illustre converti 
•ou une manière de marquer sa première conquête 
apostolique? C'est l'opinion d'Origène, Comment, ad 
Rom. prsefat., t. xiv, col. 836, de saint Jérôme, Ad Phi- 
lem., 1, t. xxv, col. 604, de saint Augustin, Confess., 
vm, 4, t. xxxil, col. 753. Mais elle parait mal s'accor- 
der avec la modestie habituelle de l'Apôtre, I Cor., XV, 
-8-9; puis il prend ce nom, f. 9, avant la conversion 
■qui n'est rapportée qu'au f. 12. D'autres ont voulu re- 
trouver, dans le nom de Paul, un souvenir de l'affran- 
chissement de son père, par quelque membre de l'illustre 
famille des Paulus; plusieurs, une allusion à son appa- 
rence chétive (IIoûXo;, JJaûpoç), II Cor., x, 1. 2, 1Q, ou 
l'effet d'un sentiment d'extrême humilité, S. Augustin, 
Serm., cclxxix, 5 ; cccxv, 5; t. xxxvm. col. 1278, 1479; 
un grand nombre, la transformation latine de son nom 
hébreu. Les Juifs hellénistes ajoutaient volontiers, à 
leur nom juif, le nom grec ou romain qui s'en rappro- 
chait le plus par la prononciation. Ainsi Éliacin se chan- 
geait en Alcime, Jésus en Jason, Joseph en Hégésippe, 
cf. col. 2087. De la sorte,,Saul aura donné Paul. La forme 
grecque EaûXo; prêtait, du reste, à un sens plus ou 
moins ridicule (EaûXoç, celui qui se balance en mar- 
•chant). Au contraire, le nom latin Paulus convenait à 
•merveille à celui qui devait tant de fois se prévaloir du 
titre de citoyen romain et qui venait d'inaugurer, dans 
le monde officiel, sa carrière d'apôtre des gentils. Dès 
ce moment, les Romains l'appelèrent « Paulus », les 
<3recs, n«0Xo{, les Juifs seuls continuèrent à le nom- 
mer Saul. Act., xxvi, 14. Le père de Paul possédait un 
titre dont les prérogatives étaient alors considérables : 
celui de citoyen romain. Act., xvi, 37; xxn, 25, 28. On 
ne sait d'où lui venait ce privilège. En tous cas, ce n'était 
pas de la ville elle-même; Tarse n'était, à cette époque, 
m un municipe, ni une colonie romaine, comme. Phi- 
lippe de Macédoine, par exemple, ou Antiochèlde Pisidie, 
.Act., xvi, 12, mais tout simplement une cité libre, ayant 
la faculté de se gouverner par ses propres magistrats, et 
■d'exercer elle-même ses droits de police. Fustef de Cou- 
langes, La cité antique, p. 447; Dion Chrys., Orat., % 
Mais rien n'empêche de supposer que le père de 
saint Paul lui-même ou l'un de ses ancêtres ait acquis cet 
honneur, soit à prix d'argent, soit par des services de 
guerre, soit encore au moyen de l'affranchissement. 
J*Is r Le Camus, L'Œuvre des Apôtres, t. i, p. 136, sou- 
tient cette dernière hypothèse, déjà insinuée par Wiese- 
ler. Il suppose que dans la lutte entre Octave et Antoine 
contre Brutus et Cassius, Tarse, ayant pris parti pour les 
premiers, se vit obligée de capituler devant Cassius. En 
conséquence, un grand nombre de ses habitants furent 



vendus comme esclaves pour payer l'impôt de guerre, 
dont la ville se trouva frappée. Or, ceux qui arrivèrent à 
Rome, furent affranchis après la victoire d'Auguste et 
purent rentrer, dans leurs foyers, avec le titre de ci- 
toyens romains. Parmi les Tarsiens rapatriés, se trou- 
vaient sans doute un certain nombre de familles juives. 
Appien, Bell, civ., iv, 64; v, 7. Ainsi s'expliquerait, du 
même coup, l'expression des Actes, vl, 9, les affranchis 
de Cilicie. Paul, dans ce cas, aurait pu s'approprier la 
phrase d'Horace, libertino pâtre natus. 

II. Éducation. — Le judaïsme palestinien, sous sa 
forme la plus pure, la plus sévère, la plus ardente, le 
pharisaïsme, façonna l'âme de Paul. Act., xxm, 6. Per- 
sonne n'a plus hautement estimé que Paul les pri- 
vilèges d'Israël, ni exalté davantage les prérogatives 
de son élection divine, Rom., m, 1, 2; ix, 4, 5; xi, 
xv, 8; Phil., m, 7, ni si passionnément aimé la race 
juive, Rom., lx, 1, 5; XI, 14; personne ne s'est plus 
intimement assimilé les doctrines et les espoirs d'Is- 
raël. Act., xm, 32, 33; xxiv, 14; Gai., m, 7, 14; vl, 16; 
II Cor., xi, 22; Rom., iv, 16, 17; IX, 4, 6; x, 4; xv, 18- 
12, ni poussé aussi loin les observances de la loi mo- 
saïque. Act., xm, 33, 39; Rom., iv, 13-15; vu, 5-25; 
vm, 3; ix, 31-x, 4; Gai., n, 15, 16; m, 10-25; v, 2-3; 
I Cor., xv, 66, etc. 

1° A Tarse. — Quant à la langue maternelle, Paul 
s'est trouvé sans doute dans la condition des enfants 
d'émigrés qui apprennent en même temps et parlent 
avec une égale facilité la langue de leur père et celle 
de leur patrie d'adoption. Le grec et l'hébreu paraissent 
avoir été, en effet, également familiers à l'Apôtre. 
Act., xxi, 37,40; xxn, 2. Paul parlait habituellement et 
facilement en grec; il écrivait dans cette langue sans 
aucun effort; il possédait le vocabulaire et pouvait 
même, à l'occasion, l'enrichir de mots nouveaux. Mais 
sa phrase était, en ce qui regarde la syntaxe, chargée 
d'hébraïsmes et de syriacismes difficiles à saisir pour 
celui qui ignore le génie particulier des langues sémi- 
tiques. II Cor., xi, 6. Voilà pourquoi on ne parvient à 
comprendre parfaitement le grec des Épîtres qu'en de- 
vinant le tour hébraïque que Paul avait dans l'esprit 
au moment où il les dictait. Il n'y a donc pas à chercher 
là les traces d'une éducation hellénique proprement 
dite. Le fait d'être né à Tarse, un des centres les plus 
brillants de la civilisation grecque d'alors, ne suffit pas 
pour établir que Saul ait reçu une culture classique. 
Philostrate, Apollonius, l, 7. Le zèle des Tarsiens pour 
la philosophie et pour les lettres dont parle Strabon, 
xiv, 10, 13-15; devait s'arrêter sur le seuil des quartiers 
juifs. L'effet produit sur l'âme du jeune pharisien par 
cette culture profonde ne fut pas celui de l'attrait, mais 
plutôt celui d'une répulsion profonde. Le levain d'ido- 
lâtrie qui pénétrait toute la vie grecque ne lui inspire 
qu'horreur et mépris. Insensible aux beautés de l'art, 
il s'aigrissait contre ce qu'il prenait pour un hommage 
rendu aux démons. Act., xvn, 16. En réalité, la Grèce 
n'a eu que peu d'influence sur l'esprit de Paul. 

2° A Jérusalem. — Vers l'âge de quinze ans, c'est 
du moins l'hypothèse qui paraît réunir le plus de 
probabilités, si l'on tient compte du passage des Actes 
xxn, 3, où àvaTeOpatinevà* âv ttj itôXsi Taûiri est con- 
trebalancé par l'épithéte v£Ôt7)to;, Act., xxvi, 4, qui 
suppose toujours un adolescent, Paul fut envoyé à 
Jérusalem, pour y être instruit dans la science de la 
Loi. Son père le destinait sans doute à être scribe. 
Yoir Scribe. Paul dut sa subsistance à l'exercice d'un 
art mécanique. Il apprit à faire ou à coudre (l'ex- 
pression sxTjvoitoKfc; suggère plutôt l'idée d'un travail 
consistant à confectionner les tentes elles-mêmes) ces 
grosses toiles de Cilicie qu'on appelait cilicium et qui 
servaient spécialement à faire des tentes; c'était, sans 
doute, l'industrie dont vivait sa famille. Act., xvm, 3; 
I Cor., iv, 12; I Thess., n, 9; II Thess., m, 8. Il ne 



2191 



PAUL (SAINT) 



2192" 



semble pas, d'après cela, que Paul ait jamais eu de 
fortune patrimoniale. Act., xvm, 3; xx, 34. Les Épîtres 
aux Corinthiens, I, i, 26; II, xi, 27, éloignent encore 
plus toute idée de superflu et même de situation quelque 
peu aisée : c'est la vie au jour le jour. Il dut, plus 
d'une fois, faire part de sa détresse à ses chers Philip- 
piens et consentir à recevoir leurs offrandes. Phil., iv, 
14-16. 

Au temps ou le jeune Saul arrivait dans la Ville sainte, 
les écoles juives étaient en pleine prospérité, tant à 
cause de la science et du talent de leurs chefs, que du 
grand nombre d'élèves qui suivaient leurs cours. Si l'on 
en croit le Talmud, Gamaliel aurait eu 1 000 disciples dont 
500 étudiaient la Loi, 500 la sagesse grecque, philoso- 
phie et littérature, sous sa direction. Depuis la fin du 
règne d'Hérode le Grand, les écoles pharisiennes étaient 
divisées en deux factions rivales. Il y avait les Scham- 
maïstes et les Hillélistes, îx, 16, les uns se réclamant 
du célèbre Hillel, les autres se rattachant à son adver- 
saire Schammaï. Le fond de l'opposition entre ces deux 
enseignements paraît avoir été, d'après le Talmùd,dans 
la manière plus ou moins rigoureuse d'interpréter la 
Loi. En général, Schammaï préconisait, dans sa casuis- 
tique, les principes les plus sévères et les solutions ri- 
goristes; c'était un homme violent, emporté, absolu, 
plus ardent, plus patriote, plus ennemi de l'étranger que 
le doux Hillel. Celui-ci, au contraire, penchait plutôt, sur 
nombre de points, vers la conciliation et vers les ména- 
gements. Mais cette modération n'était que relative et 
n'enlevait guère qu'un degré d'exagération à l'intransi- 
geance farouche des Schammaïstes. — Saul se mit à 
l'école de Gamaliel, petit-fils d'Hillel et continuateur de 
sa méthode et de son esprit. Act., xxii, 3. Voir Gama- 
liel 2, t. m, col. 102. 

Ce que Saul apprit, pendant son stage à l'école du 
célèbre rabbin, fut cette dialectique subtile, cette exé- 
gèse ingénieuse et raffinée qui caractérisait l'enseigne- 
ment rabbinique. Cette méthode d'interprétation, con- 
servée dans la Mischna, Sanhedr., VI, s'appelait S-chebat 
Middoth (sept règles) et contenait les principes d'her- 
méneutique en usage pour déterminer le sens des textes 
sacrés. Cf. dans Herzog, Encyclopàdie, t. xv, p. 65, l'ar- 
ticle de Pressel. Cette méthode d'enseignement a laissé, 
dans la composition des Épîtres de saint Paul, des 
traces nombreuses et profondes. I Cor., ix; Gai., m, 15; 
II Cor., m, 7; Rom., v, 12. A pareille école, le jeune 
scribe acquit une souplesse et une subtilité de raison- 
nement remarquable. En même temps, sa mémoire 
se développait à tel point, qu'elle pouvait dans la suite 
citer avec une égale facilité n'importe quel passage de 
l'Ancien Testament. Presque toutes les citations de ses 
Épîtres, on en compte près de 88, semblent faites sans 
l'aide d'un texte écrit. Ce qui se comprend lorsqu'on 
pense que dans les écoles juives, la Bible était le seul 
livre qu'on eût entre les mains. 

On a conjecturé que son éducation rabbinique une 
fois finie, Paul retourna dans sa ville natale. Rien, en 
effet, dans les écrits de l'Apôtre, ne permet de suppo- 
ser sa présence à Jérusalem en même temps que Jésus. 
La vision sur la route de Damas est présentée comme 
la première entrevue du maître et des disciples. 
I Cor., ix, 7; II Cor., v, 16, n'y contredit pas. Paul n'a 
donc pas connu le Jésus des Évangiles et n'a pas été 
mêlé aux scènes de la Passion. Car, avec la fougue de 
fanatisme qu'on lui connaît, il est difficile de croire 
qu'il fût demeuré simple spectateur des événements 
sans prendre ici, comme dans le meurtre, d'Etienne, un 
des premiers rôles parmi les persécuteurs. Or, Paul ne 
s'est jamais reconnu d'autre tort que celui d'avoir per- 
sécuté les premiers disciples. I Cor.,xv,9;Act.,xxn, 20. 

III. PAUL PERSÉCUTE LES PREMIERS CHRÉTIENS. — 

On ne sait quelle cause ramena le jeune scribe dans la 
Ville sainte. Il dut s'y trouver vers le temps où le diacre 



Etienne venait de commencer ses prédications dans les 
synagogues hellénistes. En tout cas, il est, pour l'ins- 
tant, parmi les plus avancés du parti pharisien, rigoriste- 
et exalté, qui poussait jusqu'aux derniers excès le zèle 
pour la loi et les traditions du passé. Ce fut dans la. 
synagogue des Ciliciens qu'il entendit, pour la première- 
fois, l'exposition de la foi chrétienne, et qu'il défendit, 
avec acharnement, la cause du Temple et de la Loi. 
Act., vi, 9. Il prit une part active à la mort d'Etienne et 
se mit, dès ce moment, à organiser un système de vio- 
lences contre ceux qui paraissaient adhérer aux doc- 
trines nouvelles. Il ne respirait, dit le texte, que mort 
et menaces, allait de synagogue en synagogue, forçant 
les gens timides à renier le nom de Jésus, faisant fouetter 
ou emprisonner tous les autres. Act., xxn,4 ; xxvi, 10, 11 „ 
De Jérusalem sa rage se répandit sur les villes voisines- 
Quand il apprit, par des Juifs de Syrie, que les commu- 
nautés dispersées se reformaient ailleurs, et qu'un 
groupe notable de fidèles s'était formé à Damas, il n'eut 
de'repos qu'après avoir obtenu du grand prêtre — c'était 
peut-être déjà Théophile, fils de Hanan — des lettres 
pour la synagogue de cette ville, afin qu'on lui livrât 
tous ceux qui appartenaient à la secte nouvelle. Le grand 
conseil de Jérusalem n'avait, en réalité, aucun pouvoir 
direct sur les Sanhédriens locaux, en dehors des limites 
de la Judée. Schùrer, Gesch. des jud. Volk. im Zeit. 
J. C, 3 e édit., t. H, p. 206, note. Mais il s'agissait, cette 
fois, d'une mission extraordinaire imposée par les cir- 
constances, et on comptait surle bon vouloir, sur l'esprit 
de prosélytisme des Juifs de Damas, pour obtenir cette- 
faveur. Il y avait du danger à laisser l'hérésie s'implan- 
ter dans une ville si importante. Les Juifs y étaient 
nombreux. — Josèphe porte à 10000 le nombre de ceux 
que Néron y fît massacrer, vers l'an 66. Bell, jud., II, 
xx, 2; VII, vin, 7. Ils avaient plusieurs synagogues et 
possédaient une influence considérable. C'est ce qui 
détermina le voyage du jeune fanatique. Une autre cir- 
constance vint, sur les entrefaites, faciliter son projet. 
Arétas ou Hareth, le roi nabatëen, s'était emparé de 
Damas avec l'aide des Juifs. Or, le meilleur moyen de 
payer leur concours était, on le savait, de leur donner 
pleine liberté dans leurs questions religieuses. Le mo- 
ment d'agir était donc tout désigné. Saul se mit en 
marche vers la Syrie. Il emmenait avec lui plusieurs- 
compagnons et, à ce qu'il semble, voyageait à pied. 
Act., ix, 4, 8; xxii, 7, 11; xxvi, 14, 16. L'hypothèse 
d'une chute de cheval, au lieu de la vision, n'est per- 
mise qu'à la peinture; elle n'est confirmée, en ce qui 
regarde l'histoire, par aucune particularité du récit :: 
l'ensemble de la narration lui est même nettement, 
hostile. 

On ne saurait suivre, faute de détails précis, l'itiné- 
raire de la petite caravane. II y avait deux routes prin- 
cipales pour aller de Jérusalem à Damas : l'une venue- 
d'Egypte, contournait quelque temps les frontières de la 
Samarie et de la Galilée, passait le Jourdain au pont des 
« Filles de Jacob », au nord du lac de Tibériade, et 
traversait tonte la région déserte qui s'élève aux pieds- 
des montagnes de l'Antiliban, L'autre route, celle que 
construisirent les Romains, peut-être vers cette époque,, 
allait droit sur Néapolis, l'ancienne Sichem, gagnait 
Scythopolis, puis Gadara, à l'est du Jourdain, et se diri- 
geait vers Damas, après avoir parcouru les âpres et 
brûlantes régions de la Gaulonitide et de l'Iturée. La 
distance à franchir, dans les deux cas, était à peu près 
la même, environ 200 kilomètres, et demandait une 
bonne semaine de marche. Paul dut régler les étapes 
de son voyage de manière à suivre les traces de ses- 
victimes et à les persécuter jusque dans les villes étran- 
gères où elles s'éta<ient réfugiées. Act., xxvi, 11. Mais- 
c'est quand-il se croit sur le point de réussir, que se 
produit le. fait miraculeux auquel il rapporte sa conver- 
sion et son apostolat. 



2193 



PAUL (SAINT) 



2194 



IV. caractère de PAUL. — Pour comprendre la con- 
version de Saul, il faut s'être rendu compte, aupara- 
vant, de ce qu'était cette nature d'élite arrivée, en ce 
moment, avec l'âge viril, à la plénitude de son déve- 
loppement intellectuel et moral. A. Sabatier place l'origi- 
nalité saillante du génie de Paul, dans l'union féconde 
de deux activités spirituelles, de deux ordres de facultés, 
qu'on a rarement trouvées réunies, à ce degré, dans 
une même personnalité : la puissance dialectique et 
l'inspiration religieuse, ou pour parler la langue de 
Paul lui-même, l'activité du voùç et celle du irvsOita. 
A. Sabatier, L'Apôtre Paul, p. 75. Rien ne donne mieux 
l'idée de la puissance dialectique de l'Apôtre que l'ana- 
lyse approfondie de ses grandes Épitres : l'Épltre aux 
Romains et les deux Épitres aux Corinthiens. La marche 
des idées, la méthode d'argumentation, la facilité à 
tirer du fait particulier le principe général qui domine 
toute la question, y révèlent une force de logique qui 
classe leur auteur dans la famille des plus grands dia- 
lecticiens de l'humanité. Mais à côté de cette activité 
réfléchie de la raison, se placera plus tard une connais- 
sance supérieure, surnaturelle, inspirée, celle des 
choses ineffables qu'il n'est point donné à l'homme 
d'exprimer. II Cor., xii, 4. C'est à elle que se rattachent 
les extases, les visions, les charismes de toutes sortes. 
La passion de l'absolu ne se manifestait pas seulement 
dans l'intelligence de Paul, elle imprégnait sa conscience 
morale et son caractère. De là cet ardent amour de la 
justice, de la sainteté, cette lutte sans trêve ni merci 
contre les convoitises de la nature, ce zèle pour la loi 
mosaïque. D'une volonté de fer, il était d'une infati- 
gable persévérance dans les entreprises, ne se laissant 
arrêter par aucun obstacle. Avec cela, une sensibilité 
exquise, toujours prête à se répandre au dehors en une 
riche variété des sentiments les plus tendres, les plus 
délicats, une sympathie désintéressée et une puissance 
de dévouement qu'on ne trouve que rarement chez les 
hommes d'action et qui ne sont d'ordinaire que le pri- 
vilège des plus nobles natures de femme. I Thess., il, 
7, 11. L'extérieur de Paul ne parait pas avoir répondu 
à la grandeur de son âme. Il en convient lui-même 
dans ses Épitres avec une franchise qui peine et charme 
tout à la fois. I Cor., Il, 3, II Cor., x, 1-10. Sa personne 
n'imposait pas, il était chétif d'apparence, timide, em- 
barrassé. Ses ennemis en prirent plus d'une fois occa- 
sion pour diminuer son prestige. Les Actes de Paul et 
de Thècle, au iv e siècle, la Chronique de Malalas au vi a , 
renforcent encore à plaisir les traits sombres de ce 
portrait. Ils appellent l'Apôtre : « cet homme de petite 
taille, chauve, aux jambes courtes, corpulent, ayant les 
Sourcils joints ensemble et le nez saillant. » Ces détails 
sont exagérés. Le seul qui paraisse exact est celui qu'in- 
sinuent les Actes, xiv, 12. En Lycaonie, la foule prend 
Barnabe pour Jupiter, et Paul pour Mercure, sans 
doute parce que le premier avait une stature plus im- 
posante que le second. On ne sait s'il faut déjà rappor- 
ter à l'époque de sa jeunesse, l'épine, littéralement 
« l'écharde dans la chair » (ax^Xoil -y oapxc) dont parle 
l'Apôtre. II Cor., xn, 1-9. Il semble qu'il est préférable 
de ne la faire commencer qu'avec les visions et les ex- 
tases auxquelles elle devait servir comme de contre- 
poids. Il est difficile, en tout cas, d'en préciser la 
nature. Toutes les hypothèses proposées jusqu'ici n'ont 
pu résoudre cette énigme. L'idée qu'en donne Paul 
semble être celle d'un mal qui se manifestait sous 
forme de crises subites, propres à humilier profondé- 
ment celui qui en était atteint. Ce n'était donc ni des 
tentations spirituelles, orgueil, blasphème, ni des ten- 
tations charnelles comme le supposent couramment les 
auteurs ascétiques, en se basant sur la Vulgate, stimu- 
lus car nis, malgré la déclaration formelle de I Cor., 
vu, ni, à plus forte raison, des ennemis acharnés à sa 
perte. II Cor., xi, 15. Les modernes conviennent géné- 



ralement qu'il s'agit d'une maladie spéciale, sans qu'ils 
puissent s'accorder sur son nom. Quelques-uns (Rûckert, 
Nyegaard, Farrar, St. Paul, t. i, Excursus x) ont pensé 
à un reste de cécité, à la suite de l'apparition lumineuse 
sur la route de Damas, ou à une inflammation pério- 
dique des yeux, qui l'empêchait d'écrire lui-même ses 
lettres et de voyager seul, sans compagnon, ce que con- 
tredisent les Actes, xx, 13, et l'épître à Philémon, 18, 
19. D'autres (Ewald, Holsten, Lightfoot, Schmiedel, 
Krenkel) l'expliquent par quelqu'une des nombreuses 
formes de l'hystérie entendue au sens technique du 
mot, attaques, syncopes, crises d'épilepsie. Ce mal qui 
réduit tout à coup l'homme à un état d'inconscience, 
accompagné des symptômes les plus pénibles, répond 
assez bien à ces soufflets d'une main invisible qui attei- 
gnent et abattent subitement un homme au moment où 
il s'y attend le moins. Krenkel qui a le plus longuement 
traité ce sujet, dans ses Beitràge, p. 47-125, apporte, à 
l'appui de cette opinion, les exemples de Jules César, 
de Mahomet, de Milton, de Pierre le Grand, de Napo- 
léon I er . Enfin Ramsay a récemment parlé d'une fièvre 
causée par la malaria qui aurait arrêté, plus d'une 
fois, l'Apôtre dans ses voyages. Les anciens exégètes, 
Tertullien, Jérôme, Chrysostome, avaient cru qu'il 
s'agissait de congestions ou de névralgies. 

Paul, à l'époque de sa conversion, était-il ou avait-il 
été marié? L'usage juif porterait à le croire. On se 
mariait de bonne heure chez les enfants d'Israël. Clé- 
ment d'Alexandrie, Erasme, Renan ont pensé que l'ex- 
pression a-jïuYE yvqmz, Phil., IX, 3, s'appliquait à 
l'épouse de Paul, oubliant que l'adjectif yvTJcne est au 
masculin et SiiÇuye, très probablement un nom propre. 
Luther, Grotius, Ewald, Hausrath, Farrar ont prétendu, 
en se basant sur le mot afap.ot opposé à yj\pa.i, <( veuves, » 
I Cor., vu, 7, 8, que Paul devait être veuf, mais l'épi- 
thète «ya(ioç indique, d'une manière générale, tous ceux 
qui ne sont pas mariés, qu'ils soient veufs ou céliba- 
taires. Il paraît donc certain, surtout si l'on tient compte 
du passage de l'Épitre aux Corinthiens déjà mentionné, 
I Cor., vin, 7-8, que l'Apôtre ne s'est jamais engagé 
dans les liens du mariage, par une disposition provi- 
dentielle qu'il considère comme un don, une faveur 
spéciale. 

II. La conversion. — L'événement qui brisa en deux 
parties la vie de Paul, sur le chemin de Damas, faisant 
du plus farouche, persécuteur de Jésus-Christ le plus 
ardent de ses Apôtres, est un des faits les plus considé- 
rables des origines du christianisme. Ce n'est pas en 
exagérer l'importance que d'affirmer que les motifs de 
crédibilité de la foi chrétienne reposent, en grande 
partie, sur la réalité positive de ce point d'histoire et 
sur le caractère qu'on lui attribue. 

/. historicité. — Le livre des Actes a conservé trois- 
récits distincts de la conversion de Paul. Le premier, 
ix, 1-22, rapporte les détails que saint Luc a pu se- 
procurer sur cet épisode, tant de la bouche de l'Apôtre 
que de celle de ses compagnons de route. Les deux 
autres, xvn, 1-21 ; xxvi, 9-20, sont empruntés à des dis- 
cours où Paul lui-même eut à raconter la genèse de sa 
vocation à l'apostolat. Ces trois relations présentent entre- 
elles des différences qui ont fait mettre en doute, par 
quelques rationalistes, la réalité même du fait qu'elles 
racontent. On verra, par le rapprochement des circons- 
tances ou phénomènes, ce qu'il faut penser de ces 
divergences purement accidentelles. Inutile de se 
demander si elles proviennent de sources différentes 
(Schleiermacher) ou de versions dogmatiques diverses 
(Baur) ou d'une fantaisie littéraire (Zeller). Il est évi- 
dent, pour tout esprit libre, qu'elles ne sont point 
voulues et qu'elles ont complètement échappé à l'atten- 
tion de l'écrivain. Elles sont de même nature que ces 
variantes, que l'on constate, d'ordinaire, entre les répé- 
titions les plus fidèles d'un même récit. Elles ne peuvent 



2195 



PAUL (SAINT) 



2196 



■donc, en aucune façon, porter atteinte à la vérité essen- 
tielle de la narration : elles portent, tout au plus, sur 
les impressions subjectives que les compagnons de 
Paul ont reçues de ces circonstances, impressions qui 
n'ont pas dû être identiques chez tous ni chez tous 
exactement constatées. On en jugera par leur exposé. 

1» Le lieu. — La scène se passe dans la grande plaine 
de Damas :. c'est tout ce qu'on peut recueillir des indi- 
cations du texte. Act., IX, 3-8; xxn, 6, 11. Des quatre 
endroits fixés par la tradition, deux seulement offrent 
de vraies probabilités, le village de Kaukab, à dix kilo- 
mètres au sud-ouest de la ville, ou celui de Dareya, qui 
■est dans la même direction et qui se trouve encore 
plus rapproché du terme du voyage — une heure et 
demie de marche environ. Ms r Le Camus, L'œuvre 
des Apôtres, t. I, p. 178, note. Ce dernier endroit a 
pour lui l'eYY'tetv, rx, 3, du texte. Il le serre de plus 
près et montre Paul déjà engagé dans cette zone char- 
mante qui entoure Damas de fraîcheur et de bien-être. 

2° L'heure. — Il était midi. Act., xxn, 6; xxvi, 13. Une 
lumière venue du ciel, distincte par conséquent, de 
■celle du soleil, enveloppe subitement Paul (itEpi^ipa^ev, 
décrit un cercle) et ses compagnons. Act., xxvi, 13. 
Cette dernière addition ne modifie en rien la substance 
du premier récit; elle la précise par un nouveau trait. 
L'éclat de cette lumière, son degré d'intensité, ressort 
des deux épithètes, b-.av<Sv, Act., xxn, 6, et ÛTcèp xrjv 
Xa|iTtpÔTr)Ta toû tjXîou ; elle éclipse le soleil d'Orient, à 
l'heure du jour où il est le plus étincelant. Act., xxvi, 
13. Cette circonstance écarte l'hypothèse de l'orage et 
du coup de foudre que Renan faisait sortir des flancs 
de l'Hermon pour renverser Paul sur le chemin et 
produire en lui une forte commotion cérébrale. Il n'y 
a donc pas à parler d'éclair ni de phénomène naturel 
du même genre. Le rayon qui surpasse en blancheur 
la clarté du soleil, n'est autre, la suite du récit le con- 
firme, Act., ix, 17, 27; xxvi, 16, que la gloire céleste 
dont s'environne le corps glorieux du Christ ressuscité. 
Cf. S. Thomas, III", q. lvii, a. 6, ad.l» m . 

3° La chute. — Paul tombe à terre. Act., ix,4. D'après 
le troisième récit, Act., xxvi, 14, ses compagnons, eux 
aussi, furent renversés sur le sol, alors que, suivant 
Act., ix, 7, ils semblent être restés debout. Mais 
eto-nfaetaav ne signifie pas, comme on l'a prétendu, une 
attitude corporelle; lié à évveof, il exprime simplement 
l'état de stupeur qui s'empara des témoins du prodige 
et qui les priva tout à coup de la parole. 

4° La voix. — Une voix, celle de Jésus, se fit entendre 
à Paul. Act., ix, 4; xxn, 7; xxvi, 14, le f. 7 du chap. ix : 
« Les gens de sa suite entendirent la voix, mais ne 
virent personne, » paraît contredire xxn, 9 : « Ils virent 
la lumière mais n'entendirent pas la voix qui me par- 
lait. » L'opposition n'est qu'apparente. Il n'y a, en 
réalité, au fond de ces deux phrases, qu'une seule et 
même idée : c'est que l'apparition n'a été clairement 
perçue que par Paul : ses compagnons ont vu et entendu 
quelque chose, mais sans pouvoir se rendre compte ni 
de celui qui parlait, ni des paroles qu'il prononçait : 
tout se borne pour eux à voir une lumière extraordi- 
nairement brillante et à entendre le son d'une voix 
dont ils ne parviennent pas à discerner le langage. Voir 
un cas assez analogue, Joa., xn, 19. 

5» L'appel direct de Jésus. — Dans le discours devant 
Agrippa, c'est Jésus en personne, qui appelle Saul à 
l'apostolat, tandis que, dans sa harangue au peuple, 
sur les degrés du temple, xxil, 14, c'est par l'intermé- 
diaire d'Ananie, trois jours après la première vision. 
Cette légère variante vient de ce que Paul, pressé de 
fournir des preuves authentiques de son apostolat, aura 
rapporté en bloc, à, la phase principale de sa conver- 
sion, tout ce qui s'y rattache de quelque manière, sans 
tenir compte des différences et des intervalles de 
temps. Au reste, peu importait, dans la circonstance 



présente, le moment précis où lui avait été intimé 
l'ordre de porter l'Évangile aux nations. L'essentiel 
était que ce pouvoir lui vint de Jésus. Les autres 
paroles du dialogue (il se fit en hébreu, langue habi- 
tuelle de Paul, xxvi, 14) sont les mêmes dans les trois 
récits, si l'on excepte pourtant la réflexion finale du 
Sauveur, Act., ix, 5; xxvi, 14, qui manque dans la 
deuxième narration, Act., xxn, 8-9, et, même parait-il, 
dans la première. Act., ix, 5, 6. L'image dont se sert 
Jésus, pour représenter au jeune fanatique l'inutilité 
de ses efforts, est très expressive. « C'est peine perdue, 
dit-il, de regimber contre l'aiguillon. » La victoire, en 
effet, devait rester du côté de la grâce. Qui peut résis- 
ter à Dieu? En un instant, Saul comprit qu'il avait 
jusque-là fait fausse route et qu'il devait réparer ses 
torts. Il demande ce qu'il doit faire. Il le saura plus 
tard. Pour l'instant, Jésus lui commande d'entrer à 
Damas. 

6° L'entrée à Damas. — Paul se relève de terre; 
mais comme il était devenu aveugle, Act., xxn, 11, par 
l'éclat de la lumière céleste dont il venait d'être envi- 
ronné, ses compagnons le prennent par la main et le 
déposent chez un certain Juda, sans doute un Juif de 
sa connaissance, qui demeurait dans la rue Droite, une 
des principales artères de la ville, qu'elle traversait de 
l'est à l'ouest, sur une largeur de plus d'un mille. 
Pendant trois jours, Paul, agité par le souvenir de cette 
vision, ne prit aucune nourriture. On se figure aisé- 
ment les luttes intérieures, troubles, remords, incerti- 
tudes, auxquels son âme fut en proie pendant cette 
période d'attente. 

7° Double vision. — La situation de Paul s'aggravait 
encore des conséquences de son passé. Les chrétiens, 
instruits de tout ce qu'il avait fait subir à leurs frères 
de Judée et de ce qu'il avait annoncé contre eux à 
Damas même, se tenaient éloignés de lui. Act., ix, 13. 
D'autre part, les Juifs de Syrie s'étonnaient de l'inac- 
tion du jeune fanatique et du changement de disposi- 
tions qu'on remarquait en lui. Tout cela constituait un 
état des plus embarrassants. Le Ciel pouvait seul 
résoudre cette difficulté. Il en prépara là solution défi- 
nitive par deux visions qui paraissent avoir été simul- 
tanées; l'une à un certain Ananie, Act., xxn, 12, qui 
pouvait être le chef de la communauté chrétienne, 
l'autre, à Saul lui-même. Il fallait que Saul connût le 
nom et le visage de celui qui devait achever sa con- 
version. D'autre part, il ne fallait rien moins qu'un 
ordre d'en haut pour déterminer\Ananie à une démarche 
aussi inattendue et aussi périlleuse, auprès d'un délé- 
gué du Sanhédrin, venu tout exprès, de Jérusalem pour 
continuer son œuvre de fanatisme parmi les saints. 

8° Ministère d'Ananie auprès de Paul. — La mission 
du pieux disciple comprenait trois choses : 1° guérir 
Paul de sa cécité ; 2» lui conférer l'initiation chrétienne 
par le baptême de l'eau et de l'esprit ; 3» lui faire con- 
naître l'avenir auquel IDieu le destinait, la mission 
qu'il lui confiait. Ananie vint donc vers le malade, lui 
parla doucement, l'appela son frère et lui imposa les 
mains. Aussitôt Paul se sentit guéri. De petites croûtes 
ou écailles, cf. Tobie, li, 9; vi, 10; xi, 13, tombèrent 
de ses yeux; il mangea et reprit des forces. Les textes 
ne disent pas si Paul reçut alors TEsprit-Saint d'une 
manière visible, mais on peut le déduire de quatre pas- 
sages des Actes : n, 4 ; vm,',18; x, 45; xix, 6. Il faut no- 
ter, dans le ministère d'Ananie, l'absence de ce qui aurait 
pu s'appeler préparation spirituelle ou enseignement 
doctrinal. Rien de tout cela n'est insinué dans les Actes. 
Le contraire y est plutôt suggéré. Dieu qui a choisi son 
instrument ((ixeûoç; Vulgate : vas, Act.,ix, 15), se réserve 
de lui faire connaître ce qu'il aura à souffrir et, à plus 
forte raison, ce qu'il aura à prêcher. Paul pourra ainsi 
soutenir plus tard, Gai., i, 16, qu'il a reçu sa révélation 
particulière, qu'il n'a rien appris de personne, qu'il est 



2197 



PAUL (SAINT) 



2198 



apôtre au même titre que les Douze, par institution 
divine et par commission directe de Jésus. Il soutien- 
dra que c'est à dessein qu'il n'est pas allé à Jérusalem 
après sa conversion, afin de montrer qu'il n'a pas reçu 
sa doctrine des Apôtres, mais qu'il la tient directement 
de Jésus ressuscité. Ainsi se termine l'histoire de l'évé- 
nement qui fut, dans la vie de Paul, la phase la plus 
décisive de son existence. On aura déjà conclu, par le 
simple exposé des circonstances, tel qu'il résulte de 
l'examen composé du triple récit des Actes, que le 
témoignage de saint Luc est très ferme, très consistant 
et que les divergences signalées ne sont que les diffé- 
rences que l'on constate toujours entre les répétitions 
les plus fidèles du même récit. Il n'y a donc pas à se 
demander quelle est, parmi ces trois relations, la plus 
exacte et la plus vraie. Rédigées par la même main, 
sorties de la même source orale, elles se complètent et 
s'éclaircissent mutuellement. Aussi la meilleure méthode 
pour reconstituer la scène de Damas, dans toute sa 
réalité, est-elle de fondre, dans un seul tableau, les 
images et les couleurs propres à chacune de ces des- 
criptions. 

//. hatuse dv phénomène. — L'exégèse rationaliste, 
ennemie du surnaturel, a mis tout en œuvre pour 
expliquer, sans aucune intervention miraculeuse, la 
conversion subite du jeune Saul. Ne pouvant nier ces 
faits que le témoignage de l'Apôtre lui-même a placés 
au-dessus de tout soupçon, elle a du moins cherché à 
les ramener à des causes] purement naturelles. Deux 
savants ont particulièrement étudié ce problème : Hol- 
sten et. Pfleiderer. Holsten, le plus fidèle [ et le plus 
hardi des disciples de Baur, a prétendu, Zum Evan- 
gelium des Petrus, und Paulus... Chris tusvision des 
Paulus, 1868; Dos Evangeliunides Paulus dargestellt, 
1880, que la crise du chemin de Damas était un simple 
problème de psychologie, et il a essayé de le résoudre 
par l'hypothèse de la vision. 11 établit, en principe, que 
Paul, nature",nerveuse, facilement excitable, sujette à des 
attaques d'épilepsie, II Cor., xn, 1-9, avait, par sa com- 
plexion hystérique, des dispositions naturelles à l'extase. 
L'apparition du Christ, en cette circonstance, n'aura été 
que la première en date de ses visions extatiques et celle 
qui aura donné naissance à toutes les autres. La meil- 
leure critique de cette première hypothèse a été donnée 
par Beyschlag; elle est insérée dans les Studien und 
Kritiken de 1864, 1870. Le second essai d'explication 
psychologique, celui de Pfleiderer, dans Urchristenthum 
et dans Paulinismus, 2 e édit., p. 4-15, s'appuie sur 
un travail de réflexion qui se serait lentement élaboré 
dans la conscience de Paul, depuis le meurtre de saint 
Etienne, et qui avait abouti â la crise finale de la con- 
version. Le souvenir de la mort du saint diacre, de son 
calme, de sa douceur, de sa face rayonnante, jeta dans 
le cœur de Saul les premiers doutes et les premiers 
remords. Dans ses discussions avec les premiers dis- 
ciples qu'il avait arrêtés et qu'il avait mission d'inter- 
roger, il fut frappé de l'explication^ qu'ils donnaient de 
la mort de Jésus, surtout de l'oracle d'Isaïe, lui, sur les 
souffrances du serviteur de Jéhovah. Il n'était pas moins 
touché du témoignage plein de force qu'ils rendaient de 
la résurrection de leur Maître. Convaincu, comme il 
l'était déjà alors, de l'insuffisance de sa justice' propre, 
de la stérilité de la Loi, il ne put s'empêcher de se 
demander si, dans la mort de ce crucifié, ne se trouve- 
rait point ce qu'il avait vainement cherché dans la pra- 
tique du pharisaïsme. Au moment où il approchait de 
Damas et où il se voyait sur le point d'accomplir sa 
mission de haine, ces impressions favorables se réveil- 
lèrent chez ,lui avec une puissance extraordinaire, et 
déterminèrent dans son âme une lutte terrible dans 
laquelle le cri de sa conscience revêtit la forme sen- 
sible d'un reproche du Messie. L'âme de Saul fut saisie 
par la puissance divine d'une vérité que jamais elle 



n'eût pu produire d'elle-même, mais qui, sous l'empire 
des circonstances intérieures et extérieures, se dévoile 
à lui comme le mot de l'énigme, comme l'apaisement 
du conflit extrême, comme la puissance de Dieu pour 
le salut. Renan, en 1869, Les Apôtres, p. 178 sq., avait 
déjà combiné ces deux points de vue, mais en faisant 
une plus large part au fait extérieur. 

Si ingénieuses que soient ces suppositions, elles ne 
résolvent pas le problème posé. La difficulté reste 
entière. On: ne sort pas de ce dilemme : ou accumuler, 
comme Pfleiderer, les impressions antérieures favora- 
bles, ou les diminuer. Or, dans le premier cas, le 
caractère brusque et violent delà crise devient inexpli- 
cable; dans le second, la transformation elle-même 
devient une énigme. Baur lui-même, Dos Christen- 
thum, p. 45, avait pénétré ces impossibilités quand il 
résumait ainsi sa manière de voir sur ce sujet : « On 
ne parvient, par aucune analyse, ni psychologique, ni 
dialectique, à sonder le mystère de l'acte par lequel 
Dieu révéla son Fils en Paul. » Il ne reste à l'historien 
qu'une seule voie : c'est d'entendre la déposition du 
principal témoin, de Paul lui-même. Dans ses Épîtres 
les plus incontestées, l'Apôtre revient sans cesse sur ce 
grave événement. On a de lui trois déclarations impor- 
tantes qu'il importe d'analyser. 1° La première est un 
passage de l'Épttre aux Galates, i, 12-17 ; Paul y décrit 
sa conversion au point de vue intime (âitoxaXûtl"*' tov 
ucôv aikoû êv ê(tot), en tant qu'elle servait à prouver 
l'origine divine et l'indépendance absolue de son évan- 
gile. Il ne rapporte pas, il est vrai, les moyens exté- 
rieurs dont Dieu s'est servi pour produire en lui cette 
œuvre de grâce, mais l'idée n'en est pas moins au fond 
de ces versets, car, tout en ramenant sa conversion à 
la grâce de Dieu, comme à sa cause première, Paul a 
soin d'affirmer, d'une façon très catégorique, qu'il la 
doit, comme cause prochaine et affective, à l'interven- 
tion personnelle de Jésus. Le verset 12, avec son anti- 
thèse, itapà dtvôpmitou et son génitif, subjectif, comme 
disent les grammairiens, SI' «7ioxaXô4'£<>K 'It)<xoù XptaToû, 
indique, sans doute possible, que Jésus-Christ est, à la 
fois, l'auteur et Vobjet de la révélation. Il faut ajouter, 
et c'est là un point essentiel, que rien, dans le contexte, 
ne se prête à l'idée d'un travail antérieur dans l'âme 
du jeune Pharisien ou d'un acheminement progressif 
vers l'Evangile. Toujours Paul représente sa conver- 
sion comme un coup de foudre qui l'a surpris en pleine 
période de fanatisme, l'a fait passer, en un instant, d'un 
extrême à l'autre. L'hypothèse naturaliste perd, de ce 
fait, un de ses meilleurs arguments. Que deviennnenl, 
en effet, ces remords cuisants dont on tire les vraies 
causes de la conversion ? Où trouver le temps nécessaire 
pour préparer d'une manière normale le dénouement 
de la crise ? 

2° La seconde déclaration est encore plus explicite 
et présente ce qu'on peut appeler le côté extérieur et 
objectif du phénomène. Paul en appelle à la vision du 
chemin de Damas pour établir la réalité de son titre 
d'apôtre. I Cor., ix, 1 : «Nesuis-je pas apôtre, s'écrie- 
t-il, n'ai-je pas vu le Seigneur Jésus ? » Pour lui, ces 
deux faits s'enchaînent entre eux comme l'effet à la 
cause. Lui refuser l'un, c'est nier l'autre. Et qu'on re- 
marque ici la différence profonde qui, dans la conscience 
même de Paul, sépare cette apparition des visions 
extatiques dont il fut favorisé, quelques années plus 
tard, II Cor., xn, 1-5; celles-ci appartenant à la sphère 
de sa vie privée, il n'en parle qu'une seule lois, et 
encore avec une répugnance extrême, s'enveloppant, à 
dessein, d'expressions mystérieuses, comme lorsqu'il 
s'agit d'un secret qu'on a peine à dévoiler et sur lequel 
on se hâte de laisser retomber l'ombre de l'oubli. Or 
l'Apôtre n'éprouve rien de semblable, quand il est ques- 
tion de sa conversion. Il n'en fait pas mystère; c'est 
même un des thèmes habituels de ses Épîtres. Il reven- 



2199 



PAUL (SAINT) 



220O 



dique hautement l'honneur d'avoir été, lui aussi, témoin 
de la Résurrection et, par là, d'être devenu l'égal des 
Douze. Enfin, tandis qu'il regarde ses extases comme 
des effets de l'Esprit, il n'attribue jamais sa conversion 
qu'à une intervention personnelle et corporelle de 
Jésus ressuscité. 

3° Le troisième passage, I Cor., xv, 8, où Paul parle 
de sa conversion, est tout à fait décisif. L'Apôtre, énumé- 
rant les diverses apparitions du Christ ressuscité, met 
la sienne sur la même ligne que celles de Pierre et des 
autres disciples. « En dernier lieu, dit-il, et après tous 
les autres, le Christ m'est apparu, à moi aussi, comme 
à un avorton. » Celui qui accepte la réalité des pre- 
mières ne peut mettre en doute l'objectivité positive de 
celle qui les clôture. 

Ainsi, de tous côtés, se trouve fermement assise la 
conviction que l'incident de Damas ne peut s'expliquer, 
aux yeux mêmes de l'histoire, que par l'intervention 
personnelle du Sauveur ressuscité. 

ni. conséquences. — On retrouve, dans la conver- 
sion de Paul, toutes les lois fondammentales de sa vie 
spirituelle, de son activité extérieure, de sa pensée. 

1° Une nouvelle vie s'est substituée à l'ancienne dans 
l'âme de l'Apôtre. Elle se résume tout entière dans 
cette belle formule : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est 
le Christ qui vit en moi. » Gai., il, 20; Phil., i, 21; 
Col., I, 4. Le moi ancien a disparu pour céder la place 
au moi nouveau, dont le principe vital est le Christ lui- 
même. Et ce Christ, qui est devenu l'âme de sa nou- 
velle conscience et de sa nouvelle vie, ce n'est pas, 
II Cor., v, 15, 17, le Messie juif avec ses espérances 
charnelles, c'est le Messie chrétien, c'est le Christ mort 
et ressuscité. Désormais, toute la vie de Paul dépendra 
de la mort et de la résurrection de Jésus. Voilà le cen- 
tre organique de sa nouvelle existence, la source où 
elle puisera incessamment cette sève si riche qui la 
rendra si puissante et si féconde. Ainsi s'est établie 
entre le Maître et son disciple cette communion mys- 
tique indéfinissable qui apparaît comme l'idéal de la 
vie chrétienne et le suprême honneur de notre nature. 

2° Au point de vue de son ministère extérieur, c'est 
de l'apparition de Jésus ressuscité que Paul tient sa 
prérogative d'apôtre. Gai., i, 12, 17; I Cor., IX, 1; xv, 8. 
De là date aussi son mandat d'évangéliser les Gentils, 
bien qu'il ne paraisse pas l'avoir exercé aussitôt après 
sa conversion. Act., ix, 15, 20. Mais, lorsque l'heure 
sera propice, il accomplira sa mission et son activité 
se développera, de préférence, en dehors du judaïsme. 
Nul, d'ailleurs, n'était mieux préparé, dans la primi- 
tive Église, pour une pareille entreprise. Paul se trou- 
vait être, en effet, comme le point de jonction entre les 
trois mondes où la foi devait pénétrer; celui de la lé- 
galité juive, celui de la culture hellénique, celui de 
la cité romaine. Transporté violemment, par la grâce 
divine, d'un extrême à l'autre, il était mieux placé 
pour saisir l'antithèse irréductible qui séparait le ju- 
daïsme du christianisme, l'Évangile de là Loi, la foi 
des œuvres, la sainteté légale de la sainteté véritable. 
Rien d'étonnant, non plus, que stimulé par le désir de 
réparer le mal qu'il avait fait à l'Église naissante, il 
ait déployé autant de zèle pour la cause de Jésus qu'il 
en avait mis à l'entraver. II Cor., xi, 23-29. 

3° C'est surtout dans sa théologie que Paul a déposé 
l'empreinte profonde faite sur son âme ardente par la 
vision de Damas. L'idée qui paraît avoir primé toutes 
les autres, dans ses réflexions intimes, à partir de 
cet événement, c'est la gratuité de la justification. En 
faisant un retour sur lui-même et en consultant le 
fond de sa conscience, le jeune néophyte acquit bien 
vite la persuasion qu'il ne devait point sa nouvelle 
croyance et les biens dont elle était la source, à ses 
propres efforts, mais à un acte de pure miséricorde 
de la part de Dieu. Il apprit ainsi à faire hommage de 



sa conversion à la grâce divine, qui l'avaii amené à 1» 
lumière au moment même où il faisait toit pour s'en 
éloigner. 

Une autre conclusion, suite naturelle "à cette pre- 
mière expérience, se présenta presque aissitôt à son 
esprit : il reconnut l'inutilité des cérénonies exté- 
rieures de la Loi et leur insuffisance mtoire pour 
arriver à la véritable justice. A quoi lui avàt servi son 
zèle pharisaique? N'allait-il donc pas »\n abîmes en 
suivant cette fausse route? C'est donc pa une autre 
voie qu'il fallait aller à la justification, c'est-à-dire 
par celle de la foi en Jésus. N'était-ce pai proclamer 
la déchéance de la Loi et faciliter aux Geitils l'entrée 
dans le royaume? L'Épitre aux Romains es ainsi déjà 
arrêtée, quant à ses grandes lignes, dans l'esprit de 
Paul. 

III. L'apostolat de saint Paul. — On jeut diviser 
en quatre étapes principales la carrière pacourue par 
l'Apôtre, depuis le jour de sa conversion jisqu'à celui 
de sa mort : i° les débuts; 2° les missions ;3° la capti- 
vité; 4» les dernières années d'activité aposolique. 

/. LES débuts. — Les sept années qui uivirent la 
conversion de Paul peuvent être considérées comme 
un temps d'apprentissage et d'épreuve. Les Douze 
avaient eu une période de formation. Lipôtre des 
Gentils devait avoir la sienne. Au reste, les circon- 
stances ne se prêtaient pas, pour l'instant, i la grande 
œuvre de l'évangélisation des Gentils. L'Éjlïse devait, 
avant tout, affermir ses premières conquête en Pales- 
tine. L'heure n'est pas encore venue, poui l'Évangile, 
de se répandre dans le monde païen. Cettepériode de 
préparation est une des plus obscures d( la vie de 
Paul par la difficulté où l'on est d'accorèr les don- 
nées des Actes, rx, 19; xxvi, 20, avec celles de l'Épltre 
aux Galates. Saint Luc, qui ne fait pas à iroprement 
parler une biographie de Paul, ne donne jas tous les 
renseignements qu'on pourrait souhaiter. Lis distances 
de temps, en particulier, s'effacent dans soi récit. La 
préférence de l'historien va naturellement pur la chro- 
nologie et la succession des faits, tels qu'ife sont dans 
l'Épltre aux Galates. Or, en s'appuyant surelle, il faut 
conclure que Paul ne reste que quelques joirs à Damas 
après sa conversion. 

A) Séjour en Arabie. — Le nouvean conerti se ren- 
dit presque, aussitôt en Arabie. Les donnéesdu texte ne 
déterminent ni l'endroit, ni la durée exacteni le motif 
de cette excursion en pays étranger. L'Arabiedans l'Écri- 
ture, comme dans les lectures anciennes, n'a pas de 
frontières nettement décrites, elle désigiï tantôt le 
vaste territoire situé à l'est et au sud de 1 Palestine, 
tantôt la province centrale du Hauran, au sud-est de 
Damas, avec les oasis adjacentes, PArabia prima de 
l'époque romaine et l'Arabaya des inscripticis achémé- 
nides. Dans la terminologie de Paul, ce motparalt s'ap- 
pliquer, de préférence, à tout le royaume Ncvaléen dont 
Pétra était la capitale. Gai. , i, 17 ; iv, 25. Comne au temps 
d'Arétas, la Nabatée comprenait dans son trritoire la 
péninsule sinaïtique, on a pu fixer, sans trp d'invrai- 
semblance, la retraite de Paul sur la montajne où avait 
été promulguée l'ancienne Loi. Pourtant, il semble 
bien plus probable que le nouveau convffti se soit 
dirigé non vers le sud de la Palestine, mas vers ces 
terres si tristement désertes qui, au-dessois de Pal- 
myre et au delà du Hauran, s'étendaient versl'Euphrate, 
sans oasis, sans abri, sans souvenirs, sans ie, laissant 
à l'âme l'impression de l'abandonnement couplet, afin 
de mieux l'ouvrir aux influences de la grâce. Voir 
Mgr Le Camus, L'œuvre des Apôlres, t. il, p. 202. Le re- 
tour à Damas, sans passer par Jérusalem, ue se con- 
çoit bien que dans <cette dernière hypothèse Comment 
Paul aurait-il pu remonter vers le nord sars aller voir 
Pierre? Quant à ce que lit Paul en Arabie il est im- 
possible de le préciser. On a parlé de pédications 



2201 



PAUL (SAINT) 



2202 



mais nulle part, dans ses Épîtres, il ne fait allusion à 
l'évangélisation de ces contrées désertes et l'on ne voit 
aucune trace d'église dans le Hauran avant l'émigra- 
tion des chrétiens de Palestine, en l'an 70. Tout porte 
à croire, au contraire, que Jésus conduisit l'Apôtre 
dans ces solitudes pour l'instruire de ses doctrines et le 
préparer à sa future mission. 

B) Retour à Damas. — Revenu à Damas, Paul s'atta- 
chait à prouver aux Juifs que Jésus était le Messie. 
Ceux-ci, exaspérés par le succès de leur contradicteur, 
voulaient le tuer. Ils s'entendirent avec l'ethnarque 
qui gouvernait la ville au nom d'Arétas, pour se saisir 
de sa personne. On plaça des gardes aux portes de la . 
<iité. Mais les frères le firent échapper la nuit, en le 
descendant dans un panier qu'on fit glisser le long des 
remparts. Act., ix, 24, 25; II Cor., xi, 32. 

C) Premier voyage à Jérusalem. — Sorti de ce péril, 
Paul se rendit à Jérusalem. Il désirait voir Pierre. 
Gai., î, 18. Il reconnaissait donc son autorité et voulait 
s'entendre avec lui. Les premières entrevues avec les 
frères de Jérusalem furent, on le conçoit, extrêmement 
pénibles et pleines d'embarras. Tout d'abord, les dis- 
ciples le tenaient à l'écart, nul n'osait approcher de 
lui; on craignait peut-être, de sa part, un horrible stra- 
tagème pour perdre ceux qu'il n'avait pu atteindre. 
Barnabe rassura leurs craintes, prit Paul par la main, 
le présenta aux frères et se fit son garant. A partir de 
ce moment, Paul fut admis dans l'intimité des dis- 
ciples, on le regarda désormais comme un frère. Il vit 
peu de monde, apôtres et diacres étaient alors ab- 
sents de Jérusalem, occupés sans doute à évangéliser 
les contrées voisines. Gai., i, 18, 19. Du reste, Paul ne 
demeura que deux semaines dans la Ville sainte. Les 
Actes attribuent ce départ précipité, ici comme à 
Damas, à de nouvelles embûches de la part des Juifs 
helléniques. Les frères, pour prévenir ce malheur, re- 
conduisirent l'Apôtre jusqu'à Césarée au bord de la mer, 
d'où il s'embarqua pour Tarse, sa ville natale. Ailleurs, 
Act., xxn, 17, 21, Paul raconte qu'un jour, présent dans 
le Temple, il eut une extase, qu'il vit Jésus en per- 
sonne et reçut de lui l'ordre de quitter au plus vite 
Jérusalem, parce qu'on n'était pas disposé à recevoir 
son témoignage. Le Sauveur lui promettait, en échange, 
un apostolat beaucoup plus fécond auprès des nations 
lointaines, mieux disposées à écouter sa voix. 

D) Retour à Tarse. — Le nouvel apôtre se mit à par- 
courir la Syrie, puis la Cilicie. Tarse devint alors 
pour un temps, deux années au plus, le centre de ses 
premières missions, d'où sortiront bientôt des églises 
florissantes, Act., xv, 23, 41. 

E) Séjour à Antioche. — C'est là que Barnabe vint, 
une seconde fois, tendre la main à Paul et l'amena à 
Antioche où venait de se former une communauté flo- 
rissante. Durant une année entière, Barnabe et Paul 
furent unis dans la plus active collaboration. Ce fut 
une des années les plus brillantes et sans doute la 
plus heureuse de la vie de Paul. La féconde originalité 
de ces deux grands hommes éleva l'Église d'Antioche 
à une hauteur qu'aucune Église n'avait atteinte jusque- 
là. Les fruits de leur apostolat furent si abondants 
qu'ils attirèrent l'attention publique. Les regards se 
portèrent du côté de la communauté naissante. On 
comprit bientôt, à certains signes extérieurs, qu'on 
avait affaire à une nouvelle secte religieuse, distincte 
du judaïsme, dont elle était sortie et comme on en- 
tendait souvent les nouveaux convertis répéter le nom 
de XpiiTT(Sç, on crut que c'était là le nom de leur chef 
et on les appela ^pianavof. Act., xi, 26. 

F) Second voyage à Jérusalem. — C'est vers cette 
époque qu'il faut placer le voyage de Barnabe et de 
Paul à Jérusalem. Voici à quelle occasion. Une famine 
étant sur le point de sévir, les disciples de Syrie avaient 
immédiatement recueilli des aumônes en faveur de leurs 



frères de Judée. Act., xi, 28-30. On avait choisi les deux 
apôtres pour en porter le montant aux églises de Judée. 
Leur séjour à Jérusalem ne parait pas avoir été de longue 
durée. Les deux envoyés n'y rencontrèrent point les 
Apôtres, ils ne trouvèrent que les anciens, sorte de 
sénat préposé, en l'absence des Douze, au gouvernement 
de la communauté. La plupart des critiques ont pré- 
tendu, il est vrai, que l'Épltre aux Galates, i, 22, 
excluait la possibilité de ce voyage mentionné dans 
les Actes, xi, 30, car alors, disent-ils, Paul s'exposerait 
à être taxé de mensonge, s'il omettait une seule cir- 
constance dans laquelle il aurait pu rencontrer les 
Apôtres, On s'exagère la difficulté. Dès que Paul a 
prouvé qu'à son premier voyage à Jérusalem il n'a pas 
eu besoin de se faire instruire par les Apôtres, il est 
évident qu'une pareille instruction ne lui a pas été 
nécessaire plus tard, puisque son apostolat à Antioche 
et ailleurs était des faits suffisamment connus. Peu 
importait de récapituler tous les voyages qui ont suivi 
celui-là. II était surabondamment démontré que Paul 
avait prêché son évangile longtemps avant d'avoir ren- 
contré un seul apôtre. 

//. les missions. — Revenus à Antioche, Paul et 
Barnabe, qui avaient ramené avec eux le jeune Jean- 
Marc, cousin de ce dernier, Col., IV, 10, reprirent leur 
activité dans cette église où s'épanouissait une grande 
richesse de « dons spirituels », notamment ceux de 
prophétie et de didascalie. C'est alors que fut conçue 
l'idée d'une vaste propagande de l'Evangile dans le 
monde païen. Jusqu'ici l'annonce de la bonne nou- 
velle n'avait été que le résultat d'actions isolées, in- 
termittentes, circonscrites dans un rayon relativement 
peu étendu. Maintenant l'apostolat va s'organiser, par 
l'initiative de Paul et de Barnabe, en un vaste système 
de forces et de dévouements, appliqués avec suite et 
méthode, à la conquête du monde juif, surtout du 
monde païen. La prédication chrétienne, limitée tout 
d'abord aux hauteurs de la Syrie, pénètre tout à coup 
presque simultanément dans les trois grandes pénin- 
sules d'Asie Mineure, de Grèce, d'Italie. Antioche est 
la base d'action de ces lointaines missions : c'est de là 
que les missionnaires partent; c'est là qu'ils revien- 
nent, après quelque temps, se reposer de leurs fatigues. 
C'est au retour de Jérusalem que les Actes placent le 
début des missions chrétiennes. 

La chronologie de Luc, en cet endroit, Act., xir, 24- 
25, n'est pas assez précise (xax' èxeïvov xbv xaipov, « vers 
ce temps-là ») pour qu'on ose fixer la date. Il semble 
pourtant que d'après la contexture du chap. xii, il 
faut retarder le départ de nos missionnaires jusqu'à la 
mort d'Hérode Agrippa, vers l'an 45. C'est pendant une 
assemblée liturgique solennelle, précédée, comme 
c'était la coutume chez les Juifs, lorsqu'on se prépa- 
rait à quelque chose d'important, de jeûnes et de 
prières spéciales, que l'Esprit intima, par la bouche 
de quelque prophète inspiré, l'ordre de mettre à part 
Paul et Barnabe pour les consacrer à l'œuvre qu'il leur 
destinait. Dès ce moment, les deux élus furent donc 
détachés du personnel apostolique de l'Église d'An- 
tioche. L'émotion fut grande, parmi les fidèles, quand 
il fallut se priver du concours et de l'amitié de ceux 
que l'Esprit envoyait à la conversion du monde. On se 
prépara à la séparation par des jeûnes et des prières, 
puis, le jour des adieux étant arrivé, on leur imposa les 
mains, et on les livra à la grâce de Dieu. L'imposition 
des mains était, dans l'Église primitive, le rite habi- 
tuel auquel on soumettait celui qui recevait quelque 
fonction spéciale ou quelque délégation. II Cor., vin, 19. 
— Les deux Apôtres s'adjoignirent, à titre de subor- 
donné, pour les seconder dans les soins matériels de 
leur entreprise, Jean-Marc, cousin de Barnabe. Voir 
Jean-Marc, t. ni, col. 715. 

1» Première mission. Act., xm, 4-xiv, 28. — Le par- 



2203 



PAUL (SAINT) 



2204 



cours de la première expédition apostolique est, rela- 
tivement aux autres voyages de l'Apôtre, le moins 
étendu en durée et en espace. Il ne comprend guère, 
déduction faite du trajet maritime, que l'île de Chypre, 
dans le sens de sa longueur, de Salamine à Paphos, et, 
en Galatie, une ligne brisée d'environ cent lieues. On 
a toute latitude pour intercaler cette mission entre la 
mort d'Hérode (en l'an 44) et le concile de Jérusalem 
qui eut lieu vers 52. En faisant partir nos voyageurs au 
printemps de l'an 47, on trouve un temps largement 
suffisant pour les ramener deux années plus tard, vers 
la fin du mois de juillet. Pour se faire une idée de ce 
que furent ces excursions évangêliques, il faut se re- 
présenter les difficultés inouïes, les obstacles de tous 
genres, les dangers de toutes sortes que devait ren- 
contrer, à cette époque, un voyageur pauvre, de la con- 
dition de Paul, obligé pour se suffire de s'arrêter là 
où il trouvait de l'ouvrage, II Cor., xi, 23-27. D'ordi- 
naire, Paul allait à pied. Quand il le pouvait, il prenait 
la voie de mer, moins pénible, malgré ses surprises, 
et surtout moins coûteuse. La route est comme tracée 
d'avance par les juiveries échelonnées sur le littoral de 
la Méditerranée ou établies dans les centres commer- 
ciaux, à l'intérieur des terres. Il était d'usage dans les 
synagogues, quand un étranger assistait à l'office du 
sabbat, de l'inviter à dire quelques paroles d'édifica- 
tion. Paul en profitait pour exposer sa doctrine. Sou- 
vent on priait l'Apôtre de reprendre son discours le 
samedi suivant. Il y avait alors foule. Juifs et prosélytes 
accouraient pour écouter l'inconnu, et un grand nom- 
bre d'entre eux en sortaient convertis. Une scission 
s'opérait bientôt avec les synagogues. L'Apôtre et ses 
nouveaux adhérents se réunissaient alors dans un autre 
local et organisaient sur place une communauté à part. 
On disait alors qu'il y avait une église de plus. 

A) Mission de Chypre. Act., xm, 4-13. — L'île de Chy- 
pre, placée en face de la côte syrienne, à une distance 
d'une vingtaine de lieues, élait comme marquée d'avance 
pour être la première étape des trois missionnaires 
qui venaient de s'embarquer à Séleucie, au sortir 
d'Antioche. C'était la patrie de Barnabe et d'un certain 
nombre de nouveaux chrétiens. Act., xi, 20; xxi, 16. 11 
semble même qu'on y avait déjà annoncé la bonne 
nouvelle. Les Juifs étaient là très nombreux, mêlés à 
des Grecs et à des Phéniciens. Josèphe, Ant. xvi, 4, 
5, 51, Act., xm, 5. Saint Paul et ses compagnons abor- 
dèrent à l'ancien port de Salamine et prêchèrent dans 
les synagogues. Les Actes ne disent rien du résultat de 
cette première prédication. Mais elle dut être bien 
accueillie puisqu'elle se fit entendre dans les diffé- 
rentes synagogues de la ville. De Salamine le groupe 
apostolique traverse toute l'île, de l'est à l'ouest, s'arrê- 
tant sans doute dans les villes de la côte du sud, Ci- 
tium, Amathonte, Curium, pour aboutir à Paphos, 
résidence du proconsul romain. Depuis l'an 22, en 
effet, Chypre était devenue province sénatoriale. Dion 
Cassius, liv, 4; Mommsen et Marquardt, Organisation 
de l'empire romain, t. n, p. 328. Le proconsul qui 
gouvernait l'île s'appelait Sergius Paulus, homme 
d'une naissance illustre, sceptique, comme la classe 
éclairée de son temps, à l'égard du culte officiel et 
cherchant une issue, pour ses instincts religieux, dans 
les superstitions et les sciences occultes de l'Orient. Il 
avait auprès de lui un magicien juif, nommé Barjésu, 
qui, pour ajouter à son prestige, se faisait appeler 
Elymas, ce qui, en arabe, signifie savant. Le procon- 
sul, toujours en éveil du côté du merveilleux, entendit 
probablement parler de quelque prodige opéré par les 
nouveaux venus et voulut entendre d'eux la doctrine 
du salut. 11 les fit .venir et les écouta avec beaucoup 
d'intérêt. Élymas, voyant son crédit en péril, s'efforçait, 
on ne sait trop par quel artifice, de neutraliser l'effet 
des paroles de Paul et de Barnabe sur l'esprit de Ser- 



gius Paulus. Paul le frappa, pour un temps, de cécité 
et, devant ce prodige, le proconsul se convertit. Les 
Actes sont très brefs sur cette première mission de 
Chypre. On n'y signale que la conversion de Sergius 
Paulus. On ne parle ni d'églises fondées, ni de mi- 
racles éclatants, ni de discours particulièrement re- 
marquables. Peut-être que Paul et Barnabe ne firent 
qu'explorer la contrée à titre d'essai, se proposant d'y 
revenir plus tard. C'est au sortir de Chypre que Paul 
prend définitivement le premier rôle. Barnabe ne pa- 
raît plus désormais que comme un simple auxiliaire, 
laissant de plein gré à son éminent collègue les 
initiatives de l'entreprise commune. 

B) Mission de Galatie. xu, 13-xv. — Encouragés par 
un heureux début, les trois voyageurs résolurent de 
porter leur activité apostolique sur la côte voisine 
d'Asie Mineure. Ils s'embarquèrent à Néa-Paphos, fi- 
rent voile vers l'embouchure du Cestrus, en .Pam- 
phylie et descendirent à Pergé. Mais leur dessein n'était 
pas d'y séjourner. Ils rêvaient de pénétrer jusqu'à 
l'intérieur des terres. Seul Jean-Marc, effrayé par la 
perspective d'un voyage aussi difficile et aussi péril- 
leux, voulut quitter la mission et revint à Jérusalem. 
Paul en ressentit une vive contrariété dont il garda 
longtemps le souvenir. Cette rupture fut encore beau- 
coup plus pénible pour Barnabe qu'elle privait d'une 
compagnie qui lui était chère. Malgré ce fâcheux contre- 
temps, les deux Apôtres reprirent leur expédition à 
travers un pays montagneux, peuplé de barbares, in- 
festé de brigands. 

Après un parcours de quarante lieues, ils arrivèrent 
à Antioche de Pisidie ou Antioche-Césarée, sur le ver- 
sant méridional des montagnes qui séparent la Phrygie 
de la Pisidie. Cette ville, depuis l'occupation romaine, 
faisait partie de la province de Galatie, mais, en réa- 
lité, elle était située en Phrygie et elle en suivait les 
traditions. Élevée par Auguste, au titre de colonie ro- 
maine, elle avait pris, depuis ce jour, un développe- 
ment extraordinaire. Les Juifs, attirés par la prospérité 
de la nouvelle cité, s'y étaient fixés et avaient construit 
une synagogue. Selon leur habitude, les deux voya- 
geurs s'y rendirent, dès leur arrivée. On était au sa- 
medi. Paul y prononça un discours — le premier dont 
les Actes nous donnent l'analjse — qui fit une pro- 
fonde impression sur l'assemblée. On pria les nouveaux 
venus de se faire entendre une seconde fois. Dans l'in- 
tervalle, un nombre considérable de Juifs et surtout 
de prosélytes s'attachèrent à Paul et à Barnabe, qui les 
engagèrent à persévérer dans leurs bonnes disposi- 
tions. Toute la ville ne parlait plus que de cet incident. 
Le samedi venu, une foule énorme envahit la syna- 
gogue, ce qui irrita, au plus haut point, les notables 
de la communauté juive et changea en une violente 
animosité leur première bienveillance. Paul et Barnabe, 
s'étant rendus compte de l'obstruction systématique 
que les Juifs faisaient à leur prédication, soutinrent 
quelque temps l'orage, puis ils se retirèrent en disant 
à leurs contradicteurs : « Nous devions commencer par 
vous prêcher la parole de Dieu. Mais, puisque vous la 
repoussez, et que vous vous jugez indignes de la vie 
éternelle, nous allons nous tourner vers les païens. » 
Ce mauvais accueil confirma Paul dans sa vocation 
d'apôtre des Gentils. Il se tourna résolument' vers la 
population païenne et y fit de nombreuses conversions. 
Ce fut le noyau de la première Église au pays galate. 
La foi eut un centre d'où elle rayonna dans les con- 
trées voisines. De toutes parts, on recevait avec joie 
une religion qui contentait les aspirations mono- 
théistes des âmes élevées, sans leur imposer le joug 
du légalisme juif. L'enthousiasme des néophytes était, à 
son comble. Il acheva de mettre les Juifs en fureur. 
Cette propagande devait nuire à leur prosélytisme et 
leur faire perdre du terrain. Aussi allèrent-ils jusqu'à 




Voyages de Saint Paul 



lTVoyage 
2? — id._ 
3?_id._ 
«_id._ 



-->*"*■ + * + + + + ■*■ + +■»■ + * 



lo- 



is- 



~~ffî~ 



L.ThiiUIier.Deli 



2205 



PAUL (SAINT) 



2206 



faire décréter, contre Paul, et Barnabe, tin décret 
d'expulsion par l'autorité municipale. 

Les deux bannis avaient devant eux plusieurs routes 
à choisir. S'ils se dirigeaient vers l'ouest, ils entraient 
aussitôt dans la Phrygie proprement dite, du côté de 
Colosses, d'Hiérapolis, de Laodicée; au nord, ils avaient 
devant eux l'ancien royaume de Galatie. Ils préfé- 
rèrent se tourner vers l'orient, se rapprochant ainsi 
de la Cilicie. Ils se dirigèrent donc vers la Lycaonie et, 
au bout d'une marche d'environ cinq jours, atteigni- 
rent la ville dlcone, située dans un pays riant et 
fertile, près de l'endroit où la chaîne de Taurus forme 
la limite entre la Cappadoce et la Lycaonie. Au temps 
de Paul, Icône était la capitale de la Lycaonie, ré- 
gion comprise, depuis l'an 25 avant J.-C, dans la pro- 
vince romaine de Galatie. Peu considérable au temps 
de Strabon, cette ville s'agrandit dans la suite. Sous 
Claude, il s'y forma une colonie romaine, et elle chan- 
gea son nom en celui de Claudia et Claudiconium. 
Les Juifs y possédaient une synagogue fréquentée par 
de nombreux prosélytes. Paul et Barnabe y prêchèrent 
avec beaucoup de fruit. L'affluence des conversions fut 
telle, malgré les tracasseries des Juifs, que les deux 
Apôtres se résolurent à faire là un long séjour. En peu 
de temps, une Eglise florissante fut fondée. C'est à 
Icône que l'auteur des Actes de Paul et de Thècle 
a placé le théâtre de son pieux roman. Cependant la 
haine des Juifs orthodoxes essaya d'ameuter, contre 
les zélés missionnaires, toute la population païenne. 
La ville se divisa en deux parties. Il y eut une émeute. 
On voulait lapider Paul et Barnabe et ceux-ci quittè- 
rent la cité d'Iconium, ils se réfugièrent dans deux 
petites villes obscures, dont on a peine à retrouver les 
traces et qui sont à environ huit lieues l'une de l'autre. 
La civilisation n'avait pas encore pénétré, à cette 
époque, dans ces vallées sauvages, vrais repaires de bri- 
gands, fermés à toute influence du dehors, gardant leur 
langue et leurs habitudes provinciales. Un fait singu- 
lier arriva à Lystre. Paul ayant guéri un boiteux, ces 
populations crédules crurent que Paul et Barnabe 
étaient deux divinités qui avaient pris la forme hu- 
maine pour se promener parmi les mortels. Voir 
Lystre, Mercure, col. 460, 991. Paul leur prêcha l'Évan- 
gile et c'est là qu'il rencontra celui qui devait être son 
disciple Timothée et qui pouvait avoir alors une quin- 
zaine d'années. Act., xvi, 1-3; II Tim., m, 11, 

Quand les Juifs d'Antioche de Pisidie et d'Icône 
apprirent toutes ces conversions, ils envoyèrent à 
Lystre des émissaires pour provoquer une émeute 
contre les missionnaires et détruire, d'un seul coup, 
leur œuvre de prosélytisme. Paul fut reconnu dans la 
mêlée, traîné hors de la ville par des fanatiques, 
accablé de coups de pierres et laissé pour mort sur le 
sol. Fort heureusement, ses disciples vinrent le relever, 
il rentra dans la ville, protégé par eux, et partit le 
lendemain pour Derbé. Tout cela se fit à l'insu des 
ennemis de la veille. Les deux Apôtres, à l'abri de tout 
retour oftensif, évangélisèrent en paix la ville où ils 
s'étaient réfugiés. Paul s'y remit de ses blessures, et, 
après avoir jeté les bases d'un centre chrétien, il ré- 
solut de revenir sur ses pas. Son dessein était de 
donner aux Églises fondées une organisation régulière. 
Sur leur chemin, Paul et Barnabe établissent, dans 
chacune d'elles, un corps de presbyteri (TtpsoêôtepoO, 
comme à Jérusalem. Ces anciens étaient, auprès des 
convertis, les dépositaires de l'autorité de Paul et gou- 
vernaient l'Église en son nom. C'est eux qui recevront 
les lettres de l'Apôtre, les liront dans les assemblées 
liturgiques, en feront observer les prescriptions. 
I Thess., v, 27; II Thess., ni, 14. Au retour les deux 
missionnaires suivirent à peu près l'itinéraire de leur 
première route. Ils visitèrent pour la seconde fois Lys- 
tre, Icône, Antioche de Pisidie, confirmant les fi- 



dèles dans la foi, les exhortant à la persévérance, à la 
patience, leur apprenant que c'est par la tribulation 
qu'on entre dans le royaume de Dieu... D'Antioche de 
Pisidie, ils descendirent à Pergé et s'y arrêtèrent, cette 
fois, pour annoncer l'Évangile. Puis, au lieu de re- 
passer par l'île de Chypre, ils gagnèrent le grand port 
d'Attalie et de là s'embarquèrent pour Séleucie d'où ils 
rentrèrent à Antioche, après une absence assez longue, 
mais pleine de succès pour la cause du Christ. L'Église 
d'Antioche revit, avec une joie indescriptible, les deux 
apôtres qu'elle avait envoyés à la conquête d'un nou- 
veau monde et qui lui rapportaient les prémices d'une 
abondante mission. On ne se lassait point d'entendre, 
de leur bouche, les merveilles que Dieu avait faites 
pour eux. On en concluait, une fois de plus, que Dieu 
lui-même avait ouvert aux Gentils les portes de la 
foi. 

C) Conférence de Jérusalem. — Entre la première 
et la seconde mission, se place un fait très important 
qui exerça, sur les destinées de l'Église naissante, une 
influence définitive. Au point où était arrivé le déve- 
loppement du christianisme, à la suite des travaux de 
Paul et de Barnabe, il s'agissait de savoir si le ju- 
daïsme imposerait ses rites particuliers aux nouveaux 
venus de la gentilité. De là dépendait tout l'avenir de 
l'Évangile. Un incident vint poser la question d'une 
façon inattendue, dans l'église d'Antioche. Des phariséo- 
chrétiens, descendus de Judée, sans aucune mission 
du corps apostolique, étaient arrivés jusque dans la 
capitale de la Syrie, disant partout, sur leur chemin, 
qu'on ne pouvait être sauvé sans la circoncision. 
Accepter cette injonction, c'était, pour Paul et Barnabe, 
donner le coup de mort à leur œuvre déjà accomplie 
et à celle qu'ils rêvaient d'entreprendre. Ils s'oppo- 
sèrent donc, de toutes leurs forces, à ces nouveaux 
venus. Il y eut de longues disputes. Pour y mettre un 
terme, on décida que les deux missionnaires iraient 
à Jérusalem s'entendre avec les Apôtres et les anciens 
à ce sujet. Paul et Barnabe se mirent en route, emme- 
nant avec eux un néophyte incirconcis, Tite, dans l'in- 
tention d'arriver, par la conduite que l'on tiendrait 
envers lui, à la solution de la question de principe. 
Le récit des conférences qui eurent lieu à Jérusalem, 
est relaté dans deux documents parallèles, le chap. XV 
des Actes et les dix premiers versets du chap. n, dans 
l'Épitre aux Galates. 

Deux questions étroitement liées se trouvaient par la 
force des choses dans l'ordre du jour : 1° reconnaître 
les néophytes venus de la gentilité comme vrais 
membres de l'Église, sans leur imposer ni la circonci- 
sion, ni les prescriptions légales ; 2° approuver officielle- 
ment l'apostolat de Paul et de Barnabe, leur mode 
particulier d'évangélisation. La première intéressait 
directement l'Église-mère de Jérusalem : c'était à elle 
de décider si elle voulait admettre dans sa communion 
les églises nouvelles. La seconde était plus spécialement 
du ressort des Apôtres. Ainsi s'explique la diversité du 
récit des Actes comparé à celui de l'Apôtre aux Galates. 
Chacun d'eux raconte la conférence à son point de vue. 
Saint Luc mentionne la reconnaissance officielle des 
églises de gentils; saint Paul, la confirmation de son 
titre d'apôtre, l'orthodoxie de son enseignement, l'ap- 
probation de son œuvre. Voilà pourquoi le même évé- 
nement apparaît tantôt comme une assemblée publique, 
Act., xv, 22, tantôt comme une suite d'entrevues et de 
colloques privés avec les Apôtres. Gai., n, 2. Là où les 
deux récits se rejoignent, c'est dans l'heureuse issue 
des négociations engagées. D'abord, Tite ne fut pas 
obligé de se faire circoncire. Gai., n, 3. Il put prendre 
part aux assemblées, voir dans l'intimité ses frères, 
sans se soumettre aux prescriptions mosaïques. Comme 
les intransigeants avaient pensé l'y contraindre, Paul 
s'y opposa, parce qu'il prévit le parti qu'en tireraient 



2207 



PAUL (SAINT) 



2208 



ses adversaires contre son apostolat et contre l'avenir 
des Églises nouvelles. On "exploiterait le cas de Tile 
comme un précédent contraire à l'admission libre 
■des païens dans l'Église. L'Apôtre ne voulut donc pas, 
contrairement à ce qu'il fit plus tard pour Timothée, 
dont la mère était juive, Act., xvi, 2-3, que Tite se 
•soumit à la circoncision. C'était trancher, par un 
exemple pratique, la question en litige. Les discours 
de Pierre et de Jacques mirent encore mieux en re- 
lief les principes qui avaient réglé cette conclusion. 
Deux points restèrent acquis devant toute l'assemblée : 
1° On reconnut le droit des gentils d'appartenir à 
l'Église; 2° on les dispensa des observances légales, 
surtout de la circoncision, leur enjoignant en échange 
quelques abstinences de première nécessité. Afin de 
faire disparaître toutes les traces de trouble qui 
avaient agité l'église d'Antioche et les communautés 
■voisines, on rédigea pour elles une réponse écrite, 
par manière de décret, où l'on relatait les décisions 
pratiques de la conférence. Deux personnages in- 
fluents dé l'Église-mère, Jude Barsabas et Silvain ou 
Silas, furent délégués par l'assemblée générale pour 
porter aux communautés de Syrie et de Cilicie le pré- 
cieux document. Ils avaient, en outre, la mission de 
désavouer les frères de Judée qui avaient semé la dis- 
corde, Act., xv, 24, et de rendre témoignage à Paul 
et à Barnabe dont on reconnaissait les services, le 
dévouement. La lecture de cette Épître remplit de 
joie les fidèles d'Antioche. Jude et Silas qui étaient 
prophètes, firent entendre leur parole inspirée, ajou- 
tant ainsi à l'allégresse commune. Silas en fut si en- 
thousiasmé qu'il laissa son collègue, Jude Barsabas, 
reprendre seul la route de Jérusalem, et s'attacha à 
Paul pour partager ses travaux. Dans l'intervalle, Paul 
désirant revoir ses chères Églises de Galatie, proposa à 
Barnabe de reprendre leurs expéditions apostoliques. 
Mais ce dernier voulait emmener Jean-Marc avec eux. 
Paul s'y refusa. Il craignait sans doute depuis l'incident 
de Pergé, la versatilité du jeune jérosolymitain. Chacun 
alla donc de son côté : Barnabe et Jean-Marc vers Chy- 
pre ; Paul et Silas vers le nord d'Antioche, par la voie de 
terre. Paul se rapprocha plus tard de Barnabe. I Cor., ix, 
6; Gai., n, 9, et de Marc. Col., iv, 10; II Tim., iv, 11. 

A partir de cette rupture les Actes perdent de vue les 
deux Apôtres de Chypre. Voir Barna.be, 1. 1, col. 1461 . Pour 
l'heure, Paul prend pour compagnon de route Silas, le 
prophète de l'Église de Jérusalem qui était resté àAn- 
tioche. Silas, comme Barnabe, était en relation étroite 
avec Pierre, I Pet., v, 12, et possédait en outre le titre 
de citoyen romain. Act., xvi, 37, 38. Les deux mission- 
naires se dirigèrent vers la Cilicie, qu'ils traversèrent 
en partie, du côté de l'Orient, passèrent probablement 
à Tarse, puis, franchissant les célèbres Portes cili- 
<nennes, ils pénétrèrent en Lycaonie et atteignirent 
Derbé, Lystre et Icône, communiquant à tous les nou- 
veaux convertis les résultats 4 e l a conférence de Jéru- 
salem. 

Toutes ces Églises de Lycaonie s'étaient développées 
et allaient tous les jours croissant en nombre et en fer- 
veur. A Lystre, Paul retrouva Timothée, entouré de 
l'estime de tous. Il se l'attacha, dès ce moment, et en 
fit le plus fidèle et le plus aimé de ses disciples. Pour 
lui donner accès dans les milieux juifs, il le circoncit 
lui-même. 11 n'y avait pas en cela inconséquence de 
principes. Timothée, fils d'une femme juive, apparte- 
nait, aux yeux des juifs, au peuple israélite et, d'après 
le décret de Jérusalem, il pouvait recevoir la circon- 
cision. 

2» Seconde mission. Act., xvi, 5-xvin, 23. — La pé- 
riode comprise dans les limites du deuxième voyage est 
peut-être la plus brillante et la plus féconde dans la 
carrière apostolique de Paul. Cette fois, l'itinéraire de 
la mission dépasse le cercle de la Grèce d'Asie et s'étend 



jusqu'à la Grèce d'Europe, progrès immense, quand on 
songe qu'il s'est accompli dans l'espace d'environ 
.trois ans. 

1. Séjour en Galatie. — La première étape de Paul 
et de Silas, en sortant d'Antioche, avait pour but de 
promulguer, dans les Églises de Galatie, précédemment 
évangélisées, les décisions du concile de Jérusalem. 
Les deux missionnaires visitèrent, de la sorte, les 
communautés naissantes de la Lycaonie : Derbé, Lystre 
et Icône. A Lystre, la troupe apostolique s'accrut du 
jeune Timothée. D'Icône Paul dut se rendre, bien que 
le texte ne le dise pas formellement, à Antioche de Pi- 
sidie, au cœur des hauts plateaux de la péninsule. Là, 
plusieurs routes s'offraient au voyageur. En allant vers 
l'ouest, on entrait dans l'Asie proconsulaire; devant lui 
s'ouvraient les régions encore inexplorées de la Phry- 
gie Épictète et au nord-est l'ancien royaume de Galatie. 
La caravane apostolique eut d'abord l'idée d'entamer les 
brillantes provinces de l'Asie occidentale : c'était la 
partie la plus riche et la plus civilisée de toute la con- 
trée. Mais l'Esprit-Saint, on ne sait par quel signe, la 
détourna de ce projet. Elle s'enfonça donc dans la di- 
rection du nord, inclinant d'abord à droite vers les 
parties supérieures du pays galate, puis, revenant sur 
ses pas, elle traversa la Phrygie Épictète et arriva 
en Mysie. Se trouvant près des frontières de la Bithy- 
nie, Paul et ses compagnons essayèrent d'entrer dans 
cette province pour l'évangéliser. L'Esprit s'opposa de 
nouveau à leur dessein. Ils continuèrent donc leur 
route du côté de l'ouest, traversèrent la Mysie d'un bout 
à l'autre et arrivèrent à Alexandrie de Troade, port 
considérable, placé en face de la Macédoine, non loin 
des ruines de l'ancienne Troie. 

Conduit là par l'Esprit de Jésus, l'Apôtre hésitait 
encore sur la route qu'il devait choisir. Allait-il des- 
cendre vers cette Éphèse, qui déjà l'attirait, ou bien 
évangéliserait-il la Mysie? Jusqu'au dernier instant, il 
resta dans l'incertitude. Mais il vit en rêve un Macédo- 
nien debout près de lui, qui l'invitait et lui disait : 
« Viens à notre aide... » Grotius assimile cette vision à 
celle de Daniel, x, 13, et pense qu'il s'agit de l'ange de 
Macédoine. Pourtant l'apparition ne représentait pas un 
habitant du ciel, mais un vrai Macédonien. Quoi qu'il 
en soit, .Paul comprit que l'ordre de Dieu était qu'il 
allât en Europe; il n'attendit plus qu'une occasion favo- 
rable pour partir. Une particularité, digne de remarque, 
vient de se mêler au récit. La troupe apostolique, 
prête à franchir la mer, compte désormais parmi 
ses membres le futur historien des origines chré- 
tiennes. 

2. Mission de Macédoine. — En deux jours, l'em- 
barcation qui portait Paul et ses compagnons aborda 
à Néapolis, sur le continent européen. Néapolis ser- 
vait de port à l'importante ville de Philippes, dans 
la province romaine de Macédoine. Voir Néapolis, 
col. 1542; Philippes. Nos voyageurs durent faire en 
peu de temps, sur la voie Égnatienne, les trois lieues 
qui séparaient les deux villes l'une de l'autre. 

A) Fondation de l'Église de Philippes. Act., xvi, 12- 
xvn. — Depuis l'occupation romaine, Philippes appar- 
tenait à la Macedonia prima, dont la capitale était 
Amphipolis. La ville était bien plus latine que grecque. 
La majeure partie de la population était romaine, pro- 
venant des débris du parti d'Antoine. Elle s'étaitmêlée 
à l'élément thrace et surpassait en nombre les familles 
de race grecque. Les Juifs paraissent avoir passé 
presque inaperçus en cet endroit. Us ne pouvaient que 
trouver peu d'avantages dans un milieu où il n'y avait 
ni industrie, ni commerce, et qui tirait toute sa renom- 
mée de son importance militaire. Thessalonique et les 
autres villes du littoral leur convenaient mieux. A Phi- 
lippes, il n'y avait pas même de synagogue. Les réu- 
nions du culte se faisaient en plein air, dans un espace 



2209 



PAUL (SAINT) 



2210 



à peine clos, sur le bord d'une petite rivière, le Gangas 
ou Gangitès. Paul, Silas, Timothée, Luc, s'ëtant infor- 
més du lieu où se célébraient les exercices du sabbat, 
se rendirent à l'endroit qu'on leur indiqua. Ils ne ren- 
contrèrent là que des affiliés du judaïsme. Ils avaient 
établi leur oratoire, appelé irpoffeux'U près de la rivière, 
afin de faciliter les ablutions. Josèphe, Ant., XIV, x, 23. 
L'Évangile fut accueilli avec empressement de toutes 
ces âmes dévotes. L'une d'elles, appelée Lydia, se fit 
baptiser avec toute sa maison. Ce fut le premier 
noyau de cette/Église, qui compta tant de cœurs géné- 
reux. Act., xvr, 3; Phil., iv, 2-3. Lydia obtint, à force 
d'instances, que les missionnaires demeurassent chez 
elle. Un incident tout à fait imprévu vint arrêter subi- 
tement l'activité de Paul et de Silas dans un champ si 
bien préparé. Cette fois, du moins, les Juifs ne por- 
tèrent point la responsabilité de l'émeute. Elle eut 
pour cause une misérable question d'argent. Un jour 
que Paul se rendait avec Silas à la « proseuque », 
située hors des faubourgs, il exorcisa une jeune es- 
clave, possédée du mauvais esprit, à qui ses maîtres 
faisaient pratiquer le métier de pythonisse. La jeune 
fille avait pris, depuis quelque temps, l'habitude de 
suivre les hommes de Dieu, criant à haute voix qu'on 
devait leur obéir comme à des messagers célestes. Dé- 
livrée de celui qui lui faisait prédire l'avenir, elle 
mettait fin à l'exploitation sordide dont vivaient ses 
maîtres. Ceux-ci, furieux d'avoir perdu leur gagne- 
pain, amenèrent Paul et Silas à l'agora, devant les 
duumvirs. Ne pouvant poursuivre les deux Apôtres 
comme exorcistes, délit inconnu au code romain, ils 
les accusèrent d'apporter des divinités nouvelles et de 
semer le trouble dans la ville. Act., xvi, 20. Le titre de 
Juif, sur lequel ils insistent, était à l'heure présente 
très mal vu des autorités romaines. Claude venait, 
par un édit, de chasser de Rome toute la colonie Israé- 
lite. Aussi, sans informalion et sans enquête, ordon- 
naient-ils aux licteurs, sous la pression de l'émeute, 
de frapper de verges les deux prévenus et de les 
mettre ensuite, ceps aux pieds, dans un cachot reculé. 
Tout cela se fit si rapidement que Paul et Silas n'eurent 
pas le temps de faireprévaloir leur titre de citoyen romain. 

On ignore le motif qui décida les duumvirs à ordon- 
ner, dès le jour, l'élargissement des prisonniers. 
Avaient-ils été prévenus de la qualité de Paul et de 
Silas, ou voyaient-ils, dans le tremblement de terre qui 
avait eu lieu pendant la nuit, une vengeance du Ciel? 
Tout cela est probable. En fait, le geôlier, à qui ces 
événements avaient valu la foi, vint annoncer aux Apôtres 
leur délivrance. Mais Paul se refusa fièrement à accep- 
ter ce qu'on aurait pu regarder comme une grâce. Il 
voulait surtout qu'on ne renouvelât pas contre l'Évan- 
gile pareil déni de justice. Il exigea donc une répara- 
lion d'honneur de la part des magistrats eux-mêmes. 
Ceux-ci, fort embarrassés, craignant les suites fâcheuses 
de cette affaire (la loi Valeria et la loi Porcia qu'ils 
avaient violées, portaient des peines très graves contre 
ceux qui frappaient de verges un citoyen romain. Cicé- 
ron, In Terr., H, 62), vinrent en personne faire leurs 
excuses et tes prièrent comme étrangers de quitter la 
ville, afin d'éviter de nouveaux troubles. Paul et Silas 
y consentirent. Mais, avant de s'éloigner de/PhYlippes, 
ils se rendirent chez Lydie, où les frères / paraissent 
avoir été rassemblés; ils leur dirent un dernier mot 
d'exhorlation et ils partirent. Luc et Timothée, qui 
n'avaient pas été impliqués dans ces poursuites, res- 
tèrent à Pbilippes. 

B) Fondation de l'Église de Thessalonique. Act., xvn, 
1-10. — En quittant Philippes, Paul et Silas suivirent 
la voie Égnatienne et durent faire étape à Amphipolis, 
puis à Apollonie, avant d'arriver à Thessalonique. 
Toutes ces villes célèbres sont à peu près à égale dis- 
tance l'une de l'autre, une quarantaine de kilomètres 

DICT. DE LA BIBLE. 



environ. Les Apôtres franchirent en quelques jours ces 
pays pleins de souvenirs historiques. Thessalonique, 
capitale de toute la province de Macédoine, résidence- 
du proconsul, ville très peuplée et très commerçante, 
possédait une juiverie des plus considérables qui ser- 
vait de centre religieux à tous les prosélytes de Macé- 
doine. Pendant trois sabbats consécutifs, Paul exposa, 
avec un grand luxe de citations tirées de l'Écriture, sa 
thèse habituelle, à savoir, que le Messie devait, d'après 
les prophètes, souffrir une mort violente et ressusciter 
ensuite, que Jésus de Nazareth était ce Messie, puisque 
seul il avait réalisé ces deux conditions. Paul exposa 
aussi sans doute ses aperçus personnels sur la Loi, ce- 
qui excita la fureur du parti zélote. A la suite de quel- 
que éclat, l'Apôtre dut quitter la synagogue.il se retira 
chez un certain Jésus, israélite de race, qui, selon 
l'usage des Juifs, avait grécisé son nom et s'appelait 
Jason. Son séjour dans cette maison hospitalière se 
prolongea au delà de trois semaines, le temps suffisant 
pour lui permettre de travailler parmi les Gentils, 
I Thess., i, 9, de nouer de solides affections, de donner 
l'exemple du désintéressement, I Thess., il, 9; Il Thess.. 
i, 9, et de recevoir, à deux reprises, les secours d'ar- 
gent de ses chers Philippiens. Phil., rv, 15; I Thess., 
n,5, 7,9. 

La parole de Paul, tombant sur ces âmes avides de 
vérité, fit des merveilles. Il se forma, dans la métropole 
macédonienne, une Église modèle, composée de prosé- 
lytes, de païens, de quelques Juifs et de l'élite de la- 
société féminine. Act., xvn, 4; I Thess., i, 9. On vit se 
reproduire, avec une profusion extraordinaire, tous les 
prodiges de l'Esprit-Saint, glossolalie, prophétie, don 
des miracles, etc. I Thess., i, 5; v, 19, 20. La commu- 
nauté de Philippes eut une émule en piété, en ardeur, 
en attentions délicates pour l'Apôtre. C'est là que Paut 
fit sans doute la connaissance d'amis très chers et très 
dévoués : c'étaient, outre Jason, Gaïus, Aristarque et 
Secundus. Act., xix, 29; xx, 4; Aristarque le suivit à 
Rome en captivité, Col. îv, 10, 11. La fureur des Juifs 
vint interrompre, comme de coutume, la formation de 
l'église nouvelle. Les fanatiques ameutèrent contre les 
Apôtres ces piliers de l'agora qui, dans les villes 
anciennes, étaient toujours prêts à manifester dans la 
rue. Tout ce monde vint assaillir la maison de Jason. 
Pour attirer l'attention de l'autorité civile, les Juifs fai- 
saient crier de toutes parts que les deux missionnaires 
auxquels Jason avait donné l'hospitalité, étaient des 
révolutionnaires dangereux, venus pour prêcher la ré- 
volté" contre les édits de l'empereur. Bientôt toute la 
ville fut bouleversée. Les politarques s'en émurent. Ils 
forcèrent Jason ainsi que les fidèles arrêtés avec lui, de 
verser en caution une forte somme d'argent. La nuit 
suivante, les frères menèrent Paul et Silas hors de la 
ville et les firent conduire à Bérée. 

C) Fondation de l'Eglise de Bérée, $. 10-14. — Après 
avoir franchi en deux ou trois jours une vingtaine de- 
lieues, les Apôtres arrivèrent à Bérée, ville d'une cer- 
taine importance, appartenant à la troisième Macédoine. 
Tite-Live, xlv, 29. La présence d'une colonie juive 
les invita à séjourner quelque temps en cet endroit. 
Comme d'habitude, ils se rendirent le samedi à la syna- 
gogue pour y prêcher l'espérance messianique. L'accueil 
fut des plus bienveillants. Les Juifs de Bérée, moins 
bornés que ceux de Thessalonique, écoulèrent la thèse- 
de Paul avec avidité. Se tenant à égale distance du 
parti pris et d'une crédulité trop facile, ils s'appliquaient 
après chaque discours à contrôler les textes prophé- 
tiques qu'on leur alléguait, marque évidente d'esprits 
qui cherchent le vrai avec loyauté. Beaucoup d'entre 
eux se laissèrent convaincre et se convertirent. De ce 
nombre fut un certain Sopater ou Sosipater, fils de 
Pyrrhus. Act., xx, 4. Avec lui, un grand nombre de 
païens ainsi, que des femmes de haut rang déjà affiliées 



IV. 



70 



2211 



PAUL (SAINT) 



2212 



sans doute au judaïsme. Paul et Silas étaient à Bérée 
depuis près de deux mois, quand ils furent découverts 
par les Juifs de Thessalonique, qui vinrent les en 
chasser. La situation devenant intolérable en Macédoine, 
Paul résolut d'émigrer assez 'loin pour que ses adver- 
saires le perdissentdevue.il laissa Silas à Bérée avec Ti- 
mothée qui venait de les rejoindre depuis peu de temps. 

3. Mission d'Achaïe. Act., Xvn, 15-xvm, 18. — Paul, 
obligé de reprendre sa vie errante, tourna les yeux du 
côté du sud, vers le centre de la péninsule hellénique. 
Il allait rencontrer là une race plus vive, plus légère, 
plus curieuse, que la nature profondément bonne, sé- 
rieuse, calme des Grecs de Macédoine. Le voyage, cette 
fois, se fit par mer. Act. xvn, 14-15. Paul s'embarqua 
probablement à Méthone et fit veile vers Athènes. En 
suivant des yeux le rivage, il put contempler les ruines que 
la conquête romaine avait accumulées et qui couvraient 
ce sol autrefois si privilégié. Epist. Sulpitii ad Cice- 
ron, dans Cicéron, Epist., iv, 5. Depuis l'an 146, la Grèce 
était devenue province romaine sous le nom d'Achaïe. 
Corinthe en était la capitale. Athènes ne gardait plus 
d'autre prééminence que celle de l'art et du souve- 
nir, lorsque Paul y débarqua. Dès que l'Apôtre eut 
mis pied à terre, il congédia les fidèles de Bérée et 
les chargea de mander à Silas et à Timothée de venir 
le rejoindre le plus tôt possible. Pendant près d'une 
semaine, Paul se trouva donc seul dans cette ville qui 
lui était totalement inconnue. Il se mit alors à la par- 
courir en tous sens. Il visita l'Acropole avec ses chefs- 
d'œuvre de sculpture incomparables. Tout ce peuple 
de statues faisait un effet étrange sur son esprit. La 
multitude des temples et des autels, les cérémonies du 
culte païen, les fêtes en l'honneur des divinités, tout 
cela achevait de mettre Paul hors de lui. Act., xvn, 
16. Quelques auteurs pensent que Timothée serait alors 
venu seul de Bérée près de l'Apôtre qui l'attendait à 
Athènes. Act., xvn, 15. De cette dernière ville le disciple 
aurait été envoyé à Thessalonique. I Thess. , m, 2. Mais 
cela ne s'accorde pas avec l'ensemble de l'Épître et les 
ch. xvn et xvm des Actes, qui s'opposent pour Timothée 
à l'hypothèse de deux retours de Thessalonique pour 
rejoindre l'Apôtre. Il est préférable, avec d'autres inter- 
prètes, d^ntendre le verset 2 du ch. m de la I" aux 
Thessaloniciens d'un ordre transmis à Timothée, resté 
à Bérée avec Silas, d'aller visiter l'Église de Thessalo- 
nique avant de revenir près de saint Paul. Cette mission 
retarda son retour, et ne lui permit avec Silas de re- 
joindre l'Apôtre qu'à Corinthe seulement. I Thess., m, 
6; Act., xvm, A, 5. M9 r Le Camus, L'œuvre des Apô- 
tres, in-12, Paris, 1905, t. n, p. 262, 316. 

A) Discours d'Athènes. — En attendant la venue de 
Silas et Timothée, Paul entreprit son œuvre habituelle. 
Il commença par ses anciens coreligionnaires et parla 
à la synagogue. On ignore le résultat de cette première 
prédication. L'auteur des Actes, tout entier à l'idée de 
mettre son héros en contact avec un auditoire bien plus 
illustre, a oublié de le dire. Athènes, depuis la perte de 
son indépendance, n'était plus qu'une ville, d'écoles 
comme Oxford ou Cambridge. On n'y voyait que pro- 
fesseurs, philosophes, rhéteurs, appliqués à instruire 
la jeunesse. L'Agora était, comme aux jours de Démos- 
thènes, le lieu le plus fréquenté d'Athènes. C'est laque 
Paul essaya, à plusieurs reprises, d'exposer ses idées. 
Il fut remarqué parles partisans des deux philosophies 
qui avaient alors le plus de vogue : les épicuriens et 
les stoïciens. La faveur du public allait, alors, en géné- 
ral, vers les divers systèmes de morale. 

Les discours du prédicateur étranger firent sur l'au- 
ditoire des impressions différentes, tout en piquant au 
vif sa curiosité. Lès uns, probablement les disciples 
d'Épicure, voyant qu'il s'agissait d'une question reli- 
gieuse, exprimaient dédaigneusement leurs sentiments 
de mépris pour ce genre d'idées, disant : « C'est un 



vain discoureur. » D'autres, apparemment les stoïciens, 
prêtaient plu3 d'attention aux paroles de l'Apôtre, et ils 
en venaient à conclure qu'on leur proposait quelque 
nouvelle diviuité. Enfin la curiosité l'emporta sur le 
scepticisme railleur, car pour mieux entendre l'expo- 
sition de la doctrine nouvelle, on invita l'étranger à 
monter à l'Aréopage, loin du tumulte de l'Agora. C'est 
à un auditoire si nouveau pour lui et en face de tout 
ce que l'hellénisme avait réuni de plus beau et de plus 
illustre au point de vue de Tart, de plus glorieux dans 
les souvenirs du passé, de plus vénérable et de plus 
sacré au point de vue de la religion, que Paul impro- 
visa le petit chef-d'œuvre d'élégance rapporté par les 
Actes. Le mot résurrection, si étrange pour des esprits 
grecs, rompit l'intérêt mêlé de surprise qu'on avait 
d'abord accordé à une doctrine qui restait, par ailleurs, 
assez d'accord avec les traditions de la philosophie cou- 
rante. Paul fut brusquement interrompu. Les uns se 
mirent à le plaisanter, les autres le congédièrent avec 
ces mots : « Nous t'écouterons là-dessus une autre fois, s 
Paul comprit qu'il n'aurait pas beaucoup de succès sur 
ces esprits blasés. Il songea d'abord à monter vers le 
nord, pour revoir ses chères Églises de Macédoine. Là, 
du moins, sa parole serait efficace. Mais divers obstacles 
qu'il mit sur le compte de Satan le détournèrent de 
son projet. Sans attendre le retour de Timothée, il se 
dirigea vers le sud et partit pour Corinthe. Il ne lais- 
sait à Athènes, en fait de disciples, qu'un groupe presque 
insignifiant; entre autres, un certain Denys, personnage 
de haute dignité, membre du célèbre tribunal de l'Aréo- 
page, et une dame de qualité appelée Damaris ou Da- 
malis. Le passage de Paul en cette ville fut, en somme, 
sans résultat appréciable pour la cause de l'Évangile. 
Découragé par cet échec relatif, le seul peut-être de 
toute sa carrière apostolique, l'Apôtre n'attendit point 
le retour de Timothée, et il se dirigea seul vers la partie 
méridionale de l'Achaïe. 

B) Fondation de l'Église de Corinthe. Act., xvm, 
1-19. — Ce fut vers le printemps de l'an 52 que Paul 
débarqua à Cenchrée, petite ville à deux lieues de Co- 
rinthe, qui servait de port à la grande métropole du 
côté de la mer Egée. Il allait retrouver, dans la capitale 
de l'Achaïe, des ' conditions à peu près semblables à 
celles qui avaient fait son succès à Thessalonique : une 
juiverie importante, une nombreuse clientèle de prosé- 
lytes recrutée par les synagogues, une population cos- 
mopolite travaillée par l'idée religieuse. Paul saisit d'un 
seul coup cet ensemble de circonstances favorables. 11 
songea donc à faire là un long séjour et se mit à la re- 
cherche d'un patron chez qui il pût exercer son métier. 
Or, en visitant un des quartiers habités par ses core- 
ligionnaires, il rencontra un couple pieux de modestes 
artisans, Aquila et Priscille, nouvellement venus de 
Rome, à la suite de l'édit de Claude qui proscrivait tous 
les Juifs de la Ville Éternelle. Les deux émigrés étaient 
originaires du Pont et s'occupaient de la fabrication des 
tentes. L'Apôtre alla loger chez eux, s'associant à leur 
industrie. Le samedi, il partaità la synagogue, exposant 
les oracles prophétiques dans le sens de la thèse chré- 
tienne. L'orateur, instruit par ce qui s'était passé à 
Thessalonique, préparait avec beaucoup de ménagements 
sa conclusion finale. Quand il jugea que les esprits 
étaient suffisamment disposée à recevoir toute la vérité, 
il se mit à prêcher ouvertement les mystères de Jésus 
crucifié. 

L'arrivée de Silas et de Timothée, survenue dans les 
entrefaites, ranima l'ardeur de son zèle. Aidé par de si 
précieux auxiliaires, il se livra tout entier à son œuvre 
de prosélytisme, établissant que Jésus de Nazareth était 
le Messie attendu,' promis aux patriarches. Tous les 
Juifs n'obéirent point à sa voix. Un certain nombre 
d'entre eux s'opposèrent avec rage et fureur à la prédi- 
cation nouvelle. On allait en venir aux insultes et aux 



2213 



PAUL (SAINT) 



2214 



coups, quand l'Apôtre, prévenant tout-désordre, rompit 
officiellement avec la synagogue, secoua sur 'es incré- 
dules la poussière de ses habits, en signe de rupture 
complète avec eux, les rendit responsables de tout ce 
qui pourrait leur arriver dans la suite, leur déclarant 
que, puisqu'ils résistaient à la vérité, il allait de ce pas 
la porter aux Gentils. A partir de ce moment, il ensei- 
gna dans la maison d'un prosélyte, nommé Tite Juste, 
Act., xvii, 7, dont la demeure était contiguë au local 
de la synagogue. Beaucoup de Juifs et « d'hommes 
craignant^Dieu » suivirent l'Apôtre dans sa retraite. On 
compta de nombreuses et illustres conversions dans ce 
premier noyau d'Église hellénique, c'étaient, entre 
autres, les familles de Stephanas, prémisses de l'Achaïe, 
I Cor., xvi, 15, de Crispus, chef de la communauté 
juive de Corinthe, de Caïus, chez qui il logea lors de 
son troisième voyage en cette ville, et où il écrivit 
l'épltre aux Romains, Rom., xvi, 23, de Chloë, riche 
veuve, dévouée à sa personne, I Cor., m, 11, de Fortu- 
natet d'Achaïque, I Cor., xvi, 15, d'Éraste, trésorier de 
la ville, Rom., xvi, 23, l'un des personnages les plus 
considérables de la communauté. Les trois premières 
de ces familles eurent un privilège dont elles se firent, 
dès lors, un grand honneur : elles furent tout entières 
baptisées par Paul, I Cor., i, 14, 16, ce qui était en 
dehors de ses habitudes. 

C) Premières Épîtres de Paul. — Au milieu de cette 
féconde activité, l'Apôtre n'oubliait pas ses chères com- 
munautés du Nord. Ne pouvant songer, en pleine 
période d'apostolat, à retourner en Macédoine, il eut 
l'heureuse idée de les visiter par des épltres ou lettres 
qui devaient être lues dans l'assemblée des fidèles. 
L'épître sera ainsi la première forme littéraire sous la- 
quelle se manifestera la pensée chrétienne. Les pre- 
mières de ces lettres furent adressées à l'Église de Thes- 
salonique. Paul les remit sans doute aux frères de Ma- 
cédoine qui avaient fait la conduite à Silas et à Timothée 
juqu'en Achaïe et qui" revinrent, à peu de temps de là, lui 
soumettre les doutes et les difficultés des fidèles de cette 
vaillante communauté. Ce qui est certain, c'est que la 
première de ces Épîtres suivit de très près le retour 
des compagnons de Paul. I Thess., m, 6. 

D) Fin du premier séjour à Corinthe. — Encouragé 
par l'état florissant des nouvelles Églises qu'il venait de 
fonder, Paul redoubla d'ardeur pour fonder à Corinthe 
un centre chrétien de première importance. Il y passa 
dix-huit mois, appuyant sa doctrine des miracles et des 
phénomènes surnaturels les plus remarquables. I Cor., 
il, 4, 5; II Cor., xn, 15. Il eut la consolation d'arracher 
aux vices les plus dégradants une immense multitude 
de païens. I Cor., vi, 9, 10, 11. Tout cela ne se fit point 
sans de rudes labeurs. Mais le ciel fortifia, par des 
visions divines, le courage du zélé missionnaire. Corinthe 
devint, en peu de temps, une communauté des plus 
importantes, d'où la foi nouvelle rayonna sur toute 
l'Achaïe. 

Les Juifs dissidents, à la vue de ces progrès, ne pu- 
rent contenir leur fanatisme. Ils se saisirent de Paul et 
l'entraînèrent de force au forum, devant le tribunal du 
proconsul romain. Ils comptaient, comme d'habitude, 
sur l'inexpérience de la justice romaine en, matière re- 
ligieuse, pour lui arracher une sentence contre la 
nouvelle croyance et ses adhérents. L'homme qui rem- 
plissait alors la charge de proconsul était un des esprits 
les plus sages et les plus instruits du monde romain, 
Marcus Annaeus Novatus, frère aîné de Sénèque. Il 
avait été adopté par le rhéteur L. Julius Gallion et en 
portait le nom. Tacite, Ann., xv, 73; xvi, 17. Il fut très 
heureux que l'accusation des Juifs se présentât devant 
ce magistrat. Celui-ci, en effet, démêla, avec beaucoup 
de finesse, l'équivoque développée dans le réquisitoire du 
chef de la synagogue, Sosthènes. Il vit qu'il était ques- 
tion de dogme el arrêta court l'accusation. « S'il s'agis- 



sait de quelque crime, dit-il, je vous écouterais comme 
il convient; mais, s'il s'agit de vos disputes dd doctrine, 
de vos. querelles de mots, voyez-y vous mêmes. » Act., 
xviii,- 15. Cela dit, il donna ordre de congédier les 
deux parties. Les Juifs saisirent avec empressement 
l'occasion de se ruer sur leurs adversaires. Sosthènes 
fut, un moment, le point de mire de la bagarre : on le 
roua de coups sous les yeux de Gallion, sans que celui- 
ci s'en souciât le moins du monde. L'Apôtre, profitant 
de la situation, se retira parmi les siens et y travailla 
encore pendant un temps assez long. 

E) Retour à Antioche. — L'Apôtre, désirant revoir les 
Églises de Syrie, s'engagea par vœu à célébrer la Pâque 
prochaine, celle de l'an 53 ou 54, à Jérusalem. Il se 
fit raser la tête à Cenchrée, pour commencer l'exé- 
cution de son nazirat; puis il dit adieu à l'Église de 
Corinthe. Mais ne trouvant pas de service direct entre 
Corinthe et Césarée de Palestine, il s'embarqua pour 
Éphèse, avec Aquila et Priscille, qu'il devait y laisser 
seuls quelque temps. Il est probable qu'il mit Timothée 
à la têle de la jeune Église d' Achaïe. Silas, dès cette épo- 
que, ne reparaît plus dans la compagnie de l'Apôtre. 
On croit qu'il s'attacha plus tard à saint Pierre et lui 
servit de guide à travers les régions de l'Asie Mineure. 

I Pet., v, 12. Paul le remplacera par Tite, que sa qua- 
lité d'incirconcis rendait particulièrement apte au mi- 
nistère des Gentils. L'Apôtre séjourna quelques jours à 
Éphèse et ne put résister au désir de présider à de 
futurs combats dans la synagogue juive. 11 plut à l'as- 
sistance : on voulait le retenir mais il allégua son vœu 
et se rembarqua pour Césarée de Palestine, d'où il 
monta à Jérusalem, accomplit son vœu au temple, dis- 
tribua sans doute des aumônes aux pauvres de l'Église- 
mère, fit aux Apôtres et aux anciens le récit de ses travaux 
et reprit le chemin d'Antioche. Là, il rencontra Barnabe 
son ancien compagnon d'armes, avec qui il dut se réjouir 
de l'avancement du royaume de Dieu. Il retrouvait aussi 
Tite et les prophètes de la première Église des Gentils, 
C'est à ce moment, on peut le supposer, qu'eut lieu l'in- 
cident dont il est parlé dans l'Épltre aux Galates, II, 12. 

3° Troisième mission. — Le champ de cette nouvelle 
et dernière expédition ne s'étend guère, si l'on excepte 
la province d'Asie, au delà des limites du second voyage, 
en sorte que l'intention de Paul paraît avoir été d'orga- 
niser ses premières conquêtes plutôt que d'en agrandir 
le cadre. Avant d'entreprendre la seconde partie de son 
programme évangélique, c'est-à-dire de prêcher en 
Occident, en prenant Rome pour centre d'apostolat, 

II Cor., x, 16; Rom., i, 13, il lui semblait nécessaire 
d'implanter sérieusement la foi du Christ dans ce qu'on 
appelait l'Orient. 

Ephèse, placée en sentinelle à l'entrée des provinces 
d' Achaïe, de Macédonie et de Galatie, offrait une posi- 
tion exceptionnellement favorable pour compléter son 
œuvre et pour suivre de près le développement des 
communautés d'Asie et d'Europe. De là, il pouvait savoir, 
à bref intervalle, ce qui se passait dans les Églises en- 
vironnantes, répondre à leurs demandes, résoudre leurs 
difficultés, donner des avis et des ordres, encourager 
les bons, frapper les indignes, surveiller la marche de 
la collecte prescrite en faveur des pauvres de l'Église- 
mère, envoyer dans toutes les directions des disciples 
et des catéchistes pour suivre ou pour accélérer la 
marche de la vérité. Une autre circonstance, celle-là de 
première gravité, exigeait maintenant de Paul une 
vigilance continuelle, s'il voulait conserver' le fruit de 
sespremierstravaux.il s'agissait de mettre en garde les* 
nouveaux convertis contre un péril beaucoup plus grave 
que celui des persécutions du dehors. Il fallait lutter 
contre des adversaires d'autant plus dangereux qu'ils 
paraissaient plus zélés pour la pureté de la doctrine 
évangélique et qu'ils combattaient l'Apôtre en son ensei- 
gnement par les plus perfides insinuations. Ces enne- 



2215 



PAUL (SAINT) 



2216 



mis étaient des judaïsants': ceux que Paul appelle des 
faux frères. II Cor., xi, 25. Ici, s'ouvre pour lui cette 
période de luttes qui va remplir le reste de sa carrière. 
Les Actes se taisent presque entièrement sur ce temps 
d'amères expériences et de cruelles douleurs. Mais les 
grandes épitres, celle aux Galates, les deux aux Corin- 
thiens, celle aux Romains, sont pleines des échos de ces 
grandes luttes où l'âme de Paul se révèle tout entière 
avec ses trésors de foi héroïque, d'inlassable patience, 
d'amour tendre et profond, pendant que sa pensée, sti- 
mulée par l'ardeur du combat, déploie des ressources 
presque infinies et s'élève à des hauteurs jusqu'ici 
inconnues. 

i. Second séjour en Galatie et en Phrygie. Act., 
xxiii, 23. — Après quelques mois passés à Antioche, 
Paul songea à reprendre le cours de ses missions. Il lui 
tardait d'évangéliser la province d'Asie. On pense qu'il 
s'adjoignit alors, pour compagnon de route, ce même 
Tite qu'il avait précédemment emmené avec lui à la 
conférence de Jérusalem. Les deux voyageurs suivirent, 
sans modification apparente, l'itinéraire de la seconde 
mission, visitèrent pour la troisième et même la qua- 
trième fois, Derbé, Lystre, Icône, Antioche de Pisidie 
et, tournant dans la direction du nord-est, arri- 
vèrent dans le pays des Galates (raXatucri x^P* dis- 
tingue le royaume celte de Galatie d'avec la province 
romaine du même nom), où l'Apôtre avait fondé pen- 
dant son second voyage un groupe d'Églises d'une cer- 
taine importance. Bien que saint Luc n'en ait pas parlé, 
Act., xvi, 6, d'une manière explicite, il le laisse entre- 
voir néanmoins par l'expression « affermissant tous les 
disciples », xvm, 23, qui, cela va de soi, suppose une 
première évangélisation. La Galatie, placée sur la grande 
artère qui reliait Byzance à l'Orient, était toute dési- 
gnée pour être le centre d'une juiverie importante. 
Ancyre, capitale de l'ancien royaume galate, Tavium et 
Pessinonte, villes de second ordre, avaient des syna- 
gogues. La grande inscription d' Ancyre, conservée sur 
les murailles du temple d'Auguste, établit que les Juifs 
de ces contrées jouissaient de franchises et d'immunités 
considérables. Mommsen, Res gestss divi Augusti, p. x. 
Il y avait, dans ce pays, un point d'appui favorable pour 
la prédication apostolique et plus tard, hélas, un ter- 
rain préparé pour les entreprises des judaïsants. 

La religion des tribus celtiques émigrées, depuis plus 
de trois siècles, dans ces plateaux montagneux que 
traverse le fleuve Halys, était le culte des anciens 
druides, amalgamé avec les cultes phrygiens de Zeus 
et de Cybèle. Quand, en l'an 26 avant J.-C, la Galatie 
devint province romaine, on ajouta à ces cultes celtes 
et grecs celui de l'empereur. Les trois tribus dont se 
composait la contrée des Galates avaient fait élever, 
dans ce but, à Ancyre, un temple au divin Auguste et à 
la déesse Rome, et ils ne crurent pas pouvoir mieux 
honorer la mémoire du monarque qui avait été leur 
bienfaiteur qu'en y faisant graver le testament politique 
qu'il avait composé lui-même. Tel était le milieu où 
Paul avait semé l'Évangile avec tant de fruit, où il avait 
reçu, de la part des néophytes, des marques de tendresse 
et de sollicitude. Après avoir consolidé son œuvre, 
l'Apôtre revint vers l'Ouest, et il revit les communautés 
qu'il avait laissées en Phrygie, probablement dans la 
partie de cette ancienne province qu'on appelait Phrygie- 
Épictète et qui confinait à la Mysie. — Plusieurs exé- 
gètes appliquent les textes d'Actes, xvi, 6, et xvni, 23, à 
la Galatie romaine, c'est-à-dire aux régions évangélisées 
par saint Paul lors de sa première mission. Act., xm- 
xiv. Cf. Le Camus, L'œuvre des Apôtres, t. h, p. 84. 

2. Séjour à Éphèse. Act., xix, 1-40. — En descendant 
des hauts plateaux de la Phrygie septentrionale, Paul 
s'engagea dans la vallée du Méandre, la suivit quelque 
temps, puis, après plusieurs jours de marche, il entra 
dans la belle et vaste plaine où le Caystre se rapproche 



de la mer et forme une sorte de lagune. « Là, en partie- 
dans les marais, en partie accrochée aux pentes du 
mont Coressus, épaulée, d'ailleurs, au mont Prion et 
par ses faubourgs à une autre colline isolée, s'élevait la 
ville immense destinée à être la troisième capitale du 
christianisme, après Jérusalem et Antioche. » Renan, 
Saint Paul, p. 332. Au point où se trouvait, pour 
l'heure, le développement de la foi nouvelle, aucune- 
ville d'Orient n'offrait plus de facilités pour être le 
centre des missions chrétiennes. Antioche, depuis le 
progrès des dernières missions, ne répondait plus aux 
nécessités de l'apostolat : elle était trop éloignée par 
rapport aux Églises de Grèce et de Macédoine. Du côté 
de la terre, Ephèse donnait accès sur une des plus 
riches provinces de l'Empire; de belles et nombreuses- 
routes conduisaient le voyageur dans des villes floris- 
santes comme Smyrne, Pergame, Magnésie, Thyatire, 
Sardes, Philadelphie, Colosses, Laodicée, Hiéropolis r 
Tralles, Milet, où le nom du Christ n'avait pas encore 
été prononcé. Par mer, on communiquait avec tous les 
grands ports de la Méditerranée. Éphèse était, de plus, 
le point terminus le plus direct entre Rome et l'Asie, 
ce qui amenait dans ses murs une foule de commer- 
çants et de voyageurs de toutes les parties de l'Italie et 
de la Grèce. Le culte d'Artémis, ou Diane, célèbre dans 
le monde entier, Pline, H. N., xix, 27, avait fait de 
celte ville un centre de pèlerinage très fréquenté. Du- 
rant le mois artémisien, en mai, le concours des pèle- 
rins était extraordinaire. Voir Éphèse, t. n, col. 1831, 
A côté de la population païenne, vivait depuis plus de 
deux siècles une colonie juive, active, fidèle à sa foi 
monothéiste et à l'austère pureté de mœurs de ses 
pères. Josèphe, Cont. Apion., n, 4. Les Juifs d'Éphèse 
occupaient même, dans la famille d'Israël, une situation 
privilégiée. En relations quotidiennes avec Rome, 
Alexandrie, Jérusalem, elle était un des principaux 
centrés de la Dispersion et comme l'aboutissement du 
monde juif. Nulle part on ne pouvait être mieux placé 
pour savoir, au plus tôt, ce qui se passait dans la 
famille d'Israël tout entière. 

A) Fondation de l'Église d'Éphèse. Act., xxvm, 24-xix, 
20. — Les débuts du christianisme, dans la métropole 
d'Asie, sont assez -obscurs. Il paraît cependant qu'il 
s'était formé, autour d'Aquila et de Priscille, un noyau 
de fidèles de quelque importance, avant le retour de 
Paul en cette ville. Act., xvm, 24. Un des adhérents de 
là première heure fut sans doute cet Épénète que Paul 
qualifie de « prémices de l'Asie ». Rom., xvi, 5. Les 
Actes ne mentionnent, d'une manière expresse, que la 
conversion d'un Juif, nommé Apollo. Voir Apollo, t. i, 
col. 774. Quand Paul arriva à Éphèse, il alla loger chez ses 
anciens hôtes de Corinthe, I Cor., xvi, 19, et y reprendre 
la pratique de son état. Éphèse était alors célèbre 
par ses tentes. Plutarque, Alcib., 12 ; Athénée, xn, 47. 
L'Apôtre prit ses dispositions pour un long séjour. 
Tout l'invitait à se fixer, d'une manière durable, dans 
un centre si important. Il dut se renseigner au plus 
vite sur l'état religieux de la ville. Il fit d'abord 
connaissance avec les membres de l'Église : c'étaient 
sans doute des Juifs, qui, sans quitter la synagogue, 
s'étaient attachés à la foi d'Aquila et de Priscille. Or, il 
découvrit, parmi eux, un certain nombre de disciples 
(ils étaient douze) qui avaient reçu le baptême de Jean 
et n'en connaissaient pas d'autre. Paul compléta leur 
instruction, les baptisa au nom de Jésus et leur imposa 
les mains. Aussitôt l'Esprit descendit sur eux : ils se 
mirent à parler en diverses langues et à prophétiser 
comme les disciples, le jour de la Pentecôte. Après avoir- 
éclairé et affermi ce petit cercle de croyants, Paul di- 
rigea ses efforts vers la synagogue. Durant trois mois, il 
y parla tous Tes samedis du royaume de Dieu. Sa parole 
eut un grand succès. Mais, une fois de plus, il se heurta 
à l'incrédulité de quelques obstinés qui cherchaient à- 



■2217 



PAUL (SAINT) 



221 8 



provoquer un éclat. Il se retira donc, pour prêcher, 
•dans la Schola d'un rhéteur nommé Tyrannus, Act., 
xviii, 7, sans doute affilié à la nouvelle doctrine. Ce fut 
là que Paul fit entendre, tous les jours, pendant plus 
de deux ans, Act.,xx, 12,1a parole évangélique, s'adres- 
sant, indistinctement, aux Juifs et aux Gentils. Il 
ajoutait encore, à ces discours publics, un autre genre 
d'apostolat, celui des visites à domicile et des conver- 
sations privées. Act., xx, 20, 31. Son zèle franchit bientôt 
les murs de la métropole et se répandit dans les pein- 
•cipales villes de l'Asie proconsulaire, f. 37, où il dut 
fonder des Églises florissantes. En même temps, d'éton- 
nants miracles, fort au-dessus des pratiques de magie 
<n usage à Éphèse, avaient créé, autour du nom de 
Paul, une réputation de thaumaturge divin. On exaltait 
surtout son pouvoir de guérison. Des exorcistes juifs, 
voyant l'efficacité merveilleuse des formules de Paul, 
■essayèrent de les imiter et d'employer, dans leurs 
exorcismes, « le nom de Jésus que prêche Paul. » 
Mais le diable se -jeta sur eux et les accabla de coups. 
L'événement fit du bruit. Bon nombre de ceux qui, 
même après leur conversion, avaient continué à se 
livrer à la sorcellerie, furent saisis de crainte et appor- 
tèrent à Paul leurslivres de magie et les brûlèrent. 

JS) Paul écrit l'Épître aux (ialates. — Ce fut, à ce 
•qu'il semble, dans les premiers mois de sa venue à 
Éphèse que Paul apprit les ravages exercés par les ju- 
daïsants dans le pays des Galates. Déjà, lors de son 
■dernier voyage dans ces contrées, des tendances de ce 
genre s'étaient fait jour et avaient éveillé la vigilance de 
Paul. Gai., i, 9. On avait cherché à diminuer la confiance 
des fidèles dans l'enseignement de leur Apôtre. Paul 
avait tout remis en ordre et pouvait dire en les quittant : 
« Vous courrez bien. » Gai., v, 7. Mais, aussitôt après 
son départ, les troubles recommencèrent. Un phariséo- 
chrétien de marque, venu sans doute de Jérusalem, se 
mit à battre en brèche, avec la dernière violence, la 
doctrine et les titres de Paul à l'apostolat. Il réussit à 
ébranler la confiance des néophytes. Sous prétexte de 
stimuler leur zèle pour la perfection, il mettait tout en 
œuvre pour les amener aux observances légales, voire 
même à la circoncision. La séduction n'était pas 
■encore arrivée à ses fins. Il restait, dans l'Église, un 
noyau d'hommes spirituels, vr, 1, qui paraît avoir ré- 
sisté à l'entraînement. C'est peut-être par quelqu'un 
d'entre eux que Paul avait appris la crise dont était 
menacée la communauté tout entière. Les relations 
entre la Galatie du Nord et la province d'Asie étaient 
très fréquentes. Sans tarder, Paul dépêcha un de ces 
disciples avec cette Épitre admirable qu'on peut com- 
parer, sauf l'art d'écrire, aux plus belles œuvres clas- 
siques, et où son impétueuse nature s'est peinte en 
lettres de feu. Renan, Saint Paul, p. 314. Par la même 
occasion, il prescrivait aux fidèles de ces contrées la 
collecte en faveur des pauvres de Jérusalem. I Cor., 
xvi, 1. On ignore l'effet que produisit la lettre aposto- 
lique. Mais on a lieu de croire qu'elle ramena la paix 
au sein des Églises troublées, puisque, peu de temps 
après, ces dernières vinrent grossir, avec leur épargne, 
les aumônes destinées au soulagement de l'Église-mère, 
en Judée. Gai., il, 10; Act., xx, 34. / x 

C) Relations avec l'Église de Corinthe. — Parmi les 
graves préoccupations qui ont pesé sur l'âme de l'Apôtre 
durant ses trois ans de séjour à Éphèse, aucune n'a 
égalé, en importance et en intensité, celle qui lui venait 
de Corinthe. 

1" Il faut, apparemment, dater des premiers mois qui 
suivirent l'arrivée de Paul en Asie la première lettre, 
aujourd'hui perdue (la nôtre est donc en réalité la 
seconde) qu'il adressa aux fidèles d'Achaïe. ICor., v, 9. 
Elle avait été occasionnée, semble-t-il, par le retour de 
certains fidèles aux habitudes de la vie païenne. Pour 
couper court aux scandales de cette nature, Paul avait 



ordonné de rompre toute relation avec de telles gens, 
et cela, dans des termes si absolus, qu'ils exigèrent plus 
tard des éclaircissements. 

2» Quelques mois après, les Corinthiens députèrent 
à Éphèse trois délégués, chargés de porter une lettre 
où ils demandaient à l'Apôtre des explications sur divers 
points de morale. I Cor., vu, i. Dans l'intervalle, étaient 
arrivés les gens d'affaires d'une riche dame de Corinthe, 
qui révélèrent les désordres dans lesquels était tombce 
la jeune Église grecque. 

3° Paul écrit une nouvelle lettre, qui est notre pre- 
mière Épître aux Corinthiens, I Cor., iv, 17; xvi, 10, et 
peu après, il envoie Timothée à Corinthe afin de veiller 
à l'exécution des mesures qu'il avait prescrites dans 
sa lettre. Le fidèle disciple devait annoncer la collecte 
en Macédoine et la faire commencer en Achaïe, pour 
préparer le voyage de son maître à Jérusalem. Ici, la 
fin de l'épître, I Cor., xvi, rejoint la narration dos 
Actes, v, 21, 22, et en précise la portée. 

4° Timothée aborde à Corinthe au moment où l'orage 
allait éclater. Loin de calmer les esprits, sa présence les 
irrite. Les judaïsants profitent de cette situation em- 
barrassée pour mettre à exécution leurs projets né- 
fastes. N'y tenant plus, le jeune et timide disciple, 
I Cor., xvi, 10, revient à Éphèse apporter à l'Apôtre ces 
tristes nouvelles. 

5° Celui-ci, a-t-on supposé, franchit par mer la dis- 
tance qui le sépare de Corinthe, dans l'espoir de rame- 
ner l'ordre et la paix, mais si ce voyage eut lieu, ce que 
la plupart des exégètes n'admettent pas, son autorité 
fut méconnue. Il fut même gravement insulté dans une 
assemblée publique. I Cor., il, 1-10. Il se retira -à 
Éphèse, l'âme accablée de tristesse et il adressa aux 
Corinthiens une lettre sévère, II Cor., vu, 8, lettre 
perdue, qu'il faut intercaler entre notre première et 
notre seconde Épitre aux Corinthiens. Inquiet de l'effet 
produit, il envoya Tite à Corinthe, peut-être à la suite 
d'une sorte de revirement qui s'était dessin! dans 
l'Église infidèle, et dont il venait de recevoir la confi- 
dence par quelque frère de passage ou par quelque 
messager. Vers ce même temps, il quitta lui-même 
Éphèse et se rendit en Macédoine en passant par Troade. 

jD) Paul quitte Éphèse. — Un incident qui aurait pu 
avoir, pour Paul et ses Eglises d'Asie, des conséquences 
excessivement graves, vint le forcer à devancer son 
départ; ce fut l'émeute excitée par Démétrius, un des 
principaux orfèvres de la ville. Frappé d'une baisse 
progressive dans la vente des produits de- son industrie 
— ce qui prouve, mieux que tout autre argument, le 
progrès de l'Évangile à Éphèse et dans les contrées avoi- 
sinantes — l'habile artisan ameuta les ouvriers contre 
la doctrine nouvelle. Voir Démétrius 3, t. n, col. 1361-. 

3. Nouveau séjour en Macédoine. Act., xx, 1-2. — 
Dès que le calme fut rétabli, Paul fit ses adieux à la 
communauté d'Éphèse et prit la route du Nord. Il ne 
lui parut pas opportun de se rendre directement à 
Corinthe, par voie de mer, avant d'avoir reçu de Tite 
des nouvelles de sa troisième lettre. La prudence lui 
commandait d'aller attendre à Troade l'arrivée de son 
disciple et de n'agir qu'après l'avoir revu. Il partit 
donc, accompagné de Timothée ; peut-être même s'ad- 
joignit-il, dès ce moment, les délégués d'Éphèse et de 
Galatie, t. 4, chargés de porter à Jérusalem les offrandes 
de leurs communautés respectives. La troupe aposto- 
lique dut arriver à Troade dans les premiers jours de 
juin de l'an 57. Paul comptait y trouver Tite. Mais 
contrairement à ses prévisions, il ne rencontra per- 
sonne. Quelques semaines se passèrent ainsi, sans qu'il 
fût possible de savoir ce qu'était devenu Tite. L'âme de 
l'Apôtre fut alors livrée aux plus cruelles agitations. Par 
moment, il se croyait au bout de ses forces et de sa pa- 
tience, au point de désirer la mort. II Cor., i, 8. Les plus 
graves appréhensions obsédaient son esprit. Il craignait 



2219 



PAUL (SAINT) 



2220 



que sa dernière lettre n'eût tout détruit à Corinthe. 

Ce fut au milieu de ces inquiétudes qu'il évan- 
gélisa Troade, II Cor., n, 12, avec beaucoup de succès. 
Il logeait, pendant ce temps, chez un certain Carpus, 
II Cor., iv, 13, dont la demeure paraît avoir été le centre 
de réunion des nouveaux fidèles. Act., xx, 7-9. Tite 
n'arrivant pas, l'Apôtre résolut de prendre les devants 
et de passer en Macédoine. Il revit ses chères Églises 
du Nord et de la Grèce, Philippes, Bérée, Thessalo- 
nique, si parfaites, si généreuses, si dévouées à sa per- 
sonne. Sur ces entrefaites, Tite le rejoignit enfin et le 
consola de tous ses chagrins. II Cor., vu, 6. Les nou- 
velles qu'il apportait étaient excellentes 1 . Les fidèles de 
Corinthe, un instant surpris, étaient revenus, avec la 
réflexion, à de meilleurs sentiments. Ce qui avait achevé 
de les ramener au devoir, c'était la lettre de l'Apôtre. 
Elle avait produit sur les esprits une impression pro- 
fonde. On l'avait écoutée avec des larmes de douleur et 
de respect. La victoire était presque complète. Il ne res- 
tait, parmi ses fidèles, qu'un petit nombre d'irréductibles. 
Les autres regrettaient leur conduite passée, deman- 
daient pardon à l'Apôtre, désiraient vivement le revoir. 
La collecte avait été retardée par les divisions intes- 
tines, mais avec le nouvel état de choses qui s'annon- 
çait, elle promettait de devenir fructueuse. Tite avait 
tout rétabli avec une prudence consommée. 

Ces nouvelles remplirent de joie l'âme de l'Apôtre. 
Il se sentit revivre. C'est dans ces dispositions qu'il dicta 
à Timothée une nouvelle lettre (la quatrième, par 
conséquent, celle que nous appelons la seconde), aux 
Corinthiens, le plus beau morceau d'éloquence qui 
soit sorti de la plume de Paul. On y retrouve le double 
courant d'impressions qui partageait alors son âme : 
sentiments de joie, de tendresse, de reconnaissance, 
presque de regrets pour quelques expressions un peu 
dures de sa lettre précédente : tout cela pour la majorité 
fidèle. Quant à la minorité qui demeure, jusqu'ici, obs- 
tinémeiit hostile à ses conseils, il l'accable de ses me- 
naces et de sa mordante ironie. Cette lettre a donc été 
écrite en Macédoine, soit à Philippes, soit à Thessalo- 
nique, d'où Paul dut rayonner, sans doute, dans toutes 
les parties de la Grèce septentrionale, apportant aux 
disciples la joie de sa présence et les lumières de ses 
enseignements. 

L'Épitre, ainsi rédigée, fut portée à Corinthe par 
Tite, et par deux frères, choisis parmi les délégués des 
Églises. II Cor., vin, 6, 16, 18, 22, 23 ; rx, 5. Paul atten- 
dit, en Macédoine, l'effet de cette dernière missive. Tite 
avait ordre, durant ce temps, de préparer les fidèles 
d'Achaïe à la venue de son maître, de vaincre les der- 
nières résistances, de rassurer les consciences, de faire 
achever la collecte. Pour stimuler la générosité des 
Corinthiens, l'Apôtre lui adjoignit deux députés très en 
vue dans les Églises. Leur présence forcerait les plus 
récalcitrants à s'exécuter de bonne grâce. En attendant, 
l'Apôtre s'édifiait au contact de ses églises macédo- 
niennes. Il resta, parmi elles, une bonne partie de 
l'année 57, environ six mois, de la fin de juin au com- 
mencement de décembre. Quelques exégètes placent à 
cette époque un voyage de Paul en Illyrie. Voir Tite 
(Èpitre a). 

3. Troisième séjour à Corinthe. Act., xx, 2. — Quand 
Paul jugea que les esprits, à Corinthe, étaient suffisam- 
ment préparés à son retour, il se dirigea vers l'Achaïe, 
ayant avec lui les délégués des diverses Églises où 
il avait prescrit la collecte : Sopater ou Sosipater, 
fils de Pyrrhus, de Bérée, Aristarque et Secundus, de 
Thessalonique, Gaïus, de Derbé, et Timothée, origi- 
naires de Lycaonie, enfin, Tychique et Trophime, députés 
d'Éphèse.Toute cette pieuse caravane était fort imposante 
et devait faire impression sur les Églises helléniques. 
Paul et "ses compagnons durent aborder, à Corinthe, 
dans les derniers jours de décembre. Ils y passèrent les 



trois mois d'hiver (décembre 57 à février 58) attendant, 
pour se mettre en route, le retour du printemps. Cette 
fois, l'Apôtre, n'ayant plus à sa disposition la pieuse 
hospitalité d'Aquila et de Priscille, alla loger chez un 
certain Caïus, converti de la première heure, baptisé 
de sa propre main. Rom., xvi, 23; I Cor., 1, 14. Il y 
passa dans la paix et la joie, les derniers instants de 
repos de sa carrière si active. Ce fut alors qu'il rédigea, 
sous forme d'épître, un exposé doctrinal de sa théologie. 
C'est de son troisième séjour â Corinthe qu'il faut dater 
l'épître connue sous le titre « d'Épitre aux Romains », la 
quatrième année de Néron, l'an 58. 

4. Retour à Jérusalem, Act., xx, 3-xxi, 17. — Après 
avoir remis à Phœbé, diaconesse de Cenchrée, le mes- 
sage destiné à l'Église de Rome, l'Apôtre s'apprêtait à 
prendre la mer, dans l'espoir d'arriver dans la ville 
sainte pour les fêtes de Pâques, quand on découvrit 
un complot formé par les Juifs pour le tuer durant le 
voyage. Il fallut changer d'itinéraire. On résolut de 
repasser par laMacédoine. L'Apôtre enprofita pour revoir 
sa chère communauté de Philippes et y célébrer la 
pâque. Il eut la joie de revoir le narrateur des Actes, 
qu'il y avait laissé, lors de sa seconde mission, et l'atta- 
cha de nouveau à sa personne. Le temps des azymes 
passé, Paul et Luc firent route vers Troade. Ils y retrou- 
vèrent les délégués des Églises qui avaient pris les 
devants. On passa toute une semaine à Troade parmi les 
frères de la nouvelle Église. La veille du départ, un 
dimanche, on se réunit, le soir, pour rompre le pain 
eucharistique. On sait à la suite de quelles circonstances 
l'Apôtre eut à reproduire le miracle d'Élie et d'Elisée 
(IVReg., iv, 34) pour un jeune homme, nommé Eutyque, 
qui, s'étant laissé aller à un profond sommeil pendant 
le discours d'adieu, était tombé du troisième étage sur 
le sol. A l'aube, le navire emportait les compagnons de 
Paul. Lui, prenait la voie de terre, voulant faire à pied 
le trajet de Troade à Assos où il rejoignit, pour ne plus 
les quitter, les délégués des Églises. A partir de ce 
moment, l'auteur des Actes relate, avec la précision d'un 
journal de voyage, toutes les stations que l'on fit avant 
d'arriver à Césarée. Le premier jour, on alla d'Assos 
à Mitylène, où l'on fit escale; le lendemain on arrivait 
à la hauteur de 111e de Chio ; le troisième jour, on 
cinglait vers Samos et, après s'être arrêté à Trog;yIium, 
au pied du mont Mycale, entre Éphèse et l'embouchure 
du Méandre; le quatrième jour, on était à Milet. Là 
Paul eut du regret d'avoir passé devant Éphèse sans y 
aborder. Il avait craint que l'amitié des fidèles ne 
retardât son voyage, et il désirait célébrer la Pentecôte à 
Jérusalem. Il fit donc mander les anciens d'Éphèse pour 
leur adresser, avec ses derniers conseils, un suprême 
adieu. Le discours qu'il prononça, lorsqu'ils furent 
réunis, a gardé, sous la plume du narrateur des Actes 
qui était présent, la force d'attendrissement qu'il eut 
sur l'assemblée. Quand l'Apôtre eut fini de parler, il se 
mit à genoux pour prier. Tous l'imitèrent. L'émotion 
était à son comble. Un sanglot étouffé interrompit 
leur prière. La parole de Paul : « Vous ne verrez plus 
mon visage, » leur avait percé le cœur. Alors chacun à 
leur tour, les anciens d'Éphèse s'approchèrent de l'Apô- 
tre, reposèrent longuement la tête sur son épaule, selon 
la coutume orientale, et l'embrassèrent. L'heure du dé- 
part venue, ils suivirent Paul jusque sur le rivage et là, 
dit saint Luc, il fallut nous arracher d'eux. Act., xxi, 1. 

Le vaisseau se dirigea sur Cos où le portait un bon 
vent arrière. De là,'marchant vers l'est, il arriva à Patare 
sur la côte de Lycie. Là, Paul et ses compagnons vou- 
lant abréger le voyage montèrent sur un vaisseau qui 
faisait voile vers les côtes de Phénicie. Après six ou 
sept jours, ils arrivaient à Tyr où ils visitaient l'Eglise. 
Cette communauté était un fruit des premières missions 
qui suivirent la mort de saint Etienne. Act.,xn, 19. Paul 
n'y étaitpas inconnu. Act., xv, 3. On l'accueillit avec joie 



2221 



PAUL (SAINT) 



2222 



et il promit de passer avec les frères sept jours entiers. 
On voulut le détourner d'aller à Jérusalem, mais il resta 
inflexible. 11 dit adieu aux fidèles, les laissant en proie aux 
plus tristes pressentiments, et nolisa une barque pour 
Ptolémaïde. Le soir même, il abordait à Ptolémaïde où 
il alla saluer le petit groupe de fidèles qui s'y trouvait. 

Le lendemain, il partait à pied pour Césarée. Arrivés 
là, Paul et sa suite allèrent loger chez Philippe, l'un des 
sept diacres, qui depuis de longues années s'était fixé 
à Césarée. Sur ces entrefaites, arriva de Judée le pro- 
phète Agabus que Paul avait connu, quelques années a upa- 
ravant, à Antioche. Imitant les actions symboliques des 
anciens prophètes, il entra silencieusement dans l'assem- 
blée des fidèles, s'approcha de Paul, prit sa ceinture, 
s'en lia les pieds et les mains, puis s'écria, ;d'un ton 
inspiré : « L'Esprit-Saint dit cela : L'homme à qui appar- 
tient cette ceinture sera aussi lié à Jérusalem par les 
Juifs et livré aux mains des Gentils. » Effrayés, les 
fidèles de Césarée et les compagnons de Paul eux- 
mêmes joignirent leurs prières pour supplier l'Apôtre 
de ne pas monter à Jérusalem. « Que faites-vous, leur 
répondit-il, pourquoi pleurer ainsi et me briser le cœur? 
Je suis prêt non seulement à être lié, mais à mourir à 
Jérusalem pour le nom de Jésus. » Ses disciples com- 
prirent qu'il serait inflexible et qu'il ne fallait pas 
insister davantage. « Que la volonté de Dieu se fasse ! » 
La Pentecôte était proche : il fallait partir. Plusieurs 
des fidèles de Césarée tinrent à honneur de partager le 
péril : ils se mirent à la suite de Paul emmenant avec 
eux un certain Mnason de Chypre, ^très ancien disciple, 
qui avait une maison à Jérusalem. L'Apôtre et les 
siens devaient loger chez lui, y trouver un abri sûr en 
cas de danger. 

5. Dernier séjour à Jérusalem. Arrestation. — Une 
journée de marche suffit à la pieuse caravane pour arriver 
le soir à Jérusalem. Les nouveaux venus furent ac- 
cueillis avec joie par un groupe de frères amis. Le 
lendemain, ils faisaient leur visite au chef de l'Eglise- 
mère, c'est-à-dire à Jacques et aux anciens. Les Apôtres 
étaient probablement absents de la ville sainte. Paul et 
ses compagnons se trouvèrent donc en face du parti 
judéo-chrétien. Il fallait s'expliquer. Les appréhensions 
que l'Apôtre témoignait déjà dans l'Épître aux Romains, 
sur les dispositions avec lesquelles les saints de Jéru- 
salem agréeraient son offrande, les lacunes des églises 
de Phénicie, les prédictions d' Agabus, sont autant de 
raisons graves qui laissent supposer, dans la communauté 
de Jérusalem, la mauvaise opinion, presque l'hostilité 
que l'on avait à l'égard de Paul et de son œuvre. Il se 
peut que les anciens n'aient pas complètement partagé 
ces préventions. En tout cas, ils ne se méprennent pas 
sur les sentiments des fidèles. Ils prévoient les mécon- 
tentements, les colères, peut-être les vengeances que 
l'arrivée de l'Apôtre des Gentils va provoquer. 

Aussi, à peine Paul avait-il présenté à Jacques et 
^uxanciens les délégués AeÉ Églises, remis les sommes 
de la collecte, raconté les grandes choses que Dieu avait 
faites, par son ministère, dans le monde païen, que le 
chef de l'Église de Jérusalem, traduisant l'impression 
commune, s'écria : « Tu vois, frère, combien est grand 
le nombre des croyants parmi les Juifs; et tous sont 
d'ardents zélateurs de la Loi. Or, ils ont entendu dire 
que tu enseignes aux Juifs, dispersés parmi les nations, 
l'apostasie de la loi de Moïse, les détournant de circoncire 
leurs enfants et de marcher selon les coutumes juives. 
De tous côtés, ils vont apprendre ton arrivée. Fais ce 
que nous allons te dire. Nous avons ici quatre hommes 
ayant contracté un vœu. Prends-les, purifie-toi avec eux, 
supporte les frais qu'entraîne la cérémonie de consé- 
cration des nazaréens, et tous sauront alors que ce qu'ils 
ont entendu dire de toi n'est rien et que, toi aussi, tu 
observes la Loi. » Act., xxi, 20-26. Paul pouvait, en toute 
bonne foi, consentir à ce qu'on lui demandait comme 



une preuve de son respect pour la Loi. S'il n'admettait 
plus l'efficacité des rites mosaïques, il y avait un principe 
supérieur qui lui suggérait cette condescendance, celui 
de la charité. N'avait-il pas lui-même tracé cette règle 
de conduite : renoncer à sa liberté pour ne pas scan- 
daliser son frère? I Cor.,ix, 19, 20. Une fois de plus, il 
se fit juif avec les Juifs, se rendit au temple avec quatre 
nazaréens dont il se chargeait de payer les frais de 
purification, satisfit à toutes les exigences de l'acte de 
dévotion qu'on lui avait demandé. 

Il en était au cinquième jour de son vœu quand des 
Juifs d'Asie le découvrirent dans le temple, pendant 
qu'il y acomplissait les prescriptions du nazaréat. Ils 
l'avaient reconnu, quelques jours auparavant, en com- 
pagnie de Trophime qui était d'Éphèse. Leur fanatisme 
s'exalta. Ils supposèrent ou feignirent de croire que 
Paul, au mépris des prescriptions légales, avait introduit 
Trophime, un gentil, dans la cour intérieure du hiéron, 
lieu strictement réservé aux seuls fils d'Israël. « Au se- 
cours, enfants d'Israël, s'écrièrent-ils. Voici l'homme qui 
déclame partout contre lepeuple juif, contre la Loi, contre 
ce saint lieu. Voici le profanateur du temple, celui 
qui a introduit des païens dans le sanctuaire. » Toute 
la ville fut bouleversée. Le peuple accourut au temple. 
Les Asiatiques s'emparèrent de Paul, l'entraînant hors 
du sanctuaire. A peine fut-il sorti que les lévites, redou- 
tant la pollution du lieu saint, fermèrent les portes 
derrière lui. C'en était fait de la malheureuse victime, 
si le tribun de la cohorte qui représentait, à Jérusalem, 
le pouvoir romain, ne l'eût arrachée à ces forcenés. 
Claudius Lysias, c'était le nom du tribun, donna ordre, à 
ses soldats, de mener Paul à la tour Antonia qui se trou- 
vait à l'angle nord-ouest du temple. Arrivé à la porte 
de la tour, Paul demanda au tribun de le laisser parler 
au peuple et fit en hébreu, sur les marches de l'escalier, 
l'histoire de sa conversion. On avait d'abord prêté une 
attention favorable à son discours, mais quand il en vint 
à raconter sa vocation à l'apostolat des Gentils, les cris 
recommencèrent avec plus de violence : A mort, à 
mort! criait-on de toutes parts. Le tribun effrayé avait 
d'abord essayé de calmer la foule en mettant le prisonnier 
à la torture. Mais quand celui-ci eut décliné son titre 
de citoyen romain, Claudius Lysias recourut à un autre 
moyen pour connaître la cause de l'émeute. Il convoqua, 
pour le lendemain, le haut sacerdoce et le sanhédrin. 
Paul, délivré de ses chaînes, comparut devant le grand- 
prêtre Ananie et son conseil composé de pharisiens et 
de sadducéens. L'accusé tira un parti merveilleux des 
divergences d'opinions qui partageaient les deux groupes 
rivaux. « Frères, s'écria-t-il, je suis pharisien, fils de 
pharisien, savez-vous pourquoi l'on m'accuse? Pour 
mon espérance en la résurrection des morts. » Ces mots 
déchaînèrent la guerre dans l'assemblée, les uns dé- 
fendant Paul, les autres voulant lui faire un mauvais 
parti. Le tribun fit alors reconduire le prisonnier à 
la tour. Ayant appris, par le neveu de Paul, que des 
zélotes avaient formé le projet de profiter d'une nou- 
velle audience pour tuer l'accusé, il résolut d'envoyer 
Paul à Césarée, se déchargeant, sur le procurateur, 
de cette affaire difficile. Une escorte de soldats, formée 
en hâte pendant la nuit, reçut l'ordre de conduire le 
prisonnier à Césarée où, peu de jours après, ses dis- 
ciples le rejoignirent. 

III. La. captivité. — Une nouvelle période s'ouvre, 
dans la vie de Paul, du jour où il fut remis à l'autorité 
romaine. Désormais il ne pourra plus entreprendre de 
longues expéditions apostoliques. Mais, jusque dans les 
liens, l'Apôtre restera l'homme d'action éminent, l'âme 
forte, le conquérant, le missionnaire incomparable que 
rien n'arrête, ne décourage. La cellule du prisonnier de- 
viendra un foyer de prédication ardente. L'Évangile du 
Christ va maintenant retentir dans les prétoires.Uh monde 
nouveau entendra la doctrine du salut. Les chaînes elles- 



2223 



PAUL (SAINT) 



2224 



mêmes, qu'il montrera, avec une sorte d'ostentation, se- 
ront à elles seules une espèce de prédication. Paul, en 
faisant de nouvelles conquêtes, n'oubliera pas les Églises 
qu'il a fondées en Grèce, en Asie Mineure, en Macédoine. 
Une active correspondance, dont nous ne possédons 
sans doute que des fragments, le mettra en relations 
suivies avec ses chères communautés d'Orient. Il 
continuera à veiller sur elles, à les défendre contre les 
insinuations de l'erreur, à ramener la paix, l'harmonie, 
l'union des âmes, lorsqu'elle menacera d'être troublée, 
à les stimuler dans la voie parfaite, aies élever jusqu'aux 
plus hauts mystères de la sagesse chrétienne. 

1» Captivité à Césarée. Act., xx.ni, 33-xxvi. — Dès 
son arrivée, Paul fut remis, par le -chef de l'escorte, à 
Félix, qui, suivant le mot célèbre de Tacile, gouvernait 
alors la Judée, avec les pouvoirs d'un roi et l'âme d'un 
esclave. Après un interrogatoire très bref, le procurateur 
déclara au prisonnier qu'il entendrait la cause, quand 
les accusateurs seraient arrivés. Pour l'instant, il le 
fit garder dans l'ancien palais d'Hérode le Grand, qui 
servait depuis de résidence aux procurateurs romains. 
Peu de jours après, le grand-prêtre Ananie vint en per- 
sonne avec quelque sanhédrites. Il fit parler en son 
nom un avocat nommé Tertullus. Celui-ci insista sur- 
tout sur la violation prétendue du temple, laquelle 
soumettait, de droit, le coupable, à la juridiction du 
sanhédrin. Paul, sur un signe de Félix, ayant pris la 
parole, n'eut pas de peine à prouver qu'il n'avait rien 
fait contre le Temple, qu'il n'avait ni prêché, ni discuté, 
ni fait d'attroupement durant son dernier séjour à Jéru- 
salem. Puis, renouvelant la tactique oratoire qui l'avait 
si bien servi, en pareille circonstance, il dit qu'au 
fond, le seul crime dont on l'accusait était de croire à la 
résurrection. Le procurateur comprit, à ces mots, qu'il 
s'agissait de questions purement religieuses. Il leva brus- 
quement la séance, prétextant qu'il ne jugerait l'affaire 
qu'après avoir vu Claudius Lysias. Il voulait, en réalité, 
renvoyer sine die une cause qu'il jugeait embarrassante 
et se ménager la faculté d'exploiter, à son gré, la capti- 
vité du prisonnier. Il ordonna au centurion de traiter 
Paul avec douceur, de le laisser sans chaîne, simple- 
ment gardé à vue par un soldat. On permit aussi à ses 
disciples et à ses amis de s'approcher de lui et de 
le revoir. Drusille, l'épouse de Félix, voulut entendre 
le prisonnier. Comme elle était juive — elle était la sœur 
d'Hérode Agrippa II — elle désirait connaître la nouvelle 
hérésie qui se réclamait de la Loi et des prophètes, 
annonçant surtout la résurrection. Peut-être Félix atten- 
dait-il d'elle quelque lumière sur un sujet aussi étrange. 
Paul parla, devant eux, de la justice, de la continence, 
du jugement à venir, vérités trop dures pour des juges 
sans conscience et une femme adultère. Félix arrêta 
soudain cet orateur cruellement troublant : « En voilà 
" assez pour le moment, dit-il à Paul, je te ferai venir 
quand il sera temps. » 

Dans l'intervalle, il cherchait à lui persuader qu'avec 
une somme d'argent convenable, il lui délivrerait un 
non-lieu. L'âme de Paul était trop haute pour y consen- 
tir. Félix le retint donc en prison et le fit remettre à la 
chaîne. Cette aggravation ne priva pas totalement 
l'Apôtre de sa liberté. Il pouvait voir ses frères et ses 
disciples et ses compagnons de route, il correspondait 
avec ses Églises. Ainsi il chargea Tychique et Trophime 
d'une mission pour Éphèse. Act., xxvil, 2, comparé à 
IITim.,iv, 12;Tit., m, 12. On a même supposé (Reuss, 
Meyer, Hilgenfeld, Duchesne, Lesêtre) que les Épitres 
à Philémon, aux Colossiens, aux Éphésiens, avaient 
été rédigées durant les deux années de captivité à Cé- 
sarée. Il est assez vraisemblable que l'Apôtre ait fait 
porter, à ses Églises, des messages écrits qui avaient 
disparu sans doute quand on fit la collection des Épi- 
tres apostoliques; les trois lettres mentionnées plus 
haut sont, selon d'autres critiques, plus récentes : on 



les date, plus volontiers, de la captivité romaine. 

Félix ayant été rappelé en Italie pour se justifier de- 
vant l'empereur, son successeur, Porcius Festus, fut 
sollicité, par les Juifs, de reprendre la cause suspendue 
et de ramener le captif à Jérusalem pour y être jugé. 
Le nouveau procurateur consentit à entendre l'accusa- 
tion, mais à Césarée. II fit donc comparaître devant son 
tribunal Paul et ses adversaires. De nouveau, l'Apôtre 
soutint qu'il n'avait rien fait ni contre la Loi, ni contre 
le Temple, ni contre l'empereur. Comme Festus lui pro- 
posait de le reconduire à Jérusalem pour se défendre 
devant le tribunal religieux : « Je suis ici devant le tri- 
bunal de César, dit-il, je dois y être jugé, » Et, pour 
couper court à tout subterfuge, il déclara qu'il en appe- 
lait à l'empereur. Le citoyen romain, à quelque endroit 
du monde qu'il fût, avait le droit de se faire reconduire 
à Rome pour être jugé. Festus fut un peu surpris de 
l'attitude de l'accusé. Mais, après avoir pris l'avis de ses 
assesseurs, il rentra en séance et s'écria : « Tu en as ap- 
pelé à l'empereur; tu iras à l'empereur. » 

Sur ces entrefaites, Hérode Agrippa II et sa sœur Bé- 
rénice étaient venus visiter le nouveau procurateur; ce- 
lui-ci leur parla de son prisonnier, des doctrines 
étranges qu'il l'avait entendu exposer. « Justement, dit 
Agrippa, il y a longtemps que je voulais entendre cet 
homme. — Tu l'entendras demain, » répondit Festus. Le 
lendemain, en effet, Agrippaet Bérénice se rendirent dans 
la salle d'audience où, sous prétexte de s'éclairer sur 
le rapport dont on accompagnait toujours celui qui en 
avait appelé à César, Festus avait fait introduire le pri- 
sonnier. Sur l'invitation du roi Agrippa, Paul développa 
la thèse chrétienne, appuyant toutes ses déclarations de 
citations empruntées aux prophètes. Quand il en fut 
venu à la résurrection, Festus l'interrompit : « Tu es 
fou, Paul, lui dit-il, tes lectures t'ont fait perdre l'esprit. » 
Sans perdre contenance, l'apôtre se tourna vers le roi 
Agrippa, lui portant ce coup direct : « Roi Agrippa, dit- 
il, crois-tu aux prophètes? Oui, je le sais, tu y crois. » 
Agrippa se déroba par une réponse évasive où se mêlait 
l'ironie. Paul répondit avec un à propos et Une cour- 
toisie qui lui valurent les sympathies de l'assemblée. 
« S'il n'en avait pas appelé à César, dit Agrippa, il âur 
rait pu être mis en liberté. » 

2° Voyage de Césarée à Rome. Act., xxvii-xxvm, 15. 
— Paul maintenant son appel, on dut songer à hâter son 
départ. On approchait, en effet, de la fin de septembre 
et la navigation cessait fin octobre. Il fut remis, avec 
quelques autres prisonniers, à la garde d'un centurion, 
nommé Julius, appartenant à la cohorte prima Augusta 
Italica. Deux disciples de Paul, Luc et Aristarque de 
Thessalonique, obtinrent de prendre passage avec lui. 
On s'embarqua sur un vaisseau d'Adramytte, qui avait 
fait halte à Césarée et qui retournait en Mysie. On comp- 
tait trouver, en route, un navire allant en Italie. Le 
vent était favorable, on arriva le second jour à Sidon, 
où l'on s'arrêta. Julius, plein d'égards pour Paul, lui 
permit d'aller visiter les frères. Act., xi, 19; xv, 3; xxi, 
2, 4. On repartit de Sidon avec des vents contraires. On 
ne put prendre la haute mer. 11 fallut longer la côte 
orientale, suivre le canal entre Chypre et la Cilicie, 
traverser le golfe de Pamphylie et gagner Myre en Ly- 
cie. Cet endroit de la côte servait de point d'arrêt aux 
navires qui venaient d'Egypte quand les vents d'ouest 
les empêchaient de mettre le cap sur l'Italie. Julius 
trouva, dans ce port, un navire alexandrin en partance 
vers l'Italie. Il y transborda ses prisonniers. Le voyage, 
à partir de ce moment, devint très difficile. Le navire, 
retardé soit par le calme plat, soit par le vent contraire, 
n'arriva à la hauteur de Cnide qu'après plusieurs jours. 
Après avoir vainement tenté de s'abriter dans le port, 
on descendit vers l'île de Crête jusqu'au cap Salmoné, 
qui en forme la pointe orientale. On longe la côte de 
l'île assez péniblement de manière à atteindre le por t 



2225 



PAUL (SAINT) 



2226 



de Kali-Limenes (les Bons Ports), près de la ville de La- 
saea ou Alassa. On fit, dans cette anse, un assez long 
mouillage, en attendant un vent plus favorable. Ce re- 
tard rendait encore la navigation plus périlleuse. On 
avait dépassé le grand jeûne de l'Expiation. C'était, pour 
les Juifs, la limite au delà de laquelle les voyages ma- 
ritimes devenaient à peu près impraticables. Paul con- 
seillait d'hiverner. Mais Julius se rangea à l'avis du 
capitaine et du subrécargue qui voulaient gagner 
Pbœnice, port très connu des marins d'Alexandrie, sur 
la côte méridionale de Crète, où il serait plus facile de 
passer l'hiver. Une brise du midi venant à souffler, on 
leva l'ancre et on se mit à longer la côte. Tout à coup 
un ouragan d'est, l'Euraquilon, s'abattit du mont Ida 
sur les flots. Il fallut se laisser aller à la dérive. Après 
une course de vingt-deux milles, on passa près d'une 
île, nommée Cauda, où l'on prit toutes ses précautions 
en vue d'un naufrage qu'on jugeait inévitable. La tem- 
pête faisant rage, on jeta le lendemain la cargaison à 
la mer. Le troisième jour, on sacrifia les plus lourds 
agrès. La situation était affreuse. On passa plusieurs 
jours sans voir le soleil ni les étoiles : on ne savait où 
l'on allait. Les marins croyaient que l'on courait sur les 
Syrtes de l'Afrique. Tout le monde était désespéré. Seul , 
Paul gardait son assurance. Il encourageait l'équipage 
et les passagers, leur assurant que, dans une vision, 
Dieu lui avait accordé la vie de tous. Il ne se trompait 
point. La quatorzième nuit, les matelots soupçonnèrent 
la proximité de la terre. Voyant ce que la situation gar- 
dait de critique, ils cherchaient à se sauver eux-mêmes 
aux dépens des passagers. Sous prétexte de descendre 
les ancres de la proue, ils mirent la chaloupe à la mer 
-et cherchaient à prendre place, quand le centurion, 
excité par Paul, fit couper les amarres, ce qui égalisait 
le sort de tous. Paul se mit alors à relever leur cou- 
rage, leur conseilla de manger afin de se donner des 
forces pour la manœuvre du lendemain. Donnant lui- 
même l'exemple, il prit du pain, rendit grâces à Dieu et 
se mit à manger. On l'imita. Le courage revint. A 
l'aube, oh reconnut la terre : c'était l'île de Malte. La 
baie qu'on avait devant soi était sablonneuse. On résolut 
d'y aller échouer. Mais le navire n'alla pas jusque-là. 
Il donna sur un banc, entouré d'eaux profondes. Le 
vaisseau venait de se disloquer sous les coups de mer. 
Il ne restait plus qu'à se sauver à la nage ou sur quelque 
épave. Les soldats, croyant que leurs prisonniers allaient 
leur 1 échapper, proposaient de les tuer. Julius, qui vou- 
lait sauver Paul, s'y opposa. Il ordonna à ceux qui sa- 
vaient nager de se jeter les premiers à l'eau et de ga- 
gner la terre, pour aider au sauvetage des autres. Les 
autres s'échappèrent sur les débris du navire. Personne 
■ ne périt. C'est alors seulement qu'on apprit le nom de 
l'île où l'on venait d'aborder : Malte, soumise aux Ro- 
mains dès la seconde guerre punique. Les habitants se 
montrèrent hospitaliers. Ils allumèrent un grand feu 
pour réchauffer les passagers qui étaient transis de 
froid. Comme Paul avait ramassé une vipère en prenant 
une poignée de broussailles, les gens du pays le regar- 
daient d'abord comme un meurtrier, poursuivi par la 
vengeance divine. Mais quand ils virent qu'il ne lui 
arrivait aucun mal, ils le prirent pour un dieu. Un 
autre miracle acheva de répandre, dans l'île, sa réputa- 
tion de thaumaturge. L'Apôtre guérit, |iar l'imposition 
des mains, le père d'un certain Publius, princeps du 
municipe, qui souffrait de la fièvre et de la dysenterie. 
Aussi amenait-on à Paul tous les malades de l'Ile, durant 
les trois mois qu'il y séjourna. On était alors à la mi- 
février. A cette époque de l'année, les navires qui ne 
faisaient que de courts trajets, se risquaient à reprendre 
la mer. Julius trouva un navire alexandrin, le Castor-et- 
Pollux, qui avait hiverné à Malte et qui avait hâte d'ar- 
river à destination. On fit voile vers Syracuse où l'on 
demeura trois jours, on côtoya la Sicile, puis on vint 



toucher à Reggio. Deux jours après, on arrivait à Pouz- 
zoles, port où les vaisseaux d'Alexandrie venaient opérer 
leur déchargement. L'apôtre y trouva un groupe de 
fidèles qui l'accueillirent avec joie. Grâce à la bienveil- 
lance de Julius, il resta sept jours parmi eux. On reprit 
ensuite la marche vers Rome. Une première députation 
des fidèles de cette ville, prévenus de l'arrivée de Pau], 
alla à sa rencontre jusqu'au relais de poste appelé Forum 
d'Appius, sur la voie Appienne, à quarante-trois milles 
de Rome. A dis milles de là, aux Trois Tavernes, un 
nouveau groupe vint les rejoindre. L'Apôtre, réjoui par 
cet accueil fraternel, éclata en actions de grâces. On 
parcourut assez rapidement les onze lieues qui séparaient 
les Trois Tavernes de la porte Capène. Entouré de cette 
escorte de chrétiens, le prisonnier Paul entra dans la 
Ville Éternelle. 

3° Première captivité à Rome. Act,, xxvni, 16-31. — 
Dès son arrivée, Paul fut remis, avec les autres prison- 
niers, au préfet du prétoire. Ceux qui en avaient ap- 
pelé à César étaient considérés comme les prisonniers 
de l'empereur et confiés à la' garde impériale. Il est dif- 
ficile de savoir l'endroit précis où Julius conduisit son 
illustre captif. La cohorte prétorienne, depuis Auguste, 
était dispersée dans les divers quartiers de Rome. On a 
le choix entre le corps de garde du Palatin et les castra 
prsetoriana, bâtis par Séjan, près de la voie Nomentane. 
Le préfet du prétoire était alors Burrhus qui touchait 
presque au terme de sa carrière. C'est à lui, sans doute, 
que Paul fut présenté. On décida qu'en attendant son 
jugement, le prisonnier serait mis en une sorte de demi- 
liberté. Il fut confié à un soldat qui avait pour mission 
de le garder à vue, sans être enchaîné. 

L'Apôtre put ainsi se choisir un logement où ses amis 
pourraient venir le voir. Suivant son habitude, il songea 
d'abord à se mettre en rapport avec les chefs de syna- 
gogue de la Ville Eternelle. Le troisième jour après son 
arrivée, il en fit convoquer quelques-uns pour leur ex- 
pliquer son appel à César. Prenant les devants sur ses 
accusateurs que les Juifs de Jérusalem ne manqueraient, 
pas d'envoyer à sa poursuite, il mit ses coreligionnaires 
au courant de sa situation. Il protesta qu'il n'avait rien 
fait et ne voulait rien faire contre une nation qui, d'ail- 
leurs, était la sienne, que son appel à César n'avait pas 
d'autre but que de se soustraire à des ennemis acharnés 
à sa perte. « Ne vous trompez pas, dit-il en finissant, 
c'est à cause de l'espérance d'Israël que je porte ces 
chaînes. » Les Juifs accueillirent le plaidoyer avec fa- 
veur, déclarant qu'ils n'avaient rien reçu de Judée à 
son sujet et lui témoignant le désir d'entendre l'exposé 
des nouvelles doctrines. On prit jour pour une seconde 
entrevue. La conférence dura du matin au soir. L'Apôtre 
parcourut la Bible en tous sens, énumérant tous les 
textes de la Loi et des prophètes qui prouvaient que 
Jésus était le Messie. Sa parole gagna plusieurs adhé- 
rents à la foi nouvelle, mais le plus grand nombre des 
auditeurs résistèrent à la grâce. Finalement, on se sépara 
sans avoir pu s'entendre. Paul comprit qu'une fois de 
plus il n'aurait pas raison de l'obstination de ses anciens 
coreligionnaires. Il répéta contre eux le passage d'Isaïe 
sur l'aveuglement volontaire des hommes endurcis qui 
ferment leurs yeux et leurs oreilles pour ne voir ni en- 
tendre la vérité, ajoutant qu'il allait porter aux Gentils , 
qui la recevraient mieux, la parole de salut que les 
Juifs ne voulaient pas accueillir. 

Son apostolat parmi les païens réalisa, en effet, les 
plus belles conquêtes. L'Évangile fit à Rome d'étonnants 
progrès. Les conversions furent nombreuses. Le Christ 
eut des adeptes jusque dans la maison de Néron, non 
seulement parmi les soldats, les esclaves, les affranchis, 
mais jusque dans les familles patriciennes, chez les 
consuls et jusque dans l'entourage immédiat de l'em- 
pereur. Phil., iv, 22. Les chaînes du prisonnier deve- 
naient elles-mêmes une prédication du Christ dans le 



2227 



PAUL (SAINT) 



2228 



monde des prétoires. Animés par son exemple, ses dis- 
ciples ainsi que les autres chrétiens de Rome se mirent 
à prêcher avec courage. La cellule de Paul devint ainsi 
le centre d'une incessante activité, le foyer d'un prosé- 
lytisme intense, comme aux plus beaux jours de ses 
missions. 

A) Lettres aux Églises d'Asie. — Peu de temps, ce 
semble, après son arrivée à Rome, Paul éprouva une 
grande consolation. Apprenant sa captivité, les Églises 
de Colosses, de Laodicée, d'Hiérapolis envoyèrent Épa- 
phras, leur saint et dévoué catéchiste, et quelques autres 
frères pour partager sa chaîne, l'assurer de l'amitié des 
fidèles, lui offrir les secours d'argent dont il pouvait 
avoir besoin. Col., i, 7. Paul, à la vérité, n'avait jamais 
évangélisé, par lui-même, cette partie de la Phrygie, 
mais il y était connu par ses disciples, notamment par 
cet Épaphras qui paraît avoir été le fondateur de l'Église 
de Colosses. Les nouvelles apportées par Épaphras 
étaient excellentes, Col., i, 4, 9; la foi, la charité, l'hos- 
pitalité fraternelle, florissaient dans la vallée du Lycus. 
La vie chrétienne s'y développait avec une merveilleuse 
fécondité. Pourtant l'ivraie commençait à se mêler au 
bon grain. Sous l'influence de certains faux docteurs, 
commençait à s'opérer, dans ces contrées, un singulier 
mélange des doctrines les plus disparates; un ascétisme 
très rigoureux uni à des hardiesses spéculatives des 
plus dangereuses. La Phrygie avait toujours été célèbre 
pour son mysticisme étrange. Aujourd'hui elle alliait 
aux données de la prédication nouvelle des abstractions 
métaphysiques, des généalogies d'éons, des pratiques de 
théurgie, des fragments des vieux mystères phrygiens, 
des abstinences qui rappellent l'essénisme. L'Apôtre 
résolut de s'opposer, au plus vite, à ces dangereuses 
nouveautés. Voulant garder près de lui Épaphras, dont 
il songeait à utiliser l'activité, il écrivit une lettre pour 
remercier les Colossiens de leur générosité, leur mar- 
quer son affection, les préserver de l'erreur, barrer la 
route à ces rêveries maladives par le dogme de la trans- 
cendance du Christ. Tychique fut chargé de porter cette 
Épltre à Colosses, Col., iv, 7, 8; Eph., vi, 21, 22; 
II Tim., rv, 22, et de visiter les Églises d'Asie, surtout 
celles de la vallée du Lycus, de leur donner des nou- 
velles de Paul, de leur dire de vive voix ce qui touchait 
à sa situation personnelle, à l'égard des autorités ro- 
maines, détails qu'on ne pouvait confier par écriture, 
enfin remettre à chacune des Églises les lettres séparées 
que Paul leur adressait. Il avait mission, à Colosses 
même, de rendre à son maître, Philémon, un esclave 
infidèle nommé Onésime. Voir Philémon et Onésime, 
Tychique portait encore une sorte d'encyclique destinée 
en particulier à l'Église d'Ephèse. Voir Éphésiens 
(Épître aux), t. il, col. 1849. 

B) Épître aux Philippiens. — Cependant Paul subis- 
sait, en prison, les lenteurs de la procédure impé- 
riale. La désorganisation des services publics, qui mar- 
qua les dernières années du règne de Néron, dut se 
faire sentir dans les affaires judiciaires. Si, par un appel 
à César, l'Apôtre avait cru abréger cette longue captivité 
préventive, il avait vu ses espérances trompées. On 
ne s'était guère plus préoccupé de lui à Rome qu'à Ce-, 
sarée. Il continua donc dans les chaînes l'œuvre d'un 
apostolat déjà couronné de si heureux résultats. Ce 
fut, d'après ce qui résulte de plusieurs indices, vers 
la fin de la première captivité, que Paul reçut une dé- 
putation de l'Église de Philippes. Elle vint dans un 
moment où l'apostolat de Paul était traversé par de 
douloureuses épreuves. Bien des chrétiens qui auraient 
dû le consoler, commençaient à le méconnaître et à le 
renier. Il parait avoir, un instant, souffert de l'isole- 
ment. Des adversaires, des judaïsants, cherchaient à 
entraver son œuvre, à la détruire. Ils allèrent jusqu'à 
lui susciter toutes sortes d'ennemis, pour aggraver sa 
position de prisonnier. La venue des délégués de Macé- 



doine le consola de tant d'amertumes. Épaphrodite, en- 
voyé de l'Église, ne lui apportait pas seulement des 
secours d'argent, il lui faisait connaître l'état prospère de 
l'église de Philippes, la vive amitié des fidèles pour leur 
Apôtre bien-aimé. La paix, l'union, la concorde ani- 
maient la communauté; à peine quelques froissements 
entre les deux diaconesses Évodie et Syntyque. Épa- 
phrodite séjourna quelque temps auprès de l'Apôtre, 
l'aidant dans son ministère avec un zèle qui faillit le 
conduire à la mort. On s'en émut à Philippes. Pour 
rassurer les fidèles, Paul renvoya en Macédoine le pré- 
cieux auxiliaire, avec une lettre pleine de tendresse pour 
les Philippiens. Il exprimait l'espoir d'être bientôt dé- 
livré de prison. Il attendait donc l'issue prochaine de 
son procès, non sans émotion, mais dans la résignation 
la plus complète. En effet, après deux ans d'attente, Paul 
comparut devant l'empereur ou du moins devant le 
conseil auquel ressortissait son appel. Il fut acquitté et, 
selon son expression, sortit délivré de la gueule du 
lion. II Tim., v, 17. 

IV. Dernières années et mort de Paul. — La fin des 
Actes laisse l'historien dans une obscurité presque im- 
pénétrable. A. peine quelques vagues lueurs très incer- 
taines. On quitte le terrain solide de la certitude pour 
entrer dans celui des hypothèses et des vraisemblances. 
On reste généralement d'accord pour dire que l'Apôtre 
est mort à Rome, qu'il y a subi le martyre. Mais à quelle 
date et dans quelles circonstances? Faut-il placer cette 
fin tragique immédiatement après les deux ans de cap- 
tivité mentionnés par les Actes, ou faut-il admettre un 
intervalle entre cette captivité et la mort de l'Apôtre, 
intervalle de liberté et d'activité, après lequel il aurait 
été arrêté de nouveau, puis condamné et exécuté? Eu- 
sèbe est le premier qui parle explicitement des deux 
captivités de l'Apôtre à Rome, H. E., n, 22, t. xx, col. 196; 
mais pour utiliser son.témoighage, il resterait à décider 
s'il se fonde sur l'exégèse, d'ailleurs inexacte, de II Tim. , 
iv, 17, ou s'il la tient d'une autre source. De nos jours, 
les avis, sur la libération de l'Apôtre, sont très parta- 
gés, Tillemont, Fabricius, Mosheim, Neander, Gieseler, 
Michaëlis, Bertholet, Hug, Credner, Ewald, Bleek, Re- 
nan, l'admettent; tandis que Pelau, Lardner, Eichhorn, 
de Wette, Reuss,Baur et toute son école la rejettent. 
L'opinion dominante dans l'Église depuis le iv° siècle 
a été que saint Paul, mis en liberté à Rome, après 
deux ans d'emprisonnement, reprit ses courses aposto- 
liques jusqu'à sa seconde captivité. Cf. Nicéphore Cal- 
liste, H. E., il, 34, t. cxlv, col. 841. 

1° Délivrance de l'Apôtre. — On n'a, pour résoudre 
le problème, que des indications indécises, mais on 
peut en tirer les conclusions suivantes. 

1. Le rapport de Festus. — D'après la narration des 
Actes, on peut inférer que le successeur de Félix aura 
envoyé à Rome un compte rendu favorable sur un pri- 
sonnier dont il avait reconnu l'innocence et qu'il aurait 
certainement relâché sans l'appel à l'empereur. Act. , xxv, 
25; xxvi, 32. Dès lors, il est permis de conclure à l'heu- 
reuse issue de sa première captivité. L'acquittement 
officiel aura pu être retardé pour diverses raisons, mais 
il y a lieu de croire qu'il n'aura pas dépassé les deux 
années dont parle l'auteur des Actes, xxiii, 30. 

2. Les Épîtres de la captivité. — L'Épltre à Philémon 
v, 22, et surtout l'Épltre aux Philippiens, i, 25; II, 23, 
24, indiquent, chez leur auteur, l'espoir d'une délivrance 
à bref délai ainsi que le dessein de revenir en Orient 
pour consolider ses conquêtes apostoliques. Cette con- 
fiance devait être fondée sur la tournure favorable que 
prenaient alors les circonstances du procès. 

3. La fin du livre des Actes. — De toutes les solutions 
proposées pour expliquer la manière brusque et imprévue 
dont Luc termine son récit, la plus naturelle est celle 
qui suppose qu'au bout des deux années de captivité, 
il s'est produit, dans la situation de Paul, un changement 



2229 



PAUL (SAINT) 



2230 



qui n'a pas été la sentence de mort (l'auteur l'aurait 
indiqué d'un mot), mais le commencement d'une nou- 
velle période d'activité dont le récit dépassait les limites 
d'un livre de mémoires ou la connaissance de l'écrivain 
qui peut-être finissait son œuvre juste au moment où 
l'Apôtre inaugurait une nouvelle série de travaux. Ainsi, 
il résulte de ces divers indices que Paul, après deux 
années de captivité, aurait comparu devant Néron, au- 
rait été acquitté et aurait repris ses courses apostoliques. 
De quel côté dirigea- t-il cette nouvelle série de mis- 
sions? Plusieurs critiques sont portés à croire que ce 
fut vers l'Espagne. Voir Espagne, t. n, col. 1951 v 

2° Nouvelle activité apostolique en Orient. Épîtres 
pastorales. — D'après les Épîtres pastorales, la dernière 
activité de l'Apôtre se serait exercée dans les pays de 
Grèce et d'Asie. Il se peut que durant sa prison, Paul 
ait changé d'intention par rapport à ses courses occi- 
dentales. C'est ce que laissent entrevoir les Épi très de la 
première captivité. Phil., i, 25; II, 23, 24; Philémon, 
y. 22. On peut donc supposer, en s'aidant des épîtres 
à Tïmothée et à Tite, qu'après sa libération, l'Apôtre 
se dirigea vers l'Orient. Il passa par l'île de Crète où 
il laissa Tite organiser les églises de cette contrée, 
visita Corinthe, la Macédoine, s'arrêta chez Carpus à 
Troade, descendit â Éphèse. De là, il rayonna dans 
toute la province d'Asie. Il dut se rendre dans la vallée 
du Lycus, fortifiant, par sa parole, les communautés 
phrygiennes de Colosses, Hiérapolis, de Laodicée. Après 
un assez long séjour dans Éphèse, Paul reprit le che- 
min de la Macédoine. En route, lui parvinrent, de 
la métropole d'Asie, des nouvelles très fâcheuses. Ti- 
mothée, avec son naturel timide et un état de santé 
des plus précaires, rencontrait, dans l'exercice de sa 
charge, toutes sortes de difficultés. Paul lui écrivit 
alors, pour le guider et le soutenir au milieu de 
l'épreuve, une lettre où il lui rappelle les directions 
qu'il lui a précédemment données. C'est celle qu'on 
désigne sous le nom de première Épilre à Timothée. 
L'Apôtre venait à peine d'envoyer ce message à Éphèse, 
qu'il apprît, on ne sait comment, la situation peu pros- 
père des Églises de Crète. Il se mit aussitôt à rédiger, 
à la hâte, quelques avis pour Tite. Il n'eut guère, pour 
cela, qu'à répéter ce qu'il venait d'écrire à Timothée. 
Apollos, qui était auprès de lui, reçut, avec un ancien 
scribe nommé Zenon, la mission de porter cette lettre, 
notre Épitre à Tite. On comptait beaucoup sur l'élo- 
quence du docteur alexandrin, sur sa façon savante et 
originale d'interpréter les Écritures, pour réduire au 
silence l'opposition. Act., xvm, 27-28. Paul promet- 
tait, en outre, à Tite de lui envoyer bientôt Artémas 
ou Tychique, qui, sans doute, devait l'aider dans ses 
travaux et le remplacer momentanément. En effet, 
il prie son disciple de venir, dès qu'il aura reçu ce 
secours, le rejoindre à Nicopolis, en Épire, où il 
compte passer l'hiver. Tit., m, 12. Enfin, il recom- 
mande, en terminant, de faire honorablement la con- 
duite à Zenon et à Apollos, qui ne devaient guère que 
passer, et d'avoir grand soin d'eux, m, 13. Le projet 
d'aller hiverner à Nicopolis paraîtmodifier les premières 
intentions de Paul qui se proposait d'abord de retour- 
ner, sous peu, à Éphèse. I Tim., m, lij^ry, 13. Main- 
tenant, s'il parle d'aller en Épire, c'est qu'il a changé 
d'itinéraire. On objectera peut-être qu'ilVagit de Nico- 
polis, en Thrace, sur le Nestus, près des frontières de 
la Macédoine; mais la présence de Tite, en Dalmatie, à 
peu de temps de là, II Tim., iv, 10, rend fort improbable 
cette supposition. C'est bien dans la Nicopolis d'Épire, 
l'ancienne Actium, bâtie par Auguste en souvenir de sa 
victoire, que Paul a dessein de passer l'hiver, en com- 
pagnie de Tite. L'Apôtre presse le départ de ses disciples 
(<T7ioi55a<Tov êX6eîv), parce que l'hiver approche et que la 
navigation va devenir difficile. 

3° Seconde captivité à Rome. — Paul alla-t-il d'Épire 



à Rome ou revint-il en Asie après l'hiver? Il est impos- 
sible de se prononcer sur l'une ou l'autre de ces alter- 
natives. La seconde Épitre à Timothée, écrite après le 
retour à Rome, à l'approche de l'hiver, en l'an 66, re- 
flète ainsi la situation de l'Apôtre. 11 est à Rome, en 
prison, i, 8, 12, 16, 17; n, 9, 10, pour la cause du 
Christ, tandis que Timothée est à Éphèse, n, 16, 18; 
n, 17; iv, 14, 15, 19, où les mauvaises doctrines con- 
tinuent à pulluler, par la faute d'Hyménée et de Phi- 
lète, il, 17. Il n'y a pas longtemps que Paul est à 
Rome et en prison puisqu'il donne à Timothée, comme 
des nouvelles, certains détails sur une tournée qu'il 
vient de faire dans l'Archipel ; à Milet, il a laissé Tro- 
phime malade, iv, 20; à Troade, il a laissé un manteau 
et des livres chez Carpus, n, 13; Éraste est resté à Co- 
rinthe, iv, 20. Il a donc traversé récemment l'Asie Mi- 
neure et la Grèce, en compagnie d'un groupe de dis- 
ciples, Tit., m, 15, assez nombreux, parmi lesquels on 
comptait sans doute, outre ceux qui viennent d'être 
cités, Tite, Dénias, Crescent, Tychique et un certain 
nombre d'Éphésiens. A Rome, les Asiates, entre autres 
Phygelle et Hermogéne, l'ont abandonné, i, 15. Un 
autre Éphésien, au contraire, Onésiphore, le chercha et, 
sans rougir de sa chaîne, le servit et rafraîchit son 
cœur, i, 16, 18. L'Apôtre est plein du pressentiment de 
sa fin prochaine, îv, 6-8 : il craint pour son second 
procès une issue fatale. A mesure qu'approche le dé- 
nouement, il fait le vide autour de lui. Démas, peu fait 
à l'épreuve, le quitte un des premiers pour des intérêts 
périssables et retourne à Thessalonique, iv, 10 (texte 
grec). Crescent est allé en Galatie, Tite en Dalmatie, îv, 
10, Tychique n'est pas encore revenu d'Éphèse, où Paul 
lui-même l'a envoyé, iv, 12, en sorte que l'Apôtre n'a 
que saint Luc auprès de lui. 

Dans l'intervalle, ses adversaires exploitent son iso- 
lement. Un certain Alexandre, ouvrier en cuivre, ori- 
ginaire d'Éphèse, lui a fait une vive opposition, iv, 14. 
Par rapport au procès en cours, voici où en sont les 
choses. Paul a déjà comparu devant l'autorité romaine; 
dans cette comparution, personne ne l'a assisté, rv, 16, 
mais Dieu l'a aidé et l'a arraché de la gueule du lion, 
lv, 17. Dans le cas, malheureusement trop certain, où 
la seconde audience se termine par une condamnation, 
il désire avoir, près de lui, ses plus chers disciples. En 
conséquence, il priait Timothée, dans cette seconde 
lettre, de venir avant l'hiver, iv, 9, 21, et d'amener 
Marc avec lui, iv, 11. Il lui ordonnait de passer par la 
Macédoine, l'Achaïe, et d'y donner des nouvelles de son 
mailre. Le disciple fidèle put arriver à Rome dans les 
premiers jours de novembre, entre les deux jugements. 
On sait que, d'après le droit romain, chaque accusation 
constituait une cause distincte, Suétone, Nero, xv, 
donnant lieu à une procédure judiciaire détaillée. Les 
deux procès dont parle l'Apôtre laissent supposer qu'on 
l'avait accusé de divers griefs. Il aura été absous une 
première fois, peut-être pour le crime d'incendiaire, 
Tacite, Ann., xv, 44, ayant pu facilement établir son 
innocence, établir un alibi. Mais il ne pouvait en être 
de même pour celui de chrétien, la loi interdisant les 
cultes étrangers non approuvés par le Sénat. "Voilà 
pourquoi Paul attendait la mort comme l'issue natu- 
relle de son second procès. Loin de s'en effrayer, il s'en 
réjouit. Jusqu'au bout, il vit devant lui la couronne 
impérissable qui lui était préparée et, comme le cou- 
reur des jeux olympiques, il redoubla d'efforts à me- 
sure qu'il approchait du but. D'après la tradition ro- 
maine (Clément de Rome, le prêtre Caïus, Tertullien, 
Eusèbe, saint Jérôme), Paul fut décapité à trois milles de 
Rome, sur la route d'Ostie, à l'endroit appelé autrefois 
les Eaux salviennes, aujourd'hui Trois Fontaines, 
le 29 juin, en l'an 67. C'est la date qu'Eusèbe assigne à 
cet événement, « qui a mis fin à une vie sans pareille 
dans l'histoire de l'humanité. » 



2231 



PAUL (SAINT) — PAULUS 



2232 



Bibliographie. — Vies de saint Paul. Chez les anciens : 
S. Jean Chrysostome, Homilise in laudem S. PauK 
vu, t. l, col. 473-513; S. Jérôme, De vins illustribus, 
5, t. xxiii, col. 615. — Chez les modernes : *Paley, Horx 
paulinœ, 1790; *Hemsen, Der Apostel Paulus, 1830; 

* Schrader, Der Apost. Paulus, 1832 ; * Baur, Paulus der 
Apost. J.-C, 1845 ; * Neander, Geschichte der Pflanzung 
und Leitung der christ. Kirche durch die Apostel, 
1847; 'Hausrath, Ver Apost. Paulus, 1862; *Krenkel, 
Der Apost. der Heiden, 1869; *£. Renan, Les Apôtres, 
1866; Saint Paul, 1869; 'Conybeare et Howson, The Life 
and Epistles of St. Paul, dernière édition, 1901; 
*Th. Lewin, Life of St. Paul, 2 in-8°, Londres, 1851; 
"Farrar, The Life and Work of St. Paul, 1879; Aug. 

* Sabatier, L'A pâtre Paul, 1870, 1881 ; * 0. Pfléiderer, Der 
Paulinismus, 1873, 1887 ; Weizsâcker, Das apostolische 
Zeitalter, 1886; *de Pressensé, Siècle apostolique, 1888; 
*Godet, Introd. du N. T., 1893; *W. M. Ramsay, St. 
Paul the travellerand the roman citizen, 1895; Fouard, 
Saint Paul, ses missions, 1892; Mo' Le Camus, L'œuvre 
des Apôtres, t. i-iii, 1905; Clemen, Paulus, sein Leben 
und Wirken, 1904. 

2° Travaux connexes : Outre les nombreuses intro- 
ductions du N. T., les commentaires des Épîtres de 
saint Paul, les articles de dictionnaires et encyclopédies 
bibliques, consulter G. Lyttelton, Conversion and Apost- 
leship of St. Paul, 1747; * Jam. Smith, The Voyage and 
Shipwreck of St Paul, 1848; P. Seebôck, S. Paulus 
der Heiden-Apostel, 1900. 

3° Chronologie : *Anger, De temporum in Actis 
Apostolorum ratione, 1833; * Wieseler, Chronologie 
des apostolischen Zeitalters, 1848; *C. Clemen, Die 
Chronologie der Paul. Briefe, 1893; "Harnack, Die 
Chronologie des P. und das Todesjahr des Petrus und 
des Paulus, Die Chronologie d. altchrist. Litt., 1897. 

C. Toussaint. 

2. PAUL (ACTES DE SAINT) ET DE SAINTE 
THÈCLE, livre apocryphe. Voir Actes apocryphes des 
Apôtres, t. i, col. 163. 

3. PAUL (ACTES DES SAINTS PIERRE ET), livre 
apocryphe. Voir Actes apocryphes des Apôtres, t. i, 
col. 161. 

4. PAUL (APOCALYPSES DE), livres apocryphes. 
Voir Apocalypse ou Ascension de Paul, t. i, col. 765; 
Seconde apocalypse de Paul, col. 766. 

5. PAUL, évêque de Telia de Mauzalat (Constantia de 
Syrie), auteur syrien jacobite qui traduisit en syriaque, 
de 616 à 617, le grec des Septante sur les Hexaples 
•d'Origène. Cette traduction constitue VHexaplaire sy- 
riaque. Elle est conservée, en majeure partie, dans des 
manuscrits de Milan et de Paris qui ont été étudiés 
■dans le Reperlorium fur Biblische und Morgenlàn- 
dische Litteralur, Leipzig, 1778, t. m, p. 166-212; 
t. vu (1780), p. 235-250; t. vm (1781), p. 85-113; 
t. ix (1781) p. 157-190. C'est J. G. Eichhorn qui a dé- 
terminé le premier le nom du traducteur. Le ms. de 
Paris portait : « Le pieux abbé Mar Paul, évêque des 
fidèles, a traduit ce livre du grec en syriaque, sur la 
-version des Septante, dans la .ville d'Alexandrie..., » 
ibidem, t. vu, p. 226; t. vm, p. 86, puis un texte deBar- 
Hébraeus, permettait d'identifier Paul « évêque des 
■fidèles » avec Paul « évêque de Telia de Mauzalat ». 
Ibidem, t. vm, p. 88; t. vu, p. 229. Le manuscrit de 
i'Hexaplaire le plus célèbre est VAmbrosianus qui forme 
le second volume d'un exemplaire complet. Le premier 
volume a été en la possession d'André Masius qui l'uti- 
lisa pour publier le livre de Josué à Anvers en 1574 et 
depuis lors on ne sait ce qu'il est devenu. Le second 
-volume, VAmbrosianus, publié d'abord par Norberg 
■en 1787, a été reproduit en 1874 par A. M. Ceriani en 



photolithographie, dans le t. vu des Monumenta sacra 
et profana. Ceriani avait commencé une édition cri- 
tique de cette version dans les tomes I et n du même 
ouvrage, Milan, 1866. D'autres parties moins impor- 
tantes de la version syriaque de Paul de Telia ont été 
publiées par Middeldorpf à Berlin en 1835, par Skat 
Roerdam à Copenhague en 1859 et 1861, enfin par 
Paul de Lagarde à Gœttingue en 1880 et 1892. Voir 
pour plus de détails Syriaques (Versions) de la Bible. 
Cf. Wright, Syriac Literature, Londres, 1894, p. 14- 
16; Rubens Duval, La littérature sijriaque, Paris, 1899, 
p. 64-66. F. Nau. 

PAUL1NISME. Voir Baur, t. i, col. 1523. 

PAULINUS (CODEX). C'est le fameux manus- 
crit de la Vulgate, conservé à l'abbaye bénédictine de 
Saint-Paul-hors-les-Murs. On le désigne d'ordinaire 
par l'abréviation paul. Vercellone, Variai lectiones, 
Rome, 1860, t. i, p. lxxxv-lxxxvi, l'appelle C. La Bible 
de Saint-Paul est un manuscrit des plus luxueux exé- 
cuté sous le règne de Charles le Chauve, dans la France 
septentrionale et peut-être, comme le pense Janitschek, 
à Corbie même. Elle fut offerte par Ingobert à un roi 
Charles que Janitschek suppose être Charles le Gros, 
fils de Louis le Germanique, tandis que S. Berger pro- 
pose avec plus de probabilité Charles le Chauve. Comme 
elle appartenait jadis au couvent de Saint-Callixte, au 
Transtévère, elle a longtemps porté le nom de Bible de 
Saint-Callixte. On ne sait à la suite de quelles circons- 
tances elle passa à Saint-Paul-hors-les-Murs. Elle y 
était dès le xve siècle. Le 12 mai 1564 elle fut mise 
entre les mains des savants chargés de l'édition de la 
Vulgate que le concile de Trente avait décrétée. Elle 
put être consultée à loisir par Sirlet, Tolet et Rocca qui 
en reproduisent des leçons. 

Le Paulinus contient toute la Vulgate de saint Jérôme, 
c'est-à-dire tous les livres canoniques à l'exception de 
Baruch que saint Jérôme excluait formellement du 
canon. On en possède une description détaillée com- 
posée par Noce, archevêque de Rossano, et insérée par 
Bianchini dans ses Vindiciss, Rome, 1740, p. cccxxx- 
cccxxxv. Bianchini lui-même ajoute à la suite, 
p. cccxxxvi-cccxl, la liste complète des Incipit et des 
Explicit. Du reste, la Bible de Saint-Paul n'a pas été 
étudiée jusqu'ici comme elle semblait mériter de l'être. 
Le voisinage d'un codex encore plus fameux, le Valli- 
cellianus, lui a nui. Vercellone, qui l'a collationnée 
pour ses Varix lectiones, trouve qu'elle diffère à peine 
de ce dernier. Mais S. Berger ne partage pas tout à fait 
eet avis, Histoire de la Vulgate, Nancy, 1893, p. 294 : 
« Les sommaires des divers livres de la Bible sont 
presque partout ceux des manuscrits de Tours... La 
stichométrie est, à peu près sans exception, celle des 
manuscrits de Tours. Quant au détail du texte, nous y 
trouvons le même caractère de compilation que nous 
avons remarqué dans la deuxième bible de Charles le 
Chauve... Dans le Pentateuque, le texte est générale^ 
ment semblable à celui de la première bible de Charles 
le Chauve; il n'a à peu près rien des particularités du 
texte du Vallicellianus. » F. Prat. 

1. PAULUS (SERGiUS), proconsul de l'île de 
Cypre. Voir Sergius Paulus. 

2. PAULUS Heinrich Eberhard Gottlob, exégète alle- 
mand, un des chefs du rationalisme, né à Leonberg, 
près de Stuttgart, le 1 er septembre 1761, mort à Heidel- 
berg, le 9 août 1850. Il voulut d'abord étudier la méde- 
cine, mais il y renonça pour s'adonner à l'étude de la 
théologie à Tubingue. Il alla de Tubingue à Gœttingue 
pour étudier les langues orientales, puis à Londres et 
à Paris. En 1789, il devint professeur de langues orien- 



2233 



PAULUS 



PAUVRE 



2234 



taies à Iéna; en 4793, il succéda dans la même ville 
à Dôderlein comme professeur de théologie et il ensei- 
gna celte science d'après les théories de Kant. Il se fit 
surtout connaître par son explication naturelle des 
miracles bibliques. D'après lui, il ne peut y avoir de 
vrai dans la religion que ce qui est croyable et démon- 
trable, par conséquent tout ce qui est invraisemblable 
dans PÉcrilure n'est pas littéralement historique, mais 
doit être expliqué d'une manière rationnelle. Ainsi quand 
l'Évangile dit que Notre-Seigneur marcha sur les flots 
de la mer, cela veut dire qu'il longea le rivage de la 
mer. Les principaux écrits dans lesquels Paulus a 
exposé ses idées sont : Philologisch-krilischer und his- 
torischer Commentai" ûber das Neue Testament, 4 in- 
8», Leipzig, 1800-1804; 2* édit., Lubeck, 1804; Leben 
Jesu, ah Grundlage einev Geschichte des Urchristen- 
thums, dargestellt durch eine Gerichterzâhlung ûber 
aile Abschnitte der vier Evangelien und eine worlge- 
treue Uebersetzung derselben, 2 in-8», Heidelberg, 1828; 
Exegetisches Handbuch ûber die drei ersten Evange- 
lien, 2 in-8°, Heidelberg, 1830-1833. Le système de Pau- 
lus fit d'abord grand bruit, mais il ne fut qu'une étape 
dans la marche ascendante de l'incrédulité au sein du 
protestantisme allemand; l'auteur lui-même fut témoin 
de son échec; ses idées furent battues en brèche avant 
sa mort par Strauss ; celui-ci le supplanta, dès 1835- 
1836, auprès de la jeunesse rationaliste d'Allemagne qui 
accepta avec enthousiasme la théorie mythique de son 
antagoniste. La vie de Paulus fut d'ailleurs assez agitée 
de 1807 à 1811. En 1803, il quitta Iéna où son ensei- 
gnement rencontrait une sérieuse opposition et se ren- 
dit à Wurzbourg, appelé par le ministre d'État Montgelas 
qui lui offrait de grands avantages pécuniaires et obligea 
d'abord les séminaristes catholiques eux-mêmes à suivre 
ses cours. Cependant le nombre de ses auditeurs dimi- 
nua peu à peu à tel point qu'il abandonna sa chaire et 
alla en 1807 à Bamberg comme Kreisrath et Schulrath, 
en 1808 à Nuremberg et en 1810 à Ansbach. La même 
année il redevint professeur à Heidelberg et il vécut 
dans cette ville jusqu'à sa mort à l'âge de 90 ans. Outre 
ses travaux d'exégèse, il fit d'autres nombreuses publi- 
cations parmi lesquelles on peut mentionner Clavis 
ûber die Psalmen, in-8°, Iéna, 1791, 1815; Clavis ûber 
den Jesaias, in-8°, Iéna, 1793 ; Sammlung der merk- 
wùrdigslen Reisen in den Orient,! in-8», Iéna, 1792- 
1803. — Voir H. Paulus, Skizzen aus meiner Bildungs- 
und Lebensgeschichte zum Andenken an niein fùnf- 
zigjàhriges Jubilâum, in-8°, Heidelberg et Leipzig, 
1839; K. A. von Reichlin-Meldegg, H. E. G. Paulus 
und seine Zeit,1 in-8», Stuttgart, 1853; F. Vigouroux, 
Mélanges bibliques, 2» édit., Paris, 1889, p. 162-212. 

PAULUTTI Fabricius, théologien italien, évêque 
de Piève, mort en 1625, a publié : Commentaria in 
Actus Âpostolorum Epistolas Pauli et aliorum apo- 
stolorum item et in Apocalypsim, in-f», Rome, 1619; 
Commentaria in Pentateuchum, in-f», Rome, 1619; 
Commentaria in Ubros historicos et prophetas omnes 
et Machabxos, in-f», Rome, 1635. Voir Hurter, Nomen- 
clator literarius, t. î, 1892, p. 321. 

B. Heurtebize. 

PAUPIÈRES (hébreu : 'af'appayîm,, Sètnurôf, de 
sâniar, « garder; » Septante : fSXé?apa,"/Vulgate : pal- 
pebrse), membranes mobiles qui servent à couvrir le 
globe de l'œil, et sont terminées par des cils destinés à 
protéger l'œil contre ce qui pourrait l'incommoder du 
dehors. — Les paupières se ferment pendant le sommeil, 
Prov., vi, 4, tandis que l'insomnie les tient ouvertes. 
Vs. lxxxvii (lxxxvi), 5; cxxxii (cxxxi), 4. Comme les 
larmes proviennent d'une glande située auprès de l'œil, 
on peut dire qu'elles ruissellent des paupières. Jer., ix, 
18. — Les paupières sont prises pour les yeux eux- 
mêmes, dans les passages ou le parallélisme réclame 



des synonymes. L'ombre de la mort s'étend sur les pau- 
pières, c'est-à-dire sur les yeux de l'affligé. Job, xvi, 
17. Jéhovah a" les yeux ouverts et les paupières atten- 
tives sur les hommes. Ps. xi (x), 5. Pour suivre le 
droit chemin, il faut que les yeux regardent en face 
et que les paupières se dirigent devant elles. Prov., iv, 
25. — Comme les sentiments se manifestent souvent 
dans le regard, l'orgueil se reconnaît aux yeux altiers et 
aux paupières élevées. Prov., xxx, 13. Les yeux effronté» 
et les paupières clignotantes décèlent la femme de mau- 
vaise vie. Eccli.,xxvi,12. — Poétiquement, les premiers 
rayons du soleil levant sont appelés « paupières de l'au- 
rore », parce que ces rayons s'étendent dans le ciet 
comme des cils lumineux. Job, ni, 9. Sophocle, Anti- 
gon., 184, appelle aussi l'aurore rifiépa; pXsipapov, « pau- 
pière du jour. » Les yeux du crocodile sont comparés 
aux paupières de l'aurore, à cause de leur éclat. Job, 
xli, 9. H. Lesêtre. 

PAUVRE, celui qui, à des degrés divers, manque 
de ce qui est nécessaire à la vie. 

I. Les noms du pauvre. — 1. 'ébyôn, irtM^ôç, pau- 
per; — 2. dal, de ddlal, «. vaciller, faiblir />, itÉvriç, 
pauper; — 3. hêlkâh, de hâlak, « être noir, malheu- 
reux, » mayoç, pauper; — 4. miskén, de sâkan, 
« être pauvre », tiévï)ç, pauper, mot qui, probablement 
par l'arabe, a passé dans les langues occidentales sous 
la forme « meschino, mesquinho, mesquin » ; Cf. Ge- 
senius, Thésaurus, p. 954 ; — 5. mesukân, participe 
du même verbe, le « pauvre » qui ne dispose que d'un 
morceau de bois pour se faire tailler une idole, Is., xl, 
20; les versions ne traduisent pas ce mot; — 6. 'dnî et 
en chaldéen 'dnâh, de 'dndh, « être dans l'affliction, 
peiner », izxiùxôç, *évï|ç, iteviypôç, rcpa'Jî, pauper, indi- 
gens; — 8. 'ar'dr, de 'drar, « être nu », Taitsivôç, 
humilis; — 8. ràs et râ'S, de rûs, « être pauvre, » 
■jtrw/iç, irevTjî, -raitsivôç, indigens, inops, pauper, ege- 
nus, pauperculus. 

IL La législation et les pauvres. — La Loi posait 
ce principe, à l'occasion du prêt : « Tu pourras presser 
l'étranger; mais pour ce qui t'appartient chez ton- 
frère, ta main fera rémission, afin qu'il n'y ait pas de- 
pauvre chez toi. » Deut., xv, 3, 4. Il ne devait donc pas 
exi-ster régulièranent de véritable pauvre en Israël. 
Pour obtenir ce résultat, les mesures suivantes étaient 
prescrites : 1» Le salaire de l'ouvrier devait être payé 
au jour le jour. Lev., xix, 13. — 2° Le créancier ne 
devait pas se montrer rigoureux vis-à-vis de son débi- 
teur. Deut., xv, 2-4. Cf. Matth., xviu, 26, 29. — 3» Le 
pauvre avait le droit de glanage. Lev., xix, 9, 10; 
Deut., xxiv, 19, 21. Voir Glanage, Grapillage, t. m, 
col. 248, 308. — 4» Les produits spontanés de la terre 
pendant la septième année lui appartenaient. Exod., 
xxiu, 11; Lev., xxv, 6. Voir Sabbatique (Année). — 
5» Tous les cinquante ans, celui qui avait été obligé 
d'aliéner son domaine familial rentrait en possession 
de ce domaine. Lev., xxv, 25-30. Voir JuBlLAifiE (Année), 
t. m, col. 1751. — 6» L'Israélite que la pauvreté avait 
obligé à se vendre comme esclave recouvrait de droit sa 
liberté non seulement à l'année jubilaire, Lev., xxv r 
39-41, mais aussi à l'année sabbatique, et, quand il re- 
tournait chez lui, son maître temporaire était obligé de- 
lui constituer un petit domaine. Lev., xxv, 47-54; 
Deut., xv, 12-15. — 7" Quand on prêtait de l'argent oui 
des vivres à un compatriote, il était expressément pro- 
hibé d'en tirer intérêt. Exod., xxii, 25-27; Lev., xxv,35, 
37; Deut., xv, 7, 8; xxm, 20; xxiv, 10-13. Voir Prêt. — 
8» Une partie de la dîme appartenait aux pauvres. 
Deut., xxvi, 12, 13. Voir Dîme, t. n, col. 1435. — 
9» Ceux-ci avaient encore part aux festins- de la Pente- 
côte el de la fête des Tabernacles. Deut., xvi, 11, 14. 
Cf. II Esd., vm, 10. — 9° Le précepte de l'aumône 
envers les pauvres s'imposait à tous les Israélites et 



2235 



PAUVRE — PAUVRETE 



2236 



était généralement observé. Voir Aumône, t. i, col. 
1244-1253. — 10° Enfin la justice - envers le pauvre 
était prescrite aussi bien que la charité. On devait le 
traiter équitablement dans les jugements, Exod., xxm, 
6; Prov., xxxi, 5, 9, sans cependant montrer en sa fa- 
veur une partialité qui eût été une injustice. Exod., 
xxm, 3; xxx, 15; Lev., xra, 15. Le rituel des sacrifices 
l'autorisait à offrir des victimes moins coûteuses. Lev., 
xiv, 21; xxvii, 8. — Cette législation, imposée par le 
Maître souverain à son peuple, constituait aux pauvres 
d'Israël de véritables droits et érigeait en devoirs de 
justice ce qui d'ordinaire ne constitue que des devoirs 
de charité. Le système était possible dans une théocra- 
tie, où le souverain est le propriétaire absolu du sol, 
comme ce fut d'ailleurs le cas réel en Israël, et où tous 
les membres de la nation sont au même rang aux 
yeux du Maître. L'Israélite pauvre faisait partie du 
peuple de Dieu au même titre que le plus fortuné, et, 
de ce chef, il possédait des droits qui le plaçaient bien 
au-dessus de l'étranger, quel qu'il fût. Il convenait 
donc que ce pauvre eût sa place assurée au sein de la 
nation privilégiée, et que, victime de l'infortune, il ne 
déchût jamais complètement de sa dignité. Sa liberté 
et ses biens lui étaient donc restitués périodiquement. 
.Chacun était intéressé à ce que les choses fussent 
ainsi réglées et toute l'économie sociale était organisée 
en conséquence. Ainsi, en droit, chez les Israélites, la 
pauvreté ne pouvait jamais être qu'accidentelle et tem- 
poraire, et toute la nation travaillait d'elle-même à re- 
lever à un niveau suffisant celui que les acoidents de 
la vie en avaient fait tomber. 

III. Condition des pauvres. — 1° Malgré les pres- 
criptions législatives, il y avait des pauvres en Israël, 
les uns par infortune naturelle, comme les orphelins, 
les veuves, les infirmes, les autres par leur faute, les 
paresseux, les inintelligents, d'autres enfin par le fait 
de leurs semblables. Très fréquemment, les écrivains 
sacrés reprochent aux riches et aux puissants l'oppres- 
sion qu'ils font peser sur les pauvres. L'apologue de 
Nathan, II Reg., Xii, 1-4, ne représente pas une situa- 
tion imaginaire, pas plus d'ailleurs que la parabole du 
mauvais riche. Lue., xvi, 19-21. Amos, n, 6-7, dit des 
riches de son temps : 

Ils vendent le juste à prix d'argent, 

Et l'indigent pour une paire de sandales ; 

Ils n'aspirent qu'à voir la poussière de la terre 

Sur la tête des misérables, 

Et font fléchir la voix des petits. 

Ailleurs, vm, 5-6, le même prophète les montre à 
l'œuvre : ils vendent à fausse mesure, trafiquent des 
besoins des malheureux et leur font payer la pire des 
nourritures. L'oppression des pauvres est le sujet de 
continueltes objurgations. Job, xx, 19; xxiv, 4, 9, 14; 
Ps. x, 9; xxxvn (xxxvi), 14; cix (cvm), 17; Prov., xxx, 
14; Sap., ii, 10; Is., m, 14; x, 2; xxxii, 7; Jer., v, 28; 
Ezech., xxn, 29; Hab., ni, 14, etc. Saint Jacques, n, 
5-8, reproduit avec véhémence les mêmes reproches 
à l'adresse des Juifs ses contemporains. — 2° Même en 
dehors de l'oppression injuste, le pauvre est naturelle- 
ment victime de sa condition sociale. Il est malheureux, 
Prov., x, 15; vu de mauvais œil par ses amis, Prov., 
xiv, 20; xix, 7; oublié, Eccle., ix, 15; timide et n'osant 
parler. Prov., xvm, 23. L'accueil qu'on lui fait d'ordi- 
naire n'est pas encourageant : 

Le pauvre parle, et l'on dit i Quel est celui-là? 

Et s'il heurte, on le culbute. Eccli-, xni, 27. 

Saint Jacques, n, 2, 3, montre le pauvre entrant dans 
l'assemblée avec un habit sordide et s'entendant dire : 
« Toi, tiens-toi là debout, ou assieds-toi ici, au bas de 
mon marchepied. » — 3° Il est vrai qu'il y a des 
pauvres mauvais, Prov., xxvm, 3; de faux pauvres, 
Prov., xiii, 7; des pauvres impies, Eccli., xm, 23, et 



orgueilleux. Eccli., xxv, 4. Mais il y en a aussi de cha- 
ritables, Luc, XXI, 3, et de bons, qui valent mieux que 
le riche méchant. Prov., xix, 1, 22; xxvm, 6; Eccle., 
IV, 13. Ils sont bienheureux quand ils se résignent 
volontiers à leur état et restent pauvres en esprit. 
Matth., v, 3; Luc, vi, 20. — 4° Notre-Seigneur dit que 
ses disciples « ont toujours, â'xsTe, habetis, des pauvres 
avec eux, s> et non qu'ils « auront toujours. » Matlh., 
xiv, 7; Joa., xii, 8. Il ne fait pas une prédiction, mais, 
constate un fait qui était vrai de son temps, et le sera 
dans tous les temps. 

IV. Protection des pauvres. — 1° Dieu a fait le 
pauvre aussi bien que le riche, et c'est lui-même qui 
relève le pauvre, I Reg., il, 7, 8; Ps. cxm (cxn), 7; 
Prov., xxn, 2; Eccli., XI, 11-13; qui le protège, Ps. ix, 
10, 13; xi (x), 5; xxxiv (xxxiii), 7; cix (ovin), 31; qui 
le délivre, Ps. xxxv (xxxiv), 10; lxxii (lxxi), 4, 12, 13; 
Prov., xxn, 22, 23; qui prend soin de lui. Ps. lxviii 
(lxvii), 11; Is., xli, 17. Il veut que l'on considère 
comme s'adressant à lui le traitement bon ou mauvais 
dont on use envers le pauvre. Prov., xvii, 5; xix, 17; 
Matth., xxv, 34-46. — 2» Les auteurs sacrés adressent à 
Dieu des appels en faveur du pauvre, Job, v, 15; Ps., x, 
12,14, etc.; montrent en action la charité envers le 
pauvre, Job, xxix, 12, 16; xxx, 25; xxxi, 16, 19, etc. ; 
proclament bienheureux ceux qui s'intéressent au sort 
du pauvre, Ps. xli (xl), 2; Prov., xiv, 21, 31; xxn, 9; 
xxvm, 8,27, et invitent à le traiter fraternellement. Is., 
lviii, 7; Tob., iv, 17; Luc, xiv, 13, 21; xvm, 22. — 
3° Par-dessus tout, le Sauveur s'est plu à évangéliser les 
pauvres, Matth., xi, 5; Luc, iv, 18; vu, 22, et a voulu 
être pauvre lui-même. Zach., ix, 9; II Cor., vm, 9. 

H. Lesètrb, 

PAUVRETÉ (hébreu : dallàh, miskênût, re's, rU ; 
Septante : àiropta, èvSefa, Trsvfa, ■mm'/tia, ù<rripY)<rt;; 
Vulgate : paupertas, pauperies, egestas, inopia, pe- 
nuria, mendicitas) , état de celui qui, à des degrés 
divers, manque du nécessaire à la vie. — 1° Dans l'An- 
cien Testament, la pauvrelé est envisagée comme un 
pis-aller dont il faut s'accommoder de son mieux. Sans 
doute la pauvreté et la richesse viennent du Seigneur, 
Eccli., xi, 14, et des hommes pieux se contentent de 
la première. Tob., v, 25. Mais le sentiment commun 
est ainsi formulé dans les Proverbes, xxx, 8-9 : 

Ne me donne ni pauvreté, ni richesse,' 

Accorde-moi le pain qui m'est nécessaire, 

De peur que, dans l'abondance, je ne te renie 

Et dise : qui est Jéhovah? 

Et que, dans la pauvreté, je ne dérobe 

Et n'outrage le nom de mon Dieu. 

On comprend que la pauvreté ne pouvait être fort 
goûtée d'un peuple auquel les bénédictions temporelles 
avaient été promises en récompense de sa fidélité. 
Deut., xxvm, 2-6. « Point d'indigence pour ceux qui te 
craignent, » dit un Psalmiste. Ps. xxxiv (xxxm), 10. 
La pauvreté devenait comme une malédiction, lais- 
sant soupçonner l'infidélité à Dieu et rendant la 
vie malheureuse. Prov.,x, 15. C'est l'idée formulée dans 
un passage du Zohar, i, 876, traduction de Pauly, édit. 
Lafuma, Paris, 1906, t. i, p. 506-507. Il y est dit, à 
propos de celui qui ne lave pas ses mains conformé- 
ment aux prescriptions rabbiniques, qu'il sera puni en 
haut et ici-bas, « et la punition d'ici-bas consistera dans 
la pauvreté; » au contraire, pour celui qui les lave bien, - 
« la bénédiction sur la terre consiste dans la richesse. » 
De fait, la pauvreté est représentée comme la conséquence 
de la paresse, Prov., vi, 11; x, 4; xx, 13; xxi, 5; xxiv, 
34, de l'avarice, Prov., xi, 24, du vain bavardage, Prov., 
xiv, 23, du plaisir, Prov., xxi, 17, des entreprises chi- 
mériques, Prov., xxvm, 19, de la cupidité envieuse, 
Prov., xxvm, 22, et quelquefois de l'instabilité de la 
fortune. Eccle., v, 13. La pauvreté était chose pire 
encore quand s'y joignait l'impiété. Eccli., xm, 30. — 



2237 



PAUVRETÉ — PAVOT 



2238 



Néanmoins, l'expérience montrait que la pauvreté 
n'était pas toujours un châtiment. En général, on ne 
voyait pas « le juste abandonné, ni sa postérité men- 
diant son pain ». Ps. xxxvn (xxxvi), 25. Mais la pau- 
vreté accompagnait parfois la vertu. De là, différentes 
remarques. Aux jours de la richesse, il faut songer à la 
pauvreté possible. Eccli., xvm, 25. Il faut rester fidèle 
à l'ami devenu pauvre, Eccli., xxii, 28, et ne pas aigrir 
l'indigent dans sa' misère, Eccli., iv, 2. La pauvreté 
peut être associée à la science, mais le savant pauvre 
est honoré pour sa science et non pour sa pauvreté; 
science et richesse réunies lui vaudraient encore plus 
d'honneurs. Eccli., x, 34. En tout cas, la pauvreté vaut 
mieux que la dépendance, Eccli., xxix, 29, et que la 
maladie, Eccli., xxx, 14. Elle peut même parfois cons- 
tituer un état favorable à la pratique du bien. Prov., 
xxii, 16; Eccli., xx, 23. — 2" Dans le'Nouveau Testa- 
ment, la pauvreté s'unit aisément à la générosité, Marc, 
xii, 44; II Cor., vin, 2, et à l'apostolat, Phil., iv, 11, 12; 
Apoc, il, 9, dont elle est la règle. Matth., x, 9; Marc, 
vi, 8; Luc, ix, 3; x, 4. Le chrétien cherche avant tout 
la grâce, le vrai bien dont Jésus-Christ nous a fait 
riches par sa pauvreté. II Cor., vm, 9. 

H. Lesétre. 
PAVÉ (hébreu : marséféf, rispâh, deux mots tirés 
de rdsaf, « paver en pierres »; Septante : s'Saçoç, 
).i66aTp(OTov ; Vulgate : pavimentum), appareil de pierres 
étendues sur le sol pour le rendre plus uni, plus solide 
et plus décoratif. — . 1» II y avait un dallage en pierre 
dans le Temple de Salomon. II Par., vil, 3. Dans sa 
description du Temple, Ezéchiel, XL, 17, 18; xlii, 3, 
suppose aussi un dallage semblable le long des por- 
tiques. Le temple de Bel, à Babylone, avait un pavé de 
pierres, sur lequel le prophète fit remarquer au roi les 
traces des pas de ceux qui étaient venus pendant la 
nuit. Dan., xiv, 18. Quelquefois, on dallait le devant 
des maisons, d'où la sentence : « Mieux vaut une 
chute sur le pavé qu'une chute de langue. » Eccli., 
XX, 20. — 2» Dans le livre d'Esther, i, 6, il est parlé du 
dallage de la salle du trône du palais royal à Suse. Ce 
dallage se composait de marbre et de trois autres sortes 
de pierres appelées bahat, dar et sôhéré(. Le mot dar, 
qui signifie « perle », désigne peut-être une espèce de 
marbre d'apparence nacrée. Mais on n'a pas encore 
de données certaines sur la nature des matériaux 
indiqués par ces trois noms. La réunion de ces 
quatre espèces de pierre devait en tous cas former un 
dallage d'une grande richesse. Cf. "Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, p. 633. 
— 3° A Jérusalem, le tribunal de Pilate était dressé 
sur un endroit appelé en hébreu Gabbatha et en grec 
XiôôirrpwTov. Joa., xix, 13. Voir Gabbatha, t. m, 
col. 21; t. iv, col. 291. — Le marséféf sur lequel 
Achaz fit poser directement la mer d'airain, IV Reg., 
xvi, 17, n'est pas le pavé de pierre lui-même, mais 
plutôt un socle de pierre recouvert d'un dallage. Voir 
Mer d'airain, t. iv, col. 985. En plusieurs autres endroits 
les versions appellent « pavé » le sol lui-même. Num., 
v, 17; III Reg., vi, 15, 16, 30; vu, 7; Ps. cxix (cxvm), 
25; Dan., vi, 24. H. Lesétre. 

PAVONE François, exégète italien, néénlo^à Ca- 
tanzaro, mort à Naples le 25 février 1637'. Il entra dans 
la Compagnie de Jésus en 1585, enseigna 15 ans la philo- 
sophie et 20 ans l'Écriture sainte et l'hébreu. Son Intro- 
ductio in sacram doctrinam, in-8°, Naples, 1623, ne 
touche à l'exégèse que dans quelques chapitres, la plus 
grande partie en étant consacrée à la prédication, à la 
théologie scolastique, morale et polémique. L'exégèse 
proprement dite, au contraire, tient la place la plus im- 
portante dans son Comtnentarius dogmalicus sive theo- 
logica interpretatio in Pentateuchum, petit in-f°, Na- 
ples, 1634; Commentarius dogmaticus sive theologica 



interpretatio in Evangilia, in-f», Naples, 1636; Com- 
mentarius dogmaticus in.Cantica Canticorum (ma- 
nuscrit). P. Bliard. 

PAVOT (hébreu : ro'S, une fois, Deut., xxxil, 32, 
rôS; Septante : x°^> tixpfa, Si-jpuHrtit; Vulgate : fel, 
amaritudo, caput), plante herbacée d'où l'on tire un suc 
qui est un narcotique et un poison. 

I. Description. — Les pavots ont donné leur nom à 
une famille de plantes à suc laiteux, glauques ou his- 
pides, ayant pour caractères principaux des fleurs 
régulières, à calice formé de 2 (ou 3) sépales caducs 
avec des pétales en nombre double et des étamines or- 
dinairement indéfinies. Le fruit s'ouvre à la maturité 
pour laisser échapper les graines très petites qui 
renferment chacune un embryon minuscule entouré par 
un albumen charnu-oléagineux. Dans les Pavots pro- 
prement dits la capsule est courte, et s'ouvre sur une 
faible longueur, par des pores dissimulés au pourtour 
du plateau formé par les stigmates sessiles. —Les nom- 
breuses espèces de ce genre peuvent se diviser en trois 




581. — Papaver sornniferum. Fleur, fruit et graine. ■ 
de pavot en toi liée laissant couler l'opium. 



Tète 



séries d'après leur durée annuelle, bisannuelle ou vivace : 
les plus intéressantes appartiennent à la première série, 
spécialement l'espèce officinale nommée par Linné Pa- 
paver sornniferum (ftg. 581) à cause des vertus narcoti- 
ques de son suc concrète, de l'opium, qui n'est que le 
latex séché, obtenu par incision de ses capsules encore 
vertes. — La tige haute d'un mètre porte des feuilles 
amplexicaules, lobées et bordées de dents obtuses, et se 
termine par de longs pédoncules solitaires, penchés 
avant l'anthèse. Le calice est glabre; les pétales larges, 
à bords érodés, de couleurs variées, sont plissés-chif- 
fonnés dans la préfloraison; les nombreuses étamines 
ont leurs filets dilatés au sommet en forme de massue. 
L'ovaire est divisé intérieurement en loges incomplètes 
par des placentas lamellaires tout recouverts par les 
ovules; le fruit mûr est oblong, atténué aux deux bouts, 
surtout à la base. 

Indigène dans les parties orientales de la région 
méditerranéenne, l'espèce s'est répandue par la culture 
dans toute l'Asie et l'Europe méridionales, l'Afrique du 
Nord et même l'Amérique. Elle présente deux variétés 
principales : le Pavot noir ainsi nommé pour la couleur 
de ses graines, qui s'échappent naturellement à la ma- 
turité ; dans le Pavot blanc les graines restent blanches, 
comme les pétales, et demeurent incluses jusqu'à la 
fin parce que les pores de la capsule ne s'ouvrent pas. 

L'utilité^du Pavot tient à l'huile douce et siccative 



2239 



PAVOT 



2240 



qu'on extrait de ses (raines, sous le nom d'huile 
d'oeillette, et qui sert souvent a sophistiquer l'huile 
d'olives Ces graines sont même parfois usitées comme 
aliment, servants fabriquer des sortes de gâteaux Mais 
l'importance principale de sa culture est due a la ré- 
colte de l'opium, dont l'Asie Mineure est le principal 
centre d'exploitation Celui d'Egypte, ou opium the- 
baïque, est moins estime Cet extrait renferme comme 
principes actifs de nombreux alcaloïdes dont le princi 
pal est la morphine F Hy 

II Exégèse — Le ro S se présente douze fois dans la 
Bible hébraïque avec les caractéristiques suivantes 
C'est une plante, Deut , xxix, 17 (Vulgate, 18), qui croit 
dans les sillons des champs, Ose , x, 4, dont le fruit 
est très amer, Deut, xxxii,32, qui est mise en parallèle 
avec l'absinthe a cause de son amertume et de quel- 
ques autres propriétés, Deut , xxix, 17 (Vuljate, 18) , 
Jer , îx, 14, xxni, 15, Lam , m, 19, Amos, vi, 22, 
qui est un poison, Jer , vin, 14, ix, 14, xxm, 15, Ps 
lxix (lxviii) 22, Amos , vi, 22, et un poison qui produit 
d'abord des etourdissements, Lam , m, 5, qui commu- 
nique aux eaux son amertume el son action meurtrière 
Jer , vin, 14, ix 14, xxm, 15 Ce poison est pris pour 
designer le venin de l'aspic Deut , xxxii, 33, Job xx r 
16 Les caractères enumeres ne sont pas assez précis 
pour permettre de déterminer avec certitude l'espèce de 
plante visée dans ces textes Aussi les opinions sont 
partagées Celsius, Uierobotamcon, in-8°, Amsterdam, 
1748, t H, p 46, prétend que le » o s est la ciguë Cepen- 
dant le suc de cette plante est plutôt acre qu'amer et 
on ne peut dire que la ciguë croisse dans les sillons 
des champs Quelques exeçetes ont préfère la coloquinte 
sans doute parce que c'est un fruit très amer, et qu'on 
appelle « le fiel de la terre » Voir t n, col 859 Mais on 
ne peut dire non plus que la coloquinte pousse d'ordi- 
naire dans les sillons des champs J D Michaelis Sup- 
plementa ad lexica hebraica, )n-8°, Gcetlingue, 1782, t il, 
p 2220, identifie le ro'S avec l'ivraie en relevant quel 
ques unes des caractenstiques du to's qu'on retrouve 



dans l'ivraie Cette plante croit dans les sillons. <r Ils 
ont mis du ro's dans ma nourriture, ï dit le Psalmiste, 
Ps lxix (lxviii), 22 il est facile de mêler l'ivraie 
au froment et partant au pain On peut aussi mé- 
langer l'ivraie au ble qui sert a fabriquer une boisson 
fermentee, ce qui justifierait l'expression de Jer , vin, 
14, IX, 14, xxm 15, et ce mélange produit des etour- 
dissements, comme ceux dont parle Lam , m, 5 Maigre 
ces rapprochements le ro's ne doit pas se confondre 
avec l'ivraie, qui ne donne pas une boisson amere, et qui 
n'est qu'assez Tarement un poison mortel Le nom 
hébreu roS, « tête », ne convient guère a l'ivraie II 
semble que le nomde cette dermere plante, qui ne se 
trouve pas dans les testes hébreux de l'Ancien Testa- 
ment, devait être voisin de Çiî;avcov,mot d'origine semi- 
tique qui se présente dans l'Evangile zomnestle nom 
de l'ivraie dans le Talmud, zouan en arabe Voir t ut, 
col 1047 Peut-être faut-il voir un des noms de l'ivraie 
dans ba'esâh Job, xxxi, 40 Le contexte favorise ce sens, 
et dans la langue vulgaire de l'Andalousie l'ivraie est 
connue sous le nom de becht Ibn-El-Beilhar, Traite des 
simples, dans Notices et exti aits des manuscrits de la 
Bible nation , in-8', Pans, 1877, t xxm, p 363 Le nom 
de ro'S, « tête, » conviendrait au contraire parfaitement 
au pavot, a cause de ses capsules d'où se lire le suc vé- 
néneux En arabe, i as el-khischkhâsch est la tête de 
pavot Et tous les caractères marques dans les textes 
cites plus haut se vérifient pour le pavot Aussi de 
toutes les identifications proposées pour le ro's, cette 
dernière est la plus communément reçue Diverses es- 
pèces de pavots sont abondantes en Palestine, le 
P somniferum, le P aienm mm, le P rhceas Le pavot 
était également répandu en Egypte V Loret, La floir 
pharaonique 2 e edit , in-8", Pans, 1892, p 110 — Quant 
au x ^)^ nel »>de Matth , xxvii, 34, qui, rapproche du 
Ps lxix (lxviii), 22, ou les Septante rendent » o's par 
XoXr,, semble indiquer une substance amere et naico- 
tique, comme le pavot,, voir col 1364 

E Levesque